la coproduction de la ville

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WADE Malick Coordonnateur Réseau Inter Africain des Habitants DESS MASTER Ingénierie du Développement Urbain et Intégration en Europe Champ des Courses Rufisque, Sénégal E-mail : [email protected] [email protected] « La coproduction de la ville » Résumé 1 : Le Réseau InterAfricain des Habitants est une structure Régionale de développement au service des Organisations Communautaires de Base Africaines. Sa naissance fait suite au constat du manque de représentativité des associations d’habitants africains durant les grandes rencontres sur le développement urbain. Lors du sommet Habitat 2 à Istanbul s’était tenu un « Forum des habitants ». Les habitants y avaient lors de leurs assises adopté un texte intitulé « Paroles d’habitants » et désiraient concrétiser cette occasion par la création d’un réseau représentatif de leur pouvoir participatif. Le projet prenait forme lors de la rencontre de Dakar du 1 er au 7 février 1998 qui avait rassemblé douze pays africains sur le thème : « Habitants, élus et professionnels : construire ensemble les villes et communautés rurales et réussir la décentralisation en Afrique » La rencontre de Dakar a marqué la création du RIAH qui se veut l’interlocuteur des habitants africains auprès des autres acteurs du développement local. Le RIAH émerge ainsi dans un contexte d’étiolement de la démocratie représentative qui avait du mal à faire face à la demande exprimée par les collectivités de bases africaines. Il est surtout une représentation et l’héritière d’une longue expérience que les habitants d’Afrique ont développé en termes d’auto prise en charge de leur destinée au quotidien. Les objectifs visés : i

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Page 1: La coproduction de la ville

WADE Malick

Coordonnateur Réseau Inter Africain des HabitantsDESS MASTER Ingénierie du Développement Urbain et Intégration en EuropeChamp des Courses Rufisque, SénégalE-mail : [email protected] [email protected]

« La coproduction de la ville »

Résumé 1   :

Le Réseau InterAfricain des Habitants est une structure Régionale de développement au service des Organisations Communautaires de Base Africaines.Sa naissance fait suite au constat du manque de représentativité des associations d’habitants africains durant les grandes rencontres sur le développement urbain.Lors du sommet Habitat 2 à Istanbul s’était tenu un « Forum des habitants ».Les habitants y avaient lors de leurs assises adopté un texte intitulé « Paroles d’habitants » et désiraient concrétiser cette occasion par la création d’un réseau représentatif de leur pouvoir participatif.Le projet prenait forme lors de la rencontre de Dakar du 1er au 7 février 1998 qui avait rassemblé douze pays africains sur le thème : « Habitants, élus et professionnels : construire ensemble les villes et communautés rurales et réussir la décentralisation en Afrique »La rencontre de Dakar a marqué la création du RIAH qui se veut l’interlocuteur des habitants africains auprès des autres acteurs du développement local.Le RIAH émerge ainsi dans un contexte d’étiolement de la démocratie représentative qui avait du mal à faire face à la demande exprimée par les collectivités de bases africaines. Il est surtout une représentation et l’héritière d’une longue expérience que les habitants d’Afrique ont développé en termes d’auto prise en charge de leur destinée au quotidien.

Les objectifs visés :

- Regrouper et soutenir les réseaux d’habitants africains dans leurs différentes actions.- Susciter une dynamique participative des habitants au niveau de leur cadre de vie.- Ouvrir une fenêtre au partenariat dans une perspective de revalorisation des initiatives d’habitants d’Afrique.- Construire un partenariat entre habitants, élus, professionnels et institutions au service de la décentralisation et de la démocratie locale.- Mise en réseau des initiatives d’habitants d’Afrique dans un souci de renforcement mutuel par le biais de l’échange d’expériences.- Consolider le réseau en Afrique et dans le monde en partenariat avec les réseaux poursuivant les mêmes objectifs.

Résultats , impact régional , International et perspectives

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Après 10ans de consolidation, le réseau interafricain s’est affirmé dans plusieurs champs d’action.

L’animation du débat sur la démocratie participative en Afrique par le biais des rencontres et universités itinérantes citoyennes (Dakar, Abidjan, Yaoundé, Cotonou).

Son positionnement comme modèle représentatif des initiatives africaines est aujourd’hui évidente. C’est ce qui explique sa place reconnue d’acteur de la décentralisation représentant la société civile.

De même que ses partenariats avec les instances de coopération et autres organismes ( Conseil National des Villes de France, Citoyens pour Renouveler l’Action Publique, Coopération Décentralisée -Ministère Français des Affaires Etrangères, Partenariat pour le Développement Municipal en Afrique, Cités et Gouvernements Locaux.

Le RIAH est acteur du projet d’Observatoire Africain de la Décentralisation, des Maisons de Justice et du Droit en Afrique.

La valorisation et la diffusion des pratiques des habitants à travers ses différentes participations à des rencontres et assises :.

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Titre : « La coproduction de la ville »

Résumé   2:

Dès leur accession à la souveraineté internationale, les Etats africains ont opté systématiquement pour une politique de centralisation administrative et financière destinée à renforcer leur autorité et leur capacité d’intervention. L’Etat était ainsi considéré comme l’unique instrument apte à opérer des changements radicaux et il lui fut assigné un rôle central dans le développement économique et social.

Il avait aussi pour vocation de mobiliser les ressources physiques, humaines et institutionnelles pour promouvoir de grands projets de développement. Ainsi, la centralisation de la décision, celle de la mise en œuvre et celle du contrôle sont légitimés par les impératifs de la planification à long terme en vue de faciliter l’allocation de ressources disponibles, de favoriser l’accumulation du capital et de générer des emplois.

Mais plus tard, lorsque les promesses de l’indépendance et de la centralisation politique, économique et surtout administrative ne se sont pas réalisées et que l’Afrique s’est enfoncée dans une crise multiforme sans précédent, les Etats centralisés se sont rendus à l’évidence des faiblesses à la fois institutionnelles, organiques, structurelles et stratégiques de la centralisation. Ils sont de plus en plus confrontés aux difficultés croissantes d’assurer l’offre de services publics et de satisfaire une demande sociale plus pressante en matière d’éducation, de santé, d’emploi, de loisirs et de gestion du cadre de vie de manière générale .

Ces Etats africains se sont convaincus que, s’il est généralement admis que le développement économique et social ne peut se réaliser que par la seule impulsion des administrations centralisées, il n’en est pas moins évident qu’une participation populaire aux actions de développement ne peut être obtenue dans le cadre des structures centralisées.

Il en résulte que même si par nature l’Etat est centralisateur, il reste évident que les techniques du développement et ses implications socio-politiques postulent quand à elles l’organisation entre le peuple et l’administration, c’est à dire, la participation à l’exercice du pouvoir de manière responsable et transparente.

C’est cette nouvelle philosophie qui va amener dans presque tous les pays africains un vaste mouvement de territorialisation en vue de conférer aux collectivités locales des responsabilités à la fois conceptuelles et opérationnelles.

Ainsi, pour définir autrement les rapports entre l’Etat et la société civile, il est apparu indispensable d’opérer un certain nombre de ruptures radicales à même de modifier le fonctionnement du système, non seulement dans sa forme juridique et institutionnelle, mais aussi et surtout, dans sa réalité sociologique et politique profonde.

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C’est pour répondre à cette préoccupation que la décentralisation a vu le jour dans les pays africains. Ce phénomène aux dimensions planétaires, est probablement l’une des avancées les plus significatives de notre époque . Il a engendré partout, par delà les contingences nationales, des dispositifs d’organisation et d’agencement institutionnel, véritables signes avant- coureurs de la naissance d’un nouvel ordre mondial de la démocratie administrative.

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1. Introduction

La décentralisation est en effet un concept dont la signification et les conditions de mise en œuvre varient d’une civilisation, d’une culture, d’une langue, d’un contexte socio-économique à l’autre .

Néanmoins, tous les systèmes décentralisés ont un point commun à savoir que la mise en œuvre est le fait d’acteurs multiples :

- élus locaux et nationaux ;- fonctionnaires des administrations centrales et territoriales ;- mouvements associatifs ;- représentants des organisations socio-professionnelles ;- et de la société civile

Ainsi, les profondes transformations qu’ont connues les pays africains ont entraîné de la part des populations des exigences accrues en matière de demandes sociales et ont donné naissance à une aspiration nouvelle des citoyens de participer à la gestion de leur quartier, de leur village, de leur cité.

Il résulte de cette évolution, que l’amélioration de la vie quotidienne des citoyens et la satisfactions de leurs besoins, passent irrémédiablement par l’accroissement des responsabilités locales.

C’est donc dire que la décentralisation n’est pas seulement une affaire de droit, ni un projet technocratique, mais une affaire de citoyenneté, un projet démocratique.

A cet effet, les citoyens ou «Habitants» ont leur mot à dire et leur rôle à jouer.

Le rôle des «Habitants» dans la décentralisation

La politique de la décentralisation offre aux populations l’opportunité de participer à la gestion des affaires locales . Le cadre de cette participation a été posé par la charte d’Arusha en 1990 qui définit les règles de la participation populaire qui se résume en obligation pour tout gouvernement, toute organisation nationale ou internationale et tout leader, de responsabiliser les populations, de renforcer leur capacité d’organisation et de leur rendre des comptes.La décentralisation est donc le cadre idéal pour donner un contenu concret à cette notion de participation du fait du rôle essentiel qu’elle reconnaît à la société civile dans la conduite d’un développement participatif, autodéterminé et maîtrisé.

Toutefois, il faut convenir que cet idéal recherché pour l’avènement d’un meilleur développement ne se fera pas du jour au lendemain, notamment quand on considère le climat de méfiance qui prédomine entre les acteurs non gouvernementaux et les pouvoirs publics mais aussi, des difficultés auxquelles sont confrontés chaque jour les habitants (pauvreté, sous-emploi, délinquance juvénile, chômage,…..). Mais, ces maux ne trouveront solution que si les habitants

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s’expriment de manière démocratique et s’impliquent activement dans la gestion des affaires locales.

Il faut donc une société civile forte, dynamique et organisée, capable d’apporter des réponses précises et concrètes aux problèmes qui interpellent la communauté.

En effet , la société civile ne doit plus être seulement une force de revendication, mais aussi, une force de contribution à travers un dialogue social et politique fécond instauré avec les pouvoirs publics et les professionnels .

Il faudra ainsi mettre en œuvre dans les collectivités locales , des mécanismes facilitant la participation tels que :

- Le partage de l’information ;- Le partage de la décision ;- Le partage des responsabilités dans l’exécution ;- La mise en place de comités conjoints de pilotage.

Pour réussir ce pari et impulser le développement à la base, la société civile doit s’organiser et s’imposer comme un interlocuteur valable et crédible des pouvoirs publics et des organes décentralisés.

Lors de la conférence d’Habitat II qui s’est tenue à Istanbul en Turquie en 1996, les autorités locales ont dressé une liste des problèmes cruciaux aux quels sont confrontés les villes et leurs habitants notamment :

- les ressources financières inadaptées ;- le manque de débouché pour les jeunes diplômés ;- l’augmentation du nombre de sans abris et habitations précaires ;- un accroissement de la pauvreté ;- une insécurité grandissante ;- un taux de criminalité à la hausse dans les principales villes africaines ;- une insuffisance dans la fourniture de services de bases aux populations ;- un urbanisme mal géré

Ainsi, les rencontres et échanges doivent permettre aux acteurs africains de la décentralisation de réfléchir sur des stratégies durables permettant de mener à des changements socio-économiques aux quels aspirent les populations africaines.

Les principaux acteurs de la décentralisation en Afrique ont dégagé les stratégies les plus adéquates pour son approfondissement et la mobilisation des ressources nécessaires au développement des collectivités locales.Le RIAH a souvent, dans le cadre des Universités Itinérantes Citoyennes, enregistré la participation de délégués venus d’horizons divers avec des compétences et des niveaux de responsabilités diverses. Il y avait en effet des élus locaux, des ministres chargés de la décentralisation dans les pays africains, les experts nationaux et internationaux, les agences de coopération et d’appui nationaux et internationaux, les membres des ONG travaillant dans le domaines de la décentralisation et les habitants.

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Les principaux objectifs sont :

- identifier des questions centrales qui doivent être traitées aux niveaux local ; national , régional et continental ;

- trouver des méthodes novatrices de financement des gouvernement locaux tout en renforçant les capacités des ressources humaines ;

- favoriser une plus grande coopération entre les différents responsables (Ministres, maires, Habitants, partenaires au développement) tout en encourageant la mise en commun d’expériences en matière de pratiques optimales.

2. La stratégie des habitants

1/ Les habitants doivent avoir un langage interpellatif, une parole forte qui rompt avec le langage conceptuel et politico-administratif.

2/ Sur chaque thématique les habitants doivent démontrer la contradiction entre le «dire» et le «faire».

3/ Le positionnement des habitants se situe dans le cadre d’une démocratie participative et non dans celle d’une démocratie seulement représentative.

4/ Etre citoyen c’est s’interroger sur «le comment» et «le pourquoi» de tel ou tel fonctionnement, notamment sur la place du citoyen dans l’élaboration et le contrôle du budget communal.

5/ Les mécanismes d’élaboration du budget actuellement sont tels que les habitants ne peut avoir une véritable place dans la prise de décisions concernant les priorités sociales auxquelles ils aspirent.

6/ En tant qu’habitant notre démarche doit être la suivante : quelles sont les priorités que l’on veut voir traduire dans un budget ? Comment peut-on infléchir les priorités budgétaires d’une

commune? Comment exprimer nos priorités, sous quelle forme et dans quelle structure ?

7/ Sans éducation et sans formation à la citoyenneté, l’intervention du citoyen est vaine. «L’habitant-citoyen» doit être formé à la chose publique et à l’intérêt général.

8/ La décentralisation doit être un projet concerté entre habitants, pouvoirs publics, secteurs privés et les professionnels. Cette concertation implique une hiérarchisation des besoins pour aboutir à des projets s’intégrant dans des Plans Locaux de Développement.

9/ Les habitants ne doivent pas perdre de vue que la finalité de la décentralisation est le développement local. Par conséquent, il faut aboutir à un budget participatif communal basé sur un Contrat de Développement Local concerté.

10/ Les habitants à travers les associations doivent se structurer pour trouver les financements nécessaires pour mener à bien des actions efficaces et pérennes. Ils

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peuvent tirer profit de l’apport de la Coopération Décentralisée, des ONGs, des associations communautaires et des Organisations de Solidarité africaine issues des migrants (diaspora africaine) dans la mobilisation des ressources financières pour les projets de développement durable.

11/ Les habitants doivent, impérativement, participer à toutes ces phases nécessaires à la mise en œuvre d’un projet de développement concerté et cohérent :

- identification des besoins,- élaboration du projet, - exécution de l’action,- suivi-évaluation.

12/ La participation des habitants dans le développement social des communes est plus importante en Afrique car les populations doivent combler les déficits des

pouvoirs locaux privés de réels moyens financiers.

3. Les aspects politiques de la décentralisation :les conditions de la bonne gouvernance :

Depuis leur accession à la Souveraineté Internationale, les Etats africains se sont engagés sur la voie de la démocratie et d’un développement durable. De l’Etat centralisateur concentrant l’ensemble des pouvoirs entre les mains des plus hautes autorités, nous sommes arrivés aujourd’hui dans la plupart des pays africains, à une politique de décentralisation administrative et territoriale dont l’objectif est de donner aux populations l’opportunité de participer à la gestion des affaires locales.

Cette décentralisation apparaît comme une politique irréversible dans les pays africains mais des interrogations demeurent quant à l’effectivité de la mise en œuvre de ses fondements de base qui reposent sur l’existence d ’un dialogue social et politique entre les différents acteurs fondé sur les règles de la démocratie à savoir : le respect des opinions des uns et des autres, la prise en compte des préoccupations des minorités, le respect de l’expression de la majorité.

Ce que l’on constate dans les différentes collectivités locales, c’est le cloisonnement entre les différents acteurs, ce qui enlève à la décentralisation sa sève nourricière qui est la concertation et la participation de tous les membres de la collectivité.

Il apparaît ainsi que pour réussir le pari de la décentralisation, il y a lieu de mettre l’accent sur des points fondamentaux : le renforcement de la démocratie locale ; la bonne gouvernance et la participation citoyenne.

I/ Renforcement de la démocratie locale

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La démocratie est au centre du développement local par la décentralisation car il est probable qu’un risque existe dans les collectivités locales comme dans toute institution humaine, celui de l’abus de pouvoir par défaut de contrepoids. La démocratie locale est capitale car induisant l’exigence d’un meilleur respect du droit et l’information authentique des Habitants.

Cela va passer par le respect de certaines règles :

1- Eviter la concentration des pouvoirs

Le niveau local est souvent un lieu parfait de concentration des pouvoirs. Le maire cumule des rôles que jouent au plan national, le Président de la République, le premier Ministre, le président du parlement. Le conseil municipal n’est pas toujours l’émanation des populations mais c’est le Maire, qui, souvent choisi son équipe et il la présente ensuite aux électeurs.

La toute puissance du Maire apparaît par exemple en matière d’urbanisme et en plus, il y a une personnalisation et politisation de la vie locale. Les enjeux du pouvoirs, mais aussi les enjeux financiers sont énormes alors que souvent, ces aspects sont forts éloignés de l’objectif initial de proximité avec les citoyens. Ces derniers ne sont pas toujours devenus des acteurs de la décentralisation mais tout au plus, des éléments passifs .

Il faudra donc prendre des dispositions propres à améliorer la démocratie locale :

Reconnaissance et organisation de consultations des électeurs locaux ;Respect des droits de la minorité élue au conseil ;Information directe des populations ;Statut de l’élu local ;Facilitation de l’accès du plus grand nombre aux fonctions électives ;Mise en place des programmes types de formation à la citoyenneté, à la démocratie et aux droits de l’Homme ;Formation de formateurs :

- à être acteurs de leur vie et de leur société, capables d’autonomie, de critiques, d’entreprendre – des gens qui ne soient pas des entonnoirs à avaler des «vérités»- mais qui, dans la réflexion, construisent. - à être responsables, ouverts à la diversité, démocrates, humanistes.

Organisation de séminaires thématiques dans les villes africaines dans le but de Créer des universités citoyennes ;Création d’espaces de concertation, des aires de jeux ainsi que des maisons de justices pour jeunes délinquants et autres.

La démocratisation de la vie locale doit être poursuivie en faisant jouer pleinement son rôle à chaque acteur.

Par ailleurs, il y a lieu de revoir le cumul des mandats compte tenu des exigences nouvelles qui s’attachent aux fonctions de direction des exécutifs locaux : technicité, disponibilité.

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2 - Renforcer la présence du citoyen dans les organismes consultatifs dans la vie publique.

L’un des objectifs de la décentralisation était de « rendre le pouvoir aux citoyens ». Mais force est de constater que la décentralisation a plutôt transféré le pouvoir aux élus et que l’objectif énoncé reste à atteindre.

Il ne s’agit pas d’instaurer une démocratie directe, mais, il faut organiser les conditions d’un dialogue avec les citoyens en dehors des scrutins, par exemple, par des consultations locales et des procédures d’accès aux comptes publics.

L’une des raisons de la désaffectation croissante pour l’action publique, est l’éloignement des citoyens, non seulement du processus de prise de décision, mais aussi, de leur mise en œuvre par les assemblées délibérantes.

Dans la recherche d’une efficacité accrue de l’action publique, l’objectif qui sous-tend le processus de décentralisation à savoir une meilleure connaissance de la portée des décisions à prendre constitue un élément décisif.

Il est souhaitable que les élus recueillent les avis et conseils émanant des forces socio-économiques locales selon des modalités à définir d’un commun accord.

Il est en effet souhaitable de prendre appui sur les comités locaux, les associations, les comités d’usagers du service public, les commissions extramunicipales, car ces milieux sont souvent plus compétents dans leur secteur et peuvent donc utilement éclairer le décideur public et lui suggérer les voies de l’efficacité et de l’innovation. Mais, cela doit se faire en privilégiant le cadre le moins formel car il n’est pas réaliste de prôner des constructions systématiquement institutionnelles, génératrices de coûts, parfois de dérives bureaucratiques ou de rivalités de pouvoirs.

Ainsi donc, au plan de la démocratie locale, ces associations et groupes locaux s’ils ne rivalisent pas avec les élus du suffrage universel, ne peuvent que conforter le système local par la confiance qu’ils lui manifestent.

2 - Mieux respecter la règle de droit.

La décentralisation a été l’occasion d’une affirmation sans précédent, de l’importance et de la nécessité de l‘état de droit. Sa réussite à long terme dépend en partie de la protection égale des droits et libertés de chacun, qui doit être assurée sur tout le territoire national.

Les citoyens sont dans leur grande majorité favorables à un pouvoir de décision plus proche d’eux. Leur adhésion au processus est capitale. Si un jour, ils ont l’impression que la décentralisation a favorisée, non la démocratie mais les inégalités et les intérêts particuliers, ils réviseront leur jugement et pourraient se retourner vers des pouvoirs moins proches, mais plus juste et plus égalitaires.

Il importe donc de dégager les voies d’avenir pour assurer un meilleur état de droit au plan local, voies qui doivent concerner tous les acteurs de la vie locale. Il faut

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surtout des mécanismes de prévention et de lutte contre la corruption et pour la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

II/ La bonne gouvernance et la participation citoyenne

La «bonne» gouvernance est un concept aujourd’hui très agité et elle suppose qu’il ait à côté la «mauvaise» gouvernance. Mais pourquoi a-t-on attendu si longtemps pour en parler ? Pour quel but ? Quelles sont les attentes ? Quelles sont ses conséquences ? Ses logiques ?

La bonne gouvernance est-elle une gestion rationnelle, efficace et efficiente des gouvernants ou une cogestion et une coparticipation de toutes les forces vives, capables d’apporter un appui conséquent à la réalisation du développement local ?

Répondre à ces questions permet de mieux appréhender la notion de bonne gouvernance qui, semble-t-il se veut plus sociale que politique pour ne pas dire trop économique dans une certaine mesure.

La bonne gouvernance qui est prônée dans tous les domaines d’activités, implique transparence, lisibilité et participation

La gouvernance est d’abord une question d’éthique personnelle avant d’être celle des mécanismes ou des principes juridiques. La gouvernance signifie que c’est l’action politique qui guide l’action sociale. La bonne gouvernance par contre signifie que c ’est l’action sociale qui guide l’action politique.

S’il arrive aujourd’hui que tout le monde parle de la bonne gouvernance, c’est parce que la gestion rigoureuse et transparente des ressources nationales et locales par les hommes politiques est devenue une exigence mondiale. Mais cette bonne gouvernance n’est pas seulement l’affaire des dirigeants, elle concerne aussi les citoyens qui doivent participer à la réalisation du développement local. Cette participation est conditionnée par l’existence de préalables nécessaires à l’instauration d’un dialogue social et politique au niveau local :

une légitimité des dirigeants locaux ;le respect et la confiance réciproque entre les acteurs ;les capacités des habitants à proposer des actions concrètes et des stratégies adéquates ;la disponibilité des dirigeants locaux au dialogue et à la négociation

A cet effet, les propositions ci-après doivent être mises en œuvre :

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- créer les conditions d’une élection libre et transparente permettant aux citoyens d’opérer des choix judicieux ;- développer les capacités structurelles et institutionnelles des collectivités et des autorités locales ;- renforcer la visibilité des actions municipales ;- aménager des espaces de proximité dans les quartiers d’habitat social afin d’en faire de véritables «lieux de vie publique» ;- contribuer à l’animation des quartiers par la présence de services publics innovants ;- soutenir des projets socio-éducatifs ;- encourager les initiatives de terrain des associations ;- mettre en place des programmes «quartiers d’initiatives» avec un collège composé de professionnels, habitants et élus ;- mettre en place un charte locale de participation, prélude aux contrats de ville qui doivent être traduits en programmes types.

Participation citoyenne, civisme et droits de l’homme

La qualité de citoyen implique des droits qui lui assurent une participation effective à la gestion des affaires publiques.

Le civisme et son cortège de vertus et de devoirs, postule, en toute logique, l’existence de la citoyenneté politique car ce n’est que là que chacun dispose de droits l’associant au pouvoir, que chacun est enclin à se dévouer pour le bien commun.

Le civisme et les droits qui en découlent constituent la contrepartie de la citoyenneté politique. Le citoyen doit à la loi plus que la soumission : il lui doit respect et obéissance.Quiconque fraude sur l’impôt, sur le service militaire, quiconque vend son vote, est coupable moralement et civiquement. En république, le civisme ne se décrète pas, il s’acquiert au quotidien par le biais d’une formation conséquente à la fois théorique et pratique.

Une participation consciente et responsable

N’étant pas une affaire de droits mais de vertu, le civisme dépend au premier chef de la conscience politique et sociale des citoyens et donc, de la volonté de tous. Il faut donc que chaque citoyen soit conscient de la nécessité de sauvegarder l’intérêt public au détriment de l’intérêt personnel, de la nécessité de développer ses capacités de conception et d’action, de la nécessité d’aller vers la source de l’information mais aussi, d’avoir le courage de poser et de défendre ses droits et revendications.

Tout cela nécessite des actions de formation et d’encadrement et les ONG doivent renforcer leur présence sur ce terrain pour appuyer les habitants dans leurs initiatives et les aider à s’organiser pour réussir une participation responsable à la gestion des affaires locales. Une transparence dans la gestion des affaires locales

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Les citoyens ont le droit de connaître la manière dont les deniers publics sont gérés et les élus locaux ont l’obligation de rendre compte aux populations de leur gestion. La transparence doit donc être érigée en règle d’or dans la gestion des affaires de la cité pour que cette méfiance réciproque qui existe entre les acteurs ne soit plus un facteur de blocage des initiatives locales. Mais, cette obligation de rendre compte des élus ne s’exécutera pas volontairement, il faut que les citoyens s’y intéressent, l’exigent et la négocie avec les élus.

En conclusion, nous pouvons dire qu’il s’agit de promouvoir une complémentarité dans le cadre d’une cogestion qu’il faudra délimiter à travers des contrats d’objectifs négociés à l’initiative de tous, pour une cohésion sociale et la bonne gouvernance.

Un accompagnement efficace des habitants dans l’éducation à la citoyenneté.

Dans ce sens il faudra des appuis pour :

- la vulgarisation des lois et des textes sur la décentralisation,

- la sensibilisation des habitants sur l’opportunité, l’importance et les avantages de la décentralisation,

- le renforcement de la participation des habitants à la gestion de leurs affaires à travers des formations multidisciplinaires,

- l’identification et la formation d’élites locales sur la décentralisation,- l’accompagnement des habitants à travers les élites locales dans la

formulation de programmes et plans locaux de développement,- la formation des habitants à l’appréciation, à partir de leurs priorités, des

thèmes de campagne des partis politiques.

La mise en place de réseaux dynamiques au service du développement local à travers   :

- la création et le renforcement des comités locaux de conciliation ( Maison de justice, Case populaire de droit, comité de médiation),

- la création des comités locaux pour la santé,- la création des comités locaux pour l’environnement,- la création des comités locaux pour la sécurité,- la création d’instances de concertation entre les élus les habitants et les

professionnels,- la mise en place des Assemblées de quartier

Les actions directes des Habitants 

Ces actions visent à apporter la contribution ou la participation des Habitants à l’effort de construction de la cité ; il s’agit de :

- la promotion de la culture de paix et de la tolérance à travers des stratégies de sensibilisation des populations à la base,

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- la recherche et dynamisation de coopération décentralisée de concert avec les élus,

- la mise en place d’un observatoire de la décentralisation de concert avec les élus et les professionnels,

- des campagnes de salubrité publique,- l’éducation à la santé et à l’environnement,- la recherche et négociation de financement pour des actions de

développement à la base.

Les actions de contrôle :

- instauration d’un système de rencontre périodique de compte rendu et d’échanges entre élus et Habitants,

- le contrôle de la gestion matérielle et financière des Elus

4. Les aspects économiques de la décentralisation

La finalité de la décentralisation est sans aucun doute, la réalisation d’un développement économique et social durable des collectivités locales. Si la démocratie locale joue un rôle important dans la réalisation de ce développement, la question des finances constitue l’enjeu principal. Dans la plupart des communes en Afrique, les élus locaux sont confrontés à la faiblesse des ressources locales et éprouvent des difficultés pour réaliser des activités de développement.

Mais, au-delà de la faiblesse des ressources, il se pose de nombreuses autres questions dans le domaine de la gestion des finances locales :

- les habitants sont-ils associés aux études de milieu et à l’inventaire des besoins ?

- les habitants sont-ils associés à la confection des budgets et à la mobilisation des ressources ?

- les habitants sont-ils informés de l’utilisation des ressources de la commune ?

- les habitants ont-ils connaissance des réalisations effectuées par leur commune sur l’impôt qu’ils ont payé ?

- les habitants ont-ils réellement un pouvoir de contrôle sur l’élu ?- les élus rendent-ils compte de leur gestion aux populations ?- les habitants s’acquittent-ils de leurs impôts ?- les habitants s’intéressent - ils effectivement à la gestion de la chose

publique ?

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A priori, on peut dire que la réponse à ces questions est négative et c’est peut-être ce qui justifie les difficultés rencontrées par les élus locaux.

Dès lors, il est nécessaire d’impliquer les habitants dans le processus de la réalisation du développement économique et social qui va de l’identification des besoins à la mobilisation des ressources.

Identification des besoins pour la confection du budget local

Dans presque toutes les communes les budgets sont préparés par le secrétaire municipal qui remet une proposition aux conseils qui l’examinent pendant un délai

très court avant de le voter. C’est une pratique qui ne prend pas souvent en compte les préoccupations réelles des populations à la base. Pour un meilleur engagement vis à vis des habitants il est nécessaire de faire un travail préalable qui n’est qu’un recensement des besoins ci-après :

- besoins économiques : accès à des moyens d’existence adéquats ou à des besoins productifs,

- besoins de sécurité économique , pour toutes les catégories sociales(chômeurs, malades, handicapés ),- besoins socio-culturels et de santé : le droit à un abri, sûr , abordable , et solide , dans un environnement offrant eau , sanitaire ,égouts, transport , assistance médicale, éducation et développement des enfants . Il faut aussi inclure une maison ,un lieu de travail et un cadre de vie sain.

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