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Monsieur Rémi Barré Madame Françoise Laville La bibliométrie des brevets : une mesure de l'activité technologique In: Economie et statistique, N°275-276, 1994. pp. 71-81. Citer ce document / Cite this document : Barré Rémi, Laville Françoise. La bibliométrie des brevets : une mesure de l'activité technologique. In: Economie et statistique, N°275-276, 1994. pp. 71-81. doi : 10.3406/estat.1994.5890 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1994_num_275_1_5890

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Monsieur Rémi BarréMadame Françoise Laville

La bibliométrie des brevets : une mesure de l'activitétechnologiqueIn: Economie et statistique, N°275-276, 1994. pp. 71-81.

Citer ce document / Cite this document :

Barré Rémi, Laville Françoise. La bibliométrie des brevets : une mesure de l'activité technologique. In: Economie et statistique,N°275-276, 1994. pp. 71-81.

doi : 10.3406/estat.1994.5890

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1994_num_275_1_5890

RésuméLa bibliométrie des brevets : une mesure de l'activité technologiquedes brevets en Europe émanent d'Européens et la moitié des brevets aux États-Unis sont déclarés pardes Américains. Mais, l'analyse fait surtout ressortir la performance technologique du Japon sur cesdeux marchés qui lui sont pourtant extérieurs.Le dénombrement des brevets déposés auprès des offices européen et américain et l'analysestatistique de leurs caractéristiques fournissent une mesure de l'activité de recherche dans la quasi-totalité des secteurs. La répartition par domaines technologiques est assez proche dans ces deuxsystèmes de brevets.La compétition se joue presqu'exclusivement entre les États-Unis, le Japon et l'Union européenne.Dans chacun des deux systèmes, il existe un effet de proximité. Toutefois, cet avantage reste relatifpuisque seulement la moitiéEn Europe, les Allemands déposent deux fois plus de brevets dans le système européen que lesFrançais, qui eux-mêmes en déposent deux fois plus que les Anglais. En France, la forte présence del'Île-de-France est tempérée par la performance technologique de la région Rhône - Alpes.

AbstractPatent Bibliometrics: A Measurement of Technological Activitythe United States are filed by Americans. Yet the analysis above all highlights Japan's technologicalperformance on these two markets, even though they are foreign markets for the country.A count of the patents filed with European and American offices and the statistical analysis of theircharacteristics provide a measurement of research activity in nearly every sector. The breakdown bytechnological field is fairly similar in these two patent systems.Competition exists almost exclusively between the United States, Japan and the European Union. Aproximity effect is found in each of the two systems. Nevertheless, this advantage remains relative asonly half of the patents in Europe come from Europeans and half of the patents in Europe, theGermans file twice as many patents with the European system as the French, who file twice as many asthe English. In France, the high profile of the Paris area is tempered by the technological performanceof the Rhône-Alpes region.

ResumenLa bibliometria de las patentes : una mediciôn de la actividad tecnolôgicaLa enumeraciôn de las patentes registradas en las oficinas europa y americana, asi como el anâlisisestadistico ofrecen una mediciôn de la actividad de investigaciôn en la casi totalidad de los sectores. Elreparto entre los campos tecnolôgicos résulta bastante similar en ambos sistemas de patentes.Se desarrolla la competencia casi exclusivamente entre Estados Unidos, Japon y la Union europea. Encada uno de ambos sistemas existe un efecto de proximidad. Sin embargo, cabe matizar dicha ventajaya que tan solo la mitad de las patentes en Europa proceden de los europeos y la mitad de las patentesen Estados Unidos estân registradas por americanos.Con todo, el anâlisis pone de manifiesto laactuaciôn tecnolôgica de Japon en aquellos dos mercados en los que interviene sin embargo desde elexterior.En Europa, los alemanes registran en el sistema europeo el doble de patentes que los franceses, loscuales a su vez registran el doble que los ingleses. En Francia, la fuerte presencia de la region Ile-de-France se ve moderada por la actuaciôn tecnolôgica de la region Rhône-Alpes.

BREVETS

La bibliométrie des brevets

une mesure de l'activité

technologique

Rémi Barré Le dénombrement des brevets déposés auprès des offices européen et Françoise et américain et l'analyse statistique de leurs caractéristiques fournissent Laville* une mesure de l'activité de recherche dans la quasi-totalité des secteurs. La répartition par domaines technologiques est assez proche dans ces deux systèmes de brevets. La compétition se joue presqu'exclusivement entre les États-Unis, le Japon et l'Union européenne. Dans chacun des deux systèmes, il existe un effet de proximité. Toutefois, cet avantage reste relatif puisque seulement la moitié des brevets en Europe émanent d'Européens et la moitié des brevets aux États-Unis sont déclarés par des Américains. Mais, l'analyse fait surtout ressortir la performance technologique du Japon sur ces deux marchés qui lui sont pourtant extérieurs. En Europe, les Allemands déposent deux fois plus de brevets dans le système européen que les Français, qui eux-mêmes en déposent deux fois plus que les Anglais. En France, la forte présence de l'Île-de-France est tempérée par la performance technologique de la région Rhône - Alpes.

* Rémi Barré et Françoise Laville font partie de l'Observatoire des sciences et techniques (OST).

Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d'article.

L- hypothèse fondatrice de la bibliométrie du ' brevet est d'établir une mesure de l'activité

de recherche technologique - volume, orientation thématique, évolution - par le dénombrement des brevets et l'analyse statistique de leurs caractéristiques (Basberg, 1987 ; Callon etalii, 1993 ; Griliches, 1990).

En effet, le dépôt d'un brevet correspond à un contrat par lequel un inventeur s'engage à rendre publique son invention dans un certain délai, variable selon le système (en général 18 mois après le dépôt de la demande) pour bénéficier, en contrepartie, d'une protection

temporaire légale de la part du pays où le brevet est demandé (en général 20 ans). Le déposant doit fournir une description technique détaillée de l'invention et décliner ce qui fait, selon lui, son originalité (inventivité et antériorité). Plusieurs informations importantes accompagnent ainsi le dépôt : la date de cette demande de brevet, le nom et l'adresse du ou des déposants, ceux du ou des inventeurs, le code technologique de classification de l'invention. En outre, le document brevet répertorie des citations effectuées à d'autres documents (brevets et publications scientifiques) et il comporte un résumé. L'établissement d'un tel contrat témoigne

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Encadré 1 LES BASES DE DONNÉES SUR LES BREVETS EUROPÉEN ET AMÉRICAIN

Toute demande de brevet européen est automatiquement publiée 18 mois après son « premier dépôt », la délivrance du brevet ne pouvant intervenir qu'ultérieurement. Le fichier des publications des demandes de brevet européen (EPAT) est établi, pour l'ensemble des demandes, par l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi), institution chargée de la propriété industrielle en France. Ce fichier décrit plus d'un demi-million de demandes publiées de brevet européen depuis le début des années quatre- vingt. L'Observatoire des sciences et techniques (OST) et l'Inpi ont produit en collaboration, et avec l'appui de la société Applications statistiques, scientifiques et informatiques (ASSI), le fichier « EPAT-bibliométrique », prévu pour faciliter les travaux macro-bibliométriques. Ce fichier est construit à partir d'une extraction d'un certain nombre de champs de la base initiale EPAT (dates de premier dépôt et de publication, nom et adresse du ou des inventeurs, du ou des déposants, codes de classification technologique de l'invention, etc.).

Les brevets américains sont accessibles par divers serveurs de bases de données (QUESTEL, STN,

etc.) et sont rassemblés dans de grandes bases de données US PATENTS et CLAIMS pour ne citer que les plus importantes. Une caractéristique importante du brevet américain est que seuls les brevets délivrés sont publiés, ce qui entraîne un décalage temporel important avec le brevet européen, puisqu'une même date de publication dans l'un et l'autre systèmes ne renvoie pas à la même date de premier dépôt.

L'accès aux bases de données du brevet américain a été possible, sous forme électronique, dès la fin des années cinquante ; par contre, celui de la base de données EPAT, pour le brevet européen, n'a eu lieu qu'à partir de 1978.

Les résultats présentés dans cet article ont été établis à partir de la base EPAT-bibliométrique pour le brevet européen ; pour le brevet américain, les travaux statistiques de base ont été réalisés par la société CHI-Research sur les données de l'Office américain de brevets (USPTO).

Encadré 2 ACTIVITÉS TECHNOLOGIQUES : UNE NOMENCLATURE EN TRENTE DOMAINES

Les brevets bénéficient d'une classification technologique très fine, selon un système unifié au plan international : la classification internationale des brevets (CIB), entrée en vigueur en 1975. Cette classification présente une structure hiérarchique en plusieurs niveaux : 8 sections, 118 classes, 617 sous-classes et 64 000 groupes et sous-groupes. C'est un système hétérogène : les rubriques correspondent tantôt à des principes technologiques, tantôt à des applications, tantôt à des fonctions. Un même brevet peut être classé simultanément dans plusieurs rubriques.

Pour les travaux bibliométriques, les 8 sections et les 118 classes de la CIB ne conviennent pas aux analyses ; il est donc nécessaire d'effectuer d'autres regroupements, qui permettent de faire le lien avec les catégories utilisées en économie industrielle ou dans l'analyse des stratégies technologiques. Une nomenclature pertinente a été construite conjointement par l'Observatoire des sciences et techniques (OST) et l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi), en collaboration avec l'Institut Fraunhofer de Karlsruhe (FhG-ISI). Cette nouvelle hiérarchisation de la CIB à partir des 617 sous-classes consiste en

un regroupement en 6 domaines et 30 sous-domaines (les intitulés des domaines et des sous-domaines se retrouvent dans les tableaux 4 et 5).

La classification internationale des brevets est directement applicable au brevet européen, mais pour le brevet américain divers aménagements ont dû être effectués. En effet, les brevets américains sont initialement classés selon la propre classification de l'Office américain des brevets (USPOC). Une table de correspondance a été utilisée pour les reclasser selon la classification internationale des brevets et donc dans la nomenclature OST-Inpi- Fgh/ISI (1).

1. Une table de correspondance permet le passage entre la nomenclature USPOC et les secteurs industriels de la nomenclature américaine (Standard industrial classification - SIC). Par contre, une telle table de passage n'existe pas actuellement entre la CIB et une nomenclature de secteurs industriels. La « sirénisation » du brevet européen devrait permettre d'avancer dans cette direction (voir l'article de Bussy, Carpentieret Kabla dans ce numéro).

72 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 275-276, 1994 - 5/6

1. L'analyse consiste à traiter les matrices de co-occurence de certains paramètres, notamment des mots-clés.

d'une capacité à faire progresser l'état de l'art par une « invention », c'est-à-dire par un apport original et reconnu comme tel par les examinateurs de la demande. Si la demande de brevet est acceptée, il y a alors délivrance d'un brevet. Ainsi, le brevet est un signal a posteriori de l'existence d'une activité, formelle ou non, de recherche.

La bibliométrie est utilisée à une échelle très fine - celle de l'entreprise, d'une technologie spécifique, voire d'un inventeur - on parle alors de micro-bibliométrie ; elle est également utilisée à des échelles plus larges, celles des régions, des pays, des secteurs industriels ou des grands domaines technologiques - on parle alors de macro-bibliométrie (Narin et alii, 1987 ; Schmoch et Grupp, 1989). Les traitements peuvent être des comptages sur les paramètres caractérisant les brevets - bibliométrie unidimension- nelle - ou l'étude de liaisons entre brevets soit à partir des citations effectués par les brevets (Narin et Olivastro, 1991 ; Schmoch, 1993), soit par l'analyse des mots-clés (Callon et alii, 199 1) (1). Cet article traitera exclusivement de macro-bibliométrie unidimentionnelle.

Mesurer la recherche technologique

Le brevet représente la « matérialisation » et la traduction juridique d'une activité de recherche technologique à la frontière des connaissances. Un certain nombre de caractéristiques du brevet peuvent cependant introduire des décalages entre dépôts de brevets et activités inventives, ce qui correspondrait à des biais dans la mesure. Ainsi, par exemple, à volume de recherche donné, le secteur aérospatial entraîne moins de demandes de brevets que les autres. Par ailleurs, un certain nombre d'innovations, comme celles concernant les logiciels, ne sont pas breveta- bles. De plus, la stratégie de propriété industrielle de chaque entreprise a une incidence sur le nombre de brevets qu'elle demande : une entreprise peut préférer le secret au brevet. Enfin, les différences entre les systèmes nationaux de brevets influent fortement sur le nombre de brevets déposés (Pavitt, 1988).

Pour minimiser les risques de biais liés à ce décalage entre brevets et activités de recherche technologique, les analyses bibliométriques sont réalisées en comparant des parts mondiales de brevets plutôt que des nombres absolus. En outre, la réalisation des mesures, à partir d'un grand nombre de brevets ou d'entreprises, permet une certaine compensation entre les biais.

Si le brevet fournit une mesure correcte de l'activité de recherche technologique, elle ne peut cependant pas être considérée comme la seule possible, ni toujours la meilleure. Elle est, en réalité, complémentaire d'autres types de mesures, notamment celle en dépenses de recherche et développement, qui a elle-même ses limites théoriques et pratiques.

Mais la bibliométrie des brevets présente de nombreux avantages. Les brevets couvrent la quasi-totalité des domaines technologiques et sont classés par thème de façon précise. Pour chaque brevet, on dispose aussi du nom et de l'adresse de l'inventeur et des coordonnées du déposant (2). La procédure d'examen à laquelle est soumis chaque brevet en garantit l'inventivité et l'antériorité. Enfin, les brevets sont répertoriés de manière systématique dans des bases de données électroniques.

Brevets européen et américain : des analyses bibliométriques complémentaires

À chacun des deux grands marchés ouverts, les États-Unis et l'Europe, sur lesquels toutes les entreprises des pays industrialisés sont en compétition, correspondent respectivement le système du brevet américain et celui du brevet européen. Une analyse bibliométrique des activités technologiques en comparaison internationale est plus complète et plus fiable si elle s'appuie sur des données de ces deux systèmes ; la comparaison des résultats obtenus dans l'un et l'autre est en elle-même riche de signification.

Le brevet existe dans le cadre d'un système juridique national de propriété indutrielle. Cependant, avec l'intégration économique croissante des pays européens, les entreprises ressentent de plus en plus le besoin d'effectuer leurs dépôts de brevet dans plusieurs pays européens simultanément. En 1973, la Convention de Munich a créé l'Office européen des brevets (OEB) et a établi un système unifié de dépôt et de délivrance des brevets pour les pays signataires (actuellement dix-sept pays européens ont signé cette Convention). Au brevet directement déposé auprès d'un office national, s'ajoute alors une possibilité d'un dépôt via l'OEB.

2. Le déposant représente la personne ou l'institution qui est titulaire du brevet : c'est le déposant qui paie les droits relatifs au dépôt oe bœvet et qui est propriétaire du brevet. Parfois, inventeur et déposant sont la même personne.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 275-276, 1994 - 5/6 73

Tableau 1 Les brevets européens et américains par domaine technologique en 1991

En% Domaine technologique (1)

Électronique - Électricité Instrumentation Chimie - Pharmacie Procédés industriels Machines - Mécanique Consommation des ménages - BTP Total

Brevet européen (2)

24,6 15,0 17,8 14,7 20,7 7,2

100,0

Brevet américain

21,9 16,4 16,1 15,1 22,3 7,6

100,0(3) 1. Nomenclature OST-Inpi-FhG/ISI en 6 domaines. 2. Pour le brevet européen, l'année 1991 n'est pas tout à fait complète au moment de la rédaction de cet article. 3. Quelques brevets n'ayant pu être reclassés, la somme des pourcentages est légèrement inférieure à 100 %.

Sources : données EPAT-bibliométrique de l'OSTpourle brevet européen et données USPTO-CHI-Research pour le brevet américain.

Cette « voie européenne » est utilisée lorsqu'un dépôt simultané dans plusieurs pays européens est visé. Ces brevets européens représentent donc les prises de positions technologiques sur le grand marché unifié : les indicateurs qu'ils permettent de construire témoignent de la compétition industrielle par l'innovation en Europe (cf. encadré 1).

Les brevets américains, c'est-à-dire les brevets ayant valeur sur le territoire des États-Unis, sont déposés à l'Office américain de brevets (USPTO).

Dans chacun des deux systèmes, les brevets ont été répartis par domaines technologiques selon la même nomenclature (cf. encadré 2). En poids relatif, la répartition par grands domaines est assez proche dans les deux systèmes (cf. tableau 1). C'est dans le domaine de l'électro- nique-électricité et des machines-mécanique que les brevets sont les plus nombreux (un sur cinq à un sur quatre des brevets publiés). À l'inverse, à peine plus de 7 % des brevets déposés dans les deux systèmes concernent la consommation des ménages et le BTP.

Avantage domestique des américains et des européens...

L'analyse macro-bibliométrique des brevets dans les systèmes européen et américain met en évidence les positions comparées des pays, leurs évolutions, leurs spécificités sectorielles (Archibugi et Pianta, 1992 ; Barré et Papon, 1993 ; OST, 1993). Les brevet sont en cela des paramètres de caractérisation des pays dans le

domaine de la technologie, à l'image de ce que peuvent être, par exemple, les paramètres macro-économiques dans leur domaine. La comparaison des positions des entreprises et des pays dans ces deux systèmes montre l'importance relative qu'ils accordent à l'acquisition de positions technologiques en Europe et aux États-Unis (3).

La moitié des dépôts de brevets européens est réalisée par les Européens eux-mêmes, l'autre moitié se partageant à égalité entre Américains et Japonais (cf. tableau 2). La répartition du brevet américain est symétrique : la moitié est le fait des Américains eux-mêmes, l'autre étant partagée à égalité entre Européens et Japonais. Ces distributions mettent en évidence l'existence d'un « avantage domestique », qui correspond au caractère prioritaire pour un pays ou une zone de la protection sur son marché domestique. Mais cet avantage reste relatif puisque l'autre moitié des dépôts dans chacun des deux systèmes est réalisée par des pays extérieurs à ce système.

Les pays en développement ne déposent qu'une très faible proportion de brevets dans le système européen. Par contre, 1,5 % des brevets américains sont déposés par les nouveaux pays industrialisés d'Asie (NPI) ; la proportion est encore très faible dans le brevet européen.

3. Compte tenu des différences entre les deux systèmes de brevets, les nombres absolus de brevets ne sont comparables qu'à l'intérieur d'un même système de brevets ; seules les positions relatives peuvent faire l'objet de comparaisons entre les deux systèmes.

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Tableau 2 Origine géographique des déposants de brevets européen et américain

En%

Origine géographique des déposants de brevets

Union européenne dont : France

Allemagne Royaume-Uni

AELE(1) dont: Suisse

Suède États-Unis Canada Japon NPI (2) Reste du Monde Monde

Brevet européen

Part mondiale en 1991

42,6 9,0

20,4 4,5 5,8 3,3 0,8

24,7 0,6

24,4 0,5 1,4

100,0

Évolution entre 1986 et 1991

■8 + 5 -6

-43 -18 + 3 -59 -7

-38 + 49

+ 146 ns

-

Brevet américain

Part mondiale en 1991

20,1 3,6 9,1 3,4 3,6 1,6 0,6

45,6 2,4

25,0 1,5 1,8

100,0

Évolution entre 1986 et 1991

-10 -5

-13 ■12 -19 -17 -34 -5

+ 13 + 20

+ 238 ns

- 1 . AELE : Association européenne de libre-échange (Suède, Norvège, Suisse et Autriche). 2. NPI : nouveaux pays industrialisés d'Asie.

Sources : données EPAT-bibliométrlque de l'OSTpour le brevet européen et données USPTO-CHI-Research pour le brevet américain.

Cette quasi-absence de demandes de brevets par des entreprises de pays qui n'appartiennent pas à la triade - Europe, États-Unis, Japon - signifie que la compétition industrielle par l'innovation technologique sur les marchés européen et américain se joue presqu'exclu- sivement entre ces trois puissances économiques.

Au cours de la seconde moitié des années quatre-vingt, le Japon a effectué un effort particulier en Europe pour rattraper dans cette zone le niveau qu'il avait déjà obtenu aux États-Unis. Entre 1986 et 1991, les Japonais ont augmenté leur part de brevets de 50 % dans le système européen alors que leur progression n'est que de 20 % dans le système américain. Pour les NPI, cette croissance a été respectivement de 150 % et 240 %. Même en tenant compte du fait que ces pays ne déposaient qu'un assez faible nombre de brevets en 1986, ces chiffres témoignent d'une rapide montée en puissance, particulièrement aux États-Unis.

La part de toutes les autres zones du monde s'est réduite et cela dans les deux systèmes de brevets. La proportion des dépots américains diminue de 5 à 7 %, pour les Européens, la baisse est de 10 %. Toutefois en Europe, l'Union européenne a une meilleure position que l'AELE (Association européenne de libre- échange).

... mais, performance technologique du Japon

Pour chaque pays, le nombre de brevets déposés rapporté au PIB permet de comparer la « densité » de leur économie en brevet ou encore des « taux de production » en science ou en technologie (4). Cet indicateur exprime le contenu en brevet d'une économie et mesure la performance technologique.

De ce point de vue, l'Union européenne et les États-unis ont des positions symétriques et très similaires : une densité technologique de 60 % supérieure à la moyenne sur leur propre marché, mais inférieure respectivement de 24 % et 1 1 % dans l'autre zone (cf. tableau 3). Le Japon réalise une performance remarquable : sur chacun des deux marchés, qui lui sont pourtant extérieurs, il a une densité de 120 % supérieure à la moyenne mondiale. Ce résultat est largement au-dessus de ceux de l'Union européenne et des États-Unis sur leur propre marché. Cet indicateur révèle la puissance industrielle et technologique du Japon vis-à-vis des deux autres pôles

4. La mesure n'a de signification qu'en comparaison, c'est pourquoi elle est normée à 100 pour la moyenne mondiale. La comparabilité des ratios au PIB entre les pays pose, par ailleurs, le problème de la fiabilité des taux de change, même calculés en parité de pouvoir d'achat. Il y a souvent sous-évaluation des monnaies, avec pour effet mécanique une augmentation du ratio de la production technologique par rapport au PIB.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 275-276, 1994 - 5/6 75

Tableau 3 Taux de production technologique des zones géographiques en 1991*

Origine géographique des déposants

de brevets Union européenne AELE(1) États-Unis Canada Japon NPI (2) Océanie Monde

Brevet européen

161 196 89 23

216 19 11

100

Brevet américain

76 122 164 91

222 58 34

100 1 . AELE : Association européenne de libre-échange (Suède, Norvège, Suisse et Autriche). 2. NPI : nouveaux pays industrialisés d'Asie.

* Cet indicateur est, pour chaque pays ou zone, le nombre de brevets déposés rapporté au PIB. Sources : données EPAT-bibliométrique de l'OST pour le brevet européen et données USPTO-CHI-Research pour le brevet américain.

de la triade. Les performances technologiques de l'AELE sont intermédiaires entre celles du Japon d'une part, de l'Union européenne et des États-Unis d'autre part. Enfin, la position des NPI est déjà très affirmée dans le système du brevet américain : leur densité y est presqu'égale à celle de l'Union européenne (indice 58 contre 76) et la dépassera, sans doute, dans le courant des années quatre-vingt-dix, compte tenu de leur croissance très soutenue en parts de brevets américains ces dernières années.

Les spécialisations technologiques : la cohérence japonaise

À partir des brevets déposés sur les marchés européen et américain par des personnes ou des entreprises des pays de la triade, un autre indicateur a été introduit afin de mesurer les spécialisations technologiques des pays sur les différents domaines.

L'indice de spécialisation technologique d'un pays sur un domaine est le rapport de la part mondiale des brevets déposés par ce pays dans ce domaine à la part mondiale tous domaines confondus des brevets déposés par ce pays. Par définition, un indice supérieur (inférieur) à 1 signifie que le pays est spécialisé (non spécialisé) dans ce domaine.

L'Union européenne est spécialisée, dans les deux systèmes de brevet, dans trois domaines : en machines-outils, en composants mécaniques et en spatial-armement (cf. tableau 4). Sa spécialisation est forte dans le système européen, mais pas dans le système américain, en procédés thermiques, en environnement-pollution, en machines agricoles et industrie agro- alimentaire (IAA), en transports, en biens de consommation et en bâtiment-travaux publics (BTP). À l'inverse, sa spécialisation est importante aux Etats-Unis, mais faible en Europe, en chimie organique, en pharmacie, travail des matériaux et technologie nucléaire.

De la même façon, les États-Unis sont spécialisés, aussi bien chez eux qu'en Europe, en ingénierie médicale, en pharmacie, en biotechnologies et, dans une moindre mesure, en télécommunications. Des décalages de spécialisation importants existent en informatique et semi-conducteurs où les Américains sont forts en Europe, mais en retrait sur leur propre marché ; l'inverse étant vrai en spatial- armement, agro-alimentaire et environnement- pollution.

Pour le Japon, la cohérence des deux classements est renforcée par une cohérence sur les spécialisations : audiovisuel, optique, semiconducteurs et informatique dans les deux systèmes, avec en outre moteurs-pompes turbines et transports sur le brevet américain.

En Europe, l'Allemagne dépose deux fois plus de brevets que la France

Les Allemands déposent deux fois plus de brevets dans le système européen que les Français, qui eux-mêmes en déposent deux fois plus que les Anglais (cf. tableau 2). En évolution globale, la position du Royaume-Uni est en déclin relatif rapide, celle de l'Allemagne s'effrite légèrement, tandis que celle de la France est en hausse : 1 % de part mondiale en plus par an entre 1986 et 1991.

Dans le système de brevet européen, la France domine avant tout en spatial-armement. Depuis 1986, ce domaine a progressé de plus de 90 % (cf. tableau 5). Le second domaine où son poids dépasse les 20 % au niveau mondial en 1991 est celui des technologies nucléaires. Dans ces deux secteurs, la France dépasse l'Allemagne dont les parts sur ces deux domaines chutent depuis 1986. La spécialisation de la France est également nette en machines agricoles-IAA,

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Tableau 4 Indice de spécialisation technologique de l'Union européenne, des États-Unis et du Japon en 1991

Domaines technologiques (1 )

Électronique - Électricité Composants électriques - Électronique Audiovisuel Télécommunications Informatique Semi-conducteurs Instrumentation Optique Analyse, mesure et contrôle Ingénierie médicale Chimie - Pharmacie Chimie organique Chimie macro-moléculaire Pharmacie - Cosmétiques Biotechnologies Matériaux - Métallurgie Produits agro-alimentaires Procédés industriels Procédés technologiques Traitement de surface Travail matériaux Procédés thermiques Procédés chimiques - Pétrole Environnement - Pollution Machines - Mécanique Machines-outils Moteurs - Pompes - Turbines Composants mécaniques Manutention - Imprimerie Machines agricoles - IAA Transports Technologie nucléaire Spatial - Armement Consommation des ménages - BTP Équipements et produits de consommation Bâtiment -Travaux publics Ensemble

Brevet européen

Union européenne

0,71

1,07 0,50 0,89 0,45 0,49 0,83 0,52 1,03 0,89 0,92 0,95 0,88 0,92 0,69 1,04 1,04 1,11 1,19 0,85 1,07 1,42 1,08 1,29 1,30 1,26 1,21 1,34 1,18 1,70 1,43 0,96 1,38

1,40

1,33 1,51 1,00

États-Unis

1,12

0,88 0,80 1,13 1,79 1,13 1,16 1,04 1,07 1,54 1,19 1,21 1,28 1,23 1,39 0,86 1,05 0,96 1,08 1,14 0,86 0,66 1,06 0,80 0,73 0,64 0,82 0,80 0,78 0,44 0,52 1,57 1,05

0,64

0,68 0,59 1,00

Japon

1,5

1,03 2,23 1,13 1,39 2,02 1,15 2,01 0,86 0,47 0,99 0,90 1,10 0,95 1,15 1,05 0,74 0,75 0,53 1,16 0,82 0,51 0,80 0,56 0,69 0,69 0,86 0,54 0,85 0,23 0,76 0,62 0,13

0,36

0,47 0,22 1,00

Brevet américain

Union européenne

0,70

0,90 0,65 0,76 0,45 0,53 0,80 0,59 0,94 0,86 1,23 1,47 1,12 1,33 0,87 1,06 0,93 1,13 1,12 0,97 1,34 0,96 1,24 1,04 1,18 1,23 1,11 1,26 1,19 1,12 1,03 1,33 1,47

1,01

1,01 1,00 1,00

États-Unis

1,00

1,06 0,67 1,16 1,08 0,97 1,01 0,74 1,09 1,28 1,06 1,00 1,07 1,12 1,20 0,97 1,24 1,04 1,12 1,04 0,85 1,09 1,15 1,20 0,91 0,90 0,75 0,92 0,99 1,01 0,81 1,05 1,24

1,04

0,98 1,14 1,00

Japon

1,38

1,02 2,04 1,03 1,54 1,65 1,22 2,02 0,93 0,49 0,80 0,71 0,99 0,58 0,79 0,99 0,57 0,76 0,53 1,07 0,87 0,77 0,56 0,51 0,95 0,85 1,43 0,92 0,79 0,44 1,26 0,82 0,10

0,50

0,60 0,34 1,00

1 . Nomenclature OST-Inpi-FhG/ISI en 30 sous-domaines. Sources : données EPAT-bibliométrique de l'OSTpour le brevet européen et données USPTO-CHI-Research pour le brevet américain.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 275-276, 1994 - 5/6 77

Tableau 5 La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni dans le système européen de brevets

En%

Domaines technologiques (1)

Électronique - Électricité Composants électriques - Électronique Audiovisuel Télécommunications Informatique Semi-conducteurs Instrumentation Optique Analyse, mesure et contrôle Ingénierie médicale Chimie - Pharmacie Chimie organique Chimie macro-moléculaire Pharmacie - Cosmétiques Biotechnologies Matériaux - Métallurgie Produits agro-alimentaires Procédés industriels Procédés technologiques Traitement de surface Travail matériaux Procédés thermiques Procédés chimiques - Pétrole Environnement - Pollution Machines - Mécanique Machines-outils Moteurs - Pompes - Turbines Composants mécaniques Manutention - Imprimerie Machines agricoles - IAA Transports Technologie nucléaire Spatial - Armement Consommation des ménages - BTP Équipements et produits de consommation Bâtiment -Travaux publics Ensemble

Part mondiale en 1991

France

7,8

10,5 5,5 9,9 5,7 6,6 7,8 4,3

10,2 7,9 7,7 7,6 4,3

10,2 5,1

12,6 8,7 8,2

10,8 5,7 7,0

13,1 6,1 9,3

11,5 7,5 9,8

13,6 7,2

15,0 14,9 21,1 28,2

12,7

11,1 14,8 9,0

Allemagne

12,6

22,5 7,0

15,4 5,3 8,5

17,5 10,5 22,3 17,9 18,9 21,7 22,4 12,7 13,7 20,5 10,4 24,4 25,3 20,7 23,5 27,8 23,0 34,7 27,4 30,7 26,0 27,8 26,0 28,1 29,9 12,6 21,2

28,5

26,2 31,4 20,4

Royaume-Uni

3,7

3,0 3,5 5,9 4,1 1,6 3,9 2,2 4,8 4,4 4,5 5,0 2,7 7,5 3,0 3,7 5,6 5,3 5,3 3,8 3,8 6,3 9,0 3,6 5,1 4,0 7,5 5,7 4,1 4,7 5,8 2,1 5,1

4,9

4,2 5,6 4,1

Évolution entre 1 986 et 1 991

France

-12

-7 -9 -6

-20 -6 + 6 -6

+ 12 + 15 + 21 + 16 + 4

+ 74 -24 + 42 -5

+ 18 + 80 -14 -15 + 7

+ 35 + 90 + 3

+ 11 + 20 + 3 -24 + 8

+ 14 -2

+ 93

+ 9

+ 7 + 9 + 5

Allemagne

•28

-8 -51 -26 -30 -23 -5

-24 + 9 -5 0

-3 + 2 -5

+ 30 + 6 -36

0 -2

+ 17 0

+ 6 -11 + 11 + 1 ■8 + 1 + 3 + 4

+ 21 + 6 -32 -35

+ 11

+ 5 + 18

-6

Royaume-Uni

-44

-52 -48 -27 -38 -66 -58 -74 -66 -38 -35 -30 -24 -20 -63 -46 -38 -31 -33 -35 -45 -15 -15 -12 -40 -44 + 16 -43 -53 -25 -40 -58 -47

-45

-47 -42 -43

1. Nomenclature OST-Inpi-FhG/ISI en 30 sous-domaines. Source : données EPAT-bibliométrique, OST.

78 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 275-276, 1994-5/6

transports, BTP, matériaux, composants mécaniques et procédés thermiques. Dans ces domaines et au niveau mondial, 13 à 15 % des brevets européens émanent de la France. Mais, il s'agit en général également de domaines de spécialisation pour l'Allemagne : ce pays dépose deux fois plus de brevets que la France. Dans un certain nombre de domaines, la France dépose trois fois plus de brevets que le Royaume-Uni. L'informatique et la micro- électronique représentent des technologies de non-spécialisation pour ces trois pays (leur part de brevets y est plus faible que leur part moyenne, toutes technologies confondues), ce qui n'est pas le cas des télécommunications. Enfin, le grand pôle de spécialisation de l'Allemagne est la mécanique, les moteurs et les machines- outils. Dans chacun de ces trois domaines, près de 30 % des brevets enregistrés dans le système européen sont déposés par des Allemands.

Tableau 6 Poids national et taux de production technologique des régions françaises en dépôt de brevets européens en 1991

Région

Île-de-France Rhône - Alpes Provence - Alpes - Côte d'Azur Alsace Centre Lorraine Nord - Pas-de-Calais Bretagne Aquitaine Midi - Pyrénées Pays de la Loire Bourgogne Picardie Haute-Normandie Franche-Comté Auvergne Champagne - Ardenne Languedoc - Roussillon Basse-Normandie Poitou - Charentes Limousin France : %

Nombre de brevets

Poids des régions

(en %)

44,8 15,8 4,4 3,3 2,8 2,6 2,5 2,3 2,3 2,2 2,2 2,1 2,1 2,1 1,7 1,4 1,4 1,3 1,1 1,0 0,3

100,0 3666

Taux de production

technologique 0) 155 168 64

111 73 75 44 58 52 64 47 83 78 69 96 74 62 45 54 44 30

100

1 . Cet indicateur est, pour chaque région, le nombre de brevets déposés rapporté au PIB (Indice 100 pour la France entière).

En France, le pôle francilien...

La France a déposé en 199 1 près de 3 700 brevets dans le système européen. Au niveau régional, l' Île-de-France se caractérise par une très nette domination (cf. tableau 6) : près de 45 % des brevets nationaux émanent de l'Île-de- France (5). La région Rhône - Alpes, avec près de 16 % du total national, est la seule autre région à jouer un rôle significatif en matière de brevets. Après ces deux régions, la Provence - Alpes - Côte d'Azur et l'Alsace, en troisième et quatrième rangs, ne déposent que 3 à 5 % des brevets français.

L'Île-de-France a trois départements (voir note 5) parmi les cinq premiers en chimie- pharmacie, procédés industriels et consommation des ménages-BTP, quatre en électronique- électricité et instrumentation et cinq en machines- mécanique (cf. tableau 7).

En chimie-pharmacie, le Rhône est le premier département français, le Bas-Rhin étant au cinquième rang. En électronique-électricité, ainsi qu'en instrumentation, l'Isère est dans les cinq premiers départements ; en procédés industriels, on retrouve le Rhône et l'Isère dans les cinq premiers ; en technologies de « consommation des ménages et BTP », le Rhône mais également la Haute-Savoie figurent parmi les cinq premiers départements.

La Haute-Savoie apparaît trois fois dans les dix premiers, la Somme et le Nord - Pas-de-Calais deux fois.

Au total, le Rhône et l'Isère s'avèrent les deux grands pôles pluri-technologiques en dehors de l'Île-de-France, les Bouches-du-Rhône et le Bas-Rhin se situant juste après, tant par le volume que la diversité de leurs activités technologiques.

Source : données EPAT-bibliométrique, OST.

5. Le fait que ce soit l'adresse personnelle de l'inventeur et non celle des laboratoires de recherche, doit inciter à la prudence pour l'interprétation du poids relatif des départements en Île-de-France. En effet, sil'adequation entre ces deux adresses existe à l'échelle de la région, ce n'est pas forcément le cas au niveau du département et surtout pour ceux de l'Île-de-France ; un certain nombre d'inventeurs n'habitent pas dans le département de leur lieu de travail. Rappelons, d'autrepart, que l'indicateur brevet rend mal compte des activités technologiques liées au secteur aérospatial, ce qui explique le faible poids, selon cet indicateur, de la région Midi - Pyrénées.

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Tableau 7 Poids des dix premiers départements français en 1991'

En% Électronique -

Électricité

Département

Hauts-de- Seine Paris

Isère

Yvelines

Essonne Alpes- Maritimes Rhône Val-d'Oise

Bas-Rhin Haute- Garonne

Poids national

20,9 17,8

12,0

7,4

3,4

2,9 2,8 2,8

2,5

2,4

Instrumentation

Département

Hauts-de- Seine Paris

Essonne

Yvelines

Isère Rhône Bouches- du-Rhône Haute- Savoie Val-d'Oise Val-de- Marne

Poids national

16,2 13,6

6,0

5,7

5,2 3,4

3,0

2,9 2,8

2,8

Chimie - Pharmacie

Département

Rhône

Paris Hauts-de- Seine Yvelines

Bas-Rhin Bouches- du-Rhône Oise Isère Meurthe- et-Moselle Val-de- Marne

Poids national

12,8

9,3

8,4 7,3

3,4

3,3 2,9 2,9

2,8

2,7

Procédés industriels

Département

Hauts-de- Seine Yvelines

Rhône

Paris

Isère Oise

Essonne

Nord Haute- Savoie Val-d'Oise

Poids national

8,8 8,5

7,6

7,2

3,7 3,4

3,2 2,9

2,8 2,6

Machines - Mécanique

Département

Yvelines Hauts-de- Seine Paris Seine- Saint- Denis Essonne Rhône

Val-d'Oise Val-de- Marne Bas-Rhin

Doubs

Poids national

10,6

8,9 5,5

5,5 4,3 4,2

3,6

3,0 2,4

2,3

Consommation des ménages -

BTP

Département

Hauts-de- Seine Paris

Yvelines Haute- Savoie

Rhône Loire

Val-d'Oise Essonne

Nord Val-de- Marne

Poids national

9,9 9,3

7,6

6,2

3,5 3,1

2,6 2,6

2,5

2,5 * Poids national du département dans le système de brevets européen. Source : données EPAT-bibliométrique, OST.

6. Cette mesure n'a ici enre de signification qu'en comparaison, c'est pourquoi elle est normée à 100 pour la moyenne nationale. Par contre, le problème de fiabilité des taux de change ne se pose pas, la seule monnaie utilisée étant la monnaie nationale.

... est tempéré par la performance technologique de la région Rhône - Alpes

Comme dans la comparaison entre pays, un indicateur de densité technologique des régions, à savoir le nombre de brevets européens déposés par chaque région rapporté au PIB régional (6), peut être utilisé.

Ainsi, en termes de performance technologique, T Ile-de-France n'est plus la région dominante (155). Elle est devancée par Rhône - Alpes (168). La seule autre région ayant un taux de production supérieur à la moyenne nationale

est l'Alsace (111). Viennent ensuite la Lorraine et l'Auvergne, et des régions du « grand Bassin parisien » telles la Franche-Comté, la Bourgogne et la Picardie ; ce fait est remarquable, car il est par ailleurs connu que les régions du « grand Bassin parisien » sont déficitaires sur le plan de la recherche publique et universitaire. Enfin, le taux de production technologique est relativement faible dans les régions du Sud de la France : Provence - Alpes - Côte d'Azur, Aquitaine, Languedoc - Roussillon. Or, dans ces régions, et à l'inverse du cas précédent, la recherche publique et universitaire est bien développée. □

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