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38 RUE RANTHEAUME89004 AUXERRE CEDEX - 03 86 72 07 01

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SORBONNE21949183200502/GED/AHR/2

Eléments de recherche : - PUPS ou PRESSES DE L'UNIVERSITE DE PARIS SORBONNE - A LA MER COMME AU CIEL : Livre d'Olivier Chapuis

u Imagination, métaphores...

L! analogiemoteur de la

pensée

COMPRENDRE

Le retourdes piratesENTRETIEN

Pour unenouvellesociologieRENCONTREAVEC CYRIL LEMIEUX

Qu'est-ce que

l'Europe?Mrvm.scienceshumaines.com /MENSUEL-N°215-MAI2010-5,50€ num CDC SUISSE «CUP WUUM «mn iu« ui i* DONM?,»* DOH/SI.ÎI*


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Histoiresde pirates

On les appelait Barbe-Noire, Jambe-de-Bois... Pirates, corsaires,flibustiers, boucaniers et autres barbaresques n'ont pas fait qu'alimenterl'imaginaire de la fiction. Ils furent aussi, pour les États, de redoutables

stratèges et des acteurs économiques de poids...

RENÉ-ÉRIC DAOORN


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D éjà Homère s'inquiétait d'eux: «Meshôtes, votre nom ? D'où nous arri-vez-vous sur les routes des ondes?

Faites-vous le commerce? N'êtes-vous quepirates qui, follement, courez et croisez surles flots, et, risquant votre vie, allez piller lescôtes étrangères» (Odyssée, III, 71-74 et IX,252-255). La piraterie maritime est aussiancienne que le commerce et lui est indis-sociable: la mer est un espace de «non-droit» où les armées des États et empiresne peuvent intervenir que très difficile-ment. D'où, comme l'analyse l'historienaméricain Daniel Heller-Roazen dans unouvrage tout récent, l'inquiétude sourdequi accompagne ces navigateurs criminelsen tout genre : pirates de l'Antiquité, corsai-res du Moyen Âge, barbaresques de la merRouge, flibustiers et boucaniers des Tempsmodernes.

César, les pirates etle contrôle des... terres

En - 78, Jules César est un jeune patricien de23 ans. Son oncle Marius vient d'être dis-gracié à Rome et César doit lui aussi s'exiler.En route vers Rhodes, le navire de César estpris en chasse au large des côtes de Carie.Capturé par les pirates de Cilicie, le jeuneCams Julius César est emprisonné à terredans la ville de Pharmacuse et échangéquèlques semaines plus tard contre unerançon de cinquante talents, une sommeconsidérable. Mais l'histoire ne s'arrête paslà. Libéré, César convainc le légat de Milet,Valerius Torquatus, de lui confier le com-mandement d'une flotte de galères. Àla têtede celle-ci, César capture les pirates, récu-père la rançon, et se présente devant le prê-teur d'Asie Mineure, un certain Junius,pour demander leur exécution. Celui-ci semontre très réticent: des accords et desarrangements implicites lient tous les pou-voirs à terre aux pirates des îles ioniennes etil n'est pas question de s'aliéner les pouvoirsillégaux des pirates illyriens, tyrrhéniens etciliciens. La petite histoire raconte queCésar se passera de l'accord de Junius etfera exécuter les prisonniers.Au-delà de l'anecdote historique, trois élé-ments essentiels de la piraterie ancienneapparaissent ici. La piraterie est liée auxroutes du commerce maritime; elle pro-

cède soit du pillage, soit de la contrebande,soit de la prise d'otages échangés contredes rançons; enfin elle suppose une orga-nisation rigoureuse à terre et des alliancesavec les pouvoirs locaux que l'on corrompt.Et ceci est vrai aussi bien dans la Méditer-ranée ancienne, que dans les mers deChine, d'Inde ou d'Arabie au MoyenÂge. Etbien sûr dans le lieu principal de la pirate-rie occidentale à partir du xvie siècle, lebassin des Caraïbes.

De la flibuste àla piraterie

Dès le début du xvie siècle et la mise en placedes routes maritimes commerciales entrel'Europe et les Amériques vont se poser lesquestions conjointes de la liberté de naviga-tion et du droit de la guerre. Pour les Espa-gnols et les Portugais, les choses sont sim-ples: ils estiment, par droit de découverte,avoir le monopole de la navigation dans leseaux américaines. Tout navire étranger quinavigue dans les Caraïbes est susceptibled'être capturé et reconnu de « bonne prise ».À l'inverse, les navigateurs des autres Étatseuropéens du xvre siècle affirment la libertéde navigation et l'absence de droit sur lamer. Au même moment, les guerres euro-péennes successives entre la France, l'Espa-gne ou le Portugal puis l'Angleterre enga-gent ces pays dans des affrontementsmaritimes par navigateurs interposés...,jusqu'aux Antilles. Ce mélange d'aspectspolitico-militaire et de brigandage - qu'onappelle la flibuste -va être la principalecaractéristique de cette première phase quidure du xvie siècle au milieu du xvnc. MichelLe Bris a étudié en détail cette épopée oùs'affrontent des flibustiers célèbres: JohnHawkins, Francis Drake, ou François LeClerc dit «Jambe-de-Bois» (i)!Cette première période se termine avec lafin du monopole hispano-portugais sur lecommerce des Amériques au début du xviie,d'une part, et l'affaiblissement -parfoisassez relatif- des conflits européens dansles mers du Sud au cours du xvm6 siècle.Face à la fin des mandats de course, les fli-bustiers et corsaires «ont le choix entre lasoumission et une place dans la société colo-niale, oula poursuite de l'aventure maritimeen dehors de la loi (2) ». Commence alors la

phase la plus célèbre de l'histoire de la pira-terie. C'est au début du xvm6 siècle que celle-ci trouve son apogée, particulièrementdans une sorte «d'âge d'or» qui va de 1715à 1724, autour de pirates emblématiquescomme Barbe-Noire. Le cinéma hollywoo-dien a immortalisé les clichés romantiquesde la piraterie des Caraïbes. Mais, «loin detout romantisme social, (elle) est avant toutune affaire commerciale», affirmait JeanMeyer dans un texte fondateur de 1971 (3).Et l'historien Jean-Pierre Moreau de com-menter : « Ce f ut une industrie de pillage. »Àterre, des bases permanentes permettentle recrutement, l'organisation des ports, lalogistique maritime et la structure destransactions illégales (prise d'otages,détournement de navires, attaques desvilles côtières) : ce sont les îles de la Tortueen Jamaïque et de New Providence auxBahamas, par exemple. Le choix de l'équi-page est fondamental: l'objectif est demener une attaque éclair contre un navireavec beaucoup d'hommes et non pas de lecouler! Il faut aussi un bon pilote: c'est luiqui, par sa connaissance des routes mari-times et des vents, permet l'efficacité desattaques et de la fuite face aux flottes étati-ques qui commencent à tenter de contrôlerses espaces hors droit. L'ensemble est orga-

En merde Chine aussi!

Les empereurs chinois cles xv* etxvie siècles contrôlaient les mers du

Sud, les détroits et entretenaient desexpéditions parfois très lointaines (commecelles de Zheng He, 1371-v. 1434). Maisau début du xvm" siècle, le déclin de ladynastie Ming amène l'Empire à se repliersur le continent. La piraterie se développealors rapidement, particulièrement dans ledétroit de Formose. En 1625, un pirate setaille un royaume maritime de plus en plusétendu. Zheng Zhilong va devenir le pluscélèbre pirate du xvii" siècle asiatique. Lasolution que l'empereur trouvera finale-ment pour le soumettre sera de le nom-mer... amiral de la flotte impériale. • R.-E.o.


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Robinson Crusoé et la dynamiquedu capitalisme

Vous n'avez jamais entendu parlerd'Alexander Selkirk? Il est pourtant l'un

des plus célèbres inconnus de la mytholo-gie litteraire, le «modele» dont Daniel Defoefera, en 1719, Robinson Crusoé Michel LeBris, dans la preface a la biographie que luiconsacre Diana Souhami, résume abrupte-ment le parcours de ce mauvais garçon, neen Ecosse en 1680 « Une parfaite tête delard Dur au mal, bute, sournois, querelleur,prompt a faire le coup de poing ( ), avecpour seul credo ( ) survivre a tout prix »

Comme beaucoup de «badboys» de sontemps, Selkirk devient mann pour échap-

per aux différents proces pour violence quile poursuivent depuis son adolescence

En 1695, on le retrouve comme corsairedans l'océan Pacifique sous les ordres del'un des plus célèbres commandants dela course du début du xvm" siecle, WilliamDampier Corsaire, pirate, flibustier, ladifference est mince et peut changerrapidement selon les circonstances Sousla direction du capitaine Stradling, Selkirk

continue sa vie de chef d'équipage bute etbagarreur aussi bien sur le Pacifique quesur l'Atlantique, a la poursuite des naviresespagnols et français Jusqu'à ce jour de1704 ou, excède par ce mann par trop indo-

cile, Stradling décide de l'abandonner surl'une des iles de l'archipel Juan-Fernandez

au large du Chili Selkirk parvient a survivrependant quatre ans grâce aux chevresqui prolifèrent sur l'île Retrouve en 1708,Selkirk reprend aussitôt sa vie de corsaire-pirate Y a-t-il quelque chose de change enlui"7 D Souhami le suggère Devenu riche ala suite d'une belle prise dans le Pacifique,il ne s'installe que quèlques annees a terreentre 1711 et 1715 avant de repartir sur desnavires négriers Cherche-t-il a retrouver

son île déserte7 ll finira par mourir dela malaria quelque part dans le golfe deGuinée en 1721Au-delà de ce destin individuel, c'est ceque Fernand Braudel appelle «la dynami-que du capitalisme» qui apparaît a traversle parcours chaotique de corsaire et depirate de Selkirk C'est parce que l'Europeest capable de developper son commerceet ses échanges a l'échelle du monde queles compagnies européennes recrutent etenvoient sous toutes les latitudes des hom-mes comme Selkirk Les grandes compa-gnies marchandes du xvie et du XVM" sieclecomme la VOC (Verenigde OostmdischeCompagnie) - la Compagnie hollandaisedes Indes orientales - sont les acteurs decette construction spatiale Ce sont ellesqui sont capables de creer les échangesinégaux Ce sont elles qui structurentles premiers grands flux mondiaux Lamicrohistoire d'Alexander Selkirk/RobmsonCrusoé ne peut donc prendre de sens quedans la geohistoire globale de la construc-tion de l'espace economique mondialComme le dit F Braudel, «il faut tout voir,sinon tout situer, a l'échelle nécessaire dumonde» Même le «microdestin» de ce pi-rate et corsaire d'Alexander Selkirk' • R.-É.D.

A lire• Les Folles Aventures du vrai Robinson Crusoé

Diana Souhami Autrement 2006• La Dynamique du capitalisme

Fernand Braudel 1985 reed Flammarion collChamps histoire 2008

• La Compagnie des Indes orientalesTrois siècles de rencontre entre Orientaux etOccidentauxPhilippe Haudrere Desjonqueres 2006

mse autour d hommes charismatiques, cespirates dont l'histoire et la mythologie his-torique ont retenu les noms Edward Teach(dit Barbe Noire, ne vers 1680 mort en1728) dont le navire, le Queen Anne sRevenge, sera la hantise des Caraïbes pen-dant les deux annees 1717 1718, FrançoisI donnais (1630-1669), considère commel'un des pirates les plus cruels des côtesd'Amérique centrale - il mettait en scene latorture de ses prisonniers -, ou Henri Morgan (1637-1688) pirate, corsaire, marinassez médiocre, maîs excellent preneur devilles, qui finira gouverneur anobli de laJamaique -1 industrie sucriere naissanteayant besoin d'un « parrain » '

Libertalia pirate et contrôledes États

C'est au milieu du xvm6 siècle, dans le cré-puscule de la piraterie - et en lien aveccelui ci - que se diffuse le mythe de « Liber-talia», une communaute pirate libertaire,sorte d utopie égalitaire et de cite idéale,que Daniel Defoe décrit longuement dansson Histoire generale des plus fameux pira-tes La localisation même de cette Liberta-lia supposée, au nord de Madagascar, est lesymbole de la lente disparition de la pirate-rie dans les Caraïbes désormais les Etatsse renforcent et commencent a contrôlerde façon de plus en plus efficace les mers etles routes commercialesLa piraterie continue d exister de façonendémique jusque dans les annees 1750-1780, maîs elle n est plus qu'une sorte desoupape de securite pour la societe colo-niale Face a un contrôle étatique des mersde plus en plus efficace, elle va disparaîtrependant deux siècles avant de revenir defaçon totalement imprévue, a la fin duxxe siecle, dans le sillage de la mondialisa-tion et de ses routes commerciales •

(1 ) Michel Le Bris, D or de reves et de sangLepopee de la flibuste (1494 1588) Hachette 2001

(2) Jean-Pierre Moreau, Une histoire des piratesDes mers du Sud a Hollywood Seuil coll Pointshistoire- 2007(3) Jean Meyer, La course romantisme exutoiresocial réalité economique essai de méthodologieLes Annales de Bretagne vol LXXVÏII n°2

juin 1971


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* i* i

Canal de Panama

OCEAN PACIFIQUE

OCÉANATLANTIQUE

NORD

_[ Mer desliCaraibes.

Mer de Chine du Sud,Mer de la SondeGolfe du Bengale

Golfes duNigeria et

du Cameroun

OCÊANATLANTIQUE

SUD

OCÉANINDIEN

\

Principaux lieux dè piraterie

JJ2J Zones de piraterie diffuse

((oi) Détroits ports et routes les plus affectes

Le golfe d'Aden est aujourd'hui le principal lieu de la piraterie

avec plus de 217 attaques en 2009 sur un total de 406 Vient

ensuite le golfe de Guinée (28 incidents pour fes seules mers

nationales du Nigeria) Les attaques dans les mers du Sud-Est

asiatique sont en baisse constante depuis quatre ans (15

La piraterie maritime

3^ Attaques de navires marchands

^Attaques de passagers Source ICC IMB(Internat onal Cr me Comm ss on

Internat onal Mar t me Bureau) rapport 2010

attaques dans le détroit de Malacca en 2009, 13 en mer de

Chine) Le quatrieme lieu de la piraterie reste les Caraïbes et

les mers autour du détroit de Panama avec 37 attaques en

2009 (dont 12 dans les seules eaux territoriales du Perou a la

sortie du canal)

Le retour de la pirateriePrise d'otages, trafic d'armes et de drogues..., la nouvelle piraterie maritime,

apparue dans le contexte de la mondialisation naît de la proliférationde réseaux mafieux dans les États les plus pauvres de la planète.

Dans le golfe dAden, le détroit deBab El Mandeb est l'un des lieuxde passage les plus importants des

routes maritimes mondiales pres de 20%des pétroliers et des porte conteneurs passent par ce détroit Sur les rives du golfe sesituent deux des principaux «failed States»dc la planete la Somalie au sud ct le Yemenau nord Ces deux espaces sont en lien avecdes villes importantes capables de gererl'argent des entreprises informelles depiraterie et de ses principales activitesprise en otage des équipages, échanges derançons, détournements de navires et deleurs cargaisons - la aussi échanges contredes rançons Dubai et Nairobi sont intègresa ce trafic financier de blanchiment financier Telle est la situation en ce début du

xxie siecle, ou I on assiste a un renouveau dela piraterie maritimeAinsi le 4 avril 2008, le navire de luxe français Le Ponant est détourne au large de laSomalie, en septembre2008 le cargo MVFmna contenant plusieurs dizaines de tonnes d armes est capture par les pirates somaliens le 18 novembre 2009, le supertankerSirius Star (318000 tonnes, plus de 300metres de long) est lui aussi détourne Et laliste pourrait continuer ainsi longtemps

La piraterie maritimese comprend à terre

Ce renouveau s'inscrit dans une perspectived ensemble il y a piraterie sur les routesmaritimes de la mondialisation, dans deslieux qui concentrent certains des Etats

effondres actuels, et qui s inscrivent dansles espaces ou se développent les formesmafieuses de la globalisationAujourd nui la Somalie n existe que sur lescartes Le pays est divise en trois ou quatreentités politiques séparées Au nord-ouest,le Somaliland est indépendant depuis 1991(cette independance n est bien sûr pasreconnue officiellement) 3 5 millions d habitants pour 150000 kilometres carres envi-ron soit environ un quart du territoire de laSomalie Au nord, le Puntland, region plusfloue que le Somaliland - maîs qui a déclaréson independance en 1998 malgre tout250000 kilometres carres pour 3 5 millionsd habitants également Le Somaliland et lePuntland possèdent un gouvernement, unemonnaie, un drapeau, une capitale - le tout


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TROIS QUESTIONS À

Simon MinkowskiDe nouveaux réseaux mafieuxSimon Minkowski est maîtrede conférences à l'IEP-Pans,consultant en intelligencestratégique et ancien officierfrançais dè renseignementen Afrique et au Moyen-Orient.

Le détournement le 15 novembre 2008du superpétrolier saoudien MV Sirius Star,a marqué les esprits: pourquoi est-il aussiimportant?La localisation du détournement (en pleinocean Indien et non plus le long du rail decirculation du golfe d Aden) ainsi que lanature du navire concerne (un supertankerde plus de 300 rn de long et contenantenviron 2,2 millions de barils de brut, soitune valeur estimée a 150 millions dedollars) ont marque un veritable tournantdu phénomène de la piraterie somalienneLaffaire Sinus Star permet de comprendreI articulation de la piraterie a terre et lesreseaux qui la sous tendent notammentd'un point de vue financier

En quoi ce détournement est-il révélateurdes formes actuelles de la piraterie ?A une premiere échelle, les côtesmarginalisées du Puntland (region semiautonome depuis 1998 du Nord Est de laSomalie, majoritairement peuplée parleclan Darood), et plus particulièrementles villages de pêcheurs de Eyl, Hobyo etHarardhere, ont concentre l'essentiel decette activite, en plein boom depuis 2007Bénéficiant d un isolement géographiquepratique de la corruption galopante desautorites locales, et d un savant mélangede protection clanique, la piraterieartisanale s'est transformée en uneentreprise mafieuse regionale Avec lacomplicité de relais yemenites etkenyans, la piraterie participe ainsi auxcôtes du trafic de réfugies, d'armes et deqat, a la formidable vitalite illicite deséchanges regionaux à partir de laSomalie et vers I interieur du continentafricain ou vers la peninsule arabiquedont Dubai reste une plaque tournante

(pour une large partie légale aussi)On voit ainsi comment la piraterie est l'unedes conséquences de l'instabilitéchronique de la Somalie, maîs qu'elle estaussi devenue une activite structurée etaux ramifications globalisées (a I image dela géographie mondiale de la diasporasomalienne)

Comment se déroule concrètement uneopération de cette « Somalie connection » ?Une opération se monte d'abord grâce à un«financier» avançant les fonds nécessaires(location du materiel, recrutement del'équipage et des pirates) et bénéficiantavant toute chose de solides reseaux« sécuritaires » locaux Le navire une foisdétourne (et les membres d'équipages prisen otages) est ramené a proximiteimmédiate du village côtier S ensuiventdes negociations directes, jusqu'à ce quel'armateur choisisse de payer la rançon(comprise entre 500000 et 2 millions dedollars en general et sous forme deparachutage de la somme en liquide,comme le 9 janvier 2009 pour le Sirius Star)Suivant une repartition proportionnelle etprécise du butin (le pirate étant monte lepremier a bord du navire lors de l'abordagereçoit même une prime) entre l'ensembledes acteurs et des intermédiaires (ce quidonne parfois lieu à de violents règlementsde compte au sol), une partie de l'argent estreinvestie localement (achat de vehicules,construction de maisons) alors que le reste«s évapore» a travers les tuyaux sinueux et«grises» du systeme des hawilad L'argenttransite instantanément entre agents« agrees », depuis la Somalie vers d autresdestinations souvent situées dans le golfe(avant de resservir a nouveau a lapreparation d une nouvelle expédition) •

PROPOS RECUEILLIS PAR R.-E.D.

Pour aller plus loin

• « Piracy off the Somali Coast»Onu International expert group on piracy off theSomali Coast novembre 2008www imcsnet org/imcs/docs/somalia_piracy_mtl_experts_report_consolidated

non reconnu par la communauté interna-tionale maîs n'en existant pas moins AI extrême sud, la region de Mogadiscio, laseule region que le gouvernement somaliencontrôle réellement Entre la capitale Mogadiscio et le Puntland, une region floue, leGalmudug, contrôlee par quèlques grandsseigneurs de la guerre C'est sur cette situalion de failed Stats- que l'on peut transposeren partie au Yemen ou, a un moindre degré,encore dans le nord de I Indonesie - queprolifèrent les bases arriéres terrestres desentreprises de piraterieDepuis vingt ans, pres 4000 actes de piratene ont ete dénombres dans le monde,dont un peu plus de 400 pour la seuleannee 2009 Le rapport 2010 de I ICC (Inter-national Crime Service) détaille l'ensemblede ces attaques (i) II montre que c'est logi-quement dans le golfe d'Aden que la situa-tion est a la fois la plus grave et qu'elle sedegrade le plus Ainsi, sur 47 vaisseauxdétournes et pris en otages en 2009,42 l'ontété au large de la Somalie La zone d'atta-

B I B L I O G R A P H I E

PIRATES AU JOUR LE JOURJean-Pierre Moreau, Tallandier, 2009

UNE HISTOIRE DES PIRATESDes mers du Sud à HollywoodJean-Pierre Moreau, Seuil, 2007

PIRATES ET TERRORISTESEN MER D'ASIEUn maillon faible ducommerce mondialSolomon Kane et FrançoisMartin, Autrement, 2005

L'ASIE-PACIFIQUE DESCRISES ET DES VIOLENCESChristian Huetz de Lemps etOlivier Sevin (dir ), Presses deI universite Pans-Sorbonne 2008

DOSSIER «PIRATES ETPIRATERIES»Beatrice Giblm (coord ),Hérodote, 3e trimestre, 2009

L'ENNEMI DE TOUSLe pirate contre les nationsDaniel Heller-Roazen, Seuil,2010

MOI, OSMANE, PIRATE SOMALIENLaurent Merer, Koutoubia 2009

Pirates et terroristes |en mer tl Asie


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? Non, enfants-soldats!Enfants-pirates

p*/L'équipage du yacht français

s en otage au large••• • •i MaM

de la Somalie en avril 2009

Osmane, un jeune enfant-soldat somalien, parvient

a échapper aux commandos

de la marine qui pourchassentun groupe de pirates fuyant

dans le desert apres l'échanged'une rançon Comment cejeune Somalien est-il devenu

pirate9 Passe de Mogadiscioen ruines jusqu'au village deGaraacad, Osmane partagela vie precaire des pêcheursde la Corne de l'Afrique, ces«pirates» qui désormais pillentet prennent en otages les flot-tes et les équipages des plus

grandes puissancesComment comprendreles itinéraires de cesenfants-soldats quesont les jeunes piratesembarques sur leszodiacs et les vedettesrapides du golfe d'Adenou du détroit de Ma-lacca? Laurent Merer,ancien chef des forces

navales françaises del'océan Indien, s'estpose la question dansun beau livre intituleMoi, Osmane, pirateSomalien publie en2009

<" L Merer proposed'abord, sous formed'un court récit ro-

mance, la vie de cet adoles-cent a la fois imaginaire etbien reel, avant d'analyser ensociologue et geopohticien satrajectoire Sur une bande de

800 kilometres, du Somalilandau Puntland, c'est toute une

economie liee a la piraterie ma-ritime qui s'est installée depuisle milieu des annees 1990Les sommes rapportées parles prises d'otages sont sanscommune mesure avec lesrevenus de la pêche locale Etce d'autant plus que les flotteseuropéennes et japonaisesviennent jusqu'au nord desSeychelles pour exploiter lesbancs de poissons destines ala consommation occidentaleAu point de depart, l'appau-vrissement des zones depêche dans une region ou lesEtats sont des «failed States»,des Etats effondres qui n'ontpas ou plus les moyens de

construire des tissuseconomiques formels

Au point d'arriver a un secteurinformel et mafieux qui a prisle relais d'une organisationétatique défaillante Et dansce contexte, la vie broyée deOsmane, 15 ans, enfant-soldatsomalien1 BR.-É o

que qui était en 2007 2008 essentiellementconcentrée dans le rail de navigation dugolfe descend maintenant tres au sud, jusqu'aux Seychelles voire jusqu'au nord deZanzibar (Tanzanie) et de Grande Comore(la plus grande et la plus au nord des troisîles de l'Union des Comores)En mer de Chine et dans le détroit deMalacca, la situation s'est nettement amé-liorée depuis quèlques annees La ou Solomon Kane et Francis Martin étudiaientdans un ouvrage célèbre «la piraterie, lespirates et terroristes en mer dAsie, commel'un des maillons faibles du commerce mondial (2) », la region est aujourd'hui beaucoupplus calme L'Indonésie a ete félicitée par lesorganisations internationales pour sesefforts pour lutter contre les bases des pira-tes même si dans le même temps on acompte 9 attaques a Singapour contre 6I annee derniereLe Nigeria inquiète beaucoup les analystesde la piraterie II y a la des conditions polentiellement explosives une industrie pétro-

lière fortement corrompue qui génère desmasses «d'argent sale» considérables, desespaces mal contrôles par un gouvernementdépasse C'est d'ailleurs le lieu ou les formesd'attaques de piraterie ont ete les plus violentes l'un des équipages pris en otage a eteassassine, ce qui est tres rare (les otages sontl'une des bases du commerce de la piraterie- ily a eu 1052 personnes prises en otages en2009 dans les quatre lieux planétaires de lapiraterie)

Quelles solutions?A la suite de la prise en otage du navire deluxe français Le Ponant, le Premier ministre français François Fillon avait propose lacreation d'une force internationale d'inter-vention sous mandat de l'Onu pour luttercontre la piraterie maritime Devant lesdifficultés de la mise en place d'une telleforce, l'Otan a assure d'octobre à decem-bre 2008 la protection des navires du Pam(Programme alimentaire mondial) aularge de la Somalie Depuis le 8 decembre

2008, e est I operation Atalante qui a pris lerelais Cette mission de l'Union europeenne sous mandat de I Onu regroupe9 pays une vingtaine de navires, et pres de2000 militaires au totalMaîs quelles que soient les forces militaireset maritimes déployées, celles ci ne peuvent être que les complements d'une toutautre politique celle qui vise au developpement des regions et des Etats La pirate-rie doit être ramenée a ces racines lechaos, la misère, l'instabilité politiqueFace a cela, les solutions economiques etpolitiques sont pour l'instant dérisoiresUn seul chiffre suffira a le faire compren-dre l'aide internationale totale a la Soma-lie est de 150 millions de dollars par an,soit le prix d'un Airbus ' • R.-É.D.

(1) ICC/IMB (International Maritime Bureau),«IMB piracy and armed robery report 2010 >

Disponible sur www ice ecs org uk/(2) Solomon Kane et Francis Martin, Pirates et

terroristes en mer d Asie Autrement 2005

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