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n°17, septembre - décembre 2019
Éd i t o
L’objectif du projet NUTRA est d’étudier l’évolution simultanée entre formes de travail, organisation des entreprises et régulation des marchés dans les secteurs « disruptés » par l’économie collaborative. Les changements technologiques rendent possibles de nouvelles formes de travail et de nouveaux modèles d’affaires ; mais la viabilité de ces transformations est elle-même conditionnée par le droit et par les institutions régulant le travail et les marchés des secteurs affectés. Il s’agit d’étudier les effets de cette nouvelle économie sur l’emploi, les formes de travail et la protection sociale; d’examiner les dynamiques concurrentielles et de construire des typologies des modèles d’affaires des entreprises impliquées dans les secteurs sélectionnés. Le colloque permettra également d’évaluer les transformations de la réglementation du travail , de la sécurité sociale, des marchés et, en amont, d’analyser les modes de mobilisation et d’action collective des acteurs économiques et sociaux sur ces questions.
https://nutra2020.sciencesconf.org/
C o l l o q u e
N u t r a 2 0 1 9
La saison d’automne 2019 a connu son lot de manifestations
scientifiques. Pas moins de quatre colloques ou journées
d’étude de dimension internationale ont été organisés et
tenus à Bordeaux. Fin septembre, ont eu lieu les
« rencontres d’automne » de l’Association Française de
Droit du Travail consacrées cette année à la thématique du
travail agricole. Le COMPTRASEC en tant que tel et les
chercheurs qui le composent sont très liés à l’AFDT depuis
fort longtemps. Il était donc logique, sinon normal, que
Bordeaux reçoive et co-organise un jour l’une des
rencontres de l’Association. L’Aquitaine est avant tout un
territoire agricole. Le lieu était donc très bien choisi. On
relèvera que si ce colloque était a priori à forte dimension juridique, les autres sciences sociales – et notamment la
démographie bien représentée au Centre - y trouvèrent
toute leur place. L’assistance nombreuse, le croisement
des savoirs universitaires, des points de vue de
professionnels ou d’acteurs de la société civile, l’acuité des
questions abordées ont largement contribué à la réussite
de cette manifestation.
A la mi-octobre, c’est une journée d’étude dédiée au thème
« Vieillesse, handicap et territoires inclusifs » qui s’est
tenue sur le campus de Pessac à la Maison des Suds, en
collaboration avec le laboratoire PASSAGES. Cette
journée s’inscrit dans la mise en œuvre de programmes de
recherche croisés entre les deux laboratoires, consistant à
saisir des modalités de l’action sociale envers les
personnes âgées et les personnes handicapées dans leur
dimension locale, territoriale et innovante. Conçue comme
un moment d’échanges entre chercheurs et acteurs de
terrain, la journée a tenu ses promesses. Les concepts qui
sous-tendent l’action ont été passés au crible de la critique,
des expériences étrangères ont été rapportées, permettant
de comparer les approches et les pratiques. Point de
dogmatisme, donc, et au final, de nouvelles perspectives
pour la recherche.
Le 25 octobre 2019, soit cent ans jour pour jour après
l’adoption en France de la première grande loi sur les
maladies professionnelles, des participants de divers pays
et horizons professionnels se sont retrouvés au Pôle
Juridique et Judiciaire de la place Pey-Berland pour un
colloque international à l’initiative de deux chercheurs du
Centre. Célébrer ainsi l’anniversaire de cette loi emblématique
d’une certaine conception du risque et de la protection
sociale des travailleurs a indéniablement produit un effet
stimulant.
Ce fut l’occasion de ré-explorer la dimension historique de
cette construction juridique, de la projeter à l’échelle
internationale, de comparer pour finalement mieux appréhender
La Lettre
les questions d’aujourd’hui, voire se risquer à la prospective :
quelles nouvelles maladies prendre en compte? Quelles
nouvelles manières de penser la protection sociale au
XXIè siècle ?
Mi-novembre, un autre colloque international s’est tenu
au Pôle Juridique et Judiciaire, consacré aux politiques
publiques en matière d’égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes. Cette manifestation visait en
premier chef à présenter et discuter les résultats d’une
recherche menée au COMPTRASEC. Un sujet
totalement ancré dans le programme de notre
laboratoire dédié à la thématique de la citoyenneté
sociale : l’égalité dans l’espace de l’entreprise peut en effet être perçue comme une exigence républicaine et
sociale à laquelle la relation de travail ne saurait se
soustraire. Ce colloque, comme les autres manifestations
mentionnées, s’est aussi inscrit dans le droit fil de ce
que nous essayons de faire au COMPTRASEC, et qui
n’a rien d’évident: adopter un point de vue international
et tenter la démarche comparative, faire une place au
travail empirique et, par-delà la réflexion académique,
s’ouvrir au monde et à l’expérience des professionnels,
de l’administration, des entreprises et de leurs acteurs.
En parallèle à ces manifestations qui ont largement
mobilisé doctorants et étudiants de Master, c’est pas
moins de quatre thèses qui ont été soutenues à
l’automne, à mettre à l’actif du laboratoire. C’est en soi
une grande satisfaction collective, mais aussi un résultat
tangible qui a son importance puisque le laboratoire
entrera dans les mois qui viennent dans le processus
d’évaluation quinquennale.
La saison devait se terminer en beauté avec la première
conférence du cycle 2019-2020 du séminaire du
laboratoire. Pour l’occasion, notre collègue Robert
Lafore y présenta son dernier ouvrage sur « L’individuel
et le collectif », un véritable essai combinant réflexion
juridique, sociologique et philosophique sur un objet
central de ces disciplines : l’institution. Réflexion
puissante et stimulante ainsi qu’en attestent les
discussions qui s’en suivirent.
Que dire de plus sinon que la trêve d’hiver est la
bienvenue et que l’ensemble des chercheurs du Centre
remercie l’équipe des agents administratifs et d’appui à
la recherche pour leur implication sans faille dans les
différentes et nombreuses activités du laboratoire.
Philippe Martin
Directeur de recherche CNRS,HDR Directeur du Comptrasec
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Dans ce numéro
Édito 1
Portraits 2
Séminaires de
recherche 4
Actualités des recherches
6
Soutenances
9
Publications 10
Échanges internationaux
11
A vos Agenda :
Bordeaux
27- 28 Janvier
2019
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La Lettre
P A G E 2
Asunción Lopez-Arranz, PhD
Departamento de Derecho público Facultad de Ciencias del Trabajo Universidad de A Coruña Grupo de Investigación EDaSS
Séjour de recherche au Comptrasec
Cette nouvelle machinerie au service du travail a des implications
directes dans l’entreprise ainsi que dans l’emploi, affectant les
femmes de manière toute particulière. Concrètement, nous avons
analysé la situation espagnole et française puisque ces deux pays
sont membres de l’Union européenne.
Nous avons en premier lieu examiné la situation du marché du
travail technologique et des implications tant actuelles que
prévisibles de la numérisation. A été abordé le thème de la
déréglementation et de la délocalisation à l’heure où se
développe la prestation de services. Nous avons étudié les TIC
dans le monde du travail principalement en tant que causes de
chômage pour des collectifs vulnérables tels que les femmes
victimes de violence de genre. Nous nous sommes également
penchés sur la situation de vulnérabilité qui peut être occasionnée
par les nouvelles technologies lorsque celles-ci réduisent les
travailleurs, notamment les femmes, à la pauvreté.
Cette analyse a été conçue dans une perspective de comparaison
entre les ordres juridiques espagnol et français, via l’étude des
législations respectives de ces pays ainsi que par les cas de
jurisprudence et l’étude de la doctrine.
Le travail réalisé pendant mon séjour au COMPTRASEC s’est
centré tout spécialement sur l’analyse de la législation, de la
jurisprudence et de la doctrine française, ce qui a supposé de
recueillir le matériau nécessaire, de s’entretenir avec des
chercheurs spécialisés dans le périmètre de l’Université de
Bordeaux. Concernant les sources d’information, il faut relever la
grande qualité des bibliothèques de l’Université de Bordeaux qui
m’a ouvert un compte spécial pour l’accès online aux bases de
données telles que Dalloz.fr, Lamyline, université numérique
juridique francophone, doctrinal plus, cour de cassation etc.
En définitive, ces investigations ont permis de réaliser une
analyse de la situation des femmes dans le marché du travail
aujourd’hui fortement dominé par les technologies et le
numérique, sous un angle multifactoriel, en tenant compte des
difficultés des femmes pour accéder à ce marché, des inégalités
au travail et des violences de genre dont elles sont victimes.
Il s’agit au fond de montrer comment les paris technologiques des
entreprises ont ou non une influence sur les entraves et sur les
inégalités dans le travail, ainsi que sur les violences de genre
dont sont victimes les femmes, de manière à ce que leur mise en
lumière puisse aboutir à leur éradication.
Asunción Lopez-Arranz
Mon séjour de recherche au COMPTRASEC m’a permis de réaliser un travail valorisé dans une publication intitulée Violences de genre dans le nouveau marché du travail technologique”. La recherche se focalise sur les questions de droit du travail et de la sécurité sociale, et ce du point de vue du marché du travail ainsi que de l’innovation technologique, à la lumière des questions de genre et de durabilité (du système social) qui constituent mes thématiques de recherche. Ce qui a motivé cette étude, c’est la situation des femmes au travail et les difficultés qu’elles connaissent dans le marché de l’emploi en raison d’une multitude de facteurs tels que la maternité, l’accès à la formation, les questions financières, le travail à temps partiel, le salaire, etc. A ces éléments, il faut aujourd’hui ajouter celui de la fracture numérique du fait de l’existence d’inégalités dans l’accès aux nouvelles technologies, en particulier pour les femmes âgées. Un autre élément important pris en compte est le fait d’être victime de violences de genre, ce qui induit toute une série d’obstacles aggravant la situation de nombreuses femmes au travail. Si le monde technologique ne s’est pas montré bienveillant envers les femmes au travail, il a aussi généré l’usage de multiples formes de violence, notamment le cyber harcèlement.
Ainsi, les nouveaux outils de travail que sont les TIC s’érigent dans
certains cas en instruments de harcèlement en ligne, déployant une
violence cruelle contre les femmes dans leur milieu de travail alors
que leur visée est en principe d’être au service du travail et des
personnes. Dans ces cas, l’innovation technologique peut être
utilisée pour surveiller les mouvements et les activités des femmes
afin de les contrôler, ce qui obère leur droit à la liberté et à l’intimité.
De même, par le truchement de l’enregistrement numérique et de sa
distribution, la technologie peut déclencher des agressions envers
les femmes jusqu’à mettre leur vie en péril. Il a également été
observé que dans certains cas, de fausses annonces ou de faux
messages circulent sur le web, afin de piéger les femmes et les
attirer dans des situations où elles risquent d’être victime
d’agression sexuelle.
Toutes ces manœuvres exercées à travers les TIC se réalisent sous
le couvert de l’anonymat, de sorte que les victimes se sentent
encore plus vulnérables et les agresseurs protégés. La protection
des victimes de violences de genre par le biais des nouvelles
technologies doit se fonder sur l’idée que le caractère illicite de ces
actions porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne
comme le droit à la préservation de l’intimité de la vie privée et à la
protection des données personnelles, y compris la protection de
l’intégrité corporelle des femmes. Ces actions illicites portent aussi
atteinte à la législation du travail en ce qu’elles sont commises dans
la sphère professionnelle, sous la responsabilité de l’employeur
détenteur du pouvoir de direction et d’organisation dans l’entreprise.
Aujourd’hui, nous sommes confrontés au fait que l’innovation
technologique, qui inclut l’automatisation, a métamorphosé
l’organisation du travail. En même temps, les technologies ont
procuré de nouvelles possibilités en matière de flexibilité du travail,
de formation à distance et ont suscité la création de réseaux de
contacts, etc. La robotique, l’intelligence artificielle, l’apprentissage
par les machines ou apprentissage approfondi, l’informatique du
« cloud », le big data, l’impression 3D, les nanotechnologies et la
biotechnologie sont apparus dans notre société et dans le marché
du travail comme de nouveaux outils.
Publications récentes - « La formación profesional en el sector naval: especial referencia a el caso de la escuela de aprendices de “BAZAN”», Thomson Reuters Aranzadi, 2015, pp. 1- 156 - « Las políticas de públicas de austeridad: efectos del real decreto ley
16/2012, de 20 de abril en España», Thomson Reuters Aranzadi, 2016, pp.1-
148.
- « Connecting workers and business: strategy of the new companies»,
Journal of business and economics, volume: 8, nº 2, 2017, pp. 159-169.
- « The role corporate social responsibility has in the smart city project in
Spain» , in Handbook of research on entrepreneurial development and
innovation within smart cities, 2017, pp. 439-458.
- « La regresión de los derechos sociales de los trabajadores en españa:
hacia la pobreza laboral», HOLOS, volumen 33 (8), 2017, pp.352- 362.
- « Los desafíos del sector pesquero y su tratamiento por la OIT», Revista de
Relaciones Laborales Harremanak, nº 39, 2018, pp. 89-120
P A G E 3
La Lettre
Mes travaux de recherche proposent donc de comprendre dans quelle mesure la logique particulière du rapport salarial affecte la portée des droits fondamentaux des travailleurs lorsqu’ils pénètrent la sphère de l’emploi. En cela, les échanges continuellement captivants et riches en enseignements avec les professeurs et les autres doctorants du Comptrasec m’ont permis de confirmer l’intérêt de cette problématique de recherche au-delà des frontières canadiennes, soit en contexte français et plus largement dans l’espace européen. Le contact avec une culture universitaire et juridique différente à bien des égards de la mienne a également été favorable à la restructuration du plan de ma thèse. À cet égard, je m’en voudrais de ne pas remercier plus singulièrement la directrice de l’époque, Isabelle Daugareilh, de même que les chercheurs Philippe Martin (actuel directeur du Comptrasec) et Jérôme Porta, dont les conseils et le soutien ont été extrêmement précieux à l’élaboration de ce plan, que j’oserais maintenant qualifier d’hybride entre la logique française et celle québécoise. Par-delà les attraits indéniables de cette magnifique ville, c’est l’accueil chaleureux tant de la directrice du centre que des chercheurs doctoraux, en passant par le personnel administratif ainsi que les professeurs généreux de leur temps, qui font de cet endroit un milieu d’étude attrayant, lequel se distingue surtout par son dynamisme, sa convivialité et la vivacité intellectuelle remarquable qui y règne. Les liens professionnels et d’amitiés qui se sont noués au cours de cette aventure outre-Atlantique sont d’une valeur inestimable et pourront faire naître d’autres belles collaborations. Comme l’a déjà chanté un artiste français, peut-être qu’un jour « reviendrai-je des Amériques […] vers vous, la Dame de Bordeaux ». Étant entendu que cette dame désigne, faut-il le préciser, cette chère équipe du Comptrasec.
Sébastien Parent
Mes recherches doctorales portent sur l’impact de la relation de travail dans l’interprétation des droits et libertés de la personne. Cette étude juridique s’inscrit dans le cadre du Projet de partenariat du CRIMT sur l’expérimentation institutionnelle et l’amélioration du travail qui, par l’entremise de son Fonds de mobilité, a rendu possible la réalisation d’un séjour de recherche auprès du Comptrasec, du 12 avril au 10 juin 2019. Une immersion dans ce berceau des droits de l’homme que constitue la France s’avérait propice à l’affinement de ma problématique de recherche ainsi qu’à sa présentation dans une perspective plus englobante ; une ambition qui fut nourrie par la quantité d’ouvrages et de thèses qui est à disposition au centre de documentation de ce laboratoire de droit comparé du travail. Le déploiement des droits et libertés au travail peut fort bien se concrétiser par l’adoption d’une loi quasi constitutionnelle, de portée générale, garantissant le respect des droits de la personne dans les relations de nature privée, comme celle prévalant au Québec et au sein de chaque autre province canadienne. Leur reconnaissance dans l’entreprise peut tout autant être soutenue par une loi spécifique du travail, à l’instar des modifications apportées au Code du travail français. Celles-ci proviennent d’ailleurs des Lois Auroux de 1982 ainsi que du rapport Lyon-Caen ayant abouti à la réforme de 1992, dont j’ai eu l’occasion d’étudier les fondements au cours de mon séjour à Bordeaux. Il n’en demeure pas moins que la possibilité pour un salarié d’opposer à son employeur les droits fondamentaux qu’il détient en sa qualité d’être humain pose, partout, sensiblement les mêmes défis. D’une part, au moment de l’intronisation des droits et libertés dans la relation de travail, celle-ci était depuis longtemps gouvernée par des règles spécifiques bien ancrées en droit du travail. En cela, les grands traits de l’histoire de la construction du droit du travail français ne diffèrent guère considérablement du récit canadien. Or, les droits et libertés de la personne peuvent paraître exogènes ou antinomiques à certains de ces principes traditionnels du droit du travail. Subordination juridique du salarié, pouvoir de direction de l’employeur, intérêts de l’entreprise n’en sont que les exemples les plus évocateurs. D’autre part, à défaut de tirer profit d’une définition exhaustive du Constituant ou du législateur quant à la portée de chacun des droits fondamentaux et de leurs limites respectives, la tâche de les interpréter revient inévitablement au juge. Par une approche contextuelle, les décideurs saisis d’un litige en matière d’emploi peuvent dès lors exploiter le caractère imprécis et abstrait de la formulation des droits et libertés afin de les moduler aux impératifs du travail salarié. Pourtant, les droits fondamentaux ne sont-ils pas, par essence, inaliénables et à vocation universelle, en plus d’être hissés au sommet de la pyramide des normes juridiques ?
Publications récentes
- avec P. Fleury, « L’interdiction de signes religieux en entreprise : regards croisés autour de la protection du salarié en France et au Québec », Revue Relations industrielles / Industrials Relations, vol. 75, no 1, 2020, p. 9-28. - « L’arrêt Caron 2.0 : la protection du lien d’emploi de l’accidenté du travail par l’interprétation de la L.a.t.m.p. à la lumière de l’obligation d’accommodement raisonnable », Revue juridique Thémis de l’Université de Montréal, vol. 52, n° 2, 2018, pp. 241-288. - « L’intégration de l’obligation d’accommodement raisonnable au régime public de la LATMP : une contrainte excessive pour le compromis social ? », dans Service de la formation continue du Barreau du Québec, Développements récents en droit de la santé et sécurité au travail (2018), vol. 440, Éditions Yvon Blais, 2018, pp. 211-254. - « Quand l’obligation d’accommodement raisonnable vole au secours de la victime de harcèlement psychologique », Revue du Barreau, vol. 76, 2017, pp. 471-501.
Sébastien Parent
Doctorant en droit du travail et libertés publiques, Faculté de droit de l’ Université de Montréal Chercheur doctoral -Centre de Recherche Interuniversitaire sur la Mondialisation et le Travail (CRIMT) Chargé de cours en droit du travail– Polytechnique Montréal Avocat - membre du Barreau du Québec
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SÉANCES THÉMATIQUES Masahiko Iwamura Professeur émérite de l’université de Tokyo(Japon), Président de la Commission centrale des Relations de Travail
Les relations collectives de travail au Japon: Le syndicalisme, la convention collective, les pratiques déloyales de travail
Nous avons eu la grande chance d’accueillir, le 25 septembre 2019, Masahiko Iwamura, Professeur émérite de l’université de Tokyo (Japon) et président de la Commission Centrale des Relations de Travail, spécialisée dans la prise en charge et la résolution de conflits collectifs de travail. Après avoir exposé la situation des syndicats au Japon , présenté leurs activités ainsi que le droit des relations collectives de travail, Masahiko Iwamura a également abordé le système des « pratiques déloyales de travail » et le rôle dévolu à la Commission qu’il préside actuellement pour y remédier. En effet, la loi sur le syndicat ouvrier prohibe à l’employeur de commettre des « pratiques déloyales de travail », en accordant aux « Commissions (régionales et centrale) des Relations de Travail », un pouvoir d’intervenir à la fois par une décision administrative ordonnant le respect de cette prohibition et par une sanction en cas de violation de cet ordre. La loi recense 3 types de pratiques déloyales : 1) Le traitement défavorable ou discriminatoire envers le salarié en raison d’une adhésion à une organisation syndicale ainsi que sa participation à des activités syndicales. 2) Le refus de négociation collective. 3) Le contrôle ou l’intervention sur le fonctionnement et la gestion des organisations syndicales. Grâce à la présence de plusieurs membres du Comptrasec, dont Gilles Auzero, qui a contribué à enrichir le débat, en s’appuyant sur les remarques de notre collègue japonais, nous avons également pu échanger sous l’angle du droit comparé et ce, en analysant les différentes modalités et dispositions qui régissent les relations collectives de travail dans les deux pays. En effet, si le Japon et la France connaissent un faible taux de syndicalisation, les contextes et les conséquences de cette situation sont très différents. Au Japon, les syndicats sont très majoritairement organisés au niveau de l’entreprise, par les salariés réguliers bénéficiant d’un l’emploi stable. L’augmentation de la précarité chez les travailleurs depuis ces dernières décennies entraîne une érosion de ce modèle d’organisation en mettant le dysfonctionnement de ce système en évidence. Cette situation démontre la faiblesse du syndicalisme en entreprise face à la grande mutation du marché de travail. La convention collective s’appliquant seulement aux salariés membres du syndicat signataire au Japon, la portée réelle de la convention collective se réduit automatiquement avec cette baisse de taux de syndicalisation, contrairement au cas français. L’exemple du droit japonais montre à quel point la liberté syndicale et le droit d’organisation, qui sont théoriquement reconnus dans les droits de nombreux pays du monde, peuvent se réaliser et fonctionner de manières extrêmement diverses, en fonction des contextes juridique, socio-économique, industriel de chaque pays.
Eri KASAGI, Chargée de recherche au CNRS
Séminaire de recherche
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Robert Lafore Professeur de droit public à l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux, Chercheur au Comptrasec et responsable du master « Économie sociale solidaire et innovation sociale ».
L'individu contre le collectif Qu'arrive-t-il à nos institutions ?
Les critiques et la défiance à l’égard des institutions n’échappent pas à un étrange paradoxe : alors que l’individu désire jouir d’une autonomie croissante, hors des contraintes des institutions qui lui pèsent, il exige cependant leur constant soutien. Car même à penser ou à agir contre les structures institutionnelles, on vit en réalité tout contre elles, tant elles constituent la substance même de notre vie en société. Largement ignorée, cette question institutionnelle traverse aujourd’hui quantité de problèmes que nous sommes amenés à affronter : vie démocratique, gouvernance, affaissement des corps intermédiaires, transformation des services publics, du système de soins, de l’éducation et de la famille… Les tensions s’accumulent et sont de plus en plus vives, symptômes d’un écart grandissant entre les nécessités de la communauté et les attentes particulières de l’individu.
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La Lettre
Comment le juge peut-il se saisir d’une démonstration scientifique qui
comporte une part d’incertitude et qui met en cause des
intérêts humains, sociétaux et économiques considérables ?
Enfin, dans le cadre d’une conférence conclusive, l’exposition
aux pesticides a été mentionnée à travers le glissement qui
s’opère, entre un problème d’abord posé en termes de santé
au travail et qui, très rapidement, nécessite d’être pensé
comme un enjeu environnemental et de santé publique.
Les travailleurs agricoles ne sont pas les seules victimes et
les décideurs politiques doivent aussi prendre en compte la
sécurité des habitants et des consommateurs.
Isabelle Daugareilh, Directrice de recherches au CNRS,
HDR
Rencontres d’automne de l’AFDT: « Le travailleur agricole, un travailleur comme les autres? » Bordeaux, les 27 et 28 septembre 2019
Le travailleur agricole, figure peu étudiée
en droit social, est-il un travailleur comme
les autres ?
Pour répondre à cette question, trois
angles ont été retenus afin d’interroger les
rapprochements et les différences entre ce
dernier et les travailleurs de l’industrie et
du commerce.
Le premier est celui des migrations
internationales sans lesquelles l’économie
agricole ne fonctionnerait pas. D’autres
secteurs de l’économie ayant des difficultés de recrutement de
main-d’œuvre, notamment en raison des conditions de travail,
sont confrontés à une même dépendance à l’égard des
travailleurs migrants.
Ainsi, la première demi-journée fut consacrée aux migrants
travaillant dans le secteur agricole. Cette question a été
abordée tant du point de vue du droit international que du droit
comparé, mais elle a été également l’objet d’une contextualisation
grâce à une approche démographique.
Le statut des salariés du secteur agricole connaît aujourd’hui une profonde évolution, ce fut le deuxième angle d’approche. Il s’agissait de dresser un état des lieux de ces évolutions dans le droit du travail et le droit de la sécurité sociale. S’agissant du droit du travail, le statut du salarié agricole trouve ses sources tant dans le droit du travail que dans le code rural et de la pêche maritime. En outre, un ensemble de problématiques propres ont été abordées dans les conventions collectives. Que reste-t-il de ces singularités à l’heure où s’affirme un mouvement de rapprochement dudit statut vers le droit commun? Les droits des salariés en matière de sécurité sociale sont également en partie spécifiques. La protection sociale qui a été un des éléments de structuration du droit social et des relations professionnelles dans le secteur agricole connaît d’importantes évolutions le rapprochant du régime général. A la suite de ce premier état des lieux, une table ronde a retracé le processus de restructuration des branches professionnelles dans le secteur agricole. En dépit de ce mécanisme, le dialogue social demeure dans l’agriculture très décentralisé. Les bouleversements de la restructuration des branches aura immanquablement des effets importants sur les relations professionnelles ainsi que sur la structuration des acteurs, y compris au niveau régional. Le troisième angle a examiné la difficile question de la santé au
travail des travailleurs agricoles. Dans le débat public, la
question agricole est devenue indissociable de celle de l’impact
des pratiques agricoles sur la santé et l’environnement. Aussi, le
contentieux qui s’est développé en France en matière
d’exposition des travailleurs agricoles aux pesticides a été
évoqué.
Il s’agissait de s’interroger sur les conditions d’émergence de ce
contentieux et sur la preuve du lien entre exposition et
pathologie.
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Deux tables-rondes étaient au programme de la seconde partie de l’après-midi, réunissant des élus départementaux en charge des questions de vieillesse et de handicap, des responsables des services départementaux de la solidarité, de l’Agence Régionale de Santé, ainsi que des représentants de milieux associatifs impliqués dans ces domaines. Les débats furent animés par deux discutantes « expertes » : Manon Labarchède (PAVE/CED, Université d Bordeaux) et Marie-Aline Bloch (EHESP Rennes). La première table ronde fut consacrée à la présentation et la discussion du projet de « Village Landais Alzheimer », initié par le Conseil Départemental des Landes et impliquant divers partenaires, notamment associatifs : une autre manière de concevoir l’accompagnement des personnes âgées dites dépendantes, dans un cadre institutionnel ouvert, sans « blouses blanches » et mettant en œuvre des méthodes alternatives. Ont notamment été évoqués les sources d’inspiration et modèles théoriques à la base de cette initiative, les questions de gouvernance et de financement, la place et le rôle des bénévoles via les associations impliquées, le choix des publics éligibles à ce type d’expérience relativement inédite. La seconde table-ronde, orientée sur les questions de handicap, fut l’occasion d’échanger autour du programme national « Territoires 100% inclusifs » et sa déclinaison dans le département de la Gironde qui est l’un des 13 territoires pilotes. Les participants ont insisté sur l’approche en quelque sorte inversée qui caractérise ce programme : il s’agit de donner la parole aux usagers, de leur redonner du pouvoir d’agir. Par contre, l’inclusion ne s’entend pas ici comme supposant une désinstitutionalisation massive. Ce qui se cherche et se construit, c’est une « communauté-territoire » reliant des espaces, des gens et des institutions. Robert Lafore, juriste (COMPTRASEC, Université de Bordeaux) s’était vu confier la tâche de livrer une synthèse de la journée. S’appuyant sur les différents propos échangés, il proposa une vaste et passionnante réflexion sur les enjeux mais aussi les limites d’un renouvellement des cadres de pensée de l’action sociale lorsqu’il s’agit d’appréhender la vieillesse ou le handicap. On voit que les différents acteurs perçoivent les enjeux – éviter la stigmatisation, individualiser l’accompagnement, impliquer toute la société – mais les structures et cadres d’action peinent à se départir de l’idée de prise en charge de publics nécessitant une aide. Philippe Martin, Directeur de recherche CNRS, HDR, Directeur du Comptrasec
Vieillesse, handicap et territoires inclusifs : enjeux et innovations dans les politiques de soutien à l’autonomie Pessac, le 18 octobre 2019
Cette manifestation est le fruit d’une collaboration entre le COMPTRASEC et le laboratoire PASSAGES (UMR CNRS/Université Bordeaux Montaigne). Pour le COMPTRASEC, elle s’est inscrite dans le cadre d’un projet mené depuis plusieurs années, cofinancé par la Région Nouvelle Aquitaine, consistant à explorer les politiques locales en direction des personnes en perte d’autonomie. La mise en œuvre de ce projet a conduit au fil du temps à tisser des liens de partenariat avec des chercheurs
d’autres horizons disciplinaires, et tout spécialement avec une équipe du laboratoire PASSAGES démarrant un projet autour des approches innovantes dans l’accompagnement des personnes âgées dépendantes, soutenu par la MSHA. L’idée qui a présidé à cette journée était d’établir un échange entre universitaires et acteurs de terrain aussi bien sur les concepts qui entendent renouveler aujourd’hui le cadre cognitif de l’action sociale (l’inclusion, le territoire, l’empowerment,…) que sur les pratiques qui émergent localement. Bernard Ennuyer, sociologue (Université Paris Descartes), ouvrit la journée par une communication invitant à prendre toute la mesure du vocabulaire usité dans le cadre des politiques de la vieillesse et du handicap. Le recours, en France, au terme et à la notion de dépendance dénote d’un certain regard social sur la personne âgée. B. Ennuyer évoque à cet égard la « phobie démographique française » et le discours anxiogène des politiques vis-à-vis de la vieillesse. « La dépendance, c’est la condition humaine », rappelle-t-il. Il s’agit dès lors de changer les représentations. Selon lui, le champ du handicap est distinct, notamment du fait du rôle des acteurs. La notion de société inclusive est d’ailleurs est née ou, en tout cas, a prospéré dans ce champ. Au final, le sociologue dit préférer la référence aux capabilités plutôt qu’à la notion de société inclusive. A la suite de cette invitation à la vigilance sémantique, deux chercheurs britanniques en sciences sociales devaient livrer les résultats d’observations de terrain sur la manière d’appréhender la personne âgée la personne souffrant de troubles de type Alzheimer. Sarah Campbell (Université de Manchester) et Andrew Clark (Université de Salford) ont mené une recherche empirique sur des populations de personnes âgées rencontrées dans leur environnement géographique immédiat : le quartier. Leurs travaux cherchent à mettre en évidence les effets du cadre de vie et notamment du voisinage sur la qualité de vie des personnes âgées souffrant de la maladie d’Alzheimer, leur capacité à demeurer actifs et à être reconnus par les habitants. S’agissant de recherche-action, l’étude a débouché sur la création de supports visant à sensibiliser les citoyens, les commerces, les services publics à cette approche. Joël Zafran, sociologue (CED, Université de Bordeaux) ouvrit la séance d’après-midi par une conférence traitant de la question de l’accessibilité et des chemins tortueux qu’elle peut prendre pour la personne handicapée. Selon lui, la grande loi « handicap » de 2005 a rabattu l’approche sur la question de l’accès (aux lieux et établissements), mais la participation sociale n’est pas réductible à cela. L’accessibilité suppose la liberté de choix, ce qui implique la mise à disposition de supports individuels pour une « inclusion juste ».
Actualités des recherches
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Centenaire de la loi sur les maladies professionnelles.
Evolution du droit français à la lumière des droits étrangers
Bordeaux, le 25 octobre 2019
En cette année du centenaire de la loi du 25 octobre 1919 sur les maladies professionnelles, l’objectif de la manifestation organisée par le Comptrasec, était de retracer le chemin parcouru en matière de reconnaissance et d'indemnisation des maladies professionnelles jusqu’à aujourd’hui. Il s’agissait aussi d’analyser les problématiques qui demeurent encore, dans une perspective de droit comparé. La journée organisée le 25 octobre 2019,
a réuni plus de 120 participants. Ces derniers étaient issus de sphères diverses puisqu’il d’agissait aussi bien de chercheurs, juristes et non juristes, de membres du Comité Aquitain d’Histoire de la Sécurité sociale, de représentants du monde syndical, de membres d’organismes sociaux, que d’acteurs de la santé et de la sécurité au travail, venus de la région Nouvelle-Aquitaine mais aussi de toute la France. Son organisation a été le fruit de l’association entre l’Institut du travail de l’Université de Bordeaux et du Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale (COMPTRASEC UMR 5114, CNRS-Université de Bordeaux). Le colloque était par ailleurs soutenu par la CARSAT Aquitaine, la DIRECCTE Nouvelle-Aquitaine et l’Association nationale pour l’Étude de l’Histoire de la Sécurité Sociale. La première session fut consacrée à la présentation des normes de l’OIT et à la législation française, la deuxième à des interventions sur des droits étrangers (Allemagne, Belgique, Espagne, Royaume-Uni, Canada, Japon), et la troisième a donné lieu à deux tables rondes thématiques (l’une sur les maladies professionnelles et les pathologies nouvelles, l’autre sur la prévention et la responsabilisation des acteurs). On retiendra parmi les différentes problématiques abordées durant cette journée : L’analyse des différentes conceptions juridiques nationales et internationales des maladies professionnelles ; La comparaison des différents systèmes pour mieux
comprendre notre système national ; L’analyse de la manière dont le droit parvient à saisir
une même réalité dans des contextes socioculturels différents ;
La confrontation de l’approche juridique et de l’approche
pratique des maladies professionnelles ; La compréhension de l’évolution des maladies
professionnelles et comment prendre en compte aujourd’hui les pathologies psychiques.
Les déficits de l’indemnisation des risques professionnels et
les difficultés de prise en charge auxquelles les victimes peuvent être confrontées.
La Lettre
L’apport de ce colloque fut de mener un travail d’analyse et de mise en perspective (historique, juridique, sociologique, épidémiologique même) des maladies professionnelles à la lumière des droits étrangers. La comparaison en droit répond à un besoin d’élargissement des points de vue et permet de confronter notre propre système à d’autres droits en réponse à une problématique commune qui se matérialise ici en la prise en charge des maladies professionnelles. La comparaison de la législation française aux législations étrangères fut en effet riche d’enseignements. Elle a mis en évidence que les systèmes juridiques nationaux présentés ne proposent pas les mêmes ressources normatives car, si tous ont bien intégré le concept de maladie professionnelle, la définition juridique qu’ils en donnent n’est pas uniforme, les risques qu’ils y intègrent varient et les conséquences juridiques qu’ils lui font produire diffèrent. Ces différences s’observent dans les pays qui figuraient au programme (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Royaume-Uni, Canada, Japon), alors même qu’ils ont ratifié les mêmes normes internationales, particulièrement les Conventions produites par l’Organisation Internationale du Travail (OIT), également représentée. Au-delà de l’intérêt de situer les systèmes juridiques les uns par rapport aux autres et de nourrir l’analyse critique des normes, ce colloque a contribué à saisir les limites de l’arsenal juridique international pourtant substantiel face à la vigueur des cultures et des représentations nationales. Il a aussi permis d’observer comment, dans des environnements socioculturels particuliers et avec des traditions juridiques différentes, le droit parvient à se saisir d’une même réalité identifiée par tous. Les nombreux échanges avec la salle ont permis de faire le lien entre le droit et la façon dont il est traduit auprès des acteurs. La présence de nombreux étudiants a également concouru à les sensibiliser aux problématiques liées aux maladies professionnelles, sujet encore peu discuté aujourd’hui et dont le colloque a montré combien il était important de s’y pencher à nouveau à l’heure actuelle. Afin de préserver les échanges et les différentes présentations, un numéro spécial de la revue Droit Social, sera consacré à cette thématique. Il reprendra les contributions issues du colloque sous forme d’article à l’échéance de la rentrée universitaire 2020. Maryse Badel, Professeur et Loïc Lerouge, Directeur de recherche CNRS
La Lettre
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L’exposé du cont rôle de l ’adminis t rat ion a permis d’appréhender les fondements de celui-ci et les contraintes de sa mise en œuvre. Le défi de l’égalité professionnelle nécessite que la collectivité de travail bénéficie également d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes. C’est pourquoi, le législateur a souhaité que le Conseil Social et Economique rassemble un nombre de femmes et d’hommes fixé selon un principe de proportionnalité et une règle d’alternance. Cependant, l’application de ces différentes règles a posé quelques difficultés en raison du faible nombre de candidats et de la disparité du nombre de candidats de chaque sexe. Les témoignages de différents acteurs ont clôturé ces deux journées en mettant en avant leur expérience de la négociation collective. Ils ont montré que les méconnaissances du dispositif juridique constituaient un véritable frein à son développement et mis en évidence les difficultés qu’il y avait à construire des accords fondés sur des indicateurs chiffrés communs et acceptés.
Guillaume Santoro, Chargé de recherche CNRS,
Colloque international EPAQ ( Egalité
Professionnelle, Nouvelle-Aquitaine)
Les politiques publiques en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes : quelles
évolutions?
Les inégalités entre les femmes et les hommes demeurent très enracinées au sein des entreprises, or, les politiques managériales conduisent encore trop souvent à un traitement différencié des deux sexes dans l’accès à l’emploi, la fixation des rémunérations ou le déroulement de carrière. Plusieurs textes ont été adoptés au niveau européen dans l’objectif de favoriser et faciliter l’application du principe d’égalité
entre les femmes et les hommes au sein des entreprises. En France, le législateur a choisi de promouvoir la négociation collective relative à l’égalité professionnelle. Cependant , l’absence de résultats significatifs l’a conduit à intervenir à plusieurs reprises pour faire évoluer le dispositif juridique afin de le rendre plus contraignant. Ce colloque a été l’occasion de confronter les résultats de recherches différentes sur la négociation collective relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes réalisées au niveau national et régional tout en prenant en considération la situation à l’échelle européenne. Nous avons souhaité nous interroger sur les questions associées au déploiement des politiques publiques visant à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes. Comment est prise en compte la question de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes par les différents acteurs de l’entreprise ? Quels sont les dispositifs juridiques mis en place pour sensibiliser et intervenir dans la réduction des inégalités ? Quel est l’espace laissé aux partenaires sociaux pour mener des négociations collectives ? Le choix a été fait de consacrer la première matinée à une approche c roisée des pol i t iques publ iques d’éga l i té professionnelle en Europe. Il a été a montré que les droits de l’Union européenne et des différents États (Belgique, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Japon), font la promotion de l’égalité professionnelle et particulièrement de l’égalité salariale en organisant un suivi chiffré de celle-ci. L’élaboration des politiques publiques et leur application dans les entreprises implique de les confronter aux principes d’égalité, de diversité, de non-discrimination et de mixité. La prédominance des disparités salariales au sein des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes a conduit le législateur français à instituer une obligation de résultat consistant à publier un index d’égalité salariale. L’intérêt de l’évaluation des inégalités par cet outil et les différents indicateurs a été démontré, cependant, ils ne doivent pas se limiter à fixer une politique du chiffre mais orienter également le contenu des actions à prescrire. La deuxième journée a été consacrée à la négociation collective sur l’égalité professionnelle. L’exposé du résultat des recherches réalisées sur la négociation d’accords a montré l’impact du renforcement du dispositif juridique sur le nombre d’accords signés. Mais, l’analyse de leur contenu met en évidence les limites et les nouveaux défis à relever.
Charline Robineau Thèse soutenue à Bordeaux le 8 novembre 2019 « Drogues illicites et activité salariée »
On observe au plan national comme international une augmentation de la consommation de certains produits, singulièrement de drogues illicites, voire d’une poly consommation (alcool, médicament, cannabis,…). Du fait de cette tendance générale, mais aussi en raison des évolutions propres au travail, les lieux d’activité professionnelle sont aujourd’hui de plus en plus confrontés à la question. En effet, des risques peuvent être encourus au travail par le consommateur, ses collègues ou des tiers. Alors même que les obligations patronales concernant la santé et la sécurité des travailleurs sont aujourd’hui substantielles, l’employeur est tenu dans sa gestion de la question au respect des libertés et droits fondamentaux de la personne salariée. En évitant toute approche généralisante, dénonciatrice du salarié-consommateur nécessairement pourvoyeur de risques pour l’entreprise, il convient, dans une démarche constructive, de ne pas nier un phénomène porteur de mises en cause potentielles de la santé ou de la sécurité de travailleurs, de difficultés de gestion et de responsabilités de l’entreprise. Quelles réponses juridiques sont disponibles, pertinentes, imaginables, dans une perspective à la fois de sécurisation juridique des entreprises mais aussi de respect des libertés et droits fondamentaux des personnes, de prévention des risques professionnels et de prise en charge du salarié consommateur? L’approche juridique entend ici prendre en compte les réalités du terrain, les acquis et questionnements d’autres disciplines ainsi qu’un éclairage de droit comparé.
Hélène Payence Thèse soutenue à Bordeaux le 3 décembre 2019 « Le statut social du chef d’entreprise »
Le statut peut s’entendre de la construction par laquelle une intégration des sujets se réalise en un ensemble qui ne se réduit pas à la somme de leurs volontés individuelles. Le statut opère une réduction de la diversité pour produire une loi commune. Le statut social correspond alors à un ensemble cohérent de règles de droit du travail et de protection sociale applicable à une catégorie de personnes. Le chef d’entreprise se définit, quant à lui, comme la personne physique qui se situe à la tête de la direction d’une entreprise, indépendamment d'éventuelles constructions juridiques ou techniques d'organisation de celle-ci. Quid alors du statut social du chef d’entreprise ? Le constat est celui de l'existence d'un statut social inachevé où il apparaît nécessaire de renforcer ce qui constitue le socle des droits sociaux applicable à l’ensemble des chefs d’entreprise en écartant de cette sphère la liberté contractuelle. Intégrer notamment la couverture des risques professionnels dans ce socle permettrait d’assurer une protection à tous ceux qui, sans ce mécanisme de solidarité, n’ont pas les moyens de se prémunir alors même que leur exposition aux risques est indéniable. Si nous sommes favorables à un renforcement de ce socle social commun, nous considérons qu'il n'est ni possible ni souhaitable de penser l'unité du statut au delà de ce socle car l’expression «chef d’entreprise» au singulier cache une réalité plurielle.
Elsa Tapsoba Thèse soutenue à Bordeaux, le 6 décembre 2019 « Potentialités et voies d'interaction positives entre intégration économique et réception des normes internationales du travail dans l'espace UEMOA ».
L’intégration des États est une question d’actualité dont les contours et
soutenances contenus sont ignorés des peuples africains et insuffisamment appréhendés par les juristes. Les États Africains ont créé au sortir des indépendances des organisations d’intégration à but essentiellement économique. Toutefois si l’intégration économique est avant tout prônée, la dimension sociale n’est pas totalement absente. Ainsi, on constate au sein de ces organisations et surtout au sein de l’UEMOA, une potentielle évolution de la conception de l’intégration. La présente thèse identifie deux situations d’une potentielle influence de l’intégration économique sur la réception des normes internationales du travail et réciproquement. D’une part l’intégration économique a un effet limité sur la réception des normes internationales du travail au sein des États membres de l’UEMOA. La question des normes internationales du travail est largement marginalisée même s’il est indéniable que l’union constitue une opportunité pour une meilleure réception. D’autre part, les normes internationales du travail si elles sont bien reçues, peuvent améliorer l’intégration économique. Les organisations restent certes dépendantes de leurs objectifs initiaux, mais certaines normes internationales du travail peuvent accompagner l’intégration économique.
Joseph Dakoury Thèse soutenue à Bordeaux, le 20 décembre 2019 « La protection de l’emploi en Côte d’Ivoire »
S’interroger sur la protection de l’emploi en Côte d’Ivoire renvoie, du point de vue juridique, à l’analyse des mécanismes garantissant l’emploi ou permettant d’éviter ou de limiter, au moins pour un temps, la rupture de la relation d’emploi, y compris en assurant le bénéfice d’une protection sociale en cas de réalisation de certains risques sociaux. Il s’agit donc de saisir l’état et les variations d’intensité du droit de l’emploi des travailleurs relevant tant du droit de la Fonction publique que du droit du travail salarié, en tentant de mettre en exergue les tendances et enjeux contemporains. L’emploi public est organisé par le Statut général de la Fonction publique et les statuts autonomes. La titularisation dans le grade donne droit à une carrière jusqu’à la retraite. Ainsi, les agents publics titulaires peuvent s’engager au service de l’État en toute sécurité. Par contre, les non titulaires jouissent d’une sécurité relative. Quant à l’emploi privé, il est organisé par le droit du travail encadrant la conclusion, le déroulement et les hypothèses de fin des relations de travail subordonné, à durée déterminée ou indéterminée. Les clés de voûte de la protection de l’emploi sont incontestablement, dans la Fonction publique, la titularisation dans le grade, et dans l’emploi privé ou contractualisé, l’obligation de justification de la rupture. Ceci vaut pour l’emploi public et l’emploi privé « formalisé ». Toutefois, en Côte d’Ivoire comme dans tous les pays d’Afrique de l’Ouest, l’immense majorité des personnes employées le sont de façon « informelle ». Cet « emploi informel » ou cet « emploi sans droit » témoigne de l’état d’ineffectivité du droit du travail. Son développement est lié historiquement aux plans d’ajustements structurels, à la libéralisation économique et aux crises socio-politiques. Il est synonyme d’entretien de la vulnérabilité et de la précarité. La transition d’une économique majoritairement informelle à une économie majoritairement formelle est un enjeu central pour voir progresser la protection de l’emploi et se développer la Côte d’Ivoire. Pour ce faire, le recours au concept de « travail décent », proposé par l’OIT, paraît d’un apport limité. Il semble en revanche pertinent de réfléchir à l’élaboration d’un droit du travail plus adapté aux réalités socio-culturelles et économiques de la Côte d’Ivoire, de ce fait plus effectif, et sans doute plus efficace pour l’attraction de « l’emploi sans droit » dans le champ du droit de l’emploi.
Jury : Gilles Auzero (Directeur de thèse), Lise Casaux Labrunee, Jean-Christophe Pagnucco, Maryse Badel , Sylvia Le Fisher
Jury : Philippe Auvergnon (Directeur de thèse), Gilles Auzero, Renaud Crespin, Morane Keim-Bagot, Antoine Lyon-Caen, Gilles Trudeau
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La Lettre
Jury : Philippe Auvergnon (Directeur de thèse),Jean Pierre Laborde, Jean Michel Servais, Mr Paul Kiemdé, Mme Corinne Vargha, Jérome Porta
Jury : Philippe Auvergon ( Directeur de thèse), Nanga Silue, Lucas Bento de Carvalho, Bénédicte Lavaud-Legendre, Augustin Emane
Publiée depuis 1981 et éditée par le Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale (COMPTRASEC) de l’Université de Bordeaux (UMR CNRS 5114), la Revue de Droit Comparé du Travail et de la Sécurité Sociale est une publication juridique principalement axée sur le domaine des sciences juridiques appliquées au travail et aux risques sociaux.
Elle vise à promouvoir le développement et la diffusion d’analyses et d’échanges concernant le droit du travail et de la sécurité sociale, les systèmes de relations professionnelles à travers le monde, ainsi que les politiques publiques relatives à l’emploi et aux risques sociaux. Membre de l’International Association of Labour Law Journals (IALLJ) et du Réseau européen Droit et Société, elle s’appuie sur un réseau international de plus de 90 correspondants répartis dans toutes les régions du monde. Ce second semestre 2019 est marqué par la publication de deux nouveaux numéros. Riche de 237 pages, le n°2019-3 comprend 10 études thématiques portant sur « Les migrations internationales de travail », élaborées sous la coordination d’Isabelle Daugareilh et de Jean-Michel Servais, ainsi que 20 articles d’« Actualités juridiques internationales » qui recensent quelques-unes des évolutions normatives les plus significatives survenues, au cours des six derniers mois, dans les Afriques, les Amériques, l’Asie-Océanie et l’Europe. Exclusivement disponible sous format électronique et en langue anglaise, l’English Electronic Edition de la Revue restituera la sélection effectuée par le Comité Editorial de la Revue des meilleurs articles publiés dans les trois numéros papiers en français parus en 2019. Ainsi, 4 « Studies », 8 chroniques « Thematic Chapter on International Migration Work », 4 articles « Comparative Labour Case Law on Uberization of the Work », 1 « International Labour Case Law » et 12 « International Legal News » n°2019-4 composeront ce n°2019-4 qui clôture l’année.
Marie-Cécile Clément, Rédactrice en chef de la Revue de
Droit comparé du Travail et de la Sécurité sociale
La Lettre
PUBLICATIONS
Droit du travail
Auteur: Gilles Auzero, Dirk Baugard et Emmanuel Dockès Editeur : Dalloz, Paris ( 33ème édition) 1894 pages
La représentation du personnel à l’épreuve de la santé au travail : Bilan pour les CSHCT et perspective pour les CSE
Auteur : Johann Petit, Bernard Dugué, Loïc Lerouge (dir.) Editeur: L'Harmattan 280 pages
Droit de la sécurité sociale Auteur: Robert Lafore et Michel Borgetto Editeur: Dalloz ( 19 ème édition) 1366 pages
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La Lettre
Échanges internationaux
Séjours de recherche au Comptrasec, septembre – décembre 2019
Hitomi Nagano, chercheure, Université de Sophia, Japon, du 1er avril 2019 au 31 mars 2020.
Miu Shibuta, doctorante à l’Université de Kyushu (Japon), du 4 septembre 2018 au 15 décembre
2019
Aude Guillot, étudiante en Master à l'Université de Neuchâtel, Suisse, du 7 au 11 octobre 2019.
Hazal Tolu, assistante de recherche et doctorante à l’Université de Galatasaray (Turqiue), du 3
décembre 2019 au 31 janvier 2020.
Abdelhakim Bouzzeboudja, enseignant-chercheur à l’Université d'Oran (Algérie), du 10 au 19 décembre
2019.
Réunion de l ’ International law association La branche française de l'International Law Association organisait le 10 septembre à Paris, une réunion sur le projet de traité contraignant à l'égard des entreprises transnationales en cours de négociation au sein du groupe de travail mis en place sous l'égide du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU. Étaient présents un certain nombre d'universitaires (M. Emmanuel Decaux, Mme. Kessedjian, Mme. Grosbon, Mme. Martin-Chenut, M. Carreau, Mme. Dubin, Mme. Schmitt...), d'avocats et de représentants de la "société civile". Après avoir publié un premier projet de traité en juillet 2018, le groupe de travail en a remis un nouveau, remanié, exactement un an après. Dans l'ensemble, les intervenants étaient d'accord pour dire que la nouvelle version est plus claire que la première. Des notions inconnues du droit international ont été gommées et l'architecture du traité revue pour plus de lisibilité. Sur le fond, des améliorations peuvent sans doute être relevées tel que le champ d'application du texte qui ne vise plus uniquement les entreprises dites transnationales et mentionne désormais les petites et moyennes entreprises tout en prenant en compte leur pouvoir dans la chaîne d'approvisionnement. Mais les faiblesses sont encore bien nombreuses. La première d'entre elles, qui semble être majeure tant les intervenants en convenaient à l'unanimité, est l'adoption d'obligations uniquement à la charge des Etats et non des entreprises elles-mêmes, qui bénéficient pourtant, en vertu de traités d'investissement, de droits directement invocables devant une autorité, fût-elle arbitrale. Les critiques les plus dures y voient ainsi un simple texte à la convenance des Etats. Ce sentiment est d'ailleurs renforcé par la référence, à plusieurs reprises, aux droits nationaux dans la mise en œuvre des obligations. Enfin, des désaccords se sont exprimés quant à savoir si les nouvelles règles relatives au juge compétent ou à la loi applicable sont plus pertinentes que lors de la première version. La prochaine session du groupe de travail aura lieu au début du mois d'octobre 2019.
Baptiste Delmas, Doctorant au Comptrasec
Directeur de la publication : Philippe Martin Rédactrice en chef : Sabrina Benaoudia
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Téléphone : 05 56 84 85 42 Télécopie : 05 56 84 85 12
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