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MASTER 2 DROIT DE LA CONSOMMATION ET DE LA CONCURRENCE CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE UNIVERSITE DE MONTPELLIER I LA CONCURRENCE DANS LE SECTEUR DE LA DISTRIBUTION DES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES Par Sarah LAASSIR Sous la direction de Jalila Bachri, Doctorante du Centre de Droit de la consommation et du marché, Université Montpellier I. Année universitaire 2013-2014

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MASTER 2 DROIT DE LA CONSOMMATION ET DE LA CONCURRENCE

CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE

UNIVERSITE DE MONTPELLIER I

LA CONCURRENCE DANS LE SECTEUR

DE LA DISTRIBUTION DES MÉDICAMENTS

GÉNÉRIQUES

Par Sarah LAASSIR

Sous la direction de Jalila Bachri,

Doctorante du Centre de Droit de la consommation et du marché,

Université Montpellier I.

Année universitaire 2013-2014

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♦ Je tiens à adresser mes remerciements à : Monsieur Malo Depincé, Directeur Master 2 Droit de la Consommation et de la Concurrence, Maître de Conférences de l’Université Montpellier I, Monsieur le Professeur Daniel Mainguy, Directeur du Master 2 Droit Privé Économique, Professeur de l’Université Montpellier I, Mademoiselle Jalila Bachri , Doctorante du Centre de Droit de la consommation et du marché, Université Montpellier I, L’ensemble de l’équipe pédagogique du Centre du Droit de la Consommation et du Marché de l’Université de Droit de Montpellier I.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

PARTIE 1 : LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DES MÉDICAMENTS

GÉNÉRIQUES

Titre 1 : L’accès des génériques au marché

Chapitre 1 : L’évolution de la définition du médicament générique

Chapitre 2 : Le droit au service du développement de la distribution de génériques

Titre 2 : Les marchés pertinents des médicaments génériques

Chapitre 1 : La délimitation des marchés

Chapitre 2 : Les différentes méthodes de délimitation

PARTIE 2 : LA DISTRIBUTION DES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES ET SES

EFFETS

Titre 1 : Les stratégies agressives misent en place par les laboratoires

Chapitre 1 : Les ententes

Chapitre 2 : les abus de position dominante

Titre 2 : Le consommateur de soin avertie

Chapitre 1 : La publicité des médicaments génériques

Chapitre 2 : Vers une évolution de la distribution des médicaments, après l’essor des

médicaments génériques: le développement de l’auto médication

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE – TABLE DES MATIÈRES

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TABLE DES ABRÉVIATIONS Al. Alinéa

AJDA Actualité juridique droit administratif

AMM Autorisation de mise sur le marché

ANSM Agence nationale du médicament et des produit de santé

ASMR Amélioration du service médical rendu

Art. Article

Aut. conc. Autorité de la

ATC Classification anatomique thérapeutique et chimique

BOCCRF Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des

fraudes

CCP Certificat complémentaire de protection

CE Communauté européenne

CEPS Comité économique des produits de santé

ch. chambre

chron. Chronique

CJCE Cour de justice des communautés européennes

coll. collection

Cons. conc. Conseil de la concurrence

Contrats, conc. cons. Contrats concurrence consommation

CSP Code de santé publique

CSS Code de sécurité sociale

D. Recueil Dalloz

Gaz. Pal. Gazette du

J.O. Journal officiel de la République française

LPA Les Petites affiches not. notamment obs. observations

OMS Organisation mondiale de la santé

RDC Revue des contrats

Réf Référence

RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires

RLC Revue Lamy de la concurrence

RLDA Revue Lamy de droit des affaires

SMR Service Médicale rendu

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INTRODUCTION

De plus en plus préoccupés par l'explosion de leurs dépenses de santé, la plupart des

États se sont lancés dans une vaste promotion des médicaments génériques, car ils ont

bien compris qu’en terme de baisse de prix, la concurrence est une bonne chose. Plus de

concurrence dans la distribution des médicaments permet de dynamiser l’innovation.

En France, à partir de 1997, le taux d’utilisation des médicaments génériques a

augmenté spontanément. Cela s’explique notamment pas la tombée dans le domaine

public de produits phares comme certains antibiotiques et antidépresseurs.

Dans un contexte de nécessaire rationalisation des dépenses de santé, pour

promouvoir un accès égal aux meilleurs traitements et à l’innovation thérapeutique, le

médicament générique apparaît comme une réponse. Il devient un enjeu majeur de

l’évolution du système de santé.

Le but des autorités était de permettre l’accès aux consommateurs à des produits sûrs,

innovants et peu couteux. Le développement des produits génériques ne doit pas faire

oublier qu’ils sont, avant tout, des produits de santé au service du patient.

Du fait des monopoles que confèrent les brevets, le secteur du médicament ne

connaissait que peu de concurrence sur les prix. Il a fallu introduire une concurrence par

les prix afin de permettre de combler le déficit de l’Assurance maladie. Les médicaments

génériques représentent l'un des moyens les plus remarqués mis en place par les pouvoirs

publics afin de diminuer les dépenses pharmaceutiques.

Les génériques sont des copies de spécialités pharmaceutiques dont les droits de

propriété industrielle sont arrivés à expiration. Ces produits ne nécessitent pas des

recherches aussi importantes que les spécialités innovantes. Ils peuvent être mis sur le

marché à moindre coût et représentent, en première approche, une source d'économie

pour l'État qui doit rembourser les patients.

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A cet effet, la réglementation a du être favorable au développement de la distribution

des génériques.

Cette volonté de mettre en avant les génériques n’a pas été sans conséquence : cela a

généré une baisse considérable de chiffre d’affaires pour les laboratoires princeps. En

réponse, les industriels ont adopté des stratégies agressives sur les marchés du

médicament afin de retarder la commercialisation des génériques. Cela a pour

conséquence de bloquer l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché. En effet, il est

légitime que les laboratoires princeps défendent leurs droits de propriété intellectuelle

ainsi que la qualité de leurs spécialités de référence, mais ils doivent s'abstenir d'abuser

de ce droit dans le but d'empêcher les médicaments génériques de pénétrer le marché. Ce

type de comportements représente un cas de pratique anticoncurrentielle que le droit de la

concurrence va sanctionner.

La question que nous nous sommes posés est comment s’est développée la

concurrence liée à la mise sur le marché des médicaments génériques.

Afin de favoriser l’essor des médicaments génériques, les règles du droit de la

concurrence vont contribuer au maintien d’une concurrence saine sur le marché des

médicaments génériques (Partie 1) et cela au bénéfice du consommateur final des

médicaments (Partie 2).

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PARTIE 1 : LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION

DES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES

L’arrivée des génériques sur le marché est considérée comme un des principaux

moyens pour entraîner des baisses de prix dans les médicaments.

La France est un des pays qui consomme le plus de médicaments1. L’état a dû

avantager la distribution des médicaments génériques afin de combler le déficit de

l’assurance maladie.

Au delà du monopole que confère le brevet, le médicament princeps, de part sa

marque et sa notoriété, conserve un avantage compétitif par rapport aux génériques. En

effet, les patients ont des habitudes de consommation et les médecins ont des habitudes

de prescription. A son entrée sur le marché, le médicament générique part donc avec un

handicap.

Cela a été relevé dans la décision Lilly France2 du Conseil de la concurrence, au sujet

de la Vancomycine qui bénéficiait d’une grande notoriété même après l’expiration de son

brevet.

Cette ouverture du marché a été réalisée progressivement grâce à diverses mesures

législatives et réglementaires favorisant l’essor des génériques et s’inscrit dans une

approche que l’on peut qualifier de « discrimination positive »3 (Titre 1).

De plus, afin d’effectuer des contrôles concurrentiels, la délimitation des marchés

susceptibles d’être affectés par des comportements anticoncurrentiels est nécessaire et

doit être appropriée aux spécificités du secteur pharmaceutique (Titre 2).

1 En 2013 la consommation de médicaments en France atteint 26,8 milliards d'euros au total (contre 27,2 milliards en 2012), précise l'édition 2013 du rapport d'analyse des ventes de médicaments en France réalisé par l'ANSM. 2 Décision n°96-D-12 du 5 mars 1996 relative aux pratiques mises en œuvre par Lilly France dans le secteur des spécialités pharmaceutiques destinées aux hôpitaux. 3 Ref : O. Fréget et F. Herrenschmidt « La restauration des chances dans la concurrence entre princeps et générique » Concurrence, santé publique et innovation ; LGDJ p.391.

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TITRE 1 : L’ACCÈS DES GÉNÉRIQUES AU MARCHÉ

L’accès des médicaments génériques au marché s’est progressivement réalisé grâce à

diverses mesures législatives et réglementaires favorisant leur essor (Chapitre 1), ce qui a

permis d’accélérer les procédures permettant leur commercialisation et donc leur arrivée

sur le marché (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : L’évolution de la définition du médicament générique

Après avoir été posé (Section 1), le cadre réglementaire des médicaments génériques

a été interprété par le juge national et par le juge communautaire de façon à faciliter leur

accès au marché (Section 2).

Section 1 : L’évolution légale

Au regard du droit des brevets, le terme « médicament générique » désigne la copie

d’un médicament princeps (princeps signifiant le premier en latin) dont le brevet et le

CCP4 sont tombés dans le domaine public.

Une première définition a été proposée par la Commission de la concurrence dans un

avis du 21 mai 19815 : « On entend par médicament générique toute copie d'un

médicament original dont la protection et la commercialisation sont rendues possibles

notamment par la chute des brevets dans le domaine public, une fois écoulée la période

légale de protection ; peuvent être considérés comme générique aussi bien des

médicaments vendus sous nom de marque ou appellation de fantaisie que des

médicaments vendus sous leur dénomination scientifique usuelle ou sous la dénomination

commune internationale du ou des principes actifs qu'ils renferment, dénomination qui

doit être assortie d'une marque ou du nom du fabricant ».

4 CCP Certificat complémentaire de protection 5 Avis du 21 mai 1981, relatif à des pratiques concertées de pharmaciens d'officine pour s'opposer à la commercialisation de médicaments génériques, B.O.C.C.R.F. n° 13, 17 juillet 1981, p. 191

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Le 24 avril 1996, l’ordonnance6, relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de

soins, a introduit en droit français, dans son article 23, la première définition technique

légale des médicaments génériques : « on entend par spécialité générique d’une autre

spécialité une spécialité qui a la même composition qualitative et quantitative en

principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la

spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées ».

Une définition de la spécialité générique est donc donnée par l'article L. 5121-1-5° du

code de la santé publique transposant l'article 10.2 de la directive européenne n° 2001/83:

« On entend par spécialité générique d'une autre spécialité celle qui a la même

composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme

pharmaceutique, et dont la bioéquivalence a été démontrée par des études appropriées

de biodisponibilité, les mêmes formes pharmaceutiques orales à libération immédiate

sont considérées comme une même forme pharmaceutique ».

Cette définition a été légèrement modifiée, par la loi du 23 décembre 19987 du

financement de la sécurité sociale pour 1999, qui intègre désormais des dispositions

relatives au droit de la propriété intellectuelle. La notion de spécialité de référence est

introduite et on entend par « spécialité générique d'une spécialité de référence, celle qui

a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme

pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée

par des études de biodisponibilité appropriées ». De plus, elle prévoit que celle ci

constitue avec ses génériques, un groupe générique, qui est « le regroupement d'une

spécialité de référence et des spécialités qui en sont génériques ».

Un médicament générique contient donc le même principe actif, dans les mêmes

quantités, que le médicament princeps, ainsi que la même forme pharmaceutique.

De plus, la bioéquivalence, c’est-à-dire l'équivalence des biodisponibilités, entre

princeps et générique devra être démontrée par le laboratoire générique. 6 Ordonnance n° 96-345, 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, JO. 25 avril 1996, p. 6311 7 Loi n° 98-1194, 23 décembre 1998, de financement de la sécurité sociale pour 1999, op. cit. J.O. 27 décembre n° 300, page 19646.

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La biodisponibilité est « la vitesse et l'intensité de l'absorption dans l'organisme, à

partir d'une forme pharmaceutique, de la substance active ou de sa fraction

thérapeutique destiné à devenir disponible au niveau des sites d'action »8. En d’autres

termes, l’effet thérapeutique du médicament générique doit être identique à celui de la

spécialité de référence.

Finalement, ce qui différencie les médicaments génériques des médicaments princeps

sont les autres composants, dits excipients. Ils peuvent varier entre princeps et générique.

Ce sont «des substances sans activité pharmacologique qui sont incorporées au

médicament afin de faciliter sa mise en forme. Ils peuvent jouer un rôle dans l’absorption

du médicament, sa stabilité et son acceptabilité (couleur, goût, consistance) »9. Ils ne

remettent donc en cause ni la biodisponibilité, ni l’efficacité thérapeutique du

médicament générique.

Par ailleurs, la loi du 20 décembre 200210 crée les groupes génériques sans spécialité

de référence.

Et la loi du 13 aout 2004, qui transpose l’article 10, paragraphe 2 b de la directive no

2004/27/CE relative à l’assurance maladie a, quant à elle, ajouté à la définition de

générique la phrase suivante « et les différents sels, esters, éthers, isomères, mélanges

d’isomères, complexes ou dérivés d’un principe actif sont considérés comme un même

principe actif, sauf s’ils présentent des propriétés sensiblement différentes au regard de

la sécurité ou de l’efficacité ». Le législateur a précisé qu’elle visait à « limiter les

pratiques des laboratoires consistant à commercialiser des dérivés chimiques de leurs

principes actifs afin de conserver leurs parts de marché au moment de l’expiration de

leur brevet ».

La réglementation des médicaments génériques est évolutive et complexe car le

législateur a du prendre en compte des intérêts opposés : les intérêts des laboratoires

innovants qui veulent garder leurs parts de marché, les intérêts des laboratoires

8 Article L. 5121-1 du code de la santé publique. 9 ANSM, « Les médicaments génériques : des médicaments à part entière », Rapport, décembre 2012, p.14. 10 Loi n° 2002-1487, 20 décembre 2002, J.O. 24 décembre, page 21482

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génériqueurs et enfin les intérêts de l’État qui favorise le développement des

médicaments à faible prix.

La jurisprudence et, en particulier, le droit communautaire ont eu de l’influence sur la

définition des médicaments génériques, ce qui a progressivement étendu son champ

d’application, afin de faciliter l’accès au marché des laboratoires producteurs de

génériques.

Section 2 : L’évolution jurisprudentielle

La Cour de justice des Communautés européennes a développé une jurisprudence

abondante pour faciliter l’accès des médicaments génériques au territoire européen. Il en

ressort que la CJCE a toujours privilégié une définition extensive des génériques afin de

favoriser un marché unique.

La définition extensive du médicament générique repose sur le concept de similarité

essentielle. Celui-ci n'est pas explicitement défini dans les dispositions communautaires,

mais il fait l'objet d'une interprétation de la CJCE dans son arrêt Generics11.

Dans cet arrêt, la Cour a défini la notion de similarité essentielle. Une spécialité

pharmaceutique est essentiellement similaire à une autre lorsqu'elle satisfait aux critères

de l'identité de la composition qualitative et quantitative en principe actif, de l'identité de

la forme pharmaceutique et de la bioéquivalence.

Cependant, il ne faut pas qu'elle présente des différences significatives par rapport à

la spécialité originale en ce qui concerne la sécurité ou l'efficacité12.

En effet, cela se justifie par l’exigence de sauvegarde de la santé publique. Comme la

Cour l'a relevé, « il n'est pas exclu qu'une spécialité pharmaceutique, même si elle

satisfait aux trois critères énoncés, puisse engendrer des problèmes de sécurité liés aux

excipients qu'elle contient, car l'obligation d'identité porte sur le principe actif mais non 11 CJCE, 3 décembre 1998, Generics (UK) e.a., aff. C-368/96, Rec. CJCE, P.I- 7967. 12 Aff. Generics préc., points 36 et 37.

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sur les excipients, définis comme tout composant inactif ajouté à la formulation

galénique d'un produit pharmaceutique ».

Car comme on la vu précédemment, les excipients sont des substances sans activité

thérapeutique, servant d’enrobage au médicament, afin de faciliter la préparation, la

conservation ou l’administration. Dès lors, un générique peut contenir des excipients

différents de la spécialité de référence et parfois la présence d’excipients différents peut

requérir des précautions d'emploi à l’égard de certaines catégories de patients.

La jurisprudence Generics de la Cour a permis de définir l’exigence de similarité

essentielle autour de trois critères que sont l’identité de principe actif, l’identité de forme

pharmaceutique et la bioéquivalence.

Cet arrêt a permis un développement important du marché des génériques, ce qui va

amener la CJCE à développer une jurisprudence abondante et faciliter l’accès au marché

des médicaments génériques.

A titre d’exemple, concernant l’identité de forme pharmaceutique, la Cour en a retenu

une conception large dans son arrêt du 29 avril 200413.

Il convient de tenir compte de la forme sous laquelle le médicament est présenté et de

la forme sous laquelle il est administré : « Des médicaments qui se présentent sous la

forme d'une solution destinée à être diluée dans une boisson en vue de l'administration

au patient et qui, après dilution, forment respectivement une macroémulsion, une

microémulsion et une nanodispersion, sont à considérer comme ayant la même forme

pharmaceutique, à condition que les différences quant à la forme d'administration

n'apparaissent pas significatives d'un point de vue scientifique ».

Par la suite, la Cour va poser la définition du principe actif en jugeant préférable

de se fonder sur l’action thérapeutique plutôt que sur la structure moléculaire précise des

composants actifs. En effet, dans son arrêt du 20 janvier 2005, elle autorise que deux

médicaments puissent être considéré comme similaires, même si leurs substances actives 13CJCE, 29 avril 2004, The Queen on the Application of Novartis Pharmaceuticals UK Ltd, contre The Licensing Authority established by the Medicines Act 1968, aff. C-106/01.

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sont associées à des sels différents. Cela ne déroge pas pour autant au principe d'identité

de substance active. Cette interprétation de la Cour constitue un avantage majeur pour les

laboratoires de génériques et souligne l’objectif de simplification de mise sur le marché

des génériques par les autorités communautaires.

C’est à partir de ces importantes décisions jurisprudentielles et ces importantes

évolutions réglementaires que le raisonnement technique a pu se concentrer sur le résultat

in vivo pour déterminer la qualité de générique plutôt que sur la forme galénique

d’administration.

Il en ressort, que l’établissement d’une définition extensive et large des médicaments

génériques a permis d’introduire une nouvelle concurrence par les prix sur le marché des

médicaments.

En effet, des mesures d’incitation existent à tous les niveaux, afin d’accélérer

l’arrivée sur le marché des génériques, faciliter leur commercialisation et solliciter les

pharmaciens à les distribuer.

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CHAPITRE 2 : Le droit au service du développement

de la distribution de génériques

Le marché du médicament générique en France a été très modeste jusqu’à la fin des

années 90. Mais, depuis la publication, en 1998, d’un Répertoire des groupes génériques

par l’Agence Nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, l’octroi du

droit de substitution aux pharmaciens et la levée des obstacles juridiques, puis

économiques, la part de marché des médicaments génériques augmente pour atteindre

environ 24 % du marché en quantité et un peu plus de 10 % en valeur. Ce résultat est

toutefois loin de celui atteint par d’autres pays.

Les médicaments génériques doivent obtenir une autorisation de mise sur le marché

(section 1), ce qui est une étape nécessaire à la commercialisation (section2) et qui

confère aux pharmaciens un droit de substitution (section 3).

Section 1 : Des procédures d’autorisation de mise sur le marché favorable

Des procédures allégées sont prévues, au niveau communautaire, pour les

médicaments génériques. Cette simplification porte principalement sur le fait que les

autorités de santé ne tranchent pas les questions liées à la protection des brevets

lorsqu’une demande d’AMM portant sur un médicament générique est déposée. En effet,

une AMM peut être octroyée, quand bien même le médicament princeps serait encore

protégé par un brevet. Il appartiendra alors au laboratoire princeps de poursuivre le

laboratoire générique en contrefaçon si ce dernier venait à commercialiser le médicament

avant l’expiration du brevet.

Les génériques sont dispensés de test précliniques et les essais cliniques

habituellement requis avant toute mise sur le marché d’un nouveau produit

pharmaceutique peuvent être remplacés par de simples études de bioéquivalence. Cela

représente un véritable gain de temps.

Normalement, en vue d’obtenir une autorisation de mise sur le marché, il faut fournir

à l’autorité compétente un dossier complet renfermant les résultats des essais

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pharmacologiques et toxicologiques. Pour ne pas avoir à fournir ce dossier, le demandeur

de l’autorisation de mise sur le marché doit démontrer que14:

- que sa spécialité est similaire à un produit autorisé dans le pays concerné par la

demande et que le responsable de la mise sur le marché de la spécialité princeps a

consenti à ce qu'il soit fait recours à la documentation figurant au dossier de celle-ci ;

- que les composants de sa spécialité sont d'un usage médical bien établi et présentent

une efficacité reconnue ainsi qu'un niveau acceptable de sécurité ;

- que sa spécialité est essentiellement similaire à un produit autorisé depuis au moins

six ans dans la Communauté et commercialisé dans l'État membre concerné par la

demande.

Pour pouvoir bénéficier de la procédure abrégée, les médicaments génériques doivent

se référer à des médicaments princeps autorisés depuis au moins huit ans dans la

Communauté, étant précisé que ces génériques ne peuvent être commercialisés avant le

terme de dix ans suivant l'autorisation initiale du médicament de référence.

Les demandes d’AMM portant sur des médicaments génériques comprendront un

dossier biopharmaceutique ou de bioéquivalence, destiné à démontrer la bioéquivalence

entre le médicament princeps et le médicament générique.

Concernant cette procédure abrégée, la CJCE a apporté de nombreux

assouplissements. Elle a ainsi précisé qu'il n'était pas nécessaire pour bénéficier de la

procédure abrégée que le médicament de référence soit commercialisé dans l'État

membre concerné : le fait qu'il y soit autorisé est suffisant15 .

Il est également possible d'utiliser des données d'une AMM qui n'est plus en vigueur

au moment de la demande d'AMM avec la procédure abrégée16 .

De plus, une partie de la jurisprudence s'est attachée à la problématique des

extensions de gamme.

14 Ref : Éric Fouassier et Hélène van Denbrink, Petites affiches, 28 août 2006 n° 171, P. 6

15 CJCE, 16 octobre 2003, Astra Zeneca A/S c/ Laegemiddelstryrelsen, aff. C-223/01. 16 Aff. op. cit., et dir. no 2004/27/CE, art. 10.1.

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En effet, dans son arrêt Novartis du 29 avril 2004, la Cour a répondu par l'affirmative

à la question de savoir si une AMM pouvait être octroyée par la procédure abrégée à des

médicaments génériques dont le produit princeps correspondant, autorisé depuis moins

de dix ans, était une extension de gamme d'une spécialité autorisée depuis plus de dix

ans.

La Cour a ainsi clairement privilégié la solution d'une protection unique des données

de l'AMM en refusant une protection spécifique indépendante pour les extensions de

gamme. Cette position avait déjà été retenue par la Cour dans son arrêt Generics dans

lequel elle énonçait qu'« une spécialité générique pharmaceutique, essentiellement

similaire autorisée depuis au moins six ans dans la Communauté européenne et

commercialisé dans l'État membre concerné par la demande peut être autorisée selon la

procédure abrégée pour toutes les indications thérapeutiques déjà autorisées pour ledit

produit (...) pour toutes les formes de dosages, de doses ou les posologies déjà autorisées

pour ledit produit ».

Mais, certaines incertitudes étaient apparues en France suite à une décision statuant

en sens contraire du Conseil d'État, en jugeant que compte tenu de la différence de

dosage des deux médicaments (1g et 3,5 g), les deux spécialités ne pouvaient être

regardées comme essentiellement similaires. Retenant une conception restrictive de la

procédure abrégée, la solution du Conseil d'État revenait à protéger chaque AMM

pendant une durée de dix ans, y compris en cas de simple extension de gamme17. Le

Conseil d'État a depuis modifié sa jurisprudence en conséquence autorisant la délivrance

d'AMM allégées pour les médicaments génériques dont le produit princeps est une

extension de gamme d'une spécialité tombée dans le domaine public18.

La CJCE continue sur sa logique pro-générique. Dans son arrêt du 20 janvier 2005,

elle considère que deux produits peuvent être essentiellement similaires lorsqu'ils ont la

17 CE, 26 novembre 2001, Laboratoires Negora c/ AFSSAPS, req. nos 233787 et 233788. 18 CE, 29 décembre 2004, Société Laboratoire Glaxosmithkline, req. no 259093 : «Il résulte de l'interprétation retenue par la Cour de justice des Communautés européennes dans un arrêt C-368/96 du 3 décembre 1998 (...) que la procédure abrégée (...) est applicable à une demande d'autorisation de mise sur le marché sollicitée pour un médicament qui est un générique d'une spécialité autorisée depuis moins de dix ans, dès lors que cette spécialité constitue une extension de gamme d'une spécialité autorisée depuis plus de dix ans dont elle peut différer par le dosage, la forme pharmaceutique ou les indications thérapeutiques qu'elle vise à traiter».

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même partie thérapeutiquement active tout en prenant la forme de sels différents.

Cette décision paraît logique car si différentes formes de sels ayant la même partie

thérapeutiquement active ne pouvaient jamais être considérées comme essentiellement

similaires, cela empêcherait l’accès au marché des médicaments génériques. En effet, les

entreprises pharmaceutiques pourraient ainsi prolonger la période d'exclusivité dont elles

bénéficient en retirant du marché un produit peu de temps avant l'expiration de cette

période et en lançant une autre version du produit ayant le même principe actif mais sous

la forme d'un sel différent.

La directive no 2004/27/CE19 intègre désormais la jurisprudence de la CJCE et

dispose qu'une AMM ainsi que toutes les AMM subséquentes qui en constituent une

modification ou extension devront être considérées comme faisant partie d'une même

autorisation globale .

La délivrance d’AMM est par ailleurs un acte administratif susceptible de recours

devant les juridictions administratives. À cet égard, les laboratoires génériques ont

l’obligation d’informer le laboratoire princeps de leur dépôt de demande d’AMM20.

Certains laboratoires princeps peuvent alors utiliser cette information pour entamer

des actions en référé pour « atteinte imminente » aux droits de la propriété intellectuelle

(procédure introduite par la loi sur la contrefaçon), contre ces laboratoires génériques.

Ainsi, le droit communautaire montre sa volonté de poursuivre et de soutenir la

réalisation du marché unique. De plus, en matière de médicaments génériques, l'évolution

apparaît grandement favorable aux génériqueurs. Il faut cependant se demander si cette

acceptation très large de l'identité de principe actif, n'est pas susceptible de comporter des

risques en termes de sécurité pour la santé des patients.

19 Directive 2004/27/CE du 31 mars 2004 modifiant la directive 2001/83/CE instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. 20 Article L. 5121-10 du code de la santé publique

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19

Section 2 : L’autorisation de mise sur le marché suivie par la commercialisation des

médicaments génériques

Lorsqu’un médicament générique a obtenu son AMM, il lui reste deux étapes à

franchir pour pouvoir être distribué sur le marché. Il doit obtenir son remboursement par

l'assurance maladie (§1), et être inscrit au répertoire des médicaments génériques (§2),

condition indispensable pour pouvoir faire l'objet d'une substitution par les pharmaciens

d'officine (§3).

§1 : L’obtention du remboursement par l’assurance maladie

Les laboratoires génériques sont dispensés des négociations tarifaires avec le Comité

Économique des Produits de Santé (CEPS).

Selon les articles L. 162-16 et suivant du Code de la sécurité sociale, aucune

spécialité pharmaceutique ne peut être prise en charge ou donner lieu à remboursement

par l'assurance maladie si elle ne figure sur la liste des médicaments remboursables.

De plus, l’article R. 163-4 du même Code précise, que cette inscription est établie par

arrêté conjoint des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale, après avis de la

commission de transparence.

Les médicaments remboursables sont inscrits sur cette liste à la vue de l'appréciation

du service médical rendu21 (SMR) qu'ils apportent22 et en théorie, seuls les médicaments

qui apportent une amélioration du service médical rendu23 (ASMR) ou des économies

dans le coût du traitement peuvent faire l’objet d’un remboursement par l’Assurance

maladie.

21 Le SMR est un critère qui prend en compte plusieurs aspects : d’une part la gravité de la pathologie pour laquelle le médicament est indiqué ; d’autre part des données propres au médicament lui-même dans une indication donnée. Le SMR d’un médicament est mesuré à un moment donné. Il peut évoluer dans le temps et son évaluation se modifier, notamment lorsque des données nouvelles sur lesquelles son appréciation se fonde sont produites, ou lorsque des alternatives plus efficaces apparaissent. 22 Depuis le décret no 99-915 du 27 octobre 1999. 23 L’ASMR correspond au progrès thérapeutique apporté par un médicament.

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20

Tout laboratoire qui souhaite voir son médicament inscrit sur la liste des

médicaments remboursables doit constituer un dossier, qui sera soumis à la Commission

de transparence, laquelle donne son avis sur l’inscription, le renouvellement ou la

radiation des médicaments inscrits sur la liste des médicaments remboursables, puis au

Comité économique des produits de santé (CEPS) qui fixe le prix de la spécialité en

tenant compte de l’ASMR.

Les spécialités génériques des spécialités de référence appartenant aux mêmes

groupes génériques sont présumées remplir la condition de service médical rendu lorsque

les spécialités de référence figurent sur la liste des médicaments remboursables.

Par conséquent, et en application de l'article R. 163-4 du Code de la sécurité sociale,

l'inscription et le renouvellement d'inscription des médicaments génériques sur cette liste,

ainsi que les modifications des conditions d'inscription, sont prononcés sans avis de la

commission de transparence.

Il était commun de considérer que seule l'inscription au répertoire permettait

d'identifier un médicament générique. Or, c'est en partie cette ambiguïté qui a donné lieu

à un important arrêt du Conseil d'État, Lilly France, le 23 octobre 200224.

En l'espèce, lors de l'enregistrement de la requête, le 22 mars 2001, la spécialité

princeps à base de fluoxétine, commercialisée sous le nom de marque « Prozac », était

encore protégée par un certificat complémentaire de protection au moment de

l'inscription de spécialités génériques (les fluoxétines Ratiopharm, Biogaran, GNR-

Pharma, Irex) sur la liste des spécialités remboursables et sur la liste des médicaments

agréés aux collectivités (Fluoxétine Merk). Aussi, le Conseil d'État a-t-il été invité à se

prononcer sur de nombreux points ayant trait au remboursement et aux droits de propriété

intellectuelle.

Un premier moyen, de légalité externe, reposait sur le défaut de consultation de la

commission de transparence préalablement à l'inscription des génériques sur la liste. La

société Eli Lilly estimait, en effet, que la qualification de spécialité générique impliquait

24 CE, 23 octobre 2002, Lilly France, req. no 231668.

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21

que lesdites spécialités « figurent au répertoire » et qu'en l'absence d'une telle inscription,

le remboursement ne pouvait être octroyé qu'après une procédure complète avec examen

du service médical rendu par la commission de transparence.

Dans son arrêt, le Conseil d'État rejetait les critiques de la société Eli Lilly, au motif

que la qualité de « spécialité générique » pouvait être retenue avant qu'il n'y ait

inscription au répertoire précité. Il considérait que l'autorisation de mise sur le marché

identifiait un médicament comme générique et permettait, par conséquent, l'exonération

du passage en commission de transparence préalablement à son inscription sur la liste des

spécialités remboursables et/ou agréées aux collectivités.

Un deuxième moyen, de légalité interne, reposait sur la non-justification d'un taux de

remboursement pour le générique identique au princeps. Il était, en effet, reproché à

l'arrêté d'inscription sur la liste de spécialités remboursables d'avoir retenu un même taux

de remboursement pour le médicament générique, alors qu'il n'était pas inscrit au

répertoire et qu'il n'apportait aucune amélioration du service médical rendu par rapport à

la spécialité de référence.

Le Conseil d'État ayant préalablement considéré que la qualification de générique est

reconnue au moment de l'autorisation de mise sur le marché, se posait uniquement la

question du taux de remboursement. Rappelons que, selon l'article R. 163-3 du Code de

la sécurité sociale « les spécialités génériques appartenant aux mêmes groupes

génériques que les spécialités de référence inscrites sur la liste des spécialités

remboursables sont présumées remplir la condition du service médical rendu ».

Il semble donc logique d'attribuer un taux de remboursement pour le médicament

générique identique au princeps. Et en l'occurrence, c'est cette solution qui a été retenue

par le Conseil d'État. Certes, il n'y avait pas d'amélioration du service médical rendu,

mais ce dernier critère n'induit en aucun cas une baisse du taux de remboursement,

puisque, seul est pris en considération le service médical rendu.

Restait un troisième moyen fondé sur l'atteinte aux droits de propriété intellectuelle

de la spécialité princeps par la décision de l'administration d'inscrire les médicaments

génériques sur la liste des spécialités remboursables. Il convient de rappeler qu'à l'époque

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22

des faits, la spécialité était encore protégée par un certificat complémentaire de

protection. Or au titre de l'article L. 613-3 du Code de la propriété intellectuelle « Sont

interdites, à défaut du consentement du propriétaire du brevet : la fabrication, l'offre, la

mise dans le commerce, l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins

précitées du produit objet du brevet ». En conséquence, l'inscription sur la liste des

spécialités remboursables aurait pu être assimilée à un acte de contrefaçon.

Les juridictions judiciaires avaient déjà été saisies de cette question et considéraient

que, comme l'octroi d'une AMM, l'inscription sur la liste des spécialités remboursables

n'est pas un acte de contrefaçon dans la mesure où elle n'équivaut pas à une autorisation

de commercialisation. L'arrêt du Conseil d'État a apporté une réponse identique puisqu'il

en ressort que l'inscription sur la liste des spécialités remboursables n'a pas pour effet

d'autoriser la commercialisation du médicament et n'emporte aucune conséquence directe

sur l'offre ou la vente du médicament.

Cette solution dégagée par le Conseil d'État a eu pour conséquence de permettre

l'inscription des médicaments génériques sur la liste des spécialités remboursables, alors

même que la spécialité princeps est encore protégée par un certificat complémentaire de

protection.

Là encore le fait pour le laboratoire générique de voir son prix de vente accepté dans

ses propres conditions constitue bien un avantage car il permet d’éviter tout le processus

de négociation du prix de vente. Cela permet également la duplication du coût des

démarches administratives.

§2 : L’inscription au répertoire

En France, outre la délivrance d’une AMM, les médicaments génériques doivent faire

l’objet d’une inscription au répertoire des médicaments génériques.

Ce répertoire comprend l’ensemble des médicaments substituables autorisés en

France, les présentant par groupes. Il représente une partie de l’information officielle sur

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23

les spécialités pharmaceutiques ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché,

qu’elles soient commercialisées ou non.

Fin 2012, il compte près de 7 800 spécialités génériques pour près de 1 100

spécialités de référence.

La substitution pourra donc être effectuée au sein de chaque groupe entre l’ensemble

des spécialités y figurant, à savoir la spécialité de référence et les médicaments

génériques25. Pour chaque groupe générique, le dosage et la forme pharmaceutique des

médicaments seront précisées26.

Par ailleurs, la loi précise qu’« en l'absence de spécialité de référence, un groupe

générique peut être constitué de spécialités ayant la même composition qualitative et

quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont les

caractéristiques en termes de sécurité et d'efficacité sont équivalentes »27.

Ceci permet notamment de maintenir un groupe générique lorsque le détenteur de

l’AMM du princeps décide de quitter le marché.

L’Agence Nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

inscrit par décision les nouveaux groupes dans le répertoire des génériques28. « Les

groupes génériques sont regroupés par substance active désignée par sa dénomination

commune précédée de la mention « dénomination commune » et par voie

d'administration »29. La dénomination commune est définie par le code de la santé

publique comme étant « la dénomination commune internationale recommandée par

l'Organisation mondiale de la santé, à défaut la dénomination de la pharmacopée

européenne ou française ou, à défaut, la dénomination commune usuelle »30.

25 Article L. 5121-1 du code de la santé publique. 26 Article R. 5121-8 du code de la santé publique. 27 Article R. 5121-6 du code de la santé publique. 28 Article R. 5121-5 du code de la santé publique. 29 Article R. 5121-8 du code de la santé publique. 30 Article R. 5121-1 du code de la santé publique.

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24

Lorsqu’une AMM a été octroyée à un médicament générique, le directeur général de

l’ANSM informe le titulaire de l’AMM de la spécialité de référence. Cette information

aura lieu à chaque octroi d’AMM pour un médicament générique.

S’agissant enfin du dossier de demande d’AMM d’un médicament générique, celui-ci

comporte des études visant à démontrer la bioéquivalence de la spécialité générique avec

la spécialité de référence. Des études cliniques ne sont toutefois pas requises, étant donné

que celles-ci ont déjà été réalisées lors de la mise sur le marché du médicament princeps.

L’inscription d’une spécialité générique au répertoire des génériques est réalisée au

plus tôt 60 jours après l’information du titulaire de l’AMM de la spécialité de référence.

Elle fait ensuite l’objet d’une publication au Journal Officiel.

En revanche, jusqu'à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, il en allait

tout autrement pour l'inscription par l'ANSM d'un médicament au répertoire des

spécialités génériques.

C'est en effet une solution inverse qu'avait adoptée le Conseil d'État le 31 mai 200031.

En l’espèce, la société Glaxo-Wellcome possédait une spécialité, en l'occurrence le

« Zovirax » protégée par un certificat complémentaire de protection jusqu'en septembre

2002. Elle avait conclu des accords d'exploitation, sur le fondement de l'article L. 613-8

du Code de la propriété intellectuelle32, avec deux laboratoires, Merk génériques et

Biogaléniques.

Le directeur général de l'ANSM avait également inscrit au répertoire des génériques

deux spécialités de la société GNR-Pharma qui ne possédait aucun titre pour utiliser le

procédé de fabrication du médicament princeps. Les laboratoires Glaxo-Wellcome

avaient donc fait valoir que la société GNR-Pharma commettait un acte de contrefaçon.

Mais, le directeur de l’agence considérait que l'identification d'une spécialité de référence

et de ses génériques devait se faire en application des seules règles de santé publique. Or,

31 CE, 31 mai 2000, Société Wellcome Foundation Limited et Société laboratoire Glaxo-Welcome, req. no 213882. 32 « Les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet sont transmissibles en totalité ou en partie. Ils peuvent faire l'objet, en totalité ou en partie, d'une concession de licence d'exploitation, exclusive ou non exclusive. »

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25

il est important de rappeler que lors de la délivrance d'une AMM, aucun titre de propriété

industrielle n'est contrôlé et, qui plus est, aucun autre acte administratif ne vient plus

s'interposer entre l'inscription au répertoire et l'acte de vente lui-même.

Le Conseil d'État a considéré qu'il appartient au directeur de l'ANSM de vérifier les

titres de propriété industrielle des sociétés productrices, avant d'identifier les spécialités

composant un groupe générique. En conséquence, le Conseil d'État a annulé l'inscription

au répertoire des génériques des deux spécialités de GNR-Pharma.

Mais cette décision n'interdisait pas l'inscription d'une spécialité de référence encore

sous brevet ou certificat complémentaire de protection sur la liste des médicaments

génériques, elle avait pour finalité que de limiter l'inscription légale des génériques de

cette spécialité au répertoire.

Cependant, le législateur, avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004,

a modifié l'article L. 5121-10 du Code de la santé publique afin de permettre l'inscription

au répertoire des génériques d'une spécialité générique avant l'expiration des droits de

propriété intellectuelle du produit princeps. L'article L. 5121-10 dispose désormais : « Le

directeur général de l'agence procède à l'inscription de la spécialité générique dans le

répertoire des groupes génériques au terme d'un délai de soixante jours, après avoir

informé de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché de celle-ci le titulaire de

l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité de référence. Toutefois, la

commercialisation de cette spécialité générique ne peut intervenir qu'après l'expiration

des droits de propriété intellectuelle, sauf accord du titulaire de ces droits ».

Un dernier apport du Conseil d'État concerne l'inscription au répertoire d'une

spécialité générique ne possédant pas toutes les indications de la spécialité de référence.

La question s'avère délicate puisqu'il s'agit de déterminer si cette inscription suppose

obligatoirement ou non l'identité des indications thérapeutiques. Dans cette affaire33, le

laboratoire commercialisant le médicament princeps avait considéré, eu égard au droit de

substitution des pharmaciens, que ni la substitution, ni le remboursement d'un

médicament dans une indication qu'il ne possède pas, ne pouvaient avoir lieu.

33 CE, 23 juillet 2003, Société Lilly France, req. no 246716.

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26

Le Conseil d'État a constaté, en premier lieu, que l'identité des indications

thérapeutiques ne figure pas au nombre des conditions d'identification des spécialités

génériques. Pour cette raison, il a précisé que les pharmaciens sont légalement habilités,

eu égard à l'identité de la composition des spécialités, à substituer une spécialité

générique à une spécialité de référence, y compris lorsque les autorisations de mise sur le

marché des deux spécialités ne visent pas les mêmes indications thérapeutiques.

En second lieu, le Conseil d’État a rappelé que l’article L. 162-16 du Code de la

sécurité sociale contraint seulement le pharmacien d'officine, dans le cadre du droit de

substitution, à ne faire peser sur l'assurance maladie des frais supplémentaires que dans

une limite préétablie par convention ou par arrêté. Or le fait de substituer une spécialité

princeps par un générique n'ayant pas toutes les indications thérapeutiques visées par

l'autorisation de mise sur le marché n'est pas susceptible d'augmenter la dépense pour

l'assurance maladie.

Mais, il est important de rappeler que les exigences de protection de la santé publique

imposent le refus de l'inscription au répertoire si un risque existe pour le patient du fait

notamment, de la faiblesse de la notice du médicament générique.

§3 : Le droit de substitution, un droit à vocation économique

Afin de favoriser le développement des génériques, le droit de substitution a été

accordé aux pharmaciens.

Ainsi, depuis 1999, chaque pharmacien « peut délivrer par substitution à la spécialité

prescrite une spécialité du même groupe générique à condition que le prescripteur n’ait

pas exclu cette possibilité, pour des raisons particulières tenant au patient, par une

mention expresse portée sur la prescription »34.

34 Le droit de substitution a été accordé par la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la Sécurité sociale pour 1999 (article 29). Il est prévu à l’article L5125-23 du Code de la santé publique.

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27

Cela nous montre que les médecins et pharmaciens jouent un rôle déterminant dans le

bon usage des génériques et leur essor. En effet, le médecin est encouragé à prescrire au

sein du répertoire des génériques. Pour autant, le médecin connaît son patient et sa

pathologie. Il peut juger que, pour des raisons particulières tenant à un patient donné, la

substitution par un générique doit être évitée, notamment dans le cas de présence d’un

excipient à effet notoire.

Le pharmacien est le principal acteur de la diffusion des génériques. Il est autorisé à

substituer selon les règles précises fixées par le législateur. Le répertoire des groupes

génériques est l’outil sur lequel le pharmacien d’officine se base pour délivrer les

médicaments génériques.

A cet effet, les spécialités figurant au répertoire sont classées par groupe générique.

Chaque groupe comprend la spécialité de référence (identifiée par la lettre «R») et ses

génériques (identifiés par la lettre «G»), et ses autres spécialités substituables (identifiées

par la lettre « S »)35.

Le droit de substitution peut s’exercer au sein d’un même groupe entre spécialité de

référence et spécialité générique/substituable ainsi qu’entre une spécialité

générique/substituable et une autre. Certaines spécialités contiennent un ou plusieurs

excipients dits à effet notoire. Ces excipients sont mentionnés dans le répertoire des

groupes génériques. On entend par excipient à effet notoire tout excipient dont la

présence peut nécessiter des précautions d’emploi pour certaines catégories particulières

de patients.

En conséquence, afin de garantir le meilleur niveau de sécurité, il est utile de prendre

en compte les excipients à effet notoire, lors de la substitution :

- pour la substitution d’une spécialité ne contenant pas d’excipient à effet notoire, il

est recommandé de choisir une spécialité dépourvue elle aussi de tout excipient à

effet notoire ;

- pour la substitution d’une spécialité contenant un ou plusieurs excipients à effet

notoire, il est préférable de prendre une spécialité générique/substituable contenant le

35 http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/a7df68a4383f21deed4f6861948c37d3.pdf

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28

ou les mêmes excipients à effet notoire ou une spécialité générique/substituable

partiellement ou totalement dépourvue de ces excipients à effet notoire.

Cependant, la substitution, par une spécialité générique, contenant des excipients à

effet notoire que ne présente pas la spécialité prescrite, est possible lorsqu’après

l’interrogation et conformément à la prescription du médecin il apparaît que le patient ne

présente pas de risque à l’utilisation de cet excipient.

Le pharmacien doit indiquer sur l’ordonnance le nom du médicament qu’il a

substitué, ceci pour limiter le risque de confusion par le patient. Bien que fortement incité

à délivrer des médicaments génériques, le pharmacien peut choisir de ne pas effectuer de

substitution s’il estime que le changement peut influer sur la qualité des soins délivrés au

patient.

De même, le patient est incité à accepter les médicaments génériques selon le

dispositif « tiers payant contre génériques ». Toutefois, il peut refuser la substitution,

mais, dans ce cas, il doit faire l’avance des frais des médicaments.

Ce droit de substitution est une des principales mesures de facilitation d’accès au

marché pour les génériques et peut devenir obligatoire car tous les ans des objectifs de

taux de substitution sont fixés et un non respect de ces taux peut entraîner des sanctions

pour les pharmaciens.

En France, le pharmacien représente un acteur clef, comme le souligne la décision

09-D-28 de l’Autorité de la concurrence 36 « C’est donc sur le dernier acteur, le

pharmacien, que repose l’efficacité du mécanisme qui permet de répondre à la

préférence de la demande finale pour le produit le moins cher. Tel est le sens du

dispositif réglementaire français. Afin que l’assurance maladie voit le montant des

remboursements liés aux dépenses de médicaments diminuer, les pouvoirs publics

incitent le pharmacien à partager avec l’assurance maladie la préférence pour le

médicament le moins cher en lui permettant d’obtenir des avantages commerciaux plus

importants lorsqu’il vend un générique. ». 36 Décision n°09-D-28 du 31 juillet 2009 relative à des pratiques de Janssen-Cilag France dans le secteur pharmaceutique.

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29

Il est certain que le médicament générique part avec un handicap lors de sa mise sur

le marché, de part la notoriété et la marque du médicament princeps. Cependant, la

question se pose de savoir si à un moment ce n’est pas le princeps qui souffrira d’un

handicap au regard de toutes les mesures favorisant la mise sur le marché des génériques.

On remarque que la réglementation et la jurisprudence en matière de médicaments

génériques est très dense. Il faut trouver un juste milieu entre la volonté pour les États et

les laboratoires génériqueurs de se développer rapidement, et les intérêts des laboratoires

innovants qui investissent dans la recherche et le développement.

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30

La présence de génériques sur les marchés de médicaments est nécessairement prise

en compte par les autorités de concurrence lorsqu’elles effectuent, préalablement à tout

contrôle concurrentiel, une délimitation des marchés affectés ou susceptibles d’être

affectés par un comportement ou une pratique donnée.

Nous tenterons dans le titre 2 de définir et délimiter les marchés des génériques.

TITRE 2 : LES MARCHÉS PERTINENTS DES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES

Selon la définition qu'en retient le Conseil de la concurrence « le marché, au sens où

l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent

l'offre et la demande pour un produit ou service spécifique. En théorie, sur un marché,

les unités offertes sont parfaitement substituables pour les consommateurs qui peuvent

ainsi arbitrer entre les offreurs lorsqu'il y en a plusieurs, ce qui implique que chaque

offreur est soumis à la concurrence par les prix des autres. À l'inverse, un offreur sur un

marché n'est pas directement contraint par les stratégies de prix des offreurs sur des

marchés différents, parce que ces derniers commercialisent des produits ou des services

qui ne répondent pas à la même demande et qui ne constituent donc pas, pour les

consommateurs, des produits substituables. Une substituabilité parfaite entre produits ou

services s'observant rarement, le Conseil regarde comme substituables et comme se

trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement

penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels

ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »37.

La définition du marché permet d'identifier et de définir le périmètre à l'intérieur

duquel s'exerce la concurrence entre les entreprises. Elle permet d'établir le cadre dans

lequel la politique de concurrence sera appliquée. Son objet principal est d'identifier de

manière systématique les contraintes que la concurrence fait peser sur les entreprises en

cause38.

37 Cons. conc., rapp. 2001, 2e partie, Études thématiques, titre 1er, "Le marché pertinent", p. 1 38 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence.

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31

Il conviendra dans un premier temps d’effectuer la délimitation des marchés

susceptibles d’être affectés par une pression concurrentielle (chapitre 1) et dans un

deuxième de différencier la délimitation du marché en fonction de l’opération

concurrentielle contrôlée (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : La délimitation des marchés

La délimitation du marché doit s'effectuer en deux étapes successives, dans la mesure

où la notion se présente sous un double aspect en droit de la concurrence.

Le marché se définit, d'une part, au regard de la nature du produit ou du service

offert : c'est le marché du produit (Section 1).

Mais, il s'apprécie aussi, d'autre part, au regard des dimensions de la zone au sein de

laquelle se confrontent effectivement l'offre et la demande du produit ou du service en

cause, ce qui nous mène à la notion de marché géographique (Section 2).

Section 1 : La délimitation matérielle

Selon une définition constante de la Commission39, « un marché de produits en cause

comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme

interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de

l'usage auquel ils sont destinés ».

S’agissant des spécialités pharmaceutiques, la pratique décisionnelle et la

jurisprudence, tant nationales que communautaires, considèrent que les possibilités de

substitution entre les médicaments sont limitées par leurs indications et contre-

indications thérapeutiques respectives, qui dépendent elles-mêmes des propriétés 39 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, J.O.C.E n° C 372 du 9 déc. 1997 p. 5 – 13 , point n° 25.

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32

pharmacologiques des produits, mais aussi par l’avis des médecins prescripteurs, ainsi

que par d’éventuels écarts de prix40.

La Cour de cassation a approuvé, dans son arrêt « Lilly France » du 15 juin 1999, la

cour d’appel qui avait considéré que : « l’interchangeabilité des médicaments ne dépend

pas fondamentalement de leur identité physique ou chimique, mais de leur

interchangeabilité fonctionnelle du point de vue du dispensateur, et donc, dans le cas des

médicaments soumis à prescription, également du point de vue des médecins établis ».

Afin de délimiter le marché pertinent, il conviendra d’analyser, dans un premier

temps, les caractéristiques du médicament (§1), et dans un second temps, les choix des

médecins, pharmaciens et patients (§2).

§1 : Les critères de substituabilité prenant compte des caractéristiques du médicament

A. Un premier critère de délimitation : la classification anatomique, thérapeutique et

chimique

Dans un premier temps, un premier critère possible est le système de classification

anatomique, thérapeutique et chimique (ATC)41 .

Ce système est reconnu et utilisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et

constitue un critère de délimitation du marché pertinent spécifique au secteur des

produits pharmaceutiques. C'est le Collaborating Centre for Drug Statistics Methodology

de l'OMS qui le contrôle.

Ce critère a été utilisé pour la première fois par la Commission européenne, dans sa

décision relative à la fusion entre les laboratoires innovants Sanofi et Sterling Drug, le 10

juin 199142, sur proposition des parties en présence.

40 Autorité de la Concurrence Décision n° 10-D-37 du 17 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la cétirizine en comprimés 41 Anatomical Therapeutic Chemical 42 Comm. CE, 10 juin 1991, (Aff. IV/M072, Sanofi/ Sterling Drug).

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33

Dans cette classification, les médicaments sont divisés en différents groupes selon

l'organe ou le système sur lequel ils agissent et leurs caractéristiques thérapeutiques et

chimiques.

Le 3ème niveau de la classification ATC est souvent utilisé comme point de départ de

la délimitation du marché pertinent, car il permet de retenir les médicaments ayant les

mêmes indications thérapeutiques et donc, destinés au même usage.

La Commission européenne précisait en 1996 que « le troisième niveau de la

classification ATC permet de regrouper les médicaments d'après leurs indications

thérapeutiques, c'est-à-dire en fonction de l'usage auquel ils sont destinés et peut donc

être utile pour la délimitation du marché. Il ne faudrait pas, pour autant, négliger les

autres niveaux de la classification ATC aux fins de l'analyse. Il se pourrait ainsi que

certains groupes de produits doivent être réunis, notamment si des produits appartenant

à différentes subdivisions de la classification ATC sont interchangeables pour le

traitement d'une maladie déterminée. Inversement, il pourrait également être utile

d'accepter une délimitation du marché plus étroite lorsque les médicaments en question

ont des indications nettement différentes »43.

Mais, ce niveau s’avère souvent inopérant car trop large. Ainsi, l’Autorité de la

concurrence a été conduite à se référer à des niveaux plus étroits, comme dans l’affaire

Plavix, où elle a fixé le périmètre du marché pertinent au cinquième niveau, soit celui de

la molécule de clopidogrel44.

De plus, il est nécessaire de voir si les médicaments retenus ne constituent pas des

marchés distincts en raison, notamment, de leurs caractéristiques et indications

thérapeutiques propres ou d’un écart dans leur prix.

43 Décision de la Commission du 17 juillet 1996 dans l’affaire no IV/M.737 - Ciba-Geigy/Sandoz, paragraphe 17. 44 Décision n° 13-D-11 du 14 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur pharmaceutique.

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34

B. Un deuxième critère de délimitation : les indications thérapeutiques

Il est cohérent de définir des marchés différents lorsque des produits pharmaceutiques

possèdent des indications thérapeutiques distinctes.

Ainsi, l’Autorité de la concurrence a rappelé que, selon une jurisprudence et une

pratique juridictionnelle constantes relatives au secteur des produits pharmaceutiques,

des indications thérapeutiques différentes conduisent à délimiter des marchés séparés.

Dans le secteur pharmaceutique, les possibilités de substitution entre les médicaments

sont limitées.

Cela dépend de plusieurs facteurs qui sont, donnés non seulement par les indications

et contre-indications thérapeutiques respectives, qui dépendent elles-mêmes des

propriétés pharmacologiques des produits, mais, aussi, par le point de vue des médecins

les prescrivant, qui, souvent, ont l’habitude de donner un traitement plutôt qu’un autre.

Ainsi, l’Autorité a considéré que le marché des héparines pouvait être subdivisé en

deux marchés, l’un préventif sur lequel le médicament est prescrit pour empêcher la

formation des thromboses, l’autre curatif, permettant d’éliminer les thromboses45.

En l’espèce, les indications thérapeutiques n’étaient pas les mêmes, ce qui a conduit à

la délimitation de deux marchés distincts.

Un autre critère qui peut mener à segmenter les marchés est le celui du prix.

45 Autorité de la Concurrence Décision n° 10-D-02 du 14 janvier 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des héparines à bas poids moléculaire : Toutefois, il apparaît nécessaire pour l’analyse concurrentielle de la présente décision de qualifier de « marché pertinent » chacun des deux segments [ville et hôpital] tout en admettant que ces deux marchés pourraient avoir un lien de connexité en raison d’un éventuel « effet source » (qui sera analysé infra). Par conséquent, en l’espèce, l’analyse concurrentielle sera effectuée sur le marché français des héparines à bas poids moléculaire commercialisées à l’hôpital pour un traitement préventif (marché du préventif à l’hôpital) et sur le marché des héparines à bas poids moléculaire commercialisées en ville pour un traitement préventif (marché du préventif en ville).

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C. Un troisième critère de délimitation : les différences de prix

Une autre délimitation, possible sur les marchés des médicaments prend en compte

les conditions liées à l’achat du médicament.

Un écart de prix substantiel durable entre différents produits est un indice de non-

substituabilité entre eux, et donc un indice de leur non-appartenance à un même

marché46.

En effet, il existe des médicaments pris en charge par l’Assurance maladie qui sont

donc remboursés par le régime général de la Sécurité sociale et, éventuellement, par les

organismes complémentaires d’assurance maladie.

Les prix de ces médicaments remboursés sont fixés par les pouvoirs publics, en

fonction du SMR et de l’ASMR47.

Mais, il existe des médicaments qui ne sont pas remboursés par l’Assurance maladie

ou par les organismes complémentaires d’assurance maladie. Ces médicaments sont la

plupart du temps en vente libre et leurs prix sont librement déterminés.

Il convient donc, de souligner que un écart de prix substantiel et durable entre

différents produits peut être un indice de non-substituabilité entre ces derniers et donc de

leur non appartenance au même marché.

L’Autorité a rappelé, dans une décision 10-D-3748 qu’en matière de médicaments,

une segmentation du marché fondée sur les modalités de financement de l’achat du

médicament peut être envisageable. Certains médicaments sont, en effet, pris en charge

par l’Assurance maladie et font l’objet d’un remboursement ou non.

46 Cons. conc., avis n° 95-A-08 47 Voir supra. 48 Autorité de la Concurrence Décision n° 10-D-37 du 17 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la cétirizine en comprimés

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En l’espèce, l’Autorité a différencié, au sein du marché pertinent des

antihistaminiques, le marché de la vente en ville des antihistaminiques remboursables et

celui de la vente en ville des antihistaminiques non remboursables.

En effet, bien que les médicaments en comprimés à base de cétirizine non

remboursables aient la même composition chimique que les médicaments en comprimés

à base de cétirizine remboursables, ils ne semblent pas substituables au sens du droit de

la concurrence.

Car, compte tenu de leur prix beaucoup plus élevé, ces médicaments en comprimés

non remboursables semblent destinés à traiter des allergies passagères, ou à soulager de

manière temporaire des patients sujets à des allergies plus lourdes, qui nécessitent un

traitement de long terme et la consultation d’un médecin. C’est pourquoi les

médicaments à base de cétirizine non remboursables sont vendus uniquement sous

formes de boîtes de 7 comprimés.

En outre, le pharmacien ne substitue généralement pas un médicament remboursé à

un médicament non remboursé, car le patient est réticent à ce type de changement, ce qui

nous permet de prendre en compte des critères plus subjectifs pour segmenter le marché

de produit tels que les rôles respectifs du médecin, le pharmacien et le patient.

§2 : Les critères de substituabilité prenant compte des choix des acteurs de santé

Les marchés sont analysés en tenant compte de l’identité et du comportement des

clients. Ces comportements peuvent différer d’un groupe de demandeurs à l’autre,

modifiant ainsi les structures du marché.

Toujours dans l’affaire 10-D-3749, l’Autorité a exclu, dans les cas où la substitution

par le biais de médicaments génériques ne pouvait être envisagée, que soit circonscrit un

marché pertinent autour de la molécule ou du principe actif du médicament concerné50.

49 Autorité de la Concurrence Décision n° 10-D-37 du 17 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la cétirizine en comprimés

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En effet, l’appréciation de la substituabilité pour la définition du marché pertinent des

médicaments s’effectue à travers l’analyse de la demande, qui s’apprécie, en règle

générale, au moment où le médecin prescripteur, choisit parmi les spécialités

pharmaceutiques le traitement pour le malade.

Comme l’Autorité de la concurrence le souligne dans sa décision n°13-D-11, « le

secteur des médicaments présente à cet égard une particularité, en ce que la décision

d’achat n’est pas prise par l’utilisateur final, mais par le médecin prescripteur, qui

choisit le médicament devant être administré à son patient »51.

Ainsi, soit le médecin prescripteur considère qu’un médicament n’a pas de substitut

pour différentes raisons et le marché sera limité à ce seul produit, soit il estime que

différents médicaments sont interchangeables et le marché sera délimité à ces différents

substituts qui exercent les uns sur les autres une contrainte concurrentielle.

Le pharmacien n’interfère pas dans ce choix puisqu’il a l’obligation de délivrer le

médicament inscrit sur l’ordonnance.

Les médicaments génériques d’une spécialité de référence lui sont substituables, en

termes d’indication thérapeutique et font partie intégrante du marché de produits. Donc,

l’appréciation de la substituabilité est modifiée au moment de l’entrée de médicaments

génériques sur le marché dans la mesure où le pharmacien peut modifier le choix initial

du prescripteur en procédant à la substitution entre spécialité de référence et générique.

Dès lors, il n’est pas improbable qu’un marché distinct de la molécule ou du principe

actif et de ses génériques soit identifiable.

Mais, le marché pertinent s'apprécie aussi par rapport à la zone au sein de laquelle se

confrontent effectivement l'offre et la demande du produit ou du service en cause. Il

convient donc, dès à présent, de délimiter le marché géographique.

50 Autorité de la Concurrence Décision n° 10-D-37 du 17 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la cétirizine en comprimés 51 Décision n° 13-D-11 du 14 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur pharmaceutique.

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Section 2 : La délimitation géographique

La délimitation d'un marché de produits s'entend sur une zone géographique définie,

soit parce que l'analyse faite du comportement de la demande n'est valable que sur cette

zone géographique, soit parce qu'il s'agit de la zone à l'intérieur de laquelle les

demandeurs se procurent ou peuvent se procurer le produit ou le service en cause.

Il est donc possible de définir le marché géographique comme la zone géographique

sur laquelle un pouvoir de monopole pourrait effectivement être exercé, sans être exposé

à la concurrence d'autres offreurs situés dans d'autres zones géographiques ou à celle

d'autres biens ou services52.

Comme le marché pertinent de produits, la délimitation du marché géographique est

défini sur la base d’une combinaison de critères.

Dans le secteur pharmaceutique comme dans les autres, ces critères peuvent être, la

réalité des flux d'échanges, la distance effectivement parcourue par les offreurs ou les

demandeurs jusqu'au point de rencontre de l'offre et de la demande, la disponibilité des

biens en cause pour les consommateurs d'une zone géographique, ou encore les écarts de

prix d'une zone à l'autre.

En matière de médicaments, il est fréquent que les laboratoires pharmaceutiques

commercialisent leurs produits dans plusieurs États membres de l’Union européenne à la

fois. Mais, les conditions de concurrence sur ces territoires sont néanmoins divergentes.

S’agissant de la délimitation du marché géographique, la Commission européenne53

et l’Autorité de la concurrence 54 considèrent que les marchés géographiques des

spécialités pharmaceutiques doivent être regardés comme étant de dimension nationale,

notamment, en raison des fortes disparités existant entre les États membres, comme des

différences dans la fixation des prix, dans les systèmes de remboursement, dans les

conditionnements et noms des produits. 52 Cons. conc., rapp. 2001, p. 9 53 Décision Hoffman-la Roche/Boehringer Mannheim (IV/M.950) 54 Décision n° 10-D-02 et n° 13-D-11.

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Mais il n’est cependant pas rare de voir le marché national segmenté.

En effet, il est possible de segmenter le marché national en deux marchés : le marché

de la distribution en ville et celui de la distribution à l’hôpital.

Dans sa décision n° 10-D-02, l’Autorité de la concurrence dispose que : « en ville, les

prix sont régulés alors que sur le marché hospitalier les prix sont libres. Par ailleurs, si

l’offre est la même, la demande est différente : pour le marché de la ville, la demande

intermédiaire est constituée par les grossistes et les pharmacies, et pour le marché de

l’hôpital, par les établissements hospitaliers, publics (par exemple, les hôpitaux de

l’Assistance publique) ou privés (cliniques privées). Par ailleurs, l’élasticité-prix des

acheteurs n’est pas la même : à l’hôpital elle est forte car le prix d’achat affecte le

budget des hôpitaux tandis qu’en ville elle est faible car le patient n’assume pas

directement le prix (du médicament) qui lui est remboursé par l’Assurance maladie »55.

Afin de délimiter les marchés de médicaments, il faut adapter les critères utilisés

habituellement aux particularités de ces marchés. Un médicament peut représenter à lui

seul un marché, compte tenu de ses effets et de ses innovations thérapeutiques, tout

comme compte tenu de son prix.

Cependant les médecins, pharmaciens et patients ne perçoivent pas de la même

manière la substituabilité entre médicaments génériques et médicaments princeps, pour

diverses raisons. Le patient peut tout à fait s’opposer, dans ce cas, à cette substitution,

mais, il faut savoir qu’il ne pourra pas bénéficier du tiers payant56.

Cependant, la majorité des patients considèrent le médicament princeps substituable

avec son générique, et cela est en partie grâce au rôle du médecin et du pharmacien

d’officine, qui ont l’obligation d’informer les demandeurs sur l’identité qui existe entre

générique et princeps.

55 Décision n°10-D-02 du 14 janvier 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des héparines à bas poids moléculaire 56 Cette mesure a été généralisée par la Loi n°2006-1640, 21 déc. 2006, financement de la sécurité sociale pour 2007.

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40

Pour ce qui est de la délimitation du marché géographique, le marché retenu est le

marché national, compte tenu des divergences de réglementation entre les différents États

membres.

Enfin, sur les marchés de médicaments, deux approches différentes coexistent selon

qu’il s’agisse d’une opération de concentration ou d’une pratique anti-concurrentielle.

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CHAPITRE 2 : Les différentes méthodes de délimitation des marchés

La délimitation des marchés des génériques n’est pas la même suivant que les

autorités aient à contrôler une concentration ou une pratique anti-concurrentielle.

En effet, le contrôle des concentrations implique une approche prospective (Section

1), tandis que le contrôle des pratiques anti-concurrentielles nécessite une approche

rétrospective, car l’analyse de ces marchés est souvent plus fine qu’en matière de

concentrations (Section 2).

Section 1 : Approche prospective pour les concentrations

Avant de connaître une opération de concentration, l’autorité doit définir le marché

pertinent où l’entité, née de l’opération de concentration, opèrera.

Dans la délimitation des marchés de médicaments, les produits qui ne sont pas

commercialisés peuvent au même titre que les produits déjà commercialisés, exercer une

concurrence non négligeable57. Il faut prendre en compte les médicaments existants, mais

aussi les médicament en recherche et développement des deux entreprises

pharmaceutiques partie à la concentration. Car ce peut être des produits qui peuvent se

trouver à un stade avancé de leur développement. De plus, lorsqu’ils sont substituables

avec un médicament existant, les produits futurs intègrent la classe ATC de ce

médicament et peuvent exercer une pression concurrentielle non négligeable.

A titre d’exemple, dans l’opération de concentration entre les deux entreprises

pharmaceutiques, Glaxo Wellcome et SmithKline Beecham, la Commission a pris en

compte un produit en recherche et développement qui pourrait exercer une concurrence

potentielle. En l’espèce, Glaxo Wellcome était en position dominante sur le marché des

médicaments pour l’asthme. SmithKline Beecham était en train de développer un 57Ref. A. Wachsmann, « Marchés pertinents des médicaments : quel diagnostic ? », Concurrence & consommation, n° 158, avril

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nouveau traitement pour l’asthme qui aurait pu renforcer la position dominante de la

société Glaxo Wellcome.

Les parties ont donc dû prendre des engagements, afin d’éviter de renforcer la

position de Glaxo Wellcome. Elles se sont engagées à céder les droits du traitement pour

l’asthme mis au point par SmithKline Beecham, si les autres traitements développés

peinaient à pénétrer le marché58

Cela montre que, pour faire une analyse complète du marché, les autorités

compétentes vérifient l’impact de l’opération de concentration sur les marchés de

matières premières sur lesquels opèrent les laboratoires pharmaceutiques parties à la

concentration.

De plus, les principes actifs forment eux mêmes des marché à part entière59.

Lorsqu’un laboratoire fabriquant un médicament se rapproche d’un autre fournissant le

principe actif, cela peut avoir des effets de nature verticale. Il convient de souligner que

le rapprochement entre deux laboratoires pharmaceutiques ne doit pas créer ou accentuer

une position dominante sur aucun marché.

Dans la décision du 25 mai 2005, relative à l’opération de concentration entre le

génériqueur Hexal et le laboratoire innovant Novartis, il a été relevé que les deux

laboratoires créaient des substances actives.

Néanmoins, Hexal se fournissait auprès de Novartis en principes actifs pour la

fabrication de ses antibiotiques. Mais, en l’espèce, aucune position dominante ne risquait

d’être créée, car les parts de marché de Novartis n’étaient pas très conséquentes et

d’autres concurrents étaient présents.

Ainsi, lors du contrôle des concentrations, les autorités de la concurrence effectuent

une analyse prospective des marchés en cause. Dans cette analyse, les produits

commercialisés sont inclus mais, aussi, les produits en développement, ainsi que les

substances actives qui représentent à elles seules un marché à part entière. 58 http://ec.europa.eu/competition/mergers/cases/decisions/m1846_en.pdf 59 Décision Comm. CE, 27 mai 2005 COMP M. 3751 Novartis/ Hexal

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Contrairement, au contrôle des concentrations, le contrôle de pratiques anti

concurrentielles, se base sur l’analyse des marchés en cause et doit être en fonction du

contexte dans lequel s’est effectuée la pratique en cause.

Section 2 : Approche rétrospective pour les comportements anticoncurrentiels

Afin de pouvoir connaître des pratiques anti concurrentielles, les autorités de

concurrence doivent se placer au moment où les pratiques ont eu lieu.

Le Conseil de la concurrence précise que la « définition du marché pertinent peut

varier au fil du temps, à mesure que les caractéristiques des produits et des services

évoluent et que les possibilités de substitution, du côté de la demande ou de l’offre, se

modifient. Dès lors, le Conseil apprécie le marché dans sa situation contemporaine des

pratiques »60 .

En matière de médicaments, les caractéristiques et les services évoluent, car, les prix

et les caractéristiques des médicaments changent constamment. Cela se vérifie, encore

plus, avec l’entrée des génériques sur le marché. En matière de pratiques

anticoncurrentielles, la substituabilité est ainsi appréciée à l’époque où les faits ont eu

lieu61. La délimitation doit être effectuée à partir d’éléments disponibles au moment où le

comportement anti-concurrentiel s’est produit.

Il faut souligner que la délimitation des marchés pertinents en matière de

concentration ne lie pas l’établissement de ces derniers lors du contrôle d’une pratique

anti-concurrentielle. Car, en matière de contrôle de pratiques anti concurrentielles, la

délimitation du marché est souvent plus fine.

Le Conseil de la concurrence nous expose ce principe dans une décision n°07-D-09 :

« l’analyse que mène le Conseil en matière d’abus de position dominante, et en matière 60 Cons. conc., Rapport pour 2007, Analyse de la jurisprudence, p. 179. 61 Cons.conc.,déc.n°03-D-35, 24 juillet 2003 relative à des pratiques mises en œuvre par les laboratoires Sandoz, devenus en 1997 Novartis Pharma SA, sur le marché de certaines spécialités pharmaceutiques destinées aux hôpitaux.

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d’ententes, peut conduire à retenir des marchés plus étroits que ceux examinés par la

Commission à l’occasion d’une fusion qui lui est notifiée »62.

Les entreprises ne peuvent donc pas se prévaloir d’une différence d’analyse en

matière de contrôle de concentration et en matière de pratiques anti-concurrentielles, car

les effets des concentrations revêtent essentiellement un caractère prospectif, alors qu’en

raison de son caractère rétrospectif, la délimitation des marchés pertinents affectés est

plus fine et segmentée.

Ainsi, en matière de pratiques anti-concurrentielles, la délimitation des marchés est

rétrospective, afin de sanctionner un comportement nuisible pour la concurrence ; alors

que lors du contrôle d’une concentration, la délimitation des marché est prospective, afin

de prévenir une pratique potentiellement nuisible pour la concurrence.

Les différents critères de délimitation des marchés permettent de mieux caractériser

une pression concurrentielle qu’exercerait une entreprise et d’évaluer ses parts de marché

sur le marché en cause. Dans le domaine des médicaments, il ne sera pas rare qu’un

médicament constitue à lui seul un marché pertinent compte tenue de ses effets et

indications thérapeutiques.

62 Cons. conc., déc. n° 07-D-09 relative à des pratiques mises en œuvre par le laboratoire GlaxoSmithKline France, 14 mars 2007, point 162 « Sanction d’une stratégie visant à retarder l’apparition de médicaments génériques à l’hôpital », n° 133, Contrats, conc. cons., mai 2007, p. 29-30, note G. Decocq

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45

CONCLUSION PARTIE 1

Nous nous sommes efforcés de démontrer dans cette première partie que la

réglementation et la jurisprudence instaurent une définition extensive des médicaments

génériques favorisant la fabrication et la vente de ces derniers. Ce types de médicament

bénéficie d’une régulation asymétrique ce qui crée des discriminations positives

préférentielles par rapport au médicament princeps.

De plus, afin que les autorités compétentes protègent les accès au marché, il a fallu

délimiter les marchés susceptibles d’être affectés par des comportement anti

concurrentiels. Les marchés seront toujours plus segmentés en fonction de la spécificité

du SMR. C’est pour cela qu’un médicament avec un effet thérapeutique spécifique

formera un marché à lui seul, avec éventuellement ses génériques car, lorsqu’ils sont

substituable à la spécialité de référence, le générique relève du même marché que ce

dernier. Cela mérite d’être surveillé car plus le marché sera restreint, plus les pratiques

des laboratoire seront dangereuse.

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PARTIE 2 : La distribution des médicaments génériques et ses effets

Pour les laboratoires princeps, la perte des brevets crée un manque à gagner très

important, notamment en terme économique pour la recherche et le développement.

Ainsi, face à ces enjeux économiques, la distribution des médicaments se trouve au

centre d'une lutte commerciale intense qui apparaît être un terrain propice à l’apparition

de méthodes agressives de vente (Titre 1).

Enfin, l’information délivrée aux consommateurs sur les médicaments génériques a

été facilitée grâce à une jurisprudence accueillante en ce qui concerne la publicité. Cet

état de grâce permet de se demander si une autre forme de distribution de médicaments

peut se développer d’ici quelques années (Titre 2).

TITRE 1 : Les stratégies agressives mises en place par les laboratoires

Des problèmes de concurrence sont rencontrés avec le développement de la

distribution des génériques.

En effet, le droit de la concurrence permet de déjouer les stratégies des laboratoires

innovants ou plus rarement des laboratoires génériques.

Pour assurer la liberté de la concurrence sur les marchés de médicaments génériques,

les autorités veillent à l’application des règles relatives aux ententes anticoncurrentielles

(Chapitre 1) et aux abus de position dominante (Chapitre 2).

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47

CHAPITRE 1 : Les Ententes

Comme l'article 101, §1 du TFUE63, l'article L. 420-1 du Code de commerce64

prohibe, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre

ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions,

ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :

- limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres

entreprises ;

- faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant

artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

- limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès

technique ;

- répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

Nous parlerons d’un type d’accord susceptible d’empêcher ou de retarder l’accès au

marché des génériques et qui se trouve par conséquent, prohibé.

63 Au termes de l’article 101 §1 du TFUE « sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à: a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements, c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement, d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats. » 64 L’article L420-1 du Code de commerce dispose que « Sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : 1° Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; 2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; 3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; les marchés 4° Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement. »

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48

Nous allons nous concentrer sur les accords de règlement à l’amiable des litiges

relatifs aux brevets, et plus précisément, de ceux qui restreignent l'entrée des génériques

au marché en abordant le cas américain (Section 1) et européen (Section 2).

Certains accords conclus entre un laboratoire innovant et un génériqueur visent

explicitement à retarder l’entrée de génériques sur le marché. Ces pratiques sont très

répandues aux États-Unis (section 1).

En Europe, après la confirmation de l’existence de tels accords dans le Rapport

préliminaire de l’enquête relative au secteur pharmaceutique, ces pratiques ne sont pas

susceptibles d’échapper aux règles du droit de la concurrence (section 2).

Section 1: Le cas nord américain

Outre-Atlantique, ces accords résultent, le plus souvent, d’un règlement à l’amiable

d’un litige de brevet, qui fait lui-même suite au dépôt d’une ANDA65 par un génériqueur

et d’une plainte pour contrefaçon déposée à son encontre par le détenteur du brevet.

Pour mieux comprendre l’impact concurrentiel de ces accords, il faut savoir que la

réglementation américaine, laquelle n’a d’ailleurs pas d’équivalent en Europe, accorde

une exclusivité de 180 jours au premier producteur de génériques ayant déposé une

demande d’autorisation de mise sur le marché abrégée.

Il semble alors que les deux parties y trouvent chacune leur intérêt : le laboratoire

générique évite ainsi d’être bloqué à cause de la période suspensive de 30 mois, tandis

que le laboratoire princeps maintient son monopole. En règle générale, dans ce type

d’accords, le laboratoire princeps verse une somme d’argent au laboratoire générique en

échange de l’engagement de ce dernier de différer l’entrée sur le marché de son

médicament générique.

L’enjeu est de taille pour les laboratoires innovants, car il ne vise pas à éviter la

commercialisation d’un générique mais à empêcher, la FDA 66 , d’approuver les 65 Abbreviated New Drug Application (ANDA) is an application for a U.S. generic drug approval for an existing licensed medication or approved drug

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49

médicaments génériques des autres laboratoires. Aucun autre concurrent générique ne

peut alors entrer sur le marché avant l’échéance de ladite période d’exclusivité. Par

conséquent, tout report de l’entrée du premier génériqueur retarde l’entrée sur le marché

des autres producteurs de génériques67.

Deux conditions doivent être remplies pour que l’accord de report d’entrée en

contrepartie d’un paiement soit considéré comme contraire à la Section 1 du Sherman

Act (équivalent de l’article 101 du TFUE). Il faut d’une part, que la somme versée soit

importante ,et, d’autre part, qu’il n’y ait pas de preuve que le paiement a été effectué pour

une autre raison que celle de dissuader l’entrée des génériques sur le marché.

Un cas célèbre est celui du Hytrin, un médicament pour le traitement de

l’hypertension. Dans le cadre d’une plainte déposée par la FTC68, Abbott Laboratories a

été accusé d’avoir payé 4,5 millions de dollars par mois à Geneva Pharmaceuticals, à la

condition que la commercialisation de la version générique du Hytrin soit reportée

jusqu’à ce que le verdict soit rendu.

En particulier, Geneva s’est engagé à ne pas renoncer à sa période d’exclusivité de

180 jours, ce qui implique qu’aucun autre générique ne pouvait être approuvé par la FDA

avant que ladite période d’exclusivité n’ait commencé. En 2000, un Tribunal a conclu

que l’accord entre Abbott et Geneva constituait une entente horizontale illégale au regard

de la Loi Sherman.

Selon une étude réalisée par la FTC à ce sujet, 14 accords de règlement à l’amiable

sur un total de vingt accords recensés avaient le potentiel de retarder la concurrence

générique, parce que l’exclusivité commerciale du premier entrant avait été mise en

attente69.

66 The Food and Drug Administration (FDA or USFDA) is an agency of the United States Department of Health and Human Services, one of the United States federal executive departments. 67 Réf : E. Combe, H. Haug, «La guerre entre génériqueurs et laboratoires : quelques nouvelles du front» 68 La Federal Trade Commission (FTC) est une agence indépendante du gouvernement des États-Unis, créée en 1914 par le Federal Trade Commission Act. Sa mission principale est l'application du droit de la consommation et le contrôle des pratiques commerciales anticoncurrentielle tels que les monopoles déloyaux. 69 Réf : E. Combe H. Haug « Les laboratoires pharmaceutiques face à la concurrence des génériques : quels enjeux pour l’antitrust ? »

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Malgré un contexte réglementaire différent de celui des États-Unis, en Europe, des

accords de règlement à l’amiable prévoyant un paiement ont également été conclus entre

laboratoires innovants et laboratoires de génériques. Dans son Rapport préliminaire

publié le 28 novembre 2008, la Commission européenne pense qu’il y a plus de points

communs que de divergences entre les accords de règlements conclus aux États-Unis et

en Europe.

Section 2 : Le cas européen

Dans 48% des règlements amiables au sein de l'UE, la possibilité pour la société de

génériques de commercialiser son médicament est restreinte.

De plus, une proportion importante des règlements amiables contient en plus de la

restriction un transfert de valeurs de l'entreprise innovante à l'entreprise de génériques,

soit sous forme de paiement direct, soit sous forme de licence, d'accord de distribution ou

d'accord accessoire. Les paiements directs se sont produits dans plus de 20 règlements

amiables et le montant total de ces paiements directs des entreprises innovantes vers les

entreprises de génériques a excédé 200 millions d’euros70.

La Commission européenne a adopté le 25 avril dernier un nouveau Règlement

d’exemption des accords de "transfert de technologie" et des nouvelles Lignes Directrices

donnant des orientations sur l’application de l’article 101 du TFUE aux accords ne

bénéficiant pas de l’exemption.

La partie des Lignes Directrices relative aux accords de règlement amiable a été

étoffée à la lumière de l’expérience récente de la Commission en matière d’accords dits

de "pay for delay" ou "pay for restriction", par lesquels un laboratoire de princeps et un

fabricant de médicaments génériques s’entendent pour retarder la mise sur le marché

d’un générique, moyennant un transfert de valeurs du laboratoire de princeps vers le

fabricant de génériques, sous la forme d'un paiement direct, d'une licence ou d'un accord

de distribution. 70 Réf : Comm. CE, Rapport préliminaire de l’enquête relative au secteur pharmaceutique, publié le 28 nov. 2008

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En 2013, la Commission européenne a rendu deux décisions retentissantes, pour un

montant total d’amendes dépassant 160 millions d’euros, à l’encontre d’entreprises

impliquées dans des accords de pay for delay :

- Le premier accord avait été conclu entre la société Lundbeck, dont le brevet de base

sur la molécule du citalopram avait expiré, si bien que des producteurs de génériques

avaient la possibilité d’entrer sur le marché. Or, après avoir commencé à

commercialiser une version générique de ce médicament ou engagé des préparatifs

sérieux dans ce but, les producteurs de génériques concernés ont finalement accepté

de renoncer à cette commercialisation en contrepartie du versement par Lundbeck de

montants forfaitaires considérables, de l’achat par cette dernière de stocks de

produits génériques afin de les détruire et d’une garantie de bénéfices dans le cadre

d’un accord de distribution.

- Le second accord avait été conclu entre la société Janssen-Cilag, dont le brevet sur le

médicament analgésique Fentanyl avait expiré, et la société Sandoz. Cet accord,

intitulé "éco-promotion", prévoyait le paiement par Janssen-Cilag de montants

forfaitaires considérables à Sandoz, l’achat de stocks de produits génériques dans le

seul but de les détruire et la conclusion d’un accord de distribution du Fentanyl

prévoyant une garantie de bénéfices pour Sandoz.

Les nouvelles Lignes Directrices consacrent des développements aux accords de

pay-for-delay conclus dans le cadre d’un règlement amiable incluant une licence relative

aux droits de propriété intellectuelle objets du litige :

« Les accords de règlement du type «pay-for-restriction» (limitation contre

rémunération) ou « pay-for-delay » (report contre rémunération) n’impliquent souvent

aucun transfert de droits sur technologie, mais reposent sur un transfert de valeur d’une

partie en échange d’une limitation de l’entrée et/ou de l’expansion sur le marché de

l’autre partie et peuvent relever de l’article 101, paragraphe 1. Si, toutefois, un tel

accord de règlement porte également sur la concession des droits sur technologie

concernés par le litige sous-jacent et entraîne un report ou toute autre limitation de la

capacité du preneur à lancer le produit sur l’un quelconque des marchés en question,

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ledit accord peut tomber sous le coup de l’article 101, paragraphe 1, et devrait alors être

apprécié notamment au regard de l’article 4, paragraphe 1, points c) et d), du règlement

d’exemption par catégorie. Si les parties à un tel accord sont des concurrents réels ou

potentiels et qu’un important transfert de valeur a eu lieu du donneur au preneur, la

Commission sera particulièrement attentive au risque de répartition des marchés ou de

partage du marché ».

Aujourd’hui, les entreprises sont donc prévenues : la pratique du pay-for-delay n’est

pas susceptible d’échapper aux règles du droit de la concurrence au motif qu’elle est mise

en œuvre accessoirement à un accord de transfert de technologies venant mettre fin à un

litige71.

Il en est de même pour les pratiques d’abus de position dominante, qui ne pourront

aussi échapper au droit de la concurrence.

71 Réf : http://www.ddg.fr/?q=fr/actualit%C3%A9/accords-de-transfert-de-technologies-gare-%C3%A0-la-pratique-du-pay-delay-entre-concurrents#sthash.slEWln5r.dpuf

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CHAPITRE 2 : Les Abus de position dominante

Aux termes de l'article 102 du TFUE (ancien Traité CE, art. 82), est « incompatible

avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre les États

membres est susceptible d'en être affecté, le fait par une ou plusieurs entreprises

d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une

partie substantielle de celui-ci [...] ».

Ce texte condamne l’abus de position dominante et non la position dominante en elle

même.

Dans un premier temps nous analyserons l’établissement de l’abus de position

dominante d’une entreprise pharmaceutique (Section 1), puis nous examinerons des

pratiques d’abus de position dominante (Section 2).

Section 1 : L’établissement de l’abus de position dominante d’une entreprise

pharmaceutique

Une entreprise en position dominante peut se soustraire des pressions concurrentielles

du marché. A la différence des autres opérateurs économiques, elle peut ne pas prendre

en considération les initiatives de ses concurrents. A cet effet, elle dispose de moyens lui

permettant de transgresser le principe de libre concurrence.

Afin de définir une position dominante, dès l'arrêt Continental Can du 21 février

1973 précité, la Cour de justice a dit que « la position dominante visée par cet article

concerne une position de puissance économique détenue par une entreprise, qui lui

donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché

en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une

mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des

consommateurs »72.

72 CJCE, 14 févr. 1978, aff. 27/76, United Brands Cie : Rec. CJCE 1978, p. 207

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Plus nettement encore, la Cour ajoutera ultérieurement à cette définition la précision

que « pareille position, à la différence d'une situation de monopole ou de quasi-

monopole, n'exclut pas l'existence d'une certaine concurrence, mais met la firme qui en

bénéficie en mesure, sinon de décider, tout au moins d'influencer notablement les

conditions dans lesquelles cette concurrence se développera et, en tout cas, de se

comporter dans une large mesure sans devoir en tenir compte et sans pour autant que

cette attitude lui porte préjudice ; qu'une position dominante doit également être

distinguée des parallélismes de comportements propres aux situations d'oligopoles, en ce

sens que, dans un oligopole, les comportements s'influencent réciproquement tandis

qu'en cas de position dominante le comportement de l'entreprise qui bénéficie de cette

position est, dans une large mesure, déterminé unilatéralement [...] »73.

Ainsi, des comportements autorisés à des entreprises qui ne sont pas en position

dominante deviennent répréhensibles lorsqu’ils sont le fait d’entreprises en position

dominante. A cet effet, l’article 102 du TFUE fournit des exemples de comportements

interdits.

Pour établir un abus de position dominante, le point de départ de l’examen du

pouvoir de marché est l’estimation des parts de marchés des entreprises présentes sur ce

dernier.

Cependant, l’examen des parts de marché n’est qu’un premier indice concernant la

structure du marché et le poids des différentes entreprises présentes sur ce marché.

Mais selon la Cour de justice, « l'existence de parts de marché d'une grande ampleur

est hautement significative74 ». C’est à dire que lorsque l’entreprise détient la quasi

totalité des parts de marché, cela constitue en principe la preuve de l'existence d'une

position dominante.

73 CJCE, 13 févr. 1979, aff. 85/76, Hoffmann-La Roche : Rec. CJCE 1979, p. 461 74 aff. Hoffmann-La Roche, préc.

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55

Pour les autres cas, la Cour a considéré que les parts de marché doivent être d’au

moins 50%75. Si les parts de marché sont très inférieures à 50%, on exclura l’analyse

d’une position dominante76. Par contre si les parts de marché sont importantes mais sans

atteindre 50%, il faudra parfaire l’analyse du marché par d'autres indices. La part de

marché ne représentera qu’un facteur parmi d’autres.

Dans le domaine des médicaments génériques, après expiration des brevets, les

laboratoires innovants perdent d’importantes parts de marché. En effet, les parts de

marché des laboratoires génériqueurs sont d’environ 30% la première année de

l’expiration du brevet et de 45% la seconde année77.

Mais, la perte des parts de marché ne signifie pas toujours qu’une entreprise

innovante perde sa position dès lors que le marché est peu attractif pour les concurrents

ou que les parts de marché des concurrents restent éclatées.

En effet, le Conseil de la concurrence dans sa décision relative aux pratiques de la

société Abbott sur le marché des produits anesthésiques précise que « lorsque une

entreprise en situation de monopole passe à une situation dans laquelle,

progressivement, la concurrence se fait sentir de façon de plus en plus soutenue, le seul

fait, pour elle, d’ajuster ses prix à ceux de la concurrence ne signifie pas ipso facto

qu’elle a perdu sa capacité de s’abstraire de la concurrence et sa position dominante ;

que si, en ajustant ses prix au niveau de la concurrence, elle conserve une part

substantielle du profit qu’elle réalisait antérieurement et parvient à conserver une part

de marché très supérieure à celle de ses concurrents, cette société peut être considérée

comme maintenant sa position dominante »78.

L’entreprise innovante peut donc continuer d’être en position dominante, même après

l’expiration de son brevet.

75 CJCE, 14 févr. 1978, aff. United Brands, préc. – CJCE, 3 juill. 1991, aff. C-62/86, Akzo c/ Commission : Rec. CJCE 1991, I, p. 3359 76 La Cour de justice, dans l'arrêt United Brands, a pu dire « qu’un opérateur ne saurait détenir une position dominante sur le marché que s'il est parvenu à disposer d'une partie non négligeable de ce marché ». 77 Comm. CE, Rapport préliminaire de l’enquête relative au secteur pharmaceutique, publié le 28 nov. 2008, http://ec.europa.eu/comm/competition/sectors/pharmaceuticals/inquiry/index.html 78 Cons. Conc. Décision n° 01-D-23 du 10 mai 2001 relative aux pratiques de la société Abbott sur le marché des produits anesthésiques.

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L’examen des parts de marché n’est pas le seul critère afin de caractériser un abus de

position dominante. Il est fréquemment complété par l’examen d’obstacles à l’expansion

de la concurrence.

En effet, les laboratoires génériques ne disposent pas des mêmes moyens financiers

que les laboratoires innovants. Il s’agit, donc, de mesurer la difficulté des génériqueurs à

pouvoir concurrencer les laboratoires princeps, afin d’apprécier le pouvoir de marché de

ces derniers79.

Dans une seconde section, il conviendra d’analyser les pratiques des laboratoires

princeps qui visent à exclure de la concurrence les génériqueurs.

Section 2 : Exemples d’abus de position dominante

§1 : La pratique du dénigrement

Un abus de position dominante peut résulter d'un dénigrement entrepris par une

entreprise d'un concurrent, lorsque la pratique a pour objectif de dissuader les nouveaux

clients de s'adresser à celui-ci, et l'exclut donc de nouveaux contrats80.

L'Autorité de la concurrence précise, toutefois, que, contrairement au dénigrement,

l'abus de position dominante suppose que les propos allégués ne soient pas fiables. Des

allégations exactes ne peuvent être considérées comme constitutives d'abus de position

dominante81.

Néanmoins dans une décision, l'Autorité de la concurrence a estimé que constituait

un abus de position dominante de la part d'un laboratoire pharmaceutique, le fait de

diffuser des informations comportant des sous-entendus de nature à instiller un doute

79 Cons. conc., Rapport d’activité 2006, Etudes thématiques, « Les barrières à l’entrée » 80 CA Paris, 23 mars 2010 : JCP E 2010, 1411, M. Malaurie-Vignal 81 Aut. conc., déc. n° 09-D-28, 31 juil. 2009 : Contrats, conc. consom. 2009, comm. 246, M. Malaurie-Vignal

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dans l'esprit de ses utilisateurs pharmaciens et médecins sur la bioéquivalence entre le

princeps et les génériques82.

La diffusion d'une information négative, voire l'instillation d'un doute sur les qualités

intrinsèques d'un médicament, peut suffire à le discréditer immédiatement auprès des

professionnels de la santé.

S'il est facile pour un laboratoire pharmaceutique de mettre en évidence les qualités

objectives d'un produit, le fait de placer aussi en exergue des différences peut témoigner

d'une volonté d'induire le praticien en erreur et être constitutif d'un abus de position

dominante.

Aujourd’hui, les médicaments génériques souffrent de diverses formes de

dénigrement visant diminuer leur présence. Mais, aucune étude scientifique ou médicale

sérieuse démontrant que les médicaments génériques seraient moins efficaces ou plus

dangereux que les médicaments princeps n’a été à ce jour publiée.

Un tel comportement vise à empêcher ou ralentir l’entrée de médicaments génériques

sur un marché donné et est, dès lors, susceptible d’être considéré par l’Autorité de la

concurrence comme constituant une infraction à l’article 102 du TFUE et à l’article L.

420-2 du code de commerce.

Afin de ralentir l’entrée des médicaments génériques sur le marché national, les

laboratoires princeps adoptent des stratégies de communication à l’attention des

médecins et des pharmaciens afin que l’information soit relayée aux patients. Le but est

de faire naître un sentiment de méfiance vis à vis des génériques. A cet effet, le

laboratoire innovant va prétendre que le générique de son princeps présente des risques

pour les patients, en se basant sur une absence de bioéquivalence. Or, les laboratoires

génériques, par manque de moyens financiers, seront incapables de riposter face à ces

campagnes de communication.

82 Aut. conc., déc. n° 13-D-11, 14 mai 2013, Contrats, conc. consom. 2013, comm. 157, obs. M. Malaurie-Vignal ; Contrats, conc. consom. 2013, comm. 61, obs. D. Bosco

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Le but de cette pratique de dénigrement est d’instaurer un doute chez le prescripteur,

qui préféra donner le médicament princeps à son patient plutôt que son générique, en

apposant la mention « non substituable ».

La Cour des comptes avait déjà relevé les effets du dénigrement dans son rapport sur

la sécurité sociale de 2011. Elle avait remarqué que « dès qu’une molécule perd son

brevet, alors qu’une offre économique plus intéressante se développe, elle perd des parts

de marché. Le répertoire qui s’accroit d’année en année voit ainsi progressivement sa

part dans l’arsenal thérapeutique s’éroder »83.

En 2012, l’IGAS 84 analysait cette pratique comme étant l’une des causes de

l’épuisement de la croissance des génériques en France et pointait le fait que cela avait

pour conséquence que « seulement 43 % des médecins estiment que les exigences

requises sont les mêmes pour les médicaments génériques que pour les princeps »85.

De même, en 2012, la Mutualité Française déclarait que le dénigrement constituait

une entrave au développement des génériques86.

Le dénigrement a donc pour effet un recul de la substitution par les génériques. C’est

pénalisant pour l’Assurance maladie et donc pour le consommateur, car les prescriptions

de princeps restent élevée. Cela entraîne des surcout liés au remboursement pour

l’Assurance maladie et au reste à charge pour le consommateur final.

Cette pratique a été constatée et sanctionnée dans une décision 13-D-1187. Il s’agit du

dénigrement opéré par Sanofi-Aventis contre les génériques de son princeps Plavix.

Dans cette décision, l'Autorité de la concurrence sanctionne le laboratoire Sanofi

d'abus de position dominante et lui inflige une amende de 40,6 millions d'euros.

83 Cour des comptes, Rapport sur la sécurité sociale 2011, Chapitre IV, La maîtrise des dépenses de médicaments, septembre 2011, p. 131. 84 Inspection générale des affaires sociales 85 IGAS, « Évaluation de la politique française des médicaments génériques », Rapport, septembre 2012. 86 Mutualité Française, « Rapport 2012 sur les médicaments génériques : 10 propositions pour restaurer la confiance », décembre 2012 87 Prec. : Aut. conc., déc. n° 13-D-11, 14 mai 2013

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En l’espèce, le médicament Plavix permet de prévenir les complications liées à

l’athérothrombose. À l'expiration du brevet en 2008, les laboratoires génériqueurs ont

alors commercialisé leurs produits, qui ont bien entendu été déclarés bio-équivalents par

les autorités sanitaires.

Le sel de clopidogrel est un des composés du Plavix. Comme il était encore protégé,

les laboratoires génériques ont utilisé un sel différent, mais bioéquivalant.

En l’espèce, étaient en cause des sous-entendus de nature à instaurer un doute dans

l'esprit des pharmaciens et des médecins sur la bioéquivalence entre le princeps et ses

génériques88. Pour cela, les visiteurs médicaux mettaient en avant la différence de sel

avec le Plavix.

Dans cette décision, l'Autorité a conclu à l'existence d'un abus de position dominante.

Pour caractériser l'abus, l'autorité souligne la spécificité du milieu de la santé, caractérisé

par « une rigidité au changement relativement forte de la part des médecins prescripteurs

et des pharmaciens ainsi qu'une certaine méfiance vis-à-vis de la nouveauté qui ne peut

être surmontée que par une information précise et objective89 ».

Le point 376 de la décision souligne une avancée, car, désormais, « la diffusion d'une

information négative, voire l'instillation d'un doute sur les qualités intrinsèques d'un

médicament peut suffire à le discréditer immédiatement auprès des professionnels de la

santé ». Est abusif le fait de souligner les éventuelles différences de sel. Cela transforme

une simple information négative en pratique abusive.

En l’espèce, on peut relever que le dénigrement est caractérisé alors que

l’information n’était pas litigieuse mais seulement incomplète, car le laboratoire Sanofi

communiquait sur les différences de sel entre son produit princeps et le générique

fabriqué par les concurrents, mais sans préciser les éventuelles propriétés chimiques ou

médicales nocives de ces autres produits. Il s’agit, en réalité, de sanctionner des

informations partielles et cela traduit une volonté politique d'ouvrir le marché des

médicaments aux génériques. 88 Réf. Contrats, conc. consom. 2010, D. Bosco comm. 183 89 Point 375

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Le dénigrement a pour but de décourager les pharmaciens ou les médecins à

substituer les médicaments génériques aux princeps. Il s’agit d’un abus de position

dominante tout comme l’utilisation de prix prédateurs.

§2 : La pratique des prix prédateurs

La définition de la pratique du prix prédateur a été posée par le Conseil de la

concurrence comme étant « une politique de prix par laquelle une entreprise dominante

baisse ses prix, et de ce fait, subit délibérément des pertes ou réduit ses profits à court

terme, pour éliminer ou discipliner un ou plusieurs concurrents ou pour bloquer l'entrée

sur le marché de concurrents potentiels dans le but de protéger ou de renforcer sa

position dominante »90.

Les critères de cette pratique anticoncurrentielle sont la présence d'une position

dominante de l'entreprise sur un marché pertinent et l’intention prédatrice basée sur un

sacrifice financier.

Le but de la pratique des prix prédateurs est de défendre une position de monopole

menacée par la concurrence. La condition préalable est donc l'existence d'une position

dominante de l'entreprise sur le marché en cause.

Dans sa décision n° 07-D-09, saisi d'office de ces pratiques, le Conseil de la

concurrence a retenu la qualification de prix prédateurs sur le fondement de la prohibition

des abus de position dominante et a condamné Glaxo à une lourde amende de 10 millions

d'euros pour avoir fait obstacle à l'arrivée des médicaments génériques à l'hôpital.

Selon la définition du Conseil de la concurrence, la prédation repose sur un sacrifice

financier temporaire de l'entreprise destiné à maintenir et à renforcer sa position

dominante. La démonstration de ce sacrifice permet d'établir l'intention prédatrice et

90 Cons. conc., déc. n° 07-D-09, 14 mars 2007, GlaxoSmithKline France

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61

s'obtient par la comparaison entre les prix pratiqués et les coûts d'achat ou de production

supportés par l'entreprise pour les produits concernés91.

Dans sa décision, le Conseil s’est référé au test de coût établi par la jurisprudence

communautaire dans l'affaire Akzo92. La Cour de justice, ici, distingue deux cas. Lorsque

le prix de vente est compris entre le coût variable moyen et le coût total moyen, la charge

de la preuve de l'intention prédatrice incombe au juge qui, classiquement, s'appuie sur un

faisceau d'indices (absence de rationalité économique, possibilité de récupération des

pertes...). Mais, lorsque le prix de vente est durablement inférieur à la moyenne des coûts

variables de production du bien, l'entreprise subit des pertes qui augmentent avec les

quantités vendues. Un tel comportement, irrationnel d'un point de vue économique, laisse

supposer une intention de réaliser temporairement des pertes pour augmenter ses profits

dans un avenir proche et, dans ce cas l'intention prédatrice est alors présumée.

En l'espèce, la pratique de vente à bas prix s'effectuait sur le marché non dominé du

céfuroxime. La cour d'appel est ainsi amenée à comparer le coût d'achat du Zinnat par

Glaxo et les prix pratiqués à l'occasion des appels d'offres passés par les hôpitaux. Cette

comparaison lui a permis d'établir que ce médicament était vendu en dessous de ses coûts

moyens variables, laissant ainsi présumer l'intention prédatrice. Glaxo contestait

cependant l'utilisation du test de coût, car le laboratoire se procurait le médicament

auprès d'une filiale étrangère. Pour lui, il ne s'agissait pas d'un prix d'achat. Cet argument

est rejeté par la cour d'appel qui estime que Glaxo bénéficiait d'une autonomie

commerciale suffisante pour que le prix de transfert corresponde à une situation de pleine

concurrence. En application de la jurisprudence Akzo, l'intention prédatrice du

laboratoire est ainsi présumée. Toutefois, cette présomption reste réfragable et Glaxo

soulevait deux arguments tendant à l'infirmer : l'exception d'alignement et l'impossibilité

de récupération des pertes. Ces deux éléments sont rapidement écartés par les juges car

en présence d'appels d'offres, les prix sont secrets et tout alignement était donc

impossible. De plus les pertes modestes subies sur le marché non dominé ont été

rapidement récupérées.

91 La Semaine Juridique Edition Générale n° 51, 17 Décembre 2008, II 10209 « Rejet de l'abus de position dominante par prix prédateurs à l'encontre du laboratoire Glaxo » Commentaire par Bertrand Duloum. 92 CJCE, 3 juill. 1991, aff. C-62/86, Akzo Chemie BV

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62

La cour confirme ainsi la position dominante de Glaxo et sa pratique de sacrifice

tarifaire. Néanmoins, ces points sont insuffisants pour qualifier la pratique de prédation.

Ils nécessitent d'être complétés par l'analyse de la stratégie prédatrice qui met en évidence

le lien entre ces éléments.

Le problème de cette affaire est que le laboratoire Glaxo n’était pas en position

dominante sur le marché. Il fallait donc caractériser un lien entre les prix bas sur le

marché non dominé et la décision des concurrents de ne pas pénétrer le marché dominé.

La pratique des prix prédateurs peut en effet être mise en place sur le marché dominé,

mais cela est couteux, car la récupération des pertes est compliquée en raison des

quantités importantes de produits vendus. Il est, donc, plus avantageux de réaliser cette

pratique sur un marché non dominé.

La prédation effectuée sur un marché non dominé peut être sanctionnée lorsqu'il

existe un lien de connexité entre celui-ci et le marché dominé permettant ainsi à

l'entreprise de protéger ou de renforcer sa domination sur le marché d'origine93.

Les juges considèrent que les liens entre les marchés du céfuroxime sodique et de

l'aciclovir se limitent à des caractéristiques générales. Ils proposent ainsi une analyse plus

stricte du lien de connexité qui repose non pas sur des caractéristiques similaires

d'organisation des marchés, mais qui s'établit principalement en fonction des liens

existant entre les produits en cause.

Au-delà du lien de connexité, c'est l'analyse de la stratégie prédatrice dans son

ensemble qui est remise en cause.

Le Conseil de la concurrence avait reconnu dans le comportement du laboratoire, une

pratique de prédation par construction d'une réputation d'agressivité. La baisse massive

de ses prix lui avait permis d'envoyer un signal fort d'intimidation, destiné à dissuader ses

concurrents potentiels d'entrer sur les marchés dominés. Ce scénario était corroboré par

ses effets directs et indirects : Flavelab était sorti du marché du céfuroxime et les autres 93 Ref : CJCE, 3 juill. 1991, aff. C-62/86, Akzo Chemie BV

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63

concurrents qui avaient obtenu une autorisation de mise sur le marché pour les

médicaments génériques correspondant au Zovirax n'étaient finalement pas entrés sur le

marché.

Mais, en l'absence d'un signal fort émis par l'entreprise en position dominante et reçu

de manière dissuasive par ses concurrents potentiels, la cour d'appel ne retient pas la

qualification de prix prédateurs.

La cour d'appel privilégie la preuve d'un lien de cause à effet entre la stratégie

d'agressivité sur le marché non dominé et l'attitude des « génériqueurs » sur le marché

dominé. Il est vrai que cette preuve se révèle difficile à apporter, mais d'un point de vue

juridique, cette corrélation apparaît indispensable pour retenir l'abus de position

dominante. Selon la définition de cette pratique, l'atteinte à la concurrence caractérisée

par une limitation d'entrée des « génériqueurs » sur le marché doit trouver sa cause

directe dans le comportement de l'entreprise dominante. À cet égard, la cour d'appel ne se

contente pas de constater que l'attitude de Glaxo ne caractérisait pas un comportement

agressif. Elle établit également que les entreprises n'ont pas été réellement dissuadées par

ce comportement.

Face à un marché du générique en plein essor, l'analyse stricte de la prédation

proposée par la cour d'appel ouvre la voie à un champ de réactions importantes et risque

fort d'encourager les laboratoires de princeps à utiliser abondamment les armes de la

dissuasion.

Certaines pratiques agressives, mises en place par les laboratoires innovants ayant pour

but de retarder la distribution des médicaments, ont été sanctionnées par le droit de la

concurrence et plus particulièrement le droit des abus de position dominante.

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64

TITRE 2 : LA PLACE DES CONSOMMATEURS :

LE CONSOMMATEUR DE SOIN AVERTI

Afin de garantir l’essor de la distribution des médicaments génériques, les

demandeurs doivent être toujours mieux informés. A cet effet, la publicité classique et la

publicité comparative sont des outils au développement des génériques (chapitre 1).

Mais, il ne faut pas oublier que le but du développement des médicaments génériques

était une diminution des dépenses de santé, ce qui, aujourd’hui, peut être atteint par un

autre mode de distribution des médicaments qui est l’automédication (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : La publicité des médicaments génériques

L’article L. 5122-1 du Code de la santé publique définit la publicité pour les

médicaments à usage humain comme “toute forme d'information, y compris le

démarchage, de prospection ou d'incitation qui vise à promouvoir la prescription, la

délivrance, la vente ou la consommation de ces médicaments, à l'exception de

l'information dispensée, dans le cadre de leurs fonctions, par les pharmaciens gérant une

pharmacie à usage intérieur”.

Cette définition est tirée de la directive n° 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant

un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, elle même modifiée par

la directive 2004/27/CE du 31 mars 2004, qui dispose que la publicité pour les

médicaments est “toute forme de démarchage d'information, de prospection ou

d'incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la

consommation de médicaments”.

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En matière de médicaments, nous verrons que la jurisprudence tend à interpréter les

règles relatives à la publicité classique (section 1) et celles relatives à la publicité

comparative (section 2) dans un sens favorable aux producteurs de génériques.

Section1 : La publicité classique

Afin de définir la publicité, il faut se fonder sur la finalité du message94.

Partant, la Cour conclut que "l'article 88 § 1 a) de la directive n° 2001/83 n'interdit

pas la diffusion sur un site internet par une entreprise pharmaceutique, d'informations

relatives à des médicaments soumis à prescription médicale, lorsque ces informations

sont accessibles sur ce site seulement à celui qui cherche à les obtenir et que cette

diffusion consiste uniquement en la reproduction fidèle de l'emballage du médicament,

[...], ainsi qu'en la reproduction littérale et intégrale de la notice ou du résumé des

caractéristiques du produit qui ont été approuvés par les autorités compétentes en

matière de médicaments. Est au contraire interdite la diffusion, sur un tel site,

d'informations relatives à un médicament qui ont fait l'objet, de la part du fabricant,

d'une sélection ou d'un remaniement ne pouvant s'expliquer que par une finalité

publicitaire. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si et dans quelle

mesure les activités en cause au principal constituent de la publicité au sens de la

directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2004/27".

La publicité ne doit pas être trompeuse, ni porter atteinte à la protection de la santé

publique95. Elle doit montrer le médicament de façon objective afin d’encourager son

utilisation et respecter l’AMM. A cet effet, l’Agence nationale de sécurité des

médicaments et des produits de santé peut contrôler et modifier les publicités sur le

fondement de l’article L.5122-25 du CSS96.

94 CJUE, 5 mai 2011, aff. C-316/09, MSD Sharp & Dhome GmbH c/ Merckle GmbH 95 Article L5122-2 du CSS « La publicité définie à l'article L. 5122-1 ne doit pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la santé publique. Elle doit présenter le médicament ou produit de façon objective et favoriser son bon usage.Elle doit respecter les dispositions de l'autorisation de mise sur le marché ainsi que les stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de santé. » 96 « La publicité ou la propagande, sous quelque forme que ce soit, relative aux objets, appareils et méthodes, présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des

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L'Agence veille également à ce que la présentation de la publicité ne soit pas

trompeuse en faisant croire notamment à des vertus du médicament qui ne seraient pas

prouvées ou vérifiées97.

Pour ce qui est de la publicité auprès du public, elle est strictement réglementée et

admise qu'à la condition « que ce médicament ne soit pas soumis à prescription médicale,

qu'aucune de ses différentes présentations ne soit remboursable par les régimes

obligatoires d'assurance maladie et que l'autorisation de mise sur le marché ou

l'enregistrement ne comporte pas d'interdiction ou de restriction en matière de publicité

auprès du public en raison d'un risque possible pour la santé publique, notamment

lorsque le médicament n'est pas adapté à une utilisation sans intervention d'un médecin

pour le diagnostic, l'initiation ou la surveillance du traitement. »98.

Il faut remarquer que le champ d’application de la publicité comparative en faveur

d’un générique se trouve très élargi. Cette interprétation extensive de la publicité

comparative présente pour les fabricants de génériques des avantages importants, car ils

ont la possibilité de citer la marque du princeps sans risquer une condamnation pour

contrefaçon.

Section 2 : La publicité comparative

Aux termes de l’article L121-8 du Code de la consommation, la publicité

comparative est « toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en

identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts

par un concurrent n'est licite que si : 1° Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire

en erreur ; 2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant

affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques, le diagnostic ou la modification de l'état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques, peut être interdite par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, lorsqu'il n'est pas établi que lesdits objets, appareils et méthodes possèdent les propriétés annoncées. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé peut aussi soumettre cette publicité ou propagande à l'obligation de mentionner les avertissements et précautions d'emplois nécessaires à l'information du consommateur. » 97 Décision du 11 juillet 2008 interdisant une publicité pour Difrarel 100mg. 98 Article L5122-6 alinéa 1er.

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le même objectif ; 3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques

essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le

prix peut faire partie. ».

Dans une publicité comparative, il est logique de citer les produits que l'on compare,

mais si la publicité en cause ne répond pas aux conditions de l'article L. 128-1 du Code

de la consommation, cette utilisation du nom d'une marque peut être constitutive d'un

acte de concurrence déloyale voire de contrefaçon.

La question se pose en matière de médicaments génériques de savoir si dire qu'un

médicament est le générique d'un autre implique que les conditions de la licéité de la

publicité comparative sont remplies ou un acte de contrefaçon.

Une fois sur le marché, le médicament générique même si il est handicapé par la

notoriété du princeps, peut utiliser cette image de marque grâce à une jurisprudence très

accueillante sur l’utilisation de la publicité comparative par les génériqueurs.

Au cas présent, la jurisprudence de principe est un arrêt de la Chambre commerciale

de la Cour de cassation en date du 26 mars 200899.

En l’espèce, une société est titulaire de la marque Deroxat et cette marque est utilisée

par une autre société pour désigner un médicament antidépresseur commercialisé en

France.

Une société, qui a obtenu une autorisation de mise sur le marché d'une spécialité

pharmaceutique inscrite au répertoire des génériques, a fait paraître dans des journaux

destinés aux professionnels, des annonces informant de la commercialisation prochaine

de cette spécialité, générique de Deroxat. Cette société a été assignée en contrefaçon de

marque et en concurrence déloyale.

Pour retenir des actes de contrefaçon, l'arrêt retient que la publicité litigieuse est

uniquement destinée aux professionnels de santé, qu'elle se limite à citer la marque

99 Cass. com., 26 mars 2008, n° 06-18.366, FS P+B, Sté Sandoz c/ Sté Laboratoire Glaxosmothkline

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Deroxat et ne comporte aucun élément de comparaison entre la spécialité générique et le

produit princeps commercialisé sous cette marque. Elle ajoute que la mention de

générique induit nécessairement une identification des deux produits et non une

comparaison de leurs qualités essentielles et représentatives réciproques100.

Cette affaire montre l’atteinte des génériques sur le droit des marques.

La cour d'appel de Paris, le 3 mai 2006, condamna Sandoz pour contrefaçon de

marque au motif qu'il n'y avait pas de comparaison des deux médicaments mais

identification101.

Mais, ce raisonnement sera censuré par la Chambre commerciale de la Cour de

cassation le 26 mars 2008 : « en statuant ainsi, alors qu'en présentant la spécialité

paroxétine G Gam comme le générique du Deroxat, la société G Gam informait le public

que cette spécialité avait la même composition qualitative et quantitative en principe

actif, la même forme pharmaceutique que la spécialité de référence, et que sa

bioéquivalence avec cette spécialité était démontrée, ce dont il résulte qu'elle procédait à

une comparaison de caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et

représentatives de ces produits. »102

Pour la Cour de cassation, la simple mention du générique accolée à celle du princeps

n’est pas une comparaison implicite des deux produits.

La Cour de renvoi estima, quant à elle, qu'il n'était pas nécessaire de faire référence à

la marque Deroxat, puisqu'il existe pour le public concerné d'autres moyens d'identifier la

destination du générique103.

L'arrêt est cassé par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 24 mai 2011

au motif que « la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans son arrêt

du 12 juin 2008104 que les articles 5, paragraphes 1 et 2, de la première directive

100 La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 20, 15 Mai 2008, 1635. 101 CA Paris, 3 mai 2006 : JurisData n° 2006-302811 102 D. 2008, p. 1524, note J. Azéma ; RLC n° 19/2009, p. 122, obs. L. Arcelin-Lécuyer 103 CA Versailles, 17 sept. 2009, RG08/06287 104 aff. C-533/06, 02 Holdings Limited et al.c/ Hutchison 3G UK Limited

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89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États

membres sur les marques, et 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450/CEE du Conseil,

du 10 septembre 1984, en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative,

telle que modifiée par la directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6

octobre 1997, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d'une marque

enregistrée n'est pas habilité à interdire l'usage, par un tiers, dans une publicité

comparative qui satisfait à toutes les conditions de licéité énoncées audit article 3 bis,

paragraphe 1, d'un signe identique ou similaire à sa marque ».

Les juges admettent la qualification de publicité comparative d’une publicité qui

présente le générique par référence à sa spécialité de référence identifiée par son nom de

marque. Ainsi, seuls la bioéquivalence et le prix permettent de comparer le générique et

le princeps ou le générique et les autres génériques.

Il demeure toutefois, qu’en marge du développement de la distribution des

médicaments génériques, grâce à une réglementation et une jurisprudence extensives, les

pratiques des consommateurs changent petit à petit.

L’Autorité de la concurrence, après avoir encouragé le développement des

médicaments génériques, à la fin des années 90, aimerait voir se développer

l’automédication en France afin de faire baisser les prix des médicaments.

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CHAPITRE 2 : Vers une évolution de la distribution des médicaments, après l’essor

des médicaments génériques: le développement de l’auto médication

L'automédication responsable consiste, pour les individus, à soigner

leurs maladies grâce à des médicaments autorisés, accessibles sans ordonnance, sûrs et

efficaces dans les conditions d'utilisation indiquées, avec le conseil du pharmacien. C’est

un des aspects du selfcare105.

Les médicaments d’automédication sont conçus pour le traitement symptomatique de

pathologies bénignes identifiées par le patient sans l’intervention d’un médecin. Le

patient peut donc les acheter sans ordonnance.

Ces médicaments sont soumis à PMF, car ils ne présentent pas de danger direct pour

les consommateurs de médicaments. Par contre, ils sont tout de même vendus en

pharmacie, puisqu’ils restent des médicaments, qui, mal utilisés, peuvent s’avérer

néfastes pour le patient.

Pour être adapté à l'automédication, un médicament doit présenter les

caractéristiques suivantes106 :

- contenir une substance active adaptée à l’automédication avec un rapport

efficacité/sécurité satisfaisant

- être utilisé dans le cadre d'une indication relevant d’une prise en charge par le

patient seul (affections bénignes ou banales, affections chroniques avec

un diagnostic médical initial et qui ne nécessitent pas de suivi médical...)

- avoir un conditionnement adapté à la posologie et à la durée prévue du traitement

- fournir dans sa notice une information au patient lui permettant de juger de

l’opportunité du traitement, de comprendre facilement son mode d’utilisation et

de connaître les signes qui doivent inciter à demander l'avis du médecin.

105 qui désigne en anglais la prise en charge de sa santé. 106 http://www.afipa.org/1-afipa-automedication/119-l-automedication-responsable/304-qu-est-ce-que-l-automedication.aspx

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Les prix des médicaments d’automédication ne cessent d’augmenter.

Selon l’UFC Que Choisir, les médicaments en vente libre en France représentent un

tiers des dépenses de médicaments des ménages107 et les 4/5ème des dépenses

d’automédication des Français, soit environ 1,65 milliards d’euros en 2011. Cela

concerne les médicaments non remboursables, vendus à prix libre par les pharmaciens, et

cela s’explique, car le recours au médecin reste limité pour les pathologies bénignes.

Selon l’AFIPA, les ventes totales des médicaments d’automédication, en prix public

TTC, s’élèvent à 2,123 milliards d’euros en 2013, soit une baisse de 3% par rapport à

2012108. En France, l’automédication occupe moins de place sur le marché que dans les

autres pays. Elle représente 15,7 % des parts de marché, contre 25,7 % en moyenne.

Mais, surtout aujourd’hui, elle recule légèrement dans l’Hexagone alors qu’elle progresse

ailleurs109.

Pour remédier à cela et changer les habitudes de consommation des médicaments des

français, il faudrait tomber le monopole des pharmaciens sur les médicaments et les

médicaments sans ordonnance devraient pouvoir être vendus en grande surface.

Le but serait de faire baisser le prix des médicaments car le développement de

l’automédication en France soulève de nouvelles interrogations quant à l’encadrement

dont les médicaments non remboursés font l’objet. En effet, les prix de vente au détail de

ces médicaments sont fixés librement par les fabricants puis par les pharmaciens

d’officine et cette liberté tarifaire pourrait être une source de concurrence par les prix et

de baisse du coût de l’automédication pour les patients.

Cette nouvelle forme de commerce pourrait offrir des avantages aux consommateurs

en termes de services ou de prix, car la fin du monopole ferait baisser les prix110.

107 UFC Que Choisir, « Automédication : contre les maux diagnostiqués, l’UFC Que Choisir propose ses antidotes », mars 2012 108 12ème baromètre Afipa 2013 des produits du selfcare, http://www.afipa.org/fichiers/20140122142807_Barometre_Afipa_2013_produits_du_marche_du_selfcare_2013.pdf 109« Automédication : les Français plus réticents que leurs voisins européens » A. Vaugrente http://www.pourquoidocteur.fr/Automedication---les-Francais-plus-reticents-que-leurs-voisins-europeens-6976.html 110 « Automédication : le monopole des pharmacies remis en cause » J.Prioux

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Ce nouveau commerce devra bien entendu être encadré : ainsi, pour garantir la

qualité et la sécurité de la vente du médicament, la présence d'un pharmacien diplômé au

sein de l'établissement serait obligatoire. De plus, l'établissement aurait l'obligation de

créer un espace de vente dédié fournissant la délivrance d'un conseil médical.

Par ailleurs, pour compenser cette éventuelle perte de revenus, l'Autorité propose de

renforcer le rôle des pharmaciens, en rémunérant ses nouvelles missions sur un mode

forfaitaire (conseil, suivi des patients pour des pathologies chroniques telles que le

diabète...). En outre, ces derniers sont aussi encouragés à se diversifier : se lancer dans

la vente de médicaments en ligne et dans le commerce de nouveaux produits

paramédicaux au sein de leur officine.

Même si, en 2013, l'évolution de l'automédication n'a pas progressée, sa courbe de

croissance est plutôt constante et grimpe petit à petit chaque année. Il existe un réel

marché à conquérir, d'autant plus que les réformes de l'État vont en ce sens et sont

encouragées par l’Autorité de la concurrence.

http://www.pourquoidocteur.fr/Automedication---le-monopole-des-pharmacies-remis-en-cause-4773.html

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CONCLUSION PARTIE 2

Les pratiques contraires à la réglementation en matière de publicité sont sanctionnées

mais seulement si elles ont pour effet des pressions anticoncurrentielles. Dans le cas

contraire, la jurisprudence et la réglementation en matière de publicité permettent l’essor

des médicaments génériques en leur faisant bénéficier, en quelque sorte, de la notoriété

des médicaments princeps.

Nous l’avons vu tout au long de cet écrit, la réglementation et la jurisprudence, tant

nationale que communautaire ont permis le développement d’une nouvelle forme de

distribution des médicaments qui est la distribution des médicaments génériques.

L’Avis n° 13-A-24 du 19 décembre 2013 relatif au fonctionnement de la concurrence

dans le secteur de la distribution du médicament à usage humain en ville expose

l’automédication en tant que fort marché potentiel sur lequel les industries

pharmaceutiques doivent se positionner.

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CONCLUSION

Comme nous l’avons vu précédemment, le secteur pharmaceutique, contraint et

forcé, s’ouvre progressivement à la concurrence.

Les laboratoires princeps ont longtemps détenu un monopole de fait sur les

médicaments, même après l’expiration des droits qu’ils détenaient au titre de leurs

brevets.

Le législateur et la jurisprudence sont donc intervenus afin de développer une

concurrence sur le secteur de la distribution des médicaments, et c’est, en ce sens que les

années 90 ont vu émerger une réglementation pro générique.

Le droit de la concurrence a contribué au développement des médicaments

génériques en sanctionnant les pratiques agressives des laboratoires princeps. Et

aujourd’hui, on assiste même à une dissolution du clivage entre laboratoire princeps et

laboratoire générique, car les laboratoires princeps se lancent dans la fabrication de

génériques de leurs produits pharmaceutiques et les génériques développent des

innovations qui rentrent sur le marché.

Le droit de la consommation a, lui aussi, permis le développement des médicaments

génériques en adoptant une réglementation extensive en ce qui concerne la publicité,

qu’elle soit classique ou comparative.

La distribution des médicaments génériques ayant permis à l’Assurance maladie des

économies non négligeables, il convient de soutenir de nouvelles méthodes de

distribution des médicaments, telles que l’automédication.

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• Cons.conc.,déc.n°03-D-35, 24 juillet 2003 relative à des pratiques mises en œuvre par les

laboratoires Sandoz.

• Cons. conc., déc. n° 07-D-09 relative à des pratiques mises en œuvre par le laboratoire

GlaxoSmithKline France, 14 mars 2007.

• Cons. Conc. Décision n° 01-D-23 du 10 mai 2001 relative aux pratiques de la société

Abbott sur le marché des produits anesthésiques.

• Cass. com., 26 mars 2008, n° 06-18.366, FS P+B, Sté Sandoz c/ Sté Laboratoire

Glaxosmothkline.

• CA Paris, 3 mai 2006 : JurisData n° 2006-302811.

• Aut. conc., déc. n° 09-D-28, 31 juil. 2009.

AVIS

• Avis du 21 mai 1981, relatif à des pratiques concertées de pharmaciens d'officine pour

s'opposer à la commercialisation de médicaments génériques, B.O.C.C.R.F. n° 13, 17

juillet 1981, p. 191

• Conseil de la concurrence, avis n° 95-A-08

• Avis n° 13-A-24 du 19 décembre 2013 relatif au fonctionnement de la concurrence dans

le secteur de la distribution du médicament à usage humain en ville.

RAPPORTS

• ANSM, « Les médicaments génériques : des médicaments à part entière », Rapport,

décembre 2012, p.14.

• Cons. conc., Rapport pour 2001, 2e partie, Études thématiques, titre 1er, « Le marché

pertinent ».

• Cons. conc., Rapport pour 2007, Analyse de la jurisprudence.

• Comm. CE, Rapport préliminaire de l’enquête relative au secteur pharmaceutique, publié

le 28 nov. 2008.

• Cons. conc., Rapport d’activité 2006, Etudes thématiques, « Les barrières à l’entrée ».

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• Cour des comptes, Rapport sur la sécurité sociale 2011, Chapitre IV, La maîtrise des

dépenses de médicaments, septembre 2011, p. 131.

• IGAS, « Évaluation de la politique française des médicaments génériques », Rapport,

septembre 2012.

• Mutualité Française, « Rapport 2012 sur les médicaments génériques : 10 propositions

pour restaurer la confiance », décembre 2012.

COMMUNICATIONS

• Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit

communautaire de la concurrence.

• Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit

communautaire de la concurrence, J.O.C.E n° C 372 du 9 déc. 1997 p. 5 – 13 , point n°

25.

THÈSES

• E. Berthet, Les obstacles juridiques à l’essor des génériques, Editions de santé, 1998.

• E. Petrova, Médicaments génériques et Droit de la concurrence, 2009.

• M. Akogbeto, L’accès aux médicaments et le droit des brevets, 2005.

NOTES DE JURISPRUDENCE

• Condomines et Y. Madec, L'affaire Glaxo : un point sur la sanction des prix prédateurs :

RJDA 2007, p. 663 ;

• G. Decocq : Contrat, conc. consom. 2007, comm. 133

• L. Flochel et A. Wachsmann : Concurrences 2007/2, p. 110

• A.-L. Sibony, Retour sur la méthode de qualification des prix prédateurs : Rev. Lamy

Concurrence juill.-sept 2007, p. 17

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TEXTES

• Ordonnance n° 96-345, 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de

soins, JO. 25 avril 1996, p. 6311.

• Loi n° 98-1194, 23 décembre 1998, de financement de la sécurité sociale pour 1999, op.

cit. J.O. 27 décembre n° 300, page 19646.

• Décret no 99-915 du 27 octobre 1999.

• Loi n° 2002-1487, 20 décembre 2002, J.O. 24 décembre, page 21482.

• Directive 2004/27/CE du 31 mars 2004 modifiant la directive 2001/83/CE instituant un

Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

• Loi n°2006-1640, 21 déc. 2006, financement de la sécurité sociale pour 2007.

• Code de commerce.

• Code de la santé publique.

• Code de la sécurité sociale.

• Code de la consommation.

• Traité de fonctionnement de l’Union européenne

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

PARTIE 1 : LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DES MÉDICAMENTS

GÉNÉRIQUES

Titre 1 : L’accès des génériques au marché

Chapitre 1 : L’évolution de la définition du médicament générique

Section 1 : L’évolution légale

Section 2 : L’évolution jurisprudentielle

Chapitre 2 : Le droit au service du développement de la distribution de génériques

Section 1 : Des procédures d’autorisation de mise sur le marché favorable

Section 2 : L’autorisation de mise sur le marché suivie par la commercialisation des

médicaments génériques

§1 : L’obtention du remboursement par l’assurance maladie

§2 : L’inscription au répertoire

§3 : Le droit de substitution, un droit économique

Titre 2 : Les marchés pertinents des médicaments génériques

Chapitre 1 : La délimitation des marchés

Section 1 : La délimitation matérielle

§1 : Les critères de substituabilité prenant compte des caractéristiques du

médicament

A. Un premier critère de délimitation : la classification anatomique, thérapeutique et

chimique

B. Un deuxième critère de délimitation : les indications thérapeutiques

C. Un troisième critère de délimitation : les différences de prix

§2 : Les critères de substituabilité prenant en compte les choix des acteurs de santé

Section 2 : La délimitation géographique

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Chapitre 2 : Les différentes méthodes de délimitation

Section 1 : Approche prospective pour les concentrations

Section 2 : Approche rétrospective pour les pratiques anti concurrentielles

PARTIE 2 : LA DISTRIBUTION DES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES ET

SES EFFETS

Titre 1 : Les stratégies agressives misent en place par les laboratoires

Chapitre 1 : Les ententes

Section 1 : Le cas nord américain

Section 2 : Le cas européen

Chapitre 2 : Les abus de position dominante

Section 1 : L’établissement de l’abus de position dominante d’une entreprise

pharmaceutique

Section 2 : Exemples d’abus de position dominante

§1 : La pratique du dénigrement

§2 : La pratique des prix prédateurs

Titre 2 : La place des consommateurs : le consommateur de soin averti

Chapitre 1 : La publicité des médicaments génériques

Section 1 : La publicité classique

Section 2 : La publicité comparative

Chapitre 2 : Vers une évolution de la distribution des médicaments, après l’essor

des médicaments génériques: le développement de l’auto médication

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

TABLE DES MATIÈRES

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