la deixis et la modalité : pour une Étude de la subjectivité langagière

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Orbis Litterarum 1993, 48, 1-13. 0 Munksgaard 1993. La Deixis et la Modalite: Pour une Etude de la Subjectivite Langagiere Julie LeBlanc. UniversitP Carleton, Ottawa, Canada Compte tenu du cadre des recherches se reclamant du phenomene de la subjectivite ainsi que de la portee des reflexions adressees a cette question, la presente etude de la subjectiviti s’est des l’abord focalisee sur un domaine en particulier, notamment, la thkorie de I’knonciation. Tout en reconnaissant la valeur d’une esquisse historique et critique du concept d’enonciation et des nombreuses donntes vistes sous ce terme, notre intention ici n’est pas de presenter une synthese exhaustive de cette problematique, mais plut8t d’offrir quelques reperes utiles susceptibles de servir notre etude des Masques de Gilbert La Rocque. En ce qui a trait aux concepts qui seront privilegits ainsi qu’au cheminement que nous nous proposons d’effectuer, quelques precisions s’averent necessai- res. Apres avoir brievement dkcrit les principaux enjeux de la theorie de l’enonciation et introduit les concepts de la deixis et de la modalite, nous ferons appel au roman de La Rocque, afin de voir dans quelle mesure la prisence de la subjectivitt langagiere et du sujet Cnonqant ne se manifestent pas nkessairement par les indicateurs pronominaux de la deixis et plus particulierement par la figuration d’un ttje,). Par une etude des procedes de dkictisation et de modalisation inscrits dans cette euvre romanesque, nous tenterons de montrer comment un ctrecit endosse par un ‘il’ peut h e Cminemment subjectif et une description enoncie par un ‘je’, adopter un point de vue universel)),’ voir impersonnel. En dernier lieu, nous recourrons aux manuscrits des Masques, car pour ce qui est du jeu des deictiques et de la modalite ces documents contien- nent en germe toute la problimatique du roman. I. Objectifs Compte tenu du cadre des recherches se reclamant du phinomene de la subjectivite ainsi que de la portke des reflexions adressees a cette question, la presente etude de la subjectivitt s’est des l’abord focaliske sur un domaine en particulier, notamment, la theorie de l’tnonciation. Tout en reconnaissant la valeur d’une esquisse historique et critique du concept d’enonciation et des nombreuses donnees visees sous ce terme, notre intention ici n’est pas de presenter une synthkse exhaustive de cette problematique, mais plutat d’offrir

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Orbis Litterarum 1993, 48, 1-13. 0 Munksgaard 1993.

La Deixis et la Modalite: Pour une Etude de la Subjectivite Langagiere Julie LeBlanc. UniversitP Carleton, Ottawa, Canada

Compte tenu du cadre des recherches se reclamant du phenomene de la subjectivite ainsi que de la portee des reflexions adressees a cette question, la presente etude de la subjectiviti s’est des l’abord focalisee sur un domaine en particulier, notamment, la thkorie de I’knonciation. Tout en reconnaissant la valeur d’une esquisse historique et critique du concept d’enonciation et des nombreuses donntes vistes sous ce terme, notre intention ici n’est pas de presenter une synthese exhaustive de cette problematique, mais plut8t d’offrir quelques reperes utiles susceptibles de servir notre etude des Masques de Gilbert La Rocque. En ce qui a trait aux concepts qui seront privilegits ainsi qu’au cheminement que nous nous proposons d’effectuer, quelques precisions s’averent necessai- res. Apres avoir brievement dkcrit les principaux enjeux de la theorie de l’enonciation et introduit les concepts de la deixis et de la modalite, nous ferons appel au roman de La Rocque, afin de voir dans quelle mesure la prisence de la subjectivitt langagiere et du sujet Cnonqant ne se manifestent pas nkessairement par les indicateurs pronominaux de la deixis et plus particulierement par la figuration d’un ttje,). Par une etude des procedes de dkictisation et de modalisation inscrits dans cette euvre romanesque, nous tenterons de montrer comment un ctrecit endosse par un ‘il’ peut h e Cminemment subjectif et une description enoncie par un ‘je’, adopter un point de vue universel)),’ voir impersonnel. En dernier lieu, nous recourrons aux manuscrits des Masques, car pour ce qui est du jeu des deictiques et de la modalite ces documents contien- nent en germe toute la problimatique du roman.

I . Objectifs

Compte tenu du cadre des recherches se reclamant du phinomene de la subjectivite ainsi que de la portke des reflexions adressees a cette question, la presente etude de la subjectivitt s’est des l’abord focaliske sur un domaine en particulier, notamment, la theorie de l’tnonciation. Tout en reconnaissant la valeur d’une esquisse historique et critique du concept d’enonciation et des nombreuses donnees visees sous ce terme, notre intention ici n’est pas de presenter une synthkse exhaustive de cette problematique, mais plutat d’offrir

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quelques reperes utiles susceptibles de servir a notre etude des Masques’ de Gilbert La Rocque. En ce qui a trait aux concepts qui seront priviltgies ainsi qu’au cheminement que nous nous proposons d’effectuer, quelques precisions s’averent necessaires. Apris avoir brikvement decrit les principaux enjeux de la theorie de l’enonciation et introduit les concepts de la deixis et de la modalite, nous ferons appel au roman de La Rocque, afin de voir dans quelle mesure la presence de la subjectiviti langagiere et du sujet enonGant ne se manifestent pas necessairement par les indicateurs pronominaux de la deixis et plus particulierement par la figuration d’un ((je)). Par une etude des prock- des de deictisation et de modalisation inscrits dans cette ceuvre romanesque, nous tenterons de montrer comment un ccrecit endosse par un ‘il’ peut gtre eminemment subjectif et une description enoncie par un ‘je’, adopter un point de vue universel)),* voir impersonnel. En dernier lieu, nous recourrons aux manuscrits des Masques, car pour ce qui est du jeu des deictiques et de la modalite ces documents contiennent en germe toute la probltmatique du roman.

2. Cadres thtorique et mtthodologique 2.1. EmiIe Benveniste et la thiorie de I’tnonciation Depuis les travaux d’Emiie Benveniste, la notion de la subjectivite a non seulement suscite une remise en question de nombreux presupposes de la linguistique structurale, mais l’inttrit conferk a la question de la subjectivite dans le langage a donne lieu a une thematisation proprement linguistique des notions de sujet parlant et d’enonciation. Si l’idke que ctle fondement de la subjectivitt est dans l’exercice de la l a n g u e ~ ~ a servi a mettre en evidence le statut discursif de l’activitk langagiere et a preciser une problematique de soi en linguistique, cette thhatisation du sujet parlant a aussi provoque un remainement de nombreux concepts linguistiques fondamentaux ainsi qu’une reconfiguration des limites de la linguistique et de ses rapports avec ce qui est de l’ordre de l’extralinguistique. C’est dans le cadre d’une nouvelle linguistique, vouee a depasser la linguistique saussurienne de la structure, que Benveniste fera appel a de nombreux phenomenes qui avaient depuis longtemps et t ecartes comme objet d’ktude.

La prise en consideration du phenomene de l’enonciation est tgalement provenue d’un desir d’elargir le champ d’observation de la linguistique struc- turale. C’est en fait ce desir de depasser les limites de la phrase qui doit itre

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pergu comme une des &tapes decisives dans le developpement de la thkorie de l’enonciation. En cherchant a inventorier les divers indices de I’inscription du sujet dans le langage, les precurseurs de la thkorie de l’enonciation arrive- raient desormais a tenir compte de certaines particularites qui avaient jusqu’alors ete tenues hors du champ d’ttude de la linguistique: le statut du referent (le monde extralinguistique), le cadre spatio-temporel et les relations entre interlocuteurs (les deictiques et les modalisateurs) la nature performative du langage (la presupposition, l’implicature), ainsi que sa puissance argumen- tative (l’aspect logique et persuasif du discours). Ce qui avait ete traite par Benveniste, il y a plus de quatre decennies, comme le theme de la subjectivite dans le langage, representera pour les precurseurs de la theorie de l’tnoncia- tion une question de premier ordre. En plus d’essayer de prendre en charge les lieux d’inscription de la subjectivite langagiere, en reperant les traces formelles des protagonistes de l’enonciation au sein de l’enonck, la theorie de l’tnonciation tentera egalement ((d’integrer a l’analyse le parametre du sujet et de traiter celui-ci comme un [. . .] support d’operations linguistiques~.~

2.2. Les PhPnomtnes de la deixis et de la rnodaliie

Dans le cadre de la thkorie de l’enonciation d’inspiration neo-structuraliste europtenne et plus particulierement d’origine franCaise, les deux phenomenes les plus exploitts sont les deictiques (pronominaux et spatio-temporels) et les indicatems de la modalit&. Tout en etant susceptibles de prendre en charge divers elements du cadre lnonciatif (la deixis s’occupant surtout d’identifier les locuteurs et de preciser le cadre spatio-temporel de l’enonciation, celui de la modalite privilegiant les donnkes logiques, linguistiques et psychologiques des honcCs) ce que ces deux concepts ont en commun, c’est qu’ils nous donnent des informations sur le proces de l’tnonciation et qu’ils representent les lieux d’ancrage les plus manifestes de la subjectivitk langagiere. En plus d’ztre disposes a marquer le surgissement du sujet dans son enonce et a indiquer un certain rapport a l’interlocuteur, les indicateurs de la deixis et de la modalite peuvent Cgalement Etre assimiles au processus de devoilement et de masquage du sujet d’enonciation. Quelle que soit la nature des procedes par lesquels ils sont actualisks, la modalisation et la deictisation trahissent tous deux cde double mouvement de l’investissement et du desinvestissement du s u j e t ~ . ~ C’est, selon Herman Parret, ce ctva-et-vient, cette montee et descen-

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te, cet investissement et desinvestissement de l’instance d’enonciationn qui constituent un des traits paralleles de la deixis et de la modalite.6

Meme si nous acceptons que les deictiques pronominaux peuvent en princi- pe etre perGus comme ))le premier point d’appui pour cette mise au jour de la subjectivite dans le langagen, que le ccfondement de la subjectivite se determine par le statut linguistique de la personne~’ et que la subjectivitk deictique est d’une nature tout a fait differente de la subjectivite modalisatrice, nous croyons neanmoins qu’un discours enonce a la troisikme personne, mais qui est toutefois fortement modalise, est susceptible d’2tre plus subjectif qu’un discours explicitement marque par la figuration d’un ((je)), si ce dernier est denue d’expressions tvaluatives, interpretatives ou modalisatrices. Comme le dit si pertinemment Kerbrat-Orecchioni,

la subjectivitk peut emprunter les voies du ccib et l’objectivitk celles du vje)) car I’on peut concurremment appeler cwhjective)) 1. I’attitude qui consiste a parler ouvertement de soi 2. celle qui consiste a parler d’autre chose mais en termes mediatisks par une vision interpretative personnelle.’

C’est cette problematique qui sera privilegiee dans la derniere partie de notre etude. Par une analyse des procedes de deictisation et de modalisation inscrits au sein des Masques, nous tenterons de montrer dans quelle mesure la presence du sujet tnonGant et de la subjectivite ne se manifeste pas nicessaire- ment par les indicateurs de la deixis. Autrement dit, la representation textuelle de la subjectivite langagiere peut se manifester de maniere explicite par la figuration d’un ccje)): dans ce cas l’enonce est lie a une source knonciative precise. Elle peut egalement se presenter de maniere implicite ou indirecte, par des formules subjectives qui sont souvent d’ordre modalisateur. A l’instar de nombreux theoriciens (Kerbrat-Orecchioni, Jacques, Caussat, Todorov, Lyons)g nous suggerons que pour bien prendre en charge l’inscription textuel- le de la subjectivite, il est essentiel de tenir compte des nombreux modes et des divers degres de sa manifestation. C’est ce que nous nous tenterons d’effectuer dans notre etude des Masques de La Rocque.

3. Dtictisation et modalisation dans Les Masques 3. I . Les Dtictiques temporeis et ieur problime rtfdrentiel Les Masques met en scene deux sujets de focalisation, deux instances narrati- ves et deux recits distincts. Celui d’un personnagetcrivain nomme Alain, dont la nature personnelle et rememorative nous invite a le nommer rkcit

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autobiographiquelO et celui d’un narrateur innomme, dont la subjectivite narratoriale marquee par une exploration des ttats de conscience du protago- niste nous incite a le designer par le concept de t(psycho-recit)).” Le rkcit au ccjek) dans lequel est reconstituee l’histoire d’Alain, le protagoniste, est domink par un discours obsessionnel fixt sur la noyade de son jeune fils. Cette scene hallucinante sert non seulement de declencheur au rCcit autobiographique, mais elle motive tgalement un rtseau d’analepses etayant la haine, la peine et le dipit du protagoniste. Par de nombreuses digressions renvoyant, soit a I’enfance d’Alain, a la mort de sa mere, a l’abandon de son pere, a ses premieres experiences sexuelles, soit a sa vie d’adulte, a ses aventures erotiques et a la noyade de son fils, le recit au cije)) est a la merci d’une activite memorielle dinuee de tout ordre, de tout enchainement. La presence de nombreux fragments retrospectifs, prives de toute chronologie et se portant dans le passe plus ou moins loin de l’instance d’enonciation, confere au recit des Masques l’apparence d’un grand mouvement de va-et-vient, dans lequel les souvenirs se succedent en desordre faisant l’objet de multiples occurrences et d’evocations partielles, inachevees. En enfilant des souvenirs appartenant a diffkentes kpoques de sa vie et en mettant en scene des sujets aussi diver- gents que la mort, la sexualitk, l’amour, ce recit constitue une serie de petits tableaux discontinus, heterogknes et fragmentaires sans suite apparente:

Je ne savais pas comment la mort etait faite [...I mais je pensais maman va mourir maman va mourir ... (p. 52). Puis c’est aprb, je ne sais pas, il y a de la neige qui tombe [...I et il a pris ma main pour m’entrainer plus vite ... mais Fa c’est un autre jour [...I (p. 63-64). [...I a present c’ktait. le soir et j’avais encore faim mais je sentais que cette fois il n’irait pas dans la taveme [...I (p. 65).

En tenant compte de la dualite temporelle du recit autobiographique du personnage-ecrivain et de ses formes de discordances, nous constatations que ce recit ne met en place aucun indicateur d’ordre deictique susceptible de reconstituer de faCon precise sa structure temporelle. Ce n’est que la portee de certains fragments retrospectifs et certaines allusions a l’bge du protagonis- te qui nous permettent de determiner qu’une certaine scene tcvient apr2s dans le rki t et ce qu’elle est censee itre venue avant dans la diCgese)).’* Bref, le rki t autobiographique a I’apparence d’un vaste riseau de souvenirs enchain& l’un A l’autre au mipris de toute chronologie.

Outre I’emploi conventionnel du passe qui represente la marque formelle de la retrospection, I’autobiographe recourt au present historique dans son evocation de souvenirs d’enfance gommant ainsi, entre le tcmoi narrateur)) et

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le ccmoi de jadist), tout decalage temporel et tout ecart d’identitk. Le present qui, selon Benveniste, sert a marquer ((la coincidence de l’lvenement dtcrit avec l’instance de discours qui le decrit,)) et les adverbes de temps qui ont normalement comme fonction ccd’organiser les relations temporelles autour du sujet))” enonCant, fonctionnent differemment dans Les Masques:

[...I a prksent popa conduit un taxi je ne le vois presque plus, il y a une grosse femme molle avec des varices mauves qui me garde [...I mais des fois comme aujourd’hui il me tient par la main on marche [...I et moi je vais avec lui puis il est dans des tavernes [...I (p. 64).

Le present et les adverbes, qui servent normalement a designer le temps et le lieu de l’tnonciation ainsi qu’a marquer une sirnultaniite entre l’experience evoquee et le discours, ont dans certains fragments du roman un status assez particulier. Dans la mesure ou le present historique (ccpopa conduit un taxi)), ccil me tient par la main)), ccje vais avec hi))) et ses adverbes (((a present)), ccaujourd’hui))) ne sont pas contemporains de I’instance de discours et ne renvoient ni au (chic)) ni au ccnuncn du locuteur, ils bouleversent le fonctionne- ment deictique du rkcit. C’est que la valeur referentielle des indicateurs de la deixis est en quelque sorte brouillee dans l’extrait cite, car ces elements ne marquent ni l’instance de discours ou l’knonce a ete emis, ni la place du sujet CnonGant dans un cadre temporel precis. Pour ce qui est de l’emploi du present historique, ce qui importe, ce n’est pas tellement que cette forme verbale peut instituer une distorsion a effet stylistique, mais plut6t que ce verbe est susceptible de projeter hors de l’instance de I’tnonciation la categorie du temps. Avec chaque evocation au present historique ((ch prhent popa conduit un taxi [...I mais des fois comme aujourd’hui il me tient par la maim p. 64), la valeur referentielle de la temporalite est mise en cause et la cccontemporaneite de l’tnonciation se trouve chaque fois infirmCe~.’~ Dans les fragments retrospectifs enoncks au present historique, jamais le narrateur ne jugera ou n’tvaluera l’kvenement evoque. En s’abstenant d’intervenir dans son recit, en se gardant d’apporter aucun commentaire d’ordre analytique, le personnage-tcrivain se borne a representer, a montrer:

( t h i s c’est une autre fois, c’est apres, je ne sais pas [...I le cercueil bouge un peu au-dessus de la fosse, [...I tandis qu’il parle en agitant sa soutane [...I on me dit qu’il faut partir, on laisse maman la dans son cercueil, on s’en va, il commence a faire froid et le vent siMe dans les arbres)) (p. 63).

La phrase initiale: ccpuis c’est une autre fois, c’est apres, je ne sais pas)) signale de la part du personnage-icrivain une difficulte a localiser dans le temps ce

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souvenir d’enfance. Les expressions adverbiales, qui normalement permettent de situer 1’Cnonci: dans un cadre temporel, n’apportent dans ce premier extrait aucune indication precise. L‘effet de desynchronisation, de brouillage temporel, effectue par l’emploi du present historique (ccle cercueil bouge un pew), (con s’en va)), (con laisse maman dans son cercueil>)) est en quelque sorte accentuk par la prksence des locutions adverbiales qui ne s’identifient a aucune date particuliere: ctc’est une autre fois)), ccc’est aprkw. Bref, ces adverbes ne traduisent en soi aucune indication temporelle precise car pour itre ccintelligibles)), ils doivent etre relies a un point temporel dttermini. Dans la mesure ou la portee des retours en arriere, ainsi que leur ordre de disposi- tion, ne sont que rarement precises dans les fragments enonces au present historique, le recit se trouve prive des donnkes essentielles a la reconstitution de sa structure temporelle. Ce rkcit au ccje)) sature d’indicateurs personnels et spatio-temporels semble privk de la subjectivitt qui devrait normalement lui Gtre conferee. Deux elements semblent affecter le degre de subjectivitt: l’ab- sence de modalisateurs et de termes evaluatifs ainsi que la mise en scene de deictiques temporels dtnues de leur valeur referentielle.

3.2 La Modalitd et l’inscription de la subjectiviti langagiere Outre la presence de ce recit a la premiere personne dont le depioiement revkle un discours obsessionnel fix6 sur certains evenements traumatisants de la vie du protagoniste, Les Masques met en scene un autre ricit dont la fonction essentielle est non seulement d’evoquer la disposition affective du narrateur, mais aussi de revoquer et de contester le recit de ce c(je)). Ce qui sous-tend la nature contradictoire et contestataire de cette narration a la troisieme personne c’est le probleme du dire-vrai, de la veridiction. La ccmoda- lit6 de la veridiction)), qui est actualisee par moyen d’une dialectique (verite/ faussetk, itrelparaitre, realitel fiction), nous provient d’un rapport de tension narrative entre les instances de la premiire et de la troisieme personnes. Le discours de ce ctil)), ou s’inscrit et se lit le ccjeu de la verite)), ou est en quelque sorte constitue le ccmode veridictoirev, dtploie une subjectivite narratoriale qui ne peut itre negligie.’s

Tout en &ant privi de ce que Benveniste nomme le ((premier point d’appub pour cette mise au jour de la subjectivitt dans le langage (la deixis pronomina- le), par la mise en sckne d’expressions modales, ce recit se trouve investi de la marque d’un sujet discoureur qui interprete, &value et commente. C’est des

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les premieres pages du roman que l’effet de tension, entre le ((je)) et le ctil>), entre la ((personne subjective)) et la ccnon-personne)), se manifeste. Par l’entremise d’un discours fortement modalise, dont la principale fonction est de refuter et de revoquer le recit autobiographique du protagoniste, le narra- teur manifestera une subjectivite narratoriale denuee d’un des principaux elements de la deixis, notamment, la figuration d’un ((jei):

- et c’etait autre chose que des souvenirs [...I car il puisait cela dans sa fausse mtmoire d’auteur, ou celle de personnage qu’il devenait hi-mime chaque fois qu’il ecrivait je, dans l’espece de vie parallele qu’il per$tuait dans le grand mensonge de ses ecritures (p. 14). I1 ne pouvait, ou ne voulait pas dire qu’il ttait hi-mime embryon de personnage B cet instant precis [...I. I1 le dirait plus tard, autrement. [...I - tout cela figurerait dans le mensonge superbe de l’tcriture comme si cela etait, avait ete un morceau de sa propre realite ... (p. 20). I1 savait qu’en ce moment il etait habitt par cela, sans trop savoir a qui appartenaient les dr6les de souvenirs qu’il remuait comme s’ils avaient it6 siens [...I (p. 21).

Le mode veridictoire inscrit dans ce recit &nonce a Ia troisilme personne joue sur le plan de la narration un rble de premier ordre. Par ses interventions, le narrateur mettra en cause le projet du personnage-ecrivain; en questionnant l’authenticite du discours en ((je)) il s’appliquera a refuter la demarche de ce dernier; en suggerant que l’ecriture autobiographique ne sert qu’a perpetuer la tromperie et l’illusion, le narrateur irvoquera une affinite entre la fiction et la realite qui va a l’encontre de ce qui est communement admis. D’un fragment du roman A l’autre, dans lesquels le narrateur manifeste la maniere qu’il situe le recit autobiographique par rapport a la vent&, il s’agit toujours, soit d’allusions a la ((fausse mtmoire de l’auteur)), soit au ((grand mensonge)) de son ecriture. La cattgorie modale veritllfaussete a sur l’ensemble du roman certains effets prkcis, car c’est de l’expression de la modalit6 veridictoi- re dont nous provient l’effet de tension narrative, qui est une des donnkes les plus problematiques de cette Oeuvre romanesque.

Et tout en marchant il pensait je sais maintenant ce que je vais mettre dans le livre - et c’ttait autre chose que des souvenirs, ce qu’on appelle ordinairement souvenirs, car il puisait cela dans sa fausse memoire d’auteur, ou celle du personnage qu’il devenait hi-mCme chaque fois qu’il ecrivait je, dans l’espece de vie parallele qu’il perpetuait dans le grand mensonge de ses tcritures (p. 14).

[...I il se rassit devant la machine a Ccrire et un moment il chercha dans ses souvenirs ou ailleurs dans sa fausse mtmoire d’auteur, [...I (p. 91).

Tout en manifestant la nature contestataire des enonces retrouvis tout au long du recit du narrateur-innomme, dans cet extrait, c’est la fiabilitk du

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personnage-ecrivain qui est mise en cause par les allusions a la tcfausse memoire de I’auteur)) et au ccmensonge de son ecriture)). C’est egalement par la mise en scene d’opkrateurs semantiques d’ordre adverbial (ccordinairement))), adjectival (ccfausse))) et nominal (ctmensonge))) que I’attitude modale du narra- teur vis-a-vis du rtcit autobiographique est actualisee. Ayant pour fin de dktruire la fiabilitk de l’instance de la premiere personne, le narrateur suggere que le dtpartage entre la fiction et la rkalite, entre I’Etre et le paraitre se pose difficilement parce que dans l’ceuvre litteraire tout se confond. Ce discours anti-mimktique vouk a refuter l’affinitk entre la fiction et la realite et a accentuer le statut imaginaire de l’ecriture romanesque constitue l’une des premieres instances mktadiscursives des Masques. C’est dans le but de fiction- naliser le statut de I’autoportrait, provenant de ce tciln, que le narrateur suggere que ce rtcit est en partie le fruit d’une invention, une instance tcfictive)) dont l’existence depend de cette ceuvre en voie de production. Introduite prtalablement comme une forme subtile de contestation, servant a semer le doute, a Cvoquer l’incertitude, I’expression de modalite s’achemine vers une mise en question de ce tcjen. Quelle que soit la nature des procides employes dans l’actualisation du ccmode veridictoire)) (adverbe, adjectif, nom, verbe), c’est toujours dans le but de mettre en cause l’entreprise autobiographique du protagoniste que le narrateur a recours a ces expressions de modalite:

Et pourtant il n’kcrivait pas hi-mCme a la fois crtateur et personnage - comment savoir precisement a quel niveau et sur quel plan de toutes les existences possibles les jeux dangereux de l’ecriture peuvent vous projeter? - tvoluant comme dans une tquation au troisiime degrt car il etait pour ainsi dire deja Ccnt dans le livre, ou cela s’ecrivait (p. 48).

La juxtaposition des substantifs cccreateur)) et ttpersonnage)) implique chez le sujet inonqant le chevauchement de deux plans distincts: le ttreeb) et le ttfictifi. En rbiterant ainsi cette dialectique, le narrateur donne a entendre que le statut du recit autobiographique est douteux, car I’ecriture peut rendre le fictif indistinct du reel. Tout en accentuant les pouvoirs mimetiques de l’imaginaire romanesque, cet tnonct semble questionner la validite de certaines distinc- tions gtneriques. Le mode interrogatif, qui sert a marquer l’hypothetique, a communiquer l’incertitude, est voue a inciter le destinataire a adopter une disposition analogue a celle du narrateur et a obtenir son assentiment a I’argument presente: c’est-a-dire que le partage entre la tcrealite>) et la ((fiction)) est beaucoup moins net qu’on ne I’assume.

Tout en deployant une relation antagoniste envers le ricit du personnage-

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ecrivain, le recit du narrateur doit egalement ttre considere pour sa valeur discursive. En feignant ainsi de renvoyer aux codes qui sous-tendent le fonc- tionnement de l’aeuvre, ce discours impose une ({lecture plurielle, indetermi- nee, contradictoire mtrne>).l6 Au lieu d’eclairer le conff it des perspectives narratives ou de resoudre l’incompatibilite des deux instances narratives, le discours du narrateur deploie a ce niveau une fonction contraire d’egarement et d’obscurcissement nuisant a l’apprehension du texte. Ainsi, nous dirions donc que de faGon analogue a de nombreuses ceuvres modernes, Les Masques met en cause le rkcit litteraire par de multiples refutations. En vue de gommer la representation et de dissoudre le sujet, le recit du narrateur a recours a des expressions de modalit6 vouees a contredire l’instance de la premiere personne avec laquelle il est en concurrence. Cette activite subversive, engen- dree par differents procedes de modalisation, kcrase le sujet, le fissure pour en faire un personnage suspect, indigne de confiance. Par la mutilation du recit et la mise en cause de la principale instance narrative, les expressions modalisatrices qui se trouvent tout au long des Masques mettent en place un processus de deconstruction qui depend pour son actualisation des procedes de la deixis et de la modaiiti..

4. En guise de conclusion Quelle que soit la facon dont nous interpretom la structure narrative des Masques, ce qui ne peut 6tre neglige c’est que c’est au sein de ces deux rtcits, actualises par deux instances, celles de la premiere et de la troisieme personnes que le jeu de la deictisation et de la modalisation a lieu. Les exemples precites indiquent aussi que la presence du sujet ne se manifeste pas nkcessairement par la figuration d’un ((jei) et que la subjectivite langagiere peut, soit se manifester de facon explicite par l’entremise de deictiques, (indicateurs prono- minaux ou spatio-temporels), soit ttre inoncte sur le mode de l’implicite par la mise en scene d’expressions modalisatrices. Tout en donnant lieu a ce que Kerbrat-Orecchioni nomme un ccparadoxe enonciatif)), les extraits auxquels nous avons fait appel demontrent aussi que ((la subjectivite peut emprunter les voies du 31’ et l’objectivite celles du ‘je’)),” car un recit, dans lequel l’honciateur manifeste une certaine attitude vis-a-vis de ce dont il parle, peut Ctre plus subjectif qu’un discours deictise si ce dernier est dCnue d’expressions evaluatives, interpritatives ou modalisatrices. En depit de la mise en scene

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de nombreux procedes d’ordre deictique, le discours de ce ((je)) expose un deficit qui provient de l’absence d’expressions modalisatrices ainsi que de la mise en scene d’indicateurs temporels denues de la valeur referentielle, qui devrait normalement leur Ztre conferee.

Meme si les narrations au c(jen et au ctil)) se distinguent par leurs procedes de dkictisation et de modalisation, il n’existe pas entre ces deux recits de vkritables ((hiatus)) puisqu’ils agissent tous deux comme des lieux d’kmergence du sujet dans le langage. Toutefois, ce dont il faut Stre conscient, c’est que ces deux ricits ((portent la marque de l’tnonciateur selon des modes et des degres divers)).’’ Tout en reconnaissant que les lieux d’inscription de la subjectivite langagiere sont trop nombreux et trop heterogenes pour que nous puissions tous les repertorier, de faGon analogue a Kerbrat-Orecchioni, nous dirions que la prise en charge des procedes de dkictisation et de modalisation permet au moins d’effectuer une evaluation comparative et quantitative de la representation textuelle de la subjectivite dans le langage.

Bref, que les lieux d’ancrage du sujet nous paraissent moins accentues dans le rtcit au cije)) que dans celui endosse par I’indicateur de la troisieme person- ne, ceci represente en soi un phenomene digne d’interet. Que la subjectivite langagikre soit plus marquee dans un discours denue de tout indicateur de la deixis que dans un recit endosse par un cje)), nous semble egalement fort intiressant. Par ailleurs, ce qui merite d’etre signale c’est que les manuscrits des Masques, que nous avons consultes dans I’espoir de mieux comprendre cet aspect problkmatique du roman de La Rocque, nous ont permis de constater que, des trois versions manuscrites de cette ceuvre, la premiere etait en grande partie ridigee a la premiere per~0nne.l~ Les glissements d’une forme pronominale a l’autre, le va-et-vient entre les instances de la ccpersonne subjective)) et de la mon-personne)), I’investissement et le desinvestissement du sujet d’bnonciation actualises par des procedts de deictisation et de modali- sation sont plus ou moins absents dans la premiere version du roman. Ce qui s’impose dans ce manuscrit c’est un ((jen: il est tout d’abord mis en valeur par la graphie (entre guillemets et en lettres majuscules) et il est ensuite intkgrk au sein du texte. D’une version manuscrite du roman a l’autre, la substitution du ((je)) s’effectue sans donner lieu a de viritables changements de registres dans la trame narrative. Ce passage du ((je)) en ((il)), qui s’effectue sans aucune alteration du discours a l’exception d’un changement d’ordre pronominal nous incite a suggerer, a I’instar de Roland Barthes, que ctles systemes personnel et a-personnel de la narration ne beneficient pas forcement

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des marques linguistiques attachees a la personne Qe) et a la non-personne (il)>>.*’ Autrement dit, la presence de l’enonciateur dans l’enonce ne se mani- feste pas toujours par l’intervention directe du signifiant ((je)) et en consequen- ce, les indicateurs pronominaux ne sont pas necessairement les meilleurs moyens pour prendre en charge les lieux d’investissement et de desinvestisse- ment du sujet parlant.

Si nous avions a resumer l’essentiel de notre etude, nous dirions que la reprtsentation textuelle de la subjectivite est susceptible d’ktre reconstitute par l’entremise de nombreux elements (formes verbales, indicateurs spatio- temporels, marques pronominales, modes verbaux, expressions modalisatri- ces, affectives et evaluatives) qui agissent tous comme des centres reperables d’tmergence du sujet, considere en general comme ctle sujet du Par ailleurs, si l’on veut faire ressortir au sein de textes litteraires la representation du sujet, il ne faut non seulement tenir compte des procedes qui servent a son actualisation mais Cgalement des marques variables qui vont d’une pleni- tude de la subjectivite a un discours qui cherche a dissimuler son statut subjectif. Que la question de la subjectivite langagiere soit abordte par l’entre- mise de la theorie de l’enonciation, dont l’essentiel est de reperer les prockdts par lesquels le sujet s’inscrit dans son enonce ou par un autre champ d’investi- gation (la pragmatique, l’hermeneutique, la rhetorique, la philosophie, la logique, etc.), poser comme objet d’etude la representation textuelle de la subjectivitt, c’est chercher a dkcrire ce qui constitue l’exptrience de celle-ci. Dans la mesure ou les tnonces discursifs et textuels sont tous, d’une maniere ou d’une autre, marquis subjectivement, traiter du phenomene de la subjecti- vite c’est en quelque sorte ~s’aventurer dans une qukte dont on sait que jamais elle ne saurait s’achever>).22

NOTES 1. Les Masques, MontrCal. (Ed. QuCbeclAmerique) 1980. 2. Catherine Kerbrat-Orecchioni, LEnonciation. De la subjectivite dans le langage.

(Ed. Armand Colin) 1980, p. 152. Comme l’explique l’auteur, ccl’on peut fort bien parler de soi en s’abstenant de la surface textuelle (((Madame Bovary c’est mob)), et parler ctd’un autre)) en disant ‘je’)) (p. 152).

3. Emile Benveniste, Problemes de linguistique gknntrale, 1. (Ed. Gallimard, 1966, p. 161.

4. Catherine Fuchs, (d.es Problk-matiques Cnonciatives: esquisse d’une prksentation historique et critique),, in: DRLAY 2411981, p. 50.

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Herman Parret, (&‘Enonciation en tant que deictisation et modalisation)), in: Langages 101 1983, p. 90. Herman Parret, op. cit., p. 90. A ce sujet consulter: Charles Bally, (Byntaxe de la modalite explicite)), in: Cahiers Ferdinand de Saussure 211942: pp. 2-13 et Jean Meunier, crModalitPs et communication>), in: Langue frangaise 21 i 1974: pp. 8-25. Emile Benveniste, op. cit., p. 260 et p. 262. Catherine Kerbrat-Orecchioni, op. cit., p, 153. A ce sujet consulter: Catherine Kerbrat-Orecchioni, LEnonciafion. De la subjectivi- th duns le lungage. (Ed. Armand Colin) 1980; Francis Jacques, Dfference et subjectivitk. Anthropologie d‘un point de vue relationnel. (Ed. Aubier Montaigne) 1982; P. Caussat, ((La Subjectivite en question)), in: Langages 77/1985, p. 43-54; Tzvetan Todorov, ((Enonciation)), in: Dictionnaire encyclopedique des sciences du lungage. (Ed. du Seuil) 1972; John Lyons, ctDeixis and Subjectivity: loquor ergo sum?)), in Speech, Place and Action. Studies in Deixis and Related Topics, Chichester/New York: John Wiley and Sons Ltd., 1982. Le concept de trricit autobiographique fictif)), auquel nous ferons appel au cows de cette etude, est employi pour pricker que dans Les Masques, I’instance autobio- graphique renvoie au narrateur (Alain) et non a I’individu (Gilbert La Rocque) qui a effectivement ecrit le texte. Le concept de ((psycho-ricit)) est empruntt a Dorrit Cohn, La Transparence in- ttrieure. (Ed. dq Seuil) 1981. G. Genette, Figures ZZZ. (Ed. du Seuil) 1972, p. 79. Emile Benveniste, op. cit., p. 262. Marc Wilmet, Etudes de morpho-syntaxe verbale. (Ed. Klincksieck) 1973, p. 14. Les concepts de ttmodalitC: veridictoirea, de ctmode veridictoirett sont empruntes a A. Greimas, Du Sens 11. (Ed. du Seuil) 1983 et a A. Greimas et J. Courtes, Simiotique. Dictionnaire raisonne de la theorie du langage. (Ed. Hachette) 1979. Linda Hutcheon, ((Introduction)), in: Texte 1 / 1982, p. 9. Catherine Kerbrat-Orecchioni, op. cit., p. 153. Catherine Kerbrat-Orecchioni, op. cit., p. 152. Les manuscrits de Gilbert La Rocque se trouvent a la Bibliotheque Nationale a Montrial. ((Introduction I’analyse structuralel), in: Lanalyse structurale du rhcit. (Ed. du Seuil) 1981, p. 26. Francis Jacques, DiffPrence et subjectivite. Anthropologie d’un point de vue relation- nel. (Ed. Aubier Montaigne) 1982, p. 10. Catherine Kerbrat-Orecchioni, op. cit., p. 226.

Julie LeBlanc. Ph.D. (1990) Assistant professor, Dipartement &Etudes francaises, Universiti Carleton (Ottawa). Has published articles on Hubert Aquin, Gilbert La Rocque and on discourse-analysis and theories of Autobiography.