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L’IMITATION DE SAINT-JOSEPH

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L’IMITATION DE SAINT-JOSEPH

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L’IMITATION DE SAINT-JOSEPH

À MARIE

Vierge sainte... je voudrais, par votre douce influence, pénétrer dans la vieintérieure de Joseph ; en saisir les mouvements les plus mystérieux. Commentpouvons-nous entrer dans l'âme d'un élu ? En l'aimant avec ardeur. Plus notrecoeur est aimant, plus son amour l'entraîne vers ce qui lui plaît et l'attire. Telétait votre coeur virginal, plein de sympathie pour l'âme sérieuse et vénérablede Joseph. Sous l'action suivie du Verbe éternel, vos deux vies intérieures n'enfaisaient plus qu'une seule !

Enseignez-moi, ô Marie ! à m'insinuer doucement dans le coeur de votre saintfiancé… à entrer en lui comme vous l'avez fait vous-même par votre tendressetoute surhumaine... et par l'admiration ! Qui mieux que vous peut m'apprendrela science d'analyser les hautes vertus de Joseph ?

Joseph, aidez-moi aussi à vous connaître. Je désire me mettre en contact avecvotre âme si pleine de Dieu ; initiez-moi un peu à votre vaste génie, à vossouffrances, à votre amour pour Jésus enfant et à votre sympathie éternelle pourMarie, afin que je puisse à mon tour redire, raconter tout ce que j'ai lu au-dedansde vous, et faire passer un peu de ces choses en ma pauvre âme...

Oh ! si je pouvais faire aimer, comprendre vos immenses vertus, votregrandeur !

Esprit Saint, aidez ma faible intelligence. Je me sens trop petite pour parler d'unsi grand saint !

Bénissez, Vierge sainte, tout ce que je vais écrire. Inspirez-moi.

Ainsi soit-il !

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AUX LECTEURS

En publiant ce livre... je tremble… une crainte m'agite. Traiter un sujet siélevé, si grave, demande toute la puissance de la raison. Le cœur, le jugement etl'esprit de foi doivent s'harmoniser et diriger la plume. Mes pensées ont-ellestoujours été libres d'exaltation ? Je crains que mon imagination (la folle du logis,comme l'appelle sainte Thérèse) n'ait eu parfois des entrainements trop rapides,ce qui m'a éloignée de l'admirable simplicité des Livres Saints. On me l'areproché... mais puis-je écrire avec une autre âme que la mienne ? J'aime tantsaint Joseph ! Je désire vivement qu'il soit compris et aimé de tous. J'ai vouluregarder tout à travers sa vie intérieure... Je l'ai contemplée avec mon coeur, monenthousiasme, avec toute mon âme, pour raconter ensuite ce que j'ai vu.

N'étant pas en dissidence avec les dogmes de l'Église catholique, je puispublier mon écrit. J'espère que les lecteurs feront la part de l'imagination etliront avec indulgence ces pages dictées par d'ardentes convictionsreligieuses, et aussi par le désir de soulever un peu au-dessus de ce mondeles affections humaines : surnaturaliser ces affections, les transporter à lahauteur de celles de Marie et de Joseph dans l'âme illimitée du Christ.

O mon Dieu ! animez, je vous prie, par votre action mystérieuse chaquemot, chaque pensée de mon petit livre ; faites-les bien entrer dans les âmes,et faites grandir à la fois en elles, et leur amour pour Notre Seigneur et aussileur tendresse surhumaine pour Marie et Joseph, si dignes d'être aimés. C'estlà mon vœu fervent.

Ainsi soit-il.

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INTRODUCTION

Ces méditations ne sont pas écrites spécialement pour servir d'exercices dedévotion pendant le mois de mars. Quel en est le but ? nous identifier avec lavie intérieure de saint Joseph, et de l'admiration de ses vertus passer peu à peuà l'imitation. L'homme privé de foi religieuse et le fidèle adorateur de Jésus-Christ peuvent tous deux tirer de l'âme du grand saint un rayon bienfaisant quiéclaire le coeur et le soulève vers Dieu.

L'auteur de ce petit livre aime à s'envelopper dans l'analyse de tout ce qu'il ya de saint dans le fiancé de Marie, et de là sa pensée, d'un vol rapide, se jetteau milieu de ces misères profondes qui compriment l'élan de notre âme et lafont, souffrir. Le remède à ce mal moral, où est-il ? Cherchons-le où Josephsavait le découvrir... En Dieu... dans notre non-résistance à sa volontéadorable ; dans la prière, l'effort, le sacrifice et dans notre union avec le Verbeéternel.

***

Une idée apparaît, plusieurs fois, sous différentes formes, dans cesméditations, c'est celle-ci : deux âmes ne peuvent trouver la vie l'une dansl'autre, quelle que soit l'exaltation ou la profondeur de leurs sentiments : il fautun moteur surnaturel pour accroître la tendresse humaine et lui donner unmouvement perpétuel. Que tire-t-on de l'Eucharistie ? Une surabondance d'a-mour... et l'esprit de sacrifice. Voilà, voilà ce qui donne une force surhumaineaux affections naturelles, ce qui les agrandit, ce qui les éternise !

Joseph, par son contact avec le Verbe éternel dans l'oraison vivifiait en luiet son amour pour Dieu et sa tendresse pour Marie.

C'est là ce que nous devons reproduire en nous.

Imitons... imitons... et les héroïsmes et l'amour du grand saint.

Ainsi soit-il.

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L'IMITATIONDE SAINT JOSEPH

Ire MÉDITATION

L'amour de saint Joseph est intellectuel

Je regarde mentalement le coeur bien-aimé de Joseph... Il est là absorbé dansle Verbe éternel. De cette union avec l'amour incréé s'exhale toute la profondeurde sa tendresse pour Marie. A la vue de cet étrange mystère, un éblouissementme saisit... je jette un cri d'enthousiasme, et mes pensées confuses, indistinctes,peuvent à peine guider ma plume. Esprit-Saint, aidez-moi, ô vous qui tant defois avez enveloppé de vos flammes ardentes l'âme du grand saint !

Ce n'était point la figure douce, grave et harmonieuse de la Vierge sainte quiavait ému Joseph ; les sentiments, les idées, les amours du grand saint, commeson génie, étaient innés : nul objet, aucun être visible... rien de ce qui tombesous les sens ne pouvait l'émouvoir. Il recevait ses impressions de Dieu, dumonde des âmes, et non de ce que l'œil peut saisir. Dans la beauté vivante oudans les merveilles visibles créées pour l'homme, il ne saisissait que cette viesymbolique, mystérieuse, vie bien incomprise du grand nombre, vie qui se meutlibrement et s'agrandit ou se transforme, tantôt sous l'action de Dieu ou sousl'ardeur capricieuse de notre imagination si prompte à la saisir.

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Joseph savait aimer : son amour pour Dieu était immense ! et il aimait Marie ; ilest à croire que du haut du ciel les anges, sans quitter leur adoration exclusive,répandaient sur la tendresse intellectuelle du saint patriarche les parfums d'unprintemps éternel !

Il y avait dans Marie une attraction puissante qui inclinait l'âme de Joseph versla sienne ; c'étaient des vertus sublimes, un profond amour de Dieu. La splendeurétrange et mobile de cette adoration éclairait d'une mystérieuse lueur toute labeauté intérieure de la Vierge sainte.

Joseph aimait à s'absorber dans une silencieuse contemplation dont le Verbeéternel était l'âme. C'est là que l'amour divin activait par de sérieuses impulsionsses tendresses fraternelles. Ainsi ces deux vies, si hautes en aspirations,comprimaient en Joseph toutes les fièvres humaines ; l'âme seule avait de l'élan :elle adorait Dieu... elle aimait Marie !

***

Imitons Joseph, imitons la Vierge sainte. Ayons dans nos affections leurvirginité de pensées ; c'est ce qui accroît la puissance de l'amour en donnantde la continuité à nos sympathies.

Saint Joseph ! il existe de pauvres âmes que dévore le délire des passionshumaines. Hélas ! elles n'ont le souffle ni d'aimer avec véhémence, ni d'agir selonleur volonté. La partie morale du cœur — celle où devraient régner Dieu, sa loisainte, les affections profondes, est-elle libre d'aimer quand la vie des sens, avecses soifs ardentes, l'entraîne ailleurs ? Le choix des amitiés est-il libre ? Lejugement a-t-il toute sa vigueur, quand le délire humain emporte l'âme d'illusionsen illusions jusqu'à ce que, à l'heure de la mort, il ne lui reste que le désespoird'avoir été trompée. Oh ! priez, grand saint, dont le coeur est si pur... et sousl'ardeur de votre prière ces âmes apprendront à détester ce qu'elles ont adoré età aspirer avec force à cette virginité de pensées, à ces affections toutesspirituelles, et surtout à cet amour incréé qui s'élevait de votre coeur et de celuide Marie vers le Très-Haut.

O ! Père céleste, tirez ces pauvres âmes captives vers le Christ, seullibérateur !

Ainsi soit-il.

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IIe MÉDITATION

Trouble de saint Joseph

Quand la sainte humanité de Jésus se forma dans le sein de Marie sous l'ombrede l'Esprit Saint ; Joseph, ignorant ce mystère, fut troublé ; d'injustes soupçonsse remuaient en lui ; il se voyait dans la nécessité de se séparer de cette âme sibelle, si aimante, dans laquelle il trouvait le repos, la vie ! Il voulait briser ce lienintellectuel qui activait les grands mouvements de sa vie intérieure ; mais, aumilieu de son sommeil, un ange vint lui parler : « Joseph, lui dit-il, ne craignezpas de retenir Marie, votre femme, car ce qui est formé en elle vient du Saint-Esprit ; elle mettra au monde un fils que vous nommerez Jésus, car c'est luiqui délivrera son peuple de ses péchés. »

***

Joseph étant donc éveillé fit ce que l'ange avait ordonné : il retint sa femme.

Ah ! quelle devait être la joie de Marie quand le Verbe, plénitude des grâces,vivait au-dedans d'elle. Sous son action divine grandissait en son âme le germede la vie surnaturelle... S'identifier avec le Verbe incarné, c'est respirer à la foisDieu et son amour pour l'humanité. La beauté intérieure de Marie s'accroissaitsous le travail mystérieux, sous le souffle incréé de la divinité, et il est à croire quela Vierge sainte, dont l'aime est si expansive, communiquait dans des accès de

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tendresse à son fiancé tout ce qui lui venait d'en Haut, et le coeur de Josephsurabondait de joie et grandissait en vertus et en amour sous cette transmissionde grâces. Lui aussi recevait directement de Dieu des inspirations, desembrasements surnaturels ; il les communiquait à Marie, dont le coeur était largeouvert pour les recevoir.

Imitons Joseph, imitons Marie ; cherchons à nous transmettre les uns auxautres ce qui nous vient du Seigneur. Cette communication mutuelle de grâcesattire le Christ en nous et donne du mouvement à nos amours fraternelles.

Ainsi soit-il.

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IIIe MÉDITATION

L'âme de Joseph est une avec l’âme de Marie

Il faut nous exercer à comprendre de plus en plus l'âme de Joseph.Comment y parvenir ? En la regardant mentalement avec tendresse, enfondant notre prière avec la sienne, en méditant la vie de ce saint fiancé deMarie dans l'Évangile. Et quel est l'autre moyen de le comprendre ? C'estd'étudier l'âme de Marie, ses vertus, ses souffrances ; nous identifier le pluspossible avec la Vierge sainte. Son âme est une avec l'âme de Joseph. Ce sontles mêmes aspirations vers le Christ, les mêmes douleurs, les mêmesespérances. Si un cri d'amour s'élève du coeur de Marie, Joseph le redit encoreavec elle ; il existe entre ces deux êtres aimants une éternelle sympathie. Quiconnaît l'un saisit l'autre, le comprend.

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Pourquoi y a-t-il ! en ce monde tant d'unions malheureuses, des dissidencesdans les familles ? C'est que... les affections tirent leur vie des sens ou de deuxcœurs humains, sans avoir de moteur surnaturel. Le coeur humain, par sa proprenature, est variable ; il cède à toutes les impressions qui viennent du dehors. Pourqu'une affection soit stable, énergique, profonde, il faut qu'elle soit activée, non-seulement par une attraction intellectuelle vivant dans une âme humaine, mais quecette affection saisisse dans le Christ une vie surnaturelle. Qu'est-ce qu'on tire deJésus dans l'Eucharistie ? Une surabondance d'amour et l'esprit de sacrifice.Voilà, voilà ce qui fait vivre les tendresses humaines, ce qui les éternise !Joseph et Marie divinisaient (pour ainsi dire) leur amour dans cette vieincréée... qu'ils découvraient dans le cœur de Jésus... De là leur harmonie,leur éternelle sympathie.

Marie... Joseph, faites que nous aimions Jésus-Christ avec les mêmes élansde coeur avec lesquels vous aspiriez à Lui, et que le Verbe incarné, ce principeéternel d'amour, vivifie toujours nos affections comme il vivifiait les vôtres.

Ainsi soit-il.

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IVe MÉDITATION

Dignité à laquelle est élevé saint Joseph

Jésus resta dans l'atelier de Joseph jusqu'à ce qu'il commençât sa viepublique, c'est-à-dire jusqu'à la mort du saint patriarche. Il travaillait avec lui etobéissait à ses parents.

Soyons saisi d'étonnement et d'admiration en voyant à quelle dignité est élevésaint Joseph ! Commander à Jésus ! au Sauveur de l'humanité, à un esprit libre !à celui qui est Dieu lui-même ! et l'âme humaine de Jésus lui obéissait avecamour.

L'Enfant-Dieu et son père nourricier travaillaient ensemble... Et puis... le soirvenu... quelle devait être la joie de Joseph : se reposer de ses travaux versJésus... vers un être divin... appuyer son coeur contre le sien... se mettre encontact avec toute sa vie divine et recevoir l'ardeur, les grands élans d'amourqui s'échappent de l'Enfant-Dieu.

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On peut penser que la vie toute de travail et l'esprit mortifié de Joseph étaientrécompensés avec surabondance sous les sensations répétées et puissantes quelui donnait le Christ quand il le pressait tendrement dans ses bras. Sous lescaresses de feu du Sauveur, la vie intellectuelle de Joseph s'illuminait de sublimesclartés ; son amour devenait véhément et sa sainteté s'agrandissait encore. Ohrespirer cette vie qui s'émane du Sauveur, la mettre en soi... sentir un coeur divinvivre à la place du nôtre, et se dire : c'est là le germe d'un éternel amour ! Faiblesmortels... âmes coupables, cette joie peut être aussi la nôtre... Une voix nousappelle du fond du tabernacle... c'est celle de Jésus ! Après les lourds travaux dela vie militante, cherchons en lui le repos... la vie !... Chose étrange... la vie...Qu'est-ce que la vie ?... C'est le mouvement... c'est l'amour... c'est quelque chosequi bout, qui ne s'arrête pas... cela n'a pas de fin !... Et le repos ?... C'est un demi-sommeil, une sorte de stagnation, un apaisement de ce qui souffre... Eh bien ! cesdeux contradictions, la vie... le repos, sont trouvées à la fois dans Jésus voilé sousla forme eucharistique. A l'heure où l'on aspire à lui... s'il saisit notre âme émue,tout vit en elle. C'est plus que la vie ! tout aime... c'est plus que l'amour ! et l'âmese repose dans la certitude, dans ce qui n'échappe jamais... Là estl'apaisement des inquiétudes maladives et des désirs humains. Telle étaitprobablement l'extase de Joseph à l'heure où il s'identifiait avec le Verbeéternel.

O Joseph ! faites que j'aime à me reposer dans la communion comme vous lefaisiez en vous unissant à Jésus, et que je saisisse en lui l'esprit de sacrifice etde prières et de plus grands mouvements d'amour. Si Notre Seigneur ne medonne aucune joie spirituelle, j'en accepterai la privation en expiation de mespéchés.

Ainsi soit-il.

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Ve MÉDITATION

Naissance de Jésus

Les sensations de joies surnaturelles n'existaient pas sans interruption dansl'oraison de Joseph. Nul ne peut être saint s'il n'a connu la souffrance ; et ladouleur, l'inquiétude se succédaient tour à tour dans l'âme de Joseph et danscelle de Marie ; il n'y avait qu'une émotion pour leurs deux cœurs : la mêmejoie, la même tristesse les dominaient.

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Un tableau se présente à mon souvenir : leur arrivée à Bethléem. L'Enfant-Dieu s'était formé dans le sein de Marie, et l'heure à laquelle il devait venir aumonde approchait.

Quel fut le tourment de Joseph, il ne trouvait pas de place dans les hôtelleriespour abriter Marie et l'Enfant qui allait venir. Bientôt il découvrit une pauvreétable, une crèche, un peu de paille ; et c'est là que s'est passé l'événement leplus inouï qui ait jamais ébranlé le monde des âmes... la naissance du Christ !L'Enfant sort mystérieusement du sein de sa mère. Son regard lentement sepromène autour de lui. Il jette un cri... Oh ! ce cri du Sauveur du monde, ce crisortant du Verbe lui-même, qu'il était émouvant à entendre ! Ce cri appelaitl'humanité tout entière à la délivrance du péché, à la destruction de la vie dessens, au combat, à l'amour, à la liberté ! et Joseph et Marie tressaillirent. Ilsaxaient compris ce qu'il y avait de véhément dans cet appel de la Divinité : c'étaitun cri douloureux qu'embrasait un immense amour !

Les anges, du haut du ciel, ont tout saisi ; ils firent retentir un cantique delouanges, et les bergers, les rois mages, à la mobile clarté de l'étoile, vinrentadorer le Sauveur. Le silence, un mystère profond... l'adoration, l'amour,s'exhalaient dans l'étable. Marie... Joseph, s'approchaient plus près... plusprès encore de l'Enfant-Dieu... et une joie surhumaine saisissait leurs deuxcœurs. Ils recevaient en silence d'inouïes sensations. L'adoration étaitmuette... Puis c'étaient des prières ardentes pour la délivrance de l'humanitéet de fortes aspirations vers cette vie profonde qui s'échappait du Christenfant ! Que de mystères... d'adorations… de larmes furtives mêlées auxextases de l'amour.

O Marie ! ô Joseph ! apprenez-nous à aimer, à adorer Jésus-Christ commevous l'avez aimé et adoré dans l'étable de Bethléem. Ainsi soit-il.

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VIe MÉDITATION

Résignation de Saint Joseph

Dans tous les événements malheureux, selon le sens humain, au milieu descontradictions les plus vives, nous n'avons jamais vu Joseph s'émouvoir,s'agiter ou se plaindre. Uni à Marie, à la volonté de Dieu, il acceptait tout cequi venait d'en Haut. Les épreuves, en se succédant, ne faisaient qu'accroîtresa force morale. Oh ! il a souffert... il se sentait humilié de ne pouvoir offrirqu'une pauvre étable au Messie annoncé par les prophètes ! était-ce là unedemeure digne du roi du Ciel et de Marie ; sa fiancée bien-aimée... Marie, lamère de Dieu !

Huit jours plus tard... la souffrance de Joseph s'accrut encore. Son coeuravait compris toute l'étrange et mystérieuse beauté du Messie fait chair... Sasainteté infinie, sa grandeur ! Eh bien ! cet enfant, dans lequel surabondaitune éternelle virginité de pensées, était soumis comme les enfants ordinairesà la loi humiliante de la circoncision. C'était écrit dans les décrets divins,Joseph ne se révolta pas ; l'Enfant-Dieu fut circoncis et Marie et Joseph furentémus en voyant tomber goutte à goutte ce sang qui plus tard devait couler enabondance pour régénérer l'humanité coupable et la sauver de la mort.

Un jour l'Enfant-Dieu quitta mystérieusement ses parents, il alla au templeparmi les docteurs. Quelle fut la douleur de Joseph et celle de Marie quand Jésusdisparut ! Ils le cherchèrent pendant trois jours. Les angoisses... une inquiétudeprofonde les dévoraient : mais la résignation s'élevait grave et sereine dans leurs

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deux cœurs ; leur énergie morale se renforçait tour à tour, et dans leur mutuelletendresse et dans le Verbe éternel.

Quand Dieu nous sépare d'un être bien-aimé... soyons résignés comme l'étaientMarie et Joseph. Où le reverrons-nous celui que nous pleurons ? Dans le templeéternel. Là ! plus de chagrins... plus de tourments maladifs ; c'est la joie immortelleen Dieu ! Si c'est Jésus que nous avons perdu, cherchons-le avec persistance jusqu'àce que nous l'ayons retrouvé, hélas !... à l'heure de la grande rafale, où le sentir, oùle rencontrer ? Apaisons... apaisons le tumulte intérieur... Cherchons le Christ là ennous-mêmes, voilà son temple bien-aimé.

Ah ! quand sur les ruines à demi détruites de notre monde imaginaire, lavérité tout à coup se dresse haute et sublime, serons-la fortement, embrassons-la avec transport et comme Joseph et Marie à la vue de Jésus retrouvé dans letemple, faisons retentir un long cri de bonheur !

Imitons la résignation de Joseph : acceptons les afflictions, les contrariétés àmesure qu'elles tombent sur notre âme. Unissons nos peines à celles du divinSauveur afin qu'elles servent à notre sanctification. Ah ! ne cesserions-nous pasde nous plaindre de la lourdeur de l'affliction, si nous fixions en nous cette idée :qu'une croix unie à celle de Jésus peut délivrer une âme du péché... Nouspouvons être l'auxiliaire de cette âme dans la vie militante. — Expier ce péchéjusqu'alors toujours croissant... obtenir par nos souffrances des grâces quiaffaiblissent ce mal interne n'y a-t-il pas solidarité entre les âmes ?... Ah !unissons nos douleurs à celles de Joseph et de Marie dans celles du divinSauveur, et c'est dans cette union que nous ne serons pas des êtres oisifsdans le monde des âmes.

Ainsi soit-il.

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VIIe MÉDITATION

Joseph protecteur de l'âme humaine

Pourquoi n'abandonnons-nous pas à la direction de Joseph nos intérêts lesplus chers, nos projets, nos désirs... pourquoi donc oublier de mettre notrefamille, nos amis sous sa protection ? Du haut du ciel, il prie pour ceux quil'aiment et espèrent en son intercession. Dieu lui-même lui a confié Marie...

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Jésus enfant... ; il l'a fait chef de la Sainte Famille, et nous n'aurions pas con-fiance en celui à qui Dieu a conféré une si haute dignité : diriger Jésus... veillersur ses actions... protéger son enfance divine, lui faire éviter les embûchesd'Hérode ! Dieu ne pouvait confier Jésus qu'à une intelligence supérieure, souventen contact avec la sienne ; à une raison surhumaine, illuminée par la foi ; à un êtrejuste et saint dans ses pensées et dans ses actes, un être doué d'un coeur plein d'unimmense amour ! Eh bien ! ce grand coeur qu'embrase une ardente charité, il esttoujours vivant ! il aime ceux qui font monter leurs plaintes jusqu'à lui. Prions-ledans nos doutes, au milieu des hésitations d'une volonté agitée par nos désirs con-traires, dans les difficultés de la vie ; laissons-le diriger nos affaires spirituelles ettemporelles. Joseph est en contact avec Dieu ; il saisit ses vues, ses penséeséternelles, ses desseins sur nos âmes, puis il écoute aussi les nôtres ; il a del'influence sur la volonté divine et peut la fléchir parfois selon les désirs de notrecoeur, parlons-lui avec confiance, et il présentera nos vœux au Seigneur.

O ! aimable fiancé de la plus aimante des vierges, je sollicite votre pardon...jusqu'à présent, je ne vous ai pas assez aimé... c'est que... j'ai toujours oublié delire dans votre âme, elle est si vaste, elle est si sainte ! Maintenant que l'Esprit-Saint et le coeur de Marie m'ont appris à vous deviner, à vous saisir, je le sens...je vous aime, je veux me mettre souvent en rapports d'affection avec vous, nonpas pour vous fatiguer toujours de mes ennuyeuses prières, mais pour embellirun peu mon âme en respirant vos vertus et les parfums d'amour qui s'exhalentde votre coeur tout rempli de Dieu !

Je mets aujourd'hui sous votre protection toute ma vie intérieure et aussimes actions.

O mon Dieu ! je n'adore que vous... mais j'aime et j'admire les saints cœursde Marie et Joseph.

Ainsi soit-il.

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VIIIe MÉDITATION

Sainteté de Saint Joseph

Joseph, comme Marie, ne faisait point d'actions extraordinaires, et cependantil fut un grand saint ! Les sérieuses qualités de son âme étaient développées etsurnaturalisées par son union avec Jésus et Marie. Respirer les pensées, l'amourvéhément qui sortaient du Christ... vivre dans une harmonie mystérieused'idées, de sentiments, de vues et de croyances avec Marie, répandait un parfumde sainteté sur son âme ! Joseph était sanctifié aussi par les joies surnaturellesqui l’inondaient d'étranges clartés. Mais quand la sainteté s'agrandissait en lui,c'était au milieu des épreuves. A l'heure où le coeur de Marie fut transpercé d'unglaive... toutes les souffrances de la Vierge Sainte se répercutaient dans l’âme deson fiancé. Joseph n'était pas un ange ; et la nature humaine devait avoir en lui dessoubresauts, des mouvements contraires, le démon, cet être au génie ardent etsubtil, cherchait à faire tomber le saint du degré d'amour où Dieu l'avait élevé ;mais les tentations effleuraient à peine cette grande âme ; elles la rendaient encoreplus forte ; elles l'élevaient au-dessus de nature ; il en était triomphateur. L'oraison,son contact avec Jésus, son amour pour Marie le rendaient habile à déjouer lesruses de l'ennemi, et comment dans la lutte intérieure ; le mal était chez lui toujourséteint et la vertu toujours croissante.

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Joseph fut saint dans ses devoirs de père ; saint dans ses grands mouvementsde tendresse intellectuelle pour Marie ; saint dans son immense amour pour leSauveur, saint dans ses travaux ; saint dans la souffrance ; saint pendant sa vietout entière et saint encore au moment, où tout enveloppé d'une extasesurhumaine, il s'élança libre, radieux, dans la joie éternelle, seule récompensedigne d'un si grand coeur !

Joseph, apprenez-moi à être saint comme vous l'avez été sur la terre ; àimmoler en moi tout ce qui est en désaccord avec la sainteté. Apprenez-moi àvivre dans une harmonie incessante avec Jésus et Marie et aussi avec votre âmeque j'aime. O grand saint !

Ainsi soit-il.

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IXe MÉDITATION

Humilité de Saint Joseph

Combien profonde fut l'humilité de Joseph ! il descendait d'une longue série depatriarches, juges et rois ; et il ne voulut point quitter la vie obscure d'artisan. Ilcontinua le métier de charpentier, cachant la haute dignité à laquelle Dieu l'avaitappelé ; enfonçant toute la vie de son âme dans le Christ et dans l'âme aimantede Marie. Celui qui avait la mission de diriger l'enfance de Jésus, de le suivrepaternellement dans ses paroles et dans ses actes, devait avoir un vaste génie,une intelligence hors ligne. Quelle joie pour lui d'observer, avec toute l'attentionde son coeur aimant, ces lueurs, ces sublimes clartés qui s'échappaientprogressivement de cette grande âme humaine, voilée dans un corps d'enfant.Les facultés du protecteur de Jésus s'agrandissaient encore, se surnaturalisaient

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sous sa non-résistance à la voix divine. Son identification permanente avec leVerbe communiquait un parfum de grandeur et de sainteté à tout ce qui vivaiten lui. Eh bien ! cette haute intelligence, ce génie, cette âme ardente n'étaientconnus et admirés que de Jésus et de Marie. Ceux qui parlaient avec Joseph nevoyaient en lui qu'un homme ordinaire. L'humilité s'étendait large et profondesur sa grandeur. Rien ne paraissait au dehors ; mais sa vie intérieure se révélaitsoudain près de Marie et aussi dans ses transports d'amour pour Jésus.

Les actions de Joseph étaient celles d'un homme juste qui obéit à la loidivine ; elles avaient toutes l'empreinte d'un solide jugement ; mais nulsymptôme ne révélait ce génie mystérieux, cette sainteté, ce feu intérieur quile consumaient et l'élevaient au-dessus de tous les autres hommes.

Joseph ne s'enorgueillissait pas de tous les dons qu'il recevait d'en Haut. Ilregardait mentalement Marie... L'amour, l'héroïsme... la mélancolie, le zèle quidévore... et toutes les vertus les plus sublimes se mouvaient dans cette âmevirginale sous l'action suivie de Jésus ; alors Joseph s'abaissait... se trouvait petitdevant tant de grandeur. Il contemplait l’âme humaine de Jésus avec sa plénitudede grâces, puis les splendeurs voilées de sa divinité... Là... dans ce petit corps d'en-fant... l'exemple de toutes ces grandeurs qui volontairement s'abaissent ets'effacent, donnait à Joseph la pensée de l'imitation ; et le protecteur de l'Enfant-Dieu, le fiancé de Marie, l'illustre patriarche à l'âme haute et sainte se faisait petitaux yeux de tous, cachant son vaste coeur dans l'âme de Jésus et de Marie ; copiant,reproduisant en lui et leur humilité et la véhémence de leur amour.

O Sainte Famille, combien je vous aime ! Aujourd'hui je ne puis me séparer devos trois cœurs, et le mien est ému en pensant à vous. Je voudrais, moi aussi,sentir les caresses répétées de Jésus enfant sur mon visage brûlant. J'aimerais àsaisir la main du bon vieux patriarche, m'approcher tout près de Marie, et là...aspirer de tout mon souffle la véhémence de son amour pour Jésus.

Imitons Joseph, imitons Marie ; cachons dans l’âme du divin Sauveur notrevie intérieure ; qu'elle tire de lui son activité de sentiments et de pensées ; quelui seul soit le mobile de nos actions.

Ainsi soit-il.

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Xe MÉDITATION

Bonté de Saint Joseph

Seigneur, aidez-moi à décrire l'immense bonté de Joseph... que faire pourbien la saisir ? Il faut rester en silence devant cet admirable saint... Qu'est-cequi découle de son grand coeur ? La bonté... la tendresse... je ne sais quellepaix... quelle mansuétude, et tout cela se répand en nous. On dirait qu'il jettetoute son âme dans celui qui sait la comprendre.

Joseph développait la bonté de son âme en écoutant Marie... ou bien encorequand l'Enfant-Dieu, dans un accès d'amour filial, mettait tout son coeur aimantet bon dans celui de son père nourricier. Joseph se sentait assoupli sous lasuavité de sa tendresse et sous le travail d'amour qu'opérait en lui la Divinité.Il était là, sans résistance. Pour que la bonté cessât de vivre en son coeur, ilaurait fallu un miracle de Satan.

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L’IMITATION DE SAINT-JOSEPH

Dans cette Sainte Famille, c'était une mystérieuse transmission de grâces, unéchange de mansuétude, de tendresse, puis de grands élans d'amour ! Toutvenait de Jésus ; tout retournait à lui. Joseph, non-seulement était bon, dansl'intérieur de la famille, mais sa bonté se montrait à tous. L'avons-nous vu laisseréclater son indignation contre les fureurs d'Hérode ? Non, le grand saint secontente d'entraîner et Marie et Jésus loin du danger, sans maudire lepersécuteur. Si le génie, la grandeur de Joseph et tant d'autres dons encoreétaient concentrés dans les mystères les plus profonds de son âme, il y avaitune exception pour la bonté ; elle débordait dans ses regards, sur son sourire,dans ses paroles... tous ceux qui l'approchaient sentaient l'influence de cettebonté sur leurs cœurs, et ils aimaient Joseph et Joseph les aimait. Cherchonsà devenir bons comme Joseph et Marie ; adoucissons notre âme au contactde leurs deux cœurs ; chassons de notre vie intérieure les ressentiments, lessusceptibilités, les méfiances... tout mouvement d'indignation, tout souvenirmalveillant. Soyons un avec nos frères dans les cœurs de Jésus, Marie etJoseph.

Ainsi soit-il.

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XIe MÉDITATION

Joseph, époux de Marie

Entre Marie et Joseph il y avait harmonie de croyance religieuse, harmoniede coeur, d'idées, d'enthousiasme et de volontés. Dans les nuancesmystérieuses, multiples, de leur tendresse fraternelle, on pouvait découvrir desreflets spontanés qu'illuminait la splendeur de Jésus chaque fois qu'il se révélaità leurs deux cœurs. Une grande diversité de mouvements existait dans leuraffection ; tantôt cette affection était stimulée sous la même souffrance, oubien elle se transformait radieuse sous l'embrasement de la joie surhumainequ'excitait en eux la présence intérieure de la Divinité, et tout venait duChrist ; tout retournait à lui.

Dans les épreuves de la vie... quand la tristesse, la douleur les consumaient, il yavait en eux union de sacrifices, union de non-résistance à la volonté divine. Leurgrande âme, leur amour pour Dieu et leur mutuelle sympathie se dilataient encoresous la pression de la souffrance. Cette souffrance morale les pénétrait, entrait

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jusqu'à la partie la plus impressionnable de leur cœur — là, se faisait un travailincisif, crucifiant ; reproduction anticipée de la passion du Christ ; et Marie et Josephétaient passifs sous les opérations douloureuses de Jésus, comme sous les délicesde son amour. Ils s'offraient d'avance à Dieu avec la grande victime qui bientôtallait mourir pour le salut de l'humanité, Marie eut, dit-on, la prescience du mystèrede la Rédemption, le jour où un glaive transperça son pauvre coeur. Ah ! Josephressentit cette souffrance inouïe — elle se répercuta dans son âme.

Quand Joseph, comme chef de famille, devait exercer son autorité, l'avons-nousvu, dans les Livres Saints, l'imposer d'un ton impératif ! Oh ! non... la douceurrégnait toujours dans son coeur et dans ses paroles ; il parlait avec tendresse, et lavolonté de Marie, inclinée vers la sienne, suivait sa voix. Jamais il n'exerça cetteautorité dans un but de satisfaction personnelle. Dans l'Évangile, nous le voyonsmanifester sa volonté, à l'heure où l'ange lui dit tout bas d'entraîner Marie et l'enfantloin du persécuteur.

Marie portant Jésus dans son sein voulut un jour visiter sa cousine. Josephaurait pu lui faire observer combien ce voyage était imprudent, les cheminsétaient difficiles... et la Vierge sainte portait au-dedans d'elle l'Enfant-Dieu.Joseph, inspiré d'en Haut, laisse sa femme libre d'agir.

Les âmes unies par le sacrement de mariage devraient imiter la fidélité deJoseph et de Marie, leur éternelle sympathie, s'aimer comme ces saints fiancéss'aimaient, pour Dieu, en vue d'accomplir sa volonté sainte. Si l'un remporte unevictoire sur lui-même, que l'autre jette un cri d'enthousiasme ; que tous deuxs'encouragent dans la lutte intérieure. Faire le bien ; échanger mutuellement lesgrâces que l'on reçoit d'en Haut ; — union de vertus, union de larmes ou de joie ;activer le feu des sentiments naturels dans ce vaste coeur de Jésus d'oùs'émanent l'esprit de sacrifice et l'amour qui ne meurt jamais.

Marie, Vierge sainte, et vous grand saint Joseph, veillez sur les âmes que Dieua unies par le sacrement de mariage, priez pour elles afin qu'elles accroissent lenombre des citoyens du Ciel, et que leur affection naturelle, vivifiée, sanctifiéepar Jésus, s'immortalise en lui au-delà de la tombe.

Ainsi soit-il.

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XIIe MÉDITATION

L'Enfant croissait en sagesse et en âge

Dès l'heure de la conception de Jésus dans le sein de sa mère, son âmehumaine existait, non à l'état de germe ; mais dans toute sa plénitude. L'Evangiledit que l'Enfant-Dieu croissait en sagesse et en grâces comme en âge devantDieu et devant les hommes. (Luc, II, 52.) Entendons (dit Bossuet) que la sagesseet la grâce, qui étaient en lui dans la plénitude par une sage dispensation, sedéclaraient avec le temps, et de plus en plus par des oeuvres et par des parolesplus excellentes devant Dieu et devant les hommes.

Jésus, par un héroïsme inouï, s'est donc condamné au silence... Sa parolesublime, son génie, ses hautes pensées étaient concentrés dans le sein deMarie... puis dans l'abîme de son coeur. — Il n'était pas donné à Joseph detravailler au développement de l’âme humaine de l'Enfant-Dieu dans ses jeunesannées, puisqu'elle existait dans toute sa plénitude, voilée sous ce petit corpsd'enfant, mais le grand Saint était l'organe, l'interprète de ce Dieu enveloppédans le mystère de ses abaissements volontaires... Il était attentif à saisir toutce que lui révélait le bégaiement de Jésus enfant.

Saint Joseph, par ses relations internes avec la Divinité, recueillait de grandsenseignements. Ah ! son oraison était sublime ! Recevoir tout ce qui découle d'en

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Haut sur son coeur aimant ; en nourrir aussi sa raison, son jugement, afin des'initier à la science mystérieuse qui révèle les devoirs de père d'un Enfant-Dieu.

Les pères et les mères ont une mission d'une autre nature que celle de Joseph.L'âme de leur enfant ne leur est pas donnée dans la plénitude de son extension :elle doit croître en beauté, en vertus, sous leur influence et leurs soins zélés. Al'exemple du grand Saint, ils doivent tout tirer d'en Haut. Nous avons les parolesécrites de Jésus-Christ dans l'Evangile, et nous pouvons aussi par la méditationet la prière recueillir de profondes instructions et des conseils tout divins : il fautque notre âme altérée les sollicite avec ardeur.

C'est dans l'esprit de l'Évangile qu'on découvre une sublime nourriture. Ah !donnons-la peu à peu à l'enfant : elle fortifie ses amours vraies, ses croyances,sa volonté, le rend apte à remporter des victoires sur lui-même et à faire deschoses dignes de Dieu et de l'humanité. Tirons du saint livre les idées qui ferontgrandir par degrés la vie de Jésus-Christ dans cette jeune âme, et mettons-lasous la protection de Marie et de Joseph.

Mon Dieu ! apprenez aux pères et aux mères à développer l'âme de leurenfant ; à faire croître en elle la vie surnaturelle : donnez, je vous prie, à tousles pères ce don de la transmission des idées (idées que le Christ a émises dansl'Évangile) sans lequel, nulle éducation n'est possible. Puissent toutes ces jeunesâmes chrétiennes croître en sagesse et en grâces sous la lumière directe deDieu, et que cette lumière aussi leur soit transmise par le coeur toujours aimantde leurs parents.

Ainsi soit-il.

Les splendeurs de la vie divine de Jésus, qui existaient là... tout à côté de sonâme humaine... sans avoir nulle manifestation dans sa vie extérieure, nousenseignent que la vie intérieure de l'homme... ses désirs, ses amours, sessentiments doivent être plus lumineux en grandeur que ses actes, ses paroles, quetout ce qui parait au dehors... Hélas ! en est-il toujours ainsi ?... Quand tout paraîtbien à l'extérieur... qui se préoccupe de perfectionner l'intérieur ? Là cependant estla demeure des bonnes et des mauvaises passions. Si la vie intérieure est bienréglée.... le moindre mauvais désir est immédiatement comprimé... toutsoulèvement apaisé, la vie extérieure elle aussi sera meilleure... puisqu'elleest la manifestation de la vie interne...

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XIIIe MÉDITATION

Apprenez de moi que je suis deux et humble de cœur

Si Jésus dans l'Eucharistie ne nous présentait pas un coeur doux et humble ;s'il venait dans tout l'éclat de sa splendeur, oserions-nous approcher ? Nousserions tremblants... interdits... la misère de notre inné est si grande ! l'effroidominerait l'amour, O Mystère inouï ! ce coeur si vaste de Jésus, cetteimmensité de génie, cette immensité d'amour, cette immensité de vertus etde grandeur, tout cela se voile sous les espèces eucharistiques ! la divinité deJésus nous dit tout bas du fond du tabernacle, pour apaiser notre effroi :« Apprenez de moi que je suis humble de coeur, et vous trouverez le repos devos âmes. » Rassurés par cet appel si aimant et si doux, nous nous sentons attirésvers ce grand coeur de Jésus. Il ne gêne pas notre expansion ; nos accents timidesou ardents pénètrent à la fois et sa sainte humanité et son essence divine. Ilécoute... et reçoit ce qui sort de notre âme plaintive ; mais voilà ce qui accroitnos inouïs transports ; la divinité du Christ n'est point séparée de son âme hu-maine... elle répand une surabondance de vie, la sublimité de ses mystères sur lepoint le plus aimant de notre coeur. Quoique parfois non sentie ; c'est là qu'elleexcite en lui l'amour, la soif de faire le bien, et aussi notre ardeur à détruire le malsi souvent renaissant.

Quand imiterons-nous l'humilité de Jésus ? Ce n'est pas seulement dans nosrapports avec Dieu qu'il faut nous humilier, sentir notre infériorité, notrepetitesse ; mais dans nos relations avec les âmes humaines ; abaissons-nous,mettons-nous à la dernière place, bien au-dessous de tous. — Pourquoi sommes-nous la plupart du temps mécontents de nos serviteurs ? C'est parce que nousn'avons pas d'humilité. Nous nous croyons supérieurs à eux... Eh bien ! du maîtreou du serviteur, lequel est le plus grand ? Le domestique accomplit des actes

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répétés d'obéissance. Sa vie est un labeur... une vie de renoncement à soi. Il estpauvre, il est mortifié dans ses goûts, dans ses désirs d'ambition non satisfaits ; ill'est aussi dans sa volonté qui n'est pas libre ! — La nature aime le repos, laliberté. Le domestique n'a ni l'un ni l'autre, pas même la liberté de se mettrechaque jour en contact avec Dieu par la méditation, tant il est accablé detravaux. Sa volonté, la plus belle faculté de l'homme, est esclave de la nôtre. —Dans tous ces renoncements ; dans ces sacrifices acceptés en silence, avecsérénité d'âme, n'y a-t-il pas de grandes vertus cachées que Dieu saisit etadmire ? Ce serviteur n'est-il pas plus avancé dans la voie de la sainteté que lemaître à la volonté libre qui, au milieu des jouissances terrestres, avec son or,son luxe effréné, se croit supérieur à lui ? Lequel des deux ressemble le plus àJésus-Christ ?

Quand Jésus vivait chez le charpentier, il le regardait comme son maître, ilobéissait en silence, Lui... le fils de Dieu, qui aurait pu commander à l'universentier... Jésus aussi lavait les pieds de ses apôtres, se faisait le serviteur detous ; — et Joseph, de quelle manière commandait-il à Jésus ? Joseph était lechef de la Sainte Famille, l'époux de Marie, le père de l'enfant ! Eh bien, il voyaiten lui le Messie annoncé par les prophètes ; il le respectait, lui parlait avecamour ; il ne lui faisait aucune demande sans avoir consulté Dieu et reçu la divineréponse dans le silence de l'oraison. Ah ! si nous savions découvrir Jésus-Christ...caché sous la forme de nos serviteurs, nous les traiterions avec le même respect,la même tendresse paternelle avec laquelle Joseph parlait à Jésus enfant.Regardons... regardons... Dans l'âme du pauvre serviteur... qu'avons-nousdécouvert ? Le germe de la vie surnaturelle...

Travaillons, par nos conseils bienveillants à son développement. Là, dans leurâme, est l'enfance spirituelle du Christ. Comme Joseph et Marie, protégeons-lades fureurs d'Hérode. Veillons sur la pureté de leur coeur, mettons-le, ce cœur,à l'abri du persécuteur. Voir Jésus dans nos domestiques comme nous le voyonsen la personne du pauvre !... Ah dans le pauvre on découvre quelque chose degrand... c'est ce même rayon de la Divinité qui se replie... se voile dans lessaints tabernacles !

Grand saint Joseph ! je voudrais avoir un peu de votre humilité ; l'âme qui estprofondément convaincue de sa faiblesse, de sa profonde misère, tolère tout ;— supporte les inconstances de ses amis les plus chers, les froideurs, lesrailleries ; nul souvenir malveillant ne l'obsède ; elle ne demande aucunedéférence, se croit indigne de tout éloge. Le mépris seul lui appartient ; etdans chaque âme humaine elle sait découvrir des vertus qui surpassent lessiennes en grandeur. C'est à cette vertu d'humilité que nous devons tendre.Nul ne peut être délivré des assauts d'un amour-propre toujours renaissant ;le grand point c'est de l'abattre chaque fois qu'il se soulève... et si Dieuemploie une âme ennemie ou amie pour le briser en nous... Ah ! au lieu des'irriter contre elle, acceptons avec sérénité le crucifiement interne de cetamour proprement plaintif ou parleur. Soyons dans un état d'acceptation :

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écoutons, écoutons au-dedans de nous, là, tout au fond du coeur... chaquetrait porté à l'orgueil humain doit réveiller en nous les élans de l'amourfraternel. Comment s'exaspérer contre celui qui, à son insu peut-être, devienttout à coup notre auxiliaire pour briser le moi dominateur !

On aimerait en soi une humilité toujours vivante, non ralentissante, quiaugmente à chaque brisement de l'orgueil... notre humilité n'a d'ampleur, quelorsque nous sommes enveloppés dans le surnaturel de l'oraison. Dans nosrapports avec les âmes humaines, souvent l'humilité s'efface ; — le moi nouspréoccupe. Nous souffrons avec exagération de notre infériorité... ou bien notreesprit veut être dominateur. Imitons Joseph, imitons Marie, —alors nous seronshumbles, toujours humbles, l'oubli de soi ; voilà le grand point ! — Imitons par-dessus tout celui qui a dit : Non pas soyez humbles... mais apprenez de moi queje suis doux et humble de cœur... et vous trouverez le repos de vos âmes. Jésusdoux et humble, Lui qui est Dieu, voilà un exemple !

O mon aimé ! que ton orgueil s'écrase sous la force de ces admirablesparoles ; fais-toi petite, humilie-toi devant Dieu.

Ainsi soit-il.

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XIVe MÉDITATION

La douceur de caractère

La douceur est-elle une vertu ? ne serait-elle pas plutôt le parfum deplusieurs vertus qui s'exhale du coeur ? Jésus-Christ n'a pas séparé la douceurde l'humilité quand il a dit dans la même phrase : « Apprenez de moi que jesuis doux et humble de coeur. » Si l'humilité et l'amour fraternel sont absentsd'une âme, si la détestation et l'orgueil révoltés lui succèdent, que devient lamansuétude ? Elle s'éclipse, l'irritabilité se remue au-dedans... ou bien elleéclate. Il y a des vertus mères, la douceur me semble une vertu engendrée.

Saint Joseph, vous êtes doux et humble, apprenez-moi à parler aujourd'huidu défaut opposé à la douceur : l'irritabilité... je voudrais suivre votreinspiration partout et toujours.

Une personne était malade. Son médecin, homme très-ignorant, lui dit : jevais couper la fièvre et vous serez guérie. Un savant docteur se trouvant là semit à sourire : la fièvre, dit-il, n'est pas une maladie, mais le symptôme d'un malinterne : si vous coupez la fièvre, vous accroîtrez la maladie intérieure, au lieude la guérir.

La colère est un des péchés capitaux, — un péché dérive toujours d'unepassion. Les accès de colère ou d'irritabilité ne sont que les affligeants symptômesd'une maladie morale que nous avons peut-être oublié d'analyser en nous ; et sinous ne faisons pas subir à ce mal interne un traitement énergique, les mêmes

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symptômes continueront de se manifester. Les remèdes sont : la prière et l'effortd'une volonté persistante. Il ne faut donc pas dans la lutte intérieure s'évertuer àcombattre un symptôme, ce serait vain. Luttons contre la cause ; le symptômevivra, se déclarera au dehors tant que la cause sera subsistante.

Exemple. Une jeune femme aime le bal avec passion ; elle a soif de briller, deplaire et d'être toujours aimée. Un soir, une beauté nouvelle la surpasse enesprit et en grâces ; elle attire l'admiration et l'enthousiasme de tous les cœurs.Cette femme, écrasée, humiliée par le succès de sa rivale, est émue ; une vanitéjalouse et offensée s'agite au-dedans d'elle et quand elle rentre chez elle, lesymptôme de ce mal interne qui éclate au dehors, c'est la colère. Elle se fâche,s'aigrit contre tous ceux qui l'approchent, bien qu'ils ne l'aient point offensée.Elle chercherait, je suppose, à combattre l'irritabilité (le symptôme), serait-elle victorieuse ? En restant silencieuse, le coeur en serait-il meilleur ? Non…ce ne serait que remporter une victoire éphémère sur ses paroles ; mais tantque l'amour-propre, la jalousie sont-là vivants, remuants au-dedans, letriomphe est incomplet et le symptôme peut tout à coup, au moindre choc,éclater plus vivement encore après la courte répression. Si cette femme veutgagner la bataille, il faut d'abord qu'elle calme les deux vilaines passions quisont la cause de la commotion interne ; en détruisant la cause vousanéantissez l'effet. Comment s'y prendre ? Laissons parler toute notre misèredevant Dieu, demandons-lui son aide pour réprimer ce qui bout. La prière...l'acceptation de l'épreuve calmeront notre esprit agité, et par l'influencedivine, avec l'effort d'une volonté retrempée sous l'action de la grâce, le ventde la tentation cessera de souffler ; il se fera un grand calme ; et si labourrasque recommence, retournons joyeusement à la lutte comme unguerrier intrépide qui se précipite au plus fort de la mêlée. Dieu rend toujourstriomphateurs ceux qui espèrent en Lui.

Ah ! Si ceux qui étudient leur propre coeur faisaient le discernement desmaladies morales et des symptômes ; des causes et des effets, ilsavanceraient plus vite dans l'œuvre de leur régénération spirituelle parce qu'ilslutteraient contre le mal réel et non contre l'effet extérieur. Combattre l'effet, c'estsouvent refouler tout le mal à l'intérieur ; donc ce n'est pas travailler auperfectionnement du coeur.

Autre exemple. Une servante émue d'une réprimande, nous fait une réponseun peu vive. Nous supporterions cet accès de vivacité s'il venait de notre frère,mais d'une domestique !... Oh ! notre orgueil est offensé... l'irritabilité éclate. Sinous étions humbles et aimantes, nous regarderions toutes les âmes, sansdistinction, comme sœurs de notre âme ; et la mansuétude ne serait pas si viteébranlée ! Recevons donc ce mot vif, ou piquant, non-seulement comme venantd'un frère, d'une sœur, d'un égal ; mais... d'où sort-il... ce mot qui déchire notreorgueil effrayé ? D'une volonté supérieure... de Dieu. C'est une blessuresalutaire qui fait grandir en notre âme la patience, l'humilité, la charitéchrétienne !

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Acceptons... alors l'amour de Dieu, la tendresse fraternelle s'harmoniseront dansnotre cœur… et le parfum qui s'exhalera de toutes ces vertus, c'est... la douceur !

Encore un exemple. Une personne sent vivre au-dedans d'elle, depuislongtemps, un sentiment ardent, profond, exclusif, pour une âme que le torrentdes passions entraîne bien loin d'elle ; elle aime... et c'est sans espéranceterrestre. Cette passion dominante qui, tour à tour exalte ou brise sa vieintérieure, la rend sombre ou irritée : il faut donc, si elle veut faire disparaître cesymptôme (l'irritabilité), détruire la cause occulte ; combattre cette affection, cal-mer ces surexcitations ; apaiser doucement cette longue souffrance. C'est le seulmoyen d'adoucir l'âpreté, de réprimer les accès d'irritabilité qui en dérivent ; et,hélas ! la lutte elle-même qui tant de fois recommence sans jamais finir, énerveles forces de l'âme. Ce n'est pas facile d'être douce quand on combat unsentiment exclusif, de sombres rêveries, des dialogues intérieurs qui renaissentà mesure qu'on les brise. Réprimer tout un grand courant intellectuel qui se meutlargement du coeur à l'imagination, irrite le système nerveux ; la mélancolieengendre l'âpreté. En jetant toute son âme dans une seule âme, on aime moinsses frères... on a soif de solitude... les seuls remèdes qui puissent rétablirl'équilibre, la paix, l'harmonie entre toutes les facultés mentales et guérir le coeurde sa plainte ou de ses tiraillements, sont ; l'Eucharistie et la méditation quoti-dienne. L'Eucharistie apaise les passions ou les transforme ; elle nous entraîne,nous et ceux que nous aimons, loin de ce monde terrestre dans l'atmosphèrede la vie surnaturelle, où l'âme apprend à saisir l'âme illimitée du Christ, àtransporter en elle nos amours... c'est leur faire respirer et saisir un parfum etune harmonie éternelles.

Je vais terminer cette méditation en parlant un peu de saint Joseph. Soncoeur était tout pénétré de mansuétude. Il n'y avait pas de maladies moralesen lui, pas de maladies mères ni de mal engendré, c'est à dire que nulle passionmauvaise au-dedans ne pouvait produire au-dehors des symptômesmalfaisants ; toutes étaient guéries ou étouffées dans leur germe par sesrelations intimes et fréquentes avec la Divinité.

Une fois la méfiance s'agita en lui…mais à la voix d'un ange le trouble s'apaisasoudain ; Joseph devint triomphateur ! Nous aussi, quand la passion tressaille,écoutons... écoutons mentalement notre bon ange gardien, il calmera ce qui crietrop fort en notre âme. Alors nul symptôme désagréable ne se montrera audehors et notre coeur sera meilleur.

Seigneur, cette méfiance qui ne s'est manifestée qu'une fois pendant la longuevie de saint Joseph, n'est-elle pas une des tentations habituelles de l'homme ?Quand nous la laissons s'accroître en nous, sans la réprimer, de la vie d'un coeurrétréci, elle passe d'une transition soudaine dans la vie de l'imagination ; et làles plus petites choses s'agrandissent ; elles semblent des montagnes à notrevue obscurcie ! La raison n'a plus sa lucidité ; le vrai disparaît, les jugementstéméraires se succèdent tour à tour, la charité chrétienne et la douceur

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s'enfuient épouvantées. L'âme, au milieu de cette multitude de passions, perdson ampleur : elle ne peut saisir la vérité absente : elle ne la saisit, ni dans leschoses temporelles, ni dans les choses de l'ordre surnaturel. L'amour de Dieu,la tendresse fraternelle ne sont plus libres de dilater le coeur. Ah ! dès que laméfiance se présente au milieu de nos pensées flottantes... ne l'écoutons pas...c'est le moyen de s'en délivrer.

Saint Joseph, ô vous, qui saviez si bien calmer la méfiance à la voix del'ange, apaisez la mienne chaque fois que l'esprit du mal la remue en moi !

Ainsi soit-il.

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XVe MÉDITATION

Soumission de Joseph aux desseins de Dieu

Dans tous les actes de Joseph, nous voyons une complète soumission à lavolonté de Dieu, sans la plus petite révolte intérieure.

Cette force d'âme, qu'il vivifiait dans son union avec le Verbe ne l'abandonnajamais. Sa volonté s'assouplissait toujours sous l'inspiration d'en Haut ; elle sepliait à tous les desseins de Dieu sur lui. Il ne désira pas outrepasser la missionque la Providence lui avait confiée. Il est à croire que dans son oraison, Dieu luirévéla ses vastes conceptions, ses projets sur le monde des âmes ; leurrégénération spirituelle opérée par le mystère de la rédemption joint à l'effortde la volonté humaine ; l'établissement de l'Église. Si la pensée de Joseph avaitété humaine au lieu d'être surnaturelle, il aurait souffert, en lisant dans l'avenirqu'il ne serait pas disciple du Sauveur, que sa vie s'éteindrait sans qu'il suivitJésus au Calvaire. Lui, le chef de la Sainte Famille... n'aurait-il pas pu devenirle chef de l'Église naissante... protéger son enfance divine, comme il avaitprotégé Jésus ? mais la profonde humilité du Saint, ses vues non égoïstes...ses vues surnaturelles, étouffaient de telles pensées dans son coeur ; il n'avaitnul désir d'outrepasser la mission qui lui avait été conférée.

Si la pensée humaine de Joseph eût été non comprimée par sa viesurnaturelle, peut-être aurions-nous entendu ces mélancoliques accents :« On écrira l'histoire de Jésus, sa loi sainte, sa passion ; sa mort, sarésurrection ; moi aussi, je voudrais vivre... vivre encore pour raconter à toutes

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les générations tout ce que je sais de l'enfance du Christ, et parler de Marie ; parler« à l'univers entier de sa beauté intérieure, de son amour pur et ardent ; de tousces embellissements surhumains qui grandissent en son âme, sous lamystérieuse splendeur de Jésus ! » Mais, si de telles pensées avaient traversél'esprit du grand Saint, il les aurait repoussées, puisqu'elles étaient opposées auxdécrets de Dieu. Oh ! ce livre intérieur... l'histoire de Marie, racontée par Joseph legrand poète oriental ! Qu'il aurait été beau ! ce poème bien-aimé, tiré du géniede Jésus lui-même et de l'âme tout harmonieuse de Marie !

Joseph seul eût pu écrire la Messiade ! Qui nous révèlera les mystères de sonlivre inédit ?... Ils doivent être écrits en lettres de feu, lettres toujours vivantessur les cœurs transformés des élus !

Soyons soumis comme Joseph aux desseins de Dieu sur nous ; n'adressonspas des pourquoi répétés à la Providence. Laissons la volonté divine agirlibrement au-dedans et autour de nous. La souffrance est dans la résistance ;le calme, dans l'acceptation. Contentons-nous humblement de notre situation,sans nous croire dignes d'emplois plus élevés que ceux auxquels Dieu nousdestine. Accomplissons notre mission sans supplier la Divinité de nousconduire ailleurs. Ayons un accroissement de mépris pour nous-même et unamour pour Dieu de plus en plus profond. Abandonnons-nous pleinement à ladirection du Très-Haut dans tous les événements de la vie et à ses desseinssur nous.

Saint Joseph, apprenez-moi la soumission à la volonté de Dieu dans toutes mesépreuves ; et communiquez-moi un peu de votre force d'âme pour contenir meslarmes ; et dans mes doutes, mes incertitudes, par vos prières, attirez sur moi lalumière qui me montre comment il faut agir.

Ainsi soit-il.

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XVIe MÉDITATION

Joseph attentif à la voix de Dieu

J'aime à contempler Joseph.... les travaux du jour sont finis... le soir est venu...cette grande âme est là, silencieuse... attentive... rien ne bouge au-dedans ; elleattend... Elle attend que quelque chose vienne d'en Haut. Oh ! ce vaste silencequ'il est solennel ! Je m'identifie avec cette solitude intérieure, ma respiration estcontenue... comme Joseph je suis dans l'attente, j'écoute... Qu'est-ce qui succèdeà ce silence ? Des entretiens mystérieux, des inspirations soudaines ; les penséess'animent sous la lumière incréée qui circule librement de l'intelligence au coeur,du coeur à l'imagination. Cette vaste clarté enveloppe bientôt tout entière l'âmeattentive à la recevoir. Ah ! l'amour s'élance, libre, impétueux, sous lesimpulsions répétées de ce moteur divin. Le Saint aspire avec élan à cette vieincréée ! Il s'en alimente. Nous aimerions à entendre, à saisir tout ce qui se passaentre la Divinité voilée sous un corps d'enfant et le coeur contemplatif et aimantde Joseph.

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Un homme ne laisserait entrer personne chez lui : — il fuirait le mondeextérieur, il y aurait silence autour de lui. Est-ce là une complète solitude ? Non !— Pour entrer en communication avec Dieu, il faut se créer une solitudeintérieure. Le monde le plus dangereux n'est pas toujours celui qui est au dehorsde nous, mais celui qui vit au-dedans. Le monde, moteur dominant de nospensées ; c'est le monde des vaines affections, des désirs terrestres, desambitions toujours renaissantes ; des jalousies qui dévorent ; les accès d'amour-propre blessé ; la vanité exaltée ; le moi avec ses soifs ardentes ou ses rêvesaudacieux. Faites faire silence à l'âme, au coeur, à l'imagination, à la vie dessens, à l'esprit surexcité ; et quand tout sera calme au-dedans et autour de vous,écoutez Dieu ! c'est cette solitude du coeur que nous devons chercher, parl'intercession du grand Saint et par celle de Marie, afin d'entrer encommunication intime avec Dieu, comme ils l'ont fait eux-mêmes. On ne peutse laisser à la fois tirer, et par l'esprit du monde et par Jésus-Christ : il faut obéirà un seul. Il vaut mieux s'unir à Jésus, qui est un esprit libre ; à Jésus, qui brisenos passions tyranniques, que de se mettre sous la dépendance d'un rêve et de sajoie éphémère. Le monde, cette creuse figure, est abattu par la mort, et quand cetesprit du monde vit au-dedans de nous, il étouffe notre liberté morale ; sesexigences et ses folles attractions, peuvent entraîner l'âme vers un péché do-minateur. Ne nous laissons pas attirer vers la terre, suivons l'impulsion qui noustire en haut à la liberté, à la vie, à l'amour qui ne meurt jamais !

Saint Joseph, apprenez-nous à briser tout obstacle à nos communications avecDieu ; aidez-nous du souffle de votre prière à soulever au-dessus de ce monde etnos désirs et nos cœurs. Marie... Joseph... j'aime, j'admire votre sérénité... je m'unisà vos deux grandes âmes pour écouter avec vous tantôt les plaintes del'humanité souffrante, tantôt la voix médiatrice du divin Rédempteur.

Obtenez-moi de Dieu le silence intérieur à l'heure de l'oraison.

Ainsi soit-il.

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XVIIe MÉDITATION

Joseph, modèle des poètes

Joseph devait être un des plus grands poètes de l'univers ; mais, de mêmeque Marie, il cachait son génie dans son coeur. Joseph, dans l'ardeur del'oraison, quittait sa propre vie, saisissait la pensée de Dieu, la mettait à la placede la sienne... c'était toute une vie divine qui circulait librement en cette âmed'élite.

Le génie ! le génie musical, le génie de la poésie... qu'est-ce que cela ? C'estun feu sacré sorti de la Divinité... Il y a un étrange mouvement dans cetteflamme invisible, elle enveloppe l'âme de mystère, d'extase et d'amour. C'estelle qui surexcite nos facultés mentales... elle peut les agrandir, les étendrejusqu'au surhumain ! On ne peut acquérir le génie par le travail ; mais celui quile possède au-dedans de lui, doit travailler à son développement. Sans lacoopération de la volonté et de l'effort humain, le génie dépérit et meurt. Outrel'étude, ce qui lui donne de l'ampleur et du mouvement, c'est l'espritd'observation, la connaissance du monde intérieur acquise par la souffrance,les déceptions, les larmes. Joseph était initié à l'analyse approfondie du coeurde l'homme ; son génie se développait sous la pensée profonde et méditée dumystère de la rédemption.

Oh ! le génie existait dans le fiancé de Marie, dans le gardien de l'enfance deJésus ; pour adorer l'un et aimer l'autre, ne fallait-il pas une surabondance devie et d'amour ? et le génie de la poésie donne de l'extension et du feu à lafaculté d'aimer, il embrase tout le cœur !

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Dieu a mis dans le monde des âmes et dans la nature visible, dans les êtresvivants ou inanimés, des symboles, ou une vie mystérieuse... une attraction quele grand nombre ne peut découvrir ; mais que le poète, dans son extase, saisit etdévore. Cette vie cachée parfois, il la découvre dans une âme humaine ou biendans un rayon de soleil, dans le vol rapide de l'oiseau... dans une fleur... dans lachute d'une feuille comme Millevove... cette vie cachée... il la transporte au-dedans de lui ; il la serre fortement dans son cœur ému ; il l'enveloppe du feu desa pensée dévorante ; il la transforme, l'agrandit dans sa propre vie intérieure...et ce qui sort de cette nouvelle création, du mouvement de ce rêve, ces pleurs...ces enthousiasmes… ces cris de douleur ou de joie : c'est la poésie !... Il estprobable que l'âme attentive et aimante de Joseph, cette âme inondée du géniede Dieu, découvrait dans toutes les merveilles du monde visible et invisible unevie mystérieuse, une beauté surhumaine que l'âme vulgaire ne pourrait saisir ; ill'enveloppait de son génie virginal, l'agrandissait encore, l'embrasait sous le volrapide de sa pensée de feu, et cette surabondance de vie intérieure s'exhalait enaccents sympathiques et profonds qui tombaient tour à tour et sur l'âme du Christet sur celle de Marie... C'étaient les chants d'un grand poète... car ce poète étaitl'adorateur du Christ, le fiancé de la Vierge sainte : ne fallait-il pas que Dieu luiinspirât des chants dignes de Jésus et dignes aussi de Marie !

Les poètes qui désirent suivre l'inspiration de Dieu et non s'alimenter des penséesdu génie du mal, doivent s'éloigner des amours profanes, de l'échange mensongerdes regards et des sourires, de toute démonstration physique d'affection ; qu'ilsimmolent les sentiments, les tendresses exaltées qui dérivent de la vie des sens, qu'ilscherchent leurs inspirations dans l'âme de Joseph, dans celle de Marie : ne sont-ellespas la copie de l'âme héroïque et ardente de Jésus ? Que ces poètes reproduisent eneux leur virginité de pensées, leurs profondes amours intellectuelles... c'est alors queleurs chants deviendront plus hauts que nature ; ils auront ces mouvementspassionnés, ces élans amples, rapides de l'âme qui se sent soulevée bien loinde la terre sous le souffle toujours vivant du Christ régénérateur !

Ainsi soit-il.

Une âme peut être en fréquent contact avec Dieu, recevoir une grandepuissance de vie surnaturelle sans avoir de génie. Le génie, si rarementaccordé à l'homme, est un don de l'ordre naturel. Il peut vivre en lui sans lasainteté. Il est à croire que le fiancé d'une vierge accomplie comme Marie devaitposséder, même dans l'ordre naturel, tous les dons intellectuels qui soulèventl'âme au-dessus des esprits ordinaires ; il avait donc le génie ! et ce géniepoétique plein de mystère se transformait, s'idéalisait encore, se surnaturalisaitdans ses extases avec le Verbe éternel.

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XVIIIe MÉDITATION

La foi de saint Joseph

Avec la foi on peut transporter des montagnes ; c'est à dire soulever lesdifficultés qui pèsent sur notre âme, les aplanir ; s'en délivrer. Ce qui sembleimpossible à la nature ne l'est plus quand la foi enveloppe notre esprit, s'accoleà notre volonté défaillante ; elle la rend forte en l'unissant à Dieu. Seuls nousne pouvons rien ; ni faire le bien avec un zèle intelligent ; ni arracher unepassion mauvaise ; ni changer une habitude tenace en nous. — Ce qui rend fort,c'est l'action de Dieu sur notre âme. Il faut lui demander son travail intérieur etextérieur et joindre le nôtre au sien. Défions-nous de nous-même, ne comptonspas sur nos propres efforts. Si l'orgueil se joint à l'effort humain, au lieu detriompher, nous roulons de chutes en chutes. Espérons tout de la puissance deDieu ; c'est là vivre et agir sous la direction de l'esprit de foi ; mais n'oublionspas de coopérer de toute notre ardeur à l'action de Jésus-Christ sur notre âme.

Joseph n'agissait jamais selon la prudence humaine ou d'après des vuespersonnelles. Quand eut lieu le mystère de l'Incarnation, il fut ému ; uneméfiance toute naturelle s'agitait en lui. Son cœur était brisé ; il voulait seséparer de sa fiancée bien-aimée ; mais un ange vint lui parler... il lui révèle lemystère profond qui enveloppe la divinité du Christ et sa sainte humanité dans lesein de Marie... Joseph ne comprend rien à ces étranges révélations, et cependant

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à la voix de l'Ange, la méfiance s'apaise, le bruit cesse au-dedans... l'esprit de fois'empare de l'intelligence du grand saint, il croit à la virginité de Marie, il croit aufruit béni qui vit dans son sein ; il garde le titre d'époux de Marie et de père deJésus. Plus tard, quand un ange vint lui dire d'emmener sa femme et l'enfant enEgypte, il n'écouta point ses propres pensées, la foi le domine, la foi l'entraîne, ilpart avec la Très-Sainte Vierge et l'Enfant-Dieu.

En voyant le Christ obéir à sa voix paternelle, travailler humblement avec lui,mener une vie laborieuse ; s'éloigner de toute grandeur humaine, sa raison auraitpu lui dire : « Quoi, sous ce corps d'enfant, sous cette frêle apparence la Divinitéserait cachée ? Non, non, c'est impossible ! C'est donc le Christ, le libérateur del'humanité, celui que j'ai vu là, couché dans une étable sur un peu de paille ! »Joseph n'écoutait point les cris de la raison humaine, sa foi serrait fortementtoutes ses facultés, elle les dominait. Il vit toujours dans Jésus le Messie annoncépar les prophètes... et à chaque parole que prononçait l'Enfant-Dieu ne sentait-ilpas l'amour s'agrandir dans son coeur ?

Sur la terre, l'amour et la foi sont inséparables : l'un ne peut pas vivre sansl'autre, ils sont frère et Soeur.

Que nous sommes loin d'avoir cette foi vive, embrasée qui dirigeait saintJoseph dans tous ses actes !

— Quand nous désespérons de sauver une pauvre malade, croyons à lapuissance de Dieu, il peut raviver ce qui semble s'éteindre ; mettre tout àcoup la vigueur à la place du dépérissement. Prions toujours avec foi, la foiranime l'espérance, et la foi donne de la puissance à la prière, surtout quand lafoi est unie à l'amour.

Si nous voyons le mal moral s'étendre, s'agrandir dans une pauvre âme sansqu'elle fasse, il nous semble, un effort sérieux pour s'en délivrer, nous pleurons...je ne sais quel mouvement ascensionnel soulève cette âme maladive vers leChrist libérateur ; mais elle retombe altérée et captive vers la joie qui fait mourir.A ce spectacle navrant ne soyons pas découragés. Avec la foi, nous pouvons direà une passion : va-t'en ; elle ira se jeter dans la mer. On peut dire à la vérité :Frappez, frappez... à la porte de ce coeur malade, et elle ira. Jésus-Christ a dit :Avec la foi vous pouvez opérer de plus grands prodiges que moi ! Pour devenirapôtre que faut-il faire ? Souffrir, être persécuté, se laisser traîner contre terre —jusqu'au sommet du Calvaire, au milieu des humiliations ; avoir soif du mépris deshommes ; recevoir les paroles injurieuses avec le même but avec lequel Jésus lesa souffertes ; pour le salut des âmes. Ne point compter sur soi, ni sur ses paroles,ni sur sa propre influence qu'un seul mot peut abattre ? ni sur ses écrits ; ce sontdes lettres mortes si Dieu ne répand à la fois son souffle éternel et sur elles et surles cœurs qui s'en alimentent. Disons-nous sans cesse : — Je ne suis rien, je nepuis rien ; mais j'espère tout de ce sang divin de Jésus qui tombe sur les âmes etles régénère ; j'espère en la parole intérieure de Dieu ; — je vois dans les cœursque j'aime les progrès qu'elle opère unis à leur effort... Seigneur continuez votre

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œuvre... Oh ! ces cœurs sont plus dignes que le mien de recevoir vos grâcesinnombrables ; répandez-les sur eux avec surabondance, et bientôt ils seronttransformés en colonnes vivantes lumineuses... ferme soutien de l'édifice spiritueldont vous êtes, ô Jésus le divin fondateur !

Saint Joseph, on ne vous a jamais entendu prêcher ni évangéliser ; mais vousavez été apôtre par l'ardeur de vos prières, par vos souffrances unies à celles deJésus ; par votre droiture d'intention, l'absence de vues égoïstes, par votre zèlepour la gloire du Père céleste, votre amour pour Dieu et pour l'humanité et parvotre esprit de foi si dominateur ! Apprenez-moi à courber mes propres vues,mes idées personnelles sous ce même esprit de foi qui vous animait ; qu'il soittoujours le mobile de mes actions.

Ainsi soit-il.

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XIXe MÉDITATION

L'or, l'encens, la myrrhe

Joseph, à la naissance de Jésus, avait probablement compris les symbolesrenfermés dans les présents des rois mages. N'avait-il pas ces trois dons dansson coeur ? Il les offrait au Seigneur.

Ces trois dons sont inséparables ; c'est un tout qu'on ne peut diviser ; l'orreprésente la charité, l'amour ! Qui peut décrire celui qui vivait dans le coeurému de Joseph. Tantôt concentré dans sa vie interne, cet amour s'échauffait ensilence sous l'action mystérieuse de Dieu qui lentement surnaturalisait sonmouvement, sa vie. Cet amour, enseveli dans sa profondeur, avait parfois destressaillements, des élans, des aspirations spontanées vers le Verbe éternel. L'oret l'encens représentent l'amour et la prière ; nous savons qu'il existe entre euxune harmonie toute fraternelle. Ah ! qu'elle était profonde et sublime la prière deJoseph ! elle tirait sa vie de l'adoration et de l'amour, elle se soulevait, large et

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puissante, pour toutes les âmes humaines que le Christ venait régénérer. Lapureté de coeur du grand saint souffrait à la vue de ces passions brûlantes, quele génie du mal voudrait immortaliser dans les âmes pour les entraîner dansl'abîme. Sa prière s'exhalait pour les rois ses ancêtres dont le coeur s'était révoltécontre le Seigneur ; il priait pour David, le grand roi pénitent, pour le grandSalomon, pour les nations captives... Et les souffrances et les prières de Josephfranchissaient les jours, les mois... les années, pour s'unir aux vastes douleurs dudivin Crucifié ; il demandait comme lui et avec lui, à grands cris, le salut des âmes.Le passé, le présent, l'avenir étaient enveloppés dans l'immense prière de ce largecoeur. C'est ainsi qu'aimait et priait le poète, l'apôtre, le père de Jésus, le fiancé deMarie. A ces élans d'âme, à cette ferveur inouïe succédait l'encens d'une adorationmystérieuse, et dans son coeur aimant c'était une flamme solitaire qui lentement leconsumait.

Le troisième don inséparable, en ce monde, de l'amour et de la prière, c'est lamyrrhe symbole de la mortification. Le corps de Joseph, consumé par le travail, lesveilles, la prière, n'avait aucun empire sur l'esprit. Les affections du saint avaientune puissance toute intellectuelle. Cette force de la volonté, l'habitude de lamortification, l'amour de Dieu anéantissaient en lui toutes les fièvres humaines.Quand la douleur, l'inquiétude transperçaient à la fois son coeur et celui de Marie, lamyrrhe attachait leurs deux cœurs dans la même amertume : c'était une union desacrifices..., une union d'amour !

Marie, Joseph, obtenez-moi de Dieu, l'or pur d'une ardente charité. J'aimerais enmoi l'existence d'un amour silencieux, semblable au vôtre... je veux dire, un amourparfois assoupi sous la puissance de sa profondeur... puis le sentir se réveillersoudain, se mouvoir librement sous les impulsions répétées de l'Esprit-Saint. Jevoudrais que mon ange gardien, vous, ou Marie, vinssent soulever de cetimmense amour une prière, toute brûlante et parfumée comme l'encens quis'exhale dans le Lieu saint.

Ah ! la myrrhe... hélas... sais-je la désirer ? Non voulue ou acceptée... lamyrrhe entre toujours dans notre coeur. Si Jésus s'attache fortement à une âmepour la sauver il jettera la myrrhe parmi ses illusions toujours renaissantesjusqu'à ce qu’elles soient vaincues par la vérité. Une âme qui n'aurait jamaissouffert saurait-elle prier ? Quelle serait sa destinée si Dieu n'avait abattu parle glaive, ni l'orgueil, ni ses illusions, ni la vanité de ses désirs ?

La prière et la croix sont deux sœurs inséparables : l'une prend sa vie dansl'autre. La prière agrandit ses élans, sa puissance sous la pression du chagrinqui nous dévore. La souffrance physique ou morale ne peut exister en nous, sansqu'il y ait un cri dans l'âme — ce cri… — cette plainte (à notre insu, est uneprière) ; c'est le désir concentré, non exprimé peut-être, de se voir délivré de cequi nous oppresse. Mais le bon Dieu sait bien l'écouter là, tout au fond de notrecoeur... et plus tard, le germe de cette prière, espérons-le, prendra un immensedéveloppement. Pour que notre prière soit aimée de Dieu, ne l'isolons jamais de

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la croix ; ce sont deux sœurs inséparables. — Tant que nous serons en ce monde,l'or, l'encens, la myrrhe doivent vivre dans une longue continuité de sympathie ;ce sont les moteurs de notre vie surnaturelle aussi longtemps que nous seronssur ce champ de bataille. Après la mort, l'amour et la prière seront seulsvivants, la myrrhe sera fondue, anéantie sous les transports d'une joieéternelle ! Ainsi soit-il.

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XXe MÉDITATION

Joseph, modèle de l’ouvrier

Joseph était le fiancé de la Reine du Ciel, le gardien de l'enfance de Jésus, roide l'univers... Eh bien ! ces hautes dignités ne lui font pas abandonner l'état decharpentier, ni envier les oisifs du monde ; il veut relever le travail, lesurnaturaliser ; nous montrer sa grandeur !

L'ouvrier est grand ! il travaille, comme Joseph, à la sueur de son front ; chacunde ses efforts perfectionne, non seulement l'ouvrage qui se transforme sous sesmains actives, mais cet effort... Dieu l'admire, il embellit l'âme de l'ouvrier. Commeelle s'agrandit, devient vigoureuse, pleine de vie, cette âme sous le travailpénible imposé par le devoir ! l'ouvrier même qui est assez malheureux pourn'avoir plus la foi religieuse mérite notre admiration... s'il n'imite pas encoretoutes les vertus de saint Joseph, il reproduit dans sa vie extérieure sonlabeur... c'est déjà bien beau de n'être pas oisif ! et ce travail attirera sur cethomme honnête les bénédictions de Dieu... des grâces qui rendront un jourson âme encore plus aimante et plus parfaite, sous le souffle de Jésus-Christ.

Oh ! j'aime l'ouvrier ! il me semble lire dans le feu de son regard, dans la

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bonté de son sourire, je ne sais quelle marque de prédestination !

Après la désobéissance d'Adam, Dieu a condamné l'homme au travail.Combien est grand le nombre de ceux qui persistent à se soustraire à cette loid'expiation... et l'ouvrier obéit... Sous le regard de Dieu, son travail commence,se prolonge et s'achève, et c'est ainsi que, semblable à Joseph, à la sueur de sonfront il nourrit sa famille... Et voyez, regardez... du haut du Ciel... les anges fonttomber sur son âme une sublime nourriture... ils la tirent du Seigneur ; et lessaints anges étincelants regardent avec une tendresse toujours croissante letravailleur et sa famille. Oh ! un jour, ces âmes que la souffrance accables'échapperont de leur forme humaine et Dieu décernera des récompenseséternelles à leurs hautes vertus !

L'âme oisive, est toujours dominée par des passions grande ou « petitesqui l'amollissent par leurs fréquents tiraillements ; le désir succède au désir... c'estle plaisir, puis la joie coupable ; l'ennui, la satiété s'emparent de ce coeur déçu : iltombe bientôt contre terre, semblable à la fleur qui meurt étiolée loin du soleilvivificateur.

L'intelligence de Joseph, créée pour de grandes choses, était-elle amoindrie parle travail manuel ? Non. De cette âme d'élite s'échappaient des rayons pleins de viequi montaient, montaient des splendeurs de son coeur vers la Divinité !

Joseph, après les heures de travail, ne laissait pas errer ses affections sur laterre ; il évitait les sociétés tumultueuses dont le contact rétrécit notre âme au lieude l'agrandir. Le repos après le labeur, où le cherchait-il ? Non pas hors de lui… Sagrande âme se repliait en elle-même pour y découvrir le Verbe éternel... c'est enlui qu'il développait son génie, ses vertus et toutes ses forces mentales ; puis, ilparlait à Jésus... à la vierge sa fiancée... C'était une vie cachée en Dieu, vie deprières, vie de famille. Voilà ce que doit imiter l'ouvrier travailleur. Tous... tous…imitons Joseph !

Ce n'est donc pas au milieu des cris insensés d'une société bruyante, là où lessens reprennent leur ascendant sur l'âme, que l'ouvrier doit chercher ledélassement. Ces distractions ne sont pas dignes de sa sublime vocation ; enprécipitant l'âme contre terre, elles la dépouillent de sa grandeur ! Et souvent,hélas... ses joies fugitives lui ôtent sa foi religieuse et sa pureté ; elles préparentla ruine de la famille et l'entraînent peut-être à une mort éternelle.

Oh ! il est grand l'ouvrier qui accomplit sa mission avec ardeur, et il doit devenirplus grand encore ! Quel en est le moyen ? c'est de donner à son âme, déjà sipleine d'héroïsme et de vertus, toute la suprématie qu'elle doit avoir sur la viedes sens et sur les passions humaines. Il faut qu'il soulève cette âme de la terre,par la contemplation des grandes choses, par des lectures fortes et sérieuses quile rapprochent tour à tour de Dieu et de la vie de famille. Son coeur, comme celuide Joseph, doit monter, monter toujours et non descendre avec les ambitions,les jalousies mondaines, vers ce qui l'abaisse ou peut le dégrader. S'élever à la

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source du beau... aspirer à Jésus-Christ, le saisir dans son coeur par lareproduction des idées qu'il a émises dans l'Évangile ; faire vivre ces idées à laplace des nôtres et s'unir à lui dans l'Eucharistie ; voilà la vraie vie de l'âme.Approchons-nous tous ensemble de la table Sainte ; là, se ravivent, et nosamours fraternelles, et notre adoration exclusive pour Dieu !

J'aime à contempler la famille de l'honnête travailleur. La journée est finie ;l'ouvrier lit tout haut un saint livre... qui apprend aux petits enfants l'histoire del'enfant Jésus, ou bien la vie toujours aimée et admirée de ceux qui cherchent àlui ressembler. — La lecture est interrompue par l'arrivée du plus jeune fils... ilvient raconter ses douleurs ; les larmes étouffent sa voix... alors son pèrel'embrasse, et lui dit : « Enfant, on pleure souvent sur cette terre, c'est le sort del'humanité ; mais Jésus n'a-t-il pas dit : Heureux ceux qui pleurent, car ilsverront Dieu ! Tiens, regarde cette image, c'est un combat ; des soldats luttentavec intrépidité les uns contre les autres. Eh bien ! la vie est un champ de batailleil faut frapper sur les défauts, les passions renaissantes, non-seulementaujourd'hui… demain… mais toujours. Nous sommes sur la terre pour conquérirle ciel ; il fuit l'emporter d'assaut : rappelle-toi que la mort n'est pas la fin... maisle commencement de ce qui dure toujours. »

« Faisons la prière... et tous s'inclinent en silence. La mère prie à haute voix, lesenfants joignent leurs mains dans la main de leur père. La lampe répand sur cetableau vivant une douce clarté... et les anges invisibles s'approchent... et mêlentleur souffle céleste à ces profondes prières... Dieu du haut du Ciel est ému, enécoutant ces grandes voix suppliantes ; il pense à Marie, à saint Joseph, àl'Enfant Dieu, et une pluie de grâces descend sur la sainte famille qui aspire àleur ressembler.

O Marie ! ô Joseph ! j'aime l'ouvrier... je sens si bien qu'il est mon frère...mais il est plus grand que moi, par ses souffrances acceptées en silence, parson labeur, par la vigueur de son âme et par son dévouement ! Répandez, jevous prie, toutes sortes de bénédictions sur lui et sa famille, et faites que noussoyons tous unis par la même foi religieuse et par une charité fraternelle tou-jours croissante en Jésus-Christ.

Ainsi soit-il.

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XXIe MEDITATION

Charité fraternelle de Joseph

Il est à croire que Joseph éprouvait une immense souffrance quand il était obligéd'interrompre ses suaves entretiens avec Jésus et Marie, pour obéir au grandprécepte de la charité fraternelle. S'arracher à des sensations inouïes, à cesextases où l'entraînait l'amour ; s'éloigner de deux êtres sublimes pour converseravec des âmes sujettes au péché, à l'ignorance, et privées de grandeur ; prèsd'elles, concentrer son génie, le feu de son amour ; réprimer toute la puissancede sa vie intérieure ; parler un langage ordinaire quand on a saisi celui de Dieus'occuper des choses vulgaires de la vie, à l'heure où tout un monde d'amoursintellectuelles, de hautes pensées se remue, s'anime au-dedans... cela ne peutse faire sans efforts... et sur la physionomie sereine de Joseph on ne voyait pasla trace du sacrifice. Au moment où il était entouré de ses frères, il sentait naîtreen lui une émotion fraternelle... quelque chose qui l'inclinait doucement versl'âme humaine. Alors, sa bonté, sa mansuétude, sa bienveillance, une tendressesurhumaine répandaient d'ineffables lueurs dans ses paroles et dans son limpideregard ; et Joseph aimait les âmes et ces âmes l'aimaient. Son langage simple,

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naïf leur transmettait les parfums de sainteté qu'il avait respirés dans la ferveurde l'oraison. La plaie morale d'un coeur lui inspirait de la tristesse, mais jamais dedégoût ; et sa prière ardente cherchait à le guérir.

Quand imiterons-nous la tendresse fraternelle de Joseph ; son indulgence pourles pauvres pécheurs ; son zèle pour les attirer vers le Christ régénérateur ?

Souvent, ce n'est pas la Divinité qui nous absorbe ; nous sommes enveloppés,ou dans une occupation favorite ou dans un petit monde intérieur ; et savons-nous en sortir pour parler à nos frères, sans qu'un signe de mécontentement, oude froideur paraisse sur notre visage soucieux ?

Quand Jésus veut bien se mêler à notre vie intérieure, nous cachons notre âmeinfirme et désolée dans la sienne. Nous aimons à nous concentrer dans cette vieincréée et nous nous écrions ; il fait bon ici ! on voudrait y planter sa tente...puis, hélas ! quand le devoir nous appelle ailleurs, s'il faut s'arracher du cœuraimant de Jésus... se mettre en relation avec une âme humaine, savons-nousaccomplir le sacrifice sans qu'il y ait, dans nos paroles de la raideur, absenced’expansion, de souplesse de coeur. Près de Jésus, ou bien encore, au contactd'une vertu admirée dans une âme, réchauffons notre charité et n'approchonsjamais d'un ami, d'un ennemi même, sans qu'un accent d'amour fraternel,s'échappe de nos lèvres. Que ces sentiments de charité chrétienne ne soient passeulement au-dedans de nous, ou dans nos paroles, qu'ils se reproduisent dansnos actes. Visitons les pauvres, les malades, donnons une large part de notreargent à ceux qui ont faim ; et donnons aussi de ce qui vit en notre âme.L'amour de Dieu, la foi, l'espérance chrétienne doivent être transmis à ceuxqui en sont privés ; et c'est ainsi que nous imiterons Joseph et Marie : ils sontla copie fidèle de Jésus-Christ.

O Joseph ! mon saint bien-aimé, puissent ces méditations faites sur votreâme m'apprendre à vous connaître plus amplement et qu'elles m'aident à vousimiter !

Ainsi soit-il.

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XXIIe MÉDITATION

L'âme de Joseph est attentive

L'âme de Joseph est-elle seulement attentive à la voix de Dieu, à l'amour quien émane ; aux inspirations qu'il souffle en elle ? Ah ! du haut du ciel, où Josephaime, prie et chante, il n'oublie pas le monde des âmes ; il l'enveloppe du feu desa prière dans les élans de l'harmonie et de l'amour ! son coeur est attentif à toutce qui se passe dans une âme... il étudie son mouvement ascensionnel vers leSeigneur ; il contemple avec enthousiasme son succès dans la lutte intérieure, sesvictoires répétées sur une passion ancienne ou naissante ; son entraînementvers le bien ; il regarde avec intérêt la croissance plus ou moins rapide dugerme d'une vertu dans l'âme du vieillard ou dans celle du petit enfant ; il voitle jeune homme luttant contre les assauts toujours renaissants d'un péchédominateur.

Joseph est attentif... à quoi encore ? A nos peines, à nos tourments, à nosaffaires temporelles... il écoute même ces prières non formées, qui se remuentdouloureuses dans l'âme dont la foi sommeille... ces prières ne sont encore que

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des plaintes, des déchirements internes... et l'on oublie de les présenter auSeigneur. Ah ! si nous regardions longtemps ce coeur si aimant de Joseph... cecoeur large ouvert pour recevoir nos désirs, nos chagrins, nos larmes, nousjetterions bien vite au-dedans de lui tout ce qui nous oppresse... ; ceslangueurs, ces désirs non satisfaits et toujours criants... Joseph les en-velopperait dans sa fervente prière pour les soulever vers le Seigneur.L'espérance d'être exaucé se ravive à la pensée qu'un amour puissant commecelui du fiancé de Marie s'unit, se fond à notre prière pour l'embraser !

Dieu a donné le pouvoir à notre ange gardien de lire dans notre âme, d'écouternos pensées les plus mystérieuses… de nous aider. Ne peut-il pas revêtir... le fiancéde Marie d'un pouvoir plus grand encore... le nommer l'ange gardien de l'humanité !

Joseph est attentif... il écoute... il aime... il attend... il attend... le réveil de lafoi, endormie dans une âme... ne le laissons pas attendre en vain, jetons notrevolonté défaillante contre sa volonté puissante ; offrons-les toutes deux à Jésus-Christ, en lui demandant à grands cris un surcroît de force surnaturelle pourbriser en nous le mal dominateur ; invoquons Joseph à l'heure où la tentationnous sollicite ; quand le péril est proche, invoquons-le encore... Hélas... si ledécouragement saisit notre pauvre âme, le saint va vite, vite nous consoler.

Il ne suffit pas de fatiguer le grand saint de la surabondance de nos prières ;parfois, disons-lui quelques mots de tendresse, à lui... qui sait si bien aimer ;mettons mentalement notre main dans la sienne en le priant de nous conduiredans la voie de la justice et de la paix...

O saint fiancé de la plus aimée des Vierges ! un de mes plus vifs désirs ceserait d'augmenter dans les âmes le respect, la tendresse, le culte qui vous estdû ; révélez-moi de plus en plus votre mystérieuse beauté, et donnez-moi un peude votre intelligence pour que je puisse décrire tout ce que j'ai observé et admirédans votre coeur.

Ainsi soit-il.

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XXIIIe MÉDITATIOX

L’Espérance

L'Espérance fut une des vertus dominantes de Joseph. Au milieu des épreuvesles plus douloureuses, dans les persécutions, les chagrins, l'espérance vivait enlui animée, pleine de puissance. Ce n'était point la perspective d'un bonheurterrestre qui soutenait Joseph ; il ne croyait point au bonheur ; aurait-il voulu dela joie humaine quand le Christ devait être abreuvé d'amertume ? Le saint

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espérait... dans le triomphe de la mission de Jésus, et il espérait en cette nouvelleaurore qu'il voyait poindre dans les âmes ; il croyait à la délivrance des nations !

Pour triompher des tentations, comptait-il sur sa propre force ? Non... il mettait saconfiance dans la puissance qui vient d'en Haut, il la sollicitait avec ardeur.L'Espérance, cette vertu sublime, le faisait triompher de toute difficulté.

Quand Joseph, initié au mystère de la Rédemption, voyait des yeux de l'âme Mariedebout, pleurante au pied de la croix pouvait se dire : « Qui donc, après ma mort,consolera la Vierge sainte du départ de son fils adorable ? ce fils si aimant et sibeau ! » L'inquiétude humaine de Joseph s'apaise... sa vie surnaturelle se renforceencore à l'heure de l'oraison. Il s'identifie avec les mystères adorables, et là... danscet esprit illimité du Verbe, il embrase son espérance... elle se surnaturalise aumilieu des élans, précipités de l'amour !

Joseph, inondé de lumières et de confiance, marchait dans la vie, puissantgardien de la Vierge sainte ; l'âme de Marie s'affermissait dans celle de son fiancéet aussi dans ses entretiens expansifs avec le Seigneur.

Dieu éprouve les saints... Que de fois, à l'heure de l'oraison, retirait-il de leursdeux âmes et la joie sensible et son amour ! Eh bien ! dans cette apparence dedélaissement de la divinité, l'espérance se soulevait large et puissante, dans lecoeur attristé de Joseph et dans celui de Marie.

Quand reproduirons-nous en nous-même, cette espérance inébranlable deJoseph et de Marie ?... — Souvent notre âme est désolée, il fait nuit, nulle lumièrene luit dans le ciel intérieur... des ténèbres... ou des ombres qui paraissent, etpassent, pour revenir toujours. Nous sommes sous la dépendance de Dieu ; iln'y a pas absence de résignation, mais cette espérance sentie, ce point lumi-neux, que vivifie encore la splendeur du Christ, cette espérance qui chasse lesténèbres de l'âme, sa noire mélancolie, où est-elle ? Demandons-la parl'intercession de Joseph et Marie. L'espérance est une force, elle écrase le géniedu démon ; elle nous aide, dans les difficultés de la vie intérieure et de la vieactive ; c'est elle qui souvent les aplanit. Quelquefois nous ne savons pasvaincre ? Pourquoi ? c'est parce que la défiance nous saisit ; nous n'espéronspas assez. Nous oublions de solliciter le secours d'en Haut, nous doutons trop denotre succès dans le combat et du triomphe de notre prière sur le coeur de Jésus.Un guerrier croit la victoire incertaine, il a peur… il est vaincu, mais son intrépiditése ranime, si par la puissance de l'espérance il voit d'avance la victoire après lecombat.

Un homme est fasciné depuis longtemps par une passion qui le tyrannise, lui ôtele souffle moral ; il a le désir, la velléité d'en être délivré... Qui l'empêchera demettre la main à l'oeuvre ? Ce n'est pas l'absence d'énergie... dans beaucoup decirconstances sa volonté a été mâle et courageuse. Qu'est-ce donc ? Le manqued'Espérance ; il ne croit pas au succès de l'entreprise ; il s'exagère les difficultés ;la défiance le rend lâche, pusillanime ; il a peur de la passion ou de la force de

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l'habitude ; il les croit invincibles ! et cependant ne sait-il pas que le démon s'em-brouille dans ses combinaisons ! Celui qui s'appuie sur Dieu est toujourstriomphateur. A l'heure des impulsions les plus fortes auxquelles un homme tenté secroit incapable de résister ; si un petit enfant aux yeux larges ouverts s'approche,l'homme a peur… la passion qui s'agitait en lui se concentre soudain ; sonmouvement s'apaise... l'acte ne suit pas le désir... le désir lui-même s'amortit en luisous la frayeur de la surprise. Si la présence d'un frêle enfant, qui est en dehors denotre âme, opère un tel prodige… quoi Dieu... Dieu lui-même qui est en dehors et audedans de vous avec sa puissance d'action, cette énergie indomptable qu'il répand àgrands flots sur la volonté défaillante... Dieu... dont l'œil éternel est là fixé survous... ne réprimerait pas les cris insensés de la passion révoltée et l'acte qui suitle désir... l'enfant serait plus fort que la Divinité ? Pensons donc un peu, à l'heurede la tentation, à cette présence invisible de Dieu ; à son long regard tantôt aus-tère, tantôt plein de force et d'amour ; espérons en cette énergie divine etmystérieuse qui n'est jamais refusée à l'homme qui la sollicite avec ardeur :crions... vers la divinité ; crions comme si toute la maison était en feu ; et lesecours surhumain éteindra la flamme. Espérez, espérez... l'énergie est dansl'espérance du succès et la faiblesse dans le désespoir.

Saint Joseph, donnez-moi un peu de votre espérance... il fait bien sombredans mon âme... le chagrin me saisit... je ne sais pas aimer, je ne sais pasprier... prenez ma main dans la vôtre, conduisez-moi au milieu des périls etdifficultés de la vie comme vous conduisiez Marie... ô vous l'homme inspiré deDieu ! et soutenez mes pas défaillants et mon espérance.

Ainsi soit-il.

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XXIVe MÉDITATION

Jésus n’est jamais oisif dans l’âme humaine, et son action nerencontrait nul obstacle dans Joseph

Jésus parfois semble nous délaisser, même à l'heure où il entre voilé sous lesespèces eucharistiques, dans notre cœur ému. Nous ne sentons rien... ni sonaction sur nous, ni aucun entraînement vers la Divinité. Cet état est méritoire ;c'est la vie de pure foi. Le Christ est là ; il l'a dit lui-même ; il est là, nous enavons la certitude, mais combien cet état de sécheresse spirituelle est péniblepour les cœurs avides de sensations, qui ont soif d'aimer Jésus-Christ et desentir son amour. Aimer de volonté ne suffit pas aux âmes ardentes, ellesvoudraient s'identifier avec le coeur qu'elles aiment, le sentir, le saisir dans leurextase, être une avec ce coeur ; trouver la joie dans l'amour, et l'éterniser audedans d'elles. En ce monde, l'amour est inséparable du sacrifice, des larmes,mais au-delà de la tombe, pour les élus… c'est le rassasiement ; la jouissanceéternelle de l'amour !

Bien que Jésus ne se fasse pas toujours sentir ; il est là, en communion avecnous chaque fois que nous acceptons la souffrance d'une volonté souple, soumiseà la sienne et dans le but d'expier nos péchés ; et son corps, son âme, sa divinitévivent en nous, à l'heure où, sous les espèces eucharistiques, nous les recevonsdans un coeur pur ou pénitent. Jésus dans son union n'est jamais oisif ; son actionn'est pas toujours sentie et varie selon ses vues divines, ses desseins deperfectionnement sur notre pauvre âme ; parfois il travaille sur la partie la plusaimante du coeur, il développe en nous l'amour ! Ah ! avec quel saisissement,quelle joie, quel frémissement de coeur, nous acceptons ce travail intellectuel !nous cherchons à l'activer par la force de nos aspirations à la vie incréée, qui, hélas,

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échappe si souvent à nos recherches insatiables... quand on a saisi ces opérationsmystérieuses par lesquelles la Divinité cherche à nous attirer en Haut, on voudraitraviver encore, par l'ardeur des désirs, cette joie surhumaine qui se dérobe sisouvent à notre tendresse véhémente. On aimerait la saisir toujours vivante ensoi.

Quand nous sommes arides, sans savoir donner et sans rien recevoir, Jésus-Christ est-il oisif en notre âme ? Non... son travail est des plus sérieux. Il travaillenon peut-être au développement de l'amour, mais il opère sur notre raison ; ill'éclaire d'une douce lumière ; il aide à son perfectionnement, en nous présentantses pensées, ses idées à la place des nôtres, ou bien encore... il dirige son actionsur l'humilité pour la rendre plus ample, plus profonde, plus dominante en nous.Ou peut-être c'est la charité chrétienne qu'il excite par des impulsions répétées ;il aime à incliner notre âme là tout près d'une âme fraternelle. La tendresse auprèsd'elle se ravive... on s'inspire du parfum de ses vertus ; l'influence du Christ sefait sentir aussi sur le germe de chacune de nos bonnes qualités naturelles pouractiver leur croissance et les surnaturaliser... et son travail devient incisif pour arracherla racine du mal... abattre les vices, les passions qui voudraient croître, grandirtoujours.

Au moment où Jésus-Christ retire le feu qui nous embrase, il fait tomber àsa place là, tout à côté de notre volonté, une force surhumaine qui l'aide àbriser l'obstacle à la grâce. Jésus regarde attentivement notre pauvre âme,ses efforts, ses sacrifices ; s'il la voit défaillante, il l'enveloppe tout à coupd'une énergie surnaturelle pour qu'elle ne succombe pas sous la lourdeur dela croix. Eh bien ! ces opérations divines, ce travail de Jésus, souvent nonsenti chez nous, se faisaient dans l'âme de Joseph avec plus de promptitude,d'élan, que dans les autres âmes, parce qu'il n'y avait pas en lui résistance.Hélas ! dans nos pauvres cœurs que de fois la rébellion de notre nature maladiven'a-t-elle pas retardé l'ouvrage interne de Dieu. La grâce, après l'éboulement del’édifice spirituel, recommence avec son éternelle patience, au-dedans, son longet difficile travail ; travail toujours actif, détruit parfois, mais renaissant ; et notremisérable nature, avec ses secousses, ses mouvements contraires, anéantitparfois en une demi-heure l'ouvrage que Dieu n'a pu opérer qu'en un grandnombre d'années, à cause de nos incessants soulèvements.

Imitons Joseph. Oh ! soyons passifs sous l'action de Jésus, puis, après avoirsaisi ce qu'il veut de nous, travaillons d'accord avec lui pour former l'hommenouveau, l'homme copié sur le Christ. Soyons attentifs, surtout à l'heure de lacommunion, pour saisir, non la joie surnaturelle qui fuit et passe... si rapidement,mais soyons attentifs à deviner, à comprendre le travail de Jésus... suivons-ledans ses opérations crucifiantes, dans les immolations qu'il demande de nous...et qu'il inflige souvent lui-même... immolons, immolons avec amour.

Saint Joseph, laissez-moi longtemps admirer ce travail de Jésus en votre coeuraimant… Vous ne l'avez jamais ralenti par vos résistances : tantôt c'était l'amour

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qui s'agrandissait, puis une force mystérieuse s'attachait à votre grande âme pourl'assouplir sous les douloureuses épreuves de la vie ; c'était aussi un débordementde bonté divine, de mansuétude infinie qui inondait votre cœur, le rendait apte àgagner à Dieu toutes les âmes ! Je veux vous imiter. O grand saint ! apaisez lessoulèvements qui retardent le travail de Jésus en moi. — Adoucir la natureanguleuse de mon âme ; mettre souvent la douceur à côté de la force ; me fairetoute à tous ; puis aimer... aimer beaucoup ; et par la puissance de mon amour,seconder le travail de Jésus.

Ainsi soit-il.

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XXVe MÉDITATION

Détachement de saint Joseph

Le détachement de saint Joseph... qu'il est difficile à décrire. Comment fairecomprendre que les saints enthousiasmes, sa tendresse surhumaine pourMarie, vivifiée par l'action de Jésus, pouvaient exister en lui, dans toute leurpuissance, avec l'austère vertu... le détachement ! c'est que... tous ces grandsmouvements d'âme, ces élans, ces émotions étaient sous la dépendance deDieu, prêts à vivre ou à s'éteindre. Sous la volonté divine, Joseph était sansrésistance. Nul lien ne le retenait sur la terre ; Dieu lui aurait ordonné dedétruire, par l'effort humain joint à la grâce, ses sentiments les plus purs, lesplus profonds ; le grand Saint aurait brisé son coeur pour obéir à Dieu !

Imitons-nous ce détachement ? Sommes-nous prêts, comme Abraham, àimmoler notre fils unique ? n'aimons-nous pas ce qui vit en nous avec cette mêmetendresse qu'éprouvait le saint patriarche pour son unique enfant ? et quand lavoix de Dieu nous crie au dedans d'immoler... saisissons-nous le glaive pourfrapper ? La création de notre pensée de feu est là vivante dans notre coeur, etnous ne pouvons-nous décider à ôter la vie à cet Isaac bien-aimé... Ah ! que labonté de Dieu est immense... Souvent nous apprêtons le bois pour l'holocauste, lebûcher brûle déjà au-dedans de nous, allumé par les flammes de l'amour divin,

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et dans sa clémence infinie, vite Dieu envoie un Ange du Ciel pour arrêter notrebras prêt à frapper ; rendons grâces à Dieu.

La pensée d'Abraham... ce souvenir biblique s'est emparé de mon imaginationerrante, et j'allais oublier Joseph ! Revenons à lui ; Joseph était soulevé bien hautau-dessus de terre ; il recevait toutes ses impressions du Ciel ; la force cachéedes idées que le Verbe mettait en lui, voilà son moteur. L'amour était sa vie ; etil découvrait le détachement dans l'amour. Il méprisait les grandeurs, les en-thousiasmes du monde, puisqu'il aimait Dieu et Marie... il fuyait les louangesmensongères et savait que la gloire humaine rapetisse l'homme qui en tire vanité,au lieu de le grandir ! Son éloquence, le grand bruit sonore de ses penséesharmonieuses, toute cette magnificence d'une imagination éclose sous lasplendeur divine n'étaient point pour le peuple, ni pour les âmes d'élite qui peut-être eussent passé de l'enthousiasme à l'adoration. Son génie ardent etmystérieux se révélait à Dieu ; en lui seul se répercutaient les clartés ineffablesde son immense amour. Joseph n'avait pas la soif d'être aimé ; son humilité brisaitle désir d'attirer à lui. Il cherchait à conduire à Dieu toutes les âmes, par la puis-sance de ses tendresses fraternelles et par ses prières embrasées. Détaché detoute affection dont la base est la vanité ; il aimait en Dieu et pour Dieu, avec ledésir véhément de jeter la vérité dans les âmes, et non pour chercher dans desamours éphémères à accroître le mouvement de sa vie intérieure. La passiond'acquérir des richesses, de dominer les esprits par une politique habile étaitétouffée en lui par cette vie surnaturelle qui entrainait en Haut tous les élans deson âme. Ses grandes amours étaient le Christ et Marie ; l'un avait son adorationexclusive, l'extase de son cœur ; et l'autre, la profondeur d'une tendresse toutespirituelle dont Jésus était le moteur ; et dans ces deux amours se ravivaitencore son amour pour l'humanité !

Quand imiterons-nous les vertus de Joseph ; un détachement de soi uni aumouvement progressif de l'amour ; cet esprit de sacrifice qui le faisait agir, nonavec des vues d'intérêt personnel, mais pour Dieu et pour le bien de ses frères ?

Quand mettrons-nous, comme lui, nos affections sous la dépendance de Dieu ?disposés à être ou à n'être pas aimés ; vouloir ce que Dieu veut ; lacorrespondance mutuelle de sentiments, la séparation ou la mort ; l'extinction oul'agrandissement d'un amour intellectuel... laisser cet amour s'enfoncer dans lecoeur du Christ et, là... suivre doucement toutes les impulsions qu'il lui donne.Accepter toute transformation incisive, venant directement ou indirectement deDieu ; entrainer toutes les âmes vers le Christ, et non à soi ; vouloir la gloire deJésus, et non la nôtre ; s'effacer, se plier, se courber partout et toujours ; éviterles applaudissements et cacher sa pensée en Dieu.

Saint Joseph, apprenez-moi à acquérir le détachement, tout en laissant unegrande liberté à ma faculté d'aimer ; tel était votre amour, ample, libre ! Dieuveut que l'amour s'étende, s'agrandisse jusqu'à ce qu'il puisse atteindre ladimension de cette vaste flamme qui brûle dans le coeur des élus ! Sur la terre,

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celui qui est détaché de la joie éphémère, de l'empire des sens sur l'esprit, peutvivre dans l'amour. Le détachement ne consiste pas en l'absence d'amour ; maisdans un renoncement volontaire à tous les biens, à toutes les satisfactions égoïstesqui nous détournent de Dieu, de sa loi sainte ; il faut aimer de toute l'ampleur deson âme, sans être attaché à ce qu'on aime ; ne pas s'appuyer sur ce rêve mobileque dévore la mort ; aimer... d'un amour cordial, intellectuel... aimer en seréservant toute liberté d'action sous le souffle éternel de Dieu ! Si une âme, parson influence, nous empêche d'accomplir la loi divine, nous attire au péché, à lamort, à l'injustice, au crime... le détachement est obligatoire ; il faut briser lelien qui nous captive ; il est un obstacle à l'amour.

Saint Joseph, apprenez-moi à me détacher de moi-même par une multitude depetits sacrifices : immolation de désirs ; immolation de mon goût pour la solitudequand la charité m'appelle vers ceux qui souffrent et qui pleurent ; immolation dema tendance à être silencieuse quand une âme est là, attendant qu'un motbienveillant s'échappe de mon coeur ; secouer le moi, l'abattre, pour laisser leChrist et son amour gouverner ma vie tout entière... voilà ce à quoi je dois tendre.

Ainsi soit-il.

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XXVIe MÉDITATION

Joseph modèle de l’homme isolé

Joseph menait la vie la plus pure qu'il y ait au monde ; la vie d'un ange sur laterre. Tout était pur en lui ; ses amours, ses sentiments, ses pensées, sesaspirations, ses actes. La vie des sens n'avait nul empire sur lui. Elle étaitsoumise à toute la puissance de sa virginité d'inspiration et de volonté ; le soufflede Dieu et sa force incréée les secondaient. Deux grandes amours vivaient en

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Joseph : son amour pour Jésus, sa tendresse pour Marie ; et ses autres affectionsétaient pures comme la source d'où elles provenaient.

L'homme isolé doit reproduire en lui cette pureté de coeur de Joseph et deMarie ; imiter leur vie retirée ; fuir les sociétés tumultueuses, les vainesambitions ; et secouer le règne invisible que le monde fait peser sur ceux qui luisont consacrés. L'homme sans famille ne doit pas prodiguer son coeur, ou ternirsa pureté dans une multiplicité d'affections vaniteuses, qui ne font qu'accroîtrela vie du moi, sans agrandir le coeur. Bientôt, hélas !... la fièvre de l'imaginationlui fait oublier Dieu, ses destinées d'outre-tombe ; et il ne songe jamais qu'uneâme est là cachée... dans cette beauté que son regard dévore... il l'entraîne toutau fond de l'abîme où l'on entend le rire et l'éternel pleur de Satan !

A l'imitation de Joseph, l'homme isolé doit travailler pendant le jour, et puisle soir venu… qu'il se crée une profonde solitude tout au fond de son coeur etqu'il écoute dans ce silence intérieur la parole de Dieu. Oh ! méditer devantDieu... échauffer son âme sous une de ces brûlantes paroles de Jésus que nousavons recueillies dans l'Évangile ; en faire sa nourriture... sa vie, quelle jouis-sance ! Joseph embrasait son âme sous le rayonnement du Verbe éternel. Nosâmes, plus imparfaites que la sienne, ont besoin de s'alimenter de ces pagesdictées par le génie des Saints avant de monter à la hauteur d'une sublimeoraison. La parole écrite, réfléchie, tire peu à peu notre coeur et notreintelligence vers les réalités éternelles.

L'homme isolé doit passer tour à tour de l'étude de Jésus-Christ à la prière,à l'analyse de soi-même, puis à l'action : aimer, s'humilier devant Dieu, fairele bien.

Oh ! sa famille à lui, c'est toute l'humanité !

Combien de sœurs, de frères sans moyens d'existence qui pleurent sur un litde douleur... approchons... approchons du chevet de ce pauvre malade... oulaissez-moi le voir ! la fièvre le dévore, il étend vers moi ses bras fraternels...ils m'enveloppent dans toute l'angoisse d'une lente agonie... un souffle oppressése soulève... c'est un dernier adieu... à la vie, aux tendresses humaines...j'écoute... le coeur palpite encore... Seigneur... ces pulsations que je viens desaisir... qui donc les précipite ? c'est nous ! mon Sauveur ! Je vous ai reconnuvoilé sous le pauvre qui pleure... C'est le Christ, c'est bien vous... j'embrasseavec transport votre face douloureuse, je m'unis à votre agonie, à vos vastesdouleurs... Seigneur, le zèle de votre maison me dévore... Sauvez l'humanité !

Unissons-nous souvent en esprit à l'agonie du pauvre ; c'est s'unir à celle deJésus...

L'homme isolé pourrait nous dire : la vie de Joseph était plus douce que la mienne.N'avait-il pas Marie pour fiancée et le Christ enfant dont il recevait les caresses ?homme de peu de foi... fermez votre porte... fermez aussi la porte de votre coeur àtoutes ces passions bruyantes qui s'en disputent l'entrée… et venez... voyez des

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yeux de l'âme ; écoutez… Jésus, Marie... Joseph, ont-ils donc cessé toute relationavec l'âme humaine ? La mort a-t-elle soufflé sur leur éternelle vie ? Ne sont-ilsplus des êtres vivants ? Le Christ ne vous appelle-t-il pas du fond du tabernaclecomme Jésus-Enfant quand il appelait son père nourricier ? N'a-t-il pas toujoursla soif ardente de se donner à vous ? Non-seulement, il voudrait se jeter dans vosbras, comme dans ceux de Joseph ; mais il vous crie de tenir votre coeur largeouvert pour le recevoir… c'est sa demeure bien-aimée... là... il aime... il écoute etparle tour à tour...

Marie... Joseph aiment aussi à s'approcher de ces coeurs pleins de mélancolie...Ils écoutent ce qu'ils disent tout bas ; ils enveloppent leurs plaintes, leurs larmesbrillantes dans les parfums d'une longue prière et les portent vers le Seigneur.

Non, l'homme qui n'a pas de famille, n'est pas un être isolé. Les espritssupérieurs, les anges, les archanges, les âmes qu'on a aimées sur la terre, et laSainte Famille.... tous descendent invisibles à nos côtés ; ils surnaturalisent nosamours et soufflent, dans nos cœurs, toujours aimants, les reflets de la joie divine,dont sont enivrés les élus.

Saint Joseph, priez pour nos frères en Jésus-Christ qui n'ont pas de famille ;ils s'alimentent de chimères, d'illusions, de longs rêves douloureux ; brisez,coupez, retranchez ces fausses amours qui les mettent dans une situation pireque l'isolement, et quand après ce cruel dépouillement, leur coeur sera biensilencieux, parlez à ce pauvre coeur, parlez-lui, tout bas de la vierge Marie,du Christ... de ce qui vivifie, de ce qui régénère... et, que bientôt, ces âmesisolées retrouvent en vous une Sainte Famille qui vienne s'asseoir à leur foyersolitaire.

Ainsi soit-il.

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XXVIIe MÉDITATION

Jésus perdu pendant trois jours

Quelle fut la douleur de Joseph et celle de Marie quand l'Enfant-Dieudisparut ! ils le cherchèrent pendant trois jours. Enfin ils le rencontrèrent autemple parmi les docteurs.

Regardons attentivement l'âme de Joseph ; en l'absence de Jésus, elle pleurecette pauvre âme, sa solitude est immense ! Jésus par sa présence animait sespensées, ses sentiments ; il était la douce lumière qui éclairait toute sa vieintérieure ! Il allait et venait de Joseph à Marie, lui, l'amour surhumain qui faisaitbattre leurs deux cœurs. Hélas ! quand Jésus se retire, où est la vie, où estl'amour ?

Oh ! cette obscurité fait mal ; il fait nuit dans nos âmes !

Jésus ne se fait pas toujours sentir sur notre cœur si avide de le saisir, et, quandnous sommes délaissés... nous pleurons. Cherchons Jésus comme Joseph et Mariel'ont cherché ; allons au temple... où est-il ce temple où Jésus se plaît à demeurer ?Le royaume de Dieu est au dedans de vous, dit l'Evangile. Jésus appuie son sceptresur notre volonté défaillante et son amour dans notre coeur. L'intérieur del'homme... voilà le temple où Dieu veut régner, être adoré ! Ornons-le tous lesjours de parures nouvelles ; ôtons de ce temple vivant ce qui obscurcit... tout cequi intercepte les rayons d'en Haut. Rendons bien silencieuses toutes les cellules

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du coeur, pour qu'il soit attentif ce coeur à la voix de Jésus. Quand le Christ sembles'éloigner de nous, cherchons-le dans le repentir..., et les larmes... Oh ! cetteplainte... cet abaissement... l'aspiration d'un coeur qui a soif de le rencontrerl'attirent... il vient à nous... Alors, avec Joseph et Marie, nous nous écrions :« J'avais perdu Jésus... maintenant... je le sens en mon âme ; le voilà, je l'airetrouvé ! »

Au milieu du bruit des passions humaines ou dans les embarras de la vie extérieure,combien perdent Jésus... ils ne peuvent pas entendre sa voix bien-aimée ; le tumulteau dedans est trop fort... dans ce temple intérieur on n'entend plus... ni les accentsd'amour ni ceux du repentir ! Ce lieu que devraient fréquenter les hautes pensées...de larges aspirations à la vie incréée, est devenu le réceptacle des désirs maladifs,des appétits terrestres ; une multiplicité d'affections mouvementées par la viedes sens, la vanité, l'amour de soi, se disputent, s'arrachent les lambeaux de cepauvre coeur en le faisant souffrir. Des ambitions déçues et toujoursrenaissantes se succèdent tour à tour : et au milieu de ces bruits étranges, deces préoccupations insensées, Jésus, sa voix..., sa grande parole ont disparu !Jésus, lui... cette victime d'amour, si pure si aimable, est là... étouffée, sanglantedans le réceptacle des passions humaines où le moi règne avec toute lapuissance d'un usurpateur...

Saint Joseph, par l'ardeur de vos prières, rendez bien silencieux notre templeintérieur ; apaisez le délire des passions terrestres, chassez les maximes dumonde, obstacles si tenaces entre notre âme et Dieu, faites luire, je vous en prie,dans nos sombres cellules, les rayons d'en Haut et qu'ils nous aident à découvrirJésus-Enfant, endormi dans nos cœurs. Réveillez-le soudain, ô Joseph ! et qu'ildevienne le moteur toujours vivant, toujours agissant de nos actes, de nos amours !

Ainsi soit-il.

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XXVIIIe MÉDITATION

Le froment, l’huile et le vin.

Ces trois fruits sont recommandés dans l'Ecriture ; le froment, c'est la foi, le soutiende l'âme ; l'huile... l'emblème de l’espérance, cette espérance surhumaine qui adoucitles peines par la promesse des joies infinies ; le vin... c'est la charité, la plus parfaitedes vertus, puisqu'elle ne meurt jamais, et s'accroit au-delà de la tombe.

Que d'emblèmes et de vraie vie on découvre dans le froment ! Après la consécra-tion, ce pain transformé devient... Jésus notre nourriture spirituelle ; il est le pain quirend l'âme vigoureuse et réfléchissante. Le pain... qu'est-ce encore que le pain ?c'est aussi la souffrance ; elle perfectionne le coeur, l'alimente, le fait grandir. Sous

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les incisions répétées de la douleur, nous devons aspirer à Jésus, qui est le pain del'âme... et quand ce même pain se présente à nous sous la forme d'un mal physiqueou moral, c'est toujours Lui, c'est Jésus... c'est du moins une partie de lui-même(sa volonté) qui est cachée là-dedans... adorons... ne le rejetons pas... c'est Jésus !ne le repoussons jamais, quand il se fait sentir, même pour briser notre coeur ! —De ce déchirement, de cette plaie douloureuse, ne sort-il pas un fleuve de vie quirégénère et notre âme, et l'humanité tout entière ? Il y a solidarité entre tous lesmembres de l'Eglise catholique dans leur union avec Jésus immolé sur la croix.Jésus est la vigne, nous sommes les branches ; ou bien encore, nous sommestous les pierres vivantes du vaste édifice spirituel.

L'huile... c'est l'espérance. Celui qui doute du secours de Dieu tremble àl'heure de la tentation ; il n'ose livrer le combat. S'il n'espère pas en la victoire,il est vaincu.

Quand la mort nous enlève une sœur bien-aimée, comment se consoler de saperte si l'on n'avait l'espoir de la revoir, de revivre avec elle dans les splendeursde l'Éternité.

Et le vin... qu'est-ce donc que le vin ? C'est l'amour, le transport, la force !c'est ce qui donne du mouvement aux aspirations engourdies... en un mot ; c'estle Christ voilé sous les saintes espèces ; c'est l'amour qu'on respire en lui ; c'estce qui s'agrandit et s'exalte sans jamais mourir ! Eh bien ! ce froment, cette huile, cevin qui surexcite et nous fait vivre, existaient dans le grand coeur de Joseph et n'ensortaient jamais !

Dans nos afflictions, songeons à ces trois fruits de l'Écriture, et demandons-les à Dieupar l'intercession du saint patriarche.

Saint Joseph, je comprends le froment, la nourriture de je l'âme… je l’aime à l'heuredu repas eucharistique, je m'en alimente avec émotion ; mais quand Dieu meprésente le pain de l'amertume, je l'accepte en silence, mais non sans pleurer. Jevoudrais un pain d'un goût moins amer... cependant je m'habitue à le saisir, et je distout bas... « Seigneur... n'écoutez pas les soulèvements de ma lâche nature, donnez,donnez toujours. »

-L'huile... c'est l'espérance. Hélas ! cette huile ne s'imbibe pas assez dans moncoeur désolé. Si je suis triste, je vais chercher le pain de vie à la table sainte, j'enamasse le plus que je peux au dedans de moi ; je m'attache à l'Eucharistie, sentieou non sentie ; je m'absorbe dans le présent ; je saisis la certitude et je ne mepréoccupe pas du bonheur qui nous attend au Ciel. La vertu n'aurait pour touterécompense qu'une communion même faite dans les ténèbres de la pure foi, sansconsolations spirituelles... ne serait-ce pas suffisant ? Jésus voilé ou non senti esttoujours Jésus ! C'est la même vie... c'est ce que le monde et ses capricieusesaffections ne peuvent m'enlever. Voilà le germe de la vie éternelle ! Cependant, dansles grandes désolations, à l'heure où Jésus travaille avec un zèle infatigable àarracher, détruire tout ce qui vit d'une vie trop intense en nous, cherchons sur les

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ailes de l'espérance, à entrevoir un peu les joies promises, dans l'avenir d'outre-tombe, à ces âmes militantes, qui ont pleuré, souffert et combattu pour le Seigneur ;cette espérance... huile parfumée... adoucira les amertumes, les angoisses ducoeur.

O saint Joseph... comme vous, j'aime à m'exalter avec ce vin qui fait les vierges ;cet amour incréé renforce l'âme, la fait grandir. Mais, hélas ! que de fois, accabléepar la lourdeur de ma tristesse, ai-je vainement cherché ce vin qui active lesbattements de notre coeur ! L'amour divin ne le réchauffait plus, je cherchais àtâtons... au milieu des ténèbres de ma pensée désolée, la coupe des délicesinfinies... la Divinité absente ; et mes lèvres ne rencontraient, hélas ! qu'un froidcalice... je le vois encore aujourd'hui ce calice, qui, tantôt s'éloigne et tantôts'approche ; il me glace... il m'effraie... Seigneur, délivrez-moi de cette heure...

Saint Joseph, obtenez-moi de Dieu le pain, le vin qui réconfortent et cettehuile parfumée qui, lorsqu'elle tombe du coeur de Marie sur notre âmeattristée, lui fait entrevoir et saisir un peu des joies toujours croissantes del'éternité.

Ainsi soit-il.

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XXIXe MÉDITATION

La mort de saint Joseph

Que se passa-t-il dans l'âme de Marie, au moment où Joseph allait mourir ?Une lutte, un déchirement, une grande souffrance. Les épreuves devaient bientôtse succéder dans son pauvre coeur ; et le vénérable protecteur de l'humbleVierge ne sera pas là pour la consoler. Elle n'entendra plus cette voix si sainte,si aimante, qui était pour elle une harmonie ineffable descendue du firmament !Et Marie était pleurante près du lit du bon patriarche, son âme émue était prêteà briser son enveloppe mortelle pour suivre Joseph dans les Cieux... mais unamour plus grand encore, un amour supérieur à tous les amours les plus profondsde ce monde et du monde invisible, la retenait vivante sur la terre, le Verbe faitchair ! Sa volonté confondue dans la sienne lui disait de vivre ; vivre encore poursouffrir avec lui, unir son sacrifice à son héroïsme surhumain... et par des im-molations répétées, par la prière et les larmes, travailler avec lui à la régénérationspirituelle de l'humanité.

Joseph, dont l’âme vivait dans celle de Marie, ressentait sa mélancolie ; l'heurede la douloureuse séparation approchait, mais sa paix intérieure ne lui fut pasenlevée ; l'amour divin le consumait. Le Christ soulevait bien haut cette âme toutebrûlante d'amour... il stimulait ses aspirations à la joie éternelle, il travaillait aveclui et en lui à transfigurer cette intelligence d'élite ; transformation opérée parla souffrance et l'amour. Joseph sentait l'action mystérieuse de Jésus ; cesouffle divin, en s'unissant à son souffle oppressé, dégageait son âme de saforme humaine ; et cette âme peu à peu s'angélisait. Bientôt un cri de joieretentit dans les cieux ; le coeur spiritualisé du saint patriarche s'échappa

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doucement de son enveloppe terrestre, et sans quitter, ni la pensée de Marie,ni l'amour du Verbe fait chair, il s'éternisa dans sa gloire, dans son génie, aumilieu des anges, dans la Jérusalem céleste 1.

Quand la maladie accable nos pauvres membres amaigris, imitons Joseph,ranimons notre courage, notre amour, nos aspirations dans le coeur de Jésus ; ettravaillons avec lui à la transformation de notre âme ; en souffrant et en aimant.

Oh ! sentir la vie physique s'éteindre... pendant que le coeur est en communionavec Jésus, peut-on appeler cela une mort ? c'est la vie de l'âme, la vraie vie !Qu'importe le dépérissement de la matière, puisque l'âme, vivifiée par l'Eucharistie,accroît en puissance, en grandeur, en amour !

Grand saint, faites que nous soyons dans ces sentiments d'amour à l'heure de lamort ; mais, pour atteindre cette disposition intérieure, nous devons nous exciter àune contrition de plus en plus profonde : pratiquer les vertus dont vous nous avezdonné l'exemple ; avoir un tendre attachement pour Marie et un amour pour Dieutoujours croissant ; et c'est par là que nous ferons une sainte mort. Ainsi soit-il.

1 On pardonnera cette fiction à l'auteur : Joseph n'entra au ciel qu'après l'accomplissementdu mystère de la rédemption.

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XXXe MEDITATION.

Confiance en Saint Joseph à l’heure de la mort

Quand la maladie vient nous saisir, notre âme sent plus douloureusement encore quede coutume sa captivité ; le corps souffrant serre, comprime les élans de l'esprit et ducoeur ; la volonté perd son énergie : ou ne sait ni aimer, ni prier, ni combattre, — il fautalors que notre prière, inanimée, imparfaite, s'unisse à une âme ardente qui la portevers le Seigneur. Jetons donc à la fois nos souffrances et nos aspirations engourdies etnos accents décolorés dans le coeur de saint Joseph ; il s'unira à notre plainte, à notrelutte intérieure ; il peut, par ses ferventes sollicitations ; ou diminuer notresouffrance physique ou nous obtenir un peu de ce courage surnaturel qui, àl'heure de la mort, l'élevait plus haut que la nature humaine.

Devons-nous attendre que les infirmités de la vieillesse, ou une maladie graveviennent nous surprendre pour nous préparer à la mort ? Non, non ; il faut pourcette préparation avoir toute sa lucidité d'esprit, sa force de jugement et la pleineénergie de son âme pour se préparer à paraître devant Dieu. Une heure deréflexion, trois jours, un mois même sont insuffisants. Ce n'est pas trop de touteune vie pour déraciner nos défauts et faire croître les vertus contraires. Il faut

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couper, retrancher, abattre tout ce qui est opposé en nous à la nature de l'ange :cette nature toute spirituelle que nous devons avoir de l'autre côté de la tombe.Travaillons à chaque minute de notre existence à cette transformation ; nelaissons pas au temps le mérite d'amortir l'ardeur des passions. Ayons l'énergiede nous séparer du monde, de ses folles attractions, de ses joies mensongèresavant que ce monde lui-même nous abandonne ; frappons à coups redoublés surla vanité, les illusions, l'amour du luxe ; amortissons peu à peu le moi et ses désirsrenaissants ; sacrifions, sacrifions à Dieu et à l’humanité ; c'est en multipliant lesimmolations, les morts spirituelles, que nous nous préparons à mourir.

Quant aux affections libres de vanité, dégagées de la vie des sens ;sentiments profonds et énergiques qu'anime intérieurement la grande voix deDieu, ils doivent rester debout.

Pour se préparer à la mort faut-il seulement détruire ? Non ; la destructionmorale ne suffit pas. Quand on a sapé un défaut, on doit activer en soi la vertucontraire. Il y a aussi des passions, des inclinations naturelles que l'on ne peut pasanéantir. Le grand point, c'est de leur donner une bonne direction. Que ferons-nousde la détestation, la haine, si elle existe en notre coeur ? Ne la dirigeons jamais versnotre frère ; portons-la vers le mal qui vit en nous. Détestons le péché que nousavons adoré ; lançons notre haine contre l'orgueil, la jalousie ; baissons lesaffections qui n'ont pour mobiles, ni Dieu, ni une attraction intellectuelle ; mais lavie sensitive ; ce qui passe comme les fleurs... les hirondelles... ce qui s'éteintsous le poids des années et sous le rire de Satan.

L'amour, ce feu mystérieux de l'âme, doit-il être comprimé ? Ah ! gardons-nousbien de l'affaiblir... c'est l'amour qui doit régner sur notre âme ; l'assouplir,l'entraîner, la gouverner tour à tour. L'amour est le principe vital de l'âme ; il estsa foi, sa lumière, sa vie ! c'est lui qui succède au dépérissement du corps, àl'affaiblissement des organes... Ni la vieillesse, ni la maladie, ni la mort ne peuventl'abattre ou le briser ; c'est cette puissance interne qui s'accroît, se vivifie à chaquerespiration de notre être humain dans l'âme illimitée d'où il tire sa vie ! Dirigeonsnotre amour en haut... que son mouvement soit libre, rapide, ascensionnel.Aimons Dieu de toute notre ardeur ; et ne regardons jamais qu'en Lui une âmehumaine ; ne la séparons pas du moteur des vraie amours, le Verbe fait chair !et puis... quand nous aimons... soulevons, entraînons cette âme avec ses désirset les nôtres, là... bien loin de ce monde terrestre, dans les mystères duChristianisme ; c'est dans l'ordre surnaturel que se vivifient et s'agrandissent lesprofondes affections.

Quelle que soit la divergence des idées ou des caractères, les âmes peuventse rencontrer dans le Christ, si toutes travaillent en ce monde à atteindre lemême but : saisir les idées, les amours de Jésus-Christ et les reproduire ensoi. Si l'on marche dans la vie, avec cette même tendance, ce même désir, cesmêmes efforts répétés, bientôt il y aura harmonie entre tous les esprits et tousles cœurs. Pourquoi les générations ne tendent-elles pas de tout leur souffle à

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atteindre la dimension du Christ ? Remarquez... je ne dis pas l'atteindre... c'estimpossible ; mais tendre sans cesse à ce but. Dans cette même lutte, dans lesmêmes souffrances si souvent reproduites en chaque âme humaine ; dans cesimmolations de ses propres idées pour prendre celles de Jésus-Christ, seraviveraient l'entente et l'amour fraternels ; l'âme reprendrait sa supériorité surle corps ; le monde serait bientôt régénéré par l'effort humain qu'anime l'actionmystérieuse de la grâce. C'est alors que nous nous préparerions tous à faire unesainte mort !

L'imagination doit-elle être réprimée ? Non, pas plus que l'amour. C'est unefaculté libre ! mais ne la laissons pas errer sans boussole, dans le vague despassions ou au milieu de la diversité des philosophies anciennes ougermaniques ; ne lui permettons pas de s'embraser dans la vie des sens, nide poétiser les affections illicites ; ne la séparons jamais de ses deux sœurs,la raison et la foi religieuse ; avec elles, elle peut naviguer librement sur tousles océans de la vie intérieure. — La foi tire sa vie d'en Haut... qu'elle entraînel'imagination dans les mystères du firmament ! Là, s'échauffant au contactdes anges, elle aidera notre coeur à reconnaitre Jésus caché sous les espèceseucharistiques. L'imagination, dans son vol de feu, nous apprend à souleverle voile des réalités éternelles. Nous sert-elle seulement à agrandir nospensées, à nous faire découvrir les symboles cachés dans la nature visible ; àsaisir plus profondément cette vie mystérieuse que Jésus-Christ insinue dansune fleur, dans le vol rapide de l'oiseau, dans une étoile qui file... enfin danstout ce qui pleure, chante et respire dans la création ? Ah ! l'imaginationséparée de l'esprit de foi est là aussi pour nous faire souffrir ; fébrile, toujoursremuante, elle fausse ou exagère nos jugements, soulève des orages dans leciel de notre âme, exalte nos enthousiasmes trop humains ; ou bien, se mêlantau souffle délétère de l'ange rebelle, elle crée en l'homme des amourséphémères qui supplicient son pauvre coeur. Si l’imagination se sépare de laraison et de la foi, sa sœur, elle est donc gravement à redouter, et quand elle abien créé et agité les illusions, tous ces rêves dominateurs, c'est encore elle qui,après leur départ, met du trouble, des ténèbres dans notre vie intérieure. Apai-sons... calmons... et dans la paix de l'âme, voyons ce qu'il y a à détruire, àdévelopper, et aussi à diriger en nous, afin de nous préparer sérieusement àquitter ce monde pour paraître devant Jésus-Christ juge ! Ah ! demandons lalumière, la force de l'Esprit Saint pour marcher de sacrifices en sacrifices ;sollicitons la grâce de surnaturaliser nos souffrances physiques ou moralescomme Joseph et Marie sanctifiaient les leurs ; et qu'un jour, notre dernier soupirs'exhale comme celui du saint patriarche dans l'âme de Jésus et dans l'âmeimmaculée de Marie : c'est là mon vœu le plus ardent.

Priez, ô Joseph, priez, ô Marie, pour que je fasse une bonne mort, etobtenez-moi encore une grâce que je sollicite arec ardeur : c'est que tous ceuxque j'aime, à l'heure de leur mort, sentent vivre là... tout au fond de leurscœurs, Jésus-Christ voilé sous la forme eucharistique... qu'ils aspirent à cette

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vie incréée ; qu'ils se l'incorporent et la saisissent avec amour. Faites, ô grandSaint, que tous ces esprits qui maintenant sont divisés par la divergence desidées, des attractions et des croyances, se rencontrent tous, tandis qu'ilsvivent sur la terre, dans le Christ ; qu'ils y respirent la douleur et l'amour ;afin qu'après la mort, toutes les âmes s'unissent, se confondent dans leséternelles harmonies, au centre de ces joies intenses que l'on découvre dansl'immensité de Dieu !

Ainsi soit-il.

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XXXIe MÉDITATION

Union de Joseph dans le ciel avec l’Église militante et l’Églisesouffrante

Joseph est en union avec les âmes militantes, celles qui font la guerre à leurspassions anciennes ou naissantes ; il les encourage tout bas dans la lutte ; il prie, ilcombat avec elles. Oh ! dès qu'il aperçoit un Hérode, un de ces persécuteurs occultesqui -s'insinuent dans une âme pour la faire mourir, il crie vers le 'Très-Haut ; par sesinspirations, ses ardentes prières, il abrite cette pauvre âme et voudrait l'entraînerloin du persécuteur. Si Joseph aime les combattants, tous les cœurs pénitents,combien aussi il s'attache aux cœurs purs ; à ceux qui ressemblent à Jésusenfant ; il les caresse intérieurement comme il caressait Jésus ; il lesenveloppe de sa prière ardente- pour protéger sous l'ombre de sa tendressecette pureté qu'il admire ; il les embrase du saint amour ; voilà l'armure béniequi les protège des fureurs d'Hérode…

Joseph est aussi avec l’Église souffrante…

O grand saint ! inspirez-moi... ma main tremble... mon tueur est ému... jepense à l'Église souffrante... à ces pauvres âmes plaintives qui gémissent loindu Seigneur. Conduisez-moi, Joseph, vers elles... ; dans ce lieu d'expiation ;je veux écouter leur mélancolie : Ah ! laissez-moi pleurer.

Mes yeux se ferment... les ténèbres m'enveloppent... je regardementalement... nulle lumière ne luit... j'entends des plaintes... desrespirations douloureuses... des soupirs entrecoupés... un gémissement.Toute passion est éteinte dans ces pauvres âmes. Le monde, ses amoursinsensés, ses joies ne tirent plus à lui ces cœurs dépossédés. La terre, ce

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champ de bataille, est bien loin ; la lutte a cessé ; la faculté d'aimer n'est pasmorte, elle est dans un état de compression, de souffrance ; le coeur souffrede ne pas saisir ce qu'il aime, de ne pouvoir atteindre Dieu ! là, le vice... latentation... la vertu sont sans vie ; l'âme ne peut choisir entre le bien et lemal ; le libre arbitre n'existe plus ; l'état de ces êtres est passif, leur volontétoujours vivante est endormie ou assouplie sous celle de Dieu ; nul désespoirn'éclate, nul sanglot n'est entendu ; un souffle lentement se soulève et s'exhalevers le Seigneur.

C'est une plainte, un gémissement profond auquel se mêle la tendresse de laVierge Marie qui les porte vers Dieu. Dans ce monde d'expiation, if y a unrestlessness 2 du coeur qui ne se calme jamais ; une flamme lente, toujoursvivante, dévore, peu à peu, les empreintes tenaces d'un péché rivé par Satan ;l'absolution efface le crime... mais elle ne peut nous dispenser de l'expiation.L'âme revêtue d'une blancheur éclatante pour la terre, n'est pas pure assez pourle Ciel ; et les soupirs et les prières se succèdent tour i tour dans ces pauvresâmes exilées.

Nous avons soigné pendant de longs mois peut-être un malade qui nous étaitbien cher. Le mal s'aggravait toujours... la mort peu_ à peu s'emparait de cetteforme humaine, et hélas ! sous sa froide et dernière étreinte, s'est exhalé ledernier soupir ! Ces soins affectueux, ce zèle que rien ne pouvait ralentir,laissons-les vivre encore, nous pouvons être utile à celui que nous pleurons ;prions, souffrons pour lui en union avec notre bien-aimé Sauveur.

En quittant cette terre où le chrétien a souffert, combattu et pleuré, peut-êtren'a-t-il pas encore atteint le Ciel si ardemment désiré ! 11 faut que l'âme soitsaisie par un feu consumant... qui lentement dévore l'empreinte encoreexistante d'un péché dominateur. L'expiation, voilà la grande loi de la justicedivine ! Un Dieu saint, sublime, infini dans sa pureté, ne peut laisser pénétrerparmi ses élus la moindre trace de péché. L'âme, après avoir quitté ce monde,doit être purifiée par le feu, la souffrance, les prières, les larmes : c'est par làqu'elle sera transformée en ange...

Si nous regardions au dedans de nous, dans ce coin mystérieux du coeur oùvivent les passions humaines, les défauts, l'amour de sol, les obstacles à lavie... ; si nous observions bien la prédomination de la vie naturelle sur 'la viesurnaturelle... qui de nous pourrait espérer qu'à l'heure de la mort, ce coeur siimparfait serait tout à coup revêtu de la nature angélique, de cette beautétransparente qui enveloppe les âmes des élus ? La prière, la souffrance uniesaux mérites de Jésus-Christ opèrent cette transformation. Nul n'entre dans leroyaume de Dieu s'il n'a été purifié par un baptême douloureux ; nul n'est exemptd'expiation.

2 État d'un coeur sans repos.

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Permettez-moi, mon Dieu, de donner encore mes soins affectueux et zélés àceux que j'ai aimés sur la terre, s'ils ne sont pas encore enveloppés dans la joieéternelle... laissez-moi les secourir, les soulager. Oh ! si je pouvais traverserl'espace, passer une nuit près d'eux dans le monde de l'expiation ; m'unir à leursplaintes... à leur prière, à ces aspirations vers le Ciel !... mais ; il n'y a pas dedistance pour les cœurs aimants... Seigneur, j'unis mes incessantes prières à leursvoix plaintives, à celles de Marie et de Joseph. Par mes immolations, mes larmesoffertes en union avec les vôtres, ô Jésus ! je travaillerai à leur délivrance, et toutindigne que je suis d'être exaucée, vous entendrez ma voix, et bientôt cespauvres âmes, que la flamme dévore, entreront libres et radieuses dans les joieséternelles du firmament !

Ainsi soit -il.

Âmes plaintives, je pleure, je gémis avec vous. Christ, exaucez-nous.

Âmes souffrantes, je souffre avec vous. Christ, exaucez-nous.

Âmes qui aspirez à la joie éternelle, j'unis mes ardentes aspirations auxvôtres. Christ, exaucez-nous.

Saint Joseph, Saints et Saintes du Ciel et vous, Vierge Marie, par l'ardeur devos prières, entraînez ces pauvres âmes loin du lieu d'expiation, vers les joiestoujours croissantes de la Jérusalem céleste. Saint Joseph, priez pour elles...écoutez nos plaintes !

La justice de Dieu doit être satisfaite... Que l'expiation tombe sur moi et nonsur elles. Seigneur, faites-moi souffrir... et dissipez les ombres qui leur voilentl'éternelle lumière. Délivrez-nous, Joseph, par vos prières unies à nos plaintes etaux mérites de Jésus-Christ.

Ainsi soit-il.

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Un rêve dans le cielJoseph… l’Église triomphante

Son âme de feu est au ciel, tout près de la Vierge Marie... Qui peut décrire sajoie surhumaine, sa beauté, sa grandeur ? Ah ! si nous sommes déjà émus encontemplant intérieurement Joseph vivant sur la terre... que dire... que rêveralors que l'œil de notre âme cherche à le saisir au milieu des mystères dufirmament ? Une auréole de sainteté environne tout son être qui respire la séré-nité et l'amour ! les intelligences d'en Haut sont tremblantes d'émotion ets'inclinent à son approche. Qu'est-ce qui s'échappe du coeur du fiancé de Marie ?De grands fleuves de vie... ils débordent... ils inondent l'âme de la Vierge sainte,celles des saints anges... et se précipitent vers Dieu... l'harmonie de Cécile, lasainte, se mêle à cette poésie tour à tour ardente et mystérieuse, puis... le si-lence... — Un long frémissement parcourt l'espace une lumière soudaineréchauffe, excite, vivifie les cœurs des élus ; tous s'échangent leur mutuelleflamme qu'ils dirigent d'un mouvement tantôt lent, tantôt rapide, vers leSeigneur. Là-Haut, tout est fluide, attraction, éternelle sympathie ; et tout semeut et s'embrase dans la Divinité ! Chaque lumière, chaque rayon au Ciel està la fois âme et musique ; et sous la divine influence, les élus s'animent, aimentet grandissent ; ils prennent une forme transparente ; et tout vient de Jésus ettout retourne à Lui. — Il y a accord entre l'Eglise triomphante, l'Eglise militante et

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l'Eglise souffrante. Les saints du Ciel s'élancent dans l'âme illimitée du Christ ; là...ils saisissent des rayons d'amour, dont ils alimentent leur coeur aimant ; plus ilstirent d'amour de ce foyer toujours brûlant, plus s'accroissent et leur faim et leurextase ; rassasiement, excitation de désirs, tout se trouve à la fois dans l'Etre divin.Les âmes des élus s'enveloppent d'une surabondance de joie dont la variété etl'accroissement sont infinis ; c'est là qu'elles respirent les parfums d'un printempséternel. — Le mouvement de leurs prières, ces accents si pleins de vie, fontdescendre parfois jusqu'à nous ces rayons d'amour, ce feu qui les embrase ; maisce rayon, cette flamme, cet amour divin, qui est la joie des élus, ne peut entrerdans l'âme humaine que par le crucifiement intérieur, la déception, lasouffrance ; nul, en ce monde, ne peut comprendre, saisir l'amour divin, lemettre en soi, en faire sa vie, s'il n'a reçu des incisions douloureuses, ou dansla vie morale du coeur ou dans les sens ; et les saints qui nous aiment,continueront jusqu'à la fin du monde à attirer sur nous, par leurs prières, toutce qui fait pleurer, tout ce qui brise nos passions, nos désirs, nos rêves trophumains ; c'est ainsi que nous arriverons, par le détachement du créé et par lalutte, à cette transformation à laquelle ils sont parvenus ; cette joie quidésaltère ; au bonheur éternel ! Joseph écoute le chant des élus ; il chanteaussi, le fiancé de Marie… mais au milieu de l'ineffable mélodie qui enveloppe toutson être virginal, il écoute... c'est la plainte lente et prolongée de l'Eglise souffrante,ses gémissements et ses pleurs. Il s'unit à ce souffle douloureux... aux accents deces âmes plaintives et son coeur ému les porte sur l'aile d'une prière embraséevers le Seigneur ! « Pitié, pitié, mon Dieu ! elles aspirent à la lumière... mettez-lesdans la joie éternelle ! »

Il entend aussi les cris déchirants des vaincus dans l'Eglise militante ; leurprière non formée, prière qui n'est encore qu'à l'état de germe, arrive jusqu'à lui ;il la saisit, cette plainte, qu'on oublie de lui adresser, la présente au divin Sauveur,Hélas, ces pauvres pécheurs, au milieu de la grande rafale... sont là étendus contreterre, presque morts de faim... c'est que… ils ont oublié de manger de ce pain quivivifie et réveille en notre esprit défaillant les héroïsmes éteints ; mais sans cetaliment divin... sans ce cri triomphal du Christ vivant dans notre coeur, oùtrouverons-nous ces élans, ces aspirations sublimes, ces impulsions répétées etsoudaines qui réveillent en nous la liberté et l'amour ! Ah ! sans la foi, sansl'Eucharistie, nous sommes brisés par la tempête... nous pleurons la libertémorale absente, nous attendons là... étendus dans l'arène, que luise pour nousune nouvelle aurore qui nous rende ce que nous gémissons de ne pouvoirressaisir. A cette vue affligeante, Joseph prend sa voix suppliante, tantôt pourprier le pécheur de revenir à Dieu, et tantôt, il supplie le Christ adorable derépandre sur lui grâces sur grâces pour le sauver ! C'est ainsi qu'animé d'unedouble prière, sa voix sollicite à la fois et l’âme humaine et Dieu !

Entre tous les élus, il y a un échange de tout ce qu'il y a d'émouvant ; detendre, d'aimant dans leurs cœurs : c'est la transmission du sublime et del'amour ; un échange de grandeur et de vie !

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Tout ce qui est intellectuel en ce monde terrestre où nous vivons, est invisible...cela ne tombe pas sous nos sens. Au ciel, tout est palpable. L'œil surnaturalisé,saisit la musique, la couleur du son...de l'harmonie. Les teintes multiples et sonoresdes affections ; les nuances délicates, pleines de mystères d'un sentiment ou bienles transitions spontanées ; la véhémence, la tendresse... tout cela, dans le ciel, aune vie intérieure, visible au regard étonné des élus et tombe... se fait saisircomme une sensation sur les cœurs spiritualisés, et leur cause d'indiciblesjouissances. L'amour, cet être visible, insaisissable qui vit en nous, et nous entraînetantôt vers Dieu, tantôt vers l'âme humaine, dans le Paradis est palpable, toujoursvivant puisqu'il est la Divinité, et tout vient de Dieu et tout retourne à Lui.

La pensée de Joseph m'a entraînée au Ciel… Hélas ! qu'elle est faible madescription et pourtant ce rêve dans lequel je me suis transportée me donne le désirde mourir. Oh ! je voudrais m'en aller où vous êtes, Seigneur, me fondre, m'écoulertoute en vous, comme la petite goutte d'eau qui se perd, s'abîme dans lesprofondeurs de l'océan, et là, dans l'immensité de votre être, chercher... sentir...revoir tous ceux que j'ai aimés sur la terre où je suis encore exilée. Seigneur, jepleure ma patrie absente... des aspirations inconnues se remuent en mon coeurinsatiable ; je voudrais sortir de cette enveloppe terrestre, m'échapper de touteâme humaine qui comprime mon vol audacieux... Il me faut l'infini... sesattractions toujours neuves, toujours puissantes, l'amour qui se prolonge ets'active dans l'éternité !

Saint Joseph, priez pour moi... priez pour les âmes plaintives qui pleurent loindu Seigneur, priez pour ceux qui aspirent de tout leur souffle à l'éternel bonheur !

Ainsi soit-il.