koumen
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Amadou Hampâté Bâ et Germaine Dieterlen
Koumen. Texte initiatique des Pasteurs Fulɓe.
Cahiers de l'Homme. École Pratique des Hautes Études, VIe section. Mouton et Cie. Paris,
1961, 95 pages.
Table des matières
Introduction
Première Clairière
Deuxième Clairière
Troisième Clairière
Quatrième Clairière
Cinquième Clairière
Sixième Clairière
Septième Clairière
Huitième Clairière
Neuvième Clairière
Dixième Clairière
Onzième Clairière
Douzième Clairière
Le dénouement des noeuds
La lutte finale : invocation à Jalaañ
Conclusion
Glossaire
Bibliographie
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Revue
La collaboration de l'érudit pullo Amadou Hampâté Bâ et de Mme Dieterlen, dont
on sait la connaissance profonde des religions et des mythes soudanais, a doté la
littérature ethnographique d'un chef d'œuvre. Ce texte initiatique transmis par le
maître Arɗo Dembo, de Ndilla, campement du Ferlo (Sénégal), est une sorte
de Pilgrim's Progress. Il retrace la marche du pasteur Sile Saajo à travers les douze
clairières de la connaissance, guidé par le nain à barbe d'ancêtre, Kumen, auxiliaire
du serpent mythiqueCaanaba ou Tyanaba, et sa femme Foroforondu. Une
succession d'épreuves l'attendent qui sont autant d'initiations à la structure du monde
et à la lutte sur soi-même. Les quatre premières clairières correspondent aux quatre
éléments ; puis viennent l'épreuve du courage, les clairières des sept soleils, le
contact avec le bovidé mythique hermaphrodite et le dénouement des vingt-huit
nœuds, achèvement de la connaissance. Laissé seul, avec les emblèmes du pastorat,
il aura à vaincre le lion magique pour retourner au pays des hommes.
La poésie saisissante de ce récit évoque les plus belles pages de la Bible, et il a
fallu des traducteurs remarquables pour nous la conserver aussi fraîche. Texte très
dense sous son allure aisée, presque dansante ; il n'est pas une phrase, presque pas
un mot, qui ne soit riche de symboles. Ces symboles nous sont expliqués par des
notes abondantes, placées en regard du texte, et par une introduction qui nous initie
très clairement à la vie spirituelle des Fulɓe et à ses supports matériels : famille,
troupeaux, marques du bétail, lait, végétaux, autels, bâtons, cordes à bétail, fouet à
lait. Sont ensuite exposés les degrés de l'initiation, le rôle du silatigi (initié complet,
prêtre de la communauté), le mythe du serpent Caanaba sortant de l'Océan à
l'embouchure du Sénégal et parcourant tous les pays des Fulɓe occidentaux avant de
disparaître dans le lac Faguibine.
La conclusion et les photos jointes montrent comment ce mythe du serpent, les
robes des bovidés, les soleils et les clairières expliquent certaines peintures relevées
par H. Lhote au Sahara. Sa « période bovidienne » nous présente les ancêtres des
Fulɓe. Il l'avait pressenti, nos auteurs le prouvent. La continuité de civilisation et de
croyances au cours de ces cinq millénaires apparaît frappante. A peine si le zébu a
remplacé le bœuf à longues cornes et si le roi Salomon a été incorporé aux mythes.
Nous plongeons, avec « Koumen », dans un passé africain dont l'antiquité et la
profondeur ésotérique s'épanouissent dans un milieu naturel et charmant ; une belle
réalisation humaine.
Hubert Deschamps
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Introduction
Notice La publication de cet ouvrage est antérieure à la conférence consultative sur
l'unification des alphabets des langues africaines (Bamako, 28 Février - 5 mars
1966). Elle ne réflète donc pas la codification recommendée par les experts pour la
transcription du Pular/Fulfulde.
Par contre, webPulaaku applique la transcription de Bamako aussi fidèlement que
possible. Parmi les implications de cette démarche, retenons les suivantes :
• les consonnes spécifiques ne sont pas notées par des lettres doubles (digraphes).
Au contraire, elles sont représentées par des signes simples. Exemples: Ɓ, ɓ, Ɗ, ɗ,
Ŋ, ŋ, Ƴ, ƴ
• les voyelles longues ont une graphie double et celles nasales sont notées par un n,
à moins qu'elles ne soient précédées et/ou suivies d'une consonne nasale ou
prénasaliée (mb, nd, ng, ny)
• les vocables autochtones (noms propres de personne, appellations génériques de
lieu) remplacent leur équivalent occidentalisés. Cela se traduit en français par la
suppression des accents (aigu, grave, circonflexe, tréma), à l'exception des noms
d'auteurs et d'entités morales.
Lire également Alfâ Ibrâhîm Sow. Note sur la langue et la transcription
Tierno S. Bah
Kumen est le texte initiatique des pasteurs fulɓe. Nous le tenons d'Arɗo Dembo, de Ndilla,
campement fulɓe de Moguer, cercle de Linguère (Sénégal). Ce maître le fit réciter, à titre
d'épreuve, par son meilleur élève, Aliw Essa, descendant du grand initié Sule Yugo.
Il semble que ce texte ne soit plus actuellement que l'apanage des Fulɓe du Sénégal : ailleurs,
en effet, les conversions massives à l'Islam ont souvent altéré les connaissances
traditionnelles. Dans ce territoire où les troupeaux transhument pendant la saison sèche en
traversant à gué la Gambie — gayo beele (beele, pl. de weendu, mare) — l'initiation était
donnée dans le cercle de Linguère, sur le terrain situé entre le Sénégal et la Gambie, près de
Tambacounda, dit jeeri (haute brousse) 1.
Les instructeurs étaient des jengelɓe (sing. jengello), c'est-à-dire « les gens du jeeri »,
appartenant généralement à la famille Jal. Pouvaient également devenir instructeurs les initiés
d'autres familles, mais, dans ce cas, ils agissaient au nom des Jal, en disant : « voici votre
bâton » — allusion au bâton pastoral consacré des initiés, lequel a une valeur symbolique.
Au Maasina, le rite principal concernant le pastorat avait lieu en saison sèche, dans la
dépression du lac Débo, près de Gurawo ; il était associé aux réseaux formés par les cours
d'eau de la région qui, après s'être séparés (comme le Niger et le Jaka à Jafaraɓe) ou réunis
(comme le Niger et le Bani à Mopti), se regroupent au lac Débo pour se diviser ensuite de
5
nouveau et se réunir définitivement à Issafay, où l'Issaber et le Bara Issa se rencontrent 2. Il
faut signaler cependant que si, au Maasina, l'initiation a presque complètement disparu, le «
passage des bœufs » à Jafaraɓe, instauré par Sheku Amadu au moment où fut organisée la
transhumance vers l'ouest, reste un rite pour l'exécution duquel interviennent les Bozo et qui
comporte une lustration des animaux.
La compréhension du texte de Kumen nécessite une introduction qui mette le lecteur au fait
des principaux éléments de la connaissance traditionnelle concernant les structures familiales
et les troupeaux, les autels et les objets et emblèmes relevant du pastorat, comme des
modalités de l'initiation.
Les familles
Les Fulɓe distinguent :
les nobles, propriétaires des troupeaux et pasteurs
rimbe (de rimde « naître »)
leurs serfs, cultivateurs, rimayɓe
les gens de castes ou artisans, nyenyɓe (de nyenyude « être adroit, savoir fabriquer »).
Les nobles comptent traditionnellement quatre « familles » (lato sensu) ou clans, dont les
noms,jettooje (sing. yettoode), sont Jal, Ba, So, Bari. Cette structure ethnique de base a
permis, lors de la domination de l'empire du Mali, l'intégration des Fulɓe, vaincus par
Soundiata, au système quaternaire observé au Mandé. C'est ainsi que les quatre clans initiaux
des Fulɓe, ont adopté quatre « noms du Mandé », respectivement Jallo, Jakite, Sidibe et
Sangare 3. Cette intégration s'est traduite également par des alliances matrimoniales : les Ba,
qui ont épousé des femmes malinké, ont fondé le Wasulu ; les nobles bambara ont épousé des
femmes fulɓe.
Les noms des clans des Fulɓe se sont modifiés suivant les régions en fonction des migrations,
de l'habitat, de l'histoire et des événements politiques :
Jal a donné Jallo, Ka, Kan, Dikko et aussi Mayga
Ba a donné Bal, Bach (?), Balde, Nuba, Jakité, Jagayete
So a donné Sidibe
Bari a donné Sangare
C'est ainsi que les Ba, dits aussi Urube ou Wuwarɓe, comprendraient théoriquement vingt-
huit sous-clans ou familles. Les Ba au Jolof (Sénégal) sont des Bal, des Balde au Fuuta-Jalon,
des Nuba dans la région Soso, des Jakite au Mandé et des Jagayete dans la région de
Bandiagara. Tous les Bororo sont des Ba ; borooro signifie littéralement « très fermé » et par
6
extension « égoïste ». Les Bororo, dépositaires de la plus authentique tradition, sont
endogames ; restés nomades, ils n'ont jamais été en contact avec les structures mande.
Le yettode (ou yettoore) est porté par un individu en Guinée, au Sénégal et au Soudan. Plus on
s'écarte de ces régions, plus on s'éloigne du Mandé, moins un Pullo porte son nom de clan.
Au Fuuta-Tooro, il allie son prénom à celui de sa mère.
Chaque clan a son attribution particulière : les Jal sont pasteurs et « propriétaires des
connaissances » relatives au pastorat. Les Ba sont guerriers ; lorsqu'un Jal est chef, il se fait
précéder d'un Ba s'il est à cheval. Les So, qui vivent en marge, détiennent les connaissances
initiatiques concernant la brousse, car les laoɓe, bûcherons et travailleurs du bois, considérés
comme de grands magiciens, sont rattachés aux So 4. C'est chez les Bari que, depuis les
conversions à l'islamisme, se recrutent les marabouts 5.
D'une façon générale, les Fulɓe entretiennent avec diverses sociétés d'Afrique Occidentale, au
contact desquelles ils se trouvent, des relations à plaisanteries (p. denɗiraaku, senenkuya en
bamana).
Il convient de mentionner ici l'alliance avec les forgerons, car elle est d'un caractère très
particulier, le forgeron jouant un rôle dans l'initiation et figurant dans le texte de Kumen.
Fulɓe et forgerons ne se marient pas entre eux; autrefois, ils ne s'asseyaient jamais sur la
même natte quand ils étaient pas de même sexe 6 ; une entraide réciproque absolue est de
régle entre eux ; ils ne doivent jamais se trahir l'un l'autre. Les Fulɓe apaisent les querelles
entre forgerons et réciproquement. Autrefois, un Pullo ne vendait jamais de lait à un forgeron,
et ce dernier travaillait pour lui gratis. Un Pullo se présentant à la porte de la forge en
apportant du lait, avait la priorité absolue pour demander un service. Si quelqu'un venait alors
déranger le forgeron, celui-ci répondait « le rouge a passé », et si l'autre insistait, il disait : «
Ne vois-tu pas le feu ? » Le Pullo est en effet le symbole du feu pour le forgeron.
« Pullo rouge » fla ble, « or rouge » sanu ble, « cuivre rouge » sira ble, sont quatre
équivalences pour le forgeron. Pour se moquer du Pullo, le forgeron peut l'appeler « fauve
rouge » (c'est-à-dire « sauvage rouge ») wara ble 7.
Les troupeaux
Les animaux appartiennent à trois catégories principales, néces sitant trois sortes de bergers,
désignés sous le terme général de banyaaji (sing. banaaru) « pasteurs » :
ceux des ovidés, dits balinkooɓe (sing. baalinke), ont pour emblème le bélier
ceux des bovidés, dits na'inkooɓe(sing. na'inke), ont pour emblème le taureau
ceux des capridés, dits be'inkooɓe (sing. be'inke), ont pour emblème le bouc.
7
On ne peut guère changer de rôle dans l'exercice du pastorat ; à l'origine, il semble qu'en ce
domaine il y ait eu un interdit. Les animaux parquent dans des endroits distincts : les chèvres
sont toujours isolées ; les vaches et les moutons peuvent parquer ensemble, mais sans se
mêler. Au moment de la transhumance, les moutons partent les premiers ; au retour, les
bovidés marchent devant. Les chèvres transhument à part vers la montagne.
Pour les Fulɓe, les bovidés ne constituent pas un bien, une richesse, mais sont des « parents ».
Cette parenté s'exprime dans les rapports symboliques établis entre les quatre grandes
familles fulɓe, lesquatre couleurs principales des robes des bovidés, les quatre éléments
naturels (terre, eau, feu, air) et les quatre points cardinaux :
Ja
l robe jaune — oole
fe
u est
B
a robe rouge — woɗewe air
oue
st
So
robe noire — wane
ea
u sud
B
ari robe blanche — daneere
ter
re
nor
d
Les quatre robes principales des bovidés, en rapport direct avec les clans, se divisent chacune
en seize classes selon la couleur, la position et la forme de leurs taches. Par exemple,
la fadaletoodde est une vache noire et blanche (elle a une tache blanche en forme de selle sur
le dos) et joue un rôle particulier dans le troupeau. Chacune de ces robes a un nom et
correspond à une famille relevant d'un clan.
L'interprétation des robes — lesquelles présentent en tout quatrevingt-seize combinaisons, car
il y a plusieurs « mariages » possibles — intervient constamment dans la vie pastorale : elles
se « lisent » comme un thème géomantique. C'est ainsi qu'au moment de la transhumance, à la
sortie du parc, hoggo, la couleur de l'animal placé près de la porte détermine, en fonction des
correspondances mentionnées plus haut, la famille dont le troupeau doit marcher en tête, et la
direction à prendre. Ce rite une fois observé et lorsque tout le troupeau est sorti, les animaux
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prennent la direction du lieu de transhumance et se déplacent alors selon l'ordre traditionnel
des clans : en tête ceux des Jal, puis ceux des Ba et des So, ceux des Bari fermant la marche.
Comme la couleur et les taches des robes, l' « élément » associé à une famille intervient
également : si les pluies sont excessives, ou que l'eau manque, c'est le patriarche de la famille
en relation avec l'eau qui doit intercéder par ses prières.
De plus les bovidés sont marqués par leur propriétaire au fer rouge. Il y aurait eu, à l'origine,
seize marques de caractère religieux : à chacune d'elles sont, en effet, attachées des
invocations pour la protection et la fécondité du troupeau. Nous donnons ci-après quatorze
d'entre elles 10 :
uddal (la fermeture)
palal (de falde, se mettre en travers, la mise en travers)
lonyal (le trait)
takkal (la grande patte)
meselenje (les aiguilles)
sokaaɗe (les bouclés, fermés)
dorral (le grand fouet)
hondorewal (si cela était ?, le souhait)
9
malfal (le fusil)
dadorgal (l'attache)
korwal (la bobine et la navette ; les deux signes à gauche palal, à droite lonyal, sont aussi ceux du tisserand)
piilal (de fiilde, faire un circuit, l'enroulement)
arkabeewal (l'étrier)
girraaje (les sveltes)
Ces marques sont générales ; on peut en adopter une ou plusieurs, et les combiner en les
plaçant différemment sur l'animal. On peut marquer les animaux en n'importe quel endroit du
corps, mais la tradition enseigne de le faire là où se situe la « chance » propre à chaque animal
: elle peut être dans la tête, ou sur la croupe, etc. 11. Une fois qu'il l'a adoptée, un propriétaire
ne change pas la marque de ses animaux.
Le lait
Autrefois, la viande du bœuf ou de la vache n'était jamais consommée ; les Fulɓe mangeaient
rarement celle des autres animaux en leur possession. Leur nourriture de base était le lait, qui
est l'objet de représentations et d'interdits spéciaux. Le Fulɓe échangeait sans le vendre son
lait contre tout ce dont il avait besoin. Le lait était offert à tout visiteur comme à tout étranger
: ce don dit «goutte de l'étranger », toɓɓel koɗo 12, est comparable au plat traditionnel offert
par le cultivateur soudanais, au poisson donné par le pêcheur bozo.
Le lait ne doit jamais être versé volontairement sur le sol : s'il a été répandu par erreur ou par
maladresse, le Pullo y trempe le doigt qu'il place ensuite sur son front et sa poitrine, à
l'emplacement du cœur. Lorsqu'une offrande de lait doit être faite, l'officiant remplit une
10
calebasse d'eau en citant le nom de la mare ou du cours d'eau où l'on effectue généralement la
libation ; il crache ensuite dans la calebasse, puis y verse le lait et jette le tout sur un toit de
chaume pour que le liquide ne risque pas de couler sur le sol. Ce geste constitue également
une restitution au végétal, car toutes les plantes sont en rapport avec les bovidés.
On prête serment « par le lait et le beurre ».
Sur le plan de l'initiation le lait a neuf noms dont on dit : « le lait est une eau éternelle ; trois
qui rendent malade, trois qui guérissent, trois qui nourrissent » (kosam ndiyam ngeenam; tati
'ana nawna, tati 'ana cawra, tati 'ana payna).
Les végétaux
Les végétaux interviennent également dans la vie quotidienne des pasteurs, et, bien entendu,
dans l'initiation, car, selon la tradition, « il n'y a pas un seul d'entre eux qui ne soit en rapport
avec les diverses parties du corps et les robes de bovidés ». Sans nous étendre sur le système
de correspondances cosmobiologiques auquel se réfèrent ces rapports, nous donnons et
commentons ci-après une première liste de végétaux auxquels le texte de Kumen fait allusion
ou qui interviennent durant l'initiation.
Les deux premiers sont le kelli (Graewia betulifolia Jussieu) et le nelbi (Diospyros
mespiliformisHochst) dont on fait les bâtons de bergers. Ces arbres sont les « deux bâtons
mythiques » de l'initiation. Le nelbi « renferme les vertus pastorales » ; tous les travaux des
hommes et spécialement des initiés y prennent « leur force et leur appui » ; seront également
faits en nelbi la hampe de la lance, le manche du couteau ou de la hache, l'écuelle du chef de
famille ainsi que la plupart des ustensiles de bois. Lekelli est en relation avec ce qui appartient
aux femmes dans une maison. L'armature du toit de la demeure, exécutée par les femmes et
ensuite recouverte de chaume, est en kelli. Un symbolisme sexuel est donc lié à ces deux
végétaux : l'un est associé aux activités masculines, l'autre aux activités féminines.
Le baobab est aux végétaux ce que le bovidé est aux animaux toutes ses parties, comme celles
du corps du bovidé, pouvant être utilisées il symbolise le maximum d'utilité.
Le kojoli (Anogeissus Schimperi Hochst) est utilisé pour teindre en jaune, wolo, les
vêtements. Le Pullo est généralement vêtu de blanc, kasa, ou de tissus teints en jaune.
Il faut mentionner également le delbi, le mburri (qui est soit le Gardenia erubescens Stapf. et
Hochst, soit une autre variété de gardénia de brousse), le kooli ou koyli (Mitragyna inermis O.
Kuntze), lekombi, le ngelooki (Guiera senegalensis), le caski 13 (Acacia albida),
le kahi (Khaya senegalensis), lekohi (Prosopis africana Tomb.), le mbarkewi (Bauhinia
11
Thonningi Schum), le ɗooki (Combretum ghasalense Engl. et Diels), le foogi (Landolphia
senegalensis), le ndaaɓi (jujubier, Ziziphus jujubaLam.), le ɗammi (tamarinier).
Les autels
Le plus important des autels des bergers fulɓe est le kaggu 14. Il est fait d'un treillis de lianes
entrecroisées de nelbi ou de kelli, posé sur des piquets de bois faits des mêmes végétaux, et
ressemble à une sorte de console en osier. Il est placé contre le mur ouest de la paillote
réservée à la première femme et immédiatement à côté de la tête du lit, lequel est orienté
ouest-est dans le sens de la longueur. On peut déposer sur le kaggu les objets et ustensiles
pastoraux, les gourdes, les calebasses à traire et les vêtements du berger à l'exception de ses
chaussures. La pièce où est posé le kaggu est interdite aux femmes pendant leurs menstrues.
Elles ne doivent jamais mettre sur la tablette leurs cheveux coupés.
Au-dessus du kaggu se trouve une outre suspendue contre le mur elle contient
le ngaynirki (litt. qui favorise la force fécondante des taureaux). Ce terme collectif désigne
une série d'autels, constitués de plantes diverses ayant le ɗooki pour base. Chacun d'eux est un
relais, et supporte les offrandes faites aux laareeji (sing. laare) « esprits gardiens » des
troupeaux, qui les chargent en retour de leurs forces. On appelle, on invoque les laareeji, on
communie avec eux par l'intermédiaire des ngaynirki. Ceux-ci interviennent pour tout ce qui
concerne le détail de la vie pastorale (procréation, pluies, protection des bergers et des
troupeaux), comme pour l'obtention de telle ou telle couleur d'un veau à naître. Il y a autant
de ngaynirki que de laareeji, soit vingt-huit de base qui correspondent aussi aux vingt-huit
jours du mois lunaire, dits « demeures de la lune ». La constitution et la consécration des
autels — coûteuses permettent rarement à un Pullo d'en posséder la totalité. En cas de
nécessité, il s'adresse au propriétaire de l'autel qui correspond à ses besoins.
L'outre contient également les amulettes des bergers, piɓol, qui protègent contre les dangers
de la brousse : serpents, carnivores, insectes, etc. 15.
Le matériel du pastorat
Le pastorat est une technique qui nécessite un apprentissage. Dans le texte de Kumen, le
matériel dont se servira le berger est demandé et reçu par le postulant au cours des épreuves
que comporte l'initiation : ce matériel est consacré. Ainsi est souligné le fait que l'usage de
l'outil s'accompagne de la connaissance de ce qu'il représente symboliquement, association
qui témoigne, pour les Fulɓe comme pour d'autres populations soudanaises 16, de la valeur
culturelle des techniques.
Le berger emporte avec lui deux bâtons de marche 'aynirdu 17, faits l'un de bois de kelli,
12
l'autre de bois de nelbi. On prête serment sur son bâton comme sur le lait et le beurre. On dit «
jurer sur le bâton pastoral, le lait et le beurre » : watoraade duudurdu e kosam e nebbam 18.
Lorsqu'un jeune berger, qui a déjà un bâton, est initié, son maître lui donne un nouvel
instrument et consacre le premier en prononçant des paroles sacramentelles (paroles secrètes
qui se rapportent au nom secret du bovidé).
Interviennent également les divers liens qui servent à attacher les animaux ; ils sont faits de
fibres de baobab ou, à défaut, d'Hibiscus cannabinus, polli 19. Le rande 20 ou maagol attache
le veau à une corde tendue entre deux piquets de Diyospiros, dite daangul 21.
Un daangul supporte généralement plusieurs rande qui maintiennent les veaux loin de leur
mère pendant la traite. Cette longue corde représente « la ligne de vie » des troupeaux et les
piquets qui la soutiennent, tonteeje, portent le même nom que les séquences qui divisent le
mois lunaire comme elle ils symbolisent le temps.
A l'une de ses extrémités, le rande comporte un nœud, à l'autre une boucle dans laquelle
s'emboîte le nœud : il est femelle. Le daaɗol 22, autre cordelette, sert à attacher le veau à sa
mère. Muni d'un nœud à chacune de ses extrémités et n'ayant pas de boucle, il est mâle.
Lorsqu'un Pullo se rend en ville, il se promène avec le daaɗol sur l'épaule droite « quand c'est
l'heure de traire ».
Le sirgal, fouet à lait ou mouvette, est constitué par une baguette à l'extrémité de laquelle sont
fixées au moyen soit de cordelettes de coton, soit de fibres de kelli ou de mbarkeewi, quatre
branches du même bois. Ces branches correspondent aux quatre éléments (eau, air, terre, feu),
aux quatre directions cardinales, aux quatre familles fulɓe et aux quatre couleurs de base des
robes des bovidés. Lorsqu'il s'agit de la mouvette de la femme d'un chef, chaque branche porte
un signe. L'objet est orienté lorsqu'il est déposé sur le kaggu. Il est utilisé pour séparer le lait
du beurre 23, et ce travail, associé à celui de l'initiation, lui confère une valeur considérable. Il
doit être distingué du burgal, mouvette naturelle en bois de mburri, à deux branches,
considérée comme incomplète et qui ne doit jamais être mise dans le lait [frais]. Si cette faute
est commise, la coupable se purifie en plongeant l'index droit dans le lait, le pouce étant replié
sous les trois autres doigts, et en touchant ensuite son front et son sternum. Le fait de replier le
pouce sous les trois doigts exprime l'absence d'intention, le pouce étant le doigt de la volonté,
et la faute ayant été involontaire. Sur un autre plan, les trois doigts représentent les trois
familles fulɓe qui ne sont pas fautives, la fautive, à laquelle appartient la coupable, étant
représentée par l'index. « La fourche du sternum est le burgal du corps » : en y portant l'index
après avoir touché le front, on transforme symboliquement le burgal en sirgal, c'est-à-dire en
quelque chose de complet, donc de pur.
13
Ainsi, les quatre premiers accessoires du pastorat, intervenant dans l'initiation, sont-ils dans
l'ordre :
les bâtons, le daañgul et le daaɗol, qui sont liés à l'activité des hommes
le sirgal, objet féminin, dont l'usage est postérieur à la traite, laquelle ne fait pas partie
de l'initiation.
Les interdits concernant ces objets d'usage à la fois technique et rituel sont les suivants :
le daaɗol ne doit jamais être utilisé pour un autre usage que pour attacher le veau à sa
mère, pour traire celle-ci ou faire avancer l'animal.
On ne peut attacher au daañgul d'autres animaux que ceux appartenant aux trois catégories
précédemment distinguées.
Le sirgal ne doit jamais être mis dans une matière autre que le lait.
Avec le bâton consacré, on peut frapper un homme, jamais un âne, un chien ou un chat.
Lorsque le bâton est cassé, le berger ne peut ni le jeter aux ordures, ni l'utiliser comme bois de
cuisine ; il l'abandonne en brousse où il n'est plus responsable de sa pollution.
Il faut aussi mentionner les deux gourdes du berger : celle qui contient le lait, boliiru kosam,
et celle qui est utilisée pour l'eau, boliiru ndiyam. Leur usage ne doit jamais être alterné.
Dans le texte de Kumen, il est fait également allusion à d'autres objets ayant un rapport avec
le pastorat, la traite ou la consommation du lait, mais qui ne font pas directement partie de
l'initiation. Ce sont le ɓirdugal, calebasse ou récipient de bois dans lequel on trait, et le
tumbude, calebasse à lait ordinaire, décorée.
Le berger pullo du Jeeri possède également un instrument de musique rituel à une corde,
le moolaaru(de moolaade : « demander protection, exorciser ou jeter l'anathème »). Cet
instrument, qu'il doit confectionner lui-même, sans l'aide des spécialistes de castes,
travailleurs du bois (laoɓe), du cuir (sakke) ou réparateurs de calebasses (kule) 24, protège le
troupeau. Seul le forgeron, avec qui le pasteur entretient des relations particulières, doit au
contraire fabriquer les sonnailles, cencenje. La peau avant d'être tendue sur la caisse doit avoir
été tannée selon un rite particulier. L'instrument doit être consacré à l'une des quatre
catégories de bovidés. L'initié devra donc posséder, pour pouvoir toujours intervenir
efficacement, quatre instruments différents, et le cas est fréquent. Pour éviter cette
multiplication, il peut aussi faire graver sur l'instrument une croix entre les branches de
laquelle sont dessinés les quatre bovidés ; l'instrument qui ne possède pas cette marque est
réservé exclusivement à l'une des catégories d'animaux. Le môliiru doit être déposé sur
le kaggu lorsqu'il n'est pas utilisé. Son propriétaire en joue pour invoquer Kumen, et ne peut le
14
prêter qu'à un initié de son lignage.
Les bergers jouent aussi d'un instrument de musique profane, popiliwal ou illorowal, flûte
faite d'une tige de sorgho 25.
L'initiation
« L'initiation, dit un texte pular/fulfulde, commence en entrant dans le parc et finit dans la
tombe » (pulaaku fuɗɗi gila hoggo fa yanaande) 26.
La vie d'un Pullo, en tant que pasteur initié, débute avec l'« entrée» et se termine avec la «
sortie » du parc, qui a lieu à l'âge de soixante-trois ans. Elle comporte trois séquences de vingt
et un ans chacune :
vingt et un ans d'apprentissage
vingt et un ans de pratique
vingt et un ans d'enseignement
« Sortir du parc » est comme une mort pour le pasteur; il appelle alors son successeur : le plus
apte, le plus dévoué des initiés ou son fils. Il lui fait sucer sa langue, car la salive est le
support de la « parole », c'est-à-dire de la connaissance, puis il lui souffle dans l'oreille gauche
le nom secret du bovidé.
L'initiation comporte trente-trois degrés auxquels s'ajoutent trois degrés supérieurs invisibles,
acquis automatiquement après le trentetroisième.
Ces trente-trois degrés correspondent aux trente-trois phonèmes de la langue pular/fulfulde,
c'est-à-dire aux « sons que l'homme fait sortir de son gosier » :
« a, mbe, be, ɓe, d, d'e, nde, dye, nde, ɗe, ndye, e, fe, ge, nge, he, i, yi, ke, le, me, ne, nye, o,
pe, re, se, te, tye, u, wu, we, ye » 27.
Les trois degrés supérieurs sont inaudibles ; ils sont ceux de « la parole non formulée », mais
toujours présente, dite « de l'inconnu ».
Le postulant progresse en franchissant quatre degrés à la fois, ce qui le fait passer
successivement par neuf états. Le neuvième ne comporte qu'un seul degré réel, le trente-
troisième, auquel s'ajoutent les trois degrés supérieurs. Ces derniers, assimilés aux trois
enveloppes qui entourent le fcetus, sont dits « les trois obscurités de la matrice », niɓe tati
raanga. Sur le plan spirituel, l'initié est ainsi ramené au stade fœtal ; « il naît » ensuite à une
nouvelle vie et porte le titre de « fils » 28.
Physiquement l'initiation pénètre le postulant par les « sept lampadaires » que constituent les
sept ouvertures du corps — les yeux, les oreilles, le nez et la bouche — entre lesquelles sont
établies des correspondances.
15
Lorsqu'il a décidé d'être initié et de chercher un maître, le jeune Pullo est astreint à un certain
nombre d'obligations pendant plusieurs années. A partir de l'âge de quatorze ans, et jusqu'à
vingt et un ans, il doit quémander ou faucher l'herbe contre un salaire, ou vendre du bois mort,
pour pouvoir acheter, grâce aux fruits de son labeur ou aux dons reçus, une poignée de
céréales et les graines de trois variétés de calebassiers 29. Il va ensuite défricher en brousse
pour établir un champ, semer les céréales et les graines de calebassier. Ce travail doit rester
secret : l'intéressé doit sarcler, récolter et battre son grain seul. il transporte ensuite la récolte
pour la vendre dans un marché se tenant régulièrement le samedi, et non un autre jour de la
semaine. Le gain obtenu par la vente doit être consacré à l'achat d'un bouc et de vêtements :
tunique, pantalon, bonnet en coton indigène tissé à la main, chaussures. Il lui faut
généralement recommencer plusieurs années de suite et faire plusieurs récoltes pour que ses
gains lui permettent d'effectuer ces achats.
Lorsque ce dernier stade est franchi, il doit tuer un bouc et enlever la peau de l'animal sans le
vider. Puis il tanne la peau pour en faire une outre, toujours seul et dans son champ. Dans un
même temps, il prépare sur place avec les produits des calebassiers — une gourde, une
calebasse et une cuiller. Lorsque la peau est sèche, il doit aller la remplir d'une eau pure et se
rendre à nouveau sur un marché se tenant le samedi, vêtu des habits qu'il s'est procurés et
muni de ses ustensiles. Là, la première personne qui lui demande à boire doit devenir son
instructeur ou le conduire à un maître. Si le demandeur est un homme d'âge, il le prie de
l'enseîgner ; s'il est jeune, il lui demande de le mener chez un vieillard de sa famille qui
devient son maître.
A partir du moment où le postulant est agréé par son maître, il devient son serviteur, et ceci
jusqu'à la fin de l'initiation. jusqu'à ce terme il doit également conserver et porter sur lui
l'outre et les objets en calebassier sur lesquels il procède à des libations de lait et de beurre
chaque samedi. Il peut toutefois ne pas les conserver, mais il doit alors les enterrer dans son
champ et édifier en ce lieu une butte de terre de termitière, sur laquelle il fait régulièrement
les mêmes offrandes. Dans le premier cas, il doit porter ses vêtements non seulement jusqu'à
la fin de l'initiation, mais jusqu'à usure complète, dans le second cas il doit les donner à un
pauvre 30.
Les travaux préliminaires imposés par la tradition à l'adolescent relèvent donc tout d'abord de
son libre arbitre : il peut choisir d'être initié, ou en décider autrement. Ils témoignent aussi,
sans qu'il en soit davantage conscient, de sa patience et de sa persévérance. D'autre part, ils
nécessitent l'apprentissage de techniques (agriculture, travail du bois, du cuir) auxquelles il ne
se livrera plus et absolument différentes de celles que, noble et pasteur, il devra plus tard
16
exercer. Il découvre ensuite son maître par le procédé rituel que nous venons de relater, maître
qui lui est délégué par les puissances surnaturelles, agents invisibles de l'initiation. Dès lors,
ayant fait preuve de caractère, de discrétion et de certaines qualités morales, il développera,
par son attitude envers son maître, d'autres vertus nécessaires : l'obéissance, la modestie, le
sens de la discipline, et ceci jusqu'à la fin de l'initiation. L'instruction reçue exercera sa
mémoire, assouplira son intelligence.
Avec l'âge, la pratique et en fonction de l'étendue de ses connaissances, l'initié pasteur, dit aga
au Fuuta et baanyaaru au Maasina, accède progressivement au titre de silatigi, terme dont on
ne peut donner d'étymologie précise 31, mais qui peut se commenter ainsi : « celui qui a la
connaissance initiatique des choses pastorales et des mystères de la brousse ». L'influence
considérable du silatigi s'explique par ce titre, le plus prestigieux que puisse souhaiter un
Pullo : tout pasteur initié rêve d'être un jour silatigi.
Le silatigi est le prêtre de la communauté 32. A ce titre, il observe, durant toute sa vie, un
certain nombre d'interdits : il ne doit pas avoir de rapports sexuels avec d'autres femmes que
les siennes, il ne doit pas mentir sciemment ni porter un faux témoignage, même en faveur de
ses propres parents.
L'état comme les fonctions d'un silatigi sont, bien entendu, en relation avec les animaux et
tout ce qui les concerne : santé, fécondité, transhumance, règles du pastorat, etc. Il sait
exactement tout ce qu'il convient de faire pour le troupeau. Il est le «gérant» des animaux
offerts par les membres de sa communauté à l'une des personnalités mythiques du panthéon
pullo traditionnel, d'alâffl : ces animaux qui font partie du troupeau mais que l'on ne doit ni
vendre, ni sacrifier pour un profit personnel, peuvent faire l'objet d'un don de la communauté
aux nécessiteux, ou être consommés lors des fêtes ou des réceptions collectives. En revanche,
les dons ou offrandes à d'alâiî, que le silatigi fait au nom de la communauté, doivent être pris
sur les biens personnels.
Le sitatigi accomplit un certain nombre de rites réguliers, quotidiennement, mensuellement ou
annuellement : il procède aux incantations dont il connaît le texte et les conditions d'émission,
au lever et au coucher du soleil. Il fait de même trois fois par lune : au premier croissant, aux
trois « jours pleins » (treizième, quatorzième et quinzième jours de la lune) qui correspondent
à la pleine lune, à la nouvelle lune. Il préside annuellement la fête de la transhumance et les
distributions des prix aux bœufs, détermine la date de la cérémonie du renouvellement de
l'année. En effet, pour les initiés, l'année se divise en vingt-huit séquences de treize jours — la
vingt-huitième en comptant quatorze —, associées chacune à la position d'une étoile. C'est à
la fin de la vingt-huitième séquence que doit avoir lieu la cérémonie du lootoori, « bain
17
général », au cours de laquelle les pasteurs se baignent et où l'on procède à une lustration des
animaux.
Lorsque le silatigi récite les litanies rituelles, kongi 33, il doit observer les règles des «
correspondances » 34. La litanie, qui est rythmique, varie suivant les circonstances et la
famille à laquelle appartient le récitant. Elle s'accompagne généralement de libations de
lait 35. Elle varie également en fonction de la position de la lune : le mois lunaire, de
vingthuit jours, est divisé en huit séquences, dites « piquets »,tonteeje, 36 et la litanie
s'adresse successivement à chacun des « esprits gardiens » de l'intégrité des bovidés, esprits
qui siègent théoriquement aux huit directions cardinales et collatérales de l'espace. Le récitant
fait face à la direction cardinale associée à sa famille : sa position est en effet plus importante
encore que l'incantation elle-même, son rythme et les paroles qui la composent.
L'enseignement initiatique comporte aussi la connaissance d'incantations destinées à rendre
inoffensives les griffes de la panthère, les dents du lion la morsure de la hyène, etc. Elles sont
dites fanaade ladde (fanaade : litt. « protéger contre ») : « attacher la bouche de la brousse ».
Le silatigi étudie la classification des végétaux et toutes leurs propriétés thérapeutiques ; il
devient alors « maître des plantes », cawroowo. De plus, il «charge » les végétaux qu'il
collecte d'une vertu qui est fonction de sa connaissance des mouvements requis et des paroles
appropriées.
Sur le plan de l'initiation, les végétaux relèvent de trois catégories les plantes à tronc vertical,
les plantes grimpantes, les plantes rampantes. Dans chacune d'elles, on distingue les végétaux
à épines ou sans épines, à écorce ou sans écorce, donnant des fruits ou n'en donnant pas. Les
végétaux sont de plus classés en séries ; chacune d'eues est en relation avec l'un des jours de la
semaine, avec l'une des huit directions cardinales et collatérales 37.
Le végétal intervient constamment dans la vie du pasteur; il doit être collecté en fonction de
ces diverses classifications, pour tout ce qui concerne les troupeaux ou le laitage, pour le
transfert d'une famille ou d'un groupe de familles sur un nouveau terrain, pour un usage
médical. Écorce, racine, feuilles ou fruits doivent être prélevés en rapport avec le jour du mois
lunaire auquel correspond le végétal, en invoquant le laare, « esprit gardien » des troupeaux
qui est en rapport avec la séquence du mois et en fonction de la position du soleil. Ainsi
le silatigi, en donnant ses instructions, dira-t-il par exemple : « Pour faire telle chose, tu
prendras la feuille d'un épineux grimpant et sans écorce, tel jour, lorsque le soleil se trouvera
dans telle position, en regardant telle direction cardinale, en invoquant tel laare. »
L'initiation confère également au silatigi le rôle de devin. En fonction de la valeur symbolique
des couleurs et des taches des robes des bovidés, il interprète, en cas de besoin, la position
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respective des animaux dans le parc, qu'il « lit » comme un thème géomantique. Cette
fonction s'exerce notamment lors du choix d'un nouveau berger que nous relatons ici à titre
d'exemple : le jeune homme désigné pour accompagner les bœufs transhumants est muni d'un
bâton de berger non encore consacré et ne reçoit, en dehors de directives géographiques et
purement techniques pour les soins à donner au troupeau, aucune instruction particulière. A
son retour, sans doute s'informe-t-on de ce qu'il a fait pendant la transhumance, surveille-t-on
son attitude, mais ce sont les bovidés eux-mêmes qui détermineront sa carrière. En effet, leur
entrée dans le parc et leurs positions respectives lorsqu'ils y sont installés sont examinées
soigneusement par le silatigi en fonction des critères exposés ci-dessus. Suivant le thème
présenté par les animaux, et, bien entendu, à l'insu du postulant berger, son admission au
pastorat est décidée ou refusée.
Lorsqu'il doit faire transhumer le troupeau, le silatigi utilise le moolaaru correspondant à l'une
des robes des bovidés. Si le soleil émerge à l'horizon, il invoque la vache jaune ; au milieu du
jour, il invoque la vache blanche, la rouge au coucher du soleil, la noire s'il fait nuit. Muni de
son instrument il se rend en brousse, et, s'il fait jour, se place à l'ombre d'un Diospyros
mespililormis Hochst (nelbi) ou d'un Graewia betulifolia (kelli) et si possible près d'une
termitière. Après avoir joué longtemps de son instrument pour invoquer Kumen en obéissant à
son inspiration (les rythmes sont libres), il procède à la divination par la géomancie. Le «
signe » correspondant doit sortir et déterminer l'ordre dans lequel s'effectuera la transhumance
: tête du troupeau, heure du départ, direction cardinale, etc. La nuit, il procède de même, mais
se place sous un Acacia albida, un baobab, un diki, un kohi ou un kahi, et, ne pouvant
procéder à la géomancie, il laisse son inspiration le guider après avoir joué de son instrument.
Kumen
Le texte de Kumen exige une introduction qui mette le lecteur en présence du panthéon de
l'initié. En effet, l'initiation instruit le postulant de la cosmogonie traditionnelle, comme du
rôle des puissances surnaturelles qui interviennent, l'une après l'autre, dans la marche de
l'univers.
Au-dessus de tous, se place Dieu, Geno, immortel, omniscient et omniprésent : geno vient
de yenɗude, « être éternel ». Mais ce n'est pas la seule appellation qui lui soit donnée : Geno
est dit aussi Dundaari, terme signifiant « qui peut être téméraire, qui peut agir sans en redouter
les conséquences » et qui implique la toute-puissance.
Geno, toujours présent, reste invisible et ne se manifeste pas sur terre. Or la vie tout entière du
Pullo pasteur et nomade, est, comme nous l'avons vu, associée à celle des bovidés et à leur
19
transhumance : la personnalité surnaturelle, qui est le « gardien des troupeaux » de Geno sur
terre, se nomme Caanaba. Les représentations qui le concernent constituent une géographie
mythique 38 (fig. I, pp. 24-25).
Caanaba a la forme d'un serpent à quatre-vingt seize écailles qui correspondent aux quatre-
vingt-seize combinaisons des robes des bovidés. Tout petit, il sortit de l'océan, dit « fleuve
salé », maayo lamɗam, accompagné des vingt-deux premiers bovidés que lui avait confiés
Geno, puis, franchissant la barre, il remonta le cours du Sénégal, traversa le jeeri et le waalo,
et descendit ensuite jusqu'aux sources du Niger, jeeliba, dont il « épousa le cours » et où, à
partir de Bafoulabé, il prit le nom de Nikinanka 39.
Comme il était encore un être sans défense, il fut adopté par la mère et la famille d'Ilo, fils de
Yaladi 40, dont il devint le « frère jumeau ». Les animaux se multipliant, il les confia à Ilo qui
l'accompagnait partout et conduisait avec lui le troupeau. Ils descendirent ensemble le cours
du Niger.
Or Caanaba avait un interdit. S'étant confié à Ilo, avec lequel il vivait, il lui avait défendu de
le laisser approcher par une femme « dont le corps serait jaune et ocre, les yeux rouges, et
serait sans seins » (bolo, bolto, boɗeejo gite, coppi). Alors qu'ils séjournaient à Sama, Ilo, qui
se rendait chaque jour au village, se fiança à une jeune fille qui répondait à la description de la
femme interdite à Caanaba. Il fit les dépenses d'usage pour son mariage dont il prévint
Caanaba. Ce dernier lui rappela l'interdit et la promesse qu'il avait faite de le respecter. Trois
fois par jour, le matin, à midi et le soir, on remplissait quatre calebasses de lait que l'on portait
à Caanaba. Or, la femme d'Ilo faisait de temps en temps venir chez elle une femme âgée qui la
coiffait : à la troisième visite, la vieille demanda où allait tout ce lait. La femme d'Ilo lui
répondit qu'il était destiné à son beau-frère.
— L'as-tu vu ? dit la vieille.
— Non. je ne dois pas le voir et mon mari m'a dit qu'il y va de notre boŋeur.
— Les femmes gâtées par leur mari sont les plus sottes. C'est une rivale qui est dans ta
maison 41.
Or, c'était un lundi, Ilo était au marché ; sa femme s'approcha de la case où vivait Caanaba et
regarda par le trou ménagé dans le mur. « Leurs yeux ont fait quatre » (gite maɓɓe ngaddi
nay), dit-on du moment où leurs regards se rencontrèrent. Alors Caanaba, l'interdit étant
rompu, se gonfla jusqu'à faire éclater la case, et rejoignit le fleuve suivi par le bétail qu'Ilo, ne
put retenir. Ilo suivait en vain le troupeau pour tenter de le garder. Au bout de plusieurs jours
de marche, Caanaba eut pitié de lui : « Sers-toi de ton bâton de nelbi pour frapper les cornes
des animaux », lui dit-il. Et chaque fois qu'Ilo touchait un animal, celui-ci restait sur place ; il
20
put, petit à petit, reconstituer un troupeau.
Caanaba traversa le Maasina par le caanabawol, dépression naturelle du sol qui s'amorce
derrière Senzani (Sansanding sur la carte), rejoignit ainsi Molodo et se dirigea ensuite vers le
lac Débo 42. Il établit en ce lieu, considéré comme le point terminal de son périple depuis
le Mandé, une alliance avec le génie du lieu 43 qui porte ici le nom de ga, « mère » de tout ce
qui vit. Puis il pénétra dans le lac avec les animaux, le traversa, en ressortit, et se rendit
ensuite aux lacs Faguibine et Oro où il mourut. C'est dans cette région que se trouve le cheptel
le plus important. Ilo resta nomade 44.
Si Caanaba est le propriétaire mythique des bovidés, Kumen est son auxiliaire, son berger, et
le dépositaire des secrets concernant l'initiation pastorale. Kumen a été chargé par Geno de
veiller sur la terre, les pâturages et les animaux sauvages et domestiques. Libre de prendre les
formes qui lui plaisent, « il est noir lorsqu'il s'occupe des minéraux, blanc lorsqu'il est au
service des puissances responsables des herbivores sauvages, rouge lorsqu'il est au service de
Caanaba et responsable des animaux domestiques, spécialement des bovidés ». Il peut aussi
transformer à son gré les animaux sauvages en animaux domestiques, et inversement. Kumen
peut apparaître aux hommes sous la forme d'un enfant de trois, sept ou neuf ans, sans jamais
dépasser onze ans. Secondé par sa femme, Foroforondu, il transmet ses secrets à ceux qu'il
veut initier « en les conduisant au lieu invisible où le pasteur devient homme ». Il fait « sucer
sa langue » à ses protégés ; par l'entremise de sa salive, la vertu de l'intelligence pénètre le
cœur et le cerveau du néophyte. Le privilégié qui finit le cycle acquiert une force qui lui
permet de comprendre le langage des animaux et lui donne la clef des paroles sacramentelles.
Il n'appartiendra, dès lors, plus seulement aux siens, il perdra son nom de famille et
deviendra silatigi, « vénérable possesseur de la salive chargée de puissance » et maître de sa
propre volonté.
Comme on l'a déjà vu, les initiés s'adressent aussi, lorsque l'intervention de ceux-ci est
nécessaire, auxlaareeji, puissances surnaturelles ou « esprits gardiens » dont dépendent le
statut et la fécondité des troupeaux, et qui siègent dans l'espace aux huit directions cardinales
et collatérales. Il existe vingt-huit laareeji, associés aux vingt-huit jours du mois lunaire ; de
plus, les douze premiers de la liste régissent les douze mois de l'année solaire ; les seize
derniers régissent les seize « maisons » de la géomancie.
Le texte de Kumen relate l'initiation du premier silatigi, Sile Saajo ou Sule, diminutif de
Suleyman, c'est-àdire de Salomon.
L'initiation du pasteur pullo consiste, pour faire comprendre au postulant les connaissances
relatives au pastorat, à l'instruire de la structure de l'univers. Pour les Fulɓe, le monde créé par
21
Dieu, Geno, est sorti « d'une goutte de lait », toɓɓere ɓira, contenant les « quatre éléments »,
qui a formé ensuite le « bovidé hermaphrodite », symbole de l'univers. Sont établies par le
créateur, en fonction de la morphologie de ce principe initial, une série de correspondances
cosmo-biologiques entre tous les éléments qui composent cet univers. Nous avons indiqué un
premier aspect de ces correspondances entre les bovidés (qui se distinguent par leurs robes),
les quatre éléments, les directions cardinales et les clans fulɓe : ces correspondances valent
aussi, bien entendu, pour les quatre grandes races humaines, la blanche, la noire, la jaune et la
rouge. Elles s'étendent également aux astres et, sur terre, aux animaux, aux végétaux et aux
minéraux. C'est ainsi que l'homme, consubstantiel au bovidé, est en relation personnelle avec
une étoile, un jour du mois et même de la semaine, avec les végétaux en général, comme avec
l'animal interdit de son clan. Cet exemple, apparemment simple, se complique de toutes les
interférences dues à sa race, sa situation géographique, son statut familial, son rôle social, ses
techniques, et, sur le plan psychologique, à son caractère, enfin à son destin.
Le texte de Kumen présente l'initiation comme un enseignement progressif de la structure des
éléments, de l'espace et du temps dont l'essence doit pénétrer le postulant : il la présente, en
même temps, comme une succession d'épreuves, symboles de la lutte qu'il doit entreprendre
sur lui-même avec l'aide de Dieu, pour progresser. Le postulant doit pénétrer successivement
dans douze « clairières » qui symbolisent, sur un premier plan, l'année et ses douze mois, sur
un autre plan, son déplacement sur un terrain où il rencontre, en passant d'une clairière à
l'autre, les personnalités mythiques qui doivent l'enseigner. De plus, il est mis en contact avec
des animaux sauvages qui sont les symboles des forces avec ou contre lesquelles il doit lutter,
ainsi qu'avec les principaux végétaux qui interviennent dans la vie pastorale. Franchir l'entrée
de la première clairière consiste pour le postulant à passer du monde désordonné des hommes,
de la « cité perturbée » (ngendi jiɓuya) qui est sa demeure, à la brousse « cité de Dieu »
(ngendi Geno) et au monde organisé du pastorat.
Les quatre premières clairières le mettent successivement en rapport avec les « quatre
éléments», bases de la création, dans l'ordre suivant : feu, terre, air, eau. Dans la cinquième
clairière, le postulant, ayant pénétré les quatre éléments et en étant lui-même pénétré, réalise
son état définitif et devient une personne complète, neɗɗo kiɓɓo. Cette clairière est aussi celle
du « génie de la guerre », symbole de la résistance qui lui est opposée, de la lutte spirituelle
qu'il doit poursuivre : il doit la franchir sans crainte pour atteindre les degrés supérieurs de la
connaissance. De la sixième à la douzième clairière, il reçoit les « lumières de l'initiation » : il
voit successivement sept « soleils », qui ont les couleurs de l'arc-en-ciel et symbolisent la
complétude, car sept réunit le principe mâle, 3, et le principe femelle, 4 45.
22
Après la douzième clairière, l'initié reçoit de la femme de Kumen une cordelette comportant
vingt-huit nœuds. Les « vingt-huit nœuds ou enlacements » correspondent aux jours des mois
lunaires qu'il s'agit de « dénouer », c'est-à-dire dont il faut consciemment pénétrer la
succession. Ainsi est-il instruit du calendrier mystique de l'année, qui combine le temps
solaire avec le temps lunaire, et qui se compose, comme nous l'avons vu, de vingt-huit
séquences ; celles-ci correspondent également aux zones successives du savoir.
Le « dénouement des nœuds », qui est connaissance, permet à l'initié de recevoir les
emblèmes du pastorat : bâtons, cordes, gourdes, etc. Il quitte ensuite ses instructeurs pour
retourner au pays des hommes. Il mène seul, à la frontière, une lutte ultime contre un lion qu'il
vainc, par ses incantations, et qu'il sacrifie ensuite. Il invoque alors Dieu, Dundaari, maître
de la création.
Un certain nombre de commentaires accompagnent le texte. Celui-ci présente plusieurs
invocations qui, dans l'état actuel de l'enquête, sont pour la plupart intraduisibles. Cependant,
quelques hypothèses sont formulées sur le sens de certains mots.
Les conditions rituelles, extrêmement strictes, nécessaires à l'émission du texte en langue
pular/fulfulde, donc à sa transcription, devant être respectées rigoureusement, il ne nous est
pas possible actuellement, par respect pour les maîtres qui nous l'ont enseigné, de le publier
sous sa forme originale.
Notes
1. Au Maasina, fero a le même sens.
2. Issafay est un village bozo ancien et important, situé sur une île au confluent. Le Bara Issa
rejoint le Kolikoli en amont, avant Sarafere.
3. Cf. G. Dieterlen, Mythe et organisation sociale au Soudan français, p. 59.
Cette note contredit l'un des aspects fondamentaux du texte principal, qui souligne le caractère
endogène de l'onomastique (système de noms) quadripartite fulɓe, et qui fait correspondre les
quatre noms de famille aux quatre éléments naturels (eau, air, terre, feu) et aux quatre points
cardinaux. De surcroît cette assertion n'est étayée par aucun fait et semble procéder d'un
comparativisme hâtif ; elle est donc à traiter avec prudence. [Tierno S. Bah]
4. G. Dieterlen. Mythe et organisation sociale au Soudan français p. 41.
5. Amadou Hampaté, à partir de Dori ne se dira plus Ba. Au Fuuta, il s'appellera
Amadou Kadija, du prénom de sa mère.
6. Les lawɓe auraient été à l'origine des So ; ils sont actuellement castés, mais placés «à côté »
des nobles de ce clan. Les musiciens, de la même façon, sont rattachés aux Ba.
7. Les Bari du Maasina ont pris le nom de Sise et définitivement abandonné leur yettoode
pular.
8. C'est un interdit contracté par les Fulɓe au Mandé, il n'est plus observé à partir de Dori.
9. Ces cinq expressions sont en langue bambara.
23
10. Deux manquent dans notre nomenclature. L'enquête doit également être poursuivie sur le
symbolisme de ces marques.
11. La valeur religieuse de la marque a été relevée par M. Dupire, dans son étude sur les
Marques de propriété du bétail chez les pasteurs fulɓe, qui écrit : « Il apparaît donc combien
dans ses détails cette opération du marquage du dyelgol baigne dans tout un contexte magique
qui lui donne une signification dépassant de beaucoup la simple reconnaissance d'une
propriété » (p. 130). La réduction des signes à des éléments simples et le transport des
marques uniformément aux oreilles, tels que les décrit M. Dupire, sont destinés à respecter les
peaux : il s'agirait de faits relativement modernes dus au développement actuel du travail du
cuir chez les Haoussa.
12. Le diminutif tobɓel est employé par modestie, pour amoindrir volontairement l'aspect
généreux du geste.
13. De cay « prendre brusquement, saisir ».
14. De haggude « tisser» et aussi « attacher», « lier » au sens moral.
15. Les ngaynirki semblent se rapprocher des autels individuels ou collectifs que les Bambara
nomment boli. Il y a entre lengaynirki et le piɓol la même différence qu'entre les autels boli et
les amulettes tafo des Bambara. Cf. G. Dieterlen, Essai sur la religion bambara, p. 92.
16. Pour des représentations comparables chez les Dogon concernant l'agriculture et la forge,
cf. M. Griaule, Dieu d'eau, pp. 91 et 101.
17. De aynude : conduire les bœufs.
18. Variante de aynirdu.
19. Cette plante appartenait, dans la tradition, aux Malinké et aux Bambara ; ils l'ont transmise
aux Bozo qui peuvent maintenant la cultiver ; les Fulɓe nomment porompolli l'Hibiscus
sauvage.
20. De daande qui signifie cou.
21. De rado : nerf.
22. Ou raaɗul, également de raɗo : « nerf ».
23. Séparer le beurre avec le sirgal, est dit wurwude ; on peut aussi utiliser pour cela une
gourde à long col (boliiru) et l'opération est dite alors wumpude. Rarement décorée, la gourde
utilisée pour cette opération ne sert jamais à un autre usage.
24. C'est l'un des cas exceptionnels où les nobles (rimɓe) peuvent travailler le bois ou le cuir,
fonctions normalement réservées aux gens de caste (nyeenyuɓe).
25. La flûte est dite poopiliwal de foofude (respirer dans … quelque chose)
ou illororowal de iilude, (éternuer) et signifiant « qui donne une voix flûtée ». Le hoddu, à
quatre cordes, est un instrument de musique profane des sédentaires, qui ne peut jamais être
utilisé par les nobles ; il est joué par les musiciens wambayɓe (sing. bambaɗo) des Ba.
26. Pulaaku signifie littéralement « l'état du Pullo dans l'initiation.
27. Les phonèmes sont donnés dans l'ordre alphabétique, car l'information n'a pas fourni
l'ordre traditionnel, certainement différent. — [On doit plutôt lire sons et non pas phonème,
un terme technique de la phonologie qui désigne les unités fondamentales d'une langue, dont
l'opposition est pertinente, c'est-à-dire porteuse de différence de sens entre les mots du
24
lexique. Ex. l'opposition entre la voyelle courte et la voyelle longue dans les
mots: laɓi (couteau) et laaɓi (propre), ou bien la pertinence des consonnes doubles dans la
paire de mots: ladde (brousse) et laɗɗe (couteaux). — Tierno S. Bah].
28. Dans un sens comparable à celui donné par les Bambara au nouvel initié du Komo, dit «
fils du Komo », komo den.
29. Les Fulɓe distinguent trois variétés de calebassiers, désignés par un collectif, palpâli, qui
sont :
• le tumbude qui donne les calebasses rondes
• le nyeddude avec lequel on confectionne les cuillers et les gourdes
• le humbali, de forme allongée avec lequel on fabrique un long instrument de musique en
ménageant une ouverture à chaque extrémité, le humbaldu. Ce terme dérive de humbude «
flotter », car les femmes, auxquelles l'instrument est réservé, accompagnent du jeu de cette
calebasse leurs chants rituels « qui vont au fil de l'air comme la calebasse au fil de l'eau ».
30. Il convient de rapprocher le rôle du vêtement dans l'initiation des rapports symboliques
unissant « tissage » et « parole » observés dans d'autres sociétés soudanaises (Cf. M.
Griaule, Dieu d'eau, p. 31). Ces rapports sont également impliqués dans une expression
pular/fulfulde caractéristique, citée infra, p. 93.
31. Il ne faut pas confondre avec le bambara sira tigi, litt. « maître de la route ». Au Fuuta-
Jalon, le roi était appelé également silatigi ou silati.
32. Au temps du nomadisme, le chef temporel, 'arɗo (plur. arɓe), devait être silatigi. En se
sédentarisant, les 'arɓe sont devenus chefs de village ou de canton [ce dernier mot est
emprunté à l'organisation administrative coloniale — T.S. Bah].
33. Cf. p. 72 et 74.
34. Cf. p. 12 et 29.
35. Cf. p. 14.
36. Ces «piquets », qui divisent le temps, portent le même nom que ceux qui soutiennent les
«cordes des veaux » daanygul(cf. supra, p. 17)
37. Pour une classification comparable des végétaux chez les Dogon, cf. G.
Dieterlen, Classification des végétaux chez les Dogon.
38. Nous donnons ci-après une version résumée du mythe de Caanaba, nous réservant d'en
publier le texte intégral ultérieurement. Il a été également recueilli au Maasina et résumé par
Z. Ligers dans : “Comment les Peuls de Koa castrent leurs taureaux”, p. 201.
39. A propos du masque bansony des Baga, on peut remarquer que Caanaba, sous le nom de
Nikinanka est connu des populations de Guinée et de Casasamance. B. Appia écrit: «C'est
l'oeuf du niniganne (ningiri au Fuuta et ninkinawka en Casamance) qui donne naissance au
vrai bansony, c'est-à-dire au serpent. D'où le serpentement caractéristique du masque ».
(“Masques de Guinée française et de Casamance”, p. 161.)
40. Litt. : à oreilles rouges.
41. La vieille femme de la légende doit être assimilée à la jumelle de Pemba Mousso Koroni
Koundyé, personnalité mythique des Malinké et des Bambara, qui contribue à perpétuer le
désordre sur la terre. (Cf. S. de Ganay, Aspects de mythologie et de symbolique bambara, p.
25
183 ; G. Dieterlen, Essai sur la religion Bambara, p. 39.)
42. Ce parcours épouse l'ancien lit du fleuve. Tous les villages qui jalonnent le periple de
Caanaba, depuis la mer jusqu'au lac Débo , jouent un rôle important qui sera développé lors
de la publication du texte intégral du mythe.
43. Sur Faro et le Débo, cf. G. Dieterlen, Mythe et organisation sociale au Soudan français, p.
50 et ss.
44. Dans son ouvrage sur les Fulɓe, L. Tauxier a traité au chapitre II de « ce que les Fulɓe
pensent eux-mêmes de leurs origines ». Il est intéressant de remarquer qu'après un exposé et
une critique d'informations, qu'il juge erronées car fantaisistes ou influencées par l'Islamisme,
il ajoute cependant : « Les plus sages disent simplement qu'ils descendent de Cham par un
certain Ilo ou Ilo Falagui … », in Mœurs et Histoire des Peul, p. 41.
45. « Le nombre 3 représente, dans le corps de l'homme, la verge et les deux testicules, le
nombre 4 représente les quatre lèvres chez la femme. » (G. Dieterlen, Essai sur la religion
bambara, p. 5, n. 4.)
Première Clairière.
Sile Saajo cherchait sa vache égarée quand il entendit ceci :
« Ma voix ! ma voix !… me voici, je suis Kumen.
[1] Le texte lait d'abord allusion aux végétaux, qui interviennent dans la labrication des
objets ou ustensiles du berger, et leur confèrent leur caractère religieux. Le symbolisme
attaché à ces représentations a été développé dans l'introduction.
[2] Le bovidé cité ici est dit ndurbeele par son sexe,fadaletodde, par les couleurs et taches de
sa robe. Il s'agit là du bovidé hermaphrodite, considéré comme le géniteur et le symbole du
troupeau.
[3] L'incantation est intraduisible : fitaa « être éjecté, sortir »,firaa « s'envoler », fiti « s'être
éjecté », filti « avoir entouré (quelque chose) », firi « s'être envolé ». La suite des mots fait
probablement allusion à l'égorgement d'un poulet qui précède tout sacrifice important et qui
a un caractère divinatoire : les bonds de l'animal agonisant, puis sa position finale lorsqu'il
est mort, sont interprétés pour savoir si le sacrifice, offert après son immolation, sera accepté
et bénéfique.
[4] Chaque « soleil » correspond à un univers comparable à notre système stellaire ainsi qu'à
l'un des aspects de l'initiation. Le septième est le degré suprême.
26
[5] L'initiateur met sa langue un instant dans la bouche dit pupille qui la suce. Ensuite il
donne l'enseignement, transmettant ainsi la salive qui transporte le fluide du corps, puis la «
parole ».
[1] Le ciel sourit au dessus de ma tête. La terre frémit sous mes pas. Mon souffle balance les
branches. Je suis devant mon parc. C'est la première clairière, faite d'un tissu de branchages
du merveilleux kelli et du vertueux nelbi. Des delbi rampants ont obstrué les treillages de mon
enclos. Leurs fleurs rares sourient et chantent pour mes bœufs.
Chantez pour mes bœufs, oiseaux des arbres…
[2] Je suis souverain dans les choses pastorales. La vachendurbeele de bon augure, beugle au
milieu de mes animaux. Elle est la patronne de mes bêtes, une fadaletodde, une espèce rare.
[3] Hurr! hurr! hurr!
Fitaa! firaa! fiti! filti! firi.
Les mâles et les femelles possèdent dans leurs entrailles la semence des veaux, taurillons,
futures vaches et taureaux, manifestation brillante de ma bonne fortune.
[4] Sortez, bœufs gras et vaches pleines… Sautez par-dessus les sortilèges. Il me plaît que
vous alliez dans la prairie et buviez à la mare « du soleil septième ».
Je suis Kumen aux formes multiples : tourbillon soulevant la poussière, inondation
submergeant les hautes brousses.
Quand pour le bien, je m'empare d'un homme, je le plonge dans la mare du soleil où
s'abreuvent mes bœufs. Je lui souffle dans l'oreille droite le nom véritable-caché de la vache.
C'est un mot magique qui multiplie les bœufs et dispose bien le laitage.
[5] Je suis Kumen, je fais sucer ma langue à mon pupille. Je lui communique au moyen de ma
salive le charme fécondant la vache.
Première Clairière (suite)
[1] Dieu est invoqué ici sous son nom de Geno, qui implique son éternité. Il sera ensuite
invoqué, au moment des épreuves du postulant, sous le nom de Dundari.
[2] Les auristes et oculistes sont des guérisseurs. Il semble que le baobab isolé et la termitière
noire, soient associés à leurs connaissances et à leurs pouvoirs. Baobab et termitière
conjugués ont également un caractère divinatoire. L'allusion à la Pleine lune concerne sa
lumière qui éclaire presque comme le jour ; le précédent et le suivant sont dits « jours laiteux
» nyalɗe kosamaaje.
27
[3] L'incantation s'adresse aux initiés qui, étant sortis du premier stade sans avoir violé
d'interdits, peuvent y rentrer à nouveau pour s'instruire des suivants ; ceux qui voudraient
pénétrer la connaissance sans passer par les grades successifs de l'initiation sont exclus.
[4] Le tamarinier est symbole de vie, de résurrection ; il intervient dans tous les médicaments.
A un malade, pour l'encourager à se soigner, on dit : « Attrape les racines du tamarinier
», nangu ɗaɗi ɗammi.
[5] Les Fulɓe font constamment allusion aux événements de l'époque, de Salomon, qui
apparaît dans les légendes et les traditions historiques comme un maître et la source de
certaines initiations. Cette caractéristique des génies est une allusion à l'alliance entre Fulɓe
et forgerons.
Lors de ses déplacements pastoraux, Kumen est « assis sur la tête d'un taureau » dont les
deux cornes symbolisent l'une l'esprit hakille, l'autre l'âme wonkii (de wonde, être)
ou yonki (de yonde « être digne de »).
[6] La vallée de Bukul se trouve au Sénégal.
[7] Si l'initié demande à son instructeur autre chose que la connaissance, il ne peut pénétrer
dans la première clairière, symbole de « l'entrée dans l'initiation », ni, naturellement, dans
les autres.
[8] L'homme « qui n'a qu'un poil noir » désigne celuiqui « n'a qu'une parole et sait la garder
secrète (dans l'obscurité) ». Le poil est le symbole de sa virilité, qui préserve son corps de
toute faiblesse ; il est également celui de la pérennité et de l'unité de la science de l'initiation.
[1] Geno me connaît. Du haut, il fit de moi un enfant éternel. La terre m'obéit parce que je
suis descendu du ciel dans les airs, au moment où les grandes eaux étaient en ébullition et
enceintes des terres, mères des pâturages et des cultures. Je suis Kumen l'Enchanteur. Je
transforme tous les animaux à garrot et à bosse en bœufs gras et jolis à voir. De même, quand,
de colère, je souffle sur un troupeau, il se transforme en buffles ou s'évanouit dans les
buissons.
[2] Berger ! veux-tu me voir ? Chasseur ! veux-tu me discerner ? Allez l'un et l'autre vous
faire traiter par les auristes et oculistes, demeurant respectivement dans la « termitière noire »
et sous le « baobab unique » planté au pays mystérieux où les astres sont blanchis avant d'être
incrustés dans le ciel et mis en circulation dans l'espace. Je connais la température initiale des
eaux, la nature des étoiles et le but de leur existence. Je connais le secret de la lune, quand, en
croissant-faucille, elle transperce les nuages, ou quand, en « rond de paille », elle éclaire les
nuits du printemps et vante le beurre et le lait.
[3] Entrez, sortants… Sortants, entrez… »
28
[4] Voilà ce que disait Kumen, quand Sile Saajo le surprit couché sous un grand tamarinier au
bord de la mare Tumu (Djoloff).
Sile Saajo se saisit de Kumen. Il le croyait un enfant abandonné par une mère dévorée par des
fauves. Il lui trouva une barbe de patriarche à moitié grisonnante. Il en fut au comble de la
stupéfaction.
[5] Kumen lui dit : « Sile Saajo ! Je suis Kumen l'Enchanteur. J'initie les hommes par degrés à
l'exemple des génies de Salomon qui trempent l'acier. Je suis Kumen. Je m'assieds sur le cou
du « mâle » de la vache, les deux pieds entre les cornes. La bête s'en va broutant l'herbe sans
se gêner et sans m'incommoder.
[6] Je ferai une deuxième apparition dans la vallée de Bukul. Avant ce temps, porte-moi sur le
cou et allons visiter le domaine de Geno, mon Maître et le tien. »
— « Sile Saajo ! sois le bienvenu, te voici à mon seuil. Dis-moi ce que tu veux de Kumen,
Maître des formules ?
[7] — Je désire le savoir qui augmentera mes mérites de pasteur et mes connaissances
de silatigi.
— Tu ne serais pas allé plus loin, si tu avais demandé autre chose. »
[8] Les gens du dedans ne vont pas au dehors, et ceux du dehors ne vont pas dedans. La zone
est gardée par un vieil homme qui n'a qu un poil noir.
Première Clairière (fin)
[1] Le serpent, qui est ici Caanaba, défend l'accès à la connaissance : il joue d'une flûte à
sept trous qui représente la gamme et l'ensemble des sons. Les quatre éléments, base de la
création, sont représentés dans cette scène par la poterie « terre ) contenant « l'eau »
surmontée d'un « feu » sur lequel souffle « air » le serpent. Si Sile Saajo n'avait pas été digne
de la connaissance, l'eau, ou le souffle du serpent aurait éteint le feu. La stabilité des quatre
éléments démontre que l'initiation peut lui être accordée. Le serpent se couche alors sur
l'ordre de Kumen. Or, de même qu'un serpent mue à chaque saison des pluies, Sile Saajo doit
aussi « muer » sur le plan spirituel. Celui qui trouve la mue d'un serpent s'en frotte le corps
deux fois : la première pour se préserver de la morsure du serpent mythique, « enroulé dans
le périssable » ; la seconde pour évoluer spirituellement.
[1] Sile Saajo perçut une lumière sortant du fond d'une poterie remplie d'eau. Un serpent, face
à la poterie, jouait des airs mélancoliques au moyen d'une flûte creusée dans une tige de
sorgho et percée de sept trous pour varier les sons.
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« O feu ! dit le reptile, pourquoi ne t'éteins-tu pas sur l'eau ? Est-ce que les sons que je tire de
la flûte ne produisent pas une brise qui diminue la force du feu et le tue ?
— Serpent, couche-toi! », ordonna Kumen.
Sile Saajo franchit la station du serpent avec une peur refoulée dans le fond du cœur.
Deuxième Clairière
[1] Le bovidé noir, wane, dit banel, est symbole ici de l'aspect occulte de la connaissance. De
même que Sile Saajo a traversé les forêts sombres, il doit franchir l'espace couvert par les
troupeaux noirs. Lorsqu'il l'a fait avec courage, Kumen le salue : Sile était jusque-là un être
vivant, il est devenu une « personne ».
[2] Kumen lui ouvre alors un fourré de lianes de foogi qui forme un rideau et représente tout
d'abord la patience : le foogi fleurit une année et mûrit seulement l'année suivante (fiina
hikka rima maawri « il fleurit cette année et ne fructifie que l'année prochaine ») ; il
représente également la flexibilité, la souplesse, car il épouse un autre végétal en s'enroulant
autour de lui.
[3] On se mire dans une mare — nawel — et on se lave dans un étang — nawre — plus
grand. Agir en sens inverse, se laver dans la mare, se mirer dans l'étang, la plus grande
mare, c'est chercher à atteindre l'éternel. La grenouille essaye de tenter Sile, de le pousser
sur une mauvaise voie. Sile ne l'écoute pas, et Kumen impose silence au batracien qui
n'intervient plus après que Sile ait répondu à ses questions.
[4] Les femmes fulɓe ont une grande vénération pour Foroforondu qu'elles invoquent
fréquemment.
La grenouille, dont le coassement annonce la présence de l'eau, dite grenouille des « grâces »
(moƴƴere — demoƴƴande, « faire la grâce de ») est la gardienne de sanctuaires de l'initiation
figurés ici par l'étang et la mare. Certaines parties du corps de la grenouille peuvent être
utilisées pour la confection d'amulettes.
[1] Il vit plus loin un berger debout sur un pied et appuyé sur un bâton. C'était le pâtre du
troupeau noir. Immobile et le cœur inquiet, Sile se demandait : « Qui est ce berger ? Qui est ce
troupeau ? »
Dès qu'il émit cette pensée en lui-même, toutes les bêtes cessèrent de brouter. Elles se
tournèrent vers Sile, beuglèrent et s'évanouirent… comme le crépuscule le fait à l'approche,
au contact de l'aurore.
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Kumen à ce moment se tourna vers Sile et lui dit : « Salut à toi, Sile. Sois le bienvenu dans
mon domaine, qu'il te soit agréable : par la vertu du lait et du beurre. »
[2] Ce disant, Kumen frappa une touffe de lianes ayant l'aspect d'une porte fermée. Les
branchages se contractèrent et s'ouvrirent. Au lieu d'une clairière ou d'un fourré qui continue,
Sile Saajo se trouva en face d'un étang et d'une mare.
[3] Ici, dit Kumen, les génies, pasteurs de Salomon, venaient se mirer aux eaux tranquilles de
la mare et ils se lavaient dans l'étang. Ainsi, ils augmentaient la puissance de leurs yeux. Ils
arrivaient aisément à voir l'avenir comme un homme ordinaire voit sa face dans un miroir.
O Sile ! prends de la boue dans l'étang, cria pour le tromperune grosse grenouille qui
coassait : « faabuga! faafaabuga! buga fundundur! »
[4] Kumen cria : « Grenouille, silence ! Sile n'est pas celui qui refuse de l'eau aux voyageurs
altérés. Il a trouvé le commencement. Il va vers la fin. Devant Foroforondu, il sera un homme.
Sa voix ne tremblera point. Il connaîtra le vrai nom de la vache. »
La grenouille questionna : « O voyageur ! vers Foroforondu, qu'as-tu vu d'extraordinaire avant
moi ?
— J'ai vu, répondit Sile, le troupeau que paît un berger aux pieds grèles et au teint bronzé. J'ai
vu un serpent qui joue de la flûte devant une flamme dansante sur une eau dont un canari est
rempli. »
La grenouille reprit : « Le serpent de la flûte célèbre un maître qui ne se complaît pas dans les
richesses, ni dans la possession de la force des éléments. Le rampant est contraint par la force
du feu et de l'eau qui menacent l'une de le brûler, l'autre de le noyer.
Va vers Foroforondu douée de prestige; sois son nourrisson. Mais ne parle plus à personne. »
Kumen reprit : « Grenouille, silence »
Troisième Clairière
[1] Celui qui parle est le gardien, invisible et présent de la deuxième clairière.
[2] L'invocation signifierait : « Sois repoussé, toi qui (nous) étouffe : sois bousculé, toi qui
(nous) comprime ; retourne aux confins (ou à l'infini) et sois sans valeur. » Elle s'adresse à
tout agent du mal, qui œuvre dans l'ombre.
[3] Le dernier œuf d'une couvée d'autruche sert à confectionner des charmes destinés à
conserver dans une famille la force temporelle, la fortune et la gloire. Il faut qu'il n'ait pas
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éclos : on le travaille sans le vider. Mais il faut qu'il n'y en ait qu'un seul.
Il y a une relation entre l'œuf d'autruche et l'hexagramme,faddunde ndaw (de faddaade,
protéger, et ndaw, autruche), « ce dont l'autruche se sert pour protéger (sa ponte) ».
Lorsqu'une troupe d'hommes ou un troupeau de bœufs s'arrête, le chef du convoi dessine, à
cheval ou à pied, un hexagramme sur le sol et l'on campe au milieu. L'autruche est censée
agir de même : elle danse en traçant un large hexagramme sur le sol avant de pondre. Cette
figure représente l'univers, ses directions cardinales, le zénith et le nadir, le temps et ses
divisions (sept jours pour la semaine, douze mois pour l'année).
« Salut au Maître qui rentre. Salut à celui qui allume pour éclairer et qui connaît le sens caché
des robes des vaches. Salut à Kumen ; salut à celui qui accompagne Kumen, s'il sait se plier à
la discipline.
Le serpent est-il subjugué ? La grenouille est-elle domptée ? C'est ici la deuxième clairière et
nous sommes ses gardiens.
Sile ! les formes sont multiples et les formules variées. Les périssables dans les obscurités et
les durables dans le « fleuve de vie » (maayo guurndam). Si tu es berger, passe. Si tu es
guerrier, qui défends-tu ? »
[2] Kumen reprit : « Sile est berger chanteur. Il veut être connaisseur. Il n'exposera sa poitrine
velue que pour défendre la vache, la femme et l'orphelin. Son cœur est pur, ses mains sont
propres. Il a appris par cœur les formules :tukusum! mukusum! y a fuufay! »
Les esprits qui parlaient à Kumen reprirent : « Sile ! va dans la vallée, va vers Foroforondu.
Sois muet et que rien ne décolle ta langue de ton palais, avant l'apparition du premier soleil.
Enthousiastes, nous sommes des esprits nourris de lait, au corps oint de beurre. Nous
demeurons dans la troisième clairière.
Salut à Kumen ; salut à celui qui accompagne Kumen, s'il sait se plier à la discipline. »
[3] Kumen : « Je suis Kumen à la barbe vénérable. je suis armé de paroles onctueuses pour les
esprits fins et les âmes délicates. Je suis armé d'un gourdin pour les âmes épaisses et les cœurs
opaques. Je suis porteur, contre les brutes, d'un instrument tranchant, d'une poudre magique
qui brûle sur du feu. J'envoûte au moyen d'un œuf d'autruche, dernier d'une couvée qui a
refusé d'éclore. Je parle aux animaux. Les racines des plantes me livrent leurs secrets. Le
bruissement des sources, le remuement des feuillages dans les branches, les traits d'une étoile
filante, tous me confient leurs secrets. Et la tourterelle qui roucoule, j'entends ce qu'elle dit. Et
le bœuf qui beugle, je connais son verbe et je ne méprise pas son avertissement clairvoyant.
Ce sont les yeux qui regardent, mais c'est l'esprit qui voit.
Je mène Sile vers le fleuve de vie où il pêchera une ambre magnifique destinée aux âmes non
souillées : femmes chastes et hommes qui défendent les biens légitimes, salut… » Les esprits :
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« Sile violera-t-il les coutumes ? A-t-il goûté les sons de la flûte à sept trous ? A-t-il apprécié
les coassements de la grenouille des grâces ? »
Kumen : « Sile est poète, sa parole sera chantante. Il répandra ce qu'il faut répandre. Il créera
des chemins. Il découvrira des pâturages. Il se libérera de ses ennemis au regard hautain et à la
langue méchante. Il me suit vers les cimes. Il ne rit pas de ma taille. Il abordera Foroforondu.
Il sera exaucé. »
Quatrième Clairière
« Salut à Kumen, salut à celui qui accompagne Kumen, s'il sait se plier à la discipline. »
[1] Les cheveux et la barbe grise de Kumen symbolisent sa sagesse virile, son expérience. Le
nombril est le point central, sacré, il ne faut pas le violer. jamais une jeune fille ne laisse voir
son nombril. D'un être sans réserve ni pudeur morale, on dit : « J'ai tout vu de lui, y compris
son nombril », mi yi'ii fuu makko, fay wuddu. Il ne faut pas voir le nombril de Kumen, c'est-à-
dire le fond de son enseignement, car on doit accéder à la connaissance progressivement.
[2] L'incantation comporte les points cardinaux et les couleurs associés aux quatre tribus
fulɓe.
[3] Le ngelooki est médicinal. Sa feuille, desséchée, est brûlée sous le ventre des animaux
lorsqu'ils sont parqués : c'est un encens et une protection. S'il pleut, on place une petite
branche de ngelooki derrière soit oreille lorsqu'on est dehors, dans la maison si l'on est chez
soi, comme protection contre la foudre. Le dooki et le ngelooki sont deux végétaux
susceptibles de lutter contre la mort et parfois de triompher d'elle. Une légende relate la
révélation aux hommes de ce pouvoir : Un tout petit enfant pullo lut momentanément déposé
sous un arbre par sa mère qui le croyait malade et qui cherchait aux alentours des plantes
pour le soigner, accomPagnée d'une vieille lemme. L'enfant resté seul, Parla en disant : «
Voici les remèdes contre la mort, le dooki et le ngelooki. » Avant qu'il ait fini, la lemme âgée
l'entendit et l'interrompit : « Voici un tout petit enfant qui Parle, c'est la fin du monde », et le
bébé s'est tu. On n'a ainsi connu que les deux premières plantes, élixir de vie, et la recette est
incomplète.
Les « feuilles digitées » de certains végétaux captent les forces suivant le nombre de leurs
nervures : les paroles sont transportées par la « main » qui les dirige sur le malade
respectueux des correspondances établies entre les différents éléments de l'univers. Chaque
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homme est associé à une plante et chacune d'elles à un jour ou à un moment de l'année. La
date, la lunaison interviennent.
[1] Kumen : « Écoutez ma voix de maître : je suis dominateur. Regardez mon front, il est
noble et sage. Des cheveux gris ornent ma tête, ils encadrent mes tempes, et ornent mon
menton. Regardez la partie supérieure de mon corps. Ne portez pas vos regards sur le creux de
mon nombril. Vous seriez renversés, vos femelles rendues stériles et votre cheptel ruiné.
Sile vient apprendre comment il faut dire aux esprits malins « Sortez des corps dont vous vous
êtes malicieusement emparés. »
[2] « L'Est brille de lumière ; l'Ouest se tord dans le sang; le Sud est voilé par la forêt noire ;
et le Nord se peuple de terres, de beaux pâturages et d'hommes blancs.
Ouvrez pour Sile, ne lui résistez pas. Il va vers Foroforondu qui prononce des sentences
irrévocables, subjugue les sorciers et dompte les malins. »
Les esprits : « Sile connaît-il les quatre tribus fulɓe si difficiles à définir. Mais lesquelles tout
entières consentent au même titre, à se rouler dans la poussière et dans la cendre pour
posséder, nourrir et protéger le bovidé, animal de Iloo Yaladi Jaaje ? »
Kumen : « Sile est pullo. Il ne gémit que pour les bœufs. Il surmontera mille épreuves pour
acquérir le bovidé.
[3] S'il écorce le baobab sacré, c'est pour confectionner la corde aux vingt-huit nœuds
magiques, protectrice du parc. S'il arrache les feuilles du ngelooki c'est pour baigner les bêtes
dans ses forces vertueuses par fumigation. Il saura pointer, à l'endroit où siège le mal dans
l'être, la feuille digitée qu'il chargera des paroles appropriées. Il triomphera des maladies
bovines. »
Les esprits: « Kumen ! va en paix, fais-toi suivre de Sile qui reviendra instruit. »
Kumen : « Sile sera pareil à cette plante synthèse qui, autour d'une tige unique, assemble
feuille, rameaux et fleurs. »
Les esprits : « Sile ! oint de beurre et gavé de lait, Sile, passe »
Cinquième Clairière
[1] L'incantation est celle de Mars, planète du mardi ; elle peut se traduire ainsi : « Le sujet
du mardi, le ma du mardi, toi qui es du mardi, cela ne sera pas. » Le génie du mardi et de
Mars est celui de la guerre.
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[2] Le génie borgne est le forgeron et cette clairière est la sienne ; le forgeron possède « l'œil
de la connaissance extérieure et intérieure ». Autrefois on ne partait jamais en guerre sans
s'être fait « laver » (purifier) par un forgeron ; il est réputé posséder le secret qui contraint
les armes et projectiles en fer à respecter le corps humain.
[3] Sile cherchait la connaissance, Kumen cherchait un élève à enseigner; ils se sont
rencontrés et Kumen caché, s'est révélé à Sile. La cinquième clairière témoigne du passage à
d'autres aspects de la connaissance, les quatre premières correspondant aux quatre éléments.
Sile doit maintenant voir les sept « soleils » de l'initiation. Sile va passer du stade de la
constitution de l'univers dans l'obscurité primordiale par la création et l'agencement des
quatre éléments, au stade de l'apparition de la lumière et de l'organisation du monde.
[1] Satalaata, antalaata, matalaata, laatataako.
[2] « Je suis Kumen ! Ouvrez, agents gardiens, redoutez ma colère, un vrai feu du ciel qui
embrase, et mes dents qui scient le bois et mettent à nu la moelle de l'arbre où règne le génie
borgne qui frappe sur une masse d'acier et fait jaillir les étincelles de la discorde. »
Les esprits : « Qui es-tu, toi qui parles comme un maître et t'exprimes comme un souverain.
— Je suis le maître et le moniteur des cérémonies. J'introduis les enfants reçus et congédie
ceux qu'il faut éconduire. Je suis l'époux de la reine, je suis Kumen… Vivant dans le pays des
connaissances, j'ai appris et sais enseigner les accommodements. Je connais les signes
trahissant les impressions désagréables. Au large, esprits malins !…
[3] Sile m'a cherché, Sile m'a trouvé.
J'ai cherché Sile, Sile m'a trouvé.
Après ce lieu, il verra luire les soleils. Ils sont au nombre de sept. Sile verra les couleurs de la
souveraine. Celui qui choisit le périssable, périra. Car le serpent qui est enroulé, y crachera
son venin mortel. Il fait « perdre le turban », il empêche d'être silatigi, et même d'être
l'humble chef d'une petite famille. »
Sixième Clairière — Premier soleil. « Je suis Kumen »
[1] L'invocation, intraduisible dans son ensemble, fait cependant allusion au mulet, baam. o
tinki signifie : « il chargera (le mulet ou la mule) » ; tongo rongo désigne les petits génies de
la brousse, qui sont les antagonistes de Kumen.
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[2] Le rayon du Premier soleil est violet.
Les « trois nerfs » sont les « trois formes » de la matière : liquide, solide et gazeuse.
Les onomatopées jigin bantam, etc. représentent allégoriquement une marche effectuée dans
l'eau avec force. Kumen sait que le fait de recevoir dans les yeux une seule goutte de l'eau
ainsi projetée aveugle à jamais le marcheur, et lui retire la possibilité de contempler la
lumière du premier soleil, qui commande et conditionne la vue de la lumière des suivants ; il
ordonne donc à Sile de fermer les yeux.
[3] Le kooli pousse au bord du fleuve ; la fleur est odoriférante. min tan « moi seul », laamɗo
tan « Dieu seul », doit se traduire : « moi seul avec Dieu ».
[4] Le chien est un animal impur pour l'Islam, qui tolère cependant celui du berger,
compagnon fidèle et efficace. Il est ici le symbole de la garde de la connaissance. On montre
ainsi à Sile qu'il doit être vigilant et fidèle, et ne doit pas trahir, même dans l'adversité.
[1] « Tinki mbam, tinkaati mbaam, jaati jaati mbaan, mbaam tongo rongo ».
[2] O agents ! préparés à la garde de la sixième clairière, j'amène Sile. Il a triomphé des
défauts qui pénètrent l'homme par les yeux, les oreilles, les narines, la bouche, et de ceux que
l'homme contracte par ses sens. Il peut voir les couleurs et se chauffer aux rayons des soleils
sacrés. Il a passé à travers les cinq clairières d'un bout à l'autre. Ses sens n'en ont pas été
troublés et il est apte à ouvrir les yeux pour voir le soleil au rayon murfe (violet). Il sait tendre,
comme il le faut, les bras et faire apparaître ses trois nerfs. Ouvrez, ouvrez : jigin bant'am
bant'am, bant'am. »
Kumen se tourna vers Sile et lui dit : « Ferme les yeux pour t'éviter l'égarement d'esprit que
peut occasionner l'entrée dans cette clairière spéciale. » Quelques instants durant, Sile se
sentit enlevé. Mais il ne sut s'il montait ou descendait.
« Ouvre les yeux, commanda Kumen, nous sommes dans la clairière où brille le soleil
“violet”. »
[3] Sile ouvrit les yeux, vit le soleil briller à travers les arbres, mais il n'eut pas le temps de
l'admirer. Des bêtes hideuses aux mouvements bizarres se ruèrent sur lui. Kumen, voyant Sile
troublé au point de s'enfuir, lui souffla l'imposante incantation : « Soleil violet qui pointes au
milieu des futaies, voile à mes yeux les dents aiguës de tes bêtes. Fais cesser les aboiements
de tes chiens qui ont la rage au cœur. Darde vers moi ton rayon unique qui transmet le
bonheur et donne la quiétude. Je promets de faire paître bœufs et brebis dans une prairie
parfumée à la fleur du kooli. Kôli jumaani ; mulli jumaani ; min tan tan, laamɗo tan. » A ces
derniers mots, le soleil violet brilla d'un grand éclat. Sile vit venir à lui un gros chien à la
queue frétillante et qui poussait des petits cris de joie.
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[4] « Je suis, dit l'animal, le compagnon du berger. J'aboie contre la hyène et je préviens
chaque fois que la panthère est à l'affût. Depuis le jour où le berger a fait de moi son ami et
son auxiliaire, je n'ai cessé de lui manifester mon intelligence et ma fidélité, que je dois aux
émanations du soleil septième. Je me tiens debout devant le parc, je montre à l'étranger des
dents qui ne rient pas et je dis : haw ! haw ! haw ! »
Kumen :
— O chien de berger ! gardien des parcs, quels sont ces arbres au milieu desquels tu demeures
?
— O Kumen ! tu es plus renseigné que moi, mais puisqu'il faut que je parle : je demeure au
milieu des beaux arbres qui transforment le sang en lait et protègent le parc contre les
maléfices.
Kumen s'adressant à Sile :
— Retiens ce dire, puis au chien
— Salut au chien qui sait demeurer fidèle et sait attendre vigilant dans un coin. Nous
marcherons sans crainte en imitant tes cris : haw ! haw ! haw ! Quand le monstre qui barre les
chemins viendra vers nous, nous l'éloignerons en criant : haw ! haw ! haw ! Il ne pourra rien
contre le destin voulu par la providence. »
Septième Clairière — Deuxième soleil.
[1] Le rayon du deuxième soleil est bleu.
Si l'incantation adopte ici la langue bambara, elle peut se traduire soit par ; « grand village,
grand arbre, grand Dieu, grand-père, grand fromager », soit par : « le grand village qui n'est
pas instable (ou qui ne tremble pas), l'ambre pur (allamba viendrait de alluba naare, termes
qui désignent une très grosse perle d'ambre pur, celle que la famille du fiancé offre à la jeune
fille), grand père, grand fromager ». Cet arbre a des racines proéminentes : l'initiateur de
Kaydara a logé au creux d'un fromager.
[2] Buytorin est « l'ancêtre » des Fulɓe observant leur religion et coutumes traditionnelles. Ils
ignorent ou n'admettent pas Oqbat comme leur ancêtre.
Le suc, enɗam, est celui des fruits, edi (sing. eedere) dit Sclerocarya Birrea Hochst. L'urine
que donne la boisson fermentée est sacrée. Dundari est l'un des noms des attributs de Geno,
Dieu, maître de Kumen.
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[3] Lorsqu'un bœuf meurt de mort naturelle, il est considéré comme sacrifié par Geno qui
prend son sang vif ; quand on le dépèce, il ne saigne plus. Le sacrifice d'un bœuf est fait par
les hommes pour « s'approcher » de Geno ; l'âme de la victime devient celle d'un enfant à
naître dans la famille.
Au Maasina, le sacrifice du bœuf avait lieu au « sanctuaire des peuples », dental, dont la
localisation ne nous est pas connue ; on partageait la chair de l'animal, consacré par les
prêtres, entre tous les membres présents des sous-groupes des quatre clans Fulɓe.
[1] Kumen : « Salut au soleil deuxième dont le rayon bleu donne à l'indigotier sa matière
colorante : duguba, yirba, allamba, baaba, banamba. Éloigne de nous tout ce qui manque
d'harmonie. Vaches boiteuses ! au loin… Brebis galeuses, chèvres débiles aux membres
débiles, soyez hors de notre vue. Ne faites pas trembler nos paupières. Ne nous faites pas
croire que le soleil deuxième s'est déplacé du lieu où il est. Ne nous faites pas croire que nous
ne sommes pas dans la prairie où sept couleurs variées émanent de sept soleils adorables.
Sile veut apprendre de Foroforondu, fille de Morimawɗo, les races diverses des vaches, tout
ce qui concerne la brebis et sa cousine la chèvre.
[2] Je suis Kumen, qui sait que le passé revient sous une autre forme et que les actions se
répètent avec changement d'acteurs. Jadis, j'ai croisé Buytorin le chanteur. Il était ivre d'une
boisson faite avec du jus jeedi. J'ai soufflé en lui, avec la permission de Dundari, la vertu de
fécondation.
Rayons indigo du soleil bleu, je vous conjure : ouvrez la zone du soleil troisième et que la
horde des fauves reste couchée.
Sile est descendant de Buytorin ; il n'a qu'une ambition : voir la vache sacrée qui nourrit de
son lait béni les esprits purs et qui blanchit tout ce qui est blanc.
[3] Veaux sans cornes, venez ; vaches à cornes courtes, venez. Vous qui avez de grandes
cornes et faites le bonheur du berger, venez, venez. Venez tous ensemble. Salut à la victime
bovine offerte en sacrifice pour servir de monture à l'âme voyageuse à travers les espaces de
l'au-delà. Sile a triomphé des réflexes nerveux. Ses mouvements sont réglés. Le sommeil s'est
évadé de ses yeux. La somnolence s'est effacée de ses paupières. »
Huitième Clairière — Troisième soleil.
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[1] Le rayon du troisième soleil est vert.
[2] La vache sans corne et le bœuf-nain (ndaama) sont déconsidérés, mal vus de leur
propriétaire ; les laire passer devant revient à les sacrifier, car ils se dirigent vers l'inconnu.
[1] « Pleureuses aux funérailles, ne gesticulez plus. L'herbe fraîche et nourrissante frémit sous
la terre. Les reptiles sont engourdis. Voici le rayon vert du soleil troisième. Il unit en sa
couleur celles des soleils deuxième et cinquième. Son rayon est vert. Les arbres et les plantes
lui doivent leur couleur. Il donne à la campagne son éclat. Il répand la santé. Sous son sourire,
la vache fait téter son petit et le cultivateur admire son mil bien venu.
Le taureau qui, dans cet espace, ouvre la marche, est de l'espèce à bosse. Sa queue fine
mesure trois coudées. Ses cornes fortes et longues menacent les démons de péripneumonie.
[2] O esprits de la sécrétion lactée ! demeurant dans les arbres fourragers, Sile vient vous
demander le secret qui lui permettra de faire produire par les femelles de ses bêtes, des sujets
résistants et de beau pelage. O toi, bœuf brun, de l'espèce naine, va réveiller la vache sans
cornes, et tous deux précédez nous vers :
Neuvième Clairière — Où domine le soleil quatrième.
[1] Incantation intraduisible.
[2] Cette phrase est un souhait d'évolution : si l'évolution des êtres peuplant l'univers se
développe, on pourra voir la tortue « s'envoler », c'est-à-dire accéder à la spiritualité. La
tortue de terre, kuuru kaara ou heende, est associée aux ovins ; la brebis sacrée représente
ici l'un des degrés de la connaissance.
[3] Le rayon du quatrième soleil est jaune.
[1] « rudu dalla, rudu makan dalla, rudu fabo dalla ».
[2] « Kuuru kaara, renfermée dans une carapace osseuse, édentée, allant lentement, quand
voleras-tu comme un épervier ? Quand pourras-tu sucer les tétines de la brebis sacrée ?
[3] Je suis Kumen qui balance sa tête de plaisir lorsque la vache beugle et de dépit quand elle
se tait. Ma vue est puissante à fixer le rayon jaune du soleil quatrième.
Livrez passage, engourdissez les agents du mal et que ceux de l'avant aillent à l'arrière et
ceux-ci à la place de ceux-là. »
La tortue dit : « Passez, privilégiés, qui allez dans la zone où les laareeji vous attendent sous
le soleil sixième. »
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Dixième Clairière — Cinquième soleil.
Dès que Kumen et Sile dépassèrent l'espace éclairé par le cinquième soleil, ils entendirent un
grand remue-ménage.
[1] [Le] kaggu et le ngaynirki [sont] les autels des pasteurs.
[2] Le rayon du cinquième soleil est orangé. Laconnaissance comporte des degrés, en
relation avec les trois catégories de troupeaux : la première est associée aux caprins (elle
comporte certains éléments de magie), la seconde aux ovins ; la connaissance suprême est
associée aux bovins. Dans la neuvième et la dixième clairières, l'instructeur parle de la brebis
sacrée et de l'agneau céleste. C'est dans la douzième clairière que paraîtra le bovidé
hermaphrodite, symbole de la connaissance suprême.
[3] Morimawɗo, litt. : « grand vénérable » est le père de Foroforondu .
[4] Avec l'écorce de koyli, on confectionne une préparation pour teindre d'ocre les vêtements
et les tissus.
[1] Kumen dit : « Nous allons être mis en présence deForoforondu. Elle est mon épouse,
mais c'est elle qui commande le laitage et en dispose. C'est elle qui veille sur lekaggu et
le ngaynirki (autels des laareeji). Ne te soumets pas à tous ses ordres. Elle te perdrait. Elle te
présentera nos petits dieux et te demandera de les lui nommer. »
Kumen enseigna à Sile les mœurs des laareeji et ce qu'il lui fallait répondre à propos de
chacun d'eux.
Kumen : « Je reviens des pâturages accompagné d'un hôte : c'est un invité de marque, un
convive plaisant. C'est un Pullo ardent dans les choses des bœufs. Il vient vers la déesse du
lait pour demander des conseils. »
[2] Foroforondu qui agitait la crème dans une baratte en calebasse et qui faisait un bruit
terrible, se leva et alla vers Kumen. Elle lui dit : « Comment as-tu consenti à faire venir ici un
humain ? Oublies-tu que le rayon orange du soleil cinquième est une flamme ? Que fais-tu de
la tradition du taureau sacré et de la vache-mère et de l'agneau céleste ? »
Foroforondu s'adressa à Sile : « Je suis attentive à tes demandes, fais vite et sors en sautant
comme un agneau et retourne d'où tu es venu. »
[3] Sile : « N'en déplaise à Foroforondu, déesse du lait, reine du beurre, je me trouve si bien
sous le rayon du soleil orange qu'aucune parole, aucun acte, ne sera assez rude pour m'en faire
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partir. Je suis prêt, si Foroforondu le veut, à observer tous les préceptes du kaggu et les
interdits dungaynirki. Mais je ne m'en irai pas. Sous ce soleil, je ne crains rien. Au contraire,
je suis dans l'allégresse. O fille de Morimawɗo, donne-moi du lait à boire et dis-moi le « nom
caché de la vache ».
[4] « Foroforondu ! je t'en conjure par ton père qui fut le grand sacrificateur aux sept rayons,
fais-moi conduire dans la clairière onzième où le soleil rouge aux rayons couleur
dukoyli domine et où je te prouverai que je suis digne du parc. »
Visiblement énervée, Foroforondu coula un regard de reproche vers son mari Kumen. Celui-ci
dit : « Sile vient voir ce qui se passe chez nous. Il ira s'asseoir au pays des humains, après que
le nœud lui sera dénoué, en séance dans la …
Onzième Clairière — Sous les sixième et septième soleils
Kumen : « Hommage aux rayons des deux soleils unis en un pour éclairer une clairière. Salut
aux bergers qui tiennent dans la main droite une lance sacrée et dans la main gauche un bâton
en kelli ou un gourdin de nelɓi consacrés.
La force du Pullo est dans le bovidé. Le jour où il n'en aura plus, ce sera la détresse. Les
femmes et les enfants ne viendront plus à lui. Il sera considéré comme un père au mauvais
héritage. »
Sile dit : « Foroforondu, répands sur mes cheveux tressés en nattes du beurre pour
m'empêcher de sentir la chaleur. Donne-moi le mot secret qui me fera trouver en tout temps
des feuillages et herbes vertes pour mes animaux. »
[1] Le sixième soleil a trois rayons, le septième quatre.
Les sept soleils ont les couleurs de l'arc-en-ciel. Chacun d'eux correspond à un « ciel »
différent ; de chacun des sept « ciels », qui sont étagés, descend une pluie, également
différente. Au fur et à mesure que s'avance la saison des tornades, la pluie vient d'un ciel
supérieur au précédent. On incante l'arc-en-ciel, dit « buveur de tornade » yara toɓo, pour
qu'il arrête la pluie, et s'oppose à la chute d'une quantité excessive d'eau qui serait nuisible
aux troupeaux.
D'autre part, les « rayons » sont la voie de Dieu ; la « voie du ciel » suit les rayons. Au
nombre total de douze, les rayons des sept soleils correspondent aux mois lunaires. Toutes les
offrandes importantes, effectuées pour la sécheresse, les éclipses, les épidémies par exemple,
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comportent des dons de douze objets ou douze animaux (par village, par famille, ou même
par individu). La divination est exécutée avec douze cauris.
[2] On se sert de la main droite pour ce qui est sacré et pur ; de la gauche pour les
purifications effectuées après un acte qui comporte une souillure. Sile mettra la main gauche
sur l'épaule de Kumen, comme un aveugle ferait pour se guider, afin de ne pas tomber,
pendant l'épreuve, dans l'embûche ou l'impureté.
[3] L'écorce de caïlcédrat, comme le suc du daraɓoggel(baobab nain) est amère. Ils
constituent pour l'homme une purification et le préservent contre les effluves nélastes et les
mauvaises influences. On protège ainsi les yeux qui voient, la bouche qui parle : la parole
entraîne plus encore de dangers que la vue.
[1] Foroforondu dit : « Sile, tu auras tout ce que désireras, mais ce sera dans la clairière où les
deux soleils mêlent l'un ses trois rayons aux quatre de l'autre, pour éclairer le bienheureux qui
saura défaire les nœuds et qui donnera les noms de nos laareeji en spécifiant celui qui, parmi
les quatre principaux, a donné naissance aux trois autres. »
[2] Sile dit : « Quand la somme de tes questions m'envahira, Kumen saura me venir en aide.
Dans les gouffres des nuits où siègent tes laareeji, Kumen saura me guider. A travers tes
artifices, je marcherai ferme, car ma main droite sur le cœur, je poserai la gauche sur l'épaule
de Kumen ».
[3] « Foroforondu, puisque tu t'opposes à moi, j'ai pour ta bouche de la poudre de caïlcédrat et
pour tes yeux du jus dedaraɓoggel. » Comme intimidée par les paroles prononcées par Sile,
Foroforondu alla soulever quelques lianes et dit : « Viens, Sile, je vais te conduire au lieu dit :
…
Douzième Clairière — Demeure du sixième et du septième soleils
Sile se souvenant de ce que Kumen lui avait dit — ne pas obéir à Foroforondu — répliqua : «
Je ne suis pas celui qui se fait guider par une femme, fût-elle Foroforondu. Je ne marcherai
que derrière Kumen».
[1] Le jujubier est symbole du sommet de l'initiation, des connaissances humaines, après
lesquelles il n'y a plus que les connaissances divines. Son nom — njaaɓi — signifie « là où
j'ai mis (la plante du) pied ». La calebasse est, au Soudan, symbole de la matrice du monde ;
la matière dans laquelle le récipient est faillé lait intervenir le travailleur du bois, labbo.
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Lorsqu'on désire travailler le bois, pour prévenir le labbo qu'on va pénétrer dans son
domaine, on dit : « labbo, par la racine des arbres, on entre chez les génies du bas ; par les
branches, on entre chez les génies du haut ; par le tronc, on entre chez les hommes » : labbo
ɗaɗi lekki naatirta suka-hecci, cate naatirta ɗoo mbeeyu, foomre naatirta yimɓe. (suka-
hecci, litt. : « plus âgé que l'enfant » est le nom secret d'un génie).
[2] Les deux termitières sont jumelles; la grande, waande (de wayre « être » ou « être comme
»), habitée, est en rapport avec le nord et la couleur blanche qui est faste ; la petite, bangel,
inhabitée, en rapport avec le sud et la couleur noire, qui est néfaste. Le même symbolisme
s'attache aux deux fourmilières.
Le « vaste terrain » est l'univers et le premier parc ; le bovidé hermaphrodite est la « mère »
de la création tout entière.
[3] Le texte de Foroforondu est une allusion aux incantations que formule le silatigi, ou le
maître du parc, au lever et au coucher du soleil. Il sort le matin, en contournant sa case, dont
la porte est ouverte au sud par la gauche, c'est-à-dire vers l'est. Il va se placer devant la porte
du parc situé derrière la case, et dont la porte est également ouverte au sud. Il examine alors
la tête du premier bovidé qui lui tombe sous les yeux, et prend la posture correspondante.
Puis il fait devant lui un demi-cercle de sa main droite, pour faire émerger le soleil, en
récitant la prière conforme au lever, précédée de « beurre et lait ». Le soir, il procède selon le
même schème, mais il contourne sa case par l'ouest, et fait le demi-cercle de sa main gauche,
tout en récitant l'incantation du coucher du soleil.
[1] Foroforondu s'irrita en vain, mais Sile, encouragé par les regards de Kumen, résista.
Foroforondu se tourna alors vers son mari et lui dit : « Puisque tu y tiens pour lui, les jujubes
sont dans la calebasse en bois à votre disposition. »
Kumen rit et battit des mains. Il prit une poignée de jujubes et en donna une à Sile. Il lui dit :
« Maintenant que tu as goûté aux fruits du jujubier de la demeure, tu peux te fier à
Foroforondu. Elle ne pourra plus, et d'ailleurs elle ne cherchera plus à te tromper. Elle ne
désirera, désormais, que ton bonheur. Elle ne sert des jujubes qu'à ses amis.
[2] Allons dans la clairière centrale. Cette dernière est un vaste terrain circulaire au milieu
duquel pousse un arbre immense à la frondaison en dôme. Il est environné par une grande
termitière habitée, une toute petite inhabitée, une fourmilière inhabitée, une autre peuplée
d'une manière dense et un petit étang. Au milieu de ce vaste terrain, un bovidé hermaphrodite
d'un pelage bigarré de toutes les couleurs bovines, se promène majestueusement, tantôt
beuglant comme une vache paisible qui réclame son petit, tantôt mugissant à rappeler le
rugissement d'un lion. »
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[3] Dès que le bovidé aperçut les trois visiteurs, il alla se mettre sous l'arbre et s'apprêta à
charger. Foroforondu, défit les nattes de sa coiffure. Elle couvrit de sa chevelure bien fournie
presque toute la partie supérieure de son corps. Elle dit : « Je suis celle qui n'est armée que du
fouet à lait, qui n'est vêtue que de sa chevelure pour cacher son buste et dont les organes
sexuels sont recouverts de feuilles cueillies sur le kelli, le combi, le nelɓi et le delɓi. Salut au
bœuf unissant en un les multiplicités bovines. Voici, je vois tes pis, non loin de ta verge,
organe viril. Salut au boeuf unissant en un les multiplicités bovines : quand ta tête, variant sa
forme selon tes humeurs, est courte, je m'accroupis ; longue et fine, je m'assieds ; forte et une
busquée, je m'étends sur le dos et je dis : « beurre et lait, beurre et lait ! »
Douzième Clairière — Demeure du sixième et du septième soleils (suite)
[1] Le rituel auquel procède Foroforondu est celui qui est exécuté pour guérir un malade,
enrichir un pauvre, affranchir un esclave, purifier un impur… On mélange ce qui est plein
avec ce qui est vide, et ceci avec l'eau, mère de toute vie. C'est aussi la puissance qui dompte,
le signe de la connaissance non violée.
[2] Présenter la terre en boule « dompte» le bœuf. Le pastorat implique la domestication mais
non pour s'en servir à des fins personnelles : car le Pullo sert le bovidé.
[3] La « sortie » du veau est symbole de la naissance. Sile meurt et renaît ; la renaissance
accomplie par le néophyte fait sortir le veau fadaletoodde qui est de bon augure : s'il n'était
pas « sorti », Sile aurait dû recommencer son initiation.
[4] Sile doit se laver deux fois en sens contraire ; dans certaines tribus Fulɓe le même rituel
est exécuté pour laver un cadavre avant de l'ensevelir.
[5] La lustration de Sile, analogue à celle effectuée pour un cadavre, témoigne de sa mort
sous son ancien état, mort qui a précédé sa renaissance spirituelle. Il est alors digne de
monter le bovidé multicolore dont il recevra tout.
[1] Après avoir dit ces paroles, Foroforondu se dirigea vers la grande termitière. Elle y arracha
une motte de terre. Elle alla en arracher à la petite termitière. Elle prit une poignée de terre de
la fourmilière abandonnée et une de celle qui est habitée. Elle pétrit le tout avec l'eau puisée
dans l'étang. Elle revint auprès de ses deux compagnons qui attendaient : Kumen, impassible
et presque distrait, Sile intrigué et même intimidé. Elle remit la boule à Sile et lui dit : « Va
déposer ceci sous l'arbre et ne t'occupe pas du bœuf. »
[2] Sile exécuta l'ordre de Foroforondu. Il vit alors le bœuf sortir de son affût et venir vers lui
avec le mugissement d'un animal qui reconnaît son maître. Au même instant, un
veaufadaletodde sortit de l'étang et bondit vers Sile.
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[3]« Le veau est sorti, s'écria Kumen. Sile est désormais un homme renouvelé. Il peut recevoir
les secrets du ngaynirki. Il était esclave du boeuf, désormais celui-ci sera son serviteur. Il ne
lui reste plus qu'à savoir le nom caché du bœuf sacré. »
Foroforondu dit à Kumen : « Enseigne à Sile les formules dungaynirki. »
[4] Kumen dit à Sile : « Va faire un circuit autour de l'arbre, de l'étang, des termitières, des
fourmilières et après tu te laveras dans l'étang, en commençant par :
• le côté droit, de la tête à la plante du pied
• le côté gauche de la plante à la tête
• le côté gauche de la tête à la plante du pied
• le côté droit de la plante du pied à la tête. »
Sile fit le circuit des lieux indiqués. Il entra dans l'étang où il se lava conformément au rituel
indiqué par Kumen.
[5] Quand il voulut sortir, l'étang fut absorbé miraculeusement et Sile se trouva sans savoir
comment sur le dos du bovidé hermaphrodite au pelage fait de toutes les couleurs bovines.
Douzième Clairière (suite) — Le dénouement des noeuds
[1] « La corde aux vingt-huit nœuds » — qui représentent les vingt-huit laareeji et
les ngaynirki correspondants en même temps que les jours du mois lunaire — est diteɓoggol
piɓe noogas e jeetati (jeetati est un numéral composé de jowi: cinq, et tati: trois). Elle est
faite d'écorce de baobab, arbre qui symbolise la longévité.
[2] Le « lait à manger » — nyamde kosam — est une expression fulfulde/pular typique: le lait
est l'aliment complet par excellence.
[3] Incantation intraduisible.
[4] La consommation du lait du bovidé hermaphrodite constitue une communion avec
l'essence même de Dieu,Geno.
[5] Le premier et le dernier nœud appartiennent à Dieu, invoqué ici sous le nom de Dundaari,
qui implique sa toute-puissance.
[6] Les sept qui suivent le premier appartiennent aux « sept soleils », c'est-à-dire aux « sept
mondes », image de l'infini de l'univers, qui sont l'émanation directe de Dundaari. Ils n'ont
point de noms. De même les sept avant-derniers appartiennent à la « nuit (et à la lune) des
sept mondes » cités plus haut, et relèvent de la même interprétation.
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[7] En revanche, à partir du neuvième, les suivants peuvent être énumérés par leur nom. Ils
sont au nombre de douze et Sile se présente à eux. Il veut les épouser : le mariage avec une
serve fait de la femme l'esclave de son mari, à l'inverse une femme noble ne travaille pas
directement pour lui — c'est-à-dire que l'égalité régnera : Sile suivra les « nœuds » et les «
nœuds » le suivront. Les dons auxquels il est fait allusion sont ceux de l'initiation ; « sans
arrêt et amoindrissement » signifie que le don sera égal à lui-même dans le temps, renouvelé
identique à lui-même.
[8] Les douze « nœuds » sont les laareeji qui correspondent aux douze mois de l'année. Le
premier nœud est le premier, jalaañ, qui correspond au mois dulootoori. L'objet rituel
représentant jalaañ est fait de dix-huit cordelettes nouées de place en place de cent vingt-
deux nœuds : dix-sept d'entre elles sont faites de fibres végétales diverses, et comportent
chacune sept nœuds, la dix-huitième est faite d'un tendon humain, prélevé le troisième jour
après l'enterrement d'un cadavre et comporte trois nœuds. Cette représentation du laare le
plus important est de préférence placée isolément dans une hutte de paille ; s'il doit être placé
dans une demeure en pisé, il est entièrement enveloppé de paille ou d'herbe ;jalaañ est le
patron des pâturages et ne doit pas être en contact avec la terre, mais avec les végétaux.
dembanyaasoru signifie : « deuxième fils cagneux. »
[1] Kumen vint au-devant de Sile et l'escorta jusque sous l'arbre. Il lui enseigna pendant des
jours et des jours les formules du ngaynirki. Après quoi, Foroforondu vint vers Sile : elle lui
présenta une corde ayant vingt-huit nœuds espacés et dit : « Puisque tu désires connaître le
nom secret du bœuf sacré, dis-moi quels sont parmi les nœuds de cette corde, les nœuds vides,
les mystérieux et les chargés, et quel est le nom de ces derniers. »
[2] Kumen dit : « Jam ! c'est la paix, ndiyam, c'est l'eau, et l'eau est le don précieux de
Dundari. C'est l'offrande préliminaire. Avant de postuler, ô ! postulant, sers au chef de l'eau à
boire et du « lait à manger ». Avant de consulter l'oracle, ô consultant ! sers à boire aux
esprits. Avant de questionner, ô Foroforondu ! sers à boire à Sile qui a chevauché le boeuf
sacré. Celui-ci chemin faisant a mugi et articulé :
[3] bujaan ! aabjuni ! jaabun junbaa bunjaa juban»
En effet, Sile se souvint qu'au moment où il se trouvait sur le dos du bœuf, celui-ci, tout en
marchant, gémissait les sons ci-dessus.
Foroforondu poussa un cri spécial et immédiatement le bovidé hermaphrodite bondit vers elle.
Elle dit : « Bovidé de Morimawɗo, monte ton urine et ton sang, descends ton lait et ton
beurre. » Ceci dit, elle alla derrière le bovidé hermaphrodite qui se laissait faire. Elle lui
souleva la queue et souffla fortement dans son unique exutoire : vulve-anus. Elle trait le bovin
miraculeux qui ne met jamais bas, mais donne du lait.
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[4] Sile but à grands traits ce lait merveilleux. Ainsi désaltéré par le lait-connaissance suprême
des choses pastorales, Sile se saisit de la corde nouée et dit : « Maintenant que j'ai bu le lait
après avoir mangé les jujubes, je suis consacré. Aucun nœud ne me sera énigmatique, aucune
émanation ne sera dangereuse pour moi. Je saurai tout, et spontanément, comme le nouveau-
né sait téter au premier mouvement des lèvres.
[5] Je demande pardon à Dundari. Le premier nœud lui appartient, nul ne pourra le connaître
en entier avant la mort. Le dernier nœud lui appartient. C'est le dernier mot de tout. Ces deux
nœuds sont l'énigme de la douzième clairière ; ils sont à Dundari.
[6] Ces nœuds mis de côté et exclus du compte, j'offre les sept suivants aux sept soleils qui
m'ont éclairé jusqu'ici. Ces enlacements sont noués à vide, c'est-à-dire sans le souffle d'aucune
parole vertueuse. Ils sont donc les vides. Les sept avant-derniers, je les voue aux esprits des
nuits. Ils ne contiennent rien. Ils sont vides et sans souffle.
[7] Quant aux douze médians, je me présente à eux, et je les présente à moi-même : je suis, ô
nœuds ! Sile Yugo. Je vais me fiancer à vous selon les usages serfs, mais je vous épouserai
selon le cérémonial de la noblesse. A ceux qui demeureront avec moi et qui seront pour moi,
je donnerai trois fois dix coudées de bandes fines et blanches, sans arrêt et sans
amoindrissement ; un coq de dix ans sans arrêt et sans amoindrissement. Ces dons seront les
constantes offrandes propitiatoires.
[8] Ces nœuds sont :
le premier des douze médians ou neuvième de la chaîne entière, contient le secret de jalaañ.
C'est lui qui chez les hommes se manifeste sous forme d'un dieu hermaphrodite, toujours
rassasié de breuvage sanglant. Solitaire dans une hutte de paille, il est doué de dix-huit
organes de transmission agissant sous l'action combinée de cent vingt-deux nœuds magiques.
Il s'appelle jalaañ. »
Foroforondu dit : « Bien répondu. Tu connais le premier des douze et le neuvième des vingt-
huit enlacements secrets. Mais quels sont les trois autres noms avec lesquels on
confond jalaañ ? »
— Ce sont : maysa, silinte, denbanyaasooru.
— Connais-tu l'invocation à jalaañ ?
— Oui.
— Réserve-la pour la lutte suprême.
— Bon. »
Foroforondu dit : « Salut à Sile qui a vu la lumière des soleils. Voici, tiens mon sein droit,
tète-le, ne crains rien. Tu es mon fils, tu es l'ami de mon époux. »
Sile dit : « Je préfère la langue de Foroforondu. C'est d'elle que coule un lait doux et agréable
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à boire et non de son sein. »
— Tiens, Sile, suce ma langue. » Sile suça la langue de Foroforondu et celle de Kumen (tour à
tour).
Foroforondu : « Sile ! qu'est-ce que ceci ? »
Douzième Clairière — Le dénouement des noeuds (suite)
[1] Le second laare, sambalaasoru, est révélé par Sile, après qu'il a reçu la salive et la parole
de Foroforondu.
[2] Lorsqu'on veut dominer quelqu'un ou s'en faire aimer, il faut posséder ses cheveux ou les
rognures de ses ongles. C'est pourquoi un Pullo ne laisse jamais débris d'ongles ou cheveux
coupés à la portée de qui que ce soit.
[3] Le troisième laare est muse, fils de jalaañ.
[4] Après les trois premiers nœuds, Sile demande le fouet à lait, sirgal. Il sollicitera d'abord
de Foroforondu les objets ayant trait au lait, car elle en est la « patronne » et a tout pouvoir
sur lui. D'autre part, le lait, aboutissement des travaux du pastorat, est le plus grand bien
qu'un Pullo puisse retirer de ses troupeaux.
[1] — Ceci, c'est le second des douze et le dixième des vingt-huit enlacements. Il contient les
intrigues de sambalaseeru. Il se manifeste aux fils d'Adam comme un dieu sans nectar,
toujours coléreux et prêt à abattre, à noyer et à enterrer.
Foroforondu dit :
— Salut à celui qui vient de dénouer l'énigme du second des douze et dixième des vingt-huit
enlacements. Voici, tiens mon sein gauche, tète-le.
[2] — Je préfère une mèche de cheveux de Foroforondu. Ces cheveux sont un porte-bonheur
pour le berger.
— Tiens, Sile, voici une mèche de mes cheveux.
Sile prit la mèche, mais il suça aussi la langue de Kumen qui venait de la lui mettre dans la
bouche.
Foroforondu dit :
— Sile ! qu'est-ce que ceci ?
[3] — Ceci est le troisième des douze et le onzième des vingt-huit enlacements. Il contient les
mic-mac de muse, connu des fils d'Adam comme deuxième enfant de jalaañ et tantôt comme
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son frère. C'est un dieu intercepteur. Il étouffe les tracassiers, met une muselière aux
indiscrets et aux bavards.
Foroforondu dit :
— Salut à celui qui vient de dénouer l'énigme du troisième des douze et du onzième des
vingt-huit enlacements. Que Sile choisisse ce qu'il veut posséder.
— Je demande à Foroforondu un fouet à lait (sirgal).
[4] Foroforondu donna le sirgal et continua ses questions :
— Sile ! qu'est-ce que ceci ?
— Ceci est le quatrième des douze et le douzième des vingt-huit enlacements. Il contient le
mystère de siti kon, ditsamba, considéré par les fils d'Adam comme troisième fils de jalaañ ou
simplement son frère ; siti kon est un dieu qui se désaltère du sang de crapaud et exige une
fumigation. Dans les cas graves, c'est dans un puits qu'il faut le consulter, en récitant avec
l'intonation prescrite les mots magiques :takko takko ! takko nyaar nyaar! »
Foroforondu dit :
— Salut à celui qui vient de dénouer l'énigme du quatrième des douze et du douzième des
vingt-huit enlacements. Que Sile choisisse ce qu'il veut posséder.
Douzième Clairière — Le dénouement des noeuds (suite)
[1] Après le quatrième, il reçoit le ɓirdugal, récipient en bois ou en calebasse dans lequel on
trait le lait.
[2] Après le cinquième, Sile demande la corde à attacher les veaux, danngol.
[3] Kumbasaara est un laare associé à la résurrection. Sa « naissance » est en relation avec
le sacrifice effectué pour un défunt le troisième jour après sa mort et qui consacre la
séparation du corps et de l'âme immortelle. Quatre sacrifices sont exécutés pour chaque
défunt, le premier, exécuté après le décès et avant l'enterrement, concerne le cadavre ; le
second, mentionné ci-dessus, et le troisième effectué le septième jour, consacrent la
séparation définitive de l'âme et du corps ; le quatrième, exécuté le quarantième jour, libère
cette âme de sa dette et de ses liens avec le monde terrestre ; à partir de ce moment elle peut
inspirer les vivants et communiquer avec eux.
Les Fulɓe se frottent les mains et les pieds avec la mue d'un serpent, laquelle protège des
morsures des reptiles et des attaques des esprits.
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[4] Après le dénouement du sixième nœud, Sile demande lemaagol, ceinture spéciale des
bergers.
[5] ndett, laare nocturne et chtonien, est le patron des bergers qui sont chargés de faire paître
le troupeau la nuit, après la traite du soir, pour le ramener au premier chant du coq. Ces
pasteurs reçoivent une initiation particulière concernant l'astronomie, car ils dirigent le
troupeau en fonction de la position des étoiles. Le caméléon symbolise d'une part la prudence
: il avance lentement les pattes l'une après l'autre, comme pour s'assurer de son terrain.
D'autre part, la détermination : car ses yeux mobiles observent ce qui se passe sans qu'il
tourne la tête, c'est-à-dire sans qu'il change de direction ou de ligne de conduite. Ses
variations de couleurs ont un sens favorable, car il met les autres à l'aise en s'adaptant à eux
; un sens défavorable, car il témoigne aussi d'une certaine hypocrisie. Certaines parties du
corps du caméléon sont utilisées dans la confection de philtres qui donnent du courage.
[1] — Je demande un ɓirdugal. Foroforondu continua ses questions par : « Sile, qu'est-ce que
ceci ? »
— Ceci est le cinquième des douze et le treizième des vingt-huit enlacements. Il contient le
secret de pellel connu chez les fils d'Adam comme un dieu sans nectar, habillé de blanc, tantôt
frère de jalaañ, tantôt son fils, mais de toutes manières venant après siti kon. Ce dieu est
chargé d'une foudre occulte qui, dirigée sur un homme, pulvérise son âme et réduit ses os en
poussière. Flatté par : jatikon, matikon, jati matikon mawikon, quand pellel noue, personne ne
peut dénouer. »
— Salut à celui qui vient de dénouer l'énigme du cinquième des douze et treizième des vingt-
huit enlacements. Que Sile choisisse ce qu'il veut posséder. »
[2] Sile demanda un danngol.
Foroforondu donna le danngol et continua par : « Sile, qu'est-ce que ceci ? »
[3] Sile : « Ceci, c'est le sixième des douze et le quatorzième des vingt-huit enlacements. Il
contient le secret des maniements de kumbasaara, laare féminin qui naît dans un cimetière
après trois jours de travail de l'accouchement. Sœur de jalaañ, tantôt considérée comme sa
fille, puînée depellel, kumbasaara est vêtue d'un fourreau abandonné par un serpent lors d'une
mue. »
Foroforondu lui dit : « Salut à celui qui vient de dénouer l'énigme du sixième des douze et
quatorzième des vingt-huit. Que Sile choisisse ce qu'il veut posséder. »
[4] Sile lui demanda un maagol. Foroforondu lui donna unmaagol de trois cent soixante
coudées et continua ses questions par : « Sile, qu'est-ce que ceci ? »
[5] — Ceci, c'est le septième des douze et le quinzième des vingt-huit enlacements. Il contient
le mystère du laareconsidéré par les fils d'Adam comme cadet des enfants dejalaañ. Il préside
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les nuits des printemps et paît les étoiles dans l'espace. Il ne voit jamais le soleil sous peine de
communiquer son feu à la terre qui s'enflammerait. Ses esprits résident dans les eaux ou dans
les airs, mais jamais directement sur la terre. Il se désaltère du sang qu'on tire d'un caméléon
en lui coupant la queue. Il est flatté par :
kuy-kuy mbeelu, kay-kay mbeelu
kuy doote jay doote.
Ce laare a nom ndett ou nden. »
Foroforondu : « Salut à celui qui vient de dénouer l'énigme du septième des douze et du
quinzième des vingt-huit. Que Sile choisisse ce qu'il veut posséder. »
Douzième Clairière — Le dénouement des noeuds (suite)
[1] Après le septième nœud, Sile demande le raɗode ouraɗul, ou encore daɗol, cordelette qui
sert à attacher les veaux par le cou à la patte-avant de leur mère pendant la traite.
[2] Les douze laareeji, associés aux douze mois de l'année, sont également en rapport avec le
soleil et la lune. Sept d'entre eux siègent dans le halo du soleil, batu naange ; ils représentent
la masculinité, car selon la tradition pullo il est souhaitable que chaque homme ait sept fils.
Cinq siègent dans le halo de la lune, batu lewru, et y représentent la féminité, chaque homme
devant avoir cinq filles. Les douze descendants représentent la complétude, à savoir les trois
catégories de pasteurs (des caprins, ovins, bovins) dans chacune des quatre familles.
Les réunions dites batu naange, halo du soleil, se tiennent dans une agglomération Pour ce
qui concerne la nomination ou la gestion des chefs, et toutes les questions masculines. Les
réunions dites batu lewru ont lieu pour les questions intéressent les femmes.
[3] Après le dénouement du huitième nœud, Sile demande le premier bâton du pâtre, 'aynirdu.
Après le neuvième il reçoit la bague de Foroforondu : cette bague est en argent, car on dit de
l'argent qu'il est « le métal du lait » ; elle est toujours portée à l'annulaire gauche.
[4] Le laare makaajan dispose des connaissances relatives à l'extraction du fer et aux hauts
fourneaux. Mais ces connaissances sont basées sur l'extraction de l'or : les orpailleurs
reçoivent l'enseignement des forgerons initiés. Ceux-ci doivent connaître les onze sortes de
matières minérales (terres, cristaux, métaux) et leur offrir des sacrifices ; l'or étant la
onzième et la plus importante.
[1] Sile demanda un raɗoode. Foroforondu le lui donna et continua ses questions par : « Sile !
qu'est-ce que ceci ? »
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[2] Sile : « C'est le huitième des douze et le seizième des vingt-huit enlacements. Il contient le
secret de maysa qui tient ses attributs de jalaañ. C'est un laare de seconde puissance. Il siège
au centre de l'assemblée dite « second halo », batu lewru. Il a pour accompagnateur nduppa. »
— Salut à celui qui vient de dénouer l'énigme du huitième des douze et seizième des vingt-
huit. Que Sile choisisse ce qu'il veut posséder. » Sile demanda un bâton de pâtre,aynirdu.
Foroforondu donna un bâton en kelli et continua les questions par : « Sile, qu'est-ce que ceci ?
»
Sile répondit: « Ceci, c'est le neuvième des douze et le dix-septième des vingt-huit
enlacements. Il contient le secret desiilinte, parent de maysa, tenant au même titre que celui-ci
ses attributs de jalaañ dont il est une émanation. Il est du second halo. Il a pour
courtisan bona-jayte. »
[3] Foroforondu : « Salut à celui qui vient de dénouer l'énigme du neuvième des douze et du
dix-septième des vingt-huit. Que Sile choisisse ce qu'il veut posséder. » Sile demanda une
bague de Foroforondu. Elle lui donna l'anneau et continua ses questions par: « Sile, qu'est-ce
que ceci ? »
— Ceci est le dixième des douze et le dix-huitième des vingt-huit enlacements. Il renferme le
secret dedembanyaasooru, parent de jalaañ, considéré comme son émanation. Il est du second
halo et a pour courtisan dubbel. »
— Salut à celui qui vient de dénouer l'énigme du dixième des douze et du dix-huitième des
vingt-huit. Que Sile choisisse ce qu'il veut posséder. » Sile demanda une provision de graines
de semences de calebassier. Foroforondu les lui donna et continua ses questions par : « Sile,
qu'est-ce que ceci ? »
[4] — Ceci est le onzième des douze et le dix-neuvième des vingt-huit enlacements. Il
renferme le secret de makanja, laare qui rend invulnérable parce qu'il commande le fer.
Douzième Clairière — Le dénouement des noeuds (fin)
[1] Après le onzième nœud, Sile demande le second bâton de pâtre.
[2] Le charme des charmes pastoraux, fait d'un nœud aux vingt-deux enlacements, est en
relation avec « les vingt-deux bovidés ancestraux » nogay e ɗiɗi na'i mawɗi, sortis de la mer
avec Caanaba, et qui ont engendré tous les autres. Chacun d'eux a une propriété particulière
en relation avec les familles Fulɓe, le pastorat et l'initiation.
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Le mugissement du bœuf, buu, est répété deux lois, ces deux temps soulignent le va-et-vient de
la transhumance. Le bœuf mugit au jeeri comme au waalo.
[3] Après le douzième nœud, Sile possède tous les attributs pastoraux énumérés plus haut ; il
reçoit alors tous les pouvoirs.
[4] La lutte que devra poursuivre Sile, armé maintenant, mais seul, se mènera entre « la haute
brousse » jeeri et « le bord du fleuve » waalo, c'est-à-dire sur le trajet de la transhumance.
Le lion symbolise tout d'abord la force temporelle avec tout ce qu'elle comporte de grandeur
et de rigueur, mais également la force occulte, car il est considéré comme le « chat des génies
». Sile doit vaincre le lion et l'asservir à sa volonté : en faisant couler son sang, véhicule de
sa force, il la prendra pour affermir la sienne. Il exercera, dans cette lutte ultime, qui est une
épreuve, sa force d'initié contre une autre force. Ceci fait que Sile est prêt.
[1] — Salut à celui qui vient de dénouer l'énigme du onzième des douze et du dix-neuvième
des vingt-huit. Que Sile choisisse ce qu'il veut posséder. » Sile demanda un second bâton de
pâtre. Foroforondu lui en donna un en bois denelɓi et continua ses questions par : « Sile,
qu'est-ce que ceci ? »
Sile s'accroupit et dit : « Il ne m'appartient pas, ô femme de Kumen, déesse de la terre et des
mammifères, de violer le secret de ton père Morimawɗo. »
[2] Foroforondu sourit et dit : « Sile, ceci est le douzième des douze et le vingtième des vingt-
huit enlacements. C'est un nœud qui en contient un autre de vingt-deux enlacements. C'est le
charme des charmes pastoraux. Il a nom buubu, prénom pullo spécifique. Le bœuf le beugle
en deux temps : buu… bu… Pour récompenser ta discrétion, je te donne la propriété absolue
de ndett, je te donne le pouvoir sur les esprits de sous la terre. »
[3] Ainsi, Sile reçut tout pouvoir de Kumen et de sa femme Foroforondu.
Il possède l'anneau d'alliance et les deux bâtons de commandement pastoral. Il ne lui reste
plus qu'à prendre congé de ses initiateurs et à revenir aux pays des hommes.
[4] Kumen dit à Sile : « Je vais te ramener à la lisière de mes domaines et t'y abandonner à tes
propres forces. Tu n'auras plus qu'une lutte à mener contre le lion d'entre jeeri etwaalo. Il
porte entre les sourcils une touffe de poils. Tu le tueras. Pour cela, il te suffira de réciter
l'incantation à jalaañet de le frapper sur le nez. Il perdra connaissance et sera à ta merci. Tu
l'égorgeras. Tu le brûleras tout entier après avoir arraché la touffe. Celle-ci sera cousue dans
une bande de coton. Ce talisman mis sous la tête d'un dormeur, quel qu'il soit, provoquera un
rêve au cours duquel le vrai nom de la vache sera donné par un esprit des eaux, pasteur de
bovidés marins. ».
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Douzième Clairière — La lutte finale : invocation à Jalaañ
Kumen, après avoir prononcé ces paroles, disparut aux yeux de Sile qui se trouva à l'endroit
où il l'avait vu pour la première fois.
« Me voici revenu parmi vous, ô mes frères, fils de ma mère ! Je suis revenu de chez Kumen,
qui m'ouvrit les douze clairières. J'ai vu Foroforondu qui ne se montre qu'à celui qui aime et
protège le bœuf. J'ai pénétré dans l'étang. Je m'y suis rituellement baigné. J'ai tourné autour
des termitières et foulé le sol des fourmilières. Je me suis reposé sous l'arbre multiforme,
après avoir chevauché le bovidé hermaphrodite dont l'urine est un purgatif, le lait un aliment
complet et une boisson agréable. Je suis voyant pour avoir aperçu Foroforondu dénouer sa
coiffure et exposer sa poitrine au bovidé sacré. Le mari et la femme m'ont donné, sans que je
le leur aie demandé, la propriété de ndett. Cette attribution m'affranchit de toute dépendance
extérieure; je n'ai plus de juge que ma conscience qui ne me quitte jamais, même quand je
ferme les yeux durant mon sommeil. »
[1] Le mot gumbaw peut désigner « une serrure en forme de sauterelle » qui ne s'ouvre
qu'avec la récitation d'une litanie constituant la « clef ».
[2] L'amulette est une allusion à la touffe de poils dont Sile doit s'emparer.
[3] L'incantation débute par une invocation à Dieu, Doundari, gayobeele (de gayo « c'est ici
», beele «mares ») désigne la Gambie.
Sile n'avait pas fini d'articuler ces paroles quand il entendit un chant :
La lutte que devra poursuivre Sile, armé maintenant, mais seul, se mènera entre « la haute
brousse » jeeri et « le bord du fleuve » waalo, c'est-à-dire sur le trajet de la transhumance.
Le lion symbolise tout d'abord la force temporelle avec tout ce qu'elle comporte de grandeur
et de rigueur, mais également la force occulte, car il est considéré comme le « chat des génies
». Sile doit vaincre le lion et l'asservir à sa volonté : en faisant couler son sang, véhicule de
sa force, il la prendra pour affermir la sienne. Il exercera, dans cette lutte ultime, qui est une
épreuve, sa force d'initié contre une autre force. Ceci fait que Sile est prêt.
[1] • gumbaw! miɗo iwri jeeri gumbaw ! je viens des hautes brousses
• gumbaw! miɗo faati waalo je me dirige vers la vallée
• gumbaw! mo talkel hôre gumbaw ! je porte une amulette sur la tête
• gumbaw! jam jaɓɓam gumbaw ! puisse la paix venir à ma rencontre.
Sile se met à l'affût. Ce doit être le lion contre lequel il lui faut combattre.
Le lion poursuivit sa litanie, car c'était bien le lion qui chantait :
« Ma marche est noble ; je suis dans la forêt un roi sans rival. Ma voix précède mes pas. Elle
dénonce ma présence. Quand elle tombe au milieu des mammifères, ils dressent leurs oreilles.
Kumen et son épouse ont armé un ennemi. Ils lui ont ordonné de me tuer. Mais je ne crains
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rien ; la force règne dans mes membres antérieurs et l'agilité dans les postérieurs. Quand je
saute, j'atteins la taille de mon ennemi et je le griffe à mort. Je ne succombe jamais dans une
lutte. A celui que je terrasse, je casse le cou ou la clavicule, sinon la colonne vertébrale. »
[2] Sile répondit : « gumbaw, tu viens des hautes brousses ; gumbaw, tu te diriges vers la
vallée ; tu portes au sommet du crâne une amulette recherchée ; la mort seule ira à ta
rencontre.
Je suis Sile armé de kelli, Sile armé de nelɓi. J'attaque avec vigueur, je bats avec vivacité. Si
tu sautes, je me fais oiseau. Contre des griffes, j'ai une lame de fer trempé et contre des dents,
une masse éprouvée. Je peux provoquer contre toute force une inertie magique, contre toute
agilité, un sommeil irrésistible. »
Le lion leva la tête et ne parvint pas à voir Sile. Il rugit de colère, cassa des branches, courut à
droite courut à gauche. Il répéta sa chanson. Sile répliqua par la sienne. Le lion plus affolé
qu'auparavant, se dépensa en mouvements épuisants. Après plusieurs scènes identiques, le
lion épuisé se coucha sous un buisson.
Au moment où il allait sauter sur Sile qui venait de lui apparaître, il reçut un coup donné avec
le bâton en kelli. Il tomba évanoui, non pas sous la simple force du coup, mais bien par l'effet
de la force de l'incantation adressée à jalaañ :
[3] « Je me soumets à Dundari qui est le créateur des secrets et de la nature. Je me soumets à
Sambanji, initié par Dultakko ; Dultakko initié par Dembateko ; Dembateko initié par
Dembanaago ; Dembanaago initié par Kogoldi ; Kogoldi par Jafaldi; Jafaldi par Dikore
Jaawo. Celle-ci est la gardienne vigilante du grand cours d'eau gayobeele d'où provient le
principe féminin et de la « mare aux pintades »,beelel jawle, où fut dérobé le principe
masculin. Les deux furent unis pour la procréation de ndurbeele, le bovidé hermaphrodite,
source de richesse pour les justes et joie des Fulbe.
« Logé dans un tube en fer « secret des eaux », tu causas ravage autour de toi ; logé dans une
corne de boeuf, tu écourtas les jours et la lignée des parents de ton sacrificateur ; logé dans un
paquet de racines, tes éléments furent, lors, domptés sinon apaisés et l'on vit le principe du
bien émanant de tes dix-huit bras sous l'action combinée de leurs cent vingt-deux nœuds
magiques.
Douzième Clairière — La lutte finale : invocation à Jalaañ (suite)
[1] Sur les cordelettes et le tendon qui constituent une représentation de jalaañ,
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[2] heera signifie « paix » en bambara.
[3] Il s'agit de la cohabitation de l'initié avec jalaañ, premier des laareji.
[4] L'invocation : « Je ne veux te voir ni de jour, ni de nuit… » s adresse à l'ennemi, ici au
lion.
« Une petite bouche couverte, de beurre » signifie « faussement aimable », « trompeuse ».
[1] « Maître ayant la faculté d'agir par dix-sept cordelettes de mouvement ayant chacune sept
nœuds et un tendon humain, dix-huitième organe et outil de commande, noué en trois points.
Quand je presserai sur le nœud droit du tendon, ouvre le lieu où est enroulé le passé et que le
cadavre dans la tombe me révèle le révolu. Quand je presserai sur le nœud gauche du tendon,
ouvre le lieu où est enroulé le futur et que celui qui va naître me prédise l'avenir. Mais quand
je presserai sur le nœud médian, ô d'alde ! entre en moi et moi en toi : que le voile tombe, que
l'obscurité se dissipe, que je voie les formes, que j'entende les sons et que je discerne la
parole.
[2] « Voici que, dans le village, un cri perce et s'étend. C'est un appel au secours. Le bien me
commande d'y aller. En sacrificateur, je vais chasser le mal par des paroles propitiatoires.
Voici du son, voici de la cendre ; je les ai pétris ensemble et je m'en servirai pour enduire le
corps du sujet. Agrée mon invocation : héra c'est la paix, la souveraine c'est l'eau. Avant de
postuler, donne de l'eau au souverain. J'ai demandé jalaañ en mariage selon les usages serfs ;
mais je l'ai épousé selon le cérémonial de la noblesse.
[3] « Tant que la cohabitation durera, trois fois dix coudées de bandes fines de coton, sans
empêchement et sans amoindrissement, un coq blanc de dix ans, sans empêchement et sans
amoindrissement, un taurillon de trois ans, sans empêchement et sans amoindrissement, seront
l'offrande constante du serviteur dévoué et mari prévenant que je suis. »
« Par contre, toute personne procréée de la substance produite par l'organe génital, laquelle
substance partit un soir des reins du mâle, s'arrêta la nuit venue dans la matrice, y séjourna
neuf mois, naquit, toucha la terre, fut touchée du savoir et enveloppée dans un lange fait de
trois bandes de coton et qui dira :
[4] « Je ne veux pas te voir ni de jour ni de nuit ; l'ennemi qui s'en va médisant, traînant des
complots contre toi, te faisant de fausses promesses, se servant contre toi d'une petite bouche
couverte de beurre au service d'un coeur gros de jalousie et ardent de feu, montrant des dents
blanches enchâssées dans des cavités où dégoutte du sang, ôte-le, ôjalaañ, parmi ceux qui
sont sur pied et mets-le parmi ceux qui sont couchés.
« A cet effet, je t'invoque dans le blanc en vertu de la formule héra c'est la paix. La souveraine
c'est l'eau. Avant de postuler, donne de l'eau au souverain. Seigneur, c'est agenouillé que je te
sers à boire. Seigneur, bois ; boire, c'est introduire en soi la vie ! la vie ! la vie !
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Douzième Clairière — La lutte finale : invocation à Jalaañ (suite)
[1] Cette partie de l'incantation a pour but d'anéantir la santé et la force dit lion : elle est
récitée à la nouvelle lune.
Le ɗoko est obtenu en écrasant le fruit du ɗooki.
[2] kesen désigne l'état d'un corps apparemment sain, mais soumis momentanément à un
mauvais sort qui l'atteint dans son intégrité.
cercer désigne l'état d'un être en bonne santé, mais en rupture d'interdit, donc souillé. Une
femme en état de menstruation dit : « Aujourd'hui, je ne suis pas cercer », mi waana cercer.
[3] Le roi est celui qui promulgue les lois, qui interdit certaines choses, qui donne des ordres.
Interdire, agir, provoquer, promulguer, ordonner, tout est sous-entendu, dans cette
invocation.
[4] yen ten ten est le nom secret du lion.
wole wote désigne non l'aïeul, mais le génie qui accompagne le lion.
[1] « Quand j'invoque pour jeter le mauvais sort, je me mets dans du noir sans lune ;
l'ancienne a disparu, la nouvelle n'a pas apparu. Je dis alors : « Teins les yeux de l'ennemi et
qu'ils jaunissent tel du ɗooko écrasé à coups de pilon et fondu dans une dissolution de souffre
; enfonce-le, en frappant des coups endiablés ; décoche sur lui des épieux destructeurs qui ne
s'émoussent sur aucun corps et ne respectent aucune surface ; des épieux qui, une fois
introduits dans un corps, rendent la position inclinée douloureuse, la position verticale
douloureuse, la position couchée douloureuse et font que le sujet se trouve en tout et partout
dans la douleur, pour la douleur et par la douleur.
« S'il absorbe de l'eau, qu'elle se transforme en cause d'altération pour la santé ; s'il boit du
lait, qu'il devienne une cause d'altération pour la santé. Que ce qui se mange, se mâche, se
croque, se lape, une fois dans son estomac, devienne une cause d'altération pour la santé, en
vertu des mots comptés, chargés, combinés et à répéter constamment :
tugu muuse
sugu muuse
yaa say bankun
kesen yaakabeeri
ya kenden yaakabeeri.
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[2] « Kesen n'est pas la santé ; cercer n'est pas être sans souillure.
Il n'y a pas à chuchoter
Il n'y a pas à tergiverser
Le souverain n'a pas à hésiter
Le monarque n'a pas à dissimuler
Le roi est celui qui défend.
[3] « Le roi est par ailleurs celui qui met tout en contact, même si le soleil brille d'un grand
éclat au point du ciel où il se trouve au-dessus de la tête.
« Renonce à agir par complaisance, car ce n'est pas toujours un agir équitable ; renonce à agir
par prévention, car ce n'est pas toujours un agir équitable. Mais le bel agir, c'est celui qui est
inspiré par la vérité et la moralité.
[4]« Si le sujet est un malfaiteur égoïste digne de châtiment, lors saisis-le dru, étouffe-le dur,
tue-le net, en le tuant par les forces : duufun bafaali; fintun bafaali; wulo kono siibo. Réunies
dans le plus puissant des quadrupèdes carnassiers :yen ten ten, qui en entrant fait pajaj, et en
s'enfonçant faitsaybankun. Il fait le tout à la manière de son grand-pèrewole wote. Ce dernier,
sommé de comparaître en justice, ôta la vie d'une manière violente à celui qui l'assignait.
Défendeur, il tua le demandeur, et demandeur il tua le défendeur.
[5] « De même son aïeul wole wote, sommé de comparaître en justice, causa la mort de celui
qui l'assigna. Défendeur il tua le demandeur, et demandeur, il tua le défendeur. Wole wote !
vieux fascinateur, vieux noueur, vieux traceur de l'illisible kulikunte kumpa doolente tambon,
biti kaama, kamanaa kaana. Samba Sankalanka! deuxième né (chez les Fulɓe) qui donne
avec prodigalité.
Douzième Clairière — La lutte finale : invocation à Jalaañ (suite)
[1] kamanan kaana pourrait être rapproché de l'arabe kaman kaana qui signifie « comme
cela est ». beldunla est le nom secret de la hyène.
[2] La liste des « esprits » invoqués donne les noms des principaux silatigi instructeurs du
Fuuta.
Les noms propres cités dans l'incantation et qui se terminent par jaw, seraient ceux de
personnages appartenant à la famille des Jaw ou Jawɓe, qui vivent au Fuuta.
lundan, en khasonkhe signifie « étranger ».
jigi en bambara signifie « bélier, espoir, hospitalité, accoucher », enfin l'impératif « descend
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».
kefa en bambara, signifie « l'homme qui tue ».
silam en arabe, signifie « sabre ».
Les Fulɓe distinguent trois sortes d'armes blanches, la première à deux tranchants (épée)
kafa ɗemɗe ɗiɗi (litt. « à deux langues »), la seconde à un seul tranchant (sabre) kaafa
ɗemgal (litt. « à une seule langue ») et la troisième fine et pointue (dague) nepe.
[3] Une chanson, chantée par les circoncis pendant la retraite, fait partie des incantations de
Kumen lorsqu'il s'adresse aux bovidés : « O bœufs blancs, traversant les eaux, regagnant le
parc, pour laver le chef du grand village ». (eerel yo ɗi lumba ɗi ndaaɗo, jom wuro mango ɗi
loota ɓiraadam). On dit aussi : « Une pluie fine a plu comme pleut le lait qu'on trait » (miso
misi misugol ɓiraaɗam).
[1] « Dembanyassoru! hyène à la crinière rude, troisième née de beldunla qui déterre les
cadavres et se nourrit de leur chair.
mayseyaa! ilooyaa! fariyaa!
tamboyaa! siti wutulaa!
dambo wutula! keleke mayse
Chef de guerre!
yakunta! yaala dabaare
[2] « O esprits ete ete, enthousiasme et chaleur.
« O esprits neenye neenye, deuil et tristesse.
« O lundenjaw, grand danger : trou profond creusé dans le sol théâtre d'un fait terrifiant et
pitoyable qui se passe entre deux esprits importants.
« O gumbalaajaw ! grand danger : quantité considérable de liquide régulateur de la cadence
des mouvements.
« O jigijaw! grand danger : tube métallique monté sur un fût, histoire des héros.
« O kefajaw! massacreur, grand danger, long bâton garni de fer pour décrocher les astres.
« O jamberejaw! grand danger : instrument métallique à fendre et à couper ou à exciter le rire.
« O silamejaw! grand danger : épée tranchante d'un côté, dénouement des incidents
remarquables.
« O daahaja! grand danger : bâton de vieillard et marque de grande dignité, combinaison
agréable de sons.
« En ce, par ce, pour ce et avec ce que je dis de ma soumission à Dundari et cite de la chaîne
dont je suis un chaînon, venez, ô esprits ! du 13 au 21 inclus de chaque lunaison. Commandez
à vos sujets qu'ils fassent voir à mes yeux, sans me troubler, sans me tracasser, sans me
troubler, des choses qui sont cachées.
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« Salut à jom jam, « maître de la paix » qui vient doucementjam jam; jam, c'est la paix, jom
jam, celui qui la procure. »
Cette litanie récitée et crachée sur le bâton qui servit à Sile fut la cause réelle de
l'évanouissement du lion. Sile lui trancha la gorge, il lui arracha la touffe de poils située entre
les yeux. Il confectionna le talisman indiqué par Kumen.
[3] La nuit venue, il se coucha en mettant sous sa tête le talisman. Il vit en songe un vieux
berger qui sortit d'une vaste étendue d'eau, en faisant paître un troupeau composé uniquement
de bêtes blanches. Le vieux berger chantait : « Ohé ! bœufs blancs de tête, faites-leur traverser
les eaux et entrer dans le parc. Qu'ils donnent assez de lait pour laver le chef du « grand
village » (ou de la cité). »
Quand Sile vit ce berger, il alla vers lui. Le berger dit : « Je connais ton désir, toi qui viens
vers moi. Tu viens chercher le nom du bovidé sacré : l'hermaphrodite au pelage bigarré qui
paît tout seul dans la clairière où deux soleils éclairent au moyen de leurs sept rayons
combinés. Je te donnerai le nom, mais tu le garderas pour toi. Tu le souffleras dans l'oreille de
ton successeur en esprit, au moment où ton âme sera convoquée à la séance de la douzième
clairière où Dundari siège et décide des derniers sorts. »
Douzième Clairière — La lutte finale : invocation à Jalaañ (fin)
[1] Le vieux berger fait allusion à la retraite des pasteurs ou « sortie du parc», qui intervient
à soixante-trois ans . Il souffle alors dans l'oreille de Sile le nom du bovidé comme Sile le fera
lui-même avant sa propre retraite.
Une traduction, si proche du texte soit-elle, ne peut donner qu'une idée imparfaite d'un style.
Nous espérons cependant avoir transmis au lecteur, en même temps que le fond, la vigueur et
la poésie de la forme qui font du texte de Kumen un des éléments de valeur de la littérature
orale et de la culture pullo.
[1] Sile plaça son oreille contre la bouche du vieux berger. Celui-ci lui récita le nom en
murmurant. Sile ferma les oreilles et les yeux et prononça mentalement le nom devant le
troupeau, Tous les bœufs blancs le suivirent pendant que le vieux berger resté au bord de l'eau
lui faisait des signes avec ses mains en imitant les gestes de celui qui trait.
Quel est le nom secret du bovidé ?
Il a été prononcé une fois au cours de cette narration ; donc, profane des choses pastorales
qui n'a vu en la vache qu'une pourvoyeuse de chair et de lait, pour savoir son vrai nom, il faut
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avoir évolué et appris à aimer le bovidé, animal désigné par Dieu, Dundari, pour
symboliser à la fois l'utilité et la miséricorde !
Conclusion
Les commentaires que nous avons pu apporter au texte de Kumen ne constituent qu'une très
minime partie des explications qui sont données aux futurs initiés et qui demandent des
années d'études.
Car l'initiation est connaissance 1 : connaissance de Dieu et des règles qu'il a instaurées ;
connaissance de soi, aussi, car elle se présente comme une éthique ; connaissance également
de tout ce qui n'est pas l'homme, « puisqu'il lui a été donné de connaître ce qui n'est pas lui ».
Et cette science doit atteindre l'universel, chacun de ses éléments et de ses aspects faisant
partie d'un tout ; les Fulɓe disent : « Tout ne se sait pas. Tout ce qu'on sait, c'est une partie de
tout » (kala 'andatako. ko 'anda kala, yo yoga kala) 2.
Actuellement, même dans les familles fulɓe du Djolof de la vallée du Sénégal, il n'y a plus de
vrai silatigi. Mais il se trouve encore, parmi les Fulɓe instruits de leurs traditions, comme
l'étaient Ardo Dembo, Semba Mboderi, Aliw Essa, des individus conscients de la science et
du pouvoir dont ils sont détenteurs et qu'ils dissimulent, selon leur expression, « dans les plis
des haillons dont ils sont affublés ». Ils ne craignent pas de «pointer l'index », c'est-à-dire de
lancer un défi, sur le plan de la connaissance, à quiconque, fût-ce un marabout instruit. Ou
bien, s'ils jugent leur interlocuteur incompétent, c'est-à-dire n'étant pas dans le statut physique,
moral, intellectuel et social nécessaire pour recevoir, comprendre et assimiler, de « fatiguer le
profane », de « mettre l'indigne dans la paille », « en clignant de l'œil gauche » et en lui
faisant un long récit qui ne contient aucune parcelle de vérité initiatique valable.
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Planche A2. Caprins et ovins émergeant du bovidé sacré (Jabaren, 183). (Clichés H. Lhote)
La connaissance de la tradition pullo exige de recueillir textes et commentaires. Il faut
souhaiter que l'on poursuive et développe l'œuvre entreprise par des enquêtes systématiques,
pendant qu'il en est encore temps, au Sénégal et en Gambie, et que l'on étende ces recherches
au Fuuta-Jalon, au Soudan, en Haute-Volta (acuel Burkina Faso) 3, au Niger, au Nord
du Nigeria et du Cameroun, au Tchad. Il faut recueillir les légendes et les contes,
humoristiques ou merveilleux, dont le sens profond recèle l'enseignement traditionnel 4. Il
faut mener une enquête approfondie de la vie pastorale dans les rares groupes restés nomades,
notamment chez les Bororo. Il faut enfin étudier les initiations propres aux artisans, aux
castes, et qui diffèrent de l'initiation pastorale. Les travailleurs du bois, du cuir, les tisserands,
les forgerons reçoivent, comme les pasteurs, des instructions particulières, nécessaires à
63
l'exercice de leur art.
Une telle recherche permettra probablement d'apporter à l'érudition des lumières sur l'origine
et les migrations des Fulɓe. En effet, la connaissance du texte de Koumen a permis d'attribuer
sans aucun doute à des Fulɓe les fresques de l'époque bovidienne recueillies au Tassili par H.
Lhote et son équipe 5. Les scènes diverses qu'elles présentent, construites et répondant à un
objet précis, offrent toutes les caractéristiques des représentations liées aux conceptions
initiatiques traditionnelles. On y retrouve toutes les variétés de robes des bovidés, en
transhumance ou dans le parc 6, les instruments et autels du pastorat (kaggu, bâtons de berger,
cordes des veaux …), la traite du lait, le sacrifice du bœuf, etc. Les bonnets des personnages
sont identiques à ceux portés traditionnellement par les pasteurs. Dans des figures complexes
apparaît Caanaba, sous forme de serpent, accompagnant un bœuf stylisé, image du bovidé
hermaphrodite (pl. A, 1 et 2) : de son poitrail, émergent les têtes des animaux domestiques qui
sont, selon le mythe, issus de lui ; y apparaissent aussi deux bœufs superposés qui
représentent, dans la tradition, les jumeaux Caanaba et Ilo. Enfin, on retrouve la « clairière »
de l'initiation, figurée par un grand cercle, avec, au centre, le soleil et sur le pourtour des têtes
de bovidés et différentes phases de la lune (pl. B, 2). La datation de ces fresques constituera
un jalon sûr de l'histoire des Fulɓe dans le continent africain.
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Planche B1. Les robes des bovidés ; le matériel du pastorat (piquets, cordes des veaux, bâtons
de berger) (Sefar, 497).
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Planche B2. Le soleil au centre d'une « clairière » d'où émergent des têtes de bovidés ; les
phases de la lune (Tisoukaï). (Clichés H. Lhote.)
L'analyse du texte de Kumen et son étude philologique permettront probablement de dégager
les relations des Fulɓe avec la Méditerranée et l'Orient, ou de préciser les influences subies au
contact des peuples de l'antiquité classique, et dont témoignent, par exemple, les allusions à
Salomon. D'autre part, bien que l'initiation pullo soit axée sur des préoccupations
fondamentales différentes de celles d'autres peuples d'Afrique Occidentale — agriculteurs, ou
pêcheurs — elle n'en présente pas moins de grandes analogies de structure avec celles-ci 7.
Nous avons relevé quelques parallèles dans les commentaires qui précèdent ou qui suivent le
texte ; bien d'autres auraient pu être établis qui auraient nécessité de trop grands
développements pour trouver place dans le cadre de cette étude. Mais ces nombreux
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rapprochements posent également la question des influences subies par les Fulɓe au contact
des peuples qu'ils ont trouvés sur place lors de leur arrivée dans cette région.
Nous souhaitons que ces études soient menées, conjointement avec celle des fresques
sahariennes, par des spécialistes et avec des Fulɓe instruits de leurs traditions initiatiques et
des règles du pastorat.
Notes
1. Dans le sens de ce que les Bambara nomment « connaissance profonde » (cf. G.
Dieterlen, Essai sur la religion bambara, p. xvii, n. 1) et lesDogon « parole claire » (cf. M.
Griaule, Le savoir des Dogon, p. 27).
2. Les mêmes caractéristiques sont valables pour l'initiation dans d'autres populations
soudanaises, notamment les Dogon, les Malinké, les Bambara, les Bozo. Elle implique non
seulement des notions approfondies d'anatomie, de physiologie, de psychologie —
individuelle et collective —, de morale — personnelle et sociale —, mais aussi des
connaissances étendues de botanique, de zoologie, de minéralogie, de géographie, etc. Les
enquêtes récentes ont révélé l'importance de l'astronomie (et des calendriers) et de notions
spécifiques sur les nombres.
3. A. Hampaté Bâ a assisté à Yé (cercle de Tougan) en 1929 aux funérailles du plus vieux
bœuf du troupeau. Après l'enterrement, la cérémonie s'est prolongée pendant plusieurs jours ;
elle s'est terminée par une veillée pendant laquelle un texte en langue fulfulde/pular,
inintelligible pour lui, a été récité.
4. G. Calame-Griaule a mené une enquête sur le sens ésotérique des contes chez les Dogon,
les Bambara et les Bozo : cette étude a révélé une complète identité entre les thèmes des
contes, où interviennent souvent des animaux, et ceux du mythe initiatique (cf. G. Calam-
Griaule, Ésotérisme et fabulation au Soudan).
5. H. Lhote avait formulé l'hypothèse de l'attribution des fresques d'époque bovidienne dans
sa thèse (inédite) : Les peintures rupestres préhistoriques du Sahara, au chapitre intitulé : «
Le problème ethnographique peul ; identité des pasteurs à bovidés préhistoriques et des Fulɓe
soudanais actuels ». Cf. également du même auteur : Les Peul.
6. Les fresques présentent des bovidés sans bosse, alors qu'actuellement le cheptel du Sénégal
et du Soudan est à bosse. Ce problème ne relève pas de nos compétences. Cependant nous
signalons que les Fulɓe instruits déclarent tous que leurs ancêtres avaient perdu leurs
troupeaux lorsqu'ils sont arrivés au Sénégal et qu'ils ont acquis un nouveau cheptel sur place.
D'autre part, les jouets modernes de terre cuite présentent des bovidés à bosse démesurément
grossie, tandis que les objets analogues recueillis dans la boucle du Niger et relevant de
l'époque préhistorique représentent des bovidés sans bosse. (Renseignements communiqués
par Z. Ligers et recueillis au cours d'enquêtes menées à bord du Mannogo, Vedette-
Laboratoire du C.N.R.S.).
7. C'est ce qu'expriment les Fulɓe lorsqu'ils disent: « la “vache” des Dogon est
le pegu (Lannea Acida) ; celle des « hommes scarifiés » le karité ; celle des Bozo le
poisson tineni (Alestes Nigri Lineatus). »
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Glossaire
Geno, classe o
Dieu, Le Créateur, nom dérivé de la racine yenɗude : être éternel, classe o. Ce
vocable a survécu à la conversion profonde des élites fulɓe à l'Islam. Il est fréquent
aussi bien dans le discours oral que dans la littérature ajami pular/fulfulde. Consulter
Tierno Muhammadu Samba Mombeya — Oogirde Malal, vers 13 et vers 576 ; et
l'introduction de Elégie à Tierno Bokar Saalihu par Amadou Hampâté Bâ —
ouverture, 2e strophe, 2e vers
Dundari, classe o
synonyme de Geno
dieu de l'or et de la connaissance
Neɗɗo, classe o
L'homme primordial
Kiikala, classe o
Premier homme, créé par Geno
Naagara, classe o
Première femme, créée par Geno
Buytoorin, classe o
Aîné des douze enfants (sept fils et cinq filles) de Kiikala et de Naagara
toɓɓere, n. sing., classe nde, plur. toɓɓe, classe ɗe
la goutte : base de la cosmogonie des Fulɓe, qui conçoivent l'univers comme la
création de Geno, à partir d'une “goutte de lait” contenant les quatre élements (terre,
eau, air, feu), les quatre points cardinaux (nord, sud, est, ouest) et les quatre clans (Ba,
Bari, Jallo, Soo), et dont est issu ndurbeele, le bovidé hermaphrodite, symbole de la
création, géniteur des 22 premiers bovins.
Caanaba, classe o
divinité incarnée par un serpent géant et gardienne des troupeaux de Geno sur
terre, jumeau de Ilo.
Ilo, classe o
Fils de Yalaji (c-à-d. à oreilles rouges), jumeau de Caanaba, après l'adoption de
celui-ci par la famille Yalaji.
Kumen, classe o
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divinité multiforme, auxiliaire et berger de Caanaba, dépositaire des secrets de
l'initiation pastorale, chargée par Geno de veiller sur la terre, les pâturages et les
animaux domestiques et sauvages
Foroforondu, classe o
femme de Kumen, divinité du lait et du beurre. Déesse tutélaire du kaggu et du
ngaynirki
tongo & rongo, classe ɗi
petits génies de la brousse, antagonistes de Kumen
Kaydara, classe o
Ndurbeele, classe o
Premier bovidé, créé par Geno. Hermaphrodite, il surgit de l'océan suivi des 22
premiers bovidés qu'il avait procréés.
dimo, n. sing., classe o, rimɓe, plur., classe ɓe
noble, propriétaires de troupeaux et pasteurs
dimaajo, n. sing., classe o, rimayɓe, n. plur., classe ɓe
serfs, captifs
nyeenyo, n. sing., classe o, nyeenyuɓe, plur., classe ɓe
artisan, personne de caste
yettoore, n. sing., classe nde, yettooje, jettooje, plur., classe ɗe)
patronyme, nom de clan (Ba, Bari, Jallo, Soo)
aga, n. sing., classe o
initié pasteur (Fuuta-Tooro)
baanyaaru, n. sing., classe o
initié pasteur (Maasina)
silatigi, n. sing., classe o
maître initié : “celui qui a la connaissance initiatique des choses pastorales et
des mystères de la brousse”, devin
banyaaji, n. plur., classe ɓe
berger, terme générique
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jalaañ, n. sing., classe o
divinité du panthéon pastoral
lootoori, n. sing., classe ndi
“bain général” au cours duquel les pasteurs se baignent et procède à une
lustration des bovidés
denɗiraaku, n. sing., classe ngu, ɗenɗu, n. sing., classe o
relation à plaisanterie (Ba vs. Jallo, Bari vs. Soo)
faletodde, n. sing. classe nge
vache noire et blanche
hoggo, n. sing. classe ngo
parc, espace d'initiation
wuro, n. sing., classe ngo
camp, troupeau
toɓɓel koɗo, expression sing., classe ngel, diminutif de toɓɓere, plur. toɓɓe, classe ɗe
rafraîchissement de lait offert au visiteur (koɗo) en signe d'hospitalité
kelli, n. sing., classe ki
plante dans laquelle on taille le bâton du berger
nelɓi, n. sing., classe ki
plante dans laquelle on taille le bâton du berger
kaggu, n. sing., class o
autel des bergers et support des objects et ustensiles pastoraux (gourdes,
calebasses, vêtements à l'exception des chaussures)
ngaynirki, n. sing., classe ki
concoction de plantes conservée dans l'outre suspendue au-dessus du kaggu,
elle “favorise la force fécondante des taureaux”.
ɗooki, n. sing., classe ki
plante de base utilisée dans la confection d'autels dédiés aux lareeji
laare, n. sing. classe o, laareeji, n. plur, classe ɗi
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esprits gardiens des troupeaux auxquels on fait des offrandes. Il existe
28 lareeji de base, qui correspondent aux 28 jours du mois lunaire. On communique
avec les lareejipar l'intermédiaire des ngaynirki.
jalaañ
premier laare, se manifeste sous forme d'un dieu hermaphrodite, toujours
rassasié de breuvage sanglant et doué de dix-huit organes de transmission
sambalaseeru
deuxième laare, dieu sans nectar, toujours coléreux et prêt à abattre, à noyer et
à enterrer
muse
troisième laare; dieu intercepteur et deuxième enfant de jalaañ; il étouffe les
tracassiers et met une muselière aux indiscrets et aux bavards
siti kon
quatrième laare, divinité possédant une foudre occulte qui, dirigée sur une
personne, pulvérise son âme et réduit ses os en poussière
pellel
cinquième laare; son pouvoir est identique à celui de siti kon
kumbasaara
sixième laare, femelle, vêtue d'un fourreau abandonné par un serpent lors d'une
mue
maagol
septième laare; il ne voit jamais le soleil sous peine de communiquer son feu à
la terre qui s'enflammerait. Ses esprits résident dans les eaux ou dans les airs, mais
jamais directement sur la terre.
raɗoode
huitième laare, de seconde puissance, il siège au centre du batu lewru ou
assemblée dite du « second halo » ; nduppa est son accompagnateur
siilinte
neuvième laare, appartient au second halo ; bona-jayte est son courtisan
dembanyaasoru
dixième laare, également du second halo et a pour courtisan dubbel
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makanja
onzième laare, qui rend invulnérable parce qu'il commande le fer.
buubu
douzième laare, charme des charmes pastoraux, le bœuf le beugle en deux
temps : buu… bu…
piɓol, n. sing., classe ngo
amulette de berger contenue dans l'outre du ngaynirki, protectrice contre les
dangers de la brousse: serpents, carnivores, insectes, etc.
aynirdu, n. sing., classe ndu
bâton de marche du berger taillé dans le kelli ou le nelɓi.
rande ou maagol, n. sing., classe ngo
attache du veau à une corde tendue entre deux piquets
daañgul
longue corde servant de support à plusieurs rande pour maintenir les veaux loin
de leur mère pendant la traite de lait. Elle représente la ligne de vie des troupeaux.
tonteeje, n. sing., classe ɗe
piquets soutenant le daañgul
daaɗol, n. sing., classe ngo
cordelette servant à attacher le veau à sa mère
sirgal, n. sing., classe ngal
mouvette ou fouet à lait utilisé pour séparer le lait du beurre ; il est constitué
par une baguette à l'extrémité de laquelle sont fixées au moyen soit de cordelettes de
coton, soit de fibres de kelli ou de markeewi, quatre branches du même bois. On
oriente le sirgal vers le point cardinal du clan avant de le déposer sur le kaggu.
burgal, n. sing., classe ngal
mouvette en bois de mburri, à deux branches, considérée comme incomplète et
qui ne doit jamais être mise dans le lait. mouvette ou fouet à lait.
boliiru kosam
gourde de berger contenant le lait, elle ne peut pas être alternée avec le boliiru
ndiyam.
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boliiru ndiyam
gourde de berger contenant de l'eau, elle ne peut pas être alternée avec le
boliiru kosam
ɓirdugal, n. sing., classe ngal
calebasse ou récipient dans lequel on trait la vache
tumbude, horde (Fuuta-Jalon), n. sing., classe nde
calebasse décorée servant conserver et à transporter le lait
cencenje, n. plur., classe ɗe
sonnailles fabriqués par le forgeron, avec lequel le pasteur entretient des
relations particulières
poopiliwal, illorowal, n. sing., classe ngal
flûte et instrument de musique profane faite d'une tige de sorgho
cawroowo, n. sing., classe o
silatigi versé dans la connaissance des propriétés médicinales des plantes
Tierno S. Bah
73
Bibliographie
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Société des Africanistes, t. XIII, 1943, pp. 153-182.
Geneviève Calame-Griaule, “Ésotérisme et Fabulation au Soudan”, Bulletin de
l'Institut Français d'Afrique Noire, t. XVI, série B, no 34, 1954.
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Africanistes, t. XXII, 1952, fasc. i et 2, pp. 115-157.
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Dieu d'eau, Éditions du Chêne, Paris, 1948.
“Le savoir des Dogon”, Journal de la Société des Africanistes, t. XXII, 1952,
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Z. Ligers, “Comment les Peuls de Koa castrent leurs taureaux”, Bulletin de l'I.F.A.N.,
Dakar, t. XX, sér. B, n- 1-2, 1958, pp. 191-204.
Henri Lhote
Les peintures rupestres préhistoriques du Sahara (thèse inédite).
“Les Peul”, Encyclopédie coloniale et maritime mensuelle, vol. I, fasc. vii,
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