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La cartographie du bruit RESUME Dans le cadre du développement de l'urbanisa- tion, les problèmes de bruit dû notamment à la cir- culation routière, sont perçus comme de plus en plus préoccupants. La cartographie du bruit peut être utilisée pour représenter l'état acoustique d'un espace. En effet, elle permet de transmettre sous forme gra- phique une quantité d'informations de façon plus explicite que celles fournies sous forme de textes ou de tableaux. Elle est, de ce fait, devenue un bon outil d'analyse, de décision et de sensibilisa- tion. Différents exemples de cartes de bruit, françaises ou européennes, sont présentées. Bien que leur coût de réalisation soit encore important, les cartes de bruit ont tendance à se généraliser et à se banaliser pour permettre une meilleure gestion de l'espace sonore urbain, notamment en application de la nouvelle régle- mentation aujourd'hui française, demain euro- péenne, sur le bruit. MOTS CLÉS : 15-70 - Bruit mesuré - In situ - Zone urbaine - Modèle (sauf math) - Carte - Envi- ronnement - Simulation - Circulation - Acousti- que. Bernard MERIEL Chef du département Sciences de l'environnement Laboratoire régional des Ponts et Chaussées de Blois Catherine SERVE Chargée d'études bruit Laboratoire régional des Ponts et Chaussées de Strasbourg Introduction En France, le bruit constitue la nuisance la plus fréquemment mentionnée dans les enquêtes portant sur l'évaluation de la qua- lité de l'environnement, notamment en milieu urbain. Connaître l'espace sonore urbain c'est, entre autres, repérer les zones les plus bruyantes comme les plus calmes, identifier et localiser les sources principales, les populations exposées, etc. [1]. Pour évaluer ce bruit, trois types d'approche sont disponibles : >• le calcul ; >• les mesures « in situ » ; > la simulation sur maquette. Pour la représentation de ces valeurs calculées, mesurées ou simulées, des techniques différentes peuvent être employées. La cartographie est l'une des principales. Elle permet de transcrire en une expression visuelle directe, la répartition de niveaux sonores pour une période donnée dans une zone déterminée. Outils de travail à échelles variées, les cartes de bruit obéissent soit à une logique normative et réglementaire, nationale soit à une logique volontariste de la part des collectivités locales qui cherchent à résoudre les problèmes de bruit auxquels elles sont confrontées. • Dans le premier cas, elles sont élaborées sous l'égide de l'État et s'inscrivent dans une démarche réglementaire concer- nant le domaine des infrastructures de transports aériens et ter- restres (par exemple les plans d'exposition au bruit ou de gêne sonore, le classement sonore des infrastructures de transports terrestres). Réalisées essentiellement à partir de calculs, com- plétées, si nécessaire, par des mesures, ces cartes ont, selon les cas, une vocation préventive ou une vocation curative et com- pensatoire. • Dans le second cas, non réglementées, les cartes répondent aux besoins des collectivités territoriales sur la base d'une dé- marche volontaire. Elles n'ont pas de valeur légale ou juridique, mais dotées d'une valeur informative, elles permettent d'orien- ter les décisions des élus en matière d'aménagement. Les mé- thodes employées et les présentations de ces cartes sont très diverses. Elles peuvent reposer aussi bien sur une approche BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 227 - JUILLET-AOÛT 2000 - RÉF. 4298 - PP. 85-95 85

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La cartographie du bruit

RESUME

Dans le cadre du développement de l'urbanisa­tion, les problèmes de bruit dû notamment à la cir­culation routière, sont perçus comme de plus en plus préoccupants.

La cartographie du bruit peut être utilisée pour représenter l'état acoustique d'un espace. En effet, elle permet de transmettre sous forme gra­phique une quantité d'informations de façon plus explicite que celles fournies sous forme de textes ou de tableaux. Elle est, de ce fait, devenue un bon outil d'analyse, de décision et de sensibilisa­tion.

Différents exemples de cartes de bruit, françaises ou européennes, sont présentées.

Bien que leur coût de réalisation soit encore important, les cartes de bruit ont tendance à se généraliser et à se banaliser pour permettre une meilleure gestion de l'espace sonore urbain, notamment en application de la nouvelle régle­mentation aujourd'hui française, demain euro­péenne, sur le bruit.

MOTS CLÉS : 15-70 - Bruit mesuré - In situ -Zone urbaine - Modèle (sauf math) - Carte - Envi­ronnement - Simulation - Circulation - Acousti­que.

Bernard MERIEL Chef du département Sciences de l'environnement

Laboratoire régional des Ponts et Chaussées de Blois

Catherine SERVE Chargée d'études bruit

Laboratoire régional des Ponts et Chaussées de Strasbourg

Introduction En France, le bruit constitue la nuisance la plus fréquemment mentionnée dans les enquêtes portant sur l'évaluation de la qua­lité de l'environnement, notamment en milieu urbain. Connaître l'espace sonore urbain c'est, entre autres, repérer les zones les plus bruyantes comme les plus calmes, identifier et localiser les sources principales, les populations exposées, etc. [1].

Pour Ă©valuer ce bruit, trois types d'approche sont disponibles :

>• le calcul ; >• les mesures « in situ » ; > la simulation sur maquette.

Pour la représentation de ces valeurs calculées, mesurées ou simulées, des techniques différentes peuvent être employées. La cartographie est l'une des principales. Elle permet de transcrire en une expression visuelle directe, la répartition de niveaux sonores pour une période donnée dans une zone déterminée.

Outils de travail à échelles variées, les cartes de bruit obéissent soit à une logique normative et réglementaire, nationale soit à une logique volontariste de la part des collectivités locales qui cherchent à résoudre les problèmes de bruit auxquels elles sont confrontées.

• Dans le premier cas, elles sont élaborées sous l'égide de l'État et s'inscrivent dans une démarche réglementaire concer­nant le domaine des infrastructures de transports aériens et ter­restres (par exemple les plans d'exposition au bruit ou de gêne sonore, le classement sonore des infrastructures de transports terrestres). Réalisées essentiellement à partir de calculs, com­plétées, si nécessaire, par des mesures, ces cartes ont, selon les cas, une vocation préventive ou une vocation curative et com­pensatoire.

• Dans le second cas, non réglementées, les cartes répondent aux besoins des collectivités territoriales sur la base d'une dé­marche volontaire. Elles n'ont pas de valeur légale ou juridique, mais dotées d'une valeur informative, elles permettent d'orien­ter les décisions des élus en matière d'aménagement. Les mé­thodes employées et les présentations de ces cartes sont très diverses. Elles peuvent reposer aussi bien sur une approche

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quantitative basée essentiellement sur des mesures acoustiques, que sur une approche qualitative décrivant des ambiances sonores.

Les règles générales de la cartographie La visibilité d'une carte dépend de l'équilibre entre un fond de carte, généralement topographique et urbanis-tique, et des informations thématiques.

L'information acoustique devra être ordonnée suivant les intensités sonores. Elle peut recourir à différents moyens graphiques dont les principaux sont les variations :

>- de valeur : du clair au foncé ; >- de taille : du petit au grand ; >• de couleur.

En ce qui concerne les couleurs, certaines précautions sont à prendre. On distingue les couleurs « chaudes » et les couleurs « froides » selon la progression suivante (fig. 1).

Il est recommandé d'éviter de mélanger, dans une gra­dation harmonique, des couleurs provenant des deux familles.

Les représentations pourront être ponctuelles (l'infor­mation correspond alors à un point précis), zonale ou aréale (partie du territoire) ou linéaire (relatif à un axe).

La figure 2 résume ces variables visuelles.

On devra chercher à limiter le nombre de classes (cinq est souvent cité comme un optimum) en les adaptant à la plage de variation des niveaux sonores pendant la période retenue.

Par ailleurs, les informations annexes introduites dans les cartes doivent également respecter certaines règles. C'est ainsi que le fond de carte doit être le plus discret possible en ne conservant que les informations utiles (bâti, axes routiers, etc.) tout en permettant au lecteur de se repérer dans l'espace.

Enfin, la dimension de la carte et son échelle doivent être en rapport avec la nature de l'étude et le site étudié afin d'obtenir la précision de représentation recher­chée.

Les couleurs chaudes

(Blanc) Jaune Orange Rouge Pourpre (Noir)

Les couleurs froides

(Blanc) Jaune Vert Bleu Indigo (Noir)

Fig. 1

Ponctuelle Aréale Linéaire

Taille ••• —

Couleur • # • • — -

Valeur O O ® •

Fig. 2

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L'Ă©volution des cartes de bruit

La carte de bruit hier L'utilisation de la cartographie du bruit n'est pas nou­velle puisque l'une des premières cartes connues citées par D. Commins dans une étude de bibliographique de 1977 [2] est celle réalisée à Berlin en 1938 pour le bruit produit par la route et le rail et relevé par mesures (tracé de lignes d'isoniveaux exprimées en phone).

Jusqu'en 1960, la grande majorité des cartes a été éta­blie en Allemagne, toujours à partir de mesures et pour le bruit dû aux trafics terrestres, avec comme unité le DIN-phone et comme représentation le tracé par lignes. On peut citer les cartes de Dusseldorf (1952), d'Ham­bourg (1953)...

De 1960 à 1980, on observe que des cartes ont été réa­lisées pour les principales agglomérations des pays industrialisés : Londres (1961-1963), Vienne (1967-1968), Stockholm (1973), Tokyo (1973). San Fran­cisco (1974), New-York (1974). Pour ces cartes, les valeurs ont été acquises par mesures directes sur le site.

du bruit routier ou de l'ensemble des sources sonores. L'unité utilisée dans la majorité des cas a été le dB(A). Par contre, les indicateurs employés ont été assez variables : indices statistiques L ] 0 ou L 3 0 ou indice énergétique comme le niveau sonore équivalent Leq (cas de Stockholm présenté sur les figures 3 et 4), le Leq étant retenu dans la majorité des cartes les plus récentes. La représentation est alors généralement faite par lignes avec des couleurs correspondant à des niveaux ou des classes de bruit.

Dans le cas de la figure 4, il s'agit d'une représentation de l'évolution des niveaux Leq par points.

En France, la première approche cartographique sur Paris a été effectuée à l'aide de mesures ponctuelles par l'association SOS Environnement en 1971 (fig. 5), pour les artères principales |3J.

Ensuite, dans les années 1973-1974, le SETRA a établi des cartes de bruit se rapportant au trafic routier. Elles étaient obtenues à partir du trafic en « heures de pointe », estimé à l'aide de l'analyse de photographies aériennes. La représentation des axes routiers se faisait par lignes de différentes couleurs correspondant à des

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Fig. 4 - Stockholm 1973 - Évolution du Leq après modification du plan de circulation.

classes de niveaux L50 en dB(A) définies par calculs. Parmi les cartes ainsi réalisées, on peut citer Paris-bou­levard périphérique et centre-ville (1973), Toulouse (1973), Blois (1974)....

En 1977, dans le cadre d'un contrat pour le ministère de l'Environnement, le réseau des Laboratoires des Ponts et Chaussées (LPC) en collaboration avec la Société Commins B B M , a été chargé d'une recherche sur le

bruit urbain et sa représentation cartographique [4]. Une méthodologie pour la réalisation de cartes de bruit sur l'ensemble urbain « hors bâti », toutes sources sonores intégrées, a été mise au point et a servi de réfé­rence pour les applications postérieures. Les cartes ont été établies en 1978-1979 avec pour site d'expérimen­tation celui de la ville de Blois [5]. Réalisées en couleur par procédé d'imprimerie, elles représentent le niveau Leq en dB(A) après répartition spatiale du bruit par classes pour les périodes de jour (8 h-20 h), soirée (20 h-24 h) (exemple de la figure 6) et nuit (0 h-5 h). Elles ont constitué un élément de base essentiel pour les actions menées par la ville de Blois dans le cadre d'un contrat « Ville pilote de lutte contre le bruit », passé avec le ministère de l'Environnement en 1979 ; Blois faisant partie avec Toulouse et Aix-les-Bains des trois premières villes pilotes en la matière.

Au début des années 1980, le C E T E du Sud-Ouest, antenne de Toulouse, a élaboré, en collaboration avec le Centre d 'É tudes Techniques de l'Equipement (CETUR), une méthode de cartographie automatique du bruit émis par les axes routiers, basée sur l'applica­tion du Guide du Bruit édité en 1980. La première carte ainsi établie a été celle de la Rochelle en 1982.

Avec l'évolution rapide des techniques de mesures et notamment des « Leq mètres » à stockage (Leq court), des cartes ont pu être réalisées à l'aide d'un grand nom­bre de mesures à partir des années 1982-1983. C'est ainsi qu'entre 1980 et 1987, plus d'une trentaine de car­tes ont été établies en France.

Fig. 5 - Première carte de bruit de Paris (1971).

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Classes de bruit en niveau sonore Ă©quivalent Leq en dB (A)

L e q ÂŁ 70 dB (A)

60 $ L e q < 70 dB (A)

50 ÂŁ L e q < 60 dB (A)

40 ÂŁ Le q < 50 dB (A)

L e q < 40 dB (A)

Echelle : 1/5000

Fig. 6 - Blois (1979) - Carte du bruit.

Par ailleurs, dans le cadre de contrats de recherche financés par la Communauté Européenne (CEE) et le ministère de l'Environnement, l'Institut Géographique National (IGN). la Société Commins B B M et le Labo­ratoire régional des Ponts et Chaussées de Blois, ont étudié l'apport de l'interprétation de photographies aériennes pour l'établissement de cartes de bruit sem­blables à celles de Blois ( 1970). Cette méthode a été testée sur un quartier de Blois (1983) et l'ensemble de la ville de Montlucon (1983-1984).

Durant cette période, les techniques de réalisation de cartes de bruit sont également l'objet de travaux nor­matifs. Elles apparaissent notamment dans la seconde partie de la norme allemande DIN 18005 de janvier 1978 et dans la norme française NF-S-31-110 de février 1985 relative à « la caractérisation et au mesu-rage des bruits de l'environnement, annexe A ».

On peut donc observer qu'en France, le développement des cartes de bruit s'est d'abord fait autour des années 1980, et essentiellement dans le cadre des programmes d'actions de « Vil le pilote de lutte contre le bruit ». Dans ce contexte, la carte de bruit avait surtout pour but d'établir un constat de la situation sonore de la ville. Pour les autres cartes réalisées, il s'agissait de fournir les éléments permettant d'appréhender soit des problè­mes de bruit dû aux transports (trafic routier par exem­

ple), soit les problèmes d'urbanisme (aménagement de zone, etc.) [6].

La carte de bruit aujourd'hui En France, la nouvelle réglementation sur le bruit avec la loi du 31 décembre 1992 et les décrets (09/01/1995) et arrêtés (05/05/1995 et 30/0671996) d'application, ont fait connaître à la cartographie du bruit un nouvel essor, en particulier à partir de calculs [7],

Ains i , les logiciels de calculs récents ( M I T H R A , MICROBRUIT, ARTEMIS , etc.) permettent la réalisa­tion de cartes en couleurs avec représentation par iso­phones ou par zonage.

La réglementation actuelle s'intéresse particulièrement aux sources ponctuelles perturbatrices en termes de valeurs limites ou d'émergence selon la nature de l'équipement ou de la source de bruit concernée. Les effets de concentration ou de somme spatiale des sour­ces (multiexposition) sont donc confrontés à un vide juridique. De ce fait, des cartes de bruit ont souvent pris un aspect linéaire, exclusivement rivé au réseau des voies. C'est le cas pour les cartes d'émission concer­nant l'application de l'arrêté du 30 mai 1996 sur le classement sonore des infrastructures de transports ter­restres. A ce classement, sont associés les secteurs

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affectés par le bruit qui devront ensuite être transcrits à l'aide de cartes dans les plans d'occupation des sols. A cet effet, un nouvel outil, CARTO-BRUIT a été déve­loppé par le Centre d'Études sur les Réseaux, les Trans­ports, l'Urbanisme et les Constructions Publiques (CERTU) [8].

Sur le plan normatif, la norme NF-S-3-130 [9] publiée le 3 juin 1995, révisée en octobre 1997 pour tenir compte des dispositions de l'arrêté du 30 mai 1996 pré­cité, définit différents types de cartes de bruit en milieu extérieur, leurs méthodes d'élaboration et de représen­tation graphique. Elle est applicable aux bruits de cir­culation routière et ferroviaire. Elle peut toutefois être adaptée à d'autres sources de l'acoustique extérieure, à l'exception du bruit des aéronefs.

Dans cette norme, on distingue trois types de cartes correspondant à des échelles croissantes et donc pro­gressivement plus précises.

Les cartes de type 1

Dans le cas général, elles sont élaborées pour des échel­les allant de 1/5 000 à 1/25 000, voire moins. Elles sont établies à partir de niveaux sonores, généralement cal­culés pour des situations conventionnelles (distance, hauteur, etc.).

Elles sont représentées en vue en plan, par des symbo­les relatifs aux établissements potentiellement bruyants et pour les axes routiers et ferroviaires par un trait d'épaisseur significative, coloré selon un code repré­sentatif des niveaux sonores (fig. 7).

Une application particulière de ce type de carte est la carte d'émission pour le classement sonore des infras­

tructures de transports terrestres, en fonction des niveaux LAeq jour (6 h-22 h) et LAeq nuit (22 h-6 h).

Les cartes de type 2

Elles correspondent à des échelles variant de 1/2 000 à 1/5 000, permettant ainsi une représentation de la dis­tribution des niveaux sonores au voisinage des routes ou des voies ferrées sur un territoire donné et sur une bande pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres de largeur.

Les données peuvent être obtenues par calculs et/ou par mesures.

Les cartes, en principe établies par type de source sont représentées en vue en plan, avec la possibilité d'une mise en couleur des façades des bâtiments selon les niveaux auxquels elles sont exposées.

Elles peuvent être utilisées pour certains documents d'urbanisme (POS, PAZ, . . . ) , intégrées dans les études d'impact, pour le traitement des points noirs bruit liés aux trafics routiers et ferroviaires.

Les cartes de type 3

Il s'agit de cartes détaillées, réalisées à des échelles comprises entre 1/500, voire plus, et 1/2 000.

Elles sont généralement représentées par des zones homogènes de couleurs différentes, à une hauteur don­née. Il est possible d'ajouter des profils en travers ou des élévations en façades.

Elles peuvent être retenues pour les études de zone d'aménagement concerté, les études d'impact (infras-

tel CartoBruit (c lassement des infrastructures routières) 3.2 - [essai]

Projet butils Ûption|

J

X= 776B.75861 IY = 3 520.94563 ! Zoom = 1.0000001 kPlande

90

Fig. 7 - Exemple de carte de type 1.

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COMPARAISON DE VARIANTES - TRACE DES ISOPHONES DE BRUIT;

Fig. 8 - Exemple de carte de type 3.

du quartier Graslin les journées dété. à dominante humaine à dominante circulée

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tructures de transports terrestres, établissements clas­sés , etc.), les études de protection acoustique, les études opérationnelles en général, l'instruction des plaintes [10-11].

Ces cartes peuvent être obtenues (zonage ou isopho­nes) à partir des logiciels de calculs actuellement pré­sents sur le marché (fig. 8).

Autres cartes

Il faut encore citer les travaux récents sur la qualifica­tion des espaces sonores, réalisés en particulier par Le laboratoire de Mécanique Physique de l'université Paris V I , le C R E S S O N et l 'école d'Architecture de Nantes, avec un découpage des zones selon leur nature prédominante : paysagère, piétons, origine humaine, circulée, animée, etc.

La figure 9 donne un exemple de ce type de cartes sur le centre-ville de Nantes [12].

A l'étranger, ces dernières années, de nombreuses vil­les européennes ont établi et utilisé des cartes de bruit [13].

On peut citer, entre autres, Athènes, Modène, Barce­lone, Copenhague (1993, fig. 10), Stockholm (1996, fig. 11), Lausanne, Berlin (1998).

La méthodologie appliquée pour l'établissement de ces cartes n'a pas été uniforme. En effet, il n'existe pas de modèle européen normalisé. La lutte contre le bruit urbain nécessite une approche différente entre les pays du nord de l'Europe et ceux du sud où la vie quoti­dienne se poursuit bien au-delà du logement à des horaires plus tardifs. Le projet de Directive européenne actuellement en cours d'élaboration a pour objectif, à

moyen terme, de proposer une meilleure homogénéité dans l'élaboration des cartes de bruit. D'ores et déjà, i l apparaît un consensus fort sur le choix comme indica­teur du niveau sonore équivalent Leq exprimé en dB(A), les périodes restant à définir.

Ces cartes européennes ont eu pour principaux objec­tifs l'information ou la sensibilisation de la population, la gestion des problèmes de bruit urbain avec la défini­tion de stratégies de lutte contre les nuisances sonores de façon préventive ou curative, l'élaboration des plans de circulation, la prise en compte du facteur acoustique dans l'instruction des demandes de permis de cons­truire, etc.

Finalement, une enquête effectuée en France, entre 1994 et 1995, sur l'ensemble des communes de plus de 30 000 habitants [10], a montré à l'époque qu'environ soixante-dix cartes de bruit avaient été établies. Elles étaient pour les élus, d'abord considérées comme un outil de gestion et d'aide aux choix stratégiques, l'information et la sensibilisation de différents publics venant ensuite. La majorité des villes possédant une carte de bruit avait plus de 100 000 habitants.

L'interprétation de la cartographie Si la cartographie du bruit semble aujourd'hui un moyen efficace de connaissance et de représentation, son interprétation et son analyse restent délicates.

Elle est un outil visuel construit généralement à partir soit de mesures, soit de calculs. Les références sont dans ces deux cas différentes : ponctuelles pour les mesures, c'est-à-dire évaluation d'un niveau sonore à un moment donné, et moyennes pour les calculs, c'est-

L e s s e g m e n t s r o u t i e r s de c o u l e u r rouge cor respondent Ă  un n iveau de bruit s u p Ă© r i e u r Ă  65 d B ( A ) et Ă  plus de 5 logements par 100 m de voie

Fig. 10 - Bruit du trafic routier - Copenhague (1993).

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Fig. 11 - Bruit du trafic routier - Stockholm (1996).

à-dire basées sur l'estimation d'un niveau sonore moyen pendant une période donnée.

Les validations cartographiques et scientifiques ne sont pas toujours identiques, ce qui rend délicates les éven­tuelles comparaisons de documents.

Il est donc indispensable d'adjoindre aux cartes de bruit, une note explicative qui doit répondre aux princi­pales questions suivantes :

quel est le type de source représentée : spécifique (routes,...), combinaison de sources (routes + rail, ...),

multiexposition (routes + rail + industries + équipe­ments publics + ...) ; >- quel est l ' indicateur retenu (Leq , indices statistiques, ...) exprimé dans quelle unité |dB(A). ...] et pour quelle période (jour, nuit, heure de pointe, saison, ...). Dans ce cas, il faut expliquer comment les données ont été acquises et pour quelles conditions ou hypothèses (par exemple trafic, météo,...).

Il est également nécessaire de définir les emplacements (champ libre, en façade, hauteur, etc.) pour lesquels les niveaux sonores ont été déterminés.

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S'i l s'agit d'une qualification de l'espace sonore, les différentes catégories retenues devront être explicitées.

Enfin, une explication devra être donnée sur le choix de l'échelle de la carte, sur le nombre de classes retenues (par exemple, étendue de la variation des niveaux sono­res relevés pendant la période considérée) et sur la période d'acquisition des données. En effet, la carte est une représentation statique d'une situation sonore défi­nie à un moment donné. Il est donc important d'en assurer la pérennité, en particulier en organisant sa mise à jour régulière. Ce point est primordial car il est apparu, en cours des différentes enquêtes, qu'une carte de bruit pouvait être rapidement obsolète et de ce fait dépourvue d'intérêt.

Conclusions et perspectives En France, ces dernières années, la cartographie du bruit s'est largement développée. Ce développement devrait s'amplifier avec l'évolution de la réglementa­tion et la mise en œuvre du projet de directive euro­péenne qui prévoit la réalisation de plans d'actions con­tre le bruit et l'établissement de cartes pour toutes les zones urbanisées d'une certaine taille (plus de 250 000 habitants dans un premier temps).

Les cartes de bruit devraient donc être, pour répondre à l'ensemble des préoccupations :

>• dynamiques pour noter par exemple les évolutions dans le temps ; >- additives pour évaluer l'exposition à différents bruits ; >- prospectives pour envisager les situations futures.

Mais en même temps, il s'agira d'obtenir un outil sim­ple d'utilisation pour les décideurs et suffisamment précis pour les spécialistes.

La pérennité des cartes de bruit étant cruciale, elles devront être régulièrement actualisées. L'évolution des techniques informatiques (systèmes d'informations géographiques : SIG), des logiciels de calculs et de la métrologie est de nature à assurer cette fiabilité dans le temps des informations représentées.

Même si le coût de réalisation d'une carte est encore élevé, l'évolution de la réglementation en matière de bruit et le développement des SIG permettent, aujourd'hui, une généralisation et une banalisation de ces outils.

Il restera cependant nécessaire de toujours adapter le type de cartes à l'usage que l'on veut en faire ainsi que d'être très attentif à mettre en œuvre des compétences suffisantes pour leur élaboration et leur utilisation.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] Premier Ministre (1982), Le recensement des points noirs du bruit, circulaire n I698/SG du 30 juillet 1982.

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JAMMES A.-S. (1998), Quelle carte de bruit pour les Pari­siens, mairie de Paris, Direction de la protection de l'environ­nement. MST, Aménagement, Environnement, université de METZ.juin.

MÉRIEL B. et al. (1979), Le bruit dans la ville, Cas de Blois, Rapport de synthèse et rapport détaillé, septembre, LRPC de Blois.

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VOGIATZ1S C. (1998). Inventaire des cartes de bruit euro­péennes et application d'une méthodologie basée sur l'écoute réactivée (Directeur du projet).

\ Glossaire

Phone Niveau d'isosonie d'un son quand la sonie du son est jugée équivalente à celle d'un son pur de 1 000 Hz se propageant par ondes planes et dont le niveau acoustique est 1 dB.

Décibel - dB Unité sans dimension utilisée pour exprimer le rapport des valeurs de deux puissan­ces. Le nombre de bels est égal au logarithme décimal de ce rapport. Le décibel est le dizième de bel.

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dB(A) Permet de caractériser un bruit en tenant compte des réactions de l'oreille humaine. Il représente un niveau de pression exprimé en décibel et pondéré selon le filtre A par bande de fréquences.

Niveau de pression : acoustique Lp(t) Le niveau de pression acoustique en fonction du temps est donné en décibels par la

formule :

p(t) Pression acoustique efficace en Pascals.

po 20 /( Pa - pression acoustique de référence.

L50 Niveau de pression acoustique atteint ou dépassé pendant 50 % du temps sur la période considérée. Il représente un bruit moyen.

L|(j Niveau de pression acoustique atteint ou dépassé pendant 10 % du temps sur la période considérée. Il représente les crêtes de bruit les plus fréquentes.

LAeq,T Niveau de pression acoustique pondéré A d'un son continu stable, qui au cours d'une période spécifiée T, a la même pression acoustique quadratique moyenne qu'un son considéré dont le niveau varie en fonction du temps. Il est défini par :

T 1 „ U P A 2 1 L A e q , T = 101g — — f — dt

" L t 2 - t i J t \ po 2 -où LAeq,T est le niveau de pression acoustique continu équivalent pondéré A , en décibels, déterminé par un intervalle de temps T qui commence à t| et se termine à

CETUR Centre d'Etudes des Transports Terrestres.

C E E Communauté Economique Européenne.

IGN Institut géographique national.

C E R T U Centre d'Études sur les Réseaux, les Transports, l'Urbanisme et les constructions

publiques.

POS Plan d'Occupation des Sols.

PAZ Plan d'Aménagement de Zones.

CRESSON Centre de Recherche sur l'Espace Sonore et l'Environnement Urbain.

BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSEES - 227 - JUILLET-AOÛT 2000 - REF. 4298 - PP. 85-95 95