la bataille des alpes - juin 1940

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Document écrit par le général Magnien, commandant le SFAM. Recueilli par Laurent Icardo Nice ARMEE DES ALPES 15ème C.A. S.F.A.M. (Secteur Fortifié des Alpes-Maritimes) ETAT-MAJOR 3ème Bureau N°1970/3 LA BATAILLE POUR NICE MENEE PAR LE S.F.A.M. du 11 au 25 JUIN 1940

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La Bataille des Alpes - juin 1940 Document écrit par le général Magnien, commandant le SFAM. Recueilli par Laurent Icardo Nice ARMEE DES ALPES 15ème C.A. S.F.A.M. (Secteur Fortifié des Alpes-Maritimes) ETAT-MAJOR 3ème Bureau N°1970/3

LA BATAILLE POUR NICE MENEE PAR LE S.F.A.M. du 11 au 25 JUIN 1940

11, 12 et 13 juin Le 11 Juin à 0 heure, les hostilités étaient ouvertes entre la France et l'Italie. Par ordre du Général Commandant l'Armée des Alpes toutes les destructions préparées en avant de la P.R. (Position de Résistance) étaient aussitôt mises en oeuvre, à titre préventif, pour interdire à l'ennemi, dans toute la mesure du possible, une attaque avec appui massif d'engins blindés et pour gêner le mouvement en avant de son artillerie et de ses ravitaillements, au cas où il prendrait l'offensive. Seules ont été momentanément ajournées quelques destructions qui auraient gêné les propres communications des éléments avancés du S.F.A.M. Elles ont été peu à peu mises en oeuvre par la suite, au fur et à mesure du développement de la bataille Les journées des 11, 12 et 13 juin furent sans histoire. Au contact, nos patrouilles d'Eclaireurs Skieurs signalaient que les Italiens se bornaient à aménager la crête frontière avec des réseaux et des armes automatiques partout où nous ne l'occupions pas en permanence. Nos quelques postes avancés à la crête frontière continuaient à vaquer à leurs occupations sans que les Italiens ouvrissent le feu sur eux. Nous ne cherchions pas d'ailleurs à revenir en force aux points d'observation habituels de nos patrouilles qui avaient été occupés dés le début par l'ennemi, mais nous mettions cette période de calme relatif à profit pour préparer encore de nouvelles destructions en avant de la P.R.

14 juin Dans la matinée du 14, brusquement, au point du jour, l'ennemi tenta les premières actions de détails sur la frontière. D'une part il attaquait tous les points accessibles de la crête frontière du Tréitore (nord du Grammondo) à la mer (sud du Pont St Louis). D'autre part, une patrouille d'Eclaireurs Skieurs qui montait dans le brouillard au Capelet Supérieur (région nord de l'Aution) tombait dans une embuscade qui lui causait quelques pertes et la repoussait. De même la patrouille qui montait à l'observatoire d'Anan le trouvait fortement occupé, et accueillie à coups de feu, devait se replier. Mais dès le début de l'attaque notre supériorité s'affirmait sur deux points : - la résistance et la valeur de nos petits groupes d'Eclaireurs Skieurs qui infligeaient des pertes très sensibles aux Italiens avant de se replier devant des effectifs bien supérieurs en nombre. - La rapidité de déclenchement et la précision de nos tirs d'artillerie sur les crêtes et les débouchés de la frontière. Dans la nuit du 14 au 15, les Italiens ont occupé d'une part : toute la crête Nord, du Scandail au Pas de la Tranchée, où nous n'avions aucun élément fixe, et d'autre part : l'observatoire du Campbel et les Granges d'Arrés.

15 juin Le 15 juin dan la journée le secteur de la Pointe du Lugo voyait les Italiens se porter en avant dans la Région Cambel-Lugo, et également vers le Mont Ainé et les granges de Zuaine. Nos sections d'Eclaireurs

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Skieurs, selon les ordres donnés, se repliaient en combattant et s'accrochaient sur les pentes descendant vers la Roya dans la région de Pève et au-dessus de Breil et de la Giandola.

16 juin Le 16, la pression Italienne s'accentuait. Elle se manifestait surtout en avant de Fontan, où deux de nos S.E.S. (à Scarassoui et à Pève) contenaient l'ennemi à l'Est de Breil, et au Cuore, où notre S.E.S, qui avait occupé un peu de territoire italien, pouvait maintenir ses positions.

17 juin Le 17, ces petites actions se terminaient par un véritable succès de nos S.E.S. : - Celle de Scarassoui (105ème B.C.A.) se dégageait sans perte en stoppant l'ennemi, fort d'un Bataillon ; - Celle de Pève (24ème B.C.A.) réoccupait les Granges et capturait une quarantaine de prisonniers. - Celle des Granges de Zuaine et du Mont Ainé (85ème B.A.F.) réoccupait ses positions qu'elle trouvait couvertes de cadavres ennemis. Notre artillerie d'ouvrage et de position venait de faire la preuve de l'efficacité de ses tirs sur les colonnes ou les rassemblements ennemis. Le Gouvernement Français ayant fait connaître à Midi qu'il avait demandé au führer allemand à quelles conditions on pourrait cesser le combat, de curieuses tentatives de fraternisation (?) étaient esquissées par les Italiens vers la fin de l'après-midi au Pont St Louis; au Restaud et au Cuore. Ils nous annonçaient, sous le couvert de drapeaux blancs, que les hostilités étaient terminées, mais ne purent faire abandonner sa mission à aucun de nos éléments avancés.

18 et 19 juin Les 18 et 19 Juin furent deux journées d'accalmie complète. Nos observatoires, par contre, signalaient des mouvements intenses sur les arrières ; surtout autour de Vintimille ; des relèves s'opéraient chez l'ennemi qu'on voyait recueillir et transporter des morts et des blessés fort nombreux.

20 juin Le 20 Juin, les Italiens à la faveur d'un fort brouillard reprirent dès le matin leurs attaques : A l'Est de Breil, ils renouvelaient leurs tentatives précédentes pour arriver à la Roya en descendant du Mont Ainé vers Breil et les Granges de Vezaire, et de la Région de Pève vers Saorge. A l'Authion, l'artillerie préparait à Raus une attaque qui pouvait déboucher. Du Grammondo à la mer une grosse attaque était menée par la 5ème D.I. italienne appuyée de chemises noires et soutenue par une forte action d'artillerie. Certains de nos ouvrages ainsi que certaines positions de batteries (Monte-Grosso, Agaisen, Cap Martin, la Toracca, en particulier) étaient pris à partie par des pièces lourdes de 149, 210 et peut-être même de calibres supérieurs. L'échec fut complet, notre artillerie de forteresse et de position ayant répondu à toutes les demandes d'appui de l'infanterie par des tirs rapides, remarquablement appliqués sur les objectifs signalés et qui avaient causé de très fortes pertes à l'ennemi. Seul l'Ouvrage de Pont St-Louis avait pu être débordé mais il tenait toujours et sur les Corniches l'avance italienne avait pu être arrêtée sensiblement à la frontière. A Breil, l'ennemi avait pu arriver presque au bas des pentes et nos S.E.S. s'étaient retirées sur la rive droite de la Roya.

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21 juin La journée du 21 juin fut à nouveau employée par l'ennemi à ramasser blessés et tués, à regrouper les éléments engagés et à préparer l'entrée en ligne de nouvelles divisions entre Breil et la Mer. Notre artillerie eut là l'occasion de disperser encore de gros rassemblements. Pendant ce temps le Commandement Français se préoccupait de l'obligation où pourrait se trouver le XVème C.A. (Corps d'Armée) de mener la lutte sur deux fronts opposés, sur les Alpes contre les Italiens et sur la VAR contre les troupes motorisées allemandes.

22 juin Le 22 juin, une attaque générale se déclenchait de bon matin contre le S.F.A.M, précédée d'une assez forte préparation d'artillerie sur toute la zone de Monte-Grosso à la Mer. 1°.- Deux divisions (37ème D.I. "Modana" et 5ème D.I. "Cosseria") lançaient leurs fantassins et leurs chemises noires à l'assaut de notre position du Cuore à la Mer. Deux attaques convergentes, débouchant de part et d'autre du Mulacier prenaient comme objectif la région du Razet. Au Sud du Grammondo une forte attaque frontale visait les points forts de Castellar et de la Colle et les ouvrages d'avant postes qui les couvraient. Nos Sections d'Eclaireurs Skieurs supportèrent héroïquement le choc et arrêtèrent l'ennemi avec l'aide de nos petits ouvrages d'A.P. (Pierre Pointue - Scuvion - La Pena - Colette - Pilon - Pont St-Louis), des Sections défendent les points forts de Castellar et de la Colle, et de notre splendide artillerie divisionnaire de forteresse ou de position qui faisait un excellent travail malgré le brouillard qui gênait ses observateurs. 2°.- Une Division (3ème D.I. "Ravena") tentait de pousser par Fontan vers Breil. Elle engageait en première ligne dans la vallée de la Roya un Bataillon devant lequel reculait pas à pas une de nos S.E.S. qui le soir tenait encore toute la partie Sud de Fontan. 3°.- A l'Aution aucune attaque d'infanterie ne débouchait à la suite des tirs effectués surtout sur Raus et la crête qui s'étend de l'Orthigea à Plan Caval, notre artillerie ayant vivement riposté. L'après-midi, la bataille se poursuivait avec violence sur tout le front du Razet à la mer, avec des fluctuations continuelles dues surtout à l'action de l'artillerie sur les troupes attaquantes et à la résistance énergique de tous nos éléments d'avant postes. A la fin de la journée, autant qu'on pouvait en juger, le bataillon italien chargé de l'attaque au Nord avait pu pénétrer entre les deux ouvrages de Scuvion et de Pierre Pointue qui étaient débordés et presque encerclés. Il avait coiffé le sommet du Razet et commençait à descendre vers le point fort de Plan Germain où là les tirs combinés de l'artillerie et des deux ouvrages les stoppaient. Enfin le bataillon refluait vers le col du Razet, laissant des cadavres et des blessés sur le terrain. Une sortie à la grenade d'une partie de la garnison de Pierre Pointue avait permis à celle-ci de ramener une dizaine de prisonniers qui furent enfermés dans l'ouvrage. A Fascia Funda, un groupe d'Eclaireurs s'étaient héroïquement défendu et 5 Alpins s'étaient fait tuer sur leur arme qu'ils avaient servi jusqu'au dernier moment. Au Sud, l'attaque avait pu dépasser l'ouvrage du Pilon, déborder la Colle par ses deux flancs Est et Ouest, et atteindre les réseaux qui protégeaient Castellar, obligeant à envisager le repli de ces deux derniers points forts, comme il était prévu au Plan de Défense. Une radio émise par les Italiens nous apprenait le soir que la 89ème R.I. venait de recevoir l'ordre d'occuper dans la nuit Menton, quelles que soient les pertes qui pourraient en résulter, et cela à la demande

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expresse du Gouvernement du Duce. D'autre part des observateurs d'artillerie avaient signalé des chalands qui se rassemblaient derrière Grimaldi, ce qui pouvait faire craindre un débarquement éventuel sur le flanc ou les arrières du S.F.A.M, permettant de faire franchir à des engins blindés la zone, impraticable pour eux, des destructions. Nos troupes étaient donc avisées d'être particulièrement vigilantes au cours de la nuit et l'Artillerie, qui disposait à pied d'oeuvre d'approvisionnement relativement considérables et dont les ravitaillements se poursuivaient normalement chaque nuit, était invitée à exécuter, pendant la nuit, sur tous les points de passage de la frontière et sur les principaux points du champ de bataille, des tirs irréguliers de harcèlement en vue d'interdire ravitaillement et relèves, et de gêner la circulation. Du fait de ses pertes de la journée et de celles dues à ces tirs incessants au cours de la nuit du 22 au 23, l'ennemi, une fois de plus, dû se regrouper et évacuer ses nombreux blessés. Aussi la nuit resta-t-elle tout à fait calme. Mais le 23 au matin, par un temps très beau, des escadrilles de bombardement qui, la veille avait déjà opéré à Berre des Alpes, au Mont Chauve, aux Banquettes, venaient lancer leurs projectiles sur notre position de résistance dans la région des Corniches. A ce moment, le Cuore tenait toujours solidement, malgré l'extrême fatigue de la S.E.S. qui s'y défendait. Toutes les S.E.S. qui avaient combattu plus au Sud jusqu'à la limite de résistance de leurs hommes, avaient été, dans la nuit, repliées en arrière de la P.R. et mises au repos afin de pouvoir être utilisées par la suite comme réserve de quartiers. La ligne de résistance jalonnée par les ouvrages d'Avant Postes paraissait, sur tout de front, atteinte sinon dépassée. Le pilon, Pierre Pointue et Scuvion tiraient toujours, tandis que le Pont St Louis, la Colette et la pona, avec lesquels on ne pouvait plus communiquer, ne donnaient plus signe de vie. Le point fort de la Celle avait été évacué et replié sur les hauteurs de la rive gauche du Caroï et l'ennemi était accroché aux réseaux de Castellar qui tenait encore. A Menton Garavan, les Italiens ne paraissaient pas avoir dépassé les abords Est du Vieux Menton (Hôpital Barriquand et Port)

23 juin Le début de la matinée du 23 restait assez calme. Un orage violent s'était d'ailleurs mis à tomber, s'ajoutant à un brouillard épais qui interdisait toute visibilité. Vers 16 h 30, on signalait seulement que les Italiens avaient poursuivi la conquête de Fontan dont nous ne tenions plus que la sortie Sud. Par contre à l'Est de Breil, ils étaient un peu remontés vers le pont Ainé, suivis par des patrouilles de nos S.E.S. qui étaient repassées sur la rive gauche de la rivière. A plan Germain, la situation restait toujours des plus confuses. Les Italiens semblaient avoir occupé l'ancien point fort, mais la garnison de celui-ci s'était retirée préalablement hors des bois, à la côte 1056 de la Graïa d'Erch d'où elle dominait, à courte portée, son ancienne position. Scuvion et Pierre Pointue étaient maintenant dégagés et les communications par radio étaient rétablies avec tous les autres ouvrages d'avant postes, sauf celui de Pont St Louis. Le Bataillon italien du Razet semblait avoir été relevé par un Bataillon frais. Des infiltrations étaient signalées descendant du Plan du Lion : l'artillerie française malgré le brouillard intense combattait d'ailleurs immédiatement tout objectif qui lui était signalé, tandis que

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l'artillerie italienne continuait à pilonner le P.R. avec des obus de tous calibres. A partir de 17 h., sous une pluie diluvienne persistante et par un brouillard opaque, la bataille reprenait très violemment dans Menton même. Ne voyant rien, renseignés seulement par le bruit des armes qui tiraient et par les coups qu'ils recevaient, les défenseurs de la Position de Résistance ne pouvaient fournir que des renseignements très vagues, qui seront souvent reconnus erronés par la suite, mais que l'artillerie, exploitait aussitôt. Un char canon suivi par 200 hommes à pied était signalé dans l'entonnoir de la destruction de Carnolès, tirant à 1000 mètres sur les embrasures des casemates de Cap Martin ; des chars étaient signalés sur la basse Corniche, le long de la caserne de Menton, arrêtés par la grosse destruction de la villa "Bien Située", au tournant voisin de l'entrée du tunnel, puis sur la place d'Armes au bord de mer de Menton. Or il a été établi par la suite qu'aucun engin blindé italien n'avait pu pénétrer dans Menton, l'Ouvrage de Pont St Louis ayant toujours interdit le seul passage utilisable par eux. Ces tirs d'artillerie déclenchés sur ces engins n'étaient d'ailleurs pas perdus car d'assez nombreuses unités italiennes, en particulier des chemises noires et des troupes d'assaut, profitant du brouillard, progressaient dans Menton. Et vers 18 h. on apprenait que les réseaux de fils de fer qui couvrent l'Ouvrage de Cap Martin étaient attaqués par d'importants effectifs qui étaient pris aussitôt à partie par tout ce qui pouvait tirer sur ces assaillants, et en particulier par les jumelages et par les mortiers de 81 de l'Ouvrage qui les fauchaient à 200 m: les Italiens qui n'étaient pas fauchés abandonnaient rapidement l'attaque et refluaient en direction du Vieux-Menton, poursuivis par de violents tirs d'artillerie. (1) (1) : un renseignement donné par les Italiens après l'armistice, fait supposer que cette attaque a été menée par au moins un Bataillon, transporté par mer, à la faveur du brouillard en longeant la côte, et débarquant au Port de Menton. Dans la crainte qu'à la faveur du brouillard, puis de l'obscurité de la nuit, l'attaque de la position de résistance ne soit reprise, une compagnie de Tirailleurs Sénégalais en réserve à la Turbie était avancée vers Ricard avec les 2 compagnies de chars F.T. dont disposait le S.F.A.M. et qu'ils orientait respectivement sur la Corniche Haute et la Corniche Basse. Par ailleurs, le Commandement du Sous-Secteur qui avait déjà replié dans la journée les Sections occupant le point fort de Castellar et la crête au Sud (ancienne garnison de la Colle) les repliait à nouveau, considérant qu'à l'Annonciade et à la Maison Tardieu elles se trouveraient encore débordées, du fait de l'occupation de Menton, étant donné surtout que le brouillard empêchait d'en suivre les progrès. Seul le passage du Col de Rancurel se trouvait donc encore tenu en avant de la Position de Résistance, mais il sera replié à son tour au début de la nuit. Pourtant la soirée du 23 et la nuit du 23 au 24 se passent dans le plus grand calme, toutes les troupes veillant avec soin, car le brouillard qui s'est maintenu serait favorable à des infiltrations dangereuses ; l'artillerie poursuit pendant toute la nuit ses tirs de harcèlement courts et irréguliers sur les points de passage et les points les plus importants du champs de bataille. Le Sous-Secteur de SOSPEL profite de ce calme pour permuter entre elles la S.E.S. qui tient le Cuore et qui est arrivée à bout de résistance physique, et la S.E.S. qui occupe les Bergevine et n'a pas encore été engagée. Des patrouilles poussées dans Menton par le 96ème B.A.F. au cours de la nuit pouvaient pénétrer dans la partie Ouest de Menton, jusqu'au Gorbio sans rencontrer d'Italiens.

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Par contre des infiltrations d'Italiens étaient signalées de divers côtés, sans qu'il soit possible d'établir leur importance, ni même leur réalité : un blessé de la Pena qui descendait à Monti pour s'y faire soigner y aurait vu des Italiens et serait remonté jusqu'à la P.R. sans passer au poste de secours l'estimant occupé par l'ennemi ; des bruits d'armes automatiques auraient été entendus dans le ravin des Agreux, etc. Sur la Roya, l'ennemi serait parvenu à déboucher de Fontan, mais il a été arrêté au confluent du Caïros ; il se serait approché des lisières Est de Saorge, mais n'aurait pu pénétrer dans ce village.

24 juin Le 24 juin, dés 5 heures du matin, les avions ennemis recommençaient à voler au-dessus des lignes, mais sans lancer aucune bombe, et sans doute sans pouvoir reconnaître si le dispositif de défense avait été renforcé, car il régnait toujours un assez fort brouillard au sol. Vers 6 heures 50 le S.F.A.M. recevait notification d'un télégramme officiel demandant aux troupes de tenir sur place coûte que coûte et malgré tout, et en particulier de faire l'impossible pour interdire toute violation de la P.R. Ce télégramme était notifié aussitôt aux Sous-Secteurs. La journée s'écoulait ensuite dans le calme, toujours sous la pluie et dans le brouillard. Les seules alertes dans cette journée où nos troupes, sentant un ennemi nombreux devant elles dans un brouillard persistant qui entretient la crainte perpétuelle du débouché imprévu d'une attaque, étaient dues à des renseignements toujours reconnus faux : retour de l'infanterie italienne dans les réseaux du Cap Martin, important rassemblement de chars sur la Place d'Armes de Menton, mouvement en avant d'une Division blindée sur la route de la Riviéra Italienne, avec un débarquement de ses éléments légers dans le port de Menton. Chaque fois notre artillerie déclenchait ses tirs, mais en réalité la journée n'était marquée par aucune attaque, l'ennemi qui avait éprouvé de très fortes pertes la veille, ainsi qu'on l'apprendra plus tard, utilisant sans doute cette journée pour amener à pied d'oeuvre de nouvelles unités et se bornant à des tirs d'artillerie sur nos positions ainsi que sur l'ouvrage encerclé du Pont St Louis dont l'équipage interdisait toujours tout passage sur le pont. L'ouvrage de Pierre Pointue avait pu être ravitaillé dans le courant de l'après midi par une corvée qui avait ramené les prisonniers faits le 22. Le soir après le dîner, on apprenait que l'armistice venait d'être signé entre la France et l'Italie et que les hostilités seraient arrêtées à 0 heure 35 le 25 juin. Le Commandement ordonnait en même temps que, si le S.F.A.M. n'était pas attaqué, l'artillerie n'exécute pas les tirs de harcèlement qui avaient été prévus pour la nuit du 24 au 25. Ainsi finit la bataille pour Nice. Un des derniers tirs exécutés, dirigés par les pièces longues modernes du Mont-Agel sur la gare de Vintimille où l'on observait d'importants mouvements semble y avoir provoqué une explosion et un fort incendie. Après une nuit très calme, le 25 au matin, par un temps superbe, les Italiens et les Français qui en bien des points n'étaient plus au contact, se sont portés à la rencontre les uns des autres et la ligne de démarcation les séparant s'est trouvée, en fin de matinée, jalonnée de la manière suivante : Cours inférieur du ravin de Gorbio par le Pont de l'Union, Pentes Sud de la crête de l'Annonciade, ligne passant immédiatement à l'Est des ouvrages d'Avant Postes du Pilon à Souvion, Castellar restant aux Français ainsi que la crête du Razet, le Cuore, l'ancienne frontière de

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la région du Grazian atteignant la Roya à la garde de Piena, cours inférieur de la Roya Française en aval de la Chapelle St Antoine (Sud de Breil), la Tour Ruinée, Cote 454, Chapelle St Anne, lisière Est de Saorge, confluent Cairos - Roya, Collet d'Albeï, granges de Nérim, Col de Mardi, Faux Col de Raus (au Nord de la Cime de Raus). L'Ouvrage du Pont St Louis, bien qu'encerclé, tenant toujours, deux officiers français s'y rendirent en parlementaires dans la matinée du 25 juin pour notifier à la garnison la cessation des hostilités. Les autorités Italiennes se montrèrent à cette occasion très correctes. Elles exprimèrent toute leur admiration pour la garnison de cet ouvrage et autorisèrent sa relève le soir même, vu son état de fatigue, par une nouvelle garnison de composition absolument identique, demandant en échange que la barrière interdisant la circulation fût légèrement entrouverte pour permettre le passage des ambulances et l'enlèvement des très nombreux blessés italiens tombés à Menton et que l'on ne savait comment évacuer. Deux jours après, les italiens firent demander si on ne pourrait ouvrir la barrière complètement et dégager les champs de mines qui la doublaient, afin de laisser passer les convois nécessaires aux ravitaillements des troupes d'occupation de Menton : la garnison de l'ouvrage se retirerait alors avec les honneurs de la Guerre pour rentrer en France Libre, avec ses armes, ses vivres et ses bagages. Sa seule présence avait suffi à interdire tous passages autres que ceux des ambulances. Le prestige des défenseurs de cet ouvrage était tel qu'en partant le soir, le sous lieutenant commandant l'ouvrage pût emporter la clef, après avoir fermé la porte : un coin de France restait ainsi inviolé.

Conclusion Au cours de cette bataille de 10 jours, le S.F.A.M. a pleinement rempli sa mission de couverture de la ville de Nice. L'ennemi n'a pu occuper que Menton et Fontan. Pourtant cinq Divisions Italiennes avaient été engagées, sur le front du S.F.A.M. dont trois avaient été assez fortement éprouvées pour qu'il fût nécessaire de les relever. Trois autres Divisions étaient sur le point d'entrer en ligne, semble-t-il, si l'Armistice n'était pas intervenu. De l'aveu même des Italiens leurs pertes avaient été très élevées, peut-être 4000 à 5000 hommes tués ou blessés, alors que celles des troupes du S.F.A.M. restaient au contraire excessivement faibles : 8 tués (1) 35 blessés 33 prisonniers ou disparus. (1) auxquels on peut ajouter 4 morts par accident, 2 du fait de la chute d'un câble électrique à haute tension et 2 par éclatement d'une bouche à feu. C'est ainsi que la bataille pour Nice avait revêtu un caractère tout particulier : elle avait été menée presque uniquement par l'artillerie française, en partie abritée dans les ouvrages, contre l'infanterie italienne attaquant à découvert. L'infanterie Française n'y avait pris qu'une part assez faible, car la position de résistance était demeurée inviolée. Elle pouvait d'ailleurs être fière des petites unités qu'elle avait pu engager : Sections d'Eclaireurs Skieurs et quelques Sections avancées de F.V. dont les manoeuvres élastiques avaient tous les caractères de petites contre-attaques, enfin garnisons des petits ouvrages d'Avant-Postes, aux feux puissants et aux coeurs vaillants. Toutes avaient lutté avec succès à un contre dix, parfois même à un contre vingt.

Q.G. le 8 juillet 1940 Le Général M A G N I E N Commandant le S.F.A.M.

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Fascia - Fonda (Côte 965,1) Fascia-Fonda est un petit poste de surveillance français du SF des Alpes-Maritimes où 12 hommes sont à moins de 500m de la frontière. Attaqué par les italiens le 22 juin 1940, cinq de ses hommes sont tués dans des circonstance qui provoquent l'ouverture d'une enquête dont, actuellement, personne ne connait les conclusions.

Le contexte Le 22 juin 1940 au matin les italiens lancent sur les Alpes du sud l'opération "R". Leur objectif est de traverser la "Ligne Maginot" afin de marcher sur Nice. Le petit poste avancé de Fascia-Fonda, dont l'effectif est de 12 hommes, voit alors converger sur lui trois bataillons ennemis... Fascia - Fonda Le contexte du drame Les lieux, la mission Entre la frontière et la Position de Résistance où sont édifiés les gros ouvrages de la Ligne Maginot, une ligne d'Avant-Postes tient les principales voies de passage. Ces Avant-Postes, établis avant guerre et bien structurés, sont secondés par de nombreux petits "postes avancés" installés au grè des circonstances. Ces postes avancés sont mobiles (Sections d'Eclaireurs Skieurs: SES) ou fixes. Fascia-Fonda (identifié sous le nom de: Cote 965,1) est l'un de ces petits postes avancés fixes du SFAM. Depuis sa position, située au niveau de l'ouvrage de Castillon, à moins de 500m de la frontière, 12 hommes de la 2ème Compagnie du 76ème BAF surveillent les mouvements italiens. Comme c'est le cas pour chacun des postes avancés, les hommes ne disposent pas d'abri bétonné. Ils ont mis à profit les accidents de terrain pour se protéger contre les tirs directs des italiens et pour aménager un couloir de repli vers l'Avant-Poste de La Péna dont ils dépendent. Les circonstances Depuis le 11 juin 1940 à 0h, début officiel des hostilités, les troupes italiennes ne mènent que des coups de main ponctuels destinés plus à tester le dispositif de résistance français qu'à l'enfoncer. Le 14 juin l'échec d'une attaque d'envergure sur tout le front montre que la France, pourtant en pleine débacle face aux troupes allemandes, aligne toujours des moyens intacts sur le front des Alpes. Les Italiens maintiennent alors leur pression par des attaques sporadiques et sans lendemain. Cependant les jours passent. Le 17 juin la France demande l'armistice à l'Allemagne et, pour des raisons politico-stratégiques, Hitler décide que cet armistice sera vite signé mais n'entrera en vigueur que lorsque les hostilités franco-italiennes auront cessé, ce qui laisse peu de temps à l'Italie pour conquérir des territoires. Le temps presse donc. Aussi, le 22 juin 1940, les Italiens déclenchent-ils leur offensive générale dont le nom de code, sur les Alpes Maritimes, est: opération "R" comme "Riviera". Le but de cette opération est d'enfoncer la "Ligne Maginot" puis de faire converger les forces vers Nice, capitale d'un ancien Comté revendiqué de longue date par les transalpins. Les ressources en hommes et en matériels mises en oeuvre le 22 juin peuvent être difficilement plus importantes. Sur la dizaine de kilomètres de frontière du mentonnais, depuis la mer jusqu'au col de Cuore, ce ne sont pas moins de deux divisions (37ème Division "MODENA"

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et 5ème Division "COSSERIA") renforcées par quatre bataillons de Chemises Noires (CCNN) qui entrent dans la bataille! Malheureusement pour les Italiens, ils s'attaquent là à l'un des secteurs fortifiés les plus puissants de la "Ligne Maginot". Ils ne parviendront même pas à prendre pied sur un seul des ouvrages de la "Position de Résistance". Mais entre la frontière et les "gros" ouvrages de la PR, les petits postes de surveillance voient soudain déferler la vague ennemie. C'est le cas à Fascia-Fonda où convergent trois bataillons: le 36ème CCNN, le 1/42eRF et le 2/42ème RF. Le mystère Le récit accusateur du Caporal Dayre, blessé lors de l'affrontement qui s'en suivit, laisse planer plusieurs mystères qui risquent fort de ne jamais être élucidés Fascia - Fonda Mystère sur une fin tragique Historique "officiel" de l'attaque Les documents officiels qui ont été conservés sont consultables au SHAT. L'un d'eux concerne l'historique de ce poste de surveillance. On y apprend que ce 22 juin 1940, à 13h20, les hommes sont en plein brouillard quand tout à coup les Italiens surgissent et engagent le combat. La résistance du poste est acharnée mais impuissante devant le nombre des ennemis. Le bilan est de 5 morts, 1 disparu, 2 blessés. Les quatre hommes indemnes du reste du groupe parviennent à se replier sur l'avant-poste de La Péna. Les Italiens partis, les blessés rejoindront, eux aussi et par leurs propres moyens, l'avant-poste. Le Caporal Dayre accuse Le sacrifice de ce petit poste est cité en exemple dans les documents officiels et dans le livre semi-officiel "la bataille pour Nice et la Provence" écrit par le Général Montagne qui commandait à l'époque le XVème Corps d'Armée. Au cours d'entrevues, plusieurs anciens combattants du 76ème BAF nous évoquent, mais sans insister, les "dures" circonstances dans lesquelles semblaient être morts certains hommes de Fascia-Fonda. Vu le choc subi par ce poste il n'y a là rien d'étonnant à leurs propos jusqu'au jour où l'un d'entre eux nous fait parvenir le témoignage troublant du Caporal Dayre, blessé et rescapé de Fascia-Fonda. Sous la plume de M.Gaziello, qui recueille puis transcrit ce témoignage en 1970, le Caporal Dayre accuse en des termes que l'on peut ainsi résumer: Ce jour là, laissant seulement 6 hommes au poste, le Sergent Mège part au ravitaillement à Monti. En son absence le poste est attaqué. Les hommes se défendent puis, submergés par le nombre, se rendent. Ils sont alors désarmés, regroupés, alignés côte à côte puis tués. Ensuite un officier leur donne le coup de grâce d'une balle dans la tête. Cette balle ne fait que blesser le Caporal Dayre qui fait le mort et ne rejoint La Péna qu'après le départ des Italiens. A chaque nouvelle entrevue d'anciens combattants nous insistons désormais sur cet éventuel incident. L'information la plus irréfutable nous est alors fournie par Monsieur Pierre Tersac. Ancien Lieutenant au 76ème BAF il avait sous ses ordres le "Sous Quartier Banquettes" dont dépendait l'avant-poste de La Péna: "l'incident présumé de Fascia-Fonda a donné lieu à une enquête officielle menée par le Général Olry en 1941." En nous adressant le document qui en fait foi, Monsieur Tersac précise: "Je me dois de dire qu'à aucun moment, après le 22 juin et quelles que soient les personnes avec lesquelles je m'étais entretenu, il n'a été

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question d'une "exécution collective". Par contre, immédiatement après le repli des effectifs en vue de leur regroupement à Fayence dans le Var, il a été rapporté que le Caporal Chef Fruchard, grièvement blessé, avait été achevé d'une balle de pistolet en pleine tête. J'avoue avoir été tenté par l'explication du "coup de grâce". Avec le recul je me contenterai d'une interrogation. N'oublions pas que le FM que tenait Fruchard a été cassé en deux. Imaginez dans quel état devait être Fruchard!" A l'époque, le Lieutenant Tersac répond au Général Olry que, d'après son enquête, au cours de l'attaque italienne du 22 juin 1940 : -le poste de la cote 965,1 a été pris à revers, -qu'une partie de son effectif était avec le Sergent Mège au pied de la côte 965,1 -que le Sous Lieutenant Lacharme, envoyé le 25 juin pour reconnaître les corps a fait ressortir dans son rapport que tous les corps portaient outre les traces de blessures légères, la trace d'une ou deux balles tirées à bout portant. -qu'à l'hôpital de Draguignan le Caporal Dayre lui a fait une déposition dans laquelle il lui a déclaré que, blessé par un éclat de grenade dans les reins il s'était affalé sur le sol, qu'en face de lui il a très nettement entendu un soldat italien dire à un autre "achève-le", et qu'il a juste eu le temps et le réflexe de porter son bras gauche devant sa tête lorsqu'une balle de fusil tirée à 10m lui a fracassé le bras puis a ricoché sur son casque. -Enfin que c'est le médecin auxiliaire Heurtematte, du poste de La Péna, qui a effactué la reconnaissance médicolégale des corps. 50 ans après ces faits, Monsieur Lacharme, ainsi que le médecin Heurtematte, n'ont pas su nous en dire plus. Analyse du témoignage du Caporal Dayre Suite à ces documents, le témoignage du Caporal Dayre (recueilli par Monsieur Gaziello) nécessite une relecture attentive. Si l'on écarte les "états d'âme" sur la guerre ainsi que les informations générales auxquelles le Caporal n'avait à l'époque pas accès, il reste un texte accusateur dans lequel la plupart des noms son erronés! -les hommes étaient 12 et non 10 -l'Alpin Maroni n'était pas à Fascia-Fonda - l'Adjudant-Chef Olivier ne commandait plus La Péna et avait été remplacé depuis plusieurs semaines par l'Adjudant Vidal -Le médecin Citterio avait, lui aussi, été remplacé par le médecin Heurtematte. Ces remarques ayant été formulées à M. Gaziello ce dernier, par courrier, persiste: "Dayre Olmer mon ami, m'a dit qu'il avait été soigné par le Docteur Citterio". On peut alors supposer que le Caporal Dayre, traumatisé par les moments mouvementés qu'il a vécus, aurait perdu le sens de la chronologie liée à l'événement. A ce propos Monsieur Tersac fait remarquer que Fascia-Fonda ne dépendait que de La Péna et que, contrairement à ce que l'on fait dire au Caporal Dayre, le Sergent Mège ne pouvait pas être parti au ravitaillement à Monti où n'était installé qu'un poste de secours. Alors?... Faute d'informations supplémentaires, dont par exemple le témoignage des autres rescapés, le doute subsistera sur les circonstances de la mort des cinq hommes de Fascia-Fonda. Nous laisserons au Lt Pierre Tersac les mots qu'il nous a proposés pour clore momentanément notre dossier: «Et si, tout compte fait, il ne s'agissait que d'un affolement général dans le brouillard et sous la pluie?

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Des italiens tombent à l'improviste sur un groupe qu'ils ne s'attendaient pas plus à trouver que les français ne s'attendaient à les voir déboucher du brouillard. Tout le monde a tiré... Les italiens ont privilégié l'idée de se mettre à l'abri de la pluie et des tirs de mortier, des FM 1 et 5 et des VB de La Péna... Tout cela n'est que théorie... Fruchard et ses compagnons sont morts, et cela c'est hélas du réel!»

Historique "officiel" de l'attaque sur Fascia-Fonda

Historique du poste de surveillance de la FASCIA FONDA - 76ème B.A.F. - 2ème Cie - EFFECTIF: Sergent MEGE. 1 Caporal Chef 10 hommes. 22 juin 1940 - 9 heures: Un tir d'artillerie se déclenche sur les pentes EST du Razet et au Nord du Ravin du GOURG. 22 juin - 13 h.15: Brouillard très épais. L'Artillerie ennemie tire en arrière sur l'Ouvrage de la Péna. 22 juin - 13 h.20: Attaque du poste par un groupe d'italiens surgissant du brouillard; ces éléments italiens s'étaient infiltrés sur les pentes NORD de 865,2 par le Col de la Chapelle Saint-Bernard. -Le combat s'engage aussitôt. -Le Caporal chef FRUCHARD met son F.M. en batterie, une rafale d'arme automatique coupe son F.M. en deux; ce gradé est atteint mortellement de plusieurs balles. ? Les autres Alpins du groupe se défendent avec acharnement à coup de fusil et de grenades; des italiens surgissent de tous côtés, le poste est encerclé. Au cours de la lutte, les alpins: -RAMEL Ange, -PHILIPPOT René -FEDUCCIO Jean -BOSIO Honoré, sont mis hors de combat. Le Caporal DAYRE Omer et l'Alpin VIDAL sont blessés. Le Caporal DAYRE réussira à rallier la Péna et sera évacué dans des dans des conditions extraordinaires (voir note annexe(1). Seuls du groupe de combat, le Sergent MEGE, les Alpins: PASSERON, BERTHODIN et FLANDIN parviennent à se replier sur l'ouvrage d'avant-poste de la Péna dans la soirée. 22 juin - 20 h: Une patrouille de l'Ouvrage de la Péna a découvert les corps des Alpins: PHILIPPOT, FEDUCCIO et RAMEL. 24 juin - 7 h: Une nouvelle patrouille a découvert le corps du Caporal-Chef FRUCHARD, son F.M. brisé en deux entre ses mains; près de lui gisait le corps de l'Alpin BOSIO. Malgré les recherches effectuées, l'Alpin HEREAU porté disparu n'a pu être retrouvé. PERTES EPROUVEES : -MORTS : 1 Caporal Chef, 4 Alpins. -DISPARU : 1 Alpin. -BLESSES : 1 Alpin, 1 Caporal. (Signé) : Sergent MEGE. (1) L'annexe de l'historique du poste avancé de Fascia-Fonda concerne l'odyssée du Caporal Dayre qui, ayant rejoint l'avant-poste de La Péna, est transporté en civière durant plusieurs heures à la recherche d'un poste de secours. Enquête officielle sur Fascia-Fonda (Courrier du général OLRY) 26 juin 1941 Le Général d'Armée OLRY

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Commandant le 1er Groupe de Divisions Militaires à Monsieur le Lieutenant Pierre TERSAC Chantier de Jeunesse n°9 à Monestier de Clermont (Isère) Il m'a été signalé que, le 22 Juin, des Alpins blessés appartenant à la 2ème Cie mixte du 76ème B.A.F. que vous commandiez, auraient été achevés par des Italiens: l'incident aurait eu lieu dans la région de la Chapelle St Bernard (Côte 965,1). Je vous demande de me rendre compte de ce que vous pourrez connaître de ces faits, en indiquant les noms des Alpins ainsi tués, et les conditions aussi précises que possible dans lesquelles ces faits ont eu lieu. En effet, les Italiens sont alors disséminés un peu partout et il est difficile de les éviter.

Témoignage du Caporal Olmer Dayre

L'effectif était de 10 hommes, dans ce poste avancé de Faïcha Founda, appelé par l'Etat Major Côte 965. Le Sergent MEGE, l'Alpin MARONI et deux autres Alpins étaient partis au ravitaillement à MONTI, car depuis le 14 Juin, rien n'avait été apporté à ces hommes, ils avaient épuisé leurs dernières réserves et cela ne pouvait plus durer; après concertation, ils avaient décidé que 6 hommes resteraient à leur poste et 4 autres au ravitaillement. Depuis les premières attaques italiennes du 14 Juin, auxquelles durent faire face ces hommes, attaques très dures, combats meurtriers, temps épouvantable: pluie, grêle, brouillard visibilité nulle, on aurait dit que les forces de la nature se liguaient contre les hommes et leur folie. Six hommes de l'Armée des Alpes, appartenant au 76émé B.A.F. (Bataillon Alpin de Forteresse) sont là, dans des abris plus que précaires, mettre des hommes à 200 mètres de la frontière dans de telles positions, absurdité ou inconscience, il faut voir l'endroit pour se faire une idée ! Le poste 965 comprenait un fusil mitrailleur avec: le Caporal Chef FRUCHARD Robert, parisien, engagé volontaire, faisant fonction de chef de poste, il était jardinier à la villa rouge, vallée du Sorgio à Menton, il m'a raconté la triste aventure, ainsi que le drame dont il fut malheureusement un des acteurs et le seul survivant. L'Italie fasciste est en guerre depuis le 10 Juin 40. Le 14 Juin, l'attaque commence, elle lance dans la bataille plus de 600.00 hommes, qui du Pont Saint Louis à Menton, jusqu'à la frontière suisse, ne sont tenus que par 6 divisions alpines que commande le Général OLRY. Luttant à 1 contre 6, nos braves alpins font face avec courage et bravoire à de très durs et violents combats féroces, acharnés, des hommes tombent. Le poste Côte 965 est un piton rocheux à l'Ouest de Faïcha Founda qu'il domine, il a la lourde tâche d'arrêter les infiltrations ennemies des deux cols frontaliers qui se trouvent à l'Est. Le pas de la Vieille et le col de Strafourche, situé au sud du Grand Mondo dans le massif de Rocci-Compassi 1.260m. Depuis l'aube du 14 Juin, les attaques se succèdent sans relâche, l'ennemi veut à tout prix enfoncer ce front qui le tient en échec et le ridiculise. Les divisions italiennes Modéna et Cosséria que commande le général Gambarra, multiplient les assauts dans le secteur Menton-Castellar-Sospel.

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Elles devraient être à Nice depuis le 16 Juin d'après les stratèges italiens et elles sont toujours au même point; elles piétinent ne pouvant avancer, car nos braves alpins tiennent bon, malgré le surnombre, malgré une météorologie épouvantable. Depuis l'aube de ce samedi 22 Juin, la bataille faisait rage partout, tous les postes de la ligne Maginot donnaient de la voix; Cap Martin, Mont Agel, Castillon, Sainte Agnès, Barbonnet et tous ceux au Nord de Sospel faisaient feu de toutes pièces; le bruit assourdissant de la canonnade et des explosions devenait infernal. Honoré BOSIA avec lequel je partageais l'abri, lançait de temps à autre une grenade F1 dans le creux de Faïcha Founda, nous ne voyons pas à 10 mètres... quand tout à coup sur notre droite, le F.M. entre en action; des cris s'élèvent deux chemises noires sont à 10 mètres de nous, je tire: un est tué, l'autre blessé, mais alors de toutes parts surgissent d'autres chemises noires; submergés par le nombre, nous levons les bras en signe de reddition... ils nous désarment et nous conduisent avec nos camarades, eux aussi désarmés, nous alignent côte à côte et un groupe de chemises noires nous tirent dessus, je me jette à terre et par un signe instinctif me protège le tête des deux bras, alors un officier nous donne le coup de grâce, une balle dans la tête; cette balle me fracassera le bras droit, alors qu'elle était destinée au crâne. Je ne bouge pas, je fais le mort, leur forfait accompli, les assassins se retirent, emportant les armes et les casques français. Combien de temps suis-je resté là prostré, dans la même position, n'osant bouger de peur que des fascistes soient encore présents et ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai le courage de me relever, je vois mes camarades morts à côté de moi et n'ai qu'une idée; pouvoir rejoindre le fortin de la Péna... Le bras me fait horriblement souffrir, malgré cela j'entreprends la descente vers la Pra par la cheminée de Scaretta. Il m'aura fallu plus de deux heures pour faire le chemin Faïcha Founda - la Péna alors qu'il ne me fallait pas plus de 30 minutes en temps normal! Arrivé en vue de la Péna, les sentinelles m'ont reconnu, elles avertissent le chef de poste l'Adjudant Chef OLIVIER et viennent me chercher, me conduisent au poste du médecin CITTERIO dans le civil docteur à Nice, qui me soigne et m'évacue au poste de secours de Monti; j'avais perdu beaucoup de sang j'étais très faible. Quatre hommes dont un vieux copain CARDON, marseillais qui est resté deux ans à la Péna. Allongé sur un brancard, ils me conduisent au P.S. mais le P.S. était désert, il s'était replié sur Castillon et les 4 hommes me ramènent à la Péna ; je ne serai évacué qu'à la cessation des hostilités, le 25 Juin à 0h30, le XVè Corps reçoit l'ordre de cesser le feu. L'Armée des Alpes avait tenu, je cite ici les paroles du général OLRY dans la citation à l'ordre de l'armée du XVè Corps: "Il a évité au Comté de Nice une occupation injurieuse. Le pays doit lui en être reconnaissant". Par OLMER, les hommes du fortin de la Péna connaissent le drame du Poste 965 de Faïcha Founda, une patrouille de volontaires va, le 25 Juin, chercher les morts au poste de Faïcha Founda qui sont descendus au quartier Le Pra, où une autre équipe avait creusé les fosses où ils seront inhumés; sur chaque sépulture, ces hommes ajoutent une croix de bois et ajoutent une bouteille dans laquelle y est inscrit l'identité de chacun, celle-ci est plantée, le goulot vers le bas, à chaque alpin tué. Leur pénible et douloureuse besogne terminée, ces hommes aux visages graves se rangent en formation, rendent les honneurs à leurs malheureux camarades. Ce dernier et sublime hommage rendu dans un milieu et un contexte de faits exceptionnels, ces valereux combattants, qui après avoir amplement

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rempli leurs devoirs, eux qui avaient gardé intact l'intégrité du territoire national, étaient, ce jour même, obligés de quitter leurs positions, telles étaient les clauses de l'Armistice. Aussi, ce dernier et sublime hommage prenait ici, une signification encore plus profonde. Honneur à ces héros qui par leur sacrifice suprème, ont mérité amplement notre souvenir et notre reconnaissance Fait à Castellar, le 26 Octobre 1970 Benoit GAZIELLO

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