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    La flèche du tempsDidier Lauwaert.

    Copyright © 2013.

    I. Introduction

    II. Irréversibilité

    II.1. RéversibilitéLes interactions fondamentales ; Phénomènes réversibles ; Phénomènes irréversibles

    II.2. ThermodynamiquePhénomènes irréversibles ; Entropie et second principe ; Equation pour les échanges de chaleur

    II.3. Physique statistiqueDescription macroscopique et microscopique ; Entropie statistique ; Température et chaleur ; Processus irréversibles

    III. ElectromagnétismeIrréversibilité ; Rayonnement

    IV. Mécanique quantique

    IV.1. Violation de la symétrie TLe méson K de charge nulle ; Désintégrations des mésons K ; Système à deux états ; Résultats ; Violation T

    IV.2. Réduction de la fonction d’onde Principe de réduction ; Problèmes ; Bases privilégiées ; Solutions

    IV.3. Etats relatifsIntroduction ; Le problème de la mesure ; La proposition d’Everett  ; La théorie nue ; Probabilités ; Présentation ; Comment

    appliquer la règle ? ; Approche statistique ; Approche classique, décohérence ; Caractère arbitraire de la décomposition ;

    Mathématique v.s. physique ; Choix de la distribution ; Probabilités objectives v.s. subjectives

    IV.4. Décohérence

    IV.4.1. IntroductionMatrice densité ; Introduction ; Le problème de la mesure ; Schéma de mesure quantique ; Le problème des résultats

    définis ; Le problème de la base privilégiée ; La transition quantique - classique et la décohérence ; Le programme de

    décohérence ; Résolution en sous-systèmes ; Le concept de matrice de densité réduite ; Un schéma de mesure de von

    Neumann modifié ; Décohérence et suppression locale d'interférence ; Supersélection induite par l'environnement ;

    Exemples

    IV.4.2. Irréversibilité quantiqueLien entre décohérence et physique statistique ; La mesure ; Lien avec la mécanique quantique ; Démon de Maxwell

    V. Trous noirsTrou noir et irréversibilité ; Thermodynamique des trous noirs ; Effet Hawking ; Trou blanc ; Caractère statistique

    VI. Gravité quantiqueGrandeurs de Planck ; Longueur minimale ; Gravité quantique à boucles ; Comment quantifier la gravité ; Quelques propriétés

    VII. Cosmologie Asymétrie globale ; Solutions cosmologiques ; Gravité quantique ; Lien entre les deux flèches du temps

    VIII. Références

    I. Introduction

    Qu’est-ce que le temps ? C’est une question qui a fait couler beaucoup d’encre autant chez lesphysiciens et les philosophes que les poètes et les romanciers. C’est une question difficile et quifascine.

    Pour le physicien, le temps n’a a priori  rien de mystérieux. Le temps est ce qu’indiquent les horloges.Les horloges étant des instruments construits selon certaines règles ou des phénomènes (tel que lemouvement des astres) obéissant à certaines règles. C’est une définition pragmatique, conforme à laméthode scientifique et aux objectifs de la science, et qui se retrouve même dans la définition del’unité de mesure du temps (la seconde a d’abord été définie par des phénomènes astronomiques

    puis par des phénomènes liés aux atomes).

    La mesure du temps est avant tout un processus de comparaison. C’est la mise en coïncidenced’étalons servant à définir le temps (les horloges) avec les phénomènes étudiés. De même que la

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    mesure de l’espace est un processus de mise en coïncidence d’un étalon de longueur et d’un objet à

    mesurer. Ces mesures permettant alors d’affecter des coordonnées à un événement selon certaines

    règles (en parties arbitraires) tel que des coordonnées cartésiennes ou des coordonnées sphériquespar rapport à un certain événement de référence, par exemple.

    Vu de cette manière, le temps n’est pas différent de l’espace. C’est juste des étiquettes « ici etmaintenant » collées aux phénomènes. L’ensemble de ces phénomènes affectés de leurs étiquettesétant reliés entre eux par des règles que sont les lois physiques.

    Même le fait que le signe du temps soit différent dans les métriques relativistes n’implique pas une

    nature fondamentalement différente de l’espace et du temps. Comme en témoigne d’ailleurs le« mélange » du temps et de l’espace lorsque l’on change de référentiel en relativité. Ce signe ne faitque préciser les règles permettant de relier les événements (en l’occurrence, la classification des

    intervalles relativistes de type espace, lumière et temps).

    Pourtant, le temps est différent. Nul besoin d’un diplôme du M.I.T. pour s’en rendre compte. En quoi

    est-il si différent ? Simplement par l’existence d’un passé et d’un futur. Plus exactement par le faitqu’il existe une asymétrie nette entre ce passé et le futur. Cette asymétrie c’est la flèche du temps caractérisée par les phénomènes irréversibles, c’est-à-dire ne se produisant que du passé vers lefutur et jamais l’inverse. 

    C’est donc de ce côté-là qu’il faut chercher la nature du temps. 

    Cette petite étude va s’attacher à approfondir ce concept, sa signification, son origine.

    Cette étude n’est pas de la vulgarisation ! Cela signifie qu’il est indispensable d’avoir déjà une bonneconnaissance de la physique : physique classique, électromagnétisme, mécanique quantique,relativité générale,… Même si les calculs ne seront pas extrêmement élaborés.

    Cela signifie aussi que nous n’expliquerons pas ces théories et les considérerons comme acquises. Si

    le début sera essentiellement connu et servira d’introduction, ce n’est que par la suite que nousintroduirons plus en profondeur des sujets moins classiques tels que la violation de la symétrie T oula décohérence.

    Nous commencerons par l’approche classique de l’irréversibilité et son application dans

    l’électromagnétisme. Nous attaquerons ensuite la mécanique quantique avec la violation de lasymétrie T et la décohérence quantique. Nous passerons ensuite aux trous noirs, à la gravitéquantique et nous terminerons notre voyage pas une vue d’ensemble de l’univers. 

    Entamons maintenant ce voyage.

    II. Irréversibilité

    II.1. Réversibilité

    Les interactions fondamentales

    Rappelons que toute la physique dérive de quelques interactions fondamentales.

      L’interaction électromagnétique, transmise par le photon.   L’interaction forte, transmise par le gluon. 

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      L’interaction faible, transmise par les bosons intermédiaires W et Z.   L’interaction gravitationnelle, décrite par la relativité générale et peut-être transmise par

    l’hypothétique graviton. 

    Toutes les autres interactions dérivent de ces quatre interactions fondamentales. Citons par

    exemple :  L’interaction nucléaire entre nucléons, transmise par les pions (et d’autres mésons) et qui

    dérive directement de l’interaction forte.   La plupart des interactions dérivées viennent de l’interaction électromagnétique comme :

    o  Les forces de van der Waals.o  Les liaisons atomiques dans les réactions chimiques.

    Phénomènes réversibles

    Les interactions fondamentales sont réversibles (à une exception près que nous verrons plus tard).Cela signifie que si une solution  aux équations existe pour une situation expérimentale donnée,alors

     est aussi une solution des équations pour le même système (avec également une

    éventuelle inversion de la coordonnée t s’il y a lieu). Cela ne peut se produire que si les équationsdécrivant le système sont elles-mêmes invariantes sous le renversement du temps.

    Cette opération  est appelée symétrie T.Donnons quelques exemples d’équations dont on vérifie facilement l’invariance sous la symétrie T. 

      Gravitation classique. Pour un ensemble de masses .  

      

    Equations de Maxwell.          Equation de Schrödinger.  

    Notons deux choses :

    o  Cette équation n’est invariante sous la symétrie T que si l’opérateur hamiltonien

     

    est hermitique. C’est en principe le cas puisque l’énergie est un observable. 

    On utilise parfois un opérateur non hermitique pour étudier des processus tel que ladiffusion d’électrons par un atomes avec possibilité que l’électron se lie à l’atome. Laperte de l’invariance T est liée au faut que l’on escamote une partie des détails de

    l’interaction pour les remplacer par un hamiltonien phénoménologique. o  Cette équation seule ne suffit pas car il faut prendre en compte le processus de

    mesure quantique avec réduction de la fonction d’onde. Nous y reviendrons. 

    Phénomènes irréversibles

    Mais il existe aussi des phénomènes irréversibles tel que le transfert de chaleur entre un corps chaud

    et un corps froid, le frottement ou la turbulence avec dissipations visqueuse.

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    Tous ces phénomènes ont la caractéristique de décrire des phénomènes macroscopiques. Mais ledétail microscopique de ces phénomènes est bien compris. Comment des lois irréversibles peuvent-elles découler de lois microscopiques réversibles ?

    II.2. Thermodynamique

    Phénomènes irréversibles

    La théorie des phénomènes macroscopiques irréversibles est la thermodynamique.

    Elle décrit, par exemple, les échanges de chaleur.

    Deux corps à température différentes  et  peuvent échanger spontanément de la chaleur . Siaucun travail n’est fourni, alors l’échange se fera toujours du corps chaud vers le corps froid : .Entropie et second principe

    On caractérise les processus irréversibles par une grandeur extensive S appelée entropie et quicaractérise l’état des systèmes. 

    Le second principe de la thermodynamique affirme que l’entropie d’un système isolé n’est jamaisdécroissante : .Le mot « isolé » est important car l’entropie d’un système peut diminuer si cela se fait au détrimentd’autres systèmes avec lequel il échange de la chaleur, du travail ou de la matière. 

    Equation pour les échanges de chaleur

    L’échange de chaleur est caractérisé par l’équation :  Où la température T est la température absolue d’un corps, dQ la chaleur reçue et dS la variationd’entropie. 

    Ainsi, dans l’échange de chaleur ci-dessus, l’entropie totale varie comme :  Quantité qui est bien positive si .II.3. Physique statistique

    Description macroscopique et microscopique

    Considérons un système caractérisé par en ensemble de variables macroscopiques : pression P,

    énergie interne E, température T, volume V,… 

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    Cet état peut alors être obtenu au niveau microscopique de nombreuses manières. Les lois de lamécanique quantique quantifiant les grandeurs (par exemple pour un gaz, les impulsions sontquantifiées du fait de la taille finie du volume V) on a un nombre fini de micro-états W correspondantà l’état macroscopique. 

    Ces états sont considérés comme étant équiprobables. Le système parcourant aléatoire l’ensemblede l’espace des états (hypothèse ergodique). 

    Entropie statistique

    On définit l’entropie comme la grandeur :  Où k est la constante de Boltzmann. Si les nombres d’états microscopiques possibles pour un étatmacroscopique donné de deux systèmes 1 et 2 sont  et , alors le nombre total d’états possiblesest simplement . Le logarithme rend donc l’entropie additive. Comme un système par le simple jeu des probabilités évolue naturellement vers les situations où il y

    a le plus de micro-états possibles, alors S est une grandeur pratiquement non décroissante à deuxconditions :  Le nombre de micro-états est extrêmement élevé.  Le temps d’observation est faible.

    Les deux conditions sont en fait liées car le temps que le système revienne par le simple jeu duhasard à son état initial est appelé temps de récurrence de Poincaré et il est proportionnel à W. Enpratique, pour des systèmes macroscopiques, le nombre de micro-états est considérable du simplefait du nombre de particules envisagées (de l’ordre du nombre d’Avogadro) et le temps de

    récurrence supérieur à l’âge de l’univers. 

    C’est l’explication statistique de l’irréversibilité. 

    Température et chaleur

    Le lien entre les grandeurs macroscopiques et microscopiques est souvent assez évident. Parexemple, l’énergie interne est donnée par l’énergie cinétique totale des particules plus

    éventuellement une énergie potentielle. La pression est donnée par la force appliquée par lesparticules heurtant une paroi.

    La température est donnée par l’énergie moyenne de chaque particule  où n est le nombre dedegrés de liberté.

    En utilisant les lois des probabilités et les lois de conservation, il est alors possible de retrouverl’ensemble des équations de la thermodynamique et même plus (l’exemple le plus ancien étant

    l’obtention de la loi du rayonnement thermique pour un ensemble de bosons sans masse tel que des

    photons à l’équilibre thermique). 

    Processus irréversibles

    Les règles statistiques induisent donc l’explication de l’irréversibilité des lois macroscopiques à partir

    des lois réversibles microscopiques. Dès que des échanges ou de la production de chaleur sontimpliqués on touche à l’irréversibilité. C’est le cas de l’exemple de l’échange de chaleur plus haut.

    C’est également le cas du frottement ou de la dissipation visqueuse turbulente (ou non) car dans les

    deux cas il y a production de chaleur à partir de travail.

    La flèche du temps trouve donc son origine dans le fait que le système évolue naturellement d’unétat macroscopique avec un nombre minimal d’états microscopiques vers un état avec un nombre

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    maximal d’états microscopiques. Ou plus exactement, dans l’évolution du système, nous attribuonsle nom de passé et futur aux états correspondant et nous choisissons arbitrairement le signe de lavariable t pour refléter cette évolution asymétrique.

    III. Electromagnétisme

    Irréversibilité

    Les équations de Maxwell dans le vide admettent des solutions ondulatoires. Typiquement :    Les solutions avec le signe – sont appelées ondes retardées et les solutions avec le signe + sontappelées ondes avancées.

    L’expérience montre qu’il faut utiliser les solutions retardées. Elles permettent de construire des

    solutions du genre onde naissant en un point et se propageant. Les solutions avancéescorrespondent au changement  et sont donc des ondes remontant le temps.Les solutions tel qu’on les choisit sont donc asymétriques dans le temps et manifestent la flèche du

    temps. La question est : où est le lien avec l’explication statistique ?

    Rayonnement

    En réalité dans les situations les plus élémentaires on peut utiliser l’une ou l’autre des solutions. Onpeut l’illustrer très simplement avec le rayonnement émis par une charge accélérée. 

    Si un électron subit une brusque accélération (par exemple en heurtant un atome) il émet un flux derayonnement. La situation renversée dans le temps n’est jamais observée.

    Mais croire que c’est la seule solution est une erreur. Les équations décrivant le processus sont

    parfaitement réversibles.

    L’exemple typique ou les deux solutions existent est l’effet Compton. Dans ce processus de diffusion,

    un photon est diffusé par un électron avec changement de fréquence. Selon le cas, l’électron peutvoir son impulsion augmenter ou diminuer. Les processus est totalement réversible et toutes lessolutions sont observables.

    La grande différence est le caractère microscopique de l’effet Compton : on a un photon diffusé parun électron. Tandis que dans un processus de rayonnement macroscopique on a de nombreuxphotons émis par une voire de nombreuses charges électriques (courant dans un fil conducteur, parexemple).

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     Pour que le processus macroscopique renversé dans le temps puisse se produire il faut que lerayonnement arrive de toutes parts, par exemple émis par une multitude de sources, avec les bonneslongueurs d’onde et les bonnes phases. Et ce pour chaque charge électrique concernée.

    Il est évident que cela a très peu de chance de se produire. La dispersion du rayonnement, ou denombreux photons, correspond à une forme d’irréversibilité à caractère statistique. Le rayonnementdispersé ayant plus d’états disponibles que l’absence de rayonnement. 

    IV. Mécanique quantique

    IV.1. Violation de la symétrie T

    Le méson K de charge nulle

    Le monde des particules élémentaires est fort complexe. Pourtant, il suffit des bases de la mécaniquequantique pour déjà obtenir des résultats remarquables. Tout tourne autour du concept de laconservation de l’étrangeté que nous allons décrire. 

    Commençons par les interactions fortes. Elles se distinguent en particulier des interactionsélectromagnétiques, relativement plus faibles. Ces interactions sont « fortes » en ce sens que si deuxparticules s’approchent suffisamment pour enfin interagir, elles interagissent de façon intense et

    produisent très facilement d’autres particules. Les particules ont aussi ce qu’on appelle une

    interaction faible par laquelle certaines choses peuvent se produire, telle que la désintégration bêta,mais toujours très lentement, du moins à l’échelle des temps caractéristiques des interactions des

    particules. Les interactions faibles sont de beaucoup d’ordres de grandeur plus faibles que les

    interactions fortes et même beaucoup plus faibles que les interactions électromagnétiques.

    Lorsqu’on s’est mis à étudier les interactions fortes à l’aide des grands accélérateurs, ont fut surpris

    de trouver que certaines choses qui « auraient dû » se produire, et auxquelles on s’attendait, ne seréalisaient pas. Par exemple, dans certaines interactions, une particule d’un certain type ne se

    manifestait pas quand on l’attendait. Gell-Mann et Nishijima se sont aperçus que beaucoup de cesobservations surprenantes pouvaient s’expliquer immédiatement par l’invention d’une nouvelle loi

    de conservation : la conservation de l’étrangeté. Ils suggérèrent l’existence d’un attribut d’unenouvelle sorte associé à chaque particule, dénommé par eux nombre « d’étrangeté » et laconservation de la quantité d’étrangeté dans toute interaction forte. 

    On sait maintenant que cette conservation est liée à l’existence du quark S (strange, étrange) quientre dans la composition des particules dotées de cette étrangeté. C’est la conservation de cesquarks qui entraine la conservation du nombre d’étrangeté. Le quark S ne se désintègre, en violant

    cette conservation, que par interaction faible.

    Supposez, par exemple, qu’un méson négatif de grande énergie, disons une énergie de plusieursmilliards d’eV, percute un proton. De l’interaction, peuvent provenir beaucoup d’autres particules :mésons pi, mésons K, particules lambda, particules sigma, toutes sortes de mésons et de baryons. Onobserve cependant que certaines combinaisons seulement apparaissent et d’autres jamais. Onconnaissait déjà certaines lois de conservation. Tout d’abord, l’énergie et l’impulsion sont toujours

    conservées. L’énergie et l’impulsion totales après l’événement doivent être les mêmes qu’avant. Il y

    a en second lieu, la conservation de la charge électrique qui exige que la charge totale des particules

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    sortantes soit égale à la charge totale apportée par les particules initiales. Dans notre exemple d’un

    méson K et d’un proton qui se rencontrent, ont réellement lieu :  Ou

     

    Et nous n’obtiendrons jamais   Ou  À cause de la conservation de la charge. On savait aussi que le nombre de baryons est conservé. Lenombre de baryons sortant doit être égal au nombre de baryons entrants. D’après cette loi,

    l’antiparticule d’un baryon est comptée comme moins un baryon. Ceci signifie que nous pouvonsobserver, et de fait nous l’observons   Ou

    ̅ 

    (où

    ̅ est l’antiproton, lequel transporte une charge négative). Mais nous ne voyons jamais 

     Ou  Même lorsqu’il y a beaucoup d’énergie disponible, parce que les baryons ne seraient pas conservés.

    Néanmoins, ces lois n’expliquent pas l’étrange absence des réactions suivantes, qui ne semblent pas

    à première vue particulièrement différentes de certaines autres ci-dessus :  Ou

     

    Ou

     L’explication en est la conservation de l’étrangeté. Pour chaque particule, il y a un nombre, son

    étrangeté S, et une loi existe selon laquelle l’étrangeté totale sortante, pour toute interaction f orte,doit être égale à l’étrangeté totale entrante. Le proton et l’antiproton, le neutron et l’antineutron et

    les mésons pi ont tous zéro pour nombre d’étrangeté. Les mésons  et  ont l’étrangeté +1, le  et le  (l’anti ), les particules  et  ont l’étrangeté -1. Il y a aussi une particule d’étrangeté -2, laparticule . On en a même découvert une d’étrangeté -2, le . Nous dressons une liste dans letableau ci-dessous.

    S -2 -1 0 +1

    Baryons  

     

      ,       Mésons

               Voyons comment fonctionne la conservation de l’étrangeté pour certaines des réactions que nousavons écrites. Si nous avons au départ un  et un proton, l’étrangeté totale est de -1. Laconservation de l’étrangeté nous dit que l’étrangeté des produits après la réaction doit aussi avoir -1comme somme. Vous voyez qu’il est en est ainsi pour les réactions indiquées comme valides ci-dessus. Mais les dernières réactions ci-dessus ont zéro pour la partie droite. De telles réactions neconservent pas l’étrangeté et ne se produisent pas. 

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    Désintégrations des mésons K

    Voyons maintenant la réaction suivante : un  heurte un proton. Vous pourriez obtenir, parexemple, une particule  plus un méson K neutre. Deux particules neutres. Mais quel K neutreobtenez-vous ? Du fait que la particule  a une étrangeté -1 et le pi et le proton une étrangeté zéro,et puisqu’il s’agit d’une réaction de production rapide, l’étrangeté ne doit pas changer. La particule K

    doit avoir l’étrangeté +1. Il faut donc que ce soit le . La réaction est  Avec S = 0 des deux côtés.Si c’était le  au lieu du , l’étrangeté à droite serait -2, ce que la nature ne permet pas puisquel’étrangeté sur la gauche est zéro. Par contre, on peut produire un  dans d’autres réactions tellesque  D’étrangeté 0. Ou   D’étrangeté -1.

    Peut-être vous dites-vous : "tout cela, c'est du vent, car comme savez-vous s'il s'agit d'un  oud'un  ? Ils se ressemblent tout à fait. Ils sont antiparticules l'un de l'autre, ils ont donc exactementla même masse et tous deux ont une charge électrique zéro. Le méson K pourrait être sa propreantiparticule comme le photon. Comment les distinguez-vous ?" Par les réactions qu'ils produisent.Par exemple, un  peut interagir avec la matière pour produire une particule , comme ceci :  Un  ne le peut pas. Par aucun moyen un  ne pourra produire une particule  lorsqu'il interagitavec la matière ordinaire (des protons et des neutrons). Sauf, bien sûr, s'il produit aussi deux  oud'autres particules d'étrangeté totale +1. Il suffit d'imaginer qu'il s'agit ici de réactions où l'énergieest insuffisante pour produire ces particules supplémentaires étranges. Et, quoi qu'il en soit, ces

    différents cas sont expérimentalement faciles à distinguer en regardant les particules produites. Les produits par certaines réactions produisent eux-mêmes certaines réactions et les  produits pard'autres réactions produisent certaines réactions différentes. Il y a clairement deux particulesdifférentes. Ainsi, une distinction expérimentale possible entre le  et le  serait que l'un d'euxproduise ensuite des  et l'autre pas.L'une des prédictions de la théorie de l'étrangeté consiste donc en ceci : si, au cours d'une expérience

    avec des pions de haute énergie, une particule  est produite en même temps qu'un méson Kneutre, ce méson K neutre rencontrant à nouveau la matière ne produira jamais un . L'expériencepourrait se faire à peu près de cette façon : vous envoyez un faisceau de méson  dans une grandechambre à bulles à hydrogène (qui ne laisse la trace que des particules chargées électriquement). La

    trace d'un  disparaît, mais quelque part ailleurs une paire de traces apparaît (un proton et un )montrant qu'une particule  s'est désintégrée. Vous savez alors qu'il existe quelque part un  quevous ne pouvez pas voir.

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    Système à deux états

    Enfin, nous voilà prêts à décrire le travail de Gell-Mann et de Pais. Ils ont d'abord noté que puisque le et le  peuvent l'un et l'autre se transformer en des états formés de deux mésons pi, il doitexister une certaine amplitude pour que le  puisse devenir un  et aussi pour que le  puissedevenir un

    . En écrivant les réactions comme on le fait en chimie, nous aurions

     Ces réactions impliquent qu'il existe une certaine amplitude par unité de temps, disons  quemultiplie ⟨||⟩, pour qu'un  se transforme en  par le biais de l'interaction faibleresponsable de la désintégration en deux mésons pi. Il existe aussi l'amplitude correspondante⟨||⟩ pour le processus inverse. Du fait que matière et antimatière se comportent exactementde la même manière, ces deux amplitudes sont égales numériquement. Nous les désignons l'une etl'autre par A :⟨||⟩ ⟨||⟩  C'est là, on dit Gell-Mann et Pais, une situation très intéressante. Là où les gens ont vu jusqu'àprésent deux états distincts du monde, le  et le , il n'y aurait lieu de voir en fait qu'un seulsystème à deux états puisqu'il existe une amplitude pour passer de l'un à l'autre état. Pour une

    analyse complète, il faudrait bien sûr s'occuper de beaucoup plus que deux états, car il y a aussi lesétats de pi et autres. Mais étant surtout intéressés par la relation entre le  et le , ils n'ont paseu à trop compliquer les choses et ils ont pu faire l'approximation d'un système à deux états. Il futtenu compte des autres états dans la mesure où leur effet contribuait implicitement aux amplitudesde l'équation ci-dessus.

    En conséquence, Gell-Mann et Pais ont analysé la particule neutre comme un système à deux états.Ils commencèrent par choisir, pour les deux états de base, les états |  et | . Tout état  de laparticule K neutre pouvait alors être défini en précisant les amplitudes pour qu'il soit dans l'un etl'autre des états de base. Nous désignerons ainsi ces amplitudes

    ⟨|⟩ 

    ⟨|⟩ L'étape suivante fut d'écrire les équations hamiltoniennes pour ce système à deux états. S'il n'y avaitpas de couplage entre le  et le , les équations seraient simplement    Mais puisqu'il existe une amplitude ⟨||⟩ pour que le  se transforme en , il faut inclure leterme additionnel

    ||

    ⟩  

    Ajouté à droite de la première équation. Il faut de même insérer le terme  dans l'équationconcernant le taux de variation de .Mais ce n'est pas tout. Lorsqu'on tient compte de l'effet des deux pions, il faut additionnerl'amplitude pour que le  se transforme en lui-même par le processus  L'amplitude additionnelle que nous pourrions écrire ⟨||⟩ est égale exactement à ⟨||⟩ puisque les amplitudes pour passer du système de deux pions ou pour en revenir sont les mêmes,qu'il s'agisse d'un  ou d'un . Si vous le désirez, la démonstration détaillée peut se faire ainsi :⟨||⟩ ⟨||⟩⟨||⟩ et

    ⟨||⟩ ⟨||⟩⟨||⟩ 

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    Nous faisons ici une simplification car le système de deux pions peut avoir beaucoup d'étatscorrespondant aux diverses impulsions des mésons pi. Nous devrions écrire le côté droit de cetteéquation sous la forme d'une somme portant sur les divers états de base des pi. Mais le traitementcomplet conduirait aux mêmes conclusions avec juste des notations beaucoup plus lourdes.

    Du fait de la symétrie entre matière et antimatière, on a⟨||⟩ ⟨||⟩ Et aussi⟨||⟩ ⟨||⟩ Il s'ensuit que ⟨||⟩ ⟨||⟩ et aussi que ⟨||⟩ ⟨||⟩, ainsi que nousl'avions dit plus haut. De toute manière, il y a les deux amplitudes⟨||⟩ et ⟨||⟩, l'une etl'autre égale à A, qu'il faut insérer dans les équations hamiltoniennes. La première donne un terme  dans le côté droit de l'équation concernant  et la seconde un terme  dans l'équationconcernant . En raisonnant de cette façon, Gell-Mann et Pais conclurent que les équationshamiltoniennes pour le système de mésons K neutres devaient être

       Quelque chose peut vous étonner. Habituellement, les amplitudes pour deux processus inverses sonttoujours complexes conjugués l’une de l’autre. C'était vrai tant qu'il s'agissait de particules qui ne sedésintégraient pas. Mais si les particules peuvent se désintégrer, et donc "se perdre", les deuxamplitudes ne sont plus nécessairement des complexes conjugués. Le raisonnement permettant demontrer que les amplitudes étaient conjuguées utilise le fait que le passage d'un état A vers B, si onle renversait dans le temps, donnerait le passage de l'état B vers A. Mais ici il existe un autre état : unétat avec deux pions s'échappant, définitivement. Il existe donc une "perte" et il n'est pas toujours

    possible de revenir à la situation initiale. Ainsi le méson  peut se transformer en  mais le retourn'est pas toujours possible si, avant, les deux mésons pi s'échappent. La description en deux étatsn'est qu'approximative, comme nous l'avions signalé plus haut, et le détail est caché dans l'amplitudeA. L'égalité ne signifie donc pas que les amplitudes sont des nombres réels. Elles sont en faitcomplexes. Par conséquent le coefficient A est complexe et nous ne pouvons pas simplementl'incorporer dans l'énergie .Ayant souvent été confronté à des systèmes à deux états comme celui de l'ammoniac ou le spin del'électron, nos héros savaient que les équations hamiltoniennes signifiaient qu'il existait une autrepaire d'états de base que l'on pourrait utiliser aussi pour représenter le système de la particule K etqui auraient des comportements particulièrement simples. Ils se dirent « prenons la somme et la

    différence de ces deux équations. D'autre part, mesurons toutes nos énergies en prenant  pourorigine et prenons des unités d'énergie et de temps pour lesquelles  » (c'est ce que fonttoujours les théoriciens modernes de la physique. Cela ne change rien à la physique mais leséquations prennent une forme plus simple et réintroduire la ou les constantes manquantes à la finpeut se faire par simple analyse dimensionnelle, ce qui revient à revenir à des unités plusconventionnelles). Voici leur résultat :    

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    On voit immédiatement que les combinaisons d'amplitudes  et  agissentindépendamment l'une de l'autre. Ils pensèrent donc que l'utilisation d'une représentation différentepour la particule K serait plus pratique. Ils définirent les deux états

    |

    √  |

    |

     

    | √  | |  Les facteurs racine carrée de deux sont là pour normaliser les amplitudes. C'est-à-dire pour veiller àce que la probabilité de trouver la particule dans l'état  ou  est la même que la probabilité detrouver la particule dans l'état  ou  ce que vous pouvez facilement vérifier. Ils dirent qu'au lieude penser aux mésons  et , on peut tout aussi bien penser en termes de deux particules (ou"états")  et . Cela n'a rien d'extraordinaire puisque nous avons vu que ces deux mésons sont enfait deux états d'un même système, d'une même particule pouvant prendre plusieurs états.

    Mais Gell-Mann et Pais ne firent pas tout cela dans le seul but de donner de nouveaux noms aux

    particules. Il y a aussi dans tout cela une certaine physique étrange et nouvelle. Supposez que  et sont les amplitudes pour qu'un certain état  soit un méson  ou  : ⟨|⟩  ⟨|⟩ Des relations précédentes, on peut tirer √    √   Les équations deviennent alors    Les solutions en sont    où, bien sûr,  et  sont les amplitudes à t = 0.Ces équations nous disent que si une particule K neutre commence, à t = 0, dans l'état

     (

    ,

    ), les amplitudes au temps t seront    Si l'on se souvient que A est un nombre complexe, il est commode de poser   (nousécrivons moins  parce que la partie imaginaire de 2A se trouve être négative). Après cettesubstitution,  devient  La probabilité de trouver une particule

     à l'instant t est le carré du module de cette amplitude, soit

    . Et la probabilité de trouver l'état

     est nulle à tout moment. Cela signifie que si vous

    mettez une particule K dans un état , la probabilité de la retrouver dans le même état décroîtexponentiellement avec le temps, mais vous ne la retrouverez jamais dans l'état . Où va-t-elle ?

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    Elle se désintègre en deux mésons pi avec la vie moyenne  laquelle est,expérimentalement,  sec . Nous tenions compte de cela lorsque nous disions que A étaitcomplexe.

    D'autre part, les équations nous disent que si nous mettons une particule K entièrement dans l'état

    , elle y restera pour toujours. Eh bien, ce n'est pas tout à fait vrai. Expérimentalement, on observequ'il se désintègre en trois mésons pi, mais 600 fois plus lentement que la désintégration en deuxpions que nous avons décrite. Mais, tant que l'on considère seulement la désintégration en deuxpions, le  a une durée "éternelle".Maintenant, terminons l'histoire de Gell-Mann et Pais. Ils en vinrent à considérer ce qui se passelorsque la particule K est produite en même temps qu'une particule  dans une interaction forte.Puisqu'elle doit dans ce cas avoir l'étrangeté +1, elle doit être produite dans l'état . Ainsi, à t = 0,ce n'est ni un  ni un  mais un mélange. Les conditions initiales sont  

     

    Mais cela signifie que √   √  Et donc, √   

    √  

    Maintenant, souvenez-vous que  et  sont l'un et l'autre des combinaisons linéaires de  et .Dans les équations, les amplitudes ont été choisies de sorte qu'à t = 0, les contributions de  s'annulent l'une l'autre par interférence, laissant seul l'état . Mais l'état  varie avec le tempsalors que l'état  ne varie pas. Au-delà de t = 0, l'interférence entre  et  donnera desamplitudes finies pour  et .Que signifie tout cela ? Revenons-en à l'expérience que nous avions schématisée dans la figure plushaut. Un méson  produit une particule  et un méson  qui se balade à travers l'hydrogène dela chambre. Tandis qu'il progresse, il a une certaine chance, faible mais constante, de percuter unnoyau d'hydrogène. Au début, nous pensions que la conservation de l'étrangeté empêcherait la

    particule K de fabriquer un  dans une telle interaction. Nous voyons maintenant que ceci n'est pasvrai. Car, bien que notre particule K soit, lors de sa création, un , lequel ne peut pas fabriquer de, elle ne reste pas dans cet état. Bientôt, il y aura une certaine amplitude pour qu'elle ait basculédans l'état . On doit donc s'attendre à observer parfois un  produit sur le parcours de laparticule K. Les chances que cela arrive sont données par l'amplitude  que nous pouvons relier à et . Cette relation s'écrit √   Tandis que notre particule K continue son chemin, la probabilité pour qu'elle "agisse comme" un  est égale à

    , c'est-à-dire

     

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     Un résultat étrange et compliqué !

    Résultats

    Voilà donc la remarquable prédiction de Gell-Mann et Pais. Quand un

     est produit, les chances

    pour qu'il se transforme en , fait que pourra mettre en évidence la production d'un , varientavec le temps selon l'équation ci-dessus. Cette prédiction provient seulement de la logique pure etdes principes de base de la mécanique quantique, sans qu'il soit nécessaire de rien savoir dufonctionnement interne de la particule K. Etant donné que personne ne savait rien à l'époque sur lesrouages internes, Gell-Mann et Pais ne pouvaient pas aller au-delà. Ils ne pouvaient pas donner des

    valeurs théoriques à  et . Et personne n'a su le faire depuis même si les rouages internes ont étédécryptés (la structure en quark et l'interaction faible dont la violation de la symétrie dite CP. Maisl'importance de cette violation reste un paramètre libre, non calculé). Ils ont pu donner pour  unevaleur déduite du taux expérimental de désintégration en deux pi (  sec ), mais, quant à ,ils ne purent rien en dire.

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    Nous avons fait le graphique des fonctions ci-dessus pour deux valeurs de . Vous voyez que la formedépend très fortement du rapport entre  et . Au départ, la probabilité  est nulle. Elle croîtensuite. Si  est grand, la probabilité aura de fortes oscillations. Si  est petit, il y aura peu ou pasd'oscillations, la probabilité aura simplement une croissance régulière jusqu'à 1/4. Dans une situationexpérimentale typique, la particule K, dotée d'une très grande énergie, se déplace à une vitesse

    constante proche de la vitesse de la lumière. Les courbes ci-dessus représentent donc aussi laprobabilité d'observer un  en fonction de la longueur parcourue, avec des distances qui sonttypiquement de quelques centimètres. Vous pouvez voir ce que cette prédiction a d'étonnant. Vousproduisez une seule particule et au lieu de se désintégrer simplement, elle fait quelque chosed'autre. Parfois elle se désintègre et parfois, elle se transforme en une particule d'un type différent.Sa probabilité caractéristique de produire un effet varie d'étrange manière le long de son parcours. Iln'y a rien de tout à fait semblable dans la nature. Et cette prédiction des plus remarquables a étédéduite de spéculations portant seulement sur les interférences entre amplitudes.

    S'il existe un endroit où l'on a des chances de vérifier de la manière la plus pure les principesessentiels de la mécanique quantique, la superposition des amplitudes se produit-elle ou pas ?, c'est

    bien là. Depuis, de nombreuses expériences conçues dans le but d'étudier finement ce mécanismeont été menées confirmant les prédictions de Gell-Mann et Pais.

    Notons que cet effet manifeste aussi quelque chose d'extraordinaire. En effet, on part d'uneparticule de matière, le , et on aboutit à une particule d'antimatière, le . Il y a donc une légèreasymétrie dans la matière - antimatière. C'est la seule manifestation connue de cette asymétrie carcette symétrie, fortement reliée à la symétrie CP, est parfaitement respectée par les interactionsélectromagnétiques et fortes. Il est possible que cette petite différence puisse être à l'origine del'abondance de matière dans l'univers et de la rareté de l'antimatière.

    L'analyse que nous venons de décrire est très caractéristique de la façon dont on utilise aujourd'hui

    la mécanique quantique pour la recherche d'une compréhension des particules étranges. Toutes lesthéories compliquées dont vous pouvez entendre parler à ce sujet ne sont ni plus ni moins que desimples tours de passe-passe de ce genre-là, utilisant le principe de superposition et autres principesde la mécanique quantique de cet acabit. Certains prétendent avoir des théories qui leur permettentde calculer  et , ou au moins , connaissant , mais ces théories n'ont aucun intérêt. Par exemple,la théorie qui prédit la valeur de  connaissant , nous dit que cette valeur de  devrait être infinie.L'ensemble des équations dont ils partent concerne deux mésons pi qui transitent vers un  et ainside suite. Après manipulation, on aboutit en effet à deux équations similaires à celles que nous avonsici. Mais comme il y a un nombre infini d'états à deux pions, selon leurs impulsions, l'intégration sur

    toutes les possibilités donne un  infini. Pourtant l'   de la nature n'est pas infini. Les théoriesdynamiques sont donc fausses. Il est vraiment remarquable que les seules prédictions que l'on puisse

    faire dans le monde des particules étranges aient pour origine les principes de base de la mécaniquequantique.

    Violation T

    Venons-en à l’aspect irréversibilité. 

    Notons tout d’abord que la désintégration n’est pas irréversible ! En effet, la réaction  (par interaction faible)Est tout à fait possible. Mais la probabilité que les deux mésons pi arrivent exactement de la bonnemanière (bonnes directions, bonne énergie, bonne phase de leur fonction d’onde) est très faible. 

    Il y a infiniment plus d’états pour une paire de pions que pour un méson K seul. Cette irréversibilité aseulement un caractère statistique.

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     Afin d’étudier le problème de la mesure, nous utiliserons le schéma de von Neumann :| | | | | | | | | | | | |  Initialement l’instrument de mesure est dans l’état

    , l’état complet est donné par le produit

    tensoriel des deux vecteurs d’états et l’étape 1 est purement algébrique. 

    Dans l’état 2, l’instrument de mesure interagit avec le système et prend un état  ou  reflétantl’état du système. Cette étape peut être plus ou moins complexe et elle cache éventuellement unelongue chaîne de mesure composée d’interactions successives et de transformation de l’état de

    l’instrument. Nous supposons également que cette interaction ne modifie pas l’état du système. Une

    telle modification ne ferait que compliquer les notations sans modifier les conséquences etraisonnements qui vont suivre.

    Notons que l’étape 2 est une intrication de l’instrument et du système. 

    L’étape 3 est la réduction proprement, l’état de l’instrument et du système prenant une valeurdéfinie (1 dans l’exemple ci-dessus).

    Là aussi il peut y avoir un prolongement comme, par exemple, un enregistrement du résultat, salecture par un expérimentateur, etc.

    Problèmes

    Le principe de réduction pose toutefois plusieurs problèmes.  Tout d’abord, il est incompatible avec la mécanique quantique ! Ce problème est le plus

    sérieux.

    La mécanique quantique affirme que si l’on a un système décrit par un état | , alors ilévolue selon : | |  où  est l’opérateur hamiltonien. Celui-ci correspond à la grandeur « énergie » et esthermitique.

    Cette équation se résout formellement facilement :  où  est un opérateur de la forme () appelé opérateur d’évolution. Puisquel’hamiltonien est hermitique, alors l’opérateur d’évolution est unitaire. 

    On dit que l’équation d’évolution en mécanique quantique est unitaire ou que l’évolution est

    unitaire. Notons que cela est important car cela signifie que les probabilités sont conservéesdans le sens que si la probabilité d’avoir le système dans un état quelconque est 1, alors elle

    le reste au cours du temps.

    Or la réduction de la fonction d’onde est incompatible avec une évolution unitaire. Cela

    revient à dire qu’il n’’existe pas d’opérateur  permettant l’évolution de l’étape 3 dans leschéma de von Neumann. C’est assez évident dans la mesure où cette étape contient une

    perte d’information. 

    Certains pensent que la décohérence résout ce problème. Nous verrons celle-ci plus loin et

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    physique classique de la physique quantique, ce qui peut d’ailleurs se faire (c’est un sujet ensoi assez vaste et difficile).

    Mais la supposition sur la mesure présuppose l’existence de systèmes classiques ayant un

    comportement bien déterminé et non explicable par la mécanique quantique.

    C’est une situation contradictoire ou, au mieux, on a là un raisonnement qui se mord la

    queue.

    Bases privilégiées

    Soit un espace de Hilbert donné  et une base de cet espace | . Cet ensemble d'états de basepouvant être fini ou infini. Il y a une infinité de bases possibles.

    Toutes ces bases sont strictement équivalentes. Tout vecteur de l'espace de Hilbert peut sedécomposer de manière unique sur une base, quelle qu'elle soit. De plus, quel que soit l'hamiltoniendécrivant l'évolution du système, l'équation de Schrödinger étant linéaire, toutes les bases sont

    également strictement équivalentes du point de vue de l'évolution dans le temps (puisque l'évolutionlinéaire préserve la superposition et une décomposition d'un état sur une base n'est qu'une tellesuperposition d'états).

    Par contre, pour des systèmes réels plus ou moins complexes, il existe des bases privilégiées. Cela sevoit déjà dans le mécanisme de réduction qui concerne forcément une base bien particulière.

      Au niveau macroscopique, la base privilégiée est la base position. Les objets macroscopiques,ceux de la vie de tous les jours, ont toujours des positions définies. Il en est ainsi des tables,des appareils de mesure ou des aiguilles de ces mêmes appareils.

      Pour des objets microscopiques, de la taille d'un atome, la base privilégiée est souvent labase énergie (la base d'états propres de l'opérateur énergie). Il en est ainsi de l'état desélectrons autour d'un atome.

      Pour des objets mésoscopiques, tel que des molécules, la situation est plus complexe et peutmême manifester des bases privilégiées mixtes mélangeant position et impulsion.

    Ainsi la plus part des grosses molécules se manifestent sous plusieurs isomères (desmolécules qui diffèrent leur image dans un miroir). On trouvera par exemple des moléculesde glucose gauche ou droit. Généralement, les isomères sont stables, ce qui est unemanifestation du fait que la base isomérique est privilégiée. C'est en fait une variante de labase position puisque les molécules ont alors une structure dans l'espace bien définie.

    Certaines petites molécules ont plutôt une base privilégiée énergie. Ainsi, on ne trouve pasdeux sortes de molécules (isomères) du diméthyl-1,2-benzène. Et ce malgré la présence desdoubles liaisons alternées qui devraient donner deux conformations différentes de lamolécule

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     On dit que les électrons des doubles liaisons sont délocalisés autour du cycle benzène. Enfait, cela revient à dire que la molécule se trouve dans un état superposé des deuxconformations. Il existe plusieurs superpositions possibles (deux pouvant former une baseisomérique) et la molécule se trouve dans la superposition d'énergie la plus basse.

      La charge électrique est toujours mesurée définie. La base des états propres de l'opérateurcharge est une base privilégiée.

    Plus généralement, considérons un appareil de mesure conçu pour mesurer un observable O d'unsystème microscopique S donné. Les différentes positions de l'aiguille seront associées auxdifférentes valeurs propres de cet observable.

    L'appareil de mesure enregistrera toujours des valeurs définies pour cet observable. Les étatspropres correspondants aux valeurs propres de cet observable constituent donc une base privilégiée.

    On voit aussi que c'est la mesure qui est à l'origine de ce concept de base privilégiée. Nousretombons sur le problème de la mesure. Le fait que, pour des systèmes macroscopiques (enparticulier les appareils de mesure) on observe toujours des valeurs définies et pas des étatssuperposés. Comme nous l'avons vu. Et dans toute mesure, y a forcément interaction avec unsystème macroscopique, ne fut ce que l'expérimentateur lui-même.

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    Prenons par exemple la base position. Soit une particule élémentaire pouvant se situer en deuxendroits  et . Les états correspondant seront notés |  et | . On a un appareil de mesurepouvant mesurer la position de la particule, par exemple, par interaction avec un rayon lumineux.L'observable correspondant est l'opérateur position x . On observe toujours des valeurs définies et

     jamais un état superposé tel que

    | | .

    On peut aussi avoir une autre base formée des deux états | |  et | | , parexemple. A cette base peut correspondre un opérateur X dont ces états sont états propres. Mais onn'observe pas la particule dans des états propres de cet opérateur. Notons que des exceptionsexistent, dans les condensats de Bose-Einstein, les différents atomes sont tous dans le même étatquantique sans position précise et cela peut se traduire dans certains cas par des effets visibles(comme l'opalescence critique due aux corrélations longues portées). Cela montre bien que si baseposition est la plus commune à l'échelle macroscopique, elle ne doit pas être considérée commeabsolue.

    Ne devrait-on pas parler d'observables privilégiés ? Pourquoi les appareils de mesure

    macroscopiques ne permettent-ils pas de mesurer certains observables comme X ? Pourquoi lesobservables ne peuvent-ils pas être arbitraires (comme le suppose implicitement l'interprétation deCopenhague) ?

    En fait, il y a un lien entre la base d'états propres de l'observable et la base position de l'appareil. Lelien se fait via les interactions complexes de la mesure passant du système microscopique au systèmemacroscopique. L'appareil étant toujours observé dans une position définie, l'observable prendforcément des valeurs définies également. On peut parfaitement concevoir un appareil capable demesurer X et les valeurs mesurées, bien définies, seront toujours des valeurs propres de cetobservable. Ce qui est dit ci-dessus n'est donc pas tout à fait vrai. Il est possible de mesurer, a priori,tous les observables désirés. Mais le résultat n'est pas "stable". Il est même tellement instable queparfois on n'arrive pas à effectuer la mesure. Illustrons la signification de ce point sur un exemple.

    Soit des grosses molécules de sucres pouvant se trouver dans deux configurations G gauche et Ddroite. Les molécules de ce type ont la propriété, lorsqu'elles sont en solution, de faire tourner leplan de polarisation de la lumière (à gauche ou à droite, d'où leurs noms). Nous avons donc unmoyen simple de mesurer l'observable « configuration gauche ou droite », en utilisant de la lumièrepolarisée.

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    Supposons que nous ayons un moyen de séparer les différentes configurations. Après la mesure d'ungrand nombre de molécule dans les configurations G et D, on les sépare, et on obtient deux flacons.Un contenant uniquement des molécules G et l'autre contenant uniquement des molécules D.

    Si après quelques heures on effectue à nouveau la mesure sur le flacon G, on constate qu'il contient

    toujours des molécules dans la configuration G. Tout va bien.

    Maintenant, on aimerait utiliser un moyen de mesurer les configurations dans une autre base. Parexemple | | |  et | | | . L'observable sera appelé "configuration X ou Y".La polarisation de la lumière peut aussi se mettre dans de tels états, c'est la polarisation ditecirculaire. On peut donc imaginer concevoir un appareil utilisant non plus de la lumière polariséelinéairement mais circulairement pour mesurer ces deux états.

    Ici aussi, après un grand nombre de mesures, on va se retrouver avec des molécules dans des étatsbien définis X et Y. On peut séparer nos molécules et préparer un flacon de molécules X et un flaconde molécules Y. Après quelques heures (en fait, quelques millièmes de secondes seraient suffisantes)

    on reprend le flacon de X et on refait la mesure. Surprise ! On trouve à peu près la moitié de X et lamoitié de Y ! L'état X n'est donc pas stable, contrairement à l'état G.

    Il existe donc bien des bases privilégiées. Leur caractère principal n'est pas d'avoir des valeursdéfinies. Cela n'est pas dû qu'à la mesure, au fait que l'on mesure toujours des valeurs définies et aufait que la base privilégiée macroscopique est la base position. Non, leur caractère principal est lastabilité. Par exemple, si vous observez un stylo sur une table, après avoir fermé les yeux un instant,il est toujours au même endroit (si un farceur n'est pas venu le subtiliser). C'est cet aspect de stabilitéqui permet de suivre une balle des yeux pendant qu'elle roule. Cette stabilité donne un sens auconcept classique de "trajectoire".

    Le fait d'avoir des appareils de mesure qui mesurent uniquement des valeurs dans les basesprivilégiées n'est pas non plus dû aux appareils de mesure eux-mêmes mais au caractère stable despropriétés. On peut construire des appareils pour mesurer (presque) tout ce que l'on veut. Mais seulscertains appareils de mesure ont un intérêt. Un physicien n'a aucun intérêt à mesurer une propriététotalement évanescente !

    Il existe donc bien des bases privilégiées, intimement liées au caractère "classique" du quotidien,reste à savoir pourquoi.

    Le problème est en effet plus épineux qu’il n’y paraît. Si les bases sont toutes équivalentes, pourquoi

    certaines seraient-elles privilégiées ? De plus, cela ne résout pas du tout notre problème de mesure.

    En effet, l’appareil de mesure lui-même peut être dans des états particuliers décrits selon certainesbases et toutes ces bases sont équivalentes. Avec le schéma de von Neumann, la base | , |  utilisée à la fin de l’étape deux n’est pas plus légitime qu’une autre base | , | . La réductionpouvant se produire n’importe où dans la chaîne, il devient impossible de dire sans la réduction si

    l’appareil sert à mesurer les états 1 et 2 ou toute combinaison linéaires de ces états. C’est la

    réduction qui semble « choisir » la bonne base et donc les états possibles. Cela ne dépend plus de lamanière dont on a conçu l’instrument (par exemple il peut mesurer les états G et D de polarisation

    ou les états X et Y). L’appareil en soi ne sert plus à rien car il ne mesure plus rien !

    Voilà une situation totalement absurde qui montre bien que le processus de réduction doit êtreexaminé de plus près.

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    Solutions

    Ces problèmes sont rarement évoqués dans les cours. Pourquoi ? Car l’utilisation de la mécaniquequantique est presque toujours orientée « laboratoire », tout comme l’objectif des cours que suiventla majorité des étudiants. L’interprétation instrumentale, créée pour coller aux résultats observés,

    suffit donc largement même sans se poser des questions sur les curiosités de cette interprétation.

    Pourtant, on peut être amené à s’y frotter forcément dans certains cas. Par exemple en cosmologie

    quantique où une mesure « extérieur » au système étudié (l’univers) devient impossible. Ou biendans l’étude de la flèche du temps quand on se penche sur le caractère irréversible de la mesure. 

    Ces problèmes se manifestent aussi dans tout une série d’expérience de pensées, correspondant

    parfois à des expériences réelles, parfois présentées comme des « paradoxes ». L’exemple type est lechat de Schrödinger à la fois mort et vivant tant qu’il n’a pas été observé. 

    Il existe des dizaines d’interprétations de la mécanique quantique. Certaines ne tranchent pas la

    problématique ci-dessus. Mais il est inutile de les passer en revue car les solutions à ces problèmes

    peuvent se regrouper en seulement deux grandes options.

      Puisque la mécanique quantique est incompatible avec le processus de réduction, une idéeassez évidente est de modifier la théorie.

    Ainsi, les interprétations avec « réduction physique » imaginent un processus (d’origine a priori  inconnue, en tout cas ne pouvant se démontrer à partir de la mécanique quantiqueseule) provoquant la réduction à certain stades des processus (de la chaîne de mesure parexemple). Ils sont appelés « coups » et modifient l’état superposé pour évoluer vers un étatréduit.

    Cette interprétation initialement imaginée par Ghirardi a fortement évolué et relie ces« coups » à des effets gravitationnels.

    Cette interprétation n’est pas sans tâche :o  Comme signalé plus haut, la réduction ne peut avoir lieu ni trop tôt ni trop tard. Elle

    se place donc volontairement dans la « zône d’ombre » où ni les propriétésréellement classiques (états définis, réduits) ni les effets quantiques (superpositiond’états) ne peuvent être vérifiés expérimentalement avec certitude. Les paramètres

    de la théorie sont choisis pour qu’il en soit ainsi. 

    Une théorie qui échappe (volontairement) à la possibilité d’être réfutée est assez

    douteuse.o  Elle impose forcément une base privilégiée, celle des « coups » et de la réduction qui

    s’en suit. 

    Nous verrons que le problème des bases privilégiées trouve sa solution dans ladécohérence.

    Il y a donc un conflit potentiel qui semble difficile à régler.  L’autre idée, soulevée initialement par Everett, est de simplement ignorer la réduction. C’est-

    à-dire de ne pas l’utiliser. 

    Cela peut sembler totalement absurde puisque les mesures définies sont bien observées.Comme nous l’avons dit, on ne trouve jamais une table à deux endroits en même temps. Ou

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    bien, essayez d’effectuer une expérience d’interférences de Young avec des boules de

    pétanque ! Ca ne marche pas car les boules ne passent jamais par les deux fentes en mêmetemps comme peuvent le faire des ondes (ou des états superposés de particules).

    Mais en réalité, nous verrons que cette difficulté de l’interprétation peut être contournée. 

    On aimerait ne pas modifier la théorie, si c’est possible, c’est préférable puisque rien dans

    l’expérience ne nous y obligerait. Donc on va opter pour la deuxième solution.

    Nous souhaitons aussi ne pas plonger dans les eaux profondes de la philosophie et de l’ontologie.

    Restons physique. Par conséquent, on se contentera d’une interprétation minimale mais qui

    fonctionne et ne pose pas les problèmes signalés ci-dessus.

    IV.3. Etats relatifsLa formulation des états relatifs d'Everett de la mécanique quantique est une tentative de résoudre

    le problème de la mesure en éliminant la dynamique de réduction de la théorie standard de vonNeumann - Dirac de la mécanique quantique. Le principal problème avec la théorie d'Everett est qu'iln'est pas du tout clair comment elle est supposée marcher. En particulier, bien qu'il soit clair qu'ildésirait expliquer pourquoi nous avons des résultats définis des mesures dans le contexte de sathéorie, il n'est pas clair comment il comptait faire cela. Il y a eu plusieurs tentatives de reconstruirela théorie sans réduction d'Everett afin de prendre en compte l'indétermination apparente durésultat des mesures. Ces tentatives ont conduit à des formulations de la mécanique quantique tellesque les mondes multiples, les consciences multiples, les histoires multiples et les théories des faitsrelatifs.

    Chacune capture une partie de ce que Everett affirmait pour sa théorie mais chacune rencontre aussi

    des problèmes.

    Introduction

    Everett formula son interprétation des états relatifs de la mécanique quantique quand il était unétudiant en graduat de physique à l'université de Princeton. Sa dissertation de doctorat futrecommandée pour publication en mars 1957 et un article rapportant le résultat de sa dissertationfut publié en juillet de la même année. Il publia aussi plus tard une discussion étendue de soninterprétation des états relatifs dans l'anthologie de DeWitt et Graham (1973). Après son graduat àPrinceton, Everett a travaillé comme analyste pour la défense. Il est mort en 1982.

    La formulation sans réduction d'Everett de la mécanique quantique fut une réaction aux problèmes

    soulevés par la formulation standard avec réduction de von Neumann - Dirac. La propositiond'Everett était d'éliminer le postulat de réduction de la formulation standard de la mécaniquequantique et de déduire ensuite les prédictions empiriques de la théorie standard comme lesexpériences subjectives des observateurs qui sont eux-mêmes traités comme des systèmesphysiques décrits par sa théorie. Il n'est cependant pas clair comment précisément Everett comptaitfaire ce travail. Par conséquent, il y a eu plusieurs tentatives, mutuellement incompatibles, d'essayerd'expliquer ce qu'il avait en fait en tête. En effet, il est probablement honnête de dire que la plus partdes théories sans réduction de la mécanique quantique ont à un moment ou à un autre étéattribuées à Everett.

    Dans ce qui suit, nous décrirons les inquiétudes d'Everett sur la formulation standard avec réduction

    de la mécanique quantique et ses propositions pour résoudre le problème comme il l'a présenté dans

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    son article de 1957. Nous décrirons alors brièvement quelques approches pour interpréter la théoried'Everett. Nous y reviendrons plus en profondeur par la suite

    Le problème de la mesure

    Everett présenta sa formulation de l'état relatif de la mécanique quantique comme un moyen

    d'éviter les problèmes rencontrés par la formulation standard avec réduction de von Neumann -Dirac. Le principal problème, selon Everett, était que la formulation standard avec réduction de lamécanique quantique nécessite que les observateurs soient toujours traités comme extérieurs ausystème décrit par la théorie. Une conséquence de cela était que la formulation standard avecréduction ne pouvait pas être utilisée pour décrire l'univers comme un tout puisque l'universcontient les observateurs.

    Afin de comprendre ce qui inquiétait Everett, on doit d'abord comprendre comment la formulationstandard de la mécanique quantique fonctionne. La théorie standard de von Neumann - Dirac estbasée sur les principes suivant (von Neumann, 1955) :

    1.  Représentation des états : les états physiques possibles d'un système S sont représentés pardes vecteurs de longueur unité dans un espace de Hilbert (que pour l'occasion on peut voircomme un espace vectoriel avec un produit scalaire). L'état physique à un moment est alorsreprésenté par un seul vecteur dans l'espace de Hilbert.

    2.  Représentation des propriétés : pour chaque propriété physique P que l'on peut observer surun système S, il y a un opérateur (appelé aussi projecteur) P (sur les vecteurs quireprésentent les états possibles de S) qui représente la propriété.

    3.  Lien valeur propre - état propre : un système S déterminé a la propriété physique P si etseulement si P opérant sur S (le vecteur représentant l'état de S) redonne S. Nous disonsalors que S est un état propre de P avec la valeur propre 1. S n'a pas la propriété P si etseulement si P opérant sur S donne zéro.

    4.  Dynamique :a.

     Si aucune mesure n'est faite, alors un système S évolue de manière continue selon ladynamique linéaire, déterministe qui dépend seulement des propriétés énergie dusystème.

    b.  Si une mesure est faite, alors le système S saute instantanément et aléatoirementdans un état où il est ou bien déterminé ou il n'a pas la propriété mesurée. Laprobabilité de chaque état possible après mesure est déterminée par l'état initial dusystème. Plus spécifiquement, la probabilité de finir dans un état final est égale aucarré de la norme de la projection de l'état initial sur l'état final.

    Selon le lien valeur propre - état propre (règle 3), un système pourrait être non déterminé et ne pasavoir la propriété particulière donnée. Afin d'avoir une propriété particulière, le vecteur représentantl'état d'un système doit être sur la ligne (ou le sous-espace) dans un espace d'états représentant lapropriété et afin de ne pas avoir la propriété l'état d'un système doit être dans le plan (ou le sousespace) orthogonal, et la plus part des vecteurs d'état ne seront ni parallèles ni orthogonaux à uneligne (ou un sous espace) donnée. De plus, la dynamique déterministe (règle 4a) ne garantittypiquement pas qu'un système aura ou n'aura pas une propriété déterminée quand on observe lesystème pour voir si le système a cette propriété. C'est pourquoi la dynamique de réduction (règle4b) est nécessaire dans la formulation standard de la mécanique quantique. C'est la dynamique deréduction qui garantit qu'un système aura ou n'aura pas de manière déterminée une propriétéparticulière quand on observe le système pour voir s'il a la propriété. Mais la dynamique linéaire(règle 4a) est aussi nécessaire pour prendre en compte les effets d'interférences de la mécaniquequantique. Ainsi, la formulation standard de la mécanique quantique a deux lois dynamiques : larègle 4a déterministe, continue, linéaire qui décrit comment un système évolue quand il n'est pasmesuré et la règle 4b aléatoire, discontinue, non linéaire qui décrit comment un système évoluequand il est mesuré.

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     Mais qu'est-ce qui fait qu'une interaction est du type mesure ? A moins que nous sachions cela, laformulation standard de la mécanique quantique est au mieux incomplète puisque nous ne savonspas quand chaque loi dynamique est applicable. De plus, et c'est ce qui inquiétait Everett, si noussupposons que les observateurs et leurs dispositifs de mesure sont construits à partir de systèmes

    plus simples qui obéissent chacun à la dynamique déterministe, alors les systèmes composites, lesobservateurs et leurs dispositifs de mesure, doivent évoluer d'une manière déterministe continue et jamais comme l'évolution aléatoire, discontinue décrite par la règle 4b qui ne peut jamais seproduire. C'est-à-dire que si les observateurs et leurs dispositifs de mesure sont vus comme étantconstruits à partir de systèmes plus simples se comportant chacun comme la mécanique quantiquel'exige, chacun obéissant à la règle 4a, alors la formulation standard de la mécanique quantique estlogiquement inconsistante puisqu'elle dit que les deux systèmes ensembles doivent obéir à la règle4b. C'est le problème de la mesure quantique dans le contexte de la formulation standard avecréduction de la mécanique quantique.

    Afin de préserver la consistance de la mécanique quantique, Everett en a conclu que la formulation

    standard avec réduction ne pouvait pas être utilisée pour décrire les systèmes qui contiennent lesobservateurs, c'est-à-dire qu'elle ne pouvait être utilisée que pour décrire un système où tous lesobservateurs sont extérieurs au système décrit. Et pour Everett, cette restriction sur l'applicabilité dela mécanique quantique était inacceptable. Everett désirait une formulation de la mécaniquequantique qui pourrait être appliquée à tout système physique quel qu'il soit, un qui décrit lesobservateurs et leurs dispositifs de mesure de la même manière qu'elle décrit tout autre systèmephysique.

    La proposition d’Everett  

    Afin de résoudre le problème de la mesure, Everett proposa d'éliminer la dynamique de réduction(règle 4b) de la théorie standard avec réduction et proposa de prendre la théorie physique résultante

    comme fournissant une description complète et précise de tous les systèmes physiques quels qu'ilssoient. Everett tenta alors de déduire les prédictions statistiques standard de la mécaniquequantique (les prédictions qui dépendent de la règle 4b dans la formulation standard avec réductionde la mécanique quantique) comme les expériences subjectives des observateurs qui sont eux-mêmes traités comme des systèmes physiques ordinaires dans la nouvelle théorie.

    Everett dit :Nous serons capables d'introduire dans les systèmes [de la théorie de l'état relatif] ceux qui

    représentent les observateurs. De tels systèmes peuvent être conçus comme des machines

     fonctionnant automatiquement (des servomécanismes) possédant des dispositifs d'enregistrement

    (mémoire) et qui sont capables de répondre à leur environnement. Le comportement de ces

    observateurs sera toujours traité dans le cadre de la mécanique ondulatoire. De plus, nous déduirons

    les affirmations probabilistes du processus 1 [règle 4b] comme des apparences subjectives de tels

    observateurs, plaçant donc la théorie en correspondance avec l'expérience. Nous sommes donc

    conduits à la situation nouvelle dans laquelle la théorie formelle est objectivement continue et

    causale, bien que subjectivement discontinue et probabiliste. Tandis que ce point de vue justifiera

    donc ultimement notre utilisation d'affirmations probabilistes de la vision orthodoxe, elle nous

     permettra de le faire d'une manière logiquement consistante permettant l'existence des autres

    observateurs (1973).

    Le but d'Everett était alors de montrer que l'enregistrement mémoire d'un observateur commedécrit par la mécanique quantique sans la dynamique de réduction serait tant bien que mal enaccord avec celle prédite par la formulation standard avec la dynamique de réduction. Le principalproblème est de comprendre ce qu'Everett avait à l'esprit en imaginant comment cettecorrespondance entre la prédiction des deux théories était supposée marcher.

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     Afin de voir ce qui se passe, essayons la proposition sans réduction d'Everett pour une interaction demesure simple. On peut mesurer le spin , selon la direction x, d'un système physique. Plusspécifiquement, un système de spin 1/2 sera trouvé ou " haut" ou " bas" quand son spin estmesuré. Ainsi supposons que J est un bon observateur qui mesure le spin d'un système S de spin 1/2.

    Pour Everett, être un bon observateur de  signifie que J a les deux dispositions suivantes (la flècheci-dessous représente l'évolution dans le temps déterminée par la dynamique déterministe dela règle 4a) :  | |     | |   Si J mesure un système qui est défini  haut, alors J enregistrera de manière définie « spin haut » etsi J mesure un système qui est défini  bas, alors J enregistrera de manière définie « spin bas » (etnous supposerons, par simplicité, que le spin du système objet S n'est pas perturbé par l'interaction).

    Considérons maintenant ce qui se passe quand J observe le spin d'un système qui commence dans

    une superposition d'états propres du spin :|  |   L'état initial du système composite est alors :| |  |   Ici J est défini prêt à faire une mesure du spin, mais le système objet S n'a pas de spin défini. Etantdonné les deux dispositions de J et le fait que la dynamique déterministe est linéaire, l'état dusystème composite après la mesure du spin par J sera :|   |    Dans la formulation standard avec réduction de la mécanique quantique, quelque part durantl'interaction de mesure, l'état se réduirait ou bien au premier terme de cette expression (avec uneprobabilité égale au carré de a) ou au second terme de cette expression (avec une probabilité égaleau carré de b). Dans le premier cas, J termine avec l'enregistrement de mesure défini « spin haut » etdans le deuxième cas J termine avec l'enregistrement de mesure défini « spin bas ». Mais avec laproposition d'Everett, aucune réduction ne se produit. Plutôt, l'état après mesure est simplementcette superposition intriquée de J enregistrant le résultat « spin haut » avec S étant spin haut et Jenregistrant « spin bas » avec S étant spin bas. Appelez cet état E pour Everett. Pour le lien standardvaleur propre - état propre, E n'est pas un état où J à un enregistrement défini « spin haut » ni unétat où J est un enregistrement défini « spin bas ». Ainsi l'énigme pour une interprétation d'Everettest d'expliquer le sens dans lequel la superposition intriquée de J d'enregistrements mutuellement

    incompatibles est supposée être en accord avec la prédiction empirique faite par la formulationstandard avec réduction de la mécanique quantique. La théorie standard avec réduction, à nouveau,prédit que J termine avec l'enregistrement de mesure parfaitement défini « spin haut » ou avecl'enregistrement de mesure parfaitement défini « spin bas » avec les probabilités égales au carré de aet au carré de b, respectivement.

    Everett confesse qu'un état après mesure comme E est énigmatique :Comme résultat de l'interaction de l'état de l'appareil de mesure, il n'est plus capable de définition

    indépendante. Il peut être définit seulement relativement à l'état du système objet. En d'autres mots,

    il existe seulement une corrélation entre les états des deux systèmes. Il semble comme si rien ne

     pouvait jamais être défini par une telle mesure (1957). 

    Et il décrit le problème auquel il fait par conséquent face :

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    La théorie nue

    La théorie nue de Albert et Loewer (Albert et Loewer, 1988, et Albert, 1992) est certainementl'interprétation la plus sauvage de la théorie d'Everett. Dans cette lecture, on suppose qu'Everettsouhaitait enlever la dynamique de réduction mais garder le lien standard valeur propre - étatpropre.

    Ainsi, comment la théorie nue explique-t-elle l'expérience définie de J ? La réponse courte est qu'ellene le fait pas. Plutôt, pour la théorie nue, on essaie d'expliquer pourquoi J croit erronément qu'il a unenregistrement de mesure définie ordinaire. Le truc est de demander à l'observateur non pas quelrésultat il a mais plutôt s'il a un certain résultat défini spécifique. Si l'état après mesure est    Alors J rapporte « J'ai un résultat défini, ou bien spin haut ou bien spin bas ». Et il ferait exactementle même rapport s'il terminait dans l'état après mesure :    Ainsi, par linéarité de la dynamique, J affirmerait erronément « J'ai un résultat défini, ou bien spin

    haut ou bien spin bas » quand il est dans l'état E :|   |    Donc, on peut affirmer qu'il semble à J qu'il a un résultat de mesure ordinaire parfaitement définimême quand ce n'est pas le cas (c'est-à-dire qu'il n'a pas de manière définie « spin haut » et n'a pasde manière définie « spin bas »).

    L'idée est d'essayer de prendre en compte toutes les croyances de J sur ses expériences définies enayant recours à de telles illusions. Plutôt que de prédire les expériences que nous croyons que nousavons, une proposition de la théorie nue nous dit que nous n'avons pas plusieurs croyances définiesdu tout et alors essaye d'expliquer pourquoi nous croyons néanmoins défini ce que nous faisons.

    Bien qu'on puisse dire plusieurs histoires suggestives sur le type d'illusions dont un observateur feraitl'expérience, il y a au moins deux problèmes sérieux avec la théorie nue. Un problème est que lathéorie nue n'est pas empiriquement cohérente : si la théorie nue était vraie, il serait absolumentimpossible d'avoir une évidence empirique pour l'accepter comme vraie. Une autre est que si lathéorie nue était vraie, on échouerait pratiquement à avoir la moindre croyance définie (puisquepour la dynamique déterministe on ne devrait pratiquement jamais s'attendre à ce que l'état globalsoit un état propre de tout observateur sensible particulier) ce qui n'est probablement pas le type deprédiction que l'on recherche pour une théorie physique réussie.

    Quelques remarques sont nécessaires.  D'abord la critique de la théorie nue sur l'absence de résultats définis n'est probablement pas

     justifiée. La science empirique se construit sur base des résultats définis obtenus par lamesure. Mais si l'expérimentateur, ses appareils de mesure et le système quantique mesurése retrouvent dans un état quantique superposé, l'expérimentateur dispose bien de résultatsdéfinis sur lesquels construire sa théorie. Il se retrouvera dans l'état : « Je mesure un résultatdéfinit, unique, non superposé, spin haut » + « Je mesure un résultat définit, unique, nonsuperposé, spin bas ».

    Le monde ainsi accessible à l'expérimentation est bien un monde donnant des résultatsdéfinis même s'ils sont subjectifs, liés au fait que l'on n'a jamais accès qu'à une partie del'état global.

    Il n'est même pas nécessaire de supposer que chaque composante est un « monde séparé »comme le fait l’interprétation des « mondes multiples ».

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     L'observateur se retrouve donc lui-même dans un tel état superposé et c'est unesuperposition d'états où il dit « j'observe une valeur parfaitement définie ». L'observateurn'est tout simplement pas à même d'observer la réduction dès qu'il s'inclut dans leprocessus. S'il n'interagit pas avec l'état superposé (disons avec

    |  |  ) il

    est à même d'effectuer des mesures d'interférences et de vérifier qu'il s'agit d'un étatsuperposé, mais s'il interagit avec l'état afin d'en mesurer les composantes, c'est fini, il estpiégé !

    Il est vrai que d'un point de vue "extérieur", celui du physicien tentant d'interpréter lathéorie, l'état est curieux et ne semble pas conduire à des états définis. Mais c'est faux. Cetobservateur extérieur n'existe pas. Ou, plutôt, c'est un « non-observateur », un théoricienexaminant des équations et pas un observateur observant le processus réel. Un observateurexpérimentateur serait dans la situation de J et constaterait bien des états définis. Un autreobservateur postant la question à J se retrouverait aussi dans un tel état superposé où ilconstate des états définis : « J m'a dit qu'il a obtenu un résultat défini spin haut » + « J m'a dit

    qu'il a obtenu un résultat défini spin bas ».

    Il ne faut surtout pas essayer de calquer un tel état quantique sur nos impressions« classiques », mal adaptées. Il faut aussi éviter de trop philosopher en se demandant « quisuis-je ? », « quelle composante suis-je ? ». La question peut se poser mais n'est nécessaire nipour la théorie ni pour l'évidence empirique qui sont les seuls aspects qui nous importent.

      Notons que nous avons choisi une base privilégiée, la base position (ou plutôt ci-dessus labase de spin dans la direction verticale), mais ce n'est pas une obligation. Nous pouvonsprendre n'importe quelle base et décomposer l'état de la particule et de l'appareil sur cettebase. Si l'on considère des systèmes microscopiques, c'est tout à fait possible et souhaitable.

    Si l'on considère des appareils macroscopiques, comme peut-être l'appareil et, en tout cas,l'observateur humain, nous verrons que la décohérence explique que le système complet (etdonc la particule, même si elle est microscopique) se retrouve dans un état en rapport avecune base privilégiée. C'est cette base qui est stable (« robuste » au sens de la décohérence)et qui autorise des états mémoires permettant de se rendre compte des états définis.

    Le fait que l'observateur se retrouve lui-même dans un état superposé peut semblerdérangeant, même s'il ne peut s'en apercevoir, et pose d'intéressantes et profondesquestions philosophiques. Mais de telles interrogations sortent en grande partie du cadre decette analyse. Ce qui nous importe, ici, est que l'interprétation fonctionne et est consistanteavec les résultats expérimentaux, ce qui est manifestement le cas.

      Un problème reste ouvert, c'est le statut des probabilités. Puisque l'état final contient tousles résultats, dans un état superposé, comment interpréter le caractère probabiliste oustatistique des mesures ? On ne peut parler de résultat « spin haut » ou « spin bas » seproduisant avec une certaine probabilité (ou plutôt la mesure de ces résultats) puisque lesdeux sont toujours présent. Comment, dans ce cas, expliquer les résultats statistiquesexpérimentaux ? Sans réduction, pas de règle de Born. Ce n'est pas évident à priori etplusieurs auteurs se sont penchés sur le problème. Mais nous verrons que la solution n'est endéfinitive pas si compliquée, l'arbre peut parfois cacher la forêt.

    Il faut signaler que dans sa thèse, Everett n'a pas clairement résolu ce point.

    On peut pousser beaucoup plus loin l’étude des états relatifs et leur usage dans la descriptiond’expériences, en particulier en utilisant l’analyse relationnelle. Mais cela nous mènerait beaucoup

    trop loin. Nous n’en aurons pas besoin.

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    Pour toute interprétation de la mécanique quantique faisant appel à ce mécanisme de réduction, lesprobabilités quantiques s'appliquent sans difficulté de la manière que nous venons de voir. Et ellessont, de plus, aisément vérifiables expérimentalement.

    Mais la réduction du vecteur d'état n'est pas sans poser divers problèmes (comme nous l'avons vu).

    C'est pour cette raison que certains physiciens ont recherché une interprétation de la mécaniquequantique ne faisant pas appel à mécanisme.

    L'interprétation de ce type la plus connue est l'interprétation des mondes multiples de DeWitt etEverett. Elle dérive de l'interprétation des états relatifs d'Everett en attribuant une ontologie« univers » à la composante correspondant à une mesure définie. En réalité, il serait plus correct deparler des interprétations et non de l'interprétation. Il existe en effet maintenant une multitude devariantes à ces interprétations. Un autre exemple est la forme des états relatifs que nous avonsdéveloppée ci-dessus où l'on se retrouve avec plusieurs composantes (selon diverses bases) d'un étatsuperposé (théorie nue).

    Il est notoirement connu que l'interprétation des probabilités quantiques est difficile dans cesinterprétations. C'est à ce problème que nous allons tenter d'apporter une solution.

    Par simplicité, pour faciliter les explications, nous utiliserons une variante des mondes multiplesassez simple mais les raisonnements qui suivent s'appliquent sans difficultés à toutes les variantes ycompris l'interprétation des états relatifs proprement dite.

    Pour illustrer la variante utilisée, sans nous avancer trop loin dans les détails techniques,ontologiques ou philosophiques, prenons le schéma de mesure de von Neumann.

    Prenons un système S tel que celui donné plus haut en exemple. Soit un appareil de mesure A conçupour mesurer l'observable O et se trouvant initialement dans l'état

    | . Pour la simplicité nous

    considérons un appareil de mesure « au sens large », c'est-à-dire incluant égalementl'expérimentateur et éventuellement l'environnement.

    Lorsque l'appareil mesure le système décrit par l'état |  il se retrouve dans l'état | . Ce qu'onpeut décrire schématiquement par :| | | |  De même pour l'état |  | | | |  L'équation de Schrödinger décrivant l'évolution des systèmes physiques (quantiques) étant linéaire,

    on obtient facilement le résultat général :| | |  | | |  | |  | |  | |  |  On dit que dans l'état résultant l'appareil et le système sont corrélés.

    Dans le schéma avec réduction, on dit que la mesure provoque la réduction, par exemple :| | | | |  | | |  (le facteur a est éliminé par lanormalisation) avec une probabilité ||.Dans l'interprétation des mondes multiples, on dira que la mesure a provoqué la "scission" du mondeen deux mondes distincts décrits par les composantes du vecteur d'état global :

    | |  Et

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    | |  C'est la variante des mondes multiples la plus simple et qui nécessite le choix d'une base privilégiée(ici | , | ). Mais notre problème ici n'est pas de résoudre le problème de la base privilégiéemais, celle-ci étant donnée, de comprendre l'origine des probabilités.

    Dans l'approche des états relatifs, ces deux éléments sont conservés dans un seul état (somme,superposition). Mais le résultat est analogue car sans passer par un autre observateur, chaquecomposante n'est pas influencée par l'autre (à cause de l'évolution linéaire). La différence est (sansun observateur supplémentaire) purement sémantique. Dans ce qui suit, pour simplifier l'explication,nous continuerons à parler de « mondes » qui peuvent donc être pris dans un sens plus large que lesmondes parallèles de l'interprétation de DeWitt.

    Du fait de l'évolution linéaire, chaque monde est sans relation causale avec les autres (du moins si Ainclut bien l'appareil, l'observateur et même tout le reste de l'univers ou si les composantesconcernent des objets macroscopiques ayant subi le phénomène de décohérence).

    Comment appliquer la règle ?

    Comment les probabilités quantiques s'appliquent-elles dans le cas des mondes multiples ? Laquestion est épineuse car tous les mondes existant simultanément, la probabilité qu'un mondedonné soit réalisé est tout simplement égale à un ! Dans ce cas, il n'y a aucun sens à parler deprobabilités.

    Pourtant, l'expérience montre effectivement le caractère probabiliste des mesures quantiques. Pireencore, la théorie elle-même, la mécanique quantique, tire ses fondements des expérienceseffectuées et de leur caractère probabiliste. Le fait de ne pas pouvoir parler de ces probabilités dansles mondes multiples est donc assez gênant. La théorie perd le lien avec son propre fondementexpérimental.

    En fait, le problème n'est pas tant de comprendre la règle de Born, de compre