l de la restaurat les bases de la restauration ion ... · mchich derak, hceflcd (maroc) david...

34
Les bases de la restauration écologique des steppes d´alfa

Upload: others

Post on 06-Aug-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

Les bases de la restaurationécologique des steppes d´alfa

Les bases d

e la restauration éco

log

ique d

es stepp

es d´alfa

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN C / Marie Curie 22 29590 Campanillas, Malaga, Espagne. Tél. : +34 952 028430 - Fax : +34 952 028145 www.iucn.org/publicationswww.uicn.org/mediterranee

Le Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN est soutenu par:

Page 2: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

Les bases de la restaurationécologique des steppes d’alfa

I

Page 3: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

II

Page 4: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

Les bases de la restaurationécologique des steppes d’alfaJordi Cortina, Jabier Ruiz-Mirazo, Beatriz Amat, Fateh Amghar, Susana Bautista, Esteban Chirino, Mchich Derak, David Fuentes, Fernando T. Maestre, Alejandro Valdecantos, Alberto Vilagrosa.

III

Page 5: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

IV

La terminologie géographique employée dans cet ouvrage, de même que sa présentation, ne sont en aucune manière l’expression d’une opinionquelconque de la part de l’UICN ou de l’AECID sur le statut juridique ou l’autorité de quelque pays, territoire ou région que ce soit, ou sur la délimitationde ses frontières.

Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles de l’UICN ou de l’AECID.

Le présent ouvrage a pu être publié grâce à un soutien financier de Agence Espagnole de Coopération Internationale pour le Développement (AECID).

Publié par : UICN, Gland, Suisse et Malaga, Espagne

Droits d’auteur : © 2012 Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources.

La reproduction de cette publication à des fins non commerciales, notamment éducatives, est permise sans autorisationécrite préalable du détenteur des droits d’auteur à condition que la source soit dûment citée.

La reproduction de cette publication à des fins commerciales, notamment en vue de la vente, est interdite sans autorisationécrite préalable du détenteur des droits d’auteur.

Citation : Cortina J, Ruiz-Mirazo J, Amat B, Amghar F, Bautista S, Chirino E, Derak M, Fuentes D, Maestre FT, Valdecantos A, Vilagrosa A (2012). Les bases de la restauration écologique des steppes d’alfa. UICN, Gland, Suisse et Malaga, Espagne. VI + 26 p.

Auteurs : Jordi Cortina Segarra, Université d'Alicante (Espagne)Jabier Ruiz Mirazo, Commission de la Gestion des Écosystèmes de l'UICN (Espagne) Beatriz Amat Martínez, Université d'Alicante (Espagne) Fateh Amghar, Université de Boumerdes (Algérie) Susana Bautista Aguilar, Université d'Alicante (Espagne) Esteban Chirino Miranda, Fondation CEAM (Espagne) Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan Carlos (Espagne) Alejandro Valdecantos Dema, Fondation CEAM (Espagne) Alberto Vilagrosa Carmona, Fondation CEAM (Espagne)

Collaborateurs : Beatriz Amat et Karen Disante

ISBN : 978-2-8317-1567-4

Mise en page : Simetrica S.L.

Produit par : Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

Gestion du produit : Sonsoles San Román

Traduction : Mchich Derak

Révision : Alexa Dubreuil-Storer (IDFP Services de Traduction)

Imprimé par : Solprint (Mijas), Málaga

Disponible auprès du : Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICNC/ Marie Curie 22, 29590 Campanillas, Málaga, Espagnewww.iucn.org/mediterranean

Cet ouvrage est imprimé sur papier écologique sans chlore

REMERCIEMENTS

Le travail de recherche figurant dans cet ouvrage a été financé par les projets UNCROACH (MICINN, CGL2011-30581-C02-01), SEMER (AECIAP/040315/11), SURVIVE (MINECO, CGL2011-30531-C02-02), PRACTICE (EU GA Nº 226818), FUNDIVFOR (Fondation Biodiversité), BIOCOM(FTM, financé par CE 7th FP, FP7 ⁄2007-2013), ERC (FTM ; Grant Agreement nº 242658), LORAIN (AGL2008-05532-C02-02), CASCADE (EU,GA 283068), CREOAK (EU, QLRT-2001-01594), INNOVA (GVPRE/2008/085) et ESTRES (063/SGTB/2007/7.1). La Fondation CEAM estfinancée par la Generalitat Valenciana ainsi que les projets GRACCIE (Consolider-Ingenio 2010 ; CSD2007-00067) et FEEDBACKS (Prometeo-Generalitat Valenciana, CGL2011-30515-C02-01).

Photos de couverture:1.- Borne délimitant une nappe alfatière mise en défens à Stitten, Algérie. © Jabier Ruiz2.- Natte traditionnelle à base d’alfa, fabriquée à la main à Ouassaia, Tunisie. © Jabier Ruiz3.- Plants issus de semences d’alfa dans la pépinière de Guardamar, Espagne. © Román Trubat.4.- Touffe d'alfa bien développée sur un sol avec des apports de sable à Djelfa, Algérie. © Jabier Ruiz5.- Ballots d'alfa et de sisal utilisés dans la préparation de plâtre de construction à Cabra del Santo Cristo, Espagne. © Carla Danelutti.6.- Bandes d'alfa tressé, accrochées à l'extérieur d’une fromagerie à Parauta, Espagne. © Rogelio Jiménez.

1

2

5

6 3 4

Page 6: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

V

Cette publication s'adresse principalement aux techniciens, gestionnaires et chercheurs des steppessemi-arides de la Méditerranée occidentale dans le but de leur fournir un guide utile et pratique sur larestauration écologique de la steppe. Elle contient des informations sur les expériences et les mesuresrécentes qui permettent d'augmenter la résilience de ces socio-écosystèmes steppiques.

L’élaboration du contenu a été possible grâce à la collaboration institutionnelle du Centre deCoopération pour la Méditerrannée de l'UICN (UICN-Med), la Fondation Centre pour les ÉtudesEnvironnementales de la Méditerranée, l'Université d'Alicante et la Commission de la Gestion desÉcosystèmes de l'UICN. Elle s'est également appuyé sur la contribution des experts qui ont participéaux divers ateliers de formation tenus en Espagne et en Algérie et coordonnés par l'UICN-Med.

Cette publication est un des produits résultant des activités qui ont été menées dans le cadre du projet«Appui à la conservation et à la gestion des ressources naturelles dans les zones arides et semi-aridesen Afrique du Nord», qui bénéficie du soutien financier de l'Agence Espagnole de CoopérationInternationale pour le Développement (AECID).

Le Centre de Coopération pour la Méditerranée de l'UICN souhaite que cette publication puisse œuvreren faveur de l'adaptation de la gestion aux défis du changement climatique, l'un des principaux objectifsdu Programme Méditerranéen et de l'Afrique du Nord de l'UICN.

Prologue

Page 7: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

VI

Page 8: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

IntroductionLes steppes d’alfa occupent une grande partiedes zones arides du bassin méditerranéenoccidental. Ces communautés végétales ont étéutilisées par l’homme depuis des milliersd’années, aussi bien pour la collecte de l’alfa etl’utilisation de sa précieuse fibre, que pour lepâturage et beaucoup d’autres usages. Ainsi, cesécosystèmes ont constitué une richesse naturelletrès importante dans des zones soumises àd’énormes contraintes biophysiques, et jusqu’ànos jours, continuent de contribuer au bien-êtrede nombreuses personnes.

Toutefois, l’exploitation historique de cescommunautés a aussi érodé leur intégrité et adiminué leur capacité de fournir les biens et servicesassociés. Dans certains cas, cette détérioration estla conséquence de l’élimination de certainesespèces qui entraient en compétition avec l’alfa,reconnues désormais comme étant des élémentsclé dans le fonctionnement des steppes d’alfa. Pourleur part, les incendies et le surpâturage, enaffectant l’ensemble du couvert végétal, ontengendré une dégradation majeure de cescommunautés. Enfin, la perte du sol, jusqu’au pointde permettre l’affleurement de la roche mère ou lacouche de caliche, complique l’usage que nouspouvons faire de ces communautés à court etmoyen termes. Néanmoins, cette dégradation peutêtre réversible.

Au cours des dernières années, un énorme efforta été déployé pour comprendre les steppesd’alfa, quantifier les biens et services qu’ellesfournissent, et développer des techniques et desprotocoles permettant de rétablir leur intégrité envue de les restaurer. Comme dans le domainemédical, nous sommes capables aujourd’hui dediagnostiquer l’état de ces communautés,d’identifier les maux et de prescrire lestraitements nécessaires pour rendre aux steppes

d’alfa leur fonctionnalité écologique et leurcapacité productive.

Dans ce manuel, nous passons en revue lesconnaissances actuelles sur les steppes d’alfaet nous présentons des recommandations pourleur restauration. Dans une première partie,nous abordons les bases écologiquesnécessaires pour construire la théorie et lapratique de la restauration des steppes.Ensuite, nous décrivons les différentesapproximations écotechnologiques pour larestauration de ces communautés. Enfin, nousproposons une évaluation intégrée etparticipative des actions de restauration, enconsidérant aussi bien les critères écologiquesque les aspects socioéconomiques et culturels.La restauration écologique est une activitéhumaine et, en tant que telle, elle doit inclure lasociété tout au long du processus : depuisl’identification des problèmes et des objectifs,en passant par la conception et l’exécution desactions de restauration, et jusqu’à l’évaluationdes résultats de ces dernières.

Bien que ce travail soit basé sur un savoirscientifique objectif et rigoureux, sa principalefinalité n’est pas académique, mais devulgarisation. Nous espérons que la diffusion deces connaissances pour leur application pratiqueen actions de restauration écologique pourracontribuer à l’amélioration des conditions dessteppes et donc à la protection de la biodiversitéet au bien-être humain.

Le contexte écologiqueLes steppes dominées par l’alfa (Stipatenacissima) constituent l’un desécosystèmes les plus représentatifs deszones semi-arides du bassin méditerranéen.

1

1 Selon la Société Internationale pour la Restauration Écologique, la restauration est le processus consistant à assister lerétablissement d’écosystèmes qui ont été dégradés, endommagés ou détruits (Society for Ecological Restauration (SER)International, Groupe de travail sur la science et les politiques. 2004. Principes de la SER Internationale sur la restaurationécologique. http://www.ser.org et Tuscon : Society for Ecological Restauration International).

Page 9: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

Les steppes d’alfa se situent dans la partieoccidentale de la Méditerranée, principalement aunord de l’Afrique (Maroc, Algérie, Tunisie et Libye)où elles occupent plusieurs millions d’hectares, etdans la péninsule Ibérique, avec une superficied’environ 400 000 ha.

Les steppes d’alfa peuvent être présentes àpartir du niveau de la mer jusqu’à des altitudesde 2 000 m et dans des zones dont lesprécipitations annuelles sont comprises entre 100et 600 mm, bien qu’elles soient plus fréquenteslorsque les précipitations sont entre 200 et 400mm. Dans ces écosystèmes, la températuremoyenne annuelle oscille entre 13 et 19 °C etdurant les mois chauds de l’été, ils sont soumis àla sécheresse. Les steppes d’alfa se trouventdans de nombreux types de conditionsédaphiques. Elles se développent sur des sols

marneux, calcaires ou gypseux, et généralementsur des sols peu profonds.

Depuis plus de 4 000 ans, l’alfa est exploitépour de multiples usages comme la fabricationdes cordes pour la vannerie, les chaussures, lessacs, les matériaux de construction, les outils depression du raisin et des olives et, plusrécemment, pour l’élaboration de la pâte à papierde haute qualité (Fig. 1). Ces écosystèmes sontparvenues à un mode de gestion visant àpromouvoir l’expansion de l’alfa et la productionde fibre, par des techniques comme la coupe destouffes et l’élimination des feuilles mortes, laplantation par éclatement de souches enautomne, ou l’élimination des espèces pouvantconcurrencer l’alfa, comme les arbustes, et cepar pâturage, brûlage et dessouchage. Ces interventions ont eu un effet négatif sur la

2

Figure 1. Utilisation de l’alfa pour l’élaboration de paniers, chaussures et ruches.

© Jordi C

ortina

© Jordi C

ortina

© Jabier Ruiz

Page 10: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

composition des steppes d’alfa et sur leurfonctionnement et ont facilité l’érosion du sol.

À partir de la seconde moitié du XXe siècle, enraison de l’abandon rural, de l’introduction desfibres synthétiques et de la perte des usagestraditionnels de l’alfa, la superficie des steppesexploitables d’alfa a considérablement diminuédans la péninsule Ibérique. En Afrique du Nord,l’exploitation comme fourrage et matériaupour la pâte à papier, ainsi que latransformation en cultures, ont provoqué uneréduction de la superficie des steppes d’alfaet ont engendré leur dégradation (Fig. 2). Les usages traditionnels sont également endéclin dans cette zone.

L’alfa est une graminée pérenne rhizomateusequi forme de grandes touffes. Sa croissance estradiale et lente. Il peut parvenir à prendre laforme d’un anneau suite à la mort de la partiecentrale de la touffe. Les feuilles sontsclérophylles et après leur mort, elles restentdans la touffe durant plusieurs années. En outre,et comme mécanisme d’adaptation au stresshydrique, les feuilles s’inclinent et se replient desorte à minimiser leur exposition à la radiationsolaire et les pertes d’eau par evapo-transpiration. Ses stomates se situent à l’intérieurdes sillons des feuilles, ses parois cellulaires sontrigides et subissent des pertes de chlorophylledurant la sécheresse estivale. Cette séried’adaptations sert à affronter les conditions desécheresse typiques des milieux semi-arides.De plus, l’alfa possède des racinessuperficielles qui lui confèrent la capacité deprofiter des petites impulsions d’eau.

Cette graminée se reproduit par rhizomes et pargraines. Ces dernières se dispersent par le ventet subissent parfois la prédation des fourmis etoiseaux, bien que cela ne nuise pas à leurrecrutement. La floraison a généralement lieuentre avril et juin et la fructification de juin àjuillet, mais elles dépendent largement desconditions environnementales. Ainsi, les annéesoù les conditions environnementales sont trèsfavorables (pluies en hiver, températuresélevées au printemps, pluies en été), l’alfaconnaît une plus grande production de fleurs etgraines.

La biomasse des nappes alfatières est trèsvariable et oscille entre 0,17 et 13 tonnes dematière sèche par hectare, selon la disponibilité

de l’eau et le stade de dégradation. Lessteppes sont des formations ouvertes, avec untaux de couverture végétale comprishabituellement entre 18 et 60 % et danslesquelles l’alfa est l’espèce dominante parexcellence. Elles abritent également d’autresespèces arbustives et herbacées qui, malgréleur faible contribution à la biomasse totale,apportent une grande richesse floristique,souvent endémique de ces écosystèmes.D’autres organismes comme les oiseaux, lespetits mammifères, les invertébrés, ainsi que lesmousses, les lichens et les bactéries (formantce qu’on appelle la croûte biologique) fontégalement partie de ces écosystèmes.

Les steppes forment une mosaïque de touffesd’alfa et de certains arbustes immergés dans unematrice de sol couvert par des plantes demoindre taille et une croûte biologique, oudépourvues de tout type de végétation (Fig. 2).

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

3

Figure 2. A) Steppe d’alfa non exploitée (Espagne) oùapparaît la mosaïque formée principalement par l’alfa(Stipa tenacissima), des arbustes capables de repousseret le sol nu. B) Steppe d’alfa utilisé de manière intensive(Tunisie), avec une faible couverture végétale due ausurpâturage.

A)

B)

© Jordi C

ortina

© Beatriz Amat

Page 11: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

Cette distribution spatiale en bandes ou tachesmaximise la rétention d’eau et d’autresressources par la végétation. En effet, les plantesqui vivent dans les zones arides et semi-aridesont besoin de développer des mécanismes pourrésister à la sécheresse, et de retenir etemmagasiner l’eau apportée par les pluies rareset parfois intenses. Même avec des pentes peuraides, ces événements génèrent des flux deruissellement qui permettent à certaines zones dedisposer d’une quantité d’eau supérieure à celleattendue sous le régime de précipitations. Dansles nappes alfatières, les zones dépourvues devégétation agissent comme source de ressources(eau, propagules, nutriments et sédiments), tandisque les touffes d’alfa, les arbustes et les plantesdont le feuillage est en contact avec le sol,agissent en tant que collecteurs ou puits. Cette dynamique source-puits entraînel’appauvrissement des sols situés entre lavégétation, et l’enrichissement des aires endessous des touffes, celles-ci devenant des« îles de fertilité ».

La concentration élevée de biomasse et de litièredans la touffe d’alfa, associée à la rétention d’eauet des sédiments provenant des flux deruissellement et à l’amélioration du microclimatassurée par l’ombre, favorise la création d’unmicroenvironnement aux alentours des touffes sedistinguant nettement des sites inter-touffesavoisinants. En effet, le sol sous les touffes d’alfase caractérise par un faible compactage, uneproportion supérieure de sable, des teneurssupérieures en matière organique et en humiditéaprès la pluie, ainsi que par un nombre depropagules mycorhiziennes supérieur à celui dessites inter-touffes adjacents.

Le microenvironnement créé par les touffes d’alfaest exploité par de nombreuses espèces demousses et lichens, dont certaines ne peuventpas survivre dans les sites inter-touffes. Il a étéobservé également que les communautés deplantes annuelles possèdent des valeurs dediversité, de couverture et de biomassesupérieures aux alentours des touffes que dansles sites inter-touffes adjacents, et que denombreuses espèces arbustives et herbacéesvivent en association avec l’alfa (Fig. 3). Ces observations ont été renforcées par desexpérimentations réalisées dans les steppes dusud-est de l’Espagne, qui ont montré que lasurvie des espèces arbustives comme le

lentisque (Pistacia lentiscus) et le chêne kermès(Quercus coccifera) était plus importante quandelles étaient plantées sur la face nord des touffesd’alfa plutôt que dans les sites inter-touffes.D’autres études dans la même région ont montréque la mortalité estivale des arbustes installés deforme naturelle dans les steppes diminue auvoisinage des touffes d’alfa.

Le rôle de facilitation joué par l’alfa constituedonc une interaction écologique clé pouvantaméliorer l’introduction d’espèces arbustivesd’intérêt pendant la restauration (Fig. 3).Néanmoins, le résultat net de l’interaction entrel’alfa et les arbustes introduits dépend du niveaude stress environnemental. Dans ce sens, il nefaut pas oublier que l’alfa lui-même entre encompétition pour l’eau avec les espèces de sonentourage, et que dans des conditions de stresstrès élevé ou très bas, les améliorationsédaphiques et microclimatiques assurées parl’alfa peuvent ne pas compenser sa propreconsommation d’eau, engendrant par conséquentun effet net négatif sur les espèces avoisinantes.

La formation d’« îles de ressources » et lesinteractions entre l’alfa et les autres organismessont des processus qui opèrent à une échellefine, pratiquement au niveau d’une touffeindividuelle, et qui sont affectés en grandemesure par des attributs comme l’abondance etla taille des touffes d’alfa. La capacité dessteppes à recycler les nutriments, infiltrer l’eau deruissellement et résister à la perte du sol parérosion, est positivement liée à des attributscomme le nombre, la taille et la distancemoyenne entre des touffes consécutives d’alfa,ainsi qu’à la couverture des arbustes capables derepousser. Il convient de souligner le rôleimportant que jouent ces arbustes pour lessteppes, puisque non seulement ils multiplient larichesse spécifique et la diversité des plantes del’écosystème, mais ils sont égalementdéterminants pour augmenter sa fonctionnalité.En effet, plusieurs steppes semi-arides atteignentactuellement un certain degré d’immaturitéfonctionnelle due aux perturbations et à ladégradation dont elles ont souffert, et égalementà la longue période nécessaire pour récupérercertaines fonctions, comme celles liées aurecyclage des nutriments.

L’information sur le niveau de fonctionnalitédes steppes est d’une grande importance pourl’établissement des bases de sa restauration

4

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

Page 12: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

écologique. C’est ainsi que son utilisationpermettrait de prioriser les zones à restaurer etégalement de sélectionner l’ordre derétablissement des composantes ou fonctionsperdues de l’écosystème (Fig. 4). Dans les cas desnappes alfatières très dégradées, mais soulagéesdes pressions telles que le pâturage, larestauration pourrait être initiée par des actionsvisant à augmenter le nombre de puits deressources et à réduire la distance entre eux,chose qui peut être atteinte d’une manière simple

et économique en empilant des branches mortesdans les zones dénudées. Ceci permettrait ensuitede réduire les pertes du sol et des nutriments parérosion, et d’offrir des microenvironnementsfavorables pour la germination de différentesespèces annuelles et ligneuses.

Après la création de nouveaux puits et une foisque cette action a permis d’arrêter les processusde dégradation et de récupérer une certainefonctionnalité, la phase suivante de restaurationconsisterait à réaliser des plantations d’espèces

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

5

Figure 3. L’amélioration des conditions édaphiques et du microclimat sous les touffes d’alfa permetl’installation et la croissance de nombreuses espèces ligneuses, qu’elles soient arborées ouarbustives, comme cela est le cas sur les photos A-D. La restauration de steppes a consistétraditionnellement en des plantations d’espèces ligneuses qui n’ont pas pris en compte lemicroenvironnement créé par les touffes d’alfa (E-F). Ce processus peut être amélioré en profitantdes interactions de facilitation entre l’alfa et ces espèces; pour cela, les jeunes plants doivent êtreplantés sur la face nord des touffes d’alfa (A, D).

A) B)

C) D)

E) F)

© Fernand

o Maestre

Page 13: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

6

Figure 4. Variations de la structure et de la fonction des steppes d’alfa le long d’un gradient de dégradation.Ce graphique présente les différents stades, ainsi que les processus de dégradation (à droite de la ligne), etdes considérations sur la récupération spontanée et dirigée (à gauche de la ligne).

arbustives capables de repousser, à conditiond’avoir des précipitations suffisantes (>150-200mm/an) et de sélectionner les espèces les plusadaptées aux conditions bioclimatiques. Ces arbustes favoriseraient la récupération àmoyen et long terme des fonctions relatives aurecyclage des nutriments et faciliteraient l’arrivéede nouvelles espèces végétales et animales, quitrouveront dans les arbustes des lieux fournissantaliments et refuge. Ces plantations constituent lavoie à suivre quand la steppe d’alfa n’est pas trèsdégradée et présente certains niveaux defonctionnalité, et doivent être réalisées enappliquant des techniques qui respectent lavégétation existante et la dynamique source-puitsde ressources. De plus, les plants doivent êtreintroduits dans le microenvironnement créé parles touffes d’alfa, sauf si les conditions de stressenvironnemental sont très extrêmes.

Comme le montre la Figure 4, l’approche et lesactions de restauration des zones semi-aridesdoivent être adaptées selon les composantes

affectées de l’écosystème. De manière générale,la récupération sera plus facile si la composantebiotique est la plus altérée, et sera pluscompliquée si les ressources essentielles del’écosystème (eau et nutriments) ou leurassimilation ont subi le plus de dommages.

Technologie de restaurationMise en défens des pâturagesLa sécheresse de 1980-87 en Afrique du Nord aété le prélude à une prise de conscience del’impact humain sur les écosystèmes arides etsemi-arides (Cadre 1, Fig. 5) et la désertificationen général. Ainsi, la dégradation des milieuxsteppiques suscite depuis les dernièresdécennies des initiatives de restauration et deréhabilitation. L’élevage étant l’activitééconomique principale dans cette région, et lesurpâturage étant l’une des causes majeures de

Page 14: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

dégradation du milieu, la principale techniquede restauration appliquée dans les steppes aété la mise en défens ou le pâturage différé,qui consiste à interdire le pâturage sur unezone dégradée pendant une duréedéterminée (Fig. 6). Dans les zonesmoyennement dégradées qui ont un potentielde reprise important, la mise en défens permetà certaines espèces d’intérêt pastoral,auparavant menacées par le surpâturage, de serégénérer et de se développer. Cette techniqueprésente plusieurs avantages notamment lescoûts réduits, la simplicité de sa mise en œuvreet la protection de grandes superficies.

Au plan écologique, la mise en défens a permisla restauration de vastes zones dégradées(2 800 000 ha en Algérie), en augmentant ladiversité floristique et la disponibilité fourragère(de 30 à plus de 200 Unités Fourragères après 3années de protection). La mise en défens facilitela régénération des steppes d’alfa et d’armoiseblanche, la réapparition d’espèces de hautevaleur pastorale, et la reconstitution du stock desemences dans le sol. De plus, cette techniquepermet l’amélioration du couvert végétal(augmentation de 10 % à 30-40 %), ce qui

contribue à une meilleure protection des solscontre l’érosion et à l’amélioration de la fertilité dusol (matière organique, azote total, humidité). Lespérimètres protégés constituent aussi un meilleurmoyen pour la sauvegarde de la biodiversité parl’intermédiaire des niches écologiques et deshabitats qu’ils offrent à plusieurs espècesfaunistiques et floristiques menacées dedisparition. Cependant, la croûte structuralepouvant se développer dans la surface du sol(Fig. 7) peut connaître un accroissement dans lesmises en défens en raison de l’absence depiétinement. Cette croûte peut influernégativement sur le recrutement de nouveauxindividus, et positivement sur la concentrationd’eau dans les endroits végétés suivant ladynamique source-puits.

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

7

CADRE 1. L’état de dégradation dessteppes

La steppe algérienne, qui correspondaux zones arides et semi-arides,s’étend sur une superficie de 20millions d’hectares. Ce territoireconstitue un espace vital pour unepopulation estimée à plus de 7,2millions d’habitants dont la majoritétire ses revenus de la pratique del’élevage d’un cheptel ovin estimé àplus de 15 millions de têtes. Lasurexploitation des ressourcesnaturelles, conjuguée à l’aridité, aconduit à l’extrême dégradation devastes steppes dédiées au pâturage.Cette situation est semblable dansd’autres pays du Maghreb.

Figure 5. Steppe de Stipa tenacissima très dégradéeavec un très faible recouvrement végétal (Station Bouihi,Wilaya de Tlemcen, Algérie).

Figure 6. Aspect d’une nappe alfatière (auparavantdégradée) mise en défens depuis quatre ans (StationBouihi, Wilaya de Tlemcen, Algérie).

© Fateh Amgh

ar© Fateh Amgh

ar

Page 15: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

Au plan socioéconomique, la restauration àtravers les mises en défens permet laredynamisation de l’activité de l’élevagegrâce à l’amélioration de la rentabilité del’activité pastorale par la réduction du déficitfourrager, la fourniture aux communesdéshéritées et au Trésor Public de revenussubstantiels par la location des périmètresaménagés (ce qui constitue un premier pas versune gestion rationnelle et responsable del’espace), et la création d’emplois dans deszones marginales et dégradées, où très peud’alternatives de travail existent.

La mise en défens est toujours un instrument derégénération et de restauration de la steppe,mais l’efficacité de cette technique est d'autantplus grande que le climat est peu aride et queles sols ont une profondeur, une perméabilité etune fertilité élevées. Cette efficacité dépendaussi de la dynamique de l’écosystème enrestauration et du type d’aménagement réalisé.Malgré ses avantages, la mise en défens nepeut être globalement utile sans uneamélioration de la gestion du pâturage auxéchelles locale et régionale, ce qui nécessitesouvent une réduction de la charge animaledans les zones environnantes. Par ailleurs,lorsque la régénération désirable est obtenue, laproductivité végétale ne peut être maintenue aumême niveau qu’avec une gestion rationnelle,dont la charge animale ne doit pas dépasser lacapacité de régénération de la ressource. Lesproblèmes des mises en défens sontgénéralement en rapport avec leur durée, car lamise en défens de longue durée peut engendrerun blocage de la remontée biologique.

Culture des plantes en pépinièreLes zones semi-arides présentent des conditionsnaturelles très défavorables pour la régénérationnaturelle et l’installation des plantes introduites.Cela est dû principalement à la rareté de l’eau età la basse fertilité des sols. Ces facteurs sontégalement responsables de la faible réussite desprojets de restauration et des reboisementsforestiers dans ces zones, ce qui rend nécessairel’amélioration de la qualité des plants à introduiredans ces écosystèmes. Dans ce contexte, lesrésultats des travaux de recherche ont démontréque certaines techniques d’élevage en pépinièrepeuvent contribuer à l’amélioration de la qualitédes plants forestiers, en favorisant des attributsmorphologiques et fonctionnels déterminés quiles aident à surmonter les limitations du site deplantation, et à faciliter leur installation etdéveloppement au terrain.

L’un des principaux risques pour la survie desplants est le choc de transplantation qui seproduit en raison du brusque changement dedisponibilité en eau entre la pépinière et le terrain.Après la plantation, et jusqu’à ce que lesnouvelles racines commencent à extraire l’eaudu sol, l’humidité de la motte doit subvenir auxbesoins hydriques des plants. Par conséquent,dans les milieux semi-arides, il convient d’utiliserdes substrats (milieux de plantation) quiemmagasinent et offrent aux plantes une quantitéélevée d’eau et sur une durée plus longuequ’avec les substrats traditionnels. Il existeactuellement une grande variété de substratsorganiques (tourbe blonde, tourbe noire, fibre decoco, compost, écorce de pins, etc.) et dematières inorganiques (vermiculite, perlite, sable,argile, hydrogel, etc.) pouvant être mélangés pourobtenir les caractéristiques souhaitées.

Si on utilise le terreau forestier comme substratpour la production de plantes en pépinière,l’utilisation d’hydrogel mélangé au sol à 0,4 %en poids peut être une alternative adéquatepour augmenter la capacité de stockage del’eau dans la motte. Pour les substrats à basede tourbe (par exemple mélange de tourbeblond et fibre de coco, rapport 1 :1 en volume),il a été constaté que l’ajout d’hydrogel à 1,5 %en poids, augmente le contenu volumétrique del’eau de la motte, améliore l’état hydrique desplants, et accroît leur survie au terrain.Cependant, des doses élevées d’hydrogelpeuvent produire un effet négatif sur les plants.

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

8

Figure 7. Présence de la croûte structurale à la surfacedu sol, pouvant empêcher le recrutement de nouveauxindividus (Station Ain Chouhada, Wilaya de Djelfa,Algérie).

© Fateh Amgh

ar

Page 16: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

En général, les débris végétaux compostésaméliorent aussi les propriétés physiques,hydrophysiques et physicochimiques du sol.

La sélection du conteneur doit être réaliséeconformément aux caractéristiquesmorphologiques et fonctionnelles de l’espèce, àses tendances de croissance et aux conditionsenvironnementales du site de plantation. En effet,le conteneur est l’un des principaux facteursdéterminant les caractéristiques morphologiques etphysiologiques de la plante produite en pépinière,notamment le développement du système racinaireet la survie après plantation. L’utilisation deconteneurs de petit volume et de faible profondeurlimite la capacité du stockage de l’eau de la motte,la disponibilité des nutriments et le développementdu système racinaire. Par contre, les conteneurstrès grands sont difficiles à manipuler en pépinièreet au terrain. En régions semi-arides, connaissantde fortes contraintes d’eau, il convient d’utiliser desconteneurs ayant au moins un volume de 300-400cm3 et une profondeur de 18-20 cm. Pour certainesespèces, il est recommandé de procéder à unefertilisation supplémentaire permettant undéveloppement optimal du système racinaire enpépinière et facilitant l’extraction de la motte sanseffritement du substrat (Fig. 8). La profondeur duconteneur détermine la longueur de la racineprincipale et donc la position du commencementde la colonisation du profil du sol. Dans ce sens,l’utilisation de conteneurs profonds (30 cm)pour les espèces qui développent une racineprincipale significative durant la culture enpépinière, permet de produire des plants àracine principale plus longue et avec une

capacité supérieure de croissance du systèmeracinaire dans les couches les plus profondesdu sol, ce qui offre un meilleur statut hydrique auxplants en cas de sécheresse.

Pour la production de plants forestiers destinés àdes zones semi-arides, il existe plusieursapproches d’élaboration du programme denutrition. En effet, le débat est toujours en courssur la pertinence de la production de plants« grands ou petits ». En tout cas, la culture desespèces forestières en conteneurs requiert unefertilisation, et il est recommandé de développerun programme de nutrition dont les fertilisantset les doses concordent avec la phase decroissance de la culture et la réponse entermes de croissance des plantes, et ce, dans

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

9

Figure 8. Plants de Pistacia lentiscus d’une année sous traitement de durcissement hydrique cultivés en planchesforestières composées de 45 alvéoles, d’un volume de 300 cm3, d’une profondeur de 18 cm, et utilisant un substrat detourbe blonde et de fibre de coco mélangés à 50 % en poids. La photo de gauche montre des plants avec fertilisationsupplémentaire de 1 g de fertilisant à libération lente par litre de substrat ; la photo de droite représente des plants avecfertilisation supplémentaire de 4 g/l et démonstration de l’utilisation d’une balance pour contrôler la perte du poids de laplanche et réguler le niveau du stress hydrique auquel sont soumis les plants.

Figure 9. La fertilisation possède un fort potentiel pourmodifier la morphologie des plants. Dans cet exemple,les plants de Tetraclinis articulata ont été soumis àdifférents régimes nutritionnels, depuis un fertilisant àlibération lente (gauche), jusqu’au fertilisant sansphosphore ou azote (droite), en passant par unefertigation optimale (3e conteneur depuis la gauche).Les conteneurs ont une ouverture de 5 cm.

© Esteb

an Chirino

© Rom

án Trubat

Page 17: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

le but d’assurer la production de plantes à hautevitalité (Fig. 9). Dans les pépinières disposant d’unéquipement injecteur/doseur de fertilisant raccordéau système d’arrosage, il est recommandéd’appliquer une fertigation avec des fertilisantssolubles de formule complète à raison de 50 ppmd’azote, et de continuer en modulant la dose enfonction de la taille de la plante. Une autre alternativerecommandée est d’appliquer, après l’apparition desfeuilles non cotylédonaires, un fertilisant riche enphosphore pour favoriser le développement dusystème racinaire. Ensuite, dans la phase decroissance rapide, nous suggérons d’appliquer unfertilisant riche en azote puisque celui-ci facilite lacroissance intégrale de la plante. Finalement, pour laphase de durcissement, l’application d’un fertilisantriche en potassium est susceptible de favoriserl’obtention de plantes robustes.

L’exposition des plants au stress hydrique enpépinière, appelée « durcissement hydrique », permetd’induire des mécanismes de résistance à lasécheresse. La sévérité des conditions desécheresse doit être ajustée aux caractéristiques del’espèce et en particulier à sa capacité de résistanceau stress. Selon la procédure générale, ledurcissement hydrique aura lieu pendant les derniersmois de culture en pépinière (avant la transplantationsur le terrain), période durant laquelle diversmécanismes liés à la résistance au stress sontactivés. Toutefois, de longues périodes dedurcissement hydrique (environ six mois) peuventoccasionner d’importants changements morpho-fonctionnels d’acclimatation. Par conséquent, il estrecommandé d’appliquer, depuis la phase decroissance rapide, un programme à volumesd’arrosage modérés à bas, et bien adaptés à laréponse des plants en termes de croissance etaux conditions climatiques. Ceci permet d’éviterune croissance excessive de la partie aérienne etfavorise le déclenchement des mécanismes derésistance au stress hydrique.

La production de plantes en pépinière dépend deplusieurs facteurs (qualité de semence, substrat,conteneur, arrosage, fertilisation, contrôlephytosanitaire, etc.). Dans de nombreux cas, lasélection des matériaux (type de substrat,conteneur, fertilisant, etc.) ne répond pas à desraisons techniques mais à des questionséconomiques. Souvent, le défi consiste à produiredes plantes de qualité mais avec des matériauxinadaptés. Par exemple, dans plusieurs régions,l’utilisation du sachet polyéthylène comme

conteneur et du terreau forestier comme substratreprésente la technologie standard de productionde plantes en pépinière. Indépendamment du choixde tel ou tel matériau, nous recommandons que laplante destinée aux écosystèmes semi-aridesait une proportion adéquate de biomasseaérienne et souterraine pour faire un usageefficient de l’eau, possède des réservesnutritionnelles suffisantes, ait développé desmécanismes de résistance au stress hydrique,dispose d’une motte à haute capacité destockage d’eau et ait une capacité élevée decroissance du système racinaire.

Recommandations pour la culture del’alfa en pépinièreLa qualité de la semence d’alfa déterminel’efficience du processus de production de la planteen pépinière, raison pour laquelle il est important dedisposer de semences de bonne qualité. Danscertains pays, il existe des entreprises spécialiséesdans la récolte, la conservation et la certification dessemences. Dans ces cas, il convient d’utiliser dessemences certifiées pour garantir une réussiteélevée de germination. Dans les pays ne disposantpas de ce genre d’entreprise, il incombe auproducteur ou au pépiniériste de se charger destâches de récolte, d’extraction, de nettoyage, destockage, de conservation et d’évaluation de laqualité des semences.

La récolte de graines d’alfa doit être réalisée à partirde mai. Durant cette phase, il faut tenir compte dufait que des proportions importantes de grainespeuvent être vides, par absence de pollinisation, oubien avortées. Pour cette raison, il convient de faireun essai de bouturage pour évaluer le pourcentagedes graines vides. Selon la banque de semences dela Communauté Valencienne (Espagne), les grainessont à collecter manuellement, directement dans lesépis, soit par prélèvement soit en coupant les épiset en laissant au moins 30 % de ces épis sur laplante pour la dissémination naturelle. Afin degarantir la variabilité génétique, les individus servantpour la récolte des graines doivent être sélectionnésau hasard en couvrant le maximum de surfacepossible. La seule exigence est de s’assurer qu’ils’agit d’individus sains (n’ayant pas subi d’attaquesd’insectes, de champignons ou d’autrespathogènes). L’extraction des graines est àréaliser en laissant sécher les épis et en leségrenant par la suite, soit manuellement soit à

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

10

Page 18: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

l’aide d’une égreneuse. Le nettoyage ultérieurpeut également être réalisé manuellement, ensoumettant les graines à un courant d’air pouréliminer les éléments de dissémination, oubien en utilisant un scarificateur au préalable.Pour leur stockage et conservation, il estrecommandé de sécher les graines jusqu’à untaux d’humidité compris entre 6 et 8 %, lesintroduire dans un récipient hermétique et lesconserver à 3-4 °C. Cette procédure estsusceptible de prolonger la viabilité des grainesau moins durant quatre années.

Généralement, en guise de prétraitement pourrompre la dormance, il suffit d’imbiber lesgraines en eau durant 24 heures. À titrefacultatif, on peut réaliser auparavant une légèrescarification mécanique. Pour ce faire, on placeles graines entre deux morceaux de papier deverre et on les frotte doucement dans unmouvement circulaire. Une autre alternativerecommandée serait de soumettre les graines àun traitement de chaleur à 50 °C pendant unesemaine. En tout cas, avant le semis, il fautréaliser l’imbibition en eau pendant 24 heures. Ilse peut que certaines graines restent à lasurface de l’eau à cause de son faible poids etde la tension superficielle ; pour cette raison, ilest recommandé d’agiter l’eau pour humectertoutes les graines. Au bout de 24 heures, lesgraines flottantes doivent être extraites car celaindique qu'elles ne sont pas viables pour lagermination. Les graines déposées au fond durécipient seront utilisées pour le semis.

Il est recommandé d’utiliser des planchesforestières ayant un volume d’alvéole de 250-300 cm3 et une profondeur de 16-18 cm.L’utilisation de substrat formé d'un mélangede tourbe blonde (fertilisée et pH corrigé) et defibre de coco selon un rapport de 1:1 envolume, a donné de bons résultats (Fig. 10).Dans les régions où les matériaux précités fontdéfaut, et où la culture se fait par sachetpolyéthylène et terreau, on suggère commealternative d’utiliser un terreau forestier de bonnequalité mélangé à 30-40 % de compost d’originevégétale ou de résidus solides urbains. Pour lesemis, après avoir humecté le substrat à capacitéde terrain, on place 2 ou 3 graines d’alfa paralvéole dans un trou (1 cm3) à la surface dusubstrat, et ensuite on couvre la planche avecune légère couche du même substrat utilisé.Finalement, il est recommandé de réaliser unléger arrosage pour humecter la couche ajoutéesur les graines. Le semis peut être réalisé à partirde l’automne jusqu’au printemps. Pendant laphase de germination, il faut placer les planchesdans une ombrière dans le but de favoriser lagermination, de réduire les pertes issues de laprédation des oiseaux et des fourmis, d’éviter lesbrûlures des plants et de garantir une meilleureuniformité de l’arrosage. À défaut, on peut mettreles planches à l’ombre des arbres. En parvenantà la phase de croissance rapide, on déplace lesplanches au soleil. Les premières germinationssont censées apparaître un mois après le semis,et la germination terminée au bout de trois mois.

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

11

Figure 10. Plants de Stipa tenacissima d’une année produits dans la pépinière publique de Guardamar (Alicante,Generalitat Valenciana), à l’aide de planches forestières et avec un arrosage par diffusion, préparées pour leurtransplantation sur le terrain.

© Jordi C

ortina

Page 19: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

On doit ajuster le volume et la fréquenced’arrosage en fonction des stades dedéveloppement des cultures et des conditionsclimatiques. Il faut toujours arroser pouratteindre la saturation de la motte et permettreune légère lixiviation. Des volumes d’arrosagefaibles humectent seulement le tiers supérieurde l’alvéole et peuvent provoquer l’enroulementdes racines secondaires (appelé « chignon »). Il est déconseillé de placer des conteneurs dedivers volumes et espèces dans un mêmesecteur d’arrosage. Il est recommandé dedévelopper un programme adéquat defertilisation moyennant la fertigation ou l’usagede fertilisants de libération lente et couvranttoutes les phases de la culture.

Le contrôle des plantes indésirables est importantdès les premières phases de la culture. Il fautarracher les mauvaises herbes depuis la racine. Siles mauvaises herbes dépassent la hauteur desplants cultivés, la compétition pour les nutrimentsira au détriment de la culture et leur éliminationdeviendra plus difficile et chère. La prospectionpermanente des cultures est égalementnécessaire pour détecter d’éventuelles attaquesde ravageurs ou de maladies dans leurspremières étapes, ce qui facilitera leur contrôle etleur éradication.

Préparation du terrain et gestion duruissellement et de l’évaporationDe manière générale, les écosystèmes semi-arides se développent sur des sols peu profonds,avec une pierrosité élevée et de faibles niveauxde matière organique et de nutriments. Le résultatde l’introduction artificielle des plantes dans ceszones peut être amélioré par une préparation duterrain qui facilite le développement rapide desracines vers des horizons profonds et humides,aspect essentiel permettant aux plantules dedisposer de l’eau pour survivre à la premièrepériode post-plantation.

La préparation ponctuelle du sol est latechnique la plus commune dans les travauxde restauration, grâce à son adaptation à despentes raides et à des sols à affleurementsrocheux abondants (Fig. 11). En comparaisonavec les préparations linéaires ou sur toute lasurface, l’efficacité de la préparationponctuelle est moindre, mais entraîne un faiblerisque d’érosion associée à l’exécution,préserve mieux la végétation spontanée etengendre un impact visuel moindre.Normalement, la préparation ponctuelle estla méthode recommandée pour planterdans des microsites plus favorables,surtout si on cherche à utiliser la végétation

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

12

Figure 11. Exemple de versant non mécanisé sur substrat meuble et faible protection végétale contre l’érosion, où lapréparation ponctuelle est la plus recommandée (A). Construction de fascines manuelles pour un versant à penteraide, en utilisant une maille de fibre de coco et piquets en bois (B).

A) B)

© David Fuentes

Page 20: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

existante pour faciliter l’installation desindividus introduits.

En général, la mécanisation augmente lasurvie et la croissance des plantes, puisqu’elleleur permet d’atteindre des couchesprofondes du sol et accéder à une quantitémajeure d’eau (Fig. 12). Cependant, elle peutappauvrir la zone d’enracinement si uneinversion des horizons édaphiques se produit,et augmenter les dommages sur la végétation,ce qui génère un impact visuel important.

Dans les zones incompatibles avec lamécanisation, l’ouverture manuelle des potêts(trous de plantation) jusqu’à la profondeurmaximale possible, avec une confectionpostérieure d’une banquette réceptrice de l’eaude ruissellement, est la technique depréparation du terrain la plus recommandée. La profondeur du potêt ne devrait être inférieureà 30 cm. La réalisation de contrepentes pourles banquettes, la confection d’impluvium etla création de microbassins sont autant demesures recommandées pour augmenter lacapacité du stockage d’eau dans le potêt, etcontribuent aussi à la compartimentation desversants en unités discrètes (sous forme depetites « digues ») en réduisant sa longueurtotale et, par conséquent, la force érosive duruissellement. De cette manière, on garantit quel’eau de ruissellement, les sédiments, la matièreorganique, les graines et autres résidusvégétaux sont retenus dans ces points, ce quipermet la création des « îles de ressources »(Fig. 13).

Dans les zones ayant des pentes supérieures à30 % et un substrat meuble, une procédureinadéquate dans l’exécution et/ou desévénements extrêmes de pluies peuventprovoquer la rupture de ces structures, laissant

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

13

CADRE 2. Stratégies de plantation.

La combinaison des techniques visant àoptimiser l’utilisation de l’eau deruissellement, avec amélioration del’infiltration et application d’autrestechniques modifiant la relation hydriqueentre la plante et le sol (c.-à-d. mulch,hydrogel, tubes protecteurs ouamendements), peut mitiger l’impact dustress hydrique intense sur la survie desplantes. Pour que ces techniquesadaptées aux milieux semi-arides soientplus efficaces, il est indispensabled’identifier correctement les micrositesoffrant les meilleures conditions deplantation. Dans ces lieux, les plantss’installeront et se développeront mieux,et ils pourront agir comme futurs noyauxde dispersion. Dans les zones les plusdéfavorables, l’objectif de l’interventiondoit être uniquement l’obtention d’unminimum de couverture végétale.

Figure 12. Engin adapté pour réduire l’impact sur lesol, la végétation et le paysage.

Figure 13. Banquette agissant comme « île deressources » et favorisant l’installation d’autres espèces.

© David Fuentes

© David Fuentes

Page 21: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

apparaître des processus érosifs sous forme derigoles ou ravins. L’une des techniques pourcontrôler ces processus est l’utilisation dematières biodégradables, comme les nappesd’alfa ou de fibre de coco, qui peuvent êtreenroulées pour l’élaboration de fascines sousforme de petites banquettes (Fig. 11 et 14).

L’efficacité des techniques susmentionnées estconditionnée, dans la majorité des cas, par lespluies pouvant générer un ruissellementsuperficiel. Ceci dépendra, d’une part, de laquantité et de l’intensité des précipitations et,d’autre part, de la couverture végétale et descaractéristiques et de l’humidité initiale du sol.Dans certaines zones semi-arides, lesévénements pluvieux de moins de 10 mm sontparticulièrement fréquents ; une partie importantede l’eau est ainsi perdue par interception etévapotranspiration. La création de zonesimperméables, grâce à des matièressynthétiques (un géotextile, par exemple) ou

en compactant le sol, diminue le seuil deproduction du ruissellement après une averseet multiplie (jusqu’à cinq fois plus) l’eauconcentrée aux potêts (Fig. 15).

L’efficience d'utilisation de l’eau deruissellement s’améliore avec la présence defragments de roche aussi bien en surface quedans le profil du sol, puisque ceci facilite lapercolation de l’eau jusqu’à des zonesprofondes et diminue par la suite les tauxd’évaporation. Ce processus naturel peut êtrereproduit artificiellement dans les zones prochesde la motte des plantes introduites, grâce à lacréation de petits puits remplis de pierres depetite dimension (puits secs ou « dry wells »)qui agissent comme des passagespréférentiels d’eau vers la rhizosphère de laplante, où l’eau est conservée pluslongtemps qu’en surface (Fig. 16).

La réalisation d’un paillis ou mulch empêchel’encroûtement superficiel du sol et augmenteles taux d’infiltration de l’eau favorisant ainsi saconservation dans le sol. En outre, il limitel’apparition de végétation spontanée qui peutconcurrencer la plante introduite, et améliore lemicroclimat édaphique en favorisant ledéveloppement des racines superficielles et laprolifération de la mésofaune. Les matièresnécessaires à sa réalisation peuvent êtresynthétiques (comme celles utilisées enagriculture) ou organiques (à partir de sous-produits des cultures agricoles ou de produitsd’élagage triturés). Si le terrain le permet, onpeut utiliser des pierres ou graviers en tantque mulch, puisqu’ils réduisent les coûtsd’acquisition et de transport. De plus, lespierres peuvent favoriser la condensation del’eau pendant la nuit, ce qui améliore labalance hydrique du potêt.

Utilisation des amendementsorganiquesLa rareté de l’eau est le facteur le plus limitantpour l’installation des plantations dans lesmilieux semi-arides. Cependant, une fois le seuilde disponibilité hydrique dépassé ou en cas desécheresse de durée moyenne, il existe souventun deuxième obstacle à la réussite desplantations, en lien avec la fertilité édaphique etdavantage associé à la croissance qu’à la survie.

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

14Figure 15. Géotextile de 0,30 m2 en amont d’unebanquette de plantation

© Bon

terra Ibérica®

S.L.

© David Fuentes

Figure 14. Nappe organique à base d’alfa (Stipatenacissima) utilisée pour le contrôle de l’érosion dansles rigoles ou les ravins.

Page 22: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

En outre, l’absorption des nutriments estintimement liée à la disponibilité hydrique,puisqu’ils arrivent à la plante en solution.

La fertilité du sol dans des conditions naturellesest déterminée par diverses caractéristiquesédaphiques. La teneur en nutriments et enmatière organique affecte la croissance végétaled’une manière directe, mais d’autres propriétés,comme le pH ou la texture, modifient égalementla quantité de nutriments disponibles pour laplante. Par exemple, les sols à texture fine(argileuse) présentent souvent une hautecapacité de rétention de nutriments et dematière organique, tandis que ceux à textureplus grossière (sableuse) ont une capacité derétention de nutriments moindre et un hautniveau de minéralisation de la matièreorganique. Les sols des milieux arides et semi-arides méditerranéens sont majoritairementcalcaires et, sur ces sols, le phosphore estsouvent le facteur le plus limitant.

Bien souvent, les sols méditerranéens sontpauvres en matière organique ; pour cetteraison, la gestion de la matière organique dansces milieux est particulièrement importante. Des valeurs seuils de C organique édaphique

(≈1 %) ont été proposées, en dessousdesquelles la production se voit sévèrementaffectée. En général, l’application de matièreorganique (amendement organique) aux solsdégradés améliore les propriétés physiques(porosité, infiltration, stabilité structurelle),chimiques (apport direct des nutriments) etmicrobiologiques (stimulation de l’activitémicrobienne) des sols, ce qui se traduit par uneaugmentation de la production. En tant quesource très importante de matière organique etdes nutriments, les résidus organiques peuventêtre utilisés en restauration ; néanmoins, ilsfinissent souvent à la décharge sans aucuneexploitation (Cadre 3). Du point de vueagronomique, l’azote et le phosphorecontenus dans les résidus organiquespeuvent avoir une valeur fertilisante etéconomique considérable.

Il existe de nombreux types de résidusorganiques potentiellement utilisables commeamendements : boues d’épuration, résidussolides urbains, fumier et purine, etc. Chaquetype possède des propriétés différentes selonl’origine et le traitement reçu (Fig. 17). Pour cetteraison, il est difficile d’identifier des doses

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

15

Figure 16. Exemple de mulch de pierres dans une banquette pour maintenir l’humidité superficielle du sol (A), etprofil du sol en un passage préférentiel de l’eau, créé artificiellement, dans lequel on aperçoit des résidus organiquesaccumulés au fond (B).

© David Fuentes

© Athanasios Smanis

Page 23: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

d’application optimales, puisque tout dépenddes conditions initiales du sol et des propriétésdu résidu. En cas d’application des bouesd’épuration, les doses les plus bénéfiquesoscillent entre 15 et 30 tonnes (poids sec) parhectare (Fig. 18). Ces doses permettent uneamélioration substantielle du statut nutritionnelde la plante, surtout en termes de N et P, cesderniers étant les nutriments présents en plusgrande quantité dans la plupart de ces produits.Cet effet sera plus ou moins durable selon leniveau de maturation et de stabilité de la matièreorganique des résidus et des conditionsabiotiques du site, tout en agissant, dans denombreux cas, comme fertilisants à libérationlente.

Le troisième facteur clé de la fertilité édaphique,après la matière organique et les nutriments,concerne les agents biologiques (comme lamésofaune) ayant principalement une fonctionde trituration de la matière organique, ainsi queles champignons et les bactéries, responsablesde la décomposition proprement dite. Ces agents jouent un rôle fondamental dans lerecyclage de la matière organique etl’absorption des nutriments par les racines.Les champignons mycorhiziens, par exemple,établissent des relations de symbiose avec lesplantes hôtes en apportant un avantage mutuel :le champignon obtient des hydrates de carboneprovenant de la plante, tandis que celle-cibénéficie de la capacité du champignond’absorber les nutriments et, probablement,

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

16

Figure 18. Survie (gauche) et diamètre basal de la tige (droite) des plants de Pinus halepensis deux ans après laplantation en conditions méditerranéennes sèches, en fonction de la dose d’application d’une boue d’épurationsèche et compostée.

© Alejand

ro Valdecantos

© Alejand

ro Valdecantos

Figure 17. Boue d’épuration fraîche et prête pour sonapplication sur le terrain (gauche) et après unprocessus de compostage avec un substrat carbonatéprovenant des produits d’élagage et de jardinageurbain (droite).

Page 24: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

l’eau. Il a été observé également uneaugmentation de la résistance des plantesmycorhizées face à d’autres formes de stress,comme la salinisation et les métaux lourds, etaux attaques de pathogènes. Étant donné quedans les zones très dégradées, lespopulations des champignons mycorhizienspeuvent être endommagées, l’introductiondes plantes mycorhizées en pépinière peutêtre intéressante. Toutefois, dans denombreux cas, la plante de reboisement semycorhize spontanément une fois introduitesur le terrain ; c’est pour cela qu’en casd’application d’un inoculum artificiel, celui-cidoit être soigneusement choisi, en essayantd’optimiser la spécificité entre le champignon etl’espèce végétale.

Une restauration intégrée etparticipativeLa dégradation des terres ou désertification estun problème environnemental et socio-économique qui affecte une grande partie deszones arides de la planète, engendrant une pertesignificative de la productivité biologique etéconomique. Pour promouvoir le bien-être socialdans ces zones, il est important de faire face à ladésertification par la restauration et l’améliorationde la gestion des ressources naturelles. Les mesures pour lutter contre la désertificationimpliquent souvent des investissementséconomiques importants et pourtant elles nesont pas évaluées systématiquement.

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

17

CADRE 3. Production et utilisation de résidus organique dans le bassin méditerranéen.

En Algérie, on produit annuellement 8,5 millions de tonnes de résidus solides urbains dont seulement4-5 % sont recyclés pour d’autres usages, tandis que 95 % sont destinés aux décharges et autresdépôts de déchets non contrôlés (données 2009). Cela constitue une énorme quantité de nutriments(et d’argent) gaspillée. En outre, la réglementation et les directives relatives à la gestion des résidusorganiques sont de plus en plus exigeantes et restrictives ; pour cette raison, la production de cesrésidus devrait augmenter à l’avenir, autant en Algérie que dans d’autres pays où les tauxd’épuration, de gestion et de recyclage sont encore bas. Par exemple, en 1980 en Espagne, moinsde 20 % de la population raccordaient leurs eaux résiduelles aux stations de traitement, tandis qu’en2005, ce taux atteignit 90 % suite à l’application des directives sur la gestion de l’eau, la majoritérecevant un traitement primaire ou secondaire. Au Maroc, partant d’un pourcentage de 8 % des eauxrésiduelles traitées en 2005, il était attendu que la production de boues d’épuration en 2010 seraitmultipliée par 10 pour atteindre 123 000 tonnes. De la même manière, le volume des eaux résiduellestraitées en Tunisie à la fin de l’année 2010 atteignit 240 millions de m3 (dont 80 % d’originedomestique), en espérant parvenir à traiter 500 millions de m3 en 2021.

Au cours des dernières années, les cas deréutilisation pour les activités agricoles etforestières sont en augmentation dans lespays du sud de la Méditerranée (Algérie,Maroc et Tunisie), aussi bien pour les eauxrésiduelles que pour les boues d’épuration etles résidus solides urbains. Dans le cadre duPlan d’Action National de Lutte Contre laDésertification de l’Égypte, des plantationsforestières irriguées par des eaux résiduellesont été effectuées, tout en satisfaisant d’autresobjectifs comme la fixation des dunes. Cesdernières années, la Communauté Valencienne(Espagne) a développé divers programmesd’optimisation de l’utilisation des résidusorganiques dans la restauration écologique. Production totale et réutilisation agricole des boues

d’épuration en 2008 (2005 pour l’Italie) dans diverspays méditerranéens de l’Union européenne. Source :Eurostat.

Page 25: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

Par conséquent, l’échange des expériences etdu savoir sur les différentes possibilités estencore très rare, ce qui empêche l’adoption desmeilleures pratiques.

Les méthodes traditionnelles visant à évaluerles projets de gestion des ressourcesnaturelles se sont focalisées sur les variablesbiophysiques de l’écosystème (érosion du solou état de la couverture végétale, parexemple). Dans la majorité des actions derestauration, comme les reboisementsforestiers et les plantations fourragères,l’évaluation de leur efficacité et de leurréussite a été réalisée à l’aide d’un seulindicateur technique (le pourcentage deplantes mortes). Au cours des dernièresannées cependant, il y a eu une demandeaccrue pour les méthodes d’évaluationsocioécologique reconnaissant les relationscomplexes et les dynamiques existant entreles êtres humains et les écosystèmes, etincluant les attributs biophysiques,socioéconomiques et culturels liés au bien-être humain (Cadre 4). Il est également

nécessaire de faire participer toutes les partiesprenantes et d’intégrer le savoir local au seinde l’évaluation des problèmesenvironnementaux et des solutions possibles.

Pouvons-nous identifier un groupe minimum descritères d’évaluation et des indicateurs quiseraient valides et efficaces pour la majorité desmilieux arides de la planète et qui tiendraientcompte des dimensions écologiques ethumaines de la lutte contre la dégradation desterres ? Le concept des « servicesécosystémiques » offre un cadre adéquat pourl’évaluation des impacts des mesures de gestiondans les systèmes socioécologiques et peutorienter le choix d’un ensemble réduit et équilibrédes critères et indicateurs communs pour leszones arides (Tableau 1). Selon la définitionadoptée par l’initiative Évaluation desÉcosystèmes pour le Millénaire (EEM), on entendpar « services écosystémiques » les bénéficesque les écosystèmes procurent à la société. Ils’agit de quatre grands types de services :services de soutien, d’approvisionnement, derégulation et culturels.

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

18

CADRE 4. Principes de l’évaluation intégrée et participative, destinée à l’apprentissage

1. L’évaluation participative augmente la probabilité d’adopter des techniques efficaces.

2. L’intégration du savoir scientifique et local améliore l’évaluation.

3. Les systèmes sociaux et écologiques sont liés et par conséquent, l’évaluation de leurétat et des choix de gestion doit tenir compte des attributs aussi bien biophysiquesque socioéconomiques.

4. L’évaluation doit être réalisée à partir de données obtenues de manière rigoureuse.

5. Il n’existe pas de « meilleures pratiques » en termes absolus. L’évaluation des pratiquesdépend des critères, des perspectives et des intérêts des parties prenantes, ainsi quedu contexte socioenvironnemental à tout moment.

6. L’évaluation des mesures de gestion doit aller au-delà d’une approche de réussite etd’échec. Les protocoles d’évaluation doivent fournir des systèmes d’information et desmécanismes d’échange du savoir susceptibles de promouvoir l’apprentissage.

7. L’évaluation des pratiques de lutte contre la désertification doit être en harmonie avecles recommandations des principales conventions environnementales internationalessur la désertification (UNCCD), les changements climatiques (UNFCC) et la biodiversité(CDB).

8. Les méthodes d’évaluation doivent prêter attention aux caractéristiques et processuscommuns dans les milieux semi-arides, tout en étant sensibles aux conditionsspécifiques de chaque site et contexte.

Page 26: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

Dans le but d’incorporer le contextesocioéconomique et les objectifs spécifiques dechaque zone et région, ainsi que le savoir localsur les processus clés qui interviennent dans lazone, ces critères communs doivent êtrecomplétés avec des critères spécifiques,

sélectionnés sur chaque site par l’ensemble desacteurs locaux.

Une évaluation efficace, conduisant àl’amélioration des pratiques de lutte contre ladésertification, doit prendre en considérationl’opinion de tous les groupes d’intérêt qui ont

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

19

TABLEAU 1. Proposition des critères communs et des indicateurs d’évaluation des zones arides

CRITÈRES INDICATEURS (EXEMPLE)

ÉconomieRevenus, Économie familiale Spécifiques à chaque site

Services d’approvisionnementBiens (fibre, aliments, bois, etc.) Valeur de productivité

Services de régulation et soutien Conservation des eaux et des sols Couverture et modèle spatial de la végétationSéquestration de carbone Biomasse végétale ; carbone organique du sol

Services culturelsHéritage culturel et paysage Valeur culturelle, récréative, esthétique, etc.

Biodiversité Diversité des plantes vasculaires

CADRE 5. Protocole d’évaluation participative et intégrée des mesures de gestion et derestauration des steppes d’alfa.

Étape 1. Établissement d’une plateforme d’acteurs locaux : inclure un ensemble vaste etreprésentatif des différents groupes d’intérêt et acteurs locaux liés auxmesures.

Étape 2. Obtenir les perspectives initiales des acteurs locaux sur : (a) les mesures degestion réalisées, (b) les critères et les indicateurs spécifiques pouvant êtrepertinents pour les conditions du site et les actions mises en œuvre, et (c)l’importance relative (poids) des différents indicateurs en une évaluation qui lesconsidèrent tous. Grâce au choix et à la pondération des indicateurs, lesacteurs locaux contribuent à la conception de la méthode d’évaluation.

Étape 3. Concevoir et mettre en œuvre un programme de suivi et d’obtention desdonnées basé sur le choix des indicateurs et établi par la plateforme desacteurs locaux. Dans la mesure du possible, inclure les acteurs locaux dans lestravaux de suivi et d’obtention des données.

Étape 4. Partager et discuter les résultats obtenus dans le cadre d’une évaluationintégrée, en analysant les mesures en fonction des différents indicateurs et enétudiant la manière dont l’importance relative assignée à chacune influe sur lerésultat global. Cette dernière étape donne l’opportunité d’affiner les opinionsinitiales à partir des données mesurées pour chaque indicateur, et surtout, àpartir de l’échange de savoir entre les différents acteurs.

Page 27: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

un savoir, une expérience et des perspectivesà partager (Fig. 19). Les méthodesconventionnelles d’évaluation sont habituellementappliquées par des experts qui ensuite transfèrentaux gestionnaires et aux usagers lesrecommandations qui découlent de leursconnaissances acquises. Mais très fréquemment,ces approches ne se traduisent pas par l’adoptionde nouvelles pratiques, surtout à cause de larésistance naturelle des acteurs locaux face auxrecommandations externes qui interfèrent avecleurs propres idées et expériences. Au contraire,les méthodes d’évaluation participative ont lacapacité de générer un apprentissage social et depromouvoir la collaboration entre toutes lesparties prenantes, améliorant ainsi l’adoption debonnes pratiques et la gestion de territoire.

Une évaluation intégrée et participative peutêtre structurée selon la séquence des étapessuivantes, qui offre un chemin d’échange dusavoir entre les différentes parties prenantes,incluant les experts, les scientifiques, lesgestionnaires et les usagers locaux (Cadre 5,Fig. 19 et 20).

Pour illustrer les avantages que présente la priseen considération des services écosystémiquesd’une façon intégrée lors de l’évaluation desmesures de restauration des steppes, nousprésentons une étude de cas portant sur leszones semi-arides du sud-est espagnol. Dans cette étude, les critères d’évaluation desreboisements forestiers correspondent aux quatreservices de l’EEM précités, auxquels viennents’ajouter la biodiversité et les avantageséconomiques ; ces six critères se déclinent en 14indicateurs quantitatifs et semi-quantitatifs (Fig. 21). L’objectif de l’étude fut de comparer lesniveaux des services procurés par les milieuxreboisés et les milieux non reboisés (stepped’alfa, steppe arbustive, pelouse sèche et cultureabandonnée).

L’évaluation a suivi un processus participatifdans le sens où la liste des services a étéélaborée en concertation avec 35 personnes ouparties prenantes appartenant à différentescatégories socioprofessionnelles de la société(Fig. 22). Ces mêmes personnes ont donné leuropinion sur l’importance relative des services

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

20

Figure 19. Plateforme d’évaluation participative et intégrée pour un ensemble d’acteurs locaux représentatifs desdifférentes parties prenantes, fixant de manière collaborative les critères et les indicateurs pertinents par rapport auxobjectifs et aux conditions de chaque site, et estimant également leur importance relative.

© Klaus Kellner

© Susana Bautista

© Susana Bautista

© M

ustapha M

ortaji

Page 28: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

écosystémiques et des indicateurs, et ce, à traversun questionnaire élaboré à cette fin. Concrètement,l’évaluation a été réalisée selon les cinq étapessuivantes, qui suivent le protocole cité au Cadre 5 :structuration de l’information et élaboration de lamatrice des données croisant les unités depaysage (alternatives) et les services (critères) et

indicateurs ; standardisation des données ;pondération des services et des indicateurs ;évaluation intégrée des alternatives (c.-à-d., leurclassification finale par rapport à l’ensemble desindicateurs) ; et analyse de sensibilité servant pourdécrire d’éventuels changements dans laclassification finale en cas de modification de lapondération attribuée aux différents services etindicateurs. Il convient de noter que la phased’Analyse Multicritère pour l’Aide à la Prise deDécision (MCDA) peut être réalisée à l’aide decertains logiciels gratuits.

Comme le montre la Figure 23, les reboisementsforestiers ont obtenu une valeur intégréefinale similaire à celle des pelouses sèches etrelativement plus élevée que celles du restedes unités de paysage. Avant de décider derecourir aux reboisements comme mesure derestauration écologique, supposant un coûtfinancier élevé, il convient de se demander alorssi le même résultat pourrait être obtenu enconservant la végétation naturelle, comme lapelouse sèche dans notre étude de cas.

L’analyse multicritère et participative peut êtreparfaitement appliquée à d’autres zones semi-arides comme celles du Maghreb. L’approcheméthodologique peut être retenue en mettantl’accent sur les spécificités de la régionmaghrébine, souvent marquée par la forte

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

21

Figure 20. Schéma d’une structure simple pourl’évaluation intégrée et participative des mesures degestion et de restauration pour la lutte contre ladégradation des terres arides. Le processus est itératif :cette séquence d’évaluation peut être répétée autantde fois que nécessaire dans un processus de gestionadaptative.

Figure 21. Exemple d’application de la notion de services écosystémiques dans l’évaluation des reboisements parrapport aux milieux non reboisés (steppe arbustive, steppe d’alfa, pelouse sèche et culture récemment abandonnée)dans le sud-est de l’Espagne.

Page 29: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

dégradation du milieu naturel sous la pressionhumaine, les menaces sérieuses dedésertification et la pauvreté. En ce qui concerneles unités paysagères par exemple, on pourraitretenir les unités reboisement, pelouse sèche,steppe arbustive et steppe d’alfa, mais aussiajouter d’autres unités, comme les plantationsfourragères à base d’Atriplex et les cactus(Opuntia sp.). Pour les steppes d’alfa, s’étendantsur des milliers d’hectares, il serait probablementnécessaire de distinguer les différents stades dedégradation (Fig. 24).

La liste des parties prenantes doit contenir lescatégories citées à la Figure 22 en plus d’autrescatégories telles que les agriculteurs, les éleveurs,les membres de coopératives, les imams desmosquées, etc., tout en veillant à lareprésentation suffisante de la femme dontl’opinion a été longtemps négligée. Il fautsouligner que les parties prenantes peuventrencontrer des difficultés en matière decompréhension des services écosystémiquesétudiés et des indicateurs correspondants. Dansce cas, des photos illustratives peuvent êtreajoutées au questionnaire de l’analysemulticritère.

Certains services écosystémiques ont uneimportance capitale dans la vie quotidiennedes habitants des milieux semi-aridesmaghrébins. La fertilité du sol est un facteurprimordial de production pour une population dont

l’agriculture constitue traditionnellement l’activitéprincipale. La biomasse est souvent sollicitéecomme ressource énergétique. Dans les zones àvocation pastorale, la diversité d’espècesfourragères constitue une ressource pour demilliers de têtes d’animaux qui représentent àleur tour une source de richesses pour leséleveurs. De plus, l’élaboration de petits produitsest un secteur socioéconomique toujours enactivité. L’alfa, par exemple, est exploité pour laconfection des cordes et la fabricationd’ustensiles. Dans ces zones très arides, l’eauconstitue une richesse vitale dont la disponibilitéconstitue la priorité absolue. Le contrôle des cruesest un service vital dans le sens où les inondationspeuvent causer des dégâts énormes voire la mortdes personnes comme en 2003 à Béni Boufrah(Al Hoceima – nord-est du Maroc). S’agissant dessociétés qui s’attachent toujours aux coutumes ettraditions, l’évaluation peut être enrichie enconsidérant la valeur spirituelle que peuvent avoirles différents écosystèmes étudiés.

En résumé, en combinant les connaissancesscientifiques et l’opinion de la société,l’analyse multicritère et participativeproposée est susceptible d’aider lesplanificateurs et les gestionnaires à prendredes décisions objectives, transparentes etbien fondées concernant les meilleuresmesures à appliquer pour la restaurationécologique des steppes semi-arides.

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

22

Figure 22. Catégories socioprofessionnelles des partiesprenantes ayant participé à l’évaluation des reboisementsforestiers dans le bassin versant de Ventós (Alicante, sud-est espagnol). Les couleurs bleues, vertes et rougesregroupent, respectivement, les représentants del’éducation supérieure et de la recherche, les gestionnaireset les autres catégories. Le nombre de personnes danschaque groupe est signalé entre parenthèses.

Figure 23. Classification des alternatives par rapportà l’ensemble des services écosystémiques pourl’étude de cas (bassin versant de Ventós au sud-estespagnol)

Page 30: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

Projets de démonstration de la luttecontre la désertificationLa restauration de la couverture végétaleconstitue l’une des possibilités pour freiner ladésertification dans les zones dégradées.Bien souvent, la restauration se concentre surla réintroduction d’espèces ligneuses clés,dont la présence, même modeste, contribue àaméliorer la composition et le fonctionnementdes écosystèmes. Cependant, lesreboisements forestiers en milieux semi-aridesont connu des résultats hétérogènes, avecdes échecs fréquents mais aussi des réussitesremarquables comme le projet deRestauration des Dunes de Guardamar(Alicante, Espagne) ou le projet deReboisement de Sierra Espuña (Murcia,Espagne). Pour promouvoir la réussite desactions de restauration, des efforts énormesont été déployés au cours des dernièresdécennies pour développer des techniquespermettant d’améliorer les résultats desreboisements forestiers. Parmi cestechniques, nous pouvons citer l’utilisationdes nouveaux matériels et protocoles durantla période de la pépinière : des techniquescomme le préconditionnement à la sécheresse(durcissement), et l’application de régimesoptimaux de fertigation, en plus de l’utilisationde conteneurs forestiers favorisant undéveloppement adéquat du système racinaireet l’amélioration du substrat de culture, ontcontribué à l’amélioration de la qualité de laplante. En outre, une sélection adéquate desespèces et des microsites de plantation, ainsique des techniques optimales de préparation

du terrain et d’amendement du sol, ont permisl’amélioration des conditions d’introduction desespèces d’intérêt et donc l’amélioration desrésultats des reboisements forestiers. Toutefois,les informations issues de ces travaux derecherche sont souvent indisponibles pour lesgestionnaires qui doivent appliquer lesinnovations qui en découlent. Ceci montrel’intérêt de certains instruments comme lesprojets pilotes et de démonstration, quivalident à l’échelle de la gestion lesinnovations scientifiques et augmentent lavisibilité de ces dernières.

Un exemple de ces efforts est le projet piloteet de démonstration d’Albatera (Fig. 25 et 26).La zone pilote d’Albatera est un bassinversant de 25 ha situé dans la provinced’Alicante (sud-est de l’Espagne) qui constituel’une des zones européennes les plustouchées par la désertification. Dans cettezone, des programmes antérieurs dereboisement par plantations de Pinushalepensis avaient donné des résultatsmédiocres voire détérioré dans certains cas lasituation de la zone par rapport aux conditionsinitiales. C’est pour cette raison que leprincipal objectif du projet pilote étaitd’appliquer les meilleures stratégies ettechniques de restauration écologiquedisponibles au début XXIe siècle, avec unedouble finalité : expérimentale etdémonstrative. Les actions réalisées dans lecadre du programme de restauration dubassin d’Albatera visaient la réparation dela fonctionnalité de l’écosystème, en créantdes peuplements de végétation qui

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

23

Figure 24. Exemple de steppe d’alfa conservée à Guercif (A), dégradée (B) et très dégradée (C) à Tendrara à l’est duMaroc.

A) B) C)

© M

chich Derak

Page 31: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

24

Figure 25. Distribution spatiale des différentes unités d’actions dans le bassin d’Albatera. La superficie totaleconcernée est de 25 ha.

CADRE 6. Stratégie de restauration du bassin versant d’Albatera

Étape 1. Analyser l’hétérogénéité spatiale du bassin, en identifiant les unités fonctionnellesà l’échelle du paysage, basées sur les types de végétation existants, les actionsantérieures, l’état de dégradation et le type du sol, et concevoir des actionsspécifiques pour chaque unité (Fig. 26 et Tableau 2).

Étape 2. Utiliser un large éventail d’espèces autochtones qui comprennent la diversitépotentielle des habitats, les différents stades de dégradation, et les objectifs de lagestion, en utilisant des densités de plantation conformes au potentiel de la zone.

Étape 3. Améliorer la qualité des plants grâce à la culture en pépinière dans des conditionsqui renforceront leur capacité d’adaptation et de développement dans desconditions à fortes contraintes hydriques.

Étape 4. Appliquer les meilleures techniques de préparation du terrain et de plantationdisponibles, comme les techniques de collecte des eaux et de conservation del’humidité (microbassins, puits secs, etc.), les tubes protecteurs, les paillis etamendements organiques.

Étape 5. Réduire au minimum les effets négatifs que ces actions peuvent générer, enutilisant des techniques à faible impact, par exemple grâce à l’ouverture despotêts en utilisant un engin qui s’adapte aux terrains escarpés avec une altérationminime de l’environnement.

Étape 6. Établir un programme de suivi des résultats des actions.

Page 32: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

contribueraient à retenir et conserver l’eau,les sédiments et les nutriments, et àaugmenter ainsi la production du terrain.Également, l’objectif était d’accroître ladiversité de l’écosystème, sa stabilité et sarésilience, ainsi que de réduire le risque dedégradation, d’érosion et de crues (Cadre 6et Tableau 2).

Le programme de suivi des actions réaliséesdans le bassin restauré a montré que, malgréles faibles précipitations au cours des annéespostérieures à la plantation, celle-ci a donnédes résultats prometteurs. Ainsi, le succès de latechnologie appliquée s’est manifesté par destaux de survie de 30 à 70 %. Mais au-delà decette réussite, Albatera a représenté un outil

extrêmement utile pour discuter destechniques de restauration des zones semi-arides dégradées, transmettre lestechniques efficaces, et générer de nouvellespropositions. Au cours de la dernière décennie,le bassin a été visité par des visiteurs espagnolset étrangers appartenant à une vingtaine decentres de recherche et d’administrationsforestières et de lutte contre la désertification.Le bassin démonstratif constitue une référencepour la formation des étudiants de diversesuniversités espagnoles dans le domaine de larestauration. En outre, les résultats des actionsréalisées ont été présentés dans différentespublications et lors de nombreux congrès etréunions techniques.

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN

25

Figure 26. Photos représentatives des différentes unités d’action dans le bassin versant pilote d’Albatera.

Amont Terrasses avecreboisement

Adret avec enclavesd’ubac

Ubac et talwegsd’adret

Ubac avecreboisement

Lit Chenalisationavant restauration

Chenalisationaprès restauration

© Esteb

an Chirino / Alberto Vilagrosa

Page 33: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

LES BASES DE LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE DES STEPPES D’ALFA

26

TABLEAU 2. Choix des espèces et répartition par unités environnementales (données en %) en fonctionde leurs caractéristiques et de l’expérience acquise lors de reboisements précédents

UNITÉS D’INTERVENTION DANS LE BASSIN D’ALBATERA

ESPÈCES

Strate arborée

Pinus halepensis <5 15 <5

Ceratonia siliqua 10

Tetraclinis articulata <5 15 20

Strate arbustive

Chamaerops humilis 10 10

Ephedra fragilis 20 20

Juniperus oxycedrus <5 10 20

Nerium oleander 60

Olea europea sylvestris 20 20 15 15

Osyris quadripartita 5

Pistacia lentiscus 30 25 15 20

Quercus coccifera 20 10 15 20

Rhamnus lycioides 30 25 <5 20

Salsola genistoides 5

Salsola oppositifolia 20

Tamarix africana 40

Strate herbacée

Lygeum spartum 10

Stipa tenacissima 10

Amont

Terrasses

avec

reboisem

ent

Adret

Ubac

Ubac avec

reboisem

ent

Lit

Chenal

Page 34: L de la restaurat Les bases de la restauration ion ... · Mchich Derak, HCEFLCD (Maroc) David Fuentes Delgado, Fondation CEAM (Espagne) Fernando T. Maestre Gil, Université Rey Juan

Les bases de la restaurationécologique des steppes d´alfa

Les bases d

e la restauration éco

log

ique d

es stepp

es d´alfa

Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN C / Marie Curie 22 29590 Campanillas, Malaga, Espagne. Tél. : +34 952 028430 - Fax : +34 952 028145 www.iucn.org/publicationswww.uicn.org/mediterranee

Le Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’UICN est soutenu par: