la guerre au pays de fouesnant - k-ljhfc

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J'en ai parlé à la maison et, encouragée par mon père, je me suis mise à l'eau avant la fin de l'été : j'ai retrouvé les plaisirs de la natation, sur le dos, sur le ventre. Par la suite, j'ai repris mes études. J'ai dû m'accrocher pour écrire, car j'étais droitière. J'ai obtenu le brevet élémentaire et j'ai travaillé dans les assurances, puis dans l'administration des P.T.T., jusqu'à mon mariage avec Noël Coatmen. J'ai deux filles aujourd'hui âgées de 39 et 34 ans. Malgré mon amputation et ma position de victime civile de la guerre, je considère que j'ai bien réussi ma vie. Témoignage de Jean CAPP, (frère de Mathilde) Je suis le frère de Mathilde Coatmen. J'avais seize ans en 1944. Nous habitions tous deux chez nos parents. Le matin du 4 juillet, requis par les militaires d'occupation, j'avais travaillé avec une demi-douzaine de camarades au creusement de trous dans un grand champ situé sur la route de Quimper, au droit de la propriété de Bodigneau, à trois bons kilomètres de Bénodet. Ces trous étaient prévus pour recevoir des pieux destinés à empêcher un éventuel atterrissage d'avions ou de planeurs alliés. A midi, nous venions déjeuner, à pied, lorsque s'est produite l'attaque aérienne sur les bateaux allemands mouillés devant ou à l'entrée de l'anse de Penfoul. Au bruit des explosions et des tirs intenses d'armes automatiques, nous nous sommes tous planqués dans le fossé, près de l'endroit où s'amorce actuellement la route du pont. Et je me souviens parfaitement avoir vu passer au-dessus de nous, d'ouest en est, une boule de feu que j'ai prise pour un avion en flammes, et j'ai pensé tout de suite qu'il avait été touché par la défense anti-aérienne. A peine avait- il disparu du regard que s'est produite une énorme déflagration. Nous nous sommes dirigés vers le lieu d'où s'élevaient déjà des flammes et de la fumée, et nous avons constaté que l'avion était tombé près de la ferme de Keranguyon dont certains bâtiments flambaient. Dans la cour gisaient les corps des deux aviateurs, éjectés de leur appareil, déchiquetés et morts sur le coup. Sur les lieux du sinistre est arrivé un copain, Bastien Fagon, qui m'a appris que ma soeur avait été blessée au cours de l'attaque aérienne. Je suis rentré tout de suite à la maison, mais je n'ai pas vu Mathilde, elle était déjà partie pour Quimper, avec ma mère, dans l'ambulance allemande. Mon père, qui était auprès de Mathilde chez le docteur Abbadie, m'a dit par la suite l'efficacité du médecin allemand qui y était arrivé : il a découpé le pansement déjà appliqué pour pincer les vaisseaux et arrêter l'hémorragie. Mon père estimait que cette intervention avait été déterminante pour éviter le pire. Témoignage de "Fanch" GLÉRANT, demeurant rue du Ment Glaz à Bénodet. En 1944, j'avais trente ans. J'exerçais le métier de marin-pêcheur; j'étais chargé de famille, et l'existence était difficile. Le 3 juillet, pour gagner un peu d'argent, j'étais allé cueillir des cerises à La Forêt- Fouesnant. Le lendemain, ma femme les a mises en sachets, pour que j'aille les vendre aux allemands sur leurs bateaux, et dans leur foyer de Penfoul. 6/11

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La Guerre au Pays de Fouesnant -

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Page 1: La Guerre au Pays de Fouesnant -  k-ljhfc

J'en ai parlé à la maison et, encouragée parmon père, je me suis mise à l'eau avant lafin de l'été : j'ai retrouvé les plaisirs de lanatation, sur le dos, sur le ventre.

Par la suite, j'ai repris mes études.J'ai dû m'accrocher pour écrire, car j'étaisdroitière. J'ai obtenu le brevet élémentaireet j'ai travaillé dans les assurances, puisdans l'administration des P.T.T., jusqu'àmon mariage avec Noël Coatmen. J'aideux filles aujourd'hui âgées de 39 et 34ans. Malgré mon amputation et ma positionde victime civile de la guerre, je considèreque j'ai bien réussi ma vie.

Témoignage de Jean CAPP, (frère deMathilde)

Je suis le frère de MathildeCoatmen. J'avais seize ans en 1944. Noushabitions tous deux chez nos parents.

Le matin du 4 juillet, requis par lesmilitaires d'occupation, j'avais travailléavec une demi-douzaine de camarades aucreusement de trous dans un grand champsitué sur la route de Quimper, au droit de lapropriété de Bodigneau, à trois bonskilomètres de Bénodet. Ces trous étaientprévus pour recevoir des pieux destinés àempêcher un éventuel atterrissage d'avionsou de planeurs alliés.

A midi, nous venions déjeuner, àpied, lorsque s'est produite l'attaqueaérienne sur les bateaux allemandsmouillés devant ou à l'entrée de l'anse dePenfoul. Au bruit des explosions et des tirsintenses d'armes automatiques, nous noussommes tous planqués dans le fossé, prèsde l'endroit où s'amorce actuellement laroute du pont. Et je me souviensparfaitement avoir vu passer au-dessus denous, d'ouest en est, une boule de feu quej'ai prise pour un avion en flammes, et j'ai

pensé tout de suite qu'il avait été touchépar la défense anti-aérienne. A peine avait-il disparu du regard que s'est produite uneénorme déflagration. Nous nous sommesdirigés vers le lieu d'où s'élevaient déjà desflammes et de la fumée, et nous avonsconstaté que l'avion était tombé près de laferme de Keranguyon dont certainsbâtiments flambaient. Dans la cour gisaientles corps des deux aviateurs, éjectés de leurappareil, déchiquetés et morts sur le coup.

Sur les lieux du sinistre est arrivéun copain, Bastien Fagon, qui m'a apprisque ma soeur avait été blessée au cours del'attaque aérienne. Je suis rentré tout desuite à la maison, mais je n'ai pas vuMathilde, elle était déjà partie pourQuimper, avec ma mère, dans l'ambulanceallemande.

Mon père, qui était auprès deMathilde chez le docteur Abbadie, m'a ditpar la suite l'efficacité du médecinallemand qui y était arrivé : il a découpé lepansement déjà appliqué pour pincer lesvaisseaux et arrêter l'hémorragie. Mon pèreestimait que cette intervention avait étédéterminante pour éviter le pire.

Témoignage de "Fanch" GLÉRANT, demeurant rue du Ment Glaz à

Bénodet.

En 1944, j'avais trente ans.J'exerçais le métier de marin-pêcheur;j'étais chargé de famille, et l'existence étaitdifficile.Le 3 juillet, pour gagner un peu d'argent,j'étais allé cueillir des cerises à La Forêt-Fouesnant. Le lendemain, ma femme les amises en sachets, pour que j'aille les vendreaux allemands sur leurs bateaux, et dansleur foyer de Penfoul.

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A la fin de la matinée, je suis doncallé vers les bateaux dans ma plate. J'ai toutvendu, et je suis revenu m'amarrer à la calede Penfoul. Je me préparais à partir lorsqueles avions ont attaqué les bateauxallemands au mouillage. Je me suis mis àl'abri dans la propriété Crespel, près deplusieurs autres personnes. Et là, j'aiconstaté que la jeune Mathilde Capp étaitgravement blessée au bras. Je l'ai soulevéeet l'ai soutenue pour la conduire chez lemédecin. En cours de route, j'ai avisé unchar à bancs arrêté, j'ai mis Mathildededans et j'ai mené le cheval jusqu 'au murédifié par les Allemands pour barrerl'actuelle rue de Kerguélen. J'ai portéMathilde jusqu'au cabinet du DocteurAbbadie.

Cette jeune fille, que je connaissaisdéjà, s'est montrée très courageuse, maiselle était à bout de forces quand je l'aidéposée dans le char à bancs, et son brasdéchiqueté était affreux à voir.

Autres témoignages :

"Ven" GUILLOU

Le 4 juillet 1944 j’étais devant mondomicile (l’actuel Hôtel de la Poste) aumoment de l'attaque des avions alliéscontre l'arsenal de Bénodet. J'ai vu passer àbasse altitude un avion duquel sortait uneépaisse fumée et j'ai réalisé qu'il allaits'écraser pas loin. Avec mon camaradeNorbert Duigou j'ai couru vers le lieu dela chute, la ferme de Keranguyon, avecl'idée de venir en aide aux aviateurs, oubien, comme nous appartenions àRésistance, de récupérer des armes.

Dans la cour et aux abords deKeranguyon dont certaines constructionsbrûlaient, j'ai vu les débris de l'appareilabattu et les corps des deux aviateurs.

Nous étions dans les premiersarrivés, les munitions éclataient encore, etdes éclats m'ont atteint à la jambe et à lamain gauches, ce qui a nécessité maconduite à la clinique du Sacré-Coeur àQuimper d'où je suis revenu, en char àbancs, huit jours plus tard.

Jean MORV AN

Il était un peu plus de midi et jevenais de déjeuner, ce 4 juillet 44, lorsquel'arsenal et les bateaux allemands ont étéattaqués par les avions alliés. Je metrouvais à la ferme de Créac'h Conard, àproximité de la batterie allemande de troispièces de D.C.A. installées près du châteaud'eau Elles dominaient la rivière après queles grands ormes eurent été étêtés par lessoins des occupants.

Je voyais le départ des projectiles etj'ai distingué très nettement l'impact d'unobus sur un des avions volant bas et quivirait devant la batterie, s'offrant ainsi autir de la D.C.A. : J'ai vu comme un éclair,suivi immédiatement de flammes dansl'appareil qui est allé s'écraser sur la fermede Keranguyon.

A la ferme de Créac'h -Conard nousvivions au contact journalier des militairesde ces batteries antiaériennes. La"descente" de cet avion a été pour eux ungrand succès, et dès le lendemain le chefde pièce était décoré.

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Commémoration du 50 ème anniversaire de l’attaque du 4 juillet 1944

Une cérémonie du souvenir a marqué, àBénodet, le cinquantième anniversaire del'attaque des installations allemandes del'anse de Penfoul par une escadrille deMosquitos de la Royal Air Force. Avec laparticipation de l'association "Histoire etCollection, Douarnenez 39 / 45", lesautorités locales et les Associations se sontrassemblées dans le cimetière, devant lestombes des deux aviateurs britanniques,avant de prendre le verre de l'amitié puisde faire un pèlerinage sur les lieux dudrame, avec une délégation britannique quis'était déplacée tout spécialement pour lacirconstance.

Le Wing Commander (Lieutenant--colonel) H.C. Handall, le pilote de l'undes Mosquitos de l'attaque, était présentavec son épouse. Assistaient aussi la veuvedu colonel Anthony Phillips et M.Hodges, son second mari, son fils Adrianavec son épouse.

Ce fut un moment de grandeémotion devant les tombes où lesbénodétois s'étaient rendus nombreux,ponctué par une allocution du Maire, enprésence de délégations des AnciensCombattants et leurs porte-drapeaux.

A la ferme de Keranguyon, YvesGlémarec et son épouse expliquaient aux

visiteurs les circonstances de l'accident etmontraient le lieu précis où gisaient lescorps d'Anthony Phillips et RobertThomson.

M. H.C. Randal1 se souvient biende cet épisode de sa vie de combattant. Le3 juillet, revenant, aux commandes de sonavion, d'une patrouille au-dessus de l'île deGroix, avec sonNavigateur Jimmy Orchard, ils repérèrentles bateaux dans l'Odet, prirent des photoset rendirent compte de leurs observationsdès leur retour à leur base de Portreath.L'attaque était aussitôt décidée pour lelendemain, et le 4 juillet trois Mosquitosdu Squadron 248 décollaient à la fin de lamatinée et mettaient le capsur Bénodet enformation de combat. Le raid étaitcommandé par Anthony Phillips, lesdeuxautres appareils pilotés par H.C. Randallet Max Guedj (un as des Forces AériennesFrançaises Libres). Si l'avion de Phillipss'abattait en flammes à Bénodet, les deuxautres étaient également touchés par ladéfense allemande, mais parvenaient àrentrer à leur base.

La délégation britannique a beaucoupapprécié l'accueil des bénodétois, et l'a faitsavoir par courrier à Mathilde Coatmencomme à Yves Glémarec.

Sur les lieux dudrame, àKeranguyon : lesinvités britanniques,les "rescapés"bénodétois et lesdélégations locales.Pages suivantes :Lettres de remercie-ment des invitésbritanniques.

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