juan mateos - la celebration de la parole dans la liturgie byzantine

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8/10/2019 Juan Mateos - La Celebration de La Parole Dans La Liturgie Byzantine http://slidepdf.com/reader/full/juan-mateos-la-celebration-de-la-parole-dans-la-liturgie-byzantine 1/93 ORIENT ALIA CHRISTIANA ANALKCTA 191 JUAN MATEOS. S.J. LA CÉLÉBRATION DE LA PAROLE DANS LA LITURGIE BYZANTINE Étude historique PONT. IXSTITUTUM STUDIORUM ORIEXTALIUM Piazza S. Maria Maggiore, 7 0 0 1 8ô RO M A 197 1

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ORIE NT A LIA CHR IS TI ANA ANALKCTA191

JUAN MATEOS. S.J.

LA CÉLÉBRATION DE LA PAROLE 

DANS LA LITURGIE BYZANTINE

Étude his tor ique

PONT. IXSTITUTUM STUDIORUM ORIEXTALIUM

P i a z z a S. M a r ia Ma ggiore , 7

0018ô RO M A

1 9 7 1

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Cum permissu Superiorum

TYPIS PONTIFICIAE UNIV ERS ITÄ T« GREGORIANAE — ROMAE

P R É F A C E

 Nous publions, recuei llis dans un volume, les arti cles publiésdans la revue « Proche-Orient Chrétien » depuis l’année 1965 jusqu'à 1970; tous concernent la célébration de la Parole dans laLiturgie Byzantine. Nous avons ajouté en appendice une brièveétude sur deux prières de la même Liturgie, parue en 1964 dans« Orientalia Christiana Periodica ».

 Nous remercions la Direction de « Proche-Orient Chrétien » pour la bienveillante perm ission accordée de rep rod uire les articles.

J. M a t e o s , S. J.

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INTRODUCTION

LA PSALMODIE: SES GENRES

Le chant des psaumes étant un des éléments les plus importants

dans la liturgie, il nous semble utile d’exposer quelles sont les différentesfaçons d ’exécuter la psalmodie dans le rite byzantin; elles peuvent seréduire à trois :

a) Le chant du psaume, fait par des solistes, est interrompu par des interventions du peuple; l’interruption peut être faite soit partout le peuple ensemble, qui répond à un soliste — ps au m e resp onsor ial  — , soit parle peuple divisé en deux chœurs qui répondent alternativementà un ou deux solistes—  ps au m e ant iphoné .

 b) Les versets des psaumes sont récités sans interruption, soit par un soliste {psaume de méditation),  soit par la communauté entière(psaume directané).

c) Les versets des psaumes sont récités alternativement par

deux groupes égaux ( chant al te rn at if ).

Dans les offices liturgiques auxquels participent les fidèles avecle clergé — offices cathédraux ou ecclésiastiques — l’exécution des psaumes se fait surtou t selon la première manière : nous en traiteronsdonc en premier lieu et en détail. Ensuite, nous exposerons brièvementles autres formes de psalmodie, propres avant tout aux offices monastiques.

À. Le psaume responsorial

Dans le chant responsorial des psaumes, le peuple, formant unseul chœur, interrompt à plusieurs reprises, par un «répons», le chantdes versets psalmiques exécuté par un soliste. Dans la messe romaine,

le psaume chanté autrefois de cette manière recevait le nom de  re s-   po ns or ium  (1) — le graduel actuel —; dans le rite byzantin il est appelé prok eim en on .  L’appellation  res pon sor ium   ou  pro ke im en on   n’est cependant pas en usage lorsque le répons chanté par le peuple est Y alleluia.

L’identification du  res pon sor ium   (graduel) romain et du  pr ok ei

 menon   byzantin n’est pas arbitraire. Outre la place égale qu’ils occu paient dans la liturgie de la parole (2) et leur façon égale d ’exécution.

(1)  «Responsum ou responsorium, au début du VIIIe siècle, cf. Ordo Romanus 

I, 57; éd. M. Andrieu, Les Ordines romani du Haut Moyen Age Π , Louvain 1960, p. 86.

(2) Cf. J. A. Jungmann,  Missarum Sollemnia I, Freiburg 1952, pp. 543-44.

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10 INTRODUCTION

Celui qui psalmodie, psalmodie tout seul et, si tous répondent, 

( π η χ ο ϋ σ ιν ), leurs voix sortent comme d’une seule bouche (9).

Ailleurs, il commence son commentaire du ps. 144 par le verset15, destiné sans doute à accompagner la communion :

H faut faire grande attention à ce psaume dans tous ses détails. C’est 

bien lui qui contient ces paroles que les initiés répondent ( π ο ψ ά λ λ ο υ σ ι) 

continuellement,:  Les yeux de tous espèrent en toi, et tu leur donnes la 

 nourriture en temps opportun (10).

Cette façon de chanter les psaumes semblait à Chrysostome remonter à une époque assez ancienne :

Jadis tous se réunissaient et répondaient (ΰ π έ ψ α λ λ ο ν ) ensemble; 

nous le faisons encore aujourd’hui (II) .

Et dans le commentaire du ps. 117 il fait allusion aux Pères :

La phrase du psaume que le peuple a coutume de répondre (δ π ο ψ ά λ - 

λ ε ΐν ) est celle-ci: C'est aujourd’hui le jour qu'a fait le Seigneur·, réjouissons- 

 nous en lui et soyons dans l ’allégresse·, elle réveille beaucoup, et c’est surtout 

cette phrase que le peuple a coutume de répondre (ΰ π η χ ε ΐν ) dans la 

solennité spirituelle qui imite la fête céleste (probablement le jour de Pâques). 

Mais nous, si vous le permettez, nous allons parcourir le psaume entier, 

depuis le'haut e t le début, en faisant l’exégèse, non depuis le verset de réponse (xoô σ τ ί χ ο υ xfjç δ π η χ ή σ ε ω ς ) , mais depuis l’exorde. Les Pères 

prescrirent que la foule réponde ce verset, car il est sonore et il contient  

une doctrine sublime (12).

Un texte des Constitutions Apostoliques

Dans les Constitutions Apostoliques, le chant de psaumes responso-riaux est prescrit entre les lectures, mais l ’interpréta tion du texte présenteune certaine difficulté :

Après qu’on a fa it deux lectures, qu’un autre chante les hymnes 

de David, et que le peuple réponde (υ π ο ψ α λ λ έ τ ω ) par les finales de 

verset ( ά κ ρ ο σ χ ί χ ι α ) (13).

Dans son commentaire, Funk exclut que le mot acrostichia désigneen ce texte la finale de chaque verset, car le peuple, dit-il, ne pouvait

 pas connaître les psaumes au point d’être capable d’achever les versetscommencés par le soliste (14).

(9) in   1 ad Cor.  36, 6 (PG  61, 315).

(10)  In ps   144, 1 (PG  55, 464).

(11)  In  1  ad Cor.,  36, 5 (PG  61, 313).

(12)  In p s  117, 1 (PG  55, 328).

(13) Π , 57, 6 (Funk  161).

(14)   Ibid., pp. 160-61, note 6.

LA PSALMODIE: SES GENRES 11

La difficulté soulevée par Funk est réelle. On pourrait essayerde lui trouver une solution en supposant que le nombre de psaumesqu’on y chantai t était réduit, ou que peut-être le peuple répétait lesfinales de verset après  qu’elles avaient été chantées par le soliste.

On pourrait aussi invoquer le témoignage de certains mss- de laliturgie byzantine, assez tardifs, il est vrai (15), mais d ’origine vraisem blablement palestinienne, selon lesquels, l ’exécution des antiphones dela liturgie se faisait de façon responsoriale, le peuple chantant la seconde

moitié de chaque verset ou des versets différents :1er antiphone : Il est bon de rendre grâce au Seigneur.

Peuple : De jouer pour ton nom. Très Haut.

Prêtre : De publier au matin ta miséricorde.

Peuple : Car le Seigneur Dieu est droit.

Prêtre : Gloire au Père...

Peuple : Maintenant et à jamais... Par les prières de la Théotocos, etc.

Cependant, deux raisons s’opposent à l’identification de cetusage avec celui des Constitutions Apostoliques. D’abord, la datetardive des documents cités. Ensuite, le fait que le ps. 91 était à l’origineantiphoné, non responsorial, et donc que la manière d’exécution présentée par ces mss. a plutôt l ’air d’une simplification de l’usage original,le prêtre et le peuple prenant la place des deux anciens solistes propres

au chant antiphoné.

C’est pourquoi nous préférons chercher l’explication du textedes Constitutions dans une manière constantinopolitaine de chanter le

 prokeimenon.

 Deux manières d 'exécuter le chant du prokeimenon

Dans la tradition byzantine, on trouve deux manières d’exécuterle chant du prokeimenon ou psaume responsorial. La première, laseule en usage actuellement, fait répéter le verset-prokeimenon en entieraprès chaque stique du psaume. La seconde, propre, nous semble-t-il,à Constantinople, et qui apparaît encore au Xe siècle (16), répétait, aprèschaque stique, seulement la partie finale du verset-prokeimenon (akros-

tichiori).  Voici deux exemples de cette seconde manière, empruntésaux prokeimena pour l’orthros du dimanche :

Mode 4. (Prokeimenon:) Lève-toi, Seigneur, viens à notre aide* 

et rachète-nous par amour de ton nom.

Verset (stique): O Dieu, nous avons oui de nos oreilles, nos Pères

nous ont raconté l’œuvre que tu fis de leurs jours, aux jours d’autrefois.

(Répons): Et rachète-nous par amour de ton nom (ps. 43, 27.2).

(15) Sin. gr. 1020 (XII-XIII* s.), éd. Dmitrievskij, Opisanie II, p. 140; Patmos 

709 (a.D. 1260), ibid.,  p. 157.

(16)  Le Typicon de la Grande Eglise  U, 170.

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12 INTRODUCTION

Mode 2 pi. (Prokeimenon:) Seigneur, réveille ta puissance* 

et viens nous sauver!

Verset (stique) : Pasteur d’Israël, écoute, toi qui mènes Joseph comme un troupeau; 

toi qui trônes sur les Chérubins, resplendis!

Répons : Et viens nous sauver! (ps. 79, 3bc. 2).

C’est Constantinople probablement qui a conservé ici, comme '

ailleurs (17), l ’ancien usage d ’Antioche. Notons que, dans cettemanière de psalmodier, le verset placé en tête du psaume ne pouvait pas être appeléhypopsalma, car il n ’était pas repris en entier par le peuple.C’est peut-être à cause de cela qu’il fut appelé prokeimenon —  «verset

 placé avant» —, dénomination qui ne préjugeait pas la façon d ’exécuterle chant.

Comme synthèse des données qui précèdent, on pourrait proposerce qui suit :

a) Les verbes (ιποψάλλειν et υπηχεΤν indiquent une réponsedu peuple au chant du soliste.

 b) le substanti f ύπόψ αλμα, qui apparaît en Palestine, s’appliqued’abord à un verset psalmique qui est chanté en entier comme répons;

secondairement, au psaume lui-même avec son répons. Cette évolutiondans la signification du terme montre que Vhypopsalma  était placé entête du psaume, (comme le responsorium romain), pour être entonné parle soliste.

c) Le terme προκείμενον, apparemment d ’origine constantino- politaine, désigne un verset psalmique placé avant le début du psaume,mais dont seulement la partie finale (άκροστιχιον) aurait été chantéecomme répons après chaque stique (18).

 Le prokeimenon actuel

Dans les livres liturgiques, le prokeimenon apparaît ordinairement

composé du verset-répons et d’un stique. En réalité, il ne s’agit pasd’une réduction; le stique, qui correspond dans la plupart des cas au premier verset du psaume, n’était qu’un rappel pour le psalmiste,

(17) Ce fut Constantinople aussi qui conserva le ps. 140 comme seul psaume 

vespéral à l’office du soir, tandis que les rites syriens adoptaient la tradition de Jéru

salem comportant plusieurs psaumes vespéraux.

(18) Noton s qu’à Constantinople, lorsque dans l'office l’antiphone du psaume 

était  alleluia,  il était précédé dans l’intonation d’une phrase psalmique qui n’était 

pas répétée par le peuple. Cette phrase était ordinairement τ ή ν ο ικ ο υ μ έ ν η ν , cf. 

Syméon de Thessalonique,  De Sacra precati one  349 (PG  155., 637 B; ibid.  D).

l a   p s a l m o d i e : s e s   g e n r e s 13

qui connaissait les psaumes par cœur ou les lisait dans un psautie r (19).Chez les Arméniens, le psaume qui correspond au prokeimenon estchanté en entier 6u en grande partie, et cette pratique, à moins que le psaume ne f ût trop long, a dû être anciennement celle des autres rites.

C’est l’indication de trois stiques déterminés, qu’on trouve aux prokeimena pour les vêpres des grandes fêtes, ce qui représente uneabréviation relativement à l’usage ancien.

Le prokeimenon, par opposition à l’antiphone, n’est jamaisterminé par le Gloria Patri.  Le graduel ou responsorium  romain non plus (20).

B. Le psaume antiphoné

Quoi qu’il en soit des significations primitives du mot άντίφω -vov (21), il est certain que, dans l ’usage liturgique du rite byzantin,il signifie certains refrains — mots ou phrases de l ’Ecriture ou bien,le plus souvent, compositions ecclésiastiques — destinés à être chantésalternativement par le peuple qui, divisé en deux chœurs, répond àun ou à deux solistes. Plus tard, comme il est arrivé avec le prokeimenon, le mot antiphone désigne le psaume avec son ou ses refrains (21 bis).

Le chant alterné de deux chœurs est clairement prouvé par la présence, non rare, de deux refrains pour le même psaume, chacun

(19) Le canon 15 du synode de Laodicée présente le psalmiste qui, du haut 

de l’ambon, lit ou chante ά ό Ο ιφ &έρα ς, «d’un parchemin»,  Mansi  2, 567.

(20) Nou s ne parlons pas ici des responsoria du nocturne romain ; nous pensons 

que leur origine est différente, car ils ne sont ordinairement pas composés de versets 

psalmiques. On trouvera plus loin une hypothèse sur leur origine.

(21) Cf. L. Petit,  Antiphone dans la Liturgie grecque,  dans  Diet. d ’Archéol. 

et Lit.  I, 2462-64.

(21 bis) C’est ainsi qu’à Constantinople le psautier Iui-mêmé était divisé en antiphones, comprenant chacune, en principe, trois psaumes ayant le même anti

phone-refrain, cf. O. Strunk, The Byzantine Office at Hagia Sophia,  dans  Dumbarton 

Oaks Papers 9-10 (1955-56), pp. 185,200, et J. Mateos, Quelques problèmes de Vorthros 

 byzantin,  dans  Proche-Orient Chrétien,  XI (1961), pp. 18-19. Postérieurement, 

le mot «antiphone» sert encore parfois à désigner une  stasis du psautier (bien que 

l ’antiphone constantinopolitaine et la stasis palestinienne n’étaient pas équivalentes), 

p. ex. chez s. Athanase l’Athonite, cf. Dmitrievsky, Opisanie,  I 249; le Typicon de Saint-Sabas (cod. Sinait. gr.  1094) du XI1-XIIIC utilise régulièrement le mot anti

phone pour stasis, cf. Opisanie,  III, pp. 22 ss. Cet usage apparaît encore dans les 

Horologia slaves, cf. Iereiskij Molitr oslov,  éd. Rom e 1950, pp. 271, 273, 275. L’exé

cution de la  psalmodia currente psalterio   en chant antiphoné montre un rite avant tout cathédral; dans le rite monastique palestinien les psaumes sont chantés par  

un ou deux solistes.

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14 INTRODUCTION

destiné évidemment à un des chœurs. Celui du second chœur est parfoisappelé τό άνταποκρινόμενον, c’est-à-dire «ce qu ’on répond alternativement» (22). Voici quelques exemples de double refrain pour le même psaume, empruntés aux usages constantinopolitains.

A la liturgie du dimanche de Pâques, le premier psaume antiphonéavait comme refrains : Par les prières de la Théotocos, etc.  et Par les 

 prières de tes saints, etc.  De même, le dimanche de la Pentecôte (23).

Le matin du 7 octobre, avant la sortie de la procession, on chantaità l’église Sainte-Anastasie, où se faisait la première station de la procession, trois psaumes antiphônés. Le premier, le ps. 119, avait ces deuxrefrains : Pitié pour nous, Philanthropel  et Sauve-nous, 6 Christ notre  Dieul  Pareillement, à une occasion semblable, le 6 novembre : Pitié   pour nous, Philanthropel  et  Aide-nous, ô Christ notre Dieul (24).

Même dans le cas où il n’y a qu’un seul refrain, les indicationsdu chant antiphoné, à part le titre antiphone,  ne manquent pas dansles documents. Ainsi, le commentaire attribué à saint Germain deConstantinople ( f 733 ) emploie le verbe άνθ-υπακούω «répondrealternativement» pour désigner le chant du troisième antiphone de laliturgie (25). Un manuscrit de Karlsruhe, datable vers l’année 1200 (26)décrit ce chant de la façon suivante :

Les psalmistes chantent le troisième antiphone :

Venez, crions de joie pour le Seigneur  (ps. 94, 1).

Sauve-nous, Fils de Dieu, etc.

Le second chœur répond :

Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons Dieu notre Sauveur.

Sauve-nous, Fils de Dieu, etc.

De nouveau le premier chœur :

 Allons devant lui en action d e grâces, au son des musiques acelamons-le.

Sauve-nous, Fils de Dieu, etc.

(et ainsi de suite)

Des indications semblables sont données pour les deux premiersantiphones. A cette époque tardive, le caractère alterna tif est encore

(22) Cf.  Le Typicon de la G. E.  Π , index liturgique, s.v.

(23)  Ibid.,  Π , 94. 138.

(24)  Ibid.  L 62. 90-92.

(25) Κ α ί ά ν τ ω ν ά ν Ο ο α κ ο ΰ ν τ ω ν (éd. Borgia, n° 24, p . 22).

(26) Karlsruhe, Badische Landesbibl.,  cod. Ettenheim Munste r 6,  (vers a.D. 

1200), éd. R. Engdahl,  Beitrüge zur Kenntnis der byzantinischen Liturgie, Berlin 1908, 

pp. 8-9.

LA PSALMODIE : SES GENRES 15

 bien marqué, mais solistes et chœurs ne se distinguent plus. Le demi-verset qu’on chantait au début servait pour donner le ton (27).

Les refrains ou antiphones des psaumes antiphônés peuvent êtreun alleluia simple ou répété (28), une phrase de l’Ecriture ou, plussouvent, un verset ou strophe de composition ecclésiastique. Parfoisils sont appelés stichères ( τ ι χ η ρ ά )  (29), le plus souvent iropaires (τροπάρια). Ce vocable est un diminutif d ’époque tardive du classique τρόπος (= quelque chose qui revient, mœurs, mode); il doitsignifier ici une phrase qui revient dans le chant, tout comme le diminutifitalien «ritomello» de «ritorno».

Une dérivation semblable apparaît chez les Chaldépns : le mothepakta  (retour), dérivé du verbe hpak  (revenir) est utilisé dans le Pontifical pour désigner les deux refrains de composition ecclésiastique —un pour chaque chœur — qui accompagnent un psaume antiphoné (30).

Les tropaires byzantins peuvent avoir une longueur très variable.Quelques-uns sont très courts, p. ex. le tropaire baptismal (Gai 3, 27) :Vous tous baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ ; Alleluia  (31),ou celui de la sainte croix :  Nous adorons ta croix. Seigneur, e t nous glorifions ta sainte résurrection (32). Pareillement, l ’ancien tropaire pour la mémoire d’un saint ascète :  En fêtan t. Seigneur, la mémoire de ton saint , par lui nous t ’en supplions  : Sauve nos âmesl (33). D ’autres sont plus développés, arriva nt parfois à des proportions assezconsidérables.

Comme il appert du chant de l’antiphone selon le ms. de Karlsruhecité peu avant, chaque chœur répondait à un verset différent du psaume.Dans le cas de deux tropaires différents pour le même psaume, c’estle verbe άλλάσσειν qui indique le changement; souvent on spécifieque ce changement a lieu après deux versets successifs (34). Les versets

 psalmiques, étaient-ils chantés par un ou par deux solistes ou groupesde solistes? Selon les données du même ms. de Karlsruhe il semble

(27) Soit l’intonation au moyen d’un demi-verset suivi du refrain, soit l’identification des solistes avec les chœurs correspondants se rencontre aussi dans le rite  

chaldéen, cf. J. Mateos,  Lelya-Sapra,  Rome 1959, pp. 67-68.

(28)  Le Typicon  Π , index liturgique, ά ν τ ί φ ω ν ο ν B b.

(29) Ms. d’Isidore Pyromalos (XIIe s.), dans Goar, Euchologion,  Paris 1647,

181 i.

(30)  Pontifical chaldéen,  éd. Rome 1957, p. 143. La strophe après le Gloria, 

est appelée aussi  hepakta,  comme chez les Grecs on l’appelle tropaire, sans égard à la signification originale, cf. ibid.,  p. 144.

(31) Cf  .L e Typicon  II, 94, où ce verset est appelé tropaire.

(32)  Ibid.  44.

(33)  Ibid.  I, 122 (5- Χ Π ).

(34)  Ibid.  Π , index liturgique, ά λ λ ά ο ο ε ι ν .

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16 INTRODUCTION

 plus probable d’admettre l’existence de deux solistes avant la fusionde chaque soliste avec son chœur. Le typicon de la Grande Eglise ne

 précise pas. Notons seulement qu’au Xe siècle c’étaient les lecteurs,non les psalmistes, qui chantaient les versets psalmiques des antiphones (35).

Par opposition à ce qui arrive dans l’exécution du prokeimenon,le psaume antiphoné byzantin est toujours terminé par le Gloria Patri. Cette pratique est déjà notée par Cassien, en supposant que le motantiphona ait chez lui le même sens que chez les Byzantins :

Illud etiam quod in hac prouincia uidimus, ut uno cantante in clausula 

psalmi omnes adstantes concinant cum clamore 'gloria patri et filio et 

spiritui sancto’, nusquam per omnem orientem audiuimus, sed cum omnium 

silentio, ab eo qui cantat finito psalmo, orationem succedere, bac vero 

glorificatione trinitatis tantummodo solere antiphona terminari (36).

 Exécution des antiphones

Dans le chant du prokeimenon, le peuple, après chaque verset psalmique, reprenait soit le répons en entier, soit seulement la partiefinale. La même chose s’observe dans l’exécution des antiphones,surtout si le tropaire est plutôt long. Ceci explique la présence dansde nombreux tropaires d’une phrase finale facilement détachable du

reste de la composition. Les tropaires de la résurrection, par exemple,se terminent souvent par la phrase :  Le Christ est ressuscité, donnant  au monde la grande miséricorde! ou par une autre semblable; les tropairesdes saints, par des invocations comme celles-ci : Par ses supplications, ô Christ Dieu, sauve nos âmesl  ou : Prie le Christ Dieu de sauver nos âmes\ 

Que cette façon d ’exécuter les psaumes ait été en usage à Constantinople est chose certaine. Le samedi-saint, en effet, le typicon dela Grande Eglise prescrivait :

Après l’orthros, au trisagion du Gloria in exceisis,  a lieu l’entrée du 

patriarche et des prêtres avec l'évangile. Les psaltes montent alors à 

l ’ambon et chantent le tropaire, mode 2 : Toi qui enserres les extrémités 

 du monde, as accepté d'êtr e enserré dans un tombeau. Christ Dieu, pour 

 délivrer l'humanité dè la chute dans l'Hadès, et pour nous donner la vie en 

 nous immortalisant, 6 Dieu immortel et philanthrope que tu es\ (37).

Le typicon ne donne pas de détails sur l’exécution du tropaire,mais certains mss. du prophétologion constantinopolitain (38) précisent

(35)  Ibid.,  index liturgique, α ν α γ ν ώ σ τ ς .

(36)  De Instit. canob.  II, 8 (Petschenig), 24).

(37)  Le Typicon  Π , 82.

(38) Le prophétologion  est le livre musical qui contient les lectures bibliques 

de Γ Α .Τ . propres aux vigiles ou au carême. Outre les rubriques, assez abondantes, 

on y trouve des tropaires, mais sans notation musicale.

LA PSALMODIE: SES GENRES 17

qu’on répétait, après le Gloria Patri, la clausula: et pour nous donner la vie, etc. (39).

Un exemple très clair de la même façon de psalmodier apparaîtdans les tropaires qui interrompent les lectures aux vigiles de Noëlet de l’Epiphanie. Le premier de ces tropaires, selon le typicon et le

 prophétologion (40), était chanté de la façon suivante :

Psalmistes : Tu es né dans le secret d ’une gro tte, mais le ciel, embouchant 

une étoile pour le publier, t ’annonçait à tous, Sauveur, et i l t'amena les Mages 

qui t’adorèrent avec foi  :  avec eux aie p itié de nous!  (trois fois) (41).

Lecteurs et peuple : Tu es né... aie pitié de nous!  (trois fois).

Psalmiste : Sa fondation sur les montagnes saintes, le Seigneur la  

 chérit. Il pré fère les porte s de Sion à toute demeure de Jacob. Il parle de 

 toi pour t a gloire, cité de Dieu  : «Je compte Rahab et Babylone parmi ceux 

qui me connaissent» (ps. 86, l-4a).

Peuple :  Avec eux, aie p itié de nousl 

Psalmiste : Tyr, la Philistie ou P Ethiopie, un te l y est né\ mais Sion, 

 chacun lui dit : « Mère»,  car en elle chacun est né. Et lui, le Très Haut, 

il l’assure en sa place   (ibid. 4b-5).

Peuple :  Avec eux, aie p itié de nousl 

Psalmiste :  Le Seigneur inscrit au registre des peuples  : «Un tel y  

est né», e t les princes parmi les chœurs : tous fon t en to i leur demeure (ibid. 6-7).

Peuple :  Avec eux, aie pi tié de nousl 

Psalmiste : Gloria Patri... et nunc...

Peuple :  Avec eux, aie p itié de nousl 

Psalmistes : Tu es né dans le secret...   jusqu’à la fin.

Lecteurs et peuple : Tu es né dans le secret...  jusqu’à la fin.

Selon les mss. P et H du typicon, la clausula répétée par le peupleétait Seulement:  Avec eux, aie pitié de nousl  Parmi les mss. du

 prophétologion, le V 768 (XIII-XIVe siècle) est le seul à rapporter laclausula courte. Les autres ont tous la clausula longue :  Et i l t ’amena les mages...,  sauf deux mss. d’Italie méridionale (Xe siècle), qui pres

crivent le tropaire en entier après chaque stique.Après le Gloria Patri  on répétait la clausula une dernière fois.

Ensuite, les psalmistes chantaient le tropaire en entier et le peuple avecles lecteurs le reprenaient encore une fois. Cette double répétition

(39) Ed. C. Hœg et G. Zuntz, fase. V, Copenhagen 1962, p. 428.

(40)  Le Typicon  I, 150; Prophetologium,  éd. citée, fase. I, Copenhagen 1939, 

pp. 39-41.

(41) Pour la triple répétition du tropaire par les psalmistes et par le peuple, 

cf. les rubriques du  Prophetologium  I, pp. 395-409.

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18 INTRODUCTION

finale du tropaire entier recevait le nom de  périssie  ( περισσή ) ouappendice (42).

Cette façon de chanter les tropaires semble être très ancienne.Le psaume y reste l ’élément principal ; il n ’est pas étouffé par la répétitiond’une longue strophe après chaque verset. On remarquera aussi lalongueur des versets psalmiques — une vraie s trophe psalmique —chantés par le soliste, ce qui contribue à donner du relief au texte inspiré.

La strophe ou tropaire, qui est chantée en entier seulement au

début et à la fin, semble être une espèce d’explicitation ou de commentaireappliquant au mystère le psaume qu’on chante.

Un ms. sinaïtique du IXe siècle, conservé actuellement à Leningrad (43), présente l’exécution du trop aire O Fils unique CO  Μ ονογενής)

 — chant d ’entrée pou r la liturgie des dimanches — de la mêmefaçon que nous venons de décrire, c.-à-d. avec la répétition de la seuleclausula. Après le tropaire et le Gloria Patri,  en effet, le ms. insèrela phrase finale : Toi, un de la sainte Trinité, glorifié avec le Père et  le Saint-Esprit, sauve-nous\{ 44). C’est un indice clair qu’on répétaitcette seule clausula comme refrain du psaume d’entrée.

Si le tropaire est court, on peut le chanter en entier après chaqueverset du psaume. Tel est le cas du tropa ire pascal :  Le Christ est ressuscité des morts,  au début de la liturgie et des offices pendantla semaine pascale. Chez les Slaves, il est chanté au déb ut trois fois par le prêtre (qui prend ici la place des psalmistes d ’autrefois) et tro isfois par le peuple, selon l’ancienne manière de commencer le chant destropaires processionnels. Le chant du tropaire de la résurrection audébut de la liturgie n’est, en effet, que le «reliquat» d’une ancienne procession qui avait lieu, avan t la liturgie, le lundi de Pâques (45). Dans laliturgie elle-même, le même tropaire est chanté, avec le même psaume,comme chant d’entrée au troisième antiphone.

C’est de la même façon, c’est-à-dire avec triple répétition initiale,qu’on chantait le tropaire final des vêpres à Constantinople (46). Ce

(42) Cf.  Le Typicon  II, index litur gique, περισσή.

(43) Cod. gr.  44, publié par J.-B. Thibaut,  Monum ents de la notation ek-  phonétiqu e et hagiopolite de l'Eglise Grecque, Saint-Pétersbourg 1913,3e partie, pp. 1-11.

(44)  Ibid.,   p. 7, formulaire pour le 1er dimanche.

(45)  Le Typicon Π , 98. Au XIIe siècle, le typicon du monastère de l’Evergétis

ignore encore le chant du tropaire pascal avant le premier antiphone de la liturgie

de Pâques , cf. A. Dmitrievsldj, Opisanie liturgiceskich rukopisei I, Kiev 1895, p. 559.

(46) Cf.  Le Typicon  II, index liturgique , τροπάριον IV a. La traduction

françai se donnée dans le Typicon des passages où il s’agit de l’exécution du tropai re

diss vêpres n’est pas assez précise. A 8-IX (I, 18-20), par exemple, elle devrait dire :

«On le chante trois fois, et (ensuite avec) trois stiques du  Magnific at  et la répétition

finale».

l a    p s a l m o d ie : s e s   g e n r e s 19

tropaire , chanté après les litanies — partie finale des offices — a pu êtredestiné à l’origine à la procession qui, selon Egérie, suivait l’office dusoir (47).

Un mot encore sur la  périssie  ou répétition finale du tropaire.Assez souvent, le nom de périssie est donné à un second tropaire quiterminait le chant du premier tropaire avec psaume prenant la placede la répétition finale (47 bis). Les jours du mardi au vendredi de la4e semaine du carême, p. ex., on chantait le tropaire :  Nous adorons ta croix, Seigneur, cité ci-dessus. Le mercredi on chanta it comme périssie

le tropaire :  La croix vivifiante que tu nous as donnée, etc. (48). Cecas est fréquent dans le rite byzantin (49). Dans la liturgie eucharistiqueelle-même, le deuxième antiphone d u début a co m m e  périssie le tropai reO Fils unique·,  le troisième antiphone, aux fêtes, le tropaire appelécontakion  (50) ; le psaume de communion, le tropaire : Que notre bouche se remplisse  (πληρω θ-ήτω ) (51). Dans l’office divin, Vhirmos (ειρμός) des canons poé tiques de l ’orthros, loin d’être un ancientropaire intercalé aux versets d’un cantique, était la strophe finale ou

 périssie (bien que ce terme n ’ait pas été en usage en Palestine, à ce q u’ilsemble) d ’un cantique chanté avec un refrain propre (52). L ’hirmoschanté après les tropaires de chaque ode du canon reçoit le nom decatabasia  (καταβασία), prob ablement parce qu ’il était chanté ensemble

 pa r les deux chœurs qui descendaient des stalles. C’est la catabasia,

(47)  Journal de voyage  24, 7 (éd. Pétré, Sources Chrétiennes  21, Paris 1948,

 pp. 192-94).

(47 bis) Dans le chant antiphoné, le mot périssie s’applique aussi à la répétition

finale d’un refrain court, p. ex. alleluia, cf. Syméon de Thessalonique,  De Sacra Precatione  349 (PG 155, 637 Q .

(48)  Le Typicon  Π , 42; cf. index liturgique, περισσή.

(49) Dans le rite syrien aussi, où la périssie  reçoit le nom de ‘eqba.  Chez

les Chaldéens on l’appelle tesbohta.  Chez les Maronites, de longues poésies jouentle rôle de périssie,   sous le nom de sogita.

(50) D ’ailleurs, la strophe Ή Π αρθ-ένος σήμερον du jour de Noël, actuellement "appelée contakion,  est appelée tropaire  par le Typicon de la Grande Eglise,

I, pp. 156-58.(51) Que le tropaire πληρω θ-ήτω se rattache étroitement au psaume de

communion, ressort de ce texte du Chronicon Paschale  (mai 624, sous Serge

 patria rche, PG  92, 1001 BÇ) : Έ πενοήθ-η ψάλλεαθ-αι μετά το μεταλαβείν πάντας

τδ>ν αγίω ν μυστηρίω ν... μετά το... ψ αλθ·ήναι τον τελεοταίον στίχον τοδ κοινω νικού,

λεγεσθ-αι καί τούτο τό τροπάριν Π ληρω8·ήτω τό στόμα ήμ δν κτλ.

(52) Les tropaires qui suivent l’hirmos, plus récents que celui-ci, n ’ont donc

 jama is été destinés à être répétés comme des refrains. L’intercal ation des tropaire s

aux derniers versets des cantiques n ’a été que la conséquence de leur multiplication

après l’hirmos. Celui-ci, d’ailleurs, est encore répété à son ancienne place, aprèsle Gloria Patri.

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20 INTRODUCTION

sans doute, l’ancienne  périss ie  des cantiques scripturaires, avant lacomposition des canons poétiques.

Tropaire-hypacoè

Le mode d ’exécution du tropaire, avec répétition de la seuleclausula, caractérisait aussi l'hypacoè (litt, répons). La strophe poétiqueappelée ainsi est actuellement chantée, sans versets psalmiques, à l’orthrosfestif. Le mot hypacoè,  cependant, indique que cette strophe devait

être répétée de quelque façon comme refrain. La rubrique pour lechant de l’hypacoè donnée par le typicon de l’Evergétis (XIIe siècle)au deuxième dimanche avant Noël, permet de conclure que le chant decette strophe était jadis exécuté comme celui du tropaire :

On chante (l’hypacoè) ainsi : d'ab ord le psalmiste, ensuite le peuple

avec chiroDomie (c.-à-d. sous la direction rythmique du psalmiste). Puis

le psalmiste chante le verset  Acclamez le Seigneur   (ps. 99, 1)... Après le

verset, le peuple chante de nouveau la fin de l’hypacoè (53).

Certains documents, d’ailleurs, appellent hypacoè une pièce qued’autres appellent tropa ire. Ainsi, le refrain baptismal : Vous tousbaptisés dans le Christ, etc. (Gai 3, 27), appelé tropa ire par les documentsconstantinopolitains (54), est appelé hypacoè par le grand lectionnaire

de Jérusalem (55). Pareillement, le refrain pou r le ps. 140, aux vêpresde Sainte-Sophie, est appelé tropaire par le typicon de la Grande Eglise,mais hypacoè par un autre ms. d’influence palestinienne (56). L’ondirait que les termes hypacoè  et tropaire  sont équivalents, mais que le

 premier est d’origine palestinienne, le second d ’origine constantinopo-litaine(56 bis).

La signification du mot syrien ‘enyana,  qui désigne des tropaires-antiphones à intercaler dans le chant d’un psaume, est l’équivalentexact du terme grec hypacoè. Cette équivalence confirme les origines palestiniennes de ce terme. Le mot tropa ire, par contre, trouve son

(53) Dmitrievskij, Opisanie  I, pp. 339-40.

(54)  Le Typicon  II, 94.

(55) Ed. citée, tome I (vol. 189), n° 736, p. 113.

(56)  Le Typicon  I, 148, et apparat lin. 9.

(56 bis) Au Xe siècle, époque des mss. d u Typicon de la Grand e Eglise

et de ceux du Lectionnaire de Jérusalem; l’échange entre Constantinople et la Palestine

a déjà commencé. Ainsi, on chantait une hypacoè  au début du nocturne constan-

tinopolitain (cf. Le Typicon II, index liturgique, s.v. hypacoè), et un tropaire apparaît

comme chant d'entrée de la liturgie de Jérusalem (Le Grand Lectionnaire,  éd. citée,

n° 6, p. 9; n° 26, p. 13; n° 33, p. 14; n° 42, p. 15, etc). Si aucun psaume n’est indiqué

 pour ce t ropai re (le  psalmus  qui suit appartient aux lectures), c'est sans doute parce

que le psaume d’entrée était fixe, comme à Constantinople, c.-à-d. le ps 94.

l a    p s a l m o d ie : s e s   g e n r e s 21

équivalent syriaque dans hepakta,  en usage chez les Chaldéens, commenous l’avons remarqué plus haut, mais qui n’est pas utilisé dans le territoire syro-palestinien.

 Autres termes pour désigner le tropaire

Un autre terme palestinien pour désigner le tropaire est celuide στίχος; il appara ît fréquemment dans le lectionnai re géorgien, oùle stichos  est toujours accompagné d’un psaume (57). La même déno

mination est employée dans la liturgie de saint Marc, pour un tropairequi est probablement à identifier avec celui que le lectionnaire géorgienappelle «manuum lotionis» (58).

Le terme, aussi palestinien, κάθισμ α ind iquait à l’origine lestropaires chantés au nocturne pour interrompre la psalmodie. Celle-ci,en effet, était récitée debout, comme l’indique le nom στάσις appliquéaux petites divisions — les plus anciennes — du psautier (59). Lecathisme était aussi chanté avec verset psalmique, répétit ion de la clausulaet périssie finale (= théotokion), selon l’exécution ordinaire du tropaire.Voici un exemple emprunté au cod. Sinaït. gr.  864 ( Horologion , IXesiècle), fol. 59v-60r :

Cathisme, mode  2 : Réveiile-moi, Seigneur, pour t ’adore r, ouvre

mes lèvres pour te chanter, efface la multitude de mes chutes, donne-moi,

 pou r mon salut, un e sprit facile à la compo nction; accueille ma supplica tion,Christ Dieu : Car toi, tu peux tout (faire), ô seul Ami des hommes.

Stique  (ps. 56, 2) : Pitié pour moi, ô Dieu, pitié pour moi, car en toi

mon âme se confie; à l’ombre de tes ailes j ’espère, tant que soit passée

l’iniquité.

♦Car toi, tu peux tout (faire), ô seul Ami des hommes.

Gloria et théotokion :  En toi, ô Mère de Dieu, etc.

La même façon d’exécuter le cathisme est indiquée par les typica.Dans VHypotyposis de s. Théodore Studite  on prescrit, pour le tempsdepuis l’exaltation de la croix jusq u’au carême, la répétition du tropaire,avec l’intercalation du verset psalmique (59 bis).

Le typicon de l'Evergétis  (XIIe s.) omet la mention du verset psalmique, mais il indique que la répétition est chantée par le peuple,

(57) Ed. citée, nn. 12-23, pp. 10-12.

(58)  Ibid.,  nn. 40, p. 15; 46, p. 16; 90, p. 20, etc.

(59) Dans les anciens psautiers, le mot cathisme  n’est pas le titre d’une

section psalmique, mais une rubrique placée à la fin de la section, pour indiquer

le chant du tropaire. Ainsi, le cod. Vat. gr.  341 (XI e siècle) met la rubrique 1er

cathisme  après le Gloria qui termine le ps 8, fin de la troisième stasis, et pareillement

 par la suite. Egalement, le cod.  Bibl. Nat. Athènes n°  7, psautier du Xe siècle.

(59 bis) Opisanie  I, p. 321 : τά τροπάρια 8è τού καθΊσματος βιπλοΰνται,

λεγομένου μ εοοστίχοο.

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22 INTRODUCTION

c’est-à-dire par la comm unauté (60). Pendant la semaine sainte lethéotokion était omis; après le Gloria Patri,  le psalmiste et le peuplerépétaient le cathisme entier (60 bis).

Les termes estikon  et qatisma  ont été aussi appliqués aux tro- paires par les Syriens (61). Les Chaldéens connaissent le mawtba,  designification identique à κάθισμ α, et qui s ’applique à l’ensemble dela poésie ecclésiastique et des autres pièces qui suivent la psalmodienocturne.

Le terme απολυτίκιοv était parfois employé à Constantinople pour· désigner un tropaire situé à la fin d ’un office, près de Vapolysis ou renvoi du peuple; à la liturgie eucharistique, c’était le tropaire aprèsle psaume de communion; aux vêpres, le tropa ire final (61 bis).

Στιχηρόν, dérivé de στίχος, désigne une composition disposéeen vers, pratiquem ent une strophe. Il désigne les tropa ires intercalésaux psaumes des vêpres, mais un ms. de Patmos donne ce nom aussiau tropa ire du 3e antiphone de la Liturgie : Sauve-nous, Fils de Dieu (62).

Sur les termes hirmos  et catabasia,  voir ce que nous avons dit plus haut, à propos de la périssie.

 Evolution du chant des tropaires

A l’origine, le tropaire était subordonné au texte psalmique,ou bien parce que le tropaire lui-même était court, ou bien parce qu ’aprèschaque verset du psaume on répétait seulement la clausula du tropaire.

Au cours du temps, cependant, le tropaire devient parfois l’élément principa l, en sorte que les versets psalmiques ne sont plus que le prétexte pou r la répétit ion du tropa ire, chanté chaque fois en entier.Tels sont, dans l ’office byzantin actuel, les tropaires de tierce, sexe etnone, jadis quotidiens, mais réservés maintenant pou r le carême (63).

(60) Opisame  I, p. 513 : πάντα τά καθίσμ ατα πρίδτον b  ψά λτης, είτα ό

λαός, Δόξα καί ν&ν θεοτοκίον ; ibid.  516, 525.

(60 bis)  Ibid.  pp. 544, 545, 546.(61) P. ex., dans le ms. de Charfet,  fonds Rahmani n°  121, fol. 167v.

(61 bis) Cf.  Le Typicon  II, index liturgique, s.v.

(62) Voir ci-dessus, note 29.

(63) Ces tropaires expriment le sens ancien de ces heures. Celui de tierce,

la descente du Saint-Esprit, comme chez Tertullien,  De Oratione  25 (CC, Series

Latina I, Turnhout 1954, p. 272), s. Cyprien,  De oratione dominica 24 (PL 4, 541),

s. Basile, Grande Règle,  Inter r. 37, 3 (PG 31, 1013). Sexte et none rappellent la

crucifixion et la mort du Seigneur respectivement, cf. Hippolyte,  La tradition Apos to

lique  41 (éd. B. Botte,  Liturgiewissem . Quellen u. Forschungen  39, Münster 1963,

 pp. 90-92) et s. Cyprien (loc. dt. ).

LA PSALMODIE: SES GENRES 23

D ’ailleurs, même dans la manière traditionnelle d ’exécution dutropa ire, on trouve des simplifications déjà au Xe siècle. Dans le tro  paire de la vigile de Noël, en effet, cité in extenso  ci-dessus, le chantest devenu responsorial : le soliste est représenté par le chœur de psalmis-tes et le peuple n ’est plus divisé en deux chœurs, mais chante tou tensemble. La présence du Gloria Patri à la fin du psaume oblige cependant à considérer ce chant comme primitivement antiphoné.

Il existe toutefois des tropa ires et des hypacoa i qui semblentne pas avoir été suivis de la doxologie (64). Seraient-ils des chants

 prop rement responsoriaux? Il n’y a pas d ’inconvénient à admettrecette possibilité, surtout si l’on considère qu’étymologiquement, nile mot tropaire ( = ritornello) ni le mot hypacoè (= répons) ne spécifientde quelle façon le peuple doit les utiliser.

Une évolution plus regrettable est celle qui apparaît dans lems. de Karlsruhe, cité plus haut, pour les antiphones de la liturgie (65) :l’alternance est conservée, mais la participation du peuple a disparu;ce sont les deux chœurs de psalmistes qui chantent et les versets psalmiques et le refrain.

Ce fut principalement l’influence monastique qui fit s’estomperla façon populaire, pa storalement si efficace, de chanter les psaumesavec tropaire s. Les anciennes hypacoai palestiniennes perdirent leursversets psalmiques et, par conséquent, leurs répétitions.

Ailleurs, où les versets psalmiques furent conservés, on intercalaaprès chaque verset un tropaire différent, supprimant la répétition del’ancien tropaire-refrain, et faisant donc disparaître l’antiphonie. Cefut le cas des στιχηρά ά πόσχιχα à la fin des vêpres dominicales;le ps. 92 y avait jadis un seul stichère, le premier des stichères actuels,qui devait être chanté tou t au long du psaume. D ’autres stichères démètre différent, appartenant à une série alphabétique, furent intercalésentre les versets du psaume et devinrent l’élément principal.

Finalement, la dénomination «tropaire» fut appliquée aussi àdes strophes qui n’étaient pas composées pour être répétées avec desversets psalmiques. Tel est le cas des tropaires, composés à l ’imitationde l ’hirmos, dans les canons poétiques de l’orthros.

(64) Parmi les tropaires, peut-être le tropaire final des vêpres constantïno-

 politain es, où jamai s o n ne mention ne le Gloria Patri, bien que celui-ci pourrait être

sous-entendu comme allant de soi, cf.  Le Typicon  II, index liturgique, s.v. troparion 

IV, a.Les hypacoai  conservées à l’orthros, privées désormais de leurs versets psal

miques, n’ont pas non plus de Gloria; il est certain, cependant, que le nom hypacoè 

a été donné à des tropaires terminés par la doxologie, cf. ci-dessus, p. 14.

(65) Voir ci-dessus, p. 4.

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24 INTRODUCTION

Correspondants du tropaire dans les autres rites

Le tropaire byzant in n’est pas un genre de composition exclusifde ce rite. Chez les Chaldéens, il reçoi t le nom de qanona  (κανών)ou, plus rarement, de hepakta,  lorsque le psaume reste l’élément principal, mais il est appelé ‘onita  lorsque c’est le texte ecclésiastique qui

 prédomine sur les versets psalmiques (66).

Chez les Syriens, c’est le ‘enyana qui, selon la terminologie palestinienne, correspond à Vhypacoè  byzantine (= responsorium), où le

 psaume restait l’élément principal (67). Les qale d’encens  sont parcontre des tropaires qui, comme la ‘onita chaldéenne, laissent la psalmodieaü second rang (68).

Chez les Romains, les antiphonae  processionnelles de la messe(antiphona ad introïtum, ad offertorium, ad communionem) correspondentà Yantiphona  ou tropaire  byzantin. Souvent, Yantiphona  romaineest empruntée au psaume lui-même; aux fêtes, on trouve d’autres textesde l’Ecriture utilisés comme antiphonae  (69); plus rarement des textesde composition ecclésiastique (Gaudeamus omnes, Salve sancta Parens).

Les antiphonae  prcessionnelles pour le jour des Rameaux (Pueri hebraeorum,  etc.) sont de vrais tropaires pour être chantés avec des

 psaumes; on y trouve même, selon le style des tropaires byzantins, une

 phrase finale ( Hosanna in excelsis) qui pouvait être répétée après chaqueverset, réservant le chant de Yantiphona  entière pour le début et pour 

(66) Chez s. Ephrem, cependant, ‘onita  désigne le refrain d’un  madrasa 

(poésie didactique correspondant à l’ancien  contakion  byzantin), cf. p. ex. Carmina 

 Nisibena, éd. E. Beck, CSCO vol. 218 (Scriptores Syri 92), Louvain 1961, p. 1, ligne 

17; p. 7, ligne 4; p . 11, ligne 13, etc. Le nom actuel de ce refrain est 'unnaya.

On notera que la répétition de la seule clausula, après les versets psalmiques, 

propre aux tropaires byzantins, est inconnue chez les Chaldéens.

(67) Les anciens ‘enyane possédaient une ou deux strophes; ils ont été ensuite 

développés en une série comportant une strophe différente pour chaque verset psalmique. C’est probablement la répétition de la clausula qui a provoqué la com

position de nouvelles strophes, terminées par la même clausula. Un cas assez clair apparaît dans l’invitatoire ( m'irana) du jeudi (Shima, éd. Charfet 1937, pp. 286-89), 

où chaque strophe se termine par la doxologie : Seigneur de tout, gloire à toi, mais 

seule la première strophe a un caractère de minuit.

(68) Le psaume traditionnel pour ces qale est le ps. 116, qui apparaît dans 

l’office maronite. Le nombre pr imitif de strophes est difficile à determiner : probablement une, répétée plusieurs fois. Chez les Syriens, on a ajouté au qala 

d’encens des séries de strophes en l’honneur de la Sainte Vierge, des saints, etc.

(69) Au début de l’année ecclésiastique, les 2e, 3e et 4e dimanches de l’avent, le mercredi des Quatre-Temps, la vigile de Noël, 2e et 3e messes de Noël, s. Jean 

Evangéliste, dimanche après No ël, 1er janvier. Nom de Jésus, Epiphanie, etc.

l a   p s a l m o d i e : s e s   g e n r e s 25

la fia. C’est peut-être de cette manière d’exécuter les antiphones quedérive l’antienne monastique romaine, chantée seulement au débutet à la fin des psaumes de l’office.

Les antiphonae en l’honneur de la Sainte Vierge (Alma Redempto- ris, Ave Regina, Regina coeli. Salve Regina), qu ’on chante à la fin desheures, soiit peut-être l’exemple romain d’un tropaire qui a perdu safonction de refrain.

 Les responsoria du nocturne romainExaminons ici les responsoria rofnains qui suivent les lectures

du nocturne. Quant à leur fonction, ils correspondent aux tropaires byzantins appelés cathismata (70).

Leur texte, d’ailleurs, n’est ordinairement pas psalmique, maisde composition ecclésiastique, en quoi ils correspondent encore auxtropaires byzantins. Ce fait empêche de les placer, malgré l’identitéde nom, dans la même catégorie que le responsorium  (graduel) de lamesse.

Leur exécution, qui comporte la répétition de la clausula aprèsun stique (versus), est égale à celle du tropaire et du cathisme byzantin,selon les exemples cités ci-dessus.

Ces trois ressemblances nous obligent donc à identifier le responsorium  romain avec le tropaire-cathisme byzantin. Il reste la questiondu nom. Pourquoi ces tropaires sont-ils appelés responsorium?  Nouscroyons trouver la réponse à cette question dans le fait qu’en Palestinele tropaire était appelé hypacoè  (= responsorium).  L’office romainaurai t conservé cette ancienne dénomination du tropaire. D ’ailleurs, puisque le responsorium romain n’est pas terminé, sinon exceptionnellement, par le Gloria Patri, on doit admettre que le chant de ces compositions était responsorial, non antiphoné.

Finalement, le verset, qui dans le tropaire byzantin est psalmique,dans le rite romain est devenu une composition ecclésiastique.

 Les trois antiphones

Dans l’ancien office de Constantinople, le chant de trois psaumesantiphonés .se succédant (trois antiphones) était très fréquent. Lestrois antiphones qu’on chantait à vêpres étaient appelés, du moins

(70) Leur place dans l’office est légèrement différente. Chaque nocturne romain dispose ses éléments en cet ordre : psalmodie, lectures (suivies chacune d’un 

 responsorium)·, chaque nocturne byzantin les dispose ainsi : psalmodie, prière, cathisme 

(=  responsorium),  lecture. Cf. J. Mateos, Quelques problèmes de l'orthros byzantin, dans  Proche-Orient Chrétien  XJ (1961), p. 23.

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26 INTRODUCTION

depuis le Xe siècle, les «petits antiphones» (71). Selon Syméon de Thés·salonique, cette dénomination était due au fait que les psaumes étaientréduits à quatre versets (72).

La succession de trois antiphones à la façon constantinopolitaineest inconnue des offices byzantins d ’origine palestinienne (73).

C. Les antres genres de psalmodie

Le  psaume directané   (en grec : κοινώς ψάλλειν) est chanté par toute une communauté à la fois. On ne trouve pas à la liturgieeucharistique des psaumes exécutés ainsi. A l’orthros, l’hexapsalmosdu début, selon les anciens typica, était chanté p ar tou te la communautédes moines (74).

Le  psaume de méditation  est chanté ou récité lentement par unsoliste, tandis que les assistants méditent les paroles inspirées. Cettemanière de faire est propre aux offices monastiques et réservée à la

 psalmodia currente psalterio (c.-à-d. la récitation des psaumes selon leurordre numérique) du soir et de la nuit. Elle a ses racines dans l’ancienneEgypte (75). En pratique, de nos jours, ce sont souvent deux solistesqui récitent alternativement les psaumes de méditation.

 Deux chœurs peuvent aussi réciter les psaumes, alternant les versets. Cette façon, courante dans la pratique chorale de l’Occident,était probablement pratiquée dans les communautés basiliennes (76) etdans le monastère de Stoudios (77). Cependant, elle ne semble pas être prévue par les Typica, qui suivent la tradi tion de Palestine.

(71) Cf.  Le Typicon  Π , index liturgique, s.v.  antiphonon  II A e.

(72)  De Sacra Precatione  348 (PG 155, 632 Q.

(73) Les trois antiphones des anabathmoi (psaumes graduels), dans l’orthros du dimanche, sont un élément constantinopolitain intercalé dans l’office palestinien. 

Cf. l’article cité Quelques problèmes,  pp. 208-210.

(74) Typicon ms. Saint-Sabas n° 1096, XIIe s. (Dmitrievskij, Opisanie Ι Π , 24) :

ψ ά λ λ ο μ ε ν xoivffls έ ξ ά ψ α λ μ ο ν .  Euckologe ms. Sinai   «° 973, XIIe S. (Opisanie  Π , 

88) : κ α ί ε &9·ΰ ς à λ α ό ς έ ρ χ ο ν τ α ι (sic)  τ ό ν έ ξ ά ψ α λ μ ο ν .

(75) Cf. Cassien,  De Instit.   Π , 12 (Petschenig, 27).

(76) Cf. J. Mateos,  L'office monastique à la fin du IV? siècle  :  Antioche,  Palestine, Cappadoce,  dans Orlens Christianus  47 (1963), p. 83.

(77) Cf. S. Théodore Studite, catéchèse 99, dans A. M ai,  Nova Patrum 

 Bibliotheca  IX, Rome 1888, pp. 230-31.

CHAPITRE I

LA SYNAPTIE ET L’ORIGINE DES TROIS ANTIPHONES

Préliminaire : Déroulement actuel de cette partie de la liturgie

Au IVe siècle, selon le témoignage de saint Jean Chrysostome,le peuple et le clergé entraient à l’église sans solennité pour célébrerla divine liturgie. A l’intérieur de l’église, l’évêque, avant de monterà son siège, saluait le peuple en disant : Paix à tous.  Ensuite ons’asseyait pour écouter les lectures.

Voici les textes de Chrysostome qui se réfèrent à ce début de la

liturgie :

L’église est la maison commune de tous, et vous nous précédez 

lorsque nous y entrons... C’est pourquoi, en entrant nous souhaitons immédiatement la paix à tous en général, selon cette loi-là (1).

Lorsque le père (= l’évêque) entre, il ne monte pas à ce trône avant de vous avoir souhaité la paix à tous (2).

C’est pourquoi, recevez-nous alors avec amour, lorsque nous entrons  

vers vous, et lorsque je dis :  Paix à vous,  répondez :  Et à ton esprit  (3).

Lorsque le président (é ρ ο ε σ τ ώ ς ) de l’assemblée ( τ7)ς έ κ κ λ η σ ί α ς ) entre, il dit :  Paix à tous (4).

(1)  In Mt.   32 (33), 6 (PG  57, 384). La loi à laquelle Chrysostome faitallusion est celle que le Seigneur établit en Mt 10, 12-13 : «En entrant dans la

maison, saluez-la : si cette maison en est digne, que votre paix descende sur elle».  

Le pluriel employé par Chrysostome : «nous vous souhaitons la paix», indiquerait que chaque membre du clergé, outre l ’évêque, saluait le peup le; en effet, les homélies in Matthaeum furent prononcées à Antioche (vers 390), comme il appert de ce passage 

de l’homélie 7, 7 (PG  57, 81) : «Votre ville fut la première à employer le nom de chrétiens». Chrysostome n’était donc pas encore évêque.

(2)  Adv. Iudaeos 3, 6 (PG  48, 870).

(3)  In Mt. 32 (33), 6 (P G  57, 385).

(4)  In Col.  3, 4 (PG  62, 323).

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28  CHAP. I ! SYNAPTIE ET ANTIPHONES

La salutation Paix à tous  dont parle Chrysostome correspondsans aucun doute à celle qui, encore aujourd’hui chez les Slaves etles Roumains, précède le prokeimenon.   Chez les Grecs et les Melkiteselle a disparu à une date assez récente (5).

Mais, avant cet ancien début, il y a actuellement toute une sériede pièces liturgiques, dont la première est une bénédiction initialeet la dernière le chant du trjsagion. Nous voudrions les étudier endes articles successifs, pour déterminer, autant que possible, l’époquede leur apparition, leur rôle primitif et l’évolution qu’elles ont subie

avant d ’arriver à prendre la place qu’elles occupent dans la structureactuelle.

Voyons d ’abo rd en détail quelles son t ces pièces.

La liturgie commence à haute voix par une bénédiction :  Béni soit le règne du Père et du Fils et du Saint-Esprit, en tout temps, maintenant e t à jama is pour les 'siècles des siècles,  prononcée par le

 prêtre à la suite de l’invitation :  Bénis, maître,  dite par le diacre.

Le diacre propose ensuite les intentions de la litanie de la paix(ειρηνικά) ou grande synaptie (6).

Le chœur chante trois psaumes antiphonés, appelés «antiphones»chacun précédé d’une prière sacerdotale dite en secret. La première

 prière est dite pend ant la récitation de la grande synaptie, la deuxièmeet la troisième pendant que le diacre récite une abréviation de la grandesynaptie, appelée «petite synaptie».

Pendant le chant du troisième antiphone, on fait une procession,appelée actuellement «la petite entrée». Le clergé sort du sanctuaire

 par la porte du nord, un diacre p orta nt le livre des évangiles; si l’évêquecélèbre et se trouve à l’ambon au centre de l’église, il rejoint la procession, et l’on entre de nouveau au sanctuaire par la porte centrale.

Avant d’entrer, l’évêque ou le premier des célébrants récite àvoix basse une prière, appelée «prière de l’entrée», et il baise le livredes évangiles que lui présente le diacre. Celui-ci élève le saint livreen faisant avec lui un signe de croix et dit : Sagesse, debout   ! On

chante le verset de l ’entrée (είσοδικόν) et on entre au sanc tuaire.

(5) Elle apparaît dans l ’édition de Doucas (a. 1526), cf. C. A. Swainson,

The Greek Liturgies,  Cambridge 1884, p. 116. Au XVIIIe siècle, elle manque dans

les euchologes de Nicolas Saros, éditions de Venise 1745 et 1776, mais elle existe

dans l ’édition bilingue d’Antoine Bortoli (Venise 1775), p. 19.

(6) La synaptie ou litani e de la paix est appelée par les Slaves «ecténie»,

et les petites synapties «petites ecténies». Cela porte à confusion. Il faut réserver

la dénomination «ecténie» (= sugubaya) uniquement p our la litanie qui suit l’évangile,

en conformité avec le texte grec.

§ 1. LA GRANDE SYNAPTIE 29

Le chœur chante alors plusieurs tropaires où l’on commémorela fête ou la solennité du jour . Aux grandes fêtes, l’évêque encensel’autel tout autour.

Pendant le chant des tropaires, le célébrant récite la' «prière dutrisagion» (7) et, après qu’il a prononcé l’eephonèse, le chœur chantele trisagion. Pendant ce chant, les célébrants baisent l’autel et vont àl’abside, où ils se placent devant leurs sièges, pour s’y asseoir pendantles lectures.

Dans ses grandes lignes, cette partie introductoire se présentedonc ainsi :

Bénédiction initiale

grande synaptie — prière du 1er ant iphon e — eephonèse

 premier antiphone

 petite synaptie — prière du 2e antiph one — eephonèse

deuxième antiphone

 petite synaptie — prière du 3e antipho ne — eephonèse

troisième antiphone — prière de l’entrée

. entrée — tropaires

 prière du trisagion — trisagion — montée à l’abside

§ 1. La grande synaptie

Selon ce que nous venons de dire, il y a dans cette partie de laliturgie trois synapties ou litanies : la grande synaptie et les deux petitessynapties, chacune avant un antiphone. Ces litanies, sont-elles deséléments anciens à cet endroit?

Commençons par la grande synaptie : c’est depuis une époquerelativement récente que cette litanie occupe sa place actuelle. AuxIX-Xe siècles elle était récitée après l’entrée, avant le trisagion, de tellesorte que la prière du trisagion était dite pendant la récitation de lasynaptie (8), et que cette litanie éta it appelée «synaptie du trisagion»ou «aitisis du trisagion» (9).

(7) Ainsi chez les Slaves et les Roumains. Les Grecs et les Melkites la

récitent pendant le chant de l’hymne, en sorte que l’ecphonèse est séparée de la prière

et pronon cée à haut e voix avan t le trisagion. Le raison en est que le clergé grec et

melkite participe davantage au chant des tropaires et des contakia.

(8) Cod. Grottaferrata Γ. β. VII (324) (Xe s.);  Leningrad  226 (— Euchologe

de Porphyre) (Xe s.), éd. N. Krasnoseltsev, Svedenija o njekotorych Uturgieskich rukopisjach Vatikanskoj Biblioteki,  Kazan 1885, p. 286;  Le Typicon de la Grande 

 Eglise (Xe s.), éd. J. Mateos (t. I, Rome 1962; t. II, Rome 1963), cf. Index liturgique,

II, 297.

(9) «Synaptie du trisagion» par le Typicon de la Grande Eglise, cf. ibid.; 

«aitisis du trisagion» par le cod.  Leningrad   22 f, ibid.,  p. 285.

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30 CHAP. I : SYNAPTIB ET ANTIPHONES

Elle apparaît aussi, après l’entrée, dans un ms. du XIe siècle deGrotta ferrata (10) et dans le Paris grec 330 (XIIe s.) (11). Constantinopleconserve cette pratique au XIIe siècle, comme l’attestent le cod. d'Isidore Pyromalos  (12) et le typicon de l'Evergétis (13).

Cependant, déjà au XIe siècle, le transfert avait commencé; nousavons comme premiers témoins de ce transfert la traduction arabe

 publiée par C. Bacha, qui prescri t la synaptie d ’abord au début et puisavant le trisagion, et la traduction géorgienne publiée par A. Jacob,qui fait de même, bien qu’à la seconde récitation on omette quelques

demandes (14). A la même époque, le Grott afer rata Γ . ß. II (319) place la synaptie seulement au début (15).

L’ancienne coutume survit cependant au XIIe siècle, aussi biendans certains mss. italo-grecs (16) que dans le diaconat cod. Sinaïtique grec  1040, qui prescrit la récitation de la grande synaptie avant le trisagion dans la liturgie de s. Basile et au début dans celle de Chrysos-tome (17).

Depuis le XIIIe siècle la synaptie occupe définitivement sa placeactuelle. Les exceptions sont rares et prescrivent l’ancienne pratiq ueseulement en certains jours de l’année, p. ex. le typicon du monastèreitalo-grec de Mili (1292) (18), ou celui de la cathédrale de Bovo enCalabre (1552) (19).

 Notons que la récitat ion de l a synaptie entre l ’entrée et les lectures

a un parallèle dans les rites arménien (après le trisagion) et ambrosien(après l’entrée les dimanches de Carême).

(10) Cité par Goar,  Euchologe,  2e éd., Venise 1730, p. 150, note x.

(11) Voir, pour toute cette question, A. Strittmatter,  Notes on the Byzantine Synapte,  dans Traditio  X (1954), pp. 85-108.

(12) Cf. Goar, Euchologe, éd. citée, pp. 153-56.

(13) Ed. A. Dmitrievskij, Opisanie liturgiceskich rukopisej I,  Kiev 1895, pp.

256-655. Ce typicon prescrit explicitement la récitation de la synaptie avant le

trisagion, maintes fois, au cours de l’année: 24-XII, p. 355; 29-XII, p. 367; 5-tI, p. 379;

25-III, p. 432; 6-VIII, p. 481; Jeudi Saint (après la troisième prophétie)!, p. 549;

Samedi Saint, p. 555; dim anche de Pâques, p. 559. Il indique aussi que cela était la pratiq ue ordina ire; voici, en effet, la remarque qui appa raît le 5-1, pou r le cas o ù ce

 jou r to mbai t un samedi o u un dimanche et qu e le soir on ne célébrait pas la Liturgie,mais un office de lectures : «On ne dit pas la synaptie du trisagion, car on n’accom

 plit pas la Liturgie» (p. 381).

(14) Version arabe, dans Chrysostomica,  Rome 1908, pp. 418-19; versiongéorgienne, dans  Le Muséon  LXXVII (1964), pp. 93-94.

(15) Ed. S. Muretov, Kmaterialam dlja istorij cinoposljedovanija Litnrgij, 

Sergiev Posad 1895, p. 3.

(16) Vat. gr.  1863, cf. Strittmatter, art. cité, p. 96.

(17) Opisanie  Π , 133.

(18) Vat. gr.  1877; Strittmatter, art. cité, p. 104.

(19)  Barb. gr.  359; Strittmatter, art. cité, p. 105, note 88.

§ 2. LES PETITES SYNAPTIES 31

Il ne faudrait pourtant pas penser que la grande synaptie aiteu sa place primitive avant le trisagion. Par rap por t aux IV-Ve siècles,il y a eu déjà un déplacement. Dans les Constitu tions Apostoliques (20),chez s. Jean Chrysostome (21) et dans les autres documents de cetteépoque, la grande synaptie ou une litanie équivalente apparaît, sansexception, après les lectures et le renvoi des catéchumènes. Chez lesSlaves, elle est récitée encore, un peu abrégée, entre la première et ladeuxième prière des fidèles. De nombreux mss. grecs témoignentaussi de la récitation de la grande synaptie à cet endroit, en entier (22)ou abrégée (23).

§ 2. Les petites synapties

Quant aux petites synapties, leur formulaire est composé del’invitation initiale et de la dernière demande de la grande synaptie.Souvent, comme il arrive ici, on y ajoute l’exhortation : Faisant  mémoire de Notre-Dame, etc.',  dans les petites synapties, qui accom

 pagnent les prières des fidèles, cette addit ion n’a pas lieu. Au Xe siècle,cette forme de litanie abrégée existait déjà, mais sans qu’elle fut nommée petite synaptie (24). A Constantinople , le Typicon du Xe siècle n ’yfait pas allusion (25). Certains documents appe llent «irénica» aussila petite synaptie (26).

A notre avis, la petite synaptie n’est que le développement deVoremus diaconal avant une prière. Nous savons, en effet, que Y or emus qui précède les oraisons romaines comprend ordinairement dans lerite byzantin, non seulement le mo t : Prions, mais la formule : Prions le Seigneur.  Cette formule simple, avec réponse (Kyrie eleison)  ousans réponse du peuple, dans d’autres cérémonies liturgiques, est souventsuivie de la seule prière sacerdotale , lorsque celle-ci est prononcée à

(20) Vin , 10; Funk 588-92.

(21)  In  2 ad Cor.  18, 3 (PG 61, 527); in Matth.  71 (72), 4 (PG 58, 660).

(22)  Leningrad  226 (Xe s.), Krasnoseltsev, Svedenija,  210-12; Sinait. gr.  1040

(XII s.),  Dmitrievskij, Opisanie  Π , 133, 135; Sinait, gr.  1020 (Χ Π -Χ Π Ρ s.), ibid.,  141.

Cf. Strittmatter, art. cité, pp. 65-69. Encore, dans la traduction géorgienne publiée

 par A. Jacob.(23) La synaptie abrégée appa raît d’abord dans la Liturgie des Présanctifiés :

 Barb. gr. 329 (XI* s.); dans les mss. du XIIe s. Γ. β. VIII, Barb. gr. 345, Vat, gr.  1863;

dans le Γ. β. Χ ΙΠ (XIIIe s.) et dans le Codex Falascae Γ. β. Ill (XIVe s.). Pour la

Liturgie de s. Basile elle apparaît dans le Sinait. gr.  958 (XIe s.), Cf. Strit tmatte r,

art. cité, p. 69.

(24) Grottaferr.  Γ. β. VII ; Leningrad  226, éd. citée, p. 284. Le second ms.,

selon A. Jacob, est aussi italo-grec.

(25) Index liturgique Π , 320, s. v. synaptie.

(26) Cod. Pyromalos, dans G oar, Euchologion, p. 153; édition Doucas, dans

Swainson, The Greek Liturgies,  p. 113.

§ 2 LES PETITES SYNAPTIES 33

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32 CHAP. I : SYNAPTIE ET ANTIPHONES

haute voix (27), et, dans la liturgie elle-même, le cas se vérifie pour la prière derrière l’ambon.

L’invitation :  En paix , prions le Seigneur,  légèrement plusdéveloppée que la précédente, apparaît dans les documents soit pourintroduire la récitation d’une prière, soit pour commencer une litanie.On la trouve avant la prière de la prothèse (28), avant la prière del’entrée (29) et avant les prières du deuxième et du troisième antiphonè,et donc, comme début de la petite synaptie (30). Le ετι καί ετιinitial apparaît pour la première fois au Xe siècle dans les cod.Grottaferrata   Γ. β. VII et  Leningrad 22%  (31) et, au X Ie siècle, dansle Grottaferrata   Γ. β. II (32) et dans la traduction géorgienne citée plushaut (33).

Quelques anciens euchologes contiennent seulement les piècesque le célébrant doit réciter : ils ne présentent donc que la prière etl’ecphonèse (34); l’invitation à la prière y est sans doute sous-entendue.Dans d’autres, la petite synaptie est donnée en entier, mais la prièresuit immédiatement l’invitation du diacre (35). Dans la traductionarménienne du XIIIe siècle (36), l ’invitation initiale n ’est pas écrite,mais les autres demandes de la synaptie suivent la prière; l’on diraitque l’invitation était encore censée faire corps avec la prière et qu’onne jugeait pas nécessaire de l’écrire.

Dans d ’autres documents, la prière se détache de l’invitationet s’attache à l’ecphonèse, la précédant (37). Parfois elle apparaî tcomplètement séparée de la synaptie (38).

(27) Dans les rites du baptême, p. ex., cf.  Euchologion,  éd. Rome 1873, pp.

140-60; éd. Athènes 1927, pp. 85-102, passim.

(28)  Leningrad 226   (cf. ci-dessus, note 8).

(29) Version arabe (XI e s.) (ci-dessus, note 14); traduct ion latine de la Liturgie

de S. Basile (XIIe s.) publiée par G. Morel,  Liturgiae sive Missae Sanctorum Patrum,  

Paris 1560, p. 33.

(30) Dans les deux documents cités dans la note précédente et dans le cod.

Pyromalos,  Goar,  Euchologion,  p. 153. — 

(31) Ed. citée (ci-dessus, note 8), p. 284.

(32) L’édition de Muretov (ci-dessus, note 15) omet ce passage.

(33) Cf. ci-dessus, not e 14.

(34) Le Barb. gr.  336 (VIIIe s.), éd. F. E. Brightman,  Liturgies Eastern an d  Western,  Oxford 1896, pp. 309-344; Moscou, Publ. Bibl. gr.  15 (= Scvastianov 474)

(X-XIe s.) éd. Krasnoseltsev, Svedenija,   pp. 237-82; Vat. gr.  1970 (= codex Ros-

sanensis) (XIIe s.), éd. Swainson, The Greek Liturgies,  pp. 88-94 (dans les notes).

(35)  Leningrad  226, éd. citée (note 8); version arabe (note 14); version Morel

(note 29).(36) Publiée par G. Aucher dans Chrysostomika,  cf. pp. 376-77. L’att ri

 bution de cette traduc tion au VII Ie siècle est impossible à admettre.

(37) Version arabe (note 14); cod.  Ettenheim Munster   6 (vers 1200), éd.

R. Engdahl,  Beitraege zur Kenntnis der byz. Lit.,   Berlin 1908.

(38) Version latine de Léon Thuscus (XIIIe s.), dans Morel (note 29), pp. 59-60.

§ 2. LES PETITES SYNAPTIES 33

L’allusion à la paix peut accompagner aussi d’autres invitations, p. ex. dans la liturgie de saint Jacques :  Dans la paix du Christ, chantons (39).

L’invitation diaconale se développe encore, en certains cas, pourexprimer l’intention ou le but de la prière qui suit, p. ex. avan t la

 prière de la prothèse dans le formula ire actuel :  Au moment de la  présentation des précieux dons, prions le Seigneur   ! ou avant la prièred’action de grâces pour la communion :  Debout   !  Après avoir reçu les divins mystères... rendons grâces, comme il est juste, au Seigneur   !

qui enchaîne avec la priè re sacerdotale :  Nous te rendons grâces, Seigneur ami des hommes, etc.  En ce dernier cas on a intercalé une petite litan ie, bien que le lien entre l’exhorta tion et la prière soit évident.

Une prière donc, à moins qu ’elle ne soit la prière terminale d ’unelitanie comme la grande synaptie ou l’ecténie, est naturellement placéeentre l’invitation diaconale qui la précède et l’ecphonèse qui la termine.La place hésitante occupée par les prières du deuxième et du troisièmeantiphones dans la tradition manuscrite — parfois attachées à l’invitation,

 parfois précédant l’ecphonèse — suggère que ces prières étaien t jadis placées entre l’une et l’autre, sans que d ’autres demandes fussentintercalées.

Le prolongement de l’invitation diaconale par une litanie a puêtre causé ou occasionné par le fait que la prière, jadis prononcée àhaute voix, était devenue secrète. Pour donner au prêtre le temps determiner la prière, on aura fait suivre l’invitation primitive de formulesà peu près fixes; il en est résulté que l’ecphonèse de la prière, restéeà haute voix, semble maintenant conclure la litanie.

Conformément à ces considérations, simplifions le schéma proposéauparavant, en omettant la grande synaptie, dont la place primitivese trouve ailleurs, et les petites synapties, qui ne semblent être que desdéveloppements de l’ancienne et très simple invita tion diaconale :

Bénédiction initiale

 prière du 1erantiphone — eephonèse —'·  premier antipho ne

 prière du 2e antip hone — eephonèse — deuxième antiph one

 prière du 3e antip hone — eephonèse — troisième antiph one prière de l’entrée — entrée — tropaire s

 prière du trisagio n — trisagion — montée à l’abside

Laissant de côté le trisagion, dont nous traiterons plus tard, laconsidération de ce schéma soulève tout d’abord deux problèmes :quelle est l’origine de ces trois antiph ones? quel rapport y a-t-il entrele troisième antiphone et l’entrée?

(39) Brightman, p. 67.

34 CHAP I : SYNAPTIE ET ANTIPHONES § 3 LES TROIS ANTIPHONES 35

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34 CHAP. I : SYNAPTIE ET ANTIPHONES

§ 3. Les trois antiphones

1.  Dans le typicon de Sainte -Sophie (X e s iècle)

On sait que le rite byzantin actuel est le résultat de deux traditionsconfluentes : l’une, proprement constantinopolitaine, ayant ses racineslointaines à Antioche et probablement aussi en Cappadoce; l’autre,

 palestinienne, inspirée des offices de Jérusalem et des monas tères desalentours. L’office divin byzantin actuel appart ient à la secondetradition, depuis que l’ancien office constantinopolitain a été abandonné (40) ; par contre, la liturgie eucharistique est décidémentconstantinopolitaine et a conservé les usages de la capitale.

L’office des trois antiphones était une structure liturgique quiapparaissait fréquemment dans les célébrations constantinopolitaines (41)et on peut le considérer comme une caractéristique de cet ancien rite.Il n ’existe pas dans les offices de tradition palestinienne (42). Pou rétudier donc ces trois antiphones du début de la Liturgie, le meilleurdocument à notre disposition sera le Typicon de la Grande Eglise (43).

Ce document nous montre que la célébration de la liturgie, à part les samedis, les dimanches et les fêtes du calendrier universel ,(44),avait un caractère stational. La commémoraison d’un saint ou d’unévénement n’était donc pas célébrée dans toutes les églises de la ville;elle avait lieu dans une ou dans plusieurs églises, p. ex. dans celle qui

conservait les reliques du saint :

22-VTI, mémoire de ste Marie Madeleine :... sous Léon (VI), notre

empereur à l’heureux destin, ses saintes reliques furent déposées dans le

monastère de Saint-Lazare, fondé par lui, où chaque année on célèbre la

mémoire de la sainte, ainsi que dans le quartier de Curator, près du Taurus.

La célébration dans le quartier de Curator était due au fait queles reliques de la sainte avaient été déposées pendant quelque tempsdans l’église de la Théotocos de ce quartier avant leur transfert aumonastère de Lazare.

(40) Selon Syméon de Thessalonique, la décadence de cet office commença

lors de l’invasion des Latins; aux siècles suivants on le célébrait très rarement àConstantinople, un peu plus souvent à Thessalonique, cf.  De Sacra Precatione,  ch.

301 (PG  155, 553-56) et ch. 347 (ibid.  625 B). Après la conquête turque, il fut

abandonné.

(41) Cf. Typicon,  index liturgique, Π , 284, s. v. antiphone.

(42) La seule exception que nous connaissions est celle des anabathm oi

ou psaumes graduels antiphonés à l’orthros, mais ils sont empruntés à l’office cons

tantinopolitain, cf. J. Mateos, Quelques problèmes de i'orthros byzantin,  dans

Proche-Orient Chrétien,  XI (1961), 208-210.

(43) Edition citée (ci-dessus, note 8).

(44) Index liturgique, Π 294, s. v. heortè.

§ 3. LES TROIS ANTIPHONES 35

2-VIII, l’invention, par l’intervention d’un ange, des reliques des saints

Maxime, Dadas et Quintillien :... elles sont déposées maintenant dans

l’oratoir e de la Théotoco s du quartier de la Vigie. C ’est là que la synaxe

a lieu.

La synaxe était d’autres fois célébrée dans l’église dédiée auxsaints :

22-X, les saintes Anne, Elisabeth, Théod ote et Glycérie : cette

synaxe a lieu à leur martyrion, près de Saint-Georges, dans la Cyprière.

26-X, le saint mégalomartyr Démé trius : sa synaxe a lieu à sonmartyrion, dans la Seconde.

Parfois on célébrait des synaxes dans plusieurs églises dédiéesau même saint :

8-XI, synaxe de saint Michel archange ; elle a lieu à son sanctuaire

dans le quartier d’Addas... Cette fête se célèbre aussi sur la Colline Pointue,

dans le quartier du Sénateur près de celui d’Arcade, dans l’enceinte de

Saint-Julien-Martyr près du Forum et dans la Nouvelle Basilique.

Ce sont là des sanctuaires ou des chapelles dédiés à saint Michel,situés à des endroits différents de la ville.

Lorsqu ’il n’existait aucune église dédiée au saint, la synaxe avait

lieu dans l’église d’un autre saint :24-X, les ss. martyrs Aréthas e t ses 4.253 compagnon s ; leur synaxe

a lieu au sanctuaire de la Théotocos dans le quartier de Protais.

22-VI, les ss. martyrs Zenon et Zénas : leur synaxe a lieu à Saint-

Georges-Martyr dans la Cyprière.

Les jours d ’une certaine solennité, on allait en procession àl’église stationale; la procession partait d’une autre église et pendantle trajet on chantait un tropaire :

18-XII, -Dédicace de Notre- Dame des Chalcoprate ia : la procession

sort de la Grande Eglise, et les psalmistes entonnent sur l ’ambon le tropaire

cité plus haut :  Réjouis-toi, pleine de grâce.  La procession, à travers la

Plomberie qui est au Militaire, va aux Chalcoprateia, et elle entre au

narthex.

16-1, mémoire du s. apôtre Pierre, à l’occasion de laquelle on vénère

la chaîne qu’il porta pour le Christ Γvers la deuxième heure (du matin),

la procession sort de la Grande Eglise au chant du même tropaire : (Sans 

quitter Rome, tu t'es transporté chez nous...),  puis elle entre dans Saint-

Pierre et on dit le Gloria Patri avec  le même tropaire. Π n’y a pas d’anti

 phones, mais tou t de suite le trisagion.

29-VI, les ss. apôtres coryphées Pierre et Paul : vers la deuxième

heure (du matin), la procession sort de la (Grande) Eglise en chantant

36 CHAP I : SYNAPTIE ET ANTIPHONES § 3. LES TROIS ANTIPHONES 37

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36 CHAP. I : SYNAPTIE ET ANTIPHONES

le même tropaire : ( Princes des apôtres et docteurs de toute la terre...).  

A Saint-Pierre, lies psalmistes disent le Gloria Pqtri et Ton chante le tropaire, 

mode 1 :  De quelle prison ne connais-tu les chaînes?  Ensuite le trisagion. 

Prokeimenon, etc.

La procession s’arrêtait souvent au Forum, où l’on récitait des prières de supplication :

18-X, le saint apôtre et évangéliste Luc : sa synaxe a lieu aux Saints- 

Apôtres. A l’aurore, la procession va de la Grande Eglise au Forum et, 

après les prières qu’on y récite habituellement, elle se rend à la synaxe  

mentionnée.

26-X, mémoire de la terrible menace, le- tremblement de terre... au 

temps de Léon l’Isaurien : vers la première heure (du matin), le patriarche 

descend et il entre au sanctuaire par la porte latérale. Les psalmistes 

montent à l’ambon et, lorsque la procession se met en marche, on chante 

ce tropaire, mode 4 pl. : Toi qui regardes la terre et la fais trembler...  

Ils disent le Gloria Patri au Forum et, après les prières qu’on y dit d ’habitude, 

la procession se dirige vers le sanctuaire de la Théotocos aux Blachemes;  

les psalmistes chantent le même tropaire et y disent le Gloria Patri.  Il 

n’y a pas d’antiphones, mais tout de suite le trisagion.

La procession pouvait aussi s’arrêter dans une église intermédiaire pour y célébrer un office de trois antiphones :

7-X, mémoire du grand tremblement de terre : après l’orthros de 

la Grande Eglise, le patriarche se rend, avec la procession, à Sainte- 

Anastasie, dans les portiques de Domnin.

Là on dit trois antiphones. Le premier, ps. 119 :  Aie pit ié de nous. 

Seigneur ami des hommes, et Sauve-nous, â Christ notre Dieu.  Le deuxième 

ps. 120 :  Par les prières de la Théotocos.  Le troisième, ps. 121 :  Alleluia 

simple. Après le troisième antiphone, on dit la prière du trisagion, et 

ensuite les psalmistes commencent sur l’ambon le tropaire processionnel, 

mode 2 pl. :  Pitié pour nous Seigneur, pitié pour nous.

La procession se rend au Forum, et les psalmistes chantent le Gloria 

 Patri.  Le diacre dit la grande ecténie, et les psalmistes commencent le 

tropaire, mode 1 pl. :  Les miracles de. tes saints m artyrs...

Lorsqu’on arrive à Saint-Serge dans le Nouveau Palais, ils chantent 

le Gloria Patri de  ce  tropaire. Il n’y a pas d’antiphones, mais on dit tout 

de suite le trisagion.

Dans d’autres occasions, l’office de trois antiphones était chantéau Forum :

ll-V, le  dies natalis  de cette ville royale : vers la première heure 

(du matin), le patriarche descend et il entre au sanctuaire par la porte 

latérale. On dit la prière du trisagion et les psalmistes entonnent sur l’ambon 

le même tropaire :  La Ville de la Théotocos.

§ 3. LES TROIS ANTIPHONES 37

La procession monte au Forum et l’on dit la prière (de l’antiphone).  

1er antiphone, ps. 45 :  Par les prières de la Théotocos.  2e antiphone, 

ps. 46 :  Alleluia double vespéral. 3e antiphone, ps. 47, tropaire, mode 4 : 

Toi, réellement et vraiment Mère de Dieu.  Ensu ite, le patriarche récite 

les prières habituelles et dit :  Paix à tous.  (Ensuite le prokeimenon, 

la lecture des Actes, l ’alleluia, l’évangile). Le diacre dit ensuite la grande 

ecténie, et les psalmistes, avec la procession, entonnent le tropaire, mode 

4 pl. :  Délivre, Seigneur, notre Ville, Oeil du monde, de toutes tes jus tes 

 menaces...

Lorsque la procession revient à la (Grande) Eglise, les psalmistes disent le Gloria Patri.  Il n’y a pas d’antiphones, mais tout de suite le trisagion.

Dans ce passage du Typicon apparaît une distinction nette entrele tropaire du troisième antiphone (Toi, réellement et vraiment Mère de Dieu) et le tropaire processionnel (Délivre, Seigneur, notre Ville). C’est ce  dernier qui sert de chant d’entrée à l’église.

Une célébration semblable avait lieu le 1er septembre, début del’année civile :

A la Grande Eglise, le matin après l’orthros, le patriarche descend  

et entre par la porte latérale au sanctuaire, où il récite la prière du 

trisagion. Les psalmistes, sur l'ambon, entonnent, au lieu d’un tropaire 

de procession, le trisagion, et ils chantent le Gloria Patri  au Forum.

Ensuite on récite la prière de l’antiphone. 1er antiphone, ps. 1 : 

Secours-moi, Seigneur. 21  antiphone, ps. 2 :  Alleluia  vespéral double. 

3e antiphone, ps. 64, tropaire, mode 3 :  Refuge et force.  Lorsqu’on 

'termine le troisième antiphone, le patriarche récite les prières habituelles,  

et ensuite on d it le prokeimenon (apôtre, alleluia, évangile). Après l’évaiigile, 

le diacre dit la grande ecténie et la procession revient.

Les psalmistes chantent le tropaire :  Artisan de la création entière,

cité plus haut. La procession s’achemine vers les Chalcoprateia et les 

psalmistes y chantent pareillement le Gloria Patri.  Il n’y a pas d’antiphones, 

mais immédiatement le trisagion.

 Nous trouvons de nouveau ici la distinction entre le tropairedu troisième antiphone, qui commémorait la sainte Vierge ( Refuge et  

 force)  (45) et qui n’était pas processionnel, et le tropaire de procession(Artisan de la création)  (46), pour le début de l’année, qui servait dechant d’entrée à l’église.

En résumant donc les données du Typicon que nous venons deciter, on constate l’existence d’une liturgie stationale; souvent on allait

(45) Ce tropaire se trouve dans les Horologia actuels comm e théotokion- 

apolytikion pour l’orthros du jeudi (3e mode); éd. Rome 1937, p. 796.

(46) Chanté toujours au 1er septembre;  Horologion,  éd. Rome, p. 299,

38 CHAP. I: SYNAPTIE ET ANTIPHONES 39§ 3 LES TROIS ΑΝ ΤΙPHONES

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CHAP. I: SYNAPTIE ET ANTIPHONES

à la station processionnellement, au chant d’un tropaire qui servaitd’antiph one à un psaume. Lorsqu ’on arrivai t à l’église où avait lieula synaxe, les psalmistes chantaient le Gloria Patri,  qui indiquait la fin

 psaume, et l’on chantait encore le tropai re, qui servait ainsi de chantd’entrée; immédiatement on entonnait le trisagion et l’on commençaitles lectures.

Parfois la procession faisait un arrêt au Forum, et le patriarchey récitait des prières de supplication (47).

D ’autres jours, la procession entrait dans une église où Ton

chantait un office de trois antiphones . La procession se rendait ensuiteau Forum, au chant d’un tropaire, l’on y récitait la grande ecténie etde nouveau, au chant d ’un autre tropaire, on arrivait à l ’église stationale,où l’on commençait la liturgie par le trisagion.

Aux jours les plus solennels, l’office de trois antiphones étaitchanté au Forum, et était suivi d’un office de lectures. La processionse rendait ensuite, au chant d’un autre tropaire, à l’église stationale,et l’on commençait par le trisagion.

L’on voit donc que les trois antiphones étaient destinés à êtrechantés, non à l’église, mais en dehors, et seulement dans certaines

 processions plus solennelles. Ce qu ’on appelle main tenant «la petiteentrée» n’était donc autre chose que l’entrée à l’église du peuple et du

clergé, soit comme terme d’une procession, soit sans procession préalable.Cet état de choses est bien exprimé dans la prière de l’entrée que lesanciens manuscrits italo-grecs (48) assignent à la liturgie de Chrysostome :

Bienfaiteur et Artisan de la création entière, accueille l’Eglise qui

entre, accomplis ce qui convient à chacun, porte-nous tous à la perfection et

rends-nous dignes de ton royaume : par la grâce, la miséricorde et l'amour

 po ur les hommes de ton Fils Unique, avec lequel tu es béni...

Pourtant, déjà au Xe siècle, dans le même Typicon de la GrandeEglise, on constate que les dimanches et les autres jours de Liturgienon stationale on faisait précéder la Liturgie d’un office de trois anti

 phones célébré dans l’église même. L’ancienne procession où le peupleentra it dans l ’église avec le clergé se rédui t alors à l ’entrée du patriarche

à l’église. Cependant la distinction reste encore très nette entre lesantiphones chantés avan t l’arrivée du p atriarche et le déb ut de la liturgie,qui coïncide avec l’entrée de celui-ci pendant le chant du troisième.

Lorsque les antiphones étaient chantés au Forum, le tropairedu troisième antiphon e était différent de celui de la procession quisuivait. Lorsqu’on chantait les antiphones à l’église, avant la liturgie,

(47) Pou r le texte de ees prières, cf. Typicon II,  202.

(48)  Barb, grec  336 (Brightman, p. 312); pareillement, le cod.  Leningrad  266et des mss. inédits de Grottaferrata.

39§ 3. LES TROIS ΑΝ ΤΙPHONES

le troisième antiphone était en même temps le chant d’entrée. Aussi,deux prières y sont rattachées, celle du troisième antiphone et cellede l’entrée.

Au 1er septembre, le Typicon présente le cas d’un même tropairechanté à la célébration stationale comme chant de procession et àla célébration non stationale au troisième antiphone. Pour bien com

 prendre le passage qui va être cité, il faut tenir compte de l ’enchevêtrement de célébrations propre au 1er septembre. En ce jou r, en effet,on fêtait d ’abord le début de l’année civile (49) (tropa ire ;  Artisan de 

la Création),  puis la mémoire de la Théotocos des Miasenoi, pour laquelleon faisait la station à Notre-Dame des Chalcoprateia, finalement cellede s. Syméon le Stylite (tropaire : Tu as été une colonne),  qui avaitlieu à la Grand e Eglise (50). Depuis le Forum jusqu’à l’entrée dans

 Not re-Dame des Chalcoprateia, la procession chantait le tropai re Artisan de la Création.  Or, le même tropaire, ensemble avec celuide s. Syméon, est prescrit pour le troisième antiphone à la Liturgiede la Grande Eglise :

Après l’évangile (au Forum), le diacre dit la grande ecténie et la

 procession revient. Les psalmistes chantent le tropa ire :  Artisan de la création entière,  cité plus haut. La procession s’achemine vers les Chal

coprateia et les psalmistes y chantent pareillement le Gloria Patri.  Il n’y a

 pas d’antiphones , mais immédiatemen t le trisagion. Prokeimenon, etc.

A la G rande Eglise, on chante trois antiphones ; au troisième onchante les deux tropaires écrits auparavant : Tu as été une colonne  et

 Artisan de la création.  Prokeimenon, etc.

Une juxtaposition des deux usages — stational et ordinaire —est visible dans l’ordo du lundi de Pâques. Avant le départ de la

 process ion o n chanta it trois antipho nes ; la procession av ait son tropai re propre , mais ensuite, arrivés à l’église stationale , on chantait encore,avant la liturgie, les trois antiphones du dimanche de Pâques :

Après l’orthr os il n’y a pas de lecture, mais tout de suite la prière et

les antiphones. Les antiphones sont au nombre de trois, et on les chante

sur la soléa. 1er antiphone, ps. 119 :  Aie pit ié de nous. Christ notre Dieu. 

2e antiphone, ps. 120 : Par les prières de la Théotocos.  Troisi ème, ps. 121 :

 Alleluia  simple vespéral, d’affilée, jusqu’à ce que le patriarche entre ausanctuaire par la porte latérale. Alors, l’archidiacre dit au lecteur : Paix à toi,  et le diacre dit une prière synaptie. Les psalmistes montent à l’ambon

et entonnent le tropaire :  Le Christ e st ressuscité des morts, et la procession

sort.

(49) Au Xe siècle, le début de l’année ecclésiastique était le 23 septembre,

cf. Typicon  I, 55.(50) Il faut noter encore que le trisagion était chanté comme tropaire péni-

tentiel de procession (Typicon  I, 6), à cause, sans doute, de la commémoraison de

l’incendie qui avait eu lieu 1er septembre.

40 CHAP. I! SYNAPTIE ET ANTIPHONES§ 3. LES TROIS ANTIPHONES 41

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40

Les psalmistes, avec la procession, disent le Gloria Patri  au Forunv

le diacre dit la grande ecténie et- le patriarche récite la prière. Ensuite on

se rend aux Saints-Apôtres, où les psalmistes disent de nouveau le Gloria Patri.

Après le Gloria Patri,  prière, les trois antiphones du dimanche de

Pâques et le reste. Au lieu du trisagion : Vous qui avez été baptisés dans

le Christ.

2.  Dans deux documents du XI Ie siècle

L’exécution des antiphones à Constantinople est illustrée parle ms. d ’Isidore Pyromalos (XI Ie siècle), qui suit l’ordonnance de laGrande Eglise (51). Dans ce document, aucune mention n ’est faitede la bénédiction initiale; l’office de trois antiphones est célébré endehors du sanctuaire. Le patriarche se trouve au diaconicon, il entreà l’église à un moment non précisé de l’office et siège sur le trône d’en bas, dans la nef, en attendant le moment de monter au sanctuaire :

Avant l’arrivée du patriarche, les prêtres et les diacres qui concélèbrent

entre nt dans la nef. Se tenant tous devant les portes saintes, le premier

des prêtres, s'inclinan t, récite en secret cette prière : (prière du premier

antiphone avec son ecphonèse, tout en silence).

Les psalmistes chantent trois ou quatre versets du psaume.  Il est bon 

de rendre grâces au Seigneur   (ps. 91).

Le diacre, derrière eux, montant à la deuxième marche de l’ambon,

 pronon ce à haute voix les irénica :  En pai x prions le Seigneur  (52).

Le prêtre dit encore en secret cette prière : (prière du deuxième

antiphon e). Le diacre, à haute voix : Secours-nous, sauve-nous, etc. 

Le prêtre, à haute voix : Car à toi appartient la puissance, etc.

Les psalmistes, sur l’ambon, chantent deux ou trois versets du psaume :

 Le Seigneur règne  (ps. 92), avec  Alleluia et Gloria Patri.  Après le Gloria, 

le prêtre dit : O Fils unique.

Le diacre, à sa place habituelle, dit :  En paix prions le Seigneur. 

Le peuple: Seigneur, aie, pitié.  Le prêtre, à voix bass e: (prière du

troisième antiphone). Le diacre : Secours-nous, etc.  Le prêtre, à hautevoix : Car tu es un Dieu bon, etc.

Les psalmistes chantent : Venez, crions de joie pour le Seigneur  (ps. 94).

Stichère : Sauve-nous, Fils de Dieu, ressuscité d'entre les morts. Alleluia.

(Ensuite a lieu l'entrée du patriarche au sanctuaire et la récitation de

la grande synaptie).

(51) Edition dans Goar,  Euchologion,  pp. 153-55.

(52) Notons que la petite synaptie est appelée irénica,  comme la grande

synaptie, et que la première exhortation diaconale ne commenceras par ΙτικαίIxt.

Ce manuscrit représente l’usage de la Grand e Eglise. Les prêtreset les diacres se tenaien t sur la soléa, devant les portes du cancel. Les

 psalmistes étaient sur l’ambon, le diacre sur les marches de l’ambon.Puisque la bénédiction initiale n’existait pas et que la prière du premierantiph one était dite en secret, ecphonèse incluse, sans invitationdiaconale, c’était le chan t du ps. 91 qui ouvrait l’office. Les psaumesétaient très raccourcis et l’office lui-même était très bref.

Dans l’Euchologe de Porphyre (Xe siècle), italo-grec à ce qu’ilsemble (53), les petites synapties commençaient déjà par Ιτι καί Ιτι,mais cette formule n’est pas encore entrée dans les usages de Constantinople au XI Ie siècle. L’exhor tation : Faisant mémoire de Notre-  Dame,  etc. qui apparaît aussi dans l’euehologe de Porphyre, n’estindiquée par notre document dans aucune des deux petites synaptiesqu’il insère. Celles-ci étaient donc semblables aux petites synaptiesqui accompagnent aujourd’hui les prières des fidèles.

Le refrain pour le deuxième antiphone était alleluia.  C’étaitle prêtre qui chantait, ou peut-être qui entonnait, le tropaire: O Fils unique.

Le second document qui nous intéresse ici est l’ancienne traduction de la Liturgie de s. Basile publiée par G. Morel (54). Cedocument décrit le début de la Liturgie d ’une façon tou t à fait semblableà celle du précédent. Le Patria rche se trouvait au diaconicon où il

encensait les dons et prononçait sur eux la prière de la prothèse.Entretemps se déroulait l’office de trois antiphones :

Tunc ante adventum pontifiais intrant ecclesiam presbyter et diaconus

et, stantibus ante cancellos, dicit presbyter inclinato capite hanc orationem

secrete : (prière du premier antiphone, avec son ecphonèse, tout à voix

 basse).

Et cant ant cantores très vel quatuor versus psalmi :  Bonum est confiteri  Domino  (ps. 91).

Pour le reste, cette traduction suit de près le texte du ms. Pyromalos.Voici les différences qu’on y rencontre : il ajoute aux petites synaptiesl’exhortation : Faisant mémoire de Notre-Dame, etc.  Le stichère(qu’il appelle «antiphona») du troisième antiph one est le suivant :Salva nos, Fili Dei, qui resurrexisti a mortuis, canentes tibi. Alleluia.

Dans les deux documents que nous venons de citer, la grandesynaptie est placée après l’entrée, avant le trisagion. Ceci indiquerait

 pou r les deux une date non postérieure au XI Ie siècle.

(53) Comme nous l’avons dit plus haut, c’est l’opinion de A. Jacob, qui

étudie la tradition manuscrite de la Liturgie de Chrysostome. Le cod. Leningra d  226

( = Euchologe de Porphyre) a été édité par Krasnoseltsev, cf. ci-dessus, note 8.

(54) Pour l’édition, cf. ci-dessus, note 29.

42 CHAP, i: SYNAPTIE ET ANTIPHONES § 3. LES TROIS ANTIPHONES 43

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3.  Introduction progressive des antiphones dans la liturgie 

Aperçu historique

Depuis quand apparaissent donc les antiphones au début de laliturgie? Rappelons les textes de Chrysostome, cités au début decet article, où il décrit l’entrée de l’évêque à l’église pour célébrer lasynaxe eucharistique. Le peuple entrait devant lui, et la Liturgiecommençait par la salutation Paix à tous  adressée par l’évêque auxfidèles. Ensuite, on s’asseyait pour écouter les lectures.

Dans la Mystagogie.de s. Maxime le Confesseur, écrite vers 628-30,Üévêque entre avec le peuple à l’église, peut-être en procession, sansaucun office préalable :

L'entrée du peuple à l’église avec l’évêque signifie la conversion des  infidèles de l’ignorance et de l’erreur à la. connaissance de Dieu (55).

C’est dans le commentaire attribué au patriarche s. Germain( f 733) qu’on fait mention des antiphones' pour la première fois :

Les antiphones de la Liturgie sont les vaticines des prophètes, qui  annonçaient d’avance la venue du Fils de Dieu, en disant :  Notre Dieu est apparu sur la terre et a vécu parmi les hommes (Baruch 3, 38) et //  s'est  vêtu de puissance  (ps. 92, 1), montrant son incarnation... (56).

Dans le texte primitif du commentaire, aucune mention n’estfaite du tropaire : O Fils unique, mais le texte traduit en latin par Anastasele Bibliothécaire (869-70) contenait déjà cet hymne (57).

Le cod.  Barber, gr.  336 (VIIIe-IXe siècle) insère les prières desantiphones avant la Liturgie de Saint Basile, non pas avant celle deChrysostome. Il ne donne aucune indication sur la bénédictioninitiale, sur les petites synapties ni sur la grande synaptie. Aucunerubrique ne prescrit la récitation des prières à voix basse, mais ontrouve le titre «eephonèse» pour la doxologie.

Vers 950, le Typicon de la Grande Eglise montre que les antiphonesn’étaient pas encore considérés comme une partie intégrante de laliturgie. En effet, lorsqu’on allait en procession à l’église, ils étaient

ou simplement omis ou chantés à une station intermédiaire de la procession. En ces jours, la grande synaptie é tait dite avant la sortiede la procession. Les jours où la Liturgie n’était pas stationale, lesantiphones étaient toujours chàntés. Le patriarche, cependant, ne

(55) Ch. 9 (PG  91, 688-89).

(56) Ed. N. Borgia, Il Commentario Liturgico di S. Germano patriarca costan·  tinopoïitano e la versione latina di Anastasio Bibliotecario, Grottaferrata 1912, n° 23, 

p. 21.(57)  Ibid.,  n° 32 (latin), p. 21.

faisait son entrée à l’église que pendant le chant du troisième antiphoneLa grande synaptie était alors placée avant le trisagion.

Ces usages de la Grande Eglise étaient encore en vigueur auXIIe siècle (58). L’office des trois antiphones était célébré en dehorsdu Sanctuaire, le patriarche absent, et sans bénédiction initiale. La

 première prière était dite à voix basse, sans invitation diaconale, dofaçon que pratiquement c’était le chant du ps. 91 qui ouvrait lacélébration.

Ce sont les documents italo-grecs, depuis le Xe siècle, qui présentent

les premiers la bénédiction initiale et les petites synapties accompagnantles prières des antiphones (59); la deuxième et la troisième synapti ecommençaient par Ιτι καί Ιτι (60). La grande synaptie était encoredite avant le trisagion, sous le titre de αΐτησις τοϋ τριοαγίου (61).

Au début du XIe siècle, dans l’Italie byzantine comme partoutailleurs; la grande synaptie était récitée avant le trisagion (62). Aumême siècle, cependant, nous trouvons des témoins où la grande synaptiea été transférée à sa place actuelle avant le premier antiphone, soit enl’omettant complètement avant le trisagion (63), soit en conservant ladouble récitation (64). Cependant, plusieurs mss. italo-grecs du XIIesiècle (65) conservent la synaptie avant le trisagion, même si parfoison l’avait récitée une première fois avant le premier antiphone. AuXIIIe siècle, l’ancien usage est en vigueur seulement en certains jours

de l ’année (66).Dans le territoire syro-palestinien, les premiers témoignages

du transfert de la synaptie remontent aussi au XIe siècle (67), maisconservent la double récitation de la synaptie, et avant le premierantiphone et avant le trisagion. Au XIIe siècle, on commence à l’omettreavant le trisagion (68). Au XIIIe siècle se généralise l’usage de la réciterseulement au début de la liturgie, avant le premier antiphone.

Etapes du changement

Dans l’aperçu historique qui précède, on constate l’absence destrois antiphones au temps de s. Maxime (VIIe siècle) et leur présence

au temps du patriarche s. Germain (VIIIe siècle).

(58) Cf. le paragraphe de cet   article

(59) Mss. cités ànote 24.

(60) Cf. note 31.

(61) Ci-dessus, note 9. (62)

(63) Cf. note 15. (64)

(65) No te 16. (66)

(67) Note 14. (68)

Cf. note 10. Note 14. Note 18. Note 17.

44 CHAP. I : SYNAPTIE ET ANTIPHONES45

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D’autre part , encore au Xe siècle il existait des jours sansantiphones et d’autres où le chant des antiphones se faisait en dehorsde la liturgie, pendant une procession de caractère plutôt pénitentiel.Les jours sans antiphones, il y avait au moins un tropaire processionnelqui servait de tropaire d’entrée à l ’église. Ce tropaire existait aussi,indépendamment des antiphones, les jours où ceux-ci étaient chantésau Forum ou ailleurs.

On peut donc se demander: les trois antiphones avant la Liturgieordinaire, apparaissent-ils tout d’un coup, comme un office tout fait

qu’on place avant le début, ou bien sont-ils le développement d’unchant d’entrée déjà existant? En d ’autres termes : avant le VIIIe siècle,chantait-on, les jours ordinaires, sans procession, un psaume avec tropaire pendant que le clergé ou bien le peuple avec le clergé entraient à l ’église?

 Nous le pensons. Il nous semble que, depuis une certaine époque,on a fait l’entrée à l’église au chant d’un psaume adapté à la fête,accompagné d’un tropaire commentant le mystère qu’on célébrait.C’était le parallèle exact de l’introït romain; d’autre part, il n’est pasimpossible que la récitation de la synaptie après l’entrée soit à l’originedu Kyrie eleison  occidental.

Ensuite, imitant les offices de trois antiphones existant aux stationsdes processions, on a placé avant l’ancien psaume d’entrée deux autres

 psaumes, généralement sans rapport avec la fête, accompagnés derefrains de çommuni.  Cette conclusion est confirmée par l ’analysedu formulaire concret des antiphones qui fera l’objet d’un autre article;elle sera encore approfondie lorsque nous traiterons du rôle du trisagiondans la liturgie.

Raison du changement

Mais quelle a pu être la raison qui a porté à faire précéderl’entrée de ces deux psaumes ? Il est fort probable que ce développementa été en rapport avec le transfert de la préparation des oblats à sonendroit actuel, avant la liturgie. Ce transfert a eu lieu, en effet, à lamême époque que l’addition des antiphones.

Dans la Mystagogie de s. Maxime, aucune allusion n ’est faiteà une prépara tion des dons avant la liturgie. Bien plus, l’entréesimultanée du peuple et de l’évêque à l’église exclut une telle possibilité.Si donc ailleurs s. Maxime parle de la «prothèse du précieux Corps etSang du Seigneur», cette prothèse, si elle se réfère vraiment à la

 prépara tion des dons (69), doit être placée immédiatement avant lagrande entrée.

(69) Quaestiones et dubia,  interrog. 41 (PG 90,  820 A) : τίνος χάριν έ ν  

τή προθ’έσει τοΰ τιμίου σώ ματος καί αίματος τοΟ Κ υρίου, τούς

§ 3. LES TROIS ANTIPHONES 45

Chez s. Germain, par contre, quatre paragraphes expliquent lesymbolisme de la prothèse, qui est placée avant les antiphones de laLiturgie (70). Ce fut donc peut-être pour donner le temps à la préparation des dons que deux nouveaux antiphones furent placés avantcelui de l’entrée.

Cette hypothèse est confirmée par les deux documents cités ci-dessus ( § 3. 2 ), selon lesquels le patriarche récitait au diaconiconla prière sur les dons, pendant que, dans l’église, on chantait lesantiphones.

ά ρ τ ο υ ς κ α ί τ ά ο τ ή ρ ι α α ν ί σ ο υ ς ρ ο τ ι θ ε ΐ ν Ιθ -ο ς τ ή Ε κ κ λ η σ ί α ; Il est fort possible que s. Maxime parle ici de la «présentation» des dons sur l’autel plutôt que de leur préparation.

(70) Ed. Borgia, n° 20-22, pp. 19-20.

LE FORMULAIRE ACTUEL 47

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CHAPITRE II

LES ANTIPHONES ORDINAIRES:

LEURS REFRAINS, TROPAIRES ET PRIÈRES

Après avoir traité de l’origine des antiphones,- il nous fautanalyser leur formulaire; cette étude aidera à mieux établir quelques-unes des conclusions ou des hypothèses exposées à la fin de l’article

 précéden t

D’abord nous examinerons les antiphones des jours ordinaires, puis ceux des jours de fête, où l ’on trouvera des variantes plus nom breuses selon les diverses branches du rite byzantin. Plus tard , nousdirons un mot de l'office des Typica, qui remplace parfois le chantdes antiphones.

4.  Les antiphones ordinaires

Le formulaire actuel

Actuellement, les antiphones prescrits pour la Liturgie en dehorsdes jours de fete sont composés d’un certain nombre de versets des

 pss 91, 92 et 94, avec des refrains fixes. Ce nombre varie selon les pays; nous signalerons les variantes que présentent l’Horologion grec(G), l’Apostol slave (S) et ÜApostolos arabe (A) (2):

Premier antiphone, ps.  91

2 II est bon de. rendre grâce au Seigneur,de jouer pour ton nom, Très Haut.

 Refrain  : Par les prières de la Théotocos , Sauveur, sauve-nous !

3 De publier au matin ton amour,ta fidélité au long des nuits,2

(2)  Horologion,  Rome 1937, pp. 829-31; Athènes 1952, pp. 128-29;  Apostol  (slave), éd. Rome, pp. 721-24; Kitab al·Rasa'U,  Harissa 1935, pp. 1-3.

4 [G: sur la lyre à dix cordes et la cithare,avec un murmure de harpe].

 Refrain :  Par les prières, etc.

16 Pour publier que le Seigneur mon Dieu est droit,et qu’en lui point d’injustice.

 Refrain :  Par les prières, etc.

Gloire au Père, etc.[S et A :  Refrain  : Par les prières, etc.]

Maintenant et toujours, etc.

 Refrain  : Par les prières, etc.

 Deuxième antiphone, ps.   92

lab Le Seigneur règne, vêtu de majesté,le Seigneur s’est vêtu de puissance,il s’en est ceint.

 Refrain : Par les prières de tes saints, sauve-nous, Seigneur.

le II a fixé l’univers, qui ne sera pas ébranlé. Refrain :  Par les prières, etc.

5a [S: Ton témoignage est très véridique,]

5bc à ta maison convient la sainteté,

Seigneur, pour la suite des jours. Refrain :  Par les prières, etc.

Gloire au Père, etc. Refrain  : Par les prières, etc.

Maintenant et toujours, etc.Tropaire :  O Fils Unique et Verbe de Dieu, etc.

Troisième antiphone, ps.  94

1 Venez, crions de joie pour le Seigneur,acclamons Dieu notre Sauveur.

 Refrai n:  Sauve-nous, Fils de Dieu, ressuscité d’entre les morts ( fér iés :admirabl e en tes saints), nous qui te chantons. Alleluia.

2 Allons devant lui en action de grâces,au son des musiques acclamons-le.

 Refrain  : Sauve-nous, etc. [A om,]

3 [S et A: Car c’est un Dieu grand que le Seigneur,un roi grand par dessus tous les dieux.

 Refrain  : Sauve-nous, etc.]

4 En sa main sont les creux de la terre,et les hauts des montagnes sont à lui.

 Refrain  : Sauve-nous, etc. [A om.]

48 CHAP. Π ! LES ANTIPHONES ORDINAIRESLE REFRAINS 49

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S [S et A: A lui la mer, c’est lui qui l’a faite

la terre ferme, ses mains l’ont façonnée.

 Refrain :  Sauve-nous, etc.]

6a Venez, adorons et prosternon s-nous devant le Christ. Refrain :  Sauve-nous, etc.

Gloire au Père, etc.

Tropaires.

Maintenant et toujours, etc.

Contakia.

On remarquera que le verset 6 du ps. 94 (troisième antiphone):Venez, adorons... devant Lui,  a subi une adaptation christologique. Ladate où elle apparaît est difficile à préciser, car la plupart des manuscrits insèrent seulement l’incipit du verset (3). Mais la traduc tionlatine (IXe siècle) du commentaire de s. Germain (4) et les versionsarabe et géorgienne du XIe siècle donnent le texte psalmique, sansadaptation (5).

L’entrée avec l’évangile se fait pendant le troisième antiphone,et précisément au chant du refrain Sauve-nous, etc.,  après le verset6 : Venez, adorons,  appelé είσοοικόν et adapté en un sens christologique.

Le Gloria Patri  et le  Et nunc et semper   sont chantés, du moinschez les Slaves, avant les deux derniers tropaires ou contakia qui

suivent le troisième antiphone. Le nombre de ces tropaires et contakia varie beaucoup selon les pays. Les Grecs et les Melkites, p. ex.,chantent un seul contakion. Les Russes, par contre, chantent presqueautant de contakia que de tropaires.

Les trois psaumes

Les pss 91, 92 et 94 semblent avoir constitué les trois antiphonesde la Liturgie depuis l’appari tion de ceux-ci. Le commentaire de s.Germain (VIIIe siècle) mentionne les pss 92 et 94 (6), le Typicon de3456

(3) Ainsi les mss. du XII e siècle Paris grec  328, 330, 391.

(4) N. Borgia,  Il commentant > liturgico di S. Germano Patriarca costanti- 

nopolitano e la versione latina di Anastasio Bibliotecario,  Grottaferrata 1912, n°-

(latin) 33, p. 22. Le texte grec de s. Germain donne seulement jus qu 'à prosternons- nous, supposant le pronom α ύτω , ibid.,  n° (grec) 24, p. 22. Les mss. Grottaf. 

Γ. β, Vil (Xe siècle) et Paris grec 328, cité dans la note précédente, donnen t le même

texte de s. Germ ain; on peut donc supposer que l ’adaptation christologique n ’exis

tait pas encore.

(5) Version arabe publiée par C. Bacha, dans Chrysostomika,  Rome 1908,

 p. 418 (texte arabe), p. 449 (trad, française). Version géorgienne publiée par A.

Jacob dans  Le Muséon,  77 (1964), p. 92.

(6) Ed. Borgia, nn, (grec) 23-24, pp. 21-22.

la Grande Eglise, les trois psaumes actuels (7). Dans ces documents,cependant, il n’est pas question d’une abréviation des psaumes tellequ ’elle appara ît depuis le XIIe siècle jusqu ’à nos jours (8). Dans leTypicon de la Grande Eglise ces antiphones ne sont jamais appelés“pe tits antiph ones” , comme ceux de vêpres, mais simplement “anti

 pho nes” (9).

Dans le cas des pss 91 et 92, l’abréviation se fait en choisissantquelques versets du début du psaume et son dernier verset, en sautantchaque fois la partie centrale. II est possible que certains versets, qui

ne s’adaptaient pas au sens de la célébration, aient été omis depuis lesanciens temps. Le ps. 94 est simplement interrompu après le v. 6a,qui s’adapte au moment de l’entrée.

Le motif qui a fait choisir ces psaumes doit être recherché dansle ps. 94. Ce psaume invitatoire convient parfaitement, d’après sontexte, au déb ut de la Liturgie, voire à l’entrée dans l’église: (v. 2) Allons devant lui en action de grâces.  Ce verset, qui s’adresse à tous,suppose assez clairement une procession d’entrée à l’église plutôtqu’une assemblée statique de fidèles.

Les psaumes 91 et 92 sont ceux qui précèdent le ps. 94 dans le psauti er, si l’on saute le ps. 93:  Dieu des vengeances, le Seigneur,  quiévidemment n’était pas adapté à la célébration joyeuse qu’est laLiturgie.

Le ps. 91 est un psaume matinal qui est chanté actuellement en parti e à la fin de l’orthros férial. Le ps. 92 s’applique à la résurrection; mais, à ce qu’il semble, il n’a pas été choisi pour ce motif, car ilest utilisé, depuis le VIIIe siècle, comme deuxième antiphone ordinaire,sans aucune distinction de jours.

Les refrains des antiphones

Si les trois psaumes ont été fixes depuis l’apparition des anti phones, on ne peut pas en dire auta nt des refrains de ces psaumes.

Dans le Typicon de la Grande Eglise, le premier psaume a commerefrain, les jours ordinaires: Par les prières de la Théotocos, etc.  Aux

antiphones des processions ce refrain appartient parfois au deuxième psaume, lorsque le premier a un refrain christologique. (10).

(7) Ed. J. Mateos, tome 1 (Rome 1962), tome II (Rome 1963); cf. II, p.

110, lin. 8-13.

(8) L’abréviation se poursuit de nos jours : la pratiq ue actuelle grecque et

melkite arrive jusqu’à la suppression totale des versets psalmiques, se limitant au

chant des refrains.(9) Cf. tome II, Index liturgique, antiphone  II, A, c et e.

(10) Cf. tome Π , Index liturgique, antiphone  II, B.

50 CHAP. U : LES ANTIPHONES ORDINAIRES LE REFRAINS 51

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Pour le deuxième psaume ou deuxième antiphone de la Liturgieon ne trouve jamais le refrain: Par les prières de tes saints, etc.,  maisun triple alleluia.  Cet usage existait encore à Constantinople au XIIesiècle (11). Cependant, dans quelques documents non constantinopo-litains on trouve à la même époque, et déjà auparavan t, le refrainactuel des saints (12).

Le chant du tropaire O Fils unique  fut prescrit aux églises byzantines par l’empereur Justinien en 528 (13). Rien n’est dit, pourta nt,de l’office où cette hymne devait être chantée. Le texte le plus ancien

du commentaire de s. Germain (VIIIe siècle) ne le mentionne pas, maisle texte interpolé de ce commentaire, qui servit à Anastase le Bibliothécaire pour faire sa traduct ion latine (fin IXe siècle), rattache cetropaire aux antiphones de la Liturgie, sans préciser auquel (14).

Dans le Typicon de la Grande Eglise (Xe siècle), il apparaît commetropaire ou refrain du ps. 94 (3e antiphone), c.-à-d. comme chantd’entrée pour les célébrations en dehors des fêtes (15). Il n’étaitchanté à sa place actuelle — après le Gloria Patri  du deuxième anti

 phone — qu ’en certaines occasions où le troisième avait un tropairespécial. Ce transfe rt du O Fils unique  est très clair dans les rubriques

 présentées par le Typicon de la Grande Eglise, le deuxième lundi aprèsPâques. En ce jour , avaient lieu deux célébrations différentes: à laGrande Eglise, la célébration ordinaire; aux Chalcoprateia, une autre,

en l’honneur de la Sainte Vierge, où le patriarche officiait. Pourchacune de ces célébrations on prescrit des antiphones: à la GrandeEglise, les ordinaires, qui servaient de norme pour toute l’année; maisaux Chalcoprateia, où il fallait que le chant d’entrée fut un tropaireen l’honneur de la Sainte Vierge, le tropaire O Fils unique  était transféré à la fin du deuxième antiphone :

[A la Grande Eglise  :] Antiphones de la Liturgie : Le premier, ■

 ps. 91: Par les prières de la Théotocos.  Le deuxième, ps. 92:  Alleluia 

triple. Le troisième, ps. 94: O Fils unique.

[Aux Chalcoprateia]  Antiphones: Le premier: Par les prières de la 

Théotocos.  Le deuxième:  Alleluia  triple et, au Gloria Patri·. O Fils 

unique.  Le troisième, avec le tropa ire du ps. 50 ( Bénie es-tu. M ère de Dieu

(11) . Cod. Pyromalos,  dans Goar,  Euchologion,  2e édition, Venise 1730, p.

153. Tradu ction de la Liturgie de S. Basile (X IIe s.) publiée par G. Morel,

 Liturgiae sh e Missae Sanctorum Patriim,  Paris 1560, p. 32.

(12) Au XIIe siècle, la version de Léon Thuscus, dans Morel, op. cit.,  p. 59;

au XIe siècle, version arabe (cf. ci-dessus, note 5), p. 415 (texte arabe), p. 446 (trad,

française).(13) Theophanes Abbas (IXe s.), Chronographie,  PG 108, 477 B; Georgius

Cedrenus (XIe s.),  Historiarum Compendium,  PG 121, 729 B.

(14) Ed. Borgia, n° (grec) 23, comparé avec le n° latin 32, p. 21.

(15) Cf. tome II, Index liturgique Ό Μ ονογενής.

et Vierge)  et, au Gloria Patri,  tropaire, mode 1 pl. : Plus sainte que les Chérubins  (16).

Ordinairement, pourtant, lorsque le troisième antiphone avaitcomme refrain le tropaire d’un saint, il semble que le O Fils unique était simplement omis, car on ne donne pas d’indication pour sontransfert au deuxième antiphone. A part le cas cité ci-dessus, le transfert n’est indiqué que le dimanche de Pâques et celui de la Pentecôte (17).

Le tropaire O Fils unique est sans aucun doute un chant d’entréetrès adapté à la célébration du dimanche, car il résume l’œuvre de la

rédemption: l’incarnation du Fils de Dieu, sa mort et sa victoire surla mo rt (18). Aussi, est-il utilisé dans beaucoup de Liturgies, sousl’influence byzantine, en connexion avec la procession de l’évangile,vestige de l’ancienne entrée: chez les Arméniens, chez les Syriens, dansla Liturgie grecque de saint Jacques, dans celle de saint Marc (19), etdans le diaconal Sinaïtique piiblié par Thibaut. Dans ce dernier document on voit qu’après chaque verset psalmique on répétait seulementla clausula du tropaire: Toi, un de la Sainte Trinité, etc.  (20).

Dans la Liturgie italo-grecque de saint Pierre (21), qui est uneadapta tion byzantine de la Liturgie romaine, il n’y a pas de premierni de deuxième antiphone, mais seulement le troisième, correspondantà l’introït romain, formé par le ps. 94 avec le tropaire O Fils unique.

A tierce-sexte, office quadragésimal pour les fériés, qui démarquait la première partie de la Liturgie, le troisième antiphone avaitcomme tropaire le O Fils unique,  et pendant qu’on le chantait le patriarche faisait son entrée à l’église (22).

Le tropaire O Fils unique  était donc le chant pour la processiond ’entrée au début de la Liturgie. Le fait qu ’il appara ît aussi dans leTypicon utilisé dans une procession qui allait à l’église stationale, oùl’on entrait au chant du O Fils unique  et en omettant les antiphones,est encore un fort argument pour affirmer que le troisième antiphone

(16) Typicon  II, 110.

(17)  Ibid.,  94, 138.

(18) Sur l’origine de ce tropa ire voir V. Grume l,  L ’auteur et la date de 

composition du tropaire ho monogenes,  dans  Echos d'Ori ent   22 (1923), pp. 398-418.

(19) Pour ces quat re Liturgies, cf. Brightman,  Liturgies Eastern and Western, 

Oxford 1896, pp. 421 (arm.), 77 (syr.), 33 (S. Jacques), 116-17 (S. Marc).

(20) Cod. gr.  44, publié par J.-B. Thibaut,  Monuments de la notation ek-  phonétique et hagiopolite de l’Eglise Grecque,  Saint-Pétersbourg 1913, 3e partie, p. 7.

(21) Publiée selon le codex Rossanensis par C. A. Swainson, The Greek  

 Liturgies,  Cambridge 1884, pp. 191-203. Selon plusieurs mss., par H.W. Codringto n,The Liturgy o f Saint Peter   (Liturgiegeschichtliche Quellen und Forschungen 30),

Münster 1936, pp. 115-175.

(22) Cf. Typicon  II, p. 4.

52 CHAP. I l : LES ANTIPHONES ORDINAIRESLES TROPAIRES 53

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n’était que l’ancien chant processionnel d’entrée avant l’introductiondes deux premiers antiphones :

[Mercredi après ta Pentecôte·.]  Vers la deuxième heure du jou r, la

 procession sort de la Gran de Eglise et, au chant du tropai re O Fils unique, 

elle se rend au Nouveau Palais. Une fois entrée, le trisagion. Prokeimenon,

etc. (23).

Quand eut lieu le transfert du O Fils unique  à la fin du deuxièmeantiphone ? Le cod.  Leningrad   226 (Xe siècle) le présente encore autroisième, après le Venez, adorons  (ps 94,6). Une main postérieure a

rayé dans le ms. et le Venez, adorons  et le O Fils unique  (24). Lechangement a dû survenir peu après le Xe siècle (25).

Les refrains du premier et du deuxième antiphone de la Liturgiedérivent de ceux des antiphones chantés aux stations des processions.Selon le Typicon de la Grande Eglise, il y avait cinq jours qui possédaient ces antiphones aux stations intermédiaires: 1er sept., 7 oct., 6nov. (deux fois), 11 mai, lundi de Pâques (avant la procession). Encore,le 24 déc. et le 5 janv. on chantait, entre la vigile et la Liturgie, troisantiph ones selon le schéma de ceux des processions. De ces huitformulaires, cinq montrent un schéma identique, destinant au premierantiphone un refrain christologique (26), au deuxième le refrain Par  les prières de la Théotocos, etc.  ou Par les prières de tes saints, etc.,  autroisième 1'alleluia  :

7-X Christ. Théot. alleluia

6-XI (1er form.) Christ. Saints alleluia

24-XII Christ. Théot. alleluia

5-1 Christ, Théot. alleluia

Lundi de Pâques Christ. Théot. alleluia

Dans les trois autres formulaires on a un tropaire au troisièmeantiphone. Alors, l’alleluia est transféré au deuxième. Pou r le premier antiphone, on pouvait ou bien y transférer le refrain de la Théotocos (11 mai), ou bien y laisser le refrain christologique (1er sept.; 6nov., deuxième formulaire). Comme à la Liturgie on avait un tro

 paire avec le psaume d’entrée, on a suivi la méthode ordinaire, endestinant l’alleluia au deuxième antiphone et, comme le 11 mai, on a

(23) Typicon  II, p. 142.

(24) Cf. N. Krasnoseltsev, Svedenija o njekotorych liturgiceskich rukopis-  jach Vatikanskoj Biblioteki,  Kazan 1885, p. 285, note 1.

(25) Il appara ît après le deuxième antiphone dans la version arabe du XIe

siècle (ci-dessus, note 5); au XIIe s., dans le cod. Pyromalos  (ci-dessus, note 11),

dans le Sinait. gr.  961 (cf. A. Dmitrievskij, Opisanie liturgiceskich rukopisei Π , Kiev

1901, pp. 75-76) et dans la version latine de Thuscus (ci-dessus, note 12).

(26) Tels:  Aide-nous, Seigneur; Secours-nous, Christ notre Dieu  et d'autres

semblales, cf. Typicon  Π , Index liturgique, antiphone  B.

mis le refrain de la Théotocos au premier, d’autant plus naturellementque le tropaire du troisième antiphone ( O Fils unique)  était christologique.

 Nous avons dit que les antiphones du 24 déc. et du 5 janv. suivaient le modèle de ceux des stations des processions. Cela s’explique

 par le fait que ces vigiles n’avaient pas de tropaire propre qui putêtre chanté au troisième antiphone.

Les tropaires

Actuellement, après le chant du troisième antiphone avec sonrefrain: Sauve-nous, Fils de Dieu, etc,  (27), on chante un nombre detropaires assez élevé. Le chant de ces tropaires et contakia est devenuun élément indépendant du chant du troisième antiphone. Seulementaux fêtes, où le tropaire de la fete remplace le Sauve-nous, Fils de Dieu, on chante généralement après l’antiphone le seul contakion de lafête (28).

Quelle était l’ancienne pratique ? Disons tout d’abord que, auXe siècle, selon le Typicon de la Grande Eglise, le refrain Sauve-nous, Fils de Dieu  n’était jamais destiné au troisième antiphone (29). Celui-ciavait, aux dimanches et aux autres célébrations ordinaires, le tropaireO Fils unique  (Ό Μ ονογενής); pour les commémoraisons des saints,

le tropa ire du saint (30). Le tropaire faisait corps avec le psaumed ’entrée et ordinairement était unique. Parfois, bien que rarement,on chantait au Gloria Patri  un tropaire différent, selon ce que nousavons exposé ailleurs à propos des variations de la périssie (31).Jamais on n ’ajoutait alors d’autres tropaires ou contakia. Le troisième antiphone suivait en tout la manière ordinaire du chant d ’un psaume avec tropaire.

Selon le Typicon, quelques fêtes avaient deux tropaires, un avecle psaume, l’autre après le Gloria Patri  (32). Cela est souvent dû à

(27) Appelé stichère  par le cod. Pyromalos  (ci-dessus, note 11).

(28) Le chant de l’hypacoï à Pâques avant le contak ion n’est attesté par

aucun document ancien, cf. Typicon de la Grande Eglise II, p. 94, où le jour de Pâqueson chante au troisième antiphone le seul tropaire :  Le Christ es t ressuscité,  même

 pas le contak ion. Selon le Typicon de l'Evergétis  (Dmitrievskij, Opisanie  I, Kiev

1895, p. 559) on chantait le jour de Pâques le tropaire et le contakion, mais non

l’hypacoï.

(29) Typicon,  II, Index liturgique, antiphone  B.

(30) Typicon  II, Index liturgique, Ό Μ ονογενής. Pour les saints, voir p.ex. le 25 sept. (I, 48), le 6 nov. (I, 92), le 9 mais (I, 244), etc.

(31) Cf. Proche-Orient Chrétien  15 (1965), pp. 342-343, et Typicon  II, Index

liturgique, tropaire  I, d (p. 324).

(32) 9 sept., 25 déc., 26 déc., 16 juil., 31 juil., 2e lundi après Pâques.

54 *  ΟΗ Α,Ρ. π : LES ANTIPHONES ORDINAIRES LES PRIÈRES 55

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la rencontre de deux commémoraisons le même jour, ou bien au désirde souligner deux aspects de la même célébration :

Le 9 sept., mémoire des saints Joachim et Anne, célébrée à Notre-Dame des Chalcopratcia, on chantait au troisième antiphone le tropaire:Plus sainte que les Chérubins.

Cependant, le même jour, à une autre synaxe qui commémorait leconcile d’Ephèse, on chantait, outre le tropaire cité, un autre au Gloria Patri: Réjouis-toi, pleine de grâce. Mère de Dieu et Vierge, etc.,  où l’ondonne à la Sainte Vierge le titre de Théotocos, établi à Ephèse contre

 Nestorius (33).

Le 16 juillet, commémoraison du concile de Chalcédoine, le tropairedu troisième antiphone n’est pas indiqué, il était donc le O Fils unique, tropaire ordinaire. Au Gloria Patri on en ajoute un second :  Aujourd'hui .les dogmes de l'Eglise catholique, etc.,  qui résume la doctrine de Chalcédoine (34).

Le 31 juillet, dédicace de Notre-Dame des Blachemes, on chantait autroisième antiphone le tropaire commun des Dédicaces :  Elevez vos

 portes, princes  (ps 23,9); au Gloria Patri,  un autre en l’honneur de laSainte Vierge : Plus sainte que les Chérubins  (35).

 Noton s que cela arrivait parfois aux processions. Le 29 juin, le

tropaire processionnel honorait les deux apôtres Pierre et Paul: Princes des apôtres, etc.  A l’entrée de l’église on chantait le Gloria Patri  avec untropaire spécial pour s. Paul:  De quelle prison ne connais-tu les chaînes?(36).

La multiplication des tropaires commence au XIe siècle, enmême temps, semble-t-il, que l’adoption du refrain Sauve-nous, Fils de  Dieu  pour le troisième antiphone et le transfert du O Fils unique  aprèsle deuxième.

Le cas du chant de deux tropaires au troisième antiphone, dontle premier était le refrain du psaume, restait exceptionnel au Xesiècle. Au XIe siècle, on trouve un tropaire et un contakion ou unthéotokion chantés après le Gloria Patri,  outre le refrain ordinaireSauve-nous Fils de Dieu  (37). Noto ns aussi que le terme contakion

(33) Œ Typicon  I, 22. (34)  Ibid.,  I, 342.(35)  Ibid.,  I, 354. (36)  Ibid.,  I, 324.(37) Un contakion ou un tropaire après le Gloria : cod. Grottaferrata  Γ. β.

II, éd. S. Muretov, K materialam dlja istori j cinoposljedovanija Liturgij,  SergievPosad 1895, p. 3. La version arabe du X Ie siècle (ci-dessus, note 5), outr e le chantdu Sauve-nous, Fils de Dieu,  ajoute après le Gloria  le tropaire du jour, après le et  nunc,  un théotokion (texte arabe, p. 418; trad, franç., p. 449). Cependant, la version géorgienne du XIe siècle (ci-dessus, note 5), prescrit le seul tropaire du jour(art. cité, p. 92).

était utilisé, encore au Xe siècle, en son sens original de longue poésiedidactique, par ex. l’Acathiste (38). Plus tard il désigne un tropairequi est parfois le  proœmium   de l’ancien contakion (39).

Quelques mss italo-grecs du XI Ie siècle prescrivent encore lechant du seul tropaire du jour après le Gloria Patri  du troisième antiphone (40). Le Typicon constantinopolitain de l ’Evergétis prescritgénéralement le chant d’un tropaire suivi d’un contakion ou d’unthéotokion (41), mais en cas de rencontre d’une fete avec un dimancheon devait chanter déjà trois pièces: le tropaire de la fête, celui de la

résurrection et le contakion (42).

Au XIIIe siècle, on trouve le chant de trois pièces à la suite:tropaire, Gloria  suivi du contakion, et nunc  suivi du théotokion (43).D ’autres documents suivent encore la tradition plus ancienne: tropai reet contakion (44) ou tropaire et théotokion (45).

Un ms. de Grottaferrata du XIVe siècle exclut encore la multi plicat ion des tropaires, prescrivant le chan t du contakio n ou  del’apolytikion du jour (46).

Au XVe siècle, il y a encore des témoins en faveur des deux usages: une Diata xis. italo-grecque, suit l ’usage le plus simple (tropaire,

(38) Typicon  II, index liturgique, contakion.  Même dans le cas où un tro paire chanté à la Liturgie était le  proœmium  d’un contakion, le Typicon l’appellesimplement tropaire, p. ex. ap 25 décembre (I, 156-158), le tropaire Ή Π αρθένοςσήμερον (aujourd’hui appelé contakion de Noël), qui est le  proœmium  d’un contakion de s. Romain le Mélode sur la Nativité du Seigneur, cf. P. Maas et C. A.Trypanis, Sancti Romani Melodi Cantica, Cantica genuina,  Oxford 1963, p. 1.

(39) Ainsi, le contakion du dimanche de Thomas : Τ ή φιλοπράγμονιδεξιοί est le  proœmium d’un contakion de s. Romain sur le doute de s, Thomas, cf.Maas-Trypanis, op. cit.,  p. 234.

(40)  Barber, gr.  345,  Barber, gr.  393.(41) Selon le degré de solennité avec lequel on fêtait les saints : les plus

importants avaient tropaire et contakion (sept. 1, 6, 26 ; oct. 6, 26 ; nov. 1, 8, 13,14, etc.) ; les moins importants, tropaire et thétokion (sept. 16, 20, 23, 24, 28, 30 ;oct. 1, 2, 3, 7, 9, 12, 16, 18, 20, 21, 22, 23, 24; nov. 2, 3, 4, 6, 11, 12, etc.). En ces

 jour s, le troisième antip hone était toujour s remplacé par les Béatitudes. Parfois,on chantait seulement le tropaire (sept.' 7, 22), Cf. Opisanie  I, pp. 258-313.

(42) Par ex., le 25 mars (Opisanie  I, 433).(43) Cod. Patmos  719, Opisanie  II, 173.(44) Sinait. gr.  1020, Opisanie  II, 140.(45) Version arménienne du XII Ie siècle publiée par G. Aucher dans Chry- 

sostomika,  Rome 1908, p. 378.(46) Grott.  Γ. β.  Ill ,  éd. Muretov, op. cil.  (cf. ci-dessus, note 37), p. 13.

56 CHAP. I l: LES ANTIPHONES ORDINAIRES LES PRIÈRES 57

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théotokion) (47); une autre de Palestine, l’usage le plus développé(tropaire, contakion, théotokion) (48).

Le refrain “Sauve-nous, Fils de Dieu, etc."

Disons un mot du refrain Sauve-nous, Fils de Dieu.  Dans leTypicon de la Grande Eglise il était destiné au deuxième antiphone,

 jamais au troisième, et cela seulement aux jours suivants : Noël,Epiphanie, dimanche et semaine de Pâques, dimanche après Pâques,dimanche de la Pentecôte. C ’était donc un refrain festif, qui remplaçait 1’alleluia  des jours ordinaires (49).

Aux jours mentionnés, le refrain Sauve-nous, Fils de Dieu  présentedans le Typicon de la Grande Eglise trois formulaires différents: a) le

 jou r de Noël: Sauve-nous, Fils de Dieu, né de la Vierge, etc.  (50); b) le jour de l’Epiphanie: Sauve-nous, Fils de Dieu, baptisé dans le Jourdain, etc. (51); c) le jour de Pâques jusqu’au dimanche suivant et le jourde la Pentecôte, aucune inte rcalat ion n’est indiquée (52). Il est possible qu’en ces jours on ait conservé un formula ire plus primi tif :Sauve-nous, Fils dé Dieu, nous qui te chantons. Alleluia,  sans intercalation.

Les variantes apparaissent dans le Typicon de l’Evergétis (XIIesiècle). On trouve d’abord le formulaire de Noël étendu au 2 février

et au 25 mars (53), jours, qui, à la Grande Eglise, n’avaient pas d’anti phones à la Liturgie, car celle-ci étai t précédée d’une procession (54).Il y a ensuite, des formulaires spéciaux pour le 14 septembre et pour le6 août (55); à la Grande Eglise, le 14 septembre n’avait pas d’anti-

 phones, car la Liturg ie étai t précédée de la cérémonie de l’exaltationet adoratio n de la Croix (56). Le dimanche des Rameaux n’avait pasà l’Evergétis un formulaire propre, car on chantait les Typica au lieudes antiphones (57); à la Grande Eglise on célébrait la procession desRameaux avant la Liturgie, et on ne chantait pas d’antiphones (58).

Lorsque le refrain Sauve-nous, Fils de Dieu  a été transféré autroisième antiphone et chanté quotidiennement, il est possible qu’on ait

(47) Contenue dans le Vatic, gr.  573, éd. N. Krasnoseltsev,  Maier ialy dlja  istorij cinoposljedovanija Liturgij Sviatago Ioanna Zlatoustago, Kazan  1889, p. 104.(48) Saint-Sabas  305, éd.  Materialy ,  p. 88.(49) Typicon  II, Index liturgique, p. 321.(50) Typicon  I, 156.(51) Typicon .1, 186.(52) Typicon  II, 94. 108. 138. On notera que le jou r de la Pentecôte le

refrain n’était pas appliqué à l’Esprit-Saint, comme il l’est aujourd’hui.(53) Opisanie  I, 407. 432. (54) Typicon  I, 222-223 . 254.(55) Opisanie  I, 274. 481. (56) Typicon  I, 30-32.(57) Opisanie  I, 542. (58) Typicon  II, 66..

utilisé d’abord le formulaire de Noël et que seulement ensuite on aitcomposé les formulaires spéciaux pour les dimanches et pour les fériés.Cette possibilité se base sur la présence du refrain: Sauve-nous... né de la Vierge, etc.,  à l’entrée avec l’évangile dans un ms. de l’année 1200(59), même si pendant tout l’antiphone on avait chanté les formulairesactuels pour les dimanches ou pour les fériés.

 Notons encore que les interca lations variables des fêtes se sontdéveloppées au cours des siècles. A l’origine, les variantes semblentrespecter le nombre de syllabes, et autant que possible l’assonance de

la plus ancienne, qui est sans doute celle de Noël : ό έκ παρθένουτεχθείς (25 déc.), ό έν ’Ιορδάνη βαπτισθ·εις (5 janv.), ό δι’ήμδς σταυρω θείς· (14 sept.), ό έν δ ά ξ άναλειφθ-είς (Ascension), ό   έν Μ ξμεταμορφ ω θείς (6 août), ό άναστάς έκ νεκρώ ν (Pâques). Ensuite ona interpolé ou ajouté des mots supplémentaires qui abîment la simplicitédu rythme original, p. ex., pour l’Epiphanie; ό έν ’Ιορδάνη υπόΊω αννου βαπτισθείς; pour l’Ascension: ό έν δ ύ ξ άναλειφθείς άφ ’ήμώ νεις τούς ούρανούς (60).

Les prières des antiphones

Chacun des trois antiphones est précédé d’une prière, appeléerespectivement prière du premier, du deuxième et du troisième anti

 phone. Des prières appelées ainsi étaient dites dans l ’office constan-tinopolitain chaque fois que trois antiphones étaient chantés (61).

Les prières des antiphones de la Liturgie sont courtes et simples.Elles apparaissent dans le cod.  Barber, gr.  336 (VIII-IXe s.) avant laLiturgie de saint Basile, mais sont sans doute beaucoup plus anciennes. Voici leur texte :

Prière du premier antiphone :  Seigneur notre Dieu, dont la puissanceest incomparable, la gloire incompréhensible, la miséricorde infinie etineffable l'amour pour les hommes :

toi, Souverain, jette dans ta tendresse un regard sur nous et sur cettesainte maison, et fais abonder pour nous et pour ceux qui prient avec noustes miséricordes et tes pitiés :

(59) Cod.  Ettenheim Münster   6, éd. R. Engdahl,  Beitraege zur Kenntnis der  byzant. Liturgie,  Berlin 1908, p. 8-9,

(60) Pou r le Typicon de l’Evergétis, voir Opisanie  I, 274 (14 sept.), 383(6 janv.) , 481 (6 août), 586 (Ascension). Pour Pâques et Pentecôte, Dmitrievskij netranscrit pas le texte du manuscrit, il se limite à dire: “comme maintenant”. Ce

 pendant, le dimanche après Pâques, on n’indique aucune intercala tion pou r lerefrain, Opisanie  I, 566.

(61) Cf. Opisanie  II, 13-14 (pour les antiphones de la pannychis); 35-39(pour ceux des petites heures); 62-63 (pour ceux de minuit).

58 CHAP. I l: LES ANTI P HONES ORDINAIRES LES PRIÈRES 59

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car à toi convient toute gloire,, honneur et adoration, Père, Fils etSaint-Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles.

Prière du deuxième antiphone  : Seigneur notre Dieu, sauve ton peupleet bénis ton hérit age (ps. 27,9). Garde en paix la plénitude de ton Eglise.Sanctifie ceux qui aiment la beauté de ta maison (ps. 25,8); glorifie-lesen retour, par ta divine puissance, e t ne nous abandonne pas, ô Dieu,nous qui espérons en toi (ps. 16,7).

car à toi appartient le pouvoir, et à toi appartiennent le règne et la puissance et la gloire, Père, Fils et Saint-Esprit, etc.

Prière du troisième antiphone :  Toi qui nous as fait don de ces prières(faites) en commun et en union de voix, toi qui as promis, lorsque deuxou trois uniraient leurs voix (Mt.,  18,19) pour (invoquer) ton nom, d’accorder leurs demandes :

accomplis, en ce moment encore, pour le bien (1 Cor.,  12,7) les demandes de tes serviteurs, nous donnant en ce monde la connaissance deta vérité ( Hebr.,  10,26), et nous faisant d on dans le [monde] futur de lavie étemelle :

car tu es un Dieu bon et ami des hommes, et nous te rendons gloire,Père, Fils et Saint Esprit, etc.

On remarque tout de suite une différence de style entre la première et la troisième prière, d ’une part, et la deuxième, de l’autre. Dansle premier cas, la structure de la prière est classique: 1) invocation deDieu suivie des attributs divins adaptés aux demandes qu’on va faire,2) demande, 3) doxologie.

La deuxième prière apparaît, par contre, comme une série dedemandes sans lien logique. Elle est, en réalité, une prière de bénédiction. On a souvent remarqué sa ressemblance avec la prièrederrière l’ambon, qui commence actuellement :

[Toi qui bénis ceux qui te bénissent, Seigneur, et sanctifies ceux quise confient en toi,] sauve ton peuple et bénis ton héritage, etc.

Si l’on regarde le formulaire de la prière derrière l’ambon trans

mis par le  Barber.  336, on constate qu’il n’y a pas seulement ressem blance entre les deux prières, mais une identité parfaite (62). Le débutactuel de la prière derrière l’ambon, mis ci-dessus entre crochets,manque dans le  Barber. 336, où il est remplacé par les mots: “Seigneurnotre Dieu ” , comme à la prière du deuxième antiphone. La prièrederrière l ’ambon n’est donc qu’une version prolongée de celle dudeuxième antiphone.

(62) Même la variante actuelle : τ ο   πλήρω μα τής ’Ε κκλησ ίας ο υ  φύλαξον apparaît dans le cod.  Barberini  comme dans la prière du deuxième anti phone: τό πλήρ. τής Έ κκλ. σου έν ειρήνη διαφύλαξον.

Or, les prières derrière l’ambon étaient jadis des bénédictionssacerdotales pour terminer la Liturgie; la version géorgienne du XIesiècle la fait précéder du “Bénis, maître” du diacre, coutume conservéeaujour d’hui dans certains diocèses de Chypre (63). Nous avons doncdans la prière du deuxième antiphone une ancienne prière de bénédiction, qui a reçu la fonction de précéder le chant d’un antiphone.

Tandis que la première et la deuxième prière sont adressées àDieu le Père ou à Dieu un et trois, la troisième est adressée au Christ,comme il ressort de son allusion à  Mt .,  18, 19. C’est une prière d’une

 beauté remarquab le; la doxologie, cependant, ne devrait pas êtretrini taire (64). Son texte ne se réfère pas au chan t de psaumes, maisaux demandes des fidèles. On y mentionne des prières “faites encommun et en union de voix” (κοινάς... κ αί συμφώ νους... προσ ευχάς),qui comportent des demandes (αιτήσεις, αιτήματα). L’appellat ion“commune”, appliquée à une prière, désigne souvent les prières lita-niques, comme il apparaît chez s. Justin (65) et chez Chrysostome (66).Si l’on ajoute que ces prières se font “en union de voix” et qu’ellescontiennent des “demand es”, on peut conclure que la prière dutroisième antiphone a été jadis en connexion avec une litanie, non pas avec le chan t d’un psaume.

La première prière, très bien bâtie elle aussi, fait allusion à des prières communes du clergé et des fidèles (μ εθ’ήμώ ν κα ί τ&ν   συνευχο-μένω ν ήμΐν). On soupçonne de nouveau une allusion à une litanie,certainement pas au chant d’un antiphone.

L’analyse du texte de ces trois prières, que nous venons de proposer, montre que cette triade de prières a eu jadis un rôle tou t àfait différent. Leur simplicité, d’ailleurs, permet de les attribuer àune époque bien antérieure au VIIe-VIIIe siècle, moment de l’apparitiondes antiphones dans la Liturgie.

(63) Pou r la version géorgienne, cf. article cité   (ci-dessus, note 5), p. 117.

Le renseignement sur les diocèses de Chypre nous a été donné pa r le métropoliteGennadios de Paphos en juillet 1963.(64) Notre opinion, dont la justification nous porterait hors du sujet de

l’article, est qué cette prière, à cause de son ancien rôle exposé dans la suite dutexte, n'avait pas de doxologie.

(65)  Apologia  I, ch. 65 (PG 6, 428 A) : κοινάς εύχάς ποιησόμενοιυπέρ τε έαυτών κ αί του φω τισθ-έντος πα ί άλλω ν πανταχοΟ πάντω νεύτόνω ς.  Ibid.,  ch. 67 (ibid.,  429 Β): ά νιστάμεθ-α κο ινή πάντες κα ί εύχάςπέμπομεν.

(66)  In Ephes.,  hom. 3, 5 (PG 62,29): . ..πρότεροι έκβάλλονται οί ένάμ αρτήμ ασ ι.. . δταν άκούσης Δ εηθώμ εν πάντες κο ινή ...

60 CHAP. I l : LES ANTIPHONES ORDINAIRES LES PRIÈRES 61

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Pour essayer de retrouver leur ancienne destination, on doit chercher dans le rite byzantin des groupes de trois prières dont une soitune prière de bénédiction. Or, ces conditions se remplissent dans lerite constantinopolitain pour les groupes de trois prières finales desoffices (67). La troisième prière y est toujours une prière de bénédiction et de renvoi; la première et la deuxième sont appelées “première et deuxième prière des fidèles” . Comme nous espérons lemontrer avec plus d’ampleur dans une autre occasion, la première

 prière des fidèles étai t dite pendant que le diacre récitait la sÿnaptie,la deuxième prière était destinée à la conclure.

D ’après le texte de nos trois prières, si on les dispose dansl’ordre 3e, Ie, 2e, il semble qu’on a exactement ce schéma. La troisième, qui rappelle la promesse du Seigneur d’exaucer les prières deschrétiens réunis, serait la prière qu’on récitait pendant les orationes communes,  ou première prière des fidèles; la première prière actuelle,qui demande la miséricorde de Dieu, serait la conclusion de la litanie,c.-à-d. la deuxième prière des fidèles; la deuxième prière actuelle seraitla prière de bénédiction ou apolysis.

La raison pour laquelle l’ordre de ces prières a été renversé a puêtre la suivante: des trois refrains des antiphones qui étaient jadis enusage (1er, Par les prières de la Théotocos;  2e, alleluia; 3e, le tropaire

O Fils unique),  seul le troisième éta it christologique. Aussi, la seule prière adressée au Christ aura it été destinée à précéder le refrainchristologique.

Si l’on admet que les prières des antiphones sont des anciennes prières des fidèles, comme nous l’avons proposé , on peut se demanderencore à quel office elles ont appartenu autrefois. Nous proposonsune hypothèse, dont la justification mérite une étude à part: ces trois

 prières, qui appara issent d ’abord dans la Liturgie de saint Basile, sontles anciennes prières des fidèles de cette Liturgie et la prière de bénédiction qui autrefois terminait la Liturgie de la parole (68). Il suffit,en effet, de comparer les prières actuelles des fidèles dans les Liturgies

(67) Cf. Goar,  Euchohgion,  p. 37, où l’on trouve les variantes du  Barber, gr.  336 pou r les prières du lucernaire. Il y a les deux prières des fidèles, une prièreappelée apolysis, d’origine palestinienne, et la prière d’inclination. Ce sont lesdeux premières et la dernière qui sont propres à l'office constan tinopolitain . A la

 p. 45 on trouve les prières finales de l’orthro s: deux des fidèles, une prière intercaléequi appartient à la grande doxologie, et la prière d’inclination.

(68) Cette dernière est, à notre ayis, la troisième prière des fidèles mentionnée par le concile de Laodicée, Mansi, 2, 567 C. Une prière d’inclination qui terminela Liturgie de la parole existe encore chez les Chaldéens, cf. Brightman,  Liturgies 

 Eastern and Western,  p. 266-67.

de Basile et de Chrysostome pour se rendre compte de la diversitéqu’elles montrent: tandis que celles de Chrysostome se réfèrent à la

 prière commu ne du clergé et des fidèles (69), celles de Basile, qui devraient avoir un contenu semblable, se réfèrent exclusivement au sacrifice eucharistique et à la descente du Saint-Esprit sur les dons.

(69) La première prière se fait pour le clergé: “que tu as établi pour ceministère”. La deuxième, pour le clergé: “donne-nous” , et pour les fidèles: “àceux qui prient avec nous” (τοίς συνευχομένοίζ ήμϊν); ce sont là les mêmesmots pou r désigner clergé et fidèles qu ’on emploie dans la prière du premierantiphone.

63LES ANTIPHONES SPÉCIAUX

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CHAPITRE III

LES ANTIPHONES SPÉCIAUX, L’OFFICE DES TYPICA

ET LA PROCESSION D’ENTRÉE

 Nous entendons par antiphones spéciaux ceux qui comportent,non seulement le changement de tropaire au troisième antiphone, maisceux qui en outre utilisent des psaumes différents des psaumes ordinaires(pss 91, 92, 94).

L’usage ancien

Au Xe siècle, le Typicon de la Grande Eglise prescrivait desantiphones spéciaux seulement pour cinq fêtes : Noël, Epiphanie,Pâques, Ascension, Pentecôte (70). Les vigiles de Noël et de l’Epiphanieavaient elles aussi des antiphoies spéciaux, mais leurs refrainsressemblaient à ceux des antiphones processionnels plutôt qu’à ceuxde la Liturg ie (71). Us ne se conservent actuellement que dans lemonastère italo-grec de Grottaferrata. Les autiphones spéciauxétaient chantés au seul jour de la fête, à l’exception de Pâques, seulefête qui possédait une octave dans le rite de Constantinople, et quicomportait le chant des antiphones spéciaux, chaque jour, jusqu’ausamedi suivant.

Au XIIe siècle, selon le Typicon du monastère de l’Evergétis,les jou rs qui avaient des an tiphones spéciaux étaient les mêmes (72)

(70) Sauf le dimanche après Pâques, ce son t les mêmes jours qui on t lerefrain Sanve-nous, Fils de Dieu  au, deuxième antiphone, cf. ci-dessus, note 49.

(71) Voir ci-dessus, paragr aphe 3.(72) Opisanie  I, 357 (Noël), 383 (Epiph.), 559 (Pâques), 586 (Asc.), 594

(Pentec.).

sauf pour les vigiles de Noël et de l’Epiphanie, qui n’en avaient plus (73).On remarque, cependant, dans ce Typicon, une tendance à la variété.En certains jours de fête, en effet, où l ’on chanta it les antiphonesordinaires, le verset d’entrée, qui aurait dû être le ps. 94, 6 : Venezadorons, etc.,  était remplacé par un verset propre appartenant à un

 psaume différent, déjà utilisé à un autre endro it de l’office ou de laLiturgie :

Ainsi, 14 sept., Exaltation de la Croix :  Exal tez le Seigneur notre  Dieu, etc.  (ps. 98, 9 = prokeimenon) (74). 21 nov., Présentati on de la

Sainte Vierge, au Temple : On amène vers le roi des vierges, etc.   (ps. 44,15 = koinonicon) (75). 2 févr., Rencont re du Seigneur :  Le Seigneur a 

 fa it connaître son salut, etc.  (ps. 97, 2 = prokeimenon de l’orthros) (76).25 mars, Annonciation : Proclamez jour après jour le salut de notre Dieu,  etc.  (ps. 95, 2 = prokeim enon de l’orthro s) (77).

Dans ce Typicon, les antiphones commencent parfois par undemi-verset destiné à l’intonation (25 déc., le 1er antiphone; 6 janv.,les trois), p. ex., le 25 déc., : 1er antiphone, ps. 110 :

1.  Je rendrai grâces au Seigneur. Par les prières de la Théotocos,etc.

2. Je rendrai grâces au Seigneur de tout mon cœur, etc. Par les  prières de la Théotocos, etc. (78).

Les usages actuels

Dans les usages actuels on peut distinguer une tradition slave, plus ancienne, et une autre grecque, plus récente.

 La tradition slave  ajoute aux anciens antiphones certifiés par lesdocuments du Xe et du XI Ie siècle, d ’autres antiphones spéciaux pour le14 septembre, Exaltation de la Croix (pss 21, 73, 98), pour le b août.Transfiguration (pss composites) et pour le dimanche des Rameaux(pss 114, 115, 117). Le 2 février on chante les psaumes ordinaires,mais le verset d ’entrée est ps. 97, 2, comme dans le Typicon del’Evergétis. L’on voit que le troisième antiphone du 14 septembre

(ps. 98) a été déterminé par le verset d’entrée signalé aussi par l’Evergétis(ps. 98, 9). Le troisième antip hone du dimanche des Rameaux est le psaume chanté comme prokeimenon à la Liturgie.

(73)  Ibid.,  cf. p. 355 (vigile de Noël), 379 (vigile de l’Epiphanie).(74)  Ibid.,  p. 274.(75)  Ibid.,  p. 322.(76)  Ibid.,  p. 407.(77)  Ibid., p.  432.(78)  Ibid.,  p. 357.

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66 CHAP, i n : ANTI PHONES. TÏPICA. ENTRÉE

L f t d l'A i é t diffé i té t t

LES ANTIPHONES SPÉCIAUX 67

Le ps 113 est tilisé à ca se de son all sion a Jo rdain q i

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La fete de l'Ascension  présente une différence intéressante entrel’usage actuel et l’ancien. Les antiphones actuels sont les pss 46,47, 48, mais le verset d’entrée est le ps. 46, 6. Dans le Typicon de laGrande Eglise (82) et dans celui de l’Evergétis (83), ce sont les psaumes41, 45, 46; le verset d’entrée appartenait, comme il est .normal, au psaumedu troisième antiphone. Le changement montre en même temps quele seul psaume qui a rapport à la fete est le ps. 46.

La Pentecôte  a comme antiphones :

 ps. 18 :  Les deux racontent la gloire de Dieu  (= prokeimenon). ps. 19 : Qu'il te réponde, le Seigneur, au jour de l’angoisse. ps. 20 : Seigneur, ta forc e réjouit le roi.

 Nous avons vu que le ps. 20 est choisi en raison de la fête. Ilest sans aucun doute le psaume ancien. Les deux autres le précèdenttout simplement dans le psautier, bien que, par hasard, le ps. 18coïncide avec le prokeimenon de la fête.

Le cas des antiphones de  Noël  est très clair :

 ps. 110 :  Je rendrai grâces au Seigneur de tout mon cœur. ps. 111 :  Heureux l'hom me qui craint Je Seigneur. ps. 109 :  Le Seigneur dit à mon Seigneur   : siège à ma droite.

Cette fois on a choisi les deux psaumes qui suivent celui de lafête, car le 108, qui le précédé, est un psaume d ’impréca tion, peut-êtrele plus violent de tout le psautier.

Les antiphones qu’on chantait au Xe siècle, à la vigile de Noël,sont instructifs quan t au choix des psaumes (84) :

 ps. 1 :  Heureux est l’homme qui ne va pas au conseil des impies.  ps. 2 : Pourquoi ces nations en tumulte? (= prokeimenon). ps. 109 :  Le Seigneur dit à mon Seigneur.

On reprend donc le prokeimenon comme deuxième antiphone eton lui associe le ps. 1, qui n ’a pas de ra ppo rt avec la fête, mais quile précède dans le psautier. La comparaison entre les deux sériesd’antiphones montre que le seul psaume commun et donc ancien est

le ps. 109.A l’Epiphanie,   les psaumes sont ceux-ci :

 ps. 113 : Quand Israël so/tit d'Egypte. ps. 114 :  J ’aime, car le Seigneur écoute le cri de ma prière. ps. 117 :  Rendez grâces au Seigneur car il est bon.

(82) II, 128.(83) Opisanie  I, 586.(84) Typicon l,  150-52.

Le ps. 113 est utilisé à cause de son allusion au Jourdain quis’ensuit devant la présence du Seigneur; le ps. 114 n’a aucun rapportavec la fête.

Les antiphones de la vigile se réfèrent plutôt à la bénédictionde l’eau qu’à la Théophanie. C’est à cause de cela que le troisième

 psaume est, ou le ps. 113, selon un usage plus ancien (85), ou bienle ps. 28 (86), dont le verset 3 :  La voix du Seigneur sur les eaux,  estemployé comme verset de l’alleluia à la Liturgie du 6 janvier.

De cette analyse, il appert que seul le psaume du troisièmeantiphone est primitif et qu’il doit être plus ancien que les deux autres.Il était — comme il l’est encore aujou rd’hui — le psaume destiné àaccompagner la procession d’entrée à l’église, exactement commel’introït roma in et, comme celui-ci, il était choisi avec soin pour indiquerle sens de la célébration. D ’ailleurs le .jour de l ’Ascension, le ps. 46,ancien chant d’entrée byzantin, est aussi le psaume de l’introït romain.

D ’autre p art, le fait que les prières des antiphones sont d ’anciennes prières des fidèles, mon tre aussi le caractère artificiel de ces troisantiphones. La seule prière ancienne à cet endroit est la prière del’entrée, qui accompagnai t le psaume d’entrée. Elle a aussi son

 parallèle dans le rite romain ;

Aufer a nobis, quaesumus, Domine, iniquitates nostras, ut ad Sancta

Sanctorum puris mereamur mentibus introire. Per Christum Dominumnostrum (87).

Un jugement sur l ’évolution des antiphones

Revenons maintenant au fait que le Typicon de l’Evergétis présente à certaines fêtes le changement du verset d ’entrée ordina ire(ps. 94, 6) par un autre verset psalmique adapté à la fête, tou t enconservant, cependant, le chant du ps. 94 comme troisième antiphone,ce qui va contre la structure de celui-ci. Cette innovation a été àl’origine de la création de nouveaux antiphones spéciaux.

En examinant, cependant, ces versets choisis pour l’entrée, nousavons constaté qu’il s’agissait toujours de versets déjà utilisés comme

 proke imena ou comme koinonica (psaume de communion). L’innovation manquait donc de toute originalité et elle n’était pas le fruitd’un approfondissement dans la connaissance de l’Ecriture. Quelle adonc pu être la raison qui a motivé l’introduction de ces versets?

(85) Typicon  I, 180, apparat critique lin. 1.(86)  Ibid.,  178-80.(87) D ’après son contenu , cette prière pourrait être destinée aussi à la se

conde entrée de la Liturgie, mais de fait elle est utilisée comme prière de la premièreentrée.

68 CHAP. I ll : ANTIPHONES. TYPICA. ENTRÉE

Nous pensons que cette innovation a été la première des

l ’o f f i c e   d e s   t y p ic a 69

Credo prière d’absolution Pater

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 Nous pensons que cette innovation a été la première desconséquences de l’atrophie du chant des psaumes anciens de laLiturgie :  prokeimenon  et koinonicon (88). Ces psaumes, destinés

 jadis à être chantés en entier ou, s ’ils étaient trop longs, en bonne partie,avec un répons qui soulignait le sens de la fete, ont été réduits .à deuxversets (prokeimenon), ou à un seul (koinonicon). Les refrains,choisis avec soin, qui par leur répétition auraient dû rester dans l’espritdes fidèles comme matière de méditation, ont été sommairement expédiés.Le besoin de les exploiter davantage surgi t alors; mais, au lieu derévivifier l’ancienne pratique, on procéda par transposition ou par

accumulation. Evolution malheureuse qui a laissé la Liturgie parseméede petites pièces — organes témoins des anciens usages — dépourvuesde leur primitive valeur pastorale.

§ 4. L’office des Typica

Au début de la Liturgie on peut chanter, à la place des troisantiphones, ce qu’on appelle les Typica. Ce sont les psaumes 102et 145, et les Béatitudes, qui remplacent respectivement le premier,le deuxième et le troisième antiphone.

Ces pièces proviennent d ’un office, appelé aussi Typica, qui setrouve dans l’Horologion après Sexte ou après None. En dehorsdu Carême sa structure est la suivante :

 ps. 102

 ps. 145 — tropai re O Fils unique Béatitudes

tropaire invitatoire — second tropaire au Gloria 

Credo,  prière d’absolution, Pater 

contakion variableKyrie eleison  (40 fois)

Sit nomen Domini benedictum  (ps. 112, 2)

 ps. 33congé

En Carême on omet les deux premiers psaumes. D ’autre part,l’office est divisé en deux par l’intercalation des vêpres :

Béatitudestropaire invitatoire — second tropaire au Gloria

(88) Le cas de Γalleluia est moins clair, et il ne semble pas qu’il ait eu jamaisde nombreux versets. Dans le Typicon de la Grand e Eglise, le cas ordinaire c’estun seul verset, parfois deux. Trois versets apparaissent seulement le 24 déc., le 5

 janv., le jeudi et le vendredi saint, cf. Typicon Π , index liturgique, alleluia.

Credo,  prière d absolution, Pater  Kyrie eleison  (40 fois)

Prière : Toi qui en tout moment. congé

(après les vêpres):

Prière : Trinité sainte, puissance consubstantielle,

terminée par le Utius sanctus Sit nomen Domini benedictum 

 ps. 33congé

Le manuscrit le plus ancien qui présente cet office est le cod.,Sinaît. grec  863 (IXe siècle) (89). Dans ce document, l’office, placéaprès None, po rte le titre : «Pour la communion», et commence,comme aujourd’hui en Carême, par le chant des Béatitudes :

Béatitudestropaire invitatoire

Credo, Pater, Kyrie eleison  (trois fois)Unus sanctus  (=fraction)

 psaume de communio n (= ps. 33) — stroph e finale (90)

 prière d’action de grâces

L’office était destiné, comme sa structure le montre, à la

communion des moines les jours où l’on ne célébrait pas la Liturgieeucharistique. Il était donc une sorte d’office des Présanctifiésmonastique palestinien. Rappelons-nous que la Liturgie desPrésanctifiés actuelle est d’origine constantinopolitaine et de caractèrecathédral.

Cet office des Typica fut adopté par les monastères constantino- poli tains avec le reste de l ’office sabaïte, tandis que le Typicon de laGrande Eglise ne le connaît pas. Dans le monastère de Stoudios etdans ceux qui suivaient sa règle, les jours où, à cause du travail, onomettait les petites heures, il était chanté après la Liturgie. Pourtant ,on ne faisait plus la communion à l’office des Typica, mais on recevaitseulement l 'eulogie  ou aniidoron, c.-à-d. le pain béni (91). Les joursoù l ’on chanta it les petites heures, il éta it célébré après None (92).

Au XIIe siècle, le monastère de l’Evergétis s’écartait des usagesstudites. A l’Evergétis presque tous les moines faisaient la communionquotidiennement (93); la Liturgie, en effet, était célébrée.chaque jour,sauf dans les temps de jeûne, mais en Carême on célébrait aussi chaque

(89) Edité dans l’article Un Horologion inédit. Le codex sinaît. grec  863,(I Xe siècle),  dans  Mélanges Eugène Tisseront   (Sludi e Testi 233), Città del Vaticano1964, pp. 47-76; voir spécialement pp. 54-55.

(90) Appelée dans le ms. : «prière après la communion». La vraie  post- communio  vient immédiatement après, sous le nom de : «prière d’action de grâces».

70 CHAP, in : ANTIPHONES. TYPICA. ENTRÉE

jou r (sauf le premier lundi) (94) la Liturgie des Présanctifiés. L’office

l   'e n t r é e 71

Que sont devenus les autres éléments qui composaient l’office

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 jou r (sauf le premier lundi) (94) la Liturgie des Présanctifiés. L officedes Typica était alors joint à la Liturgie, les jours où celle-ci avait lieu,en y remplaçant les trois antipliones du début par les pss 102 et 145et les Béatitudes, et en distribuan t l’antidoron après le renvoi (= prièrederrière l’ambon), pendant le chant ou la récitation du ps. 33, ancien

 psaume de communion des Typica (95). L’intro duction des Béatitudesn’arriva pourtant pas à supprimer le verset d’entrée :Venez, adorons,(ps. 94, 6), appartenant au psaume du troisième antiphone.

Au IXe siècle, selon le ms. sinaïtique cité, les Béatitudes avaientleur refrain propre : Souviens- toi de nous, Seigneur, lorsque tu viendras dans ton royaume  (cf.  Le   23, 42). Ce refrain n’étai t plus répété àl’Evergétis; entre les versets des Béatitudes on intercalait des tropairesspéciaux pour les Béatitudes ou appartenant aux canons de l’orthros,qui commémoraient le saint du jour (96). Sauf aux fêtes qui avaientdes antiphones spéciaux, ou aux fêtes de la Sainte Vierge, les Typicaétaient chantés à la Liturgie presque quo tidiennement (97).

L’innovation qui apparaît dans les usages de l’Evergétis parrapport à ceux de Stoudios n’a pas eu son origine à Constantinople :la version géorgienne de la Liturgie qui date du XIe siècle montrequ’en Palestine les Typica étaient chantés à la Liturgie déjà à cetteépoque (98).

Au XIVe siècle, la  Diataxis de Philothée  ne prévoit à la Liturgie

que le chant des Typica; c’était donc l’usage des monastères de l’Athosà cette époque (99). Par contre, plusieurs documents, surtout italo-grecs, du XÎVe-XVe siècle, conservent le chant des antip hones (100).

(91)  Hypotypose de s. Théodore Studite, Opisanie  I, 233.(92)  Ibid.,  et dans le Typicon de l’Evergétis, Opisanie  I, 603.(93) Opisanie  I, 603(94)  Ibid.,  515 : «Il faut savoir aussi que seulement en ce  jour nous ne fai

sons pas de Liturgie» (où λεΐτουρ γοϋ μεν) . (95)  Ibid.,  603 et 515.(96) Si c’était dimanche, les μα κα ρισμ οί ανα στάσ ιμο ι (ibid.  259); pour

un saint, une ode du canon, p. ex. sept. 1 (p. 258), 6 (p. 262), 8 (p. 265), 9 (p. 266),etc. Les jours les moins solennels, les μακ αρ ισμ οί του ήχο υ ou τής ήμ έρας, p. ex., sept. 7 (p. 263), 16 (p. 278), 17 (p. 279), etc.

(97) Au mois de septembre, p. ex., on fait mention des Typica pour laLiturgie les jours suivant s : 1, 2, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 20, 22, 23,24, 26, 28, 30. D ’ailleurs, la rubrique ή ακ ολ ου θία τή ς ήμ έρα ς ou semblable,qui apparaît les jours 3 ,18, 19,25,27,29 , pourrait inclure les τυπικά τή ς ήμ έρα ς.

(98) Edition citée (ci-dessus, note 5), pp. 90-92; voir aussi p. 80.(99) Dans Krasnoseltsev,  Materi aly  (ci-dessus, note 47), p. 50 : les deux

 premiers psaumes sont appelés antiphon es, mais pour le trois ième il ne p révoit queles Béatitudes; il faut donc conclure qu’on chantait les Typica,

(100) Cod. Grottaferrata  Γ.β.  Il l   (XIVe siècle), éd. Muretov, K materialant  (ci-dessus, note 37), p. 13; Saint-Sabas  305 (XVe s.), dans Krasnoseltsev,  Materialy  (cf. note 47), .p. 88; Vatic, gr.  573 (XVe s.), ibid.,  p. 103.

Que sont devenus les autres éléments qui composaient l officede communion palestinien? Le Credo,  le Pater,  le Unus sanctus,  la

 prière d’actio n de grâces existaient déjà dans la Liturgie. Nous nesavons pas en détail comment on célébrait les Typica au monastèrede Stoudios, mais certainement la distribution de l’antidoron a dû yavoir lieu au moment où autrefois on distribuait la communion, donc

 pendant le chant du ps. 33. Elle a été placée à la Liturgie après la prière derrière l’ambon (= ancienne apolysis), pendant qu ’on chanteou qu ’on récite le ps. 33. Le verset Sit nomen Domini benedictum (ps. 112, 2) n’appa raît pas dans l ’office de communion du IXe siècle,

mais dans l’office des Typica de l’Horologion il est chanté avant le ps. 33.C’est de là sans doute qu ’il a été transféré à la Liturgie, car aprèsl’apolysis (= prière derrière I’ambon) aucune, autre pièce ne pouvaittrouver place.

Dans la pratique actuelle, les Roumains chantent les Typica àla Liturgie tous les jours de l’année sauf les jours qui possèdent desantiphones spéciaux. Les Russes les réservent pour les dimanchesordinaires et pour les fêtes de saints de solenni té moyenne ; les jourssans solennité ils chantent les antiphones ordinaires. Les Grecs etles Melkites semblent les ignorer dans les églises séculières mais leschantent dans les monastères.

Dans tous les pays, pourtant, les Typica ont été extrêmement

raccourcis. Du premier psaume, on chante seulement le premierverset avec l’ancien refrain :  Béni es-tu, Seigneur.  Le second psaumeest omis, on chante seulement le tropaire: O Fils unique.

Le terme obednitsa  (= peti t repas), qui désigne chez les Slavesl’office des Typica, est le diminutif de obednja  (= δεΐπνον, repas),nom populaire pour désigner la Liturgie. Il doit faire allusion, aumoins, à la distribution de l’antidoron, peut-être même à celle de lacommunion.

§ 5. L’Entrée

Au temps de saint Maxime le Confesseur, la Liturgie commençait par l’en tré e— liturg ique ou préliturgiq ue, — du peuple et du clergé

à l’église (1). Dans le commentaire du VIIIe siècle, a ttribué au patria rche s. Germain, elle débutait par le chant des antiphones, etl’entrée, réservée désormais au seul clergé, y est appelée «entrée avecl’évangile» (2). Au X e siècle, - cependant, le Typicon de la Grande12

(1)  Mystagogie,  8-9 (PG  91, 688-89): Ή πρώ τή εις η ν   άγίαν έκκλή-σίαν του άρχιερέω ς κα τά τήν ίεράν σύναςιν είσοδος... Ή τοδ λαοΰσυν τφ Ι ε ρ ά ρ χ η ...  εις τήν έκκλησίαν είσοδος.

(2) Cf.  Le Typicon de la Grande Eglise,  éd. J. Mateos II, Rome 1963(Orientalia Christiana Analecta  166), index liturgique, s.v. είσοδος.

72 c h a p , in: a n t i p h o n e s , t y p i c a . e n t r é e

Eglise lui conserve le simple nom d’«entrée» ou d ’«entrée du

l   ’e n t r é e 73

Chez les Byzantins et les Roumains la distinction est moins claire

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g p patriarche» (3). Actuellement on l’appelle «la Petite Entrée», paropposition à l’entrée avec les dons ou «Grande Entrée».

L’appellation de «Petite Entrée» date évidemment du temps oùla procession avec les dons prit tou t son éclat actuel.. La plupart desmss. du XIIIe siècle l’appellent simplement « l’Entrée» et n’appliquent

 pas encore ce nom à la procession avec les dons (4), mais une Diataxedu XlIe-XIIIe siècle l’appelle «la première Entrée», et celle des dons,«la Grande Entrée» (5). C’est peut-être. la Diataxe de Philothée(XIVe s.) qui est le premier document à opposer les termes de «PetiteEntrée» et de «Grande Entrée» (6). L’on sait que les rubriques deslivres actuels dépendent en grande partie de cette Diataxe.

Les deux entrées, comme on les appelle aujourd’hui, sont deux processions, don t chacune marq uait jadis le début d’une partie de laLiturgie : l’entrée à l’église commençait la Liturgie de la Parole, tandisque l’accès à l’autel commençait la Liturgie eucharistique.

Le point d ’arrivée de ces deux processions n ’est pas le même.La première se termine aux sièges du clergé, où l’on va s’asseoir pourécouter les lectures, la seconde va à l’autel, où l ’on célébreral’Eucharistie. Dans les rites syriens la distinction est très nette, carles sièges de l’évêque et du clergé ne se trouvent pas dans le sanctuairemais sur le béma, au centre de la nef (7). La première procession

s’arrêtait donc à la nef, la seconde montait de la nef au sanctuaire. Noto ns bien que jadis la seconde procession ne comportai t pas letransfe rt des dons — fait préalablement et sans solennité par lesdiacres — mais uniquement l’accès de l’évêque et des prêtres à l’autel.

(3) Ed. N. Borgia,  Il commentario Hturgico di s. Germarto Patriarca costan- 

tinopolitano e la versione lalina di Anastasio Bibliotecario,   Grottaferrata 1912, n° 24,

 p. 21.(4) Cad. Ettenheim Munster   6, éd. R. Enddahl,  Beitraege zur Kenntnis der  

byzantinischen Liturgie,  Berlin 1908, pp. 8, 19-20; cod. Palmos  709 (A.D. 1250), dans

A. Dmitrievskij, Opisanie liturgiceskich rulcopisei  Π , Kiev 1901, p. 157.; cod. Sinait. 

gr.  1020 (XIIIe s.), ibid.,  p. 140 (είσοδεύει): de même cod. Grottaferrata  Γ. ß.III (codex Falascae, XIVe s.), dans S. Muretov, K materialam dlja istorii cinoposlje- dovanija liturgii,  Sergiev Pesad 1895, p. 13, 14.

(5) Cod.  Athènes Bib i Nat.  662, éd. P. N. Trempelas, Α ί τρείς λειτουρ-

γίαι κα τά τους Ιν Ά θ·ή ναις κώ δικα ς (= Texte und Forschungen zur

Byzantinisch-Neugriechischen Philologie 15), Athènes 1935, pp. 6, 9; également le

Typicon  Moscou Saint Synode  381 (XIII-XTVe s.), éd. N. Krasnoseltsev,  Materialy  

dlja istorii cinoposfjedovanija liturgii sv. Ioanna Zlatoustago,  Kazan 1889, pp. 23, 25.

(6) Krasnoseltsev,  Materialy,   pp. 50, 60.

(7) La pratique actuelle ne tient plus compte de cet usage traditionnel,

qui est prévu par les livres liturgiques.

Chez les Byzantins et les Roumains la distinction est moins claire,car lés sièges du clergé sont actuellement placés dans l’abside (8). Laseconde procession n ’est donc pas un accès au sanctuaire, où l ’on estdéjà, mais une simple approche de l’autel. Comme, d’autre part,chez les Byzantins, cette approche a déjà eu lieu auparavant, au momentde la récitation des litanies qui suivent l’évangile, la procession s’estidentifiée avec le transfert des dons; l ’évêque, cependant, n ’y prend pas

 part.

Revenons à la procession avec l’évangile : elle se termine donc

au siège de l’évêque et à ceux des prêtres, situés da ns l’abside.Actuellement, des cérémonies et des chants s’intercalent entre lemom ent 'de l’entrée au sanctuaire et l’arrivée à l’abside. Dans cetarticle nous essayerons d’expliquer historiquement leur origine, sauf

 pou r le chant du trisagion, auquel nous réservons un article à part. Nous étudieron s donc ici les cérémonies comprises entre le début dela procession et le retour au sanctuaire.

L’usage actuel

Selon les rubriques et les usages en vigueur, l’Entrée se dérouleainsi :

Le chœur chante le troisième antiphone ou les Béatitudes.

Lorsqu’on entonne le Gloire'au Père  (9), le prêtre et le diacre s’inclinenttrois fois devant l’autel et l’on ouvre les portes saintes.

Le prêtre baise l’évangile .et l ’autel, le diacre seulement l ’autel.Le prêtre prend l’évangile et le donne au diacre et, faisant le tour del’autel, ils sortent du côté nord. Des sous-diacres por tent des ciergeset, dans certains pays, la croix.

Ils s’arrêtent sur la soléa, devant les portes centrales, le diacrese tenant de côté à la droite du prêtre. Ils inclinent la tête, et le diacredit à voix basse : Prions le Seigneur.  Le prêtre récite en silence la

 prière de l’Entrée :  Maître Souverain Seigneur notre Dieu, etc.

(8) L’analyse du texte des «prières de la proscomidie», des Liturgies de

saint Jean Chrysostome et de saint Basile, récitées par le prêtre avant le baiser de paix,montre que dans le rite byzantin a existé aussi jadis une entrée au sanctuaire avant

l'anaphore, cf. J. Mateos,  Deux problèmes de traduction dans la Liturgie Byzantine 

de S. Jean Chrysostome, dans Or. Christ. Per,  XXX (1964), pp. 248-53.

(9) C’est la teneur ordinaire de la rubrique dans les Hierati ca Slaves

(Liturgie de S. Jean Chrysostome, éd. Moscou 1889, p. 15); roumains (Dumnezeestile  Liturgii,  Sibiu 1902, p. 76), arabes (Kitab al-liturgiyyat al-ilahiyya al-muqaddasa. 

Harissa 1962, p. 104), de l’édition grecque de Venise 1877 (Ε υχολόγιον τό μέγα, p. 50). L ’édition d’Athènes 1951 (Ιερατικόν, p. 70) corrige un peu la rubrique :

ψ αλλομένου δέ του Δοξαστικού των Μ ακαρισμώ ν, η τού Γ’ ’Αντιφώ νου,κ.τ.λ.

74 CHAP, in : ANTIPHONES. TYPICA. ENTRÉE

La prière terminée, le diacre fait un signe vers la porte avec la main

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Ce texte après avoir parlé du dernier tropaire mentionne encore

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La prière terminée, le diacre fait un signe vers la porte avec la maindroite, et dit au prêtre :  Bénis, maître, la sainte Entrée.  Et le prêtre bénit, disant à voix basse :  Bénie soit l’Entrée de ton sanctuaire, maintenant et en tout temps, etc.

Le diacre présente l’évangile au prêtre. Celui-ci le. baise, tandisque le diacre baise la main du prêtre.

Lorsqu’on a terminé le chant du troisième antiphone ou desBéatitudes, le diacre se place au centre, devant le prêtre, lève l’évangileet trace avec lui une croix, disant : Sagesse, debout.  Et l’on chantele verset d’entrée : Venez, adorons, etc.,  ou le verset propre de lafête.

S’étant inclinés, le diacre et le prêtre entrent au sanctuaire parles portes centrales. Le diacre dépose l’évangile sur la sainte Table.Le prêtre baise l’évangile et l’autel, le diacre, l’autel.

Le chœur chante les tropaires habituels.

 Nous avons donc les actes suivants :1. Trois inclinations et baiser de l’autel.2. Remise de l’évangile au diacre et sortie du sanctuaire.3. Prière de l’Entrée.4. Bénédiction de l’Entrée.

5. Avertissement du diacre et chant du verset d’entrée.6. Entrée au sanctuaire, déposition de l’évangile et baiser de

l’évangile et de l’autel.

La sortie du sanctuaire

Les rubriques actuelles, font généralement commencer lescérémonies de la sortie au moment où l’on chante le Gloire au Père. Cela vaut seulement pour le cas où, comme troisième antiphone, onchante les Béatitudes. La rubrique est inspirée par celle de la Diataxede Philothée :

(Après la dernière petite synaptie) le diacre fait une inclination, entre  

au sanctuaire et se tient là durant le chant, des Béatitudes. Lorsque les 

chantres en viennent au Gloire au Père,  le prêtre et le diacre vont devant l’autel, font ensemble une inclination,.le prêtre prend le saint évangile et  

le donne au diacre... (sortie)... Lorsque les chantres terminent le dernier 

 tropaire,  le diacre se met au milieu et se tient devant le prêtre, lève un peu  

les mains et, montrant le saint évangile, dit : Sagesse, debout.  Puis,faisant une inclination, lui et le prêtre derrière lui, ils entrent au sanctuaire. Lorsqu’il dépose l'évangile sur l’autel, les chantres disent les  tropaires 

 habituels  (10).

(10) Krasnoseltsev,  Material)1,  p. 50-52.

Ce texte, après avoir parlé du dernier tropaire, mentionne encoreles tropaires habituels.  Le dernier tropaire est donc «dernier» seulement

 par rapport à la série de tropaires qu’on intercale aux Béatitudes; leGloire au Père  dont il est question est celui qui termine les Béatitudes,qui est suivi d’un tropaire, tout comme le maintenant et toujours quivient ensuite (11).

La Diataxe suppose donc le chant des Béatitudes et non celuidu troisième antiphone. La rubrique actuelle, par contre, laisse lechoix entre le chant de l’antiphone et celui des Béatitudes; mais elle

a adopté un usage qui ne s’accorde pas avec cette double possibilité;en effet, le Gloire au Père  auquel elle fait allusion, vaut seulement

 pour le cas où l'on chante les Béatitudes. Si l ’on chante le troisièmeantiphone, le Gloire au Père  doit être chanté après le verset d’entrée,qui appartient au psaume de l’antiphone.

Aujourd’hui on n’intercale plus de tropaires aux Béatitudes,sauf dans les monastères. Dans les églises séculières, les Russes lesomettent tous, seuls les Roumains conservent ce Gloire au Père  etchantent aussi le théotokion final de la série de tropaires. Seulementchez eux, donc, la rubrique actuelle trouverait encore son application.

Les trois inclinations prescrites actuellement avant de prendrel’évangile n’apparaissent pas dans la Diataxe de Philotée, qui parle

d’une seule inclination. Le baiser de l’évangile et de l’autel n’estqu ’une coutume, non indiquée par les anciens documents. Le baiserest parfois indiqué, non à cette place, mais au début de la Liturgie;alors, le prêtre baise seulement l’évangile, le diacre, l’angle droit del’autel (12).

La remise de l’évangile au diacre par le prêtre apparaît au XIVesiècle. Les plus anciens mss ne disent rien à cet sujet. Ceux duXIIIe siècle indiquent encore que c’est le diacre lui-même qui prendl’évangile (13). Dans la Diataxe de Philothée (XIVe siècle) c’estdéjà le prêtre qui le donne au diacre (14), mais on trouve au moinsun document du XVe siècle qui laisse encore le choix entre les deuxmanières d’agir (15).

Selon plusieurs documents, le diacre qui portait l’évangile ou un11

(11) Les tropaires des Béatitudes pour les dimanches se trouvent dans l’Octoèque.

(12) Diataxe d’Athènes (Χ Ι Ι-Χ Ι* s.), p. 5; Typicon Moscou (XIVe s.), p. 23 (éditions citées ci-dessus, note 5).

(13) Cod.  Euenheim Miinster 6  et Sinait. gr.  1020, cités à note 4; Diataxe 

d'Athènes et Typicon de Moscou cités à note 5.(14) Krasnoseltsev,  Materialy,   p. 50.(15) Diataxe Vatic, gr. 573 (italo-grec), éd. Krasnoseltsev, Materialy, p. 103.

76 CHAP, in : ANTIPHONES. TYPICA. ENTRÉE

autre diacre prena it aussi l ’encensoir à la procession d ’entrée (16).f i d di i é i d fl b

l   ’e n t r é e 77

Lorsque le patriarche avec les néophytes se mettent en mouvement

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Parfois des sous-diacres sont mentionnés, qui, avec des flambeaux participaient à la procession (17).

La sortie du sanctuaire en faisant le tour de l’autel est en vigueur,actuellement du moins, chez les Slaves; les rubriques ne mentionnent

 pas ce tour, non plus que les anciens documents. Un document duXVe siècle (18) prescrit cependant au prêtre de bénir la table de la

 prothèse lors qu’il passe à côté d’elle, ce qui pour rait indiquer le passage du prêtre et du diacre derrière l ’autel.

Parcours de la procession.

Actuellement, la procession est très courte : on sort par le côténord et l’on vient directement, sans sortir de la soléa, au devant des

 portes centrales.

Les plus anciens documents ne donnen t aucun détail sur le parcoursde la procession. Avant l’introduction des deux premiers antiphones,cependant , cette procession était simplement l’entrée à l’église. Sila festivité ne comportait pas une procession de l’église principale àl’église stationale, la procession devait avoir lieu depuis l’atrium de

l’église jusqu’à l’intérieur et, pour le clergé, jusqu’à l’abside.Un usage pareil, mais limité au seul clergé, était en vigueur au

Xe siècle lorsque le patriarche faisait son entrée à l’église pendant lechant du troisième antiphone (19). La description d ’une entréesemblable est donnée par le Typicon de la Grande Eglise le samedisaint, jour où le patriarche venait en procession du baptistère à l’égliseavec les néophytes :

(16) Euchologe de Porphyre (Xe siècle), éd. Krasnoseltsev, Svedenija o nekotorych lilurgiceskich rukopisei Vatikansokoj Vivlioteki,  Kazan 1885, p. 285.

Traduction arabe du XT' siècle, publiée par C. Bacha,  Notions générales sur tes versions arabes de la Liturgie de S. Jean Chrysostome, suiv ies d’une ancienne version inédite,  dans Xpycoctomika, Rome 1908, p. 417. Typicon du monastère de l'Evergétis,  (XIIe s.) 14 septembre, éd. A. Dmitrievskij, Opisanie I, Kiev 1895, p. 272.Sinalt. grec  1020 (XIIIe s.), Opisanie  II, 140.

(17) Grottaferrata  Γ.  j3. II '( X Ie s.), éd. Muretpv, K materialam,  p. 3;version arabe du XIe siècle, éd. Bacha, Xpycoctomika, p. 417; Vat. gr.  1811 (A.D.1147). Selon le Vat. gr. 1863 (XII e s.), c’étaient des diacres qui portaient les cierges.

(18) Ainsi la Diataxe citée à note 15.

(19)  Le Typicon de la Grande Eglise,  index liturgique, s.v. είσοδος.

' pour faire la deuxième entrée (20), le chef du second choeur chante : Heureux ceux qui sont absous de leurs péchés,  (acquittés de leurs fautes) (ps. 31, 1). Stique :  Heureux l'homme à qui le Seigneur n'impute aucun tort   (ibid. 2).

Lorsq u’on arrive aux portes centrales (de l’église), le patriarches’agenouille trois fois et entre ensuite. Douze évêques, revêtus de leursornements, avec leurs omophoria, entrent avec lui au sanctuaire et montentavec lui au trône de l’abside (21).

La plupart des manuscrits d’origine monastique, ou ceux quidécrivent une liturgie sacerdotale ne s’attardent pas à décrire l’entrée.Mais voici les rubriques de la tr aduct ion arabe du X Ie siècle (22),qui présente une liturgie ponticale où l’archevêque faisait encore sonentrée à l’église pendant le chant du troisième antiphone :

La procession sort jusqu ’à la porte royale ou centrale de l’église. Enavant, deux sous-diacres ouvrent la procession, portant des chandeliersavec des cierges allumés. Les diacres marchent devant l’archiprêtre.L’archevêque se tient sur le seuil de la porte; les diacres se mettent à sadroite, à l’intérieur de la porte, et les prêtres en face de lui, les premiersen dignité à côté de l’archevêque; ils se tiennent l'un après l’autre, parordre de dignité. L’archidiacre apporte l’évangile et le second diacrel’encensoir.

Lorsqu’ils arrivent, l’archidiacre dit à voix basse :  En pa ix  prions leSeigneur. Le second diacre, tenan t l’encensoir dans sa main gauche etl’encens dans sa droite, s’approche de l’archiprêtre (23), qui dit à voix

 basse la prière de l'encens et à la fin signe avec la croix (il fait un signede croix); à peine a-t-il fait le signe que le diacre verse l’encens et encenseà droite et à gauche, et l’archevêque.

Celui-ci prononce cette prière : (prière ordinaire de l’entrée). Lediacre proclame :  Debout, avec sagesse  ! Les céroféraires marchent entête, puis les diacres, deux à deux, selon leur ordre, en suite l'archevêque,dont deux diacres, en signe de respect et d’honneur, soutiennent les mains(chacun baise la main de son côté lorsqu’il la prend et lorsqu'il la relâche

(20) Le patriarche avait fait sa première entrée à l’église après les psaumesvespéraux, cf.  Le Typicon de la Grande Eglise  II, 85. On remarquera que noustraduisons ici «pour faire la deuxième entrée» au lieu de «pour traverser le secondseuil», comme nous avions tradu it dans l’édition du Typicon. Nous pensons quela traduction proposée ici est meilleure.

(21)  Le Typicon de la G.E.,  II, 89.(22) Ed. Bacha, Xpycoc tomika, p. 417-18 (arabe), 448-49 (français).

(23) Un peu plus haut, est tradui t par Bacha «archiprêtre»;à cet endroit, il traduit «pontife», mais il s’agit bien du même personnage. «Pontife»ou plutôt «archevêque» est toujours traduit ÂiSL.'jl 0 '*j

78 CHAP, n i : ANTIPHONES. TYPICA. ENTRÉE

devant la porte du sanctuaire); les prêtres viennent derrière lui, deux à  

L’e n t r é e 79

 pour celle des vêpres le vendredi saint (28), montre qu'ordinairementon les porta it ensemble avec l’évangile pour accompagner le patriarche

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deux.

Et les lecteurs chantent : Venez, adorons et prosternons-nous devant

lui. Sauve-nous, Fils de Dieu,  etc.

L’archevêque est donc reçu par le clergé à la porte de l’église;en signe d’honneur on apporte des cierges et l’encensoir. La prièrede l’entrée est récitée à la porte de l’église.

 Notons aussi que l’archevêque ne va pas à la prothèse pendant

le chant des deux premiers antiphones, comme c’est le cas dans deuxmanuscrits constantinopolitains du XIe siècle (24); s’il prononçaitla prière de la prothèse, il devait donc le faire avant la procession avecles dons, comme il le fait aujourd’hui (25).

Remarquons finalement que le verset d’entrée : Venez, adorons, n’a pas encore subi l’adaptation christologique, mais est chanté selonle texte du ps. 94, 6 (26). Les traits de cette entrée sont certainementassez archaïques.

Le Typicon de la Grande Eglise olfre des données éparses quicoïncident avec celles de la traduction arabe. Le jeudi saint, p. ex.,après le lavement des pieds au narthex, le patriarche fait son entrée àl’église :

On dit la prière de l’entrée : le patriarche fait son entrée avec l’évan-' gile, sans encens ni chandeliers, et monte au trône de l’abside (27).

La prière de l’entrée était donc récitée à la porte de l’église. Lamention de l’absence de cierges et d ’encens pour cette entrée, comme

(24) Le  cod. Pyromalos et la version de la Liturgie de s. Basile publiée parMorel, Cf. POC XV (1965), pp. 346-47. '

(25) Et comme cela se faisait au temps de s. Maxime et de s. Germain, cf.  PO C   XV (1965), pp. 350-51. Chez s. Germain il y a une préparation des dons ( ρ ό θ -ε σ ις ) avant les àntiphones (ch. 36, Borgia, pp. 28-29). La récitation par le prêtre de la prière de la prothèse avant les antiphones apparaît dans le texte latin  

d’Anastase (ch. XXX, Borgia, p. 21), mais non dans le texte grec original. Notons  

que aussi bien chez Anastase que dans le ms. contemporain  Barberini grec  336 (Brightman,  Litugies Eastern and Western,  Oxford 1896, p. 309), lorsqu’on parle 

de la prière de la prothèse au début de la Liturgie, sa récitation est attribuée au prêtre, non à l’évêque.

(26) De même, dans la traduction latine de s. Germain faite par Anastase, ch. XXXIII, Borgia, p. 22; dans la traduction géorgienne du XIe s., publiée par A.  

Jacob, Une version géorgienne inédite de la liturgie de s. Jean Chrysostome,   dans le Muséon  LXXVII (1964), p. 92. Les mss anciens ne donnent que l’incipit du 

verset; cependant, le cod. Grott.  Γ. β. Il l (XIVe s.), donne encore le texte complet avec la finale «devant lui», au lieu de «devant le Christ».

(27)  Le Typicon de la G.E.,  II, p. 74.

on les porta it, ensemble avec l évangile, pour accompagner le patriarche.Les cierges et l’encens sont indiqués, en effet, pour l’entrée avecl’évangile le soir du samedi saint (29).

Même dans quelques mss tardifs, le parcours de la processionapparaît plus long qu’aujourd’hui : ou bien on précise que le prêtreet le diacre vont au milieu de la nef (30), ou bien qu’ils s’arrêtentderrière l ’ambon (31).

La prière de l’EntréeLes plus anciens manuscrits italo-grecs (32) présentent pour

la Liturgie de Chrysostome un formulaire de la prière de l’entréedifférent de l’actuel ;

Bienfaiteur et Artisan de la création entière, accueille l’Eglise qui avance, accomplis ce qui est bon pour chacun, porte tous à la perfection  

et Tends-nous dignes de ton royaume : par la grâce et la miséricorde et  

l’amour pour les hommes de ton Fils Unique, avec lequel tu es béni, etc.

Cette prière s’adapte parfaitement à l’ancienne entrée, tellequ’elle apparaît chez s. Maxime le Confesseur (33). L’Eglise quiavance est évidemment l’ensemble du peuple et du clergé.

La prière actuellement en usage est commune aux deux liturgiesdans les mss, sauf dans les mss italo-grecs cités ci-dessus, qui l’attri buent à la Liturgie de saint Basile.

Souverain Seigneur notre Dieu, qui as établi dans les deux des ordres  

et des armées d’anges et d’archanges pour la liturgie de ta gloire, fais qu’avec notre entrée se fasse aussi une entrée d’anges saints, qui célèbrent

(28)  Ibid., p. 80; cf. aussi l’orthros du samedi saint, p. 82.(29)  Ibid.,  p. 84.(30) Diataxe  Athènes  662 (cf. note 5) : ε ί σ ε λ -3- ό ν τ ο ς èv τ φ μ ε σ ο ν ά ψ ; 

Typicon  Moscou Saint-Synode  381 (Kxasnoseltsev,  Materialy,  p. 23 έ ν τ φ μ έ σ ω - 

ν α φ ; Diataxe cod. Jérusalem, Patriarcat grec-orthodoxe 305 (XVe s.) (Krasnoseltsev,  Materialy,  p. 88) : έ ν μ έ σ φ τ ο ϋ α ο ύ .

(31)  Diataxe, cod. Var. gr. 573 (XVe s.) (Krasnoseltsev,  Materialy,  p. 103) : ό ίσ ω τ ο ϋ ά μ β ω ν ο ς .

(32)  Barberini grec  336 (VIIIe s.), cf. ci-dessus, note 25; Grott.  Γ. β . VII (IXe s.); Euchologe de Porphyre (Xe s.), cf. d-dessus, note 16. L’origine italo-grecque 

de ces mss a été prouvée par A. Jacob ; voir pour l’Euchologe de Porphyre son article  L'Euchoioge de Porphyre Uspenski cod. Leningr.  226 {Xe siècle),  dans  Le 

 Muséon  LXXVIII (1965), pp. 175-76. Pour le texte de la prière, voir A. Jacob,  Zum Eisodosgebet der byzantinischen ChrysostomusUturgie des Vat. Barb. gr.  336, dans Ostlcirchliche Studien  XV (1966), pp. 35-38.

(33) Cf. ci-dessus, note 1.

80 CHAP. I l l: ANTI PHONES. TYPICA. ENTRÉE

avec nous et avec nous glorifient ta bonté : car à toi convient toute gloire,h t d ti Pè Fil t S i t E it i t t t

L'ENTRÉE 81

siècles (41). Dans certains de ces documents, la doxologie n’est pas

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honneur et adoration, Père, Fils et Saint Esprit, maintenant, etc.

\ Cette prière ne mentionne pas l’entrée à l’église ni même l’entréedu peuple avec le clergé. Son allusion à la liturgie des anges et à lacélébration avec les esprits célestes, fait penser plutôt à une prière pourl’entrée au sanctuaire, qui, selon s. Maxime le Confesseur, représenteles régions célestes (34). Nous n ’avons pas cependant de documentsantérieurs au VIIIe siècle qui nous permettent de retracer l’origine decette prière ni la place de la Liturgie pour laquelle elle a été composée.

La prière de l ’entrée est précédée de l ’invitation diaconale :Prions le Seigneur.  La formule plus longue :  En paix prions le Seigneur, apparaî t dans plusieurs documents du XIe et XIIe siècle (35). Selonun de ces documents, le peuple répondait Kyrie eleison  à l’invitationdiaconale et  Amen  à la fin de la prière (36). Un document du XII Iesiècle prescrit le Kyrie eleison  comme réponse à l’invitation, mêmesi celle-ci, selon la rubrique, était dite à voix basse (37). Dans des mss

 plus récents, l’invitat ion est sous-entendue (38).

La prière était-elle dite à haute voix? L’existence d’uneinvitation diaconale le fait supposer, car ces invitations s’adressent,non au prêtre seul, mais aussi au peuple, tout comme VOremus romain.D’autre part, le cod. Barberini, de la fin du VIIIe siècle, qui donne larubrique μυστικώ ς pour la récitation de certaines prières (39), ne

met pas une telle rubrique à la prière de l’entrée. Selon l’Euchologede Porphyre, italo-grec du Xe siècle, elle était dite en secret (40); maiselle apparaît prononcée à haute voix dans plusieurs mss du XIe et XIIe

(34) Cf. H.-J. Schulz,  Die Byzantinische Liturgie, Vom Werden ihrer  Symbolgeslalt,  Freiburg im Breisgau 1964, p. 85.

(35) Version arabe publiée par Bacha (cf. ci-dessus, note 16); traductionlatine de la Lit. de S. Basile publiée par G. Morel,  Liturgiae sive Missae Sanctorum Patriim,  Paris 1560, p. 33. God. Pyromalos,  dans Goar,  Euchologion,  p. 154. Dansce dernier document, le scribe, confondant l’invitation à la prière de l’entrée avecle début de la grande synaptie qui, dans ce ms., suit immédiatement l’entrée, a écrit :

«En paix, prions le Seigneur, etc.».  Après l’entrée, il répète : «En paix, prionsle Seigneur» et donne le formulaire de la synaptie.

(36) Dans la version publiée par-M orel. .Le Kyrie eleison est attesté aussi par le cod. Paris Coislin grec  214 (XIIe s.), fol 4r.

(37) Cod. Ettenheim Munster   6, cf. ci-dessus, note 4.

(38) Sin. gr.  1020, et cod. Falascae,  cf. ci-dessus, note 4.

(39) Avant la prière qui suit le Sanctus  et, dans la Liturgie de Chrysostome,avant l’anamnèse, l’épiclèse, la prière avant le Pater  et la prière d’inclination aprèsle Pater,  cf. Brightman,  Liturgies,  pp. 324, 329, 330, 338, 340.

(40) Krasnoseltsev, Svedenija,  p. 285.

séparée de la prière par la rubrique «ecphonèse», et le peuple répond Amen (42); signes évidents d’une récitation à haute voix. Depuisla fin du XI Ie siècle on prescrit la récitation à voix basse (43). La

 pratique a dû se généraliser au cours du XI Ie siècle. Selon un documentdu XIVe siècle, tous les célébrants — patriarche, évêques et prêtres —récitaient, évidemment à voix basse, la prière de l’entrée (44).

A ce propos, il faut dire un mot au sujet de l’ecphonèse c.-à-d. del’exclamat ion doxologiquc à la fin des prières. Il y a des cas où cetterubrique (έκφώ νω ς, έκφώ νησις) est intercalée entre une prière, ditede toute évidence à haute voix, et sa doxologie, comme il arriveau  Notre Père  (45). 11 faut en conclure que la rubrique έκφώ νωςn’implique pas nécessairement la récitation à voix basse de la prièrequi précède. On peut remarquer le soin avec lequel le cod. Barberiniinsère la rubrique «en secret» devant certaines prières de l’anaphore deChrysos tome : prière après le Sanctus, anamnèse et épiclèse. Puisquela prière avant le Sanctus n’a pas cette rubrique, la conclusion s’imposeque cette prière était encore dite à haute voix ; cependant, elle se terminait pa r une «ecphonèse», l ’introduct ion au Sanctus : Chantant l'hymne de victoire, etc.  L’ecphonèse devait donc être la partie finale d’une prière,récitée ou chantée d’une façon plus ornée et introduisant une réponsedu peuple.

La bénédiction de l’entrée

La prière terminée, le diacre invite le prêtre'à bénir l’entrée ; Bénis, maître, la sainte entrée.  Et le prêtre, bénissant la porte : Bénie soit l'entrée de ton sanctuaire, en tout temps, maintenant, et  toujours, etc.

Le mot είσοδος, comme en français «entrée», peut signifier soitla porte d’entrée, soit l ’action d ’entrer (46). Ici il est pris au sensde porte d’entrée, et c’est bien la porte que le prêtre bénit.

(41) Du moins, ces mss ne mettent pas la rubriqu e μυ σ τικώ ς: Versionarabe (XIe s.), cf. ci-dessus, note 16; Version géorgienne (XIe s.), ci-dessus, note 26;Paris grec 328 (inédit, XIe s.), p. 11 ; Sin. gr. 9Ti  (XIIe s.), Dmitrievskij, Opisanie  II,

 p. 83; Paris gr. 330 (inédit, XIIe s.), p. 3-4; Paris Coislin gr.  214 (XIIe s.), fol. 4r-4v;Paris gr. 391 (XIIe s.), fol. 4v; Version latine publiée par Morel, cf. ci-dessus, note 35;cod. Pyromalos  (XIIe s.), Goar, Euchologion, p. 154.

(42) Cod. Pyromalos et version de Morel.(43) Version de Léon Toscan (v. 1180), éd. A. Jacob,  La traduction de Léon 

Toscan,  dans Orientalia Chnstiana Periodica  XXXII (1966), p. 141 ; cod.  Ettenheim  Munster 6, cf.  ci-dessus, note 4);  Dialaxe de Philothée  (ci-dessus, note 6); DiataxeVal, gr.  573 (ci-dessus, note 31).

(44) Cod. Saint-Sabas  362, Dmitrievskij, Opisanie  II, p. 305.(45) Déjà dans le cod.  Barberini  336, Brightman,  Liturgies,  p. 339.(46) Cf.  Le Typicon de la Grande Eglise  II, index liturgique, s.v. είσοδος.

82 CHAP, n i : ANTIPHONES. TYPICA. ENTRÉE

Τ ω ν άγιω ν doit être interprété, à notre avis, comme le génitifde τά άγια (Sancta le sanctuaire le temple) appellation fréquente

l   ’e n t r é e 83

L’Euchologe de Porphyre (Xe siècle) dit seulement que le prêtrefait une inclination à l’évangile (52) La rubrique du baiser n ’apparaît

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de τά άγια (Sancta, le sanctuaire, le temple), appellation fréquentedans l ’Ancien Testament po ur le temple de Jérusalem (47).. Latraduction «l’entrée de tes saints» au lieu de «l’entrée de ton sanctuaire»ne semble pas convenir au contexte. «Tes saints» serait une dénomination antique du peuple chrétien, en aucun cas dü clergé seul.

Pour admettre le sens «de tes saints», c.-à-d. paraphrasant laformule : «Bénie soit la porte par où entre ton peuple saint», ilfaudrait appliquer la bénédiction à la porte de l’église, non à celle dusanctuaire. Or, comme nous le verrons tout à l’heure, cette bénédictionapparaît tardivement, à une époque où la procession se faisait pratiquement comme de nos jours.

/Disons, comme chose évidente, que les mots «tes saints» ne font

aucune allusion aux dons du sacrifice, qui restent en deh ors de l’horizonde la Liturgie de la Parole.

Gette bénédiction n’est pas ancienne. Elle a dû être introduitevers la fin du XIIe siècle (48).

Les variantes de son texte sont minimes; elles se réduisent àl’intercalation des mots «ô notre Dieu» (49) ou «Seigneur» (50) après«ton sanctuaire».

Voici une rubrique curieuse d’une Diataxe du XVe siècle pourla bénédiction de l’entrée :

r Le prêtre, tenant la main au dedans du phénolion, bénit l’entrée en

disant :  Bénie soit, etc.  (51).

L ’ostension de l’évangile et le verset d ’entrée

Après la bénédiction de la porte, le diacre présente l’évangileau prêtre, qui le baise; si l’évêque ou l’higoumène sont présents, c’està eux qu’il offre l’évangile à baiser.

(47) Ps. 133, 2; Is. 57. 15; Jer. 28, 51; Ez. 44, 5-9, 11, 13, 15-16.(48) Elle manque dans la version arabe du XI e siècle, éd. Bacha (ci-dessus,

note 16); dans Sin. gr. 973 (XIIe s.) (ci-dessus, note 41); dans les codd. de Paris citésà note 41 ; dans la version latine  du XIIe s., éd. Morel (ci-dessus, note 35), et mêmedans la version arménienne  du XIIIe s.,^ publiée par G. Aucher dans Xpycoctomika,

 p. 378.(49) Version de  Léon Toscan  (ci-dessus, note 43), et cod.  Ett, Munster   6

(ci-dessus, note 4).(50) Diataxe  Athènes  662 (ci-dessus, note 5);  Moscou Saint-Synode  381

(ci-dessus, note 5).(51) Val. gr.  573 (ci-dessus, note 31).

fait une inclination à l évangile (52). La rubrique du baiser n apparaîtque dans des mss tardifs (53), et aussi, par conséquent, le cas spécialoù l’évêque ou l’higoumène assistent à la Liturgie.

Le diacre alors, se mettant devant le prêtre, face à la porte, élèvel’évangile et trace avec lui une croix, en disant : Sagesse, debout.

L’élévation de l’évangile est attestée au Xe siècle, ensemble aveccelle de l’encensoir, mais sans mention du signe de croix (54). Desmanuscri ts al lant du X Ie au XIVe siècle (55) précisent qu ’on élève

l’évangile pour le montrer; une Diataxe du XII-XIIIe siècle (56) interditexplicitement de tracer le signe de croix, probablement parce qu’oncommençait à le faire; cette action apparaît dans un document duXIVe s. (57). L’édition de Doucas parle encore de la simpleélévation (58). Le signe de croix est donc assez récent.

Les mots Sagesse, debout   apparaissent depuis le Xe siècle (59).La Diataxe de Philotée dit que le prêtre et le diacre s’inclinent ensuite,sans doute pendant le chant du Venez, adorons.

L’exhortation Sagesse  accompagnant l’ostension de l’évangileest ordinairement censée s’appliquer à ce livre, comme si l’on disait :«Voici la Sagesse». Cette interp rétat ion est pou rtant difficile à justifier.Dans la liturgie actuelle, le diacre dit Sagesse aussi à d’autres moments :

avant l’apôtre, avant les eephonèses des deux prières des fidèles, avantle Credo.  De même, en dehors de la Liturgie, avant les lectures et,à la fin des vêpres et de l’orthros, avant le tropaire à la Sainte Vierge :Plus vénérable que les Chérubins.

Selon le Typicon de la Grande Eglise, on le disait aussi avantle  Dirigatur   (ps. 140, 2) de la Liturgie des Présanctifiés, avant le chant

(52) Krasnoseltsev, Svedente,  p. 285.(53) Diataxe  Athènes  662 (XIIe-XlIIe s.) (ci-dessus, note 5);  Moscou Saint- 

Synode  381 (ci-dessus, note 5);  Diataxe de Philothée  (cf. note 6); Saint-Sabas   362(cf. note 44); Vat. gr. 513  (cf. note 15).

(54) Euchologe de Porphyre (cf. note 16).(55) Version arabe  (cf. note 16);  Léon Toscan  (cf. note 43); Sin. gr.  973

(cf. note 41);  Diataxe de Philothée  (cf. note 6); Saint-Sabas  362 (cf. note 44).(56)  Athènes  662, éd. citée (note 5), p. 7; de même le Vat. gr.  573 (XVe s)

(cf. note 15).(57)  Moscou Saint-Synode  381 (cf. note 5), à moins que ce ne soit une

mauvaise lecture de Krasnoseltsev, car ordinairement ce ms. suit à la lettre la Diataxed’Athènes et le texte à cet endroit semble être corrompu: ό διάκονος... αίρει...κα ί έκφω νεί Σοφ ία, ορθοί, ό μέντοι τυπώ ν καί σταυροειδοις. Diataxed’Athènes : ού μέντοι τυποΐ κα ί σταυροειδώ ς.

(58) Dans C.A. Swainson, The Greek Liturgies,  Cambridge 1884, p. 114.(59) Euchologe de Porphyre.

84 CHAP, in : ANTIPHO NES. TYPICA. ENTRÉE

du cantique de l’Exode à la vigile pascale (60); selon un ms. plus tard ifqui s’inspire du même Typicon(61), avant le chant d’un tropaire;

L’ENTRÉE 85

Puis il souhaite à tous la paix et rappelle là sagesse  avec laquelle ilconvient d’apporter son attention ( προ σέχειν) aux saints mystères.

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qui s inspire du même Typicon(61), avant le chant d un tropaire;selon une Diataxe du XVe siècle, avant l ’alleluia de la Liturgie (62).

Les deux mots réunis : Sagesse, debout,  sont prononcés avantla lecture de l ’évangile. Le Typicon de la Grande Eglise les prescritavant l’ecténie qui suit l ’évangile (63); la traduction a rménienne duXI IIe siècle, avant le trisagion (64). Dans to us ces cas, on suppose quele peuple était assis, soit pendant le chant de l’alleluia, soit pendantl’homélie, soit pendant le chant des tropaires.

L’avertissement Sagesse  ne précède donc pas seulement unelecture, mais également une litanie, un chant ou une ecphonèse. Aussine peut-on pas affirmer qu’il contient une allusion à la Parole de Dieu.

A notre avis, il n ’est que l’équivalent de πρόσχω μεν (soyonsattenti fs), c.-à-d. un rappel de l’attent ion (65). Avant les deuxecphonèses qui terminent les prières des fidèles, il avertit le prêtre,qui se trouve à l’intérieur du sanctuaire, de la fin de la litanie, afinqu ’il prononce l’ecphonèse. Avant les tropaires, le trisagion, le

 prokeimenon ou l’alleluia, il demande au peuple de faire attentionau chant qu ’on va entonner. Avant les lectures, on utilise les deuxformules : Sagesse  et Soyons attentifs  pour exciter l’attention desfidèles (66). A l’entrée avec l’évangile, il avertissait le peuple de selever pour recevoir l ’évêque et aux lecteurs de chanter le verset d ’entrée :Venez, adorons.

 Nous pouvons confirmer cette inte rprétation par un passagedu Commentaire de l’Explication de la Divine Liturgie de NicolasCabasilas :

(Le trisagion) terminé, le prêtre invite tous les fidèles, écartant touteattitude négligée.ou nonchalante, à prêter attention à ce qui se fait et sechante : car tel est le sens du πρ όσ χω μ εν «Soyons attentifs».

(60) Ed. citée, I, p. 246; II, p. 84.(61)  Ibid.  II, index liturgique, s.v. σοφ ία.(62) Vat. gr.  573 (cf. note 15).

(63) Ed. citée, Π , p. 95.(64) Cf. note 48. -(65) L’avertissement, πρ όσ χω μ εν semble être plus ancien que σο φία. Il

apparaît, en effet, dans les Constitutions Apostoliques, avant le baiser de paix et avantle Sancta sanctis  (VIII, 11, 7; 13, 11; Funk, pp. 494, 516).

(66) A vant lé Credo  on a combiné les deux avertissements : έν σ οφ ίαπρ όσ χω μ εν , mais les mots έν σοφ ία n ’apparaissent pas dans les documentsles plus anciens, p. ex. : Croît.  . β. VII (IXe s.), fol. 7Γ; version géorgienne (XI* s.), art. cité (note 26), p. 104;  Barb. gr.  431 (XI-XI Ie s.), fol. 14r; Paris Coislin gr.  214 (ΧΠ * s.), fol. 10*.

pp ( ) y

Quelle est cette sagesse? c’est l’ensemble des pensées en accord avecla cérémonie, lesquelles, au spectacle des rites et à l’audition des formules,doivent animer les chrétiens remplis de foi pour ne laisser nulle prise àaucun sentim ent purement humain. Telle est, en effet, la sagesse deschrétiens; et c’est ce que signifie l’acclamation «Sagesse», qui est redite par le p rêtre aux fidèles en maints endroits de la liturgie : c ’est un rappelde ces pensées-là...

Quelle nécessité y a-t-il de ce rappel? C'est que la tyrannie de l’oubliest grande... un rappel du dehors nous est nécessaire pour que nous puissionsreprendre à nouveau notre esprit emporté par l ’oubli et entraîné à de vainesimaginations.

Telle est également la signification du tropaire qui sera chanté pendantle transfe rt des oblats à l’autel : «Déposons toute préocu pation mondaine».C ’est bien, en effet, le sens de ce mot «Sagesse» (67).

Le verset d’entrée

On chante alors le verset d ’entrée, qui est, po ur les joursordinaires : Venez, adorons, etc.  (ps. 94, 6). Dans le Typicon de laGra nde Eglise, ce sont les lecteurs qui chantent les antiphones (68),et quelques manuscrits postérieurs précisent encore que les lecteurs

chantent aussi le verset d ’entrée (69). Des mss tardifs, probablementtous monastiques, attribuent ce rôle au peuple, c.-à-d. à la communautédes moines (70).

Depuis le XIe siècle on répond au verset d’entrée par le refrain :Sauve-nous, Fils de Dieu.  Le texte ordinaire du refrain semble avoircontinué : né de la Vierge, nous qui te chantons. Alleluia.  En effet,quelques documents du XIIIe siècle et postérieurs (71) donnent ce versetcomme réponse au Venez, adorons même si les tropaires qu’on mentionneensuite appartiennent parfois à des dimanches ou à d’autres jours endehors de Noël. Dans un de ccs documents (72), le témoignage estencore plus explicite, car à tous les versets du troisième antiphone lerefrain Sauve-nous, etc.  p résentait l’incise : ressuscité des morts  ouadmirable dans les saints,  tandis qu’avec le verset d’entrée on chantait :né de la Vierge.

(67)  Liturgiœ Expositio,  21; PG  150, 413. La traduc tion est de S. Salaville,Sources Chrétiennes  4, Paris 1943, pp. 129-13Ô.

(68) Cf. tome Π , index liturgique, s.v. ανα γνώ στης.(69) Version arabe (cf. note 16), cod.  Ett. Munste r   6 (cf. note 4).(70)  Moscou Saint-Synode  381 (cf. note 5); cod. Falascae,  éd. Muretov

K materiaiam,  p. 10-17.; Vat. grec  573 (cf. note 15).(71) Léon Toscan (en marge); cod. Ett. Munster  6; Grott.  .β . ΙΠ (XIVes.).(72) Cod.  Ett. Müns ter   6.

86 CHAP, i n : ANTI PHONES. TYPICA. ENTRÉE

La traduction géorgienne du XIe siècle (73) donne, comme réponseau verset d’entrée une rédaction plus longue : Sauve-nous Fils de

l   ' e n t r é e 87

Dans une Diataxe italo-grecque du XVe siècle (79) on trouveune salutation spéciale pour ce moment. Le diacre disait au prêtre ;

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au verset d entrée, une rédaction plus longue : Sauve nous, Fils de  Dieu, né de la Vierge et glorifié par tes saints, etc.

Les jours qui ont des antiphones spéciaux, le refrain Sauve-nous, etc.  passe au deuxième antiphone. Le troisième a, comme refrain, letropa ire de la fête. Puisque le verset d’entrée n’est que le dernier verset,qu’on chante, du psaume du troisième antiphone, il doit avoir commerefrain le tropaire de la fête, tout comme les versets précédents. Cetusage, qu i éta it l ’unique, anciennement (74), est encore en vigueuraujourd’hui chez les Russes. Chez les Roumains, les Grecs et lesMelkites on répond au verset d’entrée par le Sauve-nous, etc.  qu’on achanté au deuxième antiphone. Le troisième antiphone des fêtes adonc été contaminé dans ces pays par celui des joins ordinaires.

Avant le XIe siècle, le refrain Sauve-nous, etc.  n’était chantéqu’au deuxième antiphone, et seulement les jours de Noël, del’Epiphanie, de Pâques jusqu’au dimanche suivant, et le dimanche dela Pentecôte (75).

Pour le troisième antiphone, on chantait, comme refrain, untropaire, comme on fait actuellement aux fêtes du Seigneur. Lesdimanches c’était le O Fils Unique·,  aux mémoires des saints, letropaire du saint (76).

Mentionnons un usage qui apparaît dans le Typicon de la GrandeEglise : le 9 janvier, commémoraison d ’un tremblement de terre et dusaint martyr Polyeucte, la liturgie était stationale, et la procession allaitde la Grande Eglise à celle du martyr. A l’entrée de l’église, au lieudu verset psalmique Venez, adorons,  on chantait le Kyrie, eleison,  enmémoire du tremblement de terre (77). La traduction géorgienne duXIe siècle prescrit le chant du Kyrie eleison  comme réponse du peupleau refrain Sauve-nous, Fils de Dieu (78).

L ’entrée au sanctuaire

Le diacre et le prêtre, qui s’étaient inclinés pendant le chant duVenez, adorons,  se redressent et entrent au sanctuaire.

(73) Cf. note 26.(74) Cf. Typicon de l'Evergétis,  14-IX (Opisanie  I, 274); 21-XI (ibid.,  322);

2-II (ibid.,  407); 25-III (ibid.  432); Ascension (ibid.,  586).(75) Cf.  Le Typicon de la G. E.,  Π , index liturgique, s.v. άντίφω νον. Au

XIe s., le refrain Sauve-nous  apparaît au troisième antiphone dans la version arabe(cf. note 16) et dans la version géorgienne (cf. note 26).

(76)  Le Typicon de la G. E.  II, index liturgique, s.v. τροπάρtoy.(77)  Ibid.  I, p. 192.(78) Cf. note 26.

Ε ις πολλά έτη, δέσποτα  fad multos annos, domine),  et le prêtrerépondait : "Α μα xtj αιώ νια ζωτ) ήμώ ν (simul cum vita nostra aeterna). C’était probablement un usage local, que nous n’avons pas trouvéailleurs.

Selon la traduction arabe du XIe siècle, l’archevêque faisaittrois inclinations avant d ’entrer (80). Le baiser des portes appa raîtseulement dans un ms. constantinopoli tain du XIVe siècle (81), oùla file droite des diacres, prêtres et évêques baisait le battant de droite,

et la file gauche celui de gauche. Lorsque le patria rche arriva it aux portes, les ostiaires (ώ σχιάριοι) fermaient les portes afin qu ’il putcommodément baiser les deux battants. Ensuite ils les rouvraient etle patriarche entrait.

Entrés au sanctuaire, après que le diacre a déposé l’évangile surl’autel et s’est mis de côté, le prêtre baise l’évangile et l’autel et lediacre l’autel. Parmi les documents que nous avons examinés, le seulqui parle d’un baiser de l’autel, mais seulement de la part des diacres,est une description de la Liturgie patriarcale d u XIVe siècle (82).

Dans la Liturgie pontificale actuelle, l’évêque encense l’auteltout autour en forme de croix, ensuite le sanctuaire, la prothèse et lesicônes, le tout pendant le chant des trôpaires. Cet encensement, mais

limité à l’autel, est attesté pour la liturgie sacerdotale par un ms. duXII Ie siècle où c’est le diacre qui encense (83); pou r la Liturgie pontifica le par la tradu ction arabe du XIe siècle où le second diacreencense, et par la description constantinopolitaine du XIVe siècle,où l’encensement est fait par le patriarche (84). Dans un documentitalo-grec du XIVe siècle, l’encensement est étendu à la table de la

 prothèse (85).

Il s’agit évidemment d’une marque d’honneur faite à l’autellorsqu ’on entre pour la première fois au sanctuaire. C’est une cérémonie

(79) Vat. gr.  573 (cf. note 15).

(80) Ed. Bacha (cf.  note 16). Le texte arab e donne ■>·» -J ■ Bacha

tradui t «U se prosteme)>, mais le verbe arabe tradu it le grec προσ κυνεΤ ν(cf. ps. 94, 6), qui plus souvent signifie une inclination.

(81) Soint-Sabas  362 (cf. note 44).(82)  Ibid.

(83) Cod. Patmos  719, Dmitrievskij, Opisanie  II, p. 173.(84) Cf. notes 16 et 44. Selon le deuxième document, l’encensement

avait lieu comme dans le rite romain : d’abord, le patriarche encensait l’autel,ensuite il était lui-même encensé par le castrensis.  Pou r encenser l’autel, il en faisaitle tour, s'arrêtant à chacun des quatre côtés (σταυροειδές).

(85) Cod. Falascae  (cf. note 4).

88 CHAP, in: ANTIPHONES. TYPICA. ENTRÉE

tardive, parallèle à l’encensement romain de l'autel pendant le chantdu Kyrie eleison.  L’extension de l’encensement au sanctuaire, à la

l   ’e n t r é e 89

Ensuite, l’archidiacre reçoit l’évangile des mains du pontife et celui-cile baise. Celui qui porte la croix s’approche aussi de lui, pour qu’il labaise

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 prothèse et aux icônes mont re une méconnaissance de sa vraiesignification.

La traduction arabe du XIe siècle décrit un usage singulier :lorsque l’archevêque entre au sanctuaire, il se tient au pied de l’autel,devant la première marche. Les prêtres, comme auparavant ont faitles diacres, se divisent en deux groupes qui se placent l’un à droite,l’autre à gauche de l ’autel. Au moment où les lecteurs chantent leGloire au Père  de l’antiphone, le premier sous-diacre s’avance et remet

le trikirion à l’archevêque; celui-ci le prend, s’incline trois fois et bénitavec lui le sanctuaire au milieu, à droi te et à gauche (86). Il est possibleque cette cérémonie soit à l’origine des bénédictions avec le trikirionet le dikirion que l’évêque donne actuellement pendant le trisagion àla Liturgie pontificale.

L’évangile, la croix et l’encens à la procession

Jusqu’ici nous avons admis, sans l’expliquer, le fait que le diacre porte l’évangile à la procession d’entrée. Les documents sont aussiassez explicites quant à la présence de l ’encens. Ni les anciensdocuments ni les rubriques actuelles ne font mention de la croix, saufles livres melkites (87).

On dit parfois que le livre de l’évangile à la procession d’entréeremplace la présence de l’évêque. Cette opinion n’a aucun fondementdans les documents; l’évangile était porté toujours, même à la Liturgie

 pontificale.

On peut éclairer les usages actuels par l’étude des ancienseuchologes constantinopolitains qui décrivent les processions propresaux liturgies stationales. Parmi eux, nous choisissons le cod. Coislin grec  213 (A.D. 1027) (88). Cet euchologe expose en détail l a sortiede la procession. Voici les passages qui touchent à notre sujet :

Le sous-diacre, prenant la croix qui se trouve devant l’autel, va se placer avec elle à gauche du pontife. (Prières prononcées par le pontife).L’archidiacre demande la permission et donne un ordre aux psalmistes,qui entonnent le tropaire de la procession. Entre-temps, un autre diacres’approche du pontife avec l’encensoir et l’encens fie pontife bénit l’encens).Pendant que le diacre encense, le pontife prend l’évangile de l’autel et setient au-dessus (derrière?) de celui qui porte la croix. Le diacre encensel'autel et le pontife, qui tient l’évangile; puis il se retourne pour encenseraussi la croix.

(86) Xpycoctomika, p. 418, 449.(87) Cf. l’édition de Harissa (citée à note 9), p. 104.(88) Dmitrievsky, Opisanie  II, p. 1009.

 baise.

Ils sortent alors, d’abord le diacre qui porte l’encens, après lui celuiqui porte la croix, ensuite l’archidiacre avec l’évangile et, finalement, le

 pontife, sans être soutenu par personne (89).

Dans les processions, on porte la croix aussi bien en Orient qu’enOccident. La croix glorieuse des anciens temps était le symbole duChrist ressuscité.

La présence de l’évangile pourrait s’expliquer par le fait qu’encertains jours (90) on célébrait un office de lectures à une stat ionintermédiaire; ces offices au Forum ou ailleurs restaient pourtant uneexception, tandis que l’évangile étai t porté toujours. Il nous sembledonc que le Livre Saint était lui aussi considéré comme le symbole duChrist, dont la Parole allait être entendue dans la synaxe eucharistique.Le livre de l’évangile qu’on porte à la procession serait ainsi en rapportavec la lecture qu’on en fera à la Liturgie de la Parole.

Aux vêpres, en effet, où il y a aussi une entrée de l’évêque, maisoù les jours ordinaires il n’y pas de lectures, on porte bien l’encens àla procession d’entrée, mais non l ’évangile. Par contre , les jou rsoù les vêpres sont suivies d’une Liturgie des Présanctifiés avec lectureévangélique ou de la Liturgie complète, l’évangile est porté à la

 procession.La procession stationale est donc probablement à l’origine des

cérémonies qui accompagnent l’entrée de la Liturgie.

Evolution de l’entrée de l’évêque

Il n’est pas nécessaire de décrire tous les détails de l’Entrée dansla Liturgie pontificale. Nou s noterons seulement que l’évêque nemonte pas au sanctuaire pendant le chant des deux premiers antiphones,mais qu ’il reste assis sur l’ambon. Seulement lorsqu ’on arrive autroisième antiphone, il s’avance avec les prêtres et monte au sanctuaire.Avant le début de la Liturgie on a récité Tierce, pendant qu’on revêtaitl’évêque de ses ornements.

(89) Cf. la description donnée par la version arabe du XIe siècle (ci-dessus,note 3), où deux diacres tenaient les mains dç l’archevêque pendant le trajet de la porte à l’autel; aussi VOrdo romamis  I, 29 : «Cum vero ecclesiam introierit pontifex,non ascendit continuo ad altare, sed prius intrat in secretario, sustentatus adiaconibus...» (éd. M. Andrieu,  Les Ordines Romani du H aut M oyen A ge II, Louvain1960, p. 76).

(90) 1 septembre, 25 mars, 11 mai ; cf.  Le Typicon de la G. E.  I, aux jourscités.

9Q CHAP, i n : ANTI PHONES, t y p ic a . e n t r é e

Si Ton voulait faire un essai de synthèse des données sur l’entréede l’évêque, étudiées jusqu’ici, on pourrait y considérer une évolution

i é

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en trois étapes :

a) Au VIIe siècle, l ’évêque entrait à l ’église ensemble avec leclergé et le peuple, Cette procession venait d’une autre église ou biense formait dans l’atrium. Pendant la procession on chantait un psaumeayant comme antiphone un tropaire (Introït, le troisième antiphoned’aujourd’hui). L’évêque et le clergé montaient au sanctuaire tandisque les fidèles restaien t dans la nef. La préparation des dons, trèssimple, était faite après la Liturgie de la Parole.

 b) Depuis le VIIIe siècle, la prépa ration des dons s’allongee't est accomplie, du moins en partie, avant l’arrivée de l’évêque;celui-ci entrai t pendant le chant du troisième antiphone. Le peupleétait entré auparavant et, pendant que les diacres préparaient les dons,on chantait deux nouveaux psaumes antiphonés. Les nouveaux

 psaumes et l’ancien chant d ’entrée, considérés comme un bloc de troisantiphones, sont alors précédés chacun d ’une prière sacerdotale. Lagrande synaptie est dite tout de suite après la montée au sanctuaire.Les jours de procession, cependant, on conserve l’ancien usage.

Cet état de choses persiste jusqu’au Xe (91) et XIe siècles (92).Les documents du XIIe siècle présentent déjà quelques nouveautés (93) :l’évêque, avant de faire son entrée, allait au diaconicon où il prononçait

la prière sur les dons. Entre-temps , les prêtres et les diacres se tenaientsur la soléa et y récitaient, sans entrer dans le sanctuaire, les prièresdes antiphones. Il n’y avait pas encore une bénédiction initiale de laLiturgie. L’évêque, venant du diaconicon, faisait son entrée à l’égliseet restait assis dans la nef jusqu ’à ce qu’on commençâ le chant dutroisième antiphone. Il montait alors au sanctuaire avec le clergé.

c) Pratique actuelle. Avant la Liturgie, pendant la récitationde Tierce, on revêt l’évêque de ses ornements, sur I’ambon. Il assistedonc au ch ant des antiphones, mais ne monte au sanctuaire que pendantle chan t du troisième. Plusieurs prêtres, cependant, seront déjà montéssuccessivement au sanctuaire pour prononcer la bénédiction initialede la Liturgie ou les ecphonèses des synapties. Là grande synaptieest récitée avant le premier antiphone.

(91) Selon le Typicon de la G. E.,   cf. tome Π , index lit., s.v. ά ντίφω νον,

συ ναπ τή, είσοδος.(92) Version arabe, cf. note 16.

(93) Les documents cités à la note 24.

CHAPITRE IV

LE CHANT DU TRISAGION ET LA SESSION A L’ABSIDE

Dans un article précédent (li) nous avons montré que la grandesynaptie avait sa place, jusqu’au XIIe siècle, entre le chant des tropaireset lé trisagion. Au Xe siècle, elle était appelée «prière synaptie dutrisagion» (2) ou «αίτησις d u trisagion» (3); dans deux documentsdu XIIe siècle (4) elle por te le titre de «première litanie» (5), ladeuxième étant l’ecténie après l’évangile, la troisième, la répétitionde la grande synaptie qui accompagnait la deuxième prière des fidèles,la quatrième, la litanie avant le Pater.

Lorsque la synaptie était dite avant le trisagion, la prière dutrisagion jouait le rôle de prière de la synaptie, et celle-ci était terminée

 par la doxologie ou ecphonèse de la prière.

(2) Ε ύχή συναπτή τοΟ τρισάγιου, ou bien εύχή τοϋ τρισαγίου,

cf.  Le Typicon de la Grande Eglise  II (Orient . Christ. Analecta  166) Rom e 1963,index liturgique, s.v. συναπτή.

(3) Cf. Euchologe de Porphy re, cod.  Leningrad   226, éd. N. KxasnoseltsevSvedenija o njekotorych liturgiceskich rukopisjach Vatikanskoi Biblioteki,   Kazan1885, pp. 285.

(4) Cod. Isidori Pyromali,  dans Goar,  Euchologion,  2e éd. Venise 1730,

 p. 154, et l’ancienne traduc tion de la liturgie de S. Basile publiée pa r G. Morel, Liturgiae sive Missae sanctorum Palrum,  Paris 1560, p. 33.

(5) Λ ιτανεία πρώ τη.

92 CHAP. IV : LE TRISAGION

1. L'usage actuel

Le chant du trisagion est introduit actuellement par une invitationf i l di ê l d i di i é î

2. L’introduction au trisagion

93l   ’i n t r o d u c t i o n

Le transfert de la synaptie à sa place actuelle avant le premier

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faite par le diacre au prêtre ; on la traduit ordinairement : Bénis, maître, le moment du trisagion (6).  Chez les Grecs et les Melkites, le diacreajoute à haute voix : Prions le Seigneur,  et le chœur répond : Kyrie eleison.  Cette addition n'existe pas chez les Slaves et les Roumains.Le prêtre fait alors un signe de croix sur le diacre, disant à haute voix :Car tu es saint, ô notre Dieu, e t nous te rendons gloire, Père, Fils et  Saint-Esprit, maintenant et à jamais.

Le diacre s’approche de la porte centrale où, levant l’orarionet s’adressant à ceux du dehors, il termine la doxologie :  Et pour les siècles des siècles.  Le chœur répond : Amen,  et entonne le trisagion.

Le moment où est récitée la prière du trisagion varie selon les pays. Les Slaves et les Roumains la récitent avànt l’ecphonèse :Car tu es saint,  qui précède le trisagion. Chez les Grecs et les Melkites,le prêtre chante ordinairement le contakion final; ensuite, aprèsl’invitation du diacre, il chante l’ecphonèse et enfin, pendant le chantdu trisagion, il dit la prière du trisagion, qu’il termine à voix basse par la même doxologie.

Tandis que le chœür chante le trisagion, le prêtre et le diacre lerécitent à voix basse devant l’autel en faisant trois inclinations. Puis,le prêtre baise l’évangile et l’autel, le diacre seulement l’autel, et ils

vont à l’abside. Pendant le trajet, le diacre dit au prêtre : S ’il vous  plaît, maître (lube, domne)  ( 7 ) . Et le prêtre :  Béni soit celui qui vient  au nom du Seigneur.  Chez les Grecs et les Melkites, lorsque le chœurdoit commencer la dernière répétition du trisagion, le diacre exclame :Δύναμις (Force1.).

Arrivés à l’abside, le diacre dit :  Bénis, maître, la chaire d'en- haut  (8). Et le prêtre : Béni es-tu sur le trône de gloire de ton royaume, toi qui sièges sur les Chérubins, maintenant et toujours et pour les siècles des siècles. Amen.

En certains jours de l’année, le trisagion est remplacé par unhymne différent. Les jours de Noël, Epiphanie, sixième samedi decarême (samedi de Lazare), samedi saint, dimanche de Pâques jusqu’au

samedi suivant et dimanche de la Pentecôte, on chante le tropaire baptismal (Gai  3. 27) : Vous qui avez été baptisés dans le Christ, vous  avez revêtu le Christ. Alleluia.  Le 14 septembre et le troisièmedimanche de carême, on chante :  Nous adorons ta croix. Maître, et nous glorifions ta sainte résurrection.

(6) ΕύΧ όγησον, δέσποτα, τόν καιρόν του τρισάγιου.(7 ) Tel le est la traduction de κ έ λ ε υ σ ο ν δ έ σ ο τ α , cf. Le Livre des Cérémo

 nies  de Constantin Porphyrogénète, éd. A. Vogt, vol. I, Paris 1935, p. 66 et passim.

y p p pantiphone amena des hésitations sur la manière d’introduire le chantdu trisagion.

a) L’introduction en usage aujourd’hui, c.-à-d. la doxologiede la prière dite à haute voix, apparaît fréquemment dans les documentsà parti r du XIIe siècle (9). Quelques-uns mettent la récitation de la

 prière avant la doxologie (10), la plupart, cependant, pendant le chantde l’hymne. Il n’y a pas pourtant d’uniformité dans le détail.

Voici quelques particularités qui apparaissent dans les documents -consultés : trois mss tardifs (11) mettent simplement l ’ecphonèse : Car 

 tu es saint, etc.  Selon le cod.  Ettenheim Muns ter 6  (A.D. 1200), le prêtre 

récitait l’ecphonëse et le diacre faisait signe aux psalmistes avec l’orarion.  

Dans Sin. gr.  1020 (XIIIe s.), ce signe se développe en un signe de croix 

(σ τ α υ ρ ώ ν ε ι) fait par le diacre sur le peuple avec l’extrémité de l’orarion, 

pendant que le prêtre dit : Car tu es saint... Saint-Esprit·, ensuite le prêtre 

(ou peut-être le diacre) ajoutait :  Recevez le Saint-Esprit,  et le peuple 

chantait le trisagion. Dans le ms. Patmos 709 (A.D. 1260), c’est le prêtre 

qui fait un signe de croix (σ τ α υ ρ ώ ν ε ι) sur le peuple en disant : Car tu es 

 saint, etc.  Le ms.  Patmos 719 (XIIIe s.) met ce signe de croix (σ φ ρ α γ (ζ ε ι) 

fait par le prêtre avant la doxologie qui, pour la première fois, e st introduite 

par le :  Prions le Seigneur,  du diacre. Selon un codex  Athos Saint-André 

(XVe s.) (12), le diacre invitait l ’évêque à bénir :  Bénis, maître, rhymne   trisagion, et celui-ci prononçait la doxologie; ensuite, le diacre faisait signe 

avec l’orarion à ceux du dehors; aucune mention d'un signe de croix.

 b) Selon d ’autres mss, le prêtre disait la doxologie ou uneautre formule, à voix basse, durant le chant des tropaires, en sortequ ’elle ne servait pas d’introduction au chant du trisagion. Cependant,

(8) Ε ύλδγησον, δέσποτα, τήν άνω καθ-έδραν,(9) Vatic, gr.  1554, Vatic, gr.  1863 et  Paris gr.  328 (tous du XIIe siècle, 

inédits); Vatic, gr.  2005 (A.D. 1197-1211, inédit); cod. Ettenheim Münster 6 (c. 1200), 

éd. R. Engdahl,  Beiträge zur Kenntnis der byzantinischen Liturgie,  Berlin 1908, p. 13; 

Sinatt. gr.  1020 (XII-XIII* s.), Dmitrievskij, Opisanie  II, p. 140;  Patmos  709 (A.D. 

1260), ibid., p. 157; Patmos 719 (XIIIe s.), ibid.,  p. 173; Athos Esphigmen  (A.D. 1306) ibid.,  p. 266; Grottaf.  Γ.β.  I ll   (XIVe s.), éd. S. Muretov,  K materialam dlja Istorii 

 cinoposljedovanija Liturgii,  Sergiev Posad 1895, p. 13; Saint-Sabas  362 (XIVe s.), 

Opisanie  II, p. 306;  Jérusalem Patriarcat grec-orthod.  305 (Diataxe XVe s.), éd. Krasnoseltsev, Màteriaiy dlja Istorii cinoposljedovanija Liturgii Cv. Ioanna Zlatoustago, 

Kazan 1889, p. 88; Sinait. gr.  986 (XVe s.), Opisanie  II, pp. 608-609. De même, 

Nicolas Cabasilas dans sa  Liturgiae Expositio,  ch. 21 (Pg. 150, 413 A.B.).

(10) Codd.  Ettenheim Münster 6, Sinait. gr.  986, Nicolas Cabasilas.

(11) Codd.  Athos Esphigmen, Grottaf.  Γ. ß.  Il l, Jérus. Patriarcat  305.

(12) Opisanie  L PP- 169-170.

94 CHAP. IV : LE TRISAGION

dans plusieurs mss à par tir du XIVe siècle, la partie finale d e ladoxologie est dite à haute voix par le diacre, de façon à donner le signalau chœur pour le chant du trisagion.

l   ' i n t r o d u c t i o n 95

montrait l’orarion à ceux du dehors et disait la finale : et pour les siècles des siècles.  Selon S in. gr.  986 (XVe s.), le diacre invitait le prêtre à bénir,

comme dans le ms. précédent, pendant le chant du tropaire et du conta kion;

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au chœur pour le chant du trisagion.

Ainsi, dans Grottaf.  Γ. ß. / / (XIcs.) (13), il n’y a aucune introduction;

 probablement non plus dans Val. gr.  1811 (A.D . 1147) (14). Dans la

Diataxe cod.  Athènes   662 (ΧΠ -Χ ΙΠ ® s.) (15) et dans sa copie du XIVe s.

cod.  Moscou Saint-Synode   381 (16), le diacre, prenant l'orarion avec sa

droite et s’inclinant, dit au prêtre :  Bénis, maître, l'hymne trisagion (17);

et le prêtre : Car tu es saint, etc.;  après le chant du contakion, le diacre,

sans rien dire, montrait l'orarion au peuple, qui commençait le chant du

trisagion. Dans la  Diataxe de Philothée  (XIVe s.) (18), l’invitatio n dudiacre est l’actuelle :  Bénis, maître, le moment du trisagion;  le prêtre,

 bénissant le diacre, pronon çait ou bien la doxologie ou bien ce tte form ule : Béni soit Dieu qui est glorifié par des hymnes trois fois saints (19);  le chant

des tropaires terminé, le diacre montrait l’orarion vers le dehors en disant

à haute voix : et pour les siècles des siècles.  La Diataxe italo-grecque cod.

Vat. gr.  573 (XVe s.) met la même invitation diaconale que  Athènes  662

cité ci-dessus; le prêtr e n’y répond pas cependant par la doxologie mais

 par cette bénédiction :  Béni es-tu, auquel les Chérubins rendent gloire et  

que les Séraphins glorifient par le cri du trisagion (20); après la fin du

théotokion, le diacre, debout devant les portes, tenant l’orarion avec deux

doigts de la main droite, le montre à ceux du dehors disant : et pour les 

siècles des siècles.  Le peuple chan te le trisagion. Dan s le ms. Saint- 

Sabas  362 (XIVe s.), apparaît l’invitation diaconale adressée au patriarche

selon le formulaire actuel :  Bénis, maître, le moment du trisagion,  à laquelle

le patriarche répondait disant à voix basse la doxologie : Car tu es saint, 

et faisant un signe de croix sur le diacre; le contakion terminé, le diacre

(13) Ed. S. Muretov, K materialam, p. 3, Dans le ms. on trouve la rubrique,

apparemment contradictoire : έκφ ώ νει μυσ τικώ ς. Le verbe έκφ ω νέω doit êtredevenu un terme technique pour signifier «prononcer la doxologie»; l’adverbe

μυ σ τικώ ς doit se référer à la façon d’exécution. On pourrait donc traduire ; «Il

 prononce la doxologie à voix basse».

(14) Inédit. Le prêtre prononce la doxologie μυσ τικβ ς, mais le peuple

répond «Amen».

(15) Ed. P. N. Trembelas, Α ίτρεις λειτουργίαι κατά τούς έν Ά θή ναις

κώ δικας (= Texte und Forschungen zur byzantinisch-neugriechischen Philologie  15),Athènes 1935, p. 7 (à gauche).

(16) Ed . Krasnoseltsev,  Materialy,   p. 23.

(17) Ευλόγησαν, δέσποτα, τόν τρισάγιον Ομνον.(18) Ed. Trembelas, Α ί τρεις Λ ειτουργίαι,  p. 7 (colonne à droite );

 N. Krasnoseltsev,  Materialy,   p. 52.

(19) Seulement dans la recension publiée par Krasnoseltsev.

(20) Ed. Krasnoseltsev,  Materialy, p. 104 ; Εύλογητός εί ό èv τρισαγίφφω νζ Οπό τώ ν χερουβίμ δοξολογούμενος καί Οπό τώ ν Σεράφ Ιμ δοξαζόμενος, πάντοτε.

p , p p ;

le prêtre bénissait vers l’Orient avec cette formule :  Béni es-tu, qui reposes 

dans les saints et es adoré dans la Trinité Sainte, en tout temps, maintenant  

et à jamais.  Le diacre, tenan t l’orarion avec trois doigts de la main droite,

se tournait vers le peuple et disait : et pour les siècles des siècles.  S’il n ’y

avait pas de diacre, c’était le prêtre qui terminait la formule, bénissant

en même temps le peuple.

Dans l’édition de Do ucas (XV Ie s.) (21), l’invitation diaconale et

la doxologie sont dites à voix basse, pendant le chant des tropaires; lediacre montre ensuite l’orarion à ceux du dehors et dit à haute voix : et  

 pour les siècles des siècles.  Parmi les traductions, la géorgienne du XIIIe

siècle (22) insère cette phrase, qui, pa r la place q u’elle occupe, doit être

une introduction au chant :  J'adore le Père, le Fils et le Saint-Esprit, Trinité  

consubstantielle et indivisible qui règne pour les siècles;  la traduction

arménienne du XIIIe siècle prescrit avant le trisagion : Sagesse, debout, 

sagesse (23).

c) Il y a encore quelques documents qui, tout en mettant la prière dur ant le ch ant du trisagion, comme les précédents, n ’ont aucuneintroduc tion à l’hymne : ainsi, Sin. gr.  973 (A.D. 1153) (24) et latraduction de Léon Toscan (25); cette dernière prescrit que le diacre,sans rien dire, fasse signe aux lecteurs, afin qu’ils chantent le trisagion.

Le fait de détacher la doxologie qui termine la prière du trisagion pou r en faire l’introduction est évidemment un reste de l’ancien usagequi plaçait la synaptie avant l’hymne. La doxologie ou ecphonèseterminait alors naturellement la litanie et était suivie du chant dutrisagion. Lors du transfert de la litanie, l’usage grec presque générala transféré aussi la prière, plaçant sa récitation pendant le chant del’hymne. Sans préjuger de l’oppor tunité de ce déplacement, il fautaccorder qu’il y a un manque de logique dans le fait de laisser ladoxologie isolée avant l’hymne, et de réciter ensuite la prière, terminéeencore une fois par la même doxologie. Les documents du groupe b)témoignent d’ailleurs que l’usage, pourtant très répandu, de prononcer 

(21) Reimprim ée par C. A. Swainson, The Greek Liturgies,  Cambridge1884, p. 115.

(22) Ed. M. Tarchnischvili,  Liturgiae Ibericae antiquiores,  CSCO 123,Scriptores Iberici  I, Louvain 1950, p. 51.

(23) Ed. G. Aucher, Versione armena della Liturgia d i S. Giovanni Crisostomo 

 fa t ta sul principio del l'V lIl secolo  (la datation est fantaisiste), dans Xpycoctomika,Rome 1908, p. 378.

(24) Opisanie  Π , p. 83.

(25) Ed. A. Jacob,  La traduction de f a Liturgie de saint Jean Chrysostome  par Léon Toscan. Edition critique, dans Orient. Christ. Per. Χ Χ Χ Π (1966), pp. 144-45.

96 CHAP. IV : LE TRISAGION

la doxologie à haute voix comme introduction au trisagion, n’obtenait pas tous les suffrages; dans ces mss, on emploie la doxologie ou uneautre formule pour s’adresser au diacre, lui permettant de faire signe

l   ’i n t r o d u c t i o n 97

Le document le plus ancien, à notre connaissance, qui présenteune formule pour demander la permission, est la Diataxe  Athènes 662 (34 bis) La formule est plus simple que l’actuelle et se retrouve

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autre formule pour s adresser au diacre, lui permettant de faire signe pour le chant de l ’hymne. D’autres documents (26) sont plus logiques :la doxologie reste à la fin de la prière, parfois avec la rubrique «à hautevoix» (27).

Un élément qui apparaît dans les trois groupes de documents etqui, par conséquent, doit être plus ancien que les diversités, est le signefait par le diacre avec l’orarion. Le but de ce signe était à l’origined’avertir les chantres (28) d’entonner le chant du trisagion. Ensuite,

le signe a été adressé au peuple, si celui-ci chantait le trisagion, mais,mal interprété, on l’a transformé en un signe de croix fait par le diacre (29)ou p ar le prêtre (30) sur les fidèles. Parfois (31) il est devenu une

 bénédiction donnée par le prêtre avant de prononcer la doxologie.Dans les mss plus récents (32), le signe avec l’orarion n’a pas de sensdéterminé, il est indiqué comme une simple ostension de l’orarion àceux qui sont hors du sanctuaire, le sens d’avertissement étant peut-être sous-entendu.

Demander la permission avant de commencer une cérémonie doitêtre une coutume ancienne. Il suffit d’un geste, comme une inclination,auquel le supérieur peut répondre par un signe de croix. Dans latraduction arabe du XIe siècle (33), l’archidiacre fait signe à l’archi- prêtre pour lui demander la permission et, lorsque celui-ci répond par

un signe de croix, il fait signe à son tour aux lecteurs de chanter letrisagion (34).

(26) Ceux du groupe c) et, parmi ceux du groupe b), ceux qui mettent non 

la doxologie de la prière, mais une autre formule pour introduire le trisagion.(27) Version arménienne citée ci-dessus, note 23. La rubrique traduit le 

mot grec έ κ φ ώ ν ω ς ou έ κ φ ώ ν σ ι ς , qui, comme il arrive dans le cod. Grott. 

Γ. β . //, (ci-dessus, note 13), doit désigner le fait de prononcer la doxologie,  

sans tenir compte de la façon de la prononcer.(28) Cod.  Euenheim Munster  6  (ci-dessus, note 9); la traduction arabe 

du XIe siècle (éd. C. Bacha,  Notions générales sur les versions arabes de ta Liturgie 

 de S. Jean Chrysostome, suivies d'une ancienne version inédite, dans Xpycoctomika, Rome 1908) texte arabe, p. 419; texte français, p. 450; aussi, la traduction latine  

de Léon Toscan, citée ci-dessus, note 25.(29) Sinalt. gr.  1020 (XII-XIIIe s.), Opisanle.il,  p. 140.(30)  Patmos  709 (A.D. 1260), ibid.,  p. 157.(31)  Patmos  719 (XIIIe s.), ibid.,  p. 173.(32) Saint-Sabas 362 (XIVe s.), ibid.,  p. 306;  Diataxe de Philothée (XIVe s.),

éditions citées ci-dessus, note 18, et Vat. gr.  573, cf. note 20; éd.  Doucas,  S wain son,  op. c it.,  p. 115. (33) Ci-dessus, note 28.

(34) Oj j'j îJ l 1*1* ùjSjJ uî’j'i î  f 

Le ms. appelle l'archevêque À iïD ll ; il semble donc que  Kjr pJ 

se réfère à l’archiprêtre.

662 (34 bis). La formule est plus simple que l actuelle, et se retrouvedans deux autres mss plus tardifs (35) : Bénis, maître, l'hymne trisagion. Il est connu que les mots εύλογία, εύλογεϊν sont synonymes de«permission»(36); la traduction de la phrase serait donc; Permets maître, le chant du trisagion.  Certains mss du XIVe siècle présententla formule actuelle : Bénis, maître, le moment   (τόν "κα ρ ό ν ) du trisagion. Le mot καιρός est parfois synonyme de εύλογία et signifie aussi«permission» (37). Il est utilisé en ce sens dans le dialogue entre le

 prêtre et le diacre qui précède la bénédiction initiale, où le diacredemande au prêtre la permission d’officier (καιρός xoö πσιησαι τψΚ υρίψ = permission de célébrer pour le Seigneur). La formuleactuelle est donc le résultat de l’estompement du sens de permission,

 propre au mot «bénir», et de la juxtaposition conséquente de deuxsynonymes : εύλογεϊν, καιρός. Son objet est cependant de demanderla permission pour le chant du trisagion, et non de donner une bénédiction de quelque sorte.

Selon ce sens de l’invitation, le prêtre fait un signe de croix surle diacre, comme il le fait à d’autres moments de la liturgie, p. ex.lorsque le diacre s’apprête à prononcer une litanie. Ce signe de croixne comporte pas nécessairement la récitation d’une formule, et en toutcas il est clair que la doxologie : Car tu es saint,  n ’est pas apte à

donner cette permission. Les formules données par certains mss duXIV-XVe siècle (38) ne sont pas plus aptes que la doxologie elle-même.Comme nous l’avons vu, elles se réfèrent à la Sainte Trinité etcommencent par le mot «Béni» ; c’est sans doute l’invitation mal comprisequi a provoqué la composition de ce genre de bénédictions.

Le Sluzebnik   ucrainien publié par A. Bacinskij (39) sépare la bénédiction de la doxologie : le prêtre répond au diacre par cetteformule, dont nous donnons une traduction trop littérale : Que du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, qui ont chacun des trois son hypostase,  soit bénie en commun l’unique divinité et l'unique essence (40). Ensuitele prêtre prononce l’ecphonèse de la prière du trisagion.

(34 bis) Ci-dessus, note 15.

(35)  Moscou Saint-Synode  381 (cf. note 16); Vat. gr.  573 (note 20).(36) Au moins dans de nombreuses formules du langage ecclésiastique.(37)  Le Typicon de la Grande Eglise  II, index liturgique, s.v. κ α ιρ ό ς .(38)  Diataxe de Philotée,  éd. Krasnoseltsev,  Materialy,  p. 52 : Εύλογητός

 b  θεός,  b Iv τ ρ ισ γ ίο ις   ϋμνοις δοξαζόμενος, πάντοτε... Vat. gr.  573, ibid., 

p. 104: Ευλογητός el b  έν τρισαγίψ φωνή όπό τ<όν χερουβίμ δοξολογούμενος καί Οπό τών σεραφ ίμ δοξαζόμενος.

(39) Sluzebnik sviatitelskij,  Lvov 1886, p. 22.(40) Otsa i Syna i Sviatago Ducha b triech svojstvemnich ( ίδ ία ις ? ) 

ipostasjech vkupje blagoslovenno jedino Bozestvo i jedino suscestvo.

98 CHAP. IV : L E TRISAGION

3. Le texte du trisagion

L di i é i è d l d i d i i

TEXTE ET ORIGINE 99

Les traducteurs ont souvent aplani la difficulté, mettant au vocatiftoute la première partie. Ainsi, parmi les .Byzantins, les Slaves et les

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La diversité qui règne dans les traductions du trisagion montreque la rédaction de cette hymne a choqué les traducteurs d’une façonou d’une autre. La difficulté est réelle; comme H. Engberding l’a

 bien montré (41), elle provient du fait que le trisagion est composéde deux parties, dont la première est une acclamation, la seconde,une prière.

L’acclamation, selon son genre littéraire, est mise à la troisième personne : Saint (est) Dieu, saint (et) fort, saint (et) immortel  ! La prière, nécessairement à la deuxième : Aie pitié de nous  !

Analysons le texte grec : bien que la forme ό θεός puisse êtreemployée comme vocatif, ceci est exclu dans le cas du trisagion, caralors l’adjectif άγιος devra it être aussi au vocatif : “Α γιε δ θεός, commeles formes qu’on trouve souvent : "Α γιε αγίω ν ό θεός ήμώ ν, "Α γιεδέσποτα ό θεός ήμΰν, Κ ύριε δ θεός, Δ έσποτα δ θεός (42), ou biendevrai t être précédé lui aussi de l’article : Ό θεός δ άγιος (43).

Si donc et le substantif δ θεός et l’adjectif άγιος sont aunominatif, nous avons ici une proposition nominale, pareille à θεόςΚ ύριος =  Le Seigneur (est) Dieu.  Dans le trisagion, le sujet est«Dieu», car il porte l’article, et le prédicat «saint»; la traduction du

 premier membre est donc :  Dieu (est) saint.

Les autres adjectifs (Ισχυρός, αθάνατος), placés aussi aunominatif, sont nécessairement aussi des prédicats, puisqu’ils n’ont

 pas d ’article qui les ferait employer substantivement. La seuletraduction possible est donc celle que nous avons proposée ci-dessus.

Le «Sanctus» de l’anaphore présente d’ailleurs une rédactionsemblable. Le sujet de la phrase : Κ ύριος, est au nominati f;l’acclamation se fait, naturellement, à la troisième personne : Saint,saint, saint (est) le Seigneur des armées  ! Mais le  passage de latroisième à la deuxième personne survient immédiatement après :

 Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire (44).

(41) Cf. H. Engberding,  Zum formgeschichtlichen Verständnis des  άγιοςδ θεός, άγιος Ισχυρός, άγιος αθάνατος, έλέησον ήμάς, dans  Jahrbuch f ür 

 Liturgiewissenschaft  X (1930), pp. 168-74.(42) Ainsi très souvent dans les prières : du 1er antiphone, du 2e antiphone, 

de l’ectènie et, dans la liturgie de Chrysostome, dans celles des catéchumènes, première des fidèles, de la proscomidie. Cf, aussi l’index des prières de I'euchologe 

de Porphyre, dans A. Jacob,  L'Euchoïoge de Porphyre Uspenski Cod. Leningr. gr. 226 (X e siècle),  dans  Le Muséon  LXXVm (1965), pp. 203-11.

(43) Cf. la prière du trisagion et les incipit donnés dans l’article cité dans 

la note précédente.

(44) Le passage de la troisième à la deuxième personne a créé aussi des incertitudes dans le Sanctus.  Le  Liturghier roumain  éd. Blaj 1905 corrige, en effet, 

 gloria tua  par  gloria sua.

toute la  première partie.  Ainsi, parmi les .Byzantins, les Slaves et lesRoumains : Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, aie pitié de nous  !Pareillement, parmi les Orientaux, l’Eglise chaldéenne. Cettëtraduction suppose un texte grec inexistant : "Α γιε δ Θ εός, άγιε Ισχυρέ,άγιε άθάνατε, έλέησον ήμάς.

Les traducteurs arabes byzantins ont conservé la troisième personne, mais ils ont créé trois sujets, en préposant l’article — parallèlement à ό Θ εός — aux adjectifs «fort» et «immortel» : Saint  

(est) Dieu, saint (est) le Fort, saint (est ) . l'Immortel ! Aie pitié de nous ! (45).

Les traductions syrienne et maronite non seulement créent troissujets, mais, par l’introduction du pronom «tu», mettent toute la première partie à la deuxième personne : Saint es-tu, ô Dieu', saint es-tu, ô Fort; saint es-tu, ô Immortel !  Aie pitié de nous  ! (46).

Les seules versions qui respectent la teneur de l’original sontl’arménienne et la latine. La version arménienne explicite lacopulative «et» entre les adjectifs : Saint (est) Dieu, saint et fort, saint  et immortel !  Aie pitié de nous  ! La version latine adhère parfaitementau texte grec, mais parfois intercale aussi une conjonction «et», commeil apparaît chez Léon Toscan : Sanctus deus, sanctus fortis, sanctus 

et immortalis !  Miserere nobis ! (47).

4. L’origine du trisagion

Le premier témoignage historique du chant du trisagion apparaîtau concile de Chalcédoine (451), où les métropolites et les évêquesdu diocèse d ’Orient le chantèrent parmi d’autres acclamations (48).

Cependant, l’hymne doit remonter à une époque antérieure.Certes, elle n’a pas été improvisée à Chalcédoine. D ’autre part, le faitlégendaire que les historiens byzantins mettent à son origine — leravissement d’un enfant au troisième ciel, où il entendit cette hymno-logie — est constamment attribué au temps du patriarche Proclus(434-446) (49). - Il est donc probable que le trisagion existait déjàau temps de ce patriarche et qu’il était en usage à Constantinople.On ne peut pas pourtant déterminer le lieu où il fut composé; ce peut

(45) i Ztjt 'i   tÿjH ijrjs* * <Sj*11{jrjaâ  < A ! y - j s i

(46) Qaddîsât Alahâ, qaddisât hayltanl, qaddîsât lâ maÿutâ, etraham

'alayn.

(47) Ed. A. Jacob (ci-dessus note 25), p. 145.

(48) Mansi 6, 936 C.

(49) Ainsi dans la lettre (authentique 7) d’Acace de Constantinople (471-89) à Pierre le Foulon, Mansi 7, 1121 D.

100 CHA P. I V : LE TRISAGION

être Constantinople même, comme la légende le prétend, Ou la Syriede langue grecque.

Le texte du trisagion dérive évidemment du triple Sanctus  qui

LE SENS DU TRISAGION 101

5. Sens trinitai re ou christologique

Les controverses à propos du sens du trisagion sont célèbres.L Pi l F l t i h d’A ti h (468/70 488) j t

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g p qest en usage à la liturgie. En fait, l’appellation «hymne trisagion»s’applique d ’abord au triple Sanctus (50), ensuite à l’hymne «Saintest Dieu». D’où viennent donc les additions au triple Sanctus quiforment le trisagion ? Au VIe siècle, un certain moine appelé Job,auteur d’un traité sur le Verbe incarné, explique l’origine du texte del’hymne, proposan t son interprétation comme l ’ayant entendu d ’un

 jui f converti, homme de grande autor ité et sagesse :

Le chant se compose de l ’hymne des Chérubins (51) et du psaume41 du psautier (52). Dans le psaume, en effet, l’on chante : «Dieu, le

Fort, le Vivant» (ps 41, 3) (53). Le mot «Vivant» a été changé pa r son

équivalent «Immortel», tandis que «Fort» a été conservé tel quel. C’est

ainsi que le chant sacré a été tissé (54).

Cette explication de l’origine du trisagion est assez vraisemblable.La substitution de «Vivant» (ζώ ν) par «Immortel» (αθάνατος) pou rraitfacilement s’expliquer par l’extrême brièveté du premier mot; cette

 brièveté, jointe à la difficile a llitération d’un s  avec un z, aurait rendule chant assez ardu. On aurait donc choisi un mot équivalent mais

 plus sonore.

Job le moine, tout en proposant cette interprétation, croyait

cependant à l’origine révélée du trisagion. Nicolas Cabasilas, quiadopte l ’interprétation de Job (55), omet toute mention d ’une révélationdivine.

(50) Chez Chrysostome,  De SS. Martyribus   2 (PQ. 50, 710) : μετά τώ νΧ ερουβίμ τόν τρισάγιον ϋμνον ψάλλοντες ;  In illud «Vidi Dominum»  1, 1

(PG. 56, 97) : Ά νω τά Σ εραφ ίμ τόν τρισάγιον ϋμνον άναβοα, C’est cette

même signification qu’a le mot «trisagion» dans le Chéroubicon.

(51) Bien que dans  Is  6 ce sont les Séraphins qui chantent à Dieu le trois

fois saint, il est souvent attribué à toute s les puissances célestes (cf. les hymnes

trinitaires,  Horologion,  éd. Rome 1937, pp. 79-85), et souvent en particulier aux

Chérubins, sans doute sous l’influence d’Ezéchiel 1, 5. 18, dont les quatre Vivants

attelés au char de Dieu, sont identifiés aux Chérubins qui sont le trône de Dieu,

 p. ex. ps 79, 2, et qui dans  Apoc.  4, 6-8 chante nt le trois fois saint. L’attrib ution

du chant du «Sanctus» aux Chérubins appara ît chez Chrysostome (cf. la note

 précédente) et dans la lettre d’Acace à Pierre le Foulon (Mansi 7, 1121 D).

(52) Litt . : «des psalmistes» (των ιεροψαλτών).(53) Selon le texte liturgique. Le texte critique, avec la Vulgate, donne

«Deum vivum»; cf. A. Rahlfs, Septuaginta  II, p. 43, texte et apparat critique.

(54) Photius,  Bibliotheca,  cod. 222 (PG. 103, 772 A.B.).

(55)  Liturgiae Expositio  20 (PG. 150, 412-14).

Lorsque Pierre le Foulon, patriarche d’Antioche (468/70-488), ajoutaà l’hymne l’incise «qui as été crucifié pour nous», le rendant aussichristologique, il déchaîna une controverse qui dura de longs siècles, pratiquement jus qu ’à nos jours. Une lettre attribuée à Acace, patria rche de Constantinople, don t l’authentic ité reste cependantdouteuse, aura it commencé ce tte controverse déjà en 471 (56).

Les Arméniens, qui adoptèrent dans le trisagion l’incise de Pierre

le Foulon, eurent aussi beaucoup à souffrir de la polémique byzantine.En vain s’efforcèrent-ils de convaincre les Byzantins de leur orthodoxie,insérant même les mots : «ô Christ», avant l’incise ; «qui as été crucifié

 pou r nous». La traduction arménienne, d ’ailleurs, qui insérait laconjonction «et» dans le deuxième et dans le troisième membre dutrisagion (Saint (est) Dieu, saint et for t, saint et immorte l),  ne facilitait

 pas son applicat ion à la Sainte Trinité, car le sujet restait un seul :Dieu.

L’opposition continua cependant, les Byzantins insistant toujourssur le sens trinitaire. Selon eux, chacun des membres du trisagion seréfère à une personne de la Trinité : «Saint Dieu», au Père; «SaintFort», au Fils; «Saint Immortel», au Saint-Esprit (57).

A notre avis, l’esprit polémique a empoisonné la question depuisle début, en obscurcissant le sens originel du trisagion. D ’abord, sicette hymne dérive, comme il est certain, du triple «Sanctus», onsoutiendra difficilement qu’à ses origines cette hymne fut adresséeau Christ. Le triple Sanctus de la liturgie, en effet, s’adresse au Seigneurdes armées, qui, dans le contexte où il se trouve est, du moins princi

 palement , Dieu le Père, auquel est adressée la prière qui précède leSanctus et qui débouche dans le chant de l’hymne. Dans le Te Deum latin, dont le début est un écho de la préface de la messe, le triple Sanctusest aussi adressé à Dieu le Père. D ’autre part , il ne faut pas oublierque le triple Sanctus a une résonance trinitaire dans la traditionchrétienne (58).

Dans le trisagion, cependant, l’unicité du sujet et la place qu’il

occupe font que le sens trinitaire est plus estompé que dans le triple.Sanctus. Etan t donné la construction grammaticale que nous avons

(56) Mansi 7, 1121. Pou r l’histoire de celte controverse , v. J. M. Hanssens, Institutiones Liturgicae de ritibus orientalibus  III, Rome 1932, pp. 119-51.

(57) Lettre d’Acace à Pierre le Foulon, Mansi 7,1121 B.C., et d’autres lettresapocryphes (ibid.,  1037-54, 1109-20, 1125-36).

(58) C’est pourquoi les hymnes trinitaires de l’orthro s quadragésimal se

terminent tous par le triple sanctus, ( Horologion, éd. Rome 1937, pp. 79-85).

102 CHAP. IV : LE TRISAGION

exposée ci-dessus (p. 148), l’interpré tation des polémistes byzantins quiattribuent chacun des membres de l’acclamation à une personne de làTrinité nous semble insoutenable. Le trisagion, selon la teneur de sont t t h té à Di i d f it t t t i i il li

LES PRIÈRES 103

e) toi, ô Maître, reçois aussi de notre bouche de pécheurs l'hymnedu trisagion et visite-nous dans ta bénignité (ps  118, 68);

f) remets nous to ute transgression volo ntaire et involontai re (62);

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texte, est chanté à Dieu, qui de fait est un et trois, mais il ne souligne pas un sens spécifiquement trinitaire.

A cette assertion on objectera que les anciens auteurs qui ontdéfendu le sens trinitaire du trisagion, étant de langue grecque, méritent plus de confiance que nous quant à la construction grammaticale etquant au sens trinitaire de l’hymne.

L’objection est bonne. Mais nous possédons, aussi en languegrecque, deux commentaires liturgiques du trisagion, où le senstrin itair e n’existe pas. Ces commentaires sont les «prières du trisagion».

6. Les prières du trisagion

Il y a deux formulaires de la prière du trisagion. Le premier,le seul en usage aujourd’hui, appartient, au moins depuis la fin du VIIIesiècle, à la liturgie de saint Basile (59). Le second, propre à celle deChrysostome, apparaît seulement dans les anciens mss italo-grecs (60),et disparaît de l’usage depuis le Xe siècle (60 bis).

Voici la traduction, divisée en paragraphes, du premier formulaire :

a) O Dieu Sain t, qui te reposes dans les saints (7s 57, 15) (61), qui

 par la clameur du trois fois saint es loué par les Sér aphins, glorifié par lesChérubins et adoré par toute l’armée céleste;

 b) qui as amené l’univers du néant à l’être (Sap  1, 14), qui as créél’homme à ton image et ressemblance (Gen  1, 26-27; Sap 2, .3), et l’asorné de tous tes dons;

c) qui donnes à celui qui demande sagesse et intelligence (2 Par  1, 10)et ne négliges pas le pécheur, mais as disposé une conversion qui le sauve;

d) qui nous as accordé, à nous tes humbles et indignes serviteurs,de nous tenir aussi en cette heure devant la gloire (Jude  24) de ton saintautel et de t’offrir l’adoration et glorification qui sont dues;

(59) Cod.  Barberini gr.  336, Brightmann,  Liturgies Eastern and Western, Oxford 1894, pp. 313-14.(60)  Barberini gr.  336, (Brightmann, loc. cit.),  Leningrad gr.  226, Grott. 

Γ . . VII, Grott.  Z.5.  II,  cf. A. Jacob, Une version géorgienne inédite de la Liturgie  de Saint Jean Chrysostome,  dans  Le Muséon  LXXVII (1964), pp. 75-77.

(60 bis) Une comp araison inté ressante des diverses prières du trisagionse trouve dans H. Engberding,  Die Gebete zum Trisagion während der Vormesse der ostchristlichen Liturgien,  dans Ostkirchliche Studien  15 (1966), pp. 130-42.

(61) Dans le texte d ’Isaïe, τοΓς ά γίοις dati f de τα ά για , signifie letemple; dans la prière, cependant, il semble que le sens a évolué vers «les saints».

f) remets-nous to ute transgression, volo ntaire et involontai re (62);sanctifie nos âmes et nos corps, et donne-nous de te servir en sainteté tousles jours de notre vie (Le   1, 75),

g) par les prières de la sainte Mère de Dieu et de tous les saints qui,depuis les siècles (Le   1, 70), t’ont été agréables;

h) car tu es saint, ô notre Dieu (63), et nous te rendons gloire, Père,Fils et Saint-Esprit, maintenant et à jamais et dans les siècles des siècles.

Amen.

La prière commence par l’affirmation de la sainteté de Dieu enrapport avec le texte de l’hymne : Dieu est saint et se repose dans lessaints. Cette dernière phrase, empruntée à Is 57, 15, joue sur le doublesens du mot άγίοις. Dans le texte du prophète, ce mot se réfère ausanctuaire; dans la prière, le sens est plus vague.

Dans la série d’attributs divins qui suivent, on décrit l’adorationque les anges offrent à Dieu dans le ciel; elle est exprimée par troisactes : louange (ανυμνούμενος), glorification (δοξολογούμενος) et adoration (προσκυνούμενος); la louange au moins se fait par le chant dutrisagion. Les trois termes sont repris dans la seconde partie de la

 prière pou r les appliquer aux hommes ; Dieu nous permet de nous

 présenter devan t lui pour lui offrir l’adoration (προσκύνησιν) et laglorification (δοξολογίαν) qui lui reviennent, et on demande q u’il nous permette aussi de le louer par le chant du trisagion (τόν τρισάγιον ύμνον).

Ce parallélisme souligné en même temps une antithèse entre lalouange angélique et celle des hommes pécheurs. On insinue la bénignitéde Dieu qui nous permet de prendre dans notre bouche de pécheursla même louange que celle chantée par les anges.

La série des attributs divins se poursuit b) et c) par la mentionde la création du monde et de l’homme, image de Dieu, des bontésde Dieu envers l’homme et de sa miséricorde pour lui, par laquelle ilne néglige pas le pécheur, mais lui prépare la conversion. Ainsi onintroduit le sens pénitentiel de la prière, qui s’exprime par l’insistance

sur notre éta t de pécheurs (άμ αρτάνοντα, αναξίους, άμαρτω λώ ν), par 

(62) Nous pensons que, dans notre langage actuel, «volontaire et involontaire» pourr ait se tradu ire par «de malice et de fragilité».

(63)  Barb. gr.  336 intercale ici :κ αί έν άγίοις έπαν α πα ύ^ . Plusieurs mssitalo-grecs plus récents (Grott.  Γ .β ,  II   et Grott.  Γ .β ,  IV   (XIe s.) Vat. gr.  1811(A.D. 1147), Vat. gr.  2005 (A.D. 1197), les trois derniers inédits) donnent ce texte :δτι άγιος είκ αί σοί τόν τρισά γιον ύμνον άναπέμπο μεν. Cabasilas (PG.150, 413 Α .Β .) coïncide avec le  Barb. gr.  336.

104 CHAP . IV : LE TRISAGION

la demande de la rémission des fautes (συγχώρησον... πλημμέλημα) etde notre sanctification ou purification (άγίασον); ce dernier verbe estchoisi, de préférence à καθάρισαν (64), en raison du texte de l’hymne.

LES PRIÈRES 105

O Saint des saints, notre Dieu, le seul saint et qui reposes dans lessaints (Is  57, 15) ; saint es -tu, qui possèdes en toi-même (70) la gloireinsurpassable.

Saint est Dieu qui par (sa) parole a tout constitué !

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La phrase «et ne négliges pas le pécheur, mais as disposé uneconversion qui le sauve», placée avant les demandes, donne à la prièredans son texte actuel une tonique pénitentielle (65). Pourtant, on

 peut se demander si les paragraphes b) et c) so nt primitifs (66), ou s’ilsont été a joutés après coup à un texte originel plus simple (67).

On notera qu’on ne fait aucune mention du «Dieu fort» ou du«Dieu immortel», mais qu’on insiste seulement sur la sainteté divine.De même, il n’y a aucune allusion à la Trinité des personnes. Toutela première partie s’adresse au Dieu saint, créateur du monde, qui esten premier lieu Dieu le Père, comme on le récite dans le Credo.

La prière du trisagion propre jadis, dans les mss italo-grecs, àla l iturgie de Chrysostome (68) présente u n texte assez hétérogène;dans certains passages, le traducteur se heurte à des inconséquencesgrammaticales assez brusques (69) :

(64) Cf. la deuxième priè re des fidèles (Chrys.) : όπω ς... καθαρ ίση ςήμώ ν τάς ψυχάς καί τά σώ ματα.

(65) C’est l’intreprétat ion de Cabasilas (Lit. Exp. 21, PG. 150, 413 A) :«Sacerdos autem, ante hanc laudationem, Deo supplicat ut hymnum suscipiat et

laudatoribus gratiam rétribuât. Et quamnam gratiam ? Hymno convenientem,ut sanctificet ipsorum animas et corpora, da ta peccatorum venia, ut eum insanctitate colant omnibus diebus».

(6) La mention de l’autel (paragraphe d), qui n’est pas en rapp ort avec lerôle du trisagion, pourrait aussi être une addition. Selon Engberding,  Die Gebete 

 zum Trisagion,  p. 137-38, le «Sitz im Leben» de cette phrase serait la prière del’entrée ou celle de la proscomidie; à notre avis, plutôt la seconde, qui est la prièred’accès à l’autel, cf. Mateos,  Deux problèmes de traduction dans la Liturgie Byzantine de S. Jean Chrysostome,  dans Or. Christ. Per.  XXX (1964), pp. 248-53.

(67) C'est la conclusion qui se dégage de la compara ison des différentsformulaires exposés par Engberding,  Die Gebete.

(68) Appelée par  Leningra dgr.  226 (cod. Porphyrii): ευχή τοΟ τρισάγιουτής προσ κομ ιδής του Χ ρυσοστόμου ; cf. Krasnoseltsev, Svedenija neko- torych Uturgiceskich rukopisjach Vatikanskoi Biblioteki,  Kazan 1885, p. 286.On pourrai t traduire : «Prière du trisagion de l’anaphor e de Chrysostome». Pource sens du mot  proscomidie,  cf. J. Mateos,  Deux problèmes de traduction dans la 

 Liturgie Byzantine de S. Jean Chrysostome, dans Or. Christ. Per. XXX (1964), p. 253.

(69) Le texte de Barb. gr.  336 est publié par Brightman, op. cit.,  pp. 313-14, par Swainson, The Greek Liturgies,  p. 88, et par Goar, p. 83; le meilleur texte estcelui de Brightman. Le texte de  Leningrad gr.  226 se trouve dans Orlov,  Liturgija svjatago Vasiiia Velikago,  Saint-Pétersbo urg 1909, pp. 384-86. Nous avons consultéaussi Grott.  Γ.β. VU.

Saint est Dieu, qui par (sa) parole a tout constitué !

Saint est Dieu, que les Vivants quadriformes glorifient par une clameurincessante !

Saint est Dieu, qui est adoré et glorifié par la foule des saints angeset archanges, qui tremblent de (son) invisibilité ! (71).

Saint est Dieu, qui, d’un œil qui ne dort pas, regarde les Chérubinsà la clameur incessante et inclines ton (72) oreille !

Saint est Dieu, qui est porté par les Séraphins aux six ailes, qui acceptel’hymne triomphal qu’ils chantent en battant de leurs ailes : Saint, saint,saint est le Seigneur des armées (Is  6, 3) !

Saint certes (73) es-tu, ô notre Dieu, que les Principautés et lesPuissances et les Dominations adorent au ciel, et auquel les hommes surla terre chantent et servent !

Toi, Ami des hommes, accepte aussi de notre bouche de pécheursl’hymne du trisagion offert par nous et par tout ton peuple, et envoie-noustes riches miséricordes et tes pitiés,

 par les prières de la sainte Mère de Dieu et de tous les saints qui,depuis les siècles, t’ont été agréables :

car tu es saint, ô notre Dieu, etc.

Selon A. Jacob (74), le premier paragraphe de cette prière n ’est pas primitif; la prière aurait commencé par la série d’acclamationsintroduite chacune par «Saint est Dieu». La partie finale possèdedes traits semblables à celle de S. Basile, tout en étant moins pénitentielle :la demande, en effet, se limite à l ’acceptation de notre chant d u trisagionet à l’effusion des miséricordes divines. La finale : par les prières, etc., identique à celle de S. Basile et semblable à celle de la prière après lacommunion de la liturgie de Chrysostome (75), est probablement dansles trois cas une addition.

(70)  Barb. gr.  336 : έν αύ τψ ;  Lenlngr.  226 : έα υτψ .(71)  Barb. gr.  336 et Grott.  Γ. β. VII   donnent : άορ ασ ίφ τρεμόντων

(ainsi Brightman. Goar lit : όρα σ ία τρεμ. Swainson : άφ ρα σ τα τρεμ) .  Leningr. 226 : άο ρα σίφ δυνά μει τρεμόντω ν. Il doit s’agir de l’invisibilé divine, c.à.d.de Dieu invisible. Nous suivons la lecture de Barb, et de Grott.

(72) Les trois mss donnent σου ; on attendrait αύτοΟ .(73) Γάρ.(74) Il arrive à cette conclusion par comparaison avec des prières géorgiennes

de style semblable.

106 CHAP. IV : LE TRISAGION

De même que la prière de Basile, celle de Chrysostome ne fait pas mention du «Dieu fort» ni du «Dieu immortel», ni non plus de laTrini té des personnes divines. Elle est adressée à Dieu philanthrop e,en premier lieu donc au Père.

l   ’e x é c u t i o n 107

qu’ensuite le tropaire entier ou sa clausula était répété après uncertain nombre de versets psalmiques et après le Gloria Patri,  et que, pour terminer, le tropaire étai t chanté encore en entier, une fois parles psalmistes et une fois par le peuple. Ces répétit ions finales

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p

La doxologie trinitaire s’adapte bien aux deux prières, mais onne doit pas exagérer son importance, car il y a eu la tendance à rendretrinitaires toutes les doxologies, dépassant parfois ce qui étai t convenable,comme dans le cas du Pater noster  (76).

Ces deux prières ont été composées pour le trisagion, à une époqueque nous ignorons, mais par des auteurs qui connaissaient bien, il faut

le supposer, le sens que, de leur temps, on att ribu ait à l’hymne. Or,cm peut affirmer, en raison du contenu des prières, qu’à l’époque de leurcomposition le trisagion n’était pas considéré comme trinitaire et que,du point de vue grammatical; on voyait bien que le seul sujet dutrisagion était le «Dieu saint».

7. L’exécution du trisagion

La façon d’exécuter le trisagion dans la liturgie byzantine estinsolite. Dans les autres rites, il est chanté trois fois, en y intercalantles deux membres du Gloria Patri,  comme chez les Chaldéens, quin’admettent pas le sens christologique de l’hymne, ou bien sans Gloria Patri,  dans les rites qui préfèrent le sens christologique (Syriens,Maronites, Arméniens, Coptes, Éthiopiens).

Les Byzantins, par contre, après avoir chanté trois fois le trisagionen entier, et avoir ajouté le Gloria Patri,  répètent d’abord la clausulaou partie finale : Saint (et) immortel  !  Aie pit ié de nous  ! Ensuite,encore une fois le trisagion en entier. Cette manière d’exécuter letrisagion apparaît, dans le rite byzantin, seulement à la liturgie et à lafin de l’orthros, après le Gloria in excelsis.  A tous les autres endroitsoù le trisagion est chanté ou récité (début ou fin des offices), on faitsimplement la triple répétition.

A quelle origine attribuer cette façon d’exécuter le trisagionen usage dans la liturgie ? Simplement à l’ancienne manière d’exécuterles tropaires.

Dans un article précédent, nous avons vu que le tropaire étaitd’abord chanté trois fois par les psalmistes et trois fois par le peuple,

(75)  Ε ύχαΐς κα ί ίκεσίαις xîjç ένδόξου Θ εοτόκου κα ί άειπαρ-θ-ένου Μ αρίας καί πάντων τδν άγίω ν σου.

(76) La doxologie du Pater  apparaît dans la Didachè (cf. Audet, La Didachè,  Instructions des apôtres,  Paris, 1958, p. 171) et dans la recension liturgique del’évangile grec sans l’interpolatio n trinitaire. C'es t ainsi qu ’elle est conservéedans les autres rites orientaux.

les psalmistes et une fois par le peuple. Ces répétit ions finalesrecevaient le nom de  périssie   (appendice).

La pratique actuelle du chant du trisagion abrège cette manièrede faire (77). Ceci apparaît beaucoup plus clairement dans la liturgie

 pontificale.

8. Le trisagion dans la liturgie pontificale

 Nous décrirons d’abord la manière de chanter le trisagion dansla liturgie pontificale actuelle (78), ensuite nous consulterons les ancienseuchologes.

Actuellement, le trisagion est chanté une fois par le chœur, unedeuxième fois par les célébrants (tandis que l’évêque fait un signe decroix avec le dikirion (79) sur l’évangile) et une troisième par le chœur.Ensuite, l’évêque sort du sanctuaire tenant en ses mains le dikirionet la croix et, tourné vers le peuple, prononce le ps   79, 15b - 16a :Seigneur, Seigneur, regarde des deux et vois, visite cette vigne, protège-la,  celle que ta droite a plantée   ! (80). Les célébrants chantent le trisagion,tandis que l’évêque bénit vers le centre, vers la droite et vers la gauche.Le chœur chante le trisagion encore une fois et les célébrants le répètent.L’évêque, arrivé entretemps à la chaire de l’abside, bénit le peuple trois

fois avec le trikirion (81). Le chœur chante le Gloria Patri  et termineà la façon ordinaire (Saint (et) immortel  !  Aie pit ié de nous  ! et letrisagion en entier).

Trois manuscrits de ceux que nous considérons, le Saint-Sabas 362 (XIVe siècle) (82), le  Athos Saint-André   (XVe s.) (83) et le Sinaît. gr.  #86 (XVe s.) (84), qui décrivent une liturgie pontificale, présententdes usages apparentés avec la pratique actuelle, mais assez différents.

Voici comment le ms. Saint-Sabas  362 prescrit l’exécution duchant du trisagion :

(77) Cf. dans l’article  La psalmodie dans le rite byzantin,  dans Proche- Orient Chrétien,  XV (1965), pp. 116-17, le cas du tropaire : Toi qui enserres les extrémités du monde.

  Le Prophétologion prescrit la répétition de la clausula dutropaire après le Gloria Patri.

(78) Nou s décrivons l’usage russe d’après K. Nikolskij, Posobie k izuceniju ustava bogosluzenija Pravoslavnoj Tserkvi, 7e éd., Saint-Pétersbourg 1907, pp. 390-91,note 1.

(79)  Dikirion  (δικήριον) : petit chandelier à deux branches.(80) Parfois l ’évêque prononce le verset plusieurs fois en diverses langues.(81) Trikirion  (τρικήριον) : petit chandelier à trois branches.(82) Dmitrievskü, Opisanie  II, p. 306.(83)  Ibid.  I, pp. 169-70.

108 CHAP. IV : LE TRI SAGION

Le trisagion est chanté trois fois par les psalmistes, ensuite une fois

 par les prêtres et les diacres qui font, en le chanta nt, trois inclinations.

Les psalmistes enton nent alors la doxologie. Le patriarche pren d le

trikirio n de la main du castrensis (85), fa it trois croix sur l’évangile

DANS LA LITURGIE PONTIFICALE 109

et pareillement encore au saint (et) immortel.  Ceci terminé, le pontife

s’asseoit à l’abside, et les évêques et les prêtres se divisent d’un côté et de

' l’autre, les évêques près (du pontife)./

Des données qu’on trouve dans le ms Sinaît gr 986( beaucoup

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tenant le trikirion dans sa droite et disant : Seigneur, Seigneur, regarde 

des deux, etc.  A la fin du Gloria Patri  ceux qui son t au sanctuaire

chantent le trisagion, ensuite de nouveau les psalmistes et, finalement,

ceux du santuaire.

Pendant que ceux-ci chantent pour la dernière fois le trisagion, le

 patria rche prend le trikirio n dans sa droite, se tourn e vers l’occident et

 bénit trois fois le peuple.

Lorsque ceux du sanctuaire terminent le trisagion..., s’il n’y a  pas

de consécration épiscopale, il monte à l’abside avec les évêques et les

 prêtres qui concélèbrent avec lui.

La description donnée par le nis  Athos Saint-André   diffère decelle-ci :

(Pendant le chant du contakion) le second diacre dit au pontife en

avançant avec sa droite l’extémité de l’orarion :  Bénis, maître, l'hymne trisagion.  Le pontife : Car tu es saint, ô notre Dieu, etc.  Le second

diacre montre l’orarion à ceux qui sont dehors, et les psalmistes chantent

le trisagion trois fois. Le pontife récite la prière du trisagion, et ceux qui

sont à l’intérieur du sanctuaire chantent le trisagion une fois. Les

 psalmistes, dehors :  Bénissez la gloire du Seigneur  (86). Et le psalmistechante le Gloria  d’une mélodie ornée et lente. Alors le pontife prend le

trikirion de la main du sous-diacre et fait devant l’autel, où le saint

évangile est placé, trois croix, faisant trois inclinations et disant à chacune :

Seigneur, Seigneur, regarde cette vigne et protège-la, celle que ta droite a plantée  !

Le trisagion est chanté une fois de plus à l’intérieur du sanctuaire,

 par les célébrants, qui se tiennent auto ur de l'aute l. Les psalmistes

chantent au dehors : Force  ! (87) et le trisagion, d’une mélodie ornée et

lente. Et lorsque le pontife arrive à l’abside et s’y tient debout, ceux du

sanctuaire chantent ensemble et lentement le trisagion. Et lorsqu’on ditSaint (est) Dieu,  le pontife bénit; (il bénit) de nouveau au saint (et) fort,

(84)  Ibid.  Π , pp, <507-608. ' ^ ^

(85) Castrensis  (κανστρίσιος) : officier ecclésiastique admis au service

 privé du patria rche et préposé à la garde de ses insignes. A l ’église, il l’aide à revêtir

les ornements pontificaux, lui présente l’encensoir, etc. (L. Clugnet,  Dictionnaire grec-francais des noms liturgiques,  Paris 1895, p. 77).

(86) Dmitrievskij donne : Ευλογήσ ατε, κηρύττω δόξαν, mais il semble

s’agir d’une lecture erronée au lieu de Εύλογ. Κ υρίου χήν δόξαν, comme ilapparaît dans Sinatt. gr.  986.

 f . \( '    -. ■ t ^· ̂ y \    \ ' ·   1

1/

Des données qu on trouve dans le ms. Sinaît.  gr. 986( beaucoupmoins abondantes, il faut noter seulement que c’est le diacre qui prononcele  ps   79, 15b-16a, une seule fois, apparemment pendant le Gloria Patri.

L’exécution du trisagion dans la liturgie pontificale, telle qu’elleest présentée par ces mss, souligne encore ce trait caractéristique d’êtreexécuté comme un tropaire avec psaume.

Voici les traits communs aux deux descriptions citées in extenso (Saint-Sabas  362,  Athos Sain t-André) :

Psalmistes :Célébrants ;Psalmistes :

Célébrants :Psalmistes :Célébrants :

trisagion trois foistrisagion une foisGloria Patri  (entretemps le patriarche dit à voix

 basse le  ps   79, 15b - 16a et fait troi s signes decroix avec le trikirion).trisagiontrisagiontrisagion.

On constate ici, tout d’abord, une alternance dans l’exécutiondu trisagion. Cette alternance se fait, dans ces siècles tardifs, entre

les psalmistes et les célébrants, mais elle répond à l’ancienne alternanceentre les psalmistes et le peuple. Pour commencer, donc, les psalmisteschantent trois fois le trisagion, selon le mode d’intonation des tropaires.La triple répétition du peuple a été supprimée; le trisagion chanté parles célébrants une fois pourrait représenter une abréviation de la triplerépétition du peuple ou bien le vestige de l’ancienne réponse aux versets

 psalmiques.

Après le Gloria Patri,  toujours selon le mode de chanter lestropaires, le peuple chante le trisagion, qui aurait été le refrain toutau long du psaume. Notons que dans la liturgie pontificale décrite

 par ces mss, c’est le trisagion entier et non la seule clausula qui estchanté après la doxologie. Ceci suppose que le refrain pour le psaumeétait le trisagion entier (88). L’abrévia tion Saint (et) immortel !  Aie  

 pit ié de nous  ! qu’on chante à la liturgie ordinaire n’est à notre avisqu’une imitation du mode d’exécution du tropaire baptismal : Vous qui avez été baptisés dans le Christ, -etc.

(87) C’est la seule attest ation , assez tardive d’ailleurs, que nous avon

trouvée de l ’exclamation δύ ναμ, ις, en usage dans l’Eglise grecque.

(88) Nous arriverons à la même conclusion pour le tropaire :  Nous adorons ta croix,  etc.

HO CHAP. IV : LE TRISAGION

Après cela, les psalmistes chantaient une fois de plus le trisagion,et le peuple le répétait. Nous trouvons ici la  périssie  ou appendicedu tropaire, qui, dans l’exécution ordinaire, est abrégée.

Dans la pratique actuelle, comme dans les mss Saint-Sabas et

l e   t r o p a ir e    b a p t is m a l   111

Selon le Typicon de la Grande Eglise,  il était chanté le samedisaint au baptistère pendant la confirmation des nouveaux baptisés, et,de nouveau, après l’entrée à l’église, à la place du trisagion. Pendantle trajet de la procession du baptistère à l’église on chantait le ps 31 :Heureux ceux qui sont absous de leurs péchés (89)

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p q ,Athos cités ci-dessus, le patriarche récite, bien qu’à des momentsdifférents, le  ps  79, 15b- 16a : Seigneur, Seigneur, regarde des deux, etc.  La connexion actuelle entre le verset et les bénédictions du peupleavec les cierges n’existe pas dans les mss. La triple bénédiction avaitlieu, selon le ms.  Athos Saint-André,   pendant la dernière répétitiondu trisagion, comme conclusion du chant.

Que signifie la présence de ce verset psalmique ? Les donnéesdont nous disposons sont trop maigres pour permettre une réponsedécisive, mais on peut risquer l’hypothèse que ce verset serait précisémentle vestige du psaume dont le trisagion était jadis l’antiphone.

Le ps 79 : Pasteur d'Israël, écoute,  s’adapte d ’ailleurs admirablement aux rogations célébrées à cause d’une calamité publique; or,c’est pour des rogations que le trisagion a été destiné en premier lieu.Voici quelques versets du psaume :

v. 3. — Réveille ton pouvoir

et viens-nous sauver !

v. 4. — O Dieu, fais-nous revenir,

fais luire ta face et nous serons sauvés !

v. 5. — Jusques à quand, Seigneur Dieu des armées,

seras-tu irrité contre la prière de ton serviteur ?

v. 6. — Tu nous as nourr is d’un pain de larmes,

abreuvé de larmes en pleine mesure.

Le verset 15b- 16a : Seigneur, Seigneur, regarde des deux, etc.,  prononcé actuellement par l’évêque, mais selon le Sinaît. gr.  986 parle diacre, a pu être jadis le verset d’entrée à l’église, juste avant leGloria Patri,  comme il apparaît maintenant.

Le trisagion qu’on chante à la liturgie n’est donc que l’abréviationde l’ancien chant du trisagion qui servait de tropaire à un psaume.

 Nou s venons de suggérer aussi que ce trisagion était processionnel.Cette proposition est confirmée d’une part par l’étude du tropaire :Vous qui avez été baptisés dans le Christ, etc.,  qui remplace le trisagion

les jours de baptême, et d ’autre pa rt la recherche sur l ’ancien emploidu trisagion lui-même.

9. Le tropaire baptismal (Gai  3, 27)

Le tropai re : Vous qui avez été baptisés dans le Christ, vousavez revêtu le Christ. Alléluia,  est chanté actuellement, sans versets

 psalmiques, au rite du baptême.

 Heureux ceux qui sont absous de leurs péchés  (89).

Dans le typicon Patmos  266, plus ancien que celui de la GrandeEglise, le tropaire était chanté au baptistère avec le ps 92, et la clausulaservait de refrain :

Tandis que le patriarche oint avec le chrême les nouveaux baptisés,

le premier primicére des psalmistes chante : Vous qui avez été baptisés dans 

le Christ, vous avez revêtu le Christ. Alléluia.  Stique : Le Seigneur règne, 

vêtu de majesté   (ps 92, la). Vous avez revêtu le Christ. Alléluia.   Et à

chaque stique, jusqu’à la fin du psaume, il dit : Vous avez revêtu le Christ. 

 Alléluia (90).

Le fait que le tropaire baptismal était chanté au baptistère sousforme processionnelle et qu’il était répété encore à l’église, sans autreinterruption que le-ps 31, qui servait au Xe siècle pour la procession,fait soupçonner que le tropaire baptismal a été chanté jadis pendanttout le trajet de la procession, et que son chant à l’église n’est quel’ancienne finale du chant processionnel. Pour prouver cette hypothèsenous avons le témoignage di r lectionnaire géorgien de Jérusalem (VIIesiècle), pour le même jour du samedi saint, à la vigile pascale :

Et après ceci (c.-à-d. après la lecture de Dan 3, 1-97), on introduit

les baptisés dans l’église au chant de cette hypacoè : Vous qui avez été  

baptisés (91).

Partan t de l’ensemble des documents que nous venons de citer, on peut affirmer que le tropai re baptismal était destiné à la procession du baptistè re à l’église, que c’est à cause de cela q u’il ét ait chanté commeantiphone d’un psaume, et que le chant actuel de ce tropaire à la placedu trisagion n’est que la fin de l’ancien chant processionnel des joursde baptême, comme l’indiquent le Gloria Patri,  la répétition de laclausula après cette doxologie et le chant encore une fois du tropaireen entier.

Il n’est pas impossible que le ps 31, chanté au Xe siècle pendantla procession du baptistère à l’église, ait été, à une époque antérieure,

le psaume du tropaire, car il semble s’adapter à la circonstance mieuxque le ps 92.

(89) Cf.  Le Typicon de la G. E.  Π , p. 88.

(90)  Ibid.,  apparat critique, ligne 3.

(91)  Le Grand Lectionnaire de l'Eglise de Jérusalem,  éd. M. Tarchnischvili,

CSCO vol. 189, Scriptores Iberici tomus 10, Louvain 1959, n° 736, p. 113.

112 CHAP, rv : LE TRISAGION

10. Le trisagion, chant de procession

Arrivés à ces conclusions, on pourrait argumenter de la façonsuivante : si le tropaire baptismal est un ancien chant de procession, lefait qu’il remplace le trisagion force à admettre que celui-ci était aussi

CHANT UE PROCESSION 113Selon ce document, le 16 juillet 518, le peuple, rassemblé dans l’église,chanta, comme action de grâces à Dieu pou r le triomphe de l’orthodoxie,le premier verset du cantique de Zacharie; les psalmistes ensuite, pourcommencer la liturgie, entonnèrent le trisagion :

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fait qu il remplace le trisagion force à admettre que celui-ci était aussiun chant de procession; lorsq u’une pièce liturgique, en effet, enremplace une autre, c’est normalement parce qu’elles ont la mêmefonction.

Cette conclusion est parfaitement légitime, à notre avis. Lesdocuments conservés sur le trisagion permettent aussi d’y arriver indé

 pendamment de l’histoire du tropaire baptismal .

D ’abord, la manière de chanter le trisagion, avec répétitionaprès le Gloria Patri, montre, comme dans le cas du tropaire baptismal,une ancienne utilisation du trisagion comme antiphone d ’un psaume (92).

Puis, il faut considérer qu’aujourd’hui encore le trisagion indique parfois le début de la liturgie, p . ex., aux vigiles de Noël et de l ’Epiphanie,où, les lectures de la vigile étant terminées, on commence la liturgie

 par le chan t du trisagion. Au Xe siècle, le patriarche siégeait pendantles lectures sur le trône d ’en bas, dans la nef. C’était au moment dutrisagion q u’il montait à la chaire d’en haut, dans l’abside (93). Letrisagion était donc un chant processionnel qui accompagnait la montéedu patriarche et du clergé au trône d’en haut.

Le chant du trisagion à la fin du Gloria in excelsis  de l’orthrosaccompagnait aussi parfois une procession. Selon le Typicon de laGrande Eglise, à l’orthros du samedi saint le patriarche et les prêtresfaisaient leur entrée à l’église pendant le chant du trisagion qui suit leGloria in excelsis (94). Pareillement le 14 septembre (95). Le faitque ce trisagion ait été chant de procession explique que la manièrede l’exécuter ait été celle employée dans la liturgie. Bien plus, il fautconclure que le trisagion final du Gloria in excelsis,  qui n’appartient

 pas au texte de cette hymne (96), n ’est que l’ancien chan t d ’entrée dela liturgie lorsqu’elle était jointe à l’orthros, de même que c’est letrisagion qui indique le début de la liturgie lorsque celle-ci est jointeaux vêpres.

Un docum ent relatif au synode de 536 tenu sous le patriarche Ménasmontre que le trisagion était à Constantinople le début de la liturgie.

(92) Le trisagion, d’ailleurs, chanté comme refrain du ps 1Ï6, était le dernierdes trois antiphones propres aux vêpres constantinopolitaines; cf. Syméon deThessalonique,  De Sacra Precatione  348 (PG. 155, 633 AB). En ce cas, le trisagionn’était pas processionnel.

(93) Cf. Le Typicon de laG .E.  I, pp. 152. 3-5 et 176.3-4, comparé avec 180.1-2.(94)  Ibid.,  Π , p. 82. (95)  Ibid.,  I, p. 28.(96) Cf. A. Rahlfs , Septuaginta  Π , pp. 181-83.

Alors, à grande voix, tous ceux du peuple s’écrièrent comme d’uneseule bouche :  Béni so it le Seigneur, le Dieu d'Is raël, de ce qu’il a visité et  délivré son peuple  (Le 1, 68). Après que, pendan t un long moment, les deux

 parti es euren t chant é cette psalmodie , se répo nda nt les uns aux autres,on donna l’ordre aux psalmistes de monter (sur l’ambon) et d’entonnerle trisagion. Lorsqu ’ils commencèrent, tout le peuple mit fin (à son chant)et répondit au trisagion. Après la lecture du saint évangile, etc. (97).

Le fait que le peuple «se mit à répondre» (ΰπήκουσε) au trisagionindique probablement que cette hymne était chantée comme antiphoned’un psaume.

Au même VIe siècle, Job le moine, dans le document cité ci-dessusau paragraphe 4, atteste que le trisagion était le chant pour la processiond’entrée :

C’est pourquoi, tandis que les prêtres font l’entrée jusqu’au sanctuaire,le psalmiste clame du haut (de l’ambon) : Saint (est) Dieu (98).

Selon ces documents, le trisagion apparaît comme ayant été, auVIe siècle, le chant d’entrée fixe de la liturgie, avant l’adoption destropaires qui constituèrent ensuite l’introït variable. Un reste de cet

usage se voit dans le fait qu’encore maintenant c’est pendant le chantdu trisagion que le clergé monte à l’abside pour s’y asseoir pendant leslectures.

Mais de même que l’introït variable — troisième antiphoneactuel — était à l’origine le chant de la procession qui allait à l’églisestationale (99), ainsi le trisagion — ancien chant d’entrée — apparaîtd’abord comme le chant des processions pénitentielles ou rogations.

Parmi les documents apocryphes issus de la controverse surl’addition faite par Pierre le Foulon, se trouve une lettre du pape FélixIII à l ’empereur Zénon : le trisagion y est appelé ή τρισάγιος λιτή (100).Or, il n ’y a pas de doute que «litie» signifiait une procession de rogations,ou bien le tropair e destiné à cette procession (101). Le trisagion était

donc considéré, vers la fin du Ve siècle, comme un chant destiné auxrogations. D ’ailleurs, dans la légende sur la révélation du trisagion

(97) Mansi 8, 1063 E.(98) Photius,  Bibliotheca,  cod. 222 (PG. 103, 772 A).(99) Cf. Proche-Orient Chrétien,  16 (1966), p. 161.(100) Mansi 7, 1052 E.

(101) Cf.  Le Typicon de la G. E.  Π , index liturgique, s.v. λιτή.

114 CHAP. IV : LE TRISAGION

au temps du patriarche Proclus, celle-ci eut lieu au cours d ’une rogation,et le peuple, lorsque l’enfant ravi au ciel leur annonça sa vision,commença à chanter le trisagion et le tremblement de terre cessa (102).

Au Xe siècle, d ’ailleurs, le trisagion était encore cha nt de rogations

SWAPTIE ET PRIÈRE DU TRISAGION 115

Le cod.  Athos Saint-André   met dans la bouche d’un psalmistecette exhortation :  Bénissez la gloire du Seigneur  (109). Dans l ’usageucrainien actuel, le diacre proclame :  Rendez gloire au Christ notre   Dieu ( 110). Ce sont là des phases évoluées des usages précédents

i j l i i d l l h

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u e s èc e, d a eu s, e sag o é a e co e c a de oga o sau moins trois fois par an : le 1er septembre, début de l’année civileet commémoraison du grand incendie; le 25 septembre, anniversairedu tremblement de terre et de la révélation du trisagion ; le 6 novembre,anniversaire de la pluie de cendres tombée sur Constant inople en472 (103).

En ces occasions, le trisagion était destiné à la procession, mais

il n ’étai t plus le chant d ’entrée à l’église. Le 1er septembre, la processionl’utilisait seulement pendant une partie du trajet; le 25 septembre,la- procession se termina it en dehors de l ’église ; le 6 novembre, onchantait trois antiphones au début de la liturgie. Mais on peut faireici le même raisonnement que nous ayons fait po ur le tropaire baptismal,c.-à-d. que le trisagion chanté pendant une partie de la procession et denouveau dans l’église représente le début et la fin d’un ancien trisagion

 processionne l chanté sans in terruption . D ’autant plus que nous savons par Job le moine qu ’au VIe siècle le trisagion était le chant d ’entréeordinaire.

Si donc, d’une part, le trisagion était un ancien chant de processionet si, d’autre part, il était le chant d’entrée à l’église, il est légitimede conclure que ce chant d’entrée n’était, du moins en certains jours,

que la fin du chant processionnel.On est tenté de rattacher à ce caractère processionnel du trisagion

la demande de permission pour le chant du Gloria Patri,  exprimée,comme d’habitude, en forme de demande de bénédiction, qui apparaîtdans certains manuscri ts tardifs. Selon le cod.  Moscou Saint-Synode 381, Typicon du XIIIe-XIVe siècle, les jours de fête le diacre demandaitla permission au prêtre en disant :  Bénis, maître, le Gloria (104). Et le

 prêtre :  Béni soit Dieu, qui est glorifié en une Trinité sainte (105). Lediacre montrait alors l’orarion à ceux du dehors, et l’on chantait leGloria Patri.  Selon le cod. Sinaït. gr.  -986, le diacre disait :  Bénis la gloire du Seigneur ( 106). L ’évêque allumait le trikirion tenu par lediacre (107) à la porte et disait :  La manifestation de la Trinité  (108).

(102) Cf. la lettre citée d’Acace à Pierre le Foulo n (Mansi 7, 1121 D) ou s.Jean Damascene,  De fide orthodoxa  Π Ι, 10 (PG. 94, 1021 AB).

(103) Cf.  Le Typicon de ta G. E.  Π , index liturgique, s.v. τρισάγιον a.

(104) Krasnoseltsev,  Materialy,   p. 24 : Εύλόγησον, δέσποτα, τό Δόξα.(105) Εύλογητός δ θεός, δ èv Τ ριάδι αγία δοξαζόμενος.(106) Εύλόγησον Κ υρίου την δόξαν.(107) Dmitrievskij, Opisanie Π , ρ. 368, donne ce texte : άνά ψ ας τδ μ ίαν

(sic)  τοΟ τρικηρίου.(108) Τ ριάδος ή φανέρωσις.

qui supposent toujours la permission donnée par l’évêque pour le chantde la doxologie.

Ces dialogues ou exhortations, tout comme celles qui précèdentle trisagion, ne sont qu’une façon de demander la permission pour fairesigne aux chantres d’entonner le Gloria Patri.  Or, normalement, auterme d’une procession, lorsque celle-ci arrivait à l’église stationale,

on aura déjà averti les psalmistes de mettre fin au psaume processionnel par l’intonation du Gloria.

L’âge des manuscrits cités (XIIIe-XVe siècle) diminue cependantla probabilité d’une identification des usages qu’ils décrivent avecceux en vigueur au XIe siècle.

11. La place de la synaptie et de la prière du trisagion

Le fait que, du IXe au XI Ie siècle, la syDaptie et la prière dutrisagion étaient placées avant l’hymne, confirme encore le caractère

 processionnel de celle-ci.

En effet, aussi longtemps que le trisagion resta le cha nt d ’eatrée

à l’église, la récitation avant lui de la prière et de la synaptie n’était pas possible. La réci tation de la synaptie e t de la prière ava nt le trisagionse rencontre, d’ailleurs, dans les mss où le troisième antiphone — nouvelintroït — existe déjà, c.-à-d. dans les mss appartenant à une époque oùle trisagion n’était plus le chant d’entrée. Mais encore au Xe siècle,les jours de procession, où, en chemin, on chantait le tropaire du jour,la synaptie et la prière n’étaient pas dites avant le trisagion (111).

Quelle est donc l’origine de la récitation de la synaptie et de la prière avant le trisag ion et donc de la récitation actuelle de la prièredu trisagion dans la liturgie?

Pour éclaircir ce problème on doit étudier le rite des processionsà Constantinople . Voici le schéma d’une procession,, selon l’euchologe

manuscrit Paris Coislin 213 (A.D. 1027) (112); au début de la cérémonie,le ms. indique qu’on ne disait pas de bénédiction initiale :*111

(109) Cf. ci-dessus, note 86.(MO) Vozdadîte slâvu Chistû Bôgu nâsemu, Sluzebnik svijatitelskij,  éd.

A. Bacinskij, Lvov 1886, p. 24.(111) Cf.  Le Typicon de la G. E.  Π , index liturgique, s.v. τρισάγιον b.

(112) Dmitrievskij, Opisanie  Π , pp. 1009-1010.

116 CHAP. IV: LE TRISAGION

(A la Grande Eglise)En paix prions le Seigneur (= synaptic)

' priàie de la synaptiePaix à tous 

iè d’i li ti

SYNAPTIE ET PRIÈRE DU TRISAGION 117

était la prière de la synaptie pour le 1er septembre (119). Le cod. Barberini gr. 336 (VIIIe siècle) ne contient pas les prières pour les processions (120). On doit donc faire confiance au Typicon de la GrandeEglise et admettre que les jours où le trisagion était chanté commetropaire processionnel la prière de la synaptie était la prière du trisagion

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prière d’inclination 

premier trajet de la procession, au chant d’un tropaire.

(Station intermédiaire)ecténie

prière de l’ecténie et triple bénédiction 

prière d’inclination, deuxième trajet de la procession, au chant d’un tropaire

. Parmi les schémas de processions donnés par le Typicon de laGrande Eglise, un des plus simples est celui-ci (113) :

(A la Grande Eglise)synaptieprière

premier trajet, au chant d’un tropaire

(Station intermédiaire)ecténie

deuxième trajet, au chant d’un tropaire 

entrée à l’église stationale

La synaptie initiale était appelée «prière du trisagion» ou «prière

synaptie du trisagion» et était récitée par le diacre. Le 1er septembre,le chant processionnel pour le premier trajet était le tiisagion, appelé

 par cei tai is documents «le grand trisagion» (114), appellation quiindique sans doute le tiisagion chanté comme tropaire d’un psaume, paropposition au trisagion saas psaume. La prié e qui accompagnaitla synaptie, prononcée par le patriarche, est appelée aussi «la prière dutrisagion» par le Typicon de la Grande Eglise (115).

L’euchologe Coislin  213(116), le typicon  Dresde A  104(117) etun ms. de Kiev publié par Dmitrievskij (118), ne précisent pas quelle

(113) Cf. le 26-1, Le Typicon de la G. E.  I, p. 212. Sous le titre de «prière du trisagion» on désigne et la synaptie et la prière sacerdotale, cf. ibid.,  II, index 

liturgique, s.v. ε υ ή V.(114)  Le Typicon  II, Appendice I, p. 200.10.(115) Cf. le 1er septembre,  Le Typicon  I, p. 6.16.(116) Opisanie  Π , p. 1009.(117) Des passages de ce ms. ont été publiés par Dmitrievskij dans  Drevnjejsie 

 patriarJe tipikony Svjatogrobskij Ierusaiimnskij i Velikoj Konstantinopolskoj Tserkvi, 

Kiev 1907. Le passage qui décrit les cérémonies du 1er septembre se trouve à pp. 293-301.

(118) Opisanie  I, p. 152; reproduit dans  Le Typicon  Π , pp. 200-202

tropaire processionnel la prière de la synaptie était la prière du trisagion.D’ailleurs, le texte des deux formulaires de la prière donné en traductionci-dessus, au paragraphe 6, demande à Dieu d’accepter le chant dutrisagion qu’on va commencer.

En supposant donc une procession où le trisagion se chantaitcomme tropaire, on aura ce schéma :

synaptie prière du trisagion 

, (prière d’inclination) 

 procession  au chant du trisagion 

entrée  à l’église stationale 

Gloria Patri du trisagion 

dernières répétitions

lectures de la liturgie

Il n ’est pas impossible qu’une telle procession ait eu lieu encoreà Constantinople au Xe siècle. Le Typicon de la Grande Eglise prescrit,en effet, des processions pour lesquelles aucun tropaire n’est indiqué(27 mai, 14 juin, 8 juillet, 20 juillet, 2 août, deuxième mercredi après

la Pentecôte). Ceci ferait penser qu’il n’y avait pas de tropaire spécialen ces occasions, et qu’on chantait soit le O Fils unique, comme lemercredi après la Pentecôte (121), soit le trisagion. On pourrait présumer qu’il en était de même les jours où l’on indique un tropaire pourle ps 50 de l’orthros, mais aucun pour la procession ni pour la liturgie(26 sept., 8 et 30 nov., 25 janv., 24 févr., 8 et 21 mai). Le 8 mai, eneffet, le parcours de la procession était le même que le 25 septembre,et la liturgie était également célébrée à saint Jean l’Apôtre au septièmemilliaire. Or, le chant de procession du 25 septembre était le trisagion.

Mais comme, d’autre part, le typicon  Dresde A   104 (122) donne plusieurs tropaires pour la procession du deuxième mercredi après laPentecôte, où le Typicon de la Grande Eglise n ’en indique aucun, il se peut

(119) Goar, Euchol., p. 639-41, donne le formulaire ordinaire des processionsselon un ms. de Grottaferrata, mais aucune particularité n’est indiquée pour le 1er 

septembre. èCLS(120) L’index du contenu de ce ms. est donné par A. Strittmatter, The 

«Barberinus S. Marci» of Jacques Goar,  dans  Ephemerides Liturgicae  XLVII (VIO 

(1933), pp. 336-65.(121)  Le typic on de la G. E.  II, p. 142.(122) Dmitrievskij,  Drevnjejsie,  pp. 201-202.

118 CHAP . IV : LE TRI SAGION

que d’autres processions aient pareillement eu, au Xe siècle, des tropaires prop res non indiqués dans le Typicon de la Grande Eglise.

12. Le tropaire de la croix

LA SESSION λ L'ABSIDE 119

tropaire bapt ismal (127). La même conclusion s’impose p our letropaire de la croix.

13. La session à l’abside

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Actuellement, le 14 septembre et le troisième dimanche du carêmele trisagion est remplacé par le tropaire :  Nous adorons ta croix, ô  Maîtr e, et nous adorons ta sainte résurrection,  chanté trois fois; on yajoute le Gloria Patri,  la clausula du tropaire et une répétition finale dutropaire en entier, à la façon du trisagion.

Selon le Typicon de la Grande Eglise,  ce tropaire était chantéà la liturgie seulement le 14 septembre. Le troisième dimanche ducarême n’était pas encore dédié à la vénération de la croix. L’adorationdu saint bois avait lieu les quatre jours qui précèdent le 14 septembre(10-13 sept.), comme préparation à la fête de l’Exaltation, et les quatre

 jours du mardi au vendredi de la quatr ième semaine du carême, maissans rappor t au dimanche précédent (123). Selon le typicon del’Evergétis (XIIe siècle), deux siècles plus tard, on chantait déjà letropaire de la croix, au lieu du trisagion, le troisième dimanche ducarême (124).

Au Xe siècle, selon le Typicon de la Grande Eglise, le 14 septembreon ne chantait pas d’antiphones à la liturgie. Celle-ci suivait immédiatement la cérémonie de l’exaltation et adoration de la croix. Selon

certains mss (125), le tropaire  Nous adorons ta croix  était chanté parle peuple pendant l’adoration, à laquelle son texte se réfère explicitement.Puisque l’adoration devait se prolonger assez longtemps, le tropaire étaitsans doute utilisé comme refrain d’un psaume, ce qui explique leGloria Patri  et les répétitions finales.

Cependant, la répétition de la clausula après le Gloria Patri  faitdifficulté, car elle indiquerait que seule la clausula était le refrain toutau long du chant du psaume; on admettra difficilement, en effet, que

 pendant l’adoratio n de la croix on ait omis le chan t de la première part ie du tropaire, la seule qui fait allusion à la croix.

 Nous avons rencontré une difficulté pareille à p ropo s d u trisagion ,mais l’ancienne célébration pontificale (126) nous a permis de conclureque le refrain du psaume était jadis le trisagion entier, non la seuleclausula, et que la répétition de celle-ci après le Gloria Patri  dans laliturgie actuelle n’est qu’une imitation du mode d’exécuter le chant du

(123)  Le Typicon  Π , p. 40. 23.(124) · Opisanie  I, p. 528.(125) Ms. Fa (XIIe s.), cf. Le Typicon  I, p. 30, apparat critique à la ligne 19,

à la fin.(126) Voir ci-dessus, à 8.

Pendant qu’on chante le trisagion, le prêtre, du moins chez lesGrecs et les Melkites, récite la prière; puis, ensemble avec le diacre,il récite le trisagion à voix basse en faisant trois inclinations devantl’autel; ensuite il baise l’évangile et l’autel; le diacre baise seulementl’autel, comme d’habitude.

Le diacre invite alors le prêtre à aller à l’abside, en disant : S'il vous plaît, maître  (κέλευσον, δέσποτα), équivalant du latin : lube, domne.  Ils se mettent en chemin et le prêtre dit :  Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.  Arrivés à l’abside, le diacre invite encoreune fois le prêtre à bénir :  Bénis, maître, la chaire d ’en haut.  Et le

 prêtr e : Béni es-tu sur le trône de gloire de ta royauté, qui sièges sur les Chérubins, en tout temps, maintenant et toujours pour les siècles des siècles. Amen.  Et ils attendent debout la fin du chant du trisagion.

Un baiser de l’autel apparaît dans l’euchologe de Porphyre (Xesiècle) (12ÎÏ), avec la formule de l ’actuelle bénédic tion init iale de laliturgie :  Béni soit le règne du Père,   etc. L’invitation du diacre à allers’asseoir et une formule prononcée par le prêtre en y allant sont prescrites par la diataxe d u X IIe-XIIIe siècle (129) et p ar d ’autres documents

 postér ieurs (130), bien que d’autres mss du XIVe-XV® siècle ne laconnaissent pas encore (131). Dans les documents qui la contiennent,l’invitation du diacre est presque toujours l’actuelle (132).

Quant à la seconde bénédiction, l’euchologe  Barberini gr.  336(VIIIe siècle), contient une prière appelée «de la chaire d’en haut»(Lit. Bas.) ou «de la chaire du sanctuaire» (Lit. Chrys.), qui dit ainsi :

(127) Voir ci-dessus, à 9.(128) Krasnoseltsev, Svedenija,  p. 286.(129) Ed. Trembelas (voir note 15), p. 7 (à gauche). De la formule prononcée

 par le p rêtre on ne donne q ue l ’incipit : Ευλογημένη. liest possible que le prêtreait dit l’actuelle bénédiction initiale de la liturgie (déjà existante dans la diataxe),qui apparaît à peu près au même endroit dans l’euchologe de Porphyre, comme on

vient de le dire ci-dessus dans le texte.(130)  Moscou Saint-Synode   381 (XM-XIVe s.) éd. citée (note 16), p. 24;

diataxe de Philothée,  (XIVe s.), éd. Trembelas (note 15), p. 7 (à droite); Vatic, gr. 573 (XVe s.), éd. citée (note 20), p. 104-105;  Doucas, éd.  Swainson, The Greek  

 Liturgies,  p. 116.(131)  Athos Esphigmen  (A.D. 1306), Opisanie  II, p. 266; Sinaït. gr.  986

(XVe s.), ibid., p. 608; Jérusalem, Patriarcat grec-orth. 305 (XVe s.); éd. Krasnoseltsev, Materialy,   p. 88.

(132) Vat. gr.  573 donne : Εύλόγησον, δέσποτα au lieu de: Κ έλευσον.

120 CHAP. IV : LE TRISAGION

Souverain Seigneur, Dieu des armées, sauve ton peuple et pacifie-le

 par la force de ton Saint-Esprit, au moyen du signe de la précieuse croix

de ton Fils unique, avec lequel tu es béni pour les siècles des siècles.

Amen (133).

A cause du titre que cette prière porte dans le manuscrit on la

LA SESSION λ L'ABSIDE 121

l’assemblée, qui va occuper le siège pour présider à la célébration.A ce moment, il avoue que son siège n’est qu ’une participation au trôneéternel de Dieu ou du Christ, dont il est le représentant. Ces sentimentssont exprimés par une bénédiction adressée à Dieu, qui siège en haut.

Le texte de cette bénédiction a été amplifié peti t à petit D ’abord

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A cause du titre que cette prière porte dans le manuscrit, on laconsidère généralement comme l’équivalent de l’actuelle bénédictionde la chaire. Or, son texte montre qu’elle appartient à un genre toutdifférent. Aucune allusion n ’y est faite à la chaire ni à Dieu siégeantsur son trône céleste. Elle est plu tôt une bénédiction du peuple ou,mieux encore, une introduction au Paix à tous  que le président doit

 prononce r tou t à l’heure. Elle s’y réfère et par la ment ion de la paix

(pacifie, είρήνευσον) et par l ’allus ion au geste (signe de la croix,τύπου χοϋ σταυροΰ). Noton s que le verbe ειρηνεύω est un termetechnique pour indiquer la prononciation de la formule Paix à tous (134),et que cette formule comportait, selon le commentaire attribué à s.Germain (VIIIe siècle), un signe de croix sur le peuple (135). Cette

 prière n ’est donc qu ’un développement préparatoire à l’antique salu tationPaix à tous, par laquelle le célébrant, une fois arrivé à son siège, saluaitle peuple. Ce développement se fait dans le sens d’une prière pourdemander à Dieu l’efficacité de la salutatio n qui va suivre. Le titrede la prière a donc une signification locale, non fonctionnelle.

A part la prière du  Barber, gr.  336, qui jouait un rôle to utdifférent, le premier exemple d’une prière de la chaire apparaît, à laliturgie pontificale, dans la traduct ion arab e du XIe siècle (136). Elle

n ’a pas d ’invitation diaconale et est dite à voix basse par l’archevêqueet par les prêtres, après avoir fait trois inclinations. Son formulaireest plus simple que l’actuel et se réfère explicitement au Christ :

Béni es-tu sur le trône de ta royauté, ô Christ notre Dieu, en tout

temps, etc.

Cette prière n’est pas une vraie bénédiction de la chaire. On pourrai t la définir un acte d’humilité de la par t du président de

(133) Brightman,  Liturgies,  p. 314.

(134) Cf.  Le Typicon de la G.E.   II, index liturgique, s.v. ειρή νη π<2σι. Le

verbe est employé avec l’accusatif, comme dans la prière du Barberini, dans  Dresde 

104 (XIe s.) : εϊρη νεύει τόν άνα γινώ σκ οντα (Dmitrievsky,  Drevnjejsie,  p. 278).

(135) Ed. N. Borgia,  Il commentario liturgico di S. Germane patriarca costantinopolitano e la versione latina di Anastasio bibliotecario,  Grottaferrata 1912,

texte grec n° 26, p. 23 : τό ά νελθεϊν έν τψ συ νθρό νψ τόν α ρχιερέα κα ί

σφ ραγίσα ι τόν λαόν,... δεικνύω ν δτι τήν αότήν ειρήνην κα ί εύλογίαν,κτλ. Le texte indique que l'évêque  fait un signe de croix; de même fait le patriarche 

dans le Typicon de la G.E.  I, 46.23-24: κα ί 6 πα τριάρ χης έπισφ ραγίζει τόν

λαό ν έπιλέγω ν' Ε ιρή νη πδ σ ιν. Il n’est pas sûr que le simple prêtre l’ait fait

à l'époque.

(136) Citée à note 28.

Le texte de cette bénédiction a été amplifié peti t à petit. D abord,l’invitation du diacre présente des variantes :  Bénis, maître , cette chaire (137), ou la sainte chaire (138), ou la vénérable et sainte chaire (139).Parfois elle manque, même dans des mss tardifs (140).

La formule prononcée par le prêtre a aussi varié. La mention duChrist faite par la traduction arabe citée ci-dessus reste une exception.Le texte le plus simple apparaît dans une diataxe du XVe siècle :

Béni es-tu, qui sièges sur le t rône de gloire (141).

Légèrement développée, elle apparaît dans une autre diataxe dela même époque :

Béni es-tu sur le trône de gloire, toi qui sièges pour les siècles (142).

Des documents du XIIIe et du XIVe siècle, appartenant sans douteà une autre tradition, donnent des formules plus longues :

Béni es-tu, qui sièges sur le trône de gloire de ta royauté, en tout

temps, etc. (143).

La diataxe  Athènes  662 (XII-XIIIe s.) et le typicon  Moscou Saint-  

Synode  381 (XIII-XIVe s.) changent la fin de la formule :Béni es-tu, qui sièges sur le trône de gloire de ta royauté, toi le loué,

le glorieux (144).

La formule actuelle, qui apparaît depuis le XVe siècle (145),intercale encore la mention des Chérubins. La ressemblance de toutes

(137) Tradu ction géorgienne du XII-X IIIe s., éd. citée (note 22).

(138)  Moscou, Saint-Synode   381 (XIII-XTVe s.), éd. citée (note 16).

(139) Val. gr.  537, éd. citée (note 20).

(140)  Jérusalem, Pair, grec-orth.  305, éd. citée (note 9).

(141) Vat. gr.  537 : Εόλογημένος el ό καθήμ ενος έπί θρόνου δόξης.(142)  Jérusalem, Pair, grec-orth.  305 : Ε ύλογητός el έπί θρόνου δόξης

ό καθήμ ενος είς τούς αιώ νας, άμήν.(143)  Diatax e de Philotée,  éd. citées (note 18) : Ε όλο γημ ένος el [ό] έπ ί

θρόνου δόξης τής βα σιλείας σου κα θήμ ενος, π ά ν ο ε ,  νΟν κα ί αεί κτλ.

L’article ο, manqu e dans l’édition de Trembèlas. Pareillement, la trad, géorgiennecitée à note 22.

(144) Εόλογημένος el ό καθή μενος έπί θρόνου δόξης τής βασ ιλείας σου, ό ύπερύμνητος κα ί ύπερένδοξος. Editions citées ci-dessus (note 16).

(145) Sin. gr.  986 (XVe s.) (cf. note 9) et l’édition de Doucas (XVIe s.) (cf.

note 130).

122CHAP. IV : LE TRISAGION

ces formules autorise à penser que c’est la diataxe du XVe siècle citée en premier lieu qui a conservé la rédaction originelle.

14. Les acclamations

Actuellement dans les livres liturgiques russes et roumains on

v u e   d 'e n s e m b l e 123

copale avait lieu à l’entrée, et qu’elle se terminait par une acclamationen l’honneur du nouvel évêque.

Le cod. Saint-Sabas  362 ne donne pas le texte des acclamations,seulement sa formule finale, commencée par le premier domesticos (148) :Seigneur sauve les empereurs auquel le second domesticos répondait :

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Actuellement, dans les livres liturgiques russes et roumains, on ,trouve une formule que le diacre prononce interrompant l’ecphonèsequi précède le trisagion. Le prêtre, en effet, ne termine pas l’ecphonèse,mais prononce seulement cette partie : Car tu es saint, ô notre Dieu, et à toi nous rendons gloire. Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et  toujours.  Le diacre alors, tourné vers l’icône du Christ, dit : Seigneur, sauve les pieux et écoute-nous.  Ensuite, tourné vers le peuple, il termine

l’ecphonèse :  Et pour les siècles des siècles.  Le chœur :  Amen,  et l’oncommence le trisagion.

Chez les Russes, le diacre prononce la phrase en deux temps;d ’abord : Seigneur, sauve les pieux, qui est reprise par le chœur; ensuite :et écoute-nous,  qui est aussi répétée par le chœur.

Cette étrange interruption de la doxologie est un reste de l’ancienneacclamation faite en l’honneur de l’empereur et du patriarche lorsqu’ilsentra ient à l’église. C’est un usage très ancien, mais que les euchologes,destinés ordinairement à une liturgie non pontificale, enregistrentrarement.

Un ms. du XIIIe siècle, place l’acclamation à l’empereur avantle chant du contakion (146).

Le cod. Saint-Sabas   362 (XIVe siècle), euchologe patriarcal,lui assigne deux places différentes, selon qu’il y avait ou non uneconsécration épiscopale au cours de la liturgie. Si celle-ci étaitordinaire, c.-à-d. sans consécration épiscopale, les acclamations àl’empereur et au patr iarche (147) avaient lieu après l ’entrée, entre lechant du tropaire et celui du contakion, comme d’habitude. Ensuite, pend ant le chant du contakion, le diacre demandait au patria rche la permission de faire signe pour le chan t du trisagion, et le patriarch e prononç ait à voix basse l’ecphonèse incomplète, comme elle est citéeau début de ce paragraphe. Le contakion terminé, le diacre se tournaitvers le peuple, montrait l’orarion et disait à haute voix :  Et pour les siècles des siècles.

S’il y avait consécration épiscopale, les acclamations avaientlieu après la montée à l’abside, lorsque le patriarche, les évêques etles prêtres s’y asseyaient. La raison en était que la consécration épis-

(146) Ainsi Ottob. gr.  434 (inédit) : K a i γ ι ν ο μ έ ν η ς τ ή ς ε ι σ ό δ ο υ γ ί ν ε τ α ι  

ή ε φ η μ [ί α τ ω ν ] β α σ ι λ έ [ω ν ], κ α ί μ ε τ ά τ ό ψ α λ θ - ή ν α ι τ ό κ ο ν τ ά κ ι ο ν  

έ κ φ ω ν ε ϊ ό ά ρ χ ι ε ρ ε ς · β τ ι ά γ ι ο ς ε ί.

(147) Ή φ ή μ η τ ί δ ν β α σ ι λ έ ω ν κ α ί τ ο Ο π α τ ρ ι ά ρ χ ο υ .

Seigneur, sauve les empereurs,  auquel le second domesticos répondait :‘et écoute-nous (149).

Le cod.  Athos Saint-André   (XVe siècle) décrit la cérémonie d’unefaçon semblable (150). La formule actuelle n’est donc que l’adap tationde l ’ancienne formule termina le de l’acclamation, remplaçant β ασιλείς

 par ευσεβείς (151).

 Nous n’insisterons pas davantage sur cet élément qui reste endehors de la structure de la liturgie.

15. Vue d’ensemble de l’évolution de l’entrée

Il faut maintenant reprendre les données acquises dans cet article, pour esquisser l’évolution de l’entrée dans sa période la plus ancienne;dans l’article précédent nous avons déjà tracé ses étapes à partir duVIIe siècle (152).

Au IVe siècle on entrait à l’église sans solennité spéciale, et l’évêquemontait à la chaire, d ’où il saluait le peuple en disant : Paix à tous. Ensuite on commençai t les lectures. Deux éléments y appara issent,

qui se conservent de quelque façon jusqu’à nos jours : une entrée et lasalutation du peuple, qui existe encore chez les Slaves et lesRoumains (153).

Au VIe sièclé, l’entrée à l’église, du moins celle du clergé, avaitlieu pendant le chant du trisagion, qui n’avait pas d’introduction.

(148)  Domesticos  (δομ έστικος) : Duo domestic! in duobus choris stant

et cum primo cantore (πρω τοψ άλτης) psallunt, cf.  De Officialibus Eccleslae 

Constantinoplitanae,  dans Goar,  Euchol.,  p. 130.

(149)  Κ ύριε, σω σον τούς βασιλείς... κα ί έπάκουσον ήμών.(150) Dmitrievskij, Opisanie  I, p. 169 in fine.

(151) Dans  Le Livre des Cérémonies  de Constantin Porphyrogénète (éd. A.

Vogt, I, Pari s 1935 ; Π , Paris 1939), on cherchera en vain une allusion aux acclamationsfaites à l’empereur lorsqu’il entrait à l ’église accompagné du patriarche. L’existence

de telles acclamations n’offre aucun doute, car elles sont attestées par les documents

cités ci-dessus;  Le Livre des Cérémonies  prescrit minutieusement les acclamations

que les civils doivent faire à l’empereur, (vo ir p. ex. chap. 47, vol. Π , pp. 3-5, accla

mations pour le couronnement d’un empereur), mais il omet les acclamationsecclésiastiques.

(152) Voir Proche-Orient Chrétien,  16 (1966), pp. 138, 160-161.

(153) Cette salutation sera traitée dans l’article suivant.

124 CHAP. IV ! LE TRISAGION

mais était directement entonné par les psalmistes (154). Aucunesynaptie, prière ni doxologie n’était donc dite avant le chant de l’hymne.Mais d’où provient-il que le trisagion ait été choisi comme chantd’entrée?

L’origine de cet sage f t l’emploi d trisagion déjà dep is

VUE D’ENSEMBLE 125

Selon les historiens, le chant du tropaire O Fils unique fut prescrit par .Justinien en 528. Nous ne savons pas à quelles occasions cetropaire devait être chanté, mais bientôt il fut utilisé comme chantd’entrée pour la liturgie du dimanche, coutume qui durait encore àConstantinople au Xe siècle (160) et qui fut adoptée par les Arméniens

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L’origine de cet usage fut l’emploi du trisagion, déjà depuisle Ve siècle (155), comme chant pour les rogations, où il jouait le rôlede tropaire processionnel, comme antiphone d ’un psaume. Si donc pendant le trajet de la procession on chanta it un psaume dont l’antiphoneétait le trisagion, à l’arrivée à l’église stationale, où la liturgie devaitêtre célébrée, on terminait le chant du psaume à la façon ordinaire,c.-à-d. par le Gloria Patri, auquel le peuple répondait par l’antiphone(= trisagion), et par une dernière répétition (périssie)  faite d’abord

 par les psalmistes et ensuite par le peuple. Pendant que le chants’achevait, l’évêque montait à la chaire, saluait le peuple et on commençait les lectures, tout comme anciennement. Cet usage explique l ’actuelGloria Patri  du trisagion et les répétitions finales qui apparaissentdans la liturgie pontificale du XIV-XVe siècles.

Le chant du trisagion avant les lectures entra dans les mœurs,et c’est ainsi qu’au VIe siècle il était chanté comme début de la liturgiemême les dimanches, lorsqu’il n’y avait aucune procession préalable (156).

Il se peut qu’en entrant à l’église avec la procession on ait chanté,avant le Gloria Patri  final, un dernier verset psalmique spécialementchoisi. Ce verset aurait été le premier exemple de ce qui a été appeléensuite le verset d’entrée (είσοδικόν). Il est probable que le ps 79a été utilisé jadis pour les rogations avec le trisagion, et que le verset15a-16a, dit par l’évêque à la liturgie pontificale actuelle, est un ancienverset d ’entrée (157).

Un reste du chant du trisagion pendant l’entrée à l’église est lefait que c’est pendant le chant de l’hymne que le clergé monte à l’absideencore aujourd’hui.

A une époque qu’on ne peut pas déterminer, en tout cas antérieurement au VIIIe siècle, avant le départ de la procession on récitaitune prière d’ouverture, demandant à Dieu d’accepter le trisagion qu’onallait chanter. C’est ainsi que naquirent les prières du trisagion (158).A une époque probablement plus récente on commença à réciter avant

la prière la grande synaptie ou litanie de la paix (159).

(154) Voir ci-dessus à 10.

(155)  Ibid.

(156)  Ibid.

(157) Ci-dessus, à 8.

(158) Ci-dessus, à 6  et 10.

(159) Ci-dessus, à 10.

Constantinople au Xe siècle (160) et qui fut adoptée par les Arménienset par les Syriens. Le tropaire O Fils unique était chanté avec le ps 94 :Venez, crions de joie pour le Seigneur, dont le verset 6 : Venez, adorons, etc. devint le verset d’entrée. Le tropaire fut aussi employé aux processions (161), sans doute lorsqu’elles n’avaient pas un caractère pénitentiel.

Qu’en était-il à ce moment du chant du trisagion? Au lieu de

remplacer tout simplement l’ancien introït (le trisagion) par le nouveau(le tropaire), on les juxtaposa, le trisagion perdant alors son psaumeet restant abrégé.

Les jours où le tropaire (nouvel introït) était chanté pendantune procession stationale, la synaptie et la prière du trisagion, ou uneautre équivalente, étaient récitées, commé auparavant, avant le départde la procession. Mais les jours où le chant de l’introït n’accompagnait pas de procession, la synaptie et la prière du trisagion furent placéesentre le nouvel introït (tropaire) et le trisagion, et furent considéréescomme une introduction au chant de cette hymne (162).

Les jours de baptême (Vigile pascale et semaine de Pâques,Epiphanie, Pentecôte, Noël, samedi de Lazare), la procession d’entrée àla liturgie venait du baptistère, d’où les néophytes revenaient avecle patriarche. Le chant processionnel était alors lé tropaire baptismal :Vous qui avez été baptisés dans le Christ, etc., au lieu du trisagion (163).

Le 14 septembre, fête de l’Exaltation de la croix, l’entrée sefaisait à la fin de l’orthros au chant du trisagion; l’adoration du saint bois avait lieu immédiatement avant la liturgie, au chant du tropairede la croix :  Nous adorons ta croix, ô Maître,  etc. Puisque l’entréeavait précédé l’adoration de la croix, aucun chant d’entrée n’était plusnécessaire et on passait immédiatement aux lectures (164).

Le reste de l’évolution du rite d’entrée a été expesé à la fin del’article précédent. Il ne sera pas inutile, cependant, de donner un

(160)  Le Typicon de là G. E.   , index liturgique, s.v. Ό μονογενήςet J.-B. Thibaut,  Monuments de la notation ekphonétique e t hagiopolite de l'Eglise Grecque. 

Saint-Pétersbourg 1913, 3e partie, pp. 1-11.

(161) Voir  Le Typicon,  ibid.

(162) Ci-dessus, à 11.

(163) Ci-dessus, à 9. Le chant du même tropaire le dimanche de Pftques 

et jusqu’au samedi suivant pourrait s’expliquer supposant l’existence jadis d’une 

procession au baptistère à la fin de l'office du matin, comme elle existe dans le rite ambrosien, du dimanche au mardi de Pâques.

(164) Ci-dessus, à 12.

126 CHAP. IV : LE TBISAGION

cadre chronologique de l’évolution entière, en reprenant, sous uneforme plus résumée, les données que nous venons de recueillir et cellesque nous avions exposées à la fin de l’article cité.

1. Entrée sans chant (IVe siècle).

2 i i i h d ’ h d i

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2. Le trisagion, antiphone d ’un psaume, chant de rogations etdonc chant d ’entrée à l'église les jours de rogations (Ve siècle).

3. Le trisagion, chant pour l ’entrée du clergé, même les jourssans procession (ancien introït) (VIe siècle).

4. Un psaume avec tropaire (nouvel introït) sert pour les

 processions non pénitentielles. Le trisagion est chanté après le tropa ire.Les jours sans procession, le psaume avec tropaire accompagne l’entréedu clergé et deux éléments apparten ant jadis au dé but de la procession —la synaptie et la prière du trisagion — s’intercalent entre le tropaired ’entrée e t le trisagion (VIe-VIIe siècle).

5. Le transfert de la préparation des dons au début de la liturgieexige l’introduction de nouveaux éléments pour occuper les fidèles

 pendant ce temps. On place alors avan t l ’intro ït deux autres psaumesavec antiphones, formant ainsi un groupe de trois psaumes antiphonés,à l’imitation de ceux qu’on chantait aux stations intermédiaires des

 processions. L’évêque faisait toujours son entrée pendant le chan t del’introït, appelé maintenant troisième antiphone. Les jours de procession, les deux premiers psaumes antiphonés sont omis, on chante l’introït

 pendant le tra jet et, lorsqu’on arrive à l’église on commence la liturgie par le trisagion (VIle-Xe siècle).

6. La synaptie est transférée au début de la liturgie, avant le premier antiph one; on place avant la synaptie la bénédic tion initiale prop re aux heures de l’office; la préparation des dons, qui se faisait jus qu ’à cette époque pendant le chant des antiphones, est mise avant ledébut de la liturgie, comme un office indépendant; la prière du trisagionest souvent récitée pendant le chant de l’hymne; la doxologie de cette

 prière s’en détache pour devenir l’introduction au trisagion (XIe-XII Iesiècle).

CHAPITRE V

L E S L E C T U R E S

Les lectures des livres inspirés sont un des éléments primitifsde la Liturgie chrétienne. Dans cet article, nous ne décrirons pas lecycle annuel des lectures dans la Liturgie byzantine; nous nous limiteronsà considérer le déroulement des cérémonies, selon l’usage actuel et selonle témoignage des documents.

1. L’usage actuel

Voici, tout d’abord, le schéma de la partie dont nous traitons :

(Paix à tous)

 prokeimenon (= responsorium)

lecture de l’apôtreencensement

alléluia prière de l’évangile

 bénédiction du diacre

lecture de l’évangile

Chez les Slaves et les Roumains, la partie des lectures commence par la s a l u t a t i o n du président à rasse mblée ; Paix à tous I   àlaquelle le peuple répond par ;  Et à ton esprit.  Chez les Russes, avantla salutation, le diacre réclame l’attention des assistants par l’admonition : Soyons attentifs  ! (1). Après la saluta tion Paix à tous,  le diacredit : Sagesse  ! (2) (chez les Roumain s : Soyons attentifs  !), et le lecteur, placé au milieu de la nef, lit le prokeimenon.

Chez les Grecs et les Melkites, la salutation est omise; le diacredit ; Soyons attentifs  ! et le lecteur lit le prokeimenon.

(1) Π ρόσχω μεν.

(2) Σοφ ία.

128 CHAP. V: LES LECTURES

L’exécution du p r o k e i m e n o n présente aussi des variétés.Chez les Slaves, le lecteur annonce d ’abord le mode musical selonlequel le prokeimenon doit être chanté, et chante le répons qui estrépété par le chœur. Le lecteur chante alors le stique et le chœurrépète le répons. Finalement, le lecteur chante la première moitiédu répons et le chœur le termine

SALUTATION INITIALE 129

Le diacre répond :  Amen,  et, faisant une inclination au saintEvangile, il se lève, sort par la porte centrale et, précédé de cierges,va se placer à l’ambon ou à l’endroit désigné.

Le prêtre, tourné vers le peuple, dit : Sagesse  ! Debout   ! Ecoutons  le saint Evangile Paix à tous ! (7) Le chœur : Et à ton esprit Le

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du répons et le chœur le termine.

Dans les autres pays, le répons et le stique sont simplement lus pa r le lecteur, sans aucune répétition et sans intervention du chœur.Parfois, le prokeimenon est carrément supprimé.

Le diacre dit alors : Sagesse  ! et le lecteur lit le titre de l’apôtre.A l’invitation diaconale : Soyons attentifs  ! le peuple s’asseoit pour

écouter la lecture.

Pendant la l e c t u r e de l ’ a p ô t r e , selon une pra tiquetrès répandue, le diacre prend l’encensoir avec encens, va auprès du

 prêtre qui bénit l ’encens sans formule spéciale, et ensuite encense l’auteldes quatre côtés, le sanctuaire, le clergé et les icônes. Selon les rubriques, cependant, cet ensensement devrait avoir lieu pendant le chantde l’alléluia.

La lecture de l’apôtre terminée, le président fait un signe de croixvers le lecteur, disant : Paix à toi  (Slaves et Roumains), ou : Paix à toi, lecteur   (autres pays) (3). Ensuite on chante Γ alléluia  avec sesversets, généralement deux, qui souvent sont supprimés. Selon la

 prat ique russe, on chante l’alléluia trois fois, en interca lant les versets.

Dans les livres russes apparaît, avant l’alléluia, l’admonition diaconale :Sagesse t   qui ne semble pas être en usage.

Pendant le chant de l’alléluia, le prêtre, devant l’autel, récite la p r i è r e d e l ’ é v a n g i l e : Fais luire en nos cœurs, etc.  (4). Lediacre, l’encensement terminé, s’approche du prêtre et, inclinant latête, prend de la main du prêtre l’évangile, tenant ensemble l’extrémitéde l’orarion, et dit :  Bénis, maître, celui qui va annoncer l'évangile du saint apôtre et évangéliste N.  (5). Et le prêtre le bénit en disant :

Que Dieu, par les prières du saint et glorieux apôtre et évangéliste N.,

te donne à toi qui l’annonces, une parole pleine de force, pour la procla

mation de l’évangile de son Fils bien-aimé, Notre Seigneur Jésus-Christ (6). 3456

(3) Ε ιρ ή ν η σ ο ι τ ψ ά ν α γ ιν ώ σ κ ο ν τ ι.

(4) Έ λ λ α μ ψ ο ν èv τ α ΐς κ α ρ δ ία ις ή μ ώ ν ...

(5) Ε λ ό γ η σ ο ν , δ έ σ π ο τ α , τ ό ν ε δ α γ γ ε λ ισ τ ή ν τ ο ΰ ά γ ίο υ α π ο σ τ ό -

λ ο υ κ α ί ε α γ γ ε λ ισ τ ο ΰ τ ο ΰ δ ε .

(6) Ό θ ε ό ς , δ ι ά π ρ ε σ β ε ι ώ ν τ ο Ο ά γ ίο υ , έ ν δ ό ξ ο υ ά π ο σ τ ό λ ο υ κ α ί  ε α γ γ ε λ ισ τ ο ΰ τ ο ΰ δ ε , δ ψ η σ ο ι ρ ή μ α τ φ ε α γ γ ε λ ι ζ ο μ έ ν ψ δ υ ν ά μ ε ι π ο λ λ ή , ε ϊς έ κ π λ ή ρ ω σ ι ν τ ο ΰ ε α γ γ ε λ ίο υ τ ο ΰ ά γ α π η τ ο ΰ Γ ί ο ΰ α τ ο ΰ . Κ υ ρ ί ο υ  δ έ ή μ ώ ν Ί η σ ο ΰ Χ ρ ισ τ ο Ο .

le saint Evangile. Paix à tous  ! (7). Le chœur : Et à ton esprit.  Lediacre :  Lecture du saint évangile selon N. (8). Le chœur : Gloire à toi. Seigneur, gloire à toi  ! (9). Le prêt re : Soyons attentifs  !

Lorsque le diacre termine la lecture de l’évangile, le chœur répètel’acclamation : Gloire à toi. Seigneur, gloire à toit   Le diacre va à la

 porte centrale et remet l’évangile au prêtre. Celui-ci, le prena nt, dit

au diacre : Paix à toi, qui as proclamé l'Evangile.  Ensuite il baise lelivre et, le levant, fait un signe de croix avec lui sur le peuple; puisil le dépose sur l’autel.

2. La salutation initiale

La salutation initiale : Paix à tous I   disparue maintenant dela pratique grecque et melkite, s’est conservée dans les mss grecs

 jus qu ’au XVIIIe siècle (10).

L 'Euchologe Barberini  (fin VIIIe siècle) ne rapporte que les prièressacerdotales, mais on y trouve une prière, appelée «de la chaire d’enhaut», qui précédait la salutation (11). S. Germain mentionne explicitement la salutation du président (12). Après lui, les euchologesqui insèrent les rubriques mettent Paix à tous!  précédé souvent de

l’avertissement diaconal : Soyons attentifs  ! (13). Nou s n ’hésitons pas à identifier cette saluta tion avec celle qui

est commémorée à plusieurs reprises p ar s. Jean Chrysos tome (14)et qui cons tituait le début de la synaxe. La place qu’elle occupe,avant les lectures, n’admet pas d’autre explication.

La seule difficulté qu’on pourrait soulever contre cette identification serait l’interprétation d’un passage de s. Maxime le Confes-*11

(7) Σοφ ία, όρθ·οί. Ά κούσω μεν τοΰ άγίου εύαγγελίου. Ειρήνηπάσι. Si plusieurs prêtres concélèbrent, l’un d’eux prononce l’invitation, et le

 président se réserve la saluta tion : Paix à tous I

(8) Έ κ τοΰ κατά τόνδε άγίου εύαγγελίου τό ανάγνω σμα.

(9) Δ όξα σοι, Κ ύριε, δόξα σοι.(10) V. P. Ν . Trembelas, At τρείς Λ ειτουργίαι(= Texte und Forschungen

zur byzantinisch-neugriechischen Philologie n? 15), Athènes 1935, 48-49.

(11) Cf. PO C   XVn (1967), 169-70.

(12) Chap. 26 (grec), N. Borgia,  Il commentarlo liturgico di S. Germono  patriarca costantinopolitano,  Grottaferrata 1912, p. 23.

(13) Trembelas, op. cit.,  48.

(14) Cf. PO C   XV (1965), 333.

130 CHAP. V: LES LECTURES

seur (15), dont voici le texte et la traduction latine donnée par Migne :Δ ιά Sè των γινομένων ενδοθ-εν έκ τού Ιερατείου, κελεύσ ειτοϋ άρχιερέ-

ως, φ '   έκάοτω άναγνώσ ματι της ειρήνης ύποφω νήσεων . . .

Per pads autem acclamationes  quae intus e sacrario (= sanctuario)in  unaquaque lectione antistitis iussu  fiunt...

LECTURE PROPHÉTIQUE 131

Ce fut au cours du VIIe siècle que le cycle de lectures byzantinfut bouleversé et que la prophétie disparut. Dans la Mystagogie des. Maxime (VIIe siècle), elle est encore citée sous la dénominationde «Loi et Prophètes» (17) ou, ensemble avec l’apôtre, sous celle de«lectures inspirées» (18). Dans le commentaire de s. Germain (VIIIe s.)

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q q

Ce texte est ordinairement in terprété en ce sens que, avant chaquelecture, comme actuellement avant l’évangile, on disait la salutationPaix à tous.  Nous croyons que la traduction du texte, et donc soninterprétation aussi, n’est pas correcte; et voici pourquoi :

a) Le verbe υποφ ω νεΐν, comme les verbes semblables όπακούεινet ύποψ άλλειν, implique que ce qu’on dit est une réponse, un écho,comme l’insinue la préposi tion ύπό. Son dérivé ύποφώ νησις (tradui t

 par acclamationes),  qui possède aussi ce sens, doit signifier une exclamation faite comme réponse à quelque chose, dans notre cas, le souhaitPaix à toi!  fait au lecteur lorsqu’il a terminé sa lecture.

 b) La prépos ition έπί (tradu ite par in)  avec datif, a un senstemporel et signifie, avec un substant if ou un pronom, «après» (16).

c) Le souhait de paix, lor squ ’il est adressé à toute l ’assemblée,est toujours prononcé par le président. Si dans le texte de s. Maxime,il est fait «par ordre du pontife», on doit l’interpréter comme n’étant

 pas adressé à l ’assemblée entière.

d) Si le souh ait Paix à tous! avait été dit avant l’apôtre, il auraitimmédiatement précédé le titre de celui-ci, comme cela se fait avantl’évangile. Or, aucun manuscrit ne témoigne du fait que le souhaitait jamais été dit après le prokeimenon.

Les όποφω νήσεις de s. Maxime doivent donc être identifiées avecles souhaits Paix à toi! qu’un prêtre adresse au lecteur lorsque celui-cia terminé la lecture. Par conséquent, la salutation du président Paix à tous!  placée actuellement avant le prokeimenon n’est que l’anciendébut de la synaxe.

3. La lecture prophétique

Le prokeimenon ou responsorium,  qui suit actuellement la salu

tation Paix à tous! et qui paraît être un psaume à réciter avant l’apôtre,était jadis le psaume intercalé entre la prophétie et l’apôtre. L’Eglise byzantine, en effet, possédait autrefois trois lectures à la Liturgie : proph étie, apôtre et évangile, tou t comme les Eglises romaine, milanaise,hispanique, gallicane et arménienne.

(15)  Mystagogie   12, PG 91, 699 D.

(16) Cf. la locution έπ ί τούτψ , «après cela».

la prophétie a disparu.

A certains jours, po urtant , l’ancienne prophétie se conserveencore dans la Liturgie de la Parole du rite byzantin, soit en union avecla Liturgie eucharistique, soit séparément. Le premier exemple qu’on peut citer concerne les grandes vigiles de l’année : Noël , Epiphanie,

Pâques. Ceci demande un mot d’explication.Selon les livres liturgiques actuels, à la vigile de Noël il y a huit

lectures de l’Ancien Testament, avant l’apôtre et l’évangile de laLiturgie. A la vigile de l ’Epiphanie, treize lectures. A celle de Pâques,quinze.

Devant ces chiffres, deux difficultés surgissent. D ’abord, si l’ontient, comme c’est l’opinion commune, que les vigiles de Noël et del’Epiphanie ont été bâties selon le modèle de celle de Pâques, commentexpliquer ces différences? Ensuite, on s’attendrait à des chiffres comme7 et 12, qui ont une tradition religieuse bien plus grande que 8 et 13;le chiffre 15, de son côté, n’a pas de signification symbolique, que noussachions.

C’est le Typicon de la Grande Eglise qui résout ces difficultés.Il montre clairement qu’originairement les lectures pour ces vigilesétaient au nombre de sept.

A Noël, en effet, les sept premières lectures appartiennent à lavigile, tandis que la huitième appartient à la Liturgie et était lue auXe siècle après le chant du trisagion (19).

A la vigile de l’Epiphanie, les lectures de la vigile étaient égalementau nombre de sept. Pou r les cinq suivantes (8e à 12e), voici la rubriquedu Typicon :

Si le patriarche ne ren tre pas au palais, on Ut jusq u’à la septième lecture.S’il y rentre, mais avec l’intention de revenir, on Ut alors aussi les autres,comme il a été écrit (20 ).

Ces cinq lectures (8e à 12e) constituaient donc un répertoire utiliséseulement dans le cas où le patriarche tard ait à revenir à l’église. On

(17)  Mystagogi e  23, PG 91, 700 A.

(18)  Ibid.  10, PG 91, 689 B.

(19)  Le Typicon de la Grande Eglise  I ( = Orient. Christ. Anal.  165), Rome1963, p. 152.

(20)  Ibid.,  178.

132 CHAP. V; LES LECTURES

remarquera, en effet, que depuis la huitième lecture on reprenait l’ordredes livres de l’Ancien Testament, en recommençant par la Genèse.La treizième lecture, qui au Xe siècle était lue seulement si la vigiletombait un samedi ou un dimanche, trouvait alors sa place après letrisagion et faisait donc corps avec l’apôtre et l’évangile.

LECTURE PROPHÉTIQUE. PROKEIMENON 133

de Chalcédoine), le dimanche après le 16 juillet (concile contre Sévèreen 536) (24).

En dehors de la Liturgie eucharistique, il existe encore ou il existait jadis d’autres exemples d’une Liturgie de la parole comportant lestrois lectures. Actuellement, à l’orthros du samedi saint, après la

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Le samedi saint, sept lectures appartenaient à la vigile pascale,sept autres (8e à 14e) étaient lues seulement dans le cas où le patriarches’attardait à l’administration du baptême :

Si le patriarche doit baptiser encore longtemps, on fait toutes les autres lectures, à partir de la huitième, comme prévu. Si, par contre, il est pris 

de terminer les baptêmes, après la septième lecture on lit celle de Daniel  et ensuite on chante le  Bénédicité (21).

La quinzième lecture donc appartenait à la Liturgie, et le Bénédicité   jouait le rôle de prokeimenon entre la prophétie et l ’apôtre. Le tropaire baptismal : Vous qui avez été baptisés dans le Christ, etc.,  remplaçaitle trisagion et était chanté avant l’apôtre, après la prophétie et le

 Bénédicité;  cela s’explique par le fait que ce tropaire représentait lafin de la procession : patriarche et néophytes venant du baptistère etfaisant à ce moment leur entrée (22).

Outre le cas des trois vigiles, la prophétie s’est conservée aussile j e u d i s a i n t . Aux vêpres qui, en ce jour, sont jointes à lacélébration eucharistique, on a cinq lectures : trois de l’Ancien Testa

ment, l’apôtre et l ’évangile. Le trisagion est actuellement chantéavant l’apôtre, mais au Xe siècle il était omis (23). Le trisagion,en effet, était l’ancien chant d’entrée; or, dans ces vêpres, la montéedu patriarche à l ’abside avait déjà eu lieu, tout de suite après le lavementdes pieds, célébré au narthex. Le chant du trisagion n’avait pas saraison d’être. Les cinq lectures étaient donc exécutées à la suite, enintercalant trois prokeimena et l’alléluia. Les deux premières lectures,Ex 19, 10-19 et Job 38, 1-21, n’ont aucun rapport avec la célébrationdu jour; elles ne sont que la suite de la lectio continua  de l’AncienTestament propre aux vêpres de Carême. Par contre, la troisièmelecture. Is 50, 4-11, qui parle du Serviteur de Yahvé, est spécialementchoisie pour le jeudi saint, et avec l’apôtre et l ’évangile, forme laLiturgie de la parole qui prépare à la Liturgie eucharistique.

Comme actuellement, déjà au Xe siècle, la prophétie était omisedans la célébration eucharistique en dehors de ces jours. Cependant,sa place était parfois occupée par la lecture des actes des conciles;ainsi, le 15 septembre (6e concile œcuménique), le 16 juillet (concile

(21)  Ibid.  Π (= Orient. Christ. Anal.  166), Rome 1963, 86.

(22) CT.  PO C   XVn (1967), 160-61.

(23)  Le Typicon  Π , 74.

 procession avec l’épitaphion — développement récent de l’entréeordinaire au sanctuaire — on lit Ez 37, 1-14, 1 Cor 5, 6-8 -|- Gai 3,13-14, Mt 27, 62-66. C’est l’ancienne Liturgie de la parole qui suivaitl’orthros du samedi saint à Constantinople (25).

Le soir du vendredi saint, on célébrait au Xe siècle la Liturgie

des présanctifiés. Cette célébration comportait, outre les deux lecturesde l’Ancien Testament propres à la lectio continua de Carême (Ex 33,11-23, Job 42, 12-17c), les trois lectures de la Liturgie de la parole :Is 52,13-54,1 (les souffrances du Serviteur de Yahvé), 1 Cor 1,18-2, 2 etl’évangile composite qui commence par Mt 27, 1-38 (26).

La suppression de la prophétie eut lieu à la même époque qued’autres changements signalés déjà : le transfert de la préparation desdons au début de la Liturgie et l’addition de deux antiphones supplémentaires pour couvrir le temps de cette préparation (27). Supprima-t-on la prophétie pour compenser rallongement causé par l’additiondes nouveaux antiphones? C’est possible. En tout cas, cette sup

 pression, comme celle qui eut lieu dans la messe romaine, a causé unappauvrissement notable, effaçant le lien entre l’Ancien et le Nouveau

Testament. Ceci est particulièrement sensible en ce qui concerne la prophétie propre à la Liturgie de chaque dimanche. D’autre part,les lectures de l’Ancien Testament qu’on fait aux vêpres du Carême,ne proviennent pas de la Liturgie (28). Quant aux lectures de l’AncienTestament qui se font aux vêpres de certaines fêtes, ce cas ne se présentaitque seize fois par an au Xe siècle (29); d’ailleurs, si oh laisse à partles fêtes du Seigneur, les autres fêtes reprennent souvent les mêmes

 péricopes.

4. Le prokeimenon

 Nous avons expliqué ailleurs quelle est la nature du prokeimenonou psaume responsorial (30), et comment le mot prokeimenon désignait

(24)  Ibid.,  I, 36, 342.(25)  Ibid.  Π , 82.

(26)  Ibid.  Π , 80.

(27) CT.  POC   XV (1965), 350-51.

(28) CT. V. Janeras,  La parti e vespérale de la Liturgie byzantine des Présanc

 tifiés,  dans Or. Christ. Per.  XXX (1964), 204-206.

(29) CT.  Le Typicon  Π , index li turgique, s . v . α ν ά γ ν ω μ α , .

(30)  PO C   XV (1965), 107-113.

134 CHAP. V: LES LECTURES

à l’origine, tout comme le responsorium  romain, le verset choisi et misen tête du psaume pour être répété comme répons tout au long du

 psaume.

Le nom ancien de ce psaume responsorial était, semble-t-il,«psaume de David», car dans un certain nombre de manuscrits c’estcette expression qui est prononcée par le lecteur ou par le psalmiste

APÔTRE. ALLÉLUIA. ENCENSEMENT 135et l’on chantait l’alléluia. Le psalmiste chantait ensuite l’alléluiarionou verset psalmique, e t le peuple répétait l ’alléluia (36). Quelquesmss (37) donnent seulement Sagesse  ! avant l ’alléluia. Un ms. (38) prescrit : Sagesse  ! Soyons attentifs  ! omettant la première annoncedu psalmiste.

Le chant de l’alléluia semble n’avoir jamais comporté un psaume

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cette expression qui est prononcée par le lecteur ou par le psalmisteavant le chant du prokeimenon (31). Dans les mss les plus détaillés (32),les admonitions diaconales se répartissent ainsi :

Diacre : Sagesse  ! Lecteur ou psalmiste : Psaume de David.

Diacre : Soyons attentifs  ! Lect. ou psalm : Chant du prokeimenon.

Diacre : Sagesse  ! Lecteur : Titre de l’apôtre.Diacre : Soyons attentifs  ! Lecteur :  Apôtre.

L ’alternance des admonitions ayant le même bu t confirme l’identitéde leur sens et indique le besoin de varier pour éviter la monotonie.

5. Le lecture de l’apôtre et le chant de l’alléluia

La lecture de l’apôtre était faite par un lecteur. A la fin, undes prêtres lui adressait le souhait : Paix à toi  ! qui, dans les éditionsgrecques modernes, apparaît prolongé : Paix à toi, lecteur   ! (33).

Ensuite, selon un bon nombre de mss (34), le diacre, comme ill’avait fait avant le chant du prokeimenon, exhortait à l’attentionavant le chant de l’alléluia en disant : Sagesse  ! Le psalmiste annon

çait :  Alléluia. Psaume de David  (35). Le diacre : Soyons attentifs  !(31)  Leningrad gr.  226 (Euchologe de Porphyre), éd. N. Krasnoseltsev,

Svjedjenija o njekotorych liturgiceskich rukoposjach Vatikanskoi Biblioteki,  Kazan1885, 286; traduction géorgienne du XIe siècle, éd. A. Jacob, Une version géorgienne inédite de la Liturgie de Saint Jean Chrysostome,  dans  Le Muséon  LXXVII (1964),94; cod.  Ettenheim Munster 6   (vers a.D. 1200), éd. R. Engdahl,  Beitrage zur Kenntnis  der byzantinischen Liturgie,  Berlin 1908, p. 13; Cod. Sin. gr.  1020 (XII-XIIIe s.),dans Dmitrievskij, Opisanie  II, 140; traduction arménienne du XIIIe s., éd. G.Aucher, Versione armena délia Liturgia di s. Giovanni Crisostomo fatta sul principio  deirVIII secolo,  dans Chrysostomika,   379; Vat. gr.  1973 (inédit, a.D. 1374);  Diataxe de Philothée,  éd. Trembelas, op. cit.,  7; Vatic, gr. 573  (Diataxe du XVe s.), éd.Krasnoseltsev, Materia iy dlja istorii cinoposljedovanija Liturgii Cv. Ioanna Zlatoustago, Kazan 1889, 105.

(32)  Ettenheim Munster   6 , Sin gr.  1020,  Diatax e de Philothée.

(33) Ε ιρήνη σοι τφ άναγινώ σκοντι.(34) Version géorgienne  du XIe s. (cf. note 31);  Barb. gr.  431 (XIe-XIIe s;

inédit); Vat. gr.  1811 (a.D. 1147, inédit); Ottob. gr.  344 (a.D. 1177, inédit); Vat. gr. 2005 (a.D. 1197, inédit); Sin. gr. 1020 (cf. note 31); Version arménienne du XIIIesiècle (cf. ibid.),  Diatax e de Philothée  (ibid.), Vat. gr. 1973 (a.D. 1374, inédit); Saint· Sabas gr.  362, (XIVe s.), Opisanie  Π , 307.

(35) Cf., p. ex. la  Diata xe de Philothée,  éd. Trembelas, op. cit.,  7.

Le chant de l alléluia semble n avoir jamais comporté un psaumeentier ou du moins un nombre assez élevé de versets psalmiques, commec’était le cas du prokeimenon, mais seulement un ou deux versetschoisis. Ceci apparaî t du fait que les versets ou stiques ne sont pasfréquemment ceux du début du psaume (39). Au Xe siècle, le casle plus commun était celui d ’un seul verset pour l ’alléluia (40). Dans

lés livres liturgiques actuels il y a en règle générale deux versets, imitation probable du prokeimenon.

6 . L’encensement de l’évangile

Il y a beaucoup de documents qui ne font aucune mention del’encensement avant l’évangile (41). L’argume nt du silence est souventfallacieux, mais dans notre cas, nous trouvant en face de mss avec desrubriques détaillées et qui omettent l’encensement (42), nous devonsconclure que celui-ci n’a pas existé partout.

Le commentaire de s. Germain mentionne l’encensement avantl ’évangile (43). Au Xe et XIe siècles il y a des euchologes qui signalent

(36) Cf. Sin. gr.  1020, Opisanie  II, 141.

(37)  Barber, gr.  345 (XIIe s., inédit);  Barber, g r.  393 (XIIe s., inédit); Vat. gr.  573 (XVe s.), éd. Krasnoseltsev,  Materiaiy ,  105.

(38) Grottaferr. Γ. β. Ill (XIVe s.), éd. S. Muretov, K materialam dlja istorii cinoposdjedovanija Liturgii,  Sergiev Posad 1885, 13. Nous avons contrô lé ce détaildans le ms., car dans l’édition il y a des omissions.

(39) Cf.  Le Typicon de la Grande Eglise  Π , index biblique, 218-19.

(40)  Ibid.

(41)  Barber, gr.  336 (VIIIe s.), éd. F. E. Brightman,  Liturgies Eastern and  Western,  Oxford 1896, 309-344; Grott.  Γ. β. VII (IXe s., inédit); Grott. Γ. β. IV(XIe s., inédit); Sin. gr.  973 (a.D. 1153), éd. Dmitrievskij, Opisanie  II, 75-76; Ottob. gr.  344 (a.D. 1177, inédit); les  Barberini grecs   431 (XI-XIIe s.), 316 (XIIe s.), 345(XIIe s.), 393 (XIIe s., inédits); Vat. gr.  1863 (XIIe s., inédit); traduction latine de

 Léon Toscan  (vers 1173), éd. A. Jacob,  La traduction de la Liturgie de Sain t Jean Chrysostome par Léon Toscan,  dans Orient. Christ. Per.  XXXII (1966), 111-162;cod.  Ettenheim Munste r  6  (cf. note 31); Sin. gr. 1020 (ibid.);  Barber, gr. 443 (XIIIe s.,inédit); Ottob. gr.  434 (XIIIe s., inédit); traduction géorgienne  du Χ Π -Χ ΙΠ ' s., éd.M. Tarchnisvili,  Liturgiae Ibericae antiquiores,  CSCO 132, Scriptores Iberici I,Louvain 1950, 48-63; trad, arménienne  du XIIIe s. (cf. note 31).

(42) Tels, p. ex;, parmi ceux qu’on vient de citer, Vat. gr.  1863,  Ettenheim  Muns ter 6, Sin. gr.  1020.

(43) Ed. Borgia, n° 30, (grec), p. 25.

136 CHAP. V: LES LECTURES

un encensement fait par le diacre pendant le chant de l’alléluia (44).Dans d’autres mss, l’encensement apparaît fréquemment, mais lesdétails de son exécution varient. Il faut considérer d’abord quelsétaient les lieux encensés par le diacre, ensuite à quel moment on faisaitl’encensement et, finalement, si l’on utilisait quelque formule pour bénirl’encens

ENCENSEMENT 137

on le faisait pendant la lecture de l’apôtre. Parfois on laisse la libertéde le faire à l’un ou à l ’autre moment (55).

Quelle a pu être la raison de cette anticipation de l’encensementqui gêne l’attention requise pour écouter la lecture? En partie,évidemment, l’allongement de l’encensement lui-même; mais probablement aussi l’intercalation de nouvelles pièces entre l’apôtre et l’évangile,

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l encens.

Quant aux l i e u x e n c e n s é s , jamais n’apparaît dans lesdocuments un encensement en dehors du sanctuaire. La forme la

 plus simple est l’encensement de l’autel tout auto ur (45); on y ajoutesouvent l’encensement du prêtre (46) ou de tous les ministres (47).Une amplification ultérieure étend l’encensement à la prothèse ou aux

dons préparés sur une table latérale (48), om ettant parfois celui du prêtre (49). D ’autres mss prescrivent l’encensement de l’autel, dusanctuaire et du prêtre (50), ou de l’autel, de la p rothèse et dusanctua ire (51).

Le bu t originel de cet encensement fut, sans aucun doute, d’honorerl’évangile, placé sur l’autel. Tous les développements ultérieurs dela forme la plus simple montrent une méconnaissance progressive dusens de la cérémonie; elle va jusqu’à placer l’encensement de la prothèseavant celui de l’autel (52), ou jus qu’à étendre aux icônes, comme lefait la pratique actuelle, l’encensement en l’honneur de l’évangile.

L’encensement était normalement fait p e n d a n t le c h a n tde l’alléluia (53); selon quelques mss, non parmi les plus anciens (54),

(44)  Euchologe de Porphyre,  Grott. Γ. β. Π (cf. note 31).

(45) Traduction arabe  du XI* s., éd. C. Bacha,  Notions générales sur les 

versions arabes de la liturgie de S. Jean Chrysostome suivies d’une ancienne version inédite,  dans Chrysostomika,  Rome 1908, p. 421 (texte arabe), 452 (trad, française);

Vat. gr.  1554 (XIIe s., inédit).

(46) Grott.  Γ. β. Π (XI* s.); Val. gr. 1811 (a.D. 1147); Vat. gr. 1863 (XIIe s.);Vat. gr.  1973 (a.D. 1374).

(47) Cod.  Athos Saint-André,  (XVe s.), Dmitrievsky, Opisanie  I, 170.

(48) Vat. gr.  573 (Diataxe italo-grecque XV* s.), éd. citée (note 31), p. 105.

(49) Grott.  Γ. β. ΙΠ (XTV* s.), éd. citée (note 38),  p. 13.

(50)   Athènes 662 (Diataxe Χ Π -ΧΠ 1* s.), éd.Trembelas, Al τ ρ ε ις Λ ε ιτ υ ρ -γ ί α ς  p. 8;  Diataxe de Philothée (XIVe s.), ibid.,  p. 7;  Moscou Saint-Synode 381 (Typicon Χ ΙΠ -XrV* s.), éd. Krasnoseltsev,  Materialy,   24.

(51)  Jérus. Patriarcat grec-orthod.  305 (Diataxe XV* s.), éd. Krasnoseltsev, Materi aly,  89.

(52) Grott.  Γ. β. ΙΠ (XIV* s.).

(53) Grott.  Γ. β. U (XI* s.); version géorgienne  du XI* s.; version arabe 

du XI* s.; Vat. gr.  1811 (a.D. 1147); Patmos  719 (XIU* s.), Opisanie  Π , 170-75;

Grott. Γ. β. ΙΠ (XIV* s.); Vat. gr.  1973 (a.D. 1374); cod,  Athos Saint-André·, Jéru

salem, Pair, grec-orthod.  305.

(54) Vat. gr. 1554 (Χ Π * s.), Athènes 662 (Χ Π -Χ ΙΠ *); Saint-Sabas 362 (XIV* s.),

Opisanie  Π , 307;  Moscou, Saint-Synode  381 (XUI-XIV* s.); Vat. gr.  573 (XV* s.).

p p g ,comme la prière avant l’évangile (récitée parfois aussi par le diacre)et la solennisation de la bénédiction du diacre. Tou t cela a renduinsuffisant le temps du chant de l’alléluia, et pour y suppléer on a empiétésur la lecture de l’apôtre.

Les mss qui présentent une p r i è r e s u r l ’e n c e n s ne sont pas très nombreux (56). Voici la formule donnée par la tradu ctionarabe du XIe siècle :

Seigneur Dieu, notre Maître, Créateur de toute créature, toi qui es

le Maître de tous les peuples et de toutes les nations, reçois cet encens et

les demandes de tes serviteurs comme un parfum agréable, nous faisant

miséricorde à nous et à tout ton peuple :

 par la grâce, la miséricorde et l’amour pou r les hommes de ton Fils

 bien-aimé, avec lequel tu es béni, ainsi que ton Esprit tout saint, bon et

vivifiant, maintenant et à jamai s et pour les siècles des siècles. Amen (57).

Cette prière ne semble pas être byzantine, mais syrienne. L’allusion aux demandes jointes à l’encens, qui est hors du contexte à cetendroit de'la liturgie, trahit la structure des prières d’acceptation de

l’encens (‘etra) qu’on récite comme conclusion du hussaya syrien (58).Une part iculari té de ce ms. est que l’encensement est mis après la

 bénédiction du diacre qui va lire l’évangile; ceci pourrait indiquer uneintroduction récente et maladroite d ’une des deux cérémonies.

Pour le texte de la prière, le cod. Vatic, gr.  1554 (XIIe siècle)renvoie à la préparation des dons, où apparaît le texte suivant, variantede la prière actuelle :

En ta présence, Seigneur notre Dieu, nous offrons un encens de

fragrance spirituelle : reçois-la, Maître, sur ton autel saint, céleste et

immatériel comme odeur agréable; fais descendre sur nous en échange la

riche miséricorde et accorde-Ia à nous tes serviteurs qui invoquons ton

saint nom. Père, Fils et Saint-Esprit, etc. (59).

(55)  Diataxe de Philothée  (XTVe s.).

(56) Traduction arabe du XI* s. (cf. note 45); Vat. gr. 1554 (Χ Π * s.); Athènes 

662 (Χ Π -Χ Π Ι* s.; cf. note 50);  Diataxe de'Philothée  (cf. note 31);  Moscou, Saint- Synode  381 (XIV* s.; cf. note 50); Vat. gr.  573 (XV® s.; cf. note 37).

(57) Ed. C. Bacha (note 45), p. 421 (texte arabe), 452 (texte français).

(58) Cf. J. Mateos, «Sedre» et prières connexes dans quelques anciennes 

collections,  dans OrChristPer  XXVIII (1962), 269-70.

(59) La Liturg ie de Chrysostome se trouve aux ff. 3r-22r.

138 CHAP, v: LES LECTURES

Cette recension de la prière est trinitaire, tandis que l’actuelleest christologique. En tout cas, elle n’est pas une bénédiction del’encens et, en fait, selon le ms. lui-même, elle était récitée pendantl’encensement. Son but n’était pas d'accompagner un encensementen l’honneur de l’évangile, mais plutôt une oblation d ’encens. Le ms.ajoute, en effet, que le prêtre, la prière terminée, prie pour lui-même et,

PRIÈRE AVANT L ’ÉVANGILE 139

De ces considérations sur la prière de l’encens on peut tirer deuxconclusions. D’abord, que la prière est indépendante de la bénédictionde l’encens, celle-ci étant faite par un simple signe de croix. Ensuite,que les prières d’encens qu’on trouve dans les mss n’appartiennent pasà ce moment de la Liturgie; elles ont été composées, en effet, pouraccompagner un encensement d’un tout autre genre. La plupart des

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j q p p p ps’il le veut, aussi pour tous les chrétiens.

La  Diataxe du XI II e siècle  (60) mentionne deux fois la récitationde la prière de l’encens, à la préparation des dons et avant l’évangile,mais sans en donner le texte. Le document distingue aussi entre la

 bénédiction de l’encens et la récitation de la prière :

Tandis qu’on lit l’apôtre, le diacre prend l'encensoir avec encens et s’approche du prêtre; (celui-ci) bénit l’(encens), disant  aussi  la prière 

de l’encens (61).

La  Diataxe de Philothée  (XIVe siècle) indique en outre l’invitationadressée par le diacre au prêtre :

Pendant le chant ( de l’alléluia ),. ou même avant, pendant qu’on lit encore l'apôtre, le diacre prend l’encensoir avec l’encens et s’approche  

du prêtre disant :  Bénis, maître, l'encens.  Après que ( le prêtre ) l’a béni comme d’habitude et y a ajouté la prière, (le diacre) encense... (62).

La prière était, sans doute, celle qu’on récitait à la préparationdes dons, que présente le formulaire actuel (63). La bénédiction del’encens, on l’aura remarqué, n’est pas identifiée avec la récitation de

la prière.Le Typicon cod.  Moscou Saint-Synode  381 (XIII-XIVe siècle)

ne distingue pas entre la bénédiction de l’encens et la récitation de la prière, ni avant l’évangile ni à la préparation des dons. A ce dernierendroit il dit explicitement ;

Le diacre prend l’encensoir et l’encens, s’approche du prêtre et dit : 

 Bénis, maître, l'encens.  Le prêtre fait un signe de croix sur l’(en cen s)  

en disant :  Encens  ( = incipit de la prière) (64).

(60) Ed. Trembelas, Ai τ ρ ε ί ς λ ε ι τ ο υ ρ γ ί α ς pp. 4, 8.(61) Λ ε γ ο μ έ ν ο υ δ έ τ ο ϋ α π ο σ τ ό λ ο υ α ί ρ ε ι ό δ ιά κ ο ν ο ς χ ό ν θ υ μ α τ ό ν  

μ ε τ ά θ υ μ ι ά μ α τ ο ς κ α ι έ ρ χ ε τ α ι ε ι ς τ ό ν ( ε ρ έ α κ α ί ε λ ο γ ε Τ τ ο ϋ τ ο λ έ γ ω ν  

κ α 'ι τ ή ν ε χ ή ν τ ο Ο θ υ μ ι ά μ α τ ο ς .(62) Trembelas,  op. cit.,  ρ . 7.(63)  Ibid.,  4.(64) Ed. Krasnoseltsev,  Material'y,  21. Le cod. Vat. gr.  S73 (XVe s.), ibid., 

103 et l’édition de Doucas, éd. O. A. Swainson, The Greek Liturgies,  Cambridge 

1884, 117, distinguent entre la bénédiction et la prière. Dans Vat. gr.  373, le texte 

de l ’invitation diaconale suppose probablement une erreur du copiste : Bénis, maitré, 

la prière de Tencens.  Dans l ’édition de Doucas, le texte de la prière est plus simple que l’actuel.

g gmss, nous l’avons vu, ignorent la prière. La pratique actuelle, quil’omet, suit en cela la meilleure tradition.

7. La prière avant l'évangile

Voici le texte actuel de la prière avant l’évangile :

Fais luire en nos cœurs, Seigneur ami des hommes, la pure lumière  

de ta divine connaissance; ouvre les yeux de notre esprit à l’intelligence  

de ton message évangélique; instille en nous le respect de tes bienheureux  

commandements, afin que, foulant sous nos pieds les convoitises de la  

chair, nous entrions dans une vie selon l’Esprit, cherchant à te plaire en 

toutes nos pensées et nos actions : car tu es la lumière de nos âmes et de  

nos corps, Christ Dieu, et nous te rendons gloire, avec ton Père étemel et ton Esprit très saint, bon et vivifiant, maintenant, etc.

Les variantes critiques du texte sont nombreuses, mais sansimportance spéciale (65).

A la différence de la prière romaine  Munda cor meum,  qui estrécitée par le diacre qui va lire l’évangile et demande de le faire dignement, la prière byzantine demande et la préparation à la lecture et lesfruits de celle-ci pour les auditeurs, les stimulant au progrès dans leurvie chrétienne. Autant la préparation que les fruits, on les attend del’action divine, ce qui est exprimé avec une insistance remarquable.Vu son contenu, cette prière devrait être dite à haute voix.

La grande majorité des mss, depuis le VUIe siècle, et même desmss tardifs du XIVe et XVe, ignorent la prière avant l ’évangile (66).

(65) Cf. Trembelas,  op. cit.,   53-55.

(66)  Barb. gr. 336 (Vin* s.); Grott.  Γ. β . VII (Xe s.); Euchoioge de Porphyre, 

(Xe S.); Grott.  Γ. β . IV (XIe s.);  Moscou, Publ. Bibl. cod. gr.  15 (= Sevastianov 474; XIe s.), éd. Krasnoseltsev, Svjedjeni/a,  237-82; Sin. gr. 958 (XIe s.), Opisanie Π , 19-209 

Sin. gr.  959 (XIe s.), Opisanie  Π , 42-43;  Jérus. Pair, grec-orth., rouleau Staurou  109 

(XIe s.), éd. A. Grabar, Un rouleau liturgique constantinopolitain et ses peintures,  

dans Dumbarton Oaks Papers 8 (1954), 161-199; Vat. gr. 1970 (Rossanensis) (Χ Π · s.) éd. Swainson, op. cit. 88-94 (dans les notes); version géorgienne du XIe s. (cf. note 31);  

dans les mss  d'Athènes, Bibl. Nat. cod. suppl. 815 (XIe-XIIe s.). Mus. Byz.  6 (XIIe s.),  Bibl. Nat.   713 (XIIe s.),  Bibl. Nat. cod. suppl.  394 (XIIe s.) (voir, pour les quatre 

mss, Trembelas,  op. cit.  53);  Barb. gr .  316 (XIIe s.); Vat. gr.  1554 (XIIe s.); Sin. 

 gr.  961 (Χ Ι - Χ Π ® s.) , Opisanie  Π , 75-76; Sin. gr.  937 (a.D. 1153), Opisanie Π , 83-86; Ottob. gr.  344 (a.D. 1177); Vat. gr.  2005 (a.D. 1197); version de  Léon Toscan  (cf.

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142 CHAP, v : LES LECTURES

qui devrait correspondre à ce texte grec :

Κ ύριος δώσει (Ôtinj ?) ρήμα τφ εόαγγελιζομένψ δυνάμειπολλή (ν. 12), δ θεός τώ ν δυνάμεω ν τοϋ άγαπητοΟ (13a) τήαδτοΟ χάριτι πάντοτε, νΰν...

Bientôt on introduisit dans la bénédiction la mention de l’évan

L’ÉVANGILE 143

Cod. Moscou Saint-Synode  381 (X m e-XIVe s.) : Deus, per ioter- cessionem sancti gloriosi et illustris apostoli et evangelistae N., det tibi  verbum evangelizanti virtute multa gratia sua, omni tempore...

 Diataxe de Philothée  (XIVe s.) : Deus, per intercessionem sancti apostoli et evangelistae N., det tibi verbum evangelizanti virtute multa,  ad impletionem evangelii dilecti Filii sui Domini et Dei et Salvatoris nostri

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Bientôt on introduisit dans la bénédiction la mention de l évangéliste dont on allait lire une péricope. A l’invitation diaconale onajouta alors le nom de celui-ci, afin que le président pût le mentionner :

Grott.  Γ. β . (XIe s.) : Benedic, N. evangelizatur.

 Fat. gr.  1973 (a.D. 1374) : Benedic, domine. N. evangelizatur.

 Fat. gr.  1811 (a.D. 1147) : Benedic, domine. Evangelista N.evangelizatur.

La réponse alors s’allonge :

Dominus dabit verbum evangelizantibus (virtute multa) per inter- cessionem sancti (et gl oriosi) apostoli et evangelistae N., regnans in saecula, (omni tempore...)(79).

Grott. Γ, ß. III (XIVe s.) présente la même invitation que Grott. Γ. ß. II (XIe s.), mais la réponse ajoute le v. 13a du psaume :

Dominus dabit... virtute multa, Rex virtutum dilecti, per interces- sionem gloriosi apostoli et evangelistae (N .) , evangelizans (sic)  in saecula. Amen.

L’application de la formule au diacre, qui apparaissait dans latraduction géorgienne, et l’intercession de l’évangéliste, propre auxmss italo-grecs, sont combinées dans le ms. de Karlsruhe (80). Letexte du psaume est assez modifié :  Deus au lieu de  Dominus,  l’ôptatifdet   au lieu du futur dabit.  L’ordre est aussi renversé : la mention del’évangéliste prend la première place. Léon Toscan, de son côté, traduisit un texte identique ou très proche de celui du ms. de Karlsruhe (81).Dans ce dernier ms. manque l’invitation; le diacre se limite à indiquerle nom de l’évangéliste. Léon Toscan a une invitation nouvelle :

 Karlsruhe :  (a.D. 1200) : N. evangelista evangelizatur hodie nobis. Léon Toscan  (a.D. 1185) : D omine, benedic evangeüum.

La bénédiction se développe suivant des directions différentes :

Cod. Saint-Sabas  362 (XIVe s.) : Deus, per intercessionem sanctiapostoli et evangelistae N., det tibi verbum evangelizanti virtute multa.

(79) Grott.  Γ . β . omet les mots entre crochets.

(80)  Ettenheim Munster   6, ci. note 31.

(81) Cf. l’édition citée à note 41.

ad impletionem evangelii dilecti Filii sui, Domini et Dei et Salvatoris nostri Jesu Christi, sua philanthropia et gratia.

On peut penser que le dilecti Filii  dérive du ps. 67, 13a :  Deus virtutum dilecti.

Dans les documents du XVe siècle on trouve une grande diversité.Une  Diataxe de Jérusalem  donne ce texte très simple :

Benedic, domine, evangelistam.Deus, per intercessionem dilecti Christi tui. Amen (82).

Au contraire, un ms. de  Athos Saint-André,  présente un textecompliqué :

Deus, per intercessionem sancti, gloriosi apostoli et evangelistae N., det tibi verbum evangelizantium pacem multam, Deus virtutum (83).

L’édition de Ducas (XVIe s.) a la bénédiction actuelle, maisdans une recension plus sobre :

Deus..., det tibi evangelizanti verbum ad evangelizandum virtute multa (84).

Le texte actuel, comme celui de la Diataxe de Philothée, dit ad  impletionem evangelii, ce qui équivaut au ad evangelizandum de l’éditionde Ducas.

Selon la plupart des mss, le diacre prend le livre avant la bénédiction, mais dans quelques-uns la bénédiction précède (85).

9. La lecture de l'évangile

La lecture de l’évangile, comme celle de l’apôtre, se faisait àl’ambon. Si, comme il arrivait le jou r de Pâques, c’était le patriarchelui-même qui le lisait du haut de son trône dans l’abside, un diacrerépétait à l’ambon, verset par verset, le texte lu par le patriarche (86).

Ordinairement donc, le diacre, précédé de sous-diacres portantdes cierges, montait à l’ambon avec le livre. Parfois on précise qu’il y

(82)  Pair, grec-orthod.  305, cf. note 77.

(83) Opisanie  I, 169-70.

(84) Swainson,  op. cil.,  p. 117.

(85) Grott.  Γ. β . (XIe s.), Muretov,  K materialam,  p. 4; Val. gr.  1811 (a.D. 1147);  Diataxe de Philothée,  Trembelas,  op. clt.  8.

(86) Cf.  Le Typicon de la Grande Eglise  , 94-96.

144 CHAP. V: LES LECTURES

mon tait d u côté de la nef (87), ce qui suppose une procession qui côtoyaitl’ambon.

Deux mss italo-grecs (88) indiquent que c’était encore pendantla lecture de l’apôtre que le diacre, ayant terminé l’encensement,mon tait à l ’ambon avec l’évangile. Les sous-diacres qui portaient lescierges disaient au peuple :  Iubete  (89), et les fidèles se levaient par res

l il i i di i l ( l b )

L'ÉVANGILE 145

L’avertissement ;  Ecoutons le saint Evangile,  restait donc sansréponse. Le diacre qui était à l’ambon annonçait ensuite le titre del’évangile :  Lecture du saint évangile selon N.  Le peuple, commedans le rite romain, répondait : Gloire à toi. Seigneur   ! (95), au lieude la formule actuelle prolongée. Le second diacre ou le prêtre disaitalors : Soyons attentifs,  ou peut-être, s’il faut prendre s. Germain àla lettre : Soyez attentifs ! (96).

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 pect pour l ’évangile qui sor tait. Le diacre s’asseyait alors (sur l’ambon ?),les sous-diacres restant debout à ses côtés, et le peuple s’asseyait denouveau jusqu’à la fin de l’apôtre.

Cet usage, appartenant à quelque région de l’Italie du Sud, étaitcontraire à la tradition et interrompait fâcheusement la lecture de

l’apôtre. Selon la pratique ordinaire et normale, le diacre encensait pend ant le chant de l’alléluia et montai t ensuite à l’ambon pour lirel’évangile.

Lorsque le diacre qui allait lire se trouvait à l’ambon, un seconddiacre ou, à défaut de celui-ci, le prêtre, disait du fond de l’abside :Sagesse  !  Debout   !  Ecoutons le saint Evangile  I

La salutation Paix à tous, qui suit actuellement cet avertissement,apparaît dans le Typicon de la Grande Eglise (Xe siècle) aux deuxoccasions où le patria rche en personne lisait l’évangile (90). Dansaucun des autres documents, où c’est toujours un diacre qui lit l’évangile,elle n’est jamais signalée, pas même dans les mss à rubriques détailléesqui signalent le Paix à toi  après la lecture de l ’apôtre (91), ni dans

l’édition de Doucas. Les anciennes éditions slaves ignoraient aussicette salutat ion, p. ex. le Sluzebnik de Venise 1554 (92) et celui deStijatin 1604(93). Encore au XIXe siècle, le Sluzebnik ukrainien

 préparé par Bacinskij ne la conna ît pas (94). On doit donc conclureque cette salutation appartenait seulement au cas très particulier où le

 patr iarch e lisait l’évangile, et qu ’au début elle devait être inconnueen dehors de Constantinople.

(87)  Athos Saint-André, Opisanie  I, 170.

(88 ) Grott.  Γ. β. Π (XIe s.) et Vat. gr.  1811 (a.D. 1147).

(89)  Κ ελεύσατε, qui doit être compris au sens de : «par faveur», «par plaisir», «nous vous en prions».

(90) Le 25 septemb re (Le Typicon I, 46) et le dimanche de Pâques (ibid. Π , 94).(91) P. ex. Grott.  Γ β. Π ; version arabe  du XIe siècle; Vat. gr.  1811 (a.D.

1147); Ottob. gr. 344 (a.D. 1177); Vat. gr. 1863 (XIIe s.); Sin. gr. 1020 (XH-XlHe s.);version arminienne  du XIIIe s.;  Diataxe de Philothée  (XIVe s.); Saint-Sabas  362(XIVe si)·,'Athos Saint-André   (XVe s.); Vat. gr.  537 (XVe s.).

(92) Fol. 18'.

(93) Pag. 99.

(94) Lvov 1886, p. 26.

La salutation faite au diacre après la lecture de l’évangile étaitcelle-là même qu’on faisait au lecteur après la lecture de l’apôtre :Paix à toi  ! C’est ainsi qu ’elle apparaît jusqu’aux XIVe et XVesiècles (97), ainsi que dans l’édition de Doucas (98).

L’acclamation : Gloire à toi, Seigneur   ! à la fin de l’évangileest inconnue des quatre plus anciens documents, qui la rapporten tavant la lecture, comme réponse au titre de la péricope (99). Lamesse romaine a conservé l’ancienne pratique qui lui était communeavec la Liturgie byzantine.

Dans la version arménienne du XIIIe siècle, l’acclamation apparaîtavant et après la lecture, sous la forme : Gloire à toi, ô Dieu (100).On ne trouve rien, dans les mss grecs consultés, jusqu’au XVe siècle,mais il faut remarquer que les Euchologes comme les Diataxes indiquentsurtout les parties du prêtre et du diacre, rarement celles du peuple.

Selon le ms. de Karlsruhe Etteinheim Munster   6 (a.D. 1200), lediacre, une fois la lecture de l’évangile terminée, déposait lui-même le

livre sur l’autel. Cependant, déjà au XIe siècle, le cod. Grott. Γ. β. II,italo-grec, fait ment ion de la descente des ministres de l’abside à la port e;ils allaient à la rencontre du diacre et vénéraient l’évangile. Selonle Sinait. gr.  1020 (XII-XIIIe siècle), le diacre s’approchait du prêtreet celui-ci baisai t l’évangile. Selon la  Diataxe de Philothée (XIVe siècle),la rencontre du diacre avec le prêtre avait lieu à la porte du sanctuaire;le diacre remettait le livre au prêtre, mais aucune mention n’est faited’un baiser. Le cod. Saint-Sabas  362, (XIVe s.), qui décrit la liturgie patriarcale , indique que le diacre, après avoir lu l’évangile, s ’appro chai tdu patriarche tandis que celui-ci descendait de l’abside, et lui présentaitl’évangile à baiser; le patriarche lui disait Salveris  (σω θ·εήβς) et le

(95) Ainsi le Commentaire de S. Germain,  éd. Borgia, n° 31 (grec), p. 27; Le Typicon de la Grande Eglise,  le 25 septembre, à la procession, I, 46 ; Grott.  Γ. β.

Π (XIe s.);  Etteinheim Munst er   6   (vers 1200).(96)  Π ροσέχετε, éd. Borgia, n° 31 -(grec), p. 27.

(97)  Diatax e de Philothée  (XIVe s.); Vat. gr.  537 (XVe s.).

(98) Swainson, op. cit.,  p. 118.

(99) Commentaire de S. Germain, Typicon de la Grande Eglise, Grott.  Γ. β.Π ,  Etteinheim Munster 6.

(100) Ed. Auch er (cf. note 31), p. 380.

146 epA P. v : LES LECTURES

 bénissait. Selon le codex  Athos Saint-André   (XVe siècle), le pontifedescendait de l’abside et se tenait devant l’autel; le diacre lui remettaitle livre de l’évangile, l’évêque le baisait et bénissait le diacre. La Diataxe  italo-grecque du XVe siècle, décrivant la liturgie célébrée parun prêtre, indique que celui-ci prenait l’évangile des mains du diacre,le baisait et le déposait sur l’autel, de côté.

v u e   d ’e n s e m b l e 147

Au XIe siècle, on introduisit dans certaines régions une prière pendapt l’encensement, la prière avant l’évangile, empruntée à laLiturgie de saint Jacques, et la bénédiction du diacre, dont le textes’amplifie petit à petit. Dans les siècles qui suivent, on commence àrépéter à la fin de l’évangile l’acclamation : Gloire à toi. Seigneur   !et ensuite on la prolonge en ajoutant encore une fois : Gloire à toi !

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10. Vue d'ensemble de l’office des lectures

L’office des lectures et, jadis, la Liturgie elle-même s’ouvrait par la salutation Paix à tous,  prononcée par le président; dans le cod. Barberini gr.  336 (VIIIe siècle) elle est précédée d’une prière, mais ils’agit sans aucun doute d ’un usage local italo-grec, qui n’a pas étégénéralisé, même chez les Byzantins d’Italie.

Les lectures étaient au nombre de trois : prophétie, apôtre, évangile. Pour interrompre les lectures et créer une atmosphère de prière,on intercalait des chants : le psaume responsorial (prokeimenon) entrela prophétie et l'apôtre, l’alléluia avec le verset psalmique entre l’apôtreet l’évangile.

Au début de chaque lecture, le lecteur en énonçait le titre, précédéde l’admonition diaconale : Sagesse  ! destinée à exciter l’attention.Après le titre, avant le début de la péricope, le diacre insistait encore :Soyons attentifs  !

Les fidèles écoutaient les deux premières lectures assis, l’évangiledebout. C’est pourquoi, avant l ’évangile, à l’avertissement diaconal

ordinaire : Sagesse  ! on ajoutait l ’invitation :  Debout   ! et la raisonqui exigeait de se lever :  Ecoutons le saint Evangile  !

La lecture évangélique, la plus solennelle, comportait une réponsedes fidèles à l’énonciation du titre : Gloire à loi, Seigneur   ! acclamationqui salue le Christ présent et nous enseignant par sa Parole.

A la fin de chaque péricope, un prêtre saluait le lecteur par laformule : Paix à toi  !

Au VTII6 siècle on trouve déjà, du moins à Constant inople,l’encensement du livre des évangiles, placé sur l’autel, avant la lecture.Cet encensement avait lieu pendant le chant de l’alléluia.

L’homélie, destinée aussi aux catéchumènes, suivait l’évangile,et était précédée de la salutation de l’évêque : Paix à tous  ! (101).

Au cours des siècles, ce schéma subit des altérations. D ’abord,c’est la lecture prophétique qui disparaît (VII-VIIIe siècles) et le psaumeresponsorial qui reste très raccourci (avant Xe siècle). Certainescérémonies deviennent plus pompeuses. L’encensement, p. ex., s’étendau sanctuaire et au clergé, empiétant sur la lecture de l’apôtre et dérangeant l’attention des fidèles.

(101) Cf. Chrysostome,  Adv. Iudaeos  3, 6, PG 48, 870.

A une époque récente, non avant le XVIe siècle, on introduitla salutation Paix à tous  ! avant l’évangile dans la liturgie ordinaire,

L’homélie qui, à cause des circonstances historiques, a été omise pendant des siècles, sauf dans des cas exceptionnels, est prononcée

souvent aujourd’hui à la fin de la Liturgie, après la prière derrièrel’ambon, probablement pour donner la possibilité de quitter l’égliseaux gens qui ne peuvent ou ne veulent pas rester.

l   ’e c t é n i b 149

C’est l’invocation suivante qui commence à proprement parler la prière, litanique :Seigneur tout-puissant. Dieu de nos Pères, nous t'en prions, exauce-nous et aie pitié de nous. Le peuple répond de même par un Kyrie eleison.

Le diacre continue: Aie pitié de nous, &Dieu, s,elon ta grande miséricorde, nous t' en prions, exauce-nous et aie pitié de nous. Cette invocation

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CHAPITRE VI

LES PRIÈRES LITANIQUES APRÈS L’ÉVANGILE

Après avoir étudié la partie contenant les lectures bibliques dans laLiturgie byzantine il nous faut, pour terminer l’étude de la Liturgiede la Parole, traiter des prières litaniques récitées après la proclamationde la Parole de Dieu.

Voici le schéma de cette partie selon les livres liturgiques actuels :

1. Ecténie avec sa prière.

2. Litanie pour les catéchumènes avec prière d’inclination et renvoi.

3. Deux synapties abrégées, englobant respectivement la première

et la deuxième prière des fidèles.Traitons chacun de ces points séparément.

1. L’ecténie

Le mot ecténie, par lequel on désigne la première des litanies récitéesaprès l’évangile est en réalité un adjectif (έκτενής); comme il ressort dutexte de la prière qui accompagne la litanie, cet adjectif qualifie le substantif Ικεσία ou supplication (ή έκτενής Ικεσία).

L’adjectif έκτενής est susceptible de plusieurs acceptions étroitement apparentées: «Véhément, fervent, insistant, persévérant, assidu»; lecontexte où il se trouve dans la liturgie impose la signification «insistant,fervent». Il s’agit donc d’une supplication insistante au même sens quela communauté chrétienne pria it έκτενώ ς pour Pierre tandis que l’apôtreétait en prison (Act.  12, 5).

a) Le formulaire actuel de l'ecténie

Le formulaire actuel de l’ecténie s’ouvre par une exhortation dia-conale:  Disons tous, de toute notre âme e t de tout notre cœur   (διάνοια)disons, à laquelle le peuple répond: Kyrie eleison.

ricorde, nous t en prions, exauce nous et aie pitié de nous. Cette invocationest inspirée par le ps. 50 et se termine par les mêmes mots que celle qui

 précède. Selon les mss et les anciennes éditions, le peuple répondait troisfois Kyrie eleison  à partir de cette invocation. Cet usage s’est conservéchez les Slaves et les Roumains.

La prière insérée immédiatement après cette invocation dans leséditions grecques — les Slaves la placent à tort après l’invocation suivante — s’enchaîne parfaitement avec elle:

Seigneur notre Dieu, reçois de tes serviteurs cette prière insistante, aie 

pitié de nous selon ta grande miséricorde, fais descendre ta compassion sur  

nous et sur tout ton peuple, qui attend de ta bonté une miséricorde abondante.

Les demandes qui suivent la prière sont bâties selon un modèledifférent. Il n’y a qu’un verbe de demande et il se trouve placé au débutde chaque invocation:  Nous t ’en prions encore.  Le formulaire des demandes varie beaucoup selon les régions; comparons, par exemple, leformulaire grec avec le formulaire russe: dans le premier on prie successivement 1) pour le patriarche et le clergé, 2) pour l’évêque et le pres- bytérium, 3) pour les prêtres, diacres et moines, 4) pour les habitants de

la région, de la ville ou du monastère, 5) pour les fondateurs de l’égliseou du monastère et pour tous les défunts, et 6) pour les bienfaiteurs del’église, ceux qui y travaillent, les chantres et le peuple présent.

Le formulaire ucrainien dans l’édition du Sluzebnik de Kiev 1893 (2) prie 1) po ur l’empereur, 2) pour l’impératrice, 3) pour le prince et lafamille impériale, 4) pour le saint synode, le métropolite ou l’archimandrite et tous les chrétiens, 5) pour l’armée, 6) pour les prêtres, prêtres-moines et tous les chrétiens, 7) pour les défunts: patriarche, empereurs,impératrices, fondateurs, pères et frères, 8) pour les bienfaiteurs de l’église, etc., comme la dernière du formulaire grec.

La doxologie finale continue le thème de la miséricorde: car tu esun Dieu de miséricorde et d’amour, et nous te rendons gloire, etc.

Cette analyse montre les caractéristiques de l’ecténie par rapport

à la s^naptie:1) Tandis que dans la synaptie le diacre ne fait que proposer au

 peuple les intentions de prière (3), dans l’ecténie il s’adresse à Dieu etle peuple ne fait que continuer sa prière:

(2) Pp. 88-90.

(3) A part l’exhortation initiale: En paix, prions le Seigneur, plus l’invocatio n ά ν τ ι λ α β ο ϋ e t l ’exhortation έ α υ τ ο ς κ α ί ά λ λ ή λ ο υ ς , dont le rôle sera étudié 

ci-dessous.

150 CHAP, vi: LES PRIÈRES LITANIOUES

2) Certaines demandes de l’ecténie se terminent par trois verbes:nous t ’en prions, exauce-nous et aie pitié de nous; la synaptie, pa r contre,n’a qu ’un seul verbe: prions le Seigneur. '

3) Depuis la troisième demande de l’ecténie on répète trois fois leKyrie eleison, ce qui n ’arrive jamais dans la synaptie.

Le terme grec έκτενής se traduit en paléoslave parsugubaja. L’usage

l   ’e c t é n i e 151

Finale: Aie pitié de nous, ô Dieu, selon:

Ecphonèse: Car tu es un Dieu de miséricorde et d’amour:

Les demandes non numérotées sont prises à la synaptie. La demande finale se rattache à la doxologie, mais il faut intercaler la prièreentre les deux.

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Le terme grec έκτενής se traduit en paléoslave parsugubaja. L usagequi a prévalu chez les Slaves d’appeler ektenija n’importe quelle prièrelitanique indique q u’on n ’a plus compris la signification originelle duterme.

Le formulaire actuel de l’ecténie pose plusieurs problèmes :

1) La répétition du verbe «disons^ dans l’exhortation initiale.2) Le fait que la triple répétition duKyrie eleison ne commence pas

depuis le début, mais seulement depuis l’invocation qui précède la prière.

3) La diversité de style entre la partie précédant la prière et cellequi la suit.

4) La variété des formulaires pour la deuxième partie, selon les pays.

5) La connexion de la prière, d ’une par t avec l’invocation qui la précède, d ’autre par t avec la doxologie.

Pour essayer de trouver une solution à ces problèmes, il faut examiner quelques anciens documents.

b) Quelques formulaires anciens de l'ecténiePuisque le formulaire de l ’ecténie est commun à toutes les Liturgies

eucharistiques et y occupe la même place, avant la prière pour les catéchumènes, il est indifférent de citer le formulaire donné par l’une oul’autre des Liturgies.

a) Le cod. Coislin grec  214 (Euchologe du XIIe siècle), fol. 31r,Liturgie des Présanctifiés, dédouble l’exhortation initiale et intercale unesérie de demandes entre la deuxième et la troisième du formulaire actuel,sans pourtant en ajouter d’autres après celle-ci:

1. Disons tous:

2. De toute notre âme:

3. Seigneur tout-puissant :

4. Toi qui ne veux pas la mort de nous pécheurs, mais attends notre  

retour, vie et conversion, nous t’en prions, (exauce-nous et aie pitié de nous).

Pour cette sainte maison:

Pour notre ville:

Pour un climat favorable:

Pour les voyageurs:

Pour que nous soyons libérés:

 b) Le cod. Grott.  Γ. β. VII  (IXe s.), plus ancien que le précédent, présente cependant un plus grand nombre de demandes intercalées, etajoute à la finale une autre invocation qui en développe le sens pénitentiel :

1. Disons tous: Kyrie eleison.

2. De toute notre âme... disons: Kyrie eleison.3. Seigneur tout-puissant...

4. Toi qui ne veux pas la mort ( = précédent Coislin 214).

Pour cette sainte maison:

Pour l ’évêque:

Pour les empereurs :

Pour leur armée, leur succès dans la guerre:

Pour la ville:

Pour les voyageurs:

Pour un climat favorable:

Pour être délivrés:

5. Pour le peuple présent, qui attend de toi grande et généreuse miséricorde, nous t’en prions, exauce-nous [et aie pitié de nous).

6. Pour tous ceux qui ont besoin de ton secours et soutien, nous t’en 

prions, (exauce-nous et aie pitié de nous).

Finale: Aie pitié dé nous, ô Dieu, selon...

Addition: Aussi afin que notre Dieu soit bénin et propice, qu’il aie  

pitié de nous et qu’il détourne de nous son juste châtiment, disons tous avec  

insistance: Kyrie eleison.

(Prière)

Ecphonèse: Car tu es un Dieu de miséricorde, etc.

c) Le cod. Paris grec  330 (XIIe s.), a un formulaire tout pareil àcelui du Coislin 214, mais les demandes de la synaptie qu’il intercale nesont pas les mêmes: au lieu des intentions pour la ville, le climat et lesvoyageurs, il prie pour l’archevêque, les empereurs et leur succès dansla guerre.

d) Le diaconat cod. Sinaïtique  1040 (XIIe s.) (4) ajoute des invocations après la finale:

(4) Dmitrievskij, Opisanie  , 133.

152 CHAP. VI : LES PRIÈRES LITANIQUES

1. Disons tous instamment (έκτενώ ς):

2. De toute notre âme:

3. Seigneur tout-puissant:

4. To i, qui es riche en miséricorde et bon en ta pitié, nous t ’en prions,(exauce-nous et aie pitié de nous).

5. Toi qui ne veux pas la mort de nous pécheurs, etc.

l   ’e c t é n i e

153 — L ’invoca tion finale, qui renchérit sur l ’idée de miséricorde: «Aie

 pitié de nous, ô Die u...», précède la priè re; celle-ci se termine par ladoxologie.

 — C’est seulement à l ’invoca tion finale qu ’on réponda it par unKyrie eleison  répété plusieurs fois.

Arrêtons-nous maintenant à cette invocation finale, la seule à laquelle on répondait Kyrie eleison plusieurs fois Les manuscrits grecs ne

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q p p

Pour que nous soyons délivrés.

Finale: Aie pitié de nous, ô Dieu, selon:(à la suite, sept demandes commençant par: «Encore nous prions»).

Un formulaire pareil apparaît dans le cod. Paris grec  328, pp. 18-

21, qui omet cependant le n° 5 du sinaïtique et ajoute seulement quatredemandes au lieu de sept.

Des formulaires semblables existent dans le cod. Sinaït. grec  973(a. 1153) (5), la tradu ction arabe du XIe siècle (6), dans la géorgienne (7)et l’arménienne (8), toutes deux du XIIIe siècle.

La version géorgienne du XIe siècle (9) recommence la série aprèsla prière pa r la formule des synapties : «Encore et encore prions en paixle Seigneur».

e) Le plus long formulaire que nous ayons trouvé est italo-grec,et est contenu dans le cod. Vat. grec  2005 (a. 1197-1211); après avoirdéveloppé la demande finale par deux autres, il ajoute encore neuf longues demandes, ce qui fait monter le total à dix-huit.

Cet examen des formulaires nous mène aux conclusions suivantes: — Le diacre commençait l’ecténie en ind iquant au peuple la ré

 ponse: «Disons tous Kyrie eleison». — Ensuite il suggérait la disposi tion intérieure requise pou r la

 prière: «De toute notre âme...». — Les demandes qui semblent être propres à l ’ecténie ont un

caractère fortement pénitentiel et se réduisent à une mention d’attributsdivins relatifs à la miséricorde de Dieu et se terminent par trois verbesde supplication :

Seigneur tout-puissant, Dieu de nos Pères, nous t’en prions, exauce-nous et aie pitié de nous.

Toi qui es riche en miséricorde et bon en ta pitié, nous t’en prions...

Toi qui ne veux pas la mort de nous pécheurs... nous t’en prions...

(5)  Ibid.  84.

(6 ) Ed. C. Bacha, dans XPYC OCTOMIKA , Rome 1906, 435.

(7) Ed. M. Tarchnischvili, CSCO, Series Iberica vol. 123, 32.

(8) Ed. G. Aucher, dans XPYCOCTOMIKA, 380.

(9) Ed. A. Jacob , Une version géorgienne inédile de la Liturgie de Sain t Jean Chrysostome, dans Le Muséon  LXXVU (1964), 95-96.

quelle on répondait Kyrie eleison  plusieurs fois. Les manuscrits grecs ne précisen t ordinairement pas le nombre de fois qu ’on répéta it le Kyrie eleison',  le cod. Pyromali  (10) cependant dit: «Le peuple ajoute à la finle Kyrie eleison  douze fois et le pontife, tourné vers le peuple, le signetrois fois vers la gauche et trois fois vers la droite, et tourné de nouveau

vers l’autel, il dit: «Car tu es un Dieu de miséricorde et d’amour...».Les versions sont aussi explicites. L’arabe du XIe s. et la géorgienne

de la même époque, citées ci-dessus, prescrivent neuf Kyrie pour la ré ponse du peuple; de même la version arménienne du XII Ie siècle. Lecod. Patmos 226   du Xe s. et d’autres documents appellent cette litanieto mega Kyrie eleison (11).

Ce' fait explique certaines rubriques et le titre que certains mssdonnent à cette litanie. Le cod. Paris grec  328 (p. 18) l’appelle: διακονικά τής έκτενής Ικεσίας; le cod. Paris grec  330 (p. 6): τήν συναπτήνείπομεν πάντες ; l a version géorgienne du XIe s. : Kverexi,  comme lasynaptie ordinaire.

Le titre actuel de la prière est: «Prière de la supplication insistante»,qui apparaît identique dans le cod. Paris grec 391, fol 7V; et la rubrique«l’ecténie» (ή έκτενής) est préposée par le Vat. grec 2005 à l’invocationfinale: «Aie pitié de nous, ô Dieu».

Ces faits se coordonnent parfaitement de la façon suivante:

 — La dénomination έκτενής ικεσία ne se réfère pas à toute la prièrelitanique, mais seulement à la répétition du Kyrie eleison qui suit la demande finale de miséricorde: Aie pitié de nous, ô Dieu. v

 — Pendant que le peuple chantait le Kyrie eleison  plusieurs fois,l’évêque le bénissait en récitant à voix basse la prière qui demandait àDieu d’accepter la supplication insistante qu’on faisait à ce moment.

 — Comme toute prière litanique, celle-ci est une synaptie, c-à-d.une prière en série, organisée selon une série de demandes, et des diako-nika, c-à-d. une prière dirigée par le diacre.

c) Place et origine de l'ecténie

Après avoir considéré le formulaire de l’ecténie, en lui-même, nousdevons aborder le problème qui concerne le rôle qu’elle joue dans laLiturgie de la Parole.*11

(10) J. Goar, Euchologium,  Venise 1730, 154.

(11)   Le Typicon de la Grande Église II, index liturgique, s.v. έ κ τ ε ή , I.

154 CHAP. V I: LES.PRIÈ RES LITANIQUES

C’est la présence d’une litanie avant celle des catéchumènes quifait problème, car ce fait est contraire à toute la tradition liturgique. Eneffet, après la lecture de l'évangile et l'homélie, on procédait au renvoide ceux qui n’étaient pas admis à la pleine communion ecclésiale: catéchumènes, illuminandi, énergumènes, pénitents, ahn que les hdèles, restésseuls, puissent s’unir dans la prière universelle et dans la célébration del’eucharistie.

l   ’e c t é n i e 155

Venons-en maintenant à l'origine de l'ecténie. Il est évident que cettelitanie n’a pas été composée pour être récitée après l’évangile, maisqu’elle existait avant cette insertion. D’où a-t-elle pu être empruntée?

La réponse à cette question ne semble pas difficile. Dans les Typica de la Grande Église, l’ecténie ou «grand Kyrie eleison» apparaît toujoursen connexion étroite avec les «litai» ou rogations pénitentielles. Le diacrela récitait chaque fois que la procession s’arrêtait Parfois p ex le 7

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Aujourd’hui, par contre, on intercale entre l’homélie et la prière pour les catéchumènes une prière litanique que nous appelons l ’ecténie.Son formulaire a connu deux formes: l’une d’abord fortement péniten-tielle — et aucun document ancien n’intercale une supplication péniten-

tielle avant la litanie des catéchumènes — l’autre incorporant quelquesdemandes de la prière des hdèles, de laquelle étaient exclues les catégoriesmentionnées ci-dessus.

Citons quelques documents anciens. Les Constitutions Apostoliques, après un simple renvoi de ceux qui n ’aspiraient pas au baptême:«Aucun auditeur, aucun infidèle», insèrent la prière litanique, la bénédiction et le renvoi pour chacune des quatre catégories; à la hn, la

 prière des hdèles (12).Pareillement Chrysostome, qui cependant ignore la litanie pour les

illuminandi (13). On peut citer encore le synode de Laodicée (14), lesécrivains de la province du Pont (15), le Testament du Seigneur (16),l’eucbologe de Sérapion (17).

 Ni s. Maxime le Confesseur, ni s. Germain ne font allusion à l’ecté-

nie, bien qu’ils mentionnent le renvoi des catéchumènes (18). Mais dans lecod.  Barber, gr.  311 (hn VIIIe siècle, italo-grec) apparaît la prière del’ecténie (19).

C’est donc entre le VIIe et le VIIIe siècle, époque qui a vu tantd’autres changements dans la Liturgie byzantine, que l’insertion de l ’ec-ténie a eu lieu.

L’ecténie n’appartenait donc pas à la structure de la Liturgie de laParole et, en plus, son insertion a gravement déformé la structure de celle-ci, obscurcissant l’échelonnement de prières propres à l’ancienne tradition.

(12) Vi n, 6-11; Funk 478-494.

(13) V. Brightman, Liturgies Eastern and Western,  Oxford 1896,471-72.

(14) Canon 19; Mansi 2, 567 BC.(15) Brightman, 521-26.

(16) Ed. Rahmani, Màgonce 1899, 36-48.

(17) Ed. Funk,  Didascalia et Constitutiones Apostolorum  , 160-162.

(18) S. Maxime, Mystagog ia 14; PG 91, 692D-693A; Scholia inEcclesiasticam  Hierarchiam III, 3, 7 ; PG 4, 141C. Nilo Borgia, Il Commentario liturgico di S. Germane  Patriarca Costantlnopolitano,  Grottaferrata 1912, n° 35, p. 28.

(19) Brightman, op. cit. 314-15.

la récitait chaque fois que la procession s arrêtait. Parfois, p.ex. le 7octobre, le 22 décembre, le diacre'ne récitait que l’ecténie à la stationintermédiaire (20). Le texte pénitentiel de l’ecténie originelle, la supplication insistante et le geste d’étendre les mains qui probablement l’accompagnait, s’accordaient parfaitement avec le caractère des rogations,

célébrées souvent aux anniversaires des désastres subis par la capitale:incendies, tremblements de terre, pluie de cendres, invasions des Persansou des Musulmans (21).

Même l’idée de placer cette litanie après l’évangile fut inspirée sansdoute par les rogations solennelles. Trois fois par an, la station au Forumdevenait un office de lectures, mais au lieu de réciter après l’évangile leslitanies propres à la Liturgie de la Parole, on disait seulement l’ecténie.Cet usage est probablement à l’origine de la récitation de l’ecténie aprèsl’évangile de la messe, d’autan t plus que la litanie de paix avait été transférée après l’entrée avec l’Évangile.

d) Conclusions sur l'ecténie

La prière litanique, que par souci de brièveté nous appelons ecténie,

est une des prières en série (synaptie) proposées par le diacre (diaconica).A la différence des synapties ordinaires, dans l’ecténie le diacre

instruit d’abord le peuple sur la réponse et l’incite à prier avec ferveur;ensuite, il s’adresse directement à Dieu par une série d’invocations quifont appel à la miséricorde divine. Chaque invocation se termine partrois verbes d’imploration qui en renforcent l’urgence.

A la dernière demande, inspirée du ps. 50, le peuple répondait parle Kyrie eleison  répété neuf ou douze fois et chanté, probablement,les mains étendues. C’est précisément cette répétition du Kyrie eleison qui est appelée «la supplication insistante» (ή έκτεγής ικεσία) e t qui avalu à la litanie le nom de «grand Kyrie eleison». Pendant la supplicationinsistante, l’évêque, tout en récitant à voix basse la prière demandantà Dieu d’accueillir la supplication du peuple et de répandre sa généreuse miséricorde, bénissait la foule trois fois à droite et trois fois àgauche, terminant par la récitation à haute voix de la doxologie, dontle texte confirme les motifs de conhançe en Dieu.

A Constantinople, l’ecténie était la prière litanique propre aux rogations pénitentielles ; le diacre la récitait à chaque arrêt de la procession.

(20)  Le typicon de la Grande Église,  I, 62, 144.(21) Incendie, sept. 1; tremblement de terre, oct. 7, 26; janv. 26; siège des 

Agarènes, août 16, etc.

156

CHAP. VI : LES PRIÈRES LITANIQUES

Aux rogations particulièrement solennelles, qui comportaient un officede lectures au Forum, elle était la seule litanie récitée après l ’évangile et,avec la bénédiction qui la suivait, terminait la station.

Vers le VIIIe siècle l’ecténie est introduite dans la Liturgie de laParole, prenan t place après l ’évangile, comme aux rogations, s’intercalantentre l’homélie et la prière pour les catéchumènes. Ce fut à la mêmeépoque qu’on transféra la grande synaptie avant le trisagion.

LA PRIÈRE POUR LES CATÉCHUMÈNES 157L’invocation suivante: «Sauve-les, aie pitié d’eux, aide-les et garde

les, ô Dieu, par ta grâce», provient d’une invitation à se lever après lagénuflexion, explicitement indiquée par Chrysostome (25) et les Constitutions (26). Nou s étudierons ce point à propos de la prière des fidèles.

 Bénédiction et congé des catéchumènes

Les catéchumènes, avant de pa rtir, doivent recevoir la bénédiction,

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L’insertion de l’ecténie à sa place actuelle n’est pas une évolutionliturgique heureuse. Elle bouleverse le schéma des prières après les lectures et rend incongrue et inadaptée la récitation de la litanie pour lescatéchumènes.

2. .La prière pour les catéchumènes La pr ière elle-même

Dans cette prière, seules la-première exhortation et la dernière(l’invitation finale à incliner la tête) s’adressent aux catéchumènes; lesautres proposent aux fidèles différentes intentions de prière.

Les catéchumènes sont donc invités à prier en silence (εδξασθ-ε) et,selon les Constitutions Apostoliques et Chrysostome, à genoux (22), tandis que la communauté des fidèles, exerçant son caractère sacerdotal,intercède pour eux auprès de Dieu.

Voici les raisons données par Chrysostome pour expliquer le faitque les catéchumènes ne répondent pas à la litanie et sont renvoyés avant

la prière des fidèles: leur prière n’est pas encore sanctionnée ni présentée par le Christ; ils ne possèd ent pas encore la liberté filiale (πα ρρησίαν),mais il leur faut que d’autres soient leurs initiateurs. Ils sont en dehorsdes salles royales, loin des cancels sacrés. Voilà la raison pour laquelleils sont éloignés lorsque vont avoir lieu ces vénérables prières-là (= la

 prière des fidèles) (23).

Les fidèles demandent à Dieu de prépa rer les catéchumènes par lesgrâces nécessaires et de les incorporer à l’Église catholique et apostolique.D ’abord, qu ’il leur remette leurs péchés (έλεήση), ensuite, qu ’il leur ap

 prenne la Parole de vérité, laquelle, selon l’inte rpréta tion de Chrysostome, nous pouvons apprendre seulement de Dieu, car nous n’appelons personne maître sur l a terre (M i 23, 8), mais nous sommes tous les disciples de Dieu (Is 54, 13; Io 6, 45). Finalement, qu’il leur dévoile l’Évan

gile de la justice, c.à.d., toujours selon Chrysostome, l’Évangile qui nonseulement remet les péchés, mais qui rend juste , excitant p ar là leur désirdu baptême (24). Finalement, on demande qu’ils soient incorporés à lacommunauté chrétienne, l ’Église catholique et apostolique.

(22) Const. Ap.  Vin, 6 , 8   (έγείρεσθε); Funk 480; S. Jean Chrysostome,in 2 ad Corinthios,  hom. 2, 8   (PG 61,  403).

(23)  In 2 ad Corinthios 2, 5 (PG 61, 399).

(24)  Ibid. hom. 2, (PG 61, 400).

, p , ,qui consiste en une prière précédée par l’invitation du diacre à inclinerla tête. La prière, prononcée par le président, est pleine d’allusions

 bibliques :

Seigneur notre Dieu, qui habites dans les hauteurs et regardes ce qui

est humble (ps.  112, 5b-6a), qui as envoyé le salut au genre humain, ton Filsunique no tre Seigneur Jésus-Christ (cf. Gai 4, 4; 1 Io 4, 9), jette un regardsur tes serviteurs les catéchumènes qui se tiennent devant toi la tête inclinée,accorde-leur au moment o pportun (ps. 31, 6 ) le bain de la nouvelle naissance(Tit  3, 5), la rémission des péchés et le vêtement incorruptible (cf. 1 Cor  15,53-54), unis-les à ta sainte Église catholique et apostolique et agrège-les àton troupeau choisi: afin qu’eux aussi glorifient avec nous ton Nom magnifique et digne de tout honneur, Père, etc.'

La bénédiction reprend les demandes qu’on avait faites pour lescatéchumènes dans la prière litanique qui la précède. L’invocation à Dieuindique l’universalité de sa volonté salvifique; l’inclination de la tête(littéralement du cou) des catéchumènes peut faire allusion à leur promp titude à accepter le joug du Christ. Les effets du baptême sont décrits

en termes de nouvelle naissance, de rémission des péchés et de résurrection ou vie sans corruption.

Selon Chrysostome (27), le bénédiction divine sur les catéchumènesest la preuve que Dieu a exaucé la prière en leur faveur, car «ce n’est

 pas l’homme qui béni t — continue-t-il — mais au moyen de sa langueet de sa main, c’est au Roi lui-même que nous offrons les têtes des présents» ; cette phrase, un peu étrange, semble vouloir dire que c ’est à Dieuqu’on offre la tête des catéchumènes pour qu’il y impose lui-même samain. La description de Chrysostome implique le geste du président étendant sa main sur les catéchumènes et, sans doute, prononçant la prièreà haute voix. Les principes qu’il énonce à cette occasion pour la bénédiction des catéchumènes sont évidemment valides pour toute b énédictionde ce genre qui termine une prière litanique ou u n office.

Il ne reste qu’à renvoyer les catéchumènes. C’est le diacre qui lesinvite à s’en aller. Dans les Constitutions Apostoliques le renvoi est trèssimple: «Allez en paix, catéchumènes» (28). Les répétitions qu ’on trouve

(25)  Ibid. 2, 8  (PG 61, 403).

(26) Vm, 6 , 8 ; Funk 480.

(27) Hom. cit,. 8 (PG 61, 404).

(28) Vm, 6 , 14; Funk 480.

158 CHAP. V I : LES PRIÈRES LITANIOUES

dans la formule byzantine actuelle: «Sortez, catéchumènes. Catéchumènes, sortez. Sortez, catéchumènes. Qu’aucun catéchumène ne reste!»,supposent deux diacres qui les prononçaient alternativement, comme onle fait encore chez les Russes, tandis qu’ils contrôlaient le départ descatéchumènes.

 L'ange de paix

LA PRIÈRE DES FIDÈLES 159

C’est la seule place où l’on doive exprimer cette demande à laLiturgie des fidèles.

3. La prière des fidèles

La structure actuelle de cette section est assez insolite: son centreest constitué par deux prières, appelées prières des fidèles, chacune encadrée dans une litanie très courte.

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Dans les Constitutions Apostoliques et chez Chrysostome on intercale entre la prière pour les catéchumènes et la bénédiction la plupart desdemandes qui composent aujourd’hui la litanie de l’«ange de paix» ouαΐτησις. A celle-ci les catéchumènes eux-mêmes répondaient debo ut (29).

Voici les incipit des demandes dans ces documents cités:Const. Ap. Guys.

Faix de DieuJour tranquille et sans péchéTout le temps de la vieMort chrétienneDieu propiceRémission des péchés

 Notons que ni chez Chrysos tome ni dans les Consti tutions cettelitanie n’apparaît comme appendice à celle des fidèles qui terminera lasérie des supplications. Elle se trouvera, par contre, à la suite de celledes fidèles à la fin des offices du matin et du soir. La conclusion qui

semble découler de ce fait c’est que la litanie de l’ange de paix fait le passage de la célébration liturgique à la vie ordinaire; c’est la raison pou r laquelle on demande l ’ange qui guide dans la paix et une journéetranquille; le rappel de l’eschatologie qu’elle contient aide à màintenirla tension de la vie chrétienne.

Ange de paixCirconstances tranquillesJour et toute la vie tranquilleFin chrétienneCe qui est bon et utile .

Puisque les catéchumènes devaient partir à ce moment, on la récitait pour eux et, probablement pour éviter des répétitions, aussi pour lesautres catégories qui devaient partir. Les fidèles, par contre, restaientaprès leur prière pour assister à la liturgie eucharistique; ce n’était donc

 pas le moment de réc iter la litanie de l ’ange de paix . Le cas étai t différentaux offices du matin et du soir: les fidèles devant sortir de l’église toutde suite après la bénédiction, la litanie de l’ange de paix y trouvait sa

 place.

Remarquons encore qu’avant la prière d’action de grâces pour lacommunion, qui était autrefois la prière finale de la Liturgie byzantine,on a amplifié l’antique exhortation éαυτούς καί άλλήλους en y intég rantla demande typique de 1’αίτησις:

Demandons que notre entière journée soit parfaite, sainte, tranquille etsans péché, et confions-nous nous-mêmes, etc.

(29) Const, apost. VUI, 6 , 8  (Funk 480); Chrysostome,  In 2 ad Cor. hom 2, 8

(PG 61, 403-404).

a) Première litanie

La première litanie commence par exhorter les fidèles à la prière.Les mots δσοι πιστοί commencent aussi la prière des fidèles dans lesConstitutions Apostoliques (30). La seule demande qui sui t est l’ancienneinvi tation à se lever: άντιλαβοϋ. Le diacre s’exclame ensuite: Sagesse! etle prêtre,, qui a récité la prière à voix basse, termine par la doxologiecommune : Car à toi convient la gloire, etc. Il est à remarquer que danscette litanie, comme dans la suivante, est omise l’exhortation έαυτούςκαί άλλήλους qui se trouve parto ut ailleurs. Les problèmes posés parce formulaire ne pourront être résolus que plus tard, lorsque nous considérerons l’ensemble des éléments de cette section.

b ) Deuxième litanie

Chez les Russes, la deuxième litanie n’est pas identique à la première, mais contient bon nombre des demandes qui composent la grandesynaptie. L’usage est ou a été le même chez les Roumains (31), et ilcorrespond à celui que signalent beaucoup d’anciens manuscrits. Parmi

eux, citons avec Strittmatter (32), le Sinaît. gr.  1040 (diaconal du XIIesiècle), où la synaptie est si complète qu’elle contient même l’exhortationέαυτούς (33), l’Euchologe de Porphyre,  Leningrad 226   (Xe s.) (34) et leSinaïtique gr.  1020, mais sans donner tous les détails (35). Encore, lecod.  Modena  (Bibl. Estense) a.RJ.20,  fol 9V, dit: «Encore et encore en

 paix... les demandes sont écrites a u début» (36); et l a r ecension traduiteen latin par Erasme: «Encore et en core... et le diacre dit les litanies» (37).

(30) vm, 10, 2; Funk 488.

(31)  Dumnedeestile Liturghii,   Bucarest 1902, 121-22. Dans l’édition de Târ-goviste 1713, pp. 7-80, la deuxième litanie, assez abrégée, manque cependant del’exhortation introductoire «encore et encore».

(32) A. Strittmatter,  Notes on th e Byzantine Synapte, dans Traditio X (1954),65-85.

(33) Dmitrievsky, Opisanie Π , 133.

(34) N. Krasnoselt sev, Svedenija o niekotorich liturgiceskich rukopi sjach Vati- kanskoj Biblioteki,  Kasan 1885, 210-12.

(35) Opisanie,  141.

(36) Cité par Strittmatter, art. cité, 72-73.

(37) Goar, Euchologlum, 92.

160 CHAP. VT: LES PRIÈRES LITANIOUES

De l’étude de Strittmatter résulte que l’abréviation de la litaniecommence à la Liturgie des Présanctiiiés et passe graduellement auxautres Liturgies. Pour illustrer ce point, il cite les codd.  Barb. gr.  329(XIe s.), Grott.  Γ. ß. VIII, Barb. Gr. 345, Vat. gr. 1863 (tous les trois duXIIe s.) auxquels on peut ajouter le  Barb. gr.   431, de la même époque;le Grott.  Γ. ß.  X II I   (XIIIe s.) et le Grott.  Γ. ß.  I l l  (XIVe s.) (38).

La traduction géorgienne  du XIe s. connaît cinq demandes outre

L A P R I È R E D E S F I D È L E S 161

des prières des fidèles à la messe doit être déterminé en tenant comptede la tradition constantinopolitaine.

Analysons maintenant le texte de la première prière:

 Nous te rendon s grâces, Seigneur Dieu (Apec  11, 17) des armées, quinous as permis de nous tenir une fois de plus devant ton saint autel et d ’im

 plore r prostern és ta miséricorde pour no s péchés et po ur les fautes d u peuple(Hébr 9 7)

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les deux actuelles (39). La version arabe  de la même époque, seulementdeux (40). Le cod. Paris gr. 391 (XIIe s.), fol. 12v, quatre, à commencer

 par «pour ce saint monastère» (= demande n° 8). Le  Barb. gr.  316(XIIe s.), qui en a aussi quatre, choisit les nn. 2, 3, 8, 11.

Les différentes façons d’abréger montrent une fois de plus quel’abréviation n’est que le reste de l’ancienne litanie complète, équivalenteà la prière des fidèles qui, au IVe siècle, était récitée après le départ descatégories non admises à la communion. La division en deux petiteslitanies n’est qu’une fausse conséquence de l’existence de deux prières.

Une tentative curieuse fut faite par Philothée lorsqu’il écrivit saDiataxis, étant encore higoumène de la Grande Laure au Mont Athos(avant 1347). Voulant conserver la plus grande partie possible de lagrande synaptie à son ancienne place, il prescrivit de réciter les demandes1, 2, 3 avec la première prière des fidèles; les demandes 7 à 11, avec ladeuxième (41). Au XVIIe siècle, on trouve le même arrangeme nt dansle cod.  Athènes  754 (42).

c) La première prière des fidèles

Une analyse attentive du texte de la première prière des fidèlesest nécessaire afin de pouvoir proposer une interprétation de son rôleliturgique.

Actuellement, c’est surtout à la messe qu’on trouve deux prièresappelées «des fidèles». Il faut en chercher la raison dans l'office divinqui ne suit plus le modèle constantinopolitain, mais la tradition palestinienne. A Constantinople, en effet, on récitait le matin et le soir deux

 prières des fidèles avan t la prière d ’inclination (43). Le rôle liturgique

(38)  Art. cité,  68-69, 84.(39) A. Jacob , art. cité, 99-100.(40) C. Bacha, éd. citée, 425, 475.(41) N. Krasnoseltsev,  Materialy dlja ist orij cinoposljedovanija Liturgij Svia- 

tago Iortna Zlatoustago,  Kazan 1889, 58; P. Trembelas, AE τρεις Α ειτουργίαι,Athènes 1935, 6 .

(42) Trembelas, op. cit,. 65.(43) Pou r les vêpres, voir Goar, Euchohgium, 36-37. On notera que la prière

d’inclination est précédée de la 7e du groupe ordinaire des prières vespérales, ce quiindique le mélange de la tradition constantinopolitaine avec celle de Palestine. Pourl'office du matin, ibid.  45; pareillement, la 12e prière du groupe palestinien, c-à-d.la prière de la doxologie, a été intercalée entre la deuxième des fidèles et celle d’inclination.

(Hébr 9, 7).

Accueille, Seigneur notre prière (δέΐ/σις), rends-nous dignes de t’offrirdes prières, des supplications et des sacrifices non sanglants pour tout ton

 peuple.

Et nous, que par la force de ton Saint-Esprit tu as établis pour ce ministère (cf. 2 Cor  3, 6 ), rends-nous capables de t'invoquer en tout momentet lieu (cf. 1 Cor  1, 2), sans blâme ni offense, mais avec le témoignage d ’uneconscience pure (cf. 2 Cor  1, 12), de façon qu’en nous exauçant tu nous sois propice par ta généreuse bonté.

Le premier trait qui ressort de l’analyse de cette prière est qu’ellen’est pas dite au nom du peuple entier, mais au nom du clergé : le pronom «nous» désigne les ministres que Dieu a établis ; du peuple, on parleà la troisième personne, bien que la demande finale de la propitiationdivine regarde probablement tous. Une prière de ce genre, demandantdes grâces pou r le clergé, n ’était pas destinée à être récitée à hau te voix.

 Noton s l ’insistance de la priè re sur la média tion officielle du clergé

entre Dieu et le peuple. Dans le premier paragraphe on rend grâces àDieu pour avoir permis aux ministres de se présenter devant son autelet implorer miséricorde pour eux-mêmes et pour le peuple. Pour appuyerl’idée de médiation on cite  Hébr   9, 7, bien que ce texte se réfère aurôle du grand prêtre juif, et non pas à celui des ministres du NouveauTestament.

On développe encore l’idée de médiation: les ministres doiventoffrir à Dieu en faveur du peuple des prières, des supplications et dessacrifices (θυσίας) non sanglants. Les deux premiers termes se réfèrentsans aucun doute à la prière litanique qu’on récitait à ce moment; ledernier probablement aussi, à cause du pluriel; le sacrifice eucharistique,en effet, serait appelé, même en tenant compte de la fréquente célébration, «le sacrifice non sanglant», d’une façon stricte au singulier. Il doit

donc être question d’un équivalent, inspiré de l’Ancien Testament, dessacrifices (victimes, θυσίας), spirituels de 1 Petr  2, 5.

La prière se termine en demandant que les ministres soient renduscapables d’invoquer Dieu de façon à obtenir toujours sa propitiation.

Le contenu de la prière tourne donc autour d’une seule idée: leclergé offrant à Dieu des prières en faveur du peuple ; dans le contexte oùla prière est récitée, ceci peut s’entendre parfaitement de l’offrande à Dieude la prière litanique que le peuple est en train de faire en ce moment.

162 CHAP. VI : LES PRIÈRES LITANIQUES

d) La deuxième prière des fidèles

La deuxième prière des fidèles est caractérisée comme la première par la distinction entre clergé et peuple... Elle se divise en deux parties:dans la première, le clergé prie pour soi-même, dans la deuxième pourle peuple, mais jamais un seul «nous» n’inclut les deux catégories.

Une fois et mille fois nous nous prosternons devant toi, ô Bon et Ami  

des hommes, et nous te prions: jette un regard sur notre prière, purifie nos 

LA PRIÈRE DES FIDÈLES 163

Dans les prières aussi, chacun peut voir combien le peuple y met du  

sien. Par exemple, pour les énergumènes et les pénitents les prêtres et eux 

(= les fidèles) prient ensemble, disant tous la même prière, débordante de 

miséricorde (= Kyrie eleison).

Pareillement, au moment où on renvoie de l’enceinte sacrée .ceux qui ne peuvent pas participer à la sainte table, a lieu une autre prière, et tous  

nous nous prosternons ( έ ' έ δ ά φ ο υ ς κ ε ί μ ε θ α ) ensemble et nous nous 

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, p j g p , pâmes et nos corps de toute tache de la chair et de l’esprit et donne-nous  

de nous tenir devant ton saint autel sans faute ni réprobation. Octroie, ô  

Dieu, aussi à ceux qui prient avec nous, d’avancer dans la foi (cf.  Phil  1, 25) et l’intelligence spirituelle (Co I 1, 9) à mesure qu’ils avancent dans leur vie.  

Donne-leur' de te rendre un culte toujours avec crainte et amour, de participer à tes saints mystères sans faute ni réprobation et d’être admis dans  ton royaume céleste (cf.  I Thess 1, 5).

Afin que, gardés toujours sous ta puissance, nous te rendions gloire,  

Père, Fils et Saint-Esprit, etc.

Comme dans la première prière, le clergé est présent devant l’autelde Dieu. Le peuple chrétien est désigné par la tournure «ceux qui prientavec nous».

La traduction de la phrase προκοπήν βίου καίπίστεως καίσυνέσε-ως πνευματικής doit être justifiée. D ’abord, l’adjectif «spirituelle» qualifieseulement «synesis», selon Col 1, 9. D’autre part, le mot βίος ne signifie pas la vie spirituelle (Ζω ή) ni même la vie morale (πολιτεία), mais lavie organique ou les moyens de subsistance; une fois admis cela, l’in

terprétation qui s’impose c’est que le progrès dans les années soit accompagné par le progrès dans la foi et l’intelligence que donhe l’Esprit,en d’autres mots, par la maturité chrétienne.

La prière fait allusion à la communion eucharistique, faisant lelien entre les deux parties de la messe.

e ) Chrysostome et la prière des fidèles

 Nous voulons noter que la distinction entre clergé et fidèles sinettement et si instamment soulignée par les deux prières des fidèles estexactement à l’opposé de l’idée de Chrysostome à ce propos. Dans leCommentaire in  2 Cor, homélie .18 (44), il insiste précisément sur le faitque dans beaucoup d’occasions rien ne distingue le clergé des fidèles;or, parmi ces occasions, il cite expressément la prière des fidèles:

Il y a des moments où le prêtre ne diffère pas du sujet (subordonné =  

fidèle!), par exemple, lorsqu’on participe aux vénérables mystères; tous nous 

y sommes admis de même, non pas comme cela se passait pendant l’Ancien  

Testament, où le prêtre mangeait une chose et le sujet une autre, parce qu’il n’était pas permis au peuple de participer aux mêmes choses que le prêtre.  

Maintenant ce n’est pas ainsi: un seul Corps et un seul Calice sont présentés à tous.

(44) PC 61, 527.

levons ensemble.

 f ) La génuflexion

Ce texte de Chrysostome parle d’une prostration pendant les prières des fidèles. Le formulaire des Constitutions Apostoliques prescrit la génuflexion pendant toute la durée de la litanie (45). En plus,les deux prières des fidèles que nous avons analysées supposent aussila prostration.

Les deux gestes, prostration et génuflexion, sont probablementéquivalents. Il est bien possible que les fidèles aient commencé par se

 prosterner pour rester ensuite agenouillés.

Que la prière des fidèles se fît à genoux, semble donc un faitindéniable. Mais le problème se pose lorsqu’on constate, d’autre part,qu’en Orient comme en Occident la génuflexion était interdite le dimanche et pendant tout le temps pascal. Tertullien considérait cet usagecomme une tradition:

1. De genu quoque ponendo varietatem observalionis patitur oratio per pauculos quosdam, qui sabbato abstinent genibus, quae dissensio cum maxime apud ecclesias causam dicit. 2. Dominus dabit gratiam suam, ut aut  

cedant aut sine aliorum scandalo sententia sua utantur. Nos vero, sicut ac-  

cepimus, solo die dominicae resurrectionis non ab isto tantum, sed omni  anxietatis habitu et officio cavere debemus, differentes etiam negotia, ne quem 

diabolo locum demus. Tantumdem et spatio pentecostes, quae eadem exul-  

tationis solemnitate dispungitur. 3. Ceterum omni die quis dubitet proster- nere se Deo vel prima saltern oratione, qua Iucem ingrédimur? 4. Ieiuniis 

autem et stationibus nulla oratio sine genu et reliquo humilitatis morecele- 

branda est. Non enim oramus tantum, sed et deprecamur et satisfacimus  

Deo Domino nostro (46).

A côté de la tradition qui défendait de s’agenouiller pour la prièrele dimanche, semble avoir existé l’usage de s’agenouiller pour la prièredu matin, même le jour du Seigneur. Il s’agit évidemment d’une prièrefaite en privé, mais on peut se demander si cela n’a pas eu des conséquences plus tard lorsqu’on a institué la prière publique.

(45) Vn i, 10, 2; Funk 488.

(46)  De Oratione  XXIII, Corpus Christianorum, Series Latina I, Turnhout  

1954, 271-72; Cf.  De Corona  3, 4, ibid,  Π , Turnhout 1954, 1043.

164 CHAP. VI : LES PRIÈRES LITANIQUES

 Notons aussi la distinction faite par Tertull ien entre «prière» et«déprécation», celle-ci comportant la génuflexion. Si l’on voulait traduire en grec ces deux termes, on dira it ευχή et δέησις. Or, la prièredes fidèles, comme il appert de son texte (δεηθ-ώ μεν), est une δέησις.

L’ancien usage d’omettre la génuflexion le dimanche et pendantle temps pascal fut sanctionné par le concile de Nicée :

LA PRIÈRE DES FIDÈLES 165

en commun. Ensuite, le fait que les catéchumènes, et pareillement lesautres catégories non admises à l’Eucharistie, priaient à genoux tandisque les fidèles intercédaient pour eux, a pu influencer la prière des fidèleselle-même et l’entraîner à adopter la génuflexion. Plus tard, cependant,on a supprimé la génuflexion, omettant l’exhortation κλίνω μεν γόνυ etchangeant l ’invitation à se relever.

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Quoniam sunt quidam qui in die dominico genu flectant, et ipsis diebusPentecostes, ut omnis similiter in omni parochia servetur, visum est sanctaesynodo ut stantes Deo orationes effundat (47).

La tradition continue pendant les IVe et Ve siècles. Voici le témoi

gnage de s. Basile de Césarée:Le dimanche nous prions debout, mais tous n ’en savent pas la raison...

Forcément l’Église enseigne à ses élèves à accomplir leurs prières debout ence jour... De même tous les cinquante jours, pendant lesquels les rites del'Église nous apprennent la position debout pour la prière (48).

Parmi les Pères occidentaux, on peut voir s. Augustin (49).

Le concile in Trullo (691), canon 90, répète la prescription de Nicée et confirme l’usage universel :

 Nous avons r eçu dans les canons des Pères, que le d imanche on n e plie pas le genou, pou r h ono rer la résurrec tion du Christ (50).

Le canon continue, prescrivant en détail les moments précis desvêpres byzantines du samedi ou du dimanche où l’on doit commencer

d ’omettre la génuflexion ou de la reprendre.Devant une si constante tradition, attestée par les auteurs et cano

nisée par les conciles, on reste perplexe devant le témoignage de Chry-sostome, des Constitutions Apostoliques et des prières de la Liturgie qui

 parle nt de la pro strat ion ou de la génuflexion dura nt la l itanie des fidèlescomme d’une chose allant de soi.

Pour les deux prières des fidèles, on pourrait dire que ce n’était pas la Liturgie de Chrysostome, mais celle de Basile, qui était autrefoisutilisée le dimanche. Mais la difficulté reste entière pour les témoignagesde Chrysostome et des Constitutions, puisque au IVe siècle la messe étaitcélébrée surtout le dimanche et que par conséquent les usages décrits

 par ces documents doiven t se référer à la célébrat ion dominicale.

 Nous ne prétendons pas résoudre le problème, mais nous voulonsseulement indiquer quelques voies possibles de solution. D ’abord la distinction de Tertullien entre «prière» et «déprécation», considérée ensem

 ble avec l’usage de prie r à genoux le mat in, même le d imanche: la δέησιςmatinale privée a pu influencer toute autre déprécation, même celle faite

(47) Canon 20; Mansi 2, 678.

(48)  De Spir itu Sancto 66; PG 32, 192.

(49)  Epist. 55, ad Ianuarium XV, 8 ; PL  33, 217-18.

(50) Mansi 11, 981-82.

g) Le άντιλαβού

Dans les prières pour les différentes catégories et dans celle desfidèles, la génuflexion cessait un peu avant la prière que prononçait

l’évêque et qu’on écoutait debout. Selon les Constitutions Apostoliques,le diacre indiquait le moment de se lever, au moyen de formules quidifféraient selon les cas :

1, catéchumènes (VIII, 6 ,8 ; Funk 480) : έγείρεσθ-ε, ot κατηχούμενοι.2, énergumènes (VIII, 7, 3; F 482): σώσον κα ί άνάστησον αυτούς,

ό Θεός, έν τη δυνάμει σου.3, i lluminandi (VIII, 8, 3; F 484): σώσον καί άνάστησον αύτούς έν

τη σ?Ιχάριτι.4, pénitents (VIII, 9, 6; F 486): σώ σον αύτούς, δ Θ εός, καί άνάσ

τησον τη έλέει σου. άναστάντες κτλ.5, fidèles (VIII, 10, 21-22; F 492): σώ σον κα ί άνάστησον ήμ άς, ό

Θ εός, τη έλέει σου. έγειρώ μεθα.

6, après l’anaphore (VIII, 13, 9; F 516): άνάστησον ήμά ς, ό Θ εός,έν τη χά ριτί σου.7, après la communion (VIII, 14, 3; F 518): έγειρώ μεθα.8, fidèles, vêpres (VIII, 36, 2; F 544): σώσον κα ίάνάστησον ήμάς,

ό Θεός, διά τοΟ Χ ρίστου σου. άναστάντες κτλ.9, fidèles, matin (VIII, 38, 1; F 546) : σώ σον αύτούς, ό Θ εός, καί

άνάστησον έν τη χάριτί σου.(Cette fois la demande est rédigée en forme de rubrique, ce qui

explique la troisième personne au lieu de la première).

On trouve donc deux genres de formules: l’une longue (2, 3, 4,5, 6, 8, 9), incluant le verbe άνάστησον et généralement aussi le verbeσώ σον; l’autre courte (1.7): έγειρώ μεθ-α ου έγείρεσθ·ε; parfois les deuxsont juxtaposées (5, cf. 8). La demande de la «surrection» inclut cellede la résurrection, dont elle est le symbole. On appuie la demande eninvoquant la grâce de Dieu (3, 6, 9), sa miséricorde (4, 5), son pouvoir (2)ou la médiation du Christ (8).

Il ne semble pas douteux que la demande actuelle άντιλαβού, σώσοντη ση χάριτιsoit étro itement apparentée à la formule σώ σον, άνάστησοντή σή χάριτι des Constitutions Apostoliques; l a formule actuelle pro vient sans doute de l’adaptation d’une formule plus ancienne, renduenécessaire lorsque la génuflexion pendant la prière litanique est tombéehors d’usage. L’exhortation à s’agenouiller exprimée autrefois au début

166 CHAP. V I : LES PRIÈRES LITANIQUES

de la litanie a été aussi omise, mais l’allusion à la prostration a survécuedans les prières des fidèles.

h) La formule é αυτούς.

La formule liturgique έαυτούς καί άλλήλους est d ’une très hauteantiquité. Quatre passages de la lere Apologie de Justin contiennent desexpressions qui l ’annoncent:

LA PRIÈRE DES FIDÈLES167

La formule έαυτούς est toujours placée avant une prière. L ’abandon à Dieu qui est la foi dans la communion et la solidarité chrétienneest la condition nécessaire pour que la prière soit exaucée.

De ceci on pourrait déduire que les prières pour le peuple, prononcées à haute voix, auraient été toujours précédées par έαυτούς; parcontre, les prières pour les dons, sur l’encens, pour le clergé, dites à voix basse, n’auraient pas comporté cette exhortation introductoire. Parmiles prières pour le clergé citons celle de l’entrée dans son formulaire

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Chap. 14 (PG 6, 384): ήμείς έκείνων (i.e. δαιμόνω ν) μέν άπέστη-μεν, θ εφ δέ μόνφ τφ άγεννήτφ διά τού ΓίοΟ έπόμεθ-α.

Chap. 25 (ib, 365): διά ΊησοΟ Χ ριστού τούτω ν μέν κατεφρονή-σαμεν, θεφ δέ τφ αγενή τφ καί άπαΟ εΙέαυτούς άνεθήκαμεν.

Chap. 49 (ib. 401): τοίς είδόλοις άπετάξαντο κα ί τφ άγεννήτφθεφ διά τοΟ Χ ριστού έαυτούς άνέθηκαν.

Chap. 61 (ib. 420): δν τρόπον δέ καί άνεθ-ήκαμεν έαυτούς τφ Θ εφκαινοποιηθ-έντες διά τού Χ ριστού έξηγησόμε-9-α.

On a l’impression qu’il s’agit d’une formule stéréotypée, peut-êtred’une formule liturgique en rapport avec le baptême. Le dernier passageest placé, en effet, dans un contexte baptismal, mais les autres aussi

 parlent de la conversion des idoles au vrai Dieu. On emploie trois foisle verbe άνατίβεσθ-αι, se consacrer. Dans les Constitutions Apostoliquesc’est le verbe παρατίθ-εσθ-αιqui est employé, mais la phrase est parfoisidentique à celle de Justin:

VIII, 6, 8 (Funk 480): (catéchumènes): έαυτούς τφ μόνφ άγεννήτφΘ εφ διά τού Χριστού αύτού παράθεσθ-ε.

VIII, 10, 22 (F. 492): (fidèles): έγειρώμεθ-α. δεηθ·έντες έκτενώςέαυτούς καί άλλήλους τφ ζώντι Θ εφ διά τού Χριστού αύτού παρα-θ·ώμεθ·α.

VIII, 13, 9 (F. 516): (avant la communion): Ά ναστάντες έαυτούςτφ Θ εφ διά τού Χ ριστού παραθώ μεθ·α.

VIII, 14, 3 (F. 518): (après la communion): έγ ειρ ό μ εθ ·α . έν χά ρ ιτ ι Χ ριστού έ α υ το ς τ φ μ ό ν φ ά γ ε νν ή τ φ Θ εφ κ α ί τ φ Χ ρ ισ τ φ α το π α ρ α - θ·ώμεθ·α.

VIII, 38, 2 (F. 546): (prière des fidèles, matin): έαυτούς καί άλλήλους τφ ζώ ντι Θ εφ διά τού μονογενούς αύτού παραθώ μεθ·α.

VIII, 36, 3 (F. 544): (fidèles): έαυτούς καίάλλήλους τφ ζώντι Θ εψδιά τού Χ ριστού αύτού παραθ-ώ μεθ-α.

Les légères variantes qui diversifient ces formules peuvent êtrel’indice d’une ancienne spontanéité. Le έαυτούς reste parfois seul (prière

 pour les catéchumènes, formules avant et après la communion), maisdans les trois textes provenant de la prière des fidèles il est amplifié parle άλλήλους. Le verbe άνατίθ-εσθαι «se consacrer» cède la place àπαρατίθ·εσθ·αι, «se confie r), «se mettre dans les mains», plus adapté àla vie de tous les jours.

les prières pour le clergé, citons celle de l entrée dans son formulaireordinaire, la première prière des fidèles, la prière de la proscomidie ou prière de l’entrée au sanctuaire; à une époque plus récente, la prièredu Chéroubicon. Quelques prières pour le peuple, qui font exception,

comme celle (du trisagion ou celle avant l’évangile, n’appartiennent pasoriginellement à la Liturgie (51).

Les prières pour le peuple se présentent de deux manières différentes : ou bien la priè re est précédée d ’une litanie, e t en ce cas le έαυτούςtermine la litanie (prière pour les catéchumènes, deuxième prière desfidèles, prière de préparation à la communion, qui termine la litanieπάντων τώ ν άγιω ν) ou bien elle ne l’est pas et le έαυτούς suit immédiatement l’invitation à prier. Tel serait, à notre avis, le cas de la prièred’action de grâces pour la communion. Voici le formulaire actuel:

Debout! Ayant reçu les... mystères du Christ, rendons grâce, comme Uest juste, au Seigneur.

(Aide-nous, sauve-nous, etc.).

Demandant que notre journée..., confions-nous (έ α υ τ ο ς ) etc.

Prière

La formule «Aide-nous» (άντιλαβοΰ), comme nous l ’avons vu ci-dessus, provient d’une autre formule plus ancienne invitant à se leveraprès une génuflexion. Ceci donné, elle est superflue à cet endroit oùl’invitation «Debout!» commence la première exhortation. Dans lesConstitutions Apostoliques, l ’exhortation à se lever (έγειρώμεθ·α) précèdele έαυτούς, mais il n’y a pas la formule équivalente au «Aide-nous» (52):

Ayant reçu, etc. (formulaire plus long que l'actuel).

Debout ! Par la grâce du Christ, confions-nous nous-mêmes, etc.

Prière

Cependant, il ne nous semble pas normal que l’exhortation à la prière soit immédiatement suivie par l’autre exhortation (έαυτούς) exci

tant à la foi et à la charité ; de même que dans le cas des litanies où il ya un intervalle entre les deux, rempli par la prière commune à hautevoix, il nous semble que dans cet autre cas, où la litanie est absente,un moment de prière en silence devait s’interposer entre l’exhortationinitiale et la formule έαυτούς. Celle-ci servirait donc, non seulement àactualiser la foi de la communauté mais, en même temps, à mettre fin

(51) Cf. Proche-Orient Chrétien XVII (1967), 165-68, et XVIII (1968) 317-19.

(52) V in , 14; Funk 518.

168 CHAP. VI : LES PRIÈRES LITANIQUES

à la prière silencieuse, attirant l’attention vers celle que le présidentallait prononcer à haute voix.

i) Le rôle liturgique des prières des fidèles

La première donnée dont il faut tenir compte pour déterminer lerôle des deux prières des fidèles est offerte par les vêpres et les matinesconstantinopolitaines. Dans ces offices, les deux prières des fidèles nesont pas accompagnées de deux petites litanies, contrairement à ce qui

i à l S l l t i é it it l ti l

LA PRIÈRE DES FIDÈLES 169

initiale; mais le diacre continuait la prière litanique; il semble donc quela prière et la litanie étaient dites en même temps. La prière était simultanée avec la génuflexion du peuple. Notons que la première prière desfidèles byzantine occupe la même place, c-à-d. après l ’exhortation initiale,et qu’elle fait allusion à la prostration.

Il ne faut pas confondre les deux prières du rite constantinopoli-tain avec celles de la messe hispanique. Dans cette dernière, 1’«oratiofidelium» était accompagnée de deux prières, mais la première, qui ap

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arrive à la messe. Selon les typica, on y récitait la synaptie avec lesdemandes, c-à-d. la synaptie suivie de Γαΐτησις (53). Ce fait met en question les deux petites litanies actuelles.

D’autre part, dans les documents anciens il n’y a jamais qu’une

litanie des fidèles, et celle-ci dans son formulaire complet. Nous avonsvu ci-dessus, que dans les anciens euchologes d’avant le XIIe siècle etmême après, la litanie qui accompagne la deuxième prière est la synaptiecomplète ou abrégée plus ou moins. De plus, l’exhortation όσοιπιστοί,qui commence la première des deux petites litanies actuelles, était précisément le début de la seule grande litanie des Constitutions Apostoliques. De ce côté aussi, on arrive à la conclusion que les deux petiteslitanies ne sont pas originelles.

Mais, en ce cas, comment expliquer la présence de deux prières pour une seule litanie? Essayons d ’y voir clair. Dans la première prière,le clergé prie pour lui-même, afin d ’être capable d ’offrir à Dieu la prièreque font les fidèles. Puisque il n’y a pas de solution de continuité entrele renvoi des catéchumènes et l’exhortation δσοιπιστοί, début de la prière

des fidèles, la première partie devait être récitée à voix basse pendantqu’on disait la litanie; d’ailleurs, la récitation à voix basse est propreaux prières faites en faveur du clergé. La tradition constantinopolitaineaurait donc deux prières pour la litanie des fidèles: la première, récitéeà voix basse pendant la litanie, la deuxième, à haute voix, comme conclusion de la litanie.

 Nous trouvons le même usage dans le Testament de Notre SeigneurJésus-Christ:

Proclamatio diaconi :«Surgamus. Quisque locum suum noscat. Catechu- meni abeant. ...Vide te, tanquam filii lucis rogemus. Supplicemus Dominum  Deum Salvatoremque nostrum les um Christum».

Incipiente dein presbytero vel episcopo orationem, populus oret et genua flectat. Diaconus autem sic dicat: «Pro pace quae de coelo est... Pro,fide  

nostra... etc.Surgamus in Spiritu Sancto...

»Episcopus deinceps perficiat et populus dicat: Amen (54).

Le document mentionne deux prières de l ’évêque; la première étaitcommencée tout de suite après que le diacre avait prononcé l’exhortation

(53)  Le Typiçon de la Grande Église  II, index liturgique, s.v. ε χ ή VII, a.(54) I, 35; ed. Rahmani, Magoncë 1899, 82-84.

/

 paraî t dans les livres imprimés sous le titre «Missa», était à l’origineune exhortation au peuple pour l’exciter à prier avec ferveur. Voici ladescription qu’en donne s. Isidore de Séville:

Prima oratio admonitionis est erga populum ut excitentur ad exorandum Deum (55).

Chez les Byzantins, la première prière, dite à voix basse, prie Dieud’exaucer les demandes de la litanie.

Pour confirmer le rôle liturgique de la première prière des fidèles,il suffira de rappeler l’étude faite dans un article précédent sur les trois

 prières des antiphones (56). La troisième est parallèle à la première prièredes fidèles: dans l’une on prie le Christ d’accorder les demandes et dansl’autre on prie Dieu d’accepter la supplication, ce qui revient au même.Seulement, dans la prière du troisième antiphone, plus ancienne sansdoute que la première des fidèles, on ne fait pas de distinction entreclergé et fidèles; au contraire, par la dénomination de «prières communes» (κοιναί εύχαί), qui apparaît déjà chez Justin (57), et par l’emploi

du pronom «nous», elle répond à l’idée de la prière des fidèles exprimée par Chrysostome dans le document commenté ci-dessus (58).

 j ) La prière d'inclination

 Nous avons montré précédemment que les trois prières des anti phones étaient jadis des prières des fidèles: la première des fidèles estcelle du troisième antiphone; la deuxième, celle du premier; la prièred’inclination ou de bénédiction, celle du deuxième antiphone. Les offices du matin et du soir de la Grande Église possédaient des groupes

 pareils de trois prières.i

Alors, on peut se demander si la Liturgie de Chrysostome n’a pas possédé, elle aussi, une prière de bénédiction à la fin de la Liturgie dela Parole. La tradition constantinopolitaine semblerait l’exiger, et latriade des prières des antiphones le confirme.

(55) PL 83, 752. Voir pour cette question M, Ramos, Oratio admonitionis, 

Grenade 1964, 123-29, 147.

(56)  Proche-Orient Chrétien XVI (1966), 14-18.

(57) Apologie I, 6; PG 6,42 8.

(58) Paragraphe e), p. 111.

170 Ο ΙΓΑ Ρ. VI: LES PRIÈRES LITANIQUES

 Nous voudr ions proposer l’hypothèse suivante : La prière d’inclinat ion placée a ujourd ’hui après le Not re Père (εύχαριστοϋμέν σοιβασιλεΟ αόρατε) aurait terminé jadis la Liturgie de la Paro le. Voici lesraisons qui appuient cette hypothèse:

1) la prière de bénédiction après le Notre Père doit contenir quelque allusion à la communion, à laquelle elle prépare. Il en est ainsi dansla Liturgie de s. Basile:

«... et rends-nous capables de participer sans blâme à tes mystères im

L A PR IÈ R E DE S FIDÈ L E S 171

k ) Le synode de Laodicée

Ä propos de ces trois prières qui terminent la Liturgie de la Paroleon pourrait songer à invoquer le fameux texte du synode de Laodicée(c. 363, canon 19):

Il faut qu’après l’homélie des évêques on fasse en premier lieu la prière pou r les catéchumènes. Lorsq ue les catéchumèn es so nt part is, a lieu la prièr e pou r les p énitents. Une fois que ceux-ci o nt reçu la bénédict ion (προσελ-

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maculés et vivifiants, pour la rémission des péchés et l’union dans le Saint-Esprit.

Pareillement dans celle des Présanctifiés :«... rends-nous capables de participer sans blâme à ces mystères vivi

fiants».

Rien de semblable dans la prière correspondante de la Liturgie deChrysostome. La traductio n courante de τά προκείμενα par «les donsici présents» n’est pas soutenable (59). C’est une prière de bénédictionsans aucun doute, mais non pour préparer à la communion: les grâcesqu’elle demande se réfèrent aux circonstances ordinaires de la vie, c-à-d.aplanir notre chemin pour le bien de chacun, et spécialement de ceuxqui se trouvent dans des circonstances difficiles: navigateurs, voyageurs,malades. Cette prière a donc dû être composée pour un autre endroitde la Liturgie.

2) Nous savons d’autre part que la prière de bénédiction qui suitle Notre Père, et parfois le Notre Père lui-même, n’était pas encore en

usage à la fin du IVe siècle, p.ex. dans les Constitutions Apostoliques.Cette prière apparaît à une époque plus tardive, impossible à déterminer.

Il se peut donc que lorsqu ’on a voulu conformer l’ancienne anaphoreappelée de Chrysostome au nouveau schéma liturgique exigeant la prièrede bénédiction après le Notre Père, on ait utilisé pour ce but la troisième

 prière des fidèles de l ’ancienne tradi tion de Constan tinople, qui semblaitsuperflue à cette place, puisque les fidèles restaient dans l’église pendantle reste de la célébration.

3) L a Liturgie de la Parole est un office liturgique plus ancien queceux du matin et du soir. Du fait que celle-là, comme ceux-ci, se termine par la récitation des prières communes, on peut conclure que la

 prière des fidèles a ses origines non pas aux offices du mat in et du soirmais à la Liturgie de la Parole, où les κοιναΐ εύχαί apparaissent depuis

le IIe siècle, dans la Ier®Apologie de Justin (60).4) Une priè re de bénédiction après la prière des fidèles, à la fin de

la Liturgie de la Parole, existe dans la Liturgie chaldéenne; si on l’admet pour C onstantinople, elle n’appara ît plus comme un phénomène isolé.

(59) J . Mateos,  Deux problèmes de traduction dans la Liturg ie Byzantine de S. Jean Chrysostome, dans Orientalia Christiana Periodica  XXX (1964), 254-55.

(60) Cf. ci-dessus, note 57.

Ο όντων Οπό χεΐρα ) et sont partis, on fait les trois prières des fidèles:une, la première, s’accomplit en silence (διά σιω πάς), la deuxième et latroisième, par une allocution (διά προσφω νήσεω ν); ensuite on donne la

 paix (61).

A quoi se réfère le synode lorsqu’il parle de trois prières des fidèles? Brightman les considère comme une prière sacerdotale sans réponsedu peuple et deux prières diaconales avec réponse. L ’expression διάπροσφω νήσεω ν indiquerait les intentions proposées par le diacre (62).

On pourrait penser aussi qu’il s’agit de trois prières sacerdotales:la première dite en silence et les deux autres, — prière finale de la litanieet prière d’inclination — à haute voix. Ce serait exactement le cas destrois prières des fidèles de la tradition constantinopolitaine.

L ’hypothèse de Brightman n ’est pas vraisemblable. Les troi s prièresdoivent être du même genre, toutes les trois sont ou diaconales ou sacerdotales; autrement, il faudrait parler aussi, contre le texte du synode,de deux prières pour les catéchumènes et de deux prières pour chacunedes autres catégories.

S’il faut choisir, nous préférons interpréter les trois prières commedes prières diaconales; en effet les prières sacerdotales ne sont que desappendices de la prière faite par le peuple. Il s’agirait donc de troislitanies : la première sans réponse du peuple, les deux autres avec réponse.

Une prière des fidèles composée de trois litanies successives existedans la messe chaldéenne (63) en outre, selon le commentaire inédit deGabriel Qatraya bar Lipah, au début du VII® siècle, la première appeléeba'uta  ( = δέησιν) et la troisième, qui est la litanie de l’ange de paix,comportait une réponse du peuple, tandis que la deuxième, appeléekarozutha  ( = κήρυξιν) était une série de demandes proposées par lediacre pen dant que le peuple p riait en silence (64). C ’est en ce sens,nous semble-t-il, qu’il faut interpréter le canon de Laodicée: «Une

 prière s’accomplit pa r le silence, la deuxième et la troisième pa r uneallocution».

(61) Mans i 2, 567 BC.

(62)  Liturgies, 520, note 9.

(63)  Ibid., 266-67.

(64) Cod.  Mus. Brit. Oriental  3336, ff. 21v-22r.

172 CHAP, v i : LES PRIÈRES LITANIQÜES

 I) Structure de la prière des fidèles

Le moment est arrivé d ’examiner la structure de la prière desfidèles, qui, chez les Byzantins est appelée «la grande synaptie» ou«litanie de la paix» (τά ειρηνικά).

Le formulaire qu’on trouve dans la Liturgie n’est en réalité qu’uncadre formé par des demandes fixes, dans lequel peuvent être inséréesd’ t d d l l b i l’ t ité C i t é

LA PRIÈRE DES FIDÈLES 173

est long et on y prie pour le monde, les églises, les autorités et po ur tousles hommes.

 b) La prière litanique est terminée par une prière sacerdotale qui,selon Chrysostome, représente la réponse de Dieu.

c) La tradition de Con stantinople connaît deux prières sacerdotalesrattachées à la prière des fidèles et, dans l’office du matin et du soir,une troisième prière d’inclination

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d’autres demandes selon le besoin ou l’opportunité. Ceci est prouvé parle fait que dans des cérémonies particulières, p.ex. les épousailles (65)ou la bénédiction des eaux du baptême (66), elle admet des demandesen rapport avec les circonstances particulières. L’endroit propre à l’in

sertion de nouvelles intentions est, selon la pratique, celui qui précèdela-demande «Afin d ’être délivrés...».

La prière des fidèles n’est pas une prière exclusivement  pour   lesfidèles. Son fondement théologique se trouve dans la 1 Tim  2, 1-6:

Je recommande donc, avant to ut, q u’on fasse des demandes, des prières,des supplications, des actions de grâces pour tous les hommes, pour les roiset tous les dépositaires de l'autorité, ahn que nous puissions mener une viecalme et paisible en toute piété et dignité. Voilà ce qui est bon et ce qui

 plaît à Dieu notr e Sauveur, lui qu i v eut que tous les hommes soient sauvéset parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, uniqueaussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous.

La prière des fidèles inspirée de ce texte doit donc embrasser lemonde entier et la conversion de tous les hommes. Les fidèles cependantn ’en sont pas exclus. L’apôtre lui-même exhorte les fidèles à intercéder

 pou r tous les saints, c-à-d. pour tous les chrétiens (Eph  6, 18). Mais ilne faut pas restreindre le contenu de la prière des fidèles aux besoinsde l’Église. C’est d’ailleurs Chrysostome qui applique le texte de l’épîtreà Timothée aux prières des fidèles qu’on récitait chaque jour le matinet le soir.

Que veut dire «avant tout» dans le culte quotidien? Les initiés (= lesfidèles) le savent, comment chaque jour on fait des prières le matin et lesoir, comment nous supplions pour le monde entier, pour les rois et pourtous les dépositaires de l’autorité (67).

ConclusionRésumons les données et les hypothèses faites à propos des prières

des fidèlçs :a) Dans les anciens documents, la prière des fidèles est une prière

litanique, dont les intentions sont proposées par le diacre; son formulaire

(65) Goar, Euchologium, 310.

(66 )  Ibid. 287.

(67)  In l a d Tim, c. 2, hom. 6 ,1 ; PG 62, 530.

une troisième prière d inclination.d) Dans la liturgie de Chrysostome, la première prière sacerdotale

demande des grâces exclusivement pour le clergé, ce qui supposerait unerécitation à voix basse pendant que le peuple répond à la litanie. Ceci

est confirmé par le parallèle du Testam ent du Seigneur.e) La division de la litanie des fidèles en deux petites litanies,

comme il arrive à la messe, non à l’office, est artificielle et certainementnon primitive.

f) La triade de prières appelées «des antiphones» était jadis destinée à accompagner la prière des fidèles, probablement dans la Liturgiede s. Basile, dont les prières actuelles ne se réfèrent pas à la litanied’intercession, mais au sacrifice eucharistique et à l’épiclèse.

g) Le fait que dans l’office constantinopolitain et dans les «prièresdes antiphones» il y a une troisième prière, et précisément une prièrede bénédiction, pose le problème pour la Liturgie de la Parole: y avait-ilaussi une prière de bénédiction ou inclination après la litanie? Il en estainsi chez les Chaldéens. Nous avons proposé une hypothèse: l’actuelle

 prière de bénédiction après le Not re Père, qui n’a pas été composée pource moment de la Liturgie, a pu être l’ancienne prière de bénédictionfinale de la Liturgie de la Parole.

** *

Voici terminée not re étude sur l ’évolution historique de l a Liturgiede la Parole dan s l’Église byzantine. Un de nos élèves, Rob ert Taft, s.j.,est en train d ’élaborer une étude semblable pour la Liturgie eucharistique.

 Nous sommes sûr que les mérites de la deuxième part ie ne seront pasinférieurs à ceux de la première si quae sunt.

A P P E N D I C E

I. LA PRIERE DE LA PROSCO.MIDIE 175

cédente . Ains i , parmi les t raducteurs en langue f rançaise , E . Me r  - 

c e n i ë r    (*), N. E d e l b y  (’), V. I. Gh i k a  (3); par mi les versions en langue

anglaise, J . R a y a   (4), le Fo rdha m U nive rsity Center (*); pareillem ent,

l ' éd i t ion i ta l ienne de P. d e   Me e s t e r  , r ep r o d u it e p a r l ’ I n s t i t u t Po n

tifical O riental (“). Tous trad uise nt les lignes 4   e t 5   d u t ex t e p a r

une phrase semblable à celle-ci. :

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Deux problèmes de traduction 

dans la Liturgie Byzantine de S. Jean Chrysostome

I . La prière de la proscomidie

Sous le titr e de « prière de la proscom idie », app ara ît d ans la

Li turg ie byzant ine une pr ière qui se p lace en tre la grande Entrée

et le baiser de paix. Voici le texte de cette prière selon le ms. Bar-

 be ri n i gr . 3 3 6   (*):

Κ ύ ρ ι ε ό Θ ε ό ς ό π α ν τ ο κ ρ ά τ ω ρ  

ό μ ό ν ο ς ά γ ι ο ς

ό δ ε χ ό μ ε ν ο ς ϋ ν ί α ν α ί ν έ ε ω ς π α ρ ά τ ω ν ε π ικ α λ ο ύ μ ε ν ω ν ε ε ν ΰ λ η  π ρ ό δ ε ξ α ι κ α ί η μ ώ ν τ ώ ν ά μ α ρ τ ω λ ώ ν τ η ν δ έ η ιν [κ α ρ δ ί ρ

5 κ α ι π ρ ο ά γ α γ ε τ ώ ά γ ί ω ο ν ϋ ν ια τ η ρ ί ω

κ α ί ίκ ά ν ω α ν η μ ά ς π ρ ο ε ν ε γ κ ε ΐ ν ο ι δ ώ ρ α κ α ί θ υ ί α ς π ν ε υ μ α τ ικ ό ς  

υ π έ ρ τ ώ ν ή μ ε τ έ ρ ω ν α μ α ρ τ η μ ά τ ω ν  

κ α ι τ ώ ν τ ο ϋ λ α ό ν ά γ ν ο η μ ά τ ω ν  

κ α ι κ α τ α ξ ί ω α ν ή ά ς ε ν ρ ε ϊν χ ά ρ ι ν έ ν ώ π ι ό ν ο ν  

10   τ ο ϋ γ ε ν έ ϋ α ι ε ν π ρ ό δ έ κ τ ο ν τ ή ν ϋ ν ί α ν η μ ώ ν

κ α ί έ π ι κ η ν ώ α ι τ ό π ν ε ύ μ α τ ή ς χ ά ρ ι τ ό ς ο ν τ ό ά γ α ϋ ό ν  

ε φ ’ η μ ά ς

κ α ι έ π ' ι  τα π ρ ο κ ε ίμ ε ν α δ ώ ρ α τ α ΰ τ α  

κ α ί ε π ί π ά ν τ α τ ο ν λ α ό ν ο υ .

A la ligne 5 . on trouve le verbe π ρ ο ά γ ε ιν   s ans complément .

Puisque ce verbe en ex ige un , la p lupar t des t raducteurs le t rouvent

dans la δ έ η ις   qu’on vient de mentionner dans fia proposition pré-

(') F. E. B r i c h t m a n ,  Lit urgie s Ea ste rn an d Wes tern ,  Oxford 1 8 9 6 , p. 3 1 9   B.

« accepte aussi no tre prière de pécheurs et fais-/a parv enir à to n

sa int au tel » (’).

D’autre par t , R . St o r f    dan s sa traduc tion a llema nde (*), réfèrele verbe « rapp roch er » aux célébran ts , n on à « la prière » qu ’on v ien t

de ment ionner : « n imm die Bi t te von uns Sün dern und führe un s   zu

Deine m heiligen A ltäre »; de même d e   Me e s t e r    dans l ’éd i t ion f ran

çaise ( ·): «receve z aussi notre prière, de nou s pauvre s pécheurs, et

faites-woiYS app roc her de vo tre s ain t au tel ».

Quel le t radu ct ion adop ter parm i les deux q ui sont a ins i proposées?

Evidemment , la l ia ison des propos i t ions par des par t icu les copula

t ives crée l ’ incer t i tude. Pour en sor t i r , nous examinerons d’abord la

 p hr a se en q u es ti o n e t en su it e no us la co m pa re ro ns av ec d ’au tr e s ph ra se s

 pa ra ll èl es .

Dans cet te phrase , on ment ionne ( l igne 5 ) l’autel de Dieu: «tonsain t aute l ». Nous dev ons nous dem ande r: s’agit-il ici de l’autel cé

leste ou bien de l’autel de l’église où l’on célèbre? Il faut répondre,

sans hésiter, qu ’il s’agit du second, de l’autel de l 'église. L ’autel

céleste, en effet, est toujours dé term iné pa r des adjectifs , tels ύ π ε ρ ο ν ρ ά -

(')  La Pri ère des Egl ise s de rit e by za nti n  I, 2 e éd., Chevetogne

1 9 4 7 . P- 248·(*)  Li lur gic on , M iss el B yz an ti n à l'us age des fidèl es,  Beyrouth i 9 6 0 ,

 p. 4 4 2 .

(*)  L a Me sse By za nt in e dite de Sa in t Je an Chr ysos tome ,  2 e éd., Lille

(sans date), p. 3 6 .

(*)  B yz an tin e M is sa l,   Birmingham (Alabama) 1 9 5 8 , p. 9 7 .(6) The Byzantine Liturgy,  New York 1 9 5 2 , p. 4 2 .

(*)  L a Sa nta L ilu rg ia di Sa n Gi ova nni Cri sos tomo ,  Roma 1 9 5 8 , p. 3 0 .

(’) Nous devons aussi nous compter parmi ceux qui ont proposé

une traduction en ce sens, dans l’article' L ’actio n du Sa in t- E sp ri t da ns la 

 Li tu rg ie dite de S. Je an Chr ysos tome ,  dans Proche-Orient Chrétien  IX

(1959), p· 194 ·(*) Griechische Liturgien,  Kempten und München 1 9 1 2 , p. 2 4 3 .

(*)  L a D ivi ne Li tu rg ie de notre Pèr e S. Je an Chryso stom e,  3 « éd.,.

Rome-Paris 1 9 2 5 , p. 6 3 .

176 a p p e n d i c e : d e u x    p r o b l è m e s   d e   t r a d u c t i o n

v io v   (prière de la prothèse), ν π ε ρ ο υ ρ ά ν ιο ν , ν ο ε ρ ό ν   ( litanie avant le

Pater ) ; par contre τ ό ά γ ι ό ν ο υ θ υ ι α τ ή ρ ι ο ν   désigne sans aucun

doute l ’au te l ter rest re dans la pr ière du t r isag ion ( τ ή ν α ι κ α τ ε ν ώ π ι ο ν  

τ ή ς δ ό ξ η ς τ ο ν ά γ ι ο υ ο υ θ υ ι α τ η ρ ί ο υ ) ,  dans la première prière des

fidèles (π α ρ α τ ή ν α ι κ α ί ν υ ν τ ω ά γ . ο υ θ υ . ), dans la seconde prière des

fidèles [δ ω ς ή μ ϊ ν . . . τ η ν π α ρ ά τ α ι ν τ ο ϋ ά γ . ο υ θ υ .)  et, pareillement,

dans les prières des fidèles propres à la liturgie de S. Basile (

I. LA PRIÈRE DE LA PROSCOMIDIE 177

H . DiETz m a n n , dans son tra ité «Messe un d He rrenm ahl » (l),

considérait cette prière comme une prière d’offertoire (Offertoriums

gebet) . I l rem arque, t rès oppor tuném ent d ’a i l leurs, que la pensée

centra le (Kerngedanke) de to u te pr ière d’of ferto ire s’expr ime dan s une

dem ande: « Respice prop itius supe r haec dona » ou « Suscipe obla-

tione m pro pitius ». Dorsqu ’il tra ite de la prière de la proscom idie de

Chrysostome, i l considère comme une seule demande les l ignes 1 -5 ;

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dans les prières des fidèles propres à la liturgie de S. Basile (γ ε ν έ θ α ι  

λ ε ι τ ο υ ρ γ ο ύ ς τ ο ϋ ά γ . ο υ θ υ ., λ ε ι τ ο υ ρ γ ε ΐ ν τ ω ά γ . ο υ θ υ .).  Si donc

dans la pr ière de la proscomidie dont nous t ra i tons i l s’ag i t de l ' au te l

ter rest re , le verbe π ρ ο ά γ ε ιν   ne peut pas avoir comme complément

« la prière » me ntionnée a up ara van t; dem ande r à Dieu, en effet, qu' il

rapproche ou conduise la pr ière des célébrants à l ’au te l qu i est p lacé

devan t eux , n’a pas de sens. De complém ent sous-en tendu du verbe

« rapp roche r » doit donc être cherché d ans la p roposition s uivan te:

ce seront les célébrants.

D’examen des tex tes para l lè les ne fa i t que conf i rmer cet te ana

lyse. Nous en proposons trois:

1) Da tradu ction syriaqu e. P arm i les « sedre » de l’Entré e en

usage dans la Messe syr ienne, apparaî t en premier l ieu la t raduct ion

de cet te pr ière grecque de la proscomidie . Or , dans cet te t raduct ion ,

on ajou te au v erbe « rapp roch er » le complém ent « nous » (qar.reb lan)  (').2 ) Da Diturgie grecque de S. Marc. Elle possède une prière

 p ar al lè le à ce lle de la pr os co m id ie , où l ’on d em an d e à D ie u: κ α ί π ρ ο - 

ά γ α γ ε η μ ά ς τ ω τ ιμ ί φ ο υ θ ν ια τ η ρ ί ψ .  Da phrase est ident ique à

celle de Chrysostome, excepté l’adjectif τ ίμ ι ο ν   qu i remplace ά γ ιο ν  (2).

3 ) Da Diturgie de S. Basile. Dans la prière de Îa proscomidie

de ce tte D iturgie, on retrou ve l ’idée de l’accès du clergé à l’autel:

π ρ ό δ ε ξ α ι η μ ά ς π ρ ο ε γ γ ίζ ο ν τ α ς τ ω ά γ ί ω ο υ θ υ ι α τ ή ρ ι α )   (3).

Une fo is b ien déterminée la t raduct ion de la phrase en quest ion ,

i l apparaî t c la i rement que la pr ière de la proscomidie est une pr ière

faite pouT le clergé. On y demande trois choses, toutes relatives aux

célébrants: i ) rapproche-nous de ton sa in t au te l ; 2 ) rends-nous ca pa b le s de t ’off rir ; 3 ) juge-nous dignes de ta faveur. Des dons, l’accep

tat ion du sacr i f ice e t la descente du Sain t-E spr i t ne sont ment ionnés

que de façon indirecte, en dépendance des dispositions du clergé.

(b Taksa d-qurbana,  éd. Charfet 1923, p. 22.(s) BrighTMAN, op. cit.,  p. 122 B.(3)  Ib id .,  p. 319 A.

Chrysostome, i l considère comme une seu le demande les l ignes 1 5 ;

ainsi, croyant qu’il a affaire à une prière d’offertoire, il présente ce

comm entaire : « Am Beginn steh t eine Bi t te (a) , welche a ls Opfer das

Gebet bezeichnet und darum an d ieser Ste l le Fremdkörper is t , wo es

sich um die realen Opfergaben der Gemeinde handel t» . De verbe

π ρ ο ά γ ε ι ν   y est rappor té , sans aucun doute , à la pr ière , non aux

célébrants; c’est, en effet, à partir de la ligne 6   qu’ i l met le début

de la demandé pour que le cé lébrant so i rendu d igne (d ie Bi t te um

Würdigkei t des Opfernden) e t ce l le pour l ’accepta t ion de l ’ob la t ion

(und d ie gu t anschl iessende um A nnahme des Opfers) ; il n ’y d ist ingue

toutefo is pas que la première est l ’ob je t d i rect de la demande tandis

que la seconde en est la conséquence. Or, d’après l’analyse de cette

 p ri èr e fa it e ci -d es su s e t la tr a d u c ti o n qu i s ’im po se , no us es tim on s

que cet te pr ière ne peut pas ê t re considérée comme une pr ière d’of

fertoire.

Si la prière de la proscomidie n’est pas une prière d’offertoire,

quel pourra i t ê t re son rô le dans la Diturg ie? Nous pensons que,

d’après son contenu, elle est une prière d’accès à l’autel, comme on

en t rouve dans d’au tres l i tu rg ies or ien ta les.

Dans la Diturg ie chaldéenne, par exemple , pendant le chant de

la ' onita d-raze   ’ le cé lébrant m onte du béma au sa nctuaire . Voici

la rubr ique e t la pr ière :

« En sui te , i l mon te la marche du qeslronta,  et, lorsqu’il arrive àla porte du sanctuaire, c.-à-d. de l’autel, il s’incline. . . et se redressante t é tendant ses mains, i l d i t :

Ayant nos cœurs aspergés e t pur i f iés de tou te in ten t ion mau

vaise (3), soyons dignes d’entre r dans le Sa int des S aints h au t et su-

i1) Arbei ten zur K irchengeschichte  8 , Bonn 1 9 2 6 , ch. 5 , «O pfer undWeihrauchgebete *, pp. 8 1 -9 3 .

(ä) Cette phrase initiale î a

■»Ά ίτ. -ι tradui t dans la Ps i t ta Hebr . 1 0 ,2 2 : (ί ε ρ α ν τ ι μ έ ν ο ι   τάς κ α ρ δ ί α ς ά π ά  ν ν ε ιό ή ε ω ς π ο ν η ρ ά ς .  Ce verset est aussi utilisé dans la prière byzantine

du Chérubicon: χ α & ά ρ ι ά ν μ ο υ τ η ν ψ υ χ ή ν xal τ η ν χ (ίο δ ί α ν ά π ό υ ν ε ιδ ή ε ιο ς  π ο ν η ρ ά ς .

178 a p p e n d i c e : d e u x    p r o b l è m e s   d e   t r a d u c t i o n

 bl im e, de no us te n ir av ec p u re té , di g ni té e t sa in te té d ev an t to n sa in tautel, et de t’offrir des sacrifices spirituels et rationnels dans la vraiefoi » (*).

Dan s la L iturgie s yro-an tiochienn e, c ’est la « prière du voile »

qui ex prime souvent, l’idée de l ’accès à l’autel:

Dignos nos ef f ice qui . . . accedamus ad te (Anaph. Sever i Ant io-

I. LA PRIÈRE DE LA PROSCOMIDIE 179

La pr ière de la proscomidie appar t ien t donc à une espèce de

 pr iè re q u 'o n re n co n tr e fr équ em m en t: la pr iè re d ’ac cè s du cl er gé à

l ’au te l avant de commencer l ’anaphore; e l le do i t ê t re réci tée avant

qu ’on s’approche de l ’au te l , généralement deva nt la por te du sanc

tuaire , comme l’ ind ique la rubr ique chaldéenne.

Le mot «proscomidie» , devrai t donc ê t re in terpré té ic i -comme

synon ym e d ’« anap hore » ou d'« oblation ». C 'est c ette signification

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cheni) (*).Dignos nos ef f ice in t ro i tu in sancta sanctorum in ter iora tua

(Anaph. Gregorii Nazianzeni) (s).. . . f a c ia s no s d ign o s qu i . . . a cced am u s ad a l t a re t u u m san c tu m

(Anaph. Duodecim Apost. secunda) (4).

Dans la Li turg ie grecque de S. Jacqu es, après l ’En trée avec les

dons e t le d ia logue en tre les concélébrants , on rencontre cet te pr ière :

Souverain Seigneur qui nous v isi tes dans ta misér icorde e t tac lémence, e t qu i nous donnes, à nous tes serv i teurs humbles e t indignes, assurance pour nous ten ir devant ton sa in t au te l e t t ' o f f r i r lesacr i f ice redoutab le e t non-sanglan t pour nos péchés e t pour les ignorances du peuple , regarde-moi ton serv i teur inu t i le e t ef face mestransgressions . . . e t rends-moi ap te , par la force de ton Espr i t Sain t ,

 p o ur c e tt e li tu rg ie , e t, en t a b on té , re ço is -m oi qu i m ’ap pr oc he deto n sa in t au t e l (π ρ ό δ ε ξ α ι μ ε . . . π ρ ο ε γ γ ί ζ ο ν τ α τ ω ά γ ί ω ο υ θ υ ι-

α τ ή ρ ι α ) ). . .  (6).

 N ou s av o ns ci té pl u s h a u t la p ri èr e p ar a ll èl e de la L it u rg ie de

S. Marc. Voici le début de cette prière:

« Sain t , T rès-Haut , Redoutable , qu i reposes parm i les sa in ts ,Seigneur, toi-même sanctifie-tious, rends-nous dignes du sacrifice redoutable e t rapproche-nous de ton vénérable au te l , en tou te bonneconscience, e t pur i fie nos coeurs de tou te ta ch e. . . » (· ).

On peu t fa i re é ta t aussi de la pr ière copte ava nt le baiser

de pa ix (7).

(*) J. E. Y. DE K k l a i t a , The Litu rgy o f the Church of the East, Mossoul 1 9 2 8 , p. 1 4 , Cf. B r iGh Tm a N, op. cit.,  p. 2 7 0 ,

(*)  An ap ho ra e Sy ria cae   I , Romae 1 9 3 9 , p. 6 0 -6 1 .(s]  Ib id .,   p. 1 0 8 -1 0 9 .(*)  Ib id .,   p. 2 4 2 -2 4 3 .(5)  L a Li tur gi e de Sa in t Jac que s,  éd. B.-Ch. Me r c i e r  , dans PO   2 6 ,

 p. 1 9 0 .(·) BRIGHTMAN, op. cit.,  p. 1 2 2   B.(7)  Ib id .,  p. 1 6 3 .

y y p g

qu’il a dans le titre de l’anaphore grecque de S. Jacques: ’Α ρ χ ή τ ή ς  

π ρ ο κ ο μ ι δ ή ς τ ο ϋ ά γ ιο υ ’Ι α κ ώ β ο υ τ ο ν ά δ ε λ φ ο ά έ ο υ   (*); de m ême , da ns

la v ie de S. E uthvm e (*). Le t i t re de notre pr ière de vrai t donc se

traduire ainsi: « Prière pour [commencer] l’oblation ». En ce cas, dans

la Li turg ie chrysostomienne la pr ière du Chérubicon ne sera i t qu’un

doublet p lus récent (3)  e t plus dévelop pé de ce tte prière (4).

Ceci amène une obse rvat ion à propos de la pr ière de la  pr osco -

mid ie   dans la Liturgie de S. Basile. Cette longue prière semble, en

effet, le résultat de la juxtaposition de deux prières différentes: l’une,

la prière d’accès à l’autel (Κ ύ ρ ι ε ό Θ ε ό ς η μ ώ ν . . . τ ο ϋ ά γ ι ο υ ο υ π ν ε ύ -

μ α τ ο ς ) ; la seconde, une vraie prière d’offertoire (’ π ί β ?£ ψ ο ν . . . τ ή ς  

δ ι κ α ί α ς ).  Cet te jux taposi t ion est rendue p lus vra isemblable par les

différentes formules employées pour coller ensem ble les deux prières.

Tandis que la recension du Basi le byzant in commence par le verbe

« regarde », la recension qui ap pa raît da ns Jac que s grec y a intercalé

la particule « Oui » ( ν α ι ),  qu’on u t i l ise souvent po ur pro longer des

 p ri èr es an ci en ne s (s).

(*) A. Ma i ,  Nov a P al ru m Bib lio thec a  X , 2 a pars, p. 5 7 .(*) Ed. E. Sc h w a r t z , Kyrillos von Skythopolis (= Texte und Unter·  

suchungen 4 9 ,2 ), Leipzig 1 9 3 9 , p. 4 5 **: κ α τ ά τ η ν ώ ρ α ν τ ή ς ά ε ία ; π ρ ο κ ο μ ι δ ή ς . •Cf. p. 4 6 ’ : ό τ α ν π ρ ο α ε κ ά μ ι ζ εν τ ά ϋ ε ια ό ώ ρ α , ε β λ ε π ε ν π λ ε ι τά κ ις τ ο ύ ; α γ γ έ λ ο υ ς  

υ λ λ ε ιτ ο ν ρ γ ο ϋ ν τ α ; α ύ τ φ .

(’) La longueu r de la prière, le fait d’être adressée au Christ et celuide l’usage de la première personne du singulier semblent indiquer une

date plus récente que celle de la prière de^la proscomidie.(4) Rappe lons que, d u mo ins jusq u’au X e siècle, ce tte p rière est

reservée à la Liturgie de S. Basile; poux le ms. Barberini, v. Br i g h t m a n ',  op. cit.,  p. 3 .1 8 .

(5) Ed. citée, p. 1 9 2 -9 4 . Le même artifice apparaît dans la prièreava nt le Pate r de la Liturgie de S. Basile, et dans la septième prièrevespérale, v.  Hi érati con ,  éd. Rome 1 9 5 0 , p. 2 0 3 , 1 0 .

180 APPENDICE: DEUX PROBLÈMES DE T R ADUC T ION

II . La prière d’inclination

La pr ière de bénédic t ion des f idèles avant la communion présente

un passage que les t raduct ions courantes rendent imparfa i tement . I l

s’agit de la partie finale de la prière:

Σ υ ο ύ ν , Δ έ π ο τ α ,

I I . L A P R I È R E D’I N C L I N A T I O N 181

Selon les dictionnaires, τα π ρ ο κ ε ί μ ε ν α   s’oppose à τα μ έ λ λ ο ν τ α  

comme en la t in  pr ae se nt ia   e t  fu tu ra .  Or, ce sens de τα π ρ ο κ ε ί μ ε ν α  

apparaî t également au IVe siècle , e t p récisément dans le langage

l i tu rg ique, se lon le témoignage de S. Jean Chrysostome. En ef fe t ,

dans son homélie  I n 2 ad Co r.,   2 ,8   (1), il donne le te xte des litanies

 po u r le s ca té ch um èn es , e t pa rm i le s de m an de s qu e le dia .cre p ro po sa it ,

on en trouve une où τα a néce ssairem ent le sens de « cir

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τα π ρ ο κ ε ίμ ε ν α π α ι ν ή μ ΐ ν ε ίς ά γ α &ό ν ε ξ ο μ ά λ ι ο ν ,

κ α τ ά τ η ν έ κ ά τ ο ν Ι δ ία ν χ ρ ε ία ν ·

τ ο ϊ ς π λ έ ο υ ι ΰ μ π λ ε υ ο ν κ τ λ .

Les t raduct ions c i tées à propos de la pr ière de la proscomidie

traduisen t ce t te proposi t ion de la manière su ivante :

« Vous donc, Seigneur, parta gez en tre nous tous, pou r notre bienet selon les besoins de chac un, les dons qu e voici; naviguez e tc. »(Me r c e x i e r  ;  p ar e il le m en t E d e l b y   e t d e   Me e s t e r  ).

«Vous donc, Maît re , par tagez-nous à tous, pour notre bonheur ,selon les besoins de chacun, ce qui vous est présenté sur cet autel.Soyez sur mer etc. » (Gh i k a ).

« O Ma ster, give o ut the se offerings to all of us for o ur good,accord ing to the needs of each one: do Thou sa i l e tc . » (R a y a ).

« Do Thou therefore, O Lord, distribute to all of us, for our own

good and according to each one’s need, the gifts that lie here beforeus. Sail w ith those etc. » (F o r d h a m ).

« Tu, du nque, o Signore, com partisci a noi tu tti per nostro benee secondo il bisogno di ciascuno, i doni qui presenti; naviga coi navigant! etc. ». (d e   Me e s t e r  , en italien).

Toutes ces t raduct ions réfèren t les mots τα π ρ ο κ ε ίμ ε ν α   aux dons

qui sont sur l ' au te l , se basant sans doute sur l ’usage f réquent dans

la Liturgie de l’expression τα π ρ ο κ ε ίμ ε ν α δ ώ ρ α .  Pour ar r iver à ce t te

t raduct ion , i l s do ivent forcer le sens du verbe έ ξ ο μ α λ ί ζ ω   qui, selon

les dictionna ires, n e signifie a utre chose qu e « aplan ir », « to smo oth

aw ay », jam ais « pa rta ge r », « dis trib ue r ».

St o r e , da ns l’ouvrage indiqué, donne une tradu ction qui respecte

le sens du verbe, renonçant à interpréter τα π ρ ο κ ε ί μ ε ν α   des dons

consacrés :

«Du also , Herr , ebne a l l unsere Anliegen nach dem Bedürfn isseeines jeden, schiffe mit den Schiffahrenden etc. ».

Les mots grecs ε ις ά γ α ϋ ό ν   n ’ont pas é té t radui ts , mais le sens;

général est excel len t . Seulement , est - i l permis de t raduire τα π ρ ο κ ε ί-

μ ε ν α   par « unsere Anliegen »?

on en t rouve une où τα π ρ ο κ ε ίμ ε ν α   a néce ssairem ent le sens de « cir

constan ces présen tes », « la vie »:

"Iva κ α τ ε υ ϋ ΰ ν η α ύ τ ο ΐ ς π ά ν τ α τ α π ρ ο κ ε ί μ ε ν α π ρ ο ς τ ό υ μ φ έ ρ ο ν .

Rem arquons le ' para l lé l isme avec la phrase de la pr ière d ’incl ina

tion. Les deux verbes utilisés, έ ξ ο μ α λ ίζ ω   e t κ α τ ε ν & ύ ν ω ,  ind iquent une

méthaphore de chemin; dans les deux cas on a joute le bu t de la de

mande par deux expressions synonymes: ε ίς ά γ α & ό ν , π ρ ο ς τ ό υ μ φ έ ρ ο ν .

 Nou s pe ns on s do nc q u ’il ne fa u t p a s h és it e r à tr a d u ir e la ph ra se

 pr op os ée , à p eu pr ès co m m e ce ci : «T oi do nc , M aî tre , ap la n is à no us

tous, pou r le b ien , le chemin p résent , se lon le beso in propre à c hacun » .

C 'est a insi que s’expl ique la ment ion des navigateurs, de ceux

qui sont en chemin e t des malades, c i rconstances spécia lement pé

r i lleuses. Autrem ent , ces thèmes devraien t ê t re considérés comme une

addition à la prière originale.Un au tre problème, que nous n’avons pas à t ra i ter ic i , pourra i t

ê t re soulevé: comment une pr ière d’un contenu si général est -e l le

devenue la bénédic t ion des f idèles avant la communion? Dans la

Liturgie de S. Basile et dans celle des Présanctifiés, la prière corres

 p o n d an te fa it cl ai re m ent al lu si on à l ’Eu ch ar is ti e .

(*) PG .  6 i, 4 0 3 .

TABLE DES MATIÈRES

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 P r é f a c e ............................................................................................... 5

Introduction. La psalmodie: ses genres..................................

  7A. Le psaume responsorial. — Autres termes pour désigner

le répons. — Quelques témoignages de s. Jean Chrysostome. — Un texte des Constitutions Apostoliques. — Deux manières d’exécuter le chant du prokeimenon. — Le prokeimenon actuel.

B. Le psaume antiphoné. — Exécution des antiphones. —Tropaire-hypacoè. — Autres termes pour désigner le tropaire.— Évolution du chant· des tropaires. — Correspondants du tropaire dans les autres rites. — Les responsoria du nocturne  romain. — Les trois antiphones.

C. Les .autres genres de psalmodie.

Chapitre I. LA SYNAPTIE ET L’ORIGINE DES TROISANTIPHONES . . . . . . . . . . . 27

Préliminaire: Déroulement actuel de cette partie de laliturgie.

§ 1. La grande synaptie.

§ 2. Les petites synapties.

§ 3. Les trois antiphones. — 1. Dans le Typicon de Sainte-Sophie (Xe siècle). — 2. Dans deux documents du XIIe siècle. — 3. Introduction progressive des antiphones dans la liturgie. Aperçu historique. Étapes du changement. Raison du ' changement.

Chapitre IL LES ANTIPHONES ORDINAIRES; LEURSREFRAINS, TROPAIRES ET PRIÈRES ...................................46

4. Les antiphones ordinaires. Le formulaire actuel. Les trois psaumes. Les refrains des antiphones. Les tropaires. Le refrain« Sauve-nous, Fils de Dieu, etc. ». Les prières des antiphones

184 T a b l e   d e s   m a t i è r e s

Ch a p it r e   III. LES ANTIPHONES SPÉCIAUX, L’OFFICEDES TYPICA ET LA PROCESSION D'EN TRÉ E . .

5. Les antiphones spéciaux. L'usage ancien. Les usages actuels. Les psaumes des antiphones spéciaux. Un jugement surl 'évolution des antiphones.

§ 4. L’office des Typica.

§ 5. L’entrée. L’usage actuel. La sortie du sanctuaire. Pard l i L iè d l’ t é L bé édi ti

1963. — 166. J. M ateos S. L, Le Ty picon de la Gra nde Ég lise, Tom e II, Lecycle des fêtps mob iles, p. 334. L. it. 6.000; Doll.. 10.— 

167. B. Schu ltze S. L, Maksim G rek als The ologe , p. 368. L. it. 5.000; Doll. 8.— 

Ί68. I. 2uzek S. I., Ko rmc aja Kniga, p. XII-328, L. it. 4,000; D oll. 6.65

1964. — 169. H. Grotz S. L, Die H aup tkirc hen des Osten s, p. XII-260. y  L. it. 3.500; Doll . 6.50

170. C. Capizzi S. I., Pa nto cra tor , pp. XII-370. L. it. 5.800; Do ll. 9.65 .

171. J. Ochagavia S. I., Visibile Patris Filius, pp. XII-208. L. it. 3.000; Doll. 5.— 

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cours de la procession. La prière de l’entrée. La bénédictionde l'entrée. L’ostension de l'évangile et le verset d'entrée. Leverset d’entrée. L’entrée au sanctuaire. L’évangile, la croix et

l’encens à la process ion. Évo lution de l’entrée de l'évêque.

Ch a p it r e   IV. LE CHANT DU TRISAGION ET LA SESSIONÀ L'ABSIDE . . .. .....................................................

1. L'usage actuel. — 2. L’introduction au trisagion. — 3. Letexte du trisagion. — 4. L’origine du trisagion. — 5. Sens trini-taire ou christologique. — 6. Les prières du trisagion. — 7. L’exécution du trisagion. — 8. Le trisagion dans la liturgie pontificale. — 9. Le tropaire baptismal. — 10. Le trisagion, chant de

 pr oc es si on . — II . La pl ac e de la sy na pt ie e t de la pr iè re dutrisagion. — 12. Le tropaire de la croix. — 13. La session àl’abside. — 14. Les acclamations. — 15. Vue d’ensemble del'évolution de l’entrée.

Ch a p it r e   V. LES L E C T U R E S ...............................................

1. L’usage actuel. — 2. La salutation initiale. — 3. La lecture prophétique. — 4. La prokeimenon. — 5. La lecture del'apôtre et le chant de l’alléluia. — 6. L'encensement de l’évangile. — 7. La prière avant l’évangile. — 8. La bénédiction dudiacre. — 9. La lecture de l’évangile. — 10. Vue d’ensemblede l’office des lectures.

Ch a p it r e   VI. LES PRIÈRES LITANIQUES APRÈS L’ÉVANGILE .................................................................................

1. L'ecténie. — 2. La prière pour les catéchumènes. — 3. La

 pr iè re de s fidè les . Co nc lus ion .

 Appendice·.  Deux problèmes de traduction dans la LiturgieByzantine de S. Jean Chrysostome ..................................

 / 

Table des m a t i è r e s ...................................................................

1965. -— 172. T, Spidlik S. L, La Do ctrine spi ritu elle de Théo pha ne le rec lus, pp . XXIV -308. L. i i. 3.500; Do ll. 6.— 

173. Win frid Cram er O. S. B., Die E ngelvo rstellung Bei Ep liräm dem S yrer,

 pp . XiX-197. L. it. 2.500 ; Do ll. 4.— 174. P. E. Gèmayel, Avant-messe maronite. Histoire et structure, p. XVI-364.

, L. it . 4.300; DolL 7w— 1966. — 175. V. Codina S. I., El aspe cto cr istolô gico en la es pirit ua lida d de

Jua n Casiano , p. XVI-204. L. it. 3.000; Doll. 5.— 

176. Ir. Ha ushe rr S. I., Hésychasme et prière , p.XII-306 ./L. it. 2.000; Doll. 3.20

177. J. Kr ajca r S. L, Ca rdinalGiulio Antönio Santoro and the Christian East pp . 220. I L. it . 1.500; Do ll. 2.50

1967. — 178. He inrich H usm ann, Die Melodien deschaldäische n Breviers Commune, pp. XII-204. L. it. 4.500; Doll. 7,30

179. C. Alonso, O. S. A., Los Mandeos y las M isiones Catolicas en la prim era m itaddel s. XVII. pp. XX-264. L. it. 4.000; Doll. 6.65

1968. — 180. Michaël Wa-vyryk, Initiatio mona stica in liturg ia byza ntina, pp.

XXIV-280-112*. L. it. 9.000; Dol l. 14.5181. I Patriarcati orientali nel primo millennio. Relazioni del Congresso tenu-tosi al Pontificio Istituto Orientale nei giorni 27-30 Dicembre 1967, pp. 226.

L. it. 3.000; Doll. 5.— 

182j J. F ricke l S. I., Die « Apop hasis Megale » in Hip poly t’s R cfutatio p. 218.I L. it. 5.500; Doll. 9.— 

1969. — 183; I. H aush err S. L, Études de s piritu alité orientale, pag. VIII-498.LT it. 3.000; D oll. 5.— 

184. C. Capizzi S. L, L’Impe rato re A nasta sio I (491-51 8),1pp. XXIV-320L. it. 5.500; Doll. 9.— 

185. M. A rranz S. I., Le Typicon du M onastère du Saint-S auveur à M essine, pp . XLIX -449 . L. it. 13.000 ; Do ll. 21,5

1970. — 186. J. Vellian., The Malabar Church, pp. VIII-312., L. it. 4.400; Do ll. 7.50

187. F. van de Pavcrd, Zur Geschichte der Messliturgie in Antiocheia und Konstantinopel gegen Ende des vierten Jahrhunderts, pp. XX-578.

L. it. 13.000; Doll. 21,5

188. J. Rius-Camps. El dinamismo trinitario en la divinizaciön de los seres ra-cionales segùn Origenes, pp. XVI-512.

L. it. 10.000; Doll. 16.— 

1971. — 189. Th. Spidlik, S«L, Saint Grégoire de Nazianze. Introduction à sadoctrine spirituelle , pp. XX-163/ L. it. 3.500; Doll. 6.50

190. P. J. Podipara, The V arlhamanappusthakam, rendered ' into English w ith,an Intr odu ctio n and Note s, pp. VIII-304. L. it._. 5.500; Doll. 9.25

191. Ju an Mateos, S. L, La célébration de la parole dans la Litu rgie B yzantine, pp. 182. L. it. 1.30 0; Do ll, 2,15

CON CIL IUM FL O HEN TIN UMDOCUMENTA ET SORIPTORES

Vol. î (Series A) -  Epislolae poni ificiae ad Concilium Floren tinum spectantes. Ed. Georgius H o f m a n n S. I. r 

Pars I.  Epislolae poni ificiae de rebus ante Concilium Florent inum g es lis (14181-1438),  pag. XVIII, 118. Romae 1940. L, it . 2.850; Doll. 4.75.

Pars II.  Epislolae poni ificiae de rebus in Concilie Floreni ino annis 1438-14-39 gestis,  pag. XX, 148. Romae 1944. L. it. 2.850; Doll. 4.75,

■ Pars III Epislolae poni ificiae de ultim is actis Concilii Floren iini

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8/10/2019 Juan Mateos - La Celebration de La Parole Dans La Liturgie Byzantine

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■ Pars I II .  Epislolae poni ificiae de ultim is actis Concilii Floren iini  annis 1440-1445 et de rebus post Concilium gestis annis 1446-1453,  pag.XVI, 180. Romae 1946. L. it. 3.780; DolL 6.30. ' .

Vol. II, fasc. I (Series B) - Ioannes d e T o r q u e m a d a O. P.,  Apparatus super  decrelum Florentinum Ünionis Graecorum.  Ed. Emmanuel C a n d a l S . I.,

 pag. LXII, 147, Roipae 1952. L. it. 3.150; Doll, 5.25.Vol. II, fase. II (Series B) - FantinUs V a l l a h e s s o , arch. Gretensis,  Libellus  

de ordine generalium conciliorum et unione Florentina.  Ed.. BeriiardusS c h u l t z e S. I., pag. LXIV, 121. Romae 1944. L. it. 3.150; Doll. 5.25.

Vol. Ill, fase. I (Series A) -  Acta Camerae Aposlolicae et civita tum Vene- iiarum, Ferrariae, Florentiae, Ianuae, de Concilio Florentine,  Ed. G.H o f m a n n S. I., pag. XXlII, 125. Romae 1950. L. it. 3.150; Dol l. '5.25.

Vol. Ill, fase. II (Series A) - Fragmenta proiocolli, diaria privata, sermones. Ed. Georgius H o f m a n n S. I,, pag. XLH, 99. Romae 1951. L, it. 3.150;Doll. 5.25.

Vol. Ill, fasc. Ill (Series A) - Orienlalium documenta minora.  Ed. GeorgiüsH o f m a n n S. I. cooperantibus Th. O ’ S h a u g h n e s s y S. I. et I. Simon S.I.,Romae 1953, 90 pag. L. it. 2.000; Doll. 3.50.

Vol. IV, fasc. I (Series B) - Andreas De Escoba r O. S. B., ep. Megarensis, Trac- talus polemico-theologicus de Graecis errdntibus.  Ed. Emmanuel Gan-d a l S. I., Romae 1952, pag. CXXVI, 112. E. it! 3.150; Doll, 5.25.

Vol. IV, fase. II (Series \B) - Ioannes d e T o r q u e m a d a O. P., Oralio synodalis de primatu.  Ed. Emmanuel G a n d a l S. I., Romae 1954, paglv LXXXIV-116,

, L. it. 4.700; Doll. 7.70. iVol. V, fasC. I-II (Series A) -  Acla graeca Concilii Floreniin i cum versione 

 Latina.  I. G i l l S. I.Pars I.  Res Ferrariae gestae,  pag. XCI, 228, Romae 1964. L. it. 5.000;

Doll. 8.50. Ed. altéra.Pars II.  Res Florentiae geslae,   pag. 256, Rdmae 1964, L. it. 4.000;

Doll. 6.50. Ed. altera.Vol. VI (Series B) - ‘Andreas d e S a n t a c r o c e , advocatus consistorialis,  Acta 

 , Lalina Concilii Floren iini.  Ed. Georgius H o f m a n n S. I.,  pag. LVI-288.Romae 1955. ,L.: it. 6.200; Doll. 10. ·  / '

Vol. VIÎ, fase. I (Series B) - B e s s a r i o n N i c a e n u s , Oralio dogmaiica de Unione.Ed. Emm. C a n d a l S. L, pag. XCI* 98. Romae 1958. L. it. 6.000; Doll. 10i

Völ. VII, fasc. 2 (Series B) - B e s s a r i o n N i c a e n u s ,  De Spir itus Sanc ii Pro- cessione.  Ed. Emm. C a n d a l S. I., pag . L-110. Romae 1961, L. it. 5,000;Doll. 8.50.

Vol. VIII, fasc. I - G e o r g i i S c i i o l a r i i , Orationes in Concilio Floreniino habitae.Ed. J. G i l l S. I. Romae 1964, pag. Χ ΙΙτ124. L. jt. ;5.500; Doll. 9.

Vol. VIII, fasc. II - Ed. L. P e t i t A. A. et G. H o f m a n n S. I.  De Purgatorio disputdtiones,  Romae 1969,.pp. 122. L, it. 5.000; Doll. 8.50.

Vol. IX, (Series B) - S i l v e s t r e S y R o p o u l o s , « Mémoires ». Ed. V. L a u r e n t ,Romae 1971. L. it. 23.500; Doll. 38.5.

Vol. X, fasc. I (Series A) - I s i d o r i K i o v i e n s i s ; Sermones inter Concilium , Florentinum conscripti.  Ed. G. H o f m a n n -E. C a n d a l S. I., pag. XIV,

128. Romae 1971, L. it. 5.500; Doll. 9,25,