la femme du pervers narcissi que

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    http://www.relation-aide.com/dos_description.php?id=222&cat=2

    LA FEMME DU PERVERS NARCISSIQUE

    MEMOIRE REALISE EN 2009 PAR

    SARAH CARRY

    Les gens n'ont sur vous aucun pouvoir, sauf celui que vous leur accordez.

    Sommaire

    Introduction

    I - Cadre thorique

    1. Quest-ce que le narcissisme ?

    2. Les processus en jeu dans la formation dun couple

    3. Quest-ce que la personnalit perverse narcissique ?

    a. La personnalit narcissique

    b. La perversion narcissique versus la perversion sexuelle

    c. La perversion narcissique versus la psychopathie

    4. La femme du pervers narcissique

    a. Tableau clinique de la femme du pervers narcissique

    b. Lorsquelle vient consulter

    c. Y a-t-il rptition dun traumatisme antrieur ?

    d. Le masochisme

    e. Le masochisme et la femme

    f. Le masochisme et la femme du pervers narcissique

    g. Identification la mre

    5. Problmatique et hypothses thoriques

    a. Problmatique

    b. Hypothses thoriques

    II Mthodologie de la recherche

    1. Hypothses oprationnelles

    2. Mthodologie

    III Analyse des donnes

    1. Prsentation et analyse des entretiens

    http://www.relation-aide.com/dos_description.php?id=222&cat=2
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    - Le cas de Me. P.

    - Le cas de Me. I.

    - Le cas de Me. E.

    - Le cas de Me. F.

    2. Discussion des rsultats

    3. Critiques, limites et perspective

    Conclusion

    Bibliographie

    INTRODUCTION

    Sil est vrai que le nombre de divorces na de cesse daugmenter, J.-G. Lemaire dans son ouvrage

    Le couple : sa vie, sa mort(1979),nous rvlequeles jeunes forment nanmoins couple trstt et de plus en plus tt p.291. Le couple daujourdhui est prfr et devient le lieu dun certainnombre dexigences. Il doit tre objet de dsir sur le plan affectif, lamour passion, lamourtendresse, lamiti, la connivence intellectuelle, le partage du travail, lducation en commundes enfants sans compter lobligation de la jouissance sexuelle p.12-13. Tellementdattentes lui sont demandes quil ne peut les satisfaire parfaitement et confronte les partenaires un grand nombre de dceptions.

    Que se passe-t-il lintrieur dun couple, entre deux personnes dont lune prsente unfonctionnement pervers narcissique ? Sur quel(s) critres ces deux partenaires se sont-ils choisispour former un couple ? Ce qui va nous interroger tout au long de cette tude, cest la porte dun

    lien extrmement fort entre deux individus alors que leur relation est mortifre.

    Le harclement et la victimisation sont des termes souvent entendus de nos jours. Sommes-nous face un phnomne de mode ? (Guedj J.-P., 2007). En effet, depuis quelques annes, nousentendons beaucoup les mdias parler de la prise en charge des femmes victimes de violencesconjugales. Selon lEnqute Nationale sur les Violences faites aux Femmes, ralise en France en2000, 10% des femmes ges entre 20 et 59 ans sont victimes de violences conjugales,sous diffrentes formes, de la part de leur partenaire actuel ou pass, mari, concubin ou petitami .

    Si lon parle profusment de laide apporter aux victimes dactes rprhensibles, partir de

    quand est-on dans la victimisation ? Autrement dit, jusqu quel point la socit peut-elle aller poursecourir une personne victime dabus sans driver vers linstallation de cette personne dans le statut de victime lempchant ou retardant le processus de reconstruction ? Si la question sepose pour les femmes battues, la question reste galement ouverte aux femmes vivant desviolences plus caches, car sans traces physiques, que sont les violences psychologiques, moralesappeles galement harclement moral. Parmi les dispensateurs de ces violences, nous pouvonstrouver les personnes atteintes de perversion narcissique.

    En consquence, comment ces femmes ont-elles pu tomber amoureuses dhommes qui se sontrvls tre des pervers narcissiques ? Comment aider ces femmes qui souffrent des attaquesincessantes de leur conjoint pervers narcissique ? Plus encore, comment se fait-il quelles restent

    aussi longtemps dans cette situation de souffrance ?

    Cette recherche vise mieux comprendre les raisons inconscientes qui ont amen une femme pouser un pervers narcissique afin de cibler au mieux la prise en charge de ces femmes victimesdes manuvres perverses de leur conjoint.

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    Pour ce faire, nous proposons daborder ce thme par la dfinition du narcissisme, puis deprsenter quelques processus normaux luvre dans la formation dun couple. Enfin aprs avoirdcrit ce quest une personne prsentant une perversion narcissique, nous nous intresserons cequi se passe dans le couple dune telle personne, aussi bien du ct du pervers narcissique que duct de la femme.

    I - CADRE THEORIQUE

    1. Quest-ce que le narcissisme ?Le terme narcissisme a t cr en rfrence au Mythe de Narcisse. Parmi les diffrentesversions, N. Jeammet, F. Neau et R. Roussillon (2004) en dgagent un rcit commun : un jeunehomme nomm Narcisse, est si beau quil suscite la fascination autour de lui. Devant sonindiffrence et sa suffisance, les dieux le condamnent ne jamais possder lobjet de son amour.Plus tard, passant devant un cours deau, Narcisse tombe amoureux de son reflet. Ne pouvantatteindre lobjet de son amour, il meurt et se mtamorphose en une fleur que lon nomme narcisse .

    Selon le dictionnaire de psychologie (Doron R. & Parot F., 1991), cest Freud qui a dvelopp le

    concept de narcissisme dans Pour introduire le narcissisme, en 1914. Bien quil en ait parldiffremment selon les textes et les circonstances, Freud reprend le terme narcissisme ,employ pour la premire fois parNcke et dsignant alors le comportement par lequel unindividu traite son propre corps de la mme manire quon traite dordinaire celui dun objetsexuel ; il le contemple donc, le caresse, le cajole, en y trouvant un contentement sexuel,usqu ce quil parvienne par ces pratiques une pleine satisfaction p. 217. PourFreud,cela renvoie de lauto-rotisme.

    Puis, aprs avoir ramener ce terme lhomosexualit et la nvrose, Freud (1914) vient penserque ce narcissisme est prsent chez tout chacun. Au dpart, le bb sinvestirait lui-mme(narcissisme primaire) avant daller investir un autre objet. Nanmoins, Freud affirme que cet

    investissement du moi se maintiendrait tout au long de la vie. A sa suite, J-M Quinodoz (2004)dans son ouvrage Lire Freud, explique que, lorsque le bb sera capable daimer une personnediffrente de lui et pour ce quelle est, alors celui-ci sera apte saimer soi-mme en retourcomme il aime autrui : cest ce retournement dinvestissement sur soi que Freud appelle lenarcissisme secondaire. p.151. J-M Quinodoz prcise par ailleurs, que lors dudveloppement normal, le narcissisme secondaire tablit le fondement de lestime de soi etcoexiste avec lamour objectal. p.151.

    Enfin, dans un troisime temps, Freud (1914) voque le narcissisme dans la vie amoureusedes tres humains . Il constate alors que lon choisit ses objets sexuels lge adulte en fonctiondes premiers choix dobjet, avec lesquels on a vcu des expriences de satisfaction c'est--

    dire en premier lieu la mre ou son substitut p.231. De fait, les pulsions sexuellesstayent dabord sur la satisfaction des pulsions du moi dont elles ne se rendentindpendantes que plus tard p.231. On parlera alors dunchoix dobjet par tayage . ct, on trouve des personnes dont le dveloppement libidinal a connu une

    perturbation p.231, qui choisissent leur objet damour non pas sur le modle de la mre maissur leur propre personne (tels les pervers et les homosexuels selon Freud). Il sagit ici dun type dechoix dobjet narcissique.

    Somme toute, Freud conclut que chaque tre humain est amen lire son choix dObjet :soit lui-mme soit la femme qui lui donne ses soins p.231. Il va plus loin et soutient lide quelhomme est caractris par un choix dObjet par tayage (la femme qui nourrit ou lhomme

    qui protge p. 233) alors que la femme serait plus encline un choix dObjet narcissique ( onaime ce que lon est soi-mme, ce que lon a t soi-mme, ce que lon voudrait tre soi-mme, la personne qui a t une partie de son propre soi p. 233).

    Par ailleurs, Freud constate que lindividu normal lge adulte a mis de ct une partie du

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    narcissisme primaire avec ses ides de grandeurs ( dsir de perfection narcissique p.154) etses caractristiques psychiques mais quun reste subsiste en une instance psychique

    particulire qui accomplisse la tche de veiller ce que soit assure la satisfactionnarcissique de lidal du moi, et qui, dans cette intention, observe sans cesse le moi actuelet la mesure lidal (J-M Quinodoz, 2004, pp. 154-155). A cette priode, Freud (1914) utiliseles termes de Moi Idal et dIdal du Moi de faon indiffrencie afin dexprimer sa pense.

    Aujourdhui, nous considrons lIdal du Moi comme tant forg par la morale venant dabord de

    lautorit et des exigences des parents, puis des autres intervenants dans lducation de lenfant etenfin, de la socit en gnral dans laquelle lenfant vit. Lorsque ces acteurs posent un interdit,langoisse de celui-ci est de perdre leur amour. Il simagine alors quen collant leurs dsirs, ilrestera digne damour. A linverse le Moi Idal serait les qualits que lon doit avoir pour tre enaccord avec Soi-mme (ses propres valeurs, ses dsirs, ses aspirations). Quand il y a un tropgrand cart entre lIdal du Moi et le Moi Idal, le sujet ressentira une forte angoisse face unesituation mettant en jeu les valeurs opposes de ces deux instances.

    Reprenant le parallle avec la vie amoureuse de ltre humain, Freud (1913-1914) y voit un lienentre le fait dtre aim et lestime de soi : ne pas tre aim rabaisse le sentiment de soi, treaim llve. Nous avons indiqu qutre aim constitue le but et la satisfaction dans le

    choix dObjet narcissique. [] La dpendance par rapport lobjet aim a un effetdabaissement ; celui qui est amoureux est humblement soumis. Celui qui aime, pour ainsidire, a perdu une partie de son narcissisme, et il ne peut en obtenir le remplacement quentant aim. Sous tous ces rapports, le sentiment de soi semble rester en relation avecllment narcissique de la vie amoureuse. p. 241.

    En dautres termes, la personne amoureuse se montre volontairement vulnrable devant lobjetaim. Elle abaisse ses dfenses afin que celui-ci puisse sapprocher et tablir ainsi une relationamoureuse. Mais qui est la personne quelle laisse sapprocher ?

    2. Les processus en jeu dans la formation dun couple

    A prsent, nous allons nous pencher sur les diffrents mcanismes utiliss par deux personnespour constituer un couple.

    J.-G. Lemaire dans son ouvrage Le couple : sa vie sa mort(1979) donne une dfinition ducouple conjugal ainsi que ses fonctions psychiques chez le Sujet. Tout comme lauteur, nouschoisissons de nous concentrer sur le couple conjugal, dans notre rflexion, car il a pour principalecaractristique de manifester une capacit particulire () supporter la souffrance et le conflit p. 31 contrairement la relation amoureuse passagre. Au reste, J.-G. Lemaire numre deuxautres particularits du couple conjugal au sens large : sa structuration sur des bases affectiveset un projet au moins implicite de longue dure() p. 335.

    Voici succinctement les diffrents processus mis en uvre dans la formation du couple.Dans lanormalit, nous observons tout dabord une attirance premire globale au futur partenaire. En effet,dans les premiers temps de la relation amoureuse, on remarque une certaine idalisation,survaluation du partenaire et de la relation amoureuse ainsi quune confortation narcissique par leSujet. Pendant cette phase de lune de miel, ce dernier a souvent recours au clivage, sparantlObjet totalement bon de lObjet totalement mauvais afin de maintenir laspect idyllique despremiers moments. De fait, cette relation nest pas base sur lambivalence.

    Puis vient la phase prcritique dans laquelle apparaissent les premiers lments agressifs enversle partenaire, sensuit la crise (moment de dsillusion du partenaire et de la relation et

    dindividualisation) qui amnera lors de sa rsolution une nouvelle idalisation du partenaire et unenouvelle rorganisation des relations au sein du couple. Celui-ci a atteint un nouvel quilibremeilleur que le prcdent.

    Le concept de contrat narcissique dvelopp parP. Aulagnier(1975) donne une autre perspective

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    la formation de la relation amoureuse. Faire une analogie avec la relation parent-enfant permetde mettre en vidence le contrat narcissique. Il sagit dun accord sign la naissance dun enfantpar les parents et lenfant. Celui-ci nat pour assurer la continuit du couple dans cet auto-engendrement qui traverse la mort. En change, le couple linvestira narcissiquement. cemoment-l, lenfant va rparer les blessures narcissiques des parents en rpondant leursbesoins, leurs attentes, leur idal familial.

    Par la suite, lorsque advient un dcalage entre les attentes des parents de leur bb, et ce quest le

    bb dans la ralit, le contrat narcissique se rompt. Cest la dsillusion engendrant de lasouffrance. Aussi bien dans les liens familiaux que dans les couples, ce contrat narcissique est labase de lalliance. Autrement dit, lors de la rencontre entre les deux partenaires, il y a eu une tapedillusion dans laquelle lautre rpondait son propre idal et satisfaisait ses propres dsirs. Plusque ltayage, il serait davantage de lordre de la rparation narcissique. Puis, un moment donn,se produit ltape de la dsillusion.

    Cette alliance inconsciente prsente un deuxime niveau : le pacte dngatif(R. Kas). Celaconsiste saccorder pour ne pas parler de ce qui est dsagrable et prexistant chez chacun despartenaires au moment de leur alliance. Cela peut tre la fois loppos du contrat narcissique et, la fois une dfense mise en place contre larrive de la dsillusion. Pour maintenir le lien entre les

    conjoints, il sagira de garder refoul, irreprsent ce qui tente de faire retour.

    Lorsque les membres du couple ne se sont investis que sur les aspects narcissiques ou sur ce quisert leur propre dsir, ils vont se retrouver pigs, coincs lintrieur du systme couple. Lorsquela dsillusion se produit, on observe une prise de conscience dune diffrenciation des partenaires.Si lun dentre eux a le dsir de sortir de cet espace et daller sinvestir ailleurs, ce qui a t refoullors de la mise en couple revient sur le devant de la scne. Si grer ce qui refait surface amne unetrop grande angoisse, alors la personne choisira lissue la moins coteuse psychiquement c'est--dire retrouver le statut antrieur dans cette relation, ltape de li llusion.

    Sous le terme d change des dissociations , Wynne (Lemaire J.-G., 1979) parle de ce mme

    phnomne. Il dit que lindividu ne choisit pas son conjoint par hasard mais quil reconnatrait en luides caractristiques personnelles qui lui semblent dsagrables, redoutables, oucoupables p.124, quil tentera de cacher sa conscience. Selon Wynne, cest grce la dissociation que le Sujet va pouvoir projeter et localiser ces aspects de lui dplaisants sur sonpartenaire mais de faon inconsciente.

    Le processus, tant rciproque, sous-tend lorganisation systmique. Ainsi le choix dupartenaire peut tre ralis en fonction de ce besoin dcarter un conflit intrieur, enloignant du champ de la conscience un aspect de soi-mme quon rprouverait si on le

    percevait, et qui engendrerait des sentiments de culpabilit (J. G. Lemaire, 1979, p.124).

    Par ailleurs, J. G. Lemaire (1979) prcise que, dj en dehors de la pathologie, lorsque londemande ce qui a runi les deux personnes dun couple, les rponses sont trs vasives ettournes gnralement autour des facteurs spatio-temporels ou du hasard. Comme si ce qui lesavait profondment attir lun vers lautre tait dj lobjet dune commune censure p.43. Eneffet, ce choix rciproque et spontan, avant toute rflexion consciente met en videncelintrication des dfenses de chacun et leur collusion.

    Donc, ce qui cre la force de lattraction mutuelle spcifique, cest essentiellement laperception inconsciente dune problmatique commune, avec simultanment des manirescomplmentaires dy ragir chez lun et chez lautre p.142. De fait, les caractristiquesrecherches chez le conjoint sont telles quelles ne doivent pas stimuler la pulsion

    insuffisamment rprime, mais permettre par ailleurs un ensemble de satisfactionssuffisant pour ne pas frustrer de faon viter le dveloppement de la pulsion malcontrle et habituellement refoule. Le retour de ce refoul posera problme et introduirala crise. Il exigera une rorganisation des interactions et des dfenses . p. 338. Ainsisorganise entre eux un ensemble complexe dans lequel leurs Moi sont partiellement

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    identifis, tandis que pour une autre part, la collusion leur sert projeter chez lautre, soitlObjet perscuteur, soit lObjet libidinal rcus, ce qui permet une vritable polarisation, etun fonctionnement facilitant la rsolution ou lvacuation des conflits intra personnels dechacun des Sujets . p.341.

    Enfin, J. G. Lemaire (1979) retrouve le concept de collusion chez J.Willi. Ce derniersoulignant que le conflit provoqu par la problmatique, commune aux partenaires et refoule,sexprime diffremment chez chacun dentre eux. Il dit ainsi que : Ce conflit fondamental

    favorisant la divergence des comportements, lun prenant des caractres rgressifsmarqus, tandis que lautre est conduit une attitude apparemment beaucoup plusprogressive p.142. Lorsque le refoul fait retour : La collusion organise ce moment parlintrication des mouvements dfensifs inconscients de chaque intress renforce lesefforts de chacun pour maintenir hors du champ de la conscience toute perceptiondsagrable et pour maintenir le refoul l o il avait pu ltre pendant la lune de mielp.152. Les deux processus caractristiques de cette phase sont le clivage et lidalisation dont lebut est dempcher/lutter contre lambivalence lgard de son Objet.

    A prsent, au vu de toutes ces considrations, nous nous interrogerons sur la problmatiquecommune sur laquelle le couple, comprenant un homme pervers narcissique et une femme, sest

    organis. Nous poursuivrons notre rflexion en nous efforant dapprhender la personnalit dupervers narcissique et son fonctionnement psychique, travers la littrature. Puis, nous nousintresserons aux femmes qui les ont pouss.

    3. La personnalit perverse narcissique

    Tout au long de notre recherche, nous considrerons la perversion narcissique sous la dfinitionquen fait M.-F. Hirigoyen (1998) comme la mise en place sur une personnalit narcissiquedun fonctionnement pervers p.152. Il serait donc intressant de retourner au DSM-IV afin dyvoir la description dune personnalit narcissique.

    a. La personnalit narcissiqueSelon le DSM-IV (Gueldfi J.D. et al., 1996), la caractristique essentielle de la personnalitnarcissique est un mode gnral de grandiosit, de besoin dtre admir et de manquedempathie qui apparat au dbut de lge adulte et sont prsents dans des contextesdivers .

    Plus spcifiquement, voici les critres diagnostiques du DSM-IV identifiant unepersonnalitnarcissique :

    (1) Le sujet a un sens grandiose de sa propre importance (p. ex surestime ses ralisations

    et ses capacits, sattend tre reconnu comme suprieur sans avoir accompli quelque chose enrapport).

    (2) Est absorb par des fantaisies de succs illimit, de pouvoir, de splendeur, de beaut oudamour idal.

    (3) Pense tre spcial et unique et ne pouvoir tre admis ou compris que par desinstitutions ou des gens spciaux et de haut niveau.

    (4) Besoin excessif dtre admir.

    (5) Pense que tout lui est d : sattend sans raison bnficier dun traitement particulirementfavorable et ce que ses dsirs soient automatiquement satisfaits.

    (6) Exploite lautre dans les relations interpersonnelles : utilise autrui pour parvenir sespropres fins.

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    (7) Manque dempathie : nest pas dispos reconnatre ou partager les sentiments et lesbesoins dautrui.

    (8) Envie souvent les autres et croit que les autres lenvient.

    (9) Fait preuve dattitudes et de comportements arrogants et hautains. p.775

    Bien que le DSM-IV ne prcise pas le nombre de critres minimum requis pour poser le diagnosticde personnalit narcissique, nous conviendrons arbitrairement que 6 de ces signes devront treprsents pour identifier le conjoint qualifi par la femme comme narcissique ou pas.

    b. La perversion narcissique versus la perversion sexuelle

    Distinction perversion et perversit

    Dans Clinique des perversionscrit sous la direction de C. De Tychey (2007), on apprend que : le mot perversion vient du latin pervertire, qui veut dire littralement retourner,renverser, mettre sans dessus dessous () (Dictionnaire historique de la languefranaise, 1998) p. 10

    Tout dabord, nous devons souligner quen ce qui concerne la psychanalyse, on ne parlera deperversion quen relation la sexualit, Freud sortant la perversion de sa connotationmorale p.10. On peut lire dans Vocabulaire de la psychanalyse (Laplanche et Pontalis,1967) que la perversion est une dviation par rapport lacte sexuel normal , dfinicomme cot visant obtenir lorgasme par pntration gnitale, avec une personne du sexeoppos . p.11.

    Ainsi, nous diffrencions deux formes de perversion : dune part, la perversion de caractre ou perversion morale ou encore perversit caractrise par une forme de dviationmajeure de la personnalit p.11 sans pour autant quil y ait des troubles de la sexualit (laperversion narcissique pouvant tre classe dans cette catgorie), et dautre part, nous avons laperversion sexuelle dsigne par une pratique sexuelle exclusive dont le sujet a besoinimprieusement pour atteindre la satisfaction, le partenaire tant considr comme objet utile cebut.

    Dans La personnalit normale et pathologique de J. Bergeret (1996), on retrouve galement lanotion de perversion de caractre ou caractre pervers . Chez cet auteur, la perversion de caractre correspond () aux sujets atteints de perversit alors que la

    perversion authentique, dcrite propos des structures intresse les vritables pervers ,au sens habituel du terme p. 280, c'est--dire au sens de perversion sexuelle . Pour le pervers de caractre, les objets ne peuvent possder dindividualit concurrentielle,

    dintrts propres, dinvestissement dans des directions qui ne seraient pas centrs sur lesujet lui-mme, possessif, intransigeant, exclusif dans ses exigences affectives : tout doittre pens pour lui et pour lui seul. Les autres sont destins obligatoirement complter lenarcissisme dfaillant du pervers caractriel au prix de leur propre narcissisme. (Cest

    pourquoi,) le pervers de caractre tient ses objets dans une relation anaclitique () p.281.

    La perversion narcissique

    P. C. Racamierest le premier utiliser le terme de pervers narcissique lorsquil travaille sur lapsychose et plus particulirement sur la schizophrnie. Dans Le gnie des origines(1992), il les

    dcrira comme des noyauteurs, pour lesquels tout est bon pour attaquer le plaisir de penser et lacrativit ; pour le pervers narcissique dominent le besoin, la capacit et le plaisir de se mettre labri des conflits internes et en particulier du deuil en se faisant valoir au dtriment dun objetmanipul comme un ustensile et un faire-valoir (Bouchoux, 2009, p.4).

    Auparavant, Freud a montr que toute personne ayant pass le complexe ddipe avait

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    un dveloppement sain et que toute personne incapable de renoncer ses dsirs et dedpasser le Complexe devenait nvrose et que tout sujet nayant pas abord le Complexetait psychotique. Freud nommait la schizophrnie, nvrose narcissique (Bouchoux,2009, p.112). A la suite, les recherches de P.C. Racamier laissent entrevoir certainescauses, comme lincestualit, qui pourraient sopposer au bon droulement de ldipe etqui expliqueraient lentre dans une troisime catgorie de structure : les personnalitslimites o lon trouve les perversion narcissiques (ibid., p. 112-113).

    De fait, le pervers narcissique na pas pu accder ldipe. Incompltement structur, il aura degrandes difficults faire face linterdit et ngocier ses pulsions. Par ailleurs, nayant pas russi intgrer une image unifie de sa mre, le pervers narcissique a d recourir au clivage afindintgrer la bonne mre et de rejeter et dnier la mauvaise mre pour rester en relation avec celle-ci.

    Consquemment, nayant pas russi acqurir une bonne image de lui et diffrencie des autres,il utilisera ce mme mcanisme, envers sa victime, afin de lutter contre langoisse de ses objetsinternes. En effet, lAutre est alors considr comme son prolongement servant se runifier. Si cedernier venait partir, le pervers narcissique aurait limpression de perdre une partie de lui,entranant une intense angoisse dabandon. En dautres termes, se vivant incomplet, il est

    sans cesse la recherche dune prothse phallique , c'est--dire dun objet lui permettantde soutenir lillusion de son pouvoir sur les choses et les vnements (ibid., p.49).

    Prsentement, nous allons apprhender la perversion narcissique selon trois points de vue :topique, dynamique et conomique. Cette description, sur laquelle nous appuierons notrerecherche, nest que le portrait-type de ce quest un pervers narcissique, donc ne tenant pascompte des caractristiques individuelles de chacune de ces personnes.

    Du point de vue Topique

    Voici comment nous pouvons traduire la perversion narcissique aux vues de la 2me topique de

    Freud :

    Le a est linstance pulsionnelle dirige par le principe de plaisir. Il est totalement inconscient. Il nese soumet ni la loi ni linterdit. Cette instance pulsionnelle est forme de nos dsirs, de nosbesoins, de nos motions, de nos souvenirs refouls et tend naturellement vers lexpression de sesnergies (Bouchoux, 2009, p. 17). Chez le pervers narcissique, le a est trs oprant etprdominant sur les autres instances.

    Le surmoi correspond aux valeurs morales comme nous lavons vu prcdemment. Il est pourlessentiel inconscient. Il est compos des valeurs morales propres au sujet mais galement auxvaleurs idales de ceux qui lont lev. Cette instance impose au moi de sopposer toute

    pulsion contraire ses valeurs p.18. Or comme le pervers narcissique na pas atteint ldipe,le surmoi est peu efficient.

    Le moi est linterface entre le a, le surmoi et le monde extrieur. Il a donc pour objectif decomposer entre les dsirs du a, les interdits du surmoi et les exigences du monde extrieur. Cetteinstance est dirige par le principe de ralit et est donc en grande partie consciente. Chez lepervers narcissique, le moi est dfaillant. Cest en effet ce que soutient Hirigoyen (1998) : Toutcommence et sexplique par le Narcisse vide, construction en reflet la place de lui-mme etrien lintrieur p.154

    En rsum, on observe chez le pervers de caractre, que nous assimilons au pervers narcissique,

    une absence de souffrance et de culpabilit des sujets. Dans lun et lautre cas, il fautattribuer ces manques tant au peu defficacit du Surmoi quau faible pouvoir du Moidviter que les pulsions ne passent dans les agis (J. Bergeret, 1996, p.281). Somme toute, Il ne sagit que dun essai de sauvetage du narcissisme personnelgrce aux apports dunarcissisme des autres, ceci au sein dun moi simplement lacunaire, relativement

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    incomplet (ibid., p. 280).

    Le point de vue dynamique

    Lorsque lon observe le pervers narcissique du point de vue dynamique, nous essayons de mettreen lumire les conflits entre les diffrentes forces (pulsions de vie, de mort, sexuelles etagressives) luvre dans le sujet. Par exemple, quand deux dsirs rentrent en opposition, celacr un conflit interne et un tat de tension. Toute personne a appris grer ses pulsions (dsirs et

    dgots) soit en composant avec, soit en les reportant plus tard.Or ce nest pas le cas pour le pervers narcissique qui, ne supportant pas ltat de conflit interne,lexpulsera et le localisera chez un autre afin de retrouver un tat dquilibre interne. Pour se faire ilutilisera diffrents mcanismes de dfense. Le clivage, la projection et lidentification projective luipermettront de projeter sa part indsirable sur lautre pour ensuite le dvaloriser, le culpabiliser decette dfaillance et enfin se valoriser. Le dni viendra pour considrer le conflit, source dangoisseinsupportable, comme non avenu.

    De ce fait, J. Defontaine (2003) crit que la perversion narcissique pose le problme de laprise en considration de la dimension interpsychique p. 839. Le pervers narcissique ne

    conoit pas lautre comme une unit psychique diffrente de soi avec des dsirs propres maiscomme un objet sa disposition. Lautre est un outil, un moyen pour vacuer sa souffrance. Il sagitde ce fait de ltablissement dune relation dobjet de type anaclitique (c'est--dire une relation quistaye sur lobjet), sous-tendu par une angoisse dabandon si son Objet venait sloigner.

    Dautre part, le pervers narcissique dans cette relation anaclitique, est un tre agissant . SelonFerenczi () le passage lacte serait li : lvitement de llaboration psychique des

    problmes (la dpression, la douleur, le sentiment dinsuffisance) et la tentative de luisubstituer une solution magique (), destins faire advenir une nouvelle ralit. Celatraduisant son fonctionnement mental par un vide de la pense, peu ou pas de fantasmes, peude rves et des scnarios agis (contre imagins) (Defontaine J., 2003). La perversion

    narcissique dans sa logique de faire porter par lautre son propre mal-tre serait lultime moyenpour ne pas dlirer et entrer dans la psychose.

    Du point de vue conomique

    Il y aurait diffrentes nergies dans le corps humain qui se dplaceraient et seraient capablesdaugmentation et de diminution. Elles peuvent prendre la forme de penses, de dsirs ou biendaversions.

    Dans un premier temps, nous devons admettre que lobjet-ustensile [en loccurrence lafemme du pervers narcissique] nest pas seulement dvaloris, mais aussi fortement

    investi p. 937 (Korff-Sausse, 2003). Nous retrouvons cette notion dambivalence dans larticlede J.-P. Caillot (2003) lequel cite D. Meltzer(1972) exprimant que : La destructivit est souslinfluence massive des sentiments et des attitudes denvie lgard de la bont, de lagnrosit, de la crativit, de lharmonie et de la beaut des objets bons . p. 821.

    Autrement dit, le pervers narcissique choisit une proie en fonction des qualits quil admire et quilcherche acqurir. Cette apptence est claire par les propos de Mlanie Klein affirmant que lenvie est un fantasme ou un agir dappropriation, de prdation du bon objet ou de lobjetidal admir et de destruction de celui-ci afin de supprimer lenvie insoutenable. Elle est unobstacle ltablissement dun bon objet partiel . p.820 (J.-P. Caillot, 2003). Dans le mmesens, J. Mynard (1983) crit que la perversit est dfense contre la menace que reprsente

    ltre de lautre et consquemment un refus de lui accorder ltre . p. 822.

    De surcrot, dans leur article, M. Hurni et G. Stoll (2003), citent Pasche (1983) qui dclare que la : la perversit et la jouissance seraient dans le fait mme de dtruire ou tout au moins derduire, de rabaisser p.890, lobjet.

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    J.-C. Bouchoux (2009) synthtise cela en ces termes : par ses injonctions paradoxales, lepervers affaiblit le moi de sa victime qui ne sait plus o est la ralit. Alors disqualificationset projections permettront lagresseur de transfrer ses propres conflits dans lautre,vitant ainsi dentrer en dpression. (). Il y a rotisation des dfenses perverses c'est--dire que le pervers prouve du plaisir la manipulation. Lautre est en pleine confusion,alors que lagresseur sait trs bien o il en est. Plus il le dvalorise, plus il se sent bien,

    plus il le paradoxique , plus il se sent fort p. 32. Pour lutter contre une mauvaise estime desoi, de lui-mme, le pervers narcissique va utiliser le narcissisme drob aux objets (Freud,

    1914). Cest le fait de rehausser sa valeur propre par les objets que lon possde (ex : une bellevoiture).

    La mise en acte de la perversion narcissique

    J.-P. Guedj (2007) rsume la stratgie de conqute des victimes du pervers narcissique en troistapes. Tout dabord, nous avons la phase de sduction durant laquelle i l va se montrer sduisant,aimable. Puis vient le temps de la vampirisation au cours duquel, le pervers narcissique va les viderde leur substance vitale afin de se remplir lui-mme dans une logique de survie. Enfin, la derniretape consistera en lassujettissement de sa victime dans laquelle il les dstabilise, les brise,les domine . p. 124

    M.-F. Hirigoyen (1998) dtaille davantage les manuvres perverses et dit que le perversnarcissique va se moquer des convictions de celles-ci, de leurs choix politiques, de leurs gots, nepas leur adresser la parole, les ridiculiser en public, les dnigrer devant les autres, les priver detoute possibilit de sexprimer, se gausser de leurs points faibles, faire des allusionsdsobligeantes et enfin mettre en doute leurs capacits de jugement et de dcision.

    J.-P. Racamier(1987) den conclure qu il ny a rien attendre de la frquentation despervers narcissiques, on peut seulement esprer sen sortir indemne . p. 933

    Sil est possible qu certains moments dans notre vie, nous ayons galement utilis ces

    comportements, M.-F.Hirigoyen (1998) affirme que nous nous distinguons des personnesperverses dans le fait que ces comportements, attitudes ou sentiments nont t que passagers etont t suivis de remords ou de regrets p. 149. A contrario, le pervers narcissique ne peut enaucun cas ressentir quelque chose se rapportant de la culpabilit car il ne peut pas se remettreen cause du fait dun surmoi dficient. Par ailleurs, cest en sappuyant sur les paroles deRacamier(1987) lorsquil dit que lon ne rencontre que trs rarement les pervers narcissiques dansnotre bureau de psychologue et encore moins sur le divan du psychanalyste, quon a choisi de seconcentrer particulirement sur la femme du pervers narcissique, sa victime pour cette tude.

    3. La perversion narcissique versus la psychopathie

    Avant dorienter notre rflexion sur la femme du pervers narcissique, nous allons distinguer deuxtermes. La psychopathie et la perversion narcissique sont deux entits souvent prsentesensemble car semblables dans une certaine mesure. Dans Le grand dictionnaire de la

    psychologie(1999), la psychopathie est dfinie comme un trouble permanent de lapersonnalit () se caractrisant essentiellement par des conduites antisocialesimpulsives dont le sujet ne ressent pas habituellement de culpabilit. Pour la dcrire, leDSM (1996) emploie le terme de personnalit antisociale p.744. Le trait permettant de ladiffrencier de la personnalit narcissique est la grandiosit. En effet, la personnalit narcissique abesoin de se sentir admire et envie par les autres mais ne prsente pas de comportementsimpulsifs, agressifs contrairement la personnalit anti-sociale.

    P. Mazet et D. Houzel (1984) dans Psychiatrie de ltudiant,soulignent le fait que ce qui est aucur de la psychopathie est la tendance lagir c'est--dire des troubles donnant lieu des actes sans contrle ni retenue perturbant lintgration sociale p.71. Ds lors, ladiffrence essentielle est la non adaptation la vie sociale. Tout le monde sait et voit quunps chopathe est quelquun de pr udiciable pour son entoura e. Or, un pervers narcissique a it

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    insidieusement de telle sorte que les personnes de son cercle social ne se doutent pas de samanuvre perverse exerce sur ses proches ( ses victimes !). M.-F. Hirigoyen (1998) parled agressions subtiles ne laissant aucune trace tangible p. 21, autrement dit visibles sur lecorps.

    4. La femme du pervers narcissique

    A prsent que nous avons fait le portrait type de la personne perverse narcissique, nous allons nous

    tourner vers la femme qui la pous.a. Tableau clinique de la femme du pervers narcissique

    Dans son article, S. Korff-Sausse (2003) prsente les grandes lignes du tableau cliniquecommunes aux histoires des femmes de pervers narcissiques vues dans ses entretiens.

    Dans un premier temps, lauteur constate quelle vit avec un conjoint pervers narcissique depuislongtemps et ce qui a motiv une consultation est une crise de couple o elle envisage de

    partir sans y parvenir p. 926. Par la suite, lauteur nonce les qualits que le perversnarcissique convoite chez sa future victime. Ainsi, la premire caractristique qui va susciter son

    attention lors de leur rencontre cest quelle donne trop voir. dfaut davoir confiance enelle, elle se sent oblige den rajouter, den faire trop, pour donner tout prix une meilleureimage delle-mme . p. 175 renvoyant une fragilit narcissique.

    La seconde caractristique majeure est quil sagit d une personne consciencieuse ayant unepropension naturelle se culpabiliser p. 172. Cela rvle donc une certaine efficience dusurmoi sur le moi de cette femme. Consquemment, pour se dmarquer de son agresseur, elleopte pour une logique de transparence en tentant de se justifier et entrant ainsi, dans le jeu dupervers narcissique permettant ce dernier, de linonder dun flot de paroles incohrentes.

    Dautre part, la victime rechercherait des personnes charisme imposant, autrement dit des

    personnes ayant une certaine solidit narcissique linstar delle-mme. Elle chercherait chez sonpartenaire le moyen de se rassurer narcissiquement, ce que le pervers narcissique entretiendraitpar sa faon de se prsenter elle.

    Elle se caractrise galement par leur trop grande tolrance p. 23 vis--vis du perversnarcissique. La croyance sous-jacente est que si elle se montre plus soumise, il va changer et luimontrer quil laime. Cest de cette faon quelle pourra ainsi le gurir. Nanmoins, cela ne va decesse dalimenter la haine et le sadisme du pervers narcissique . p. 114

    Enfin, nous notons que le partenaire du pervers narcissique a une capacit identificatoire se laisser pntrer par le message de lautre p. 16, comme nous le dit A.Eiguer(1989). Cest

    une forme primitive de lidentification qui est plutt du registre de lincorporation (Abraham &Torok, 1971) de lautre, qui lamne reproduire son discours, adhrer ses ides, et se voir elle-mme conformment limage quil projette sur elle.

    b. Lorsquelle vient consulter

    La premire chose remarquable est quelle se trouve dans un tat de passivit et danesthsiehabituel p. 927, c'est--dire que, face aux violences de son mari, elle ne proteste pas. Bien aucontraire, elle se dfend contre cette destructivit par un mcanisme dannulation des faits passs.Cela rsulte du fait quelle ne croit pas vraiment son histoire et que ses perceptions et sesopinions sont incertaines. De fait, elle trouve toujours des excuses aux comportements de son mari,

    mais sen attribue la responsabilit.Par ailleurs, un type particulier de relation avec son compagnon peut tre mis en vidence. Elle estpossde par son mari tel un objet. Le silence de ces dernires, attestant de leursoumission impose et accepte . p. 927 Cette relation se met en place par lintermdiaire desmodalits de communication et demprise du pervers narcissique. En effet, lauteur y peroit les

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    caractristiques de la communication paradoxale. Un paradoxe tant un nonc contenant deuxordres sexcluant lun lautre, dont la rponse est impossible et qui cre un tat de tension interne.

    Lorsquelle vient consulter, la femme prsente une mauvaise image delle-mme et une faibleestime de soi induites et/ou renforces par les comportements du pervers narcissique tels que ladisqualification (dni des perceptions que le sujet a de ses perceptions, de ses penses ou de sesdsirs), le dnigrement et la dvalorisation.

    Au reste, la capacit de cette femme fonctionner est limite. Son espace mental est envahi par les discours interminables p. 930 du mari, comportant des contresens, voire des non-sens.Elle ne pense plus par elle-mme car elle est destitue de cette fonction psychique. Il parvient luifaire perdre pied, lcher prise afin quelle se range son avis. Elle finit par avoir un sentiment dedpersonnalisation qui la conduit une mort psychique ou plutt un anantissement p.931. Elle devient la chose, lustensile du pervers (Racamier, p.931).

    S. Korff-Sausse (2003) voque par ailleurs, les problmes poss par la psychothrapie, et enparticulier la nature de la mobilisation contre-transfrentielle. Elle prcise que dans les thrapiesavec des femmes de pervers narcissique il est impossible daborder demble le conflitintrapsychique avec la patiente, car celle-ci femme sous influence - est compltement

    prise dans une relation interpsychique alinante, dont il lui faut se dgager avant depouvoir envisager un traitement plus classique dlucidation des contenus inconscients. p. 925

    De mme, dans la suite du travail thrapeutique, on devra prendre en compte le contre-transfertngatif lgard du mari de la patiente et faire attention que lenvie de lanalyste (quelle quitte sonmari) ne devienne pas lobjectif prioritaire. Enfin, lauteur finit son article en laissant en suspens unequestion sur laquelle nous nous appuierons : Contre quoi la relation avec le perversnarcissique les protge ? p.940. S. Korff-Sausse (2003) propose quelques pistes derflexion (un effondrement dpressif, une dcompensation psychique) quelle ne dvelopperapas.

    En outre, il est noter que la femme fait preuve dune fidlit fanatique amenant S. Korff-Sausse la considrer autant comme victime, complice que thrapeute. On constate effectivement quederrire toutes les formes de violence, elle sobstine voir la souffrance de son agresseur. Elle nepeut renoncer sacrifier sa vie pour le soigner p. 938. Il lui est impossible de renoncer la passion rparatrice qui lanime et qui, travers le mari pervers narcissique, sadresse une figure maternelle folle, sductrice, tyrannique et destructrice p. 938-939.

    Pourtant, aprs un certain temps, la victime a conscience quelle souffre mais ne peut paslassocier de la violence et une agression (Hirigoyen, 1998, p.15). En effet, celle-ci abeaucoup de difficult reconnatre la perversit de son conjoint aussi bien au sens didentification

    que dans lacceptation. De fait, elle va alors sefforcer de lui trouver des justifications.

    Cette femme a beaucoup investi delle-mme dans sa relation conjugale. Alors admettre que lapersonne en qui elle avait confiance et mis en elle des rves, des espoirs, nest en fait quunbourreau qui la dtruit peu peu, est extrmement douloureux et coteux psychiquement. Ellepeut ainsi continuer maintenir cette ide hors de la conscience pour garder lesprit lespoirdarriver changer son conjoint et de reprendre le contrle de leur relation. Cette situation peutstaler sur des annes.

    Pourtant, un moment donn, la femme va se rendre compte de la perversit de son conjoint parlintermdiaire dun mta-regard, regard que porte un de ses proches sur elle dans la situation dans

    laquelle elle se trouve. Lauteur donne lexemple du regard dun parent sur son enfant, la femme dupervers narcissique, alite lhpital suite lagression physique du mari.

    Il sagit donc dun mta-regard au sens de mta-communication de lcole de PaloAlto c'est--dire comme sil ne suffit pas de percevoir les choses, il est galement ncessaire que cela soit

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    identifi par un autre (le thrapeute) ayant valeur dauthentification de sa perception permettantainsi lvitement de la disqualification. S. Korff-Sausse mentionne les propos de Watzlawick etBateson qui affirment quaucun changement ne peut se faire de lintrieur ; si unchangement est possible, il ne peut se produire quen sortant du modle . Sans interventionexterne sinstaure un jeu sans fin , qui ne pourra se rsoudre que par le recours laviolence, la sparation, le suicide ou lhomicide (Watlawick, 1967, p.929).

    partir du moment o elle prend conscience de ce qui se passe, elle a atteint un point de non-

    retour p.935. Une fois quelle a pu intgrer ses projections et rduire les clivages, unefois que les motions ont pu lui tre restitues par lanalyste, la faveur des mouvementsde transfert et de contre-transfert, elle parvient construire des frontires qui la protgentdfinitivement des manuvres dinvasion et doccupation du partenaire. Une fois ouvertela porte de sortie de sa position identificatoire masochiste, celle-ci ne se referme plus p.935. Car comprendre cest lever le dni p.939.

    c. Y a-t-il rptition dun traumatisme antrieur ?

    S. Korff-Sausse (2003)asserte que derrire le mari pervers narcissique, se cache bien srun autre perscuteur. Figure du pass, auteur dautres violences, source de traumatismes

    antrieurs. Cest quand il rapparat, que peut commencer le vritable travailpsychothrapeutique. partir du moment o le perscuteur cach est dbusqu,lasservissement au perscuteur actuel tombe, car elle retourne vers son objet originaire [].

    Selon les cas, il peut sagir tantt dun pre tantt de la mre, mais je dirais quil sagitdune figure parentale archaque indiffrencie, autant sadique que sductrice, qui associe une figure paternelle totalitaire une image maternelle surmoque ou idalise que la

    patiente intriorise et qui la terrifie de manire quasiment divine ? Cette figure divineconvoque le fantasme de parents combins, li par une scne primitive meurtrire, danslaquelle lenfant serait prcipit, participant des violences dont la fois il jouit et souffre,

    mais dont il ne peut pas sextraire p. 936. Lauteur indique l encore limportance du mta-regard qui va donner ses souvenirs une valeur de ralit.

    En consquence, la violence perverse confronte la victime sa faille, aux traumas oublisde son enfance (Hirigoyen, 1998, p. 167). Ceci nous laisse penser que la victime nest

    pas en elle-mme masochiste ou dpressive [mais que] les pervers ont utilis la partdpressive ou masochiste qui est en elle . p. 168. Nanmoins, ce que tient prciserM.-F.Hirigoyen, cest que la victime, en tant que victime est innocente du crime pour lequel elleva payer p165.

    Lide est que rien ne justifie la violence destructrice faite son Etre par son mari pervers

    narcissique. Autrement dit, la seule critique que lon puisse faire la victime cest de ne pas avoirt assez vigilante et ractive face aux messages vhments de son mari son gard. De mme,lauteur relve quil est commun dentendre dire que si une personne est devenue victime,cest quelle y tait prdispose par sa faiblesse ou ses manques p. 166. Mais existe-t-ilrellement des prdispositions chez ces femmes, qui les condamneraient subir ses souffrancespsychiques ? Ou bien en jouiraient-elles ?

    d. Le masochisme

    Nous en arrivons ainsi nous questionner sur la relation entre plaisir et souffrance. Freud, dans Leproblme conomique du masochisme (1923) nonce que la libido a pour but de neutraliser la

    pulsion de mort, voulant dtruire lorganisme. Elle parvient cela soit en drivant la pulsion de mortvers lextrieur ( lorigine de la pulsion de destruction de lautre), soit en la mettant au service de lapulsion sexuelle (sadisme) ou encore en la liant la coexitation sexuelle. Il sagit alors du masochisme originaire rogne : la douleur procure le plaisir p.185.

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    Puis Freud distingue le masochisme fminin du masochisme moral . Le premier estdavantage retrouv chez les hommes. Pour Freud, inconsciemment ce masochiste veut tretrait comme un enfant mchant ou comme une femme, en ce sens quil doit tre castr,subir le cot ou encore accoucher dun enfant p.185. A contrario, le masochisme moral sedtache de la sexualit et implique essentiellement la recherche dune certaine quantit desouffrance au titre de punition p.185.

    Finalement, lorsque Freud (De Neuter P. & Bastien D., 2007) parle du sadisme et du masochisme,

    il les prsente comme faisant partie dun mmecontinuum entre sadisme et masochisme, dansla mesure o ils ne sont que deux modalits diffrentes de ralisation fantasmatique ourelle de la pulsion de mort, le plus souvent intriqu la libido p.186 et cela au sein dunmme individu. Une partie du masochisme serait le produit dune part, du sadisme du surmoiet, dautre part, du masochisme du moi p.186. Face ce continuum, o pourrions-nous situerlhomme pervers narcissique et son pouse ?

    e. Le masochisme et la femme

    Aprs ses lectures, P. De Neuter (2007) relve deux prjugs. Dune part,les femmesseraientplus endurantes que les hommes supporter des situations engendrant de la souffrance physique

    et psychique.Et dautre part, quelles auraient tendance rechercher lge adulte la rptitiondexpriences douloureuses vcues dans lenfance, contrairement aux hommes qui auraient plutt tendance faire subir dautres ce quils ont subi enfant p.183. P. De Neuterajouteque les femmes se trouvent dans une relative impossibilit psychique de se soustraire cette violence p. 190. Cela pourrait ventuellement expliquer le fait quun homme perversnarcissique agit son agressivit alors que sa femme resterait victime du mme schmatraumatique et rptitif.

    Cet auteur cite Lacan qui mit deux avis contradictoires quand au masochisme fminin. Ainsi,il mentionnera lexistence dun masochisme spcifique aux femmes ( il ny a pas de limites auxconcessions que chacune fait pour un homme : de son corps, de son me, de ses biens

    p.187) mais en dniera son existence dautres moments ( dans ses propos sur les effetscastrateurs et dvorants, disloquants et sidrateurs de lactivit fminine p. 187 renvoyant une capacit dexprimer une pulsion agressive pour la femme).

    P. De Neuter(2007) reprend Hlne Deutsh pour appuyer ses dires : le got du malheur estincomparablement plus grand chez les femmes que chez les hommes p. 188. Elle dira aussique souvent laptitude masochiste au sacrifice est le masque de pulsions sadiques que lesujet veut viter par peur de perdre lamour du monde extrieur et par sentiment deculpabilit p. 195. Nanmoins, H. Deutsh reviendra sur cette ide.

    Tout comme lauteur, nous cherchons expliciter les logiques inconscientes qui pourraient

    rendre compte de ces faits. Car expliquer ceci par un masochisme fminin fondamental oupar un sadisme exclusivement masculin me semble un peu court, voire inexact et surtoutinoprant dans le cadre de la cure (De Neuter P. & Bastien D., 2007, p.184).

    A linverse de Freud qui envisageait les femmes comme moins agressives, haineuses,destructrices ou sadiques p.206 que les hommes, P. De Neuter(ibid) soutient que : lesfemmes ne sont fondamentalement et inconsciemment ni plus ni moins masochistesque les hommes, et que leur choix du masochisme provient dune plus grandencessit : de rprimer leur agressivit et leur haine inconsciente () p. 206.

    Il en donne alors trois raisons :

    * La premire est en lien avec cette absence de pnis impliquant un rapport leur mre []plus difficile et davantage parasit par la haine que celui de ses frres p. 197.

    * La deuxime raison de cette rpression de leur agressivit est que la fille, au contraire du

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    garon, ne peut dtourner sur le pre lhostilit premire pour la mre p. 197.

    * Enfin, la dernire consiste en une blessure narcissique qui surgit de la destruction delhymen p. 198.

    Bien que la femme ait apparemment de bonnes raisons pour manifester sapulsion de mort,celle-cinaboutit que trs rarement une agressivit manifeste au profit dun retournement de cetteagressivit contre soi (somatisations diverses par exemple). Nanmoins, parmi les diffrentes

    modalits de masochisme, certaines peuvent servir la satisfaction dune agressivit ou dunsadisme de faon dtourne.

    Diverses explications de la faible ralisation de la pulsion de mort chez la femme sont relevesdans la littrature parP. De Neuter(2007). Tout dabord, nous avons les caractristiquesanatomiques de la femme (ayant une incidence sur limaginaire et le symbolique du sujet),puis, les reprsentations culturelles (les femmes sont valorises dans leur passivit p.201 et brime(s) dans leur comportement agressif p. 201 les amenant reproduire ce modleavec leurs enfants). Enfin, nous avons la demande damour et la caractristique de leur surmoi ; parlabsence de menace de castration lAutre prendrait la place du Surmoi : il sagirait alors de coller ses dsirs pour ne pas perdre son amour.Quen est-il dans le cas particulier dune femme

    subissant les manipulations perverses de son mari ?f. Le masochisme et la femme du pervers narcissique

    Lorsque les victimes parviennent sextraire de lemprise de leur bourreau, cest grce un effortconsidrable. Elles ressentent un sentiment de libert de mme amplitude. Nous pourrions doncsupposer que ce qui tait premier pour elles ce ntait pas la souffrance ou le plaisir pris dans lasouffrance, mais plutt le dsir de prouver leur amour au mari.

    Une explication ce long temps de raction est, quavant de dcider de sopposer son bourreau,la victime va y rflchir deux fois car elle a en mmoire les moments de rpressions svres

    antrieurs. Dans la mme perspective, nous avions cit la prsence dun traumatisme antrieursuivi dun refoulement qui pourrait favoriser cette rencontre et le maintien dunstatu quo. Nousretrouvons alors le contrat narcissique de P. Aulagnier(1975).

    Bien qu partir des agissements de son mari pervers narcissique, la femme ait la possibilit de sesparer de lui afin de prserver son intgrit, elle choisit de rester. Nanmoins pour continuer vivre avec lui, il lui faudra utiliser le clivage (le clivage de lobjet) pour maintenir la premire relationidyllique. Si lasouffrance du sujet est indniable, quelle soit source de plaisir inconsciente ou pas,pourquoi ne pas rompre ce lien mortifre ?

    P. De Neuterprend lexemple de certaines des femmes battues qui quittent leur

    compagnon violent, [qui] deviennent perdues, comme pourraient ltre des mresdsespres et coupables davoirabandonn leur mchant petit garon alors quil estincapable de se passer delles p. 203. Pourrions-nous retrouver cela dans le vcu des femmesayant pous un pervers narcissique ? Cette impression de ne pouvoir le quitter sans craindre quilne meure, renvoyant un fort sentiment de culpabilit, pourrait constituer une des explications dece maintien du lien.

    Par ailleurs, lauteur soulve galement la question de la ncessit de reproduire la violencequelles ont vcue dans leur famille dorigine. Soit celle dont elles furent elles-mmeslobjet, soit celle dont leur mre fut lobjet p. 203 le rapportant une compulsion larptition . Finalement, rompre le lien avec leur mari serait se dsolidariser de leur mre dans

    cette situation de souffrance partage. Ce quoi elles ne peuvent se rsoudre.g. Identification la mre

    C. Millot dveloppe cette pense de ce choix masochiste des femmes de leur particuliresoumission au surmoi maternel archaque, obscne et froce p. 204 relevant dune

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    identification massive la mre. Nous pouvons dfinir lidentification comme tant unprocessus psychologique par lequel un sujet assimile un aspect, une proprit, un attributde lautre et se transforme, totalement ou partiellement, sur le modle de celui-ci (J.Laplanche et J.-B. Pontalis, 2007, p.187).

    Cest donc cette massive identification une mre toute-puissante qui donne cette force au Surmoide la fille. Cette dpendance des femmes rend bien compte de leur frquent masochismemoral (). Dans cette perspective, son support masochiste lautre serait tout la fois

    une ralisation extra psychique de ce qui se joue dans son inconscient entre son a, sonmoi et son surmoi, en mme temps quune faon de satisfaire son besoin de punition .

    Par surcrot, lexpression manifeste dune agressivit est beaucoup plus difficile pour la fille car celaserait vcu comme un renoncement lidentification sa mre, renoncer aussi lamour desa mre qui lui fut dj si difficile conqurir et maintenir. Certaines vivent en outre trsmal tout ce qui pourrait faire penser un manque de solidarit avec le destin malheureux dela mre p. 205. Ainsi, si elle veut exprimer son sadisme, elle devra utiliser des voies dtournes,voire retournes contre elle-mme en se laissant croire et en faisant croire aux autres quelleest fondamentalement masochiste p. 205. Dans ce cas, elle prsente la situation comme sonchoix personnel ne permettant pas de remise en question. La situation se sclrose.

    5. Problmatique et hypothses

    a. Problmatique

    Lors de la rencontre entre un homme pervers narcissique et une femme, celle que l'on vaconsidrer sous le terme de victime , ne sait pas vers quoi elle sengage. Or avec le temps, aufur et mesure que le pervers narcissique met en place son mode relationnel, la femme va serendre compte que cela lui est nfaste psychiquement. Une fois qu'elle prend conscience de sasouffrance, dans cette relation, beaucoup de temps scoule avant quelle parvienne y faire face.

    Quelles raisons font que la femme du pervers narcissique reste aussi longtemps avec sonmari alors que leur relation est destructrice ?

    b. Hypothses thoriques

    Je les conois comme des hypothses explicatives nonant deux raisons (parmi dautres)qui renseigneraient sur le fait que la femme du pervers narcissique reste aussi longtemps avec sonmari alors que la relation lui est nfaste.

    Ma premire hypothse est que la femme resterait aussi longtemps dans cette relation mortifreparce quau dpart elle aurait choisi son conjoint en fonction dune problmatique qui leur serait

    commune : lutte contre la pulsion de mort manifeste dans une faille narcissique. Son couple aurait(eu) une valeur thrapeutique permettant datteindre un certain quilibre personnel et toute remiseen question de cet quilibre reprsenterait un danger vital.

    Ma seconde hypothse est que la femme serait prise dans une logique inconsciente dereproduction dun schma intrioris vcu dans le pass, dendurance la souffrance pour rparerlobjet aim sous couvert dun sentiment de culpabilit si lobjectif ntait pas atteint.

    II Mthodologie de la recherche

    1. Hypothses oprationnelles

    Dans notre premire hypothse, dans laquelle la femme prsenterait la mme problmatique queson mari pervers narcissique, nous rechercherons des lments rvlant une faille narcissiquecause par la pulsion de mort et qui aurait t prsente avant la formation de leur couple.Autrement dit, nous considrerons que notre premire hypothse est vrifie si nous trouvons dansles entretiens deux lments :

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    - Lun rapportant que, lors de la rencontre (voire encore actuellement), le mari perversnarcissique est cliv par la femme et que seules les parties bonnes sont perues, lui permettantde contribuer ses dfenses propres. La perte serait alors envisage comme un possible retourdu refoul (manifestation de la pulsion de mort telles que la dpression, un sentiment de vide).

    - Lautre mettant en vidence une dfaillance du narcissisme qui aurait t prsente avant larencontre. Ainsi, nous considrerons comme une faille narcissique tout ce qui pourrait se rapporter une mauvaise image de soi, une mauvaise estime de soi et un manque de confiance en soiintrinsque la personne avant la rencontre avec le pervers narcissique.

    En ce qui concerne notre seconde hypothse nonant que la femme serait dans une compulsion la reproduction dun vcu pass, nous nous attacherons trouver lors desentretiens, tous les lments se rapportant au dsir de rparation du mari mais galement leslments en rsonance avec la relation primitive lObjet primaire et la relation conjugale de sesparents. L'ide sous-jacente est que ces tendances masochistes (endurance la souffrance)auraient t acquises au cours de l'histoire du Sujet et qu'elle ne ferait que se ractualiser dans leprsent.

    2. Mthodologie

    Dans un premier temps, de nombreuses demandes de stage dans des structures spcialisesaccueillant des femmes victimes de violences conjugales ont t ralises. Aucune nayant abouti,nous sommes passe par des rseaux diffrents pour approcher notre population.

    Dans un second temps, nous avons utilis Internet pour recruter des sujets. Ainsi, nous avonsslectionn deux sites sadressant plutt aux femmes o nous avons laiss une annonce sur lesforums dans la rubrique violence conjugale . Ces posts prsentaient brivement lobjet de notrerecherche. Sept femmes se sont manifestes demandant plus de dtails sur notre travail. Lorsquenous avons commenc entrer en contact avec notre population, ne reprsentant pas unorganisme, celles-ci ont t trs rticentes quant notre demande. Lorsque nous exposions lesmodalits dentretiens (enregistrement des entretiens, rencontre en face face), cinq dentre elles,ne se sont plus manifestes. Nous avons donc suppos que nos attentes taient inabordables pourelles. Nous leur avons alors propos des entretiens tlphoniques enregistrs. Cette solutionparaissait la plus judicieuse. Elle prenait en compte leur besoin de se scuriser : elles pouvaientchoisir le moment, le lieu et lheure o elles se sentaient le plus en sret pour sentretenir avecnous. De fait, 2 sujets ont accept de nous parler par tlphone.

    Dans un troisime temps, nous avons contact une Conseillre conjugale qui nous a ainsiadress deux femmes acceptant de sentretenir avec nous. Ces deux femmes ont t suivies parcette dernire pendant plusieurs annes. La conseillre conjugale a ainsi pu authentifier leur

    perception, celle davoir pous des pervers narcissiques. Nanmoins, ne pouvant nous rencontrerde visu du fait dune trop grande distance nous sparant, nous avons opt pour des entretienstlphoniques enregistrs.

    Somme toute, notre chantillon se compose de 4 femmes ges de 42 ans 74 ans (42, 50, 54et 74 ans). Elles sont, ou ont toutes vcu maritalement, avec un pervers narcissique. Elles se sontmaries jeunes (22, 22, 23 et 24 ans). La dure moyenne de leur union est denviron 29 ans et 2mois (14, 20, 31 et 52 ans). Deux dentre elles ont dcid de rester vivre avec leur mari, une adivorc depuis 7 ans et la dernire aimerait se sparer de son mari. Ne disposant pas du regarddun professionnel en psychologie pour authentifier la structure de la personnalit de tous ceshommes, par pervers narcissique, nous entendons une personne prsentant une personnalit

    narcissique (selon les critres du DSM-IV) et fonctionnant dune faon perverse au sein de soncouple selon les discours de leur pouse.

    Loutil utilis est lentretien semi-directif. Aprs avoir discut de faon informelle par mailsinterposs avec une dame (Mme A.) prsentant son mari comme pervers narcissique, nous avonsralis une grille dentretien plutt directive ce qui nous a permis de structurer notre rflexion en

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    ciblant ce que nous cherchions. Idalement, nous avions prvu de raliser 3 entretiens avecchacune de nos 4 sujets. De ce fait, notre premier entretien avait pour double tche didentifier lemari de la femme interroge comme tant bien un homme pervers narcissique puis de nous donnerune ide de la relation au sein de ce couple. Dans un second entretien, nous voulions centrer notreattention sur les circonstances de la rencontre entre les deux protagonistes mais surtout sur lafaon dont celle-ci lavait vcue. Enfin, lors dun dernier entretien, nous avions pour objectifdinvestiguer le pass de la femme, tout en la projetant vers son avenir.

    Nanmoins, afin de ne pas tre fige sur des questions prtablies et donc dtre insensible cequi pouvait se produire dans lentretien, nous avons dcid de ne pas avoir notre grille dentretiensous les yeux lors de nos rencontres tlphoniques. Pour le premier entretien, nous avons orientdans la mesure du possible, notre premire question sur la faon dont leur relation avait dbut.Cette vaste question permettait aux femmes de sapproprier la question et dy rpondre selon leurvcu personnel mais galement de standardiser notre premier contact avec chaque sujet.

    Une fois lentretien ralis, nous lavons dactylographi puis analys avant de passer lentretiensuivant. Nous avons ainsi pu recalibrer nos interventions afin de ne pas perdre de vue notrequestionnement tout en revenant sur les lments inattendus qui ont surgi de lentretien.

    Nous avons ainsi ralis 1 3 entretiens par sujet selon leur disponibilit psychique et temporelle.En effet, en fonction de ltat de la personne en face de nous, nous nous sommes adapte afin derespecter notre cadre dontologique et thique tout au long de notre recherche. En ce sens, nousavons galement demand leur accord concernant lutilisation de leur tmoignage des fins derecherche. Nous avons ainsi obtenu leur consentement clair.

    Afin danalyser les donnes obtenues, nous avons choisi lanalyse de contenu thmatiqueavec une comprhension psychanalytique des phnomnes observs. Nous nous sommesefforce de relever tous les lments rpondant nos diffrentes hypothses que nous avonsretranscrits dans notre grille danalyse de contenu, avant de rdiger nos observations cliniques surchacun de nos sujets. Nous avons choisi de mettre en vidence les diffrentes problmatiques

    perues dans les discours de ces femmes ainsi que leurs mcanismes de dfense observs.

    III - Analyse des donnes

    1. Prsentation et analyse des entretiens

    Le cas de Mme A.

    La premire rencontre avec Mme A. sest faite sur Internet. Nous avions post une annonce sur unforum laquelle Mme A. a rpondu. Intresse par notre recherche, mais ne pouvant nousrencontrer, elle avait accept un change par mail. Nous pensions dans un premier temps, la

    prendre comme pr-sujet afin dtablir une grille dentretien que nous aurions utilise pour nosautres sujets.

    Etant donn que nous avons rencontr des difficults constituer notre chantillonnage, nouslavons recontacte presque un an aprs nos changes par courriels afin deffectuer des entretienstlphoniques enregistrs. Au cours des entretiens, nous avons remarqu que le contenu de sesrponses tait lgrement diffrent que ceux donns par mails. Par ailleurs, dans la dynamique delentretien, nous avons pu mettre en vidence certains mcanismes de dfense que nous navionspu relever lors de nos changes crits.

    Mme A. est une femme ge de 54 ans, marie depuis plus de 30 ans avec Mr A. avec qui elle a

    eu plusieurs enfants. Mme A. dcrit son mari comme gocentrique et exprimant un importantbesoin de reconnaissance. De ce fait, elle trouve son mari envahissant, et comme ayant une facilit lui pomper son nergie . Elle insiste sur le fait que son poux nest pas quelqu'un de mchantmais quil empite sur les limites des autres tel point quil les touffe. Elle voque alors le termede harclement moral . De ce fait, Mme A. dit se sentir mieux lorsquil nest pas l. Nanmoins,

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    Mr A. peut galement avoir des propos cinglants usant de phrases assassines son gard,dvalorisantes voire misogynes .

    Aprs la naissance inattendue de leur dernier enfant, la relation entre les conjoints se dgrade.Mme A. dit avoir beaucoup dprim tout au long de cette priode et que cela sest accentu aprsle dcs de sa belle-mre. Toutefois, sa dprime lui sera salutaire car cest l quelle se ressaisiracomme dans un instinct de survie . Mme A. alors commence un travail sur soi , mettant desmots sur ce quelle vivait lui permettant dans un premier temps de prendre du recul. Lissue du

    divorce, considr comme un moyen de se reconstruire chacun de son ct et non pas commesolution de facilit, a t envisage. Nanmoins, la culpabilit religieuse, induite par le regard desautres, a constitu un possible obstacle pour Mme A. trs croyante .

    A travers son discours, nous avons limpression que Mme A. possde une bonne image delle-mme, contrairement son mari. Lestime quelle a delle-mme ne dpend pas de ses diplmesou de ce quelle possde mais de sa valeur intrinsque. Elle se prsente nous comme quelqu'unayant confiance en ses capacits et connaissant ses limites personnelles. Cela lui a permis demettre en place des stratgies de coping pour faire face au fonctionnement de son mari.

    De faon paradoxale, bien quelle dsire que son mari change, elle va premirement faire passer

    la satisfaction de ses propres besoins avant ceux de son conjoint. De cette faon, elle pose deslimites entre elle et son mari qui devra alors sajuster en consquence. Cest ainsi quelle parvient vivre avec son poux. Elle se positionne en tant quacteur agissant pour la sant de son mari. Unedes philosophies de Mme A. est quil ne faut pas sarrter aux checs des autres mais quil fautcontinuer avancer malgr tout.

    Elle ne nie pas pour autant vivre des priodes de dcouragement et de dprime de temps autre.Elle les vit en sachant que a ne durera quun temps ce qui lui permet de retrouver une srnitintrieure pour affronter la situation. Elle montre ainsi une matrise de soi dans la gestion de sesmotions. Par ailleurs, ds quelle se trouve avec son mari, en compagnie dune tierce personne,elle dira souffrir de la triangulation dans laquelle celle-ci la place. En effet, cette personne demande

    implicitement quelle laide se soustraire laccaparement de son poux. Elle prouve comme unsentiment de dpersonnalisation, c'est--dire quelle se sent comme spectatrice involontaire,force de regarder la scne, sans y entrer vritablement afin dintervenir par la suite.

    Finalement, Mme A. a russi sublimer son mal-tre au travers de la peinture, ses tudes dethologie et de linguistique. Elle se reconnatra dans une citation dAlbert Camus : lartiste estun tre souffrant. La cration artistique est quelque chose qui la tenue contreleffondrement. Dans la rsilience, elle parvient aider les personnes de son entourage quisouffrent. Elle dira en fin de compte je vais toujours la recherche de cette vie .

    Par lintermdiaire de nos premiers changes par mail, nous apprenons qu ladolescence, Mme

    A. dsirait tre artiste travers soit lcriture, soit la peinture. Nanmoins, de par son physiquedsirable, on lui rservait un avenir dun tout autre ordre. Nous apprenons ds lors, que Mme A. at victime dabus verbal trs subtil de la part dhommes prsents dans son entourage. Elle relatedes phrases assassines quelle a entendues, lui faisant natre les plus profondes blessuresidentitaires .

    Voulant chapper ce contexte, Mme A. sest mise en qute dun mari. Elle dit ainsi que ses peursont eu raison de sa jeunesse, de son esprance et de son manque de maturit. Pour elle, lemariage apparaissait comme une porte dvasion . Cest alors quelle rencontre son futur mari,Mr A. Bien quelle ne voult pas poursuivre la relation (pour plusieurs raisons quelle ne cite pas),elle sest laisse sduire par ce jeune homme qui ne lui faisait aucune avance par rapport aux

    autres. Elle sest laisse apprivoiser . Le mariage a t clbr quelques mois plus tard.Aujourdhui, elle a le sentiment davoir t manipule mais aussi de ne pas avoir assez combattu.Elle culpabilise de ne pas avoir pris le temps de la rflexion. Nanmoins, elle se pose la questiondes moyens dont elle disposait ou non, pour faire autrement. Larrive des enfants a t unpanouissement pour elle. Elle dit avoir alors pu construire un univers affectif .

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    Lors de nos entretiens, nous lui avons demand de nous dpeindre les relations au sein du couplede ses parents. Nanmoins, cette dernire a vit la question en rpondant ct.A contrario,nous trouvons des lments de rponses dans les longs mails. Nous observons que le discoursdes membres de sa famille sur les femmes tait trs dvalorisant et dnigrant. La femme nayantpour toute autre fonction que de satisfaire les dsirs sexuels de son mari et de lui faire des enfants.Elle a le sentiment que sa maman na fait que reproduire le schma quelle avait elle-mme reu. Ilest remarquer que Mme A. ralise un clivage de sa mre. Dune part, nous avons la bonne mrequelle appelle maman (celle qui la aime et leve) et dautre part, la mauvaise mre quelle

    appelle mre (celle qui est gntiquement malade).

    Au fil des annes, les proches se sont loigns veillant en elle un sentiment dabandon. Petite, ellene trouvait pas les mots pour exprimer sa souffrance et son incomprhension. Aujourdhui elledclare : on comprend quil y a une cause et la cause cest la maladie de la personne enquestion . Elle confiera je me suis construite en tant quelqu'un dintellectuel . Elle a donccontre-investila sphre intellectuelle pour en faire une arme contre la folie . La religion, ayantun pied dans le rationnel et un pied dans lirrationnel, est venue soutenir cette dfense dans le senso elle la aide donner du sens son vcu. Toutefois, lors de notre dernier entretien, elle venait nous, avec une dngation de la premire raison mise pour justifier de lloignement de safamille. Elle avait t galement influence par le phnomne socital dloignement des famillesdu fait de la mobilit professionnelle.

    Par ailleurs, Mme A. voit avant tout son mari comme une personne malade ce qui posequestion. On ne peut sempcher de faire un lien avec la maladie de la mre Mme A. et delincidence que cela a eue dans son couple et dans sa famille. Revivrait-elle le mme schmafamilial ? Ce que nous pouvons remarquer, cest cette tension dans la faon dont Mme A.considre son mari : cet homme malade, bon, qui ne demande qu tre guri et cet autre hommegoste et puisant. Dans le premier cas, elle peut agir pour laider sen sortir alors que dans lesecond elle ne peut rien faire de lextrieur. Dans tous les entretiens que nous avons eus avec lesujet, nous avons pu lire en filigrane une problmatique autour du continuum passif-actif. Elle nousdonne limpression dtre en lutte perptuelle contre lhrdit de la folie maternelle , dans sesrapport avec sa famille dorigine, son mari mais galement avec ses enfants.

    A travers le discours trs dynamique de Mme A., nous constatons que sa pense est trsstructure. Bien quelle dverse un flot de paroles, celui-ci reste toujours sous son contrle. Ellenous donne limpression quelle sest fixe au pralable un plan de lentretien et quelle ne fait quele suivre. Malgr cela, elle prend en compte nos interventions. Si elle a tendance se centrer surles faits, elle communique galement les motions associes.

    Son dbit de paroles ainsi que son volume sonore baissent lorsquelle aborde des momentsdifficiles de sa vie. Nous la sentons alors moins dans la matrise. De temps en temps, ses dfensessont djoues par des lapsus. Nous relevons aussi des inhibitions (phrases interrompues,avortes). De mme, elle utilise le mcanisme dannulation plusieurs reprises. Enfin, pour sedcharger motionnellement aprs un conflit, elle se laisse aller pleurer puis recherche lesommeil dans un repli autistique.

    Le cas de Mme B.

    Mme B. est la seconde personne ayant rpondu notre annonce sur Internet. Les changes parmail furent tous trs brefs. Mme B. a accept trs rapidement de sentretenir avec nous conditionque cela se fasse par tlphone. Nous avons ainsi fix trois rendez-vous tlphoniques espacsapproximativement toutes les deux semaines. Nanmoins, par une dfaillance matrielle, le

    premier entretien est inutilisable pour cause dinterfrences qua provoqu le rapprochement dutlphone portable et du dictaphone.

    Mme B. est g de 42 ans et est marie depuis une vingtaine dannes. Elle a rencontr son pouxvers 21 ans par lintermdiaire de sa sur. Mr B. tait lami du fianc de sa sur. Demble,lorsque nous avons demand Mme B. de nous le prsenter, elle la nomm comme tant un

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    pervers narcissique . Elle le dcrit comme un homme brillant , intelligent et donnantlimpression davoir une grande culture gnrale. Il est charmant , sr de lui , drle etportant une attention particulire sa prsentation.

    Nanmoins, il peut se montrer galement malin , habile dans le discours manipulant les mots son profit. Elle le dcrit galement comme ayant une facilit embobiner les gens, elledautant plus. Par lintermdiaire de la communication paradoxale, il retourne systmatiquement lasituation son avantage de telle sorte quelle perde ses repres et se sente coupable . Enfin,

    elle le peroit comme un homme goste et complaisant , faisant passer sa propre personneavant les autres.

    Lors de leur rencontre Mme B. a t sduite par lhumour et le dynamisme de son mari quivenait rompre avec son milieu familial dorigine (immobile et reclus sur lui-mme). Elle esprait toutpartager avec lui et vivre en harmonie linstar du couple que formaient ses parents. Les premiresannes de vie commune se passent sans encombre. Cest larrive des enfants que son maricommence manifester une jalousie disproportionne leur gard. Ils auront 3 enfants. Mme B.tombera enceinte une quatrime fois. Toutefois le ftus dcdera au cours de la grossesse.

    Son mari se montre alors de plus en plus distant et lorsquil est l, il jongle entre lindiffrence, la

    dvalorisation, les reproches et la culpabilisation. Les petits moments de srnit quelle passeavec lui, lui servent daccroche afin de traverser ces moments difficiles, telles des bouffes dair.Cependant, aprs ces instants de calme, elle retourne sa culpabilit . Quand elle se retrouveseule, Mme B. ne profite pas de la distance qui la spare de son mari pour se faire plaisir. Ce nestpas suffisant pour crer un espace transitionnel qui lui soit bnfique.

    Il est noter que lorsque Mme B. a rencontr son poux, ce dernier sadressait dj elle avec desparoles dvalorisantes. Elle dit ne pas sen tre soucie car elle vivait dj la mme chose avecson pre. On peroit une certaine tolrance aux discours ngatifs des autres son propos quipourraient aller dans le sens dune mauvaise estime de soi. Quand on reprend son histoirepersonnelle, Mme B. se prsente, de prime abord, comme une enfant non dsire, nie par ses

    parents. On remarquera par ailleurs que son mari a galement t mis de ct par sa propre mreau profit de son frre.

    La relation de Mme B. son pre a toujours t conflictuelle. Elle le dcrit comme quelqu'un de trs autoritaire , svre , restrictif et qui ne parle pas . On y voit une imago paternelletoute-puissante et castratrice. Cest en introduisant sa psychanalyste dans la conversation quellepourra dire avoir trouv un mari limage de son pre. Cette personne tient une place importantedans sa vie. Elle lui apporte un prcieux soutien moral.A contrario, sa mre tait perue par MmeB. comme une femme soumise lautorit de son mari, ddaigne dans son individualit et nepouvant prendre plaisir en dehors de lui (comportements que nous retrouvons galement chez MrB.).

    La mre de Mme B. ne travaillant pas, tait dpendante de son conjoint. Elle a alors transmis sesfilles la croyance quavoir un travail leur permettrait dtre libre. Cependant mme en travaillant,Mme B. sest retrouve, tout comme sa mre, aux prises avec son mari. A prsent que celle-ci vitseule avec son poux, Mme B. ne parvient plus la situer : est-elle complice de son pre ou uneallie ? Peut-elle lui faire confiance ou bien doit-elle tre mfiante son gard ? Somme toute,nous ne pouvons que remarquer une certaine reproduction du schma parental.

    De surcrot, nous apprenons lors du premier entretien que Mme B. a t victime dattouchementssexuels vers 12-13 ans. Elle ne fera que le mentionner, lpisode ayant t soumis en grande partieau refoulement.

    Aujourdhui, la mre semble tre ambivalente lgard de Mme B. Elle oscille entre empathie etindiffrence lorsque sa fille lui confie son vcu. En ce sens, Mme B. a limpression de ntre quelobjet utilis par la mre lui permettant datteindre lobjet dsir (ses enfants). En fait, lcoute deson discours, nous avons le sentiment que Mme B. na jamais eu la place dobjet damour dsir. Il

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    y a toujours quelqu'un qui passe avant elle dans les priorits des autres. Elle semble transparente.

    Par ailleurs, elle a des difficults exprimer ses motions, ce que lon constate dans laminimisation de sa souffrance et de son sentiment dinjustice. Lorsque au deuxime entretien nousabordons nouveau sa relation avec sa mre, elle dira dsirer la voir davantage, en dehors de sonpre, car sa mre aime beaucoup ses enfants.

    Enfant, les parents de Mme B. enseignaient la droiture et le respect des autres. Nanmoins, ces

    valeurs ntaient valables que dans un seul sens. En effet, les parents se trouvaient au-dessus desrgles tablies.

    Aujourdhui, dans sa famille dorigine, elle prend une place dintermdiaire, de conciliatrice dans lebut de rtablir la relation entre sa sur et ses parents. Dans sa relation actuelle avec son mari, ledynamisme et le refus de lennui de son poux qui lavait tant sduite, semblent tre la cause de cequi les spare. Bien quelle dsire interrompre leur relation, elle ne peut envisager de perdre sesenfants. En effet, Mme B. se montre trs sensible au regard de ceux-ci. Elle utilise alors lannulationrtroactive afin dexprimer ses sentiments ce sujet.

    Mme B. dit se sentir puise et fatigue. Elle se prsente comme quelqu'un de trop sensible ,

    tant peu sre delle et prenant pour argent comptant ce que son mari lui dit . Face cedernier, elle se remet volontiers en question ne pouvant rellement se positionner en contre-pied.De fait, nous relevons un manque de confiance en elle. Lorsquelle prend du recul, Mme B.reconnat leur prexistence sa relation avec son poux mais que cela se serait accentu par lasuite. Cela corrobore le fait que son tat samliore lorsque ce dernier ne se trouve pas auprsdelle. Elle viendra pourtant dire son incomprhension face au constat quelle est malheureusemais quelle ne parvient pas partir. Elle mettra en avant que ce qui la retient ce sont ses enfants.

    Durant nos entretiens, Mme B. a prsent des difficults se souvenir dvnements passsparticuliers. Loubli semble frquent chez elle, ce que nous associons du refoulement. Nousobservons galement des barrages de la pense. Si, de temps autre, elle perd le fil de sa

    pense, celle-ci reste ancre dans la ralit et est empreinte de processus secondaires. Parailleurs, nous observons quelques demandes dtayage notre gard.

    La problmatique des limites peut tre retrouve chez cette personne. Bien quelle aime ce qui estclair et droit, elle semble se dbattre dans une continuelle confusion, facteur de stress etdangoisse. Mme lorsquil sagit dimposer un cadre lun de ses enfants, elle se trouve endifficult. De fait, elle sefforce de suppler aux dfaillances de celui-ci au lieu de poser des limitesavec des consquences en cas de dpassement.

    Elle semble ne pas percevoir ses limites personnelles, utiles son bien-tre et les imposer auxautres. Ainsi, elle nest pas dans laction face son mari mais dans la raction. A lheure actuelle,

    elle ne vit plus, elle survit. En consquence, Mme B. ne fait pas de rel projet pour lavenir immdiatou loign. A cours terme, elle souhaite aller un peu mieux et que ses enfants russissent auniveau scolaire. Nous pourrions faire lhypothse dun surinvestissement au niveau des enfants auxdpens de son bien tre vital.

    Le cas de Mme C.

    Mme C. est la premire personne avec qui la conseillre conjugale nous a mise en contact. Ds lespremiers changes, celle-ci sest montre trs chaleureuse et prte rpondre nos questions.

    Age de 74 ans, elle est marie depuis plus de 50 ans Mr. C. quelle a rencontr dans sa

    communaut religieuse. Bien quelle tait ge dune vingtaine dannes, avec du recul, elle sedcrit comme ayant eu la rflexion dune jeune fille de 16 ans. Frquentant le mme endroit, ellepensait partager les mmes valeurs (respect et amour du prochain, honntet, vrit, etc.) quecelui-ci. Cest pourquoi elle a dcid de lpouser.

    Au fur et mesure quelle dresse le portrait de son mari, nous relevons les traits caractristiques

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    dune personnalit narcissique. Ainsi elle le prsentera comme une personne attachant une grandeimportance limage quil donne de lui. Gentil son gard, il sest rvl tre un homme sanspiti aprs le mariage. Mme C. le dcrit comme quelqu'un de trs narcissique, manipulant lesautres pour grer son propre moi. Au final, il fait tout son avantage .

    Bien quil nait jamais eu recours la violence physique, il dvalorisait tout ce que Mme C.entreprenait ou disait afin de se revaloriser dans un second temps, et cela de faon trs subtile. Ilse montrait indiffrent sa prsence, ne lui adressant ni une parole ni un regard. Lorsquil revenait

    vers elle, ctait principalement pour satisfaire ses dsirs, ce que Mme C. nous confiera demi-mot. Elle avait alors limpression de marchander son corps pour retrouver un semblant de paix ausein de son couple. Nanmoins, se percevant comme trs jeune et novice , elle tait prompte se culpabiliser, pensant ne pas bien faire les choses et sefforant de samliorer de jour en jour.

    Par ailleurs, elle le voit galement comme un enfant qui cherche limiter. Spanouissant dans sesdiverses activits caractre social, Mr. C. cherchera plagier ce que fait son pouse en allantusqu faire capoter ce quelle fait, pour la dcourager. Nanmoins, elle ne sen souciera pas,continuant entreprendre ses activits dans la mesure de ses disponibilits.

    A cette poque, Mme C. avait lesprance que son amour , sa patience et sa paix son

    gard pourraient le changer et que, si elle ne le pouvait, Dieu, lui, pouvait le faire. Trente ans sontpasss avant quelle ne comprenne la porte de la situation. Cette prise de conscience sestproduite alors quelle assistait une formation de conseillers en relation daide dans laquelle laperversion narcissique tait prsente. Cela a pris la valeur dun mta-regard renforc par deuxpenses quelle a eues lorsquelle tait en prire. Aujourdhui, elle sait quil ne changera pas.

    Lorsquelle tait petite, elle se percevait comme ayant t une petite fille gentille , discrte ,volontairement soumise et obissante par respect de sa mre . Elle rsumera cela parla formule une petite fille sans histoire . La question de la culpabilit peut tre repre dans sondiscours. Elle admet que dans son dsir dtre la parfaite petite fille, elle avait tendance sattribuer la faute lorsque les choses nallaient pas comme elle le dsirait.

    Sa mre stant spare de son premier mari, Mme C. na pas connu son pre. Nanmoins, cethomme cherchera la rencontrer. Malheureusement, sa tentative naboutira pas. Par la suite, lamre de Mme C. se remariera avec un homme avec qui elle aura un second enfant. Cet hommetait apprci de Mme C. Qualifi de gentil , celui-ci se mettait entre elle et sa mre lorsquecette dernire la corrigeait. Un jour, il y a eu une grosse dispute qui a clat entre les poux. Danssa colre face lexpression de la jalousie de sa femme, cet homme a dtruit un des biens decette dernire. Nous pourrions interprter ce passage lacte ainsi : symboliquement, encrasant ton bien, cest toi que jcrase .

    A cette mme priode, Mme C. fait la connaissance dun couple de chrtiens. Dans un mouvement

    didalisation, elle a fait de ce couple un modle suivre. Elle aspirait cette vie, cette douceur etcette tranquillit quelle voyait au travers de leur couple. On peroit nettement une identification ces imagos parentales. Dans ce modle de famille, elle y voyait galement lunit , le respect et la soumission mutuelle dans la comprhension lun de lautre . Cest ce modle decouple quelle souhaitait reproduire. En dfinitive, Mme C. dsirait se marier pour ne pas tre unecharge financire pour sa mre mais galement pour construire son propre foyer.

    Actuellement, elle se dcrit comme une personne de trs pacifique autrement ditessayant autant que cela dpend delle, de faire plaisir. Cependant, aujourdhui, elle fait attention ne pas faire passer le moi de son mari avant la satisfaction du sien.

    Quelques annes aprs leur mariage, Mr C. a eu plusieurs relations extraconjugales Lorsque MmeC. lapprendra de la bouche dun tiers, elle ne lui fera aucun reproche, ni sur le moment ni par lasuite. Si elle fait preuve dune grande rigueur tenir la promesse quelle a faite lors de sonmariage, elle se montrera plus tolrante vis--vis de son poux. On voit ainsi le Surmoi luvrechez Mme C. De fait, elle semble avoir des difficults exprimer ses motions et particulirement

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    sa colre face linjustice dont elle est victime. Nous faisons alors le parallle avec cette colredestructric