la consecration dans la bible...
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LA CONSECRATION DANS LA BIBLE
CONFERENCES DONNEES PAR LE PERE JACQUET
WARDRECQUES
1983
\ous allons procéder à une réflexion sur la vie consacrée, ayant sa source
essentielle dans la Parole, dans l'Ecriture.
Ceci est un temps de retraite.
Une retraite est un temps de réflexion, dans la foi et dans la prière, en
vue de vivre mieux ce à quoi Dieu nous a appelés.
X X X
Comme "consacrées", nous avons à vivre une consécration. En vue de cela,
nous cherchons à mieux comprendre ce que nous sommes afin de l'assumer de
meilleure façon.
Quelques précisions de vocabulaire.
Le mot "consécration" est dans le langage d'origine, sacrificiel. Il faut
recourir au mot hébreu "qadash". Ce mot "qadash" veut dire : "couper et
mettre à part". Ce qui est "kadosh" ou saint, vient de la même racine hébrai-
que, et veut dire ce qui a été coupé et mis à part.
- On va parler de sainteté, par exemple à propos de la victime d'un sacrifice
mise à part du troupeau, en vue du sacrifice. Et les textes précisent
que ce doit être un agneau, un taureau ... sans défauts, sans tares ...
etc. Le fait qu'on le sorte du troupeau, qu'on le mette à part est compris
dans le mot "kadosh". Il devient saint, mis à part, cfr e.a. l'agneau
pascal.
En Ex. 12, 5-6, il est dit qu'il faut le sortir du troupeau et le garder
jusqu'au soir du 14 misan.
En Ex. 29, 10-16, le grand prêtre Aaron pose la main sur la tête du taureau
qu'on va immoler ... C'est une façon de dire que cet animal est mis à
part en vue du sacrifice.
- En Ex. 29, 1, il s'agit de consacrer à Yahvé le grand prêtre, c'est-à-dire
d'en faire un homme, mis à part. Aussi, en Ex. 23_, 35, le grand prêtre
porte un diadème sur lequel est écrit : "sainteté pour Yahvé" c'est-à-dire
"mis à part" pour Yahvé.
En Lv. 2_1_, 10 il est dit que le grand prêtre "ne déliera jamais sa cheve
lure et ne déchirera jamais ses vêtements". Même en cas de deuil, de grande
tristesse, le grand prêtre doit être impeccable dans son aspect et sa tenue.
Il ne doit jamais se départir de la sérénité et ceci en signe de la confiance
que porte Israël à son Dieu, qui a fait alliance avec elle et en qui elle
peut avoir toute confiance.
Cet homme, mis à part, signifie par son imperturbable sérénité, la totale
maîtrise de Dieu sur l'événement et la totale confiance qu'Israël peut
avoir en lui.
Parlons encore du peuple de Dieu. Le peuple de Dieu est aussi un peuple
consacré, un peuple que Dieu a sorti de l'ensemble des peuples, pour en
faire son peuple à lui.
Ex. 19, 5-6 "Désormais si vous m'obéissez et respectez mon alliance, je
vous tiendrai pour miens, parmi tous les peuples, car toute la terre est
mon domaine. Je vous tiendrai pour un royaume de prêtres et une nation
consacrée (ou d'après le mot hébreu : une nation sainte, une nation mise
à part)'! Ce peuple de prêtres, va intercéder, servir Dieu et va être
signe également pour les autres peuples.
Ce mot consacré désigne aussi Dieu. Dieu est vraiment le Saint par excellence,
Celui qui par excellence est "à part" de toute créature.
Il est tout à fait à part de nous, bien sûr, mais aussi de tout ce que
nous pouvons imaginer, de tout ce que nous pouvons penser ... donc, tout
à fait à part.
Dans la fameuse révélation faite à Isaie au chapitre 6 : "saint, saint,
saint, le Seigneur Dieu de l'univers", le mot "Saint" veut dire que Dieu
est tout autre chose que la représentation que se font les paiens de la
divinité, tout autre chose même que ce que nous, nous pouvons penser :
il nous "dépasse" totalement.
Un autre texte qui révèle bien la signification du mot "Saint" est à trouver
en Is. £, 11-13 "... c'est Yahvé Sabaoth qu'il faut sanctifier, c'est lui
qu'il faut craindre ...". Donc Yahvé est le Tout-Autre par excellence.
Il n'y a que lui dont il faille et dont on peut toujours dire : "cest tout
autre chose".
Nous, consacrés, aujourd'hui, cela veut dire, nous sommes mis à part.
Les consacrés, ce sont des gens que Dieu, par appel, par grâce, par mission
aussi a mis à part, comme la victime du sacrifice, comme le grand prêtre,
comme le peuple de Dieu et comme Dieu Lui-même est à part.
Une "mise à part", mais pas pour vivre "dans un globe".
On dira :
1) La consécration ne peut pas se vivre sans appel de Dieu, sans union
constante à Dieu, qui est "le seul Saint et la Source de toute sainteté"
(cfr prière eucharistique II). Donc on reviendra tout le temps à cela :
union à Dieu, prière, sacrements ... etc.
3 .
2) La consécration ne peut trouver son authenticité que vécue dans l'Eglise,
peuple tout entier consacré, peuple tout entier mis à part. Nous savons
d'ailleurs que n'importe qui, religieux ou laie, dès qu'il veut être
chrétien proclamant sa foi, est tout de suite quelqu'un qui est mis
à part, qui est compromis, voire "fiché". Cette sainteté, qui est le
propre du peuple de Dieu tout entier et dont la racine est la foi, est
vécue dans l'Eglise de manières très diverses selon la vocation de chacun.
Nous aurons grand soin de remettre notre manière à nous de vivre notre
consécration, dans le contexte de la consécration du peuple tout entier.
De là découle notre programme pour ces journées, c'est-à-dire :
1. Le Dieu de Jésus Christ, le seul Saint est la source unique de toute
sainteté.
2. Consacrés dans un peuple tout entier consacré.
3. La vie consacrée et les conseils évangéliques.
1ère conférence : LE DIEU, PERE DE NOTRE SEIGNEUR JESUS-CHRIST, LE SEUL SAINT
Nous allons observer trois choses :
(1) dans l'Ancien Testament la révélation du Dieu Saint le donne comme "Tout-
Autre" et comme "toujours autre" que ce que l'on pense.
(2) la découverte de ce Dieu là, le contact avec ce Dieu Saint fait éprou
ver le décalage inoui qu'il y a entre notre petitesse, notre inconsis
tance, notre médiocrité ... et l'immensité, la force, la stabilité,
l'excellence de Dieu. Cela jette l'homme par terre dans une attitude
de prosternation, et même quelque fois, dans la panique.
(3) finalement ce contact s'avère purifiant et dynamisant. L'homme en
sort plus armé et plus fort. Il entreprend pour Dieu et pour son peuple
de grandes choses.
Voilà trois constantes que nous retrouverons continuellement.
Elles vont être illustrées par l'étude de :
- Gn 3_2, 29-31, c'est le combat de Jacob au gué du Yabboq "... alors Jacob
lui dit : Révèle-moi ton nom, je te prie. Mais il dit : pourquoi me
demandes-tu mon nom ? et là même il le bénit. Jacob donna à cet endroit
le nom de Penuel, "face de Dieu" car dit-il j'ai vu Dieu face à face,
et j'ai eu la vie sauve...".
Dans ce texte se retrouvent les trois éléments :
* d'abord le personnage mystérieux, Dieu ne dit pas son nom (verset 30).
Dieu ne peut le dire, parce que cela ne correspond pas à nos catégories.
Dieu est tout autre, Il est au-delà de toute définition. On ne peut
le nommer.
* au verset 31 nous retrouvons l'effroi, j'ai vu Dieu face à face
et j'ai eu la vie sauve". Normalement, d'avoir vu Dieu,face à face,
il aurait dû se retrouver mort.
* au verset 29 "tu as été fort contre Dieu, et contre les hommes, tu
l'emporteras". C'est donc un Dieu favorable, qui garantit la victoire,
qui est avec Jacob.
Donc le Dieu mystérieux qu'on ne peut pas nommer, le Dieu dont le contact
cause l'effroi est pourtant un Dieu qui est "avec" et qui mène à la vic
toire.
Ex 3_ avec Moise au buisson ardent.
Au verset 5, quand Moise s'approche, Yahvé lui dit : "n'approche pas
d'ici, Ôte tes sandales ... car le lieu que tu foules est une terre sainte"
c ’est-à-dire une terre tout à fait mise à part, une terre sans pareille
en raison du Dieu sans pareil qui s'y trouve.
De plus, le texte "ôte tes sandales" donne un sentiment de petitesse,
d'indignité. Puis encore : "Moise se voila la face, dans la crainte
que son regard ne se fixât sur Dieu", et donc qu'il mourut, ceci reflète
l'aspect de crainte.
Puis, au verset 13-14 : Dieu donne à Moise une mission et Moise l'interroge
"Si on me demande quel est ton nom, qu'est-ce que je vais répondre. Dieu
dit alors : "Je suis qui je suis" ou "je suis qui je serai".
Donc fondamentalement on trouve toujours ce refus de définir Dieu, un
Dieu saint, qu'on ne peut pas nommer, un Dieu grand, devant qui l'homme
est petit et qu'il faut éviter de regarder en face. Mais ce Dieu qui
ne se nomme pas est favorable (versets 7-12) "j'ai vu la misère de mon
peuple ... je suis résolu à le délivrer.." et un Dieu qui envoie. Malgré
toutes les craintes et les réticences, Moise finira par avoir du courage,
de la force et il va s'engager. Ici encore on retrouve les trois éléments'
mentionnés au début.
Jg (livre des Juges) 13, 21-24, l'annonce de la naissance de Samson,
l'apparition de l'ange à Manoah.
Manoah offrait un chevreau ... comme la flamme montait de l'autel, l'ange
de Yahvé monta dans cette flamme à la vue de Manoah et de sa femme.
Manoah comprit que c'était l'ange de Yahvé (ou Yahvé) et il dit à sa
femme : "nous allons certainement mourir car nous avons vu Dieu". Voilà
l'effroi. Mais sa femme rappelle toutes les faveurs dont ils viennent
de bénéficier : l'holocauste acceptée, l'annonce de la naissance d'un
enfant, qui sauverait Israël ... Il y a d'abord le Dieu mystérieux, à
peine reconnu, Il a disparu*, le Dieu qui impressionne-, et puis, le Dieu
favorable, libérateur, sauveur. Toujours les trois.
5 .
- 1 R (Premier livre des Rois) 1_9> 9-21
Le prophète Elie est complètement découragé et il dit au Seigneur : "prends
ma vie Seigneur, car je ne suis pas meilleur que mes pères". Dieu va
se manifester à lui en plusieurs moments. C'était d'abord un ouragan,
mais Dieu n'était pas dans l'ouragan, après, un tremblement de terre,
et Dieu n'était pas dans le tremblement de terre, après, un feu, mais
Dieu n'était pas dans le feu... Ici on voit qu'Elie avait un peu tendance
à identifier la puissance de Dieu avec les puissances de la terre : l'ou
ragan, le feu ... Dieu lui fait comprendre qu'il n'est pas définissable
dans ces limites-là.
Alors : "vox silentii tenuis" : la voix d'un silence léger, imperceptible,
parle de Dieu,1'innommable.
Ensuite, il y a la crainte (verset 13) : "dès qu'Elie l'entendit, il
se voila le visage avec son manteau et il sortit à l'entrée de la grotte".,
de crainte que son regard ne se porte sur Dieu.
Cela se termine par un Elie revigoré et envoyé ... "retourne" ...
Il y a donc à nouveau un Dieu impossible à définir, qui inspire une crainte
révérentielle et puis un Dieu qui fortifie, qui dynamise, qui envoie
sauver le peuple.
- Os (Osée) V\_, 7-9
"... comment t 'abandonnerais-j e , ... te livrerais-je... " Si Dieu parle
ainsi, c'est que le peuple a peur que Dieu l'abandonne à ses ennemis ...
Mais, c'est tout le contraire : "je ne donnerai pas cours à ma colère,
je ne détruirai pas Ephraim, car je suis Dieu et non pas homme, au milieu
de toi, je suis le Saint, le Tout-Autre". Dieu fait comprendre que
son amour, sa patience, sa fidélité vont bien plus loin que l'amour,
la patience ou la fidélité d'un homme, serait-il un père ou une mère
(cfr Psaume 27,10).
On y retrouve ce contact de contraste avec Dieu qui fait sentir au peuple
son péché, le décalage d'avec Dieu; cela amène le peuple dans une peur,
une panique : Dieu va-t-il nous livrer à nos ennemis.
Et puis, le Dieu Tout-Autre ici se révèle essentiellement comme un Dieu
d'amour, un Dieu de patience, un Dieu longanime.
- Is (Isaie), 6 avec la vision d'Isaie recevant de Dieu sa vocation :
"... je vis le Seigneur Yahvé, assis sur un tronc élevé, sa traîne remplis
sait le sanctuaire; des Séraphins se tenaient au-dessus de lui..."
Isaie voit que la traîne de Yahvé remplit tout; puis il y a les Séraphins,
des êtres de feu, donc purs, et même eux se couvrent la face comme pour
ne pas voir Dieu, et ils se couvrent jusqu'aux pieds pour n'être pas
vus de Dieu.
Donc même les anges les plus purs sont indignes de regarder Dieu et même
d'être vus de Dieu. Ces images disent des choses sur Dieu. "Ils (les
Séraphins) se criaient l'un à l'autre : Saint, Saint, Saint (Tout-Autre,
Tout-Autre, ...) est Yahvé Sabaot".
"Sa gloire remplit toute la terre". Le mot gloire veut dire "poids",
"peser lourd". Donc Yahvé, en même temps qu'il est Tout-Autre, pèse
de tout son poids dans la vie du monde et dans la vie des hommes.
Vient alors la réaction du prophète : "Je dis... malheur à moi, je suis
perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j'habite au sein d'un
peuple aux lèvres impures et mes yeux ont vu le Roi, Yahvé Sabaot".
Ceci est la réaction de panique, le sens du péché en même temps que le
sens d'une solidarité dans le péché avec un peuple.
Mais voici le Dieu bienveillant : "L'un des Séraphins vola vers moi,
tenant en main une braise... Il m'en toucha la bouche et dit : ... ton
péché est effacé, ton iniquité est expiée". Voilà un Dieu favorable
qui purifie ...
Et ensuite un Dieu qui dynamise et qui envoie : "Alors j'entendis ...
Qui enverrai-je ? Quel sera mon messager ? Je réponds : "me voici,
envoie moi". Et Dieu dit : "va et parle à ce peuple". Dynamisme, envoi
Et c'est un envoi pour une action en vue d'un monde nouveau ... fin du
verset 13.
Récapitulons :
En ce Tout-Autre, en cet Indicible qu'est Dieu,
l'homme se découvre lui-même,
découvre son visage authentique
ce qu'il est et devrait devenir davantage
ce qu'il devrait être et qu'il n'est pas
Cette découverte l'affecte profondément
jusqu'à la panique, parfois.
Mais, s'il se laisse dévorer par ce feu
pénétrer par cette Gloire
s'il laisse Dieu peser de tout son poids dans sa vie,
il vie, de la vie véritable
il en devient communicatif
et il s'engage dans un service, pour Dieu et pour le peuple
de Dieu
Il s'y compromet
Cette compromission, cette "mise à part"
c'est ce que la Bible appelle la sainteté
7 .
Pour la prière
- Revoir l'un ou l'autre texte proposé, qui a plus frappé ou bien dans
lequel nous nous sommes davantage retrouvés.
- Voir comment les trois constantes proposées se vérifient dans notre
propre vie : le Dieu Tout-Autre; voir par exemple, Elisabeth de la
Trinité : "immensité où je me perds"; impossible de prétendre connaître
Dieu "par coeur".
- Ensuite retrouver le sens du péché, le sens de nos péchés, le sens
de notre petitesse, le sens du décalage immense qu'il y a entre Lui
et nous, même si nous sommes aimés de Dieu au point d'être devenus
son fils ou sa fille en Jésus-Christ. Dans ce sens, travailler à notre
salut avec crainte et tremblement. Cela ne veut pas dire qu'il faut
vivre dans une panique continuelle, dans une déprime, mais il faut
une révérence pour Dieu, en même temps que le sens du péché.
Cela peut se vivre dans la joie. Dieu veut que cela se vive dans la
joie, mais il ne veut pas qu'on fasse le malin, qu'on se croie arrivé...
- Puis, voir encore le dynamisme que cela donne pour Dieu, pour son Eglise,
pour son peuple, pour le salut du monde ... Partout il y a danger
de "s'encroûter" ... de prendre non seulement sa retraite professionnelle
mais aussi "la retraite" d'une recherche toujours renouvelée de Dieu
et d'offrande de soi-même.
- Voir si les trois aspects mentionnés sont toujours bien présents, bien
vivants. Et si on trouve qu'on commence à "s'assoupir", surtout ne
pas dire "autant que je m'en aille, je ne fais plus rien, je suis moche.,
surtout ne pas dire cela ... mais dire au Seigneur : "j'ai l'impression
que cela commence à s'assoupir, donne-moi ton Esprit Saint".
- Faire aussi la même prière pour les chrétiens autour de nous qui semblent
montrer quelques tendances à l'assoupissement.
2ème conférence : "JESUS, LE SAINT DE DIEU" (Jean 6, 69)
_____________________"TOI SEUL ES SAINT" (le Gloria de la messe)
Ce que_nous allons dire :
Le mystère de la sainteté, que les hommes de l'Ancien Testament ne pouvaient
ni approcher, ni même voir sans mourir, par l'Incarnation du Verbe s'est
fait chair, est "venu dans la chair", dans la condition humaine.
8 .
Et, par la résurrection de Jésus, il est devenu diffusif de lui-même, en
tous les hommes qui s'ouvrent, par la foi, au don de Dieu.
Le mystère de la Sainteté n'est plus "en face" de nous, il est "en" nous,
et nous, nous sommes en lui. Il est en nous, non pas comme dans un taber
nacle, mais parce qu'il nous imprègne de son Esprit Saint. C'est lui qui
est en nous, mais c'est encore plus nous qui sommes en lui (cfr à la commu
nion : Jésus vient nous pénétrer de son Esprit Saint).
Contemplons tout simplement le Mystère de la Sainteté qui est venu chez
nous, en nous.
- Dans Luc voyons d'abord 1 1 Annonciation :
Le 1_, 35-36 l'Ange dit à Marie : l'Esprit Saint viendra sur toi et la
Puissance du Très-Haut fera de l'ombre sur toi.
Cela, c'est l'image de la nuée qui entourait d'ombre le sanctuaire lorsque
Dieu y était (cfr fin de l'Exode).
Marie devient le sanctuaire où Dieu va résider dans la Personne de Jésus,
et l'Esprit Saint fera de l'ombre au-dessus d'elle. Elle est le sanctuaire
de Dieu.
En écoutant cette Parole, j'adore Dieu, le Mystère de la Sainteté, qui
se fait petit enfant dans le sein de la Vierge.
L'ange ajoute encore, c'est pourquoi l'enfant sera appelé saint.
Voilà le Mystère de la Sainteté devenu frêle, fragile petit enfant dans
le sein de la Vierge Marie.
Et Marie n'y comprend rien. Voyons Le 2, 19 "quant à Marie, elle conser
vait avec soin tous ces souvenirs et les méditait dans son coeur", c'est-
à-dire elle tournait et retournait tout cela, pour essayer d'en saisir
quelque chose. Remarquons là, Marie face au mystère de la Sainteté,
à une réalité qui la dépasse, à laquelle elle ne saisit que très peu
de chose, qu'elle voudrait approfondir. C'est Marie affrontée au mystère.
- Luc 2, 49-50 quand Jésus fait une petite fugue et qu'il dit : enfin vous
me cherchez et pourtant cela devrait être clair, je suis chez mon Père;
c'est comme si Jésus voulait rappeler qu'il ne faut pas oublier que sa
place normale est chez son Père. Au verset 50 Luc dit : "eux ne comprirent
pas". Eux, non pas seulement Joseph, mais les deux, Marie et Joseph
ne comprirent pas. donc, Marie elle-même, pleine de grâce, sans péché,
parfaitement ouverte à la lumière de Dieu était complètement dépassée
par la Sainteté devenue chair.
- Jean 2_, 1-11 Noces de Cana. Marie demande du vin, Jésus en donne et
il est dit : "Jésus manifesta sa gloire et les disciples crurent en lui".
Cela veut dire que les disciples commencèrent à percevoir en Jésus le
Mystère de la Sainteté, c'est-à-dire Dieu présent.
Mais dans ce même contexte on nous présente Marie, encore une fois dépassée
lors de la réponse de Jésus à sa demande d'intervention pour donner du
vin; Jésus lui dit : "qu'y a-t-il à toi et à moi, femme ?" Pourtant Marie
est là avec tout son bon coeur, elle veut la joie des gens, elle sait
que Jésus est le fils de Dieu et qu'il est capable de subvenir aux besoins
de ces gens, elle a une grande foi en Jésus,etc... et encore,il est certain
que cela ne ferait pas de tort à la manifestation de Jésus comme tel aux
yeux des gens ... D'ailleurs, ce fut le cas, mais n ’empêche, ... Jésus
veut dire à Marie qu'il a bien d'autres choses à donner aux gens que ce
vin qui réjouit le coeur de l'homme sur la terre, ... "mon heure n'est
pas encore venue" de donner le vrai vin ... etc. Il y a cette fameuse
phrase où l'on sent Jésus et Marie, pas sur la même longueur d'onde.
C'est comme Jésus lui disait : "c'est magnifique ta bonté, c'est magnifique
la foi que tu as en moi, mais c'est encore tout autre chose que je suis,
d'abord, et que je suis venu donner".
Luc _3,8-9 C'est la pêche miraculeuse et la réaction de Saint Pierre.
Il tombe aux genoux de Jésus en disant : "Eloigne-toi de moi Seigneur
car je suis un homme pêcheur". La stupeur, en effet, l'avait saisi, lui
et tous ceux qui étaient avec lui. Mais Jésus dit à Simon : "ne crains
plus, désormais ce seront des hommes que tu prendras".
Dans cette scène nous retrouvons les trois caractéristiques relevées dans
l'Ancien testament : d'abord l'immensité de Dieu, qui jette l'homme par
terre et le rend conscient de sa petitesse. C'est un peu ce qui se passait
pour Moise au buisson ardent : Dieu lui disait : "n'approche pas"; ici
Pierre dit au Seigneur : "éloigne-toi de moi". Pierre sent en Jésus le
Mystère de la Sainteté, il se met à genoux, il reconnaît qu'il est pécheur,
mais, en même temps, il se trouve conforté par Jésus dans sa mission "ne
crains pas, désormais ce seront des hommes que tu prendras". Les trois
aspects sont donc présents.
La transfiguration sera lue en Marc 9, 2 ... en raison de certains détails
qui s'y trouvent et qui sont pas repris chez d'autres évangélistes. Il
est dit : "Jésus fut transfiguré devant eux" et ses vêtements devinrent
resplendissant d'une blancheur ...". Jésus resplendit d'une blancheur
qu'on ne peut retrouver sur la terre. Voyez à nouveau le Tout-Autre.
Les disciples sont effrayés (verset 6) : "ils étaient saisis de frayeur".
Mais en même temps que l'effroi, on note l'attrait, qui fait dire à Pierre
"Rabbi, il est heureux, il est bon que nous soyons ici, faisons donc trois
tentes...". Il y a effroi, il y a bonheur, mais il y a force aussi, car
nous savons que les trois disciples seront les trois témoins de l'agonie,
et Pierre, Jacques et Jean seront nommés par Saint Paul en Galates 1, 9,
10 .
comme les colonnes de l'Eglise.
- Marc 9, 14-15 Après la transfiguration, voilà Jésus qui descend la montagne,
rejoignant ses disciples, "ils virent une foule nombreuse qui les entou
rait ... aussitôt qu'elle l'aperçut, toute la foule fut stupéfaite et
ils accoururent et ils le saluaient".
On ne dit pas de quoi les foules sont stupéfaites, mais il semble bien
qu'il restait encore quelque chose de l'événement de la Transfiguration
sur le visage du Christ, et qui frappait les gens.
Et, loin d'avoir peur, les gens accourent et les gens le saluent.
Ce récit peut avoir été conçu comme antithèse de ce que nous trouvons
dans l'Exode 34, 29-35 : lorsque Moïse descend du Mont Sinai "il ne savait
pas que la peau de son visage rayonnait suite à son entretien avec Yahvé..
et Aaron et tous les enfants d'Israël ... n'osèrent pas l'approcher".
Avec Jésus on est stupéfait et on accourt et on le salue longuement.
Ce mot "saluer” traduit un grand moment de respect devant Jésus; mais
c'est un Jésus qu'on respecte sans avoir peur de lui, puisqu'on accourt
spontanément, contrairement à ce qui se passait chez Moise que la foule
n'osait approcher. Ce détail de Marc est rédigé comme antithèse de ce
qui s'est passé à l'époque de Moise, et comme pour nous inculquer que
le Mystère de Jésus : en Jésus, la Sainteté n'est pas un mystère écrasant,
n'est pas un mystère qui se veut paniqueur, mais c'est un mystère d'amour,
un mystère d'amitié qui fait que spontanément on accourt vers lui, et
que plein de respect on passe du temps avec lui.
Tout cela est à méditer, à goûter en pensant que nous sommes aussi consacrés
à Jésus, que nous entrons dans ce mystère de la Sainteté.
Demandons à Jésus qu'il veuille nous associer à son mystère intime.
Fasse que vous soyez pleinement familières et pleinement respectueuses
et qu'en même temps vous puissiez rayonner autour de vous ce mystère réel,
ce mystère au visage non pas rebutant, réfrigérant, mais ce mystère au
visage rayonnant de la bénignité de Dieu, de la bonté de Dieu, de la dou
ceur de Dieu ...
Il est à noter quand même que tout cela se passe dans un contexte d'annonce
de la Passion. Juste avant la transfiguration, après la profession de
foi : "Tu es le Christ ..." Jésus annonce qu'il va à Jérusalem où il
va être mis à mort ... Il avait dit aussi : "si quelqu'un veut être mon
disciple, qu'il prenne sa croix, qu'il me suive ..." "qui veut garder
sa vie, la perd, qui la perd, la garde...".
Tout cela se passe dans ce même contexte d'annonce de la passion et corse
encore le mystère de la Sainteté.
11 .
Jésus est vraiment Tout-Autre, parce qu'il est Dieu. Il est un Dieu plus
déroutant encore qu'on ne le pensait. Dire que Dieu est mystérieux, cela
va encore, on peut même dire que celui qui croit avoir tout compris de
Dieu, n'a, en fait, rien compris. Mais quand on dit que ce mystère de
Sainteté est le mystère de la croix, de la mort sur la croix, d'un Dieu
né sur la paille à Bethléem, mort comme le dernier des hommes, - le rebut
d'humanité -, comme dit Saint Paul, sur la croix... cela c'est autre chose.
Il est parfois difficile d'affirmer publiquement qu'on a une foi très
forte, qu'on est le disciple d'un Dieu mort sur la croix, comme révélation
de Dieu. Cela n'est pas très reluisant comme renommée humaine... et pourtant,
c'est cela le Mystère de Dieu. C'est bien plus profond, bien plus déroutant,
le mystère d'un Dieu crucifié, que le mystère d'un Dieu philosophiquement
mystérieux.
D'être un grand penseur chrétien, d'être un grand philosophe chrétien,
d'être un bel écrivain chrétien, de dire des choses profondes sur Dieu,
cela pose un homme, mais vivre la Sainteté de Dieu en Jésus crucifié et
puis la vivre aussi dans l'insignifiance, cela n'a pas d'attrait pour
le monde. Pourtant Dieu est dans le mystère de la croix, la sainteté
de Dieu, c'est la Sainteté d'un Dieu crucifié.
Résumons et disons que : le Mystère de la sainteté qui dans l'Ancien Tes
tament était "en face" "au-dessus" en même temps qu'"avec", le voilà main
tenant qui est venu dans la chair, il s'est fait chair. Des gens l'ont
reconnu, ils ont été complètement dépassés, y compris la Sainte Vierge.
Pierre l'a reconnu, il a connu l'effroi de l'Ancien Testament, en même
temps que la force qui lui en venait. Les trois disciples de la Transfi
guration l'ont contemplé aussi, les gens d'après la Transfiguration l'ont
deviné sans savoir peut-être le nommer et ils ont reconnu que ce n'était
pas un mystère qui les écrasait mais un mystère qui les attirait, un mystère
d'amitié. Et puis, Jésus a beaucoup insisté pour révéler que ce mystère
de la Sainteté était celui d'un Dieu crucifié, Tout-Autre, mais encore
autrement que ce qu'on avait pensé dans l'Ancien Testament. Et nous,
quand on y regarde bien, nous sommes de la même race que ceux de l'Ancien
Testament : accepter que notre Dieu soit un Dieu crucifié et accepter
d'être disiciple d'un Dieu crucifié, et crucifié avec lui et comme lui
d'une certaine manière, cela n'est pas donné d'emblée. Il n'y a qu'à
regarder chacun dans sa propre vie, pour voir que les crucifixions ne
passent pas aisément. Ce n'est rien, il ne faut pas nous en vouloir,
mais ceci est dit simplement parce que nous constaterons que nous ne sommes
pas aussi, d'emblée accoutumés à la Sainteté du Tout-Autre, surtout quand
il s'agit que ce Tout-Autre soit un Dieu crucifié, (voir "Le Dieu crucifié"
de Moltmann).
12.
Et voilà qu'après la Résurrection de Jésus, ce qu'était Jésus en lui-même :
"sainteté dans la chair" devient diffusif par son Esprit Saint.
- Le jour même de la Pentecôte, Saint Pierre dira aux Juifs de Jérusalem
Ac 2, 32-33 "Dieu l'a ressuscité ce Jésus.et maintenant, exalté par la
droite de Dieu, il a reçu du Père, l'Esprit Saint, objet de la promesse
et il l'a répandu".
L'Esprit Saint, objet de la promesse ... C'est cet Esprit Saint qui mettra
en nous la Sainteté, le Tout-Autre.
Il faudrait toute une démonstration sur le sens du mot "ruah" - Esprit,
en hébreu. Il donne une idée d'espace, d'atmosphère, de parfum, d'odeur.
Alors, quand on nous dit que Dieu donne l'Esprit Saint, cela veut dire
qu'il nous accorde mystérieusement à ce qui est son milieu vital, l'atmos
phère dont il vit, l'air dont il respire, l'odeur au milieu de laquelle
il vit ... c'est comme l'imprégnation de Dieu en celui qui reçoit l'Esprit
Saint. Donc pour bien comprendre ou plutôt saisir le mystère de l'Esprit
Saint il faut toujours recourir à 1 'étymologie hébraique. Il est dit que
Jésus ressuscité répand en nous l'Esprit de la Sainteté, ou encore cette
atmosphère, cet air, ce parfum, cette ambiance qui est Tout-Autre.
Et cet Esprit Saint est répandu en nous pour que nous aussi nous arrivions
à l'unisson en communion, en participation de ce Tout-Autre qu'est Dieu.
Jésus ressuscité a donc la force de nous communiquer cela.
Ceux qui reçoivent cet Esprit Saint deviennent l'Eglise, corps de Jésus-Christ.
- Relisez la 1 Co 12 quand Paul dit : "il y a diversité de dons spirituels,
mais c'est le même Esprit" et il prend l'exemple du corps qui est animé
d'une même vie, d'une même ambiance ...
L'Eglise, ceux qui forment l'Eglise, sont animés du même Souffle Saint,
du même Esprit. L'Eglise est appelée corps de Jésus Christ parce qu'elle
est imprégnée, pénétrée de l'Esprit, du parfum, de la bonne odeur de
Jésus-Christ, comme dit Saint Paul dans 2 Co 2, parce qu'elle est vraiment
à l'unisson du Tout-Autre qu'est Dieu, de l'Esprit de la Sainteté.
Dans la prière, arrêtez-vous sur ces mots et demandez à Jésus de vous
les faire vraiment comprendre.
- Ce n'est pas pour rien que Paul et pas seulement lui, au début de l'Eglise
appelle "les chrétiens" "les saints". Les références pullulent : "les
saints qui sont à Rome", "les saints qui sont à Corinthe", "vous, appelés
par Dieu pour être saints",... et autres par exemple Rm 1_, 7, 1 Co 1_, 2
et Ph 1 , 1 etc.
Le mot "saint" ne veut pas dire "ceux qui sont consommés en sainteté
en perfection", mais bien ceux qui font partie de ce peuple qui a été
mis à part par Dieu et qui est animé par l'Esprit de la Sainteté, ceux
qui grâce à l'Esprit Saint ont été mis par Dieu et dans la mesure où
ils sont réceptifs et fidèles, à l'unisson du Dieu Saint, du Dieu Tout-
Autre .
Ces chrétiens, ce peuple saint répand la bonne odeur de Jésus Christ.
Cfr Co 2, 14 : là où est un chrétien, il y a une odeur qui n'est pas
ordinaire, une odeur tout-autre, une ambiance tout-autre que celle dont
on a l'habitude dans le monde.
Ou bien encore, 2 Co 3, 17-18 où Paul dit : "Le visage découvert, nous
réfléchissons comme dans un miroir la gloire du Seigneur et nous sommes
transformés en cette même image, toujours plus glorieuse, comme il convient
à l'action du Seigneur qui est Esprit". Nous réfléchissons comme dans
un miroir ... Nous réfléchissons la gloire du Seigneur et nous mêmes
sommes transfigurés en cette même image ...
Voyez combien les expressions disent bien ce qui était appelé tout à
l'heure une "imprégnation". Il y a quelque chose qui nous met à l'unisson,
qui nous rend participant de ce Dieu Tout-Autre. La bonne odeur du Christ,
c'est justement cette chose étrange pour les gens, qui dégage une impression
"pas ordinaire" et attirante.
Récapitulons tout ce que nous venons de dire par une méditation du Prologue
de l'Evangile de Jean : "Au commencement était le Verbe et le Verbe était
auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu". Et puis : "Le Verbe s'est fait
chair (verset 14) et il est demeuré parmi nous, et nous avons vu sa gloire,
gloire qu'il tient de son Père ... plein de grâce et de vérité". Le
mot "vérité" est à comprendre dans le sens de "fidélité" tandis que le
mot "grâce" signifie "la bienveillance". Ici nous trouvons l'idée de
la permanence, de la consistance de cette bienveillance.
Ensuite, Jn 1_, 16 "Et de sa plénitude nous avons tous reçu". Le Verbe
est donc arrivé plein de bienveillance, d'une bienveillance qui demeure, ..
et de cette plénitude nous avons tous reçu. Nous avons reçu d'être comme
Lui, pleins d'une bienveillance qui persiste et la grâce dont nous avons
été pourvus par Dieu est de la même veine que la grâce dont a été rempli
Jésus lui-même. Notre grâce correspond à sa grâce.
Jean nous dit encore : Jn 1_, 17 "La Loi fut donnée par l'intermédiaire
de Moise mais la grâce et la vérité (càd la grâce qui persiste) ont été
réalisées par Jésus-Christ, ont été en nous création de Jésus-Christ."
Dans votre prière, insistez surtout sur : "de sa plénitude nous avons
tous reçu".
Conclusion
Contempler : notre participation au mystère de la sainteté, en Jésus-Christ.
Demander la grâce, non seulement de le croire mais de le savoir (Jn 6, 69)
et de faire fermement fond sur ce réel.
Prier pour ceux qui cherchent leur voie et qui ont besoin de voir que
ces choses sont réelles. Nous prierons aussi pour ceux qui sont découra
gés, désenchantés, tristes, et nous demanderons pour eux cette même grâce.
3ème conférence : CONSACREES DANS UN PEUPLE TOUT ENTIER CONSACRE
Notre consécration n'est pas à vivre comme une relation strictement per
sonnelle avec Dieu, comme un lien exclusif à Jésus Christ, mais elle
est à vivre dans l'appartenance au Peuple de Dieu, à l'Eglise. Elle
est à vivre en solidarité avec ceux quijdans 1'Eglise,laissent l'Esprit
de Jésus éclairer leur Esprit et animer leur coeur.
Notre consécration ne nous met pas "à part" du Peuple de Dieu, elle nous
insère davantage dans le Peuple de Dieu. C'est pour le Peuple de Dieu,
avec le Peuple de Dieu que nous sommes consacrés, sachant que le Peuple
tout entier est saint, c'est-à-dire consacré.
En effet, le dessein de Dieu a toujours été de constituer un peuple,
bien à lui, connu comme tel, et donc "mis à part" (cfr Ex _1_9) , vivant
de lui et sanctifiant son nom c'est-à-dire montrant partout ce qu'il
est, que son Dieu est saint, c'est-à-dire sans pareil, sans comparaison
possible avec quelque grandeur, quelque richesse que ce soit.
Illustrations :
- Si nous évoquons l'Ancien Testatment retenons comme références principales
- Ex _1_9, 5-6 cfr ce qui précède
- Dt 4_, 5-8 : c'est à vivre pour que les nations disent : il n'y a pas
deux peuples comme celui-là, il n'y a pas deux dieux comme
le leur; Yahvé est sans pareil.
- Ez _36> 20 : "... ils ont profané mon saint nom..." c'est-à-dire ils
l'ont banalisé.
De ce qui précède il ressort que dans l'Ancien testament le projet de
Dieu c'est d'avoir un peuple qui sanctifie son nom.
- Dans le Nouveau Testament c'est pareil. Le projet de Jésus est essentiel
lement de bâtir son Eglise : "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai
mon Eglise" Mt 1_6, 18.
- Cette Eglise c'est encore un peuple saint : Jn 17, 9 : Jésus dit à
son Père à propos de ses apôtres : "Tu les as tirés du monde pour me
15.
les donner". Ceci ne veut pas nécessairement dire qu'il les a mis à
part, en marge, mais qu'il les a tirés du monde en ce sens, que par son
Esprit Saint il a renouvelé leur mentalité, renouvelé leur coeur.
- En Jn 17, 17 Jésus dira : "Consacre les dans la vérité, Ta parole est
vérité". Saint Jérôme traduit : "Sanctifie les dans la vérité, c'est-
à-dire, sanctifie les par ta Parole, par la Vérité.
Jésus veut dire : ils sont tirés du monde, mais, Père, fais surtout qu'ils
n'en redeviennent jamais, conforte les, confirme les, renforce les dans
cette volonté de vivre dans un esprit tout autre que l'esprit courant
du monde, Santifie les, fait les vivre dans ton ambiance, dans ton atmos
phère, dans ta mentalité, selon tes goûts ...
- Jn 17, 20-21 "Qu'ils soient uns pour que le monde croie que tu m'as
envoyé". Nous retrouvons : la mise à part, une vie à l'unisson de la
vie de Dieu et puis ... l'envoi, la mission de rayonnement, de sanctifi
cation du nom de Jésus, "Qu'ils soient un pour que le monde croie que
tu m'as envoyé".
- Pour renforcer notre conviction, citons encore un autre texte qui montre
bien que ce n'est pas une idée qui a jailli par hasard et qui disparaît
ensuite, mais que c'est une idée bien établie, ferme, qu'on retrouve
dans la tradition selon Jean, dans la tradition selon Matthieu, dans
la tradition selon Pierre.
En 1 P 2_, 5 "Comme des pierres vivantes, prêtez-vous à l'édification
d'un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d'offrir des
sacrifices ...".
Dieu a donc voulu, essentiellement, un peuple.
Ce qui met "à part" ce peuple, ce qui en fait un peuple "saint", c'est
la foi, le fait d'avoir "connu Dieu" (Gai A_, 9), de l'avoir apprécié,
de s'être attaché à Lui, d'avoir laissé son "poids", sa Parole, son Esprit .
"peser" sur sa vie.
Mais qui dit "peuple" dit "diversité" .
La consécration est vécue de manières très diverses dans le peuple de
Dieu.
- Déjà dans l'Ancien Testament, comparons Moïse et Aaron, ils étaient très
différents. Prenons l'exemple du veau d'or "Moise était strict sur les
principes, aucune représentation de Dieu; il avait bien inculqué au peuple,
même si c'était difficile, que Yahvé était Tout-Autre, qu'il nous dépassait
toujours, qu'on ne pouvait pas le définir. Mais, pendant l'absence de
Moise, qui fut A0 jours sur le mont Sinai, à la requête des Israélites
qui voulaient absolument une statue, Aaron a permis qu'on fabrique un
veau d'or. A son retour, Moise fait pulvériser le veau d'or et il fait
occire ceux qui l'avaient édifié. Il est peut-être étonnant même qu'Aaron
soit resté en vie (!) On voit donc que les deux grands responsables du
Peuple de Dieu n'étaient pas exactement pareils : Moise était strict dans
les principes et Aaron était plus indulgent à la faiblesse humaine.
Plus tard, prenons Amos et Osée , voilà deux prophètes pratiquement contempo
rains. Amos est le défenseur des pauvres, c'est lui qui intervient contre
le luxe effréné, la farniente et la vie comblée qui fait oublier qu'on
est le Peuple de l'Alliance, qui fait oublier qu'il y a des pauvres, etc...
Il s'en prend aux maisons à étages, aux "chambres hautes" ...
Contemporain d'AmoSjil y a Osée qui est beaucoup plus nuancé et beaucoup
plus soucieux de liturgie, de l'authenticité des démarches liturgiques;
c'est un autre homme. Amos, c'est un rude, Osée est un homme tout en finesse.
Si on compare Isaie et Jérémie. Ils ne sont pas de la même époque : Isaie -
8e siècle, Jérémie fin 7e début 6e siècle.
Comparons les. Quand Dieu appelle Isaie, celui-ci répond : "me voici,
envoie-moi" et Dieu dit : "va". Tandis que quand Dieu appelle Jérémie,
ce dernier répond : "ah Seigneur , je ne sais pas parler, je suis un enfant".
Et Dieu répond : "Vas-y, ne tremble pas, vite..."
Deux hommes très différents.
Encore, quoique de deux époques très diverses, dans Isaie, si on relit
Is IX et Is XI, on ressent la mystique du Roi. Il est question du grand
et fameux Messie et de la domination d'Israël. Jérémie semble abandonner,
au moins pour un temps, ces rêves dominateurs, il dit : "Soumettez-vous
aux Babyloniens, installez-vous, mariez-vous, proliférez, priez pour le
Roi de Babylone". (Jér 29) Il fait figure de collaborateur..., ce n'est
pas qu'il abandonne les espoirs d'Israël mais il perçoit que la royauté
de Dieu par le Messie serait avant tout un renouveau dans la qualité de
la relation du peuple à son Dieu (Jér 29, 10-13).
Donc Isaie et Jérémie sont très différents. A première vue, ce que dit
Jérémie paraît scandaleux par rapport à ce qu'avait dit Isaie... mais combien
riche d'un approfondissement de la foi.
Prenons maintenant Ezéchiel et le deuxième Zacharie. Ezéchiel avait un
souci très poussé de préserver Dieu du profane. Au contraire, le second
Zacharie 1_4 "En ce temps-là, il y aura sur les clochettes des chevaux"
sainteté pour Yahvé, et dans le temple de Yahvé les marmites seront comme
des coupes d'aspersion devant l'autel, et toute marmite en Jérusalem et
en Juda deviendra sainte propriété de Yahvé Sabaoth".
C'est l'annonce qu'un jour il ne sera plus question de pur et d'impur :
tout sera pur."5ainteté pour Yahvé" était l'expression inscrite sur le
diadème du Grand Prêtre pour désigner cet homme, consacré entre tous.
Voilà qu'on inscrit ces mots sur les clochettes des chevaux ! et voilà
qu'au lieu des coupes d'or amenées solennellement pour les sacrifices,
on utilise des marmites : un peu comme aujourd'hui, certains prêtres par
respect pour Jésus aimeraient célébrer dans un calice d'or... et d'autres
diraient : "non, non, je vais prendre un "verre à dents". Ces derniers
ne voulant ni en prendre à leur aise, ni profaner Jésus; leur idée, peut-
être pas toujours réalisée avec bon goût, serait d'affirmer que Jésus n'est
pas là pour se tenir à part, pour qu'on le mette dans une maison d'or,
il est là pour pénétrer la vie.
Donc tout ceci pour dire qu'Ezechiel et le second Zacnarie sont deux person
nages bien différents. Pourtant eux comme tous les cas cités sont reconnus
comme d'authentiques prophètes parce que tous, avec leur originalité ont
quelque chose à mettre en relief de la réalité du royaume.
Dans le Nouveau Testament
- Pierre et Paul, ils étaient très différents. On peut comparer Pierre
et Paul, un peu, à Moise et Aaron. Paul strict sur les principes, rappelez-
vous la justification par la foi, la circoncision... et Pierre, il était
aussi pour les principes, mais il faisait attention aux gens. Rappelez-
vous, Pierre bien embêté à Antioche, il allait avec tout le monde, il
mangeait de tout. Alors les gens de l'entourage de Jacques le regardaient
de travers. Ne sachant plus que faire^ierre recourt à l'hypocrisie
ou la dissimulation. Venez manger avec nous, disent les paiens... etc
"excusez-moi je n'ai pas le temps" répondra Pierre.. Quand Paul voit
que Pierre mange toujours avec des Israélites, Paul rouspète et Pierre
ne dit rien ...
- Et Paul et Jacques, Paul prêchait sans cesse que l'homme ne se sauve
pas par les oeuvres, mais par la foi. Jacques apporte sa nuance : épitre
de Jacques 2, 14-26 "A quoi cela sert... que quelqu'un dise "j'ai la
foi" s'il n'a pas les oeuvres... Ainsi en est-il de la foi, si elle
n'a pas les oeuvres, elle est tout a fait morte". A bien y regarder,
Jacques n'est pas contradictoire de Paul. Paul est bien d'accord pour
dire que la foi débouche dans la charité mais ils ne prennent pas les
choses de la même manière. Ce qui est substantiel se retrouve chez l'un
comme chez l'autre mais ils ne voient pas les choses sous le même angle.
- Remarquez Marie et Marthe. C'est beau d'écouter le Seigneur, mais s'il
n'y a pas à manger ! Il y a des Marthe's et des Marie's. Quelle est
la plus sainte ? Marthe était pleine de bonne volonté, pleine d'amour
pour Jésus... Marie écoutait, avait une tournure différente et, ayant
une tournure différente, elle avait une vacation différente. Il y a
des gens qui sont très bien dans un monastère contemplatif et qui seraient
perdus dans une congrégation active, et inversément, la vocation n'est
pas quelque chose qui nous tombe dessus comme cela.
La vocation est faite de ce que nous sommes.
Quand Jésus dit : "Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera
pas enlevée", cela ne veut pas dire à Marthe : "laisse cela tranquille",
cela veut dire : "Marthe, tu est gentille de faire tout cela, mais un
jour viendra où tout ce turbin que tu te donnes sera dépassé, un jour
viendra où tout le monde sera là à me contempler, à m 1écouter, à se ré
jouir d'être avec moi... Ce que tu fais, est passager, ce qu'elle fait,
est ce qui sera définitif, ce qui ne sera pas enlevé...
Il ne faut pas prendre la réaction de Jésus à Marthe comme un reproche,
mais c'est une façon de dire, tout ce que tu fais là doit être orienté
vers ce qu'elle fait, parce que le définitif, il est là.
Les textes mentionnés au début et où nous accentuons que c'est le même
Esprit qui agit, peuvent être repris ici en insistant sur la diversité.
Il y a diversité de dons spirituels, de charismes, de dons de grâce.
Saint Paul va dire, il y a diversité de ministères, diversité d'actions,
mais c'est toujours le même Esprit qui opère en tous, à l'un il donne
une parole de sagesse, à l'autre une parole de science,... Un professeur
d'université serait probablement très ennuyé de donner le catéchisme
à des enfants turbulents ou à petite compréhension, alors qu'un catéchiste
serait bien ennuyé dans une chaire d'université... Mais chacun a un
don de l'Esprit. Un autre peut avoir le don de la foi, dans ce même
Esprit, un autre le don de guérir, un autre la puissance d'opérer des
miracles, un autre la prophétie, l'autre qui parle moins bien a le don
du discernement des esprits, un autre le don de la diversité des langues,
un autre qui ne parle pas en langues a le don de les interpréter (1 Cor 12).
... Allons encore un peu plus loin; il y a le don des miracles, de guérir,
d'assister, de gouverner... Il y a une très grande diversité et tout
le monde n'a pas les mêmes dons mais par contre tout le monde a le don
fondamental de la charité, que répand l'Esprit Saint.
Aujourd'hui, nous avons des Carmélites cloîtrées et puis les Petites
Soeurs de Jésus qui vivent dans des baraques en banlieue, les unes comme
les autres sont contemplatives. Nous avons Don Bosco et Mère Térésa.
19.
Nous avons des laies dans l'A.C.G. et d'autres dans l'action catholique
spécialisée, des laies dans un tiers-ordre franciscain, des laies qui
sont bien dans le renouveau, des laies qui lisent l'Homme nouveau, il
y en a d'autres qui lisent Témoignage chrétien. Il y a des laies engagés
à gauche, il y a des laies engagés à droite... et qui tous, sont engagés
en référence à leur foi. L'important, c'est de savoir reconnaître, discer
ner, que les chrétiens si divers vivent authentiquement la consécration
fondamentale de l'Eglise et manifestent authentiquement le Tout-Autre
du Dieu de Jésus-Christ.
Encore des illustrations contemporaines
- Des chrétiens qui recourent à l'Eucharistie, qui recourent aux sacre
ments...; cette démarche manifeste leur foi commune en Jésus ressuscité,
la foi de l'Eglise. Par la démarche de chrétien engagé qui va régulière
ment à l'Eglise, ils donnent un signe de leur appartenance à l'Eglise,
au Peuple saint... ils se compromettent.
- Citons encore le cas d'un jeune lycéen qui reconnaissait que ce n'était
pas facile d'être chrétien au lycée parce que sur tous les points on
est à contre-courant : ses comportements faisaient de lui, aux yeux de
beaucoup, quelqu'un d'à part ... malgré l'excellente camaraderie qui
le liait à eux.
- Citons encore ceux qui au nom de leur foi, luttent pour la défense
des droits de l'homme. Que manifestent-ils dans la lutte et le dévouement
sinon le mystère du Dieu d'amour en eux; le mystère de Dieu pour qui
le plus pauvre, le plus petit des hommes est si précieux. C'est cela
qu'ils vivent. Ils ne font peut-être pas oraison tous les jours... ils
vivent autrement et ils sont animés du regard, de l'amour de Dieu.
- Ceux qui luttent contre la faim, pour le développement des pays sous-
développés le font parce qu'ils reconnaissent Jésus dans ceux qui ont
faim : "j'avais faim, vous m'avez donné à manger".
Ils manifestent aussi la réalité de la parole de Jésus : là où vit
le royaume de Dieu, là les pauvres se réjouissent. Rappelez-vous les
béatitudes selon Saint Luc 6, 20 et suivants. Notez la manière dont
sont rapportées les béatitudes : Heureux vous les pauvres, heureux vous
qui avez faim maintenant, vous serez rassasiés, heureux vous qui pleurez
maintenant, vous allez rire ... Cela veut dire : dans le royaume de
Dieu, lors de l'instauration du règne de Dieu, les gens vont laisser
entrer dans leur coeur l'esprit de Jésus et du coup, ils seront animés
de l'amour de Jésus et de l'amour du Père pour ceux qui sont les plus
pauvres, les plus petits....
Alors vous allez rire, vous aurez des raisons de vous réjouir; si vous avez
faim, alors vous allez trouver des frères qui vont se décarcasser pour
que vous n'ayez plus faim.
- Pienons l'exemple de ceux qui s'occupent des délinquants... ils en voient
de toutes les couleurs. Alorsjils manifestent quoi ? Tout simplement
l'amour de Dieu qui continue à croire en n'importe quel homme, fut-il le
plus grand des délinquants. Pensons a l'amour créateur et rédempteur qui
croit en l'homme jusqu'au bout et qui veut le redresser.
- Ceux qui s'occupent des délaissés, des rejetés du monde... vivent profon
dément de Jésus-Christ et manifestent l'amour de Dieu.
- Par ailleurs, des immigrés, par exemple, qui bénéficient de cette atten
tion de leurs frères peuvent vivre la conviction que pour Dieu personne
n'est étranger, "j'étais étranger, vous m'avez accueilli" Matthieu 24 ou
encore cette belle parole d'Isaie 19, 21-24 "Yahvé se fera connaître des
Egyptiens ... et les Egyptiens, ces jours-là serviront Yahvé par des sacri
fices ... Israël avec l'Egypte et Assur sera bénie au milieu de la terre".
Voyez, dans ce très beau texte, le Seigneur nous annonce que lors de l'ins
tauration de son Royaume, il n'y aura plus qu'une famille réunissant les
peuples les plus divers.
Ceux qui essaient d'intégrer les immigrés, de les aider à s'intégrer, sont
en fait des gens qui vivent vraiment les valeurs du Royaume.
- On pourrait encore parler des malades. Jésus a fait tout ce qu'il a
pu pour les malades. Et, c'est aussi un signe du chrétien de faire tout
ce qu'il peut pour le soulagement des malades... les visiter, les soigner.
Alors c'est Jésus qu'ils révèlent ...
Pensons à Matthieu à propos de Jésus en 8, 16-17. Il a pris nos infirmités,
il s'est chargé de nos maladies".
Les gens secourables sont des gens qui se laissent envahir par l'amour
de Jésus qui prend sur lui nos infirmités, qui se charge de nos maladies.
Et les gens, qui par motif de foi, cherchent vraiment à servir les malades
à guérir les malades, vont, dans leur profession même.dans la ligne de
Jésus, qui prend les infirmités des gens.
- Les engagés politiques qui essaient, par motif de foi, de bâtir un monde
de justice, de respect, d'amour, de paix... sont des gens qui vont dans
le sens du Messie. Quand Isaie nous dit à propos d'un homme politique
en 9, 1 à 6 "le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lu
mière" c'est-à-dire le peuple écrasé par le joug des Assyriens "car le
joug qui lui pesait, le bâton de l'oppression, tu les broies... et sa royauté
qu'il établit et qu'il affermit dans le droit et la justice... Dès mainte
nant et pour toujours l'amour jaloux de Yahvé Sabaoth fera cela". De la
21.
même façon en Isaie 11, 1-9 : sous le signe du rejeton de Jessé,... il fait
droit aux malheureux, il rend une sentence favorable aux pauvres du pays...
le loup habite avec l'agneau...", tout cela est dit à propos de l'action
politique du Messie.
Donc, parmi les hommes politiques qui s'engagent, il peut y avoir "des
araignées", des gangsters... mais c'est vite dit. C'est parfois vrai quand
on connaît les grands tyrans de certains pays, mais il y a aussi des saints,
pour n'en citer qu'un, Thomas Moore... et d'autres.
- On peut relever encore une anecdote à propos de Sainte Thérèse d'Avila,
qui reçut la remarque de ses Carmélites, que certains Pères qui venaient
dire des choses intéressantes ne semblaient pas passer de longs moments
à l'Eglise, ni en oraison. Et Thérèse répondit : il ne faut pas les juger,
ces bons pères, ils travaillent dur pour nous donner ce qu'ils font, c'est
peut-être bien leur façon de servir Dieu, nous avons notre façon à nous,
et eux, quand ils cherchent vraiment la vérité pour nous la donner... ils
cherchent Dieu... Alors ne les jugeons pas, c'est Dieu qui juge.
L'objectif visé par cette conférence est que vous viviez votre consécration
en grande et cordiale solidarité avec ceux qui vivent autrement que vous
la consécration fondamentale de l'Eglise.
Soyez toujours très ouverts, très solidaires, très fraternels... Ces gens
aussi laissent l'Esprit de la Sainteté pénétrer leur vie, sûrs qu'ils sont
que leur combat n'est pas illusoire, qu'il va dans le bon sens, puisqu'un
jour tout cela se réalisera... Rappelez-vous Apocalypse TA , 3-4 quand
il est dit que dans le monde nouveau il n'y aura plus ni mort, ni maladie,
ni pleurs...; de même Ap 22, 2 quand il est dit que pour le monde à venir
il y aura un fleuve d'eau vive au bord duquel pousseront des arbres qui
donneront une récolte par mois ...
C'est une manière de dire que l'homme sera comblé dans le Royaume.
Pensons encore à Paul 1 Co _1_, 28 où Dieu sera tout en tous à la fin des
temps. D'après le Grec, on peut traduire aussi bien : tout en tout.
C'est cela qu'ils veulent, c'est cela qu'ils cherchent. Ils savent que
la fin des temps est commencée par la résurrection de Jésus et, que là
où est l'Esprit Saint, l'Esprit de Jésus, l'Esprit de la Sainteté, c'est
l'Esprit du monde nouveau, le Tout-Autre, qui est déjà à l'oeuvre.
Et quand on dit que ceux qui agissent ainsi par motif de foi et d'amour
chrétien, hâtent la venue du Royaume, cela ne veut pas dire qu'au lieu
d'arriver en 2367^le Royaume arrivera en 2365. Cela veut dire que déjà là
où les gens essaient de bâtir un monde dans l'Esprit de Jésus Christ, là
déjà arrive le Royaume.
2 2 .
Il est important que nous sachions bien reconnaître cela, nous en réjouir,
ne pas trop vite accuser les gens d'être des "activistes"... c'est-à-dire
des gens qui s'ébrouent eux-mêmes, qui agissent fermés sur eux-mêmes...
En effet, celui qui travaille fort, mais qui travaille parce qu'il a au
coeur l'amour de Jésus et la foi en Jésus, ce n'est pas un activiste.
A ce propos est cité l'exemple d'un prêtre, très bon, très humble et de
grande foi profonde et qui dit : je ne puis pas être dix minutes arrêté
à un prie-Dieu... Quand il dit cela, ce n'est pas du bluff, c'est vrai,
mais par contre c'est un gars qui est d'une foi et d'une charité très grande,
qui célèbre la messe avec tout son coeur, qui est toujours près des gens,
assez hardi même quand il s'agit de dire Jésus Christ... Ainsi un autre,
qui ne savait pas non plus, rester longtemps à prier, mais qui était tou
jours occupé de Jésus-Christ, au point qu'un jour un laie disait : "que
c'est beau de voir un homme comme cela, il est tout plein de Dieu".
Le but de cette réflexion est atteint, si nous sortons pleins de cordialité,
plus disposés que jamais à apprécier des gens engagés pour Jésus Christ
autrement que nous, mais avec autant d'authenticité, à nous en réjouir,
à nous sentir solidaires d'eux, à rendre grâce pour ce que Dieu leur fait
vivre et qui, tout compte fait, est beaucoup plus proche de ce que nous
vivons nous-mêmes qu'il peut paraître à première vue.
4e conférence : CONSACRES DANS L'EGLISE ET'POUR L'EGLISE
L'Eglise est corps du Christ.
Un corps a besoin de tous ses membres, chaque membre a un rôle irremplaçable.
Nous allons voir quels sont, dans l'Eglise corps du Christ, la place et le
rôle de ceux et de celles qui, par appel de Dieu et par amour, se vouent
à Jésus Christ par un voeu vécu sur un fond de prière contemplative.
Nous allons essayer de dégager les motivations théologales profondes.
Voici ! certes, le monde est beau ... le monde est bon et Jésus le sait bien :
il a aimé les fleurs des champs; voyons quand il nous parle des lys... Salomon
n'a pas été vêtu comme l'un d'entre eux...; à Cana, Jésus a donné du bon vin...
Mais, le monde n'est pas le lout de tout, le monde n'est pas l'Absolu du
beau et du bon. C'est Dieu qui est le Tout. C'est Dieu qui est l'Absolu,
c'est Dieu qui est le ferme, comme dit Saint-Paul.
C'est Dieu qui doit devenir lout en tous, lout en tout. Un jour viendra
où le monde aura pris toute sa consistance, mais ce ne sera qu'après que
Dieu sera devenu Tout en tous comme dit Paul 1 Co 15, 28.
Voiciquelques exemples de ces nuances, de ces diversités d'appréciations,
d'insistances des livres de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament.
2 3 .
(1) Citons d'abord quelques auteurs qui insistent sur la permanence :
- Voyons un texte de Saint Paul qui dit que les dons et les appels de
Dieu sont sans repentance. Ce n'est pas tout à fait à propos du monde
que Paul dit cela mais c'est à propos des dons que Dieu a fait aux
Juifs. N'empêche que c'est quand même une phrase d'une portée assez
générale. Rom J_1, 29 : "Les dons et l'appel de Dieu sont sans répentance".
Dieu a fait le monde pas pour le démolir ensuite.
Dieu nous a fait corps et âme, il ne va pas nous démolir, pour faire
autre chose. Non, Dieu nous a fait tels, et nous aime ainsi.
Rappelez-vous aussi les phrases où il est dit que Dieu rendra à chacun
selon ses oeuvres. Cela suppose donc que chacun pourra apporter à Dieu
ses oeuvres... et que chacun recevra en fonction.
Tous ces textes ne sont toutefois pas si faciles à manier, mais vont
dans le sens de la consistance, de la permanence.
- Voyons maintenant 1 Co 2» 12-13 où Saint Paul à propos des prédications
de l'Evangile nous dit : "selon la grâce de Dieu qui m'a été donnée,
tel un bon architecte, j'ai posé le fondement, un autre est venu bâtir
dessus".
Attention quand même que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit.
D'abord pas d'autre fondement que Jésus Christ, et puis sur ce fondement, on
peut bâtir avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois,
du foin, de la paille, ... L'oeuvre de chacun deviendra manifeste.
C'est le jour qui nous la fera connaître car le jour se manifestera dans
le feu et ce feu révélera la qualité de l'oeuvre de chacun. Alors si
une oeuvre résiste, tient,... il recevra une récompense, si son oeuvre
est consumée, il en sera quitte pour la perte... lui sera sauvé, comme
à travers le feu, mais il y perdra quelques plumes. Donc dans ces textes,
on insiste plutôt là sur la permanence.
(2) Tantôt on va plutôt insister sur la disparition de ce monde; 1er Epître
de Saint-Pierre 4, 7 "La fin de toutes choses est proche", 2e Epître
de Pierre 3, 11-13 "Puisque toutes ces choses se dissolvent ainsi, quels
ne devez-vous pas être par une sainte conduite et par les prières atten
dant et hâtant l'avènement du Jour de Dieu... Ce sont de nouveaux cieux
et une terre nouvelle que nous attendons, selon sa promesse, où la justice
habitera".
Apocalypse 2A_, 4 "Il essuiera toute larme... de mort il n'y en aura plus...
car l'ancien monde s'en est allé".
(3) Tantôt au contraire on va plutôt parler d'une transfiguration du monde
ancien. Il va être transfiguré. Donc il y a à la fois la permanence
et la nouveauté.
- Prenons d'abord Ap 21, 5 où c'est assez intéressant de voir qu'aussitôt
après avoir dit :"l'Ancien monde s'en est allé", Jean enchaîne par
"Celui qui siège sur le trône déclara alors : voici que je fais l'univers
nouveau". L'exacte traduction du texte dit en fait : voici que je
fais toutes choses nouvelles. Ce "toutes choses" donne une permanence,
ces choses sont faites "nouvelles".
- Ensuite 1 Co 15 quand Paul à propos de la Résurrection prend la comparai
son des grains de blé qui donne l'épi. Le grain de blé est mort mais
on ne peut pas dire que ce qui est advenu soit quelque chose qui lui
soit étranger. C'est toujours le même grain, qui s'épanouit, apparem
ment il est mort, mais l'épi n'est pas tout autre chose. Il y a à
la fois transfiguration et permanence.
- Bref, quoi qu'il en soit exactement, il reste que le monde n'est pas
l'Absolu, le Tout, qu'il ne trouve sa plénitude qu'une fois pénétré
par Dieu dans tous ses recoins.
Cela est absolument net, aussi choquant cela soit-il pour certains
esprits. Il faut admettre que Dieu soit Autre...; oui, Dieu est en
nous, dans le monde... mais il n'est pas le monde.
Ceci étant, des chrétiens et des chrétiennes reçoivent de Dieu la grâce
de le savoir très fort, de l'apprécier dans la foi, d'aimer qu'il en
soit ainsi, avec la volonté de s'alléger le plus possible de tout ce
qui risque de les retenir, pour cette appartenance à Dieu, ou encore
de ce qui risque de leur faire perdre le goût et le sens de cette relation
à Dieu. Il y a donc une volonté de s'alléger non seulement de ce qui
est mauvais et médiocre mais de s'alléger même des réalités les plus
légitimes et les plus belles ... mais qui ne sont pas Dieu, aussi belles
soient-elles.
Ces chrétiens et ces chrétiennes s'engagent dans le célibat, dans la
pauvreté, dans l'obéissance.
Leurs engagements sont loin d'être seulement un "non" opposé au mariage,
à une légitime possession, à une légitime autonomie. Ils sont les moyens,
pour eux, de renforcer leur relation concrète à Dieu qui est Source et
Terme, qui veut devenir Tout en eux comme en tous, afin de les faire
vi\.re en vérité et jusqu'en plénitude.
25 .
Illustrations
- La grâce d'être sensible au Dieu de Jésus Christ qui est le Tout fait
penser à ce texte fameux de Paul dans Ph 3, 7-12 "Tous ces avantages
dont j'ai été pourvus, je les ai tenus pour un désavantage à cause du
Christ. Bien plus,je tiens tout pour désavantage au prix du gain suréminent
qu'est la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. Pour lui, j'ai
accepté de tout perdre, je regarde tout comme déchets, afin de gagner
le Christ... ce que je veux c'est le connaître lui et la puissance de
sa Résurrection ... lui devenir conforme dans la mort, afin de parvenir
si possible à ressusciter d'entre les morts ... Je ne me flatte point
d'avoir déjà saisi... mais oubliant le chemin parcouru je vais droit
de l'avant, tendu de tout mon être et je cours vers le but, en vue du
prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut dans le Christ-Jésus".
Cela exprime bien ce que vit Saint-Paul.
- Dans l'Epître aux Galates G_, 14 "... que jamais je ne me glorifie, sinon
dans la croix de notre Seigneur, Jésus Christ qui a fait du monde un
crucifié pour moi et de moi un crucifié pour le monde".
On ressent ici l'adhésion profonde à Jésus Christ, crucifié; le monde
crucifié pour moi et moi crucifié pour le Monde.
Sur un homme qui est crucifié, le monde ne peut plus rien, on attend
sa mort et c'est tout; et le crucifié ne peut plus rien dans le monde,
il est rejeté du monde. Saint Paul fait allusion à ce que lui vaut comme
incompréhension le fait d'être aussi dévoué à Jésus, voué à Jésus.
- De même encore dans la 1ère aux Corinthiens J_, 29-31 mais surtout 30
".. qu'aucune chair n'aille se glorifier devant Dieu, car c'est par Lui
que vous êtes dans le Christ Jésus, qui de par Dieu est devenu pour nous
sagesse, justice, sanctification, rédemption..."
C'est par Lui que vous êtes dans le Christ. Si vous êtes quelque chose,
c'est dans le Christ. Et le Christ est pour nous : sagesse, justice,
sanctification, rédemption ... il est, Tout pour nous.
C'est d'avoir bien perçu cela, de l'avoir apprécié, que Paul est devenu
apôtre de Jésus Christ.
- Reprenons encore cette formule qui revient de temps en temps à la messe
comme Post-communion : "Sans toi notre vie tombe en ruine" (1 Cor 15,
18-19). Cela veut dire : aussi belle soit-elle, si tu n'es pas là pour
la pénétrer de ton Esprit d'Amour et pour la faire déboucher dans la
gloire de ton °ère, alors notre pauvre vie tombe en ruines.
26.
Il y a donc des gens qui ont la grâce de le savoir très fort, de l'appré
cier, d'aimer qu'il en soit ainsi.
Il est important d'accentuer que c'est une "grâce" c'est-à-dire une lumière
de l'Esprit Saint. Ce n'est pas une découverte qu'ils font par eux-mêmes,
c'est une révélation comme dit Saint Paul dans 1 'Epître aux Galates :
"quand il a plu à Celui qui m'avait mis à part dès le sein de ma mère,
de révéler en moi son Fils..."
Il s'agit donc d'une révélation, de ce qui est caché aux yeux des hommes,
mais que Dieu révèle.
De même encore en Matthieu 11, 25-27 quand Jésus dit : "Je te rends grâce,
Père d'avoir caché ces choses aux sages et aux habiles de les avoir révé
lées (dé-cachées) aux tout petits".
C'est donc vraiment une grâce. Ce n'est pas une découverte philosophique
c'est une connaissance mystique.
Nous sommes au fond incapables de rendre compte de notre vocation.
Nous pourrions dire beaucoup de choses, mais après nous être décarcassés
à dire des choses "raisonnables", nous serions obligés d'avouer que le
fond des fonds ne s'exprime pas et n'est même pas exprimable à soi-même.
C'est Dieu qui donne ce goût, qui donne cette lumière ... Ce n'est pas
que l'on voit plus clair que les autres, car, comme dit Saint Jean de
la Croix dans sa montée du Carmel : c'est une lumière qui est "un rayon
d ' obscurité".
On pourrait se demander pourquoi c'est l'un et pas l'autre à qui Dieu
donne de comprendre ... Cela ne nous est pas connu, mais ce qui est
certain, c'est qu'il y a la grâce de Dieu, devant quoi il faut être petit
et reconnaissant.
Notre engagement, dans ses motivations les plus profondes, est un mystère
pour nous.
Ce qui domine dans notre engagement, ce n'est pas le refus du mariage
de l'autonomie et de la richesse. Ce qui domine c'est la volonté de
gagner le Christ, comme dit Paul : "Tendu de tout mon être vers mon but, afin
de gagner le Christ"... de le gagner pour nous et pour les autres. En
effet, cette grâce, nous la recevons sans doute pour nous-mêmes, parce
que Dieu nous aime, mais nous la recevons aussi et peut-être d'abord
pour l'Eglise afin d'être signes dans l'Eglise et pour l'Eglise et pour
le monde.
2 7 .
Signe de quoi ? Signe de ce Dieu de Jésus Christ, signe de ce Jésus Christ
qui vient et qui est le Tout, en même temps bien sûr que signe de la
relativité du monde, ... comme Marie l'était pour Marthe. Quand à Béthanie,
Marie était là, oubliant tout pour écouter Jésus, Jésus disait à Marthe :
c'est elle qui a la meilleure part. Pourquoi est-ce la meilleure part ?
parce que cette part là, ne lui sera pas enlevée ... quand elle s'adonne
à la contemplation, à l'écoute de la Parole, à la contemplation de Jésus
et de Dieu, elle est arrivée...
Voyons aussi la citation de Jean 1_6, 22, quand Jésus disait : "Vous aussi
maintenant, vous êtes tristes; mais je vous reverrai... et votre joie,
nul ne pourra vous la ravir". Cela rejoint ce qu'on disait de Marie :
cette joie que rien ni personne ne pourra nous ravir, Marie s'y trouve
déjà.
Et nous qui sommes des gens "bizarres" au coeur du monde ... nous sommes
heureux. Et dans notre consécration à Jésus Christ, il est important
de témoigner que nous sommes heureux.
Et, quand les gens nous disent : "vous avez de la chance, vous ..." qu'on
ne réponde surtout pas : "ah, vous croyez que nous avons de la chance,
venez y voir si c'est facile...". Disons : "oui, nous avons reçu cette
chance". Donc, nous avons à être un signe joyeux, et, en ce sens là,
la consécration est essentielle dans l'Eglise.
Même si,pour une raison ou une autre,on peut souhaiter qu'il y ait un
jour un sacerdoce fait d'hommes mariés, cela ne veut pas dire du tout,
que la vie consacrée ne pourra jamais cesser d'être essentielle dans
l'Eglise. Il ne faut surtout jamais confondre ces deux problèmes.
Ce n'est pas pour rien qu'en Orient, s'il y a des prêtres mariés, il
y a des moines et les évêques sont toujours choisis parmi les moines,
pour être signe, justement de la direction dans laquelle va l'Eglise
et le monde.
Ensuite, il faut que nous soyons assurés, pas complexés. Nous sommes
des "mystères", des gens étranges, c'est sûr, mais nous sommes là dans
une mission qui est essentielle à l'Eglise et au monde. Aussi, faut-
il vivre cette mission avec humilité, sans juger les autres ... comme
activistes. Il faut vivre cette mission dans la conscience d'une complé
mentarité. Il faut aussi savoir la vivre, à l'occasion, dans la contra
diction. Cette contradiction peut nous venir de gens choqués de ce que
nous ayons l'air de relativiser le monde, voire le mariage. Il n'est
pas toujour facile d'être témoin de Jésus Christ dans le monde. Nombre
de gens ne sentent pas le besoin de mêler Jésus Christ à leur vie et
parfois l'expriment de façon impulsive.
28 .
Donc.il faut savoir vivre dans la contradiction même dans la contradiction
venant quelquefois des chrétiens, sans compter que nous sommes quelquefois
contradiction pour nous-mêmes. Notre situation est un peu comme celle
d'Amos 7, 14-15 qui comparaît devant le tribunal à Béthel et qui dit
au grand prêtre : "Je ne fais pas un métier d'être prophète, j'étais
berger et je cultivais les sycomores; c'est Yahvé qui m'a pris de derrière
le troupeau".
Et Paul dans Philippiens reprend le même verbe, dans Ph 3, 12, quand
il dit : "J'ai été saisi par le Christ Jésus".
Nous aussi,avons été saisis par le Christ, cela nous est "tombé dessus".
Nous en sommes heureux et reconnaissants mais n'empêche que c'est un
profond mystère et qu'il faut vivre à certains moments la contradiction
en soi-même.
Evidemment, tout cela est à vivre sur un fond permanent de contemplation
et de prière. Nos engagements à la Consécration virginale ne sont pas
tenables, ne sont pas vivables autrement que s'ils reposent sur un fond
de contemplation et de prière. Quand on ne vit pas "un amour", la morosité
s'installe. C'est d'ailleurs même un peu déroutant la proportion de
gens moroses dans nos milieux sacerdotaux ou religieux. Si on n'a pas
une vie d'amour avec Jésus, comment voulez-vous qu'on soit heureux ?
Si on n'est pas heureux, comment voulez-vous que cela tienne ? Et même
si on ne court pas la prétentaine, on trouve un tas de choses ... on
devient gourmet,... on se console ... Ces déviations semblent bénignes,
mais sont signes d'une vie qui n'est plus heureuse, qui a besoin d'autre
chose, d'adjuvants pour trouver son bonheur.
Donc par une action permanente de contemplation et de prière, il s'agit
d'entrer mais aussi de demeurer dans ce mystère et de puiser constamment
à la source de la Lumière et de l'Amour.
A ce propos, voici un texte de Paul dans Ephésiens _3, 14-19. "Je fléchis
les genoux en présence du Père ... Qu'il daigne selon la richesse de
sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se forme en
vous l'homme intérieur, que le Christ habite en vos coeurs par la foi
et que vous soyez enracinés (l'image des racines), fondés (l'image des
fondations profondes) dans l'amour. Alors vous recevez la force de com
prendre avec tous les saints, ce qu'est la Largeur, ce qu'est la Longueur,
la Hauteur, la Profondeur, vous connaîtrez l'amour de Dieu qui surpasse
toute connaissance (connaître dans le sens biblique du mot : apprécier,
expérimenter) et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Pléni
tude de Dieu".
2 9 .
Dieu seul peut garder les yeux et le coeur ouverts à ces réalités qui
sont vitales, essentielles ... mais tellement profondes et tellement
dévorantes ... Tout y passe. Si on vit le voeu de chasteté à fond et
si on reste dans sa logique, les autres voeux y passent. Donc ce sont
des réalités qui nous dévorent et pour lesquelles il faut toujours entre
tenir et quelque fois renouveler l'attachement. Il faut que nous conti
nuions à vivre toujours avec goût, même si c'est dans la nuit profonde.
Il faut garder le goût de Jésus, même si nous sommes dans l'obscurité
complète,voire dans la tentation. C'est pour cela que Paul dit encore
aux Ephésiens 6_, 10-18 "Rendez-vous puissants dans le Seigneur et dans
la vigueur de sa force. Revêtez 1'armure de Dieu pour pouvoir résister
aux manoeuvres du Diable". Et le diable est parfois malin. S'il sait
qu'il ne va pas nous avoir par les grossièretés... il va peut-être essayer
de nous avoir par notre subtile gourmandise... Le diable manoeuvre.,
il sait manoeuvrer.
"Car ce n'est pas contre des adversaires de chair et de sang que nous
ayons à lutter, mais contre les Principautés ... contre les Régisseurs
de ce monde de ténèbres, contre les Esprits du Mal qui habitent les espaces
célestes. C'est pour cela qu'il vous faut endosser 1'armure de Dieu,
afin qu'aux jours mauvais vous puissiez résister, et, après avoir tout
mis en oeuvre, rester ferme". Il est dit : après avoir mis tout en oeuvre
"Tenez-vous debout avec la Vérité pour ceinture, la justice pour cuirasse
et pour chaussures le Zèle à propager l'Evangile de la paix. Ayez toujours
en main le bouclier de la Foi, grâce auquel vous pouvez éteindre tous
les traits enflammés du Mauvais. Enfin recevez le casque du Salut et
la Gloire de l'Esprit, c'est-à-dire la Parole de Dieu".
Et plus concret encore : "Vivez dans la prière et les supplications".
Remarquez : prière et supplication pas seulement béatitude de contempla
tion ... mais supplication aussi. "Priez en tout temps, dans l'Esprit".
Attention, pas n'importe quelle prière "Apportez-y une vigilance inlassable
et intercédez pour tous les saints 'ceux et celles qui comme nous peinent
à 1 1 occasion).
5eme conférence : LA VIE CONSACREE ET LES CONSEILS EVANGELIQUES
Il est clair que si on se consacre entièrement à Jésus Christ par le voeu
de chasteté pour lui appartenir totalement et vivre avec lui et comme lui,
la vie des conseils évangéliques s'ensuit nécessairement.
a) La pauvreté évangélique
Même si votre statut ne le prévoit pas,implicitement, vous êtes résolues
à vivre la pauvreté de Jésus Christ. On ne verrait pas une épouse vivre
dans la richesse alors que son mari serait malheureux et chômeur.
Cela va de soi, dès qu'on aime. Comme dit le Père de Foucauld : "Il
y a des gens qui acceptent de vivre dans la richesse alors que toi,
Monseigneur tu as vécu pauvrement. Moi, je ne comprends pas ... je
ne puis pas vivre dans la richesse alors que toi tu as été pauvre".
C'est dans la logique même de l'amour.
Nous allons parler de la pauvreté en ayant devant les yeux les paroles
de Jésus à propos du roi, qui, avec 10.000 hommes, va affronter un autre
roi qui a 20.000 hommes; avant de l'affronter il se demande s'il va
pouvoir ... Ou bien, nous prenons en considération ce que Jésus dit
à propos de celui qui va bâtir une tour; avant de commencer les fonda
tions de sa tour, il vérifie ses finances et contrôle s'il a les moyens
d'aller jusqu'au sommet, sinon, il y renonce.
Après ces illustrations, voilà la consigne nette de Jésus : "Celui qui
veut venir à ma suite, il faut qu'il renonce à tous ses biens..."
Celui qui ne renonce pas à ses biens ne peut pas être mon disciple.
Cela est clair et net.
Nous réfléchissons à propos de la pauvreté avec cette Parole de Jésus
en mémoire, et surtout, avec, devant les yeux, l'exemple de Jésus qui
a voulu naître, vivre et mourir pauvre.
C'est ce Jésus, il est votre Epoux; c'est lui que vous avez épousé.
De plus, puisque nous sommes dans l'année consacrée au centenaire de
Saint François d'Assise, nous pourrions aussi avoir devant les yeux
toute la tradition franciscaine.
Le radicalisme de Saint François d'Assise concernant la pauvreté est
frappant. A titre d'exemple; un jour il s'aperçoit que, ayant pris
l'habitude de s'asseoir ou de dormir à un endroit bien particulier,
ses compagnons ont tendance à dire "notre endroit" "notre grotte", alors
François décrète qu'on n'y viendra plus, par crainte qu'on ne devienne
tant soit peu propriétaire,dans le fond de son coeur.
Il a déjà été dit que certains chrétiens et certaines chrétiennes rece
vaient la grâce d'être sensibles à ce que Dieu seul soit le Tout, à
ce que Dieu seul, le Dieu de Jésus Christ, soit l'Absolu; sensibles
aussi à la valeur incomparable du Royaume qui vient; qu'ils reçoivent
la grâce de se dépouiller de tout ce qui risquerait de les retarder,
de les entraver dans leur marche à la suite du Seigneur, de se défaire
de tout ce qui risquerait d'accaparer l'esprit et le coeur et serait
autre chose que le Dieu de Jésus Christ.
Nous disons, non seulement se dépouiller des choses mauvaises ou médiocres
mais même se dépouiller des réalités les plus belles, les plus légitimes .
mais qui ne sont pas Dieu.
Parmi les options concrètes que cela entraîne, il a celle d'être pauvre,
d'être pauvre effectivement, cela veut dire de vivre sans sécurité parti
culière, encore que le Concile n'invite pas les consacrés à se risquer
de se retrouver sans rien et d'avoir à vivre aux crochets des autres.
L'Eglise est réaliste^, par exemple, les Clarisses, qui autrefois vivaient
de mendicité, doivent aujourd'hui gagner leur pain par leur travail.
Il s'agit donc de vivre sans autre sécurité que la sécurité des pauvres,
pas forcément des misérables ... encore que certains instituts puissent
avoir la vocation de partager la vie des plus pauvres, de ceux qui n'ont
aucune assurance. Mais, normalement la pauvreté c'est d'être sans sécurité
supérieure à celle que les plus pauvres parmi les ouvriers peuvent avoir.
Le Concile insiste pour que ce soit une pauvreté effective.
Pauvreté non seulement effective, mais surtout pauvreté en esprit, parce
que Jésus Christ est notre seule richesse et que les autres richesses
sont tellement éclipsées qu'elles ne nous retiennent plus le coeur.
Répétons ce que nous avons déjà dit plusieurs fois, qu'une telle pauvreté
ne peut se vivre autrement que sur un fond de contemplation.
Si Jésus perd pour nous de son attrait, de son poids, de sa suavité,
le reste gagne en attrait, en poids et en suavité.
Ceci nous est exprimé par la béatitude des pauvres : "Bienheureux les
pauvres en esprit". Il faut encore à ce propos bien se souvenir des
étymologies hébraiques des mots. Sont déclarés bienheureux, les pauvres
qui sont pauvres jusqu'au fond d'eux-mêmes, jusque dans le plus profond
de leur "souffle" respiratoire. Rappelez-vous aussi ce qu'on a dit
du mot "esprit" en hébreu : qui évoque une atmosphère, une ambiance,
un parfum ... donc bienheureux ceux qui sont imprégnés de pauvreté.
Et celui qui choisit d'être pauvre, prend les moyens de ne pas se laisser
prendre, de ne pas se laisser accaparer par ce que l'Evangile appelle
la "merimna" c'est-à-dire les soucis, les tracas, le souci du lendemain.
31.
3 2 .
C'est de ce souci que parle la parabole du semeur en Matthieu 13 , 22
"... le souci du monde et la séduction de la richesse étouffent cette Parole
qui ne peut rendre du fruit".
Donc il faut se libérer des soucis inhérents à la vie dans le monde et
de la séduction qu'exerce la richesse. La richesse, il ne suffit pas de
l'avoir, il faut encore la sauvegarder ... et cela donne du souci et cela
accapare par tout ce que cela suppose de relations, d'obligations, d'enchaî
nements etc... C'est de cela qu'on veut se libérer et qu'on veut se tenir
libre.
Un texte fondamental à ce sujet, c'est Matthieu 6, 24-34 "Nul ne peut servir
deux maîtres ... Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent. Voilà pourquoi
je vous dis, ne vous inquiétez pas pour votre vie, de ce que vous mangerez.,
ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez". Ne vous inquiétez pas...
si le souci vous accapare/vous vous recroquevillez sur ce souci et vous
n'êtes pas disponibles pour le reste.
Attention aussi à bien comprendre le mot "vie" et le mot "corps".
La vie, dit Jésus, n'est-elle pas plus que la nourriture ? et le corps
plus que le vêtement ? La vie dans ce texte est à prendre dans un sens
bien plus large que notre simple vie corporelle de cette terre. Jésus
veut nous faire comprendre que les besoins de notre vie dépassent de beaucoup
la nourriture, les besoins de notre corps dépassent de beaucoup les questions
de vêtements. Vivre c'est bien plus que de manger. Le bien du corps c'est
bien plus que d'avoir un vêtement magnifique ou confortable, chaud en hiver,
léger en été. C'est bien plus que cela.
Comment faut-il comprendre ? Il faut comprendre ce texte en référence
à la Résurrection. Vivre pour un homme c'est être uni à Jésus Christ,
c'est participer à la Résurrection de Jésus Christ. Le bien suprême du
corps c'est la résurrection.
- Comme Paul l'exprime dans 1 Co quand il dit à propos de la fornication :
"le corps n'est pas pour la fornication il est pour le Seigneur et le
Seigneur est pour le corps et Dieu qui a ressuscité le Seigneur nous
ressuscitera aussi par sa puissance". (1 Cor. 6_, 13-14)
- Dans le même sens, dans le texte de Matthieu 6, 24-34, il est dit : le
corps est plus que le vêtement; le bien du corps, ce qu'il faut au corps,
essentiellement, c'est le Seigneur. Donc le corps est pour le Seigneur
et le Seigneur est pour le corps. On sent clairement qu'il est question
de résurrection là-dessous.
A propos de vêtements on pourrait aussi citer la 2e Co 5, 1 quand Paul
nous dit : "nous savons en effet que si cette tente - notre demeure ter
restre - vient à être détruite, nous avons une maison qui est l'oeuvre
de Dieu, une demeure éternelle qui n'est pas faite de mains d'homme et
qui est dans les cieux ... nous gémissons, ardemment désireux de revêtir
par-dessus l'autre notre habitation céleste ... "Voilà l'image de la
demeure, de l'habitation associée au vêtement : revêtir ... notre habi
tation céleste."
Un peu plus loin c'est le vêtement de la Résurrection 2 Co 4 : "Nous
ne voudrions pas nous dévêtir (c'est-à-dire mourir) mais revêtir par
dessus l'autre ce second vêtement"., le manteau de la Résurrection, c'est
le corps glorieux "afin que ce qui est mortel soit absorbé par la vie".
Les images de Matthieu 6 sont les mêmes images que celles qu'on trouve
en Paul,et expriment les réalités de la résurrection.
Ceci nous permet de mieux comprendre la vie : "Afin que ce qui est mortel
soit absorbé par la vie". Cor 15
La vie, c'est bien plus que de la nourriture, vivre c'est participer
à la résurrection de Jésus. Ce qu'il faut au corps, le bien du corps,
c'est bien plus qu'un beau et bon vêtement, c'est revêtir le vêtement
de la Résurrection.
A cette lumière là, nous continuons de lire Mt 6, 26 "Voyez les oiseaux
du ciel ... et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas plus
qu'eux ?" vous qui êtes les enfants mêmes de Dieu, destinés à ressusciter
avec le Christ. "Qui d'entre vous, d'ailleurs, peut, en s'en inquiétant,
ajouter une seule coudée à la longueur de sa vie ?" "Et du vêtement,
pourquoi vous inquiéter ? Observer les lys des champs ... Ne vous inquié
tez donc pas ..
Ce sont les paiens qui s'inquiètent de toutes ces choses là ... Votre
père céleste sait que vous avez besoin de tout cela, ... "laissez le
faire, il vous aime". Cherchez d'abord le Royaume et sa justice. Atten
dez donc essentiellement que Jésus vienne établir son Royaume et puis
travaillez pour que, là où vous êtes, dans toute la mesure de vos moyens,
la justice du Royaume soit vécue. Que ce soit essentiellement votre
souci.
34.
Mais que dire aux chômeurs ? On ne pourrait jamais lire ce texte avec
eux ? Peut-être^mais il ne faut jamais oublier que s'il y a cela, il y
a aussi Matthieu 25 "... j'ai eu faim ..." Jésus a quelquefois donné du
pain à ceux qui avaient faim, il a guéri des malades, il a pleuré sur la
mort de Lazare ...
Cette réflexion montre toutefois à quel point l'évangile n'est pas toujours
confortable ... combien il est choquant même à l'occasion. Mais même devant
un chômeur, même devant quelqu'un qui a faim ... il restera toujours vrai
que Dieu l'aime au point de vouloir pour lui non seulement qu'il mange,
mais qu'il ait la nourriture de vie éternelle, qu'il soit uni à Jésus,
qu'il partage la résurrection de Jésus.
Reste qu'il pourrait y avoir une manière scandaleuse et non chrétienne
de prêcher la pauvreté.
Que dire à ceux qui souffrent et qui rechignent contre Dieu ?
Ce n'est pas facile ... mais il importe qu'ils sachent que Jésus, le Fils
de Dieu, quand il est venu sur la terre, n'a pas voulu être avec ceux qui
réussissaient mais avec ceux qui souffraient; qu'il est né dans la crèche
de Bethléem comme un pauvre, puis mort du supplice le plus horrible de
son temps, sur une croix. Jésus n'a pas voulu être autrement que les pauvres
et les souffrants.
* * *
- En Matthieu 6_ Jésus dit donc : ne vous inquiétez pas, votre Père céleste
vous aime et sait ce qu'il vous faut, ... cherchez d'abord le Royaume,
que le Royaume vienne, que vous y viviez de sa justice (en coincidence
avec la volonté divine) ... et tout le reste vous sera donné par surcroît.
Quand on lit cela on ne peut que penser au Père Kolbe qui l'a vécu a fond...
ce qui n'a pas empêché qu'il meure de faim et de soif.
Comment a-t-il pu vivre cela dans la joie ? Cela n'est possible que par
la foi et l'amour. D'abord l'amour qui a suscité sa réaction de s'offrir
pour mourir à la place d'un autre et puis la foi qui l'a soutenu dans la
sérénité jusqu'au bout : il était sûr que son pauvre corps allait connaître
la Vie qui est beaucoup plus que la nourriture, et revêtir le vêtement
de la Résurrection.
Tout cela est à vivre par ceux qui font profession de vie de pauvreté comme
une exigence de la foi, une exigence de l'espérance, et une exigence de
l'amour, en sachant qu'ils ont un trésor dans le ciel "Là où est votre
trésor, là aussi sera votre coeur" Mt 6, 20-21.
35.
Et puis la parole de Jésus au jeune homme riche : "Vends tout ce que tu
as et donnes-en le prix aux pauvres et quand tu n'auras plus rien, viens
et suis-moi" ... et Jésus ajoute, "vas-y, sans hésiter, parce que tu auras
un trésor dans les cieux"... Le trésor, c'est Dieu.
Quand on s'est défait de tout, on est sûr de n'avoir rien à quoi tenir,
sauf Dieu.
Puis aussi, la pauvreté est une exigence de l'amour, de l'amour des pauvres
aussi. On opte pour la pauvreté par amour des pauvres qu'on aime comme
des frères et avec qui on partage, comme a fait Jésus qui a choisi d'être
pauvre(afin de nous enrichir par sa pauvreté (2 Cor 8, 9).
Voyez Luc 12, 20 : l'homme qui réussit, qui va agrandir ses granges, cela
se termine comme ceci "Tu vas mourir ... et ce que tu as amassé qui l'aura ?"
Qui l'aura ?
Ceci est à éclairer par Luc 1_6, 9 : où Jésus dit, faites-vous des amis
avec l'argent de l'iniquité afin que, quand l'argent vous manquera, eux,
vos amis, vous accueillent dans les tentes éternelles.
Reprenons encore : "ce que tu as amassé, qui l'aura ?" Tu n'as amassé
que pour toi ... alors que tu aurais dû partager avec les pauvres. Si
de tout ce que tu as gagné, les pauvres avaient bénéficié, ils auraient
pu te recommander auprès du Seigneur pour que tu entres dans les tentes
éternelles. On voit là l'importance du partage.
Dans Perfectae Caritatis n° 13 le Concile insiste d'ailleurs beaucoup pour
que dans les Instituts ... "on fournisse un témoignage collectif de pauvreté.
Volontiers ils prendront de leurs biens pour subvenir aux autres besoins
de l'Eglise et soutenir les indigents que tous les religieux doivent aimer
dans le coeur du Christ". L'importance du partage ! Il peut y avoir un
grand dévouement d'un père et d'une mère pour leurs enfants, mais un grand
égoisme collectif de la famille. Il peut y avoir une grande pauvreté chez
des nonnes et des religieux et un grand égoisme congréganiste.
Comprenons bien et retenons très fort que Jésus a dit : "Heureux vous les
pauvres car vous allez être rassasiés, heureux vous qui pleurez car vous
allez rire"... non pas au sens de "vous allez rire dans la vie éternelle
quand vous serez morts de faim"; non ... mais : vous allez rire parce que,
même en ce monde, là où arrive le Royaume de Dieu, vous allez avoir des
frères et des soeurs qui vont se décarcasser pour vous aider à sortir de
votre misère ...
Attention à ne pas faire mentir les paroles de Jésus !
36.
b) L 'obéissance
Nous en donnerons au moins le principe.
Il n'y a qu'une manière d'être dans la vraie vie, c'est d'avoir un coeur
pur : "Heureux les coeurs purs".
Quand Jésus parle d'un coeur pur, il veut dire : un coeur qui ne laisse
entrer en lui autre chose que de vouloir Dieu et ce que Dieu veut.
Souvenons-nous d'une béatitude équivalente : "Heureux ceux qui ont Faim
et soif de la justice". "Justice" veut dire : le plein accord avec ce
que Dieu veut, avec ce que Dieu cherche. Donc, avoir soif et faim de la
justice veut dire avoir faim et soif de coincider parfaitement avec Dieu,
de n'être jamais satisfait, de vouloir toujours mieux coincider avec sa
volonté.
Ainsi vivait Jésus "dont la nourriture est de faire la volonté de son Père"
Jean 4, 32 de "faire toujours ce qui plaît à son Père" Jean 8, 29.
Ainsi vivait Paul : "que nous demeurions en ce corps (mortel) ou que nous
le quittions, nous avons à coeur de lui plaire". (2e Cor 5_, 9)
Voilà ce qui importe essentiellement.
Le propos d'obéissance, et pour certains le voeu d'obéissance, consiste
à donner à l'Eglise, dans la personne de ceux qu'elle mandate, droit de
regard sur notre vie, c'est-à-dire de partager avec l'Eglise ou les personnes
qu'elle mandate le discernement et la décision afin de ne jamais vouloir
rien d'autre que Dieu et que ce que Dieu veut.
Cette obéissance qui s'est souvent vécue autrefois dans un rapport individuel
avec un responsable, une supérieure, se vit maintenant, en ce qui concerne
l'essentiel, dans le partage, au coeur d'un groupe de révision de vie :
se laisser interpeller par des frères et des soeurs, réunis au nom de Jésus-
Christ, c'est vivre l'obéissance.
Il ne s'agit pas de démission du vouloir, au contraire, on veut garantir
la rectitude du vouloir; on ne démissionne pas. C'est cela qui s'appelle
"consacrer le vouloir", sacrifier le vouloir. Sacrifier ne veut pas dire
gommer de l'existence, cela ne veut pas dire "écraser" (comme on écrase
une mouche) sacrifier, c'est "sacrum facere", c'est rendre ce vouloir saint,
c'est-à-dire le faire coincider avec celui qui est le Saint. Vivre l'obéis
sance évangélique, c'est sacrifier, rendre saint son vouloir, en le confiant
à l'Egl ise, Corps de Jésus Christ, animée de l'Esprit de Jésus, afin que,
avec l'Eglise, représentée par ce petit groupe de révision de vie, ou par
cet ami ou cette amie avec qui je "revois" devant le Christ ma vie; une
telle démarche de foi et d'amour n'est pas faite du tout pour les adolescents
3 7 .
ou les adolescentes attardés mais ne peut être vraiment vécue que par des
gens adultes, assez maîtres d'eux-mêmes pour être capables de se donner.
N.B. Remarquez qu'on a dit "rechercher ce qu'il y a de meilleur pour Dieu",
plutôt que "la volonté de Dieu". En effet, l'expression "la volonté
de Dieu" pourrait avoir quelque chose d'un peu ambigu, comme si la
volonté de Dieu était inscrite quelque part, de toute éternité, en
"préfabriqué".
C'est remarquable d'ailleurs que dans ses Exercices, Saint Ignace
parle toujours de "ce qui est le meilleur" laissant pleinement à
l'homme, la responsabilité d'une recherche et d'une inventivité.
Dans vc re prière, tâchez surtout de "renouveler" ce que Jésus vous appelle
à vivre dans son Eglise et pour son Eglise.
Aujourd'hui notamment, la pauvreté est quelque chose de très important
et parfois on en prend à son aise, sous des prétextes de toutes sortes.
Il y a des gens qui ont fait voeu de pauvreté dans divers Instituts Séculiers
et qui vont deux fois par an en "vacances" ... Alors qu'il peut y avoir
de très bonnes vacances de pauvres. Il faut y faire attention.
Des gens qui ont fait voeu de pauvreté et mettent pas mal d'argent de côté.,
et dont le quotient de partage est faible.
Un grand malentendu règne à propos de l'Eglise, qu'on considère souvent
encore comme "riche". Alors, à travers nous, il est important que l'Eglise
retrouve un vrai visage de pauvreté. Que Jésus vous aide à voir clair.
6e conférence : VOEU DE CHASTETE PARFAITE ( = TOTALE)
Chasteté; "castus", en latin qui a donné notre mot français de caste; "castus"
cela dit pur, sans mélange.
En portugais "casta" désigne une race non mélangée, race restée pure.
Une caste c'est un milieu qui ne se mélange pas aux autres. Castus c'est
celui qui ne se mélange pas, qui reste à distance, qui reste séparé, qui
ne se laisse pas prendre par n'importe qui.
Il y a déjà la chasteté des gens mariés : il est à elle; elle est à lui.
La chasteté totale, c'est le fait de ceux qui ne veulent appartenir à personne
d'autre que Jésus Christ. Voilà pour 1 'Etymologie.
Notre voeu de chasteté est d'appartenir corps et âme à Jésus Christ, pour
le service de son Eglise et pour le service de sa Rédemption.
Chasteté ne dit pas du tout seulement séparation, mise à part, mais bien
appartenance à Jésus, pour le service de son Eglise. Ceci est particulière
ment flagrant pour vous qui avez fait ce voeu de chasteté en présence d'un
évêque.
3 8 .
Mous considérerons successivement les différentes motivations du voeu de
chasteté.
La première motivation, est le Royaume qui vient, le monde nouveau, le
monde de la résurrection qui est là.
La deuxième motivation qui approfondit considérablement la première, porte
référence à la Personne de Jésus.
1) La première motivation est donc celle du Royaume qui vient ,du monde
nouveau qui est là, du monde de la résurrection.
Pour réfléchir à cela, nous lirons ensemble un texte difficile, très
difficile : 1 Co 7, 23-33.
Ce texte est difficile, d'abord d'interprétation mais aussi de traduction.
Il donne lieu à des interprétations diverses. Nous donnerons celle
qui paraît rendre le meilleur compte de tout ce qu'il y a dans ce chapitre.
Quoi qu'il en soit de l'interprétation des détails, la substance profonde
est claire.
Ce texte est difficile aussi en raison de ce qu'on va lire des choses
assez choquantes, qui pourraient légitimer une réaction de rejet.
Lisons : "Pour ce qui est vierges (cela vise aussi bien les hommes que
les femmes, c-à-d ceux qui, lorsqu'ils sont devenus chrétiens, n'étaient
pas encore mariés), je n'ai pas d'ordre du Seigneur, mais je donne un
avis en homme qui,par la miséricorde du Seigneur, est digne de confiance.
J'estime donc qu'en raison de la détresse présente, c'est l'état qui
convient" . Paul parle en homme qui attend la fin du monde comme immi
nente. Paul parle en homme qui attend la fin du monde comme proche.
Par "la détresse présente" il faut comprendre la faillite du monde qui
ne passerait pas dans le Christ : "Sans Toi, notre vie tombe en ruines".
Tout ceci pour dire que si on s'enlise dans les valeurs non référées
à Jésus Christ, on rate sa vie.
Donc, en raison de la détresse présente, Saint Paul dit à la femme :
"ne cherche pas d'homme", il dit à l'homme : "ne cherche pas de femme".
S'il se marie, il ne pèche pas, et si elle se marie, elle ne pèche pas.
Mais, dit-il, ceux qui se sont mariés connaîtront des épreuves "pour
la chair". Mot à mot en grec, c'est : seront bouleversés, auront du
trouble pour la chair.
Que veut dire Saint Paul ? La chair c'est l'homme vu dans sa fragilité,
dans sa vulnérabilité. Il y aura l'épreuve du trouble ... du bouleverse
ment pour la fragilité de l'homme.
Saint Paul veut attirer l'attention sur le fait que pour les gens mariés,
il y a un tas de choses qui peuvent enliser, leur enlever la disponibilité
d'être entièrement voués à la recherche de Dieu, à l'édification du
monde nouveau etc...
39.
Ensuite 1 Co 7, 29 continue : "Je vous le dis, frères, le temps se fait
court". Le Grec dit : "le temps s'est reserré" ce mot, emprunté au
vocabulaire de la marine, évoque l'image d'une fin de voyage : on plie
les voiles, on rassemble les bagages, en vue du débarquement.
Donc "le temps se fait court". Reste donc que ceux qui ont femme vivent
comme s'ils n'en avaient pas". Ceci appelle une certaine sobriété non
seulement au point de vue sexuel mais aussi en ce qui concerne les autres
joies du mariage, parce que l'essentiel, l'unique chose qui importe,
c'est que Dieu soit tout en tous. "Ceux qui pleurent comme s'ils ne
pleuraient pas" en se disant que l'essentiel est encore sauf, parce
que l'essentiel c'est que Dieu soit avec nous, que Dieu soit en nous
et que Dieu soit Tout.
"Que ceux qui sont dans la joie ..." "comme s'ils n'étaient pas dans
la joie". Rappelez-vous cette parole de Jésus : "... réjouissez-vous,
non pas..., mais parce que votre nom est inscrit dans le ciel "Que ceux
qui achètent, soient comme s'ils ne possédaient pas" .
"Que ceux qui usent de ce monde, comme s'ils n'en usaient pas vérita
blement" . Il s'agit de ne pas user de manière goulue. "Car elle passe,
la figure de ce monde". Le mot "figure" peut se comprendre dans le
sens de décor de théâtre : clinquant, mais sans consistance.
Saint Paul relativise très fortement les réalités de cette vie ... lors
qu'elle est sans relation à Jésus, sans débouché sur Jésus.
Il ajoute "Je voudrais vous voir exempts de soucis". Rappelez-vous
ce que nous avons vu précédemment concernant le sens du mot "souci"
en Matthieu 6, ou bien en Philippiens 4, "Réjouissez-vous sans cesse...
que votre sérénité soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est
proche. N'entretenez aucun souci ..." Le mot comporte une idée de
préoccupation qui accapare, qui disperse et qui empêche d'être dispo
nible au Royaume qui vient, d'être une personne qui a souci des affaire
du Seigneur.
Comme célibataire, on peut par exemple plus facilement aller visiter
des malades contagieux ou prendre un risque pour lancer une action osée :
on n'engage que soi alors qu'un père de famille se doit d'abord, par
vocation, à sa femme et à ses enfants. Un célibataire a plus de liberté
pour être aux affaires du Seigneur, tandis que la personne mariée, si
son conjoint n'est pas d'accord ou réclame beaucoup de temps pour lui,
devra pour la paix du ménage, limiter ses engagements.
Plus loin, 1 Co 1_, 35 : "je dis cela dans votre propre intérêt", je
ne cherche pas à vous tromper. Paul est trop persuadé de l'importance
de la liberté des gens. "... mais pour vous porter à ce qui est digne
4 0 .
et qui attache sans partage au Seigneur" .
Qu'il y ait donc des gens mariés, mais qu'il y ait aussi des gens qui renoncent
au mariage pour être, sans tiraillements, calmement, entièrement consacrés...
à écouter le Seigneur qui est là, et à travailler avec lui aux tâches les
plus accaparantes du Royaume.
Ces propos paraissent choquants à beaucoup.
D'aucuns, pourtant, les accueilleront avec joie et se sentiront concernés :
"ne peuvent comprendre que ceux à qui c'est donné"... affirme Jésus (Mt 11).
A chacun sa voie.
2) Passons maintenant à un deuxième stade d'approfondissement.
Nous allons personnaliser ces propos par la relation à la Personne de Jésus.
Le Royaume en vue duquel on veut vivre dans la chasteté totale, ce Royaume
c'est Jésus, qui par un lien profond avec nous réalise l'Eglise, son Epouse.
Nous savons que, lorsque ce monde aura cessé, dans la vie éternelle il n'est
plus question de mariage : "on n'épouse pas et on n'est plus épousé",
Matthieu 22_, 30 "mais on est comme des anges de Dieu". Cela est à référer
au Psaume 33, 20 "Bénissez Yahvé tous ses anges attentifs à la puissance
de sa parole, attentifs à son plaisir".
Les anges sont totalement pris par le service de Dieu : au moindre signe,
à la moindre parole, au moindre désir de Dieu, ils s'élancent pour accomplir
sa volonté.
Dans la vie éternelle, nous serons comme des anges ... c'est-à-dire tout
à fait polarisés sur Dieu, tous nos agissements seront entièrement pris
par la référence à Dieu.
Cela ne veut pas dire que des époux qui se seront aimés ne s'aimeront plus...
ils bénéficieront au contraire d'une relation tout à fait exceptionnelle,
mais qui se vivra autrement. Ils seront encore époux, mais tout ce qu'ils
auront vécu d'amour en le Christ ensemble, les portera entièrement ensemble
vers Dieu, à Dieu.
C'est cela aimer comme les anges. Nous savons d'ailleurs que cette réalité
fondamentale, l'Eglise tout entière est appelée à la vivre, dès maintenant.
Quand Saint Paul dit dans 2 Co Y \, 2 "J'éprouve à votre égard une jalousie
divine, car je vous ai fiancés à un Epoux unique, comme une vierge pure à
présenter au Christ". C'est de la communauté Eglise que Paul parle ainsi.
Il ne dit pas cela seulement pour les vierges consacrées, il dit cela à toute
l 'Eglise.
Donc le mystère du "mariage" entre Jésus et son Eglise, c'est par toute la
communauté Eglise qu'il a à être vécu. Et ce mystère d'appartenance se vit
par les options évangéliques.
Rappelez-vous ce qui a été dit précédemment : la consécration fondamentale
de l'Eglise c'est par la foi qu'elle se vit, par les options de foi et par
la fidélité à Jésus.
Dans cette église, certains reçoivent la grâce, d'être particulièrement sen
sibles à ce mystère, "Eglise-Epouse de Jésus Christ" et ceux-là veulent vivre
dans leur coeur et dans leur chair cette appartenance de l'Eglise à son Epoux.
Cette mystique sponsale est toujours celle de l'Eglise. Une femme consacrée
aura tendance à se dire "épouse du Christ". Ce peut être légitime, à condition
que ce ne soit pas entendu en un sens trop individualiste, mais vécu dans
le cadre du mystère de l'Eglise, unique épouse du Christ.
Un homme ne sera pas, non plus, gêné d'avoir à vivre, à sa manière, ce mystère.
Sans doute ne parlera-t-il pas, à son propre sujet, d'épouse vouée à son
époux, mais plutôt du Christ voué à son Père et lui vouant, du même mouvement,
son Eglise. Il s'agira, néanmoins du même mystère.
D'ailleurs, Paul, le rude apôtre, ne dédaignait pas de se dire dans les douleurs
de l'enfantement (Gai. b_, 19), à propos de ses tourments pastoraux. L'image
n'était pas déplacée : elle exprimait la part qu'il prenait des souffrances
de l'Eglise, pour mettre au monde le peuple des enfants de Dieu.
Vivant cette appartenance à Jésus, nous voulons en être signe pour les autres,
signe de ce que l'Eglise est l'épouse de l'Agneau.
Vous connaissez ce beau texte de l'Apocalypse 2J_, "Puis je vis un ciel nouveau,
une terre nouvelle ... et je vis la Cité sainte ... qui descendait du ciel,
de chez Dieu, elle s'est faite belle ... parée pour son époux".
Remarquez qu'elle descend de chez Dieu. Si l'Eglise est ce qu'elle est,
ce n'est pas par son effort moral, c'est parce que Dieu le lui donne. Tout
cela est à vivre très humblement, très humblement ... parce que cette réalité
de 1'Eglise-Epouse, totalement vouée à Jésus Christ, est vécue et signifiée
aussi par les gens mariés.
Quand Saint Paul dans Ephésiens 5_, nous parle de Jésus qui a aimé l'Eglise
jusqu'à mourir pour elle, ... et de l'Eglise qui se soumet totalement à Jésus
Christ, il en parle à propos des gens mariés. Il dit : "que les femmes soient
soumises à leur mari, ... le mari est chef de sa femme, comme le Christ est
chef de l'Eglise ... Aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise".
Le mystère du Christ et de l'Eglise est aussi vécu dans la manière dont le
mari aime sa femme et dont la femme aime son mari. Donc si nous sommes signes
du mystère d'amour de Jésus et de son Eglise, les gens mariés en sont signes
aussi.
Leur dévouement, leur bonté, leur miséricorde pour leurs enfants sont à l'image
de Jésus Christ. C'est Jésus Christ qu'ils soignent et forment dans leurs
enfants (Mt 25, 40).
Si nous sommes signes pour eux, eux sont signes pour nous.
Tout ce que nous avons à vivre, il faut toujours le vivre, très humblement,
sans jamais nous prendre pour des exceptions superbes.
Prier pour réassumer ce voeu de virginité, pour le choisir à nouveau, pour
le renouveler. Non seulement en renouveler l'expression mais le renouveler
par une meilleure prise en charge.
Réassumer aussi, peut-être, le fait d'être signe de contradiction.
Vérifier aussi si nous ne nous enfermons pas dans un carcan d'idées, de prin
cipes qui sont peut-être sécurisants, mais qui ne sont plus le simple amour
de la personne de Jésus, ni 1'humhletendresse pour le peuple qu'il a racheté
de son sang. Voyons aussi si nous ne sommes pas prisonniers de la morosité.
Faire des voeux à 20 ans et puis ... disons, les refaire à 50 ans, ce n'est
pas pareil : nous avons quand même renoncé à des choses bien belles...
Le danger du désenchantement nous guette surtout quand nous constatons le
peu de fruits apparents qu'a portés notre consécration.
Mais, même si nous nous sentons un peu coupables, surtout ne perdons pas
courage mais demandons à Jésus d'avoir pitié de nous et de renouveler la
grâce de nos débuts. Il ne nous le refusera pas. Il n'est pas possible
que Jésus nous ait demandé une telle chose, sans nous en donner la force.
Nous pourrons aussi lui demander de nous éclairer sur ce qu'il nous demande
concrètement. Peut-être nous sommes-nous laissé prendre par l'un ou l'autre
"produit de remplacement". Que nous propose-t-il comme remède ? Ce peut
être de voir un prêtre, une autre soeur consacrée, un groupe de révision
de vie..., de reprendre avec courage l'oraison ... de puiser plus régulièrement
dans l'Ecriture, l'aliment nourricier de notre foi.
A ce propos, il convient d'être attentif à un éventuel excès de travail dont
nous sommes parfois complices, et qui nous enlève une suffisante liberté
d'esprit et de coeur, nous prive du recul nécessaire, pour revoir qui nous
sommes, ce que nous faisons, ce que Dieu nous demande, ce à quoi nous devons
nous attendre.
Il faut prendre le temps de respirer. Voyons si nous ne laissons pas dévorer
le temps dont nous aurions bien besoin^oit pour la prière, soit pour une
lecture profane ou religieuse, soit pour tout simplement un bon équilibre
4 3 .
de vie qui favorise notre lucidité humaine et évangélique. Des époux qui
n'ont plus le temps d'être un peu ensemble ne forment plus qu'un triste
ménage ...
Conclusion :
Quoi qu'il en soit, quoi que nous fassions, que tout se fasse sur un fond
d'actions de grâces. Comme dit Saint Paul dans Philippiens 4_, 4 "Réjouissez-
vous sans cesse, dans le Seigneur, je vous le dis, réjouissez-vous, que votre
sérénité soit connue de tous les hommes" Pourquoi ?
"Le Seigneur est proche" il est toujours là. "N'entretenez aucun souci,
mais en tout besoin, recourez à l'oraison et à la prière, pénétrés d'actions
de grâces..."