jugement google

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Page 1 T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S N° RG : 12/82654 copies exécutoires envoyées par LRAR aux parties et expéditions envoyées aux parties et aux avocats le SERVICE DU JUGE DE L’EXÉCUTION JUGEMENT rendu le 3 décembre 2012 DEMANDERESSES S.A. EDITIONS MONTPARNASSE RCS PARIS 344 652 375 12 VILLA COEUR DE VEY 75014 PARIS représentée par Me Hervé LEHMAN, avocat au barreau de PARIS, #P0286 S.A. FLACH FILM RCS PARIS 327 731 766 10 BOULEVARD DES BATIGNOLLES 75017 PARIS représentée par Me Olivier CHATEL, avocat au barreau de PARIS, #R039 DÉFENDERESSE SOCIETE GOOGLE INC 1600 AMPHITHEATRE PARKWAY MOUNTAIN VIEW CA 94043 ETATS UNIS D’AMERIQUE représentée par Me Céline BEY plaidant pour Me Alexandra NERI, avocat au barreau de PARIS, #J0025 chez qui le domicile est élu pour la notification de la présente JUGE : M. Laurent DUVAL, Vice- président Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS. GREFFIER : Madame Géraldine CARRION,

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T R I B U N A LD E GRANDEI N S T A N C ED E P A R I S

N° RG : 12/82654

copies exécutoiresenvoyées par LRAR auxparties et expéditionsenvoyées aux parties et aux

avocats le

SERVICE DU JUGE DE L’EXÉCUTION JUGEMENT rendu le 3 décembre 2012

DEMANDERESSES

S.A. EDITIONS MONTPARNASSERCS PARIS 344 652 37512 VILLA COEUR DE VEY75014 PARIS

représentée par Me Hervé LEHMAN, avocat au barreau de PARIS,#P0286

S.A. FLACH FILMRCS PARIS 327 731 76610 BOULEVARD DES BATIGNOLLES75017 PARIS

représentée par Me Olivier CHATEL, avocat au barreau de PARIS,#R039

DÉFENDERESSE

SOCIETE GOOGLE INC1600 AMPHITHEATRE PARKWAYMOUNTAIN VIEWCA 94043 ETATS UNIS D’AMERIQUE

représentée par Me Céline BEY plaidant pour Me Alexandra NERI,avocat au barreau de PARIS, #J0025 chez qui le domicile est élu pourla notification de la présente

JUGE : M. Laurent DUVAL, Vice- président

Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal deGrande Instance de PARIS.

GREFFIER : Madame Géraldine CARRION,

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DÉBATS : à l’audience du 29 octobre 2012 tenue publiquement,

JUGEMENT : prononcé par mise à disposition contradictoire susceptible d’appel

EXPOSÉ DU LITIGE

Par un jugement contradictoire du 20 février 2008, le tribunal de commercede Paris a :

- dit recevable l’intervention volontaire de l’UNION SYNDICALEDE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE, de la CHAMBRESYNDICALE DES PRODUCTEURS DE FILMS devenue parsimple changement de dénomination l’ASSOCIATION DESPRODUCTEURS DE CINÉMA et de l’ASSOCIATION DESFOURNISSEURS D’ACCÈS ET DE SERVICES INTERNET,

- débouté la SARL GOOGLE FRANCE de sa demande de mise horsde cause,

- dit que la société de droit de l’Etat de Californie GOOGLE INC etla SARL GOOGLE FRANCE ayant le statut d’hébergeur ontengagé leur responsabilité du fait des actes de contrefaçon commisaprès le 10 octobre 2006,

- débouté les sociétés FLACH FILM et EDITIONSMONTPARNASSE de leurs demandes au titre du parasitisme,

- condamné in solidum les sociétés GOOGLE INC et GOOGLEFRANCE à payer aux EDITIONS MONTPARNASSE la sommede 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation dupréjudice patrimonial subi, les sociétés FLACH FILM etEDITIONS MONTPARNASSE faisant leur affaire de la répartitionentre elles de cette somme,

- débouté les sociétés FLACH FILM et EDITIONSMONTPARNASSE de leur demande de dommages et intérêts autitre du préjudice professionnel et d’image,

- fait interdiction aux sociétés GOOGLE INC et GOOGLE FRANCEde communiquer au public et/ou de reproduire tout ou partie duFilm "Le monde selon Bush" sur le site GOOGLE VIDÉOFRANCE ou sur tout autre site de même nature et sous leurcontrôle, et ce sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatéeà compter d’un mois de la signification de la présente décision,

- ordonné la publication du dispositif de la présente décision pendantquinze jours consécutifs à compter d’un mois de la signification dela présente décision, en partie supérieure de la page d’accueil dusite GOOGLE VIDÉO FRANCE, dans un format correspondant à1/4 de page et dans des conditions de lisibilité optimales, etdébouté les demanderesses de leurs autres demandes depublication,

- condamné in solidum les sociétés GOOGLE INC et GOOGLEFRANCE à payer à l’UNION SYNDICALE DE LAPRODUCTION AUDIOVISUELLE et à la CHAMBRESYNDICALE DES PRODUCTEURS DE FILMS devenue parsimple changement de dénomination l’ASSOCIATION DESPRODUCTEURS DE CINÉMA la somme de 1 000 euros àchacune à titre de dommages et intérêts, les déboutant du surplusde leurs demandes,

- condamné in solidum les sociétés GOOGLE INC et GOOGLEFRANCE à payer à la société FLACH FILM la somme de15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 ducode de procédure civile, et débouté cette dernière du surplus de sademande formée de ce chef,

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- condamné in solidum les sociétés GOOGLE INC et GOOGLEFRANCE à payer à l’UNION SYNDICALE DE LAPRODUCTION AUDIOVISUELLE la somme de 5 000 euros enapplication des dispositions de l’article 700 du code de procédurecivile, la déboutant du surplus de sa demande formée de ce chef,

- ordonné l’exécution provisoire du jugement sans constitution degarantie à l’exception de la mesure de publication,

- dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples oucontraires au dispositif du présent jugement,

- condamné in solidum GOOGLE INC et GOOGLE FRANCE auxdépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de198,78 euros TTC dont 32,36 euros de TVA.

Statuant sur l’appel interjeté à l’encontre de cette décision par les sociétésGOOGLE INC et GOOGLE FRANCE par un arrêt contradictoire du 9avril 2010, la cour d’appel de Paris (Pôle 5 - Chambre 2) a :

- confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu’il a maintenu en lacause la société GOOGLE FRANCE et sur le montant desdommages et intérêts,

- statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,- mis la société GOOGLE FRANCE hors de cause,- dit qu’en offrant la possibilité aux internautes de visionner

directement sur les pages du site GOOGLE Vidéo France la vidéoreproduisant le film documentaire "Le monde selon Bush" mise enligne sur des sites tiers, la société a en outre commis des actes decontrefaçon des droits dont les sociétés FLACH FILMS etÉDITIONS MONTPARNASSE sont titulaires,

- condamné la société GOOGLE INC à payer à titre de dommages etintérêts :- à la société FLACH FILM et à la société ÉDITIONS

MONTPARNASSE, chacune, la somme de 120 000 eurosen réparation de leur préjudice patrimonial,

- à l’UNION SYNDICALE DE LA PRODUCTIONAUDIOVISUELLE et à l’ASSOCIATION DESPRODUCTEURS DE CINÉMA, chacune, la somme de15 000 euros en réparation du préjudice causé aux intérêtscollectifs des professions qu’elles représentent,

- dit que la mesure de publication par insertion sur la page d’accueildu site GOOGLE Vidéo France devra tenir compte du présent arrêtet qu’à l’expression "dans des conditions de lisibilité optimales" ilsera substitué "en caractères gras se détachant du fond de la pageet d’une taille suffisante pour recouvrir intégralement la surfaceréservée à cet effet",

- ordonné la publication du dispositif du présent arrêt pendant 30jours consécutifs à compter d’un mois de sa signification, en partiesupérieure de la page d’accueil du moteur de recherche GOOGLE,dans un format correspondant à 1/4 de page, en caractères gras sedétachant du fond de la page et d’une taille suffisante pourrecouvrir intégralement la surface réservée à cet effet,

- autorisé la publication du dispositif de cet arrêt, dans trois journauxau choix des sociétés FLACH FILM et ÉDITIONSMONTPARNASSE et aux frais avancés de la société GOOGLEINC, sans que le coût, à la charge de celle-ci, ne puisse excéder5 000 euros hors taxes par insertion,

- condamné la société GOOGLE INC à payer, sur le fondement desdispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titredes frais exposés devant la cour :- la somme de 20 000 euros à la société FLACH FILM,- la somme de 12 000 euros à la société ÉDITIONS

MONTPARNASSE,

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- la somme de 7 000 euros à l’UNION SYNDICALE DE LAPRODUCTION AUDIOVISUELLE,

- la somme de 4 000 euros à l’ASSOCIATION DESPRODUCTEURS DE CINÉMA,

- condamné la société GOOGLE INC aux dépens d’appeldont recouvrement conformément aux dispositions del’article 699 du code de procédure civile.

Cet arrêt a été signifié à la société GOOGLE INC le 12 mai 2010 qui aformé un pourvoi le 8 juin 2010.

Par une ordonnance du 16 juin 2011 le délégataire du premier président dela Cour de cassation a, en application des dispositions de l’article 1009-1du code de procédure civile, radié l’affaire inscrite au rôle de la cour à lasuite de ce pourvoi.

Par un jugement contradictoire du 2 avril 2012, le juge de l'exécution dutribunal de grande instance de Paris a notamment :

- assorti d'une astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retardet par publication non réalisée dans les conditions prescrites parl'arrêt du 9 avril 2010, laquelle commencera à courir passé le délaide quinze jours à compter de la signification de la présentedécision, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 9 avril 2010 ence qu'il a ordonné la publication :• par insertion sur la page d'accueil du site GOOGLE Vidéo

France du dispositif de l'arrêt rendu le 9 avril 2010 de lacour d'appel de Paris pendant 15 jours consécutifs, en partiesupérieure de la page d'accueil du site Google VidéoFrance, dans un format correspondant à 1/4 de page et encaractères gras se détachant du fond de la page et d'unetaille suffisante pour recouvrir intégralement la surfaceréservée à cet effet,

• du dispositif de l'arrêt rendu le 9 avril 2010 par la courd'appel de PARIS pendant 30 jours consécutifs, en partiesupérieure de la page d'accueil du moteur de rechercheGOOGLE, dans un format correspondant à 1/4 de page, encaractères gras se détachant du fond de la page et d'unetaille suffisante pour recouvrir intégralement la surfaceréservée à cet effet,

- condamné la société GOOGLE INC à payer à la SA EDITIONSMONTPARNASSE 3 500 euros en application de l'article 700 ducode de procédure civile,

- condamné la société GOOGLE INC à payer à la SA FLACH FILM3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédurecivile,

- condamné la société GOOGLE INC aux dépens,- rappelé que les décisions du juge de l'exécution sont exécutoires de

plein droit par provision.

Cette décision a été signifiée à la société GOOGLE INC le 1 mai 2012 quier

en a relevé appel le 29 mai 2012.

Par un acte d’huissier de justice en date du 7 août 2012, la SA EDITIONSMONTPARNASSE et la SA FLACH FILM ont assigné la sociétéGOOGLE INC devant le juge de l'exécution de ce tribunal aux fins de voir:- liquider l’astreinte provisoire au montant retenu dans le jugement

du 2 avril 2012 à savoir 1 000 euros par jour de retard et parpublication non réalisée dans les conditions prescrites par l’arrêt du9 avril 2010 à compter du 16 mai 2012 à la somme de394 000 euros et condamner la société GOOGLE INC à leur payercette somme,

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- condamner la société GOOGLE INC à procéder, sous astreintedéfinitive de 10 000 euros par jour de retard et par publication nonréalisée dans les conditions prescrites par l’arrêt du 9 avril 2010 etce à compter de la signification de la décision à intervenir etpendant une période de deux ans à la publication :• par insertion sur la page d'accueil du site GOOGLE Vidéo

France du dispositif de l'arrêt rendu le 9 avril 2010 de lacour d'appel de Paris pendant 15 jours consécutifs, en partiesupérieure de la page d'accueil du site Google VidéoFrance, dans un format correspondant à 1/4 de page et encaractères gras se détachant du fond de la page et d'unetaille suffisante pour recouvrir intégralement la surfaceréservée à cet effet,

• du dispositif de l'arrêt rendu le 9 avril 2010 par la courd'appel de Paris pendant 30 jours consécutifs, en partiesupérieure de la page d'accueil du moteur de rechercheGOOGLE, dans un format correspondant à 1/4 de page, encaractères gras se détachant du fond de la page et d'unetaille suffisante pour recouvrir intégralement la surfaceréservée à cet effet,

- dire et juger qu’après ce délai de deux ans, il sera autrement statuéen cas d’inexécution,

- condamner la société GOOGLE INC à leur payer la somme de50 000 euros de dommages et intérêts pour chacune,

- condamner la société GOOGLE INC à leur payer la somme de10 000 euros pour chacune sur le fondement des dispositions del’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiersdépens.

L’affaire a été débattue à l’audience du 29 octobre 2012.

La SA EDITIONS MONTPARNASSE et la SA FLACH FILM,représentées par leurs avocats respectifs, ont réitéré leurs demandes enfaisant essentiellement valoir que la société GOOGLE INC n’a toujourspas exécuté la décision de la cour d’appel de Paris et qu’elle ne l’exécuterapas. Elles se sont opposées aux demandes formées par la défenderesse.

La société GOOGLE INC, représentée par son avocat, a demandé :- in limine litis, de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de

la cour d’appel quant au bien fondé de la fixation de l’astreinteprononcée par le jugement du 2 avril 2012 et, subsidiairement, dansl’attente de la décision de la cour de cassation sur demande derétablissement du rôle,

- subsidiairement,- déclarer irrecevable la demande de condamnation au paiement de

la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pourrésistance abusive comme se heurtant à l’autorité de chose jugéeattachée au jugement du 2 avril 2012,

- déclarer la SA EDITIONS MONTPARNASSE et la SA FLACHFILM irrecevables à agir comme étant dépourvues d’intérêtlégitime dès lors qu’au regard de la décision de principe rendue parla Cour de cassation le 12 juillet 2012 dans une affaire identique,l’arrêt de la cour d’appel de Paris sera nécessairement censuré parla Cour de cassation,

- très subsidiairement,- dire et juger qu’elle se heurte à une impossibilité matérielle

d’exécuter les mesures de publication du dispositif prononcées parcet arrêt constitutive d’une cause étrangère,

- en tout état de cause,- débouter la SA EDITIONS MONTPARNASSE et la SA FLACH

FILM de toutes leurs demandes,

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- les condamner à lui verser la somme de 30 000 euros sur lefondement de l’article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens.

A l’issue des débats l’affaire a été mise en délibéré au 3 décembre 2012,les parties étant avisées que le jugement serait prononcé par sa mise àdisposition au greffe à cette même date.

MOTIFS

I/ Sur la demande de sursis à statuer

En vertu des dispositions de l’article 377 du code de procédure civile,l’instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie l’affaireou ordonne son retrait du rôle.

L’article 378 du même code précise que la décision de sursis suspend lecours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événementqu’elle détermine.

Il est constant qu’en application des articles précités, en dehors des cas oùla loi le prévoit, les juges du fond apprécient discrétionnairementl'opportunité du sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administrationde la justice.

En l’espèce la loi n’impose pas au juge de surseoir à statuer dans l’attentede l’issue de l’instance d’appel initiée par la société GOOGLE INC à lasuite du jugement du juge de l'exécution de ce tribunal en date du 2 avril2012, ni dans l’attente de la décision de la Cour de cassation quant à lademande de rétablissement effectuée par la société GOOGLE INC à lasuite de l’ordonnance de radiation du 16 juin 2011.

Par ailleurs il convient de relever que :

- l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 avril 2010 et le jugement du jugede l'exécution de ce tribunal du 2 avril 2012 sont exécutoires et ont étésignifiés à la société GOOGLE INC,

- s’agissant du pourvoi afférent à la première de ces décisions, rien nepermet d’indiquer que le premier président de la Cour de cassation feradroit à la demande de rétablissement au rôle à la suite de l’ordonnance deradiation du 16 juin 2011 prise aux motifs de la non exécution par lasociété GOOGLE INC des obligations de publication ordonnées par l’arrêtde la cour d’appel et de l’absence de justification par cette dernière del’impossibilité technique ni même de réelles difficultés y faisant obstacle,dès lors que la société GOOGLE INC n’a toujours pas déféré sur ce pointà la décision querellée alors que l’article 1009-3 du code de procédurecivile énonce que le premier président ou son délégué autorise, sauf s’ilconstate la péremption, la réinscription de l’affaire au rôle de la cour surjustification de l’exécution de la décision attaquée,

- il n’est pas certain, contrairement à ce que soutient la société GOOGLEINC en se fondant sur les arrêts de la 1 chambre civile de la Cour deère

cassation du 12 juillet 2012, au regard notamment de ces arrêts maiségalement des éléments retenus par la cour d’appel de Paris en page 13 del’arrêt précité dont il ressort que la condamnation de la société GOOGLEINC n’est pas uniquement fondée sur la réitération de la mise à dispositiondes internautes de vidéos reproduisant le film "Le monde selon Bush" maisd’abord sur le fait que le retrait opéré à la suite de la notification du 6octobre 2006 ne l’a pas été promptement au sens de l’article 6.I.2 de la loidu 21 juin 2004, que cette décision est vouée à la censure en ce quiconcerne les publications ordonnées,

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- en vertu du 2 alinéa de l’article R. 121-1 du code des procédures civilesème

d’exécution le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de ladécision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendrel'exécution.

Compte tenu de ces éléments il n’y a pas lieu de faire droit à la demandede sursis à statuer formée par la société GOOGLE INC que ce soit dansl’attente de la décision de la cour d’appel de Paris quant au bien fondél’astreinte prononcée par le jugement du 2 avril 2012 que dans l’attente dela décision de la Cour de cassation sur la demande de rétablissement durôle.

II/ Sur les demandes de liquidation de l’astreinte et de fixation d’unenouvelle astreinte

- Sur la recevabilité des demandes

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une finde non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaireirrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droitd’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délaipréfix, la chose jugée.

L’article 31 du code de procédure civile dispose "L’action est ouverte àtous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention,sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seulespersonnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, oupour défendre un intérêt déterminé".

En l’espèce l’arrêt du 9 avril 2010 et le jugement du 2 avril 2012 suffisentà caractériser l’intérêt légitime des demanderesses à solliciter, à l’encontrede la société GOOGLE INC, la liquidation de l’astreinte prononcée par laseconde décision et à voir ordonner une astreinte définitive.

Il convient donc d’écarter la fin de non recevoir opposée par la sociétéGOOGLE INC et de déclarer recevables les demandes de liquidation del’astreinte et de fixation d’une nouvelle astreinte formées par la SAEDITIONS MONTPARNASSE et par la SA FLACH FILM.

- Sur le bien fondé de ces demandes

Selon l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, lemontant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte ducomportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultésqu'il a rencontrées pour l'exécuter et l’astreinte est supprimée en tout oupartie s’il est établi que l’inexécution ou le retard provient en tout ou partied’une cause étrangère.

S’agissant de la publication sur le site Google.fr, la société GOOGLE INCne peut s’exonérer de l’obligation mise à sa charge par l’arrêt en soutenantque ce site est totalement étranger au litige alors que la décision s’imposepleinement à elle et que le juge de l'exécution ne peut la remettre en cause.

C’est en outre vainement que la société GOOGLE INC soutient qu’elle setrouve confrontée à une impossibilité matérielle et juridique de déférer auxobligations de publication mises à sa charge, impossibilité constitutived’une cause étrangère, du fait de la censure partielle de l’arrêt de la courd’appel de Paris, alors que celui-ci n’a pas été censuré et qu’il ne peut êtrepréjugé qu’il le sera affectivement.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de supprimer l’astreinte prononcée le2 avril 2012.

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Par ailleurs, il est constant que la publication ordonné par la cour d’appelde Paris sur le site Google.fr n’a pas été réalisée.

Il est tout aussi constant, s’agissant du site Google Vidéo France, que lapublication telle qu’ordonnée par la cour d’appel de Paris n’a pas étéeffectuée, la mise en place sur la page d’accueil de ce site, ainsi qu’ilressort d’un procès-verbal de constat du 12 mai 2012, d’une bannièrementionnant "arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 avril 2010" surlaquelle l’internaute doit cliquer pour qu’apparaisse le dispositif de l’arrêtsur une autre page ne correspondant pas aux modalités de publicationprévues par cette décision. Aucun élément ne permet en outre de savoir ladurée pendant laquelle ce bandeau a été mis en place sur le site concerné.La mise en place de ce bandeau, ainsi que l’avait déjà relevé le juge del'exécution dans la décision du 2 avril 2012, n’est donc pas significatived’une volonté sérieuse d’exécuter même partiellement l’arrêt attaqué.

Enfin, la société GOOGLE INC ne justifie ni même n’allègue de véritablesdifficultés par elle rencontrées pour exécuter l’arrêt en ce qui concerne cespublications.

En conséquence, il convient de liquider l’astreinte qui a commencé à courirà l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification de ladécision du 2 avril 2012, soit à compter du 17 mai 2012, à la somme de332 000 euros pour la période du 17 mai 2012 au 29 octobre 2012 (1 000euros x 2 obligations de publication x 166 jours).

Afin d’assurer l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Paris, il convientd’assortir les obligations de publication mises à la charge de la sociétéGOOGLE INC d’une nouvelle astreinte provisoire -une astreinte définitivene se justifiant pas- de 1 500 euros par jour de retard et par publicationordonnée, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de laprésente décision et ce pendant un délai de 6 mois passé lequel il sera, lecas échéant, de nouveau statué.

III/ Sur les demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive

- Sur la recevabilité de ces demandes

Aucune autorité de chose jugée tirée du jugement du 2 avril 2012 qui a, eneffet, rejeté les demandes en paiement de la SA EDITIONSMONTPARNASSE et la SA FLACH FILM des sommes de 50 000 eurosà titre de dommages et intérêts en raison de la résistance abusive de lasociété GOOGLE INC, ne peut leur être valablement opposée par cettedernière dès lors que l’absence de publication conforme aux prescriptionsde l’arrêt de la cour d’appel de Paris depuis la décision du 2 avril 2012constitue un élément nouveau rendant recevable, au regard des dispositionsdes articles 480 et 122 du code de procédure civile, les demandes decondamnations à des dommages et intérêts pour résistance abusive forméesdans le cadre de la présente instance.

- Sur le bien fondé de ces demandes

Aux termes de l'article L. 121-3 du code des procédures civilesd’exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteurà des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

En l’espèce les demanderesses ne justifient pas du préjudice résultant del’inexécution par la société GOOGLE INC des obligations de publicationmises à sa charge par l’arrêt du 9 avril 2010.

Les demandes de dommages et intérêts qu’elles forment seront doncrejetées.

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IV/ Sur les autres demandes

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédurecivile, la société GOOGLE INC, qui succombe, sera condamnée auxdépens de la présente instance. Sa demande fondée sur les dispositions del’article 700 du code de procédure civile ne peut donc qu’être rejetée.

Il serait inéquitable en l’espèce de laisser à la charge de la SA EDITIONSMONTPARNASSE et de la SA FLACH FILM les frais qu’elles ontexposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. La société GOOGLEINC sera donc condamnée, en application des dispositions de l’article 700du code de procédure civile, à payer à chacune la somme mentionnée audispositif.

PAR CES MOTIFS

LE JUGE DE L’EXÉCUTION,

Statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire misà disposition au greffe,

Rejette la demande de sursis à statuer ;

Déclare la SA EDITIONS MONTPARNASSE et la SA FLACH FILMrecevables et bien fondées en leurs demandes de liquidation de l’astreinteprononcée le 2 avril 2012 et en fixation d’une nouvelle astreinte ;

Condamne la société GOOGLE INC à payer à la SA EDITIONSMONTPARNASSE et à la SA FLACH FILM la somme totale de 332 000euros au titre de la liquidation de l’astreinte prononcée par le juge del’exécution de ce tribunal aux termes du jugement rendu le 2 avril 2012,pour la période du 17 mai 2012 au 29 octobre 2012 ;

Assortit d’une nouvelle astreinte provisoire de 1 500 euros par jour deretard et par publication non réalisée dans les conditions prescrites parl’arrêt du 9 avril 2010, laquelle commencera à courir passé le délai de 15jours à compter de la signification de la présente décision, l’arrêt rendu parla cour d’appel de Paris le 9 avril 2010 en ce qu’il a ordonné la publication:

- par insertion sur la page d'accueil du site Google VidéoFrance du dispositif de l'arrêt rendu le 9 avril 2010 par lacour d'appel de Paris pendant 15 jours consécutifs, en partiesupérieure de la page d'accueil du site Google VidéoFrance, dans un format correspondant à 1/4 de page et encaractères gras se détachant du fond de la page et d'unetaille suffisante pour recouvrir intégralement la surfaceréservée à cet effet,

- du dispositif de l'arrêt rendu le 9 avril 2010 par la courd'appel de Paris pendant 30 jours consécutifs, en partiesupérieure de la page d'accueil du moteur de rechercheGOOGLE, dans un format correspondant à 1/4 de page, encaractères gras se détachant du fond de la page et d'unetaille suffisante pour recouvrir intégralement la surfaceréservée à cet effet ;

Déclare la SA EDITIONS MONTPARNASSE et la SA FLACH FILMrecevables mais non fondées en leurs demandes de dommages et intérêtsen réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive de la sociétéGOOGLE INC et les en déboute ;

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Condamne la société GOOGLE INC, en application des dispositions del’article 700 du code de procédure civile, à payer à la SA EDITIONSMONTPARNASSE la somme de 3 500 euros et à la SA FLACH FILM lasomme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700du code de procédure civile ;

Condamne la société GOOGLE INC aux dépens et rejette sa demandefondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente décision est de droit assortie de l’exécutionprovisoire.

Fait à Paris, le 3 décembre 2012.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION

Géraldine CARRION Laurent DUVAL