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LA FIGURE DU « CYBORG » DANS LE CYBERESPACE : MYTHE TECHNICISTE OU ESPACES PUBLICS ÉMERGENTS ? Cynthia GHORRA-GOBIN Urbaniste américaniste, Directeur de Recherche CNRS, enseigne à l'Institut d'Études Politiques (Paris) et à l ' université de Paris IV Parallèlement à la diffusion et à l'extension des pratiques dans les réseaux numériques, de nouveaux mots circulent dans le langage courant, dont ceux de cyborg » et de « cyberespace » . Le premier fut inventé par un scientifique américain avant d'être diffusé par une philosophe-féministe et le second par un auteur de science-fiction . Ils signalent l'émer- gence d ' une figure mi-organique et mi-cybernétique (entre l'humain et la machine) et celle d'un espace relevant du virtuel . Comment interpréter l'usage de ces deux termes made in USA? Participent-ils de mythes technicistes élaborés par des ingénieurs américains ? Ou encore doit-on y déceler, au-delà du registre de la pornographie et de la cyber-arnachie, des principes dotés d'universalité et susceptibles de correspondre à l'avènement d'une nouvelle société ? Et pour ceux qui plus modestement se sont penchés sur les mythes fondateurs de la ville, peut-on avancer l'hypothèse de l'émergence d'une nouvelle catégorie d'espaces publics susceptibles de se substituer aux espaces publics urbains' ? Pour répondre à ce questionnement, on s'éloi- gnera autant que possible d'une posture intellectuelle identifiant Internet comme le support d'une possible relation entre le moi et le reste du monde (me-and -the-world) et comme l'espace privilégié du fusionnel (linking, sharing and innovating), s'inscrivant tous les deux dans le paradigme du « village global » (McLuhan) . Ici la réflexion s'inscrit dans la continuité de travaux de recherche antérieure ayant mis en évidence la dévalorisation progressive des espaces publics urbains au profit de leur patrimonialisation, leur marchandisation ainsi qu'une certaine forme d'instrumentalisation au service de la mobilité (Ghorra-Gobin, 1994, 2001a, 2001b) . Elle s' interroge ainsi sur la possible substitution des espaces publics physiques – considérés comme les fondements de la ville en raison de leur capacité à mettre en scène la société dans sa diversité (expression synonyme de mixité sociale) – dont la fonction consiste à mettre en scène la société dans sa diversité en faveur du cyberespace . Après avoir mis en évidence le multi- ancrage théorique de la thématique des réseaux numériques afin de rendre explicite l'affiliation des arguments utilisés par la suite, l'analyse souligne la capacité du cyberespace à renforcer les liens sociaux en dehors de toute référence aux espaces publics . La troisième partie souligne le potentiel politique du cyberespace . Tout en confirmant la non validité de l'hypothèse de l'émergence d'espaces publics (caractérisés par leur mixité sociale) dans le cyberespace, la conclusion suggère l'intervention de l'Etat en vue del' avènement de la cyberdémocratie. I . Ancrages disciplinaires Le champ bibliographique concernant l'espace du net, ses usages et ses pratiques se caractérise par une diversité résultant aussi bien d'une pluralité de points de vue que d'une multiplicité d'ancrages disciplinaires (sciences sociales/sciences de l'ingénieur/science -fiction) . D'où l'impératif de contextualiser les arguments en signalant le registre dont ils relèvent : le point de vue de l'ingénieur ne peut être identique à celui du sociologue, même si ensemble ils peuvent converger à un moment donné pour dire que l'espace internet contribue à l'enrichissement de l'individu et, de ce fait, au développement de la société de l'infor- mation . Ces cinq catégories sont présentées en dehors de tout principe de hiérarchisation: 1. Réseaux vs territoires 2. Réseaux sociaux et communauté virtuelle 3. L'interface univers industriel/univers artistique 4. Villes numériques et modernisation de la vie politique 5 . Réseaux numériques et science-fiction 1 . Réseaux vs territoires L'impact des technologies de communication dans l'organisation des entreprises, comme dans celle des territoires, a fait l'objet de nombreux travaux . Elle a permis de rendre compte de la recomposition urbaine, le départ des entreprises pour les périphéries urbaines (ou pour des contrées lointaines) . Aux Etats- Unis, on parle de « restructuration urbaine », de « nouvelle géographie », ou encore « géographie nu- mérique» (digital geography) à la suite notamment des écrits de Paul Krugman' . La décentralisation de l'économie est également mise en évidence à partir des résultats du recensement (2000) indiquant la poursuite du déclin démographique de certaines villes ou encore leur croissance démographique limitée par rapport à la moyenne nationale . Philadelphie a perdu 150 000 habitants dans les années 90, au profit des 1 L'article s'appuie sur des arguments et propos discutés dans le cadre d'une recherche réalisée pour le CPVS (DRAST) : « Le cyberespace et les espaces publics émergents : construire un argumentaire », Cynthia Ghorra-Gobin, Implémentation, mars 2003, 49 p. 2 Cf . Les termes et auteurs sont cités par The Economist dans un article intitulé « Geography and the Net », 11 août 2001, p. 8-11 . 273

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LA FIGURE DU « CYBORG » DANS LE CYBERESPACE :MYTHE TECHNICISTE OU ESPACES PUBLICS ÉMERGENTS ?

Cynthia GHORRA-GOBINUrbaniste américaniste, Directeur de Recherche CNRS,

enseigne à l'Institut d'Études Politiques (Paris)et à l ' université de Paris IV

Parallèlement à la diffusion et à l'extension despratiques dans les réseaux numériques, de nouveauxmots circulent dans le langage courant, dont ceux de

cyborg » et de « cyberespace » . Le premier futinventé par un scientifique américain avant d'êtrediffusé par une philosophe-féministe et le second parun auteur de science-fiction . Ils signalent l'émer-gence d 'une figure mi-organique et mi-cybernétique(entre l'humain et la machine) et celle d'un espacerelevant du virtuel . Comment interpréter l'usage deces deux termes made in USA? Participent-ils demythes technicistes élaborés par des ingénieursaméricains ? Ou encore doit-on y déceler, au-delà duregistre de la pornographie et de la cyber-arnachie,des principes dotés d'universalité et susceptibles decorrespondre à l'avènement d'une nouvelle société ?Et pour ceux qui plus modestement se sont penchéssur les mythes fondateurs de la ville, peut-on avancerl'hypothèse de l'émergence d'une nouvelle catégoried'espaces publics susceptibles de se substituer auxespaces publics urbains' ?

Pour répondre à ce questionnement, on s'éloi-gnera autant que possible d'une posture intellectuelleidentifiant Internet comme le support d'une possiblerelation entre le moi et le reste du monde (me-and-the-world) et comme l'espace privilégié du fusionnel(linking, sharing and innovating), s'inscrivant tous lesdeux dans le paradigme du « village global »(McLuhan) . Ici la réflexion s'inscrit dans la continuitéde travaux de recherche antérieure ayant mis enévidence la dévalorisation progressive des espacespublics urbains au profit de leur patrimonialisation,leur marchandisation ainsi qu'une certaine formed'instrumentalisation au service de la mobilité(Ghorra-Gobin, 1994, 2001a, 2001b) . Elle s' interrogeainsi sur la possible substitution des espaces publicsphysiques – considérés comme les fondements de laville en raison de leur capacité à mettre en scène lasociété dans sa diversité (expression synonyme demixité sociale) – dont la fonction consiste à mettre enscène la société dans sa diversité en faveur ducyberespace . Après avoir mis en évidence le multi-ancrage théorique de la thématique des réseauxnumériques afin de rendre explicite l'affiliation desarguments utilisés par la suite, l'analyse souligne lacapacité du cyberespace à renforcer les liens sociauxen dehors de toute référence aux espaces publics . Latroisième partie souligne le potentiel politique ducyberespace. Tout en confirmant la non validité de

l'hypothèse de l'émergence d'espaces publics(caractérisés par leur mixité sociale) dans lecyberespace, la conclusion suggère l'intervention del'Etat en vue del' avènement de la cyberdémocratie.

I . Ancrages disciplinairesLe champ bibliographique concernant l'espace du

net, ses usages et ses pratiques se caractérise par unediversité résultant aussi bien d'une pluralité de pointsde vue que d'une multiplicité d'ancrages disciplinaires(sciences sociales/sciences de l'ingénieur/science

-fiction) . D'où l'impératif de contextualiser lesarguments en signalant le registre dont ils relèvent : lepoint de vue de l'ingénieur ne peut être identique àcelui du sociologue, même si ensemble ils peuventconverger à un moment donné pour dire que l'espaceinternet contribue à l'enrichissement de l'individu et,de ce fait, au développement de la société de l'infor-mation . Ces cinq catégories sont présentées en dehorsde tout principe de hiérarchisation:

1.Réseaux vs territoires2. Réseaux sociaux et communauté virtuelle3. L'interface univers industriel/univers artistique4. Villes numériques et modernisation de la vie

politique5. Réseaux numériques et science-fiction

1 . Réseaux vs territoires

L'impact des technologies de communicationdans l'organisation des entreprises, comme dans celledes territoires, a fait l'objet de nombreux travaux . Ellea permis de rendre compte de la recompositionurbaine, le départ des entreprises pour les périphériesurbaines (ou pour des contrées lointaines) . Aux Etats-Unis, on parle de « restructuration urbaine », de« nouvelle géographie », ou encore « géographie nu-mérique» (digital geography) à la suite notammentdes écrits de Paul Krugman' . La décentralisation del'économie est également mise en évidence à partirdes résultats du recensement (2000) indiquant lapoursuite du déclin démographique de certaines villesou encore leur croissance démographique limitée parrapport à la moyenne nationale . Philadelphie a perdu150 000 habitants dans les années 90, au profit des

1 L'article s'appuie sur des arguments et propos discutés dans le cadre d'une recherche réalisée pour le CPVS (DRAST) : « Le cyberespace et les espacespublics émergents : construire un argumentaire », Cynthia Ghorra-Gobin, Implémentation, mars 2003, 49 p.

2 Cf. Les termes et auteurs sont cités par The Economist dans un article intitulé « Geography and the Net », 11 août 2001, p. 8-11 .

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high-tech suburbs ou périphéries urbaines – alorsqu'elle est située au centre d'une métropole en pleineexpansion. L'avantage comparatif des périphériesurbaines est également à l'ordre du jour desmétropoles de la Sunbelt comme l'illustre la région dela baie de San Francisco. Bien qu'ayant enregistré unelégère croissance, la ville de San Francisco (700 000habitants) est désormais dominée par la municipalitépériphérique de San Jose (Silicon Valley) qui dépasseun million d'habitants.

Dans ce registre territoires/réseaux, on distingueceux qui affirment la suprématie des réseaux sur lesterritoifes de ceux qui défendent l'hypothèsecontraire, des territoires en mesure de mobiliser lesréseaux par rapport à de nouveaux objectifs (Hermès2000) . En s 'inspirant de cette polémique, dessociologues ont pris le parti de souligner combien lesréseaux techniques sont en mesure de renforcer lesréseaux sociaux, et ce à différentes échelles (au niveaudu voisinage comme dans le cadre des diasporas).

2. Réseaux numériques, réseaux sociauxet communautés virtuelles

Des sociologues et des philosophes ont établi laconnexion entre réseaux techniques et sociaux endéfendant la thèse d'une régénération des relationsinter-individuelles . Pendant longtemps, ce point devue a reposé sur des intuitions et des représenta-tions en phase avec le potentiel offert par les réseauxnumériques mais à présent, il est légitimé par lestravaux empiriques . L'équipe du professeur BarryWellman (université de Toronto) a mis en évidencele fonctionnement de réseaux sociaux, socialnetworks/community networks.

Aussi le cyberespace renforce les liens sociaux etautorise les sociétés contemporaines (vivant àl'heure de l'urban sprawl 3 ) à réactiver le lien social.La pratique des réseaux numériques ne se limiteraitpas uniquement au fonctionnement des entrepriseset des marchés boursiers connectant les métropolesentre elles, mais participerait de la dynamique desréseaux sociaux.

3. Réseaux et marché :l'interface univers industriel/univers artistiqueL'espace internet est né sous les auspices de

chercheurs californiens qui, après avoir reçu l'accordde l'Etat fédéral, ont cherché à y tester de nouveauxmodes de communication en phase avec les avancéestechnologiques . Mais très rapidement, le cyberespacea intéressé le champ de la production industrielle aupoint de suggérer l'avènement de la NetEconomy.Certains, compte tenu du succès des jeux en ligne,

parlent ainsi des avantages comparatifs de 1'e-commerce et 1'e-business. L'espace internet est perçucomme un nouvel horizon dont il convientd'explorer toutes les potentialités à partir de ladimension ludique et artistique (entertainment),avec pour objectif de repérer des sources de profit.

L'interface univers industriel/univers artistiquene figure pas vraiment parmi les priorités de larecherche universitaire mais elle intéresse plutôt lesthink-tanks. Les artistes sont perçus comme desindividus en mesure d'imaginer un monde futur etplus précisément des modes de vie futurs en sefondant uniquement sur leur imagination et leursensibilité . Les industriels ont en mémoire l'apportdécisif de l'underground culture (contre-culture) desannées 1960, qui a réussi à façonner l'univers de laconsommation.

4. Villes numériques et modernisationdes administrations publiques

Les réseaux numériques sont également abordéspar les chercheurs comme un moyen de moderniserl'administration (qu'elle soit municipale ou encoreau niveau de l'Etat), tout en s'inscrivant dans cettevision d'une société de l'information . On parle ainside « netpolitique », « e-democratie », « villes numé-riques » et plus récemment de « cyberdémocratie ».Les travaux, s'appuyant dans un premier temps surles expériences des télévisions locales, soutiennentl'idée selon laquelle l'identité locale serait renforcéepar le biais des réseaux numériques, comme l'écrit larevue de communication Hermès qui y a consacré unnuméro entier intitulé www.démocratie locale. fr. Parle biais de la création d'un site, une municipalité esten mesure d'afficher l'ensemble des services suscep-tibles de répondre aux questions des administrés,tout comme elle autorise le règlement d'un certainnombre de formalités au travers de l'écran . Desrapports officiels peuvent être aussi téléchargés etpermettre à des associations (ONG) de recueillirl'information, de la diffuser tout en s'organisant pourformuler leurs points de vue au moment du débatpublic.

On peut certes instrumentaliser les réseauxnumériques en vue de faciliter les tâches d'infor-mation et de communication que doit remplir touteadministration, il est en revanche plus difficile d'endéduire qu'ils sont à eux seuls en mesure d'entraînerune réactualisation de la démocratie locale ou encorede ressourcer les formes traditionnelles du jeupolitique démocratique . La notion de « cyberdémo-cratie » est certes régulièrement évoquée tout enévitant de situer son affiliation à la logique ducyberespace et du cyborg, relevant tous deux de lascience-fiction.

3 Ce terme utilisé par les Anglo-Américains désigne le processus de la métropolisation tout en lui donnant un sens péjoratif . Dans notre contextenational, on parle plutôt de « ville émergente » ou encore de « ville diffuse ».

4 Compte tenu des sérieux problèmes que traverse depuis deux ans la Silicon Valley, difficile de dire si la NetEconomie se présente véritablementcomme le fondement d 'une nouvelle économie.

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MYTHE TECHNICISTE OU ESPACES PUBLICS ÉMERGENTS ?

5 . Réseaux numériques et science fictionLa science-fiction s'avère en fait le domaine qui

a, sans aucun doute, le plus contribué à la réflexionsur les réseaux numériques . Les descriptions, toutautant que les intuitions qu'elle suscite, sont d'ailleursreprises par les chercheurs en sciences sociales qui ontparfois du mal à s'en distancier. La notion même decyberespace revient à William Gibson – une star duroman fiction – qui le premier l'a utilisée dansNeuromancer (1984) alors qu' il travaillait sur lescorrespondances possibles entre le monde matériel etle monde immatériel. D'autres, comme Rheingold,travaillent plutôt sur l'idée de la « frontière (électro-nique) » d'un monde nouveau' :

« Although I stayed in cyberspace for just a fewminutes, that first brief flight through a computed-created universe launched me on my own odyssee to the"outposts" of a scientific frontier» (H . Rheingold,2000, p . 9).« Bien que je ne sois resté dans le cyberespace quequelques minutes, ce bref survol d'un univers créé parl'informatique m'a propulsé dans une odysséepersonnelle vers les postes de la frontière scientifique,H. Rheingold, 2000, p. 9 ».

La science-fiction atteste ainsi de l'émergenced'espaces virtuels de nature autre que la simplecommunication dite immatérielle . L'individu-internaute libéré de toute contrainte sociale circuledans l'anonymat le plus complet, comme l'indiquele terme « cyborg » utilisé à la suite de DonaHaraway qui précise qu'il est peu identifiable parson sexe ou la couleur de leur peau (arguments depoids dans la culture politique américaine)' . Cecourant de la science fiction pose bien les enjeux àmoyen terme de nos sociétés de plus en plusinscrites dans un système de machines.

Ce parcours sur la variété des perspectivesanimant le champ de la réflexion sur les réseauxnumériques et de leurs pratiques, permet de situerl'affiliation des arguments mobilisés par la suite envue de répondre au questionnement concernantl'émergence d'espaces publics en mesure de mettreen scène la société dans sa diversité.

Il . Réseaux sociaux/communautésvirtuellesLes chercheurs désignent par les termes

« cyberespace », « toile » (web), Espace Net ouInternet, les réseaux numériques ainsi que lespratiques s'y déployant. A partir de la figure du

cyborg et du cyberespace, deux emprunts à lascience-fiction, l'analyse distingue l'idée du renfor-cement du lien social de celle de la mise en scène dela diversité de la société (une expression équivalenteà celle mieux diffusée de « mixité sociale »(C. Ghorra-Gobin 2001b-).

1 . Cyberespace et Cyborg :la genèse de deux termes

Le terme « Cyberspace » créé en 1984 par leromancier de science-fiction, William Gibson', aimmédiatement été adopté par la critique littéraireet les artistes . C'est un composé des termes« cybernetic » et « space » qui désigne chez l'auteurles réseaux de communication électroniques dufutur préfigurant ainsi le réseau internet d'aujour-d'hui . Il inclut également l'ensemble des techniquesen mesure de créer une réalité artificielle, c'est-à-dire une simulation optique et immatérielle paropposition à la réalité physique. Gibson souligne lecaractère hallucinatoire du cyberespace :

« consensual hallucination experienced daily bybillions of legitimate operators, in every nation, bychildren . . . Unthinkable complexity . . . »

(William Gibson, Neuromancer, p . 67).

(« une hallucination consensuelle faite par desmillions d'opérateurs et d'enfants dans toutenation . . . Complexité impensable »)

Dans ce roman, le cyberespace est pratiquement« habitable » par les individus, et les rapportsphysiques entre les protagonistes du roman ne sontenvisagés que sous une perspective marchande.Autrement dit, les différents personnages ne serencontrent dans la réalité, que si cela est économi-quement avantageux. Ils hésitent à sortir de leursappartements et, la plupart du temps, leurs rapportsavec leurs interlocuteurs sont médiatisés . L'intriguede ce roman de fiction se déroule au XXI e siècle ; ununivers où la réalité est phagocytée par unmouvement technologique présentant le mondephysique ancien comme suranné et inondant lesutilisateurs de signes, qui constituent en soi unenouvelle réalité sociale.

Dans la lignée de Gibson, le terme « cyborg » –équivalent d'internaute en français – fut diffusé etinstrumentalisé par une philosophe féministeaméricaine, Donna Haraway, dans un article publiédans Socialist Review (1985) et plus tard dans unouvrage. Le terme cyborg évoque ce mixte d'êtrehumain et de machine qui apparaît certes déjà avecl'automobile, mais s'amplifie avec les technologies decommunication et d'information . Ce nouvel hybride

5 La thématique de la frontière est centrale dans l'imaginaire de la culture américaine cf. C .Ghorra-Gobin, « La "frontière ' ; espace de formation del' identité nationale américaine », Hérodote, n° 72-73, janvier-juin 1997, 170-180.

6 Rappelons que si Dona Haraway a réussi à faire du cyborg une figure centrale de l'univers des réseaux numériques, le terme a été inventé par unscientifique ayant travaillé pour la NASA (National Aeronautics and Space Administration) comme l'indique l'ouvrage collectif de Chris Hables Gray,The Cyborg Handbook (1995).

7 William Gibson, Neuromancer, Ace Book, 1984 .

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fascine mais il fait aussi peur : le cyborg doit à l'êtrehumain son substrat biologique mais il vit à l'aide deprothèses qui accroissent ses performances et rendentla vie plus intense . Surhomme sans pour autantéchapper à la condition humaine, individu évolué etpuissant, le cyborg commence à intéresser la réflexionanthropologique qui veut démontrer le lien ouencore la correspondance entre l'être humain et latechnique sans s'abandonner à la nostalgie d'unmonde disparu. Tout en inventant le termecyberespace, William Gibson n'a jamais explicitementabordé la question du jeu politique . Cette étape fut enpartie franchie par les féministes évoquant l'idée de

cyborg politics », une vie politique intrinsèque auréseau, autorisant les femmes à participer de manièreactive. En effet, comme dans le cyberespace, l'inter-naute ou cyborg est difficilement reconnaissable àson sexe, son allure physique et vestimentaire, leséchanges et débats sont susceptibles d'être mieuxcentrés sur le contenu des discours et la qualité desarguments . D'où une certaine opportunité sur lesfemmes.

Le concept cyborg (« a concept of persons who canfree themselves from the constraints of the environmentto the extent that they wished . And I coined this wordcyborg (Chris Hables Gray, The Cyborg Handbook,p. 95) — ainsi que celui de cyberespace rendent comptedu potentiel offert par les pratiques dans les réseauxnumériques.

2. L'individu et la communauté' :renforcement du lien social

Tout individu ayant accès aux réseauxnumériques a le choix de se retrouver dans les chatsproposés par certains portails (1), de naviguer à saguise entre différents sites pour s'informer ou toutsimplement se promener (2), ainsi que de rentrer encontact avec d'autres individus au travers de lamessageries personnelle (3) . Toutes ces opportunitésfont que le cyberespace autorise l'initiative indivi-duelle tout en renforçant le sentiment d'appartenanceà un réseau et à une communauté. Le sociologueBarry Wellmann parle ainsi de « personalizednetworking» qui met en évidence le réseau (y comprisles voisins) et l'initiative individuelle.

Dans l'étude menée à la fin des années 1990, surNetville — pseudonyme attribuée à une banlieuebranchée (digital neighborhood) de Toronto —l'équipe de Wellman s'est interrogée sur la nature dela vie sociale qualifiée on line et sa capacité àremplacer la vie sociale réelle qualifiée de life in theflesh (mettant l'accent sur le corps) . Leur étude —après avoir mis en évidence le rôle de la sphèredomestique dans l'articulation entre le travail, lesloisirs et les relations sociales, et le rôle de comman-dement ou encore de pivot central qu'il joue danscette articulation — réussit à démontrer combien lecyberespace est en mesure de renforcer les liens de

voisinage . Netville est un lotissement de 120 maisonsindividuelles (avec 3 ou 4 chambres à coucher) dontle prix est inférieur de à 7 % à la moyenne des prixpratiqués dans le secteur géographique . Les habitantsont disposé de l'installation gratuite du matériel àcondition de participer activement à l 'étude . Leschercheurs ont interrogé de manière continue leshabitants sur le mode online et offline en résidant àNetville pendant deux ans . Ils ont ainsi participé à lavie de quartier en adoptant la méthode d'obser-vation-participation à l' image du célèbre sociologueHerbert Gans (reconnu pour son étude surLevittown dans les années 60).

D'après les recherches menées par lessociologues en Amérique du Nord, les relations devoisinage représentent moins du quart de l'ensembledes liens sociaux tissés par la moyenne des ménages :une douzaine de voisins sont ainsi identifiés commedes personnes avec lesquels on échange des propos.Quelques-uns des ménages connaissent etfréquentent régulièrement un ménage voisin (parmila douzaine) qu'ils inscrivent dans leur réseau derelations sociales . Ce constat ne s'explique pas enraison d'un manque de culture civique mais toutsimplement du fait que la proximité spatiale n'est pasa priori un facteur contribuant à forger une certaineamitié entre voisins . Mais la formation des relationssociales à Netville diffère sensiblement de celles'opérant dans des lotissements non-branchés . Lesrelations sociales y sont plus riches qu'ailleurs : leshabitants sont en mesure d'identifier trois fois plusde résidents, ils ont parlé avec deux fois plus derésidents et ils ont été invités une fois et demie deplus par des ménages voisins . Plus de 80 % desmessages circulant entre les résidents portaientessentiellement sur la vie de la communauté.

La communauté n'est pas liée à la simpleproximité spatiale (comme le démontrent lescommunautés virtuelles circulant dans lecyberespace) mais force est de constater quel'intensité des relations dans le cyberespace peut aiderà qualifier une communauté reposant sur le principede la proximité spatiale . Le cyberespace influe sur lamanière dont les individus maintiennent leursrelations sociales à l'échelle du voisinage. Décrire,comprendre et expliquer la nature de l'articulationentre community on online (communauté virtuelle)et community offline (communauté non-virtuelle),représentent la prochaine étape de la recherche qui,pour le moment, confirme simplement la regéné-ration du lien social par le biais du cyberespace.Certains chercheurs partagent l'idée selon laquelle lesrelations dans le cyberespace ne sont viables à moyenterme que si elles servent à maintenir le contact entreindividus avec pour perspective une prochainerencontre dans l'espace physique.

L'idée d'une solide interpénétration entre lecyberespace et l'espace physique qui reste à

8 Le chercheur américain fait peu de différence entre réseau et communauté.

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démontrer, confirme le potentiel de la figure ducyborg . Mais peut-on parler d'espaces publicsémergents ou encore évoquer la contribution ducyberespace à la vie politique ?

III . Espaces publics, mixité socialeet/ou cyberdémocratie ?La thématique des espaces publics ayant été

problématisée par Jurgen Habermas et RichardSennett – qui, il y a quelques décennies, ont confirmél'hypothèse de leur progressive dématérialisation auprofit de l'espace médiatique et de la communication– il paraît logique de se demander dans quelle mesurele cyberespace participe de cette dématérialisation etcontribue à enrichir l'espace du débat public.

1 . Espace privilégié des pouvoirset des contre-pouvoirs'

Compte tenu de la dynamique des réseauxvirtuels, le cyberespace peut être perçu comme unespace favorable à la dynamique du contre-pouvoirou tout simplement la dynamique associative(ONG), en dehors de toute hiérarchie . Il peut servirde support à l'organisation de groupes de pression,faciliter leurs échanges, en dehors de l'existenced'une figure charismatique au niveau du leadership.Il peut également être instrumentalisé par toutmouvement ayant la volonté de mener une certainepropagande, comme le sous-entend le terme

cyberpropagande » (Serfaty 2003).

Toute « mobilisation connectée » utilisant lecyberespace s'appuie principalement sur la newsletterenvoyée par une association à ses membres . Cejournal fait mention des utilisations possibles desréseaux de communication électroniques par lesmilitants de l'organisation : pétitions online, envoi enmasse d'emails à des politiques, sites web relatant lamobilisation de personalités du monde du spectacleet des arts pour une cause commune, et plussimplement de « mots d'ordre » (et/ou agendas)disponibles en ligne . Le cyberespace – tout commed'ailleurs l'ensemble des dispositifs de communi-cation fonctionnant sur des technologies similaires(téléphones portables, agendas électroniques, etc.) –devient un allié important de tout groupe demilitants . Ce type d'organisation est autant valablepour ATTAC (mouvement altermondialiste), quepour toute autre forme de mobilisation spontanéecomme les flashmobs . Comme le racontent lesmédias, il arrive que des volontaires préalablementinscrits sur un site spécialisé reçoivent, peu avantl'heure H, un e-mail fixant un lieu de rendez-vous.Sur place, ces complices se font remettre lesconsignes à suivre (par écrit) et convergent vers la

cible visée, un grand magasin ou un espace publicpeu fréquenté . A l'heure convenue, chacun exécutedevant des passants déconcertés une actionincongrue ou dénuée de toute signification intelli-gible (applaudir pendant soixante secondes) . Lascène ne dure que quelques instants et les individusse dispersent . Les effets en termes de réactivité et dediffusion à grande échelle des informations par lecyberespace, ne doivent pas être sous-estimés.

Aussi s'il est difficile de dire que le cyberespaceintroduit de nouvelles formes de mobilisation, onadmet qu'il « amplifie » des formes traditionnellesd'information, de mobilisation, d'influence, voire depersuasion. Les mobilisations contre la guerre en2003, et de manière plus générale contre la mondiali-sation lors des différents « sommets » des nationsdites « riches », – tel le Forum de Davos ou les G7,devenus G8 –, dans le cadre de Forum Social de PortoAllegre (2002 et 2003) et Forum Social Européen(2002-2003), font usage des réseaux numériques . Lecyberespace peut certainement concurrencer lemonopole de la hiérarchie politique qui sévit sur depuissants médias et favoriser la démocratie de base.Mais l'analyse des pratiques souligne, comme l'écritMark Poster, que si les internautes sont en mesure dediscuter sur un pied d'égalité, ils ne sont pas tousenclins à avancer des arguments rationnels . En effet,le manque de rigueur et de clarté que l'on peut liredans les propos tenus par les internautes, peut diffici-lement conduire à une véritable délibération.

Le cyberespace facilite l'échange, l'informationet la communication entre les individus mobilisésdans le cadre de la défense d'une cause, notammentdans le cadre de mouvements qualifiés de leaderless.Mais le cyberespace, en autorisant le port du masque,comme l'exprime clairement le mot « cyborg », estdevenu un espace où sévit la confusion, voire mêmela violence. Difficile de compter sur le cyberespacepour garantir un « réveil citoyen ».

2 . Trois formes : e-government, cyber-démocratie et cyborg politics

La cyberdémocratie se présente comme uneposture intellectuelle visant à réactiver la démocratieà partir d'une exploitation rationnelle des potentia-lités positives des réseaux numériques : mieuxutiliser le virtuel pour mieux habiter le territoire . Enfait, cette notion ne se limite pas uniquement au voteen ligne, comme l'écrit Pierre Lévy qui parleégalement d'« intelligence collective », parce querétive . Ce courant, prônant l'avènement de lacyberdémocratie, présente des arguments en phaseavec un autre courant visant à la modernisation del 'administration publique (niveau local ou niveaucentral) . Ce dernier se réfère à « e-government », unprocessus de transformation de la sphère adminis-

9 On n'abordera pas ici la thématique du risque de rumeurs susceptibles d'être amplifiées dans le cas de la mobilisation connectée ainsi que celui del'avènement de nouveaux pouvoirs difficilement identifiables . Il est vrai que le cyberespace est susceptible de devenir l'instrument privilégié d'unpouvoir qui, parce qu' il ne se loge plus dans un lieu, est difficilement identifiable.

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CYNTHIA GHORRA-GOBIN

trative à l'image de ce qui se produit dans la sphèrede l'entreprise (e-business).

Les réseaux numériques autorisent l'apparitionde l'administration électronique se traduisant parune dématérialisation de l'ensemble des démarchesadministratives. L'hebdomadaire The Economist(« The next revolution : a survey of government andthe internet », 24 juin 2000) a consacré un numérospécial sur cette modernisation des administrationspubliques en prenant des exemples d'Amérique duNord. Un article relate ainsi l'expérience de serviceson-line dans l'État de l'Arizona, politique initiée en1996 où 15 % des renouvellements de cartes pour lavoiture sont désormais faits par internet, ce quipermet à l'administration d'économiser 1,7 millionde dollars par an . Toute transaction avec l'adminis-tration revient généralement à 6,60 dollars alorsqu'elle n'est plus que de 1,60 dollar par l'Internet.L'entreprise IBM, qui a mis en place le systèmeinformatique, récupère 2 % du montant total de latransaction . L'État fédéral canadien s'est égalementappuyé sur Internet pour transformer son adminis-tration et prévoit ainsi que d 'ici 2005, 130 services detrente ministères seront mis en ligne sur les sitesfédéraux. Dans un reportage sur l'e-gouvernement enFrance (Les Echos, 19 mai 2003), le président del'Agence pour le développement de l'administrationélectronique (ADAE) explique comment le service aupublic est susceptible d'être réinventé tout commed'ailleurs les conditions de travail des agents publics.Dans le classement des e-gouvernements, le Canadavient au premier rang, suivi de Singapour et desEtats-Unis, la France se situant au douzième rang.

La thématique de la cyberdémocratie, quiconcerne les modalités du jeu politique, peuttoutefois être difficilement abordée si elle ne s'inscritpas dans la lignée des termes cyborg et cyborg politics.Les féministes partent du principe que les femmesont réussi dans la seconde moitié du XXe siècle àreprésenter un pourcentage non négligeable de lapopulation active, mais qu'elles continuent d'êtrefaiblement représentées dans les structures de la viepolitique. Elles en déduisent que la cyborg politics– enfaisant disparaître le profil du sexe et de la couleur depeau – présente un certain intérêt pour les femmessoucieuses de contribuer au débat politique et dedevenir des acteurs de la vie politique . Mais inscrire lacyberdémocratie dans la continuité de la cyborgpolitics revient à imaginer un régime démocratiquerégi par une certaine hybridité entre les relations depouvoirs s'opérant dans le cyberespace et celles sedéroulant dans la vie politique et sociale habituelle(pour ne pas dire réelle) . Proclamer la cyberdémo-cratie revient à théoriser en fait l'hybridation entredémocratie de représentation et démocratie departicipation, à l'image de Tracy Westen (présidentede grassroots .com). Le cyberespace est perçu commeun moyen de réactiver le système référendaire dans

une culture politique où l'initiative du référendumrevient à la société civile . Les citoyens seraient amenésà voter pour des questions de politiques relatives àdes intérêts précis et spécifiques (construction d'uneautoroute), tandis que les hommes politiques sontchargés de la mise en place de mesures et d'ajuste-ments nécessaires . Ce contexte politique hybridedistingue ainsi deux modalités interactives : un débatentre citoyens sous la forme de cyber-pétitions et undébat (plus traditionnel) entre citoyens et élus.Difficile en effet d'imaginer une vie politique limitéeà de purs esprits et ne prenant pas en compte le corpsqui participe de l'identité de tout individu.

Tout en étant sensible aux arguments en faveurde l'avènement de la cyberdémocratie, force est deconstater que le cyberespace est vide de toute formede contrôle social et qu'il se caractérise par uneabsence totale de contraintes ritualisées telle qu'ellesexistent dans les espaces physiques . C'est dans cetteoptique que s'inscrivent les arguments de LawrenceLessig pour lequel les logiciels structurent, plus queles lois, les pratiques sociales dans le cyberespace . Leslogiciels sont ainsi perçus comme les paramètres réélsde la liberté dans le cyberespace . Lessig est en faveurd'une architecture plus maîtrisée et plus contrôlée ducyberespace, de manière à éviter toute forme dechaos : les États devraient inventer des modalités decontrôle et ne pas se limiter à interdire l'accès à dessites détenus par des néo-nazis . Il constate que lesecteur commercial manifeste déjà le souhait d'uneidentification de tout internaute et il craint que cettedisparition de l'anonymat ne se fasse au profitd'entreprises fabriquant des logiciels . Pour prévenirtoute prise de pouvoir par le marché et préservercertaines libertés de l'individu, Lessig – expert dans leprocès antitrust contre Microsoft en 1997 – plaidepour que l'Etat intervienne pour défendre les valeursciviques du cyberspace.

Conclusion :Le cyberespace : une responsabilitéde l'État"

L'avènement du cyberespace est indissociabled'une décision de l'Etat qui, aux Etats-Unis, aautorisé des chercheurs à explorer les potentialités decommunication offertes par les réseaux numériques.Les chercheurs ont en effet revendiqué l'opportunitéde tester et simuler ce qui pourrait être la société dedemain parce qu'ils considéraient le cyberespacecomme un espace sans contrainte. En de début deXXi e siècle, le contexte n'est plus le même dans lamesure où le cyberespace – où se jouent le meilleur etle pire – est désormais largement investi par lesentreprises comme par la société civile . Dessociologues ont réussi à démontrer combien le

10 Toutes les réflexions liées au terrorisme, qui occupent une place non négligeable dans la littérature sur les réseaux numériques sous l'intitulénotamment de virtual nations, n'ont pas été abordées ici.

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LA FIGURE DU « CYBORG » DANS LE CYBERESPACE :

MYTHE TECHNICISTE OU ESPACES PUBLICS ÉMERGENTS ?

cyberespace pouvait contribuer au capital social aprèsavoir mis en évidence l'avènement deréseaux/communautés où se jouent les échangesd ' information ainsi que la sociabilité (1), le renfor-cement de l'initiative individuelle au travers del'expression personalized networking (2) (un point devue qui élimine tout risque de dilution du moi), ainsique (3) l'accroissement des capacités d'informationdes individus et des associations (ONG), quidésormais peuvent prendre connaissance des textesofficiels (affichés dans un site) et ainsi participer audébat public (dans le cadre notamment de réunionspubliques pour l'aménagement) . Ce troisième pointest non négligeable parce qu'il permet d'affirmer quele cyberespace contribue et ainsi légitime l'avènementde la démocratie de participation (un volet de la viedémocratique), indissociable de la démocratie dereprésentation.

La capacité d'invention politique que certainsattribuent au cyberespace – posture intellectuelledifférente de la thématique des villes numériques selimitant à une simple modernisation de l'adminis-tration publique – se lit au travers de la diffusion desmots comme cyberdémocratie et la politique ducyborg . On entend par cyborg politics la capacité quese donnent des associations (ONG) pour s'organiseret faire prévaloir leurs points de vue dans la sphèrepolitique, comme par exemple la mise en oeuvre d'unréférendum sur l'initiative de la société civile . EnCalifornie, certains estiment que le cyberespace afacilité l'organisation du référendum en vue dedestituer le gouverneur de son poste (octobre 2003),alors qu'il y avait été élu il y a à peine un an (octobre

2002) . En revanche l'élection du nouveau gouverneura principalement reposé sur les qualités

charismatiques du candidat et sur une campagne où il a réussià convaincre les électeurs de sa capacité à régler lesaffaires politiques. Cet exemple autorise à penserl'avènement d'une cyberdémocratie comme une fortehybridation entre démocratie de représentation etdémocratie de participation . On peut en conclure quetout électeur a encore besoin d'assister à un débat à latélévision mettant en scène les candidats et que,quelle que soit la qualité des sites des candidats, cesderniers ne suffisent pas à mobiliser l'électeur.Reconnaître la contribution du cyberespace dans lavie politique exige l'intervention de l'Etat pour penserl'architecture des logiciels régissant le cyberespace.

Tout en reconnaissant les qualités ducyberespace, sa capacité à susciter du lien social ainsique les potentialités offertes pour tout ce quiconcerne le registre de la démocratie de partici-pation, difficile d'y reconnaître l'émergenced'espaces publics en mesure de mettre en scène lasociété dans sa diversité ou encore la mixité sociale".L'analyse du cyberespace confirme la visiond'Habermas préconisant une progressive dématéria-lisation des espaces publics au profit de lacommunication . Par conséquent, la question desespaces publics en tant que lieux privilégiés de lamixité sociale exige d'être reformulée et reconcep-tualisée pour assurer la continuité du mythefondateur de la ville.

Mots-clés : réseaux numériques, cyberespace, cyborg,science-fiction, espaces publics, cyberdémocratie

11 La non-mise en scène de la mixité sociale ne s'explique pas en raison de la fracture numérique (soit le pourcentage limité de la population y ayantaccès) mais en raison des caractéristiques même du cyberespace .

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CYBERESPACE, PARTICIPATION DU PUBLICET MOBILISATIONS CITOYENNES

Philippe BLANCHERDirecteur du Département Aménagement, Environnement et Développement Durable,

ASCONIT Consultants

Le développement d'Internet (éventuellementcouplé à d'autres technologies de l'information etde la communication) permet-il véritablement,comme certains le prétendent, une plus grandetransparence de l'action publique, une meilleureprise en compte des attentes et des points de vue descitoyens dans l'élaboration et la mise en oeuvre despolitiques publiques, une plus grande participationdes citoyens à la décision, au travers, en particulier,de nouvelles formes de mobilisations citoyennes ?Sans répondre pleinement à cette question, cetarticle' apporte des éléments de réflexion basésd'abord sur une analyse des recherches et de lalittérature sur le sujet, sur la description de quelquessites et démarches, principalement dans le champdes politiques publiques de l'aménagement, del'environnement et des transports.

Une attention particulière a été portée àl'action et au rôle des organisations intermédiaires(associations et autres regroupements de citoyens,syndicats, partis politiques . . .) : organisationsconstituées autour des questions d'aménagement etd'environnement, mais aussi associations etmouvements mobilisés pour un usage démocra-tique d'Internet.

Après un ensemble de réflexions d'ensemble surles potentialités d'Internet et la façon dont lesdifférents acteurs s'en saisissent, la présentation desrecherches et expériences est organisée autour detrois moments de l'interaction pouvoirs publics / or-ganisations intermédiaires / citoyens : informer,former ; consulter, concerter, débattre ; agréger lespoints de vue / voter . En pratique, il y a uneimbrication entre ces différents moments . Toutefois,cette distinction renvoie à des interrogationsdifférentes, à des processus, des technologies, desmodalités de mise en forme et de circulation del'information différents . Il nous est apparu souhai-table d'adopter une démarche résolument positived'exploration des possibles tels qu'ils se révèlent ycompris dans des travaux de recherche, sachantqu'en France, tout au moins, les expériences réellesayant donné lieu à une analyse des usages et à unevéritable évaluation, sont rares, pour ne pas direinexistantes' .

Les TIC, à distance du mythe,des atouts potentiels réels

Capacité, sans précédent, d'accès et de diffusionde l'information, possibilité de favoriser desdémarches interactives et la mise en réseau desacteurs sociaux. . . : a priori Internet présente desatouts majeurs pour une plus grande participationcitoyenne . Toutefois, les processus démocratiquesne se limitent pas à une circulation techniquementefficace de l'information . L'orientation de notretravail s'est voulu ni pro-, ni anti-Internet, àdistance tant du mythe de la cyberdémocratie quede sa critique radicale . Mais il nous est paruintéressant de partir des critiques théoriques de cemythe et des expériences concrètes qui l'invalident,pour nous poser la question des conditionspratiques et des innovations, tant sociopolitiquesque technologiques, susceptibles de surmonter les«handicaps» d'Internet, et plus généralement desnouvelles technologies de l'information, et d'envaloriser les atouts.

Des outils opposés à l'exercice traditionnelde la citoyenneté sociopolitique ?

Luc Vodoz 3 propose une critique théorique destechnologies de l'information et de la communi-cation modernes (TIC) qui nous paraît intéressantepour évaluer l'apport réel et les « handicaps » destechnologies de l'information et de la communi-cation . Il considère en effet que les TIC – et leurcongruence à la globalisation culturelle – entraventl'exercice traditionnel de la citoyenneté sociopoli-tique, dans la mesure où, en modifiant lesconditions et les modalités d'exercice de lacitoyenneté, elles en fragilisent la substance.

Par contre, il reconnaît que les TIC constituentdes instruments utiles au développement denouvelles formes de citoyenneté sociopolitique, ladémonstration de cette deuxième hypothèse n'étantpas apportée dans l'article, mais nous reviendronssur ce point un peu plus loin.

A l'appui de la première thèse, il développequatre arguments :

1 Cet article s'appuie sur une étude réalisée par l'auteur pour le CPVS (DRAST), dans le cadre du centre d'études Économie et Humanisme.2 Voir, toutefois, la publication prochaine des travaux menés dans le cadre du Programme de recherche « Concertation, décision et environnement —

Quelles places et quels impacts pour les NTIC ? » du ministère de l ' Écologie et du Développement Durable (MEDD).3 « Citoyenneté et territoire à l' heure des NTIC » (Vodoz, 2001a, pp . 239 à 263) .

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PHILIPPE BLANCHER

— la dilution de l'information dans une « communi-cation » (unilatérale) de plus en plus déferlante etpléthorique nuit à l'exercice de la citoyenneté' ;les caractéristiques techniques des TIC et leursconditions d'utilisation induisent des pratiquesrelationnelles peu propices, voire incompatiblesavec la délibération politique ;la « globalspécialisation » [élargissement descentres d'intérêt et des motifs de mobilisation,mais avec des spécialisations thématiques propresà chacun] correspond à un affaiblissement del'intégration citoyenne ;les TIC contribuent à promouvoir des représenta-tions territoriales virtuelles, c'est-à-dire desperceptions du territoire factices.

Autre argument, qui n'est pas repris ici, maisque l'on trouve dans d'autres textes de Luc Vodoz(Vodoz, 1998, p. 13), c'est celui de la « fracturenumérique », des risques d'exclusion d'une partiede la population liés à plusieurs facteurs : usage del'écrit, de l'anglais, compétences techniquesrequises, distribution inégalitaire de l'accès à cemédia . ..

De nécessaires innovations technologiqueset sociopolitiques

Dans l'évaluation de la contribution d'Internetaux processus de participation, deux précautionsnous paraissent indispensables . La première est detoujours penser l'usage d'Internet en lien et encomplémentarité avec d'autres canaux et d'autresprocédures . La seconde est de ne pas en demandersystématiquement plus à ces techniques qu'auxmodes traditionnels, et de ne pas imputer à cestechnologies des dysfonctionnements ou desdifficultés que l'on trouve classiquement dans toutmode de concertation et de participation, sauf sileur amplification est prouvée : faible participation,monopolisation de la parole par certains groupes depression, interventions hors-sujet ou renvoyant àdes préoccupations très individuelles . ..

Différents phénomènes politiques, sociaux etorganisationnels font que souvent des procédures dedémocratie participative ne sont pas sincèrementmises en oeuvre ou ne marchent pas bien.Phénomènes que les nouvelles technologies nepermettent pas, en elles-même, de surmonter, saufpar contournement, par exemple, lorsqu 'uneassociation récupère, via Internet, des informations(un rapport officiel, l'expérience d'autres villes . . .),qui renforcent ses capacités de proposition et denégociation sur une scène locale, face à des représen-tants des pouvoirs publics jouant la fermeture .

Internet et les nouvelles technologies de l'infor-mation peuvent, au moins dans un premier temps,renforcer des blocages, susciter des craintes chez desreprésentants des pouvoirs publics et de citoyens peufamiliarisés par ces techniques . Il est donc importantde réfléchir aux innovations sociopolitiques quidoivent accompagner l'innovation technologique.De ce point de vue, les réflexions et les initiatives desassociations militant pour un usage démocratiqued'Internet sont particulièrement intéressantes.

Appropriation des TIC par les acteurset transformation du systèmed'acteurs

Transparence dans l'administration publiqueet exercice de la citoyenneté

Les qualités prêtées à Internet sont congruentesavec celles attendues de gouvernements et d'admi-nistrations « modernes » : transparence, capacitésd'interactions directes avec les citoyens . ..

Au cours des dernières décennies, le droit descitoyens à l'information sur tout sujet lesconcernant et la transparence dans l'administrationpublique se sont affirmés comme des principes fortsde l'action publique, traduits dans un certainnombre de textes au niveau national et interna-tional . Mentionnons, en particulier, au niveaumultilatéral, la directive n° 90/313 du Conseil du7 mai 1990 qui traite de la liberté d'accès à l'infor-mation en matière d'environnement, ou laconvention sur l'accès à l'information, la partici-pation du public au processus décisionnel et l'accèsà la justice en matière d'environnement signée àAarhus (Danemark), le 25 juin 1998.

Internet peut être un moyen d 'assumer cesobligations d'information et de transparence defaçon plus efficace, d'ailleurs la Conventiond'Aarhus incite les pouvoirs publics à en faire usageet plusieurs travaux ont été menés dans ce sens'.

Quels usages et quelle appropriationpar les pouvoirs publics ?

Les usages potentiels d'Internet par les pouvoirspublics sont multiples, relevant de l'administrationélectronique (e-administration) ou de la démocratieélectronique (e-démocratie) . Plusieurs programmesaux niveaux national et européen' visent à renforcerces deux types d'usages . Toutefois, comme le montreAndrew Chadwick dans un article de 2001, au niveau

4 Sur cet argument, voir aussi Bertrand Labasse (Labasse, 2002).5 Voir les communications faites sur ce sujet dans le cadre du 15ème symposium international L' informatique pour la protection de l'environnement,

Sustainability in the Information Society v, 10 au 12 octobre 2001 à l'ETH de Zürich (Kleindienst et alii, 2001 ; Johansen et alii, 2001).6 Citoyens et gouvernance dans une société de la connaissance, 6ème, Programme Cadre.

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CYBERESPACE, PARTICIPATION DU PUBLIC ET MOBILISATIONS CITOYENNES

Tableau n° 1 : Trois modèles d'interaction pouvoirs publics/citoyens

Managerial Consultatif Participatif

Rôle dugouvernement

Régulateur : répondre auxbesoins de la nouvelle économie,mise à disposition plus rapide etplus efficace de l' informationaux citoyens et usagers .

Régulateur : répondre auxbesoins sociaux tels qu'expriméspar voie électronique. Meilleureoffre politique pour les citoyenset les usagers .

Protecteur de la libre expression,mais peu au-delà . La sociétécivile existe indépendamment del ' Etat et est (sera) médiatiséeélectroniquement.

Principauxacteurs etintérêts

Le gouvernement et ses clients,les médias

Le gouvernement, ses«consommateurs» et lesgroupes d'intérêts

Les associations et les groupesd'intérêts interagissentspontanément dans lecyberespace . Ils utilisentl'information glanée à travers ladélibération pour influencer legouvernement.

Fluxd'information

Unidirectionnel dugouvernement vers les citoyens,mais aussi souci d'améliorer lacirculation de l'information ausein de l'administration

Unidirectionnel dugouvernement vers les citoyensou des citoyens vers legouvernement

Discursif et complexe : entrecitoyens, du gouvernement versles citoyens ou des citoyens versle gouvernement.

Principauxmécanismesd'interaction

Paiement des impôts et taxes enligne, démarches pour obtenirdes indemnités sociales,«guichet unique», mise à jourdes informations personnellesdétenues par les administrationspubliques, études de marchépour les pouvoirs publics,fourniture d'information sur lesactivités et programmes dugouvernement à destination dupublic et des médias

Vote en ligne ; sondagesd'opinions instantanés;contributions des électeurs et desgroupes d'intérêts adressées augouvernement; référendumsconsultatifs; conseilsmunicipaux ou réunionspubliques en ligne .

Mécanismes pluralistes,autonomes, tels que listes dediscussion, Usenet, protocole«peer to peer», «cyber sociétécivile» . Le temps et la distancesont comprimés, facilitant unaccroissement de la participationpolitique.

Capacité descitoyensd'interagir

Considérations largementabsentes

Un problème technique, qui serarésolu grâce à des technologiesmeilleur marché et plusaccessibles .

L'accès est suffisant pourencourager une plus largeparticipation politique.

Logique dedéfinition

«Fourniture de service» etcommunication publique

«Efficacité technique» etamélioration du taux de succèsdes politiques

«Délibération»

et participation

Source : Chadwick Andrew, May Christopher (with), 2001.

des usages effectifs dans les différents pays européens,1'e-démocratie reste peu promue . Chadwick s'appuied'une part sur une analyse des données recueillies àtravers les enquêtes menées dans le cadre duprogramme du Cyberespace Policy Research Group . Ceprogramme évalue les sites publics de différents pays,en particulier européens et nord-américains, du pointde vue de la transparence et de l'interactivité, à l'aided'une batterie d'indicateurs . Il en ressort que lespromesses de l'Internet sont loin d'être tenues.Chadwick distingue alors trois modèles d'interactionpouvoirs publics / citoyens susceptibles de sedévelopper à travers Internet (voir tableau n° 1 : Troismodèles d'interaction pouvoirs publics I citoyens) :managérial, consultatif et participatif. Et, sur la base dedocuments émanant des gouvernements américain etanglais, ainsi que de la Commission européenne,l'auteur propose une analyse comparative des déclara-tions politiques sur le rôle des TIC dans l'exercice dugouvernement des États depuis le début des années 90.Il en conclut que les possibilités démocratiques

d'Internet seront vraisemblablement marginaliséesdans la mesure où un modèle managérial d'inter-action devient dominant.

Chadwick perçoit toutefois la possibilité dedéveloppement de modèles participatifs à un niveaulocal comme le montrent quelques exemples démons-tratifs : le Santa Monica's PEN (Public ElectronicNetwork) project [http://santa-monica.org/cm/] ou leprojet Phoenix-at-your-fingertips [http://phoenix .gov/](Wilhelm, 2000, pp. 132-138) . Toutefois, il considèreen même temps que de tels projets ont nécessité untemps considérable pour élargir (même de façonmarginale) l'implication des citoyens dans la viepolitique locale, et qu'ils ont révélé la résistance despouvoirs publics locaux à ces formes de participationdirecte des citoyens. Ces résistances amènent certainsgroupes à développer des espaces de débat indépen-dants des pouvoirs publics, parfois avec un succèsimportant, comme dans le cas du projet Minnesota E-democracy (Dahlberg, 2001) .

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PHILIPPE BLANCHER

Quels usages pour les organisationsintermédiaires ?

Ceci nous amène à considérer la façon dontInternet est approprié par les organisationsintermédiaires (associations, syndicats, partispolitiques, organisations économiques et autresgroupements d'intérêt) . L'actualité des dernièresannées a montré à quel point le mouvement ditaltermondialiste avait su utiliser Internet pours 'organiser et mener ses actions (Granjon, 2002 ;Cardon & Granjon, 2003).

Une équipe dirigée par Luc Vodoz a réalisé uneétude sur l'impact d'Internet pour les organisationsintermédiaires en Suisse (Vodoz et alii, 1998)'.Relativement ancienne, elle reflète imparfaitementla situation actuelle, sur une question où les chosesbougent vite, mais elle apporte toutefois deséléments de réflexion intéressants.

Diffuser de l'information « tous azimuts » pourfaire connaître l'organisation, rechercher desinformations utiles pour son action, se doter d'unmode de communication interne rapide et bonmarché (e-mail, intranet), développer des relations etse coordonner avec des organisations alliées, tellessont les principales motivations pour investir leréseau, telles qu'elles ont été exprimées par les organi-sations intermédiaires enquêtées . De plus, raresétaient les organisations qui valorisaient réellementles potentialités d'Internet en termes de relations bi-ou multilatérales avec les citoyens : « Ce média sertgénéralement d'abord à la communication entreorganisations intermédiaires « amies », ou à l'infor-mation « top-down » non ciblée : pratiquementtoutes les organisations intermédiaires consultées sebornent encore essentiellement à reproduire « enligne » les situations de communication qui prévalentavant l 'apparition d ' Internet ». Ainsi, les critèresd'évaluation de la transparence et de l'interactivité desites Internet d'administrations publiques, tels quenous les avons vus ci-dessus, pourraient très bien êtretransposés aux sites d'organisations intermédiaires.

L' investissement pour la création d 'un site peutêtre faible . Cependant, nombre d'organisations seheurtent aux coûts de fonctionnement nécessairespour gérer un site Internet de manière dynamique etcréative : « Pour qu'un débat « en ligne » soit dequalité – et c'est aussi de sa qualité que dépendra laquantité des participants – il faut qu'il soit animé parune personne compétente . Et plus globalement,l'attractivité d'un site est liée à l'actualité desinformations qu'il contient – avec pour conséquenceun effort important à fournir pour sa mise à jourrégulière ».

A noter toutefois que l'on trouve des petitesassociations disposant de moyens limités et qui

tablent sur un élargissement important de leuraudience grâce à un investissement fort dansl'animation de leur site (voir l'exemple dePrévention 2000 présenté plus loin), souvent en yconsacrant un temps bénévole très important.

Il est plus facile d'utiliser Internet pour fairecirculer des pétitions électroniques, mais le risquede fraude ou de « hoaks » est important . Aussi, pourdes problématiques locales, la pétition écrite et lecontact direct sont souvent préférés. Il existe dessites dédiés aux pétitions électroniques qui offrentleurs services aux groupes qui en font la demande :http://www.cyberacteurs .org/ ;http://www.lapetition.com/centre .cfm ;http://www.petitiononline .com/.

Un point important à souligner, que nousretrouverons dans les études de cas, est le fait que denombreux sites d'organisations intermédiairesproposent des liens vers les sites d 'administrationspubliques auxquelles ils s'opposent, voire offrentdes liens informatiques directs avec des sites d'orga-nisations « ennemies » (Vodoz et alii, 1998, p. 4).

Des progrès importants restent donc à réaliserpour permettre une meilleure appropriationd'Internet par les organisations intermédiaires, etpour que celles-ci l'utilisent comme moyen derenforcer le débat démocratique et la participationdes citoyens.

Concernant le premier point, le Canada a misen place un programme (Volnet) destiné à favoriserl'appropriation d'Internet par les associations(Phillips Susan, 2000) . Sur le deuxième point, il fautmentionner les actions et le rôle joué par les associa-tions et mouvements pour un Internet citoyen(Peugeot, 2001), représentés en France par I3C(Internet Créatif, Coopératif, Citoyen,http://www.i3c-asso.org/).

Transformations des rapports de force au seindes systèmes d'acteurs

On constate toutefois que des individus ou desassociations, prêts à investir du temps et des moyenspour utiliser Internet tant pour collecter de l'infor-mation que pour la diffuser, peuvent améliorer lerapport de force en leur faveur dans un débatpublic.

En face, les pouvoirs publics investissent lesnouvelles technologies souvent avec beaucoupmoins de facilité, et ce pour différentes raisons . Lanécessité de garantir, dans le temps, un service dequalité à tous, en limitant les discriminations, estune exigence forte pour un État démocratique quicomporte des contraintes réelles. Mais, par ailleurs,des possibilités d' innovation sont freinées par des

7 Voir aussi : Pargmegiani M ., Sachdeva T. : Renseignements et politiques officielles concernant l'utilisation de la technologie de l'information, d'Internetet du Web par le secteur du bénévolat : rapport international, Centre canadien de philanthropie, septembre 2000.

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CYBERESPACE, PARTICIPATION DU PUBLIC ET MOBILISATIONS CITOYENNES

lourdeurs administratives ou des restes d'une culturedu secret, totalement anachronique lorsque l'onconstate que certains acteurs sociaux (mais pas tous)disposent de plusieurs canaux alternatifs pourrécupérer l'information. Les contraintes administra-tives pèsent particulièrement en lien avec des sujetssensibles, tels que la gestion des risques, dans lesquelsla responsabilité, y compris pénale, de certainsfonctionnaires peut être engagée . Et ceci, alors mêmeque des possibilités s'ouvrent permettant auxpouvoirs publics de mieux remplir leur mission et derépondre à des attentes fortes des citoyens.

Un des promoteurs, en France, du débat citoyensur Internet Jacques Chatignoux(http ://www.developpement-durable .net/), analyseainsi la situation :

« Dans une société de l'information en réseaux, lanotion d'acteur implose pour faire émerger d ' aborddes individus porteurs d'énergie. Ces derniers, dans lecontexte financier et d'usage de logiciels libres évoquéci-dessus, pèsent autant qu'une institution obligée ànaviguer avec toutes les pesanteurs classiques d'uneorganisation dont une des difficultés est constituée parles habitudes culturelles et professionnelles des collabo-rateurs gestionnaires, alors même que nous sommesdans un monde en mouvement rapide et incertainimpliquant capacité prospective, réactivité et vision dumonde. Le concept même d'énergie reprend toute savaleur et l'on voit bien qu'en ce domaine, la puissancepublique a du mal à rivaliser avec les individus. Dansl'information émanant de ce qui s'appelle tradition-nellement la puissance publique, il est rare qu'uneinformation ne soit pas soumise à une quelconque«autorité» avant diffusion, ce qui provoque souventdes lenteurs voire des erreurs en termes de réactivité.L'internaute porteur, de son point de vue, d'uneinformation à vocation d'intérêt général, décide seulou en petite communauté de la publier, et sa réactivitéest de quelques heures voire instantanée (via les listesde discussion, ce qui en amplifie l'impact).

Ceci peut permettre à un groupe d'individus decontrôler la communication interne et externed'une association ou d'un collectif, et d'y acquérirun poids important . Ainsi, Marie-Gabrielle Suraud(Suraud, 2003) 8 a étudié le rôle d'Internet dans lesdébats sur l'avenir du pôle chimique de Toulouse.Elle montre comment deux personnes ont puacquérir une position hégémonique au sein de laCommission Sécurité Environnement du CollectifPlus jamais ça, ni ici, ni ailleurs, et par là mêmeinfluencer très fortement la position du mouvementen faveur de la fermeture du site . Ces deuxpersonnes cumulaient les capacités de maîtrise dudossier technique et de la technologie Internet, etelles ont pu utiliser la liste de discussion mise enplace pour assurer la communication au sein du

Collectif afin d'avancer des propositions sur la basede leurs positions sans en référer à des réunions demilitants, arguant du fait que celles-ci avaient étédébattues sur la liste de discussion. Or, mis à part lemodérateur de la liste, ces personnes ont rédigé plusde la moitié des messages durant les deux premiersmois de fonctionnement de la liste de diffusion.

Il reste donc à analyser si ces transformationsdu jeu d'acteurs se traduisent par un élargissementdu débat public ou par sa clôture.

Informer, sensibiliser, former

Internet, une source d'information illimitée ?

Parmi les images les plus fortes d'Internet, il y acelles d'une bibliothèque planétaire facilementaccessible directement de son domicile ou de sonbureau, ou d'un outil de diffusion de l'informationhyper-puissant, accessible à des groupes ou à desindividus disposant de moyens très limités, et pourcertains d'entre eux, très isolés du point de vue desmodes de communication traditionnels (transportsde personnes et poste) . Les critiques de ces représen-tations sont connues : accès très inégalitaire à cetteressource et fracture numérique ; manque desélectivité, de hiérarchisation, de processus devalidation de l'information ; filtre de la langue quiamène à renforcer le poids de l'anglais dans ladiffusion des idées . . . Luc Vodoz souligne le faitqu'une information plurielle et la plus objectivepossible est noyée dans le flot d 'une communicationessentiellement descendante.

Il n'empêche que les autres médias de massen'échappent pas à toutes ces critiques . De plus, les« trouvailles » que permet une navigation sur le Netviennent consciemment ou inconsciemmententretenir le mythe . Dans le meilleur des cas, sur telou tel sujet, chacun aura pu rassembler en quelquesheures une documentation très riche venant dedifférents lieux de la planète. Les sites officielsauront fourni une documentation très complète ettrès actualisée, y compris sur des sujets controversés.De plus, on aura pu recueillir le point de vue d'orga-nismes de recherche ou d'associations, petites ougrandes, parfois sous des formes très créatives . ..

Toutefois, l'information n'est pas la connais-sance et l'accès à l'information ne donne pasobligatoirement la possibilité de comprendre et dese construire un jugement . D'où l'importance danscertains cas, d'efforts de vulgarisation et de mises enoeuvre de démarches pédagogiques ; pouvoirspublics et organisations intermédiaires peuvent

8 Cet article s'appuie sur une recherche menée dans le cadre du Programme « Concertation, décision et environnement — Quelles places et quelsimpacts pour les NTIC ? » du MEDD.

9 L'une des composantes, très active, du Collectif, « Réseau Citoyen TRUC », a décidé de mettre à disposition du Collectif son site électronique encréant une page d ' accueil (www.truc.abri.org) et une liste de discussions spécialement consacrées au mouvement.

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Encadré n° 1 : Le schéma réglementaire d'informationde la population sur les risques majeurs

Pour répondre à la réglementation, le préfet établit un document général regroupant toutes lesinformations sur les risques naturels et technologiques et recensant ceux auxquels est soumise chacune descommunes du département . Ce document constitue le Dossier Départemental sur les Risques Majeurs(DDRM) . [ . . .] A partir du DDRM, il établit, pour chaque commune du département, un DossierCommunal Synthétique (DCS) . Le DCS informe la commune des risques auxquels elle est soumise, leurlocalisation et les actions de prévention qui ont été menées sur le territoire communal quel que soit lemaître d'ouvrage . Le DCS est notifié au maire par arrêté préfectoral.

Le maire est tenu d'informer ses administrés sur les risques majeurs auxquels est soumis le territoirede la commune [ . . . ] . A partir du DCS, il réalise un Document d'Information Communal sur les RisquesMajeurs (DICRIM) . Dans ce dossier, le maire rappelle notamment les mesures qu'il a prises pour prévenirles risques sur son territoire . Le cas échéant, il met en place un plan communal de prévention et de secoursqui formalise l'organisation des secours et la mise en oeuvre des premières mesures d'urgence au niveaucommunal en cas de situation de crise. Le DDRM, le DCS et le DICRIM sont consultables en mairie partous les citoyens . Le maire peut, bien entendu, organiser tout type d'information qu'il juge utile sur sacommune mais le décret 90-918 du 11 octobre 1990 déjà cité fixe le contenu et la forme de l'informationminimum qu ' il doit transmettre . [ . . .]

Pour aider et conseiller les services préfectoraux et particulièrement le service de protection civile quia en charge l'établissement de ces divers documents, il est constitué dans chaque département, une Celluled'Analyse des Risques et d'Information Préventive (CARIP), organisme réunissant tous les partenairesdépartementaux capables, sous l'autorité du préfet, de recueillir les informations, coordonner les actionset faciliter la diffusion de l'information préventive des populations . La CARIP regroupe donc, sous laprésidence du préfet, les représentants des services de l'État, des générateurs de risques (industriels), desrelais d'opinion, les collectivités locales, les médias, les services médicaux, sociaux et des associationsprotectrices de l'environnement.

Source : http ://www.irma-grenoble.com/

collaborer dans cette perspective . Quelquesexemples tirés de la gestion des risques naturels vontpermettre d'illustrer cette situation.

Mais il peut y avoir aussi controverse sur lavalidité et la complétude de l'information fournie, etsur la façon de l'interpréter, pouvoirs publics et organi-sations intermédiaires se trouvent alors en opposition,Internet étant l'un des lieux de cette confrontation.

Sensibiliser et former à la préventiondes risques naturelsL'exposition au risque est l 'un des domaines où

le droit de savoir' a été très fortement revendiqué et,dans une certaine mesure, obtenu, au moins dans lestextes : cf la loi de juillet 1987, reprise dans l'article L125-2 du Code de l'environnement, pour lalégislation française. En vue de concrétiser ce droit,un décret de 1990 (décret 90-918 du 11 octobre 1990)a fixé les obligations des services de l'État au niveaudépartemental et des communes (cf encadré n° 1) . Acela s'ajoute l'information via les mesures de maîtrise

de l'urbanisation, les Plans de Prévention des Risquesnaturels (PPR), institués en 1995.

Malgré cette démarche structurée, ces obliga-tions n'ont été à ce jour, que très partiellementremplies pour de multiples raisons : difficultésobjectives à transmettre une information per-tinente, compréhensible et efficace, crainte d'affolerla population et les entreprises implantées dans lazone à risque, manque de savoir-faire . ..

Sans compenser totalement ces carences, ledéveloppement d'Internet a donné un moyen demise à disposition large de ces documents, sans qu'ilsoit à notre connaissance possible de mesurer lapopulation effectivement touchée et la façon dontelle est ainsi effectivement sensibilisée.

Pour la mise à disposition du DossierDépartemental des Risques Majeurs, le site le pluscomplet que nous ayons trouvé est celui de la Préfecturede l'Aude (cf figure n° 1) . La partie cartographique, enparticulier, est extrêmement développée(http://www.aude.pref .gouv.fr/ddrm/). Mais ailleurs, le

10 Il est intéressant de noter qu'en matière de risque technologique, la directive européenne de 1982, dite « Seveso », ne parlait que d'une « nécessitéde connaître » (need to know) dans une perspective de comportement adapté et d'efficacité des secours en cas de catastrophe et que ce point a étémodifié par une directive de 1988 qui reconnaît un « droit de connaître » (right to know).

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Figure n° 1 : Le Dossier Départemental des Risques Majeurs de l'Aude en ligne

site est extrêmement sobre, il s'en tient au cadre duDDRM et laisse peu de place à l' interactivité, qui serésume à la possibilité pour le visiteur d'envoyer sescommentaires (rubrique « Nous contacter »).

Sur le site de la Préfecture du Maine-et-Loire, ontrouve aussi un ensemble de pages assez intéressantessur le risque majeur (http ://www.maine-et

-loire .pref.gouv.fr/risques/) ; le site propose unformulaire pour permettre aux visiteurs de faire partde leurs commentaires.

De façon générale, c 'est sur le risque d' inon-dation, qui concerne le plus grand nombre decommunes, que l'information la plus riche estproduite et mise en ligne. Progressivement, on trouvesur Internet les « atlas des zones inondables et desplus hautes eaux connues » et la cartographie des PPRInondations . La loi sur les risques de juillet 2003, quirenforce et précise les obligations d ' information sur lerisque inondation, devrait renforcer cette tendance.

Voir en particulier :

— le site de la DIREN Languedoc-Roussillon(http://www.environnement .gouv.fr/Languedoc-Roussillon/risques/sommaire .htm) ;

—et celui de la DIREN Ile-de-FranceDIREN de Bassin Seine-Normandie(http ://www.environnement .gouv.fr/Ile-de-france/phecrues/).

Le site de la DIREN Centre - DIREN de Bassin LoireBretagne (http ://www.environnement .gouv.fr/centre)intègre l ' information sur les inondations à unensemble d'informations très détaillées sur la Loire etses affluents . On y trouve des documents pédago-giques tels que les panneaux de l 'exposition o LoireMoyenne : un siècle sans cr ues ? » . Et il est possibled'avoir des informations sur le Plan Loire GrandeurNature, avec en particulier les tableaux de bord desopérations programmées dans le cadre du Plan.

Au niveau des municipalités", quelques sitesfournissent des informations sur les risques auxquelsest exposée la commune ; par exemple :

—http://www.cannes-on-line .com/Francais/pratsecrisqfr.html ;

– http://www.montreuiI93 .net/ville_pratique/environ/r i s q u e s/risques .htm ;

– http://www.ville-chelles .fr/ppri2 .htm.

11 Voir aussi, les collectivités nominées pour le e Grand Prix de la Communication sur les Risques Majeurs — 2004 » décerné dans le cadre du ForumEuropéen de la Communication sur les Risques Majeurs (http ://www .fecrim .org/) ; nous n'avons pas pu les analyser dans le cadre de ce travail.

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Encadré n° 2 : Les prototypes développés dans le cadredu projet européen OSIRIS

Réalisé dans la cadre du programme européen Technologies pour la Société de l'Information, le projetde recherche européen OSIRIS (IST-1999-11598) a eu pour objet de concevoir, développer et tester desméthodes et des outils opérationnels d'aide à la gestion des crises hydrologiques s'appuyant sur lesnouvelles technologies de communication (Internet, téléphonie mobile . . .) . L'orientation de ces méthodeset outils visait à favoriser une forte interaction avec les citoyens/usagers (pourvoyeurs et receveurs d'infor-mations lors des situations de crise) . Le bureau d'études SOGREAH a coordonné l'ensemble de ladémarche.

Suite à une démarche d'enquête approfondie, deux solutions/projets ont été proposées et développéespour le bassin de la Loire (Blancher et alü, 2001) :

Ll – site Internet Loire InfEau (Blancher et alii, 2003) : accès convivial via Internet à des données sur lasituation hydrologique, adaptées au besoin de l'utilisateur.

L2 – outil d'aide à la décision face au risque d'inondation pour les collectivités locales (Morel et alü, 2003).

Par ailleurs, les partenaires polonais du projet (l'Institut de Météorologie et de Gestions des Eaux) ontdéveloppé et testé un site portail Wielka Woda (Hautes Eaux, http ://www.powodz .info), plate-formed'information et d'échanges d'outils de communication et de formation pour la prévention et laprotection contre les inondations, à destination des relais locaux en matière d'éducation (collectivitéslocales, écoles, médias, associations . . .).

Un site de même nature a été développé 12, à la demande de l'établissement public Loire, pour répondreaux besoins d'information et de sensibilisation dans le bassin de la Loire (cf figure n° 2) :http://www.inondation-loire .fr/ . Plus qu'un simple site de mise a disposition d'informations, un tel siteportail se veut un instrument de travail éducatif et d'échange permettant de développer et d'entretenir laperception du risque d'inondation parmi les populations ligériennes soumises à ce risque.

12 La démarche a été mise en oeuvre par la SOGREAH, l'Institut polonais de Météorologie et de Gestions des Eaux, et par Philippe Blancher,en tant que consultant.

Mais là encore, on constate l'absence quasitotale d ' interactivité . Cette situation est particuliè-rement surprenante pour le site de la Ville deMontreuil, extrêmement riche, où les pages sur lerisque sont regroupées dans un domaine intitulé« Environnement, tous éco-citoyens à Montreuil ».

Vis-à-vis de ces différents sites, une question sepose : la mise sur Internet n'est-elle pas parfois unefaçon relativement simple de répondre aux obliga-tions d'information sans trop se poser la questionde la réception et sans avoir à affronter les questionsdu public ? Aussi, Internet apparaît véritablementintéressant s'il intervient en soutien de démarchesoù il y a interaction directe avec le public.

De ce point de vue, d'autres outils relevant destechnologies de l'information et de la communi-cation peuvent indirectement aider les pouvoirspublics à informer la population. Il en est ainsi del'une des solutions expérimentées dans le cadre duprojet européen OSIRIS (voir encadré n° 2), un outild'aide à la décision face au risque d'inondation pour

les collectivités locales. Basé sur un S .I .G. (systèmed'information géographique), ce progiciel, développépar le CETMEF et Guy Taliercio Consultants, permetde traduire un scénario de crue en zones de lacommune inondées et en enjeux atteints . Sur cettebase, des actions à mettre en oeuvre sont proposées.Les communes du Val de Loire ayant participé àl'expérimentation de ce progiciel (Cléry-Saint-Andréet Saint-Pryvé-Saint-Mesmin) se sont appuyées surl'expérimentation pour faire une information de leurpopulation et disent avoir pu le faire dans de bienmeilleures conditions car en affichant en mêmetemps le risque, elles démontraient un certain niveaude préparation.

Les acteurs de la société civile jouent un rôleimportant dans l' information et la pédagogie sur lesrisques naturels. Mentionnons, en particulier, le sitehttp://www.prevention2000.org, animé par l'asso-ciation Prévention 2000 (cf figure n° 3) . Il sert derelais aux actions de l'association telles quel'opération DICRIM Jeunes (élaboration dedémarches d'information sur les risques majeurs par

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Figure n° 2 : Le site d'information du Bassin de la Loire sur le risque inondation

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les jeunes d'une commune) . CATNAT-LIVE, site surl'actualité des catastrophes naturelles et de laprévention en France et dans le monde(http ://www.catnat .net), est animé par une personne.De façon plus ciblée et parfois plus limitée, de trèsnombreux sites sont dédiés ou consacrent une de leurpartie à la sensibilisation sur les risques majeurs.

De nombreuses démarches menées par les écolessont référencées dans le domaine Education de Primnet,site portail dédié à la prévention des risques majeurs duministère de l'Ecologie et du Développement durable(http://www.prim.net) . Par exemple : les risques et leurgestion sous forme d'une pièce de théâtre(http ://www.prim.net/education/education/Vauban/index.html), les risques naturels en Indre-et-Loirehttp://www.prim.net/education/education/Jules_Romains/index.htm.

Les missions TICE (technologies de l'infor-mation et de la communication pourl'enseignement) de certaines académies, commecelle de Grenoble, soutiennent de tels projets ethébergent les pages produites dans ce cadre :

– A l'adresse http://www.ac-grenoble.fr/risqmaj/realisations/73/bourg/index.htm, on découvrecomment les élèves ont cherché à modéliser une crue,à en observer les différents effets, les analyser pourmieux les comprendre et les comparer ensuite avecdes images d'archives de réelles crues torrentielles.

– On trouve un abécédaire (souvent humoristique)sur les crues et les inondations à l'adressehttp://www.ac-grenoble.fr/segaliere/abcdaire .htm

Des Centres de Recherche et de DocumentationPédagogique (CRDP de l'Académie d 'Amiens :http :// 195 .221 .156.250/crdp/tpe/selecdoc/thema/Risques .htm) ou des organismes tels l'Institut des RisquesMajeurs (IRMA) de Grenoble (http ://www.irma-grenoble .com/) ont développé ou rassemblent desressources multimédias pour aider élèves etenseignants.

Enfin, les formateurs risques majeurs etprotection de l'environnement présents au sein detoutes les académies se retrouvent avec d'autresformateurs au sein de l'Institut Français desFormateurs Risques Majeurs et Protection del 'Environnement (IFFO-RME : http://www.ac-versailles .fr/pedagogi/iffo-rme).

Signalons pour conclure le projet européenRIVERMED qui a débouché sur la production d 'unjeu de rôle, d'un CD ROM qui reprend le jeu de rôleet d'une exposition itinérante.

http://wa015.lerelaisinternet .com/cme/cme/cpie/rivermed/rivermedl .htm

Les initiatives sont nombreuses et la vitalité dela société civile vient relayer l'action directe des

pouvoirs publics (Faye, 2001) qui en reste souvent àune information très officielle.

Internet, lieu d'une information plurielle

Toutefois, la situation n'est pas toujours aussiconsensuelle que dans les exemples étudiés ci-dessus(du moins telle qu'elle peut apparaître à premièrevue) . Dans ces situations, Internet a été largementinvesti par les organisations intermédiaires pourdiffuser une information contradictoire, qui peuts'appuyer en partie sur de l'information officielle.

Les exemples de site d'organisations intermé-diaires contribuant à la diffusion d'une informationplurielle abondent, plus rares sont les études de casapprofondies sur ce point.

Trois projets de recherche retenus dans le cadredu Programme « Concertation, décision et environ-nement – Quelles places et quels impacts pour lesNTIC ? » du MEDD renvoient à cette problématique :

– « Le rôle d'Internet dans la controverse suite à lamarée noire de l'Erika », dirigé par André Vitalis(Centre d'Etude des Médias – UniversitéBordeaux III) ;« La construction de l'information environne-

mentale comme bien public en Europe : le rôledes réseaux non gouvernementaux dans ledéveloppement et la mise en ligne sur l'Internetdes inventaires d'émissions et de transferts dematières polluantes et des informations sur lesrisques industriels », dirigé par Michel Dartevelle(ARIESE – Université Lumière Lyon II) ;

« Les NTIC dans la construction d'un objetenvironnemental : le cas des rejets polluants »,dirigé par Nicole d'Almeida (CELSA – GRIPIC –Université Paris-IV Sorbonne).

Le dernier projet, en particulier, s 'attache àmontrer comment c'est bien la pluralité de l'infor-mation qui permet de construire l'objet.

Les sites ayant pour vocation d'apporter uneinformation contradictoire sur un sujet controversé,en particulier en diffusant largement uneinformation jusque-là cantonnée aux milieux de larecherche, peuvent adopter des positionnementsrelativement différents, comme le montre l'analysede deux sites.

Le premier est le site de la Plattform MobilfunkInitiativen (http://www.plattform-mobilfunk-initiativen.at/) . La Plattform Mobilfunk Initiativenest l'un des principaux acteurs de la controverseautour des téléphones cellulaires en Autriche . Elle aregroupé, fin 1996, environ 200 associationsmobilisées sur cette question ; toutefois, elle n'a pasà proprement parler d'adhérents, mais plutôt dessympathisants. Elle est animée par une personne,Eva Marsalek, très investie sur la question.

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Dans le cadre de sa thèse, Nadia Dillesenger(doctorante au laboratoire IRIST/GERSULP del'Université de Strasbourg) a analysé ce site et le rôlequ'il joue dans la construction de l'identité etl'action de la plateforme (Dilesenger, 2002).

À l'époque où l'étude a été conduite, ontrouvait sur le site (il a été depuis remanié) essentiel-lement :

– La possibilité de télécharger divers documentsd'information.

– Des liens vers les sites d'organismes scientifiques,en particulier l'Institute of Risk Research del'Université de Vienne, de revues scientifiques(Microwawe News, Bioelectromagnetics), deconférences, comme celle tenue à Salzbourg enjuin 2000 sur le thème « Cell Tower Siting :Linking Science and Public Health » . . .

La possibilité de télécharger une pétition lancée parEva Marsalek le 30 novembre 1999 et cosignée parles représentants des trois principaux partispolitiques autrichiens (SPO, FPO, die Grünen),puis par des parlementaires, des chercheurs, desmédecins et des « simples citoyens », ainsi que laliste des adresses de parlementaires, de hautsfonctionnaires et de responsables politiques, auprèsdesquels les visiteurs étaient invités à se manifester.

– Des photographies d'antennes, seule tentative demise en scène du danger . Nadia Dillesenger relèvele fait qu'il n'y pas de schémas représentant lesondes par exemple.

Le site renvoie à des documents produits pardes scientifiques pour tout ce qui concerne l'appré-ciation du risque . La plateforme oeuvre pour quecette information soit mieux diffusée auprès dupublic et pour la mise en oeuvre de dispositionsconformes au principe de précaution. Il n'y a nigroupe de discussion ni liste de diffusion sur le site.En fait, le site fonctionne avant tout comme unevitrine de la plateforme, Eva Marsalek ne souhaitantpas mettre des « tas d'information sur le site » etpréférant « parler avec les personnes concernées aulieu de leur livrer une information toute faite ».

Deuxième site, celui des opposants auprogramme de développement de l'éolien enFrance : http://www.eoliennes.net/ (cf figure n° 4).Notons tout de suite l'intitulé assez neutre et trèsgénéral du site qui fait qu'il apparaît le plus souventtrès bien placé lors d'une recherche sur un moteur derecherche (lorsque l'on tape « eoliennes », sansaccent ; moins bien, avec « éoliennes »).L'information sur eoliennes.net est foisonnante, etc'est là une différence avec le site précédent . On ytrouve, sans classement particulier, toutes sortes dedocuments susceptibles d'être utilisés pour conforterla position des promoteurs du site : articles etrapports scientifiques ; documents législatifs ouréglementaires ; prises de position politiques,

comme le « Manifeste de Darmstadt, sur l'exploi-tation de l'énergie éolienne en Allemagne », quidemande le retrait de toutes subventions, directe ouindirecte, afin de mettre fin à l'exploitation del'énergie éolienne ; coupures de presse et surtouttémoignages de personnes ou d'organisationsmobilisées contre des projets particuliers.

Les représentations d'éoliennes (photos oudessins) mettent en général en valeur le gigantismede ces infrastructures ; si l'on clique sur le lien« Photos », on se retrouve sur un site d'opposantsanglais mettant lui aussi en avant le gigantisme etprésentant des photos d'éoliennes abattues par latempête (cf figure n° 5).

Enfin, le site est conçu de façon à permettre àtout visiteur de proposer des contributions, et desforums sont organisés, réservés aux visiteursenregistrés . Globalement, eoliennes .net occupe bienle terrain sur le cyberespace, et toute personne qui sepose des questions peut y trouver des informationscritiques de plus ou moins bonne qualité.

Les deux exemples étudiés montrent, sinécessaire, qu'il ne suffit pas d'avoir l'information,mais qu'il faut encore pouvoir l'interpréter et lacritiquer.

Représentations du territoire et cartographiesur Internet

Dans sa critique des « potentialités démocra-tiques d'Internet », Vodoz considère que « les NTICcontribuent à promouvoir des représentationsterritoriales virtuelles, c'est-à-dire des perceptions duterritoire factices » . Il précise ainsi sa pensée : « Pourl'élaboration et la mise en oeuvre des politiquespubliques à incidence spatiale et notamment del'aménagement du territoire, on recourra vraisem-blablement de plus en plus aux technologies desimulation et de réalité virtuelle . Il n'est dès lors pasabsurde de formuler l'hypothèse que le recours à cestechnologies – par exemple en matière d'aména-gement local – relèvera parfois davantage d'unevolonté de montrer pour démontrer, pourconvaincre, que d'un outillage visant à expliciter unesituation afin de documenter un débat ».

Le dernier point est classique, il renvoie auproblème de tout discours ou de toute communi-cation qui joue sur les trois registres de l'informatif,de l'argumentatif et de l'expressif (Breton, Proulx,2002, chapitre 2) sans toujours dire où il se situe. Ensoi, il n'est pas spécifique à Internet et il reste àmontrer si et comment Internet accroît systémati-quement la difficulté à décrypter ces ambiguïtés.

La question centrale est donc celle du « virtuel »,du « factice » . On sait que pour des auteurs commeMiche Serres, à un niveau sociétal, il n'y a là rien denouveau et de spécifique à notre société de l'infor-

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Figure n° 4 : Page d'accueil du site http://www.eoliennes.net/

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Figure n° 5 : Les éoliennes : des monstres, bien fragiles(http://www.windfarm .fsnet .co.uk/gallery.htm)

mation . Sans rentrer pleinement dans ce débat,quelques questions méritent d ' être posées.

Dans la mesure où toute représentation duterritoire est construite, à partir de quel moment etdans quelles conditions doit-elle être affublée duqualificatif de e factice » ou de « virtuelle », pris icidans un sens péjoratif ? Le problème de la diffusionde représentations de l 'espace construites dans unobjectif politique, religieux ou économique n 'est pasnouveau et spécifique à Internet . Peut-on direqu'Internet plus que d 'autres moyens de communi-cation, dispense ou empêche les citoyens d ' aller e surplace » se faire leur propre idée ou de rechercherd'autres sources d'information, de confronter leurspoints de vue, et au nom de quoi les représentationsqu' ils auront ainsi acquises seront systématiquementmoins factices que celle qui leur aura étécommuniquée sur Internet ? Il y a bien sûrl'argument de la surabondance d'information ouplutôt de communication unilatérale déjà abordé.Mais la question essentielle nous semble être avanttout la prétention des « réalités virtuelles» à se direréalité, ou représentation de la réalité plus vraie parce

qu 'assise sur des moyens technologiques pluspuissants, et c 'est cette prétention qu ' il faut pouvoirremettre en cause.

Autre question sous-jacente à cet argument,qu 'en est-il de phénomènes écologiques, écono-miques et sociaux qui échappent à toute perceptionimmédiate (à supposer qu ' il en existe une) ? Laconnaissance scientifique se construit bien contre lesens commun, et se pose la question de sa diffusionà travers une vulgarisation qui ne trahisse pas trop lacomplexité des données scientifiques, qui ne nie pastoute autre forme de connaissance et de représen-tation de ces phénomènes, qui ne soit pas orientéeen fonction des intérêts du locuteur.

Si la critique de Luc Vodoz a une part de véritéau regard de ce que l'on trouve sur Internet, ellenous semble attribuer une trop forte responsabilitéà l'outil Internet et négliger certaines de sespotentialités.

L'ensemble de ces questions a été abordé àtr avers les travaux de géographes, en particulier de

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façon très ciblée sur Internet et avec la participationdu public par Sébastien Caquard 13 . Dans le chapitred'un ouvrage à paraître intitulé « Internet, Mapsand Public Participation : Contemporary Limitsand Possibilities », Sébastien Caquard" cherche àévaluer, de façon tout à fait intéressante, le potentield'Internet comme le lieu de mise en oeuvre d'unecartographie thématique dédiée à la participationdu public . Il part de l'idée, développée dans le cadrede sa thèse (cf encadré n° 3) que, jusque-là, lescartes thématiques ont été conçues par des expertspour des experts dans le cadre de systèmes degestion ou d'administration centralisés, et ils'interroge sur la façon dont l'inadaptation de cetype de carte à un processus de participation peutêtre compensée (ou dans certains cas aggravée) parquelques-unes des potentialités offertes parInternet.

Pour cela, il conduit d'une part une réflexionthéorique et d'autre part, il analyse une sélection decartes présentes sur Internet et conçues dans unobjectif d ' information et de participation du public.Les réflexions qu'il conduit ainsi sur la carte, sontd'une portée beaucoup plus large par rapport ànotre problématique. Aussi, il est intéressant dereprendre plusieurs éléments de son analyse.

Généralement, la représentation des données etenjeux d'un problème d'aménagement sous formede cartes thématiques est considérée commeparticulièrement adaptée à une bonne participationdu public. Dans cette perspective, leur diffusionlarge grâce à Internet ne peut qu'être bénéfique.

Or Caquard questionne cette adaptation àpartir de quatre arguments, quatre obstaclesrendant difficile l'apport de cartes thématiques àune bonne participation du public :

– Les cartes peuvent être difficiles à comprendrepar un public non-expert. La difficulté estparticulièrement évidente lorsque ces cartes sontprésentées rapidement au cours d'une réunionpublique par des experts qui ignorent (ou feignentd'ignorer, nous ajouterons) ces difficultés, ce quipeut être amélioré en formant les utilisateurs à lalecture des cartes et en améliorant la conceptiongraphique des cartes.

– L'information mise en carte ne répond pastoujours aux différents besoins et aux percep-tions différenciées des différentes partiesprenantes . Cela renvoie, pour Caquard, à la doublefinalité d'une cartographie (analyser, communi-quer), et donc à sa double nature « représentation

graphique » ou « communication graphique »,selon les termes de Bertin (1981) . En pratiquel'analyse précède la communication, et la plupartdes cartes de communication sont créées à partirde cartes analytiques15. Le concepteur de la carte adonc la maîtrise à la fois des données analysées etdes problèmes traités, ainsi que du choix desrésultats communiqués parmi tous ceux obtenus.La communication n'est donc pas la productiond'une information dédiée à un public spécifique,mais seulement l'adaptation d'une informationd'expert aux attentes éventuelles de ce public . Faceà cet obstacle, l'amélioration de l'aspect communi-catif des cartes doit se faire simultanément à uneamélioration de l'accès aux données : l'utilisateurdoit pouvoir choisir ses données, les typesd'analyses, les modes de représentation, etc.Les cartes thématiques ont l 'apparence del'objectivité, de la neutralité et de la précision,rendant difficile pour le public toute critique desinformations et analyses ainsi représentées . Cefaisant, les cartes thématiques traditionnelles nefavorisent pas une large implication du publicdans le partage d'une information plurielle et nepermettent pas de présenter des perspectivesautres que celles qui sous-tendent la conceptionde ces cartes . Comme nous allons le voir, la miseen évidence de la subjectivité de la carte est unenjeu majeur pour Caquard, qui reste toutefoisdifficile à relever.

Ensuite, l'auteur présente les potentialitésthéoriques d'Internet permettant de surmonter ceslimitations . Pour étudier leur mis en oeuvre effective,il propose la grille d'évaluation (cf tableau n° 2).

Cette grille est alors appliquée à 12 exemples decartes disponibles sur Internet et destinées àfavoriser l'implication du public dans une démarcheà vocation participative (les cartes pour informationsont différenciées de celles véritablement dédiées àla participation).

Cet échantillon n'est pas représentatif maisillustratif d'une typologie croisant :

– Le type de carte [(1) les cartes statiques, (2) lescartes dynamiques reliées à un S .I.G. (systèmed'information géographique) ; (3) les cartesdynamiques sans relations visibles à un S.I .G.]

– Et l'objectif explicitement affiché de leur diffusion(simple information ou participation du public).Dans chaque catégorie, l'auteur a sélectionné descartes représentatives de l'offre disponible surInternet (cf tableau n° 3).

13 Voir aussi le projet coordonné Pierre MAUREL (CEMAGREF), dans le cadre du Programme « Concertation, décision et environnement - Quellesplaces et quels impacts pour les NTIC ? » du MEDD : « Démarche d' évaluation du rôle des technologies de l ' information géographique pour laconcertation dans des projets environnementaux : développement d'une méthode générique et application à des études de cas (SAGE de la Drôme,projet d' aménagement de la Ville de Nantes, projet de Pays du Puy de Dôme) ».

14 Après avoir fait sa thèse au CRENAM à Saint-Étienne, Sébastien Caquard travaille actuellement au Département de Géographie du DartmouthCollege (Hanover, New-Hampshire, USA).

15 Sébastien Caquard n'intègre pas dans sa réflexion les cartes à visée de communication ou de marketing de politique publique, pour lequel le lienavec des données scientifiques apparaît parfois ténu, et auxquelles pense certainement, en premier lieu, Luc Vodoz .

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Encadré n° 3 : Cartes multimédias et site Internetdans le débat sur la gestion des cours d'eau 16

Présentation de la thèse de Sébastien Caquard : Des cartes multimédias dans le débat public — Pour unenouvelle conception de la cartographie appliquée à la gestion de l'eau, Thèse de géographie soutenuepubliquement le 19 décembre 2001 à l'université J. Monnet de Saint-Etienne.

L'approche concertée, qui prévaut dans la gestion de l'eau, a engendré l'apparition de nouveaux interlo-cuteurs : les acteurs locaux. Cette thèse s'intéresse à la manière dont la cartographie, sous l'influence dumultimédia, peut favoriser l'intégration de ces acteurs dans le débat public . Dans une première partie, le guidecartographique des Schémas d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) est analysé. Cette analyse faitapparaître un décalage entre la volonté affichée d'une gestion concertée et la place qui lui est effectivementréservée dans le discours cartographique. La carte y est utilisée dans une finalité de gestion centralisée . Dansune deuxième partie, les besoins informationnels des acteurs locaux sont étudiés à travers le cas de la qualitédes cours d'eau sur le bassin versant du Lignon-du-Velay (Haute-Loire) . Cette étude met en évidence l'inadap-tation de l'information proposée aux besoins des acteurs locaux . De plus, la carte apparaît comme un supportambigu, perçu comme un moyen privilégié d'accéder à l'information spatialisée, mais dont l'utilisation génèrecontresens et réticences. En fait, la carte n'a jamais été conçue comme un support d'aide à la participationpublique . C'est ce qui ressort de la troisième partie de cette thèse . La plupart des évolutions technologiquesrécentes, telles que les Systèmes d'Information Géographique (SIG), ont même eu tendance à renforcer sadimension d'outil de gestion centralisée . Pourtant, le multimédia ouvre des perspectives de changement . Certes,le seul fait d'ajouter des éléments dynamiques (animés ou interactifs) sur des cartes statiques, n'est pas suffisantpour modifier foncièrement l 'usage de la carte et sa compréhension. Mais cette modification technologique doitêtre envisagée comme une réelle opportunité de repenser fondamentalement la discipline cartographique, pourfaire en sorte qu'elle soit en phase avec ce nouveau type de demande sociale qu'est le débat public.

Ajoutons au propos de Sébastien Caquard le fait qu'un certain nombre de SAGE ont leur siteInternet ; toutefois, apparemment assez peu proportionnellement aux 15 SAGE mis en oeuvre (élaborés etapprouvés) et aux 65 en cours d'élaboration (périmètre délimité et CLE constituée) . Ainsi, pour le SAGEde l'Huisne http ://www.sagehuisne .org/, l'un des bureaux d'études en charge du diagnostic préliminaire(ASCONIT Consultants) a développé et animé pour le compte du SAGE un site Internet . On pouvait ytrouver au fil de l'avancement les comptes-rendus d'entretien et de réunions, puis le rapport d'étude et sacartographie . Voir aussi le site de la Commission Locale de l'Eau du SAGE Drac-Romanche : www.sage

-drac-romanche.com. Il existe un site des SAGE, animé par le MEDD: http://www.sitesage.org/: un forumy est actif en permanence ; des liens renvoient aux sites des différents SAGE.

16 Voir, plus largement sur les questions de gestion concertée d'un milieu naturel, l'expérience canadienne de gestion de l'information pour desdémarches territoriales participatives : Joliveau (2000) et Cotée et alii (2001).

Tableau n° 2 : Critères d'évaluation des cartes sur Internet

Mots-Clés Signification

1 .

Attractivité

2 .

Animation

3 .

Interactivité

4 .

Multimédia

Fonctions dynamiques pour rendre la carte plus attractive

Animations pour améliorer la compréhension de la carte

Interactivité pour améliorer la compréhension de la carte

Multimédia pour améliorer la compréhension de la carte

1 .

Expression

2 .

Non-institutionnel

3 .

Changements

4.

Analyses

Expression des besoins en information des différentes parties

Présence de données non-institutionnelles sur la carte

Possibilité de changer les modalités de représentation

Possibilité d ' analyser les données différemment

1 .

Représentations multiples

2 .

Sources multiples

3 .

Limites

4 .

Subjectivité

Représentations cartographiques multiples

Multiplicité des sources d'information

Reconnaissance des limites de l ' information fournie

Reconnaissance du caractère subjectif de la carte

Source : Coquard (à paraître), Figure 2, page 349 (Traduction en français validée par l'auteur) .

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Tableau n° 3 : Les cartes disponibles sur Internet analysées par Sébastien Caquard

Site #

Description

Map #

Map title

Address

Site A

"The Aboriginal Mapping Network is a collection of resource pages for First Nation mappers who Map 1

Hydroriparian

http ://www.nativemaps.org/map_gallery .html#Chaosare looking for answers to common questions regarding mapping, information management and

ResourcesGIS " (Canada).

Site B

"The Social Planning Council of Ottawa is a people-centered, non-partisan, not-for-profit Map 2

Housing

http://www.spcottawa .on .ca/mapping_SocialMaps .htmorganization, whose primary objective is to build the community's capacity to improve the socialand economic well-being of its residents" (Canada).

Site C

This site presents the results of public enquiries concerning the improvement of a railway network Map 3

La gare de

http ://www .renouveauferpaca .org/lignemga/sept_gare .htmlin the Provence Alpes Cotes d'Azur region (France) .

Septemes

Site D

The mission of ESPACE ENVIRONNEMENT is to improve participative management in a Map 4

Plan du quartier

http ://www .espace-environnement.be/broucheterre .htmneighborhood of Charleroi (Belgium).

Site E

"Inforain presents Ecotrust's GIS portfolio, a network of information allowing users to achieve a Map 5

Portland

http ://www .inforain .org/interactivemapping/deeper understanding of their local watersheds, estuaries and forests as well as a broader

Greenmapcomprehension of these places within a bioregional context" (USA) .

Map 6

Salmon &

http ://www .inforain .org/interactivemapping/salmonstock.htmSteelhead

Site F

Leeds University, School of Geography - "These pages contain a simple demonstration of a GIS- Map 7

Initial Placement

http ://www .ccg .leeds .ac .uk/mce/based Spatial Decision Support System for siting radioactive waste disposal facilities in Britain and

& result displaya discussion of how the Internet could be used to improve public consultation and participationin spatial decisions of national importance" (UK).

"Woodland Online Decision System (WOODS) : This web site hosts an experiment which will help Map 8

Woodland

http ://www .ccg .leeds .ac .uk/dales/you to draw a map of where you would like new woods to be planted in the Yorkshire Dales "planting(UK).

Site G

"Northwest Environment Watch is an independent, not-for-profit research and communication Map 9

Vancouver's

http ://www .northwestwatch .orgcenter based in Seattle, ( . . .) with mission to foster an environmentally sound economy and way

growthof life in the Pacific Northwest, the bioregion encompassing the watersheds of rivers flowingthrough North America's temperate rainforest zone".

Site H

This site presents some exemples of dynamic maps designed to be compared with static maps to Map 10 Qualité générale

http ://www .univ-st_improve information communication in a context of public participation . (Fr)

aout / sept 1995

etienne.fr/crenam/vielabo/chercheur/caquard/index .html

(section " Cartographie" )

Site I

This application has been developed on the non-profit web site of "Radiophare" by some Map 11

Evolutions des

http ://www.alise-geo .fr.st/erika.htmvolunteers to give information concerning the evolution of the oil slick after the sinking of the

nappesErika Tanker in December 1999 (France).

Site J

"This web site was developed as part of a community planning process that was jointly led by the Map 12 Urban Design

http ://www.evl.uic.edu/sopark/new/RA/#sublUniversity of Illinois at Chicago and community leaders of the Pilsen community . Its purpose is to

Visualization ofprovide visualization and contextualization for the many planning and design activities that take

Pilsenplace in Pilsen" (USA) .

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Précisons enfin que certaines cartes ont étéproduites dans un but de recherche, testées auprèsd'un public potentiel mais n'ont pas été utiliséesdans le cadre d'une véritable concertation. L'intérêtde cette étude est donc avant tout d'ordre théoriqueet méthodologique, mais à ce niveau il est trèsimportant.

Sans rentrer dans les détails de l'évaluation, onretiendra que les potentialités d'Internet sont trèslargement sous-utilisées . Mais les résultats sontdifférents selon le type de carte et l'objectif affiché.

Logiquement, ce potentiel n'est pratiquementpas utilisé avec les cartes statiques" . Les contraintesde mise en page sur Internet ont même tendance àréduire la qualité de ces cartes par rapport au formatpapier. Néanmoins, dans cette catégorie, on relèveraque le site d'une association de citoyen fait un usagepartiel du multimédia.

Il est intéressant de retenir les limitations descartes dynamiques reliées à un S .I .G. telles que lesidentifient Caquard : information trop dense ;esthétique des cartes réduite (dans les logicielsintégrés, les fonctions analytiques sont beaucoupplus développées que les fonctions graphiques) ; lefort contenu technologique accroît l'impression descientificité et d'objectivité".

Ce sont les cartes dynamiques non reliées à unS.I.G. qui mettent le mieux en valeur les potentia-lités d'Internet, et de la façon la plus claire, celles quel'on trouve sur des sites affichant un objectif departicipation du public. A leur propos, on peutaffirmer qu'elles ont réellement été conçues pourrépondre à un objectif de participation . Caquardrelève le fait que l'une d'elles a été mise au point parun groupe de militants associatifs . Caquard enconclut que pour concevoir des cartes permettantmieux la participation du public, ce ne sont ni lescompétence techniques ni les moyens financiersqui sont les plus importants, mais la motivation etla créativité des cartographes.

Cette remarque pointe le changement culturelrequis pour tirer les pleines potentialités d`Internet.Caquard parle d'un changement de paradigme dansl'approche de la cartographie pour pouvoir intégrerla subjectivité, dans la mesure où cela implique à lafois une nouvelle façon de concevoir et réaliser lescartes et de nouvelles façons de s'en servir pour lesusagers . « La question [de départ de ce chapitre]était : comment la combinaison des cartesthématiques et d'Internet peut-elle être utilisée pourrepenser fondamentalement la participation dupublic ? La question est maintenant : comment lacombinaison de la participation du public et

d'Internet peut-elle être utilisée pour repenserfondamentalement la cartographie thématique ? ».Cette insistance sur les changements culturelsnécessaires et ce renversement de perspective nousparaissent être pertinents pour l'ensemble de laréflexion sur Internet et la participation du public.

Consulter, se concerter, débattre,voter

Limites actuelles et enjeux de débats publicssur Internet

Partant du constat que, parmi les forums surInternet, peu sont consacrés au débat politique, etmoins nombreux encore sont ceux qui fonctionnenteffectivement, Luc Vodoz explique cela par le fait que« les caractéristiques techniques des NTIC et leursconditions d'utilisation induisent des pratiquesrelationnelles peu propices, voire incompatibles avecla délibération politique », point de vue qu'ildéveloppe à partir des arguments suivants :

– L'investissement que représente le fait de disposerd'un animateur compétent – pour trier lesmessages, structurer la discussion, censurer lesinterventions qui ne respectent pas les règles du jeu,etc.

– Le fait que lors des débats en ligne, l'instantanéitéprive du temps nécessaire à la constitution del'opinion, à l'échange, à la délibération, à larelation humaine, alors que simultanément,l'usage de l'écrit formalise, voire fige le discours.

– Le relatif anonymat, le déficit de langage nonverbal et le caractère désincarné de la relationnuisent à l'adoption d'attitudes flexibles, à l'élabo-ration de positions nuancées et à la recherche deconsensus.

On retrouve des préoccupations similaires chezMarie-Gabrielle Suraud (Suraud, 2003) :

« Relevant d 'une différence de conception du politique,démocratie directe et démocratie représentative, telles qu'ellessont envisagées dans leur mise en oeuvre électronique, présententcependant une caractéristique commune. Aux débats citoyens etdécisions collectives pouvant en découler, elles substituent lasollicitation d ' expressions ou de réponses immédiates de la partd ' individus isolés . Bien que les expériences menées dansdifférents pays attestent du parti pris, par les pouvoirs politiquesexploitant ces innovations technologiques, de renforcer laparticipation citoyenne, ces formes « d'interaction directe » entrel'individu et l'institution sont réputées engendrer des distorsionslorsque les conditions minimales nécessaires à la réflexioncritique collective ne sont pas remplies. En effet, ce type deprocédure peut s'apparenter, dans ces cas extrêmes, à la manipu-

17 Par « carte statique », l'auteur entend des cartes conçues en premier lieu pour le support papier, avant d ' être diffusées sur Internet . Cela sous-entend que des fonctionnalités multimédias peuvent être affectées à ces cartes « statiques ».

18 Sur la question des SIG pour la participation publique, on pourra consulter : Jankowski P., and Nyerges T., 2001, GIS for Group Decision Making:Towards a Participatory Geographic Information Science, 273 p. On pourra aussi visiter le site Internet du NCGIA, dont l'initiative 17 est dédiée aux«Collaborative Spatial Decision-Making» : http ://www.ncgia .ucsb.edu/research/i17/

297 .

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lation, tant de l'information nécessaire à la prise de position quede l'opinion publique elle-même, par la diffusion de sondagespar exemple (Mondiaux, 2002) . L'utilisation du net dans cescontextes d'utilisation, bien qu'affichant explicitement — etidéalement — un objectif d'intégration des points de vue descitoyens dans le processus de délibération ou de décision, occulteune des dimensions fondamentales de la démocratie, à savoircelle renvoyant aux « processus informels de formation del'opinion qui se déroulent dans l'espace public « (Habermas,1997) . Bien que la notion générale d ' espace public 'ait pris corpssous des acceptions plus ou moins distinctes, on retiendra, ici, ladernière version qu'en a présentée Habermas dans sa théorie de

la politique délibérative (Habermas, 1997) . Les enjeux démocra-tiques de la description normative de l'espace public renvoient àson caractère fondamentalement discursif et communicationnel,faisant de cet espace le lieu privilégié de formation de la volontépolitique. Cette orientation implique donc de porter uneattention particulière aux débats précédant la décision, à leursconditions de mise en oeuvre et aux processus de modificationsdes conceptions en fonction des opinions défendues par lesdifférentes parties.

Avant d'aborder les questions méthodolo-giques et technologiques que pose l ' organisationd'un débat public sur Internet, nous allons sommai-rement décrire l'usage d'Internet dans les débatsorganisés sur des projets d ' infrastructure : par laCommission Nationale du Débat Public toutd'abord, puis dans le cadre de la démarche, qui se

veut exemplaire, du débat sur l'aménagement d'untronçon de la RN 19.

Internet et débat sur un projet d'infrastructure

Il est intéressant de voir comment Internet estutilisé dans le cadre d'une procédure telle que lesdébats publics organisés par la Commissionnationale du Débat public, même si nous n ' avonspas trouvé d 'analyse approfondie de cette question.Sur la base du compte rendu établi par le présidentde la commission spécifique au projet en débat, onpeut faire néanmoins un certain nombre de constats.

Tout d'abord, la communication via Internet aété systématiquement utilisée sauf pour le premierdébat « Havre 2000 » . Pour la Commission particu-lière du Débat public, mise en place pour un débatspécifique, le site est avant tout un moyen d 'infor-mation (cf figure n° 6) . Généralement, il comprendune partie où le visiteur peut trouver l 'ensemble desdonnées relatives au projet : dossier support, maisaussi cadre législatif et réglementaire, référencesbibliographiques, lien avec d'autres sites . . . Certainsdocuments de référence peuvent être téléchargésLivre blanc sur les transports de la Communautéeuropéenne et Cahier des charges du contournement

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autoroutier de Lyon dans le cas du débat sur lecontournement routier et ferroviaire de l'agglomé-ration lyonnaise. Une deuxième partie permet desuivre le déroulement du débat : calendrier, comptesrendus de réunions, articles de presse, questionsposées . Un système de questions-réponses existe,parfois un forum comme pour le débat local sur lerenforcement électrique du Lot . Pour le débat sur lecontournement de Lyon, les « cahiers d'acteurs » 19

sont mis en ligne dans la journée de leur validation,soit une quinzaine de jours avant leur édition sousformat papier. L'interactivité reste toutefois limitéeet les points de vue sont le plus souvent juxtaposés.

Le tableau n° 4 de la page suivante montre quela part des contributions passant par Internet restefaible, de 3 à près de 18 % . De plus, ces statistiques nedistinguent pas entre les simples demandes dedocumentation et les véritables contributions audébat.

Dans le cadre du Programme « Concertation,décision et environnement – Quelles places et quelsimpacts pour les NTIC ? » du MEDD, une équipedirigée par Laurence Monnoyer-Smith 20 conduit unerecherche portant sur les formes de concertationlocale et les régimes de discours environnementauxsur Internet, avec pour terrain d'études le choix del'implantation du troisième aéroport de Paris àChaulnes, en région Picardie. Ce travail devraitpermettre une analyse beaucoup plus approfondie,sur une démarche de débat public qui n'a toutefoispas été la plus ouverte.

Sur certains dossiers, les opposants ont eu leurpropre site . Par exemple, le Collectif Rhodanien del'Ouest lyonnais (regroupant une association d'éluset des collectifs d'associations) avait son site . Sur lesite officiel, on pouvait trouver un lien vers ce site, etinversement (cf figure n° 7).

Au fil des débats, la CNDP acquièrt une plusgrande maîtrise des possibilités de l'outil Internet,comme on pourra le constater en visitant, à partir deson site (http ://www.debatpublic .fr/), les sites dedébats en cours.

Au regard des démarches couramment menées,le débat animé sur la section Morvillars-Delle de laRN 19 s 'est voulu exemplaire d'un « site collabo-ratif » permettant la co-production d'un intérêtgénéral partagé (cf figure n° 8) . On trouvera uneanalyse de cette expérience dans un article publiépar ses deux principaux protagonistes : OlivierFrérot, ex-DDE du Territoire de Belfort, et JacquesChatignoux, consultant chargé de la conception etde l'animation du site (Chatignoux & Frérot, 2003) .

Signalons tout de suite que le débat s'est situé àun stade relativement avancé du projet, aprèsl'enquête publique (le rapport officiel du Com-missaire enquêteur a ainsi pu être mis en ligne) :« Dans une étape de finalisation, de dialogueimportant avec les élus, associations et entreprises dusecteur, sur les derniers ajustements techniques dutracé (desserte, fonctionnalité), sur l'interfaceopérationnelle avec le développement du territoiretraversé » . Le lancement du débat a coïncidé avec lapériode de « bouclage technique » : « celle au-delà delaquelle [ . . .], nous ne pourrions plus guère modifierles choix » . Conjointement, l'activation de canaux decommunication plus classiques (réseaux relationnelsde proximité et de visu avec les élus et autres acteurs– journal du projet – rencontres thématiques oud'information . . .) a été maintenue.

Comme l'expliquent les animateurs, le site autilisé des outils basiques (des pages « html » et uneliste de discussion gratuite, publique et nonmodérée) : « Le logiciel collaboratif « attache » àchaque article un forum dont l'actualisation suitimmédiatement la validation du commentaire parl'internaute rédacteur, l'auteur de l'article étantimmédiatement prévenu de cet ajout via soncourriel. L'animateur du réseau veillait toutefois à ceque toute contribution soit dans le sujet (projetroutier et thématiques du territoire concerné) etrespecte la netiquette (éthique du net) en évitanttoute attaque personnelle.

Des efforts de conception du site et de mise enpage ont été faits en considérant que « la lisibilitéd'une information n'est plus « linéaire » (ou parchapitre comme dans un rapport) mais peut aller desujet en sujet, de point en point (liens hypertexte) » ;« le format et la taille de l'écran sont des cadres quiimposent une recherche pédagogique particulièrepour faire comprendre un projet routier sur unlinéaire important (cf la carte interactive duprojet) ».

Autre adaptation rendue nécessaire, mais aussipossible, par Internet : l'évolution vers uneinformation plus interactive (animation de croquis,cartes) et réactive (capacité de réponse dans un délaide 24 h par exemple, cliquez ici puis sur « évaluationenvironnementale » parmi les thèmes traités sur laliste de diffusion).

Cette démarche a représenté un apprentissagepour la plus grande part des acteurs du territoire, et lespremières contributions sont venues de quelques« acteurs du réseau web » pour amorcer la pompe . Maisl'effort a été le plus important pour les fonctionnairesde la DDE, d'autant que les paroles venant de la DDEou d'autres services de l'État ont été imputées à leurs

19 Le système des cahiers d' acteurs publiés par la Commission du Débat public avec la même charte graphique et la même qualité d 'impression pourtoutes les contributions, nous paraît être une innovation plus importante que l'usage limité d'Internet que l'on constate actuellement.

20 Maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication à l'Université de Technologie de Compiègne, chercheur au COSTECH(Connaissance, Organisation et Systèmes Techniques) .

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CYBERESPACE, PARTICIPATION DU PUBLIC ET MOBILISATIONS CITOYENNES

Figure n° 7 : Le site des opposants au contournement autoroutier de Lyon par l'Ouest

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auteurs (un des critères de transparence et d'interac-tivité du Cyberspace Policy Research Group) . Cela ademandé un engagement certain des fonctionnaires enquestion, mais que l'on retrouve sous d'autres formesdans des débats en face à face . En pratique, les fonction-naires de la DDE disposaient d'une petite liste nonpublique, « espace « de test » préalable . Pour lesauteurs, « il est fort probable qu'émergeront autour desgrands projets d'équipements publics, des ateliersd'apprentissage de ce type d'outils ».

Dans l'évolution en cours du site RN19, lesconcepteurs prévoient « une distinction plus précisepour mieux cerner d'une part, visuellement, lescontextes, des lieux ou étapes du projet mais aussid'où viennent les projets du territoire, d'autre part, lescontextes de prises de paroles avec ou sans possibilitéde laisser des commentaires en pied d'articles » . Onvoit donc ce souci d'une parole plus personnelle (lescontributeurs de l'administration sont identifiés) etinterprétable dans son contexte d 'expression.

Malgré tous ces efforts et c'est sans doute le refletd'une certaine vitalité, un tel site est très foisonnant ettout nouvel arrivant doit faire un effort importantpour se mettre à niveau . On comprend ainsi que touteune part de la recherche technologique porte sur lamise au point de logiciels permettant de modéliser unprocessus de concertation, de négociation ou dedébat. Il est intéressant de regarder de ce côté.

La « modélisation » d'un processusde concertation et de débat

De nombreuses recherches technologiques,portant en particulier sur la gestion de différends etla médiation en ligne, ou sur la mise en ligned'outils de travail coopératifs assistés parordinateur . . ., sont basées sur la « modélisation » deprocessus de concertation, de négociation ou dedébat, et la mise au point d'algorithmes susceptiblesd'en assurer la conduite sur Internet . La plupart destextes ne font pas état d'expérimentations réelles.

On trouve dans les communications au 15ème symposium international « L'informatique pour laprotection de l'environnement » 21 , des exemples dece type de travaux :

—Maik Adombent, "Do Information SocietyTechnologies support the participation principlesof sustainability ?" ;

—Oliver Märker et alii, "Online mediation as a toolof public knowledge management for shaping asustainable information society" ;

— Alan Gaitenby, "Online Dispute Resolution

(ODR) and Social Space(s) : informationexchange and human interaction" ;

— M . Hare et alii, "The development of an Internetforum for long-term participatory group learningabout problems and solutions to sustainable watersupply management':

Dans le cadre de ces projets, il y a ou il peut yavoir convergence entre différents outils, commel'illustre Decisönarium, un progiciel développé parun chercheur finlandais Raimo P. Hämäläinen 22 (cffigure if 9).

Dans le même esprit, lors d'un séminaire duProgramme « Concertation, décision et environ-nement — Quelles places et quels impacts pour lesNTIC ? » du MEDD, Olivier Berreteau a présenté uneexpérience, menée au Sénégal, de mise en oeuvre de« Systèmes multi-agents et jeux de rôles commeoutils supports des discussion pour la gestion deressources renouvelables »23 ; une démarche intéres-sante pour la réflexion même si elle n'est pas enligne24 .

Signalons enfin le projet européen E.D.E.N.( Electronic Democracy European Network) . Ce projet apour but de stimuler et de supporter la participationcitoyenne au processus décisionnel, particulièrementdans le domaine de la planification urbaine, à traversle développement de l'outil NLP (Natural LanguageProcessing) permettant une communication pluseffective entre les citoyens et leurs administrations.Un site (http ://www.edentool.org) présente ce projet,les partenaires, les sites pilotes ; il est possible d'ytélécharger les délivrables du projet.

Agréger des préférences et voter

Au-delà du recueil de multiples avis, plus oumoins éclatés, l'enjeu d'une concertation ou d'undébat public est de permettre l'expression claire depréférences voire de choix, au mieux issus d'unecertaine convergence des points de vue . Cela renvoieen particulier au vote électronique, mais aussi auxméthodes permettant aux usagers d'Internetd'exprimer leurs préférences de façon formalisée etéventuellement de pouvoir découvrir l'impact deleurs choix.

Ainsi, des chercheurs testent la mise en oeuvred'analyses multi-critères sur Internet . Sur ce point,il est intéressant de faire référence aux travauxdéveloppés par le Centre for ComputationalGeography de Leeds qui croisent S .I.G, analysemulti-critères et Internet25 . On peut trouver surInternet trois applications de leur démarche :

21 « Sustainability in the Information Society », 10 au 12 octobre 2001 à l'ETH de Zürich.22 « Decisönarium — Global support for group decisions and negotiations », TED Summer School, Varenna, September 2003.23 In Billet & Mermet (sous la direction de), 2003, Tome II, pp. 97-121.24 Voir aussi, dans le même programme, le projet dirigé par Martin O'Connor (C3E, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), sur

Décision et concertation environnementales, vers une résolution des controverses par l'homme et l ' ordinateur ».25 Ce contact nous a été donné par Nathalie Molines qui a réalisé au CRENAM une thèse sur l'application de méthodologies croisant analyse multi-

critères et S .I .G. dans des enquêtes publiques sur des infrastructures linéaires (Molines & Chevalier, 2001 ; Molines, 2003).

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CYBERESPACE, PARTICIPATION DU PUBLIC ET MOBILISATIONS CITOYENNES

Figure n° 9 : Le monde de l'aide à la décision et les outils logiciels Decisönarium

– L'aménagement (cf figure n° 10) du village deSlaithwaite (West Yorkshire) : parallèlement à unedémarche de Planning for real conduite à partir d'unemaquette réalisée par les enfants des écoles, lesrésidents ont pu consulter un modèle 3D de leurcommune et à partir de là, faire des suggestions sur lesfuturs aménagements de leur commune(http://www.geog .leeds .ac .uklpapers/99-8/) . Cetexemple ne semble pas faire appel à une analysemulticritères, à la différence des deux autres.Dans le cadre des projets de reboisementYorkshire Dales National Park, les visiteurs sontinvités à définir les critères de choix des parcellesà reboiser, et ceux qui devraient dissuader unreboisement (http ://www.ccg.leeds .ac .uk/dales/).A l'issue du processus, le visiteur voit le résultat deses choix en termes de carte des parcelles qu'il estpossible de planter.

– Le principe est le même pour le choix de sites delocalisation déchets nucléaires au niveau de laGrande-Bretagne(http ://www.ccg.leeds .ac .uk/mce/).

Sur la question du vote électronique,mentionnons

– Les expériences de certaines villes comme Issy-les-Moulineaux (organisatrice du 3ème Forum mondialde la Démocratie électronique) ou Kista(commune de la banlieue nord de Stockholm quiparticipe au projet EDEN, voirhttp://www.kista .info).

– Des programmes européens tels que CYBERVOTE(www.eucybervote .orglec) ou E-POLL (www .e-poll-project.net) .

– Des ouvrages tels celui de Dick Morris26 ou celuipublié par EUROCOM 27 .

Dans une conférence à l'AFCAP (www.affairespubliques.com), Thierry Vedel (chercheur auCEVIPOF) résume ainsi les avantages attendus duvote électronique :

– une réduction des coûts (de 10 à 1) et la possibilitéde consulter plus fréquemment les électeurs ;

– une plus grande participation des électeurs ensimplifiant l'acte de vote ;

– un dépouillement plus aisé permettant des modesde consultation plus sophistiqués, tels que lapossibilité de présenter diverses options à classerdans l'ordre de préférence ou de priorité, ou

26 Voir l'ouvrage : Morris Dick, Delafon Gilles (avec la collaboration de), 2002, Vote.com ou comment Internet va révolutionner la politique, Rapportset études, éditions Pion, 177 p.

27 EURO-COM, Rapport sur le vote électronique : le vote électronique : enjeux et réalités dans l'Union européenne, Paris, 130 p . Possibilité de lecommander à l'adresse, http://www.democratie-electronique.org/main_titres/publicat/rapport_vente .htm

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PHILIPPE BLANCHER

Figure n°10 : Commentaires en ligne des habitants de Slaithwaite

simplement d'offrir différentes possibilités deréponses (ce qui a déjà été fait dans des votationsen Suisse sans usage d'Internet).

Toutefois, le vote électronique pose actuel-lement des problèmes techniques (sécurité,confidentialité, authentification) et socio-politiques(exclusion de certaines personnes, banalisation duvote . . .) . De plus, il n'a qu'un intérêt limité s'il estdéconnecté d'un processus d'information et dedélibération capable de permettre aux citoyens des'exprimer en connaissance de cause.

ConclusionA l'issue de ce rapide balayage, différents points

paraissent importants à retenir :

– Internet est aujourd'hui une source d'informationtrès importante, mais il faut pouvoir développerlargement : pour les récepteurs de cetteinformation, la capacité à discerner la qualité de

cette information et à la hiérarchiser ; pour lesémetteurs, la capacité à se donner des moyensd'évaluer la réception de leurs messages, à ne passimplement reproduire sur le net leur façon decommuniquer habituelle, et à mieux connaître etutiliser des outils de communication plus perfor-mants comme, par exemple, la cartographiedynamique. ..

– L'usage d'Internet dans la concertation et le débatpublic en est à ses débuts, les expériences sont deplus en plus nombreuses, mais restent relativementlimitées dans les processus d'interaction qu'ellespermettent. Un apprentissage est nécessaire pourinciter à l'expérimentation et permettre qu'elle soitplus pertinente . Pour permettre cet apprentissage,les expériences doivent pouvoir être analysées etévaluées au niveau des usages effectifs.Internet peut jouer un rôle utile dans un débatpublic à condition de concevoir son rôle encomplémentarité d'autres modes d'informationsusceptibles de toucher un public plus large ou depermettre une interaction en face à face qui resteplus adaptée à une véritable confrontation despoints de vue.

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