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La Borréliose I Loeckx Septembre 2006

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La Borréliose

I LoeckxSeptembre 2006

Un petit peu d’histoire…

� 1909: première description de l’Erythème migrans par Afzelius(dermatologue suédois) qui avait déjàlié la maladie à la morsure de tique.

� 1920-40: descriptions de séquelles neurologiques succédant à l’EM àtravers toute l’Europe.

� 1970: description d’un cas associant EM, manifestations neurologiques et symptômes articulaires aux Etats-Unis par Scrimenti.

� 1975: épidémie d’arthrites juvéniles chroniques (Lyme Connecticut). L’entité fera l’objet d’une description, elle est nommée « Lyme disease ».

Un petit peu d’histoire…

� 1979: identification par Spielman de l’espèce de tique à l’origine de la transmission de la maladie: Ixode dammini.

� 1980: Steere et son équipe mettent au point le traitement par pénicilline ou tétracycline.

� 1982: mise en évidence d’un spirochète dans l’intestin des tiques par Burgdorfer (NY)

� 1983: Johnson démontre que le spirochète est une espèce encore inconnue de Borrelia et l’appelle burgdorferi. La maladie devient donc la « borréliose ».

Borrelia

� Spirochète = bactéries hélicoïdales très souples et très mobiles grâce à leurs flagelles qui se regroupent pour former une tresse hélicoïdale.

� Sous-groupe des Spirochétacés (micro-aérophiles): donc très difficile à cultiver (NB: même sous-groupe que les Tréponèmes, ce qui explique les similitudes de la maladie avec la syphilis).

� Trois sortes circulent en Europe: B burgorferi, B afzelii et B garinii; seul B burgdorferi circule en Amérique du Nord.

Tiques: cycle de vie

� Famille des Ixodes, genre ricinus- I ricinus en Europe, I dammini et I pacificus aux USA, I persucaltus en Asie.- les Borrelia peuvent infecter d’autres types de tiques, de mouches ou de moustiques, mais ils ne sont alors pas infectants.

� Cycle de vie très complexe, étalé sur deux ans.

� Epidémies saisonnières (mars àoctobre).

� Multiples hôtes.

Tiques: transmission de la maladie

Tiques: mesures préventives

� Eviter les zones endémiques et dans celles-ci, éviter les activités en zone forestière et en clairière, rester sur les chemins.

� Porter des vêtements couvrants (chemise à longues manches rentrée dans le pantalon, jambes du pantalon rentrées dans les chaussettes), clairs (afin de mieux repérer les tiques) et imprégnés de répulsif(DEET par exemple).

� Répulsif à étaler sur la peau.� Examen soigneux de la totalité de la peau tous les

jours.� Exérèse de la tique dans les 48 heures suivant la

morsure, de préférence à l’aide d’une pince adaptée et sans chercher à l’endormir ou à la tuer.

� Surveillance de la zone de morsure et éducation aux éventuelles lésions à repérer.

Tiques: mesures de prévention

Tiques: exérèse après morsure

Tiques: zones endémiques en Belgique

Vaccination

� Vaccination contre la lipoprotéine de surface OspA exprimée par le borrelia dans l’intestin de la tique � les Ac sont aspirés lors du repas sanguin de la tique, tuent les borrelia qui sont injectés morts lorsque la tique se décroche.

� Efficacité après 2 injections : 49%.� Efficacité après rappel à 1 an: 76%.� Pas de rappel naturel.

Aucune expérience concernant la fréquence des rappels.

� Effets secondaires: inflammation locale, syndrome grippal.

� Actuellement d’autres vaccins sont en développement (plusieurs protéines de surface en combinaison).

Clinique

� Trois stades successifs:- Early localized Lyme disease (stade 1): 4 à 21 jours après la morsure- Early disseminated Lyme disease (stade 2): quelques semaines à quelques mois après la morsure- Late Lyme disease (stade 3): quelques mois àquelques années après la morsure

� Spécificités pédiatriques.� Borréliose et grossesse.

Clinique: Early localized LD

� Erythème migrans :- Papule érythémateuse centrée le plus souvent sur la morsure, devenant annulaire par l’éclaircissement du centre et grandissant de plusieurs mm par jour (centrifuge).- Parfois associé à des petites paresthésies inconstantes.- Peut être difficile à reconnaître en fonction de la localisation (cuir chevelu, …).- Plus souvent au niveau du visage chez les enfants.- 60 à 80% des personnes infectées en fonction de l’espèce de Borrelia concernée- Si l’EM est reconnu et traité rapidement, il disparaît en quelques jours et la maladie ne progresse plus.

� Eventuel syndrome grippal modéré (céphalées, fébricules, myalgies/arthralgies).

Erythème migrans

Clinique: Early disseminated LD

1. Manifestations cutanées:

� Lésions d’EM secondaires multiples (15 à 50% des patients)

� Lymphocytome cutané bénin:- prolifération dermique lymphoréticulaire localisée- au niveau du lobe de l’oreille ou du mamelon- uniquement dans les formes européennes (un seul cas décrit en Amérique)

� Formes diverses: urticaire localisé ou généralisé, éruption maculeuse généralisée, érythème noueux, rash malaire, …

Lymphocytome cutané bénin

Clinique: Early disseminated LD

2. Manifestations musculosquelettiques:

� Mono-arthrite ou oligo-arthrite migratoire des grosses articulations:- 50% des patients atteints de LD stade 2 présentent au moins un épisode d’arthrite/arthralgie durant les deux premières années de la maladie.- 90% des patients présentant des symptômes articulaires à ce stade se plaignent de leur genou.- inflammation dans le liquide synovial: 500 à 100 000 GB/mm³ avec prépondérance de polymorphonucléaires et parfois d’éosinophiles.

Clinique: Early disseminated LD

� Syndrome temporo-mandibulaire.

� Implication unique d’une articulation métacarpo-phalangienneou de la première articulation métatarso-phalangienne.

� Panniculite et fasciite

� Myosite: élévation simple des CPK en général; parfois jusqu’àla myopathie nécrosante!

� Fibromyalgie: certaines formes de fibromyalgie pourraient faire partie du spectre de la borréliose (y penser…)

Clinique: Early disseminated LD

3. Manifestations neurologiques:

� Méningite à Borrelia:- céphalées d’intensité variable, accompagnées de photophobie, de nausées et d’une raideur de nuque en fin de course.- en général, pas de Kernig, ni de Brudzinski- LCR: pléiocytose lymphocytaire (100 à 500 lymphocytes) avec hyperprotéinorachie et glycorachie parfois un peu basse. Culture rarement positive, recherche par PCR et dosage d’Ig)

� Paralysie d’un ou plusieurs nerfs crâniens (en général VII)

Paralysie faciale

Clinique: Early disseminated LD

� Encéphalite:- fatigue importante/chronique, irritabilité, troubles de l’humeur- troubles cognitifs avec pertes de mémoire, parfois même démence- ataxie cérébelleuse, chorée- EEG sans particularité, parfois anomalies à la résonance magnétique ou au scanner cérébral (zones hyperdenses).

� Vasculite cérébrale, AVC

� Névrite périphérique, radiculonévrite, Guillain-Barré(phénomène de démyélinisation probablement auto-immun)

Clinique: Early disseminated LD

4. Manifestations cardiaques (4 à 8%):

� Bloc atrio-ventriculaire (90% des cas):- premier ou second degré (Wenckebach), parfois fluctuant- troisième degré (nécessitant parfois un pace-makertransitoire)

� Bloc sino-atrial, bloc de branche, retard de conduction intraventriculaire, dysfonction du nœud sinusal.

� Péricardite, myocardite, insuffisance ventriculaire gauche, cardiomégalie.

� Un cas décrit de décès par pancardite.

Clinique: Early disseminated LD

5. Manifestations oculaires:conjonctivite transitoire, iritis, choriorétinite, panophtalmite (un cas décrit de cécité séquellaire), névrite optique, œdème maculaire, pseudotumor cerebri, diplopie par paralysie oculomotrice, kératite par défaut de fermeture palpébrale dans la paralysie faciale.

6. Autres manifestations:lymphadénopathies régionales ou généralisée, hépatite récurrente, splénomégalie, orchite, hématurie ou protéinurie, gorge érythémateuse avec tous sèche irritative, ARDS

Clinique : Late LD

� Acrodermatite chronique atrophiante:Longue évolution � concerne en général les patients âgés

Clinique: Late LD

� Crises d’arthrite récidivantes, bursites, tendinites

� Neuroborréliose tertiaire:- neuropathie périphérique- encéphalomyélite progressive (paralysie de nerfs crâniens, paraplégie et tétraplégie spastique, troubles sphinctériens, ataxie, démence)- production intrathécale d’anticorps contre borrelia

Clinique: Late LD

� Lésions synoviales irréversibles avec hypertrophie villositaire et dépôt de fibrine, infiltrat de cellules inflammatoire important, hypersécrétion d’IL-1, collagénase et PG-E2 et sur-expressiond’HLA-DR

� Kératite interstitielle (analogue à la kératite syphilitique)

� Certaines formes de syndrome de fatigue chronique

� Certaines formes de fibromyalgie

Implication probable de réactions immunogénétique, influence des groupes HLA-DR (phénomènes auto-immuns, …)

Spécificités pédiatriques

� EM moins fréquemment observé.� Lorsque l’EM est observé, il se situe plus souvent

sur le visage que chez l’adulte (taille moins élevée � la tique accède plus facilement à la tête).

� Arthrite 2 x plus fréquente que chez l’adulte, mais de durée plus limitée. Attention, parfois confondue avec une arthrite juvénile chronique

� Arthrite développée plus tôt dans l’évolution.� Pas plus de complications neurologiques ou

cardiaques que chez l’adulte, on observerait même moins de polynévrite.

Borréliose et grossesse

� Description d’éruption vésiculaire néonatale, de syndactylie, de cécité corticale, de malformation cardiaque, de retard de développement, de prématurité et de mort intra-utérine.

� Mais les études épidémiologiques en zone endémique ne montrent pas d’excès de malformation congénitale ou de complications obstétricales.

� Donc la borreliose congénitale, si elle existe, doit être extrêmement rare!

� En outre, il n’existe aucun cas documenté de passage du borrelia dans le lait maternel.

Diagnostic différentiel

� Grippe ou mononucléose infectieuse� Erythème noueux

ErysipèleRéaction d’hypersensibilité sur piqûre d’insecteErythème marginé ou multiformeCellulite streptococcique ou staphylococcique

� Myocardite virale ou RAA� Méningite virale ou tuberculeuse� Paralysie idiopathique de Bell� Syndrome de Guillain-Barré

NeurosyphillisSarcoïdoseDésordres psychotiques

� Arthrite séronégativeSyndrome de ReiterArthrite septiqueFièvre rhumatoïde

� …

Diagnostic

� Première étape: sérologie (immunofluorescence ou ELISA)

� Deuxième étape en cas de doute: Western blot

� Culture peu rentable (germe micro-aérophile), milieu de culture coûteux, croissance lente

� Examen direct en coloration argentique (Warthin-Starry ou Dierterle modifié

� Immunofluorescence

Diagnostic: sérologies

� IgM spécifiques apparaissant après environ 3 W, maximales après 6 à 8 W, et diminuant ensuite (attention, un taux élevépersistant ne signifie pas que le traitement est inefficace)

� IgG spécifiques apparaissant après 6 à 8 semaines, maximales après 4 à 6 mois et restant élevées par la suite

� Nombreux faux positifs et faux négatifs� En zone endémique, nombreuses personnes immunisées

asymptomatiques� Réflexion sur les probabilités pré-test avant le dosage� En cas d’érythème migrans, les IgM peuvent ne pas encore

être apparues (donc dosage inutile)

Probabilités prétest

Diagnostic: démarche

Traitement chez l’enfant

� Manifestations dermatologiques (EM et lymphocytome):- < 8 ans: Amoxi 50 mg/kg/J pd 21J- > 8 ans: Amoxi 50 mg/kg/J pd 21J

ou Doxycycline 4 mg/kg/J pd 21J� Manifestations neurologiques:

- paralysie faciale périphérique ou autre nerf crânien: R/ identique à l’EM- méningite ou encéphalite:

Ceftriaxone 50-100 mg/kg/J IV ou IM pd 2W� Manifestations cardiaques:

Ceftriaxone 50-100 mg/kg/J IV ou IM pd 2W

Traitement chez l’enfant

� Manifestations articulaires:Arthrites: - < 8 ans: Amoxi 50 mg/kg/J pd 1 à 2 M

Ceftriaxone 50 mg/kg/J IV ou IM pd 2W- > 8 ans: Amoxi 50 mg/kg/J pd 1 à 2 M

Doxycycline 4 mg/kg/J pd 1 à 2 MEn cas de récidive après un traitement AB > 2 M et après une recherche négative de l’ADN Bb dans le liquide synovial:

- AINS- Corticoïdes intra-articulaires- Synoviorthèse ou synovectomie arthroscopique

Bibliographie

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