harvard law school - institut de droit comparé
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UNIVERSITÉ PARIS II - PANTHÉON-ASSAS INSTITUT DE DROIT COMPARÉ
HARVARD LAW SCHOOL
*****
Master 2 Recherche de Droit Européen Comparé Promotion 2017-2018
Dirigée par le Professeur Louis VOGEL
Céline DOGAN
Sous la direction de M. le Professeur Stephan VOGENAUER
Attractivité et droit des contrats en Europe et aux États-Unis
!
- ! -2
Remerciements
J’adresse mes sincères remerciements à M. le professeur Stephan VOGENAUER pour
avoir accepté de diriger ce mémoire de recherche, dont la qualité de ses enseignements
m’ont assurément orienté vers le droit comparé des contrats.
Je remercie également mes parents pour m’avoir soutenu et encouragé durant toutes ces
années, ainsi que mon petit frère Kévin, précieux soutien lors l’élaboration de la
bibliographie.
Il y a la famille que l’on a à la naissance, et celle qu’on se choisit au fur et à mesure de la
vie, c’est ainsi à mes amis que j’adresse mes derniers remerciements.
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Résumé :
L’idée de concurrence normative largement débattue dans de nombreux pans du droit aux États-Unis, n’est pas étrangère à l’Union européenne, mais la dialectique entre harmonisation du droit et autonomie des États membres réduit la portée de cette concurrence pensée uniquement en termes économiques. Pourtant la récente réforme française du droit des contrats intervenue en 2016 affichait clairement l’objectif de rendre le droit français plus attractif. Le Brexit intervenant également au même moment à posé avec acuité l’idée que la France se battait pour l’attractivité de son droit. L’objectif de ce mémoire de recherche est ainsi d’examiner si les États américains et européens se placent dans une perspective de concurrence en matière de droit des contrats. Car si le contrat constitue le terrain de jeu des parties, la loi applicable à celui-ci fixe alors les règles du jeu, auxquelles les cocontractants devront se plier et dont l’arbitre sera le juge. Toute la subtilité pour les parties à un contrat transfrontalier ou interétatique, réside ainsi dans la détermination des règles adéquates à leur jeu.
Abstract :
The idea of normative competition, which has been widely debated in many parts of the US law, is not foreign to the European Union, but the dialectic between the harmonization of the law and the autonomy of the Member States reduces the scope of this purely thought competition in economic terms. However, the recent French contract law reform in 2016 clearly showed the objective of making French law more attractive. The Brexit also intervening at the same time posed with acuteness the idea that France was fighting for the attractiveness of its law. The purpose of this research paper is thus to examine whether the American and European States place themselves in a competition perspective in the field of contract law. Because if the contract is the playing field of the parties, the law applicable to it then sets the rules of the game, to which the contracting parties will have to comply and whose arbitrator will be the judge. All the subtlety for the parties to a cross-border or inter-state contract lies in determining the appropriate rules for their game.
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Liste des principales abréviations
Art Article
B to B Business to Business
B to C Business to Consumer
CE Communauté Européenne
CICAP Cour Internationale de la Cour d’Appel de Paris
CJUE Cour de Justice de l’Union Européenne
CPC Code de procédure civile
CVIM Convention de vente internationale de marchandises
FAA Federal Arbitration Act
HCJPP Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris
I Issue
ICC Chambre de commerce internationale
OPI Ordre public international
Rev Revue
TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne
UCC Uniform Commercial Code
UE Union Européenne
USA États-Unis
Vol Volume
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SOMMAIRE Remerciements 3 _________________________________________________
Introduction 10 __________________________________________________
PARTIE I : ATTRACTIVITÉ ET CONCURRENCE NORMATIVE EN DROIT DES CONTRATS 20 ________
Chapitre 1 : La contractualisation d’un choix de loi 21 _________________________
Section 1 - Le choix des parties 21 ___________________________________
I - La permission textuelle du choix de loi 21_______________________________A) L’assoupissement des règles de conflit de lois aux États-Unis 21 __________________________
1) Le First Restatement of Conflict of Laws et la négation de l’autonomie des parties 21 __2) L’érosion de la lex contractus situs 23 _________________________________________3) La nécessité des clauses d’electio juris sous le Second Restatement of Conflict of Laws 24
B) La transformation de la Convention de Rome de 1980 en un instrument communautaire 25 ____
II - Le respect par le juge du choix de loi 26_______________________________
A) La mise en œuvre de l’electio juris par les tribunaux 27 ________________________________B) La mise en œuvre de l’electio juris à l’aide des lois étatiques 28 __________________________
Section 2 - L’offre de lois 29 _______________________________________
A) La concurrence normative horizontale 30 ____________________________________________B) Concurrence normative verticale 31 ________________________________________________
Chapitre 2 : Le concept d’un droit des contrats attractif 34 ______________________
Section 1 - Les qualités intrinsèques au droit des contrats 35 ______________
I - La prévisibilité juridique 35_________________________________________A) Le respect des clauses arbitrales 35 ________________________________________________B) L’interprétation par le juge 37 _____________________________________________________
II - La flexibilité 39_________________________________________________A) La théorie de l’imprévision 39 ____________________________________________________B) L’efficience du précédent 42 ______________________________________________________
III - Des règles impératives amoindries 43_________________________________A) La sanction des clauses abusives 44 _________________________________________________B) La bonne foi 47 ________________________________________________________________
Section 2 - Les qualités extrinsèques au droit des contrats 50 ______________
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I - La neutralité 50_________________________________________________
II - La familiarité 51_________________________________________________
III - Le caractère international 53_______________________________________A) Le facteur linguistique 53 ________________________________________________________B) L’enseignement international et comparatiste 55 _______________________________________C) Le « Network effect » 56 _________________________________________________________
PARTIE II : IMPLICATIONS ET PERSPECTIVE DU LAW-SHOPPING EN DROIT DES CONTRATS 58 ____
Chapitre 1 : Les mécanismes de régulation du law shopping en matière contractuelle 59 ___
Section 1 - Évaluation des risques inhérent au marché du droit des contrats 60
I - Les caractéristiques du marché pour le droit des contrats 60________________
A) Des produits juridiques hétérogènes 60 _____________________________________________B) Des divergences normatives 61 ____________________________________________________
II - Transposition de la théorie du « vote par les pieds » 61___________________
III - L’exception de lien raisonnable aux États-Unis 62________________________
Section 2 - L’electio juris mise en échec par l’intervention du juge 64 _______
I - La protection par les lois de police 64_________________________________
A) L’intervention des lois de police 64 ________________________________________________B) L’application casuistique des lois de police 66 ________________________________________
II - Le mécanisme correctif de l’exception d’ordre public 68____________________
A) Fonctionnement de l’exception d’ordre public 68 _____________________________________B) L'application incertaine de l’exception d’ordre public 70 _______________________________
Chapitre 2 : Harmonisation versus concurrence normative 73 _____________________
Section 1 - Un droit des contrats harmonisé ? 73 ________________________
I - Les modèles de concurrence normative 73______________________________
A) Le modèle du fédéralisme compétitif 73 _____________________________________________B) Le modèle de l’harmonisation réflexive 76 ___________________________________________
II - L’harmonisation en matière contractuelle 77____________________________
A- Le projet d’unification du droit des contrats en Europe 77 ______________________________B- Le projet de loi fédérale réglementant l’exécution des clauses de choix de loi 79 _____________
III - La forme de l’harmonisation en matière contractuelle 81___________________
A) L’adoption d’un instrument optionnel 82 _____________________________________________1 - Une méthode d’unification à intensité variable 82 ______________________________2 - Un projet d’unification fondé sur les coûts transactionnel 82 ______________________3 - L’incompatibilité de l’instrument optionnel 83 _________________________________
B) L’adoption d’un instrument contraignant 84 __________________________________________
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1 - Le rejet de l’instrument optionnel 84 _________________________________________2 - L’argument de l’attractivité au service d’un futur projet d’unification 85 ____________3 - Le dépassement de l’objectif de réalisation du marché ? 86 _______________________
Section 2 - Conséquences du Brexit sur le système de concurrence normative
européen 87 ________________________________________________
I - L’impact du Brexit sur le droit international privé 87_______________________A) L’impact du Brexit sur l’application des règlements Rome I et Bruxelles I bis 87 ____________
1- Sur l’application de Rome I : loi applicable 88 __________________________________
a) Rome I sans le Royaume-Uni 88 ______________________________b) Le Royaume-Uni sans Rome I 88 _____________________________
2 - Sur l’application de Bruxelles I bis : compétence juridictionnelle 89 ________________
a) Bruxelles I bis sans le Royaume-Uni 89 ________________________b) Le Royaume-Uni sans Bruxelles I bis 89 _______________________
B) L’incorporation du droit européen dans l’ordre juridique britannique 89 ___________________
II - L’impact du Brexit sur le marché du droit des contrats 90__________________A - L’avenir des clauses d’electio juris post-Brexit 91 ____________________________________
1- Un droit des contrats inchangé 91 ___________________________________________2- Le respect persistant du choix de la loi anglaise 92 _______________________________
B) Le déclin du droit anglais ? 92 ____________________________________________________1 - La perte de circulation des jugements britanniques 92 ___________________________2- Une perte pour l’Union Européenne 93 ________________________________________3 - L’attractivité renouvelée du droit français 94 __________________________________
Conclusion 97 ___________________________________________________
Bibliographie 99_________________________________________________
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Introduction
On dénombre officiellement 197 pays dans le monde , environ 7 000 langues 1
parlées , et plus de 7 milliards d’êtres vivants sur la planète . L’avènement des 2 3
nouvelles technologies, le développement des transports, la facilitation des échanges
commerciaux, et la libéralisation des flux migratoires ont eu pour résultat de faire
interagir toujours plus encore les différents individus aux quatre coins du globe et de
rendre ainsi les frontières étatiques de plus en plus poreuses.
Il est désormais possible en quelques clics de recevoir un vase en porcelaine en
provenance de Chine directement chez-soi, de retrouver chez son primeur au bout de
la rue des fruits exotiques issues de l’Amazonie brésilienne, et pour une entreprise
française, de vendre et effectuer la maintenance des moteurs d’avion d’une
compagnie indienne. Et tout cela sur la base d’un seul et même instrument : le
contrat.
Défini comme une convention ayant pour objet de créer une obligation ou de
transférer la propriété , le contrat est perçu par Friedrich Hayek comme étant 4
l’instrument essentiel d’un ordre social libéral . La mondialisation induisant 5
l’extension du champ d’activité des agents économiques, nous avons assisté ces
dernières décennies à un véritable changement de paradigme, décuplant ainsi le
nombre de contrat conclus. Les contrats qui furent autrefois signés entre parties
originaires d’un même État, gouvernés par la loi de ce même État puis soumis aux
juridictions de celui-ci, se sont retrouvés contenir de plus en plus, un ou plusieurs
éléments d’extranéité aboutissant en leur internationalisation. L’intensification des
transactions transfrontalières a donc donné naissance aux contrats transfrontaliers.
Liste officielle des pays reconnus par les Nations-Unis, http://www.un.org1
M-F. ROMBI, Directrice de recherche au musée de l’Homme, http://www.museedelhomme.fr/fr/2
combien-langues-sont-parlees-monde
Worldometers, Recensement de la population mondiale actuelle, http://www.worldometers.info/fr/3
population-mondiale/
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Quadrige, PUF, 2018, p 2314
F. HAYEK, « Droit, législation et liberté » , t. 2 « Le mirage de la justice sociale », 1976, traduit 5
par R. AUDOUIN, PUF. 1995, p 131!10
Les parties à un tel contrat transfrontalier sont en principe libre de choisir le droit
applicable à leur relation contractuelle, encore appelée loi d’autonomie.
En Europe, la libre détermination par les parties du droit applicable au contrat, est
consacrée à l’article 3 du Règlement dit « Rome I » du 17 juin 2008 qui établit des 6
règles uniformes pour déterminer la loi applicable aux obligations contractuelles dans
des situations de conflits de lois, pour les contrats n’impliquant pas une « partie
faible ».
Aux Etats-Unis, là où le système juridique est également à plusieurs niveaux, il
n’existe pas de droit des contrats américain mais autant de droit d’États, et des
contrats interétatiques sont conclus entre parties issues de différents États fédérés que
l’on appelle communément des « cross-border contracts ». Les règles de conflit de
lois applicables à ces contrats sont donc de la compétence législative des États
fédérés. Bien qu’il existe sept systèmes de conflit de loi différents aux États-Unis, le
Restatement (Second) of Conflit of Law se distingue des autres en étant appliqué par 7
vingt-trois États fédérés et son article 187 consacre également la loi d’autonomie. Il
est prévu seulement deux possibles limitations à la loi d’autonomie : (1) l’exigence
d’une relation substantielle avec la loi de l’État choisie, ou une autre base raisonnable
fondant ce choix, (2) la nécessité de ne pas violer une disposition d’ordre public de la
loi en cause. En l’absence de choix par les parties, la détermination de la loi
applicable aux contrats transfrontaliers en Europe et contrats interétatiques aux États-
Unis demeure parfois incertaine.
À défaut de choix de loi exercé par les parties, l’article 4 du Règlement Rome I
détermine la loi applicable au contrat d’abord selon le type de contrat : si le contrat
n’entre pas dans l’une des catégories de contrat énoncées préalablement ou couvre
plusieurs points, alors le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui
doit fournir la prestation caractéristique à sa résidence habituelle. L’article poursuit
que, lorsqu’il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat
présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui issu des
solutions précédentes, la loi de cet autre pays s’applique. Enfin, lorsque la loi
applicable ne peut être déterminée sur la base des précédentes solutions, le contrat est
régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.
Règlement CE n°593/2008 du Parlement européen 6
Restatement (Second) of Conflict of Law, Volume 1, §§ 1-221, The American Law Institute, May 7
23, 1969!11
Au niveau fédéral américain, pour le Professeur Symeon Symeonides, la section 6 du
Restatement (Second) of Conflict of Law est le reflet du scepticisme typiquement
américain à l’encontre des normes édictée a priori, définissant des catégories limitées
et prouve un haut degré de confiance dans les capacités des cours à développer des
solutions appropriées sur la base du cas par cas . En effet, la section 6 rappelle dans 8
un premier temps que la cour est sujette à des limitations constitutionnelles et que
celle-ci doit suivre les directives statutaires sur le choix de loi de l’État dans lequel
elle se trouve, dans un second temps lorsque de telles directives statutaires sont
inexistantes on liste les facteurs pertinents lors de la determination de la loi
applicable : (a) "the needs of the interstate and international systems", (b) "the
relevant policies of the forum ", (c) "the relevant policies of other interested states
and the relative interests of those states in the determination of the particular issue ",
(d) "the protection of justified expectations", (e) "the basic policies underlying the
particular field of law", (f) "certainty, predictability and uniformity of result", et (g)
"ease in the determination and application of the law to be applied ". 9
Devant tant de choix possibles et d’incertitudes dans la détermination par le juge du
droit devant être appliqué au contrat, les cocontractants désignent en pratique quasi-
systématiquement un droit applicable au contrat. Cependant le choix du droit
applicable à ces conventions n’est pas sans conséquences et ne doit pas être laissé au
hasard. En effet, le droit choisi aura vocation à encadrer l’interprétation et
l’application des différentes dispositions contractuelles, les sanctions en cas de non-
respect des obligations, l’évaluation des dommages, l’extinction des obligations, les
mesures d’exécution et les sanctions en cas d’invalidité des contrats. Si le contrat
constitue le terrain de jeu des parties, la loi applicable à celui-ci fixe alors les règles
du jeu, auxquelles les cocontractants devront se plier et dont l’arbitre sera le juge.
Toute la subtilité pour les parties réside ainsi dans la détermination des règles
adéquates à leur jeu. Une clause introduisant une obligation de bonne foi ne sera pas
interprétée de la même manière suivant que le droit applicable est le droit français ou
le droit anglais. La notion de « best efforts » dans un contrat soumis à un droit de
S. SYMEONIDES, « Choice of Law », The Oxford Commentaries on American Law, 2016, p 4148
(a) les besoins des systèmes interétatiques et internationaux, (b) les politiques pertinentes du 9
forum, (c) les politiques pertinentes d'autres États intéressés et les intérêts relatifs de ces États dans la détermination de la question particulière, (d) la protection des attentes justifiées, (e) les politiques de base qui sous-tendent le domaine particulier du droit, (f) certitude, prévisibilité et uniformité des résultats et, (g) facilité dans la détermination et l'application de la loi à appliquer.
!12
common law, imposant à la partie de tout faire pour arriver au résultat recherché,
n’aura pas la même portée que si elle est interprétée comme une obligation de moyen
si le contrat est soumis au droit français. Il en est de même pour la clause de force
majeure, de la clause prévoyant la résiliation du contrat par le maître de l’ouvrage ou
encore de la clause de réception de l’ouvrage, qui n’existent pas en common law, avec
les conséquences légales qu’on y attache en droit belge ou en droit français . 10
Que l’on soit entrain de décider au petit-déjeuner quelle saveur de confiture doit-on
répandre sur le pain grillé, la prochaine destination de vacances, ou encore quelle loi
doit régir un contrat, les possibilités sont multiples . Choisir a toujours été au 11
fondement de la pratique professionnelle des juristes, et de surcroit de l’ordre
juridique transnational . Mais comment choisir ? Sur quels critères fonder le choix 12
de la lex contractus ? Qui doit choisir ? À ces questions, seul le comparatiste peut
véritablement répondre.
Car si un profane devait désigner le droit ayant vocation à régir le contrat
transnational ou interétatique, il ne devra pas seulement évaluer les similitudes et
différences, mais aussi prendre en compte d’autres aspects des différentes
alternatives. Le profane pourrait alors abandonner, ou ne pas détecter les différences
que le comparatiste connait comme le fond de sa poche . Si la grande majorité des 13
avocats sont dotés d’une éducation juridique nationale, bien que les cours de droit
comparé abondent, la participation à ceux-ci est facultative des deux côtés de
l’atlantique. Ceci peut laisser penser que les avocats ne sont pas réellement
prédisposés à effectuer le meilleur choix pour leurs clients, ou bien alors que ce choix
n’est pas réellement perçu comme déterminant par les parties. À en croire Herbert
Kronke, c’est plutôt la deuxième option qui prévaut : « in contract negotiation, the
insertion of a choice of law clause is regularly left to « clearing up » by lawyers in
the back-office, while the businessmen are celebrating in the front-room » . 14
Sous la direction de P. DURAND-BARTHEZ et F. LENGLART, Choisir son droit : 10
conséquences économiques du choix du droit applicable dans les contrats internationaux, L’Harmattan, 2012, p 93
G. LOW, « A psychology of choice of laws », European Business Law Review, Vol. 24, No. 3, 11
2013, p 363
G. LHUILIER, Le droit transnational, Méthode du droit, Editions Dalloz, 2016, p 7612
G. LOW, « A psychology of choice of laws », op.cit 13
H. KRONKE, Der « Commercial Approach », dans der Rechtsvergleichung und das 14
Internationale Privat und Verfahrensrecht, dans E. JAYME, D. SCHWARB, P. GOTTWALD, Festschrift für Dieter Henrich zum 70. Geburtstag, 2000, p 390
!13
Cependant lorsque les entreprises sont directement interrogées sur l’importance du
choix de droit applicable au contrat, 91 % répondent que celui-ci est important voire
très important . 15
Les parties ayant la faculté de choisir librement le droit applicable à leurs transactions
internationales ou inter-États fédérés, se placent donc mutuellement en position de
demande face aux différentes alternatives de droits applicables. L’élaboration d’un
contrat étant une opération bipartite, la désignation de la loi applicable à celui-ci
résulte également d’une entente mutuelle. Néanmoins, parmi les parties, une
différence peut être esquissée entre les parties plus ou moins informées, car selon le
degré de sophistication des ces dernières, elles seront à même de saisir toutes les
nuances des « offres de lois » différentes. Sont donc concernés en premier lieu les
opérateurs du commerce international qui pourront choisir la lex contractus
correspondant au mieux à leurs besoins, indépendamment de son lien avec la
transaction en question, tandis que les parties ordinaires sont naturellement en
manque d’information quant à l’issue la plus favorable. Dès lors, si un contrat venait
à réunir deux parties issues de pays différents, au degré d’information asymétrique, la
partie la mieux dotée aura vraisemblablement l’avantage lors du processus de
négociation du contrat et ainsi la détermination de la clause d’electio juris.
Lorsque les économistes s’emparent des principales problématiques du droit comparé,
à savoir les différences entre familles juridiques, la circulation des concepts
juridiques, et fonctionnalité des différents droits, ils entrent toujours dans une logique
de rendement, de classement, de hiérarchisation. Ils oublient que les lois politiques et
civiles de chaque nation doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles
sont faites, que c’est un très grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir à
une autre . Résulte du travail des économistes la Legal Origins Theory, que l’on 16
appelle encore LLSV , selon laquelle les origines juridiques d’un État ont une 17
influence significative sur sa croissance économique. Née dans l’orbite du droit des
sociétés, elle a d’abord été défendue par un collectif d’auteurs à l’occasion de l’étude
S. VOGENAUER et C. HODGES, « Civil Justice Systems in Europe: Implications for Choice of 15
Law and Choice of Forum », A Business Survey (Université d’Oxford, 2008), http://denning.law.ox.ac.uk/iecl/ocjsurvey.shtml
MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, Livre I, Chapitre III, p 8 16
L’acronyme « LLSV » trouve sa source dans les noms des auteurs ayant développé la théorie : R. 17
LA PORTA, F. LOPEZ-DE-SILANES, A. SCHLEIER & R. VISHNY, Law and Finance, 1998, 106 J. Pol Econ, 1113
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du niveau de protection accordé aux actionnaires minoritaires dans différents États à
travers le monde. Ils en ont tiré la conclusion que les États appartenant à la culture
juridique de Common Law accordaient le plus haut degré de protection, source d’un
marché financier efficace et synonyme de croissance économique. La Legal Origins
Theory s’est ensuite étendue à d’autres domaines juridiques et s’est attachée à
démontrer plus globalement l’efficience générale du modèle de common law . 18
Depuis 1997, cette théorie n’est pas restée sans échos, et, au contraire, fut au cœur
des rapports Doing Business élaborés par la Banque Mondiale, dont le premier, fut
publié en 2004. L’objectif de ces rapports est de mesurer et comparer la «facilité à
faire des affaires» dans plus de 130 pays à travers le monde. Les indicateurs utilisés
analysent la qualité de la réglementation des affaires et évaluent les conséquences de
la réglementation entre autres les délais et coûts nécessaires pour exécuter un
contrat . Selon le premier rapport qui effectue le classement, soit celui de 2006, la 19
France, était classée quarante-quatrième (derrière la Jamaïque, le Botswana et les
Tonga) et considérée comme l'un des systèmes juridiques les moins propices à
l'expansion économique . A contrario, les mérites des pays de common law ont été 20
fortement soulignés, et parmi les dix pays les mieux classés dans le rapport de 2009
figurent huit pays de common law et deux pays scandinaves. Les pays
traditionnellement issus du droit civil obtiennent relativement de mauvais résultats :
la Suisse qui obtient le meilleur placement d'Europe continentale ne se situe qu’en
vingt-et-unième position (derrière la Malaisie) . Bien que les rapports mesurent 21
l’attractivité pour les investisseurs, plutôt que la croissance économique des pays, la
corrélation entre les deux est assez évidente, et le rapprochement avec les conclusions
de la Legal Origins Theory peu ou prou douteuse.
On peut dès lors légitimement se questionner sur les implications de ce type de
classement. Le résultat ne serait-il pas de faire bonne ou mauvaise réputation au droit
d’un pays de telle sorte à ce que celui-ci devienne plus ou moins attractif aux yeux
A. VANDENBULKE, « La Legal Origins Theory : droit, économie, idéologie », Revue 18
Internationale de Droit Économique, 2017/1 (t. XXXI), p 132
http://francais.doingbusiness.org/methodology/methodology-note19
B. FAUVARQUE-COSSON et A-J KERHUEL, « Is Law an Economic Contest? French 20
Reactions to the Doing Business World Bank Reports and Economic Analysis of the Law », Georgetown Business, Economics & Regulatory Law Research Paper, June 2010, No. 10-10, p 811
R. MICHAELS, « Comparative Law by Numbers? Legal Origins Thesis, Doing Business 21
Reports, and the Silence of Traditional Comparative Law », The American Journal of Comparative Law, 2009, Vol 57, p 772
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des opérateurs, influençant ainsi leur choix de se soumettre à telle réglementation
plutôt qu'à une autre ?
La publication de ces classements est lourde de sens, dans la mesure où elle exprime
de manière assez explicite que le but de celui-ci n’est pas seulement d’indiquer
l’exemple à suivre aux États qui se décideraient à réformer leur droit, mais bien
d’inciter les pays à opérer de telles réformes afin de progresser dans le classement . 22
En témoigne l’article paru dans The Economic Times à la suite de la récente réforme
du droit des contrats indien : « Stronger contract law in pipeline to lift Ease of Doing
Business ranking » . Ou encore l’établissement au Rwanda d’un office public 23
spécialement dédié à la progression du pays dans le classement Doing Business dont
l’action semble avoir porté ses fruits puisque le Rwanda est passé de la 139ème place
dans le rapport de 2006, à la 41ème place dans le rapport de 2018. Pouvant être perçu
en définitive comme un détournement du droit comparé par les économistes . 24
La réaction des pays de tradition civiliste ne s’est pas faite attendre, et encore moins
celle de la France. Une riposte doctrinale a été organisée par l’Association Henri
Capitant des amis de la culture juridique française, à travers l’édition d’un ouvrage en
deux volumes rassemblant une critique très systématique des rapports par les
membres français de l’association . C’est dans ce climat hostile que la notion de 25
concurrence normative a émergé en Europe.
La notion de concurrence normative tire ses sources des États-Unis, où il a été
développé l’idée qu’il pourrait exister entre des systèmes juridiques différents un
rapport de concurrence consistant pour chacun à se doter de règles de droit
performantes afin d’attirer le plus grand nombre d’entreprises possible. Dans la
doctrine américaine, l’idée de concurrence normative était analysée sous le prisme
des États fédérés américains entre lesquels des phénomènes de concurrence normative
pouvaient se développer dans toutes les matières relevant de leur compétence plutôt
L. USUNIER & R. SEFTON-GREEN, La concurrence normative. Mythes et réalités, Société de 22
législation comparée, Unité mixte de recherche de droit comparé de Paris (Université de Paris I / CNRS UMR 8103), 2014, p 25
D. SIKARWAR, The Economic Times, New Delhi, 9 Novembre 201723
V. CURRAN, « Comparative Law and the Legal Origins Thesis: "[N]on scholae sed vitae 24
discimus », The American Journal of Comparative Law, 2009, Vol. 57, No. 4, p 871
Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Les droits de tradition 25
civiliste en question. À propos des Rapports Doing Business de la Banque Mondiale, Travaux de l'Association Henri Capitant, Société de Législation Comparée, 2006
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que de celle de l’Etat fédéral. Originellement la théorie de la concurrence normative
est née dans le sillage du droit fiscal grâce au modèle Tiebout, selon lequel le taux
d’imposition fiscal des municipalités américaines a une influence sur la prise de
décision des citadins d’emménager dans une commune, plutôt qu’une autre . Le droit 26
des sociétés a ensuite permis le développement de la théorie en exposant au grand
jour « le syndrome du Delaware » qui consiste pour la moitié des sociétés 27
américaines cotées à la bourse de New York à être incorporées au Delaware. Mais
depuis la moitié du vingtième siècle, avec l’intensification de la mondialisation
économique, la concurrence normative dépasse la frontière des États-Unis et est
devenue une question importante au niveau international, touchant aujourd’hui
d’autres branches du droit, comme le droit des contrats.
Selon la théorie de la concurrence normative, les sujets de droit ne disposant pas de la
capacité d'influencer directement sur les lois édictées, peuvent néanmoins influer
indirectement sur les lois qui leur sont appliquées. En usant de la faculté d’exit , les 28
sujets de droit peuvent éviter les lois insatisfaisantes d’un Etat pour se soumettre à
celles d’un État autre, engendrant ainsi une sorte de « vote par les pieds ».
La loi ne serait alors que le résultat de la rencontre entre l’offre et la demande, avec
du côté de la demande, les acteurs privés, qui rechercheraient les normes juridiques
répondant à leurs besoins, et pour l’offre, les États qui essaient d’offrir de telles
règles. Transposé au cas particulier des contrats impliquant plus d’un seul ordre
juridique, le processus de concurrence normative s’opère en Europe et aux États-Unis
à l’aide des règles de conflits de lois.
Comme il a été vu précédemment, le choix du droit applicable à un contrat peut être
effectué directement par le truchement de la clause d’electio juris, mais aussi
indirectement si les parties peuvent avoir une influence sur les facteurs qui vont
déterminer le droit applicable . À ce propos, nous l’étudierons plus loin, de 29
nombreux auteurs, favorables à l’idée d’un marché du droit, militent pour une plus
C.E. TIEBOUT, « A pure Theory of Local Expenditure », Journal of Political Economy, 1956, 26
64, p 416
W.L. CARY, « Federalism and Corporate Law : Reflections upon Delaware », Yale Law Journal, 27
1974, vol 83, p 83
A. O. HIRSCHMAN, Exit, Voice and Loyalty, Responses to Decline in Firms, Organisations and 28
States, Harvard University Press, 1970
G. RÜHL, « Regulatory Competition in Contract Law : Empirical Evidence and Normative 29
Implications », European Review of Contract Law, 9 ,2013, p 62 !17
grande liberté dans le choix du droit applicable au contrat en droit international privé.
Mais pour l’heure, la notion de concurrence normative, et l’existence d’un droit des
contrat plus attractif qu’un autre suscite de nombreuses controverses.
Si les professeurs Eisenberg et Miller s’accordent sur la préférence pour le droit de
l’État de New-York dans une majorité de contrats aux États-Unis, l’explication de ce
succès semble être pour eux dû aux efforts de plusieurs décennies de l’État de New-
York pour attirer les contrats. Le professeur Stefan Vogenauer a quant à lui remis en
question l'hypothèse courante selon laquelle la popularité du droit anglais est due à sa
qualité ou à ses mérites substantiels. Au contraire, les preuves empiriques montrent
que le choix de la loi est généralement déterminé par la familiarité et la position
dominante des cabinets d'avocats anglais.
Dans le contexte qui nous intéresse, le Petit Larousse définit l’attraction par « l’action
exercée sur quelqu’un par quelqu’un ou par quelque chose qui éveille en lui un intérêt
puissant, intellectuel ou affectif ». À bien regarder la définition de l’attraction, cette
dernière n’est pas forcément le résultat d’une simple rationalité économique qui
voudrait privilégier une norme supposément plus business friendly. Ce qui est
important de garder en tête afin de comprendre que les règles substantielles ne sont
pas à elles seules suffisantes pour rendre un droit attractif.
On pouvait lire dans le Rapport au Président de la République publié au Journal
officiel le 11 février 2016, que « dans une économie mondialisée où les droits eux-
mêmes sont mis en concurrence, l’absence d’évolution du droit des contrats et des
obligations pénalisait la France sur la scène internationale ». L’attractivité du droit
français était donc une idée majeure du législateur français lors de la dernière réforme
du droit des contrats.
Partant de ce constat, on peut se demander si un droit peut-il réellement être plus
attractif qu’un autre ? S’il s’avérait que la réponse devait-être positive, cela
reviendrait-il à conclure en l’existence d’un marché du droit des contrats en Europe et
aux Etats-Unis ?
!18
La réponse à cette problématique sera apportée au travers de l’analyse du concept
d’attractivité et de la concurrence normative dans le domaine du droit des contrats
(première partie), et de l’étude des implications et perspectives qu’engendre le law-
shopping en la matière (deuxième partie).
!19
PARTIE I : ATTRACTIVITÉ ET CONCURRENCE NORMATIVE EN DROIT DES CONTRATS
La concurrence normative à laquelle se livrent les Etats au niveau européen, et
États fédérés aux États-Unis ne fait plus aucun doute dans certains pans du droit. En
droit fiscal, la question intéresse, au-delà du cercle des juristes, les milieux politiques
et administratifs et, plus largement encore, l’ensemble des citoyens, alertés par des
affaires qui s’imposent régulièrement à la une de l’actualité telle que Luxleaks. En
droit des sociétés, le parlement du Delaware veille très soigneusement, au jour le jour,
en collaboration étroite et officielle avec le barreau de l’Etat, à conserver ou à
accroître leur avantage compétitif. Le barreau exerce ainsi une veille sur l’ensemble
des modifications réglementaires envisagées dans les autres États des Etats-Unis et
ailleurs et soumet directement au parlement ses propositions d’amendement de la loi
des sociétés.
Cette analyse repose sur un modèle de marché qui confronte deux types d’acteurs sur
un seul produit : les Etats qui produisent les règles juridiques et les personnes privées
qui les choisissent. Mais encore faut-il que les parties puissent pouvoir effectuer ce
choix, ce qui ne fut pas évident à mettre en place au départ, notamment aux États-
Unis. En dépit du fait que nous ne pouvons affirmer avec certitude l’existence d’un
marché pour le droit des contrats, nous avons néanmoins assisté petit à petit, aussi
bien en Europe, qu’aux États-Unis, à l’établissement de conditions favorables à
l’émergence de celui-ci (Chapitre 1). Étant suffisant dans notre démarche afin de
saisir les règles substantielles pouvant rendre un droit attractif (Chapitre 2).
!20
Chapitre 1 : La contractualisation d’un choix de loi
La notion d’attractivité n’a de sens que dans le contexte de concurrence
normative, que si il est permis aux parties à un contrat d’effectuer librement un choix
de loi (Section 1), et lorsqu’il existe un choix de loi divers et variés (Section 2).
SECTION 1 - LE CHOIX DES PARTIES
Afin que les parties à un contrat puissent véritablement contractualiser leur
choix de loi, il est nécessaire d’une part que les textes le permettent (I), et que le juge
respecte un tel choix (II).
I - La permission textuelle du choix de loi
Aux États-Unis, le choix de loi pour les parties à fait l’objet de tout un
processus d’assouplissement des règles de conflit de loi (A), et en Europe, ce choix
de loi fut ancré par la transformation de la Convention de Rome en un instrument
communautaire (B).
A) L’assoupissement des règles de conflit de lois aux États-Unis
La contractualisation du choix de loi ne fut pas chose aisée aux États-Unis, car
les premiers textes niaient toute autonomie en faveur des parties (1). Ce fut par
l’érosion de la lex contractus situs (2), et le large panel d’options envisageables
permis par le Second Restatement of Conflict of Laws que les clauses d’electio juris
ont été permises (3).
1) Le First Restatement of Conflict of Laws et la négation de
l’autonomie des parties
Les règles de conflits de lois en droit américain ont été largement influencées par la
doctrine en la matière. Joseph Story, un des pionniers du droit international privé
avait proposé deux maximes, à savoir que chaque État a «la souveraineté et la
juridiction exclusives sur son propre territoire» , et «qu'aucun État ou nation ne peut, 30
J. STORY, Commentaries on the Conflict of Laws, 7ème edition, 1872, §1830
!21
par ses lois, directement affecter ou grever une propriété hors de son propre territoire,
ou lier des personnes qui n'y résident pas » . Ces maximes nous permettent ainsi de 31
mieux comprendre le principe de territorialité qui a prévalut aux États-Unis pendant
une grande partie du vingtième siècle. Selon ce principe, les cours d’un État ont
compétence sur les sujets de droit se trouvant sur son territoire et pour régir les
événements survenant au sein de ses frontières. Par la suite, dans les années 1930,
Joseph Beale a conçu un système complet de règles de conflit de loi. Son approche,
qui a été publiée en tant que First Restatement of Conflict of Laws, reposait sur la
conception traditionnelle de territorialité du pouvoir souverain. Pour Beale un seul
État souverain doit contrôler une situation juridique en vertu du situs, en d’autres
termes, le lieu de conclusion du contrat déterminé la loi applicable à la validité du
contrat ainsi que les obligations découlants de celui-ci.
Très vite, le First Restatement of Conflit of Laws, ne parvient pas à tenir ses
promesses de prévisibilité et d’uniformité. Pour cause, un tribunal peut qualifier une
question de procédurale plutôt que de substantielle afin d'appliquer la loi du for , et 32
ainsi manipuler la caractérisation. Le First Restatement contient d'autres dispositifs
qui permettent aux juges de manipuler la loi devant gouverner le contrat. Le plus
important est l'exception d'ordre public, nonobstant les règles de conflit de lois
applicables . En 1936, un tribunal de New York a utilisé l'exception d’ordre public 33
pour refuser d'appliquer une loi du Connecticut qui permettait à une femme de
poursuivre son mari pour conduite avec négligence . Au lieu de cela, le tribunal a 34
appliqué la loi de New York, qui interdisait aux conjoints de se poursuivre en justice
pour négligence. Deux ans plus tard, le même tribunal refusait d’utiliser l’exception
d’ordre public pour éviter l’application de la loi Allemande sous Hilter qui requérait
le licenciement du travailleur en raison de sa judéité . Il est alors permis de se 35
questionner sur la contrariété à l’ordre public de la loi qui permet aux époux de se
poursuive plutôt que celle qui impose une discrimination.
Ibid §2031
Le First Restatement of Conflict of Laws dispose en son article 585 : « toutes les matières de 32
procédures sont régies par la loi du for »
L'article 612 du First Restatement of Conflict of Laws prévoit que « ne peut être maintenue, une 33
action crée dans un autre État dont l’exécution est contraire à la politique publique du forum »
Mertz v. Mertz, 271 N.Y. 466, 3 N.E.2d 597 (1936) 34
Holzer v. Deutsche Reichsbahn-Gesellschaft, 277 N.Y. 474, 14 N.E. 2d 798 (1938) 35
!22
Enfin, une approche fondée sur la territorialité est évidemment incompatible avec
l'application des clauses d’electio juris. Les parties n’ayant aucun choix sur les lois
pouvant leurs être appliquées, ces dernières continuent d’être perçues comme
inadmissibles. Alors que les autres États commencèrent à expérimenter une approche
plus moderne des règles de conflit de lois, une dizaine d’États Américains continuent
de suivre les règles du First Restatement of Conflict of Laws . 36
2) L’érosion de la lex contractus situs
Quelques années après la publication du First Restatement of Conflict of Laws,
les premières critiques commencèrent à surgir soulignant les problèmes d’arbitraire et
l’incertitude latente face aux dispositions de ce texte. En 1933, un éminent professeur
d’Harvard, David Cavers, avait fait valoir que les tribunaux devaient s’efforcer de
rendre la justice au cas par cas en appliquant le droit matériel le plus juste. En
exposant le caractère mécanique de la determination de la loi applicable selon le
principe de territorialité, il suggère de choisir entre les différentes lois en conflit selon
le résultat que chacune pourrait produire . Se fondant sur les travaux de Cavers, le 37
professeur Brainerd Currie enterra définitivement la conception traditionnelle de
résolution des conflits de lois avec son analyse des intérêts gouvernementaux. Selon
la conception juridique réaliste de Currie, une loi a avant tout, intérêt à être appliqué
en fonction des politiques étatiques menées par les États. En définitive plutôt que de
sélectionner la loi applicable selon des règles de conflit prédéfinies imperméables au
contenu de celles-ci, Currie, se concentre directement sur la politique sous-jacente
suivie par les lois à la lumière des faits en l’espèce. En prenant en compte les intérêts
gouvernementaux, il délimite trois principales catégories de conflits . La première, et 38
selon lui, la plus courante, le faux conflit, lorsqu’un seul État a intérêt à sa loi soit
appliquée aux faits d’espèce. La seconde, le vrai conflit, et la plus difficile à résoudre,
induit plus d’un seul États intéressés. Enfin, la dernière, la catégorie des conflits sans
S. SYMEONIDES, « Choice of Law in the American Courts in 2005: Nineteenth Annual 36
Survey » 53 The American Journal of Comparative Law, 2005, 559, 595–96
D. CAVERS, « A critique of the Choice-of-Law Problem » 47 Harvard Law Review, 1933, 37
173-178
S. SYMEONIDES, The American Choice-of-Law Revolution: Past, Present and Future, The 38
Hague Academy of International Law Monographs, Vol 4, p 15-21!23
intérêts, où aucun États n’est intéressés par l’application de sa loi à la situation
litigieuse. Cependant, en cas de conflit de lois véritable opposant la loi de deux États
intéressés, est-il sûr que l’intérêt de l’État du for et de celui de l’État étranger soient
mesurés à la même aune ? 39
Néanmoins, les travaux de Currie ont eu le mérite de révolutionner la position
stagnante des règles de conflit de lois du droit américain. En bref, les approches
modernes, tout en essayant de résoudre l'arbitraire du First Restatement of Laws, ont
pratiquement éliminé la prévisibilité ex ante du système antérieur et substitué un
système qui tendait à favoriser les plaignants, les résidents et le droit local.
3) La nécessité des clauses d’electio juris sous le Second Restatement of
Conflict of Laws
Le Second Restatement of Conflict of Laws, promulguée en 1971, se présente
comme un compromis consciencieux et une synthèse entre l’ancienne et la nouvelle
conception des règles de conflit de lois.
Bien que le Second Restatement prévoit des règles présomptives, favorisées par des
juges plus traditionnels, une grade marge de manoeuvre est laissée au juge pouvant à
tout moment ignorer ces règles en estimant que la loi d'un État différent devrait
s'appliquer. La clause d’electio juris étant bien évidemment le meilleur gage de
prévisibilité, en son absence, l’article 188 prévoit les points de contacts pouvant être
pris en compte. Avec la précision que ces points de contacts doivent être évalués
selon le degré d’importance en rapport avec l’affaire en cause. L’article 6 quant à lui
énonce les principes devant permettre aux juges de déterminer l’Etat présentant les
liens les plus significatifs avec le contrat . Ces facteurs énoncés suggèrent souvent 40
que des lois différentes peuvent s'appliquer, mais le Second Restatement ne donne
M.Y. LOUSSOUARN, « La règle de conflit est-elle une règle neutre ? », Travaux du Comité 39
français de droit international privé, 1981, 3-2, p 46
Restatement Second of Conflitc of Laws, § 6, (a) "the needs of the interstate and international 40
systems", (b) "the relevant policies of the forum ", (c) "the relevant policies of other interested states and the relative interests of those states in the determination of the particular issue ", (d) "the protection of justified expectations", (e) "the basic policies underlying the particular field of law", (f) "certainty, predictability and uniformity of result", et (g) "ease in the determination and application of the law to be applied »
!24
aucune indication sur la manière de hiérarchiser ces facteurs, et semble ainsi sacrifier
la prévisibilité.
En définitive, les tribunaux peuvent utiliser le Second Restatement pour justifier tout
résultat qu'ils souhaitent atteindre, rendant plus que jamais nécéssaire aux yeux des
parties, l’établissement de clauses d’electio juris pour les relations interétatiques au
sein des États-Unis. Ces dernières se trouvent consacrées pour la première fois à
l’article 187 du Second Restatement, qui énonce néanmoins des conditions de validité
pour leurs exécutions. Ces conditions sont celles d’un choix exprès, ainsi que
l’existence d’une relation substantielle entre la loi choisie et les parties ou la
transaction, le cas échéant une base raisonnable fondant ce choix. Est également exigé
la non contrariété aux lois de police de l’État qui a matériellement le plus intérêt à
s’appliquer.
B) La transformation de la Convention de Rome de 1980 en un instrument
communautaire
Contrairement aux États-Unis, l’idée que la volonté des parties puisse
intervenir dans le choix de la loi applicable en droit international est beaucoup plus
ancienne et a suscité beaucoup moins de débats. 41
Le principe d’autonomie des parties en droit international prend ses racines dans le
droit général des contrats, qui effectue simplement une transposition du principe
selon lequel les co-contractants ont la faculté de choisir la manière dont ils assument
leurs obligations réciproques. Le principe de validité de ces clauses découlent en
France de l’article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable
aux obligations contractuelles. La Convention, contrairement aux limitations
imposées par le Second Restatement, n’impose aucun lien entre la loi choisie et le
contrat . Les parties peuvent donc choisir n'importe quelle loi, par exemple une loi 42
« neutre », sans avoir à justifier des raisons de leur choix. C'est seulement lorsque le
contrat est purement interne, c'est-à-dire lorsque « tous les autres éléments de la
Ccass, Ch.civ., American Trading Company, arrêt du 5 décembre 1910, Rev. Dr. Int., 1911. 395, 41
Clunet, 1912. 1156, S. 1911. 1. 129
P. LAGARDE, « Convention de Rome : obligations contractuelles », Répertoire de droit 42
européen, décembre 1992!25
situation sont localisés au moment de ce choix dans un seul pays » que le choix par
les parties d'une loi étrangère, assorti ou non de celui d'un tribunal étranger, ne peut
porter atteinte aux dispositions impératives de ce pays (art. 3, § 3). Néanmoins la
convention ayant la valeur de traité international, son application au sein de l’espace
européen ne s’est pas fait sans difficultés . Notamment, s’agissant de la délimitation 43
des contours du choix tacite de loi, et de la référence à un concept juridique propre à
un système juridique donné, ou encore des divergences d’interprétation entre États
membres qui ont choisi d’incorporer les dispositions de la Convention dans leur droit
national par voie législative, modifiant parfois le texte d’origine.
Même si la liberté de choix des parties est restée inchangée entre la Convention de
Rome de 1980 et le Règlement Rome I de 2008, la transformation de la Convention
en un instrument communautaire a permis de s’assurer que les compétences de la
Cour seraient identiques pour tous les instruments de droit international privé de
source communautaire, et garantir une interprétation cohérente des concepts
juridiques communs à la Convention de Rome. La proposition initiale de la
Commission tendait même à renforcer le principe central d’autonomie de la volonté
des parties en autorisant celles-ci à choisir, comme droit applicable, un droit non
étatique aux côtés du seul choix de la loi d'un État. Lors des discussions au sein du
Conseil, cette disposition a toutefois rencontré l'hostilité d'une majorité d'États
membres, dont celle de la France , qui y ont vu une manoeuvre de la Commission 44
pour ouvrir le chemin d'un droit européen des contrats, alors que ce point n'a jamais
été discuté ou approuvé ni par les États membres au sein du Conseil, ni par le
Parlement européen. Elle a, depuis, été retirée.
II - Le respect par le juge du choix de loi
Dans une grande partie de l'histoire du droit américain, un marché pour le droit des
contrats était impraticable en raison de l'interaction de deux facteurs : les tribunaux
Observations effectuées par la Commission Européenne dans le Livre vert du 14 janvier 2003 sur 43
la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, Document n° 52002DC0654
Communication du Sénat dans le cadre de l’article 88-4 de la Constitution sur la Proposition de 44
règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), le 3 décembre 2007
!26
refusaient souvent d'appliquer les clauses de choix de la loi et de sélection du for, et
même si les tribunaux les appliquaient, ces clauses n'offraient que des choix limités.
Si les conditions au développement d’un tel marché ont pris plus de temps à se
développer aux États-Unis, ces clauses d’electio juris ont finalement été mises en
oeuvre par les juges (A), largement soutenues aussi par l’adoption de lois spécifiques
par les États (B).
A) La mise en œuvre de l’electio juris par les tribunaux
Pour Joseph Beale, les clauses d’electio juris se présentent en quelque sorte
comme une usurpation des pouvoirs de l’État et confèrent aux parties l’équivalent du
pouvoir législatif . Expliquant ainsi la réticence des juges américains lorsqu’il s’est 45
agit d’exécuter les clauses de droit applicable.
De plus, les chances d’avoir un marché juridique pour les contrats furent anéanties
par la solution issue de la jurisprudence Swift v. Tyson de 1842, selon laquelle le 46
droit fédéral général est applicable aux affaires impliquant des questions
commerciales lorsque les parties sont issues d’États différents. Ainsi si le droit des
contrats d’un État s’écartait des normes répandues, le litige risquerait d’être porté
devant un tribunal fédéral et où il serait tranché en vertu du droit général. Rendant
dès lors peu avantageux le choix d’une loi en particulier car l’affaire sera jugée selon
les mêmes règles, quel que soit l’État choisi . Les clauses d’electio juris étaient ainsi 47
sans aucun intérêt, ni en terme de prévisibilité, ni en terme d’attractivité d’un droit en
particulier.
Les cours devinrent de plus en plus réceptives aux clauses d’electio juris, lorsque les
textes ayant vocation à harmoniser le droit des différents États commencèrent à les
consacrer . Parallèlement à la reconnaissance juridique croissante de ces clauses, les 48
tribunaux ont démantelé le cadre qui, auparavant, empêchait les parties d’effectuer
J. BEALE, « What Law Governs the Validity of a Contract : Theoretical and Practical Criticisms 45
of the Authorities », 23 Harvard Law Review 1910, p 260
41U.S.(16Pet.)1(1842) 46
G. MILLER & T. EISENBERG, « The market for contracts », Cardozo Law Review, 2009, Vol. 47
30, n°5, p 2077
Restatement (Second) of Conflicts of Laws, § 6(2)(d), § 187, 1971. U.C.C, § 1-105(1), 199948
!27
véritablement un choix de loi. L’arrêt marquant ce revirement est Erie Railroad v.
Tompkins , qui rejeta l’application de la common law générale dans les affaires 49
mettant en cause des citoyens issus de plusieurs États, supprimant ainsi la soupape de
sécurité de la compétence fédérale.
L'American Law Institute a d’ailleurs même apporté des changements significatifs à
l'application des clauses d’electio juris lors de sa révision de l'UCC. La révision
distingue nettement les transactions avec les consommateurs et les non-
consommateurs . Pour les contrats B to B, la révision élimine l'exigence de «relation 50
raisonnable» , mais ajoute que le choix « n'est pas effectif dans la mesure où 51
l'application de la loi de l'Etat ou du pays désigné serait contraire à une disposition
fondamentale de l'Etat ou du pays dont la loi serait applicable en l'absence
d’accord» . Pour les transactions dans lesquelles l'une des parties est un 52
consommateur, le régime applicable est différent et la révision exige que la
transaction ait un lien raisonnable avec l'Etat désigné ou le pays étranger, et elle
refuse d'appliquer la clause lorsque la loi choisie est susceptible de priver le
consommateur de la protection de toute règle de droit . 53
B) La mise en œuvre de l’electio juris à l’aide des lois étatiques
On constate dans de nombreux États Américains, que des lois ont pu être
promulguée, validant explicitement les clauses de choix de loi aussi longtemps que le
droit local sera choisi par celles-ci. En Californie , au Delaware , en Floride , en 54 55 56
304U.S.64 (1938)49
U.C.C. § 1-301 (2002) 50
Id. § 1-301 (c) (1) aussi bien pour les transactions domestiques, (2) que les transactions 51
internationales
Id. § 1-301 (f) 52
Id. § 1-301(e)(2)53
CAL. CIVIL CODE § 1646.5 (West Supp. 2002) 54
DEL. CODE ANN. tit. 6, § 2708 (1999) 55
FLA. STAT. ANN. § 685. 101 (West 1990) 56
!28
Illinois , à New York , et au Texas , le parti pris par ces lois était d’apporter plus de 57 58 59
certitude s’agissant de l’exécution du choix contractuel de la loi effectuée par les
parties. Pour ce faire, il est prévu de supprimer l’exception d’ordre public prévue par
le droit fédéral, sans même regarder les dispositions d’ordre public d’un autre État,
mais cette exception ne joue qu’en fonction du montant du contrat : $100,000 dans le
Delaware, $1,000,000 au Texas et $250,000 dans les autres États.
Quant à l’exigence d’un lien raisonnable entre la transaction et l’État, le Texas le
maintient, mais contrairement aux autres lois, prévoit l'application de la loi non
texane. La Floride exige un léger lien avec l'État, tandis que les autres n'ont aucune
exigence de connexion. En effet, la loi du Delaware dispose spécifiquement qu'une
clause de choix de loi qui choisit la loi du Delaware doit être appliquée même si la
clause est le seul lien que la transaction a avec le Delaware.
L’idée sous jacente de ces lois, est qu’à mesure que la valeur monétaire du contrat
augmente, il en va de même pour la probabilité que les parties soient sophistiquées ou
qu'elles soient représentées par des avocats qui comprendront les conséquences d'une
clause de choix de loi particulière.
Finalement, ces lois particulières, démontre que l’exécution des clauses d’electio juris
aux États-Unis est à géométrie variable, selon les États, selon le contrat, et selon le
montant de celui-ci, pouvant restreindre ou non le choix des parties.
SECTION 2 - L’OFFRE DE LOIS
Il existe une concurrence réglementaire entre les divers systèmes de droit des
États. À cet égard, on peut parler de concurrence réglementaire horizontale (A). Il
existe également une concurrence réglementaire entre le droit de l'État et les systèmes
supranationaux, on parle dans ce cas de concurrence normative verticale (B).
735 ILL. COMP. STAT. ANN. 105/5-5 (West 2002) 57
N.Y. GEN. OBLIG. LAW. § 5-1401 (McKinney 2001) 58
TEX. BUS. & COMM. CODE ANN. §§ 35.51-.52 (Vernon 2002) 59
!29
A) La concurrence normative horizontale
Comme nous l’avons vu précédemment, la concurrence normative horizontale
dans le droit des contrats existe à la condition sine qua non du respect par les
juridictions des clauses d’electio juris.
Selon une étude récente sur des importants contrats d’affaires, la loi de New York
était choisie pour des contrats commerciaux dans 46% des cas où une clause de choix
de loi était incluse dans l'accord . Tandis que la loi du Delaware était choisie dans 60
15% des cas. On remarque aussi que lorsqu'une disposition dans un contrat prévoit
que la loi de New York est applicable à tous les différends découlant de l'accord, il est
également courant de trouver une clause désignant les juridictions de l’État de New
York. Par ailleurs, les analyses statistiques montrent que la popularité du droit new-
yorkais ne peut s'expliquer uniquement par le lieu des affaires des parties, leur lieu de
constitution ou l'emplacement des conseillers juridiques.
Une étude européenne de l’Université d’Oxford portant sur 100 entreprises
européennes ayant une activité transfrontalière a montré qu’après le droit anglais
choisi à 23%, le droit suisse était le deuxième choix le plus populaire pour 19%, alors
qu’une majorité des entreprises impliquées dans l’étude étaient allemandes (19%) . 61
Le pourcentage de choix de la loi suisse s’élève même à 29% lorsque elle est choisie
en tant que loi tierce aux parties. Par ailleurs, on retrouve la position dominante de la
loi anglaise s’agissant des euro-obligations des sociétés européennes opérant à
l’international, qui sont généralement régies par celle-ci . 62
Témoigne de la concurrence normative que se livre les États, la brochure publiée par
la Law Society d’Angleterre et du Pays de Galles, avec la préface du Secrétaire d’État
britannique à la Justice, vantant les mérites du droit anglais comme étant, prévisible,
flexible, et basé sur la liberté contractuelle, ne pouvant que promouvoir le
T. EISENBERG & G. P. MILLER, « The Flight to New York: An Empirical Study of Choice of 60
Law and Choice of Forum Clauses in Publicly-Held Companies’ Contracts », 30 Cardozo Law Review, 2009, 1475.
Résultats disponibles au lien suivant http://www.denning.law.ox.ac.uk/iecl/ocjsurvey.shtml 61
R. ASKEW & K. O’NEIL, (nov, 2011), « UK : Eurobonds - Are Eurobonds The Answer To An 62
Unstable Securities Market ? », 2011, http://www.mondaq.com/uk!30
commerce . En réplique, la Chambre fédérale des notaires allemands en 63
collaboration avec d'autres associations de la profession juridique et avec une préface
du ministre fédéral de la Justice, publie également une brochure, promouvant le droit
allemand avec des qualificatifs tels que « global - efficace - rentable » . La 64
publication vante plus spécifiquement les avantages de la codification, loue l’absence
de cross examination, et de dommages punitifs, déterrant avec une plus grande acuité
les débats relatifs à la Legal Origins theory et la compétition entre systèmes
juridiques.
B) Concurrence normative verticale
La concurrence normative verticale en droit des contrats existe partout où les
parties, dans un système juridique à plusieurs niveaux, ont le choix entre le droit des
contrats d'un État particulier et un système de règles supranational. Tel serait le cas,
par exemple, si la proposition de la Commission européenne pour un droit commun
européen de la vente facultatif était adoptée . Selon l’article 4, 7 et 13 de cette 65
proposition, les entreprises et les consommateurs auraient la possibilité de 66
soumettre leurs transactions transfrontalières à un régime de droit des contrats
européen.
Si le droit commun européen de la vente était adopté, une concurrence réglementaire
s'ensuivrait entre les régimes de droit des contrats spécifiques des 28 États membres
actuels et le régime européen.
La Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de
marchandises («CVIM») et les Principes d'UNIDROIT sur les contrats commerciaux
internationaux restent les deux instruments internationaux les plus importants.
Law Society of England and Wales. (Ed.). England and Wales: The Jurisdiction of Choice. www. 63
lawsociety.org.uk
The Federal Chamber of German Civil Law Notaries (Bundesnotarkammer), the German Federal 64
Bar (Bundesrechtsanwaltskammer), the German Bar Association (Deutscher Anwaltverein), the German Notaries’ Association (Deutscher Notarverein) and the German Judges Association (Deutscher Richterbund), « Law Made in Germany ». http://www.lawmadeingermany.de
Commission Européenne, Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET 65
DU CONSEIL relatif à un droit commun européen de la vente, COM(2011) 635 final
Option valable pour les contrats B2B, B2C, mais non C2C66
!31
La CVIM, signée en 1980 à Vienne, fournit un ensemble complet de règles 67
juridiques par défaut régissant la formation des contrats, les obligations des acheteurs
et des vendeurs, les recours en cas de manquement et divers autres aspects des
contrats commerciaux internationaux pour la vente de biens. Soixante et onze pays
sont parties contractantes à la Convention, comprenant les États-Unis et, à l'exception
du Royaume-Uni, la quasi-totalité des principales nations commerçantes du monde.
Néanmoins, après près de vingt ans d'expérience, la CVIM est rarement rencontrée et
peut-être même moins souvent comprise par les personnes engagées dans des
transactions commerciales. Aux États-Unis, la CVIM, n’est apparu que dans quatre-
vingt dix-huit cas, en France quatre-vingt quatre, en Suisse quatre-vingt sept, et
étonnamment en Allemagne deux-cent dix affaires . 68
Les Principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international,
promulgués en 1994 par l'Institut international pour l'unification du droit privé, puis
revus et modifiés en 2004 et 2010, visent à refléter les aspects généralement acceptés
du droit des contrats commerciaux, tirés de divers systèmes juridiques différents.
Cependant, en plus de servir de guide pour l'interprétation des contrats, les Principes
sont également devenus importants en tant que modèle pour les droits internes de
plusieurs pays. Cependant, ces principes sont encore moins familiers que la CVIM,
pour cause, on dénombre l’apparition de ceux-ci dans seulement cinq affaires aux
Etats-Unis, cinq également en France, trois seulement en Suisse, et une affaire en
Allemagne . 69
Néanmoins les conditions permettant une concurrence normative verticale ne sont pas
optimales, notamment en Europe, car le Règlement Rome I ne vise que les lois
étatiques. Plus précisément, ce rejet des lois non-étatiques, s’explique par la crainte
d’avoir un choix de loi non étatique ne prenant pas en compte les intérêts de toutes les
parties impliquées dans l’opération . Cette restriction de concurrence, aboutie en une 70
sous utilisation par les parties de ces instruments supra-nationaux, élaborés afin de
faciliter le commerce international. De multiples enquêtes corrobore en outre ce
Entré en vigueur le 1er janvier 1988, après avoir été ratifié par 10 pays 67
Unilex Info, List of CISG Cases by Country, http://www.unilex.info68
Unilex Info, List of UNIDROIT Principles Cases by Country, http://www.unilex.info69
G. RÜHL, The Choice of Law Framework for Efficient Regulatory Competition in Contract 70
Law, dans Regulatory Competition in Contract Law and Dispute Resolution, H. EIDENMULLER, Beck/Hart Publishing, 2013
!32
constat, et démontre qu’aux États-Unis, la CVIM ainsi que les principes UNIDROIT
sont perçus comme étant du droit étranger , sont également unanimes, les données 71
statistiques recueillies par la Chambre de Commerce Internationale en matière
d’arbitrage des litiges internationaux. Selon les dernières données en date, en 2016,
nous avions une clause de choix de loi dans 90% des cas, avec une loi étatique choisie
à 97%, pour 3% de loi non-étatique choisie . 72
Critiqué comme symptôme ou facteur de l’affaiblissement de l’Etat et de la norme, le
droit souple s’est timidement imposé dans le paysage juridique et institutionnel des
États, mais ne parvient pas à ce jour à véritablement concurrencer les normes
étatiques en raison de la méfiance des praticiens à leur égard.
M. W. GORDON, « Some Thoughts on the Receptiveness of Contracts Rules in the CISG and 71
UNIDROIT Principles as Reflected in One State’s (Florida) Experience of (1) Law School Faculty, (2) Members of the Bar with an International Practice, and (3) Judges », 46 American. Journal of Comparative Law, 1998, p. 361; P. L. FITZGERALD, « The International Contracting Practices Survey Project: An Empirical Study of the Value and Utility of the United Nation's Convention on the International Sale of Goods (CISG) and the Unidroit Principles of International Commercial Contracts to Practitioners, Jurists, and Legal Academics in the United States », Journal of Law and Commerce, Vol. 27, 2008
ICC Dispute Resolution Bulletin 2017, No 272
!33
Chapitre 2 : Le concept d’un droit des contrats attractif
Prenant acte de la domination new-yorkaise dans le choix de loi pour régir les
contrats commerciaux conclus entre parties issues de différents États américains , et 73
de la loi anglaise, ainsi que suisse en Europe , la première explication à ce 74
phénomène serait que pour la majorité de ces contrats analysés, au moins une des
parties contractantes soit issue des États listés ci-dessus, et que cette dernière, ait été
en position d’imposer la loi de son État d’origine. Cependant, tel n’est pas le cas, et si
la loi de l’Etat de New York est majoritairement choisie, les entreprises
cocontractantes sont immatriculées en grand nombre au Delaware . Pourquoi n’ont-75
elles donc pas choisies la loi de l’État du Delaware pour gouverner leurs contrats ?
Enfin, en Europe, on constate également la caducité de cette explication puisque les
parties majoritairement présentes dans les contrats analysés sont américaines . 76
On pourrait alors avancer que les parties à ces transactions commerciales
transfrontalières étant des acteurs typiquement sophistiqués, le choix des lois
anglaises, suisses et de l’État de New York, devrait révéler que ces lois offrent des
règles mieux adaptées aux intérêts des acteurs commerciaux. L’enjeu n’est pas de
savoir si le droit anglais général des contrats est supérieur au droit français général
des contrats mais de déterminer si les droits anglais, suisse et new-yorkais possède
quelque chose en plus ou en moins, les rendants ainsi plus attractif aux yeux des
opérateurs.
Bien que de telles règles puissent exister en substance (I), il existe également un
certain nombre de facteurs autres, qui pourraient influencer le choix de la loi dans les
contrats entre États américains et internationaux (II).
T. EISENBERG & G. P. MILLER, « The Flight to New York », op.cit73
G. CUNIBERTI, « The International Market for Contracts: The Most Attractive Contract Laws », 74
Northwestern Journal of International Law & Business, Vol.34, Issue 3, 2014
T. EISENBERG & G. P. MILLER, op.cit75
G. CUNIBERTI, op.cit76
!34
SECTION 1 - LES QUALITÉS INTRINSÈQUES AU DROIT DES CONTRATS
Les principales affirmations faites au soutien d’un droit attractif est la garantie
d’une plus grande prévisibilité juridique (A), un droit flexible (B), ainsi que la
présence de peu de règles impératives (C).
I - La prévisibilité juridique
La prévisibilité juridique, composante du principe de sécurité juridique qui est
un principe directeur, ayant pour objet de protéger les citoyens contre les effets
néfastes du droit. En matière contractuelle l’exigence de prévisibilité pour les parties
intervient surtout durant l’instance lorsqu’il s’agit d’exécuter une clause arbitrale (A),
ou bien pour ce qui est de l’interprétation du contrat (B).
A) Le respect des clauses arbitrales
Comme nous l’avons vu précédemment, le respect par le juge des clauses de
droit applicable était important afin de garantir le choix des parties. Aboutissant aux
États-Unis, en l’adoption de lois étatiques visant à rendre certain le respect par le juge
de la loi de l’État choisie, prévoyant parfois même l’absence d’examen de la loi de
police des autres États. Que ce soit la Suisse, l’État de New York, ou l’Angleterre,
nous constatons de prime abord que nous avons à faire à trois places majeures en
matière d’arbitrage . La clause compromissoire se trouvant la plupart du temps au 77
sein du contrat, comprenant la clause d’electio juris, est-il possible d’établir un lien
entre ces deux clauses ? En effet, pour Ripert, « Contracter c’est prévoir, le contrat
est une emprise sur l’avenir » . Dès lors que les parties se mettent d’accord sur les 78
clauses d’un contrat, leur souhait logique pour l’avenir est que celles-ci soient
exécutoires. En terme général, même si la clause compromissoire peut être régie par
sa propre loi, en vertu du principe d’autonomie, cela reste très rare, et la loi du contrat
gouverne également la clause compromissoire. Or leur exécution ne fut pas d’emblée
acquise, ayant abouti dans les différents États, en un bras de fer législatif dans le but
de conforter les parties dans leur choix de loi.
C. HAUSMANN, « Places d’arbitrage : Paris v. Londres », La Revue Squire Patton Boggs, 77
https://larevue.squirepattonboggs.com/Places-d-arbitrage-Paris-v-Londres_a2247.html
G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, (date de publication d’origine : 1925), 78
L.G.D.J, 2013!35
Au début des années 1980, l'Association du barreau de New York s'est efforcée de
fournir des garanties encore plus grandes aux parties que les choix de loi et de forum
seront respectés dans l'État de New York. Un rapport du Comité de droit étranger et
comparé de l'Association a reconnu plusieurs avantages qui découlaient de la capacité
avérée de New York à attirer des contrats d'autres pays. Les parties «qui n'ont pas
d'autres liens importants avec New York» pourraient être amenées à faire des affaires
dans l'État si elles pouvaient être assurées d'un forum de New York et d'une loi de
New York . Le rapport ajoute que les «communautés juridiques et commerciales» de 79
New York seraient bénéficiaire, «si des accords significatifs étaient régis par la loi de
New York et si des litiges commerciaux importants étaient menés dans l’État» . Par 80
le choix de loi et de forum des parties, la stature de New York en tant que « centre
financier et commercial prééminent » serait ainsi préservée et finalement renforcée . 81
Mais la capacité de New York à attirer des affaires d'arbitrage général était
considérablement limitée par la doctrine de la révocabilité : les conventions 82
d'arbitrage avant le règlement des différends étaient considérées révocables et
n'étaient donc pas exécutoires en justice.
Tandis que Angleterre avait retenu l’exécution des clauses compromissoire dès
1886 , ce qui avait entraîné une augmentation de l’activité de la Cour d'arbitrage de 83
Londres , faisant noter le désavantage concurrentiel de New York par rapport à 84
l’Angleterre . Sans compter sur l’activité des chambres de commerce et d'industrie 85
suisses de Genève, Zurich et Bâle, toutes fondées entre 1865 et 1876, qui figuraient
Committee on Foreign and Comparative Law, «Proposal for Mandatory Enforcement of 79
Governing-Law Clauses and Related Clauses in Significant Commercial Agreements », 38 Record of the Association of the Bar of the City of New York, 537, 537 (1983)
Id80
Id81
J. H. COHEN & K. DAYTON, The New Federal Arbitration Law, 12 Virginia. Law. Review, 82
1926, p 270
English Arbitration Act of 1889, 52 & 53 VICT., c. 49; Manchester Ship Canal Co. v. S. Pearson 83
& Son, 2 Q.B. 606 (1900); Austrian Lloyd Steamship Co. v. Gresham Life Assurance Soc., 1 K.B. 249 (1903)
Les contrats entre les partis anglais et américains comprenaient fréquemment des accords pour 84
arbitrer leurs différends en Angleterre : U.S. Asphalt Refining Co. v. Trinidad Lake Petroleum Co., 222 F. 1006 (S.D.N.Y. 1915)
Remarques de C. L. BERNHEIMER, Conference of Bar Association Delegates, 5 A.B.A. J. 85
48,1919!36
parmi les premiers fournisseurs de services d'arbitrage commercial international, y
compris pour la nomination d'arbitres et d'experts . 86
La Chambre de commerce de New York, a également été confrontée à la concurrence
nationale. En effet, la Cour suprême de Pennsylvanie a statué en 1913 que les clauses
d'arbitrage étaient exécutoires nonobstant une loi qui prétendait les annuler . 87
Face à tant de concurrence et d’insistance des membres du barreau de New York, la
doctrine de la révocabilité fut renversée par une loi de 1920 , annonçant une 88
« nouvelle ère dans l’arbitrage américain » 89
Aujourd’hui encore, la Cour Suprême de l’État de New York a souligné à plusieurs
reprises la «longue et forte politique publique de l’État en faveur de l’arbitrage», et a
rappelé à quel point il est important que «les tribunaux de New York s'ingèrent le
moins possible dans la liberté des parties à soumettre leurs différends à
l’arbitrage » . 90
Un lien inéluctable peut ainsi être établi entre le traitement des clauses
compromissoires par l’État et le choix de la loi applicable au contrat par les parties,
mais comment expliquer alors que le droit des contrats français soit trois fois moins
attractif que le droit des contrats suisse, alors que la France accueille beaucoup plus
d’arbitrage que la Suisse ? 91
B) L’interprétation par le juge
L'analyse des professeurs Miller et Eisenberg révélait que les parties
commerciales américaines choisissaient la loi de l'État de New York dans 46% de
leurs contrats, tandis que la loi de l'État californien n'était retenue que dans 8% des
G. SALAZAR SCHERMAN, « Arbitration : a Swiss tradition worth exploring », 2017, 86
https://www.gbnews.ch/arbitration-a-swiss-tradition/
Adinolfi v. Hazlett, 88 A. 869, 870 (Pa. 1913), la décision, renversant une loi promulguée en 87
1907. Snodgrass v. Gravit, 28 Pa. 221 (1857) la Virginie avait également reconnu l'applicabilité des clauses compromissoire.
1920 N.Y . Laws, Ch. 275 88
F. KELLOR, « American Arbitration, Its History, Functions and Achievements », Dispute 89
Resolution Journal, (1948)
Stark v. Molod Spitz DeSantis & Stark, P.C., 9 N.Y.3d 59, 66 (N.Y. 2007)90
G. CUNIBERTI, op.cit91
!37
cas . En comparant les lois de l'État de New York et de la Californie, la différence 92
essentielle résiderait dans leurs règles respectives sur l'interprétation et l'exécution
des contrats. Les juges de l'État de New York étaient qualifiés de «formalistes» avec
«peu de tolérance pour les tentatives de réécrire les contrats afin de les rendre plus
justes ou plus équitables», l'accord écrit était alors considéré comme la source
définitive de l’interprétation. A contrario, les juges californiens seraient plus disposés
à réformer ou à rejeter les contrats en vertu de la moralité ou de l’ordre public, ils
mettraient moins l'accent sur l'accord écrit des parties et chercheraient plutôt à
identifier les contours de leur relation commerciale dans un contexte plus large
encadré par des principes de raison, d'équité et de justice substantielle. Dans une
recherche d’une plus grande prévisibilité, les données statistiques suggèrent que les
parties préfèrent le modèle d’interprétation objective, plutôt que subjective.
Du coté européen, on retrouve également cette différence entre interprétation
objective et subjective, alors que le droit anglais se fonde essentiellement sur
l’interprétation littérale, l’intention des parties est identifiée par référence au standard
de personne raisonnable , l’article 18 du Code des obligations suisse suggère quant à 93
lui de se fier à la réelle et commune intention des parties . L’interprétation subjective 94
suisse est néanmoins nuancée par le principe de la confiance qui régit dans une
seconde étape l’interprétation des contrats. Ce principe repose sur ce que devait
comprendre une personne raisonnable et honnête placée dans les mêmes
circonstances . 95
Le droit allemand conjugue à la fois des dispositions sur l’interprétation du contrat
ainsi que la déclaration de volonté. L’article 157 du BGB dispose que « Les contrats
doivent s'interpréter de bonne foi en tenant compte des usages ». L’article 133
consacre l’interprétation subjective en prévoyant la recherche de l’intention réelle et
le rejet du sens littéral dans l’interprétation de la déclaration de volonté.
G. MILLER & T. EISENBERG, « The market for contracts », op.cit92
Lord HOFFMAN, Chartbrook Ltd v Persimmon Homes Ltd [2009] UKHL 38, para 1493
Art 18, Code Suisse des Obligations : « Pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a 94
lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention»
S. MOSS, « The Swiss approach to contract interpretation - Better suited to the realities of 95
international construction contracts ? », IBA Annual Conference, Tokyo, 21 October 2014 !38
Depuis la réforme du droit des contrats en France, les règles relatives à
l’interprétation prévues des articles 1188 du Code civil à l’article 1192 sont plus
claires que les précédentes et moins nombreuses . Dans un premier temps, l’article 96
1188 rappelle que le contrat doit d'abord s'interpréter d'après la commune intention
des parties plutôt qu'en s'arrêtant à sa lettre. Le second alinéa précise qu’à défaut de
pouvoir déterminer la commune intention des parties, le sens du contrat s’interprète
selon un standard, celui du contractant moyen dénommé “personne raisonnable” placé
dans les mêmes circonstances de temps et de lieu. Par conséquent, le second alinéa,
une nouveauté de la réforme, abouti en l’introduction de l’interprétation objective au
sein de l’interprétation subjective. Faisant ainsi penser aux règles d’interprétation
adopté par le droit Suisse, ayant trouvé un savant équilibre entre interprétation
objective et interprétation subjective, afin de rendre plus prévisible les solutions
pouvant être adoptées par le juge dans le processus d’interprétation du contrat.
II - La flexibilité
La flexibilité pour les parties peut être nécéssaire, lors de la survenance d’un
événement imprévisible, qui rend plus difficile l’exécution du contrat et nécessite
l’adaptation de celui-ci (A), mais aussi lors de l’instance où l’on est en mesure
d’attendre l’adaptation par le juge des règles juridiques aux faits d’espèces (B).
A) La théorie de l’imprévision
Une des grandes nouveautés de la réforme française du droit des contrats, est
la reconnaissance textuelle du changement de circonstances imprévisible, renversant
ainsi la très célèbre jurisprudence de 1876, Canal de Craponne.
L’article 1195, placé dans une sous-section intitulée “force obligatoire” du contrat
envisage les conséquences du changement de circonstances imprévisible en énonçant
une à une les étapes du processus. Il y a d’abord une renégociation, sans suspension
d’exécution: puis, en cas d’échec ou de refus, le texte énonce la possibilité de choisir
entre la résolution conventionnelle ou une saisine conjointe du juge pour qu’il
“adapte” le contrat. Enfin, mais seulement après un “délai raisonnable”, une partie
B. FAUVARQUE COSSON, « La reforme du droit français des contrats dans le contexte de 96
l’arbitrage commercial international », Revista de Arbitragem e Mediação, Rarb vol. 50, 2016!39
peut saisir le juge pour qu’il révise le contrat ou y mette fin, à la date et aux
conditions qu’il fixe.
Le refus initial du droit français était basé sur le respect du principe d’intangibilité du
contrat, bien que ce principe fut érigé en pierre angulaire de notre droit, il ne fut pas
un obstacle à l’introduction quasi-systématique de clauses de hardship ou de
renégociation, développant ainsi une sorte de théorie conventionnelle de
l’imprévision . Cependant, la consécration législative permise par la réforme, fut des 97
plus heureuse, permettant ainsi une mise en adéquation des dispositions écrites de
notre droit avec la pratique actuelle des opérateurs.
Le principe rebus sic stantibus, fondement à la révision pour imprévision, exception
au principe pacta sunt servanda, se trouve consacré dans beaucoup de droit européen.
L’article 313 du code civil allemand prévoit la possibilité de modifier un contrat si,
après sa conclusion, un changement imprévu se produisait, sans lequel le contrat
n'aurait pas été conclu ou aurait été conclu avec un contenu différent, que l'on ne peut
attendre d'une partie qu'elle maintienne cet accord de la même manière. Si la
modification du contrat n'est pas possible ou si on ne peut raisonnablement l’attendre
de la partie, celle qui est dans une situation défavorisée peut en demander la
résiliation. L’article 373 B du Code des obligations suisse prévoit la possibilité pour
le juge en vertu de son pouvoir d’appréciation l’augmentation du prix stipulé ou la
résiliation.
Assez étonnamment contrairement aux allégations de flexibilité du droit anglais , le 98
principe rebus sic stantibus n’est pas totalement consacré dans les pays de common
law, et le droit anglais prévoit que lorsqu’il y a « frustration », le juge ne peut que
confirmer ou résilier le contrat . Les parties peuvent néanmoins d’un commun accord 99
renégocier et accepter de modifier leur contrat, ce qui reste l’option la plus privilégiée
dans le monde des transactions commerciales internationales. Il a été parfois avancé
que le droit des contrats anglais devrait reconsidérer le recours en «réajustement»
B. OPPETIT, « L’adaptation des contrats internationaux aux changements de circonstances : la 97
clause de "hardship" », J.D.I. 1974. 794 ; M. FONTAINE, « Les clause de hardship, aménagement conventionnel de l’imprévision dans les contrats internationaux à long terme », D.P.C.I. 1976. 42
The Law Society of England and Wales, op.cit98
Taylor v Caldwell [1863] EWHC QB J1, première affaire anglaise prononçant la résiliation d’un 99
contrat en raison de changement de circonstances imprévisibles !40
devant le juge afin de maintenir sa position commerciale internationale supérieure
actuelle . 100
Aux États-Unis, le changement de circonstances imprévisibles a été codifié à l’article
262 du Restatement Second of Contracts, qui prévoit la libération de la partie
subissant le changement de circonstances imprévisibles, sauf en cas de clause
stipulant le contraire. Le commentaire de l’article précise, que premièrement, c’est
l’objet même du contrat qui doit être affecté par le changement de circonstances.
Deuxièmement, la « frustration » doit être substantielle. Il ne suffit pas que la
transaction soit devenue moins rentable pour la partie affectée, ou même qu'elle
subisse une perte. Troisièmement, la non-occurrence de l'événement frustrant doit
avoir été l’hypothèse de base sur laquelle le contrat a été conclu.
En toute hypothèse, contrairement aux droits de tradition civiliste, les règles issues de
la common law admettent très limitativement le cas d’imprévision, et ne prévoient
une quelconque révision. La survenance de l’événement imprévisible, n’est ni plus ni
moins qu’une mise en échec de la notion de « consideration », qui fonde le contrat en
droit anglais et qui est l’idée d’une contrepartie et d’un échange d’obligations
réciproques. D’après le professeur Williston, l’exécution convenue est celle qui a été
promise et recherchée en échange d'un paiement. Une fois l’exécution compromise
par la survenance d’un événement imprévu, les deux parties sont libérés de leurs
obligations réciproques . 101
L'étroitesse de ces doctrines souligne la nécessité pour les avocats anglo-saxons de
négocier et de rédiger précisément les contrats afin de prévoir ce qui est prévisibles et
ce qui ne l’est pas, dans le but de rendre clair l’objet du contrat.
L'admission de la doctrine de l'imprévision semble favoriser l'équité et la justice
commutative, et consacre ce qui est économiquement souhaitable, c’est-à-dire, une
conception souple de l’intangibilité des contrat . Toutefois, une telle règle semble 102
accroître l'insécurité juridique car les critères de sa mise en œuvre sont vagues et
M. KOVAC, « Frustration of purpose and the French Contract Law reform : The challenge to 100
the international commercial attractiveness of English law? », Maastricht Journal of European and Comparative Law, 2018
S. WILLISTON, Williston on Contracts, 3d ed. 1978, p 1954101
X. LAGARDE, « Brèves réflexions sur l’attractivité économique du droit français des 102
contrats », Recueil Dalloz, 2005, p 2745!41
n'ont pas encore été définis de manière ferme et précise par la jurisprudence, pouvant
être l’explication à la réticence des pays de common law à son encontre.
B) L’efficience du précédent
Le prétendu avantage du droit anglais viendrait du fait que les juges font la loi,
et qu’ils peuvent l'adapter chaque fois qu'ils sont confrontés à une nouvelle pratique
commerciale . Le système du précédent produirait des règles plus précises, défini 103
par référence au ratio decidendi des cas, et donc aux faits des cas, investissant le juge
anglo-saxon d’une plus grande capacité d’adaptation .
Néanmoins, ce raisonnement à des limites, notamment en France, où avant
l’harmonisation européenne, le juge faisait l’essentiel du droit de la responsabilité
civile et l’ensemble des règles de conflits de lois. Plus encore, les juridictions
françaises ont fait évoluer le droit issu du Code civil de 1804, à telle point que la
réforme du droit des contrats intervenue en 2016 n’est finalement qu’une codification
des solutions jurisprudentielles constantes.
Alors que le système du précédent est présenté comme un gage de flexibilité, il n’est
pas certain que les juridictions anglaises puissent aussi facilement adapter le droit, en
effet, les conditions pour renverser leurs propres précédents sont très rigoureuses, et
n'incluent pas la simple inadéquation d'un ancien précédent . Les cours d’appel 104
d’Angleterre, et du Pays de Galles n’ont tout simplement pas le pouvoir de procéder à
un tel renversement , on peut alors se questionner sur le pouvoir d’adaptation des 105
juges de common law à tout nouveau besoin de la société.
Mais si l’efficience du précédent n’était pas dû à sa flexibilité, mais plutôt à sa
stabilité ? En effet, si on dresse un parallèle avec le droit des sociétés, la riche, claire,
The Law Society of England and Wales, op.cit103
Practice Statement, [1966] 1 W.L.R. 1234 104
Davis v. Johnson, [1979] A.C. 317 (H.L.)105
!42
et constante jurisprudence de la Chancery Court est une des raisons du succès de
l’État du Delaware en tant que loi choisie pour l’immatriculation des sociétés . 106
Sur le même modèle, la division commerciale de la cour suprême de New York a
élaboré un ensemble cohérent et exhaustif de précédents en droit commercial qui sont
rendus accessibles au public par l’intermédiaire du Commercial Division Law Report,
qui est publié régulièrement . 107
La Cour Suprême de New York va même jusqu’a refuser d'imposer une obligation qui
n'a pas été précisément fixée par la loi applicable, car elle contrarierait la préférence
pour le caractère définitif, la régularité et la prévisibilité qui sous-tendent aux
précédents dans le contentieux des transactions commerciales . En prévoyant 108
publicité et stabilité du précédent, la Cour Suprême de New York s’assure une large
audience, et affiche clairement la même ambition que la Chancery Court du
Delaware, à savoir, être choisie, non pas comme loi d’immatriculation, mais plutôt
comme lex contractus.
III - Des règles impératives amoindries
Une raison évidente de préférer une loi à une autre est l'existence de règles
obligatoires interdisant certains types de clauses contractuelles ou même certains
types de transactions. On peut s'attendre à ce que les parties commerciales évitent les
droits qui contiennent de telles restrictions et préfèrent des lois plus libérales. La
différence est palpable au sujet de la sanction des clauses abusives (A), et lors de la
reconnaissance du principe de bonne foi, pouvant être invoqué par le juge au soutien
d’un interventionnisme contractuel (B).
J. E. FISCH, « The peculiar Role of the Delaware Courts in the Competition for Corporate 106
Charters », 68 U. Cin. L Rev, 2000, p 1061-1063. Avec seulement 7 revirements de jurisprudence : Aronson v. Lewis, 473 A.2d 805, 811 (Del. 1984); Scattered Corp. v. Chi. Stock Exch., 701 A.2d 70, 72-73 (Del. 1997); Grimes v. Donald, 673 A.2d 1207, 1217 n.15 (Del. 1996); Heineman v. Datapoint Corp., 611 A.2d 950, 952 (Del. 1992); Levine v. Smith, 591 A.2d 194, 207 (Del. 1991); Grobow v. Perot, 539 A.2d 180, 186 (Del. 1988) Pogostin v. Rice, 480 A.2d 619, 624-25 (Del. 1984).
New York State Bar Association & New York International Arbitration Center, « Choose New 107
York Law For International Commercial Transactions », p 15
Fleet Factors Corp. v. Bandolene Indus. Corp., 86 N.Y.2d 519, 527 (N.Y. 1995).108
!43
A) La sanction des clauses abusives
Il se pourrait que certains types d'opérations ou certaines clauses contractuelles
soient autorisées en vertu du droit anglais ou suisse, alors qu'elles sont interdites en
vertu d’autres droits européens. C’est d’ailleurs la revendication générale faite par
certains promoteurs de ces deux droits des contrats . 109
Il est spécifiquement souligné la rigidité de certains droits notamment s’agissant des
clauses abusives. En droit allemand, par exemple, on parle de conditions générales
d’affaires , et le contrôle n’est pas seulement limité aux contrats B2C, mais couvre 110
également les contrats B2B. Cependant, le pouvoir des tribunaux allemands de
contrôler et annuler les clauses abusives n'est pas considéré comme business friendly,
encourageant les entreprises allemandes activent dans le commerce international à
choisir une autre loi que la leur . A telle point que l’on parle de « fuite vers le droit 111
suisse ».
Le droit suisse est largement connu pour son approche libérale en ce qui concerne la
liberté contractuelle des parties, car il impose peu de restrictions statutaires à la
capacité des parties de façonner leur relation contractuelle à leur guise. Cette
convivialité commerciale, ou plutôt business friendliness, est l'une des principales
raisons pour lesquelles le droit suisse est souvent choisi comme loi régissant les
contrats internationaux dans un large éventail de domaines. Même si le droit suisse
fut l’objet d’une révision, en 2012, en matière de condition générale abusive, celle-ci
resta cantonnée au droit de la consommation , contrairement aux règles strictes et 112
larges du droit allemand . 113
H. KÖTZ, « The jurisdiction of Choice : England and Wales or Germany » ?, 18 Eur. R. Private 109
L. 2010, p 1243. C WILDHABER, « Franchising—Switzerland: Pre-contractual Disclosure Obligations », International Law Office, 2006
Article 305 alinéa 1 du BGB : “Les conditions générales d’affaires sont toutes les clauses 110
contractuelles pré- formulées pour une multitude de contrats et qu’une partie (l’utilisateur) pose à l’autre partie du contrat lors de la conclusion d’un contrat”
S. VOGENAUER, « Regulatory Competition Through Choice of Contract Law and Choice of 111
Forum in Europe: Theory and Evidence », 21 Eur. Rev. Private L, 2013, p 63
Article 8, Swiss Federal Act on Unfair Competition (Bundesgesetz gegen den unlauteren 112
Wettbewerb)
J. ZONS, « The German Law on Standard Terms and Conditions – a Dangerous Trap for 113
Building and Engineering Contracts », Construction Law International, 2012!44
Conscient de la fuite vers le droit suisse, un certain nombre de groupes d'intérêt
allemands ont proposé des réformes de la loi allemande sur les conditions générales
d’affaires, dont certaines visent expressément à améliorer la compétitivité
internationale du droit allemand des contrats . Cependant, cette réforme n’est pas 114
universellement accueillie, en effet, d’autres groupes d'intérêt, en particulier les
petites et moyennes entreprises, considèrent le régime allemand existant comme une
protection contre le pouvoir de négociation supérieur des grandes entreprises et, par
conséquent, s'opposent à toute réforme . 115
La même controverse agita également le droit français au moment de la réforme du
droit des contrats, pour cause, dans le projet d’ordonnance, une disposition permettait
au juge de neutraliser toute clause abusive, dans tous les contrats (y compris les
contrats de gré à gré). Cela a suscité de fortes réactions, qualifiant cette disposition
d’”épouvantail au plan du droit des affaires” et de “repoussoir du choix de la loi
française comme loi d’autonomie dans les opérations du commerce international” . 116
Cet argument a joué un rôle décisif dans le choix de limiter finalement ce pouvoir du
juge aux seuls contrats d’adhésion . Cependant, lors de la ratification de la réforme 117
du droit des contrats, on a procédé à un resserrement de la notion du contrat
d’adhésion autour de la non-négociabilité : le contrat d’adhésion devra s’entendre
comme celui « qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à
l’avance par l’une des parties ». La catégorie des contrats d’adhésion s’en trouve 118
conséquemment élargie puisque le simple fait de pouvoir, ou non, négocier le contrat
permettra de le qualifier soit de contrat de gré à gré soit de contrat d’adhésion. Il s’en
infère que le contrat d’adhésion ne devrait plus être cantonné aux seuls contrats de
masse, et la loi de ratification pourrait compromettre l’ambition assumé d’attractivité
du droit français reformé.
S. VOGENAUER, opt.cit, p 64. Une proposition fut préparée par le Comité pour les questions 114
de droit privé du Barreau allemand. Un autre a été publié par les organes représentatifs de l'industrie de la construction mécanique et de l'électrotechnique, la Chambre de commerce de Francfort et divers praticiens et conseillers internes qui avaient établi une «Initiative pour le développement de la loi des conditions générales dans les transactions commerciales».
Id, p 65 115
B. FAUVARQUE COSSON, « La reforme du droit français des contrats dans le contexte de 116
l’arbitrage commercial international », op.cit
Article 1171 Code civil français, Version en vigueur avec terme du 1er octobre 2016 au 1er 117
octobre 2018
Article 1110 du Code civil français, Version à venir au 1er octobre 2018118
!45
Aux États-Unis, l’article 2-302 de l’UCC consacre la notion d’ « unconscionability »,
prévoyant la rescision du contrat, ou son exécution sans la clause unconscionable de
façon à éviter un résultat injuste. L’arrêt Williams v. Walker-Thomas Furniture , 119
arrêt fondateur de l’unconscionability, décrit les critères permettant de déterminer si
une clause ou un contrat est unconscionable : « il a généralement été reconnu que
l’unconscionability incluait une absence de choix significatif pour l’une des parties,
combinée avec des termes qui sont déraisonnablement favorables à l’autre partie ».
Deux critères ont alors été dégagés de cet arrêt pour décrire l’application de cette
règle : une absence de choix significatif, et des termes déraisonnables.
Ces deux éléments ont également permis de dégager deux perspectives différentes qui
bordent l’unconscionability : l’une prenant compte de la façon dont le contrat avait
été formé, l’unconscionability procédurale, et l’autre prenant en considération les
termes même du contrat, l’unconscionabilty substantielle . Les tribunaux et les 120
commentateurs s'entendent pour dire que l'article 2-302 de l’UCC est plus susceptible
d'être applicable aux consommateurs qu'aux commerçants . 121
L’État de New York, adopta en 1962 l’UCC, et fut très rapidement suivi par les autres
États fédérés. Cependant, les tribunaux et la législature de l’État de New York ont été
beaucoup moins actifs en ce qui concerne la doctrine de l'unconscionabilty que ne l’a
été l’État de Californie. En effet, l’article 1670.5 du Code civil Californien est
identique à l’article 2-302 de l’UCC, mais apparaît sous le Titre 4 à propos des
contrats prohibés dans la Partie II Division 3 qui traite du droit des contrats en
général. Le but d’une telle incorporation au sein du code civil était de rendre
applicable la disposition relative à l’unconscionabilty à tous les contrats. Rendant
ainsi le spectre du contrôle beaucoup plus conséquent du coté de la Californie, et la
fuite vers le droit des autres États manifeste . Par ailleurs le contrôle des conditions 122
générales abusives peut affecter la loi choisie par les parties en l’écartant afin
Williams v. Walker-Thomas Furniture Co, 350 F.2d 445 (D.C. Cir. 1965)119
Frostifresh Corp. v. Reynoso, District Court,274 N.Y.S.2d 757 (1966)120
Johnson v. Mobil Oil Corp., 415 F. Supp. 264, 265 (E.D. Mich. 1976) : observant que la doctrine 121
de l'unconscionabilty est le plus souvent utilisée pour protéger les consommateurs désavantagés contre les commerçants trop nombreux. Layne v. Garner, 612 S.2d 404, 408 (Ala. 1992) : notant que l'unconscionabilty est un remède extraordinaire généralement disponible pour les parties non sophistiquées et non disponible pour les parties commerçantes.
D’après l’étude des professeurs Miller et Eisenberg, la loi californienne régissait 7.64 % des 122
contrats étudiés, contre 45.69 % pour la loi de l’État de New York.!46
d’effectuer le dit contrôle selon la loi du for , rendant ainsi de plus en plus 123
nécéssaire la liaison de la clause attributive de juridiction à la clause d’electio juris.
B) La bonne foi
D’après l’Association Suisse d’Arbitrage, choisir le droit suisse comme droit
substantiel aux contrats serait un atout majeur car celui-ci est basé sur la bonne foi . 124
Un principe général du droit suisse des contrats exige que les parties exercent leurs
droits et exécutent leurs obligations de bonne foi . Le principe suisse de bonne foi, 125
comme celui des autres systèmes de droit civil européens , peut ainsi entraîner la 126
création de droits ou obligations supplémentaires . 127
Malgré l’absence de définition de la notion de « bonne foi » dans le nouvel article
1103 issu de la réforme du Code civil, le principe lui même était bien connu avant la
réforme, et continue d’être un des fondements sur lequel les parties peuvent exercer
un recours contractuel. Cette confirmation expresse par le texte de loi du principe de
bonne foi précise également son champ d’application, dont le point de départ est fixé
au stade de la négociation . Bien que cette nouvelle disposition représente une 128
véritable nouveauté pour le Code, elle ne l’est pas pour le droit français, dont la
jurisprudence avait déjà consacré ce principe . 129
La bonne foi ne serait pas à proprement parler une obligation, mais un devoir général,
une norme de comportement relevant de la responsabilité délictuelle, car l’objet du
TING v AT&T, 182 F.Supp.2d 902 (N.D.Cal.2002), qui affirme que la question de 123
l’unconscionability du contrat est gouverné par la loi californienne (loi du for) plutot que la loi de l’État de New York (lex contractus).
Association Suisse de l’Arbitrage, Why Choose Swiss Substantive Law, 2016124
Article 2 du Code civil Suisse125
Article 242 du Code civil allemand : qui prévoit que toutes les obligations contractuelles doivent 126
être exécutées avec « foi et confiance » (“Treu und Glauben”). Plusieurs articles du Code civil italien imposent également une exigence de bonne foi : l'article 1375 exige qu'un «contrat doit être exécuté de bonne foi», l'article 1366 prévoit qu'un «contrat doit être interprété de bonne foi» et l'article 1337 impose des obligations de bonne foi dans les relations débiteur-créancier.
P. TERCIER & P. PICHONNAZ, Le droit des obligations, Schulthess, 5ème édition, 2012, p 64127
Article 1104 du Code civil français128
E. PANNEBAKKER, « Pre-Contractual Phase: Reflections on the Attractiveness of the New 129
French Rules for the Parties to International Commercial Transactions », dans S. STIJNS & S. JANSEN, The French Contract Law Reform: a Source of Inspiration?, Intersentia, 2016
!47
contrat « ne consiste pas à créer des règles de comportement » . Pour M. Stoffel-130
Munck, la bonne foi s’ancrerait, dans l’ordre de responsabilité propre aux délits, cette
disposition étant «comme l’ambassade de la responsabilité délictuelle sur les terres du
contrat», qui impose, avec une intensité particulière, une norme de loyauté . C’est 131
ainsi que la bonne foi est devenue le réceptacle accueillant tous les devoirs imposés
par le juge aux contractants dans un souci d’équité et de justice, et notamment celui
de loyauté.
Pour les plus libéraux, la bonne foi doit être utilisé pour contrôler le comportement
des parties, elle n’est pas destinée à permettre au juge de faire prévaloir l’équilibre
contractuel qu’il estime juste en réécrivant le contrat, sous peine de consacrer de
dangereuses dérives et la déstabilisation du contrat . Néanmoins, le placement au 132
frontispice du droit des contrats, et le caractère d’ordre public donné à l’article 1104
par son deuxième alinéa, est susceptible d’être perçue par le juge comme une
invitation à produire de nouvelles règles, autrement dit, la qualification de principe
directeur permettrait au ver de la bonne foi de s’immiscer dans le fruit de la sécurité
contractuelle . 133
La réaffirmation du principe de bonne foi en droit français, perpétue et accentue la
différence majeure avec le droit anglais, qui ne reconnait aucune obligation de bonne
foi. En droit anglais, les obligations de bonne foi peuvent exister en vertu d'une
clause contractuelle expressément convenue par les parties, mais en règle générale,
les tribunaux anglais ne reconnaissent pas un quelconque devoir de bonne foi
découlant du contrat. Les juges considèrent même que la bonne foi est incompatible
avec le rôle respectif des parties contractantes, dont les intérêts s’opposent . 134
Mais un juge de la High Court, G. Leggatt, s’est dressé contre ce postulat, en
estimant que le droit anglais consacre pour certains contrats de longue durée une
obligation implicite de bonne foi et de loyauté, rendant déplacée, l’hostilité
traditionnelle du droit anglais . Mais pour un autre juge, M. Moore-Bick, il y a un 135
G. VINEY, Introduction à la responsabilité, L.G.D.J, 3ème édition, 2008, p 284130
P. STOFFEL-MUNCK, L’abus dans le contrat, L.G.D.J, 2000, n°134131
J. FLOUR, J. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations, 1. L’acte juridique, A. Colin 9ème ed. 132
2000, p 378
M. LATINA, « La réforme du droit des obligations », Les Petites Affiches, 2017, https://133
www.petitesaffiches.fr/actualites,069/droit,044/cahiers-ucejam-la-reforme-du-droit,12173.html
Walford v Miles [1992] 2 A.C. 128134
Yam Seng Pte Ltd v International Trade Corporation Ltd [2013] EWHC 111135
!48
véritable danger à consacrer un principe général de bonne foi, celui de rendre ce
dernier invocable à tort et à travers, ce qui risquerait de saper les termes du contrat
dans lesquels les parties sont parvenus à un accord . 136
À la différence des tribunaux anglais, ceux de New York ont été les premiers
tribunaux aux États-Unis à introduire l’engagement implicite de bonne foi dans la
jurisprudence en matière de droit des contrats . Dans une célèbre affaire en 1917 , 137 138
le juge Benjamin Cardozo siégeant à la cour d’appel de New York, a estimé que le
contrat en cause était « l’instinct, avec une obligation imparfaitement exprimée » de
bonne foi. L’obligation de bonne foi a été renforcée lorsque l’ État de New York, en
1962, a adopté l’UCC, et son article 1-203 dispose que «tout contrat ou obligation
prévu dans la présente loi impose une obligation de bonne foi dans son exécution».
L’article 2-103 de l’UCC de New York, définit la bonne foi dans le cadre la vente
d’un bien comme «l’honnêteté de fait et l’observation de normes commerciales justes
dans le commerce ». Néanmoins l’utilisation de la bonne foi est beaucoup plus
mesurée à New York qu’en Europe, car même si la bonne foi est consacrée, elle est
largement encadrée, afin de ne pas imposer d'exigences extra-contractuelles qui
élargiraient ou restreindraient largement la portée des accords conclus au préalable
par les parties . En effet, l’obligation d’agir de bonne foi dans le cadre d’un contrat 139
n’est généralement pas séparable de l’obligation d’exécuter ses obligations en vertu
du contrat lui-même . Elle est censée faciliter l’interprétation et l’exécution des 140
termes du contrat lui même, donc la violation d’un engagement de bonne foi n’est
généralement pas considérée comme une cause d’action indépendante. Marquant une
différence significative avec les tribunaux européens, ceux de New York privilégient
les attentes raisonnables des parties dans le contexte commercial en vigueur afin de
réaliser les objectifs initiaux du contrat . Par ailleurs les tribunaux de New York 141
J. CATWRIGHT & S. WHITTAKER, The Code Napoléon Rewritten : French Contract Law 136
after the 2016 Reforms, Hart Publishing, 2017
New York Central Iron Works Co.. v. United States Radiator Co., 174 N.Y. 331 (1903) : Dans 137
une affaire concernant un contrat à long terme, la Cour d'appel a déclaré que «l 'obligation de bonne foi et d'équité est une notion implicite».
Wood v. Lucy 222 N.Y. 88 (1917)138
New York State Bar Association & New York International Arbitration Center, op.cit139
M. W. GALLIGAN, « Choosing New York Law as Governing Law for International 140
Commercial Transactions », New York State Bar Association International Section, 2012
Id. 141
!49
sont plus hésitants lorsqu’il s’agit de retenir une responsabilité pré-contractuelle ou
encore de réviser le contrat en cas de changement de circonstances . En 142
conséquence, les tribunaux new-yorkais semblent avoir trouvé un compromis entre le
droit anglais et le droit des pays de tradition civiliste en adoptant une position
intermédiaire, qui reconnaît l’obligation de bonne foi qui incombe aux parties
cocontractantes, mais circonscrit celle-ci dans un cadre bien limité, celui de
l’exécution, tout en s’assurant que les termes du contrat ne soient pas altérés.
SECTION 2 - LES QUALITÉS EXTRINSÈQUES AU DROIT DES CONTRATS
La préférence des parties pour un droit plutôt qu’un autre peut s’expliquer par
sa prétendue neutralité (I), la familiarité des parties (II), et son caractère international
(III).
I - La neutralité
L'un des arguments les plus courants en faveur du choix du droit suisse pour
régir les contrats internationaux est sa prétendue neutralité . 143
Argument qui ne manque pas d’être invoqué par le praticiens, mais aussi les
tribunaux arbitraux . Cependant, la neutralité alléguée est bien souvent confondue 144
avec la neutralité politique de la Suisse qui est établie depuis 1815 . Et la neutralité 145
politique de la Suisse n’a aucun impact sur son droit des contrats qui relève plutôt de
la résolution de litiges entre individus et donc du droit international privé. En règle
générale, un droit privé, tel que le droit des contrats établit des obligations et devoirs
qui incombent à une partie, ainsi que les droits dont dispose une partie envers une
autre, un débiteur et un créancier, par conséquent, un gagnant potentiel et un
perdant . Les règles de droit privé sont donc par nature pas neutre, et le droit des 146
Id.142
Association Suisse de l’Arbitrage, op.cit143
ICC Arbitration Award No. 8482 of December 1996 144
C. FOUNTOULAKIS, « The Parties’ Choice of ‘Neutral Law’ in International Sales 145
Contracts », 7 European J. L. Reform, 2005, p 303
Id. p 307146
!50
contrats suisse ne fait pas exception.
Il est coutume, également, de confondre la neutralité de la Suisse en tant que place de
résolution des conflits et la neutralité de son droit des contrats . L'une des raisons 147
pour lesquelles les acteurs commerciaux choisissent Genève ou Zurich comme place
d'arbitrage est que ni les tribunaux suisses, ni aucune autre branche du gouvernement
suisse, ne sont susceptibles d'interférer dans la procédure d'arbitrage. Ainsi, localiser
un arbitrage en Suisse garantit la neutralité du règlement des litiges (à condition que
des parties suisses ne soient pas impliquées) car aucune des parties ne bénéficie d’un
avantage juridictionnel et ne peut utiliser ses relations politiques pour faire intervenir
un tribunal.
Cette neutralité n’a cependant aucune incidence sur le contenu de la loi appliquée par
les arbitres. Les arbitres qui appliquent des règles de droit privé doivent toujours
déterminer quelle partie est le débiteur et quelle partie est le créancier, puis
déterminer si toutes les obligations ont été remplies ou non.
II - La familiarité
Le professeur Vogenauer estime que d'autres facteurs, comme la familiarité
d'un système juridique donné, joue un rôle prépondérant dans la détermination par les
parties, du droit des contrats applicable, et du forum de résolution des litiges . 148
La familiarité pourrait être ainsi l’explication la plus plausible à l’attractivité du droit
Suisse. En effet, le Code des Obligations Suisse, principale source de droit des
contrats, est un savant mélange de plusieurs systèmes juridiques et rédigé en plusieurs
langues. Accessible ainsi dans la langue de trois des quatre plus grandes économies
de l'UE (Allemagne, France et Italie), et de certaines autres plus petites (Autriche,
Belgique). Le droit suisse semble alors être le choix le plus judicieux pour les
opérations transfrontalières en raison de la familiarité que les parties européennes
peuvent éprouver à son égard, lorsque aucune des parties impliquées n’est issue d’un
pays de common law . Le succès du droit suisse auprès des parties allemandes peut 149
alors s’expliquer, car ces dernières, considèrent peut-être le droit suisse comme un
Id. p 306147
S. VOGENAUER, op.cit148
W. ABRAHAM & M. I. de ALMEIDA ALVARENGA, Fidic : An Analysis of International 149
Construction Contracts, Kluwer Law International, 2004, p 313!51
meilleur choix que le droit anglais ou le droit de l’État de New York, en s’attendant à
ce qu'il soit plus familier. Le droit des contrats anglais est basé sur des doctrines de
common law, avec des concepts inconnus tels que la « consideration » et
l’ « estoppel », tandis que le droit suisse des contrats repose sur de nombreux
concepts qui existent également en Allemagne .150
Finalement, la familiarité pourrait jouer un rôle plus important qu’on ne le pourrait
croire, peut-être, plus encore, que les qualités intrinsèques d’un droit donné. Les
différences linguistiques et les traditions juridiques divergentes pourraient-elles être
un obstacle à ce qu’il puisse exister en Europe un marché pour le droit des contrats ?
Est-ce à dire que les conditions pour un tel marché sont plus favorables aux États-
Unis, là ou les différences culturelles sont moindres ?
En fait, la concurrence normative ne serait exclue que si toutes les parties fondaient
leur choix exclusivement sur la familiarité de la loi choisie . Les auteurs cités 151
précédemment ainsi que les dernières statistiques publiés par la Chambre
Internationale de Commerce suggèrent le contraire. Si une clause d’electio juris se
trouvait dans 87% des litiges soumis à l’arbitrage ICC, le droit anglais et le droit de
américain (majoritairement celui de l’État de New York) étaient choisis en grande
partie, alors les parties majoritairement présentes en 2017 étaient originaires des USA
(8,4%), de l’Allemagne (5,5), de la France (5,4), du Brésil (4,5) et de l’Espagne
(4,5) . Tandis que dans le classement des nationalités les plus présentes, 152
l’Angleterre arrive seulement à la huitième position (2,9 %) et la Suisse, beaucoup
plus loin encore, à la quinzième position (1,9 %) . Plus étrangement encore, les 153
données mises à jour de l’ICC, montre que Paris est la ville la plus choisie en tant que
siège d’arbitrage à 18,1%, tandis que le pourcentage de Londres s’élève à 10,9 %, et
Genève arrive en troisième position avec 7,6% 154
Par conséquent, si la familiarité est un facteur important pour les parties lorsqu’elles
doivent déterminer le droit applicable à leur contrat transfrontalier, il n’est pas le seul
élément pris en considération par les parties.
G. CUNIBERTI, op. cit 150
G. RÜHL, « The Choice of Law Framework for Efficient Regulatory Competition in Contract 151
Law », op. cit
International Chamber of Commerce, ICC Dispute Resolution Bulletin, 2018, Issue 2, p 53152
Id. 153
Id. 154
!52
III - Le caractère international
Dans une étude nommée « Droit des affaires : enjeux d’attractivité
internationale et de souveraineté », la CCI parle d’un « déficit d’image » et une
« connaissance souvent superficielle du droit français de la vente », conduisant trop
souvent les juristes à lui préférer « des droits prétendument réputés plus modernes et
plus aptes à répondre aux besoins des acteurs actuels du commerce international » . 155
Un droit, dans un domaine donné, serait alors apte à jouir d’une réputation sur la
scène internationale, susceptible d’influencer le choix par les parties de celui-ci. Le
caractère international ou non d’un tel droit peut être dû au facteur linguistique (A), à
l’enseignement international et comparatiste ayant lieu au sein de cet État (B), ainsi
que sa capacité à bénéficier d’un « network effect » (C).
A) Le facteur linguistique
Le droit anglais bénéficierait d’un certain nombre de facteurs externes à ses
règles substantielles, à commencer par la langue du pays et de celle de ses prétoires.
En effet la langue anglaise jouissant actuellement du statut de langue mondiale , les 156
implications de ce facteur sur l’attractivité du droit anglais n’est pas négligeable, et
explique sans doute le handicap des acteurs français dans le secteur des activités
juridiques . Alors que le marché des services juridiques, appliqué aux seules affaires 157
commerciales, a représenté outre-Manche un chiffre d'affaires de 16 milliards d'euros
en 2016 . Afin d’y remédier, a été crée le 7 février 2018, au sein de la cour d’appel 158
de Paris, une chambre internationale, destinée à connaître des litiges transnationaux.
Intervenant après l’annonce du Brexit, l’institution de cette nouvelle chambre a pour
CCI Paris Ile de France, « Droit des affaires : enjeux d'attractivité internationale et de 155
souveraineté », mai 2015, http://cci-paris-idf.fr/sites/default/files/etudes/pdf/documents/droit-des-affaires-etude-1506.pdf
D. CRYSTAL, English as a global language, Second edition, Cambridge, 2003156
M. PRADA, Rapport sur Certains facteurs de renforcement de la compétitivité juridique de la 157
place de Paris, pour Ministère de l’économie des finances et de l’industrie, Ministère de la justice, mars 2011, http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/1_Rapport_prada_20110413.pdf
D’après la procureur générale de Paris, Catherine Champrenault, dans « Droit des affaires: la 158
France se dote d'une chambre internationale en espérant profiter du Brexit », Le Point, 7 février 2018, http://www.lepoint.fr/economie/droit-des-affaires-la-france-se-dote-d-une-chambre-internationale-en-esperant-profiter-du-brexit-07-02-2018-2193198_28.php
!53
objectif de rendre les juridictions françaises plus attractives pour des parties
étrangères . 159
Pour que Paris puisse supplanter Londres, la procédure devant la CICAP est
aménagée pour y introduire l’usage de l’anglais tout en respectant les exigences de
l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui impose le français dans les prétoires. Si les
actes de procédure et les arrêts seront rédigés en français, les pièces en langue
anglaise pourront être versées aux débats sans traduction et les arrêts seront traduits
sous la responsabilité du greffe. En outre, si les débats se tiendront par principe en
français, une traduction simultanément par un traducteur désigné par le tribunal
pourra être organisée. Les parties qui comparaissent devant le juge, les témoins et les
techniciens y compris les experts, lorsqu’ils sont étrangers, pourront s’exprimer en
anglais s’ils le souhaitent. Une traduction simultanée en français sera alors également
assurée pour respecter la publicité des débats . 160
Au-delà de la langue, la procédure devant la CICAP corrige certaines des critiques
adressées par le juriste de common law. Contrairement à ce qui peut parfois se
constater dans la pratique, la Cour devra ménager un temps de plaidoirie suffisant
pour permettre aux parties d’exposer les éléments qu’elles jugeront pertinents au
soutient de leur demande. Par ailleurs, les parties auront l’occasion d’interroger elles-
mêmes la partie adverse ou les témoins et experts sur le modèle de la cross-
examination (interrogatoire de témoins) .161
Même si l’idée n’est pas totalement nouvelle, puisqu’il existait déjà une chambre
internationale au sein du tribunal de commerce de Paris, la procédure devant celle-ci
a été modernisée sur le modèle de la CICAP : rendu hybride et inspirée de certains
mécanisme de la common law . Des projets similaires était déjà en cours en 162
Wolters Kluwer France : Actualités du droit, « Nouvelle chambre internationale de Paris : 159
comment faire du Brexit une opportunité ! », 9 février 2018, https://www.actualitesdudroit.fr/browse/affaires/international/11760/nouvelle-chambre-internationale-de-paris-comment-faire-du-brexit-une-opportunite
M. VENTINI & M. DANIS, « La Chambre internationale de la Cour d’appel de Paris sera 160
opérationnelle le 1er mars 2018 », Article August Debouzy, https://www.august-debouzy.com/fr/blog/1130-la-chambre-internationale-de-la-cour-dappel-de-paris-sera-operationnelle-le-1er-mars-2018
Id. 161
Protocole relatif à la procédure devant la chambre internationale du tribunal de commerce de 162
Paris, 7 février 2017!54
Allemagne, en Belgique, en Irlande, et aux Pays Bas , l’occasion était était ainsi de 163
promouvoir le droit français comme droit applicable aux contrats commerciaux
complexes, et d’affermir la place de celui-ci comme référence parmi les pays
civilistes . 164
B) L’enseignement international et comparatiste
La brochure du barreau de l’État de New York, censée promouvoir le droit de
celui-ci, allègue que la communauté juridique de New York a développé une
perspective juridique mondiale qui commence dès la formation universitaire . New 165
York abritant plusieurs facultés de droit à stature internationale, l’accent serait mis
sur l’étude des transactions commerciales transfrontalières, du droit comparé et le
règlement des différends internationaux . Ainsi, les avocats new-yorkais 166
initialement formés aux États-Unis, obtiendraient ensuite des diplômes d'études
supérieures dans les principales universités étrangères, et travailleraient comme
conseillers juridiques à l’étranger, faisant d’eux des avocats portés sur les
transactions internationales et à même de répondre aux problématiques des
opérateurs . 167
À coté des qualités intrinsèques d’un droit, peut également entrer en compte les
enseignements suivis par les praticiens d’un système donné. L’accent mis sur la
discipline du droit international et du droit comparé pourrait constituer un outillage
nécéssaire et préalable au rayonnement d’un système juridique, attestant de son
ouverture à l’international.
I. KNOLL-TUDOR, « Création d’une Chambre Internationale : Paris au centre de la résolution 163
des litiges commerciaux », Le monde du droit, 9 février 2018, https://www.lemondedudroit.fr/decryptages/56152-creation-chambre-internationale-paris-centre-resolution-litiges-commerciaux.html
Id. 164
New York State Bar Association & New York International Arbitration Center, op.cit, p 16165
Id. 166
Id. 167
!55
C) Le « Network effect »
Les parties peuvent préférer un droit des contrats plutôt qu’un autre, non pas
pour ses qualités intrinsèques, mais parce que un droit donné est devenu un standard
pour un certain type de transaction ou sur un marché particulier . Mais pourquoi les 168
parties souhaiteraient-elles se conformer à un standard de marché plutôt que de
choisir une loi autre ?
Avant de pouvoir conclure, les parties doivent faire un investissement initial : elles
doivent apprendre à conclure des contrats, quelles règles impératives respecter,
comment interpréter le contrat, ce qu’implique les termes et autres règles supplétives
auxquels ils peuvent être confrontés, comment faire respecter le contrat, quand
demander des conseils juridiques . Tant de coûts supplémentaire attitrés à 169
l’apprentissage d’un droit des contrats en particulier. Chaque partie préférera
évidemment un droit des contrats qu'elle connaît déjà afin d'économiser le coût de
l'apprentissage d'un droit des contrats supplémentaire . Le partage des 170
connaissances sur le même droit des contrats économise donc les coûts de transaction.
Les acteurs du marché sont incités à apprendre le même droit des contrats que leurs
partenaires potentiels . 171
En termes économiques, la connaissance partagée d'un droit des contrats particulier
est susceptible d’entraîner un effet de réseau, ou encore appelé le « network
effect » . 172
Cet effet de réseau, a été mis en lumière par une enquête menée par l’Université
d’Oxford sous la direction de professeur S. Vogenauer , qui suggère que le droit 173
anglais bénéficie d’un puissant effet de réseau.
Le droit des contrats et les tribunaux anglais seraient en fait fréquemment choisies
dans les transactions internationales, car les acteurs faisant un tel choix seraient
A. ENGERT, « Networks and Lemons in the Market for Contract Law » dans Regulatory 168
Competition in Contract Law and Dispute Resolution, de H. EIDENMÜLLER, Beck/Hart Publishing, 2012
Id. 169
Id. 170
Id. 171
B. DRUZIN, « Buying Commercial Law: Choice of Forum, Choice of Law, and Network 172
Effect », Tulane Journal of International and Comparative Law , n°18, 2009
Oxford Civil Justice Survey, 2008, http://www3.law.ox.ac.uk/themes/iecl/ocjsurvey.shtml173
!56
persuadés de la popularité du droit anglais, et que les autres parties en font de
même . Un constat similaire a même été effectué en droit des sociétés aux États-174
Unis afin de qualifier l’ « effet du Delaware » sur le choix d’incorporation des
entreprises . 175
S. VOGENAUER, C. HODGES, « Perceptions of Civil Justice Systems in Europe and there 174
Implications for Choice of Forum and Choice of Contract Law : an Empirical Analysis, (Studies of the Oxford Institute of European & Comparative Law) », Hart Publishing, 2017
M. KLAUSNER, « Corporations, Corporate Law, and Networks of Contracts », Virginia Law 175
Review, Vol. 81, No. 3, p. 757-852!57
PARTIE II : IMPLICATIONS ET PERSPECTIVE DU LAW-
SHOPPING EN DROIT DES CONTRATS
Nous l’avons vu, la concurrence normative en matière contractuelle ne peut
exister en Europe que si elle est stimulé par le droit international privé, et aux États-
Unis par les règles de conflits de lois entre États. La liberté contractuelle, n’a alors de
sens que si le choix pour les parties est multiple. Néanmoins pour reprendre la célèbre
formule de Fouillé, qui dit contractuel, dit-il vraiment juste ? Car si le contrat jouit de
prime abord d’une présomption d’équilibre, il ne faut pas oublier que les relations
contractuelles peuvent être diverses et variées, et certaines relations contractuelles
sont naturellement déséquilibrées, telles que les contrats B to C. Cependant le
déséquilibre contractuel, qui peut également se retrouver dans les contrats B to B,
provient en amont d’un déséquilibre dans les forces de négociation des parties. Lors de la rédaction du contrat, et le choix de loi y afférent, la loi d’autonomie doit-
elle être sans limite ? Ou au contraire, connaitre des ajustements dans certains
domaines ou le déséquilibre des parties aurait un impact sur le choix de loi ?
(Chapitre 1). Il est souvent dit que les différences entre le droit des contrats des États Membres
imposent des coûts supplémentaires et découragent le commerce transfrontalier.
L’harmonisation est alors la solution proposée, et envisagée. Il est ainsi permis de
s’interroger sur le besoin d’harmonisation et, dans l’affirmative, sur la forme qu’elle
devrait prendre (Chapitre 2).
!58
Chapitre 1 : Les mécanismes de régulation du law shopping
en matière contractuelle
L’une des grandes questions toujours controversées que suscite la concurrence
normative, est celle des effets de celle-ci sur le contenu des droits en concurrence . 176
Question posée également dans d’autres branches du droit, comme en droit des
sociétés , elle induit la plupart du temps, une réponse à double facette. 177
Celle premièrement d’une course vers le haut, « race to the top », soutenant l’idée
d’efficacité de la concurrence juridique en la matière. Dans cette perspective, les
offreurs de droit se font concurrence pour offrir les règles de droit les plus adaptées
ou les « meilleures » aux yeux des agents demandeurs . À l’inverse, la seconde 178
analyse, désignée par une course vers le bas, « race to the bottom », considère que la
concurrence normative a pour effet une diminution du niveau d’exigence posée par
les règles, de façon à ce que les agents mobiles s’orientent vers les juridictions les
plus laxistes . La probabilité d’une course vers le haut ou d’une course vers le bas 179
dépend essentiellement des règles de droits soumises à la concurrence (Section 1).
Dans tous les cas, en matière contractuelle, si l’electio juris vient à produire des effets
néfastes, ils peuvent être corrigés par l’intervention du juge (Section 2).
J-A. DEFROMONT & S. MENÉTREY, « Concurrence normative en Europe, quelle attractivité 176
pour les droits nationaux », Revue de droit économique, 2014/4 t. XXVIII, p 499-515
R. ROMANO, « Law as Product: Some Pieces of the Incorporation Puzzle », J. Law, Economics 177
and Organization, 1985, vol. 1, p. 225 ; du même auteur, « The State Competition in Corporate Law », Cardozo Law Rev, 1987, vol. 8, p. 709
J-A. DEFROMONT & S. MENÉTREY, op. cit 178
S. HARNAY & J-S. BERGÉ, « Les analyses économiques de la concurrence juridique : un outil 179
pour la modélisation du droit européen ? », Revue internationale de droit économique, 2011/2 - t.XXV, p. 174.
!59
SECTION 1 - ÉVALUATION DES RISQUES INHÉRENT AU MARCHÉ DU
DROIT DES CONTRATS
Afin de savoir si une course vers le haut ou vers le bas est susceptible de se produire
en matière contractuelle il est nécessaire dans un premier temps de déterminer les
caractéristiques propres à ce marché (I). À en suivre la théorie du vote par les pieds,
la concurrence normative produirait nécessairement un effet mélioratif (II). Par
ailleurs, outre-Atlantique la course vers le bas relative au droit des contrats serait
évitée grâce à l’exigence de lien raisonnable lors d’un choix de loi (III).
I - Les caractéristiques du marché pour le droit des contrats
Le marché du droit des contrats comprend des produits juridiques hétérogènes
(A), et nécessite pour son existence des divergences normatives entre États (B).
A) Des produits juridiques hétérogènes
Pour certains auteurs, il faut distinguer selon que la règle de droit en question
opère un choix ne favorisant l’intérêt d’aucune des parties à la relation en particulier,
du fait de la concordance de leurs préférences. On parle alors de « produits juridiques
homogènes ». Si la règle de droit effectue un arbitrage entre des intérêts opposées, on
parle de « produits juridiques hétérogènes » . 180
Selon ce même auteur, le risque de nivellement vers le bas existerait dans le second
cas de figure. En droit des sociétés par exemple, il n’y a aucun risque de nivellement
vers le bas s’agissant des règles purement techniques de ce droit, telles que les
formalités de constitution des sociétés, que tout le monde aurait intérêt à voir
allégées, mais un risque de cette nature serait réel s’agissant d’autres règles
définissant par exemple l’équilibre des pouvoirs dans la société . 181
S’agissant du choix de loi sur lequel les parties doivent se mettre d’accord, leurs
préférences sont nécessairement divergentes, du fait de leur position naturellement
antagoniste au contrat. Il est par exemple, rationnel pour l’acheteur de biens et
A. OGUS, « Competition between national legal systems : A contribution of Economic Analysis 180
to Comparative Law », 48 International & Comparative Law Quarterly 405, 1999
Id. 181
!60
services de privilégier un droit des contrats qui permette de contrôler efficacement les
exclusions et les limitations de responsabilité . On est alors en présence 182
essentiellement de produits juridiques hétérogènes.
B) Des divergences normatives
Pour d’autres auteurs, la concurrence normative pourrait jouer sans risque de
distorsion lorsqu’il existe des communauté axiologique minimale entre les droits en
présence et lorsque la compétition prend place dans un espace territorialement
compartimenté, où le déplacement géographique vaut changement de régime
juridique . Cette dernière série de propositions a le mérite de souligner la difficulté 183
qu’il peut éventuellement y avoir une difficulté à transposer en Europe le modèle de
compétition développé aux États-Unis, dans la mesure ou les divergences existant
entre les droits des différents États membres de l’Union Européenne sont infiniment
plus profondes que les divergences opposant les droits des différents sister States
américaines. L’arbitrage effectué par les opérateurs entre tel droit ou tel autre ne s’exerce ainsi pas
seulement à la marge, mais leur permet de jouer sur des traits fondamentaux du
régime qui leur est applicable. Dès lors, le système de concurrence normative serait
susceptible de produire de plus grands effets délétères en Europe, qu’aux États-Unis.
II - Transposition de la théorie du « vote par les pieds »
Comme nous l’avons vu jusqu’ici, les parties à un contrat peuvent choisir la loi
applicable à celui-ci en insérant un clause d’electio juris dans leur accord. En
stipulant une loi particulière pour régir leur contrat, les parties empêchent d’autres
juridictions d’imposer leurs règles juridiques, y compris celles qui auraient régi le
contrat sans choix de loi . L’exécution des clauses de choix de loi élargit donc 184
considérablement la liberté contractuelle, en permettant aux parties contractantes de
se soustraire des règles juridiques qui, autrement, auraient été contraignantes pour
elles.
S. VOGENAUER, op.cit182
H MUIR WATT « Aspects économiques du droit internationale privé » RCADI, 2004, t 307, p 183
25
A. ENGERT, « Networks and Lemons in the Market for Contract Law », op.cit184
!61
En droit des sociétés par exemple, une petite entreprise du Delaware, dont le droit des
sociétés est conçu pour les grandes entreprises, pourrait ne jamais être en mesure de
persuader le législateur du Delaware d’adopter une loi qui réponde à ses besoins.
Mais l'entreprise peut préférer le droit des sociétés de la Caroline du Nord, qui
pourrait mieux refléter les besoins des entreprises à portefeuille restreint . 185
En raison du choix dont dispose les parties contractuelles, un processus concurrentiel
susceptible d’améliorer les normes étatiques en vigueur peut alors voir le jour, ce que
Tiebout nommait « le vote par les pieds » . 186
En reformant ainsi son droit des contrats, l’État répond « au vote » des opérateurs
s’exprimant à travers la clause d’electio juris.
Certains auteurs avancent qu’il ne pourrait y avoir de nivellement vers le haut en la
matière, ni même de marché tout court, en l’absence d’intérêt direct de la part des
États, à se faire compétition pour avoir le droit des contrats le plus attractif . Une 187
telle affirmation n’a pas son pareil s’agissant de la lex societatis, où les intérêts
économiques sont direct et où le law shopping est bel est bien avéré . 188
Cependant, bien que les États n’ont pas d’intérêt financier direct à la sélection par les
parties contractantes de la loi nationale, les acteurs de la profession juridique
s’intéresse vivement à la promotion de la loi de leur juridiction, car cela est
susceptible de se traduire par une demande accrue de ses services juridiques . 189
Et selon Nicole Belloubet (actuelle Garde des Sceaux), reprenant les termes d’André
Malraux : « On peut rendre son pays plus attractif aux yeux du monde ».190
III - L’exception de lien raisonnable aux États-Unis
L.E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, Oxford Scholarship, Chapitre 2, 2009185
C.E. TIEBOUT, « A pure Theory of Local Expenditure », op. cit 186
S. VOGENAUER, « Regulatory Competition Through Choice of Contract Law and Choice of 187
Forum in Europe: Theory and Evidence », op.cit, p 75,
Rapport d'information n° 347 (2006-2007) de C. GAUDIN, fait au nom de la mission commune 188
d'information centre de décision économique, déposé le 22 juin 2007, « La bataille des centres de décision : promouvoir la souveraineté économique de la France à l'heure de la mondialisation », https://www.senat.fr/rap/r06-347-1/r06-347-1.html
G. RÜHL, « Regulatory Competition in Contract Law : Empirical Evidence and Normative 189
Implications », op.cit
Communiqué Ministère de la Justice du 12 février 2018 sur l’Inauguration de la chambre 190
commerciale internationale !62
Aux États-Unis, existe l’exigence d’un lien raisonnable pour la validité des
clauses d’electio juris, que l’on ne retrouve pas au sein du règlement Rome I.
L'ancien article 1-105 de l’UCC prévoyait l'exigence d'un lien raisonnable, les parties
ne pouvaient choisir que la loi d'un État présentant un lien raisonnable avec le
contrat. Cette exigence a été modifiée par l'article 1-301 de la version révisée de
l’UCC, et ne s'applique désormais plus qu'aux contrats internes, elle a donc été
abandonnée pour les contrats internationaux.
Les règles d'exécution des clauses d’electio juris exigent donc un lien entre la loi
choisie et les parties, ou la transaction. D’après l’article 187 du Restatement Second
of Conflict of Laws, un État peut appliquer un choix de loi sans lien substantiel avec
les parties ou la transaction, tant qu'il existe une autre base raisonnable fondant ce
choix. La justification à l'exigence de lien raisonnable est que rendre valide un contrat
« gouverné par le droit d'un État qui ne peut avoir qu'un intérêt officieux et
préjudiciable d'affecter le résultat, est susceptible de nuire à la sécurité juridique et la
prévisibilité » .191
Cependant, comme nous l’avons vu auparavant, les lois de certains États éliminent de
plus en plus les exigences de connexion, du moins pour les grandes transactions
commerciales et autres transactions interentreprises. Une exigence de connexion
semble dès lors problématique pour le marché du droit des contrats, car elle limite le
choix pour les parties des lois applicable. Cependant, en équilibrant le
fonctionnement du marché du droit avec les intérêts des États, cette exigence de lien
raisonnable peut contribuer au développement d'un marché efficace du droit .192
Une exigence de connexion permet aux États de partager le marché du droit plutôt
que de créer une situation de winer-take-all. Ainsi, chaque État ne concurrencerait
qu'un sous-ensemble du total des contrats aux États-Unis. En revanche, sans
l’exigence de connexion, un seul État pourrait être en mesure d’utiliser son droit et
ses tribunaux favorables, pour dominer le marché, comme le Delaware le fait pour le
droit des sociétés. À New York, l’exigence de lien raisonnable fait l’objet d’une interprétation souple, et
celle-ci est satisfaite même lorsqu’entre le contrat et l’État, le contact est moindre et
cela meme si les contacts avec une autre juridiction sont plus importants . En outre, 193
R. J. WEINTRAUB, Commentary on the Conflict of Laws, 3rd ed, Foundation Press, 1986, p 191
377
L.E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, op.cit.192
Cap Gemini Ernst & Young, U.S., LLC v. Nackel, 2004 U.S. Dist. LEXIS 4492 (S.D.N.Y. 2004); 193
Radioactive, 153 F. Supp.2d 462!63
la décision des parties de choisir le droit de l’État de New York en soi peut constituer
le contact requis , rendant ainsi assez simple le choix de la loi de l’État de New 194
York pour les parties.
SECTION 2 - L’ELECTIO JURIS MISE EN ÉCHEC PAR L’INTERVENTION DU JUGE
La concurrence normative est susceptible de produire des effets délétères si
elle conduit a un nivellement par le bas en incitant les États à s’aligner vers les
standard les moins protecteurs de l’intérêt général ou d’autres intérêts dignes d’être
protégés par le droit. De de fait le contrat international doit respecter d’une part les dispositions de la loi
visée par le contrat lui-même, mais aussi les dispositions du droit du for. Si la
soumission du contrat aux dispositions de la loi visée par le contrat est totale,
puisqu’elle émane de la volonté des parties, la soumission au droit du for doit, elle,
être limitée. Elle est circonscrite à ce qu’exige la protection de l’intérêt général, pour
ne pas remettre en cause l’idée même de la soumission du contrat à la loi choisie par
les parties . Cet intérêt serait protégé par deux mécanismes que sont les lois de police
(I) et l’exception d’ordre public (II).
I - La protection par les lois de police
Si les lois de police peuvent intervenir au préalable de l’examen des clauses
d’electio juris afin de mettre en échec le choix de loi des parties (A), son application,
par le juge, oscille selon les cas lui étant soumis (B).
A) L’intervention des lois de police
Les lois de police, également dénommées règles internationalement
impératives, peuvent intervenir afin de limiter la liberté contractuelle des parties. Les
lois de police sont les lois dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de
l’organisation politique, sociale et économique du pays . En droit français, c’est 195
Mechanic v. Princeton Ski Shop, Inc., 1992 WL 397576, at *3 (S.D.N.Y. 1992) 194
Y. LOUSSOUARN, P. BOUREL et P de VAREILLES-SOMMIÈRES, « Droit international 195
privé », Dalloz 9è édition, p.148.
!64
l’article 3, alinéa 1 du Code civil qui a expressivement prescrit que « les lois de
police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent sur le territoire ». Au niveau
européen, l’article 9 du Règlement Rome I, prévoit en son alinéa 1 la mis en œuvre
les lois de police du for et en alinéa 3 les lois de police étrangères.
Aux États-Unis, les « mandatory rules » peuvent inclure toutes les règles figurant
dans le code pénal d'un État, les réglementations environnementales, tout ce qui
limite directement les activités commerciales, telle que les lois sur l'usure, les
restrictions sur les clauses abusifs, ou encore en droit de la consommation. Ce dernier
pan du droit étant largement harmonisé en Europe, aux États-Unis, il reste un terrain
fertile à l’invocation des lois de police lorsqu’un État dispose de législation adaptée
en matière de protection des consommateurs. En effet, certains lobbyistes pro-
business affirment qu’il existe une correlation entre le niveau de protection des
consommateurs dans un État, et son taux d’imposition . Le rendant plus ou moins 196
attractif pour les entreprises. Les personnes vivant dans des États où la protection des
consommateurs est élevée, ont des taxes plus élevées également (en échange de plus
de protection), et les personnes vivant dans un État à faible cadre législatif en droit de
la consommation, ont des taxes moins élevées (en échange de moins de protection) . 197
Si les citoyens d'un État où la protection des consommateurs est élevée sont soumis
aux lois d'un État où la protection est plus faible, par le biais d’une clause de choix de
loi, accompagnée d’une clause attributive de juridiction, l’équilibre est alors
rompu . 198
D’après le point b de l’alinéa 2 de l’article 187 du Restatement Second of Conflict of
Laws, la loi choisie par les parties s’applique, sauf si l’application de celle-ci serait
contraire à une politique fondamentale d’un État qui présente un intérêt sensiblement
plus grand que l’État choisi pour trancher la question particulière et qui, serait la loi
d’un État choisie en l’absence de clause d’election juris selon les points de
rattachements données par l’article 188. Ainsi, un tribunal qui détermine si le choix
contractuel de loi n’est pas contraire à une loi de police, doit tenir compte à la fois de
la nature de la politique en cause (c'est-à-dire si elle est "fondamentale"), mais aussi
W. J. WOODWARD JR, « Finding the Contract in Contracts for Law, Forum and Arbitration », 196
Hastings Business Law Journal, 2005
Id. 197
Id. 198
!65
de l'intérêt de l’État intéressé par l’application de sa loi de police . Le règlement 199
Rome I semble de prime abord accorder plus d'importance à la clause d’electio juris
que les règles américaines, à la fois dans la définition plus limitée des lois de police
et en se dispensant d'une obligation générale de connexion entre les parties, la
transaction, et l'État désigné .200
La loi de police est une règle matérielle que l’ordre juridique du for choisi
d’appliquer, et cela avant même d’avoir désigné la lex contractus, peu importe la loi
choisie par les parties. Les lois de police ou aussi nommées « super-mandatory
rules » sont très fréquentes en droit des contrats, et permettent parfois de mettre en
échec les clauses d’electio juris au sein de contrats de franchise, de distribution, de
taux d’intérêt, et d’assurance.
B) L’application casuistique des lois de police
Dans l'affaire Wright Moore Corp. c. Ricoh Corp , la Cour d’appel fédérale 201
du 7ème circuit, appliqua le droit de la franchise de l’Indiana plutôt que la loi
contractuellement choisi de l’État de New York, car l'Indiana avait une forte politique
publique en matière de réglementation des franchises. Et dans l'arrêt Bush c. National
School Studios , le Wisconsin avait un texte de loi nommé « Fair Dealership Law », 202
régissant les relations entre fabricants et fournisseurs avec leurs distributeurs,
contenant une disposition prévoyant que celle-ci serait d’ordre public, et ne pouvait
par conséquent être évitée par un quelconque contrat. La clause de choix de loi fut
naturellement jugée inopérante.
En Europe, la Cour de justice de l'Union européenne a eu l’occasion de répondre à
une question préliminaire de la Cour suprême belge dans l'affaire United Antwerp
Maritime Agencies SA ("Unamar") contre Navigation Maritime Bulgare ("NMB ") , 203
en statuant que les États membres de l'UE peuvent avoir des lois de police concernant
les accords commerciaux qui prévalent sur la loi choisie par les parties au contrat. La CJUE a également souligné que les États membres de l’UE doivent s’efforcer de
L.E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, op.cit.199
E.A. O'HARA & L.E. RIBSTEIN, « Rules and Institutions in Developing a Law Market: Views 200
from the U.S. and Europe Rules », 82 Tul. L. Rev. 2147, 2008
Wright-Moore Corp. v. Ricoh Corp, 908 F.2d 128 (7th Cir. 1991) 201
Bush v. Nat'l Sch. Studios, Inc, 407 N.W.2d 883 (Wis. 1987) 202
Arrêt de la Cour (troisième chambre), 17 octobre 2013, United Antwerp Maritime Agencies 203
(Unamar) NV c. Navigation Maritime Bulgare, C-184/12!66
donner pleinement effet au principe de la liberté de contractuelle, qui constitue la
pierre angulaire de la Convention de Rome. Elle a ensuite souligné qu’afin de
determiner si une loi nationale était une loi de police, il n’était pas suffisant que la loi
le mentionne spécifiquement dans ses termes, mais il devait ressortir de sa structure
générale et toutes les circonstances qui la sous-tendent que la loi a voulu protéger un
intérêt jugé essentiel par l’État membre concerné. Par conséquent, selon le cadre législatif en vigueur dans un État, les juges seront
susceptible ou non de mettre en échec l’exécution des clauses d’electio juris. En effet
tel fut le cas dans l’affaire Jane Doe v. Match.com LLC, ou l’application du choix de
la loi Texane contrevenait à l’Illinois Dating Referral Services Act . Alors que, 204
selon les tribunaux de l’État de New York, dans un affaire où un requérant différent
s’opposait à la même entreprise, il a été statué que Match.com n’avait aucune autre
alternative pratique, que d'inclure une clause attributive de juridiction et de choix de
loi dans son contrat d'utilisation, car autrement l’entreprise pourrait être susceptible
de faire l'objet de poursuites dans l'un des cinquante États . En effet, pour New York 205
l'intérêt tenant à la protection de ses consommateurs et de ses entreprises ne prévalait
pas sur sa politique d’exécution des clauses attributives de juridiction et de choix de
loi . 206
Par conséquent, les États peuvent toujours faire appel aux tribunaux pour protéger
certaines de leurs dispositions impératives contre l’évasion à la loi étatique par les
parties grâce à la clause d’electio juris. Cependant il est difficile de décider quand
est-ce que les États devraient pouvoir imposer leurs lois de police. Celles-ci ayant un
champ assez vaste, leur application par le juge contrevient à la sécurité juridique de la
convention établie entre les parties. Elles sont un obstacle à la mise en œuvre de la
règle de conflit et à la détermination de la loi applicable, mais surtout elles sont une
atteinte à l’autonomie de la volonté des parties . 207
Dans certains cas, les réglementations nationales sont importantes et méritent d'être
protégées. Dans d’autres, la non-application des clauses de choix de loi ne fait que
refléter le déni par les États de l’influence croissante du marché du droit. Encore une fois, un lien peut être établi entre la clause de choix de loi et la clause de
Jane Doe v. Match.com, L.L.C., No. 11 L 3249 (lll. Cir. Ct. Oct. 25. 2012) 204
Brodsky v. Match.com LLC 2009 WL 3490277 (S.D.N.Y. Oct. 28, 2009)205
Id. 206
B. SENGEL, « Les lois de police en matière contractuelle », Mémoire de recherche sous la 207
direction du professeur M. FARGE, Université Grenoble Alpes, Master 2 Droit Civil Économique !67
choix de for, car la stratégie qui consiste à désigner une loi étrangère applicable à tout
ou une partie de la relation contractuelle pour échapper aux règles impératives du
Code civil, ne fonctionnera de manière certaine que si les parties évincent le juge
français en vertu de la clause attributive de juridiction ou d’une clause
compromissoire valablement conclue . 208
II - Le mécanisme correctif de l’exception d’ordre public
Bien que les parties peuvent invoquer en dernier recours l’exception d’ordre
public afin de contester le choix de loi présent au contrat (A), la délimitation des
contours de cette notion par le juge, rend son application incertaine (B).
A) Fonctionnement de l’exception d’ordre public
L’exception d’ordre public est un mode d’éviction de la loi étrangère
normalement applicable soit parce que son contenu aboutit à un résultat injuste, soit
parce qu’elle heurte à des conceptions fondamentales de l’ordre juridique du for ou
même une politique législative récemment mise en oeuvre . Elle se différencie donc 209
des lois de police en intervenant comme mécanisme correcteur après la désignation de
la loi.
Lorsque le juge étatique est saisi pour trancher un litige relatif à l’exécution du
contrat, avant de juger, il va déterminer si la loi choisie par les parties, selon laquelle
il est tenu de trancher, n’est pas en contradiction avec sa conception de l’ordre public
international. Le cas échéant, il évincera la loi normalement compétente, que ce soit
par la mise en œuvre d’une règle de conflit ou par le choix des parties, en enclenchant
le jeu de l’exception d’OPI. Ce jeu de l’exception de l’ordre public international
constitue pour le juge du for, l’ultime palliatif permettant de préserver « les principes
de justice universelle considérés dans l’opinion française comme doués de valeur
internationale absolue » . Aussi, le juge étatique est amené à faire application de son 210
F. ANCEL, B. FAUVARQUE-COSSON, J. GEST, Aux sources de la réforme du droit des 208
contrats, Dalloz, 2017, p 231
Id. 209
Arrêt LAUTOUR, Cour de cassation, Chambre civile, 25 mai 1948210
!68
OPI lorsqu’il est sollicité pour la reconnaissance et l’exécution d’une décision
étrangère ou d’une sentence arbitrale. Lorsqu’il apparaît que la décision émise par un
juge étranger ou un arbitre rendue conformément à la mise en œuvre de la lex
contractus choisie par les parties, est de nature à contrevenir à l’OPI du for, on
enclenche le jeu de l’exception de l’OPI.
Ce mécanisme permet ainsi au juge français d’écarter une loi étrangère pour préférer
une disposition interne. L’OPI est alors un outil qui permet de sauvegarder l’harmonie
de l’ordre interne menacée par l’application d’une loi étrangère, trop éloignée des
conceptions locales.
L’éviction de la loi étrangère se fait, en principe, au terme d’une appréciation in
concreto du résultat auquel conduirait la loi étrangère désignée si elle était appliquée :
c’est dans une situation donnée, eu égard au but que poursuit la règle et aux liens de
la situation avec l’ordre juridique, que le juge décidera, ou non, de déclencher le
mécanisme. L’ordre public s’apprécie en outre au moment ou le juge statue, d’après le
principe d’actualité de l’ordre public.
La conjoncture est sensiblement différente aux États-Unis, car lorsque l’article 612 du
First Restatement of Conflict of Laws de 1932 prévoyait l’exception d’ordre public, le
Professor Beale affirmait que l'application de cette exception devrait être très limitée
entre les États, car les différences de politique entre eux étaient mineures . En effet, 211
les affaires domestiques et internationales se distinguent par le fait que tous les États
des États-Unis partagent un héritage constitutionnel et politique infiniment plus fort
que celui existant entre deux pays . En raison du « Full Faith and Credit 212
Clause » , les tribunaux américains sont obligés de traiter les conflits entre États 213
américains comme des affaires internes plutôt que des affaires internationales et, dans
l’ensemble, ont moins de pouvoir discrétionnaire pour exclure le droit d’un des États
fédérés . Pourtant, quel que soit la règle de conflit de loi adoptée par les États 214
fédérés, l’exception d’ordre public est présente dans tous les cas . 215
Par ailleurs, d’après le point b de l’alinéa 2 de l’article 187 du Restatement Second of
Conflict of Laws, la loi choisie par les parties s’applique, sauf si l’application de
J. BEALE, Conflict of Laws, 1935, p 1651211
G.J SIMSON, « The Public Policy Doctrine In Choice of Law », 1974 WASH. U. L. Q., p 319212
Article IV, Section 1 de la Constitution des États-Unis 213
G.J SIMSON, op.cit214
TRESSLER LLP, A 50 State Survey - Choice of law Standards : Insurance Coverage, Septembre 215
2016 !69
celle-ci serait contraire à une politique fondamentale d’un État qui présente un intérêt
sensiblement plus grand que l’État choisi pour trancher la question particulière et qui,
serait la loi d’un État choisie en l’absence de clause d’election juris selon les points
de rattachements données par l’article 188. Ainsi, un tribunal qui détermine si le
choix contractuel de loi n’est pas contraire à l’ordre public, doit tenir compte à la fois
de la nature de la politique en cause (c'est-à-dire si elle est "fondamentale"), mais
aussi de l'intérêt de l’État intéressé par l’application de sa loi . 216
Il est à ce jour, impossible de dresser la liste des articles du Code civil qui
justifieraient de déclencher le mécanisme de l’exception de l’ordre public. En effet,
ce n’est pas tant le contenu de la loi française qui déclenche l’exception d’ordre
public, que le résultat intolérable auquel conduirait l’application de la loi étrangère.
La contrariété de la loi étrangère à l’ordre public international doit avoir un impact
suffisant sur l’ordre juridique du for, ce qui suppose que la situation dont le juge est
saisi présente un lien avec la France.
B) L'application incertaine de l’exception d’ordre public
Une caractéristique particulièrement importante de l’autonomie des parties est
qu’elle permet aux parties de désélectionner même les règles impératives d’un
système juridique, et que les chances d’évasion sont encore plus élevée lorsque la
clause attributive de juridiction accompagne celle de choix de loi. Alors, les limites à
l’autonomie des parties ne serait finalement pas définies par les lois de police mais
par le jeu de l’exception d’ordre public .217
Cependant, la portée de l'exception d’ordre public varie, alors que certains tribunaux
américains en ont une large appréciation , d’autres l’utilise avec plus de 218
réticence , faisant primer l’exécution des clauses d’electio juris. En résulte des 219
solutions incohérentes et contradictoires parmi les différents États du territoire
américain. Pour cause le standard utilisé par les tribunaux afin de définir les contours
de l’exception d’ordre public sont extrêmement vague. Par exemple, pour la Cour
Suprême du Wyoming, la loi étrangère est exclue lorsqu’elle est contraire à la loi, à
L.E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, op.cit.216
P. MAYER & V. HEUZÉ, Droit international privé, 11ème edition, L.G.D.J., 2014, p 516 217
Jackson v. Pasadena Receivables, Inc., 921 A.2d 799, 805 (Md. 2007) 218
Fiser v. Dell Computer Corp., 165 P.3d 328, 332 (N.M. Ct. App. 2007) 219
!70
l’ordre public, ou les intérêts des citoyens du Wyoming . Face à ces critères les plus 220
abstraits, dans la même affaire, la Cour Suprême du Wyoming avait décidé
d’appliquer la loi choisie par les parties, en estimant qu’aucun intérêt public n’était
impliqué, car les lois du Wyoming et de la Pennsylvanie étaient similaires . 221
Cependant le texte même du Restatement dispose que la seule différence entre les
lois de deux États ne doit pas impliquer l’existence d’un intérêt public . Sans une 222
compréhension claire des composantes de l’ordre public et de la manière dont
l'analyse devrait être menée par les tribunaux, les consommateurs américains ne
seront pas en mesure de prédire si les tribunaux appliqueront la loi choisie dans le
contrat.
Du coté européen, l’exception d’ordre public suscite tout autant de difficulté à être
définie. Le doyen Batiffol ne semble pas surpris lorsqu’il affirme que « tous les essais
de définition de cette notion ont naturellement échoué » . Le Règlement Rome I, 223
plutôt que d’essayer de fournir une définition à l’ordre public, comme elle l’a fait
pour les lois de police, à tout simplement choisi de limiter le choix des parties selon
le type de contrat où l’exception d’ordre public était susceptible de se présenter, que
ce soit le contrat de transport , de consommation , d’assurance , ou de travail . 224 225 226 227
Limitant ainsi toute velléité d’élargissement inutile du domaine de l’ordre public au
profit de la loi du for et au détriment de l’electio juris. Ainsi, le Règlement Rome I a élaboré un système de choix de loi plus cohérent pour
certaines catégorie de contrat, notamment, la protection des consommateurs . Tandis 228
Resource Tech. Corp. v. Fisher, 924 P.2d 972, 975 (Wyo. 1996) 220
Id.221
Article 187, commentaire g) du Restatement (Second) of Conflict of Laws222
H. BATIFFOL, Aspects philosophiques du droit international privé, Dalloz, réédition de 2002 223
présentée par Yves Lequette, p.159.
Article 5, Règlement (CE) n° 593/2008 — Rome I, 17 juin 2008 sur la loi applicable aux 224
obligations contractuelles
Article 6, Règlement (CE) n° 593/2008 — Rome I, 17 juin 2008 sur la loi applicable aux 225
obligations contractuelles
Article 7, Règlement (CE) n° 593/2008 — Rome I, 17 juin 2008 sur la loi applicable aux 226
obligations contractuelles
Article 8, Règlement (CE) n° 593/2008 — Rome I, 17 juin 2008 sur la loi applicable aux 227
obligations contractuelles
J. BASEDOW, « Consumer Contracts and Insurance Contracts in a Future Rome I 228
Regulation », dans Enforcement of International Contracts in the European Union: Convergence and Divergence Between Brussels I and Rome I, de J. MEEUSEN, édition M. PERTEGAS & G. STRAETMAND, 2004, p 269, 280
!71
que les lois américaines ont tendance à traiter les contrats de consommation par le
biais d’une approche traditionnelle des règles de conflit de loi . En 2001, les 229
rédacteurs de l’UCC ont tenté d’importer les limitations de choix de loi selon la
catégorie en reformant l’article 1-301. Ce nouvel article autorise toujours les parties à
choisir toute loi "ayant un lien raisonnable" avec la transaction, sauf si une des parties
est un consommateur, la loi choisie « ne doit pas priver le consommateur de la
protection d'une règle de droit qui protège les consommateurs et ne peut pas être
modifiés par accord ». Cependant, cette disposition est surtout perçue comme la
preuve que les États-Unis ne sont pas réceptifs aux règles européennes mettant en
échec les clauses de choix de loi qui dérogent aux protections offertes par leurs États
d’origine .230
Certains auteurs se questionnent même au sujet de savoir si l’ordre public lui même,
ne pourrait pas constituer un instrument de concurrence . Intervenant comme 231
dernier rempart à l’éviction de la loi étrangère lorsqu’il s’agit de donner effet à un
jugement étranger, ou lors du processus juridictionnel du for lui même, l’ordre public
est capable d’ « enserrer l’États dans une sorte de “corset existentiel” assigné par le
citoyen et définissant son existence et sa légitimité » . On peut dès lors, se 232
questionner sur l’impact de la récente réforme du droit des contrats en France, même
s’il ne faut pas surestimer la portée des changements opérés, car on codifie la
jurisprudence, plus que l’on n’innove, l’inscription de l’exigence de bonne foi à la
négociation et à la formation du contrat à article 1104, le rend d’autant plus invocable
en tant qu’exception d’ordre public . 233
Pouvant alors se présenter comme répulsif pour la prévisibilité des entreprises, mais
rassurante pour les particuliers, l’existence de l’exception l’ordre public témoigne en
tout état de cause, les possibles effets délétères d’une autonomie des parties
exacerbée, mais reste pour l’heure, peu ou prou invoquée.
Id. 229
P. J. BORCHERS, « Categorical Exceptions to Party Autonomy in Private International Law », 230
82 Tulan Law Review. 1645, 1650 2008.
S. FRANCQ, « L’ordre public : limite ou condition de l’autonomie dans l’Union européenne ?», 231
dans C. KESSEDJIAN, Autonomie en droit européen. Stratégies des citoyens, des entreprises et des États, Colloques, Université Paris II Panthéon-Assas, p 223
Id. 232
F. ANCEL, B. FAUVARQUE-COSSON, J. GEST, Aux sources de la réforme du droit des 233
contrats, op.cit!72
Chapitre 2 : Harmonisation versus concurrence normative
L’un des développements les plus visibles du droit privé, et en particulier du droit
des contrats, ces dernières années a été l’émergence de différents processus axés sur une
européanisation accrue des règles et principes de fond (Section 1). Cette idée
d’harmonisation ne faisant pas l’unanimité, elle peut prendre la forme d’une sortie du
marché intérieur, pouvant lourdement impacter le système de concurrence normative établi
jusque-là (Section 2).
SECTION 1 - UN DROIT DES CONTRATS HARMONISÉ ?
Afin de saisir un quelconque processus d’harmonisation en matière
contractuelle (II), il est nécessaire de se pencher sur les différents modèles de
concurrence normative, pour comprendre si une telle unification est susceptible
d’advenir (I), et ensuite envisager les formes que peut prendre cette harmonisation
(III).
I - Les modèles de concurrence normative
Le paradigme de concurrence normative comme nous l’avons examiné
jusqu’ici, peut être définie comme un processus par lequel les règles juridiques sont
sélectionnées et désélectionnées par les parties, mettant ainsi en concurrence les
entités de réglementation décentralisées, qui peuvent être des États-nations ou
d'autres unités politiques telles que des États fédérés, ou encore si la théorie est
étendue à l’extreme, des régions ou des localités. Mais ce qu’il faut comprendre c’est
qu’il existe différent type de concurrence normative, pouvant prendre la forme d’un
fédéralisme compétitif (A), ou d’une harmonisation réflexive (B).
A) Le modèle du fédéralisme compétitif
Le premier modèle de concurrence normative prend source aux États-Unis,
dans lequel la gouvernance affiche une approche ouvertement concurrentielle des
processus d'organisation sociale entre les différents États fédérés . Veritable gage 234
S. DAEKIN « Legal Diversity and Regulatory Competition: Which Model for Europe? », 234
European Law Journal, Vol 12 I 4, 2006 !73
d’innovation et de diversité , la concurrence normative serait omniprésente dans la 235
structure fédérale, aussi bien entre les sister States (concurrence normative
horizontale), qu’avec l’État fédéral (concurrence normative verticale). La
Constitution américaine énumère certains pouvoirs réservés au gouvernement fédéral,
comme le pouvoir de « réglementer le commerce avec les nations étrangères et entre
les divers États et avec les tribus indiennes » . Le dixième amendement prévoit 236
aussi que tout pouvoir non délégué au Congrès par la Constitution est réservé aux
Etats.
Cependant, le Congrès a souvent utilisé la clause de commerce pour justifier
l'exercice de son pouvoir législatif sur les activités des États fédérés et de leurs
citoyens, entraînant une controverse importante et continue concernant l'équilibre des
pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les États. De telle sorte que la clause de
commerce a toujours été considérée à la fois comme une garantie de l'autorité du
Congrès et comme une restriction à l’autorité de réglementation des États. Pour
cause, le mot « commerce » n’est pas défini par la Constitution. Certains soutiennent
que cela se réfère simplement au commerce ou à l'échange, alors que d'autres
affirment, que les pères fondateurs avaient l'intention de décrire plus largement les
relations commerciales et sociales entre citoyens de différents États. Ainsi,
l'interprétation du "commerce" affecte la ligne de démarcation appropriée entre le
pouvoir fédéral et le pouvoir étatique. Durant la fin du XIXème, et le début du
XXème siècle, la Cour suprême des États Unis adoptait également une stricte
position s’agissant de l’affectation du commerce entre États mettant ainsi en échec le
jeu de la clause de commerce . L’intervention de la Cour suprême annulant la 237
législation fédérale, pendant une période d’expansion réglementaire, avait d’ailleurs
créé une relation antagoniste entre le pouvoir judiciaire et les branches politiques du
gouvernement . 238
Déclaration du juge Louis Brandeis, selon laquelle "un seul État courageux peut, si ses citoyens 235
le choisissent, servir de laboratoire et expérimenter de nouvelles expériences sociales et économiques sans risque pour le reste du pays". New State Ice Co. c. Liebmann, 285, U.S. 262, 311 (1932) (Opinion dissidente du juge Brandeis). La Cour suprême a fait référence à la déclaration du juge Brandeis dans l’affaire Arizona v. Evans, 514 U.S. 1, 8 (1995), déclarant que les États «sont libres de servir de laboratoires expérimentaux».
La « Commerce Clause », à l’article 1, section 8, Clause 3 de la Constitution américaine 236
Kidd v. Pearson, 128 U.S. 1 (1888)237
E. FRANCONE, Constitutional Clauses, Cornell Law School, https://www.law.cornell.edu/wex/238
commerce_clause!74
Finalement en reconnaissant le développement d’une économie nationale dynamique
et intégrée, la Cour suprême a employé une interprétation large de la clause de
commerce, en partant du postulat que l’activité locale affecterait probablement le
système économique commercial inter-États . 239
Ce raisonnement a marqué un tournant dans la jurisprudence et la réglementation
américaines. En vertu de cette conception plus large de la clause de commerce, le
Congrès fut autorisé à adopter une législation de grande portée dans divers domaines,
même ceux qui n’étaient apparemment pas liés au commerce. Le Civil Rights Act de
1964, par exemple, qui prohibait la ségrégation et interdisait les discriminations à
l'encontre des Afro-Américains, fut adopté en vertu de la clause de commerce.
Néanmoins la littérature américaine, considère la régulation de l’État comme une
interférence extérieur dans l’ordre privé qui ne peut être justifiée, uniquement
lorsqu'une défaillance manifeste du marché peut être démontrée . On peut dès lors 240
affirmer qu’il existe une présomption contre l’interventionnisme fédérale, et que si
intervention il y a de la part de celui-ci, c’est avant tout, pour éviter les effets pervers
d’une « course vers le bas » induite par le processus concurrentiel . 241
Ce fut le cas en matière d’arbitrage, face à la résistance de certains tribunaux
étatiques s’agissant de l’exécution des clauses compromissoires, nécessitant
l’intervention de l’État fédéral à travers le Federal Arbitration Act (FAA), qui fut
promulgué en 1925. Par la suite, la Cour suprême a régulièrement jugé que le FAA
primait sur les lois étatiques restreignant la portée des conventions d’arbitrage . 242
Finalement, les clauses attributives de juridiction et de choix de loi qui se
développaient au même moment, ont évolué sans les efforts coercitifs du
gouvernement fédéral, alors qu’elles représentaient une menace au même titre, pour
les tribunaux étatiques . Mais la solution retenue pour les clauses attributives de 243
juridiction, et de choix de loi, fut l’adoption d’instruments d’uniformisation non
United States v. Darby Lumber Co., 312 U.S. 100 (1941) ; Wickard v. Filburn, 317 U.S. 111 239
(1942)
F. HAYEK, « Droit, législation et liberté », op.cit240
S. DAEKIN « Legal Diversity and Regulatory Competition: Which Model for Europe? », op.cit241
Southland Corp. v. Keating, 465 U.S. 1 (1984) ; Allied-Bruce Terminix Cos. v. Dobson, 513 U.S. 242
265 (1995), concluant également que le FAA entrait dans le champ de la clause de commerce prévu par la Constitution des États-Unis
S. DAEKIN, op.cit243
!75
contraignant qui préservent toute l’autonomie des États américains, et les 244
divergences entre eux susceptibles de naitre en la matière.
B) Le modèle de l’harmonisation réflexive
L'un des problèmes du modèle de fédéralisme compétitif est qu'il ne semble
envisager seulement deux formes de réglementation: le contrôle «monopolistique» de
l’État fédéral, et l'absence totale d’intervention en faveur des forces concurrentielles
émanant des États fédérés. Mais comme alternative au fédéralisme compétitif, il y a
celui de l’harmonisation réflexive qui prend racine en Europe . 245
Dans ce model, la concurrence ne maximise pas le bien-être des individus, et n’est
pas perçue comme un mécanisme de découverte à travers lequel les connaissances et
les ressources sont sans cesse mobilisées et dont le résultat final n’est pas
nécessairement connu . Ce type de concurrence dépend essentiellement de 246
l’équilibre entre les normes étatiques et les normes issues du niveau supra-étatique,
dans le but de conserver l’autonomie des acteurs locaux. De surcroit, l’un des
prérequis essentiel dans ce type de model est la diversités entre les acteurs en
concurrence . 247
Dans ce modèle l’harmonisation joue un rôle dans le maintien d’une relation
appropriée entre les États. En effet, les objectifs de l’intervention judiciaire et
législative sont doubles : d’un part, protéger l’autonomie et la diversité entre les
systèmes de réglementation nationaux, d’une autre part, orienter le processus
d’adoption des règles au niveau des États, dont les solutions spontanées aboutiraient à
des résultats sous-optimaux, engendrant une course vers le bas . 248
L’harmonisation est dite « réflexive », car contrairement au modèle qui se dresse aux
États-Unis, ce modèle est davantage dans une logique de «coévolution» et de
Tels que l’UCC ou le Restatement (Second) of Conflict of Laws244
S. DEAKIN, « Two types of regulatory competition: competitive federalism versus reflexive 245
harmonisation. A law and economics perspective on Centros », 2 Cambridge Yearbook of European Legal Studies, 1999, p 231-260
Id. 246
Id. 247
Id. 248
!76
préservation des diversités législatives, que de convergence autour du «pic évolutif»
ou de l'état final envisagé par le modèle d'équilibre général de Tiebout . 249
L'approche européenne considère donc la régulation, et le système juridique plus
généralement, comme préservant l'ordre du marché, et où les forces régulatrices et les
forces du marché se complètent bien plus, qu’elles ne s’opposent.
Cependant certains auteurs ont observé depuis longtemps l’existence d’une tension
entre « le transfert supplémentaire de compétences au niveau de la Communauté
européenne et les désirs croissants de la population de l'UE pour la décentralisation et
la préservation de la diversité régionale » . Mettant en exergue tout 250
l’euroscepticisme que peut susciter les différents projets d’harmonisation en droit
privé.
II - L’harmonisation en matière contractuelle
Les projets harmonisation en matière contractuelle prennent des formes
totalement différentes en Europe et aux États-Unis. Alors que sur le continent
européen il y a une volonté et un projet d’unification du droit des contrats (A), outre-
Atlantique, cela passe par un proposition de loi fédéral harmonisant l’exécution des
clauses d’electio juris (B).
A- Le projet d’unification du droit des contrats en Europe
La situation actuelle du droit des contrats en Europe se caractérise par
l’existence parallèle et fragmentée de normes européennes et de règles nationales bien
établies. La Commission européenne dont l’ambition est de mettre en place un
marché commun au sein duquel la concurrence serait libre et non faussée est décidée
à faire tomber toutes les barrières internes. Le droit des contrats étant le vecteur des
échanges économiques a très vite semblé être un projet d’envergue pour la
Commission, qui perçoit la divergence entre les règles contractuelles comme un frein
Id. 249
W. KERBER, « Interjurisdictional Competition Within the European Union », Fordham 250
International Law Journal, Vol 23, I 6, art 17, p 217!77
aux échanges transfrontaliers . Dans un premier temps, nombreuses ont été les 251
directives qui sont intervenues dans le domaine des contrats de consommation : sur la
vente à distance , sur les garanties dans la vente , sur les clauses abusives , sur 252 253 254
les timeshare . 255
L’harmonisation, de plus en plus contraignante, des contrats de consommation avait
pour but affiché de lisser la protection du consommateur en Europe afin d’inciter les
entreprises européennes à dépasser leurs frontières nationales . Ensuite, la 256
Commission européenne a poursuivie son entreprise d’harmonisation du droit des
contrats en soutenant financièrement des projets qui ont vu le jour au tournant des
années 2000 : les Principes du droit européen des contrats (PDEC ou principes 257
Lando, publiés en plusieurs vagues et dont la version finale date de 2003), et l’avant-
projet de Code européen des contrats (Code Gondolfi de 2001). Ces projets avaient 258
vocation à terme de constituer un droit européen des contrats . 259
Face à la réticences des États-membres, et aux doutes quant à la compétences de
l’Union Européenne pour unifier le droit des contrats, la Commission a décidé de
bâtir un « Cadre commun de référence » en matière contractuelle, non obligatoire
pour les États-membres, mais dans lequel les législateurs nationaux auraient pu puiser
Livre vert de la Commission Européenne relatif aux actions envisageables en vue de la création 251
d'un droit européen des contrats pour les consommateurs et les entreprises, 1 juillet 2010, COM/2010/0348 final
Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux 252
droits des consommateurs
Directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains 253
aspects de la vente et des garanties des biens de consommation
Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les 254
contrats conclus avec les consommateurs
Directive 2008/122/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 janvier 2009 relative à la 255
protection des consommateurs
M. LATINA, « L’attractivité du droit des contrats : la fonction de modèle », Le blog Dalloz 256
dédié à la réforme du droit des obligations, http://reforme-obligations.dalloz.fr/2015/09/17/lattractivite-du-droit-des-contrats-la-fonction-de-modele/
Commission pour le droit européen du contrat, Principes du droit européen du contrat, Société 257
de législation comparée, 2003
Académie des privatistes européens, Code européen des contrats, Avant-projet,Coordinateur 258
Giuseppe Gandolfi, Livre premier, Dott. A. Giuffrè Editore, 2001
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit 259
européen des contrats, 2001/C 255/01, n° 66 et 67!78
pour réformer . 260
Arborant la méthode d’unification selon une méthode douce, mais sans réelle
résultats, deux projets de Cadre commun de référence ont été rédigés également par la
doctrine. Le projet Von Bar , et le projet mené sous l’égide de l’association Capitant 261
et de la Société de législation Comparé . Alors qu’un groupe d’expert avait été réuni 262
pour rédiger le cadre commun de référence officiel sur la base de deux propositions
doctrinales précédentes, la Commission a préféré élaborer un instrument optionnel en
droit des contrats. Le 11 octobre 2011, une proposition de règlement relative au droit
commun européen de la vente a vu le jour . Il s’agissait d’offrir aux contractants la 263
possibilité d’opter pour un système de règles autre que celui proposé par les Etats-
membres. Abondamment commenté et critiqué, ce droit commun européen de la vente
avait vu son domaine réduit à la seule vente à distance par le Parlement européen . 264
Or, cette proposition a vu son champ d’application encore plus restreint au seul
commerce électronique . 265
En toute état de cause, ce qui a déjà été accompli est tel, qu'il semble y avoir peu de
nouveautés à prévoir, et la perspective d’un droit européen des contrats unifié
s’éloigne donc de plus en plus.
B- Le projet de loi fédérale réglementant l’exécution des clauses de choix de
loi
Aux États-Unis, il n’existe de pareil projets d’harmonisation du droit des
contrats, il y a tout au plus une demande d’intervention fédérale relative à l’exécution
Communication de la Commission au Parlement Européen et au Conseil, Droit européen des 260
contrats et révision de l’acquis : la voie à suivre, 2004, 651 final
C. VON BAR, Le Groupe d'études sur un Code civil européen, Revue internationale de droit 261
comparé, 2001, 53-1, p 127-139
Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Principes contractuels 262
communs, Société de législation comparée, Vol. 7, 2008
Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au Comité Économique 263
et Social Européen et au Comité des Régions, un droit commun européen de la vente pour faciliter les transaction transfrontalières sur le marché unique, COM/2011/0636 final
M. LATINA, « Les derniers développements du droit européen des contrats », Revue des 264
contrats, 2012, n° 1, p 299
Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au Comité Économique 265
et Social Européen et au Comité des Régions, Programme de travail de la Commission pour l'année 2015 Un nouvel élan, COM(2014) 910 final
!79
des clauses d’electio juris , semblable à celle concernant les clauses
compromissoires . 266
À ce jour, il n’existe aucune loi fédérale imposant l’application des clauses de
sélection de for et de loi. Comme nous l’avons vu, le Congrès possède néanmoins un
pouvoir d’intervention, grâce à sa capacité de réglementer le commerce intérieur entre
États. Le Congrès pourrait également utiliser la Full Faith and Credit Clause , qui 267
lui donne le pouvoir de spécifier l'obligation qui incombe à chaque État d'appliquer
les lois des autres États.
Toutefois, pour qu'une telle disposition fédérale soit effective, il est également
nécéssaire que le Congrès permettent aux États de conserver leur pouvoir d’adopter
des lois de police qui primeraient sur les clauses d’electio juris.
Une loi fédérale sur les clauses d’electio juris, pourrait mieux protéger l’équilibre
entre la concurrence sur le marché du droit et le pouvoir de réglementation des États,
car les tribunaux fédéraux seraient tenus d’exécuter les clauses par une loi fédérale.
De plus, cette proposition de loi fédérale, promouvant le marché du droit, rejette
l’exigence de lien raisonnable actuellement appliqué . 268
La loi proposée comprend des dispositions régissant les conditions et les formalités
requises pour les clauses d’electio juris, elles doivent par exemple être expresses,
écrites, et non orales . Cela améliore la prévisibilité et la certitude et encourage les 269
parties à désigner clairement la loi applicable. Il est également prévu l’application des
«lois d’un État», qui exige que les parties choisissent la loi d’un seul et unique État,
plutôt que de choisir soigneusement les dispositions souhaitées parmi plusieurs lois
des États . Certains États actuellement autorise le dépeçage du contrat, comme 270
l’Oregon, dont une loi dispose que « les droits et devoirs contractuels des parties sont
régis par la loi ou les lois que les parties ont choisies » . 271
Cependant, aux États-Unis, le FAA (pris en modèle de cette proposition de loi), qui
prévoit l’exécution sine qua non des clauses compromissoire est de plus en plus
L. E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, Chapitre 10 « A Federal Choice-of-Law 266
Statute », Oxford University Press, 2009
Section 1 de l'article IV de la Constitution des États-Unis267
L. E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, op.cit. p 2019268
Id.269
Id. 270
Ore. Rev. Stat. §81.120 271
!80
controversé . En 2008, l’étude de Université du Michigan qui examinait les contrats 272
de travail et de consommation de 21 grandes entreprises, révélait qu’il y avait une
clause d’arbitrage obligatoire dans 93% des contrats de travail et 77% dans les
contrats de consommation . À cet effet, de multiples Arbitration Fairness Act furent 273
proposés, afin que le Congrès adopte une loi mettant en échec les clauses
compromissoires dans les contrats de travail et de consommation. Voulu depuis 2007,
la dernière proposition date de 2018 , et illustre bien les tensions existantes entre les 274
forces du marché du droit et les groupes d'intérêts en matière de réglementation. De
telles propositions et groupes d’intérêts pourraient tout à fait voir le jour, si une loi au
niveau fédéral garantissant l’exécution des clauses d’electio juris était adoptée.
On peut constater les différentes visions de l’intervention du niveau supérieur dans le
processus de concurrence entre les États, alors qu’en Europe l’harmonisation tend
plutôt à lisser les divergences entre États, aux États-Unis, l’harmonisation intervient
au contraire pour apporter des ajustements au processus de concurrence afin que
celui-ci soit le plus optimal possible.
III - La forme de l’harmonisation en matière contractuelle
La Commission s’interroge sur la méthode d’adoption d’un projet d’unification
des droits nationaux, cela s’explique d’une part, par l’importance du bouleversement
engendré aux seins des États, d’autre part l’interrogation au sujet de la compétence de
l’Union pour légiférer dans le domaine du droit des contrats dans son ensemble. Deux
perspectives s’offre alors à la Commission, celle qu’elle semble privilégiée jusque là,
l’adoption d’un instrument optionnel (A), et une autre plus ambitieuse,
d’harmonisation par l’adoption d’un instrument ayant une force contraignante (B)
A. D. KESSLER, « Stuck in Arbitration », New York Times, 6 mars 2012 272
T. EISENBERG, G.P. MILLER, E. SHERWIN, « Arbitration’s Summer Soldiers: An Empirical 273
Study of Arbitration Clauses in Consumer and Nonconsumer Contracts », University of Michigan Judicial Law Reform 41, 2008, p 871, 890
S.2591 - Arbitration Fairness Act of 2018, https://www.congress.gov/bill/115th-congress/senate-274
bill/2591!81
A) L’adoption d’un instrument optionnel
Si tous les projets d’harmonisation européens se fondent sur les coûts
transactionnels (2), le choix par la Commission Européenne de l’instrument optionnel
offre des méthodes d’unification à intensité variable (1), qui s’avère incompatible
avec l’objectif initial (3).
1 - Une méthode d’unification à intensité variable
Tous les projets d’unification des droits nationaux présentés jusque là,
n’étaient assorties d’aucune force ayant pour effet de les imposer aux opérateurs
économiques des différents États.
Dans le contexte particulier du droit européen, la force obligatoire se saisit d’abord
comme la force de contrainte par laquelle elle a vocation à s’imposer dans
l’ordonnancement juridique des États : il est alors question de la force contraignante
imposée aux États membres d’intégrer dans la législation nationale les dispositions
communautaires . L’intégration de la législation communautaire dans les 275
ordonnancements juridiques nationaux est gouvernée par le principe de l’autonomie
institutionnelle, lequel laisse aux États la liberté d’assurer l’intégration et
l’applicabilité du droit européen. Ce principe d’autonomie institutionnelle diffère
selon que la nature de l’acte est un règlement ou une directive, que le droit européen a
un effet direct ou pas dans les ordonnancements juridiques des États membres.
Toutefois, le principe d’autonomie doit se concilier avec l’impératif d’intégration
assuré par le principe de primauté et d’effet direct du droit européen dans les États
membres. Le choix de la méthode d’uniformisation détermine donc la force
contraignante avec laquelle les dispositions européennes auront vocation à être
intégrées dans le doit national . 276
2 - Un projet d’unification fondé sur les coûts transactionnel
Si l’UE s’oriente davantage vers l’adoption d’un texte sans contrainte par
méthode optionnelle, c’est qu’elle pense que cette technique serait davantage
acceptable par les États membres et en conformité avec ses compétences. En effet, les
nombreuses initiatives d’harmonisation entérinées par la Commission furent fondées
A. GUESSOUM, « Un droit européen des contrats efficace : quelle intensité contraignante ? », 275
dans, Les défis de l'harmonisation européenne du droit des contrats, Université de Savoie, 2012
Id. 276
!82
sur l’article 114 du TFUE, qui prévoit le rapprochement des législations, afin de
répondre aux objectifs de l’établissement et de fonctionnement du marché intérieur.
On peut néanmoins se questionner sur l’effectivité de cet argumentaire, car le marché
intérieur s’est établi au fur et à mesure par l’adoption de l’Acte unique européen en
1986, et le Traité de Maastricht en 1992, qui définissent les « quatre libertés »
constitutives de ce marché unique : la libre circulation des personnes, des biens, des
services et des capitaux. Or la divergence des droits des contrats entre États ne
représente en rien un obstacle direct pour l’exercice de ces libertés. L’exemple des
États-Unis, objet également de notre étude, le démontre suffisamment, car même si il
existe des ordres juridiques différents, des droits des contrats différents par exemple
entre la Louisiane et le Massachusetts, une interprétation différentes du contrat à New
York et en Californie, il n’y a pourtant aucun doute sur l’existence d’un marché
intérieur.
L’argument principal de la Commission Européenne repose cependant sur les coûts
transactionnels. Ces coûts transactionnels seraient supportés par les parties qui,
parfois avec l'aide d'avocats, rechercheraient la sécurité juridique parmi les
différentes juridictions nationales possibles, et choisiraient la juridiction la moins
chère de leur propre point de vue, négocieraient avec leur cocontractant sur ce choix,
et si les coûts transactionnels étaient disproportionnés, pouvaient éventuellement
décider de ne pas conclure la transaction du tout . 277
3 - L’incompatibilité de l’instrument optionnel
Le choix et la persistance du modèle optionnel peut surprendre, car bon
nombre d’auteurs démontrent que l’instrument optionnel, me représente concrètement
pour les parties qu’un choix supplémentaire lorsqu’ils doivent effectuer le choix de
loi . Ainsi, soit l’inexistence du choix conduira à plus de sécurité et moins de 278
Proposition de Règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à un droit commun 277
européen de la vente /* COM/2011/0635 final, « Ainsi, les divergences entre droits des contrats, ajoutées aux coûts de transaction supplémentaires et à la complexité accrue qu'elles génèrent à l'occasion de transactions transfrontières, découragent un grand nombre de professionnels, notamment les PME, de conquérir les marchés d'autres États membres. Elles ont également pour effet de restreindre la concurrence sur le marché intérieur. La valeur des transactions commerciales transfrontières auxquelles il est renoncé chaque année, uniquement en raison des différences entre les législations contractuelles, atteint des dizaines de milliards d’euros »
R. SEFTON-GREEN, « Choice, Certainty and Diversity: Why More is Less », European 278
Review of Contract Law, Vol 2, No. 2, 2011; W. KERBER, S. GRUNDMANN, « An optional European contract law code: Advantages and disadvantages », European Journal of Law and Economics, Vol. 21, No. 3, 2006
!83
diversité, soit plus de choix conduira à moins de sécurité et plus de diversité. Il est
également possible de se référer au faible succès des autres instruments optionnels
déjà adopté au niveau transnational, et qui ont été examinés précédemment, tel que la
CVIM ou les principes UNIDROIT. L’instrument optionnel est donc incapable de
fournir la bonne réponse au problème perçu par la Commission.
B) L’adoption d’un instrument contraignant
Le succès d’un futur instrument contraignant passe avant tout par le rejet de
tout instrument optionnel (1), et par la prise en compte de l’argument d’attractivité
(2), laissant présager peut-être l’idée d’un dépassement de l’objectif de réalisation du
marche (3).
1 - Le rejet de l’instrument optionnel
Comme nous l’avons vu, l’effectivité et l’applicabilité d’un droit européen
uniforme sont ainsi tributaire de la force avec laquelle il s’impose aux États membres.
Cependant, il est permis de constater l’incompatibilité entre, l’objectif de la
Commission, qui est d’instaurer un régime uniforme, et les moyens adoptés par celle-
ci, un instrument optionnel. La faiblesse des dispositions abandonnées à la liberté
contractuelle ne saurait conduire à la construction d’un régime commun . Le succès 279
de ce droit commun implique le rejet de tout mécanisme optionnel lequel ne ferait,
plutôt qu’unifier, qu’accroître les droits potentiellement applicables. À titre
d’exemple, le système de Restatement of law, adopté aux États-Unis, dépourvu de
toute force contraignante, et abandonné à la libre intégration dans les législations
locales, sert davantage de guide législatif que d’instrument d’unification . 280
Dès lors, l’absence de force contraignante unique attachée au système de mise en
œuvre du droit commun ne saurait assurer efficacement les objectifs poursuivis par la
Commission.
A. GUESSOUM, « Un droit européen des contrats efficace : quelle intensité contraignante ? », 279
op.cit
Id 280
!84
2 - L’argument de l’attractivité au service d’un futur projet
d’unification
La réticence, et l’impossibilité pour l’UE de se doter d’un instrument
contraignant s’explique avant tout par l’hostilité des États membres. Au-delà de
l’argumentaire tenant au désir pour les États membres de conserver leurs propres
traditions juridiques, il peut être avancé un argument économique de taille. En effet,
selon un rapport publié en 2001, le « Cap Gemini Report » , les services juridiques 281
du Royaume-Uni aurait attiré environ 800 millions de livres sterling par an en gains
invisibles. Si un instrument contraignant relatif au droit européen des contrats
harmonisé était introduit, le barreau faisait valoir la perte considérable d’activités
juridiques internationales, et que cela causerait un « préjudice grave et irréparable à
un grand secteur de l’économie européenne » . 282
Malgré son caractère optionnel, le droit commun européen de la vente présenté en
2011 a fait l’objet de vives critiques à travers toute l’Europe . Et si la nature de ces 283
projets de droit commun venait à devenir contraignante, la question de la
détermination du contenu d’un tel droit unifié serait assurément un enjeu
considérable. L’existence de divergences majeures entre les droits de tous les États
membres semble cependant difficilement conciliable. Chaque État serait ainsi tenté de
faire du lobby en faveur de son droit des contrats. Dans ces conditions, il est possible
de se demander si les droits les plus attractifs auraient plus de chances d’influer sur le
projet final de droit des contrats unifié ? Il est opportun de se questionner au sujet
du fondement de la préférence des parties, s’il ne serait pas en mesure de rendre plus
aisé l’acceptation d’un quelconque texte contraignant ?
L’UE semble déjà sensible à ces questions, en se référant directement aux théories de
CAR GEMINI ERNST & YOUNG, Commercial Court Feasibility Study, prepared for the Lord 281
Chancellor’s Departement, Février 2001
E. MCKENDRICK, « The States We Are In », p 20, dans S. VOGENAUER & S. 282
WEATHERILL, The Harmonisation of European Contract Law, Implications for European Private Laws, Business and Legal Practice, Hart Publishing, 2006
H. EIDENMULLER, « What Can Be Wrong with an Option? An Optional Common European 283
Sales Law as a Regulatory Tool », Common Market Law Review, Vol 50, Issue 1/2, 2013, p. 69 ; Ministry of Justice—Department for Business Innovation & Skills, A Common European Sales Law for the European Union—A proposal for a Regulation from the European Commission—The Government Response, 2012, https://consult.justice.gov.uk/digital-communications/common-european-sales-law/results/cesl-government-response.pdf
!85
la legal origins pour justifier l’adoption de la directive de 2007 sur le droit des
actionnaires 284
En tout état de cause, l’étude de l’attractivité du droit des contrats doit se poursuivre,
et s’approfondir, car il peut constituer un vecteur d’acceptation par les États membres
d’un futur projet d’harmonisation du droit des contrats européen.
3 - Le dépassement de l’objectif de réalisation du marché ?
L’efficacité d’un droit européen des contrats sans contrainte, voire, doté de
cette force, succédant aux dispositions spéciales édictées par les directives en vigueur
dans les États-membres, laisse apparaître un autre projet, distinct et plus ambitieux de
dépassement du marché intérieur. Serait-ce finalement par l’adoption d’un droit
européen des contrats appelant un droit civil européen que l’UE entreprendrait
d’étendre son domaine de compétence aux fins de parvenir subrepticement à une
harmonisation de plus en plus généralisée du droit entre les États-membres ? 285
L’adoption de la charte de droits de l’Homme intégrée aux textes de l’Union
Européenne, les projets d’harmonisation du droit de la famille, échappant
incontestablement à la réalisation du marché, constituent des indices d’extension de la
législation européenne au-delà des perspectives initiales du marché commun.
Si le motif de concurrence joue encore un rôle dans ces projets de droit commun, il
convient de le déplacer à l’échelle mondiale et non européenne. Par l’abandon
progressif des harmonisations sectorielles successives, les projets législatifs de
l’Union semblent s’inscrire dans le dépassement d’une politique économique et de
réalisation d’un marché commun en faveur de l’adoption d’une politique juridique
étendue laissant soupçonner la perspective d’une Union fédérale . 286
M. M. SIEMS, The End of Comparative Law, Journal of Comparative Law, Vol. 2, 2007 p.284
133-150
A. GUESSOUM, « Un droit européen des contrats efficace : quelle intensité contraignante ? », 285
op.cit
Id. 286
!86
SECTION 2 - CONSÉQUENCES DU BREXIT SUR LE SYSTÈME DE
CONCURRENCE NORMATIVE EUROPÉEN
Le 23 juin 2016, les électeurs britanniques ont indiqué leur souhait de quitter
l'UE. Bien que le processus de sortie ne commencera légalement que lorsque le
Royaume-Uni aura officiellement signé un accord de sortie en vertu de l'article 50 du
traité de Lisbonne, l'incertitude engendrée par le résultat du référendum public a déjà
eu des conséquences politiques et économiques profondes.
Le Royaume-Uni devra non seulement établir une relation commerciale avec l’UE,
mais également s’entendre avec les autres pays tiers avec lesquels le Royaume-Uni a
déjà échangé grâce à son adhésion à l'UE. La volatilité économique et l'incertitude
juridique qui en résultent risquent de se poursuivre jusqu'à ce que le Royaume-Uni
quitte l'UE et qu'un cadre de coopération négocié soit mis en place. Le Brexit aura
non seulement un impact sur le droit international privé (I), mais aussi sur le marché
du droit des contrats (II).
I - L’impact du Brexit sur le droit international privé
Le Brexit remet en cause l’appartenance du Royaume-Uni à l’espace judiciaire
européen et partant, l’application directe du droit international privé européen sur son
territoire. Il s’agit donc d’envisager quel sera son impact concret sur l’applicabilité
des règlements Rome I et Bruxelles I bis (A) et dans quelle mesure il serait possible
d’incorporer ces textes à la législation britannique (B).
A) L’impact du Brexit sur l’application des règlements Rome I et Bruxelles
I bis
Les règlements Rome I (1) et Bruxelles I (2) bis sont aujourd’hui d’application
immédiate et directe au sein des Etats membres de l’UE dont fait encore partie le
Royaume-Uni. Ils s’appliquent donc sans acte de réception au sein des ordres
juridiques nationaux ce qui, dans le cas du Brexit, pose problèmes puisque les
dispositions de ces règlements n’existent pas telles quelles dans la législation
britannique.
!87
1- Sur l’application de Rome I : loi applicable
a) Rome I sans le Royaume-Uni
La particularité du règlement Rome I réside dans son application universelle.,
son article 2 précise en effet que « la loi désignée par le présent règlement s'applique
même si cette loi n'est pas celle d'un État membre ». Du point de vue européen ce
caractère universel limite considérablement l’impact du Brexit sur l’application du
règlement . Ainsi un juge européen ayant à connaître d’une question de loi 287
applicable sera tenu d’appliquer la loi choisie par les parties en vertu d’une clause de
choix de la loi ou désignée par les dispositions du règlement, même si ce n’est pas
celle d’un Etat membre.
En pratique, à la suite du Brexit, le juge français saisi d’une clause de choix de la loi
anglaise devra en faire application. De même si la loi anglaise est désignée en
application des règles de désignation de la loi applicable issues du règlement. Il n’y a
pas de changements significatifs dans cette situation.
b) Le Royaume-Uni sans Rome I
À la suite du Brexit, sous réserve d’accord spécifique avec l’UE, le droit
international privé pré-adhésion est techniquement celui applicable, puisque même si
le Royaume-Uni était partie intégrante du droit international privé européen, celui-ci
n’était pas incorporé dans le cadre juridique britannique. Cependant, pour certains
auteurs le retrait de l’UE n’aura sans doute pas pour effet de ramener le Royaume-Uni
à son droit de 1972 en raison des efforts d’adaptation afin d’être apte à régir les
relations transfrontalières . Néanmoins, malgré tous les efforts d’adaptation 288
possibles et envisageables par le Royaume-Uni, il est indéniable que le Brexit aura
tout de même un impact sur les règles spécifiques contenues dans le Règlement Rome
I, non prévues dans le DIP commun britannique, notamment les régimes de protection
des parties faibles dans les rapports internationaux prévus pour les contrats
particuliers tels que de transports d’assurance ou de travail . 289
Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, Rapport sur les implications du Brexit 287
dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale, 30 janv. 2017, p. 10
A. DICKINSON, « Back to the Future - the UK's EU Exit and the Conflict of Laws », Oxford 288
Legal Studies, Research Paper No. 35/2016, 30 Mars 2016.
Article 5 à 8 du Règlement Rome I, n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, 17 juin 289
2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles !88
2 - Sur l’application de Bruxelles I bis : compétence juridictionnelle
a) Bruxelles I bis sans le Royaume-Uni
Sans Bruxelles I bis, la juridiction compétente sera déterminée selon le lieu du
domicile du défendeur : au Royaume-Uni ou dans un Etat membre de l’UE . 290
Si le défendeur est domicilié au Royaume-Uni, la compétence, du juge français par
exemple, sera déterminée selon les règles de droit international privé commun
français, marquant à cet égard, un retour en force du « privilège de nationalité » 291
posé par le Code de procédure civile et par conséquent une compétence française
élargie dans les litiges franco-britanniques.
Si le défendeur est domicilié au sein d’un Etat de l’UE, les juridictions compétentes
seront celles de cet Etat.
b) Le Royaume-Uni sans Bruxelles I bis
Dorénavant lorsque les juridictions britanniques ont à connaître d’une question
de juridiction compétente elles appliqueront leur propre droit international privé.
Celui-ci pose le principe du lieu du domicile du défendeur. En outre, la sortie du
Royaume-Uni de l’espace judiciaire européen permettra de nouveau aux juridictions
britanniques d’utiliser des mécanismes injonctifs extraterritoriaux dont l’utilisation
avait été jugée contraire au droit de l’UE . A titre d’exemple l’on peut notamment 292
citer les anti-suit injuctions qui permettent d’interdire à une personne de commencer
ou poursuivre une procédure devant une juridiction étrangère si les juridictions
britanniques s’estiment mieux placées pour en connaitre, et les freezing orders,
mesures de gel d’actifs ordonnées par une juridiction à l’encontre de toute personne
même si les biens visés se trouvent à l’étranger . 293
B) L’incorporation du droit européen dans l’ordre juridique britannique
L’architecture constitutionnelle britannique étant fondée sur la souveraineté de
son Parlement, l’intégration à la Communauté Européenne devait être autorisée par ce
dernier. C’est ainsi que par le European Communities Act adopté en 1972, le
Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris, Rapport sur les implications du Brexit, 30 290
janvier 2017
NCPC, art. 14 et 15 291
H C J P P, Rapport sur les implications du Brexit, op.cit292
Id. 293
!89
Royaume-Uni a adhéré à la CE. Cet acte fondateur doit à présent être abrogé au plan
interne pour pouvoir quitter l’UE et c’est dans cette perspective que le gouvernement
britannique a présenté en juillet 2017 son European Union (Withdrawal) Bill, adopté
le 26 Juin 2018.
Cette proposition de loi vise à intégrer l’acquis communautaire dans le cadre
juridique britannique. A ce titre, les dispositions nationales issues de l’UE ainsi que
les actes internes de transposition (EU-derived domestic legislation) en vigueur à la
date de sortie effective, ont vocation à perdurer au sein de la législation
britannique . Une distinction est opérée avec la législation européenne directement 294
applicable (direct EU legislation), définie comme recouvrant notamment les
règlements européens et les décisions de la Cour de justice, et destinée à être
convertie et incorporée dans le cadre juridique britannique . 295
S’agissant des règlements Rome I et Bruxelles I bis étudiés précédemment, ils
semblent donc tomber dans le champ de la deuxième catégorie et sont par conséquent
destinés à être intégrés au droit britannique. Le cas échéant, la sortie du Royaume-Uni
n’aurait aucun impact sur les règles de détermination de loi applicable et de
juridiction compétente dans des situations juridiques présentant un élément de
rattachement avec le Royaume-Uni.
Cependant, la loi prévoit, en vertu d’une « Henri VIII clause », la possibilité pour le
gouvernement d’amender ou abroger tout acte incorporé en vertu du mécanisme
évoqué précédemment . Une telle disposition donnerait ainsi le pouvoir au 296
gouvernement de modifier les dispositions relatives à la loi applicable et à la
juridiction compétente résultant de l’incorporation des règlements Rome I et
Bruxelles I bis au sein de l’ordonnancement juridique britannique, tout en remettant
en cause la souveraineté du Parlement pour l’édicter les lois.
II - L’impact du Brexit sur le marché du droit des contrats
On doit le rappeler, selon les travaux de recherche analysant 4 400 contrats
internationaux soumis à l’arbitrage CCI, le droit anglais arrivait en première position
The European Union (Withdrawal) Bill, s 2 294
Id.295
Clause 7, European Union (Withdrawal) Bill, du 26 juin 2018296
!90
des lois pouvant être choisie . Près de quatre fois plus populaire que le droit des 297
contrats français et près de six fois plus populaire que le droit allemand des contrats.
Il a été avancé que deux facteurs influençaient principalement le choix des parties : la
sécurité juridique et la flexibilité d'un droit national donné . On a également avancé 298
l’importance du critère de la familiarité . Le Brexit traduisant la sortie du Royaume-299
Uni de l’UE, il est important d’analyser les conséquences de celui-ci pour les clauses
d’electio juris (A), et de se demander si cela peut se traduire par le déclin du droit
anglais jusqu’ici préféré (B)
A - L’avenir des clauses d’electio juris post-Brexit
En théorie, le droit des contrats britannique restant inchangé à la suite du
Brexit, il ne devrait vraisemblablement pas avoir de conséquences substantielles (1),
de plus, les tribunaux des États membres de l’UE continueront d’exécuter les clauses
de choix de loi désignant le droit anglais comme applicable (2).
1- Un droit des contrats inchangé
En se basant sur les critères de préférence des parties déjà soulignées, le
cabinet Allen & Overy, dont le siège social se trouve à Londres, affirment que le
Brexit ne devrait pas avoir d'incidence sur l'attrait du droit anglais dans la grande
majorité des cas . 300
Le droit anglais resterait toujours aussi prévisible et certain, ayant pratiquement pas
subi l’influence européenne, celui-ci restera inchangé en substance. Toutes les
questions contractuelles clés, comme l'offre, l'acceptation, la notion de
« consideration », les termes implicites, les clauses d'exclusion, la responsabilité et
les dommages-intérêts, découlent du droit commun. Il n'y a donc aucune raison de
G. CUNIBERTI, « The International Market for Contracts: The Most Attractive Contract 297
Laws », op.cit
L. G. MEIRA MOSER, « Parties’ preferences in international sales contracts: an empirical 298
analysis of the choice of law », Uniform Law Review, Volume 20, Issue 1, 2015, p 15-55
S. VOGENAUER, « Regulatory Competition Through Choice of Contract Law and Choice of 299
Forum in Europe: Theory and Evidence », op.cit
S. GARVEY, K. BIRCH, « Should Brexit affect the popularity of English governing law and 300
jurisdiction clauses? » http://www.allenovery.com/publications/en-gb/lrrfs/uk/Pages/Should-Brexit-affect-the-popularity-of-English-governing-law-and-jurisdiction-clauses.aspx
!91
penser que ces principes fondamentaux de common law du droit anglais changeront
avec le Brexit .301
2- Le respect persistant du choix de la loi anglaise
Le Règlement Rome I posant le principe de l’autonomie des parties requiert
des tribunaux des États membres qu'ils respectent les clauses de choix de loi
convenues entre les parties commerciales, et cela même si la loi choisie est celle d’un
État tiers de l’UE. Les tribunaux des États membres continueront donc à respecter le
choix du droit anglais après le Brexit . 302
Au Royaume-Uni, bien que les tribunaux anglais ne puissent plus appliquer Rome I et
II après le Brexit, il est presque inconcevable que les États membres modifient leur
approche générale du respect du choix du droit anglais.
B) Le déclin du droit anglais ?
Bien que le droit substantiel britannique sera inchangé, les jugements issus des
tribunaux anglais ne pourront plus circuler librement au sein de l’UE (1). Susceptible
de représenter une perte pour l’Union (2), le Brexit pourrait bien avoir des
conséquences sur l’attractivité renouvelée du droit français (3).
1 - La perte de circulation des jugements britanniques
La circulation des jugements au sein de l’UE est régie par le Règlement
Bruxelles I bis, et cessera de s’appliquer aux effets des jugements rendus par les
tribunaux du Royaume-Uni au sein de l’UE Cela signifie que les jugements des
juridictions du Royaume-Uni seront accueillis selon les conditions et la procédure
d’exequatur du droit international privé commun applicable aux jugements émanant
des pays tiers (alors que le Règlement Bruxelles I bis supprime cette exigence pour 303
les jugements des juridictions européennes). L’absence de circulation des jugements britanniques inquiète l’un des plus gros lobby
anglais, TheCityUK, qui invite le gouvernement britannique à réaffirmer l’importance
Id.301
Id.302
H C J P P, Rapport sur les implications du Brexit, op.cit303
!92
du choix du droit anglais dans les contrats commerciaux . En effet, l’absence de 304
réaction face à la perte du caractère exécutoire des jugements rendus par les tribunaux
britanniques, risquerait de saper la primauté du droit anglais dans les contrats
commerciaux internationaux, et le rôle primordial de Londres comme centre
international dans le règlement de litiges .305
2- Une perte pour l’Union Européenne
Pour les défenseurs de la concurrence normative, le paradigme compétitif
existant entre les législations des États membres de l’UE est en principe, bénéfique
car elle initie un "processus de découverte" de produits juridiques nouveaux. Le
Brexit pourrait alors avoir un impact sur le degré d'innovation juridique pouvant
améliorer l'efficacité des règles au niveau européen . 306
En effet, l’influence du droit britannique sur le droit européen peut être remarquée par
la présence dans les textes européens, de certaines notions issues du droit des pays de
common law, presque inconnues par la plupart des codes civils « continentaux » (par
exemple, les codes civils allemand, français et italien). De multiples références au
« caractère raisonnable » sont présentes dans les directives de l’UE dans le domaine
du droit des contrats , le même phénomène peut également être observé dans une 307
plus large mesure dans la plupart des projets universitaires visant à harmoniser le
droit des contrats européen . L’attractivité du standard juridique du raisonnable 308
dépend aussi de ses caractéristiques spécifiques d’extrême flexibilité et de proximité
avec les situations concrètes, comparées aux caractéristiques parfois abstraites et
rigides d’autres principes et concepts bien connus du droit civil, tel que la bonne
foi . 309
Il arrive même que l’UE s’inspire directement des lois édictées au sein de ses États
S. SALTI, « La City s’inquiète pour ses juristes après le Brexit », L’AGEFI, 20 décembre 2016304
Id. 305
H. EIDENMUELLER, « Collateral Damage: Brexit’s Negative Effects on Regulatory 306
Competition and Legal Innovation in Private Law », European Corporate Governance Institute, Working Paper N° 403/2018, Mai 2018
S. TROIANO, « To What Extent Can the Notion of ‘Reasonableness’ Help to Harmonize 307
European Contract Law? Problems and Prospects from a Civil Law Perspective », 17 European Review of Private Law, Issue 5, 2009, p 749–787
Id. 308
Id. 309
!93
membres pour l’élaboration de ses directives et règlements, et la perte du Royaume-
Uni parmi ceux-ci, sera de nature à impacter le gigantesque laboratoire de recherche
qu’engendre la concurrence normative . Pour exemple la Commission européenne 310
avait présenté en 2015 une proposition de directive européenne « certains aspects des
contrats de fourniture de contenu numérique » . La proposition de l’UE avait été 311
fortement influencée par l'innovante loi du Royaume-Uni le Consumer Rights Act de
201, décrite par les commentateurs comme « l'un des actes législatifs les plus
sophistiqués et les plus tournés vers l'avenir de l'Union européenne » . Le Royaume-312
Uni a donc certainement une influence positive sur le processus d’édiction des
directives qui risque d’être compromis par le Brexit.
3 - L’attractivité renouvelée du droit français
Il est probable que, du moins pour une période transitoire, les clauses de choix
de for au profit des juridictions anglaises, assorties ou non d’un choix explicite du
droit anglais, ne seront pas affectées par la perspective du Brexit : les juridictions
anglaises continueront de les appliquer et, sauf le doute, facilement levé par voie 313
de question préjudicielle, relatif à l’efficacité d’une clause de choix de for anglais
lorsque le défendeur est domicilié dans un État membre, les juges des États membres
continueront également de les respecter . 314
Cependant, la crainte de l’intervention de marché concernant l’exécution des
jugements et l’efficacité des clauses de choix de loi et de juridiction y afférentes, est
bien présente. Bien que le retrait effectif du Royaume-Uni aura lieu après la fin de la
période de transition, soit le 31 décembre 2018, on commence à s’inquiéter du sort
des futurs contrats pouvant être régi par le droit anglais et soumis à la juridiction des
tribunaux anglais. Par exemple, l’International Swaps and Derivatives Association
(ISDA), organisation professionnelle regroupant des intervenants majeurs sur les
marchés financiers dérivés, dont le but premier est de fournir des contrats standards
H. KÖTZ, European Contract Law, 2nd edition, Oxford University Press, p 13310
Proposition de Directive du Parlement Européen et du Conseil, concernant certains aspects 311
des contrats de fourniture de contenu numérique, COM(2015) 634 final, 9 December 2015.
S. AUGENHOFER, « Brexit – Marriage ‘With’ Divorce? – The Legal Consequences for 312
Consumer Law », Fordham International Law. Journal. Vol 40 No 5, 2017, p 1475-1493
H C J P P, Rapport sur les implications du Brexit, op.cit313
Id. 314
!94
de référence pour les transactions a publié le 3 juillet 2018, deux nouveau modèles de
contrats-cadre. Un contrat-cadre de droit civil, soumis au droit français et un contrat-
cadre de common law, soumis au droit irlandais (République d’Irlande continuera 315
d’être membre de l’UE). Les intervenants auront donc la possibilité de documenter
leurs transactions sur produits dérivées par le biais de convention-cadre IDSA de droit
français, dont le contenu est très similaire au modèle existant de convention-cadre
IDSA de droit anglais, mais qui est régie par un droit de l’UE et prévoit la
compétence du tribunal de commerce de Paris et de la Cour d’appel de Paris, les
jugements émis par ces cours continuant à bénéficier des avantages prévus par les
dispositions du Règlement Bruxelles I Bis en matière de procédure d’exécution . Le 316
droit français s’érige ainsi en alternative au droit anglais à la suite du Brexit.
Le Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris s’interrogeait le 30 janvier
2017 sur l’avenir de la place de Paris à la suite du Brexit. Il était préconisé
l’ajustement des règles procédure pour autoriser le recours à l’anglais à différents
stades de la procédure (plaidoiries, écriture, décisions) . L’évolution des règles de 317
procédure afin d’incorporer certains dispositifs inspirés de la common law en matière
d’administration de la preuve (discovery, cross-examination), ou l’introduction dans
le domaine du contentieux commercial de procédures accélérées dites « fast
track » . Mais aussi la mise en place de juridictions spéciales en matière civile et 318
commerciale pour les contentieux de dimension transnationale : celles-ci devraient
être composées de juges issus de la magistrature française maitrisant l’anglais ainsi
que de spécialistes reconnus de common law afin d’asseoir la crédibilité de ces
juridictions vis-à-vis des opérateurs économiques . 319
On peut maintenant, à la suite de la signature des protocoles du 7 février 2018 créant
une nouvelle chambre internationale à la Cour d’Appel de Paris, penser que ces
recommandations ont été entendues. En effet, l’introduction limitée de l’anglais afin de respecter les exigences de
l’ordonnance de Villers-Cotterêts, les procédures d’interrogatoire de témoins, les
K. MERLINI, P. LARROQUE, « Les risques juridiques du Brexit déclenchent la mise en place 315
d'un nouveau modèle de convention-cadre de droit français pour les opérations sur produits dérivés », Publications Hogan Lovells, 24 juillet 2018, https://www.hoganlovells.com/fr/publications/les-risques-juridiques-du-brexit-declenchent-la-mise-en-place-dun-nouveau-modele-de-convention-cadre-de-droit-francais-pour-les-operations-sur-produits-derives
Id. 316
H C J P P, Rapport sur les implications du Brexit, op.cit317
Id. 318
Id. 319
!95
dérogations à l’article 202 du CPC permettant aux attestations de tiers d’être
dactylographiées, montrent que les recommandations ne sont pas tombées dans
l’oreille d’un sourd.
En outre pour l’HCJPP, il y aurait un choix politique à faire concernant les méthodes
d’interprétation judiciaire des contrats. La force des juridictions anglaises, du point
de vue des grands opérateurs, serait d’appliquer à la lettre le texte des documents
contractuels, sans l’intervention modératrice qui est trop souvent reprochée aux juges
français . Ainsi, renoncer à cette dernière au profit d’un modèle ultra-libéral serait 320
un prix politique lourd à payer pour le renforcement de l’attractivité de la place de
Paris.
Id. 320
!96
Conclusion
De nombreux pans du droit sont aujourd’hui analysés à l’aune de la concurrence
normative. Les analyses répondent à un triptyque devenu assez classique : existence ou non
de la concurrence ; effets de la concurrence ; méthode pour remédier à d’éventuels effets
négatifs. Cependant, les droits nationaux au sein de l’Union européenne sont trop peu
scrutés sous cet angle, et pourtant toutes les caractéristiques propres à l’avènement d’un
marché juridique y sont présentes.
Plus spécifiquement dans le domaine du droit des contrats, on constate que les conditions à
la création d’un tel marché, sont même plus favorables au sein de l’Union Européenne
qu’aux États-Unis. La consécration de la loi d’autonomie par le Règlement Rome I est en
mesure de donner plus de choix aux parties, et de mettre en concurrence tous les droits
européens, contrairement aux États-Unis où on exigence un lien raisonnable entre la loi
choisie et la transaction.
L’analyse des différents droits sous un paradigme compétitif permet aussi de comprendre
que le succès d’un droit donné, bien que permis grâce à ses qualités intrinsèques, est en
majeure partie dû et facilité par les qualités extrinsèques de celui-ci.
La concurrence normative est susceptible de créer un gigantesque laboratoire de politique
juridique dans lequel les États peuvent avancer dans toutes les directions par une
législation ou une décision judiciaire. Pouvant aboutir en un processus mélioratif de course
vers le haut, ou au contraire, chaque État voulant concurrencer les autres établissent et
encouragent des exemples susceptibles de nuire aux parties faibles.
À cet effet, on constate que l’approche européenne et américaine sont différentes lorsqu’il
s’agit d’appréhender les défaillances du marché du droit, alors qu’aux États-Unis, l’autorité
fédérale intervient d’un côté pour uniformiser les modalités de concurrence, en Europe on
préfère délimiter ce qui est laissé dans le champ de la concurrence ou non, et dans ce cas
unifier par le haut grâce aux directives. Cependant, on constate de la part de l’Union
Européenne, une volonté d’abandon des processus d’harmonisations sectorielles en matière
de droit des contrats, pour des projets législatifs d’unification générale. Ces projets
d’unification affichant l’objectif de réalisation d’un marché commun, peuvent intriguer
!97
lorsqu’en comparaison dans un pays tel que les États-Unis, aucun projet d’unification ne
semble se dessiner, et où personne ne doute du fonctionnement du marché intérieur.
La notion d’attractivité a surtout été mise sur le devant de la scène à la suite du Brexit
intervenu en 2016, et dont les modalités restent encore à définir. Bien que le droit des
contrats britannique soit jusque là considéré comme le plus attractif, la survenance du
Brexit risque à coup sur de perturber le marché des services juridiques d’outre-Manche. La
disparition de la circulation des jugements britanniques, et le déficit d’image y afférent,
risque en contrepartie de profiter au droit français récemment reformé. Dans ce contexte
qui redonne au droit français un usage international, il appartient maintenant aux juristes et
avocats français de se doter des connaissances nécessaires pour les changements à venir.
Pour reprendre les mots du bâtonnier Frédéric Sicard, le droit n’est « pas seulement un
élément régulateur de la société, c’est aussi un moyen d’investir » , l’étude de la 321
concurrence normative, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, fournit un véritable outil
de diagnostic de la force des normes juridiques.
I. TRIPPENBACH « le française est-elle compétitive pour les entreprises ? », l’Opinion, 4 avril 321
2017, https://www.lopinion.fr/edition/economie/justice-francaise-est-elle-competitive-entreprises-123092
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