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JérômeLEMANT

Questionsd'argentUnparfumderévolution

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©JérômeLEMANT,2019

ISBNnumérique:979-10-262-4310-6

Courriel:[email protected]

Internet:www.librinova.com

LeCodedelapropriétéintellectuelleinterditlescopiesoureproductionsdestinéesàuneutilisationcollective.Toutereprésentationoureproductionintégraleoupartiellefaiteparquelqueprocédéquecesoit,sansleconsentementdel’auteuroudesesayantscause,estilliciteetconstitueunecontrefaçonsanctionnéeparlesarticlesL335-2etsuivantsduCodedelapropriétéintellectuelle.

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ÀHélènemafemmeetàmes3enfantsGuillaume,BenjaminetHugo,

Pardonetmercipourtoutcetempsvolé,passésurmeslectures...

Àmesparentsainsiqu’auxnombreuxamispourleursrelectures,leursconseilsetleursencouragementsetnotamment

EmmanuelAntok,MarcSuquetetPatrickGérardin

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Introduction

Vousarrivezauxurgencesdevotrehôpitalparcequevousvomisseztripesetboyaux...etquevousaimeriezbienquecelacesse.Celaduredepuisdeuxjoursetcelaaencoreaugmentédanslajournéemotivantvotrevenueauxurgencesà22heurescarvousnevoulezpas revivreunenuit comme laprécédente.Vousrisquezd'attendre toute la nuit sur unmauvais brancard auxurgences, entouréd'ivrognes hurlant et attachés aux barrières, de mains ensanglantées,emmitouflées ou encore de vieillards déshydratés et vomissant, avant mêmed'êtrevu(etencoremoinsexaminé)paruninterneouparsonchef.Pendantcetemps-là, vos proches, de l'autre côté de la porte de la salle d'attente n'aurontaucunenouvelleàmoinsquedansl’affolementvousayezpenséàprendrevotretéléphone.

Lemédecinvousverraenfinvers7h30lematin,demanderaàuneinfirmièreoccupée ailleurs de trouver le temps de vous faire une prise de sang dont lesrésultatsmettrontuneouplusieursheures avantd'êtrevus.Lemédecinpourraconclureàunegastro-entérite.Ilpourraaussisetromper,onconsidèrel'étatd'unmédecin de garde au matin d'une garde lourde équivalent à celui d'uneintoxicationalcooliqueaiguë....

Bien sûr, si vous aviez présenté des signes de gravité (augmentation de lafréquence respiratoire, baisse de la tension, augmentation de la fréquencecardiaque,coma...),l'infirmièred'accueilseseraitassuréequevoussoyezvuensuper urgence, passant ainsi devant les patients sans signes de gravité (maisvomissant!)quiattendaientdéjàdepuisdesheures.Enfin,sivotredouleurétaitinsoutenable, vous auriez eu droit à une perfusion et un antalgique dès votrearrivée.

Voussortirezdoncdesurgencespour retournerchezvousdans lavoituredevotre conjoint(e), qui sera du coup presque aussi épuisé(e) que vous ! Vousvomirez encore une fois dans la voiture et peut-être encore deux jours.Pourquoi?

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Parcequeledirecteurgénéral(DG)duCHUneveutpasengagerdesdépensespour augmenter le nombre d'aides-soignantes, d'infirmières, dekinésithérapeutes, depsychologues, demédecinsni pour construiredes locauxneufs.Pourquoi?

Parce que l'objectif prioritaire d'un DG est de ne pas trop augmenter lesdépensesdel'hôpital...Pourquoia-t-ilcetobjectifprioritaire?

Parcequesestutellesleluidemandent,etparcequ'ilseradoncévalué(noté)sur le respectdecetobjectif.Desanotedépendrasaprochaineaffectation(unDGresteenpostequelquesannéesseulement)etaucundirecteurn'aenvied'alleràBéthune...Mais plutôt àParis ou au soleil. Pourquoi l'État lui impose-t-il cetobjectif?Parcequel'Étatveutdiminuersesdépenses(publiques)...Pourquoi?

L'objectifdecelivreestdeproposeruneautrevisionpours'opposeraudogmeactuel : « Il n'y a plus d'argent ». Mon but est de convaincre les directeursd'hôpitaux et leurs tutelles qu'il n'existe pas de « manque d'argent » et qu'ilspeuventaugmenter leursdépensesquandellespermettentunemeilleurequalitédes soins sans menacer pour autant les générations futures d'un fardeau troplourd.Pourcelaetpournepasparaîtrepourunsimpleutopiste,jemedevaisdeprésenterdesargumentssolides.Lesvoici.

La crise économique actuelle que nous pourrions (faussement) résumer par«iln'yaplusd'argent»,seressentenpremiercheztousceuxquiontperduleuremploi.

La crise altère également la qualité du service rendu au public : santé,éducation, police, justice, armée... Car les budgets sont contraints par lesdécisions d'austérité, c’est-à-dire par les décisions de limiter les dépensespubliques,aveccommeobjectifaffichédediminuer ladettepublique.Lacrisefragiliselesconditionsdetravaildetouslessalariés,lesrendantincroyablementpéniblespourcertains.Lesentrepreneursontdumalàcréerleursentreprises,lechômage est très élevé, les déficits publics aussi, l'espérance de vie en bonnesantédiminue,lenombredelaisséspourcompteesteffarant.

Nous entendons dire partout, pour ma part en conseil d'administration de

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l’hôpital,qu'iln'yaplusd'argent.L'Étatl'ajouteaussiàsonpropos.Confrontédepar mon rôle de médecin réanimateur médical, de chef du Pôle Urgences-Réanimation-Cardiologie d'un CHU, à une direction médico-économiquehospitalièrepersuadée«qu'iln'yaplusd'argent»d'uncôté,età laqualitédessoins apportée aux malades qui se dégrade faute de moyens de l'autre, j'aicommencéàlire.

Aristote (384-322), puis Petty (1623-1687), Boisguilbert (1646-1714),Cantillon (1680-1734), Quesnay (1694-1774), Smith (1723-1790), Bentham(1748-1832),Malthus(1766-1834),Say(1767-1832),Ricardo(1772-1823),Mill(1806-1873), Marx (1818-1883), Walras (1834-1910), Knapp (1842-1926),Weber(1864-1920),Mitchell-Innes(1864-1950),Fisher(1867-1947),VonMises(1881-1973), Schumpeter (1883-1950), Keynes (1883-1946), Sraffa (1898-1983),Kalecki(1899-1970),Hayek(1899-1992),Robinson(1903-1983),Lerner(1903-1982), Kaldor (1908-1986), Galbraith (1908-2006), Allais (1911-2010),Friedman (1912-2006), Samuelson (1915-2009), Minsky (1919-1996), Solow(1924), Rothbard (1926-1995), Godley (1926-2010), Aglietta (1938), Orléan(1950),Mitchell (1952),Wray(1953),Keen (1953),Lavoie (1954),maisaussiWerrebrouck,Jorion,Berruyer,Bersac,Piketty,Graeberetd'autresencore.

Ceslecturespermettentdetenterderépondreàdifférentesquestions.Lacriseéconomiqueest-elleune simpleetbanalehistoirede répartitiondes revenusetdespatrimoines?Quelestlerôledel’argent,ets’iln’yenaplus,oùa-t-ilbienpu passer ? Qui le fabrique et par quel moyen ? De quelle quantité d’argentavons-nousbesoinetquigèrecettequantité?Quelestlerôleducréditbancairedans la créationmonétaire et quelle est la responsabilité des banques dans lasurvenuedescriseséconomiquesrégulièresquenousvivonsdepuis lanuitdestemps ? Les inégalités comme les privilèges sont-ils indispensables pourpermettrelaproductionetl’emploi?Ladynamiquedel'accumulationdecapitalprivé conduit-elle inévitablement à une concentration toujours plus forte de larichesseetdupouvoirentrequelquesmains,commel'aécritMarx?Oubienlesforceséquilibrantesdelacroissance,delaconcurrenceetduprogrèstechniqueconduisent-elles spontanément à une réduction des inégalités (Piketty) ? Lafinance doit-elle être notre ennemi ou notre ami ? Quelle est l’histoire desdifférents courants de pensée économique à travers les siècles qui ont conduit

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aux politiques économiques actuelles que sont le néolibéralisme et lekeynésianisme?

À ce jour, ces deux écoles de pensée « économique » dominent. Leursfondementssontremisenquestionparlacriseéconomiquemondialeactuelleetellesnepossèdentpeut-êtrenil'unenil'autrelacléduproblème.Deuxpointsdevues'opposent.

Ladroiteincarnéeparlesnéolibérauxmetenavantlalibertéd’entreprendreetderéussir.C’est leméritequipermetàchacunderéussir.Ceméritepermetdes’enrichiretl’argentgagnévaruisselerverslesmoinsméritants,permettantainsilacréationd’emplois,derichessesverslespluspauvres,gommantlesinégalitésengendréespar la réussitedecertains.Auniveauéconomique, le raisonnementestlesuivant:lesnéolibérauxreprennentl'idéedumanqued'argentetlelientàdeuxautresproblèmesquesontlesdépensesetlesdettespubliques,d'autantplusque celles-ci pèseront lourdement sur nos enfants. La priorité est donc dediminuerlesdépensespubliquesetladettepublique.Cetteréductionrétabliralaconfianceetpermettralabaissedesimpôts,cequirelanceralacroissance.

Lagauchekeynésiennepromeutlepartagedesrichessesetlaluttecontrelesinégalitéspar lamiseenplacedes impôtsprogressifsetd’une forteprotectionsociale.Leretourdel’argentparlesimpôts,plutôtquel’empruntpublic,permetalorsàl’Étatd’investiretdecréerdesemplois.Lesnéokeynésiensretiennentdel'approchekeynésienne,l'accentmissurlanécessitédemaintenirlademande(lepouvoird'achat)àunniveausuffisantpourassurerlepleinemploi,etquandlescrises arrivent, l'État doit alors prendre le relais du privé et augmenter sondéficit,jusqu'àcequelaconfiancerevienneaveclacroissance.Iln'existeaucunepreuveaujourd'huiqueladettepubliqueseraexcessivedemain.Nousverronscequepeuventapporterlespostkeynésienscommecontributionauxraisonnementséconomiques.Quelspeuvent-êtrelesdifférentsscénarios?

ChristianGomez,économisteetdiscipledeMauriceAllaisquifutundesdeuxlauréats français du prix de la banque de Suède en sciences économiques enmémoired'AlfredNobel,écrivait:«Touslesdiscourssontpleinsd'épouvantails,

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le capitalisme, l'ultra(néo)libéralisme, les banques centrales, les affreuxbanquiers,lestraders,lesagencesdenotation...,maisiln'yapasl'ombred'uneapprocherationnelleetarticuléesurleseffetscombinésdelamondialisationetduprogrèstechnique,surlescausesdelacrisefinancièreetéconomique,surlechômage structurel.... Il n'y a que des indignés... c'est-à-dire des gens quisouffrent, certes, mais qui ont du mal à comprendre tant leurs cerveaux sontencombrés de chimères et d'interdits. La confusion idéologique est à soncomble».

Gageons que ce livre puisse aider tous les indignés...pour enfincomprendre...pourquivoter...

Ce livre aurait pu aussi s'appeler « patchwork » tellement j'ai emprunté desmotsàdesauteurscélèbresetàd'autresquilesontmoins.Jelesaitoujourscités,mais j'ai certainement oublié ci et là d'en nommer. J'ai parfois déformé leursécrits, mais le plus souvent recopié tel quel ce qu'ils exprimaient quand leurfaçon d'expliquer les choses me semblait plus claire, plus simple et pluscompréhensiblequelamienne.Àchaquefoisqu'unephrase,dansunlivreouunarticle, éclairait ma pensée, je la recopiais. Après des années de lecture, j'aivoululesretranscrire.

Jetransposeleursécritsparfoispourlégitimermonpropos,maispastantquecela. Rien ne se démontre en économie, et aucune parole, aucun écrit n'a devaleurabsolue.L'histoire,lapsychologie,l'éducation,lesmédiasnousfaçonnentchacundifféremmentdansnotreréflexionsurl'économieetlapolitique.Jesaisqu'ilsnem'envoudrontpas.Jen'airieninventéetquiserai-jepourlefaire?

J'aiparcontrebeaucoupluetréfléchipouressayerdesimplifieretderésumermeslecturessurlesdifférentscourantsdepenséeéconomique.Jesuismontésurlesépaulesdegéantspourvoirplusloinettenterdefaireunesynthèsequiàmaconnaissancenefutjamaisrédigéeainsi.Unegrandepartiedemontravailfutdefairelelienentretouslesécritsdesunsetdesautrespourconstituerunplanquisoitlisibleetcohérent.

Parmi ces auteurs, je remercie deux d'entre eux en priorité. Jean-BaptisteBersacdontlelivre«Devise,l'irrésistibleémergencedelamonnaie»estàmonsensleplusriched'enseignementsparmilesauteursmodernes;etChris06,queje ne connais que par la blogosphère, mais dont tous les commentaires ont

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inspirémesannéesdetravailsurlesujet.Deschapitresentiersdecelivresontles siens, je le souligne à chaque fois. Ce livre leur est « économiquementdédié»etungrandnombredephrasesdece livresont les leurs.JeanBaptisteavecqui je correspondais est décédé en2017.Puisse ce livre l’aider à obtenirunereconnaissancebienméritée.

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I.Lesobjectifs

EnFrance, lacriseéconomiqueactuellese traduitenpratiquesurtoutparunchômageélevé.

L'emploipourlesalairequ'ilpermet,estdoncaujourd'huil'objectifnuméro1que nous demandons au gouvernement de respecter. Comme lors de chaqueélection présidentielle, l'emploi devient ou redevient l'objectif numéro un deshommespolitiques, lapremièrepréoccupationdesFrançais.FrançoisHollandecommelesautres,annonçaiten2014qu'ilnesereprésenteraitpasen2017silechômagenebaissaitpasd'ici-là.

1.1.L'emploi

La politique économique retient quatre objectifs prioritaires que leséconomistes appellent depuis les travauxdeKaldor (1971), leCarréMagique.Lesquatreanglesdececarréreprésentent lesquatreobjectifsprincipauxd'uneéconomie saine, la croissance (stimuler la production et le revenu nationalconsidéré comme le garant d'une amélioration du bien-être des individus) ; lepleinemploi(utiliseraumieuxtouslesfacteursdeproductiondisponiblespourobtenir une baisse du chômage) ; la stabilité des prix (limiter l'inflation) etl'équilibre de la balance commerciale (équilibrer les entrées et les sorties debiens,deservices,derevenusetdecapitauxaveclerestedumonde).

L'emploiestdevenupourlapremièrefois,undesobjectifsprioritaireaudébutduXXesiècle. Il futparfoismisenbalanceaucoursde l'histoireavec la luttecontrel'inflation;l'équilibrefinancierdelabalancecommerciale;lacroissanceoularéductiondesinégalités.

L'inflationn'estplusunproblèmepourlemoment,maisgardonsàl'espritquelastabilitédesprixestun facteuressentieldumaintiendupouvoird'achatdesménages.Lastabilitédesprixestfavorableàl'emploi,carlesentrepreneurssont

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toujours plus actifs quand cette stabilité les aide à entrevoir leurs profits.L'expérience des dernières années montre que ce sont les pays dont le tauxd'inflationestleplusfaible,quiprésententunedynamiqued'investissementetdecréationd'emploisplusforte.Lastabilitédesprixestuneconditionnécessaire,mais pas suffisante pour combattre le chômage, elle contribue à la cohésionsocialeetàlastabilitépolitique.

Lacroissanceetlaréductiondesinégalitésvontdepairaveclepleinemploi(aumoins jusqu'àcequ'il soitatteint).Reste l'équilibre financierde labalancecommerciale dont nous reparlerons. Cet objectif de plein emploi fut aussidépassé en temps de guerre quand les objectifs de sécurité intérieure etextérieurelesupplantèrentassurément.

Ledroitautravailapparaîtdanslaconstitutionde1946etdanslachartedesNationsUnies.«Toutepersonneadroitautravail,aulibrechoixdesontravail,àdesconditionséquitablesetsatisfaisantesdetravailetàlaprotectioncontrelechômage.»Art.23deladéclarationdesNationsUniesde1948.

À l'échelle d'unpays, d'unÉtat commecelui de laFrance, les priorités sontdoncdemaintenirl'ordresocial,lapaixsocialeetlastabilitédesprixafinqueleséchanges de biens et services puissent se faire de façonoptimale.Et l'optimalviséenFrance,aujourd'hui,c'estdonclepleinemploi.

Les raisons de ce choix sont les suivantes : l'emploi à lui seul ou presqueassurel'ordresocial,unedistributiond'argentpar lessalaires,desrecettespourl'État par les taxes et demoindres subventions (dépenses) de la part de l'Étatpour les chômeurs par exemple.Enfin l'emploi peut aider chacun à trouver saplacedansunesociété,favorisantl'insertion.

Cepleinemploinepeutêtreobtenuquegrâceàlamultiplicationdeséchangesdebiensetservices(légumes,voitures,coiffeur,études,justice,médecine...)quinécessitentetpermettentlacréationd'emplois.Touslesemploisconsistentsoitàimaginer,soitàfabriquer,soitàvendreouacheterparunéchangecesbiensouservicescontredel'argent,qu'ilssoientindispensablesouparfoisfutiles.

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1.2.Leséchanges

L'économieest liéeaupenchantnatureldel'Hommeàréaliserdeséchanges.Cette pulsion d'échanges crée la division du travail qui elle-mêmepermet unedistributiondes tâches jugéesnécessaires à la productiondesbiens et servicespourlapopulation.

Nous sommes passés progressivement d'une économie domestique danslaquelle les échanges (alimentation, soins...) se faisaient au sein même de la«famille»sansquelamonnaiesoitindispensable,àuneéconomiedemarchésquel'onqualifiedemonétairetantlamonnaieestdevenueindispensablepourleséchanges.Lamonnaieseradansmonpropostoujourssynonymedumotargent.

Nous venons de le voir, le but recherché par l'État est l'augmentation deséchanges(synonymedecroissanceéconomique)puisquesansaugmentationdeséchanges(sinousn'échangeonsplusdebiensoudeservices,iln'yauraplusde« marchands » de biens ou de services), seul un partage du temps de travailpourrait entraîner une augmentation de l'emploi. Nous comprenons mieuxpourquoi l'histoire humaine jusqu'à nos jours nous a conduits vers cetteorganisation de vie, ce style de vie nécessitant des échanges permanents entrenoustous.Leséconomistesonttrèsvitecomprisaussil'intérêtdeséchanges.Ilsontmêmevoulufaireunesciencedecetteétudedeséchanges,delagestiondeceséchanges.Commentlesaméliorer,lesfaciliter,lesencourager?

Autantdequestionsqueleséconomistesn'ontcessédeseposer.Soutenirleséchanges pouvait s'appeler soutenir l'activité économique et bien sûr aussisoutenirlacroissance(dunombred'échanges).

Ajoutons que la croissance quand cela n'est pas précisé, correspond dans lelangagecommuncommedansceluideséconomistesdureste,àlacroissanceduproduit intérieurbrut (PIB)quenouspouvonsconsidérer comme lacroissanceoul'augmentationdeséchangesdebiensetservices.

Pourquoi entendons-nous tant parler de cette croissance ? Pourquoi tous lespolitiqueslarecherchent,parfoisaveclesdents?

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Pourdiversesraisons,qu'ilconvientd'entendre:

• la croissanceest considérée (à tortouà raison)commeun signedebonnesantééconomique;

•lacroissanceétantcelledeséchanges,ellepermetdesoutenirl’emploi;

•silacroissanceaugmente,c'est-à-direquelePIBaugmente,alorslerapportDette/PIBdiminue.Etc'estcerapportquiintéresselesautoritésfinancières.Àtort,seloncertainspourqui,étudier lerapportd'unflux(lePIB)surunstock (la dette) ne semble pas logique. Les traités européens ont fixé cerapportà60%maximum(bienqu'ilsoitenvironde90%enEurope…);

• la croissance, c’est-à-dire l'augmentation des échanges amène des revenusfiscauxpourl'État.

Ledébat qui existe sur la croissance oumême la décroissance est celui desconséquencesclimatiqueseténergétiquesdeséchangesentrepris.Leséchangesdesbiensouservicesdontlafabricationauraitcommeconséquencesdepolluerla planète ou d'épuiser ses ressources non renouvelables sont à proscrire aumaximum. Il existe toute une sphère d'échanges de biens et services utiles etdisponibles dans ce qu'il est communde nommer la transition énergétique.Lasantéestunautreexempled'échangesinfinis,l'éducationaussi...

Nous privilégions les actions qui permettent d'avoir plus d'argent sans faireattention à la manière dont nous gérons les ressources épuisables, alors quel'argent lui, n'est pas épuisable !Nous ne pourrons plus, nous ne devons plusfairepasserleprofitavantl’environnement.Leprofit...d'argent,argentquenouspouvons fabriquer si facilement, sous certaines contraintes mais nonpolluantes...C'est le coût énergétique et climatique des échanges qu'il fautbaisser, puisque celui-ci ne pourra suivre indéfiniment la croissancedémographique sansmettre en péril le climat de la planète.Mais personne neveutfreinerlacroissancedeséchangesdeservices.

L'objectifnuméro1finalement,devientalors:augmenterleséchangesjusqu'àdiminutionduchômage.

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Pour réaliser un échange, il faut une offre de biens et services ainsi qu'unedemande de cesmêmes biens et services. Pour augmenter ces échanges, nousdevonsdoncaméliorerl'offreetlademandedecesbiensouservices.

L'offredebienset servicesprovientessentiellementdesentreprises,moteursauseindelasociétéencequiconcernel'innovation,larecherche,lacréativitéetdoncd'emploi.Aiderlesentreprisesàproduire,àoffrir,c’est-à-direréaliserunepolitiquedel'offre,nécessitede:

•rendrelamaind'œuvredisponible;

•rendreletravailplusflexiblepourlicencierplusfacilementafindepouvoirembaucherplusfacilement;

•diminuerlesalairedesemployés;

•diminuerlesimpôtssurlesbénéficesdecesentreprises;

•diminuerlescotisationssocialespatronales;

•donnerouprêterdel'argentauxentreprises;

•diminuerleprixdesmatièrespremières.

La demande de biens et services quant à elle, dépend de la volonté descitoyensd'acheterdesproduits,d'investiretbiensûrlademandedépendaussidela quantité d'argent, des moyens financiers dont les citoyens disposent. Pourfavoriser la demande, c’est-à-dire réaliser une politique de la demande, ilconviendrait:

• d'assurer des salaires confortables, permettant d'augmenter les moyensfinanciersdelademande;

•d'assurerquel'ambiancesocio-économiquenenouspoussepasàconserverbien au chaud le peu d'argent que nous avons au cas où...mais bien à le

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dépenser. Il s'agit de convaincre les ménages de ne pas thésauriser parcraintedel'avenir;

•dediminuerlesimpôtsdesménages.

• de baisser les taux d'intérêt des banques pour encourager les empruntsbancaires.

Certainesdecesconditions jouentsur l'offresans intervenirsur lademande,comme lessubventionspubliques, sinousestimonsqu'ellesnese fontpasauxdépensd'autressecteurs.

D'autres accentuent l'une aux dépens de l'autre, comme la variation dessalaires par exemple, qui favorise la demande si les salaires augmentent,maisdiminuel'offredesentreprisesquiontducoupmoinsàoffrir,carl'augmentationdessalairespourraitlesempêcherd'embaucherpluspourproduireplus.

Pourquoirecherchons-nousunéquilibreentre l'offreet lademandedesbiensetdesservices?

C'est surtout la stabilité de cet équilibre et celle des prix qui est importanteafinquelesentreprisespuissentprévoir,anticiperlademandeetajusterleuroffreàcelle-cisanscraintequel'argentqu'ellesontprévuderecevoiràlavente(pourleremboursementdesinvestissementsetlesprofitsenvisagés)nesoitréévaluéàla baisse en cas d'inflation. Ainsi les entreprises assurées de pouvoir réaliserleursprojetspourrontcréerdesemplois.

Qu'estcequipermetl'équilibreentrel'offreetlademandedelaproductionetaufinaldesprix?

Quelestlerôleoul'influencedel'argent?Quellessontlesconséquencesdelaprésencede l’argent, de sa quantité, de sa qualité (nous verrons cela avec sontauxdechange),desoncoût(tauxd'intérêt)oudesavitessedecirculation?

C'esttoutel'histoiredecesquestionsquejetentederésumerici.Ducontrôle,parl'Étatcommuniste,delaproductionplanifiée,delamonnaieetdesprixd'un

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côté, aux marchés concurrentiels et à la finance dérégularisée de traditionnéoclassiquedel'autre,oùlemécanismed'équilibrages'opèreàtraverslesprixrelatifs (le prix d'un bien par rapport à un autre), par la loi de l'offre et de lademande,leconsensuséconomiquen'estpastrouvé.

L'augmentationdesmoyensfinanciersdelademandeaméliore…lademande,maisquelrôlejouecetteaugmentationdesmoyensfinanciersdelademandesurl'offre ?L'augmentationde laquantitéd'argentdoit-elle toujours faire craindreunehaussedesprixquiannuleraitsesbienfaitssurlademande?

L'argent permet la production, mais la relation entre la quantité d'argentinvestieetlaproductionréaliséeetsurtoutéchangéen'estpasdirecte.L'équilibredépendsurtoutduniveaudel'offre.Sitouslesmoyensdeproductionnesontpasemployés, l'augmentation des moyens financiers, c’est-à-dire de la demanden'entraîne pas systématiquement de hausse des prix. La masse monétaire n’aaucune incidence sur les prix dès lors que l’offre nouvelle (réalisée par lesmoyensdeproductions,leschômeursetl'argent,nonemployésjusque-là)fournitla nouvelle demande, c'est-à-dire une demande non utilisée jusque-là maispermiseparl'augmentationdesmoyensfinanciers.

Parcontre,sil'offrenepeutpasrépondreàl'augmentationmonétaireetàunedemandeaccrue,l'inflationpeutapparaîtreaveccommeconséquences:

•labaissedupouvoird'achatdesconsommateurs,quiconduitàunebaissedelaconsommationetdelademandeetdoncàunebaissedelaproductionetdelacroissance;

•fauted'untauxd'inflationmaîtrisé,lesentreprisesmanquentdevisibilitésurlelongtermeetreportentleursprojetsd'investissement;

• les épargnants ayant effectué des placements à taux fixe (non indexés surl'inflation)et lesemprunteursayant souscritdesprêtsà tauxvariable sontpénalisés.

Les prix sont supposés refléter la rareté et équilibrer l'offre et la demande.

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C'est la théorie actuelle de « L'équilibre général », qui dans son principe,n'admettrait lesdéséquilibresqu'encourtepériode,car la flexibilitéde tous lesprix se chargede ramener l'équilibre à long terme.L’économie seraitdotéedemécanismesauto-régulateurs.Maiscommetoutlemondeapuleconstateravecles récentes bulles du marché des actions et de l'immobilier (amplifiées parl'augmentation des prêts contre collatéral, notre maison hypothéquée parexemple), les prix en hausse dans lesmarchés financiers, où nous aurions pupenserquelaloidel'offreetdelademandes'appliquerait,peuventgénérerdesquantités demandées accrues, et non pas réduites. Michel Aglietta explique :«Danslecadredumarchéordinaire,encasdehausse importanteduprixd'unbien,nousassistonsàunediminutionde lademandeetàuneaugmentationdel'offre, cequi créeunnouvel équilibre.Aucontraire, dans le cadred'un créditcontrecollatéral,lagarantiereposesurl'anticipationdelahaussedelavaleurdubien, qui sera saisi en cas de faillite du débiteur. Nous n'avons donc pas às'intéresserauxrevenusdudébiteurparrapportaumontantdesadette,sinousanticiponslapoursuitedelahausseduprixdel'actiffinancéparlecrédit.(…)La demande de crédit ne peut dès lors qu'augmenter avec le prix, au lieu debaisser. En effet, la bulle financière permettant de réaliser l'anticipation, si labulle est appelée à durer indéfiniment, la valorisation s'accroît avec elle : lademande de crédit augmente puisqu'elle finance l'anticipation. L'offreur fait lemême raisonnement, espérant, en cas de difficultés du débiteur, revendre avecprofit le collatéral.Dansune telle logique, l'offre et lademande sont corréléesdans le même sens, si bien que le taux d'intérêt ne peut plus équilibrer lemarché».

Nous le savionsdepuis lacontroversedesdeuxCambridgedesannées1960entreclassiquesetnéoricardiens.Lesplussophistiquésmodèlesmathématiquesd'équilibre général des classiques ne peuvent démontrer l'accomplissement del'équilibre de l'offre et de la demande par les changements de prix (ni dessalaires),cequisignifiequeleschangementsdeprixnepeuventpasengénéralremettrelademandeenphaseavecl'offre.(MarcLavoie)

«Dès que l’on admet que c’est l’incertitude des anticipations qui guide lescomportementséconomiques,l’équilibreperdsapertinenceetl’histoireprendsaplace».(Robinson,1974).

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Pourautant,silebutchoisiparl'Étatestdecréerunesociétéconfianteenelle-mêmeeten l'avenir,dans laquelle leséchangesdebiensetservicespermettentunesatisfactiondesdésirsindividuelsetcollectifsdontlepleinemploi,alorsilnousfaudraseconcentrersurl'équilibreentrel'offreetlademandedecesbiensetservices.

Toutes les crises économiques sont synonymes de perte d'emploi et dechômage. Elles sont forcément liées à un problème entre les moyens deproductiondel'offredebiensetservicesetlesmoyensfinanciersdelademandedecesbiensetservices.

Unchocsurl'offre(unechutebrutaledel'offre)peutêtreliéàunecatastrophenaturelle ou non, ou à des décisions politiques, qui détruisent les moyens del'offredelaproduction(leshommes,lesinfrastructuresetlesmachines...).

Un choc sur la demande tient surtout au climat social, économique etpolitique.

Chaque actionqui influenégativement sur l'offre ou la demanded'échangesest une cause en soit de baisse de croissance et donc d'augmentation duchômage.Certains sontconvaincusdevant lacrisequ'il faut surtoutprivilégierl'offre,d'autressurtoutlademande.

Toutes les conditions qui permettent de favoriser l'offre ou la demande onttoutesunrapportavecl'argent.L'argentestàcejourindispensablepourréaliserleséchangesquientraînentl'emploi.

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II.L'argent

Si nous tentions rapidement de citer les principaux problèmes (sans ordred'importance) à traiter en France, nous trouverions aussitôt, l'agriculture, lesactionnaires, lemodèle de l'Allemagne, la banque centrale européenne (BCE),lesbanques,lesbulles,lechômage,lecapitalisme,laculture,laconstituante,leclimat,ladette,lesconditionsdetravail,ledéficitextérieur,ledéficitpublic,lesdépensespubliques,ladéfense,ladéflation,ladévaluation,l'éducation,l'énergie,le dollar, l'emploi, l'euro, l'Europe, l'épargne, la finance, la fiscalité, lefinancementdel'État,laGrèce,lesguerres,noshommespolitiques,l'immobilier,les inégalités, l'inflation, l'industrie, les relations internationales, la justice, lecash,lelibre-échange,lemanqued'argent,l'offreetlademande,lapauvreté,lesparadis fiscaux, laplanète, lesproduitsdérivés, lesprix, leprotectionnisme, laregulatorycapture,larégulationfinancière,lesressourcesnaturelles,leracisme,les retraites, la recherche, la sécurité, la spéculation, les salaires, le SMI, leSMIC,lesport,lasanté,lestauxd'intérêt,lestauxdechange...

Lesproblèmesprincipauxàl'échelledelaplanètedontnoussouffronssontlapauvreté, le chômage, la faim, la maladie, l'accès à l'éducation, le climat, lesconditionsdetravail,l'insécuritéetladettepublique(etbiensûrprivée).

Touscesproblèmescitésontunrapportavecl'argent.Sicederniern'étaitpasun souci, tous les exemples cités pourraient à défaut d'être immédiatementrésolus (il faut aussi de l'imagination, du travail, du talent...), être en voie del'être.

Leproblèmegénéral, lacausedescausesest liéeà l'argent,etpeutêtreplusprécisément au rapport que nous avons avec cet argent, lié lui-même à laconceptionquenousnousenfaisons.

Nous ne pouvons faire abstraction de la psychologie, de la philosophie, del'histoire,de l'ethnologie,de la sociologie,de lagéographie,de l'anthropologiequand nous parlons de monnaie ou d'argent. Voir le problème de l'argent

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uniquementàtraversleprismedel'économieseraitaussiuneerreurtoutcommepenserquelamonnaieestlasolutionauxproblèmesd'inégalités,demensonges,de corruptions, d'escroqueries etc. Imaginer qu'en bidouillant des chiffres dansdesordinateurs,nousallonspouvoir réglerquoiquecesoitet fairepousserdescarottespour tout lemondemeparaîtmêmeunpeunaïfécrivaitun internauteanonyme.

Maisparlerde financement faitbien sûr immédiatement intervenir lanotiondemonnaie,d'argent.L'argentquireprésentedansnossystèmeséconomiqueslecarburantnécessairepourque le système fonctionne,pourque leséchanges sefassentetlepleinemploiavec.

Pourquoi certains encouragent sa distribution quand d'autres pensent à larestreindre?Quereprésentecettemonnaiequidéchirelesavis, lescourantsdepenséedesdifférentesécoleséconomiques?Qu'est-cequel'argent?D'oùvient-il?Quilefabrique?Comment?Oùva-t-il?Quefait-il?Quicontrôle?

2.1.Définitionetrôle

La lecture de la littérature économique sur lamonnaie, est assez étonnante.Nous y apprenons qu'il n'existe pas de consensus ni parmi les économistes nichez les autres sur la définition de la monnaie, de l'argent. Les pièces demonnaies,lesbillets,leschèques,lescomptesenbanques,lescréditsbancaires,lesactions,lesbonsduTrésor,lesobligations,lesdifférentstitres,l'or...Sont-ilstousdelamonnaie?

Tenter de définir la monnaie évoque à la fois des modalités comptables etfinancièresd'uncôtéetdes ressortspsychologiqueset sociologiquesde l'autre.Son origine reste floue, et pour cause, il exista probablement dans des tempspour lesquels nous n'avons aucune trace. L'argent est un des liens qui nousserventàvivreensemble,danslemodedeviequenousavons,nousleshumains,«choisi»,cemodeparticulierdedivisiondutravail.

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Lesproductionsdesbiensetdesservicespeuventêtreréaliséesparleprivéoupar l'État, là n'est pas le problème, le pays pourrait décider, aumieux par desassemblées constituantes, quelles activités seraient confiées à l'un ou à l'autre.Toujoursest-ilqu'enfacedecesservicesproduits, il fautdisposerdemonnaie,c’est-à-dire d'argent pour les échanger. Cet argent, si nous voulons l'utilisercommemoyend'organisernoséchanges,ilfautbienaudépartquequelqu'unlefabrique, lecrée.C'estde l'huiledans les rouagesdenotreéconomie,denotreorganisation au fil du temps (toi tu enseignes, lui il soigne,moi je cultive...),faite d'échanges multiples que nous appelons « division du travail » ou destâches.Cesontleséchangesquinousdifférencientdesanimaux,«onn'ajamaisvuunchienéchangersonoscontreautrechose»(AdamSmith).

Le travailquiamènedenouvellesrichesses(téléphones,pétrole,services ...)permetcertesàceluiqui lesvenddegagnerde l'argentquivientde l'acheteur,maisnecréepasensoidel'argent.Non,ilfautavoirfabriquédel'argentunjourpourpouvoirfabriquerd'unepartetacheterd'autrepart(échanger)cesrichesses.

Beaucoupconfondentces«richesses»crééesparletravailavecl'argent.Letravail créedes richessesquipermettentdegagnerde l'argent, si celui-ci aétéfabriquéauparavantparquelqu'un(oualorsc'estunepromessedepayer),maisce n'est pas le travail ni les richesses créées qui « fabriquent » ou quientraîneraient de facto l'apparition de l'argent. Sans argent fabriqué, sansdécisionouautorisationdequelqu'undelefabriquer,dumoinsdelecréersousuneformevirtuelle(cetargentabienétéfabriquéunjour!),lesrichessescrééesnevalentrienpuisqueprivéesdumoyendeleséchanger(oualorsnousrevenonsautroc).

Créerdesrichessesdansunpays,ausensoùcertainsl'entendent,n'enrichitpascepaysdirectement.Ces richesses « autorisent », oudonnent la possibilité aupays de fabriquer de l'argent (selon le système qu'il a choisi) au prorata desrichesses produites à vendre afin de créer des emplois (dans la production, lavente,l'achatdesbiensetservices).

Les réflexionsdesunsetdesautresontpermisde trouverau finalplusieursrôles à l'argent. C'est un lien social, unmoyen d'échange plus pratique que letroc, une réserve de valeur ou une valeur de réserve, une unité de compte, unmoyendecréerdesmarchésparlesimpôtsparexemple,unmoyend'obtenirdes

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services, une convention qui facilite la vie économique, une présence, uneinformation, une information relative à sa présence (Paul Jorion), un pouvoir.Nous pourrions bien vivre sans, mais il faudrait bien sûr repenser certaineschoses....

Maisdèssonorigine,lamonnaieestcedontleprixnevariepas.Àpremièrevue,l'idéesemblegéniale:impossibledesetrompersurlavaleurdelachose:1euro,c'est1euro.C'est tellementmieuxquederéfléchiràunprixdanscequel'autre peut troquer, chacun ayant des choses différentes à troquer, et chacunn'ayantpasforcémentcequenousdésironsàcemomentobtenir,nicequenouspensonspouvoirfacilementtroquerànouveauavecuntiers.

Pourtantcette«simplicitéinitiale»recèledesdifficultésredoutables.Commenousleverrons,lesluttesidéologiqueslesplusâpresfurentmenéespoursavoirsi cette facilité est bonne et comment l'utiliser, des gouvernements entiers s'yperdirent, des régimes en furent effacés, des civilisations menacèrent dedisparaître(Bersac).

2.2.Sonorigineetsonhistoire

2.2.1L'originedel'argentsousdeuxformes,virtuelleetphysique

Nouspourronspeut-êtreunjournouspasserd'argent,maispourlemomentetdepuislanuitdestemps,«lamonnaien'ajamaisétéinventée,cen'estpasunechose, c'est une façon de comparer les choses mathématiquement,proportionnellement,dedireque1deXéquivautà6deY.Elleestprobablementaussianciennequelapenséehumaine».(Graeber).

Dansl'histoire,l'argentapuprendremilledifférentesformes,parfoisvirtuelle,une « ardoise » virtuelle laissée dans une taverne pourra être payée à laprochainemoissonenorgeouentoutcequevousvoulez;parfoisphysique,lesel enAbyssinie, les coquillages sur la côtede l'Inde, lamorue sècheàTerre-Neuve, le tabac en Virginie, le sucre en Inde occidentale, le fer à Sparte, le

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cuivredanslaRomeantique.Lamonnaies'estengénéralincarnéedanslebienleplusprécieuxdelasociété,celuiquiétaitalorsoffertauxDieux,lebœufdanslaGrèceAntique,l'argentetl'oraprès(Graeber).

Silamonnaienaîtaveclapenséehumaine,sespremièresreprésentationsquenous avons retrouvées évoquent laMésopotamie au IVemillénaire avant J.C.Dèsquenousretrouvons lespremières tracesd'écriture,nousdécouvronsalorsenmêmetempscestablettesquienregistrentdescréditsetdesdébits,desrationsdistribuées par les temples, des fermages dus pour la location des terres dutemple, chacune de ces valeurs est spécifiée très exactement en grains et enargentmétal.

La monnaie même virtuelle permet de comparer, mesurer (la valeur, lamoralité parfois), dédommager (des crimes, des guerres, des offenses, desaccidents,desdélits...),échangerfacilement(desesclaves,desmarchandises,desservices),rembourserlesdettes,officialiserlesrachats,

C'est l'âge des premiers empires agraires (3500-800 av. JC), lamonnaie estunemonnaievirtuelledecrédit,lesmétauxsontdanslestemplesoumonastères.

L'apparitiondespiècesdemonnaieestbienplustardive(800av.JC-600aprèsJC).Lamonnaieestmétallique,enmêmetempsenLydieavecPythagore(570-495av.JC),enIndeavecBouddha(563-483)etenChineavecConfucius(551-479).Lesmétauxsortentdestemples,pillés.Ilssonttaillésenpièces,peut-êtrepourpayerlessoldats?(Graeber)

Toujoursest-ilque lamonnaie futprobablementdoncd'abordvirtuelle,puisphysiquepourensuitecohabitersouscesdeuxformes,enproportionsdifférentesselon les époques. La monnaie est virtuelle au départ peut-être parce qu'ellen'existepas(encore)physiquement.C’est-à-direquepersonneencoren'asongéàla représenter par quelque chose de physique. C'est une façon de penser, demesurer,decomparer.Nousnepouvonspastoucheruneuro,pasplusqu'unlitreouunmètrecube...

Lamonnaiedevientpourtantenpartiephysiqueetaufinalmétalliquepourdesraisonspratiques.Lamonnaievirtuellequantàelleestunepromessedepayer,

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c’est-à-dired'échangercettemonnaieavecunbienouunservice.Maislemétalesttransportable,internationalementreconnu,nes'usequetrèslentement,libèredelamonnaievirtuelle,surtoutsivousêtesuncommerçantétrangerquirepartauloinetquirisquedenejamaisrevoircettemonnaievirtuelleetleplussouventlocale.

Lamonnaien'estqu'enpartiemétalliqueseulement,carlepeudequantitédemétaldisponiblerisquedecontraindrelasommetotaledemonnaienécessaireàla croissance (des échanges et donc de l'emploi). Il est donc nécessaire defabriquer de l'argent sous forme virtuelle en plus de celui déjà existantphysiquement.

AuMoyen-Age(600-1450), lamonnaieexistesoussesdeuxformes,surtoutvirtuelleetdecrédit.L'orestretournédansleslieuxdeculte.

Lamonnaie,et touteslespenséesquivontavec,nesontpasencoreaucœurdesréflexionspolitiques,mêmesilesphilosophesetlessavantsarabesontdéjàbeaucoupréfléchiàcesquestions.

Aux premiers temps de la monarchie capétienne, le roi est seulement lepremier des nobles. Comme les autres barons du royaume, il vit des droitsseigneuriauxetdesproduitsqu'iltiredesesdomainespersonnelsdontilahéritéouqu'ilagagnéàlaguerre.Leroisecontentedesrevenusdesesdomainespoursubsisteretentretenirsacour.Sonautoritédécouledel'ordreféodal.Touteslesmonnaiessont locales,baronaleset le roi respecte lesprivilègesmonétairesdesesvassaux.Pourlaguerre, ilconvoquelebanet l'arrière-ban:sesvassauxsemettent à sa disposition pendant quarante jours avec leurs pages et leurschevaliers.Leroin'adoncquedesressourcesetdesbesoinsmodestes.Commeles seigneurs, il peut aussi prélever des péages ou des taxes sur l'usage de« banalités » (fours, moulins...). Pas d'impôts ni de taxes, si ce n'est descontributions exceptionnelles que l'on réclame aux bourgeois ou à l’Église enfaisantvaloir l'urgencedumomentet l'intérêtgénéral,maisselonune traditionqui remonte à l'Antiquité romaine, il était inconcevabled’imposerune taxedequelquetypequecesoitsurlesrevenusdespropriétaires...(MarcFourny).

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L'idée de l'Église est celle de Thomas d'Aquin, la monnaie est faite pourl'utilitédelacommunauté.NicoleOresme(1320-1382)affirme:«LePrinceestlerégulateuretnonlepropriétairedelamonnaie.EsttyranetnonPrinceceluiquitireungaindelamonnaie»”.

Nousretrouvons l'idéescolastiquede lamonnaiecommebien communquinedoitpasêtreaccumuléeparunindividuetquinepeutrapporterintérêt.Cetteidée de monnaie comme « bien social » ne devant pas être accumuléeindividuellement sera reprise plus tard par Quesnay. Turgot s'y opposeracomplètementendéveloppantl'accumulationindividuelledelamonnaiecommenon seulement possible, rentable, mais surtout bénéfique pour la société. (LeHéron)

2.2.2.LeprinceetlepolitiqueremplacentlesDieux,l'impôtremplacelessacrifices

LanaissancedesÉtats-nationssefaitaveclapriseenmaindelagestiondelamonnaie par l'État lui-même. La montée de l'économie et de la monnaiemétalliqueestaussicelledelagrandeaventureétatique.Lepolitiquequi,danscetypedemonde,prendlaplacedesDieux,bénéficiedustatutdecesderniersetaccapare leur position de créancier infini : l'impôt se substitue, au moinspartiellement, aux sacrifices envers les divinités. Il y a même parfoisconcurrenceoucomplémentarité,etPériclèsracontaitqu'ilfallait(nécessitédelaguerre oblige) prélever sur les offrandes et objets sacrés de Délos de quoifinancerlesarmées.

Les«entrepreneurspolitiques»sontainsi,commelesDieux,descréanciers,et les modes de remboursement restent diversifiés : dette de vie, esclavage,dépendancesdiverses, impôtennature,maisaussiimpôtmonétaire.Etpluslesprélèvementssontliquidesetplusleur«pouvoird'achat»estgrand,notammentvis-à-visd'étrangers,individussimplesmercenaires,voirepuissancespolitiquesétrangères,connaissantlamêmeaventure.

Lemétal précieuxdoit donc logiquement devenir « équivalent général », sesubstituant progressivement à nombre d'autres formes de prélèvements. Lesprinces deviennent ainsi les personnages centraux d'une circulation monétaireplusmoderne, celle qui initie l'âge économique de l'humanité.Battremonnaie

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devientunattributdelasouveraineté.Maisenmêmetempslavocationdumétalestd'êtredissimuléetthésaurisé:laguerrepeutsemanifesteràchaqueinstantetlepotentielderécessiondumétalestainsirécurrent.C’est-à-direquesiunpaysne possède pas assez de métal, sa production économique sera freinée. Lacentralité monétaire est donc fondamentale. Les princes doivent y veiller,empêchersipossiblel'exportationdumétal(qui,parexemple,vasaignerRomeet contribuer à son effondrement) et surtout se construire un monopole de lafrappe : les hôtels desmonnaies. Pendant des siècles, les rois, les princes, lescantons et les villes payent une partie de leurs dépenses avec les pièces demonnaie qu'ils ont eux-mêmes battues. Ils profitent du bénéfice de la créationmonétaire (terme technique : seigneuriage), à savoir de la différence entre lavaleurfacialedelamonnaieetlecoûtdesaproduction.

La sélection du métal est aussi un fardeau pour le prince. D'un côté elleaffirme sa puissance et son pouvoir de prédation sur les sujets endettés ; del'autre, il faut en réguler le flux si l'on ne veut pas faire face à une pénurie,source de récession ou, à l'inverse, risquer la méfiance résultant d'unesurabondance(Jean-ClaudeWerrebrouck).

Le temps des dettes royales commence au XIIIe siècle en France : l'Étatemprunte, s'endette et augmente les impôts avec Saint Louis (1226-1270),traditionnellementconnupourêtrelepremierroidel'endettement,desimpôtsetdestaxes.

Il fut suivi, parmi les grands rois emprunteurs, par Philippe le Bel (1285-1314),quiadoptecommeautressolutionsd'écornerlamonnaie(équivalentàunedévaluation), de rançonner et pratiquer l'extorsion des biens de banquierslombards,desfinanciersjuifsetdesTempliers(1307)pourrécupérerunepartiedesesbiensetcomblerledéficitduTrésorpourplusieursannées.LouisXIVenfera de même en 1661 avec Fouquet lui confisquant ses biens, alors que lesbesoinsduroyaumenecessaientd'augmenter(Fourny).

Laconjonctiond'unepénuriedemétalparépuisementoupertedecontrôledemines,conjuguéeàdesrésistancescroissantesdessujets,peutamenerleprinceà« tricher»auniveaudeshôtelsdesmonnaies.Ainsi, enFrance lemandementroyal de 1358 affirme sans pudeur que l'on doit préférer la monétisation (la

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fabricationdenouvellespiècesparleshôtelsdemonnaie)àl'impôtetqueleroidoitmobiliserlesrentesqu'iltiredelafrappe.Etsilessujetss'avisentdecettepolitiquededilution (fabriquerdesnouvellespièces entraîneunedépréciation,c’est-à-direunediminutiondelavaleurdespiècesexistantes),leprincedisposed'autresexpédients,parexemplel'obligationderenouvellementplusrapidedelafrappedesmonnaiesanciennes,ou l'émissiond'unenouvellemonnaie,voire lasimpleventedeshôtelsdesmonnaieslesquelsdeviennentdeschargespubliquespourunebourgeoisiefinancièreenvoiedeconstitution(Werrebrouck).

L'impôtpermanentapparaîtenFrancele2novembre1439souslaformed'uneordonnance promulguée à Orléans par Charles VII et destinée à financer unearméeroyalepermanente.

2.2.3Lafindumonopoledel'Étatsurlamonnaie,Del'Étatcréancieràl'Étatdébiteur...

Après1492,lesempiresreviennentetaveceuxlesdevisesenoretenargent.

Lamonopolisationde la créationde l'argent par ce qui est le secteur publicnaissant, ne peut être parfaite et des agents issus de ce qui est déjà le secteurprivépourront,euxaussi,avoiraccèsaumétal.Ilsferontnaîtredesinstitutionsnouvelles appelées banques et feront ainsi émerger un pouvoir financierconcurrentdupouvoirpolitique.

L'histoire du renversement partiel de la dette publique pour en arriver à saforme moderne est celle d'un basculement du pouvoir : l'entrepreneuriatpolitiqueétantamenéàcéderprogressivementcertainesdesesprérogativesdepuissancepubliqueausecteurprivé.

Lapertedumonopoleserad'autantplusgrave,quelesprincesenconcurrencepolitiqueentreeux,n'ontleplussouventquelaguerrepourlaréguler.Lecoûtderégulation dépassant souvent le propre pouvoir de création de monnaies'additionnant aux prélèvements classiques, il faudra que les Étatscorrespondantsempruntent auprèsdu secteurprivé.Nousavons là ledébutdu

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renversementdeladettepublique,avecdesÉtatsdevenusdébiteursalorsqu'ilssont, historiquement et donc presque génétiquement, d'essence créancière(Werrebrouck).

Lespremières«obligations»delavilledeParis(lesrentesdel'Hôteldeville)apparaissenten1522.Cesont lespremièresrentesperpétuelles.Cet instrumentavaitétéchoisipourcontournerl'interdictiondel'usurefaiteauxcatholiquesparla papauté. Le renoncement au capital du créancier permettait de rendrereligieusementacceptablecettemesure.LeXIXesiècleseraplustardl'âged'ordela«rente».

C'est alors le placement le plus recherché par la bourgeoisie triomphante.Quiconqueàuncapitalleplaceenrenteetl'onnemesureplussafortunequ'enregardant lessommesquel'ondétientenrenteà5%,autrementditnonpaslecapitalplacé,maislesintérêtsversésparl'Étatetàvie.

Balzacintroduitsouventsespersonnagesenindiquantqu'ilsontcentoudeuxcentmille francs « de rentes », autrement dit qu'ils reçoivent cette somme enintérêtdel'Étatchaqueannée(RomaricGodin,LaTribune).

Le rôle de l'État est alors d'assurer pour la bourgeoisie et les rentiers, laliquidité de la dette publique, c’est-à-dire un déficit public pas trop importantpour éviter la banqueroute, pas trop faible pour maintenir la dette publiquecommeunerente...Ledéficitestdoncdemandéparlemarché!!!

L'Étatpeutaussitenterderéaliserdebeauxmariages.FrançoisIermariesonFils Henri II à Catherine deMédicis en 1533 et récupère ainsi 100 000 écusd'argentet28000enbijouxpourremplirlescoffresroyaux.HenriIVsemarieen1600 avecune lointaine cousinedeCatherinedeMédicis et empoche ainsiunesommede600000écusd'ordontlamoitiépourrembourserlesbanques...Médicis...

Lesdéfautsdepaiement (Edouard IIIcréeainsi les faillitesdesbanquesdesfamillesPeruzzien1343etBardien1345)sontuneautrepossibilitépourl'Étatde« rembourser», et laFranceenprésenteàhuit reprisesentre leXVIeet leXVIIIesiècle(dont4pourLouisXIV).

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LepremiervéritableempruntpublicestlancéparFrançoisIeren1535,sousformed'unerenteperpétuelle.

En1561,lesfinancesroyalessontdansunesituationcritique,avec43millionsdelivresdedéficit.Leclergédoitassisterlepouvoirroyalpourl'amortissementdeladetteroyale.

Lapratiquedel'Étatdefinancerleremboursementdecettedetteparcréationmonétaire (émission de monnaie, typiquement en réduisant le poids de métalprécieuxdanslesmonnaiesdemêmevaleurfaciale,pourfabriquerdenouvellespièces)asouventamenélapopulationàdouterdelavaleurdespiècesémisesetàthésauriserlesmétauxprécieux.

Faceà lapénuriedemétal, leprinceseraprogressivementamenéàaccepterque le secteur privé émette de la monnaie qu'il va être obligé de garantir enpromettantlaconversiondecettemonnaieenmonnaiequelui-mêmeémetparsapropre banque, laquelle deviendra un jour Banque centrale. Concrètement lesbanques vont émettre de la monnaie, au-delà de la réserve métallique et lespapierscorrespondantsserontparfaitementconvertiblesdanslamonnaiedéfiniepar leprince.LaBanqueCentrale classique estnée (XIXe siècle) et se trouvedéjàêtreàl'interfaceentrelesentrepreneurspolitiques(leprince)etlafinance.Ellefacilitegrandementleséchangesenintervenantsurlemarchémonétaireeten garantissant la bonne circulation de lamonnaie et des crédits, et enmêmetemps elle reste le fournisseur principal du Trésor dans ses besoins definancement(Werrebrouck).

Oncomprenddanscesconditionstoutel'attentiondespremiersentrepreneurspolitiquesenverslamonnaieainsiinventée:monopolisationdesminesdemétaletdeshôtelsdesmonnaies(signesannonciateursencoredespremièresbanquescentrales), teneur en métal précieux (l'Aloi) des pièces frappées à l'effigie duprince,veilleconstantedel'abondancemonétairepourluttercontrela«trappeàmonnaie»,phénomènerécurrentenraisondelafonctionréservedevaleurdelamonnaie.

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En 1609, la Banque d'Amsterdam prend en dépôt les différentes monnaiesmétalliquesqueluiapportentlescommerçants,etmetencirculationdesbillets.Cesontlespremiersbilletsde...banquedel'histoire(MichelLasserre)

Lemontantdebilletsémiscorrespondàlavaleurdumétaldéposéàlabanque,les billets se substituent simplement au métal et ne sont pas une véritablemonnaiequis'ajouteàcelui-ci.Lemétalprécieuxdéposéestlacontrepartiedesbillets, et ces derniers sont détruits quand le déposant récupère son or ou sonargent.

Les choses changent en 1656 quand la Banque de Stockholm adopte unenouvelle technique, elle émet toujours des billets contre la valeur du métalprécieuxqu'elleprendendépôt,maiselleémetunsupplémentdebilletsquisontutiliséspourescompterdes«effetsdecommerce»,delamonnaievirtuelle...

Lapratiquedel'escompteétaitdéjàutiliséeparlesbanques,maisjusqu'àcettedatelabanquerachetaitleseffetscontredelamonnaiemétallique,etnoncontreunsimplepapier.LesbilletsdelaBanquedeSuède(quiremplacelabanquedeStockholmen1668)restenttoujoursconvertiblesenmétalauprèsdelabanque,maispourlapremièrefois,unebanqueémetofficiellementplusdebilletsqu'ellen'a demétal en réserve. Les billets émis ne se substituent pas totalement à lamonnaiemétallique,maiss'yajoutent,etdelamonnaiesupplémentaireestainsicréée.

Lachargedesfinancesdel'Étattientalorsàunéquilibredélicatentremaintiende laconfiance, remboursementdesempruntset financementdesdépenses.Ladette souvent très élevée de la France obéra la capacité française à s'endetterpourfinancerl'ostroyal(l'arméeroyale)oulouerlesservicesdemercenaires(laconscription,quiseramiseenplacepar laConventionnationale,n'existantpasencore) dans ses guerres contre les nations comme l'Angleterre. Celle-ci,beaucoupplussainefinancièrementàpartirduXVIIIesiècle,pouvaits'endetteràmoindrecoût.

AuXVIIIesiècle, les intérêtsde ladettereprésentent lamoitiédesdépensespubliquesentempsdepaix,enraisondetauxd'intérêtbienplusélevésquesurles autresmarchés boursiers, et ce,malgré une dettemoins lourde.Les hauts-fonctionnaires tentent d'y remédier par des innovations financières auprès des

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créancierssuissesethollandais.

Que reste-il à l'État comme ultimes armes pour remédier aux déficits ?Fabriquer de l'argent comme Law en 1717 ou spolier les possédants encorecommeen1789...Ladette royaleestalorsperçuecommeexcessive :elleseral'étincelle qui mettra le feu aux poudres des autres problèmes accumulés(mauvaises récoltes des années 1788-1789, sous-production agricolestructurelle) : le roi choisit de convoquer les États généraux, pour « faire lescomptesettrouverdessolutions»,éviterlabanqueroutegénéraleetsauversonroyaume.LaRévolutionhériteradecettedette.

Aumomentde larévolutionfrançaise ladettes’élèveà4milliardsde livres(plus de 80%duPIBd'après des estimations), alors que les recettes de l'Étatn’excèdentguère500millionsetquelesdépensesatteignent630millions.Pourfairefaceàcettesituation, lesassembléesrévolutionnairesdécident l'égalitédetous devant l'impôt (rappelons que la dette venait en partie de l'incapacité del'AncienRégime à faire payer l'impôt aux privilégiés) et la vente au profit dupaysdesbiensduclergégrâcenotammentàl'émissiond'assignats.

2.2.4. Les entrepreneurs politiques et la monnaie, une alternance État-entrepreneurs

Dèslorsquelesbilletssontémisau-delàdelaquantitédemétaldisponible,lacontrepartie de cettemonnaien'est plus seulementdumétal précieux,mais ducrédit sur des « effets de commerce ». Cette pratique se répand au cours duXVIIIesiècleetsegénéraliseaucoursduXIXesiècle.

Bonaparteramènedanslescoffresdel'empire46millionsdefrancsd'Italieen1796sur240millionsdedéficitdel'État,cequin'empêchepasen1797,aprèslapériode révolutionnairequine seprêtaitpasà lacollectedes impôts,quand lasituation politique fut stabilisée, leDirectoire de décider une banqueroute ditedesdeuxtiers(desrentesperpétuelles),c'est-à-direqu'ilnepayaunerentequesuruntiersdeladette,lerestedesrentesperpétuellesétanteffacé.

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NapoléoncréelaBanquedeFranceen1800.C'estunebanqueprivéedontilestlui-mêmeactionnaire.ElleutilisebienentendulesméthodesdelaBanquedeSuède, d'autant plus que le prêt contre intérêt était devenu légal depuis laRévolution.Lesbilletsémissontd'unmontantélevé,etdestinésàcirculerpoureffectuer de gros règlements. Ils sont convertibles en or aux guichets de labanque,maisn'ontpas«courslégal»(cequisignifiequenuln'estobligédelesaccepterenpaiement).

Lebesoindemonnaie, faceà lacroissancede l'économie, ainsique ledésird'une monnaie plus commode continuent à travailler la société et toutes sescomposantes (État, entreprises,ménages, banques). Le papier n'est pas encoreapprivoisé,maisilestdeplusenplusutilisé,ensuivantl'essordesbanquesetducrédit.QuesnaypuisAdamSmith(1776)onttousdeuxglobalementapprouvélecréditprivé,Smithyvoyantunsurcroîtdegarantiedesécurité.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les banques ont donc découvertl'affaire rentable de la création privée de monnaie, et il en résulte uneproliférationdepapier-monnaie.Aveclagénéralisationducrédit,segénéralisentégalement les paniques bancaires. Devant l'immense gâchis de l'économiebrutalementdésarticulée,leslibérauxredécouvrentleurhantiseets'adressentauseulacteurencoreenlicepourassainirlasituation:l'État.Leurpenséenevapasloin,etselimiteessentiellementàinterdirelecréditplusoumoinscomplètementouàjugercescrisescommeinévitablesetfaisantpartiedelasouhaitableactivitédu marché. Les États calment les marchés financiers et récupèrent leseigneuriage(Bersac).

Lapluscélèbretentatived'interdictionducréditestsansdouteleBankCharterAct britannique de 1844, qui oblige l'intégralité des billets émis à êtreconvertiblesenoràtoutinstant, lesréservesenoret l'émissiondebilletsétantcentralisées au sein de la Banque d'Angleterre. Or, la Banque d'Angleterre,commesonnoml'indique,n'estpasunsimpleentrepôt,maisunebanque.Elletient des comptes pour ses déposants, et comme toutes les banques, lestransactions faites par ces déposants sont réalisées à crédit en billets. Laréduction du crédit est donc partielle, mais suffisante pensent les législateurs.Les transactions à solder à crédit fluctuent :même si les affaires sont saines,parfoislesoldedescréditsàpayerestfaible,maisparfoisilestélevé.

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En1847, leRoyaume-Unisubitunenouvellecrisefinancière.Seulesolutiontrouvée:émettretemporairementunsurcroîtdebilletspourfinancerl'activitéensuspendantl'obligationdecouvrircesbilletssupplémentairespardel'or.Dèsquechacunest rassuréquantà sesmoyensdepaiement, l'anxiétédevenuepaniques'évapore.L'orn'étaitpasunegarantie,maisundangerpuisquesararetébrideleséchanges,c’est-à-direl'économie.Cescénarioserépèteen1857,1866et1914.

En1875,l'Allemagneintroduitàsontourlemonopoledesbilletsdebanque.En1891,lepeuplesuisseinterditauxbanquesl'impressiondebilletsdebanqueet en transfère le monopole à la Confédération, qui créé la Banque nationalesuisseàceteffet.

EnFrance,en1815,c'estlachutedel'Empireetlesempruntsaccompagnentlarévolutionindustrielle.Pendantlagravecriseéconomiqueetsocialede1848,legouvernement proclame le « cours légal » (obligation pour tous d'accepter lesbilletsenpaiement), et le«cours forcé» (labanquen'échangeplus lesbilletscontredel'or).Ilymitfinen1850.

En 1870, le cours légal et le cours forcé sont à nouveau proclamés, lesréparationsdeguerres'élèventà5milliardsdefrancs,régléesàéchéance(Parisestalorsla2émeplacefinancièremondiale).

La convertibilité est rétablie en 1878,mais le cours légal est définitivementinstauréetildurerajusqu'en1928dateàlaquelleuneconvertibilitétrèspartielle(seulementcontrelingotsd'orde12kg)serainstauréejusqu'en1936.

Ladetteexplosependantlaguerrede1914,lecoursforcéestrétabli,etdepuislors, les gouvernements français sont régulièrement confrontés à des déficitsbudgétairesetàdessolutionsplusoumoinsidoinesquinesontpassansrappelercelles de l'ancienne monarchie de droit divin : impôts nouveaux, inflationrampante, dévaluation, émission demonnaie papier, nationalisation du secteurbancaire...

PoincaréoselapremièredévaluationdufrancgerminaldeNapoléonen1928,mais lacriseéclateen1929.Lebilletde laBanquedeFranceacours légaletforcédéfinitivementen1936.

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AprèslaSecondeGuerremondiale,lestrenteglorieusesoffrentàlaFranceetàl'Europeunenouvelleembellie.Maislesdéficitsbudgétairesreviennentdèslesannées1970.Legouvernement faitappelaux financiersprivéspoursoldersesfins de mois. Il engage aussi la privatisation des entreprises publiques et laconcessiondeplusieursservicespublicssanspourautant réduiresesdépenses.Comme au temps de Louis XIV et des fermiers généraux, les détenteurs decapitaux trouventauprèsde l'Étatdes rentesde situationplusconfortablesquel'investissementdansl'industrie...

Lamontéedel'utilisationdubilletdebanquen'empêchapaslaréférenceàl'orpendant de nombreuses années. Nous pouvons d'ailleurs constater uneaugmentationrégulièredelavaleurdel'orenéquivalentmonétaire:

•leFrancgerminalde1803équivalaità322,58mgd'or

•leFrancPoincaréde1928équivalaità65,5mg,

•lenouveauFrancde1959,soit100anciensFrancs,à180mg,

•ladévaluationde1969ledescendità160mg.

Depuis1969 lavaleurduFrancn'aplus jamaisétédéterminéepar rapportàl'or, qui fut officiellement démonétisé en 1976 lors des accords de Kingston.Touteréférenceàl'orpourexprimerlaparitédesmonnaiesdevintalorsinterdite.

Onpeutremarquerquesiquelquesbanquescentralesontvenduunepartiedeleurréserved'or,ellesenconserventnéanmoinsunegrandequantité:environ2800 tonnes pour la France et 32 000 tonnes pour l'ensemble des Banquescentrales.Cette quantité est très importante puisque l'on estimeque seulement150000tonnesontétéextraitesparl'hommeetdont10000seseraientperdues(Lasserre).

Aprèsune longuepériodeoù lamonnaie futunsigne (virtuel), souventplusqu'unemarchandise,(unemarchandisequireprésenteunerichesseenelle-même,correspondantaumonnayage,lavaleurinscritesurlapièces’ajoutantàlavaleur

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dumétalprécieux),nousavonsassistéauXIXesiècleautriomphedelamonnaiemarchandise,avecTurgot,puisSmithen1776etlesclassiquesetnéoclassiques.

Les tenants de la monnaie signe situent la question monétaire au cœur del'économie politique en considérant la monnaie comme une questionessentiellementpolitique,unarbitrageentrepouvoir,sociétéetdroitpourdéciderde la quantité de monnaie nécessaire, alors que les tenants de la monnaiemarchandiseseméfientdecetteinstitutionetdesabusdupolitiqueetcherchentà l'ancrer dans l'économique sur une valeur indiscutable, c'est-à-dire unemarchandise comme les métaux précieux dont nous ne pouvons pasarbitrairementdéciderdeleurquantité(LeHéron).

AprèscetintermèdedelamonnaiemarchandiseauXIXe,leXXesièclevoitladisparition progressive de celle-ci et la monnaie coupe définitivement le lienavec l'or (au niveau national après la première guerre mondiale et au niveauinternational avec la fin des accords de BrettonWoods en 1971), la monnaiesigne,lamonnaievirtuelle,triomphedéfinitivement.Toutefois,ledébatperdure,mais change de nature en se plaçant au niveau théorique et s'interroge sur lestatut de la monnaie dans la macroéconomie. D'un côté, nous trouvons leséconomistesnéoclassiques(monétaristes),pourquilamonnaieestneutre,c’est-à-dire qu'elle ne fait pas augmenter l'activité ni les emplois, aumoins à longterme.De l'autre, leséconomistes (keynésiens,marxistes)pourqui lamonnaieestactive,c’est-à-direqu'ellepermetl'augmentationdeséchanges.

Ilestpossiblequel’époquedelamonnaie-marchandisetoucheàsafin,maiscequimepréoccupesurtoutàprésentc’estlapériodedetransition.Ladernièrefois que nous avons assisté sur une grande échelle au passage de lamonnaie-marchandiseàlamonnaiedecrédit,cen’étaitpastrèsjoli.Pournerappelerquequelquesépisodes,nousavonseulachutedel’Empireromain,celledel’âgedeKali en Inde et la disparition de la dynastieHan enChine…Des périodes demort, de catastrophe et de chaos. Le résultat final a été, à bien des égards,profondément libérateur pour la majeure partie de ceux qui les ont vécues,l’esclavage pour dette, par exemple, a été largement éliminé des grandescivilisations.Cela a été un acquis historique remarquable.Le déclin des villessignifiaitquelaplupartdesgenstravaillaientbeaucoupmoins.Maisj’espèrequelebouleversementneserapasd’uneampleuraussigrandiosecettefois.D’autantplusque lesmoyens réelsdedestructionsontbienplus importantsaujourd’hui

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(Graeber)

2.3.Dequellequantitéd'argentavons-nousbesoin?

Afin de pouvoir répondre à cette question, il conviendrait de se mettred'accordsurlerôledel'argent,or,celui-cinefaitpasconsensus.

Tout l'art de l'économie ou du moins de la politique nommée monétaireconsiste à s'assurer que la quantité d'argent existante reste proportionnelle àl'offre (et à lademande !)de servicesproposés etqueces échanges se fassentdonc dans un contexte de stabilité des prix, sans inflation ni déflation (nousavonsparlédelanécessitédecettestabilitéauchapitresurl'emploi).

Petitàpetitlesbanquescentralessesontvuesconfiercerôle,maisiln'estpassifacilederéglerlacréationmonétairesurleniveaudeproduction,parcequelaséparation entre la valeur d'usage (censée répondre à des besoins) et la valeurd'échange (susceptible d'être effectivement réalisée, c'est-à-dire transformée enmonnaie) est caractéristique de l'économie monétaire de production qu'est lecapitalisme,contrairementàunsystèmedeplanificationdelaproductionetdesprix.Nousnepouvonsàl'avanceêtresûrsduprixdeventedelaproductionquivaoscillerentrecesdeuxvaleurs.

Jusqu'auXVIe siècle, les crises économiques se succédaient au rythme desguerres, des catastrophes naturelles et des crises bancaires lorsque lamonnaievirtuelleaugmentaittropoutropvite.L'Étatfaisaitalorsdéfautet/oul'inflationréduisaitladette.

2.3.1.Lesbullionistes

Cefurent lespremiersàmettre l'accent sur le lienéventuelentre laquantitéd'argent en circulation et les crises économiques. Le terme bullionisme (del'anglaisbullion,orenbarres,lingot)désigneuncourantdepenséeéconomique,qui s'est développé en Espagne, en Italie et au Portugal au XVIe siècle. Il

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considéraitquelapuissanced'unÉtatétaitproportionnelleàsonstockdemétauxprécieux.Lebullionisme,entantquepolitiquemonétaire,visaitàaugmenterlaquantitéd'ordétenueparlepaysetàeninterdirel'exportation.Pourempêcherlasortiedesmétauxprécieux,lesimportationsdesmarchandisesétrangèresétaientlimitéespardesmesuresprotectionnistesouautoriséessienretourilyavaituneexportationdelamêmevaleur.

Pour les bullionistes, comme Ricardo, le sens du rapport entre la quantitéd'argentcirculantet lesprixétait lesuivant : ilexiste tropdemonnaie(surtoutpapier), ce qui entraîne une hausse des prix dont la hausse du prix de l'or,dépréciantainsilamonnaie.Mieuxvaudraits'enteniràunemonnaieuniquementmétallique(l'or), l'émissionexcessivedepapiermonnaieprovoquelabaissedesavaleur.

La monnaie influence les prix, mais pas les échanges, elle n'augmente pasl'activitédeproduction,elleestneutre,elleestunvoile.

Les antibullionistes décrivaient le lien entre lamonnaie et les prix sous unautreangle :chaquecrise (surtout lesguerresàcetteépoqueou lesmauvaisesrécoltes) entraîne une hausse du prix du blé et donc des salaires, ce quis'accompagne d'une hausse des autres prix et ainsi d'une augmentation de lademandedemonnaie.Laquantitédemonnaierésultedel'abondancedebiensetdeleurprix.

Au milieu du XIXe, la Currency School domine avec un esprit classique(bullioniste), les pièces et les billets de la banque centrale sont lamonnaie, lepapier monnaie est inconvertible, la monnaie reste neutre, c’est-à-dire quel'argentn'apasd'influencesurl'équilibreéconomiqueouencorequel'argentnepermetpasautomatiquementd'augmenterleséchangesetl'emploi.Lesmarchésetlesprixtrouventleuréquilibreparlaconfrontationdel'offreetdelademande.Lemontantdesbilletsencirculationdoitêtrerégléd'aprèslaquantitédemétaldelabanqueémettriceafind'éviteruneémissionexcessivedebillets.L'émissiontrop importante de billets de banques, selon la Currency School en réduit lavaleur(relativementauxautresbiens)etprovoquedel'inflation.

Selon cetteCurrencySchool, lamonnaie ne fut inventée que pour remédieraux inconvénients du troc, les banques ne jouant qu'un rôle d'intermédiaire

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financier à une époque où les lettres de change puis les billets en circulationétaient la contrepartie de dépôtsmétalliques effectués auparavant.Lamonnaien'estqu'unvoilederrièrelesquels«lesproduitss'échangentcontredesproduits»(Say).

Si le lien entre lamonnaie et l'activité est intime, le «Currencyprinciple »semblel'ignorer(Brender).Pourdéterminerl'équilibreéconomiquedel'offreetdelademande,etlaquantitédeséchanges,seulsimportentlavaleurdesbiensetservices et les prix relatifs (d'un bien par rapport à un autre).Donc le niveaugénéral des prix n'est pas inclus dans l'équilibre économique, il n'est pasdéterminéparl'offreetlademande.Seulslesprixrelatifsdépendentdel'offreetdelademandeetduniveaud'emploidesressourcesdisponibles.

C'est la quantité de monnaie qui détermine les prix généraux, après quel'équilibre ait été atteint. Avec le même équilibre, c’est-à-dire avec la mêmequantité de biens échangée dans une période de temps, le doublement de laquantité demonnaie double les prix et ne change pas l'équilibre. Le stock demonnaiedéterminelademandeglobaleetlademandeglobaledéterminelesprix.

La quantité d'argent est déterminée, régulée par la quantité d'or. (Galand etGrandjean,Lamonnaiedévoilée)

LeXIXe siècle connut cette querelle entre partisans de la Currency School(notamment au Royaume-Uni), qui continuaient à croire en la nécessitéd’accumulerd’aborddesmétauxprécieuxdanslescaissesdelabanquecentrale,et ceux de la Banking School (surtout germaniques), qui voyaient dans unebonneadministrationbancairelameilleurepreuvedelaqualitédelagestiondela monnaie (Philippe Jourdon). La crise de 1847 et la solution d'émettre unsurcroît de billets pour financer l'activité en suspendant l'obligation de couvrirces billets supplémentaires par de l'or revient à suspendre le principe de laCurrency School (trois ans après son adoption) et, peu à peu, le « Bankingprinciple»s'imposa.

2.3.2.LaBankingSchool

Elles'opposeàlaCurrencySchool:ladéfinitiondelamonnaieestplusfloue,lamonnaieestlacontrepartiedescrédits,lescréditsfontlesdépôts.L'émission

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monétairedoitsefaireenfonctiondesbesoinsdel'économieetnonpasselonlaquantitédemétaldétenue.Lamonnaien'estpasneutre,carletauxd'intérêtagitsurlesincitationsdesagentséconomiquesetl'équilibre(entreleséchangesetlaquantitédemonnaiepoursatisfairel'offreetlademande)nepeutseproduirequesitouslesrésultatsdecesincitationssontcompatibles.Siletauxesttropbas,lescréditsvontaugmenterlaquantitédemonnaie,ilyainflationets'ilesttrophaut,déflation.

Le niveau des prix n'est donc pas déterminé directement par la quantité demonnaie,maispardescontraintesinternesauxmarchésdesbiens.Lademandeglobaledéterminelestockdemonnaieets'ilfautcontrôlerquelquechosepourinfluencerlesprix,c'estlecréditparletauxd'intérêt.

Laquantitédemonnaieencirculationpeutnepassuffireaudéroulementdel'ensemble des transactions impliquées par le plein emploi des ressources.Lesprix, comme les salaires sont rigides à la baisse, c’est-à-dire qu'ilsmettent dutemps à s'adapter à la production. Si la rupture du lien entre la quantité demonnaiedisponibleet lamassedemétal tiréede lanatureamarquéuneétapeessentielle du développement économique, la contraintemonétaire persiste (letransfert nonplusdepiècesd'or,mais d'écrituresd'un compte àun autre restenécessairepourlatransaction).Laquantitéd'argentdisponibledépenddésormaisdu montant des crédits accordés par les banques : elle est devenue ajustable(Brender;Pisani;Gagna;Monnaie,financeetéconomieréelle).

2.3.3.ApparaîtKeynes(1883-1946)

Il n'existe pas d'équilibre entre la quantité de monnaie existante et leséchanges, à cause de l'incertitude des agents liée à la nature monétaire del'économie. La monnaie n'est pas neutre, sert pour les transactions (BankingSchool),maismalheureusementaussipourlesréserves(influencéesparletauxd'intérêtetleclimatpolitique)quiformentunetrappeàliquidités,liquiditésquivontmanquerquelquepart...

En période de ralentissement économique et de monté du chômage, l'État

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devrait favoriserunerelancede lademandeenréduisant les impôtset les tauxd'intérêtetenaccroissantladépensepublique.

Commelesprixsontrigidesàlabaisse,laquantitédemonnaiedisponibledoitprogresseraveclacroissancedestransactions,maisaussipourcompenserlefaitqu'unepartiedelamonnaiedéjàémisesefigeenréservedevaleuretcessedecirculer(Brender).

Quand la surchauffe provoque de l'inflation et un déficit de la balancecommerciale, l'État favorise une contraction de l'activité en employant pour yparvenirlesméthodesinversesdecelledelaphaseprécédente.

PourKeynes,cen'estpasl'évolutiondelaquantitédemonnaie,maiscelledelademandeeffectivequiestessentielle.L'épargne(unesommegagnéemaisnondépensée)réduitlaquantitéd'argentencirculationetdoncdéprimelademandeet l'emploi. Si nous voulons inverser cette déprime, il convient en échange dedépenserunesommeéquivalente,maisducoup,forcémentempruntée.

Keynes était un des grands artisans d'un nouvel ordre international. Il avaitvoulu prévenir à la fois la déflation, la dépression, le manque de liquiditésfinancières et le retour au protectionnisme. Une meilleure distribution desrichessespermettaitselonlui,dedoperlaconsommationdanslamesureoùlespossédants, pourvus de tout, sont plutôt disposés à épargner leurs revenussupplémentaires.Maislesystèmeinternationalnepouvaitpasêtreégalitaire:lesÉtats-Unis, déjà submergés de créances impayées au lendemain de la guerre,détenaient également l'essentiel des réserves d'or de la planète. Ni la BanqueMondiale,nileFrontmonétaireinternational(FMI)n'auraienteudesenssanslesoutien de Washington, ce qui signifiait le concours de ces institutions auxprioritésdéfiniesparWashington.

Début1950,lesRépublicainssemettentaussiaukeynésianisme,etaprès1971avecFriedman nous sommes tous des keynésiens...même si nous n'appliquonspassesconclusionsrajoutait-il.

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Legrandcorpsdelaclasseouvrièrebougeencore.Aucoursdesannées1971-1975, laFranceenregistreenmoyenne,4millionsde journéesdegrèveparan(500000en1992).UnpeucommeJuin1936avaitétépromptementsuivid'uneloi sur les congés payés (2 semaines) qui n'eût jamais été votée sans lemouvementdegrève,Mai68déboucheassezvitesur laquatrièmesemainedecongéspayés(1969), lacréationduSMICet lamensualisation(1970).Puisen1974,ceseral'indemnisationduchômagependantunanà90%dusalairebrut.La droite est alors au pouvoir. Le coût salarial augmente,mais c'est le prix àpayer pour éviter une explosion sociale. Au demeurant, l'idée keynésienned'augmenter les dépenses publiques en période de récession et de chômagepartaitdéjàdupostulatquelaclasseouvrièreétaitdevenuetroppuissantepourque,commel'auraitrecommandéla«loi»del'offreetlademande,l'ajustementàopérerpûtalorssefaireparvoiedebaissedessalaires.

EnFrance,letauxdemargedesentreprises(rémunérationducapitalinvesti)baissede2,9%entre1959et1973,puisilchutede7,8%entre1973et1981.Inversement,lapartdessalairesdanslavaleurajoutéepassede66,4%en1970à71,8%en1981.L'augmentationdupouvoird'achatdesrémunérationsexcèdealorslargementcelledelaproductivité(SergeHalimi,Legrandbondenarrière).

2.3.4.Leretourdel'ordresocial

De 1950 à 1960, les inégalités entre pays et à l'intérieur de chacun d'euxrégressent.Cela ne s'était plus produit depuis 1820.Cela ne se reproduira pasaprès1960.

Financéespardeschefsd'entreprisequirêventdeprendreleurrevanchesurunÉtat providence et sur unmouvement ouvrier qui leur coûtent désormais tropcher,desidéesessaiment;d'abordchezlesdécideurs,puisdanslesmédias,quivontpermettredemaquillersouslestraitsdelamodernitélebonvieuxretouràl'ordresociald'autrefois.

Sur un plan économique, la coïncidence à partir des années 1970 de deuxmaux, le chômage et l'inflation qu'on avait imaginés jusqu'alors à ce pointcontradictoirequeconsentiràl'unétaitcenséremédieràl'autre,paraîtinvaliderà

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lafoisunpostulatkeynésienetlescourbesdePhillips(quimettentenévidenceune relation inverse entre inflation et chômage). Aux yeux des monétaristes,casserlespriximposaitderamenerlerythmedecréationmonétaireàunniveausibasqu'ilrendraitl'argentpluscher(parcequeplusrare),interdisantàl'Étatdefinancercommodémentsesdéficits.DeséconomistescommeMiltonFriedmanajoutaientquelarèglevoulantquel'inflationfavoriselaréductionduchômage(enattaquantlepouvoird'achatdessalaires,rendantainsile«coûtdutravail»moins élevé pour le producteur) avait hélas cessé de s'appliquer.La puissancedes syndicats leur avait en effet permis d'imposer que les accords salariauxintègrentleniveaudel'inflationàvenir;l'échellemobiledesalairesamenuisaitl'incitationcollectiveàtenirlesprix.(Halimi)

AvecFriedman etHayek, nous assistons au retour des néoclassiques (1970)dontlesmonétaristes:neutralitéabsolue,toutepolitiquemonétaireestaumieuxinopérante et la plupart du temps nuisible. Il convient donc de résorber lesdéficitspublicsavanttouteactionderelance(GalandetGrandjean).

Dans les années 1970-1980, l’inflation était parfois supérieure à 10%. Lessouvenirsdel’hyperinflationdelaWeimarde1923etlelienévoquéparcertainsaveclamontéedunazisme,ontpoussélesÉtatsàsepréoccuperenprioritédelaluttecontre l’inflation.Ladémonétisationdel’orfaisaitcraindre lesabusdela«plancheàbillets».Privilégierlaluttecontrelahaussedesprixconduisitalorsàlacompressiondesdépensespubliquesetsocialesenparticulier.Cettecraintedel'inflationétaitcenséeservirdefreinàunecréationmonétaireabusive.

Lamissiondesbanquescentralesconsistaitdoncàdéterminerexactement laquantitéd'argentjugéenécessaireauxéchangesenmaîtrisantlerisqued'inflationauxalentoursde2%.

Pourquoi2%?D'unepartparceque l'inflation faitbaisser lemontantde ladette.D'autrepart, l'inflationpermetdefairebaisserlesalaireréel(puisquelesprix montent pour un même salaire) tout seul sans avoir à marchander desbaissesdesalaires.Lessalairespeuventmêmeaugmenterd'unehausseinférieureà l'inflation, la baisse du salaire réel passera inaperçue. Un chiffre d'inflationpositifveutdoncaussidirequenousnesommespasendéflation,cequiseraitdans la vision orthodoxe économiquement parlant, le drameque les politiquesveulentéviter.Jusqu'à5-10%çavaencore,au-dessusnousavonstoujourspeur

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queçapassetoutuncoupetàjustetitreenhyperinflation,synonymedegrossecrisegenremarchénoir...L'inflationnouspousseàdépensernotreargent,etainsifaireaugmenterleséchanges.

Alorsau total, lamonnaieest-elleneutreoupas?L'inflationde lamonnaiegouverne-t-ellecelledesprixouest-cel'inverse?

Laplupartdescontroversesmodernespeuventseramener toujoursetencoreaux débats entre la Currency School et la Banking School et tournent doncautourdesconceptssuivants:

•définitionsdelamonnaie;

•stabilitédelavitessedecirculationdelamonnaie;

•stabilitédumultiplicateurdedépôts;

•monnaiecontrecrédit;

• la cible opérationnelle : l'offre de monnaie banque centrale ou les tauxd'intérêt(àcourtterme);

•offredemonnaieendogènecontreoffredemonnaieexogène;

•inflationparcréationexcessivedustockdemonnaiecontreinflationparlescoûts.

Leséconomistesentreeuxnesontpasd'accordsurcesdifférentsconcepts,etbiensûrlespolitiquesencoremoins.Encemoment,lesthéoriesmonétairesquiinspirent la plupart des gouvernements des pays développés, sont issues del'écolemonétariste:

•l'économietrouvesonéquilibreindépendammentdelamonnaie,celle-ciestneutre;

•l'inflationdesprixesttoujoursdueàunexcèsdemonnaie;

•ledéficitpublicestnuisiblecaril induitl'inflationparlesanticipationsdes

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agents économiques, et la hausse des taux d'intérêt par éviction de lademanded'empruntémanantdumarché;

• la banque centrale doit veiller à une croissance contrôlée de la massemonétaireetnesepréoccuperderiend'autre(GalandetGrandjean).

2.4.Quifabriquel'argentetcomment?

Lamonnaie est-elleunecréaturede l'État (est-elle fabriquéepar l’état ?)oubien une créature des marchés (les banques commerciales) en considérantl'argentcommeunemarchandise?

Auparavant,lesÉtatspouvaientfabriquerdel'argentuniquementàhauteurdela quantité d'or qu'ils possédaient en réserve. Seules des découvertes denouvellesminesdemétalprécieux,lebutindesguerresremportéesetlapirateriepermettaient à un pays d’augmenter la quantité d’argent.On parlait alors d'ungâteau,dontilétaitdifficile,rareouimpossiblemêmed‘augmenterlataille.Ungâteauàsepartager,àsedisputer…

Mais essentiellement parce que l'or se faisait trop rare pour permettre lafabricationdemonnaienécessaireetsuffisantepourfabriqueretacheterlesbiensetservices,ceséchangesnécessairesà l'emploi,nousavonsdécidédebriser lelienentrel'oretlamonnaie.

Unvastemouvementdedemandedeconversiondedollarsenorsefaisaitjouret s'amplifiait en conséquence. En France, Charles de Gaulle était comme laRépubliqueFédéraleAllemande,àlapointedumouvement:ildévalualefrancde 17 % en décembre 1958, afin de générer des excédents commerciaux, endollarsnotamment,etordonnad'échangerlesdollarsdétenusparl'Étatfrançaiscontredel'orauprèsdelaFederalReserveaméricaine.D'autrespaysrejoignirentlafrondeetrefusèrentàleurstourslesdollars.Lasituationdevintintenable,etle15 août 1971, Richard Nixon suspendit la convertibilité en or«provisoirement».Lestauxdechangefixestombaientdanslafoulée.

Depuis1971etladémonétisationdel'or(c'est-à-direqu'iln'existaitplusalors

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de lien pour unÉtat entre la quantité d'or détenue et la quantité d'argent qu'ilpouvait fabriquer), par peur légitime de l'inflation très importante des années1970dès lorsque lesÉtats étaient laissés libresde fabriquerde l'argent à leurguise,lesnéolibérauxetlesgouvernementsquilessuivaientsesontmisd'accordpour interdire aux États le droit de fabriquer eux-mêmes de l'argent et pours'obligeràemprunterl'argentnécessaireauxéchangesàceuxquienontdecôté,surcequenousappelonslesmarchésfinanciers.Ladésolidarisationdel'oretdelamonnaie faisaitcraindre lesabusde laplancheàbillets.Maintenantque lesÉtats n'avaient plus comme garde-fou (limite supérieure) leur stock d'or, ilspourraient sans cette nouvelle interdiction, notamment en période électorale,fabriquerdel'argentpourladistribueràleursélecteurs...

En s’interdisant de fabriquer de l’argent, les États se mettaient d’accordintrinsèquementpoursedisputerentreeuxl’argentdisponibleetexistantdanslemonde,cequ’onnommebiensurlescapitaux.

Ilétaitencoreassezlogiquedeparlerdegâteauquandonparlaitd’argent,cetimagedequelquechosedefini,delimité,inextensiblequ’ilconvientdepartagerentrelesinvités.Dessièclesdeliensentrelamonnaieetlemétal(or,argentetautresencore),théorieéconomiquenomméelemétallisme,nousontprécédésetinfluencés. Augmenter les taux d’intérêt auxquels les investisseurs placeraientleurscapitaux,limiterlataxationdecescapitaux,avoirunecroissancerégulièreetuneinflationcontrôlée,voiciquelquesarmesquechaquepayspouvaitmanieràsaguisepourrécupérerlaplusgrossepartdugâteau.

Dans un système demonnaies fiduciaires (c’est-à-dire unemonnaie dont lavaleur est basée sur la confiance, fides en latin, et non sur unmétal), commecelui qui existe depuis 1971, les banques centrales et les Trésors Publicss'interdisentdefinancerlesdéficitsparcréationmonétaire.C'estnormalpuisquelesmonnaiesnesontplusadosséesàunequantitéd'oretnetiennentqueparlaconfiancequelesépargnantsontencettemonnaie.Siunpaysannoncequ'ilvaàpartirdemaintenantfinancersesdéficitsparcréationmonétaire,puisqu'iln'yaplus rien qui garantit cettemonnaie, pasmême la confiance, tous ceux qui ladétiennentcherchentàs'endégager,laconvertirleplusrapidementpossibleenuneautredevisecequientraîneunehyperinflation.

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Du tempsdumétallismeofficiel, l'émissiondemonnaie était limitée par lesréservesenorpromiseenéchange.Aussifallait-ilemprunter,c'est-à-direquelacommunautéémetteuntitresurelle-mêmequiserviraitdemonnaieetquinesoitpasconvertibleenor,pourcontournercetterestrictionabsurde.L'obligationpourl'État d'emprunter fut souvent perçue comme une garantie de sage gestionpouvantprendrelaplacedel'or(Bersac).

Lafindelamonnaiemétalliqueen1971,autorisaitcequenousavonsappelélafindela«loid'airain»delamonnaie,etredonnaitthéoriquementunpouvoirde créationmonétaire considérable au profit desÉtats, seulement limité par lacontrainteextérieuredestauxdechange(plusunÉtatfabriquedemonnaie,pluscelle-cirisqued’êtredépréciéeparrapportauxautresmonnaiesinternationales).

Dans ces conditions, la finance ayant perdu son pouvoir, ne pouvait lereconquérirqueparlaséparationradicaledesÉtatsdeleurbanquecentrale.Cequi fut obtenu à la fin du siècle précédent. Désormais, il n'y a plus que lesbanquescommercialesquisontcréatricesdemonnaie,etsansdoutelesbanquescentrales, mais au seul profit de la liquidité et de la solvabilité bancaire. LesÉtatsensontexclus,ilssontaujourd'hui,mondialisationoblige,desmoinsdisantfiscaux,maissurtoutdesendettéssoumisàladureloidel'intérêt(Werrebrouck).

Effectivement, lenouveau systèmemonétaire international sembledonner lapossibilité quasi exclusive aux banques secondaires ou commerciales (àl'occasion des crédits qu'elles consentent) de fabriquer de l'argent (pour leprêter),enpensantquecesbanquesorienteraientaumieuxl'argentnouvellementfabriqué, et peu à l'époque avaient assez de recul pour anticiper lescomplicationsàmoyenetlongtermedecenouveausystème.

Dans lesannées1970, l'inflationestàdeuxchiffres (parfois supérieureà10%).Leschocspétrolierscertes,maissurtoutlapériodedestagflation(croissancefaibleet forte inflation)qui a suivi, coupléeàunepolitiquedemonnaie faible(les dévaluations, les relances budgétaires) qui ne faisait qu'augmenter encoreplus le prix de nos importations pétrolières causent l'envolée historique duchômage.

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Les États ne semblent plus contrôler la création monétaire, mais restentcependant en charge de l'économie du pays et donc de l'organisation dufinancement de l'économie (c’est-à-dire le financement des échanges). Laquestionquivadeveniret resteressentielleparmi toutes,estcelledumodedefinancementdecesÉtats-nationnouvellementcréés.L'Étatgardeetjouequandmême un rôle déterminant pour savoir combien de monnaie il impose enpaiementàsonéconomie,combien ilmetàsadispositionen luipayantdiversservices,etainsidequellequantitédemonnaie ildote sonéconomiepour sonfonctionnement(Bersac).

L'argentdépenséauseind'unpaysprovientd'unepartdesdépensesduprivéetd'autrepart commecertains secteurs restent enpartie contrôlés et financésparl'État(lasanté,l'armée,l'éducation...),l'argentnécessaireauxéchangesprovientaussidel'État(parsesdépenses).Silesdépensesdusecteurprivénepermettentpas le plein emploi pour différentes raisons (baisse de la demande, crise,confiancealtéréeausystème...),Keynescommed'autresnousrappellesanscessel'intérêtdelarelanceparl'État.Leproblèmequiseposealorsestalorscommentfinancercetterelance?

En1976, lesAccordsde la Jamaïqueofficialisent la situation.Keynes,pourqui ce fut un combat, a vaincu, trente ans après samort, l'or est évincé de lamonnaie.LesaccordsdeBrettonWoodsn'avaientcependantpas tantavantagéles USA, puisque ce sont eux qui ont connu la plus faible croissance de larichesse durant la période pendant laquelle ces accords étaient en vigueur.L'abandon de BrettonWoods en 1971 fut cependant rendu inéluctable par ledilemmedeTriffin(L’oretledollar,1960),quiavaitmontréqu'aucunemonnaienepouvaitservirdebasecentraledecalculcommeledollarl'étaitpourBrettonWoods,siellenereprésentaitpaslamajeurepartieduPIBmondial.En1945lapartduPIBmondialdesUSAétait trèsimportante,maisn'acessédediminuerdurant lesdécenniessuivanteset ledilemmedeTriffinafiniparseréaliseren1971...(Chris06).

Depuis dans notre esprit, l’État emprunte sur les marchés de l'argentinitialement fabriqué par les banques secondaires lors des crédits bancairesaccordésauxparticuliersetauxentreprises.

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Bien entendu, depuis la crise et sous la pression des gouvernements, lesbanques centrales contournent cette interdiction pour essayer de maintenirartificiellement les taux d'intérêts sur la dette publique au niveau le plus baspossible en finançant une petite partie des déficits par création monétaire àtravers les différents programmes d'assouplissement quantitatif (12% pour labanque centrale américaine, la FED qui a l'avantage de tenir la monnaie deréservedominante,beaucoupmoinspour laBCE),maisenaucuncas,ellesnepeuvent se permettre d'augmenter de manière significative cette proportion etcertainementpasfinancerl'ensembledesdéficitsparcréationmonétairecommele suggèrent ceux qui visiblement n'ont toujours pas compris que nous nesommes plus dans un système monétaire de type BrettonWoods depuis bienlongtemps(Chris06).

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III.Lecrédit

QuandNixondéclare lafindumétallisme, tout l'argentdevientpour lecoupvirtuel.C’est l'occasion pour lemonétarisme et avec lui l'idée popularisée parFriedman,deremplacerlemétalparlecréditprivé.Lesdépensesréaliséesparlecréditseraientmoinsinflationnistesquelesdéficitspublics.

Aulieuquecesoitseulementl'abondanceoulararetédumétalquidécidedela valeur des transactions réalisables, c'est l'encours (la quantité) des créditsaccordéspardesbanquesquilefera:sonmontantdéfinitaussiceluidesdépôtsdisponibles(Brender).

L'ÉtatpousséparlesidéesdesnéolibérauxetincarnéparThatcheretReagan,aalorsvouluque lesecteurprivé (entreprisesetménages)prenne le relaisdesdépensespubliquesetdelacréationmonétaireenempruntantauxbanquesgrâceaucréditbancaire.C'estlecréditbancairequivapermettrelacréationmonétaire.Unemonnaie nouvellement créée par la banque commerciale qui sera détruitelorsduremboursementducrédit.

L'État tentealorsenchoisissantde fairebaisser les tauxd'intérêtdescréditsbancairesderelancercescréditsbancaires...

L'encoursdescréditsprivés (c’est-à-dire lesmontantsqui servent à financerles projets desménages et des entreprises) s'élève en France à environ 2 000milliardsd'euros.

Lepourcentagedeménagesdétenteursd'uncrédits'établitàenviron50%,

Letauxd'épargnedesménagesestenvironde15%duPIB.

Aujourd'hui, l'argent (dans le monde) est représenté par des lignesinformatiques sur des ordinateurs. Seuls 10 % de ces montants existent sousformesdebilletsetdepièces,c’est-à-dire10%delamassemonétaire.

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Certainsréfléchissentd'ailleursauprojetdesupprimerl'argentliquide.

Nous l'avons vu, cette masse monétaire a existé dans l'histoire sous deuxformes, virtuelle de crédit et matérielle. Et le plus souvent ces deux formescohabitaient.

Lamonnaien'apastoujourseudereprésentationmatérielle,maismêmequandelle futmatérialiséeparunmétaletquandcedernier se faisait rare,ouencorequand ce métal était indisponible à un moment et à un endroit donnés, nousavons toujours pensé à utiliser (et donc à fabriquer) de la monnaie virtuelle.C’est-à-direuncrédit.Lecréditestunepromessedepayer.Uneprojectiondansletemps,baséebiensûrsurlaconfiance.

3.1.Lacréationmonétaire

Denosjours,lamonnaien'estplusreprésentéeparl'orniaucunautremétal.Savaleurestliéeàlaconfiancequenousavonsdanslasociété,l'assurancequetous, accepterontnotreargentenéchangede leurs services, sinous souhaitonslesacheter.

Toute la monnaie est donc en quelque sorte virtuelle (à 10% de pièces etbilletsprès).

Mais,sinousestimonsque tout l'argentestvirtuelcommepouruncrédit,etqu'uncrédit est unepromessedepayer, c'est unepromessedepayer enquellemonnaie?

En euro bien sûr pour les Français,mais ces euros sont représentés par deslignes informatiquesque lesordinateurs fontpasserd'uncomptebancaireàunautreaugrédestransactionsquenousréalisonsdanslasociété.

D'oùviennent-ilsceseuros?Quiaécritpourlapremièrefoisceslignessurunordinateur représentant précisément ces euros dont nous parlons ? À quelleoccasion?

L'argentquiexistedéjàaujourd'hui,regroupésurnoscomptes,d'oùvient-il?Ilestreprésentéencoreunefoispardeslignesd'écrituresinformatiquesdansles

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ordinateurs des banques, mais qui a écrit ces lignes ? Pourquoi quand etcomment?

Ilexisteplusieursfaçonsdevoiroud'interpréterlesystèmemonétaireactueletlemécanismedelacréationmonétaire,delafabricationdel'argent.Lavisionla plus communedans les livres, lesmanuels scolaires oudans lesmédias estcelledelacréationmonétaireliée(voireabandonnéepourcertains)auxbanquessecondaires (privées), lorsque ces dernières consentent des prêts bancairesdemandésparlesentreprisesoulesménages.

Mais lorsquenousposons laquestion autourdenousde savoir qui fabriquel'argent, les réponses sont incroyables. La plupart d'entre nous ignoronscomplètement la réponse. D'aucuns après réflexions répondent la banquecentraleavechésitation,oupeut-être l'État...Finalement,unnombreseulementincroyablement faible de personnes répondra les banques commerciales audécoursdescréditsbancaires.

Lorsquequecommemoietd'autres,nousnousintéressonsàcettequestionetlisons la littérature sur ce sujet, nous découvrons dans un premier temps aveceffroiqu'effectivement,lacréationmonétaireestdepuisladémonétisationdel'oren 1971, livrée, abandonnée, aux banques commerciales. Les États ontdélibérément choisi d'abandonner le droit jusque-là régaliendebattremonnaiepourservirdesintérêtsprivésreprésentésparlesbanquessecondaires.Alorscescurieuxquenous sommes, et toute la blogosphère, poussent des cris d'orfraie,crient au scandale pur et simple, représenté par la loi de 1973 de Giscardd'Estaing du gouvernement Pompidou.Cette loi dont l’article 25 précisait : leTrésorpublicnepeutêtreprésentateurdesespropreseffetsà l’escomptede labanquedeFrance,interdisaitdonclefinancementdirectdel’Étatparlabanquede France.Cette loi a été confirmée par l’article 104 duTraité deMaastricht,devenu 123 duTraité deLisbonne.Cette interdiction, est gravée ainsi dans lemarbred’untraité,dansàpeuprèstoutesleszonesmonétaires.Cetteloiseraitresponsableduchômage,desdéficitsetdeladettepubliquedémesurée.

Puis,quandnouspoursuivonsnoslecturesplusprofondément(làoùbeaucoupd'entrenousontcependantarrêtédelire...),nouscomprenonsquelaloide1973estlaconséquencedel’adoptiond’unsystèmedechangesflottants.C’est-à-dire

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oùles tauxdechangesnesontpasdéterminéspar lesgouvernementsmaisparlesmarchés interbancairesprivés.Pourqu’un telmarchépuisse fonctionner, ilfaut bien que les États empruntent sur ces mêmes marchés, et non pas qu'ilsfabriquentdelamonnaieendehorsdes«marchés».

Ce fut une erreur monumentale d’adopter ce système de changes flottantsdepuis1971,ilestgrandtempsd’enchanger,avantquetoutexplose!Maisilnes’agit donc pas juste de la loi de 1973 qu’il faut remettre en cause mais del’intégralitédusystèmemonétaireinternationalmisenplacedepuis.Cesystèmeestinterprétédefaçonsdifférentesselonlesécoles.

Nousleverronsplusloin,maisleskeynésienssontd'accordpourdirequec'estlademandedecréditparlesagentséconomiques(ménages,entreprises,État)quidétermine la quantité de monnaie qui circulera via les prêts qu'accorde lesystème bancaire (offre demonnaie endogène aux besoins de l'économie). Labanque centrale (BC) fixe alors (de manière dite exogène) le taux d'intérêtdirecteurà laquelleelleproposedeprêterde l'argent (que laBCfabrique)auxbanques secondaires, si ces dernières en ont besoins pour satisfaire aux règlesdesréservesfractionnairesobligatoires(c’est-à-direqu'unebanquedoittoujoursdétenir en réserve une partie de la somme qu'elle prête). Ce taux directeurinfluenceraceluiauquellesbanquesrépondrontàlademandedesagents.

C'est la position totalement inverse des monétaristes néolibéraux, l'offre demonnaieestexogèneetlestauxd'intérêtendogènes:labanquecentralefixelaquantitédemonnaiequicirculeetletauxd'intérêtsedétermineparconfrontationaveclademande.

La théorie de la monnaie exogène nous dit la chose suivante : lorsque labanquecentraleprête1euroauxbanques,celles-cipeuventprêter10eurosauxagentséconomiques,labanquecentraleestàl'initiativedelacréationmonétaire.Sinoussupposonsqu'ellesouhaitequ'ilyait100eurosdeplusdansl'économie,ellevadoncprêterauxbanques10euros.

Dans une économie keynésienne où le financement de l'investissement estassuré par le crédit bancaire (on parle d'économie d'endettement), les banquesfonctionnentavecl'assurancequelabanquecentraleseraleurprêteurendernierressort.

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Au contraire, dans une économie « Classique » de marchés financiers, lespartisansdecelle-ciconsidèrentque lesbanquesn'accordentdescréditsquesiellesdisposentpréalablementdemonnaiecentrale.

Danslepremiercas,labanquecentraleestditepassive,danslesecond,active.

Unepremièreconséquencedecetteoppositionportesurl’inflation:pourlesuns(monnaieexogène),l’augmentationdelamassemonétaireestinflationniste;pourlesautres(monnaieendogène),l’inflationnepourraitsedéclencherquesinous étions au plein emploi des capacités de production, tandis que, dans unesituationdesous-emploi,c’estlahaussedesprixquiappelleraitunedemandedemonnaie supplémentaire. Dans la vision de la monnaie endogène, nous neparleronspasdemultiplicateurmonétaireentrelabasemonétaireetlescrédits,maisdediviseurdecrédit,rapportantlabasemonétaireàlamassemonétaire.

La deuxième conséquence porte sur la politique économique, car le type definancement de l’économie conditionne le type de politique. La visionmonétariste casse l’inflation en fermant brutalement le robinet du crédit(politique initiée par la FED présidée par Volker en 1979). La vision post-keynésienne,sielleavaiteuunrapportdeforcesensafaveur,seseraitattaquéeàunerépartitiondesrevenusgénératricedetensionssocialessetraduisantparlahaussedesprix(Harribey).

Enpratique,àchaquefoisqu'unebanquesecondaireaccordeunprêtdisonsde1000eurosàunindividuouàuneentreprise,labanqueneprendpas1000eurossurlecompted'undesesclientspourleprêter.Ellefabriqueces1000eurossousformed'uneligneinformatiquesousréservedeposséderunminimumlégalde1% de la somme prêtée, en monnaie particulière que beaucoup nomment lamonnaie centrale (car fabriquée par la banque centrale et prêtée aux banquessecondairesàleurdemande).Cettemonnaie«centrale»ou«basemonétaire»,sertderéserveobligatoire,afinquelabanquecentralepuisserégulerlescréditsaccordés par les banques secondaires. Ainsi les banques obligées d'emprunterunecertainesommedemonnaiecentralenepourraientpassepermettredeprêterdes sommes exagérées. Dans la vision orthodoxe, cette monnaie centrale necirculequ'entrelabanquecentraleetlesbanquessecondairesetnesortjamaisdececircuit.

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AutrementécritparChris06:quandunebanqueconcèdeuncréditelleinscritcettecréance(lemontantduprêtquel'emprunteurdoitalorsàlabanque)àsonactifetcréditelecomptedubénéficiaireducréditàsonpassif.Commelesgensne prennent généralement pas un crédit, si ce n'est pas pour le dépenserrapidementpourl'achatd'unbienoud'unepropriété,l'argentestensuitetransférésur le compte d'un autre déposant qui lui a vendu ce bien ou cette propriété.Donc,lescréditsfontlesdépôtsetpaslecontraire.

Labanquecommercialedoittoutefoisaufinaldoncs'assurerdedeuxchoses:

1.queletotaldecesactifs,pondéréparleurdegréderisque,n'excèdepasuncertainmultipledesesfondspropres.Cequicorrespondauratiodesolvabilitédéfinitparlesmesuresderégulationmonétaire,ditesdeBâleII,décidéesparlabanquedesrèglementsinternationaux.

2. qu'elle détient en réserve un minimum de liquidités (1% des dépôts) enmonnaiecentrale.

C'estpourcelaquelesbanquessecondairesfontappelaumarchéinterbancaireet éventuellement à la banque centrale et sont parfois obligéesde recapitaliserleurs fondspropresquand ilsne sontpas suffisants (encoreque les critèresdesolvabilité de Bâle II sont très rarement respectés par les banques del'Eurozone!).

Il faut noter que certaines banques centrales comme la banque centrale deNouvelle-Zélande par exemple ne posent aucune limite à la somme qu'ellesprêtentauxbanquessecondairesàleursdemandes.D'autrespaysn'obligentpasleursbanquessecondairesàdétenirdesréservesdemonnaiecentrale.Ilsjugentque la nécessité de détenir l'argent prêtée à chaque fois qu'un client paye unclientd'uneautrebanque(cequecertainsnommentles«fuites»,queconstituentégalement par ailleurs, les retraits d'argent aux distributeurs) est déjà unecontraintesuffisantepournepasquelesbanquesexagèrententermesdevolumede leurs prêts au risque de devenir insolvables et déstabiliser le systèmeéconomique.

Danslecasdenonremboursementducrédit,l'actifdoitêtrediminuéd'autant

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etlepassifaussi.Soitc'estdéduitdesfondspropres(perte)ets'iln'enrestepassuffisamment,labanqueestencessationdepaiement.

Ces1000eurosfabriquésparlesbanquescommercialess'ajoutentàlamassed'argentdéjàexistantedanslepays,etserontprogressivementdétruitsaurythmedes remboursements du prêt, de lamême façon qu'ils furent fabriqués lors duprêt(écriturepuiseffacementdelignesinformatiques).

Imaginons que 100 euros soient remboursés chaque mois (et oublions lesintérêts pour le moment). Au bout de 10mois, les 1 000 euros ont donc étédétruits, comme ils avaient été fabriqués. C’est-à-dire que quand nousremboursons unprêt bancaire avec des échéancesmensuelles de 100 euros, labanqueneseditpaschaquemoisàchaqueremboursement,tiensvoici100eurosque jepeuxdoncprêter ànouveau.Labanqueavait écrit sur ses comptesquel'emprunteur luidevait1000.À ladatedechaque remboursementmensuel, labanque change sur ses écritures informatiques les 1 000 en 900, puis 800...Jusqu'à0ledixièmemoisquandles1000sontentièrementremboursésetdonc«détruits».

Lepremierjourquisuitleprêt,les1000eurosempruntés(etfabriquésparlabanque secondaire) sous formed'écritures, circulent dans la société de comptebancaireencomptebancaire.Lesbanquesquireçoiventtoutunepartiedes1000eurospeuventéventuellements'enservirpourréaliserd'autresprêts(engardantunminimumderéserves).Celuiquiaempruntépayesonclient1000euros,ceclientvaàsontourlesdépenseretainsidesuite.Lemoissuivant,l'emprunteurs'est débrouillé pour rembourser 100 à la banque et il ne reste plus dans lasociété que 900 euros qui circulent sur les 1000 de départ. Puis 800 eurosseulementcirculentaumoissuivant...Audixièmemois,plusaucuneurosparmiles1000dudépartnecirculentpuisqu'ilsn'existentplus.

Revenons à l'emprunteur des 1000 euros à une banqueÀ qui va payer sonclientàunebanqueB.CettebanqueBquireçoitles1000eurospeutajouterceseurosàsescomptesetaugmenterainsisespossibilitésdeprêtssousréservesdegarderles1%demonnaiecentraleobligatoire.

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La banque A doit verser à la banque B soit les 1000 euros soit unereconnaissancededettede1000euros,silabanqueBaccepte.Cequin'estpasle cas dès que survient une crise économique, les banques ne se font plusconfiance et veulent recevoir de lamonnaie centrale que les banques doiventalorsemprunteràlabanquecentrale(quinerefusejamais),àuntauxcependantplusintéressantqueceluiauquelellesprêtentàleursclients.Celaexpliqueaussien grande partie l'énorme augmentation des engagements de la BCE cesdernières années, puisque les banques secondaires ne veulent plus« reconnaître » les reconnaissances de dettes entre elles et empruntent doncchacuneàlabanquecentralepourréglercequ'ellessedoivent.

En l'absencedecrise,quand lesbanquesacceptentde se faire crédit chaquejourentreelles,c’est-à-diredes'échangerdesimplesreconnaissancesdedettes,cettetechniquedesystèmedecréditestparticulièrementutile.

En effet lorsque les paiements sont nombreux et fréquents, ils peuvent êtresoldéspériodiquementenuneseulefoisplutôtquedemultiplierlespaiements.Cettetechniqueestencoreplusutilelorsquelesdeuxacteurséchangentdanslesdeux sens (sont tous deux payeurs et payés l'un de et par l'autre), car il estpossibledenepayerpériodiquementqueladifférenceentrelessommesduesetlessommesàpercevoir.C'estune techniqueomniprésentechez lesbanques,etc'estpourcetteraisonqu'ellesurgitenpremierdansl'espritdeceluiquientendlemotcrédit.

Sideuxbanquespossèdentchacune50millionsd'eurosenmonnaie,etquelapremièredoitàl'autre2120millionsd'euros,etl'autre2100millionsd'eurosàlapremière, alors ellespeuventne se réglerque ladifférence, soit20millionsd'euros, et solder ainsi tous leurs crédits. Il reste même 30 millions d'eurosinutilisés.Aucontraire, si elles avaientdûpayer l'intégralitédes sommesduesplutôt que la seule différence, chacune aurait fait faillite de nombreuses fois(Bersac).

Sil'emprunteuretleclientsontdanslamêmebanque,c'estencoreplussimplepour la banque qui ne manie que des chiffres sans avoir à emprunter de lamonnaiecentraleà labanquecentrale.Labanquetouchera juste les intérêtsduprêt.Elledevracependanttrouverl'argentquandleclientdel'emprunteurpayera

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unclientd'uneautrebanque.

C'est pour cela que les banques cherchent à avoir le maximum de part demarché, afin de multiplier les chances que les emprunteurs et les clients desemprunteursettousceuxquiseferontpayésavecces1000eurossoientclientschezelles.Unebanquequiaurait70%departdemarchén'auraitqu'àdétenir30% de l'argent qu'elle prête et qui « fuira » vers d'autres banques, le reste luireviendraouresterachezelle.

C’estlàquelespostkeynésiensapparaissentetnousfontcomprendrequelesbanques secondaires ne peuvent pas fabriquer de la monnaie, elles peuventpromettre de fournir de la monnaie et en fournissent plus que ce qu’ellespossèdent. Mais elles s’endettent alors dans le même temps en empruntantailleurs (à la banque centrale ou auprès des autres banques secondaires) cettemonnaie qu’elles veulent fournir. Mais ceux qui se sont arrêtés dans leurraisonnement au stade de la création monétaire abandonnée aux banquescommerciales, les néolibéraux et néokeynésiens, neveulent pas voir plus loin.Pour eux, bien sûr, l’État emprunte aussi sur les marchés l'argent qu'il jugenécessairepour lesdépensespubliquesetqu'ilnepeut (veut?)pascompenserparlesimpôts.Ceseraitévidemmentunepossibilitépourl'Étatd'augmenterlesimpôts,maiscen'estpastrèspopulairequandonveutsefaireréélire.

Cetargentquel'Étatemprunte(ladifférenceentresesdépensesetsesrecettes)provient de crédits bancaires déjà réalisés auparavant par d'autres, puisque lescrédits bancaires sont la seule façon de créer de la monnaie. Certains ont pumettre àpartir de tout cet argent créépar l'ensembledes crédits en cours, unecertainesommedecôtépourlaplacerdansdesobligationsoubonsduTrésorenprêtantàl'État.Bref,toutl'argentvientducréditbancaireprivé.Detoutefaçon,depuis1971,lesÉtatsn'ontplusledroitdefabriquerdel'argent…

Danscettevisionmainstreamdusystèmefinancier, ilexistedeuxsourcesdecréation monétaire, le crédit des banques secondaires et de façon moinsimportante, par la banque centrale quand celle-ci achète des titres de dettes àl'État.Celasefaitparl'intermédiairedesmarchésditsecondaires,carenFrance,commeauxUSA,lesbanquescentrales(laFEDauxUSA)n'ontpasledroitsurlemarché(ditprimaire)d'acheterdesobligationsd'État.

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La BCE n'achète pas les obligations d'État à ...l'État (c'est interdit dans lestraités),maisauxbanquescommercialessurlemarchésecondaire.Cesbanquescommerciales (les plus grosses banques commerciales mondiales) sont unevingtainequenousnommonsSVTpourSpécialisteenValeurduTrésor.Celles-ci,lesseulesautorisées,avaientelles-mêmesachetécesobligationsàl'Étatsurlemarchéditprimaire.Cesachatsdetitressontenréalitédesprêtsd'argent(argentquelabanquecentralefabriquepourleprêter)etlesemprunteursserontcensés(etseulementcensés...)rembourserlabanquecentraleetrécupérerleurstitres.

Donc oui, vraiment, pour certains, tout l'argent provient de crédits par lesbanquessecondaires(environ85%enFrance),maisaussiparlabanquecentrale(environ10%).Les5%qui restent sont lesdevisesétrangèresque labanquecentraleéchangeeneuros.

L'emprunt aux banques secondaires est devenu dans la vision orthodoxe, lemoyen essentiel de fabriquer de l'argent. L'histoire nous l'avons vu fut unesuccession de batailles entre les États et les entrepreneurs politiques dontcertains banquiers des banques centrales ou secondaires pour contrôler lacréationmonétaire.

3.2Pourquoifaut-iltoujoursplusd'argent?

Dans notre système actuel, et avec une démographie qui augmente, il fautdonc sans arrêt que nous empruntions à notre banque afin que tous ensemble,nous fassions augmenter la quantité d'argent nécessaire aux échanges. Et celaavecunrythmeplusélevéqueceluidesremboursementsdesempruntsquieuxfontdiminuerlamassemonétairetotale.

C'estpourcelaquelestauxd'intérêtssurlesempruntsbancairessontauplusbasencemomentdepuisplusieursannées,pournousencourageràaugmenterlamassemonétairepermettantleséchanges(etdoncl'emploi).

Si la masse monétaire diminue (quand les remboursements des anciensempruntssontsupérieursauxnouveauxemprunts),celavaentraînerunebaisse

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desprixpuisqu'iln'yaplusassezd'argentpourachetertoutelaproduction.Lesproducteursbaissentleursprix,c'estladéflation,synonymedecriseéconomiquesévèreetdechômage,puisquelesprixbaissantetlesprofitsavec,lesentreprisessemettentàlicencier.

Actuellement,laBCEpratiqueunepolitiquemonétairequiserangederrièrelavision monétariste dans le sens où elle a fermé le robinet du crédit vers laproductionetl’aouvertpourlaspéculation.Lacohérencenéoclassiques’affichealors:unepolitiquedel'offrepourlesentreprises,c’est-à-diresurlemarchédesbiens et services, et une politique de l’offre sur ce que la théorie dominanteconsidère comme lemarché de lamonnaie. Jamais cette théorie ne se pose laquestiondesavoiroùenest lademandedebienset serviceset s’ilyauraunedemandedemonnaielorsquelabanquecentraleauraaccrusonoffre:les1000milliards injectés par laBCE ces derniersmois n’ont pas trouvé preneur dansl’économie.CelaillustrelatrappeàlaliquiditédeKeynes:l’incertitudeesttellequelapréférencepourlaliquidités’accroît,avecuntauxd’intérêttrèsbas,voirenul.(Harribey2012)

Notonsainsiquemêmedanscettevisiondusystème,lesbanquescentrales(engénéralenaccordavecleurgouvernementrespectif)peuventexceptionnellementdécider de prêter de l'argent aux banques secondaires afin que celles-ci endisposentassezpourpouvoirleprêterauxménagesetauxentreprises(pourfaireaugmenter les échanges). Les banques centrales peuvent le faire par les«quantitativeeasing» (lesassouplissementsquantitatifsen françaisdontnousavons parlé plus haut), technique qui consiste à échanger de l'argentnouvellementfabriquéparlabanquecentralecontredestitresdedettesdétenusparlesbanquessecondaires.

Les titres sont l'équivalent des lettres de change d'antan, comme desobligationsd'Étatoud'entreprises,desproduitsdérivés(desassurancescontrelenon remboursement de prêts ou autres échanges financiers), c'est-à-dire desdettes qui quand elles risquent de ne pas être remboursées deviennent ce quenousnommonsdesactifstoxiques.

Lasomme totaledes titresdétenuspar laBCEestd'environ4000milliardsd'eurosdont1000à2000detitrestoxiquesselonlesestimations.

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Avec ces « assouplissement quantitatifs » qui sont des transgressions auxtraités(latransgressionestdoncpossible),l'argentfabriquéparlaBCEneprofitedoncpasàl'Étatmaisauxbanquescommercialesquiencestempsdecrisesnetrouventpasd'emprunteursetreplacentalorscetargentàlaBCE....

L'argentqueprêtelaBCEestdel'argentqu'ellefabrique,carsonbudget(quilui vient de chaque pays européen selon sa puissance économique) est bieninférieur aux 4000 milliards d'euros. Ses fonds propres sont d'environ 10milliardsd'eurosauxquelsilfautrajouterenviron400milliardsdebudget.

Lecrédit,parcequ'ilestmassivementgénéréparlesecteurprivé,estdevenuun enjeu idéologique central entre lesClassiques et lesChartalistes dont nousparleronsauchapitresuivant.

Avec un peu de patience et de méthode, nous pouvons toutefois rendre àchaquechosesajusteplace.L'instinctpopulairesaitquelecréditn'estpasdela«vraiemonnaie»,aupointdesedemanderoùestpasséecettedernière,etmêmesi elle existe. Effectivement le crédit occulte la monnaie. Voyons dans quellemesure il le peut et pourquoi il est incapable de renverser la hiérarchie qu'asentiel'instinctpopulaire(Bersac).

3.3.Lecréditestunsystèmebienpratique,maisàrisque.

3.3.1Bienpratique

Le passage de la monnaie métallique à la monnaie virtuelle, que nousnommons parfois scripturale puisqu'elle est représentée par des écritures,permettait donc de s'affranchir de la contrainte de la rareté des métaux. Laquantitédemonnaiedisponiblepourledéroulementdestransactionspeutalorsêtredorénavantajustéepardesimplesécriturespourpermettreà laproductiond'atteindresonniveaudepleinemploi.(Brender)

Le crédit possède des qualités avantageuses : il permet de faire fonctionner

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une activité économique avant même que l'argent pour la financer ne soiteffectivementprésent ;mieux, il permet le financementd'activitésquipeuventêtre les seules à la portée de certains individus pour générer les revenus leurpermettantdefinancercesactivités.Uneillustrationenestlecommerçantauquellefournisseurfaitcrédit.Lecréditnefaitpasquefragiliserl'activité,ill'accélèreaussi.

Chris06:unesociétévittoujoursfondamentalement«àcrédit»puisquetoutel'infrastructurequiexisteàuninstantdonnén'adevaleurqueparlaproductionenbienetservicesquiviendrontdans lefutur.Lacréationdemonnaieestuneante-validation. Elle est l'opération qui permet de donner son impulsion aucircuitmonétairedeproduction.

Wynne Godley écrit que la demande de monnaie est entraînée par lesnécessités de l'économie, principalement par le temps pris par le processus deproduction,qui impliquedesproductions intermédiaires etdesproduits encoreinvendus,donclaproductionnepeutqu'êtrefinancéeàcrédit.

L'économiecapitalisteestuneéconomiemueparlalogiquedel'accumulationdu capital. Or l'accumulation n'est possible macro-économiquement que si lesystème bancaire anticipe par le crédit l'accroissement de la production quirésultera de l'investissement. Nous trouvons aussi bien chez Marx, Keynes,KaleckiqueSchumpeterl'idéequesansinjectiondemonnaiesupplémentairelescapitalistes ne pourraient pas récupérer globalement plus que leurs avances encapital(pourpayermachinesetsalaires)etqueleprofitn'existeraitpasou,pouremployerun langagemarxiste, la plus-valuene serait pas« réalisée», c'est-à-diretransforméeenprofitmonétaire.

Au niveau macroéconomique, l'accumulation du capital et de manièregénérale, tout développement économique, exigent une création monétaire,commeconditionnécessairemais non suffisante, qui anticipe le surplus socialquiseraproduit.

La raison est que le profit monétaire ne serait pas possible par la seulerécupérationpar lesentreprisesdesavancesqu'ellesont faites, soit ensalaires,soitenachatsentreellesdebiensdeproduction.

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Le circuit financier est un processus circulatoire de flux de liquiditésmonétairesitératifs,quipeuventsemuerend’autreformesmonétaires,maisnepeuventengendrerdenouvellesrichesses liquides.Cequisignifiequ’enfindecircuitnousnepouvonstrouverplusderichessequ’iln’enaétéintroduitenunpointquelconquedel’itinéraire.Nousnepouvonsdoncdécouvrir,autermeducircuit, un profitmonétaire, dont lemontant n’aurait pas été intégré, sous uneautreforme-monnaie,enunpointquelconqueduprocessuscirculatoire.

Maisilyauncorollaireàcetterèglequenousformulonsainsi:aucuneformede monnaie, à prix fixés, ne peut être introduite en un point quelconque ducircuitsiellenecorrespondpasàuneproductionréaliséeouanticipée,c’est-à-direàunevaleurouàunevaleurpré-validée,ouencoreàdutravailsocialdéjàreconnuutileoudontlareconnaissanceestanticipée.(AlainBarrère)

D'unpointdevueglobal,nouspouvonsrencontrerdeuxsituationstypes:

-lesinvestissementspublicspeuventsefinancersurlaseulebasedesimpôts,cequisignifieque,dans lemême temps, lasphèreprivéeabesoindecréationmonétairepoursapropreaccumulationglobale;

- le cas en miroir (particulièrement en temps de crise) est celui où ledéveloppementdusecteurpublicnécessitedelacréationdemonnaie.

Le cas hybride le plus fréquent est celui où sphères privée et publique endéveloppement appellent de lamonnaie supplémentaire qui anticipe le surplusglobal produit. Au niveau de l'ensemble de l'économie, le crédit et doncl'endettementsontindispensablespouranticiperl'avenir.(Harribey)

Le rôledesbanquesetdesmarchés financiersde façonplusgénéraleestdeleverlesobstaclesàlacirculationfinancière.Lesobstaclessontlesrisquesqueprennent les prêteurs en prêtant, de ne pas être remboursés (problème desolvabilité), ou d'avoir besoin de l'argent avant la date du remboursement,(problèmedeliquidité).

Pourqueleséchangespuissentsefaire,ilfautunsystèmecapabled'assumerles risques de solvabilité et de liquidité. La bourse, lemarché obligataire (oùs'échangent les obligations d'État ou d'entreprises), la titrisation, le shadowbanquing(touteslestransactionsopaquesetnondéclarées)ontpermisd'élargir

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la capacité de prise de risque du système financier. Mais il faut sans cesseinventer de nouveaux canaux qui permettent la circulation des capitaux afintoujoursd'augmenterlacroissancedeséchangesetdel'emploi.

Pour tirer parti de l'épargne dégagée aujourd'hui dans l'économie et fairecroître son potentiel de production, sans risquer de provoquer des tensionsinflationnistes, il faut en permanence avoir une certaine idée de l'épargne quiseradégagéedemain.Lesmoyensd'informationmisenœuvreparlesinstitutionsqui reçoivent les placements des agents non financiers, (les collecteursd'épargne)ycontribuentprécisément.

Le crédit bancaire et le marché obligataire apportent à cette mobilisationd'information une contribution appréciable. Il permet à l'information dontdisposentépargnantsoucollecteursd'épargned'êtretransmiseàceuxquimettenten œuvre des projets d'investissements ou aux banques qui les financent. Ilsaidentàdéciderdela«longueur»desprêtsaccordésetdoncaussidecelledesprojetsfinancés(Brender).

C'est pourquoi, toute la colère envers les banques, que nous avons pourcertains, depuis le début de la crise est une mauvaise colère. Certes desdirigeantsauraientprobablementduêtrejugéspourfautesgravesdanslagestionde leurs banques. Certes certains d'entre eux ont eu des mandats politiquesmasquant des conflits d'intérêts énormes. Mais nous ne pouvons (pour lemoment ?) dans notre économie monétaire nous priver des canaux detransmissionsdel'argentquesontlesbanquesnotamment.

Ilestcommundefaireunedifférenceentrel'argentdesdépensespubliquesetl'argentducréditdesbanquessecondairesauxménagesetauxentreprises.C’est-à-direfaireladifférenceentrelesdépensesprivéesetlesdépensespubliques.EnFrancenousestimonsquelesdépensespubliquesreprésententenviron50%desdépenses totales du pays, les autres 50% venant des dépenses privées par lecréditbancaire.

Alorsilesttentantdevantlemontantdeladettepubliquequigrimpeetceluides intérêtsqui lui sont liés,devouloirdiminuer lesdépensespubliques.Mais

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notons que dans ce système, même l'argent des dépenses publiques vient lui-mêmed'empruntsbancairesréalisésauparavantpuisquelecréditbancaireestlaseulesourcedecréationd'argent.

Avecceraisonnement,nouspouvonsnousapercevoirquelorsquel'économieest en croissance, le secteur privé, confiant en lui-même, se fait crédit pourfinancer ses activités nouvelles. La croissance du crédit bancaire est alorssupérieureà lacroissancedesdépensespubliques.Enconséquence, l'économieprivées'obligeàsolderunnombredetransactionstoujoursplusélevéparunitémonétaire. Lorsque la récession survient, ce sont les dépenses publiques quis'accroissent plus vite que le crédit. Cela ramène le nombre de transactions àsolderparunitémonétaireàuneproportionnettementmoinsdangereuse.Parfoisl'économieanticipelarécessionetlesdépensespubliquesrepassenttôtau-dessusdu crédit bancaire, parfois l'économie tarde à reconnaître la gravité de larécession et les courbes ne s'inversent que tardivement. En miroir, lorsque larepriseéconomiques'estinstallée,c'est-à-direquel'économieprivéeaconfianceensapérennité, lescourbessecroisentànouveau,maisensens inverse :pourfinancerl'activitésupplémentaire,lecréditredevientsuffisammentfiable,luiquiestpluspratiquequed'attendreundéficitsuffisantdel'Étatàépargner.

3.3.2.Sansfin

Le crédit est souvent assimilé à de la monnaie, alors même qu'il est unepromessedepayeren…monnaie(Bersac).

Lefaitque lescréditssoient l’uniquesourcedecréationmonétairen’estpasensoiunproblème,mais le faitquependant30ansnousavonsaugmenténosdettes beaucoup plus vite que la croissance de l’économie : le PIB a crud’environ3%paransurcettepériode,alorsquelesdettesontcrûde10%,enestun.Demêmepourlesautresactifsdupatrimoinedontlavaleuracrûbeaucoupplusvitequel’économie.

Le crédit ne fait que promettre de payer, plutôt que de payer effectivement.

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Donc,ildemeuretoujourslapossibilitéquececréditnesoitpashonoréetqu'ilnevailledoncrien.Pluslescréditss'accumulent,plusildevientdoncnécessairededisposer dumontant suffisant demonnaie pour faire face à une conversionmassive de ces crédits en monnaie tel que promis. C'est la fameuse ruée oupaniquebancaire.Ellepeutprendreletrèsthéâtraleaspectdesfilesdedéposantsvenantretirertouslescréditsdeleurscomptes,maisaussi,beaucoupplusmassifetrapide,celapeutprendrel'aspectdel'interruptiondescréditsaccordésparlesautresbanquesdontdépendaitlabanquemaintenantenfaillite.

LesfaillitesbienréellesdeLehmanBrothers,BearStearnsouNorthernRockprouventqueledangern'estpasnuletquelavulgatelibéraleesttroprapide:sicesbanquesavaientpucréerde lamonnaie,alorselles se seraient simplementcrééesdequoifairefaceàleurséchéancesplutôtquedefairefaillite.Unefoisaubordde labanqueroute,quiprend le risquede leur fairecrédit, c’est-à-diredeleur remettre une somme dont il devient de plus en plus douteux qu'elle seraremboursée ? Lehman, Bear Stearns et Northern Rock nous répondent :«personne»(Bersac).

Le problème avec les promesses, surtout quand elles s'empilent comme unchâteaudecartes,c'estquanduned'entreellesn'estpastenue...

Quand certains ont entrepris d'écrire sous forme de lettres de change, dechèquesoumêmedebilletsleurspromessesdepayer(leurscrédits),plutôtqu'untraitsuruneardoiseouuneencochesurunboutdebois,ceuxquiacceptaientcespapiers s'en sont servis comme monnaie pour échanger à leurs tours et ànouveauxdesservices.

Desimplespromessesdepayersesont transforméesenpaiements,maiscesderniersdépendentquandmêmedelapremièrepromessedepayer.Sicelle-cineseréalisepas,celuiquidanslachaînedespaiements,possèdelebillet,lechèqueou la lettre de change quand la première promesse n'est finalement pas tenue,vientdeperdrelavaleurdesonbillet,chèqueoulettre.Lecréditestunepatatechaude...

Alorsoui, tout l'argentexistantn'estquepromessedepayer.Personnen'aeubesoindefabriquerdel'argent,cenesontquedespromesses.Sinotrebanquen'asoudain plus d'argent, cela veut dire que nous n'avons plus l'argent qui était

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inscritsurnotrecompte.Cen'étaientquedespromesses...

Nous faisonsconfianceencespromessesparceque tout lemonde sembleyfaireconfiance.Sinousvendonsnotrevoiture5000euros, le futurpropriétairenousdonne5000eurosenbillets,enchèqueouenvirement.Ilnousprometquece transfertde lignes informatiquesde soncompteaunôtre,ouque sesbilletsnouspermettrontdefaired'autreséchangesd'unevaleurde5000euros.Eneux-mêmes,lesbilletscommetouslespapiersnevalentpasgrand-chose,danstouslescas,moinsquecequ'ilspeuventpermettred'échanger.

Cespromessessontbiensûrrenforcéesparlefaitquel'Étatseportegarantparsesloisdecespromesses.Maisunechaînedecréditn'estqu'aussisolidequesonmaillonleplusfinancièrementfragile.Plusleschaînesdecrédits'allongent,plusildevientprobablequel'undesmaillonsfassentdéfautetducouptouslesclientsdeclientsjusqu'àsonclientpropre(Bersac).

C'estbiensûrlaporteouverteàtouslesexcès,sinouspouvonsnouscontenterdepromessescommemodesdepaiements.C'estcetteporteouvertesurbiendestroublesquiadonnéaumétallismetoutesavaleur.

Il ne fait plus de doute que la politique du crédit menée par le systèmebancaireacrééprogressivementdanslesdécennies1990et2000lesconditionsd'undérèglementcompletdusystèmemonétaireet financieraprèsavoirnourrides bulles spéculatives, tour à tour, sur l'internet, l'immobilier ou lesmatièrespremières.

La fameuse« exubérance irrationnelle »desmarchésqui étonnait tantAlanGreenspan en 1996 tient d'une part à l'incapacité intrinsèque des marchés às'auto-réguler et d'autre part au relâchement des vannes du crédit devant lesbesoinsfrénétiquesenliquiditésdes«investisseurs»pourparticiperaucasinofinancier.(Harribey)

Lacroissancedel'endettementprivatifn'apascependantaugmentélepouvoird'achat des salaires, bien au contraire, puisqu'il n'a fait qu'augmenter le prixrelatifdesactifsducapital(immobilierrésidentieletcommercial,actions,etc…)parrapportauxsalaires(chris06).

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Sinousnepouvonspasnouspasserducrédit,carilfaciliteetpermetlaprisede risque, la transformation financière de l'épargne courte en un prêt long, lecréditcommelemarchénerésolvent-ilspaseux-mêmesleursproblèmes?Ilfautque quelqu'un le fasse pensent les interventionnistes, contre le laisser fairismedeslibérauxetdumarchéquis'auto-réguleraitdefaçonoptimale.

Je ne crois pas qu’on puisse évoluer dans une économie où noussupprimerions tous les risques. Lesmarchés financiers continueront donc à sedévelopper avec la rationalité que l’on sait. Ces marchés ont une tâchequasiment impossible à accomplir qui est la mise en commun des plans desdifférents agents portant sur le futur.En situation d’incertitude, cette tâche estcomplexe et les marchés financiers vont donc dysfonctionner la plupart dutemps. Le problème est que l’on a cru le contraire, que les marchés étaientcapables d’autorégulation et donc de corriger spontanément leurs propresdysfonctionnements,cequiestuneimpossibilitétotale(Fitoussi).

Au centre de toutes les difficultés rencontrées, nous trouvons toujours, sousuneformeouuneautre,lerôlenéfastejouéparlesystèmeactuelducrédit(etlaspéculation massive qu'il permet). Tant qu'on ne réformera pasfondamentalementlecadreinstitutionneldanslequeliljoue,nousrencontreronstoujours, avec des modalités différentes suivant les circonstances, les mêmesdifficultés majeures. Toutes les grandes crises du XIXe et du XXe siècle ontrésulté du développement excessif des promesses de payer et de leurmonétisation.»(MauriceAllais,LaCrisemondialed'aujourd'hui,1998)

Lesdéficitspublicsauraientquelquechosedeparticulièrementinflationniste,tandisquelamêmesommedépenséeparlemécanismeducréditbancaireserait,elle,beaucoupmoinsdangereuse.Lesinnombrablesbullesspéculativesàcrédit,commecelledel'immobilieraméricainoudesmatièrespremièresayantexploséen2008(lebarildebrutpassade134$à39$entrejuin2008etfévrier2009),auraient pourtant pu justifier une certaine suspicion contre cette thèse àl'évidencemanichéenne.

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La thèse néolibérale affirme et insiste malgré les inconvénients du crédit,qu'onpeuttoujoursrelancerlecrédit,queleprivéenestavideetquelecréditestparconséquentlaformeultimedemonnaie.

Mais ilyabien, théoriquementunmomentoù lacréationmonétairepar lesbanquescommercialessuiteàlaconcessiond'uncréditsetarit.

Eneffet, lemontanttotaldescréditsconcédésparlesbanquescommercialesaux agents économiques ne peut croître plus rapidement que la valeur ajoutéeproduiteparsesmêmesagentsindéfiniment:ilarriveforcémentunmomentoùlemontant du remboursement annuel de ce crédit par les agents économiques(principal et intérêts) représente une part tellement importante de la valeurajoutée produite que les agents économiques dans leur ensemble ne peuventplus,etlesbanquescommercialesneveulentplusleurconcéderplusdecrédit.

L’autre thèse affirme que le crédit n’est qu’une optimisation financière destransactionsetquelesprisesderisquesqu’ilengendrelimitentsondéploiement.Les conséquences pratiques sont immenses selon que l’une ou l’autre de cesthèsesserévèleexacte.

PhilippeBrossard,économisteécrit lasuitedecechapitre :LeséconomistesHyman Minsky (Stabilizing an Unstable Economy, 1986) et CharlesKindleberger(Manias,PanicsandCrashes:aHistoryofFinancialCrises,1989)apparaissent à la faveur de la crise financière comme les visionnaires de cesdernièresdécennies.Ilsontidentifié,ilyaplusdevingtans,lesmécanismesdelacriseactuelle,lepremierdefaçonthéorique,leseconddefaçonhistorique,enillustrant le modèle de Minsky à travers les différentes crises financièresoccidentalesdepuis leXVIIIe siècle. Ilsonteuune tellepresciencede lacriseactuellequ'ilsontcertainementbeaucoupànousapprendrequantauxremèdes.

Pour Minsky, le secteur monétaire et financier, cherchant à maximiser sesprofits,n'estpasspontanémentenéquilibreaveclerestedesautresmarchésdebiens et services. En constante évolution, il est la source même des cycleséconomiques.Minskydistinguetroiscomportementstypesdanslesprocessusdefinancementdesagents:

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1. Le financement couvert, dans lequel le rendement attendu del'investissementcouvrelepaiementdesintérêtsetduprincipaldansunhorizonde temps limité. Le financement est couvert quand l'activité permettra derembourser intégralement les fonds utilisés, typiquement un petit commercerentable,maisquinécessiteunempruntpourêtremisenplace.

2.Lefinancementspéculatif,oùlerendementattenducouvrelepaiementdesintérêts,maisladetteestconstammentreconduite.Lefinancementestspéculatif,sil'activitédoitêtreperpétuellementrefinancéepourcontinueravecuncoûtdefinancementmoindrequelegainrapportéparl'activité,typiquementunebanquequidoitemprunterlesfondsqu'elleprêteetgagnemoinsenempruntantqu'elleneperçoitenprêtant.

3.LefinancementàlaPonzi,l'escrocéponymeafournidanslesannées1920l'exempledel'escroquerieàlacavalerie,enattirantlesépargnantsbostonienspardes rendements exceptionnels, illusoirement fondés sur un arbitrage entre lestarifspostauxinternationaux.Lerendementattendunepermettantplusdefaçonrégulière le paiement des intérêts, la survie du projet repose sur sa capacité àvendredesactifsouàs'endetterplus.LefinancementestàlaPonzi,sil'activiténepeutrembourserlesfondsutilisésetquel'endettementnécessaireaumaintiende l'activité est sans cesse croissant, typiquement la Lincoln Savings, S&L deCharlesKeatingcertifiée resplendissanteparGreenspan.Le rendementattendunepermettantplusdefaçonrégulièrelepaiementdesintérêts.

LecœurdelathéoriedeMinskyestsonhypothèsed'instabilitéfinancière:lesystèmefinancierpassenécessairementd'unétatdestabilité,dominéparlemodedefinancementcouvert,àunétatd'instabilité,dominéparlaspéculation,puislefinancementàlaPonzi.

Au sortir d'une phase de crise, le secteur financier est bridé par lesréglementationsetlesinstitutionsmisesenplaceetparlaprudencedesprêteurset des emprunteurs encore impressionnés par les grandes faillites. Dans cettephaseducycle, le financementcouvertdomine.Lesménageset lesentreprisescommencent par regarder l'environnement économique et, s'il est porteur et

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stable,décidentd'emprunterpourfinancerlesactivitésqu'ilsdésirent.

La prospérité se développant, la vigilance publique et privée se relâche,l'endettement par le simple accroissement de l'activité bancaire s'accélère,finançantdesprojetsdeplusenplusspéculatifs.

Lorsque la défiance survient, une part de ceux qui étaient encore au stadespéculatifpasseauPonziparsimpledégradationdeleursrevenusetunepartdeceux qui étaient couverts devient spéculative. Il s'ensuit un effondrement quis'auto-renforcede lamêmemanièreque laprospérité s'auto-renforçait : perdredes revenus de ceux qui réduisent leur endettement oblige à compenser enréduisantsonpropreendettement.

C’est-à-dire que si une économie avec une large proportion d'entitésspéculatives se trouve dans un état inflationniste et si les autoritésmonétairesessaient de conjurer l'inflation par une restriction monétaire, alors les entitésspéculativesdeviennentdes«entitésPonzi»etlesprojetsquiétaientdéjàdansunmode à la Ponzi voient leurs actifs s'évaporer rapidement. Les plus initiéscommencentàvendreleursactifsetlesmarchésbaissent.Labaissedesmarchéssenourritd'elle-même,unedéfiancegénéraliséesurlavaleurdesactifss'installe,entraînant une profonde absence de négociabilité des actifs monétaires etfinanciers, même à des prix bradés. La solution financière à court terme : leprêteurendernierressort!

Une fois la situationcalméeparundésendettement suffisamment important,l'activitéfinitparrepartir.

Cecyclecourtserépètedansuncyclepluslong:lorsquelasociétésortd'unegrandedépression,commeilenarriverégulièrement,lesacteurssonttraumatiséset limitent farouchement leurs prises de risques,mais « àmesure que la crisefinancières'éloignedanslepassé,ilesttrèsnaturelpourlesbanquierscentraux,lesreprésentantsdugouvernement,lesbanquiers,leshommesd'affairesetmêmeleséconomistesdecroirequ'unenouvelleèreestarrivée.LescrisdeCassandrequerienn'estvraimentchangé,qu'ilyaunpointderupturefinancierquimèneraà une profonde dépression, sont naturellement ignorés dans ces circonstances.

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Commelessceptiquesn'ontpasdesimprimésàlamodepourprouverlavaliditédeleursvues,ilesttrèsconvenablepourl'autoritéétablied'ignorerlesargumentstirés de théories non-conventionnelles, de l'histoire et de l'analyseinstitutionnelle.

Néanmoins,dansunmonded'incertitude,desbiensdecapitauxdonnésavecunelonguepériodedegestation,lapropriétéprivéeetlessophistiquéespratiquesfinancières deWall Street, le fonctionnement réussi d'une économie dans unestructure financière initialement robuste mène à une structure toujours plusfragile le temps passant. Des forces endogènes rendent instable une situationdominée par une finance couverte, et les forces déstabilisantes endogènesdeviennentplusfortesavecl'accroissementdupoidsdelafinancespéculativeetPonzi»(Minsky).

PourMinskyetsurtoutpourKindleberger,ilfautrapidementmettreenplaceunprêteurendernier ressort (l'Étatet/ousabanquecentrale)qui interrompe laspirale de déflation des actifs. Ils en identifient bien les difficultés : l'aspectparadoxal qu'il y a à secourir des entités spéculatives en prenant le risque deprolongerlescausesmêmedelacrise,sansparlerdel'injusticemoraleetsocialequ'ilyaàsauverlesspéculateursavecl'argentdetous.Maisaucundeceseffetsindésirablesnepeutdispenserd'administrerleremède.Lavraiedifficultéestlamiseenœuvre:savoirinterveniraubonmomentetaveclesbonnesquantités.

Au minimum, il faut que la banque centrale baisse ses taux d'intérêt pourréduirelestressdusystèmefinancieretsatransmissionàl'économieréelle.Puis,elle peut intervenir quantitativement avec des injections de liquidités. Si cettepremière digue est enfoncée, il faut une nouvelle instance capable de prendrepositionsurunhorizonpluslongquequelquessemaines.L'Étatdoitprendrelerelais.MaisMinskyalertesur lemodespéculatifdu financementde l'État,quiroulesadettesansperspectivedelaréduire.

Kindleberger souligne un autre écueil.Dans nos économies globalisées, unecrise financière est globale. Or, les États-Unis ayant un déficit chroniqued'épargnenepeuventplusassurer le leadershipmondialqu'ils avaientdans lesannées1950-1960.Leurbalancecouranteestdéficitaired'environ700milliardsdedollarsparan.

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Une rechute des prix du pétrole, qui serait une bénédiction pour l'économieréelledespaysdéveloppés, pourrait par exemple assécher le refinancementduTrésoraméricain.Ilestdoncàcraindreunefoiscettedigueenfoncée,qu'ilfailleenvisager un fonds de secours international associant l'Europe, le Japon etsurtout les pays excédentaires dans le commerce international (Chine,producteurspétroliers).

À moyen terme, l'État et sa banque centrale, selon Minsky, ne peuvent secontenterdurôlestrictementfinancierdeprêtrelais.Ilsdoiventmettreenplaceune forte réglementation bancaire et financière et cesser de vouloir réguler lecrédit par le seulmoyendes tauxd'intérêt. Ils doivent favoriser lemarchédesactionsauxdépensdesproduitsdedette.Ilsdoiventaussinégocierlerachatdedettes illiquides contre un rôle économique actif du secteur public, visantdélibérémentlepleinemploi,ycompriscommeemployeurdirect.Sansquoilasolvabilité de l'État elle-même sera ébranlée, simultanément par la perspectived'unecréationinfiniededettesprivéesàreprendreunjourparlesecteurpublic,et par les perspectives d'augmentation cyclique de l'insolvabilité desménages,conduisantàunechutedesrecettesbudgétaires.Unlargesecteurpublicaaussipourfonctiond'absorberlesvaguescrééesparl'instabilitédelasphèreprivée.

Par contraste,Minsky suggère une limitation active de la taille des acteursprivéspouréviter ledéveloppementd'entités tropgrossespourfairefaillite,desortequelesystèmeserégulepardepetitesfaillitesrégulières,plutôtqueparunmaelströmrare,maisincontrôlable,affectantdesentitésprivéesgigantesques.Sicen'estpaslarévolution,celayressembleunpeu.

Ilfautbienleconstater,HymanMinskyestassezpeuconnuetfortpeuluenFrance.L'absencedetraductionnesuffitpasàexpliquercetétatdefait,auquelcontribueplussûrementl'importancerelativedescourants«hétérodoxes»danslascienceéconomiquehexagonale :commenousavonsdéjàcequ'il fautcheznous dans ce domaine, pourquoi aller chercher un économiste américain qui,suppose-t-onpeut-être,diralamêmechose?

Ilsetrouvejustementqu'ilneditpaslamêmechose.Néen1919,MinskyaconnulaGrandeDépressionetlaguerre,mais,morten1996,iln'aurapasvécu

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assez longtemps pour voir l'événement qui l'a remis à la mode : la crisefinancièrede2007-2008.C'estalorsquel'expression«momentMinsky»,forgéedès 1998 à l'occasion de la crise de la dette russe par l'économiste PaulMcCulley, a connuune certaine vogue chez les investisseurs professionnels etdanslapressefinancière.

Elle condense ce que l'on retient de Minsky quand nous ne l'avons pasvraiment lu : lesmarchés de capitaux sont intrinsèquement instables et, de cefait, génèrent inévitablement des bulles et des krachs. Ce qui apparaît en lelisant,c'estd'abordque,sil'idéed'instabilitéendogèneestbiencrucialechezlui,c'estd'uneinstabilitéducapitalismeetnondesseulsmarchésdecapitauxqu'ils'agit,mêmesicesmarchésjouentunrôledécisif.

Minsky avait développé, dans son livre sur Keynes, une critique trèsargumentéede l'interprétationdominantede laThéoriegénéraleetplusencoredela«synthèsenéoclassique»desannées1960.Nousremarquonsaussi,etcelavaàl'encontredediscoursaujourd'huiassezàlamode,lavigueuraveclaquelleil s'enprendauNewDeal rooseveltiendans lequel il voit unepolitique certesutileàcourtterme,maisquinetraitaitquelessymptômesetnonlescausesdelaGrandeDépression,etquiamisenplaceunappareilréglementaireissud'idées«pré-keynésiennes»et,desonpointdevue,parfaitementinadaptépourtraiterl'instabilitéfinancièrequ'ilvoitrenaîtredèslafindesannées1960.

Minsky fait remarquer que, si l'on veut vraiment donner la priorité au pleinemploi, cela peut impliquer de ne pas donner la priorité à l'investissementcomme tendent à le faire les politiques d'inspiration « rooseveltienne » ou«keynésienneclassique».Lefinancementdesinvestissements,enenparticulierdesinvestissementsdansles«actifsdecapital»(capitalassets)lespluscoûteuxet les plus longs à générer un retour suffisant, est pour lui au cœur de ladynamiquequiproduitetreproduitdel'instabilité.Iln'estparailleurspasdutoutundéfenseurdelaséparation,aujourd'huiaussitrèsàlamode,entrebanquedefinancementetd'investissementetbanquededétail,expliquantmêmepourquoilespetitesbanquesdedétaildevraientavoirledroitdeselivreràtouslestypesd'opérationsdefinancement.

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Minskysouligneaussilanécessitédelimiterlaconcentrationetlepouvoirdemarché des grandes firmes, dans un esprit qui paraît aujourd'hui curieusement« bruxellois » (concurrence non faussée…), mais qui à l'époque entrait enrésonance avec le « Small is beautiful » de Schumacher. Comme solutions,Minsky défend les déficits gouvernementaux pour contrer les récessions etalimenterl'économieverslepleinemploi.Ildéfendégalementquandmêmelesprogrammes d'emploi des chômeurs façon New Deal de Roosevelt, avecl'argumentque«dutempsduNewDeal,cesprogrammesétaientperçuscommetransitoires,mais à la lumière de l'instabilité inhérente du capitalisme et de lapénuriechroniqued'emploi,ilsserontconçusdorénavantcommepermanents».Enfin, ildéfend touteune sériedemesuresvisant à simplifier et à rendreplusefficaces tant la fiscalité que la dépense publique, ainsi que plus résistantes àl'inflationetmetl'accentsurlesinégalitésetnotammentlesdifférencesfaceàladisponibilitédel'argent.

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IV.LesInégalités

4.1.Pourquois'enpréoccuper?Lesconséquencesdesinégalités.

Ilexistepourunepartiedelapopulationdesraisonsévidentesdeluttercontrelesdifférences faceà ladisponibilitéde lamonnaie.Neserait-cequepourdesraisons morales et sociales. Pour d'autres, cela est moins évident et cesdifférencesseraientmêmeàlabasedel'espritd'entreprendre,ellesdoperaientlacréativitéetl'innovation(etlacroissancepourfinir).Jesouhaiteraispasseroutreles raisons morales pour que nous puissions nous concentrer sur les raisonséconomiquesdecettequestion.Etainsimontrerquecesontcesdifférencesfaceà la disponibilité de la monnaie qui sont la cause économique de l'échec despolitiquesqu'ellessoientclassiquesouinterventionnistes.

Ilestbienutilede lirePikettyet«Lecapitalau21èmesiècle»,pour tenteravec lui « de répondre aux questions qui ont finalement été l'objet d'un débatpermanent. La dynamique de l'accumulation de capital privé conduit-elleinévitablement à une concentration toujours plus forte de la richesse et dupouvoir entre quelques mains, comme l'a cru Marx ? Ou bien les forceséquilibrantes de la croissance, de la concurrence et du progrès techniqueconduisent-ellesspontanémentàuneréductiondesinégalités?Cettequestiondela répartition des richesses est trop importante pour être laissée aux seulséconomistes,sociologues,historiensetautresphilosophes.Elleintéressetoutlemondeetc'esttantmieux».

L'argentnécessaireauxéchangesestmalréparti.Ilestindisponiblechez50%delapopulation.

On peut diviser grossièrement la population ainsi, 50% qui possède tout et50% qui ne possède rien, ou pratiquement rien. Parmi les 50% qui possèdenttout, les 10% les plus riches possèdent environ 60%de la richesse.À chaqueélection, ce sont les 50% qui possèdent tout qui représentent une très nette

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majoritédesvotants, les50%quinepossèdent rienayantun tauxd'abstentionbienplusimportant.

La propension à consommer (la part des revenus dépensés) est de 50% auhautdel'échelledesrevenuset90%enbas...

Les50%quipossèdent tout etnotamment les5% lesplus richesontbeauacheter (échanger)pleindechoses, ilsneparviennentpas àdépenser tout leurargent. Ils ne permettent pas le nombre d'échanges de biens et services quicorrespondentà lasommed'argentqu'ilspossèdent. Ilsneparticipentdoncpasassezàlademandenécessairedecesbiensetservicesàmettreenfacedel'offreafin de permettre plus d'emplois. Les entreprises produisent alors moins etlicencientd'autantplusqueles50%quin'ontriennecontribuentpasasseznonplusàlademande.

Lesusinesautomobilesd'HenryFordfonctionnaientparcecelui-cipayaittoussesouvrierssuffisammentpourqu'ilsachètentchacununevoitureFord.S'ilavaitpayécertainsdequois'acheter10voitures(personnen'enauraitpourtantacheté10...) et d'autres pas assez pour en acheter une, le système n'aurait pasfonctionné.

Bien sûr, même avec une répartition bien plus homogène ou égalitaire,certains auraient quand même besoin d'emprunter pour investir. L'empruntpermetdefinancerdesprojetspourlesquelsl'épargnedisponiblenesuffiraitpas.Maiscebesoind'empruntsetdoncdedettesseraitbienmoindre.

C'estladistributioninégaledel'argentquifaitapparaîtreunefonctionsecondedecetargent:laréservedevaleur.S'ilétaitdistribuéégalementetn'existaitquedans la quantité exactement nécessaire, seule sa fonction demoyen d'échangeaurait l'occasion de semanifester sans les soucis des réserves d'argentmis decôtéquisecréentdanslebutd'accumulerdelavaleur.

Lesdifférencesderevenussontd'uncôté(engrandepartie)responsablesdesdettes,pluscesdifférencesaugmentent,plusellesnécessitentetentraînentune

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augmentationdesempruntsdelapartdeceuxquin’ontpasderevenussuffisantsetde l’Étatpour les aider, etdoncde ladettequ'il faudraitdiminuer selon lesnéolibérauxetrespecterselonleskeynésiens.

Cesdifférencesderevenussontdel'autrecôté, lacausequirendnécessaireslesrelancespubliquesdeskeynésiensetquecritiquentlesnéolibéraux.

Comme l'argent (la somme jugéenécessairepourobtenir l'augmentationdeséchanges) est au final mal réparti, tout n'est pas engagé dans le circuit(d'échanges).L'Étatdoitdoncdrainer(parcequenousleluidemandons)l'argentquinecirculeplus(assez)etleremettredanslecircuitenledépensantlui-mêmesousformesdedépensespubliques.

La somme d'argent jugée optimale pour l'augmentation des échanges, de lacroissanceetdel'emploicorresponddoncàlasommed'argentdéjàfabriquéeàce jour et qui se trouve sur l'ensemble de nos comptes en banque (en plus ducash, des comptes cachés...), sur les comptes en banques des ménages plusprécisément.Lesentrepriseset l'État sontglobalementendettés et lesménagesglobalementépargnants.Toutl'argentexistantestsurnoscomptesprivés,maisilestmalréparti.

L'État s'aperçoitque les échangesdans leprivéne sontpas asseznombreuxpourassurerleplein-emploi,carencoreunefoisdel'argentdort...

Sinousgardonscommeobjectiflepleinemploi,cetargentnonutiliséparuneminorité de riches, mais pourtant nécessaire à la croissance des échanges, vadoncdevoirêtrecompensé(dépensé...)d'uneautrefaçonparl'État.

La somme non utilisée correspond donc à la somme que l'État va devoirtrouverpouraugmenterleséchanges.L'ÉtatyparvientenproposantdesbonsduTrésoretdesobligationsàceuxquiontréussiàmettredel'argentdecôtéenplusdeleursdépenses.

Et l'État va dépenser cette somme empruntée, en payant ses clients et sesfournisseurs contre leur travail de productions de biens ou services, favorisant

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donc ainsi l'offre de cette production. L'État favorise tout autant la demande,grâceàcemêmeargentsousformedesalairesqu'ilverseàcesmêmesclients.

La dépense publique soutient l'activité, mais elle joue aussi un rôlemajeurdanslacohésionsocialeetdanslaréductiondesinégalités.EnFrance,les20%les plus riches ont 8,6 fois plus de revenus primaires (salaires, revenus dupatrimoine) que les 20 % les plus pauvres. Le jeu des impôts directs (sur lerevenunotamment)etdescotisationsréduitcetécartà6,8.Bienplusqueparlesprélèvements,c'estpar ladépensepubliquequelesdifférencesderevenussontréduites.L'écartseréduitfinalementà3,1grâceauxprestationssocialesetauxservicespublics(manifestedeséconomistesatterrés).

La masse monétaire existante et qui circule ne suffit pas à elle seule pourpermettre une augmentation de l'emploi par les échanges. Et si le lien argentinjecté-croissancedeséchangesn'estpasformel,puisqu'ilfautquandmêmebiensûrdelamotivationdel'imagination,del'innovationetdel'organisation,ilfautaussi des moyens financiers pour que l'État, les ménages et les entreprisesaugmentent leurs échanges harmonieusement. Bien sûr, l'argent pourrait êtremieux employé (mais personne n'y arrive trop jusque-là...) et sa vitesse decirculationpourraitêtrefacilitéeetaccélérée.Ilpourraitaussiêtremieuxréparti.

Pourledireautrement,ladette(publiqueet/ouprivée)estengrandepartielereflet des différences face à la disponibilité de l'argent. La dette est liée auxdifférences face à la disponibilité de la monnaie. La dette d'un côté et lesdifférences de revenus de l'autre sont équivalentes ou du moins directementproportionnelles.

Ceciàsonimportanceselonlafaçondevoircetteéquivalence.

Si l'objectifprioritaireestdediminuer ladettepublique (cequecherchentàfaire les États en général), la façon la plus simple, la plus rapide et la pluslogique devient alors de diminuer les dépenses publiques... Mais donc aveccommeinconvénientsderestreindrelesbudgetspourtantjugésnécessairesdans

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l'éducation,lasantéetpartoutoùl'Étatjugeaitjusque-lànécessaired'aiderl'offrede services ou de biens et bien sûr leur demande. Cela ayant comme effetindésirabledefairebaisserlenombred'échangesetdoncd'emplois.

Diminuerladettepubliquepar ladiminutiondesdépensespubliquescommeimposéunpeupartoutparlespolitiquesd'austéritéparaîtimpossibleàatteindre,si l'onen jugepar l'augmentationcontinueobservéedecesdépensespubliquesces dernières dizaines d'années, malgré la volonté des gouvernements (mêmeceuxd'inspirationnéolibérale)defairel'inverse.

Le néolibéralisme est tellement impossible à appliquer sans catastrophesociale qu'il n'a jamais en fin de compte pu être véritablement tenté sansdépenses publiques toujours plus importantes. Ces dépenses donnent unejustificationàcetéchecenmêmetemps.

Toutlemondeestpourluttercontrelesinégalitésdevantladisponibilitédelamonnaie.Ladroite,defaçoncaricaturale,pensequelameilleurefaçondelutterest de favoriser l'offre et cela améliorera au final le pouvoir d'achat des plusdémunis. La gauche, de lamême façon, pense que lutter contre ces inégalitésnécessite des relances keynésiennes qui favorisent la demande,mais aussi lesdettes.

Mais,sil'objectifprioritaireestvraimentdediminuerlesdifférencesfaceàladisponibilitédelamonnaieplutôtquedediminuerlesdépensespubliquesouladette, alors les mesures à prendre semblent complètement différentes et bienmoinscontraignantesaumoinspour90%delapopulation,éducation,meilleuredistributionetredistributiondel'argent,écartsdesalairesimposés,fiscalité...Etaufinal,lesdépensespubliquesetladettepeuventmêmeparfoisbaisser.Nousyreviendrons.

Diminuer les différences de revenus semble plus facile théoriquement etpratiquement à obtenir. Cela permet de baisser le besoin de dettesproportionnellementetdoncdediminuerladettepublique,plutôtquedetenterdelabaisserendiminuantlesdépensespubliques.

Nousnepouvonsvraimentpasdirequelaquantitédemonnaieprésentedans

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le système bancaire international (l'équivalent de plus de 30 000 à 50 000milliardsdedollars!)soitsilimitéequ'ilsoitabsolumentnécessaired'accumulerencoreplusdedéficitsetdemonnaiepourfairetournerl'économie.C'estplutôtleproblèmedelarépartitiondecetteépargnemonétairequiposeproblèmequeceluidesaquantitétotale!(chris06)

4.2.Cesinégalitésàcejour,quellessont-elles?

Difficile de connaître la répartition exacte de l'argent et donc l'analyse desinégalités,horslepremieràlefaire,Kuznets,trouveen1953quelesinégalitésont chuté entre 1913 et 1948 auxUSA ; 10% des américains les plus richesvoyaientlapartdeleursrevenusdanslerevenunationalpasserde45-50%à30-35%!!

VoicidesdécenniesqueMalthus,Ricardo,Marxnousparlaientdesinégalités,mais sans apporter la moindre source (que les bouquins de Balzac, Zola ouTwain!!),nilamoindreméthodederechercheetdecomparaison.

Lanouvelleauneimportanceconsidérableetauraunimpacténormedanslesdébats économiquesde l'après-guerre, aussi biendans les universités quedanslesorganisationsinternationales.Kuznetsparledecourbeencloche,aucoursdespremières phases de l'industrialisation, les inégalités s'accroissent dans unpremier temps avant de se mettre spontanément à diminuer lors des phasesavancéesdudéveloppement.

Enfaiton«montrera»plustardd'unepartquecesontlesguerres,avecleurschocs économiques et politiques, ainsi que les politiques publiques mises enplace à la suite de ces chocs, qui sont responsables de la diminution desinégalités parfois constatées, et d'autre part que les inégalités sont fortementreparties à la hausse depuis 1970 à cause des retournements politiques,notammentenmatièrefinancièreetfiscale.(Piketty).

Lacommissionmondialesur ladimensionsocialede lamondialisation,créeen2001par l'OITnotaitque59%deshabitantsde laplanèteviventdansdespays où l'inégalité augmente, 5 % seulement dans des pays où elle diminueécrivaitStiglitz...

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L'étude La Répartition mondiale du patrimoine des ménages de l'Institutmondial de recherche sur l'économie du développement de l'Université desNations-Unies (UNU-WIDER) a dressé en 2006 un saisissant portrait de ladistributionmondiale du patrimoine en 2000 repris par Olivier Berruyer (les-crises.fr):

70%delapopulationmondialenepossèdeque3%dupatrimoinemondial,alorsque2%enpossèdelamoitié.

Lepatrimoinemondial (financieret immobilier)étaitainsiestiméà125000milliards de dollars, soit environ trois fois le PIB mondial ou 20 000 $ parterrien.Lesseuilsdepatrimoineétaientlessuivants.Ilfallaitposséderplusde:

•2200$pourfairepartiedes50%lesplusriches;

•14000$pourfairepartiedes20%lesplusriches;

•61000$pourfairepartiedes10%lesplusriches;

•500000$pourfairepartiedes1%lesplusriches.

Acontrario,ilfallaitpossédermoinsde:

•900$pourfairepartiedes30%lespluspauvres;

•500$pourfairepartiedes20%lespluspauvres;

•200$pourfairepartiedes10%lespluspauvres.

Ainsi,si lemondeétaitungroupede10personnes, laplusricheposséderaitpresque85%desrichesses,lasecondepresque10%etles8autresdevraientsepartagerles5%restants.

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Onobserveainsiqueleszoneslesplusinégalitairessontainsidansl'ordre,leSuddel'Afrique(65d'indiced'inégalitédonnéàtitrecomparatif),l'AmériqueduSud(55), lesÉtats-Unis (45), laChine (43),puis laRussie (42).Leszones lespluségalitairessontlaScandinavie(23)etl'Europecentrale(26).

Onconstateainsique:

•depuis150ans,c'estl'Amériquelatinequiestlazonelaplusinégalitaireetquesonniveauestrestérelativementstable,autourde50d'indiced'inégalité;

•viennentensuitel'AfriqueetleMoyen-Orient,avecdestendancesparallèles.Ellesdétiennentlerecordavecunindicede65autourde1850;

•l'Asieestrestéeremarquablementstable,àunniveaumoyend'environ42;

• l'Amérique et l'Europe ont suivi des tendances parallèles, de décroissancemarquéedesinégalitésàpartirde1870.Cesontleszoneslespluségalitairesdelaplanète, l'Europede l'Estayantdétenu le recordde27aumilieudesannées1980;

•enfin,l'indicemondialacrûdefaçonlinéaireaveclarévolutionindustrielleentre1820et1950ets'eststabilisédepuisàunniveautrèsélevéde65.

Fait remarquable,nousobservonsenfinquepour lapremière fois toutesceszones géographiques suivent le même mouvement, mais il s'agitmalheureusement d'une tendance marquée à la croissance des inégalités danschaquezone,depuislemilieudesannées1980.L'indicemondialestluiplutôtenlégèrebaisse.

On constate bien une nette différence entre les groupes anglo-saxons (àcommencer par les États-Unis), en nette croissance des inégalités depuis unevingtaine d'années et les groupes d'Europe continentale et du Japon, avec uneplus grande stabilité ou une croissance nettement plusmodérée et très récentedesinégalités.

Ilapparaîtquelalégèreréductiondesinégalitésmondialessepaieparunnet

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approfondissement des inégalités dans chaque pays. Et que ce mouvementgénéralisé de croissance des inégalités a été lancé par les États-Unis qui ontinitié le mouvement dès la fin des années 1960, avec des conséquences plustangiblesaumilieudesannées1980.

«Aujourd'hui,1milliarddepersonnesdans lemondesontsous-alimentées :une personne sur six n'a pas suffisamment de nourriture pour mener une viesaine et active. La faim et la malnutrition sont, au niveau mondial, le risquenumérounàlasantéhumaine,leurimpactdépasseceluiduSIDA,dupaludismeetlatuberculoseréunis.

En 2009, 2,2 milliards de personnes ont souffert de la faim cachée ou decarencesenmicronutriments.Danslemondeendéveloppement,prèsde200millionsd'enfantsdemoinsde5anssouffrentdetroublesdecroissanceetdedénutritionchroniqueetprèsde130millionsd'insuffisancepondérale.Ainsi:

• plus de 9 millions de personnes meurent chaque année par suite,principalement, de la dénutrition, soit 25 000 par jour, soit une toutes les 3secondes;

•dont14000enfantsparjour,soituntoutesles6secondes;

•dont9600enfantsdemoinsde5ansparjour.

En2009,lenombredepersonnesvivantavecmoinsde1,25dollarparjouraatteint un total de 1,2 milliard. » (Rapport 2010 du Programme alimentairemondial).

Ceschiffressontimpressionnantsetméritentbiensûrunefortemobilisation.Mais il perdure un débat sur l'évolution des inégalités, sur le fait de savoir, sielles ont augmenté ou non. Les chiffres sont toujours difficiles à manier et àinterpréter.Leniveaudevieagrimpécesdernierssièclesd'unefaçongénérale.

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Chris06écrivaitcela:«Lesrichessontdoncdeplusenplusriches,profitantde la mondialisation. Qu'on le veuille ou non, la mondialisation a de faitsérieusementmis àmal ce concept hérité d'il y a plusieurs siècles, quand lesmoyens de communication étaient extrêmement lents, de nations souveraines.Mais nous continuons, vieux réflexe, d'analyser l'évolution des inégalités àl'intérieur des frontières des nations, tandis que l'évolution des inégalités entrenations dans une économie mondialisée, qui se réduisent d'années en annéesdepuis30ans,estplusoumoinsignorée.

Une première vision de lamondialisation se contente de remarquer que lesinégalités explosent dans des pays comme les États-Unis où les richesconcentrentunepartdeplusenplusimportantedelarichesseetsemblentdefaitêtre les seuls “gagnants” de cettemondialisation. C'est un prisme nationalisteappliqué à l'analyse de la mondialisation qui donne forcément lieu à desconclusionsbiaisées.

Une deuxième vision de la mondialisation remarque que les inégalités, auniveaumondial, sont pour la première fois dans l'histoiremoderne, depuis 30ans,enlégèrediminution.Deplusl'augmentationconstantesurcettepériodedurevenumédianmondialapermisderéduireletauxd'extrêmepauvretéde52%delapopulationmondialeà22%durantcettepériode.

C'est un prisme mondialiste appliqué à l'analyse de la mondialisation quidonnelieuàdesconclusionsbiendifférentesdelapremièreanalyse.

Si nous nous disons « humaniste » c'est au niveau de l'ensemble du genrehumain qu'on doit chercher à réduire les inégalités et l'extrême pauvreté,pourquoi alors continuer d'utiliser des prismes nationalistes pour en tirer desconclusionsbiaisées?».

Onpeutlireacontrariodanslerapportdel'OrganisationdeCoopérationetdeDéveloppementÉconomique(OCDE)en2014:Jamaisen30anslefosséentrerichesetpauvresn'aétéaussiprononcéqu'aujourd'huidanslaplupartdespaysdel'OCDE.

Cette tendanceau longcoursà l'accroissementdes inégalitésderevenupèsesensiblementsurlacroissanceéconomique.

L'aggravationglobaledesdifférencesderevenuestcertestiréeparles1%les

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plusriches,quisortentdulot,maisleplusimportantentermesdecroissance,cesontlesfamillesaurevenumodeste,quicreusentleurretard.

Àvraidire,l'incidencenégativedesinégalitéssurlacroissancen'estpasdueuniquementaudécile leplusdéfavorisé,maisaux40%defoyersauxrevenusmodestes. Cela s'explique entre autre par le fait que les personnes issues demilieuxdéfavorisésnepeuventinvestirsuffisammentdansleurinstruction.

Luttercontrelesdifférencesderevenusparl'impôtetlestransfertsnenuitpasàlacroissance,pourautantquelesmesuressoientbienpenséesetcorrectementmisesenœuvre.

Àcetégard,leseffortsderedistributiondevraientprivilégierlesfamillesavecdes enfants et les jeunes, qui prennent des décisions déterminantes enmatièred'investissement dans le capital humain et encourager le développement descompétences et la formation tout au long de la vie (OCDE 2014, « Focus-Inégalitésetcroissance–décembre2014».

Je crois au regard de la littérature économique que nous pouvons aumoinsconfirmer que la baisse des inégalités et la hausse de l'espérance de vie desderniers siècles ne se vérifie plus depuis 30 ans et que l'espérance de vie enbonnesanté,quantàellediminuecesdernierstemps...

Maisencoreunefois,jevoudraisfaireoublier(pouruninstantseulement)lecôté impressionnant et moralisateur des chiffres pour se concentrer sur lesinconvénientséconomiquesdecesinégalités.

4.3.L'histoiredesinégalités

Pikettyécrit:«L’histoiredesinégalitésestcomplexeetmultidimensionnelle,et larecherchecontinue.Larechercheensciencessociales,dont l'économienesauraitsedétacher,quoiqu'enpensentcertains,estetseratoujoursbalbutianteetimparfaite.Ellen'apasvocationàproduiredescertitudestoutesfaites.Iln'existepas de loi économique universelle : il existe simplement une multiplicitéd'expériences historiques et de données imparfaites, qu'il faut patiemment

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examinerpourtenterdetirerquelquesleçonsprovisoiresetincertaines.Chacundoitsesaisirdecesquestionsetdecesmatériauxpoursefairesapropreopinion,sansselaisserimpressionnerparlesargumentsd'autoritédesunsetdesautres».

JacquesGénéreuxpoursapart:«Iln'existepasdeconsensusmêmeentreleséconomistes et les gouvernants sur les politiques économiques : leur débat nepeutjamaisévacuerdesconsidérationsmorales,philosophiquesetpolitiques;ilsoulève toujours des conflits d'intérêts, des questions de justice ; il oblige àdéfinirunehiérarchiedesfinalitéspoursuiviesparlapolitique:lacroissance,laliberté,l'égalité,lasécurité,laprotectiondenotreécosystème,lasolidarité...».

Keynesen1938écrit«L'économiqueestessentiellementunesciencemoraleetnonpasunesciencenaturelle.C'est-à-direqu'elleutilisel'introspectionetlesjugementsdevaleurs».

L'histoire des inégalités en général, et des revenus en particulier, épousel'histoire des courants de pensées économiques à travers les temps. Pourquoin'existe-t-il pas de consensus parmi les économistes sur les causes des crisesfinancières et les solutions à proposer ? Quelles sont les différentes façonsd'interpréter lesmécanismes économiques ?Quelles sont lesdifférentes écolesde pensée économique ? À quel moment de l'histoire ont été posées cesquestions?Quellesontétélesréponsesapportéesselonlesdifférentesécoles?Quiréfléchitàcesquestionsetquigèrelesystème?

Jacques Généreux (un néokeynésien...) explique très bien l'histoireéconomique,toutcechapitreestpresqueentièrementlesien.

4.3.1.Àl'originedesdifférencesdevantladisponibilitédelamonnaie

Quilesajustifiées?

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Touràtour,Dieu,leroi,lesmilitaires,laforce,lestatutsocial,laliberté(auXVIIe) et la main invisible (au XVIIIe), les entrepreneurs politiques, la luttecontrel'inflation,l'utilitarisme,l'utilitésocialeetlathéoriemarginale(auXIXe),l'intérêtcollectifetlesmathématiques,letalent...

Les différences devant la disponibilité de la monnaie furent au départ del'histoire des Hommes expliquées par la religion, par Dieu et le droit divin.Contester ceci revenait à contester la volontédeDieu.Puis de l'Antiquité à laRenaissance,ceseralepouvoir,divinencore,maisdeplusenplusmilitairequijustifiera ces différences. « L'économie » s'intéresse alors à l'époque del'Antiquitéàlaproductiondesbiens,auxéchangesmarchandsetàlarépartitiondesrevenusetdespatrimoines.

Aristoteavécu lachuted'Athènes, sacohésion futbrisée, seloncertainsparl'usagede lamonnaiequidevait servirà faciliter l'augmentationdeséchanges.Mais cela a creusé des différences face à la disponibilité de cettemonnaie etentraîné des conflits d'intérêts.Aristote parle alors demorale économique, carl'accumulation de richesse est source de discorde et d'inégalités croissantes. Ilfautinterdirelesprêtsd'argentavecintérêt,limiterlesdépensesconsacréesauxfêtesetredistribuerlesrichessespourréduirelesinégalités.

Platondans«laRépublique»écrit:«lavertuetledésirderichessesontles2plateauxd'unemêmebalance», il insiste sur lanécessitéd'établir l'égalitédesfortunes : « s'il existe une classe de non-possédants, ils seront une sourceperpétuelle de révolution. Il faut abandonner l'espoir de réformer une Cité oùrègnel'inégalitédesrichesses».

Lesoucipremierdespenseursgrecsn'estpasd'expliquerlesenchaînementsdecausesetd'effetsquiconstitueraient«desmécanismeséconomiques»,ilestderestaurerl'espritciviqueetlavertupourunejustedistributiondesressourcesetmoraliserlecommerce,lapropriétéetl'argent.

Danslessociétésagrairestraditionnelles,despremièrescitésantiquesjusqu'àla Renaissance, ce que nous considérons aujourd'hui comme des « relationséconomiques » est soitmarginal, soit entièrement soumis aux règles de la vie

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sociale.Letravailcollectif,lasolidaritécommunautaire,laréciprocité,lesdonset contre-dons, le statut social de chacun, régissent l'essentiel des opérationsrelatives à la production, à l'usage et à la répartition des biens. Les échangesmonétairessont limitésetaccessoires,saufdans lecommerce lointainavec lesétrangers.

Lesphilosophesromainsn'ontrienajoutéàl'économied'Aristote.Et,aprèslachute de l'empire romain (476), l'héritage intellectuel d'Aristote sera mêmeperdu.L'Europeentrealorsdansunâgesombre.Lavieintellectuelleselimiterapourlongtempsauxdébatsthéologiquesconfinésdanslesmonastères.

Alors que dans le monde arabe, le commerce marchand n'arrête pas de sedévelopper du V au Xe siècle, il s'effondre en Europe. Les califes dumondeislamiqueontencouragé laphilosophierationnelleet lascience,conformémentauxtextesduCoranquifontdelarecherchedelaconnaissanceundevoirpourlesmusulmans.

Quant au XIIIe siècle, nous redécouvrons les manuscrits d'Aristote,heureusement conservés par les Arabes, la pensée économique est donc enEuropeàpeuprèsenl'étatoùellesetrouvaitplusieurssièclesauparavant.

L'Église catholique s'est jusque-là arrêtée à l'approchemorale de l'Antiquitéqui consiste à condamner le profit et le prêt à intérêt à la façon d’Aristote,commerésumédansla«sommethéologique»deThomasd'Aquin(1225-1274).

4.3.2.LeMercantilisme

Quandprogressivement,certainsmarchandsdeviennentbanquiers,lesroisoulesprincesquiont remplacé lesDieuxs'allientavec lesbanquierspourencoreunefoisrechercherparlàmêmeleurproprepuissance.Lemétalprécieux,l'oroul'argentsontlasourcedelapuissancedel'État.

LeXVIesièclemarquel'envolducapitalisme,lesprogrèsdelanavigationetl'ordesconquistadorsinaugurentlafuturemondialisation.Cettenouvellephased'expansionrenforcelanécessitédepenserl'économieetl'impactdecelle-cisurlasociété.Lemouvementconsisteraàlégitimerlecommercenonpastantàcetteépoque afin de permettre le plein emploi par ce commerce, mais pour laprospéritégénéraleetpourlapuissancedel'État.L'économieneseraplusécrite

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par des théologiens,mais par des philosophes ou des fonctionnaires cherchantlesmeilleuresfaçonsd'enrichirl'État.

Le protestantisme va légitimer le travail, l'épargne, l'investissement et laréussitedanslesaffaires,carchacunesttenudefairefructifierlestalentsqu'ilareçus du créateur. À condition toutefois que, conformément à la moraled'Aristote, leprofitnesoitniaccumulépoursoi-mêmeniconsommédansuneviedeluxe,maisréinvestidansdesactivitésutiles(Généreux).

Pecunia pecuniam non parit (l'argent n'engendre pas l'argent), c'est avec ceprincipemoralquelestroisgrandesreligionsmonothéistesdébutèrent.Cen'estpourcertainsqu'unefoisqueCalvinremitendouteceprincipedanssalettreàl'usurede1545quel'EuroperéforméeparvintàsortirduMoyenAgedanslequelelles'étaitoubliéependantprèsdemilleans,àcroîtreetàaméliorerdemanièretrèssignificativelesconditionsdeviedespopulations.

Lapensées'engagealorspourlongtempsdansson«âgepolitique»avecunenouvellevisiondejustificationmoraledesactivitésmarchandespourl'intérêtdupays.Onchercheàséparerenfinlamoraledel'économie.Laquêtedesbiensetprofitsprivésestdonclégitimeetnécessairequandelleconcourtàlarichessedel'État.Autrefoisconsidérécommeunesourcededivisionmortellepourlacité,ledésir d'accumuler les richesses est désormais conçu comme l'instrument de saprospérité.

C'est la naissance au XVIe siècle du « Mercantilisme » qui recherche ledéveloppementdelapopulation,dutravailetdel'industrie,pourdonneràl'Étatles moyens d'une puissance nécessaire dans une Europe en guerre. Il fautexporter plus que l'on importe. La société est analysée en termes de classessocialesauxintérêtsantagoniques,propriétairesterriens,ouvriers,industriels(onneditpasencorecapitalistes).

Cela semblevouloirdireque la richesseéconomiquedes individusoud'unenation résidedans laquantitéd'argentqu'ilspossèdentquandd'autres tenterontd'expliquerquelarichesseéconomiquecorrespondplutôtàlaquantitédebienset services que peut produire le pays par le travail. Si la quantité d'argentaugmente, alors que la production ne varie pas, l'ombre de l'inflation se faitmenaçante...(Généreux).

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4.3.3.LesPhysiocrates

LesphysiocratesapparaissentenFranceàlafinduXVIIesiècleetinaugurentuncourantultralibéralquiprônelerespectd'undroitquasiabsoludel'individuàfairecequ'ilveutdelui-mêmeetdesesbiens.Etcedroitestsupérieuraux«loisde l'économie ». Ils s'opposent à toute intervention publique susceptible decontrarier même un comportement qui serait anti-économique (accumulationd'argentoisifparlesriches).Lesphysiocratesaccordentunprimatàl'agriculture,seuleetuniquesourcederichesseseloneux.

Au-delà des stratégies pratiques pour enrichir la nation, les auteurs (Petty,Law...) cherchent à mettre en évidence quelques rouages d'une mécaniqueéconomique.C'estletournant(Boisguillebert,Cantillon,Quesnay,Turgot...)versune science économique avec des flux monétaires, la théorie des prix et lacomptabiliténationale.

C'est un tournant en phase avec le libéralismephilosophique qui s'affirmeratout au longdu siècle desLumières entrepris par les libéraux, en réponse auxmercantilistes(Généreux).

Ainsi coexistent deux conceptions de la convention monétaire au XVIIIesiècle.Lapremièreestissuedesscolastiques:lamonnaieestunbienpublicquinedoitpasfairel'objetd'accumulationprivéenid'unegestionimprudenteparlepouvoir. Nous la retrouvons chez les physiocrates qui reprennent l'idée d'unemonnaieinstrumentconventionnel,unbiensocialetnonindividuel.Lamonnaien'a qu'une existence sociale pour Quesnay : « L'argent (…) n'a point depropriétaire ; il appartient aux besoins de l'État, lequel le fait circuler pour lareproduction des richesses qui font subsister la nation (…). C'estl'argent de la nation, personne ne doit leretenir, puisqu'il n'appartient àpersonne».(LeHéron)

La seconde estmercantiliste : lamonnaie est le signe du pouvoir duPrince(monnayage).LaconventionestgéréeparlePrince(Law,Dutot).Unepremièreébauchedelafonctiondepolitiquemonétaireestainsimiseenavant.

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4.3.4.L'écoleClassique

À la fin du XVIIIe siècle, la réaction libérale amorcée en France va sepoursuivre enGrande-Bretagne, c’est-à-dire dans unpays en pleine révolutionindustrielle.C'estlanaissancedel'écoleClassiqueanglaisecommelanommaitMarx,etquicommenceavec«L'enquêtesurlanatureetlecoursdelaRichessedesnations»d'AdamSmith(1776)etles«Principesd'économiepolitique»deMill(1848).

«Dansuneentreprise, est-il justeounonque le talentou l'habiletédonnentdroit à une rémunération plus élevée ?Ceux qui répondent négativement à laquestion font valoir l'argument suivant : celui qui fait ce qu'il peut a lemêmemériteetnedoitpas,en toute justice,êtreplacédansunepositiond'infériorités'il n'y a pas faute de sa part ; les aptitudes supérieures constituent déjà desavantages plus que suffisants, par l'admiration qu'elles excitent, par l'influencepersonnelle qu'elles procurent, par les sources intimes de satisfaction qu'ellesréservent,sansqu'ilfailleyajouterunepartsupérieuredesbiensdecemonde;etlasociétéesttenue,entoutejustice,d'accorderunecompensationauxmoinsfavorisés, en raison de cette inégalité injustifiée d'avantages plutôt que del'aggraverencore.À l'inverse, lesautresdisent : la société reçoitdavantagedutravailleur dont le rendement est supérieur ; ses services étant plus utiles, lasociétédoitlesrémunérerpluslargement;unepartplusgrandedansleproduitdutravailcollectifestbeletbiensonœuvre;laluirefuserquandillaréclame,c'estunesortedebrigandage.S'ildoitseulementrecevoirautantquelesautres,onpeut seulementexigerde lui, en toute justice,qu'ilproduise justeautant, etqu'il nedonnequ'unequantitémoindrede son tempset de ses efforts, comptetenudesonrendementsupérieur.Quidécideraentrecesappelsàdesprincipesde justicedivergents?La justice,dans lecasenquestion,présentedeux facesentre lesquelles il est impossibled'établir l'harmonie,et lesdeuxontchoisi lesdeuxfacesopposées;cequipréoccupel'un,c'estdedéterminer,entoutejustice,ceque l'individudoit recevoir,cequipréoccupe l'autre,c'estdedéterminer,entoutejustice,cequelasociétédoitdonner.Chacundesdeux,dupointdevueoùils'estplacé,estirréfutableetlechoixentrecespointsdevue,pourdesraisonsrelevantdelajustice,nepeutqu'êtreabsolumentarbitraire.C'estl'utilitésocialeseulequipermetdedéciderentrel'unetl'autre».

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(JohnStuartMill,L'Utilitarisme)

CesClassiques«opèrent lasynthèsepragmatiqueentrel'ultralibéralismedesphysiocratesetl'interventionnismedesmercantilistescommeColbert,quigéraitlesfinancesdelaFrancede1661à1683,souslerègnedeLouisXIV.Ilsnesontpasdesadorateursdumarchéetdelalibreconcurrence,etn'ontpasdavantageconstruit un modèle général démontrant la supériorité absolue de la fameuseéconomiedemarché.

Cependant,l'appâtdugainprivén'apasquelesinconvénientshabituellementreconnusdupointdevuedelamoraleindividuelle,ilstimuleaussidesactivitésquipeuventcontribueràlaprospéritégénérale.Ced'autantqu'uneforceinvisibleconduit des actions individuelles égoïstes à produire des avantages collectifsqu'elles ne visaient pas. Cette main invisible est pour Smith celle de laprovidence divine plus que celle d'une théorie démontrant la capacité desmarchéslibresàs'autoréguler.

C'estàpartirdeJean-BaptisteSayet jusqu'àWalras (1874),que l'onvoit seconstruire « la théorie de l'équilibre général » démontrant mathématiquementque lesmarchés libres et concurrentiels engendrent une situation optimale.Cesonteuxcertainementlesprécurseursdunéoclassicismequivas'imposeràlafinduXIXesiècle.

MaismêmeàcetteépoqueClassique,ledébatconcretquijoueunrôlecentralest de savoir comment le revenu national est réparti entre les gens, comments'expliquelapartdugâteauquirevientauxdifférentsgroupessociaux?

PourSmithetRicardo,classiquesanglais,toutelavaleurvientdelaterreetdutravailet ilconvientdes'intéresseraupartageentre lespropriétairesdes terresagricoles pour qui les revenus forment une rente, les travailleurs pour qui lesrevenussontlessalairesetlespropriétairesdesentreprises(lesfuturscapitalistesdeMarx)pourquilesrevenuscorrespondentàcequ'ilresteaprèsavoirpayélarenteet les salaires.Toute laquestionestde savoirpourquoi reste-t-ilquelquechoseaprèsavoirpayélessalaires?Cequelquechosequicorrespondauprofitdes industriels. Personne n'a de réponse à cette question quand arriveMarx »(Généreux).

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4.3.5.Marx

Celui-ci interprète cette répartitiondes revenus commeun rapport de forcesentrecestroisclassessociales.Pourlui,cequireste,c’est-à-direleprofitestunprélèvement des capitalistes (propriétaires des moyens de production) sur lavaleuràlaquelleilsnecontribuentpas.Leprofitn'apas,selonluidejustificationéconomique.

Ceprofitexisteenraisond'un«modedeproduction»historiqueparticulierquidonnetoutpouvoirdedirigerlaproductionetd'enposséderlesfruitsàuneclasse qui ne produit pas elle-même.Le capitaliste, parce qu'il est propriétairedes outils, des machines et des capitaux nécessaires à toute production, peutpriver les ouvriers de travail.Dès lors, il peut aussi contraindre ces derniers àtravailler pour un salaire nettement inférieur à la valeur qu'ils créent ets'approprierladifférencesousformedeplus-value.

Pour maintenir les salaires bas afin de réaliser la plus-value, les patronsdoivent limiter l'emploi et entretenir un chômage permanent (une armée deréserve industrielle) qui dissuade les salariésde revendiquerune augmentationdessalaires.CepleinpouvoirdesdétenteursdecapitauxculminentavantchaqueguerremondialeduXXesiècle.

Marx condamnait le capitalismede son époque, puisque pourmaintenir sonprofit dans la part du revenu, il fallait restreindre...le travail, seule force decréationde...valeuretderevenu...

Pour lui,« lesphénomèneséconomiquesnes'expliquentpasd'abordpardesmécanismesabstraitsetuniversels(dutypeloidel'offreetdelademande);onne peut les comprendre qu'à partir des relations sociales qui gouvernent laproductionetladistributiondesbiens».

Pour comprendre l'économie dit Marx, il faut intégrer trois dimensionsessentielles:

• la nature sociale de l'être humain avec les normes sociales informelles

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(conventionsimposéesparlapressionsociale,l'éducation...);

•lanaturepolitiquedel'économieconduitepardesrapportsdeforceentredesgroupessociauxdontlesintérêtséconomiquessontopposés;

• lanaturehistoriquedusystèmesocialquiestdifférentselonlesépoquesetlesmodesdevie(l'organisationsocialedeschasseurs-cueilleursn'estpaslamêmequecelledesseigneursdanslesystèmeféodal...).

Chris06 : Cependant,Marx vit à une époque où il y avait réellement deuxclassesbiendistinctes,unepetiteminorité, labourgeoisie (quivivaitdu travaild'autrui) et une grande masse, le prolétariat (qui vivait de son travail). Oraujourd'hui, il y a toute une classe intermédiaire (petits rentiers, retraitéspropriétaires, héritiers présomptifs, etc…) qui ne sont ni à proprement parlerdanslaclassedelabourgeoisienidanscelleduprolétariat.L'émergencedecetteclasse“moyenne”estunphénomèneremarquabledel'histoiredescentcinquantedernièresannéesetdudéveloppementducapitalismeentrepreneurial.Leconceptmarxiende luttedes classesdoit doncêtre réactualisé et tenir comptede cetteclasse intermédiaire, qui est loin d'être une petite minorité dans les paysdéveloppés.Cesontdonclesrapportsdeforceentrecestroisclassesqu'ils'agitd'analyser. Ce qui est en train de se passer c'est que la classe des grandsbourgeois(lesgrandsactionnairesdesmultinationalesmondialisées)estentraindegagnerlalutte,carlaclasseintermédiaire(quireprésentelamajoritédeceuxquivotentetsoutiennentlesdeuxprincipauxpartisdegouvernementsdanstousles pays développés) ne veut pas risquer de perdre les privilèges dont elledispose.Cetteclasseintermédiaires'alliedonc(dansl'isoloir)pardéfautaveclesgrandsbourgeoisplutôtqu'aveclesprolétaires,pourcontrôlerlepouvoir,mêmesi cela veut dire se laisser grignoter une partie de leur richesse par les grandsbourgeoisquiconcentrentunepartdeplusenplusimportantedelarichesse.

Àlalecturedu«Capital»,leSocialismemarxienestbasésurunethéoriedelavaleurquiestla«valeur-travail».Lesocialismemarxienn'expropriepasquelesmoyensdeproduction,maistoutlecapital,puisqu'iln'apasdeplacedansla«valeur-travail».

VonMiseslui,avaitpréditqueleSocialismemarxiens'effondreraitbeaucoupplus rapidement que le capitalisme. Le capitalisme dure depuis plus de centcinquanteansetdure toujours, lesocialismemarxien, lui,n'apasduréplusde

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soixanteans!DonclesprévisionsdeVonMisessesontrévéléessupérieuresàcellesdeMarx.

Toutes les économies qui ont essayé de l'implémenter ont eu des résultatscatastrophiques et ont périclité (il reste encore Cuba et la Corée du Nord).L'URSS et la Chine sont passées d'un régime socialiste à une économiecapitalistedemarchésetnonpaslecontraire.

LeSocialisme ne peut pas être réduit à une économie planifiée, centralisée,bureaucratique,maisàchaquefoisqu'onaessayédel'implémenter,ilsedégradetrès rapidement en économie planifiée, en féodalisme d'État avec des plansquinquennaux.(chris06)

IlfautlireMarxetl'interpréterdanslecontextehistorique.D'unepart,Marxn'a pas pu voir les progrès technologiques, notamment l'automatisation, lestélécommunications, les technologies de l'information et lamondialisation ontexercé une pression à la baisse sur la part relative du travail par rapport aucapital.Celaaeupourconséquenceuneplusgrandepartd'utilisationdecapitalproductifdanslesmoyensdeproductionetunemoindrepartdetravailhumain.

Cefutcependantcompenséparunepressionàlahaussedelapartrelativedutravail notamment, grâce aux négociations sociales. Le résultat est, commevérifiéempiriquement,etcontrairementàcequ'avaitpréditMarxetsafameuseloi,queletauxdeprofitcapitaliste,c’est-à-direlapartducapitaldanslavaleurajoutée (qui s'oppose à la part du travail dans la valeur ajoutée) est restéerelativementconstantesurtoutelapériodecapitaliste.

Letauxdeprofitcapitalisteaaugmentéjusqu'en1915,enfaitc'estlapremièreguerremondialeetsurtout laseconde,qui l'ontfaitdiminuer,puisilaremontédepuis.Surlelongterme,lescentcinquantedernièresannées,ilestrestéàpeuprèsconstant.

Toutlemondes'accordepourdirequelescapitalistesontgagné,quecelasoitWarren Buffet et bien d'autres, car la seule alternative au capitalisme, lemarxisme,s'estrévéléeencorepireaucoursdusièclepassé.Ilestévidentqu'enChine,commepartoutailleursaucoursdescentsdernièresannées, lessalairesontaugmentéavecl'augmentationdelavaleurajoutéeconséquencedesprogrès

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technologiques.

Lathéoriedela«valeur-travail»nepouvaitpasfonctionner,commeexpliquéparVonMisesavecl'impossibilitédu«calculéconomiqueenrégimesocialiste»etl'inéluctabilitédesadégradationanti-démocratiqueenéconomieplanifiée,ouencore dans son livre « Le Socialisme » et dans les débats qu'il eut dans lesannées1920aveclesocialistemarxienOskarLange(Chris06).

4.3.6.Lavaleurmarginaledesnéoclassiques

Quandvint laRenaissance,puis lesiècledes lumièreset sesphilosophes,etpuis enfin Marx, la dignité de l'homme gagne du terrain. Pour freiner cettenotion égalitaire vers la moitié du XIXe siècle va apparaître la théorie de laproductivité marginale, c’est-à-dire que le plus productif (qui produit le plus,toutensefaisantunemargedeprofit)gagneradesrevenusplusélevés...

LeséconomistesclassiquesetMarxvousdirontquelavaleurd’échanged’unbienestfonction,nondesonutilité,maisdelaquantitédetravailnécessaireàsaproduction. La valeur d’échange d’un diamant est élevée, car cela demandebeaucoup de travail pour en produire un, alors que pour l’eau, cela demandebeaucoup moins de travail. Smith et Ricardo n'avaient pas encore compriscomment fonctionnait un système de prix de marché basé sur l'offre et lademande,puisque l'explicationestvenuebienaprès,dans lesannées1870,parlesmarginalistes.Smith,RicardoetMarxcroyaientencorequelesprixdoiventêtre basés sur la valeur travail, alors qu'ils doivent être basés sur l'utilitémarginale selon les économistes néoclassiques (Walras, Menger, StanleyJevons). Ces derniers changèrent cette valorisation objective (valorisation dutravail nécessaire) pour la remplacer par une valorisation subjective, lavalorisation de l’utilité marginale. C’est de ce marginalisme qu’émergèrenttoutes les théories économiquesnéoclassiquesde la penséedominante actuelleainsiquelesthéoriesdel’écoleautrichiennepourélimineràtoutprixleconceptdevaleurtravaildéveloppéparMarx.

En aucun cas, la valeur d’échange n’est fonction de la valeur d’usage(l’utilité).

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Pourreprendrel'exempledesdiamantsetdel'eau,lavaleurd’usage(utilité)del’eauest très importantepuisquevouspouvezdifficilementvouspasserdesonusagepropre(c’est-à-diredelaboire),alorsquesavaleurd’échangeestfaible.Inversement,lavaleurd’usage(utilité)d’undiamantn’estpasbienimportante,vouspouvezvivre touteunevie sans jamais ennécessiter, alors que savaleurd’échange,elle,esttrèsimportante.

C'est Jean-Baptiste Say encore qui fut à l'origine de ce changementmajeurdanslapenséeéconomique.

Quand les classiques ont une conception matérielle et marchande de laproduction et cherchent une mesure objective de sa valeur, Say adopte uneapproche subjective de la production et de la valeur. Selon lui, est productivetoute activité qui est « utile » aux individus, c’est-à-dire susceptible de leurprocurerunesatisfaction.Peuimportequeleproduitsoitmatérielouimmatériel.Lavaleurd'unbien,c'estsavaleurd'usage,sonutilitésubjective,tellequ'elleestperçueparun individu, lequelest seul capabled'enapprécier l'intensitéquivadépendredesararetéetdesanécessitédumoment.

L'eauestutile,mais(encore)abondante,saufsinoussommesdansledésert...Lesdiamantssontraresetchers,maisinutilesdansledésert...

Cette approche de la valeur est en phase avec un nouveau courantphilosophique fin duXVIIIe siècle qui va vite devenir dominant, l'utilitarismequi fera naître avec l'apparition du néoclassicisme dans les années 1870, larévolutionmarginaliste.

L'utilitémarginaleestlasatisfactionprocuréeparuneunitésupplémentairedubien.Quand nousmourrons de soif, l'utilitémarginale de l'eau est énorme audépartpuisbaisseévidemmentaveclesgorgéesbues...

Qu'estcequialeplusdevaleur,pournous,àcetinstantt,danslasituationquiestlanôtreparmitouslesbiensetservicesquenousdésirons,peut-être,acheterbientôt?

Maintenant, posons lamêmequestion à tous les êtres humains et à tous les

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instants t futurs. Nous obtiendrons une quasi infinité de réponses diverses etvariées qui varieront en fonction du temps. Une théorie de la valeur aussisophistiquée soit-elle, ne pourra jamais, aumieux, qu'approximer la réalité detoutescesdécisionshumaines.

Depuisque leséconomistessepenchentsurcettequestion, ilyadébat,à lafois sur la question de savoir si la valeur d'une chose doit dépendre d'un ouplusieurs facteursobjectivementmesurablesousi,aucontraire, lavaleurd'unechoseestquelquechosedesubjectifquidépenddeladésirabilitédecettechosepourunconsommateurdonné.Maisaussi,plusfondamentalement,sinousavonsvraiment besoin d'une théorie de la valeur pour comprendre les phénomèneséconomiqueset être capabledeprévoir les conséquencesdesdécisionsd'ordreéconomiqueetpolitique.

Noussommesencoreloindepouvoirrépondreaveccertitudeàcettequestion.Lesdécisionshumainesnesontpasfacilementmodélisablesetnousnepouvons,commeensciencesnaturelles,reproduiredesexpériencesrapidementetvaliderou invalider des théories en fonction des résultats ! Mais disons que depuismaintenantplusde150ans,dansleséconomiescapitalistesdemarché,c'est lathéoriesubjectivedelavaleurquis'estimposée,notamment,lemarginalisme.

Il existe une vive critique dumarginalisme et en général un débat toujoursintense entre les économistes sur la pertinence des différentes « théories de lavaleur».Cesdifférentes théoriessont lefondementdessystèmeséconomiquesmodernes,qu'ellessoientcequ'onappelledesthéories«classiques»(lavaleurd'un bien est objective et dépend de la quantité de travail nécessaire pour leproduire, notamment défendue par Smith, Ricardo et Marx) qui ontgénéralementcommenousvenonsdelevoir,étéabandonnéesdepuislesannées1870, pour laisser place aux théories « néoclassiques », notamment celle quidominetoujoursaujourd'hui,le«marginalisme»oùlavaleurd'unbienestnonpasobjective,maissubjectiveetdépenddel'utilité(margia)d'unbien,plutôtquedesarareté.

Chris06:Unexempletrèssimple(etcaricatural)decalculdelavaleurtravailcomparéàunsystèmedeprixbasésurl’utilitémarginale,c’est-à-direquiobéità

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l’offreetlademande.

D’uncôténousavonsMichaëlJackson,quicomposeThriller.Del’autrecôténousavonsunmusicienlambdaquicomposeunemusiquequineplaîtqu'àlui-même.

Dans un système basé sur la valeur travail, le prix du disque c’est, commeMarxl’avaitexpliqué,letravailcristallisédanssaproduction.Lessalaires,c’est-à-dire lesprixhorairesdu travaildechacun,sontfixésparunorganismeselondescritèresàdéterminerquivariententre1etN(mettons5).Nousdémarronsavecunequantitédeproductionde100000(fautbienpartirsurquelquechosepuisqu’iln’yapasdemarché)donclavaleurtravailpourledisquedeMichaëlJacksonestégalà:

(salairedeMJ+ investissementspourproduire ledisque) /100000.Pour letristeinconnunousavons:

(salairedumusicienlambda+investissementspourproduireledisque)/100000.

Doncenfaitlesprixdesdeuxdisquessontpourainsidireidentiques.Résultatnousproduisons100000disquesdechacun, lademandepourceuxdeMJfaitque nous sommes en rupture de stocks au bout de quelques jours, pour lemusicienlambda,ils’envend20(sesamisquisontgentilsaveclui)etilreste99980disquesenstocks.

Problèmeclassiquedetouteéconomiesocialiste,rupturedestockpermanentedecequelesgensontenvied’acheter,inventairesmassifsdecequelesgensneveulent pas, chose que j’ai pu voir demes yeuxpuisque j’ai vécu pendant 18moisàDresdeenexRDAdanslesannées1980.

Àpartir de là, lesnéoclassiquesvont construire la théorieducomportementrationneld'unindividutypequichercheàmaximisersonutilité.Ilsdécouvrentune méthode scientifique pour expliquer toutes les décisions humaines, cesdernièresconsisteraienttoujoursàégaliseruncoûtmarginal(lecoûtdeproduireuneunitéenplus)àuneutilitémarginale.

En gros tant que le profit de la vente d'une unité supplémentaire restesupérieuràsoncoût,nouscontinuonsdelaproduire.

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C'estune« révolution»dans le sensoù la scienceéconomiqueentendaveccettethéoriesedistinguerdesautressciencessociales(quielless'intéressentauxinégalités...sociales).

Cene sontdoncpas les idéesdeMarxquivont l'emporter enEurope,maisplutôtcellesdeJean-BaptisteSay.

CommeMarx,« lesmercantilistes, lesphysiocrateset lesclassiquesanglais,ont tous la vision d'une société divisée en classes sociales aux intérêtsdivergents.Tousétudientdonclarépartitiondurevenuentrecesclasses».

Say quant à lui, explique que les « revenus ne sont pas partagés entre descatégories sociales,mais entre les trois facteursdeproduction.Chaque facteur(travail, rente, capital) reçoit une rétribution (salaire, rente, profit), qui estproportionnelleàsacontributionàlaproduction».

Saydans sa façondepenser efface lesdivisions et les inégalités sociales, ilmet en relation des facteurs impersonnels comme si n'importe quel individupouvait décider d'offrir soit du travail, soit de la terre, soit du capital,indépendamment de son milieu social et de sa fortune. Say élimine ainsi lesquestions soulevées par les rapports de force entre groupes sociaux, et il peutalors ramener les relationséconomiquesàde simples relationsd'échangeentredesindividus.

4.3.7.Keynes

La crise de 1929, puis la deuxième guerre mondiale ouvrent la voie àKeynes...

L'approchekeynésiennemetl'accentsurlanécessitédemaintenirlademandeà un niveau suffisant pour assurer le plein emploi. Elle ne se limite pas pourautantàpréconiserlarelancedelademandeparlesdépensespubliquesentempsde crise. Elle est porteuse d'une critique plus structurelle du capitalisme. Ellesuggère de prévenir les crises en assurant une répartition plus juste du revenu

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national et en régulant la finance pour la remettre au service de l'économieproductive.

Keynesrajoutequelesinégalitésderevenus,ainsiqu'unemeilleurerentabilitédu capital par rapport au travail forment comme nous l'avons vu, des pochesd'argentinexploitéquidéprimentlacroissanceetl'emploi.

Mais lesdifficultéséconomiquesplacentaupremierplan lesquestionsde laproduction et de l'efficience ; « la croissance de l'âge d'or » n'est plus là pourpermettreauxprofitsetauxrevenussalariauxd'augmenterconcurremmentsansse nuire. Pour privilégier l'offre et la croissance, ne convient-il pas demettrecertainsidéauxégalitairesentreparenthèses?

Auparavant la question ne se posait guère. LeNewDeal avait démontré lacohérence entre redistribution sociale et dynamisme économique, entre hautssalairesetfortecroissance.«Unemaréemontantesoulèvetouslesbateaux»:lamétaphore de l'administrationKennedy avait légitimé la politique de « guerrecontrelapauvreté»menéedanslesannées1960,puispoursuivieparNixon.

Mais au fur et à mesure que l’emploi augmente, pour des équipements enquantité et qualité constantes à court terme, la productivité d’un travailleursupplémentaireembauché(productivitéditemarginale)décroît,nonparcequecetravailleur estmoins compétent que les précédents,mais parceque l’efficacitéretirée de l’utilisation d’équipements sur lesquels de plus en plus de mondetravaille,estmoindre.

Par conséquent, selon l’orthodoxie, les salaires réels individuels ne peuventque baisser.La raison en est que l’employeur embauche tant qu’un travailleursupplémentaire lui rapporte plus qu’il ne lui coûte. Comme tous les salariésd’unemêmecatégoriesontpayéspareillement,larémunérationbaisseenmêmetemps que la productivité marginale. Mais cette baisse est invisible grâce aumaintien des salaires nominaux, entretenant une « illusion monétaire », carl’inflationrognelepouvoird’achat,c’est-à-direlessalairesréels.

C’est ici qu’intervient la première subtilité deKeynes.Celui-ci pensait sansdoute inévitable labaissedessalairesréels,maisquiétaitcompenséeen termede demande de biens et services par une augmentation de la masse salariale

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globale, du fait de l’augmentationde l'emploi.Autrementdit selonKeynes, labaissedessalairesréelsaccompagnetoujoursl’améliorationdel’emploi,maiscen’estpascettebaissequisuscitel’embauche.Admironslanuance!

La trouvaille est géniale, mais elle va se révéler terrible du fait de laconcession accordée à la théorie libérale, à savoir la baisse de la productivitémarginaledutravailaulieudeconsidérercelle-ciconstante,voirecroissante,ensituation de sous-emploi. Le retournement libéral de ces subtilités deraisonnement, les libéraux, et plus particulièrement ceux qu’on appelle lesmonétaristes, vont fabriquer une arme retournée contre les politiquesd’inspiration keynésienne. Puisque la baisse des salaires réels accompagne larelancedel’emploi,faisonslapassercommeétantunpréalableetorganisons-lapourqu’ilensoitainsi.Transformonsuneconséquenceenunecause, telest leprogrammethéoriséetmisenœuvreparleslibérauxdontcertainsirontbientôtjusqu’àseréclamerdel’héritagedeKeynessouslelabel«néokeynésien»,unesynthèseclassique, libéraleavec les relancespubliquesdeKeynes (onpourraitciterSamuelson,Mundell,Solow,Krugman...).(Harribey)

Les difficultés survenues au cours des années 1970 inclinent nombred'intellectuelsetd'universitairesàdemanderquel'onchoisisse.Àleursyeux,larecherchede l'efficiencedoitdéboucher sur la créationd'inégalitéspar lebiaisd'incitations matérielles diversifiées en fonction de la performance. Audemeurant, et nous reconnaissons là un des thèmes les plus porteurs duconservatisme américain, les politiques de redistribution auraient surtout poureffetd'accroîtrelepoidsdesbureaucratieschargéesdelesconcevoir,puisdelesadministrer.Ceseralathéoriedu«robinetquifuit»(Halimi).

Lerefluxsyndicalet lafaillitedumodèlecommunisteontpermisà l'Étatderevenir surdes réformeskeynésiennes (secteurpublic, contrôlede lamonnaie,politiquebudgétaireactive).

Lafindestrenteglorieuses, lachutedelacroissanceet lescrisespétrolièresdes années 1970 font passer laGrande-Bretagne et lesUSA en premiers, puisl'EuropedanslemondenéolibéraldeFriedmanetHayek.

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4.3.8.LesNéolibéraux

LarecommandationdeFriedmanpourréduirelechômageestqu'ilfautbriserle parallélismeentre l'évolutionde la productivité et celle des salaires, c'est-à-diredésindexerlasecondedelapremière.Cettemaximesavantereçutunnom:réduction du coût du travail pour réduire le chômage structurel, entendez lechômagedû aux rigidités structurelles dumarchédu travail introduitespar lesconventions sociales sur le parallélisme entre l'évolution de la productivité etcelledes salaires, sur le salaireminimumousur ledroitdu travail engénéral.(Harribey)

Aussitôtdit,aussitôtfaitpartouslesgouvernementsdumondeetparl'Unioneuropéenne : aucune tolérancene futdorénavantadmise, lesbanquescentralesdevinrentlesgardiennesdel'orthodoxie.

Hayek rappelle que les espoirs suscités par la théorie keynésienne ont étéamèrementdéçusdurantlesannées1970.Keynesseseraitbasésurl'hypothèsed'une corrélationpositive« simple» entre la demandeglobale et le niveaudel'emploi, et sur le faitque leniveauduchômagepouvait êtrecombattuparunaccroissement de la demande globale. Or l'application de cette théorie a nonseulement entraîné de l'inflation mondiale en échouant dans une préventiondurable du chômage,mais se trouve être à long terme la cause d'un chômagebeaucoupplusimportantqueceluiqu'elleentendaitcombattre.

Lesthèsesnéolibéralesprivilégientunelogiqued'accumulationfinancière.Lastabilisation monétaire de l'économie, le rôle confié au capital privé pourorganiserl'allocationdesressources,l'allégementdelafiscalitépesantsurl'offreet le capital enmatière de redistribution caractérisent les trois fonctions de lapolitiqueéconomique.

La politiquemonétaire a pour objet de procurer à l'économie la quantité demonnaie nécessaire à la croissance économique et à la réalisation du pleinemploi touten respectant la stabilitéde lamonnaieauniveau interne (stabilitédesprix)etauniveauexterne(stabilitéduchange).

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PourFriedman,lesdépensesgouvernementalesfinancéesparl'empruntpublicnefont que remplacer un volume approximativement égal de dépenses privées(notammentl'investissement).

Friedman : « ce qui se cache derrière la plupart des arguments contre lemarchélibre,c'estlemanquedefoidanslalibertéelle-même.»

Selonlesnéolibéraux,si lemarchédutravailestconcurrentielet lessalairesparfaitementflexibles,lalibrenégociationdessalairesfixeratoujoursceux-ciauniveauquiassurelepleinemploi.Tousceuxquiveulenttravaillerausalairedumarchétrouverontunemploi.

Saynousexpliquequelesproducteursn'ontpasbesoindefairedesprévisionssur la demande. Nous sommes dans une économie de l'offre : la seulepréoccupation pertinente est d'utiliser au mieux les ressources humaines etmatériellesdisponibles;lechômagedemasseinvolontaireestainsiimpossible.L'offreengendrelerevenu,lerevenuengendrelademande,et laflexibilitédesmarchés élimine en continu toutes les frictions qui pourraient perturber ceprocessus.

Le seul rôle dévolu à la politique économique est alors d'assurer unenvironnement favorableà laquêtedesprofitsetà laconcurrence,c’est-à-direunepolitiquedel'offre.

Lesentreprises (sourced'emploi)ont toujourscherchéàestimer lademandeafindeprogrammerleuroffre,évaluerlesressourcesetsalairesnécessairespourproduirecetteoffreetêtreassuréesdes recettesàvenir.L'Étataussia toujoursrêvédeplanifierlademandeetlaproductiondel'offre.EnFranceen1958,DeGaulleparleduplancommed'uneardenteobligation.En1976Chiracpartaitenguerrecontre le« libéralismeclassique», se réclamaitd'un« travaillismeà lafrançaise », rangeait les gaullistes à gauche, rejetait symétriquement « lesocialisme et lemercantilisme », dénonçait le « libéralisme conservateur » deBarre etGiscard.Et deux ans plus tard, il prononce l'éloge de la planification(Halimi),sansforcémentquecelle-cisoitcoercitivecommeenURSS,maisjusteàbutd'orientation,afindepermettrelabonneallocationdesressources.

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Celaatoujoursoupresqueétéunéchec,etvoiciqu'aveccettenouvellethéoriemarginale, les néoclassiques trouvaient le moyen de prévoir la demande enfonctiondel'offre!Ilfautdoncseconcentrersurl'offre,etlademandes'ajustera.

Ilexisteraitunéquilibreentrel'offreetlademande:àpartird'unethéoriedescomportements individuels rationnels, lesnéoclassiquesdéduisent lesquantitésde biens et services, de travail et de capital offertes et demandées par des«agents»rationnels.

LéonWalras,chefde filedesnéoclassiquesenFrancepenseavoirdémontrémathématiquement,nonseulementl'existenced'unéquilibregénéral,maisaussila stabilité de celui-ci. C’est-à-dire que si un choc quelconque (pénurie,surproduction...),vientàmodifierl'offreoulademandeetàdétruirel'équilibreinitial, la concurrence déclenche un ajustement automatique des prix jusqu'auniveauquirestaurel'équilibre.

Undesproblèmesprincipauxdesentreprisesestqu'ellesdoiventêtrecertainesdepouvoirvendretouteleurproduction.Avoirpayélesmatièrespremières,lessalaires et les machines sans recevoir les recettes escomptées si toute laproductionnepeutêtrevendue, constituebien sûrungraveproblèmepour lesentreprises.

Sayencoreunefoistrouvelasolutionavecsaloidesdébouchés.Certes,ilyades ajustements nécessaires et les entreprises qui voient la demande de leursproduitsbaisserdevrontbaisserleursprix,semettreàmoinsproduire,licencierou employer leurs ressources dans un autre secteur. Cela est possible enmacroéconomie.C’est-à-direqu'ilexisteratoujoursunautresecteurquigrossirapendantquelepremierdiminue.

Tout cela est expliquépar la loi des débouchés.Lavaleur de la production,c’est-à-direl'argentquenécessitelaproductioncorrespondforcémentàl'argentdisponiblepourl'acheter(dansunsystèmefermé,c’est-à-diresanstenircomptedel'étrangerquipourraitamenerouretirerdel'argent).C’est-à-direencoreunefoisquel'offrecréelademande.

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Lesnéoclassiquespensentque la thésaurisation (le fait degarderde l'argentchezsoi)n'estpasrationnelle,l'argentn'estpasfaitpourêtregardédecôté,carcelane rapporte rien.Aupire, cet argent estplacé enépargnepourpouvoir lefairefructifier.

Il ne peut y avoir de crise de surproduction pour les néoclassiques. Sid'aventure, les ménages épargnent trop par rapport aux investissementsdisponibles (qui sont financés par l'épargne) et consomment trop peu, celaentraîne pour certains une surproduction de biens, mais pas pour lesnéoclassiques qui répondent que grâce aux marchés, s'il y a trop d'épargne,l'excès de fonds prêtables par rapport aux besoins de financement desinvestissementsfaitbaisserletauxd'intérêt.Celui-cirémunèrel'épargnequivadoncdiminuer,sielleestmoinsrémunérée.Sil'épargnebaisse,lesménagesvontdoncplusconsommerempêchantlacrisedesurproduction.

Pourlesnéolibéraux,l'économiedemarchéassureunesituationoptimale(ausens de Pareto : une situation est optimale quand nous ne pouvons plusl'améliorersansdétériorercelled'unautre)etnotammentpourcequiconcernelamaximisationdesrichessesàpartager.Laquestiondesinégalitésestlaisséeauxpolitiquesouauxphilosophes.

Cependantcesnéoclassiquesreconnaissentleslimitesinhérentesauxmarchésdans le monde réel. Ils se sont surtout appliqués à montrer comment celamarcherait dans un système qui ne correspond pas au monde réel où laconcurrenceestplutôtdéloyalequenonfaussée,l'informationmalpartagée,lesdélitsd'initiéstrèsfréquents...

Les fondateurs de l'école néoclassique (Walras, Pareto, Marshall, Pigou...)étaient favorables à une intervention de l'État pour pallier les défaillances dumarché.

C'est avecFriedman etHayekque l'échec de ce systèmequand il arrive estexpliqué par l'intervention de l'État (salaire minimum, cotisations sociales,régulation,ambitionsélectoralistes...)quientravelalibertédesmarchés.

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PourKeynes,lesprixetlessalairessontrigidesàlabaissecommeàlahausse.C’est-à-dire qu'on ne peut pas facilement et vite les faire varier comme unmoyend'ajustementàl'offreetàlademande.Ducoup,contrairementàlathéorienéoclassique, l'ajustementsefaitsurtoutpar levolumedel'emploi,c’est-à-direle chômage.Du coup, les entreprises ne peuvent être assurées que leurs plansd'investissement,detravail,deproductionetdeventeseronttoujoursréalisés.

Chacun doit forger des anticipations qui dépendent de l'optimisme ou dupessimisme des prévisions effectuées par lesménages et les entreprises...Bref,rienn'estacquis...Etsilepessimismerègne,alorslesagentséconomiquesvontvouloirmettredel'argentdecôté,quidortsousleurmatelasaucasoù,commeautant de fuites qui privent l'économie d'un certain montant d'argent sur lasommeinitialementjugéejustepourréalisertousleséchanges.

Keynesneparlait(presque)quedecela,delapréférencepourlaliquidité,delatrappeàliquidités,delathésaurisation(encasdeguerre,encasdecrise...)quientraînentautantdefuitesdanslecircuit.Etdanscecas,laloidesdébouchésdeSaynetientplus,etlapolitiqueéconomiquedevraitplutôtêtreunepolitiquedelademande.Cequimotivelesentreprisessontleurscarnetsdecommande.C'estlademandequicréel'offre.

Lademandedesménagesne s'expliquepasmécaniquementpardes facteursobjectifs aisément mesurables, elle est très sensible à la confiance (de garderleurs emplois et leurs revenus) dumoment. Si la demande est faible, l'emploibaisseetsil'équilibredeWalrasseconfirme,ilseferadansunrégimedesous-emploiquandceluioriginaldeWalrasseferaitverslepleinemploi...

Bien sûr une demande supérieure à l'offre entraîne de l'inflation. Keynesproposeunepolitiquequistabiliselademandeautourd'unniveaucorrespondantàl'étatdescapacitésdeproduction(lePIBpotentiel).

L'orthodoxieactuellepenseplutôt,qu'auniveaumacroéconomiqueetàcourtterme la demande crée l'offre alors qu'au niveau microéconomique et à longterme, les stratégies d'offre des entreprises visent à transformer ou à créer lademandeparlapublicité,l'innovation.C'estcedernierprocessusquevisentlesnéoclassiques.

Plusieurs étudesmenées par l'OCDE semblent indiquer qu'à court terme, ce

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sont effectivement les effets keynésiens qui l'emportent, tandis qu'au bout dequelques années, les effets ricardiens finissent par l'emporter. Les effetsricardiens signifient qu'il existe une équivalence (ricardienne) entre la dettepubliqued'aujourd'hui (les relanceskeynésiennes) et les impôtsdedemainquiincitentlesménagesànepasdépenserleursrevenusaujourd'huipourpayerlesimpôtsàvenir(impôtsquiaugmenterontcertainementpourrembourserladette).L'effet escompté des relances publiques serait ainsi inhibé. C'est peut-être laraison pour laquelle Reinhart et Rogoff, qui ont mené une étude sur le longterme, n'ont expliqué leur relation qu'à travers l'équivalence ricardienne (Cettefoisc’estdifférent.Huitsièclesdefoliefinancière,Pearson,2010).

Il est finalement difficile de contester l'idée selon laquelle à court terme lamonnaiepeutavoirdeseffetssur l'économieréelle,néanmoinsà long termelamonnaie pourrait être neutre et ne pas influer sur la croissance. Ceci peutjustifier une politique monétaire restrictive, mais tout autant une politique detypekeynésien:eneffet,siàlongtermeriennechange,pourquoisepriverd'unerelance budgétaire, si celle-ci peut atténuer les coûts sociaux d'une crise parexemple ? Lamonnaie peut alors devenir unmoyen de lisser la courbe de lacroissance,etainsid'éviterunecroissancedutypestopandgoauxconséquencessocialeslourdes.

Maisencoreunefois,l'équivalencericardienneadmetenelle-mêmelacraintedesagentséconomiquesquantàunehaussedesimpôtsfuturs.Nousverronsquelavisionpost-keynésienned'unepartet la luttecontre lesdifférences faceà ladisponibilitédelamonnaied'autrepartpermettentdes'enaffranchir…

Schumpeter a joué un grand rôle dans la mise en avant de la politique del'offre avec ce qu'il nommait la destruction créatrice quand les produits del'innovationremplacentd'autresjugésobsolètes.«L'impulsionfondamentalequimet et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par lesnouveauxobjetsdeconsommation, lesnouvellesméthodesdeproductionetdetransport,lesnouveauxmarchés,lesnouveauxtypesd'organisationindustrielle–tous éléments créés par l'initiative capitaliste. [...] L'histoire de l'équipementproductif d'énergie, depuis la roue hydraulique jusqu'à la turbinemoderne, oul'histoire des transports, depuis la diligence jusqu'à l'avion. L'ouverture denouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le développement des

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organisations productives, depuis l'atelier artisanal et lamanufacture jusqu'auxentreprises amalgamées, constituent d'autres exemples du même processus demutation industrielle – si l'on me passe cette expression biologique – quirévolutionneincessammentde l'intérieur lastructureéconomique,endétruisantcontinuellementsesélémentsvieillisetencréantcontinuellementdesélémentsneufs.CeprocessusdeDestructionCréatriceconstitue ladonnéefondamentaleducapitalisme:c'estenellequeconsiste,endernièreanalyse,lecapitalismeettouteentreprisecapitalistedoit,bongrémalgré,s'yadapter.»

J.Schumpeter,Capitalisme,socialismeetdémocratie.Schumpeterélaboraitsathéoriebienavantladépressiondesannées1930avec

unevisionàlongtermequandKeynesécrivaitla«Théoriegénéraledel'emploi,del'intérêtdelamonnaie»pendant lacriseen1936etsessolutions(contrelechômage, la récession, les crises récurrentes..) devaient être applicables à pluscourtterme.(chris06)

Les débats économiques entre les candidats aux futures électionsprésidentielles,tournerontautourduchoixentrelespolitiquesdelademandeoude l'offre. Mais il n'est pas sûr qu'en majorité, nous nous en rendionscompte...Nousfaisonsdelaprosesanslesavoir...

Lesdogmesjouentunrôlemajeurdansl'histoiredesinégalités,l'idéologieestuneimaginationcamoufléeendémonstration.

Chris06toujoursluiracontait:

À l'époque où j'étudiais (les années 1990), le dogme disait que touteintervention des administrations publiques dans l'économie privée, capitaliste,étaitinefficace.

Cedogmenéolibéralétaitceluiquidominait totalement l'économiepolitiqueetlafinance.

Ce dogme néolibéral est ce qui était enseigné dans toutes les plus grandesécolesd'administrationdesaffairesmondiales,lesgrandesécolesdecommerce,àl'ENAetc...

C'est avec cet enseignement (cette religion ?) que la plupart des décideurs

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d'aujourd'hui, les CEO (pour chief executive officer...), les banquiers, lesdirigeantsdehedgefunds,ceuxquiconseillentlespoliticiens,leslobbyistesontétéformatés.

Ce dogme néolibéral nous a donné des notions comme le consensus deWashington.

Cedogmenéolibéralestnédansl'universitéNorthwesterndeChicagodanslesannées 1960 et n'avait qu'un et un seul objectif : convaincre les décideurspolitiques qu'il fallait privatiser le contrôle de l'économie et de la financemondialedemanièreàredonnerlapart«perdue»delavaleurajoutéequelesdétenteurs du capital avaient dû laisser aux salariés durant les années d'après-guerre(lecompromisdufordisme).

Cedogmenéolibéralétaitpeutêtrecohérent(queljolimot,cohérent!),maisiln'avaitstrictementaucun intérêtpour lespeuples,quiconsistenten trèsgrandemajoritédesalariés,nondepropriétairesdesmoyensdeproduction.

Entendre une apologie deFriedman et de l'école deChicago, je trouve celaformidable.

Et je ne parle pas de la version encore plus extrémiste, l'école autrichienne,Unedesvariantesdunéolibéralisme.Pourquoipas l'apologiedeRothbard tantqu'on y est ? Murray Rothbard allait jusqu'à proposer la privatisation de lajustice,delapolice,del'armée...etmêmedespharesquisignalentlescôtes!

Ah oui, c'est cohérent.Quand on part du principe que le gouvernement, lesadministrationspubliques,lesbanquescentrales,sontdesinepties,qu'ils'agitdetoutprivatiser,c'estcohérent.Cetanarchismecapitaliste,lesystèmeidéalselonles autrichiens, est peut-être ce qu'on essaie de mettre en place aujourd'hui...Maisest-cedansl'intérêtdespeuples?

CequeKeynesavaitcompris,ilyadéjàpasmald'années,carilavaitderrièreluiVonMises etMarx, c'est que les deux systèmes s'opposent : le socialismeprônéparMarxquiavaitmontréquelétaitlafaillefondamentalequiconduiraitun jour le capitalisme à sa fin : il est incompatible avec la démocratie car lacohérencelibéraledelacompétitionetdeladérégulationtotaleimpliqueuneloiduplusfort,elle-mêmeincompatibleavecladémocratie;etlecapitalismeprônéparMisesquiavaitmontréquelleétait la faille fondamentalequiconduirait lesocialismeàsafin:ilestincompatibleavecladémocratie,carreposantsurl'idée

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qu'uneéliteéclairéedoitprendre lesmesuresnécessairespourconstituer l’ÉtatProvidenceetlegérer,defaçonàsatisfairelesbesoins.

C'estpourcelaqu'ilaessayédebâtirunmodèleéconomiquequilaisseplaceauxdeux.

L'école de Chicago fut sa négation, basée sur l'idée que seul le capitalismesurvivraitàlongtermeetqu'ilfallaittoutprivatiser.Lecapitalismepouvaittoutrégler.

Àmon avis ce sont les post keynésiens (commeMinsky) qui ont vraimentcompriscequ'ilfautfairepournepasreproduirelesmêmeserreursdupassé.

Seuls les post keynésiens ont compris comment fonctionne réellement lesystème monétaire des changes flottants (création monétaire privatisée) et enquoi il est fondamentalementdifférentd'unsystèmedechanges fixes (créationmonétairepublique).

Cependant la littérature déjà citée permet de noter pourtant que la synthèsenéoclassique et sa théorie de l'équilibre général, bible du néolibéralisme, netenait que si les revenus étaient proportionnels à la participation sociale (lesimpôts),Marxauraitcertainementécrità«lareprésentationsociale»!

Ainsileslibérauxd'origine,avantdesetransformerplustardpourcertainsennéolibéraux, auraient été les premiers à dire qu'il n'y avait aucune raison desauver les actionnaires et les créanciers les plus favorisés des banques et dessociétésd'assurancelorsdelacrisede2006.

4.4.Interprétationdesinégalités

Pourcertainscesinégalités,endehorsdeleursconséquenceséconomiquesnedevraientpasêtreunproblème.Ilexisteselonlesnéolibérauxdesinégalitésdetalent qui justifieraient « tout ». Ceci est un point majeur à retenir. Lesconséquences pratiques sont immenses selon ce que nous décidons de mettredansce«tout».

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Maispeut-êtreest-il illusoiredeconvaincreceluiquin'estpasdumêmeavisque nous. Cela semble tellement ancré en chacun de nous, selon l'éducationreçue,lespropagandesmédiatiques,lesidéologies...

Stiglitz en parle ainsi : « L'écart de point de vue quant à l'importance des'attaquer aux inégalités et à la pauvreté se retrouve dans des divergencesd'opinion de leurs origines. Globalement, ceux qui se soucient de l'inégalitécomprennentqu'elleestengrandepartiedueàlachance,celled'êtrenéavecdebons gènes ou des parents riches, ou celle d'avoir acheté un terrain au bonendroitaubonmoment(justeavantqu'onytrouvedupétrole,ouqu'apparaisseunebullelocaledespéculationimmobilière).

Ceuxquis'enpréoccupentmoinsontlesentimentquelarichesserécompensel'effortacharné.Decepointdevue,nonseulementlaredistributiondesrevenusaffaiblit les incitationsau travailetà l'épargne,maiselleestpresque immoralepuisqu'elleprivelesindividusdeleurjusterétribution.

Ces positions s'accompagnent d'attitudes tranchées sur quantités d'autresproblèmes. Ceux qui pensent moins à l'inégalité et davantage à l'efficacitééconomique ont tendance àmoins s'intéresser à des valeurs non économiquescomme la justice sociale, l'environnement, la diversité culturelle, l'accèsuniverselauxsoinsmédicauxetlaprotectiondesconsommateurs.Lelienentreles attitudes économiques et culturelles est fondamental pour souligner à quelpoint il est important de bien choisir ceux à qui nous confions des aspectscruciauxdelaprisededécisionéconomique.»

Cette«acceptation»desinégalitésestpeut-êtreliéeaussiaupremierarticledeladéclarationdesdroitsdel'homme:«lesinégalitéssocialesneposentpasdeproblèmeensoi,pourpeuqu'ellessoient justifiées»,c’est-à-dire« fondéessur l'utilitécommune».«Nousacceptionsd'autantmieux toutesces inégalitésque,biensouvent,ellesnoussemblentjustesparcequ'ellesreposentsurunidéald'égalitédeschancesméritocratiques»(FrançoisDubet).

Maisquellequesoitnotrefaçonindividuelledevoirleschoses,lesdifférencesde revenus, justementàuncertaindegrépuisquequ'ellesentraînentunebaisse

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des échanges et une hausse de la dette ne sont plus d'utilité publique dès lorsqu'ellesvontàl'inversedel'objectifcommundéfiniplushaut:lepleinemploi.

Les néolibéraux pensent que lutter contre les inégalités fait baisser lacroissanceetl'emploi,alorsqu'unepolitiquedel'offrepermettraitunereprisedelacroissancequiferaitdiminuerinfinelesinégalités.

Les keynésiens sont réputés pour les relances publiques (ce qui correspondsurtout à une politique de la demande) pour refaire partir la croissance etdiminuer les inégalités. Mais comme j'écrivais plus haut, les réflexions deKeynes sur la nécessité de rechercher les causes de la préférence pour laliquidité,lesraisonsdelathésaurisation(enpratique:lacraintedel'avenir)desménages;etdeluttercontrelesdifférencesfaceàladisponibilitédelamonnaiesont au moins si ce n'est plus importantes que le débat entre l'offre et lademande.

Est-cequel'âpretédugainassurelaprospérité?

Certains nous l'avons vu, pensent qu'il existe des inégalités de talents quijustifieraient tout. Que la lutte contre ces inégalités limiterait en termesfinanciers comme en termes d'imagination créatrice et d'opportunismeentrepreneurial, la rencontre des individus solitaires et de leurs intérêtspersonnelsaveclanationtouteentièreetsonexpressionouintérêtgénéral.Lessi séduisantes thèses néolibérales justifient l'injustice de classe par la vertu dusoit-disantpreneurderisqueetlasélectiondarwinienneparlemarché...

Pensent-ils que la guerre économique, qui consiste à faire la compétitioncontre les autres pays, baisser les salaires, augmenter le temps de travail,fragiliserlesconditionsdetravail,fairetravaillerlesgenslanuit,plustarddansleurvie,économisersurlaformation,l'éducation,lasanté,consacreralaFrance,laissantlesautrespaysmalheureuxetvaincus?Selonlesnéolibéraux,larelancebudgétairepourraitêtreremplacéeparlarelancedelacompétitivitéenabaissantles coûts salariaux et les impôts, en gagnant des parts de marché dans lacompétitioninternationale.Chaquepayscomptesurlademandedesautrespayspour tirer sa propre croissance.Mais si personne ne fait rien pour stimuler sapropredemande,etsi toutlemondefait toutpourprendredespartsdemarchéauxautres, freine lessalaires, réduit lescommandespubliques,onsedemande

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bienquivaacheterplusdeproduitsqu'avantetavecquelargent!

Àlaquestion: lasubordinationducommerceauxdroitsdel'hommea-t-elleun coût supérieur aux bénéfices escomptés,même « TheEconomist » répondoui...

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V.Lesdifférentesécoleséconomiquesactuelles

MauriceAllaisécrivait:«Lapresquetotalitédesdifficultésactuellesrésulted'unepartd'uneméconnaissancetotaledesconditionsmonétairesetfinancièresd'unfonctionnementefficientetéquitabled'uneéconomiedemarchésetd'autrepart d'une structure inappropriée des institutions bancaires et des marchésfinanciers.Ledébatdevraitêtreceluiduchoixquenousavonsàfaireàproposde l'architecture du systèmemonétaire, bancaire et financier. Il n'y a pas unesituationd'efficacitémaximale,maisuneinfinitédetellessituations.Lathéorieéconomique permet de définir sans ambiguïté les conditions d'une efficacitémaximale, c'est-à-dire d'une situation sur la frontière entre les situationspossibles et les situations impossibles. Par contre et par elle-même, elle nepermet en aucune façon de définir parmi toutes les situations d'efficacitémaximalecellequidoitêtreconsidéréecommepréférable.Cechoixnepeutêtreeffectué qu'en fonction de considérations éthiques et politiques relatives à larépartitiondesrevenusetàl'organisationdelasociété».

Aujourd'hui deux grandes écoles de pensées économiques dominent. Leursfondements sont remis en question par la crise économiquemondiale actuelleCesdeuxécolesn'ontpeut-êtrenil'unenil'autrelacléduproblème.Ellessontelles-mêmes issues des différents courants de pensées économiques au fil dessièclesquenousvenonsdevoir, et interprètent le systèmeexistant selon leurspropreslunettesidéologiques.

Ces deux écoles dominantes, que certains rangent dans le mêmenéoclassicismeetà l'opposédeshétérodoxes(marxistesetpost-keynésiensquenous verrons plus loin), sont bien sûr le néolibéralisme (monétarismeprincipalement,Hayek,Friedman...)d'uncôtéetlenéokeynésianismedel'autre.

5.1.Écolenéolibérale

Confrontésausentimentdemanqued'argentgénéralisé,lefameux:«iln'ya

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plusd'argent!»,quipourraitd'ailleursfaireévoquerlaquestiondesavoiroùilapubienpasser,sitantestqu'unjourilyeneuassez…,etàlacertitudedevoirl'emploi fléchir, les néolibéraux font porter la responsabilité de cette pénuried'argent sur les dépenses publiques jugées inutiles et parfois dues à desambitions électoralistes. Ces dépenses imposant autant d'emprunts sont jugéesresponsables de l'augmentation de la dette publique. La croissance de la dettepublique serait donc la conséquence d'un biais dépensier et démagogique desgouvernements. Ceux-ci auraient tendance à faire trop de dépenses poursatisfaire leursdifférents électorats, sansaugmenter les impôts encontrepartie.Ilsneferaientpasleseffortsnécessairesenpériodedebonneconjoncture.Aussilesdéficitspublicsseraient-ilsenpermanencetropélevés,conduisantàdetropfortes dettes. La dette publique serait une cause autonome de déséquilibremacroéconomique.

Selon les néolibéraux, l'épargne entraîne l'investissement et la dette entraîneun effet d'éviction des investisseurs qui préfèrent prêter leur argent à l'État,intéressés par les taux d'intérêts des bons du Trésor proposés, plutôt qu'auxentrepreneurs, diminuant ainsi l'investissement privé et par là-même lacroissanceetdonc l'emploi, ainsique les recettes fiscaleset entraînantainsi lacrise(ressentiesurtoutparceuxquiperdentleuremploi).

Pour les néolibéraux, le mécanisme de l'épargne est perturbé par l'ampleurexplosive des déficits publics : l'épargne est détournée du secteur productif ettombedansletonneaudesDanaïdesdeladettepublique.L'épargneestgaspillée,au lieu de servir à financer la croissance. Les privilèges accordés au secteurpublicdétournentencoreplusl'épargne,tandisquelesimpôtsquipèsentsurlesutilisations productives de l'épargne découragent les épargnants d'investir danslessecteursproductifs.Enponctionnantl'épargne, lesÉtatsprovoqueraientunehausse des taux d'intérêt (car l'argent est moins disponible), ce qui évinceraitl'investissementprivéetnuiraitàl'accumulationducapital,doncàlacroissance.Ilsappauvriraientdonclesgénérationsfutures(Naudet).

Ceciestlavisionnéolibérale,maisaussil'opinionactuellementdominante.Lechômage, dans les économies occidentales, résulterait essentiellement del'augmentationdeladettepubliquejugéeresponsabled'unemauvaiseallocationdel'argent.Lescentainesdemilliardsd'eurosempruntéschaqueannéeparl'État

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(àceuxquipeuventlesprêter...)sousformedebonsduTrésorpourraientplutôtêtreinvestisdanslemondedel'entreprisecréateurd'emploi.

Ladette publique entraîne donc une diminution de la croissance et donc del'emploi.Lasolutionseraitalorsdediminuer lesdépensespubliques,cequivacontraindrecependantlesbudgetsdel'éducation,delasanté...

Dans la pensée néolibérale, les salaires réels trop élevés et leur insuffisanteflexibilitésontaussidescausesduchômage.

Onpeutainsirésumerlapenséenéolibérale:

Lesdéficitspublics:

•entraînentl'élévationdestauxd'intérêtauxquelsl'Étatempruntel'argent,carles prêteurs inquiets d'un éventuel non remboursement augmenteraient ce tauxd'emprunt;

•causentl'inflation;

•évincentl'investissementprivé;

•formentladettepublique.

Ladettepublique…

•alourditinjustementlefardeaudesgénérationsfutures;

•pourraitmeneràlafaillitedel'économienationale;

•devraêtrerembourséeunjour.

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Lesdépensesgouvernementales…

•sontimproductives;

•sonttropélevées;

•encouragentlaparesse.

Lesimpôts…

•sonttropélevés;

•découragentl'ardeurautravailetl'entrepreneuriat;

•réduisentl'épargneetdonclacroissanceetl'emploi.

Lasolutionseraitderéduirelesdépensespubliques,préalableàunereprisedelacroissance.

La théorienéoclassique est cequ'apprennent les étudiants à l'université.Lessalairesysontdécritscommereflétant laproductivitémarginaledesemployés,le chômage comme résultant de salaires trop élevés, les politiques de relancepubliques comme mauvaises pour l'investissement privé, l'inflation comme lerésultat d'une émission excessive de monnaie et le commerce internationalcommeprofitableàtous(Cottin-Euziol).

En l'an 2000, des étudiants français des écoles normales supérieures et deplusieursuniversitésontcontestélesenseignementsd'économiequileurétaientdonnés. Ils exigeaient des enseignements pluralistes qui intègrent les théorieshétérodoxesetquisoientdavantagereliésaumonderéel.Ilsfurentrejointsparplusieurspays(Lavoie).

5.2.Écolenéokeynésienne

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Elledérive,nousl'avonsvudukeynésianisme.Leskeynésiensengénéral,nesontpasd'accordsurl'inutilitédesdépensespubliquesqu'ilsréclamentjustementà l'inverse des néolibéraux, en relais des dépenses privées quand celles-cibaissentetnepermettentplusd'assurerlacroissanceetl'emploi.L'histoirenousmontrequeladiminutiondesdépensesprivéess'observetrèsrégulièrementdanstouslespays.Ledéclenchementdecescrisesesttoujoursliéàunecatastrophenaturelle, des anomalies dans la gestion du système monétaire national ouinternational et notamment du crédit bancaire ou à une guerre... C'est laconfiancequenousportonschacundansl'avenir,enlienaveclastabilitésociale,économique, la paix sociale et civique, qui nous encourage à réaliser deséchanges (de biens et services) et l'emploi qui va avec ces échanges. Si nousavons confiance en l'avenir, c'est peut-être l'occasion pour les entrepreneursd'entreprendre,pourlesinvestisseursd'investir,etpourchacundenousd’investiraussi,d'acheterunevoiture,unemaison...

Leskeynésiensreprochentauxnéolibérauxdevouloirdiminuer lesdépensespubliquessansqueleprivénepuisse(fautedeconfianceenl'avenir)prendrelerelais,cequientraînemoinsd'investissements,moinsdecroissanceetd'emploisetégalementmoinsderecettesfiscalespourl'Étatvuquelaconsommationdesménages est moindre. Cela entraîne finalement encore plus de dépensespubliquesàcausedesallocationssociales(chômage,maladie,éducation...)quetouslesgouvernementssuccessifssesontquandmêmesentisobligésdeverser.

AprèsKeynes, leskeynésiensseséparentendeuxgroupes,avecJohnHicksen1937.Le«courantdelasynthèse»,unmélangedeclassiqueetdeKeynes,formera les néokeynésiens, qui concluent que lamonnaie n'est pas neutre, cardans sonmodèle de base un accroissement de la massemonétaire agit sur leniveau de l'emploi. Le deuxième groupe formera les post-keynésiens qui ontrejeté les approches de la « synthèse » comme un abandon des idées les plusfondamentalesdeKeynes(GalandetGrandjean).

Pour les néokeynésiens, écrit Sterdyniak, la mise en œuvre simultanée depolitiquesbudgétairesrestrictivesdanstouslespaysdelazoneeuro,setraduiraitparunechutedelaproduction,unebaissedesrecettesfiscales,unedégradation

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duratiod'endettement,sanspourautantrassurerlesmarchés.Lacrisen'enseraitqueprolongée.

Certainséconomistesontmisenévidence,danslepassé,desépisodesoùunepolitiquebudgétairerestrictiven'apaseud'effetdéfavorablesurl'activité,maiselle était accompagnéed'une forte dépréciationdu tauxde change, d'une fortebaissedestauxd'intérêt,del'essorducréditprivédûàlalibéralisationfinancièreoud'unessordelademandeprivée,peuprobablesaujourd'hui.

Pour répondre aux néolibéraux qui ne voient pas, c'est vrai le bénéfice desrelancespubliqueskeynésiennessurl'emploietlacroissance,maisbienladettegrimper, lesnéokeynésiens, commeMathieu etSterdyniak expliquentque« lapolitique budgétaire de l'État doit viser àmaintenir (ou à atteindre) un niveaud'emploisouhaitable,toutenpermettantautauxd'inflationderesteràunniveausatisfaisant.Les déficits et dettes publiques doivent dériver de cet objectif.Laseule stratégie de sortie de crise possible est donc que les banques centralesmaintiennent des taux d'intérêt peu élevés (pour pouvoir emprunter pas tropcher)etque lesgouvernementsmaintiennentdesdéficitspublics (reversésauxentreprisesetauxménages)aussilongtempsqu'ilssontnécessairespoursoutenirl'activité.

Silademandeprivéeaugmentedefaçonsignificativedanslesannéesàvenir,ilseranécessairederéduirelesdéficitspublicsetceseraengrandepartieobtenuautomatiquement, la dette publique baissera aussi. C’est-à-dire que si le tauxd'emprunt est inférieur à celui de l'inflation, ladettebaisse commeparmagie,puisque, si nous empruntons une somme qui vaudra moins au moment de larembourser,c'estquenotredetteadiminué...

De quoi faire disparaître jusqu’à l’idée même de dette publique dans saversion moderne. Ce sera chose faite ou presque dans nombre de pays ayantbénéficié des trente glorieuses : grâce à l’inflation et à la croissance, la dettepubliquedisparaît et, en ajout des tauxd'intérêts nuls consentis par laBanquecentrale à son Trésor, les « avances non remboursables », c’est-à-dire lesdépenses de l'État ne sont limitées quepar la crainte de la baisse de la valeurexternedelamonnaie.

Silademandeprivéestagne,c'est-à-diresilesentreprisesrefusentd'emprunteret si lesménages veulent épargner, il sera nécessaire demaintenir des déficits

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publics et d'accepter une certaine augmentation des dettes publiques. Il estabsurde de projeter des dettes et des déficits publics indépendamment del'évolutiondelademandeprivéeetdeseplaindreduniveauexcessifdesdettespubliques. Il n'existe aucune preuve aujourd'hui que la dette publique seraexcessivedemain».

Ilfautbienavouerqu'aucungouvernementn'afinalementréussiàdiminuerlesdépenses publiques,même lorsque la situation économique s'y prêtait parfois,voicil'explicationdesnéokeynésiensdevantleurspropreséchecs.

Cependant,Keynesn'a jamais, suggéré l'idéequ'il fallaitdoper lacroissancepar l'endettement pendant plus de trente années consécutives. Stimuler lacroissance en période de vaches grasses, quelle idée profondément antikeynésienne!Lepauvrehommedoitêtreentraindeseretournerdanssatombeenentendantqu'oncontinueà faireunvéritablemassacrede ses idées.C'est àpartirdumomentoùonatentécommelesnéokeynésiensdetranscriresathéoriegénéraleentermesnéoclassiquesetd'yintégrerlesmodèlesd'équilibregénéral,notammentlefameuxmodèlenéokeynésienIS/LM(leproduitinvestissementetépargne sur la masse monétaire) de John Hicks, et les travaux de PaulSamuelson,KennethArrowetRobertLucasquiconduisirentà la«synthèse»néoclassique des néokeynésiens, qu'on a complètement détruit l'œuvre deKeynes.

Deuxpoints de vue s'opposent donc, pour les néolibéraux, la priorité est deréduirelesdettespubliques,d'autantplusquecelles-cipèserontlourdementsurnos enfants. Cette réduction rétablira la confiance et permettra la baisse desimpôts,cequirelanceralacroissance.

Pour lesnéokeynésiens,quand lescrisesarrivent, l'Étatdoitalorsprendre lerelais du privé et augmenter son déficit, jusqu'à ce que la confiance revienneaveclacroissance.

Finalement, aucune des deux écoles ne permet d'améliorer la situationéconomique.Ni l'austériténéolibérale(limitationdesdépensespubliques),puis

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qu'elleentraînemoinsd'échangesetmoinsderecettesfiscalespourl'État,nilesrelances publiques néokeynésiennes pourvoyeuses de dettes ne paraissentcapablesderépondreàlacrise.

5.3.Queproposaientlescandidatsàl'électionprésidentielle?

Parmilesdernierscandidatsàl'électionprésidentielleenFrancede2017,nousreconnaissons lesRépublicains, lecentre (disonsMacron), leparti socialisteetlesécologistes(pourcertains)quisuiventl'idéologienéolibéraleetlespolitiquesd'austérité, et pour qui la réponse au déficit budgétaire doit être la baisse desdépensespubliques.

Les frondeurs socialistes (mais les socialistes n'ont pas fait ce qu'ils avaientpromis de faire) et Mélenchon sont des néokeynésiens ainsi que l'extrêmegauchequiproposentqueledéficitpublicsoitcomblépardesprêtsqueferaitlaBanquecentraleenfabriquantdelamonnaie.

L'extrême droite propose les deux, diminuer les dépenses publiques etemprunterpascheràlabanquecentrale.

Engros ladroiteest traditionnellementnéolibéraleetprivilégie l'offreplutôtque la demande, quand la gauche est néokeynésienne, encline à privilégier lapolitique de la demande, bien que le parti socialiste nous montre bienactuellementquelesfrontièreslànonplusn'existentplusvraiment...

Lerésultatdeleurspolitiqueséconomiquessuccessives,pourunréanimateurmédicalcommemoi,peutserésumerainsi:lemondevamal,l'argentmanqueàdes endroits vitaux et entraîne ailleurs une congestion, l'emploi baisse et lebonheuraussi…

Àl'examenclinique,lemondeestpâleetcyanosé,tachycarde,lepoulsfilant,latensionartérielleestbasse.Lemondeestessoufflé,ilasoif,ilafroid….

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Iln'yaplusd'argent...Pour stoppercettehémorragie, il faut trouverd'oùçasaigne…

LesmédecinsdeMolièresontlà,autourdelui.Ilssedisputententreeux,avecleurs chapeaux noirs et pointus. Ils se disputent le diagnostic et la conduite àtenirthérapeutique.

Les néolibérauxdes plus conservateurs et pleins d'assurance conseillent unesaignée:l'austérité.

Les néokeynésiens proposent de perfuser lemalade de son propre sang. Ilsdisent que s'ils parviennent à perfuser plusvite que le sangne s'extériorise, ledébitcardiaqueseraassuré.

Ils sont aveugles aux avertissements des conservateurs : si vous transfuseztropoutropvite,vousrisquezl'asphyxieparœdèmepulmonaire.Ilsn'entendentpasleurproprelogiquequileurditqu'ilsnepeuventpastransfuserplusvitequelerythmedel'hémorragie.Ilsnepeuventre-transfuserquecequisaigne…Etlemalade s'aggrave dès que parmalheur (une bulle qui éclate…), le rythme destransfusionsbaisse...

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VI.Lavisionpost-keynésienne

Elleformeunealternativeénormeauxprécédentesécolesdepensées.Minskyn'est pas un théoricien de la finance, mais un économiste qui a prétenducomprendre la dynamique d'ensemble du capitalisme, avec le même degréd'ambition que sesmaîtresSchumpeter (qui dirigea sa thèse) etKeynes. Il estcertainementceluiquialeplusclairementexpliquerlavisionpost-keynésienneet l'échec économique du néolibéralisme et du keynésianisme repris par lesnéokeynésiens.AvecKaleckietKaldor,sonapportàlavisionmodernedenotresystèmemonétaireesténorme.L'écolepost-keynésiennemetl'accentsurl'argentqui dort et forme des poches où l'argent stagne. Des poches que j'appelleanévrysmales, en référence aux anévrysmes, ces malformations artérielles quiformentdespochescommedesréservoirsdanslesquelleslacirculationnesefaitplusoptimalement.

6.1.TINA

«ThereIsNoAlternative»disaitThatcher!

Iln'yapasd'autrealternativequedebaisserlesdépensespubliques,quisontlescausesdescrisesàrépétition.Etforceestdeconstaterquepersonnen'aréussià nous convaincre qu'il en existait d'autres.Mais au fond de beaucoup d'entrenous,nous sentonsquandmêmebien logiquement, et aumoins implicitement,qu'ilpourraiteffectivementexisterd'autresalternatives,sansquenoussachionstoutefoislesexpliciter.

Lesnéolibérauxensontsûrs,s'ilyaunedépression,lesprixbaissent,donclapetiteépargnevapermettred'acheteretainsirelancerl'activitéàelletouteseule.Elle met seulement quelques années de production annulées, de souffrancesterribles et de vies brisées pour le faire. La vérité serait dure,mais il faudrait

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l'accepter. Il ne peut s'agir que d'un petit sacrifice, au regard des bénéfices dumarché,mais de toute façon, il n'y a pas demonnaie pour financer l'activité.(Bersac)

Les libérauxnous l'ontasséné,serinéetmartelésur tous les tons :«Iln'yapasd'alternative».Lesecretdelaréussiteéconomiqueseraitexclusivementdelimiter toujours plus l'État, de restreindre toujours plus son budget. Lefinancement par l'État évincerait nécessairement celui du privé, toujourspromptementdisponible.

Nonseulementcettevisionestunefaçondevoirleschosesetlesalternativessont nombreuses quand nous étudions la littérature. L'interventionnisme ou lekeynésianismeausensdesnéokeynésiens,n'ajamaisnonpluspermis,parplusdedettesencore,d'apporterlasolution.Certes,aucunealternativenereprésentelapanacéequelenéolibéralismeprétendêtre.Maisaucuned'ellesnetourneaucauchemardelarécessionéconomiquesansfin,pasplusquelenéolibéralisme«seulpossible»nonplus.Chacuneestuncompromis,avecsesavantagesetsesinconvénients.

6.2.LaDevise

Lavision post-Keynésienne expliquée parBersac, consiste à considérer unemonnaie toute particulière : la devise,monnaie nationale, l'euro enEurope, ledollar aux USA... Elle a la particularité d'être émise (fabriquée) par l'État etuniquementparl'État(etnonpasparlesbanquescommerciales).

À la demande du gouvernement quand celui-ci dépense et paye un de sesclients ou fournisseurs, la banque centrale fabrique de l'argent, la devise sousformede lignes informatiquesqu'elle transfère alors sur les comptesbancairesdesclientsoudesfournisseurs.

Cette devise est acceptée en paiement auprès du Trésor Public de son Étatémetteuretlibèrelecontribuabledestaxesquiluisontimposées.Ladimensioncollective de la monnaie est alors pleinement apparente. Sans la moindre

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nécessitéd'échéancierapriori,parlamagiedelasouveraineté: lavaleurdeladevisen'estpasunechoseutilequiestpromiseàcrédit,doncàunedatequidoitnepasêtretropéloignéepourêtreintéressante.

Bersacnousrappellequ'unemonnaienationaleoudeviseestdéfinieainsi:

•elleestlaprincipalemonnaieutiliséepourcompterlavaleurdesservicesparcetÉtat;

•elleestlaprincipalemonnaieacceptéeenpaiementauTrésordesonÉtat,àcommencerparlepaiementdestaxes.C'estlepouvoirditlibératoiredelamonnaie :une fois lepaiementeffectuéavecelle,plusaucune transactionn'estobligée;

•elleestlamonnaieprincipalementutiliséeparceTrésorPublicpourexécutersesproprespaiements;

• cette monnaie est créée selon les modalités prévues par son État, le plussouventils'agitd'unmonopoleaccordéàunebanquecentraledecemêmeÉtat,instituéeexpressémentpourcela.

6.3.LeChartalisme

Cetensemblederèglesetlarecherches'attachantàenpercertouslessecretss'appellelechartalisme,dulatinchartasignifiantécrit,parcequ'iltraiteparécritdecettefictioncomptablequ'estlamonnaie.

Le principalmaître à penser du chartalisme est l'AllemandGeorg FriedrichKnappdontleprincipalouvrageestla«Théorieétatiquedelamonnaie»,publiéoriginellementenallemanden1905.C'estluiquicréeletermechartalisme.Ilydécompose de manière extrêmement rigoureuse et méticuleuse toutes lesimplications et possibilités d'interactions entre État et monnaie, et parvient àprédirelafindel'étalon-oravecplusdesixdécenniesd'avance.Lechartalismen'est pas un autre modèle économique alternatif, ni une nouvelle architecture

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d'unsystèmemonétaire, c'est justeuneautredescriptiondusystèmemonétaireactuel des monnaies fiduciaires flottantes, un modèle descriptif du circuit decréationmonétaire.

En1983,Godleypublie«Macroeconomics»etremetlechartalismeaugoûtdujour.CelivrefutécritparcequeGodleydevintconvaincuqueleskeynésiensdetoutessortesperdaientleurguerrecontreMiltonFriedmanetlesmonétaristes,parcequeleskeynésiensnesavaientapporterquedesréponsestrèsalambiquéesàdesquestionsaussisimplesque:d'oùvientl'argent?Oùva-t-il?Commentlefluxdesrevenuss'organisentaveclamassedemonnaie?Commentunenouvelleproductionestfinancée?(Lavoie)

Voici d'importantes conséquences pratiques de la nature de ce systèmemonétairequenouspouvonscomprendregrâceauchartalismeécritBersac:

a.Pours'acquitterdestaxesobligatoires,lesecteurnon-gouvernementald'unÉtat(lesecteurprivé,c’est-à-direlesménagesetlesentreprises)doitseprocurerdelamonnaiedecetÉtatavantdepayersestaxes.

b. Si ces citoyens doivent d'abord se procurer de sa monnaie pour pouvoirensuite ladépenser, en revanche, l'État émetteurdecettemonnaiedoitd'abordcréer et dépenser cette monnaie avant de se la procurer en taxant ou enempruntant.L'Étatnepeut jamaisobtenirplusdemonnaiequ'iln'enacrééeetinjectéeaupréalabledanslesecteurnon-gouvernemental.S'ilyparvient,c'estunsigne très inquiétant quant à son efficacité dans sa lutte contre le faux-monnayage.

c. Si le secteur non-gouvernemental désire épargner cette monnaie tout enpayant ses taxes, il est indispensable que l'État dépense plus qu'il ne taxe. Lemontant de dépenses de l'État excédant ses recettes est très exactement lemontant épargné par le secteur non-gouvernemental. Comme le montant desdépenses excédentaires de l'État est appelé déficit public, cela signifie que ledéficitpublics'ajoute,àl'unitéprès,àl'épargnedusecteurnon-gouvernemental.

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d. Si pour son fonctionnement, l'économie a besoin en permanence d'uncertainmontantd'épargneencettemonnaie,celasignifieraitqueledéficitpublicqu'il a créé ne devra jamais être « remboursé », pour assurer le bonfonctionnementdusecteurnon-gouvernemental.

e. Si le secteur non-gouvernemental croît continuellement, et que cettecroissance de sa production de biens et de services nécessite, pour son bonfonctionnement,unaccroissementtoutaussicontinudel'épargneauseindecetteéconomie,alors,toujourspourassurerlebonfonctionnementdecetteéconomie,l'État doit générer des déficits publics qu'il ne « remboursera » jamais,continûmentencore.

f.Comme l'Étatcrée lamonnaieparde simples jeuxd'écriturescomptables,surleslivresdecomptesdesservicesconcernésauTrésorPublicetàlabanquecentrale,ilnepeutpasêtreplusàcourtdemonnaiequ'unarbitrederencontressportives n'est à court de point à distribuer. Seules comptent les règles du jeu(économique)quelacommunautés'estchoisiespouraccordercespoints:C'estcelaquifaitlabeautédumatchoulaprospéritédel'économie,etnonlefaitquelespointsoulamonnaieàgagnersoientpotentiellementillimitésouaucontrairearbitrairementplafonnésàl'avance.L'Étatpeutcontinûmentfinancerdesdéficitsparcréationmonétairesinécessaire.Cesystèmemonétairecontemporainpermetà l'Étatdecréerde lamonnaiedemanière illimitée, etpourtant,nous sommesloin d'être confrontés à une hyper-inflation permanente. Comme l'avait notéAdamSmith,cen'estpaspourautantqu'ilendépenseeffectivement trop,et ledollar, l'euro, le yen et d'autres sont des monnaies très stables et appréciées,malgrécette«porteouverteàl'inflation».Enfait,commenousleverronspluscomplètement, l'État est le plus souvent très conservateur et modéré avec samonnaie,voiretrop,enparticulierauregarddel'inflation.

La différence cruciale entre le crédit et la devise est que le crédit s'octroied'autantmoinsqueleclimatdesaffairesestdétérioré,eneffetleremboursementdevient trop incertain, alors qu'à l'inverse, la devise est alors encore plusfacilementacceptée.L'unenerelancepaslesaffaires,l'autresi.

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Mais cette nouvelle simplification laisse une dernière question : commentémettre la bonne quantité, ni plus ni moins, de devises ? Et de quel droit lecollectifdécidecequiadelavaleur,alorsquemêmelepuissantempireromains'est finalement effondré, faute de n'avoir pas pu résoudre ce problème dequantité de devise nécessaire au bon fonctionnement de l'économie et àl'emploi?

6.4.Lefinancementdel'État

L'équilibre macro-économique naturel est impossible tant que notreinterprétationdusystèmerestecelledel'argentuniquementcrééparlecréditetnonpasparl'Étatcommel'expliquentlespost-keynésiens.

Notre conception actuelle de l'argentmène à une « instabilité du processuséconomique».Lesgouvernementsessaientdecompensercelaparunepolitiqueconjoncturelle, ce qui nemarche qu'à grand peine et imparfaitement.Éliminerréellementl'instabilité,celaexigeunnouvelordremonétaire,danslequell'argentestmisencirculationpardesdépensesdirectesdel'État.

Danslavisionpost-keynésienne,l'Étatestlecréateurdelamonnaie,etlerestedel'économieobtientlamonnaieauprèsdelui.Lagestiondubudgetdel'Étatestinversedecelledurestedel'économie:Aulieudedevoirpréalablementobtenirsamonnaiedesautrespourpouvoirensuite ladépenser,commeunménageouuneentreprise,toutaucontraire,ildoitd'abordcréeretdépensercettemonnaiedansl'économieavantdepouvoiréventuellementlareprendre.JamaisunÉtatneparvient à obtenir du reste de l'économie plus qu'il n'en a créée et injectée(Bersac).

L'histoiredeFrancemontrequenotrepaysaétépolitiquementunifiéentantqu'État-nationets'estconstituéenunvéritableespaceéconomique,aumomentoùontexistéunemonnaieetunsystèmedepaiementuniquessurl'ensembleduterritoire(DominiquePlihon).

«Nousferonsfairebonneetfortemonnaied’oretd’argent.Nousgarderons

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monnaiestablequipuissedemeurerenunétatlepluslongtempsquel’onpourrabonnement et qui ne grèvera point tout notre peuple comme peut le faire lamutationdenotremonnaie.»(JeanIIleBon,OrdonnancedeCompiègnecréantle franc, 5 décembre 1360, venant après 85mutations qui avaient diminué lavaleurdelamonnaiede70%enraisondelaGuerredeCentans).

L'évolutionfiscaleamenantl'impôtaeuunrôlemajeurégalement,àl'époqued'étatisation du pays. Adam Smith parlait déjà du rôle du pouvoir étatiqued'imposition (dans les deux sens d'obliger et de créer un impôt) dans ladéterminationde lamonnaienationalecommune.C'estpourçaquenombredepersonnessursonterritoireont«confiance»enlavaleurdecettemonnaie:elleestindispensableaupaiementdesimpôts,eux-mêmesobligatoires.

Comme les monnaies servent de maître-étalon universel de la valeur, laconcurrenceentreellesestparticulièrementféroce,etilyenatoujoursunequidevient le choix de loin le plus fréquent, le choix par défaut, aux dépens detoutes ses rivales, sur un territoire donné ; c'est plus simple que de gérer demultiples tauxdechangefluctuant,degérer lesdiversdegrésd'acceptationdesdiversesmonnaies selon les acteurs économiques.N'importequipeutproposerune monnaie complémentaire, mais pour peu que l'État gère la siennedécemment,c'estcettedernièrequiesthégémonique.

Leroiunifielepaysetsonarméeparlamêmeoccasion.Cettearméerenduesinécessaire à la conquête de monnaie, d'argent, de territoires et de métauxprécieux(lesguerresnesontalorsquecela..).Leroidoitnonseulementpayersonarmée(encoresouventdesmercenaires),maisaussipayeretorganisertoutel'intendance, les marchés autour de l'armée de soldats, la nourriture, lesvêtements,lesarmes,lesbêtes...

L'impôtvaapporterlasolutionauroi.

Le roi va payer ses soldats avec sa propre monnaie. En fait les soldats nepeuventacceptern'importequeltyped'objetet,plaçantlogiquementlesroisencompétition,ilschoisirontlaliquiditélaplusgrandepossible:lemétalprécieux.Ilestdurable,transportable,indéfinimentsubdivisableenportionsidentiques.

Enretour,l'impôtprendralamêmeforme,celledumétalprécieux,lamonnaieavec laquelle l'État vient d'obtenir dans le pays l'accord pour recevoir l'impôt

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réclamé.

Commentlescivilspourront-ilspayerleursimpôts?

Enorganisant (à laplacedu roi) l'intendancedes soldats (armes,vêtements,nourriture...)afinqueceux-cileurfournissentlamonnaieroyalenécessairepourpayerl'impôtenéchangedeleursbiensetservicesrendustoutautourdel'armée,lelongduchemindel'ambitionterritorialeduroi.

Ilenrésulteralesprémissesdecequ'onappelleraquelquescentainesd'annéesplustard,le«circuitduTrésor»:lesmercenaires,instrumentsdupolitique,fontcirculer le métal dans la sphère économique (commerçants, artisans etc.),laquellerenverralemétalversleroiparletruchementdel'impôt.

L'État (le roi) est alors créditeur, il prête (ou donne en échange de saprotection)del'argentqu'ilbat(qu'ilfabrique)etleprivéestdébiteur.

Ainsiunealternativeàlavisionnéolibéralepourraitconsisteràvoirleschosesde la façon suivante : nous avons une devise, l'euro que seule la BCE (et lesbanques centrales nationales des différents pays de l'Europe) peut fournir(fabriquer,créer..),personned'autre...

6.4.1.Pourquoil'Étatdoit-ildépenser?

Les dirigeants sont victimes de plusieurs dogmes, mais en particulier celuid'avoir oublié qu'un État souverain peut émettre sa propre monnaie. Ilsconsidèrent en plus d'une manière erronée que le budget d'un État est lareprésentation du budget d'unménage (qui ne peut dépenser plus que ce qu'ilgagne, sauf à emprunter), et ils en arrivent donc à penser que l'équilibre estindispensable.Etpourtant,c'est l'inverse : ledéficitd'unÉtatest indispensablepoursatisfairetouslesbesoinsd'investissementcollectifsàlongtermequ'aucunacteurprivé,fautederentabilité,neveutprendreàsacharge.

Chris06 : Dans un système de monnaie fiduciaire (c’est-à-dire baséuniquementsurlaconfianceetnonpassurunsupportphysiquedemétaloude

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papier), comme celui qui est en place depuis 1971, un déficit public estobligatoire sinousvoulonsqu'ilyaitde lamonnaiequi circuleetquechacunpuisseutiliser tous les jours.Ceciprovient du fait quedansun tel système, ledéficitpubliceststrictementégalàlasommedel'épargnemonétaireprivée+lesoldedelabalancecourante,etdoncpourl'ensembledesnationslasommedesdéficits publics des nations est strictement égale à la somme de l'épargnemonétaireprivée.

Ledéficitpublicn'estpasl'étatpathologiquedesfinancespubliques,mais lanécessaire injection de devises dans le système du crédit privé qui seraitautrementcondamnéàterme.

Déficitpublic=épargneprivée+déficitextérieur

Lesentreprisesetl'Étatsontdenosjours,globalementendettésetlesménagesglobalement épargnants. Lorsque certains d'entre nous s'appauvrissent, c'esttoujours en enrichissant le privé.L'État qui est en déficit ne peut donc jamaiss'enrichirànosdépends.C'estleprivéquinousappauvrit(ounousenrichit),etl'Étatquitentedecompensercesdéséquilibresparsondéficit,parladistributionetlaredistributiondecedéficitpublic.

Tous les paiements provenant du secteur gouvernemental en direction dusecteurnon-gouvernemental,etquinefinancentpasl’assujettissementàl’impôt,restentdanslesecteurnon-gouvernementalsousformed’espèces,deréservesoud’obligations. Donc, nous pouvons comprendre le stockage d’actifs financierscommeétantl’imageenmiroirdesdéficitsbudgétairescumulés.(Mitchell)

Il peut arriver que le secteur privé national (ménages + entreprises) soit endéficit,c’est-à-direquesonépargnenettesoitnégative,ilsuffitpourcelaqueledéficit commercial soit supérieur au déficit public, par exemple en France en2011.En1997auxUSA,lacriseasiatiquearamenéunemaréedecapitauxaubercail, dans le refuge sûr des bons du Trésor américain, renforçant ainsi ledollar. Le déficit commercial a également augmenté, mais cette fois, pas ledéficitbudgétaire.Ilachuté,jusqu'àzéro,etjusqu'àsetransformervraimenten

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excédent,pourlapremièrefoisdepuis1969.

Commentcelaa-t-ilpuarriver?

Comment le déficit extérieur a-t-il pu augmenter et le déficit budgétairediminuer ? Il y a un cas de figure (et un seul) où le déficit budgétaire peutdiminuer,tandisqueledéficitcommercialaugmente:quandlesecteurprivédel'économiedupays«assume»lerôlejusque-làjouéparl'État,enacceptantlui-mêmeundéficitbudgétaire.

Etc'estcequis'estpassé.Lescartesdecrédit,lesempruntshypothécaires,lesprêtscontregarantieimmobilièresontsoudaindevenuslesforcesmotricesdelacroissance économique américaine. La Bourse et le boom de l'immobilierdonnaient à beaucoup de gens l'impression d'être riches. Depuis des années,Républicains et Démocrates avaient clamé qu'ils voulaient un budget enéquilibre.Àprésent,ilsenavaientun,maisc'étaitunproblème,pasunesolution.Les excédents ont fait ce que font tous les excédents : un État en excédentsoustrait nécessairement en impôts auxdépensesprivéesplusqu'il n'injecte enversementsauxrevenusprivés.

Celaaobligé l'économieprivéeà financersonexpansionenaccumulantdesdettes.Maisàladifférencedel'État,ladetteprivéeadeslimites.Ellenepouvaitpasdurerindéfinimentetellenel'apasfait.Leboomdelatechnologieaprisfinenavril2000aveclecrashduNASDAQ.L'économieabasculédanslarécessionaudébutde2001,etledéficitbudgétairearéapparu.

Laplupartdespolitiqueslecomprennentunefoisaupouvoir,ilsnefontplussemblantdeprendrel'Étatfédéralpourunménage(Galbraith).

L. RandallWray raconte : « À une brève exception près, le gouvernementfédéral a été endetté chaque année depuis 1776. En janvier 1835, pour lapremière et seule fois de toute l'histoire des U.S.A., la dette publique futéliminée,etunsurplusbudgétairefutmaintenulesdeuxannéessuivantespouraccumulercequeleSecrétaireauTrésorLeviWoodburyappela«unfondpourfairefaceauxfutursdéficits».

En1837l'économies'effondraenunegrandedépressionquimitlebudgetendéficit, et legouvernementa toujours été endettédepuis.Depuis1776 ily eut

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exactementseptpériodesdesurplusbudgétairessubstantielsavecuneréductionsignificativedeladette.De1817à1821ladettenationalebaissade29%;de1823à1836ellefutéliminée(leseffortsdeJackson);de1852à1857ellechutade59%;de1867à1873de27%;de1880à1893deplusde50%etde1920à1930 d'environ un tiers. Les États-Unis ont également connu six périodes dedépression.Lesdépressionscommencèrenten1819,1837,1857,1873,1893et1929.

Selon l’orthodoxie libérale, le déficit zéro est le garant dumétallisme, doncd’une monnaie saine, donc d’une économie prospère, donc d’une civilisationlibre, démocratique et prospère. La nouvelle grande dépression économiquesévissant au début des années 1930 donne un nouveau formidable démenti àcette position idéologique.Malgré tous les efforts du privé pour se financer àcrédit,ilfinitpars’effondreretseraccrochersurlamonnaiepublique,cellequelui laisse ledéficitpublic.Enempêchantcettealternativedudéficitpublic, leslibérauxenfoncentl’économieplusprofondémentencoredanslarécession.LesÉtats-Unis illustrent parfaitement ce cas et il est patent que les surplusbudgétaires n’ont pas pérennisé la croissance, et que fut nécessaire uneaccumulation de déficit public pour sortir de la récession en 1933, et qu’àl’inverse,leretouràl’austéritéen1937marqualareprisedelarécession.

Biensûr,ladernièrefoisquenousavionsunsurplusbudgétaire,c'étaitdurantles années Clinton. Je ne connais pas de ménage qui fut capable d'avoir unbudgetendéficitpendantapproximativement190des230etquelquesdernièresannées, et d'accumuler des dettes virtuellement sans limite depuis 1837. Àl'exceptiondessurplusdeClinton,chaqueréductionsignificativedeladetteencours fut suivie d'une dépression, et chaque dépression fut précédée par uneréductiondedettesignificative.LesurplusdeClintonfutsuiviparlarécessiondeBush,uneeuphoriespéculativeetmaintenantl'effondrementdanslequelnousnoustrouvons.Lejurydélibèreencorepoursavoirsinouspourrionsréussiràenfaireunenouvellegrandedépression.Bienquenousnepuissionsjamaiséluderlapossibilitéd'unecoïncidence,septsurplussuivisparsixdépressionsetdemi(avecencorequelquepossibilitépourenfairelaparfaiteseptième)devraitfairehausser quelques sourcils. Et, au passage, nos moins graves récessions ontpresque toujours été précédées par des réductions du budget fédéral. Je neconnais aucun cas de dépression engendrée par un surplus du budget desménages(Wray).

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En France, 80 % des débouchés, c’est-à-dire des ventes de la production,relèvent de la consommation, le reste relevant de l'investissement ou ducommerceextérieur.D'uncôtélaconsommationàlafoisindividuelle(éducation,hôpital,médicaments),soit329milliards(M)etcollective(justice,police),soit181 M, prises en charge par les administrations. De l'autre la dépense deconsommationfinaledesménages,cequ'ilspaientdirectement(1126M).

Mais une part importante de cette dernière est permise par les prestationssociales en espèces comme les retraites ou les allocations familiales. Si l'onsuppose que 15 % de ces prestations sont épargnées, cela fait 360 M dedépensés.

En fin de compte, la dépense publique soutient donc la moitié de laconsommation finale (de l'ordre de 870 M sur 1680 M). De même, lesinvestissementspublics(86M,4%duPIB),ceuxdanslesbâtimentsettravauxpublicsparexemple,contribuentàl'activitéetauxrevenusdusecteurprivé.

Mossler voyait les choses ainsi : le chômage veut dire que l'État n'a pasdépenséau-delàdesimpôtsetdel'épargnenette(doncpersonnenepeutproposercetargentquin'existepasauxchômeurs).

6.4.2.Commentl'Étatdoit-ildépenser?

Aucœurduproblèmesesitueladifficultéquelesgensontàserendrecomptequ'il y a eu un changement essentiel dans le fonctionnement de nos systèmesmonétairesdepuislesannées1970.

LesaccordsdeBrettonWoodsàlasortiedelaguerreavaientétabliunprixdel'onced'orà35dollarsetchaquemonnaienationaleétaitadosséeelle-mêmeaudollar. Quand un pays décidait d'augmenter sa masse monétaire, l'État étaitautorisé à utiliser, ou plutôt à mettre en réserve dans sa banque centrale unequantitéd'orcorrespondanteàlaquantitéd'argentquel'Étatsouhaitaitfabriquer.

Depuis1971, legouvernementpeutdépenserautantqu'il le souhaitedans lamesureoùilyasuffisammentdebiensetservicesàvendre,mêmes'iln'aaucunor en réserve. C'est un changement énorme. Indépendamment du fait que le

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gouvernementaitdépenséplusoumoinsquesesrevenus,quelquesoit le jourparticulier,legouvernementatoujourslamêmecapacitéàdépenser.

Iln'yapasdeconcepttelquelegouvernement«n'aplusd'argent»ouqu'ilnesoit pas capable de financer un programme. Combien le gouvernement peutdépenser dépend entièrement de son choix. Il n'y a aucune restriction sur sacapacité financière. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de restriction à sesdépenses.Clairement,ilyena,laquantitédebiensetservicesquisontàvendre,le travail des gens au chômage inclus (c’est-à-dire en comptant les biens etservicesqueleschômeurspourraientéchangers'ilsavaientuntravail).

Nouspouvonsinterpréterleschosesainsi,legouvernementdépense,introduitdes actifs financiers nets dans l'économiediraient les économistes, c’est-à-direfabriquedel'argentsousformedelignesinformatiquesencréditantlescomptesbancaires privés. Cette dépense n'est pas contrainte par le revenu dugouvernement. Un gouvernement émetteur de sa propre monnaie n'a pas decontrainte financière sur sa dépense, ce qui n'est pas la même chose que dereconnaîtrelescontraintesbudgétairesimposéesparlespolitiques.

Mitchell écrit : « Les dépenses des citoyens privés sont contraintes par lasource des fonds disponibles, incluant les revenus de toute origine, la vented'actifsetl'emprunt.Lesdépensesdugouvernement,cependant,sontlargementfacilitées par les chèques émis par le gouvernement et couvert par la banquecentrale. L'arrangement que le gouvernement a avec sa banque centrale pourl'expliquerestlargementsansimportance.

Quand les bénéficiaires de ces chèques (vendeurs de biens et services augouvernement)lesdéposentàleurbanque,leschèquessontcompensésàtraverslachambredecompensationdelabanquecentrale(sousformesde«réserves»),etuncréditapparaîtsurcescomptesdans lesystèmebancairecommercial.End'autre terme, le gouvernement dépense simplement en créditant les comptesbancaires du secteur privé à la banque centrale. Opérationnellement, ceprocessusestindépendantdetousrevenusantérieurs,ycomprisdelataxationetl'emprunt. L'approvisionnement des comptes ne réduit ou ne diminue pas lesactifsdugouvernementousacapacitédedépense».

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L'Étatn'apasdesoucidetrésorerie.IlpeutpartirenguerreauMali(aveclesdépensesquivontavec),ilpeutdépenseroùilveutquandilveut.

Sonproblèmevientplus tard,comment faireensorteque l'argent investinecrée pas d'inflation. Ce qui peut arriver quand la quantité d'argent dépasse laquantitédeproduitsàvendreouàacheter.

Nos systèmes monétaires sont à la fois d'une désarmante simplicité etextrêmement tordus. Extrêmement simples, parce qu'en définitive, lamonnaien'est que la devise émise par une communauté à travers son État, qu'elle sedistribue commebons à fairevaloir sur saproduction.Devisedistribuée selonsesprioritéspolitiquesexpriméespar lebudgetpublic.Devisedontelleassurel'acceptation par ses membres ainsi que la régulation de la quantité par sesimpôts.Impôtsprélevéseux-mêmesselonsesprioritéspolitiques.

Extraordinairementtordus,parcequelesÉtatsneveulentpasassumercetétatdefait.Chacunsesubdiviseendeux,leTrésorPublicdépensantlesdevises,labanquecentralelescréant,etsecréeunedetteentrelui-mêmeetlui-même,unecontrainte de financement totalement imaginaire et dépourvue de conséquencetechnique. Pire encore, il s'oblige souvent à utiliser les banques commercialescomme intermédiaires entre le Trésor et sa banque centrale, renforçant ainsil'imaginaire de la contrainte de financement, sans commencer à en poser unetechniquement,etcen'estqu'àpeine,sicetteméthodepermetdefaireoscillerlestauxd'intérêtsquel'Étatchoisitpoursadette.

Bienquel'arrangementinstitutionnelsembleéquivalentàuneémissionpureetsimplededevisespar leTrésorPublicd'unpointdevuestrictement technique,l'impactpsychologiqueesténorme.Unefoisquelecitoyenaperdulefildecebonneteau, il finit par ne plus comprendre que seule la devise lui permetvraimentdesefinancer,notammentpourapurersesdettespassées.

Ilfinitparcroireavecfermetéàlafictiondeladettepubliqueetilseconvaincà tort que tout le systèmemonétaire est surendetté et qu'il faudrait enquelquesorte«rembourserlepays».

Faceàcetteincompréhension,laconstructiondubudgetpublicnes'entrouvepasassainie.Toutaucontraire.Elleaboutitàunsous-financementchroniquede

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l'économie, ce qui se traduit par un mélange variable de trois maux : uneescalade toujours plus dangereuse de crédits, un chômage et une précaritéenvahissant toute la société lentementmais sûrement,etenfin,àdes tentativesplus ou moins désespérées d'atrophier son économie pour qu'un autre paysprennesurluidelafinanceràsaplace…Tentativevaine,sicedernierafaitlemême calcul à son égard, chose fréquente.La crise des subprimes fut ainsi lethéâtretragi-comiquedespaysdéveloppésespérantquelespaysémergentsayantfondé leur croissance sur l'exportation deviennent soudainement desimportateursauniveaudeviecolossal,demanièreàinverserlesrôles(Bersac).

Leslibérauxclamentquel'Étattientunrôledefigurantdanssonfinancement,qu'ilest«disciplinéparlesmarchés»etdevraitleurplairepourobteniruntauxd'intérêt raisonnable, et même un financement tout court. Mais la réalité estexactement inverse : lesmarchés sont disciplinés par l'État au point d'être desfigurants quant à la dette publique. Le Trésor injecte ou retire les devises dumarchéinterbancaire,etlabanquecentralelesépongeoulesverseensuiteselonletauxdirecteurdésiré.

D'ailleurs,àtouteslesadjudicationsdel'État,c’est-à-direàchaquefoisquelaFranceémetdesobligationsd'État,ilyatoujoursplusdedemandesqued'offres.

L'État peut et doit laisser un déficit public, d'autant plus que la croissancedémographique et/ou du PIB et/ou de l'inflation nécessite chaque année del'argentenplusdanslecircuitdeséchangesafinqueceux-cipuissentjustementaugmenteretcréerdesemplois.

Un pays en croissance démographique, d'autant plus si le chômage y estimportant, nepeutpasvivre avecunbudget équilibré, car si ledéficit estnul,personnen'ad'argentpuisquecelaveutdirequel'Étatatoutrécupérécequ'iladépensé(budgetéquilibré)sansrienlaisserdansleprivé...Saufàexporter,maisdanscecas-làc'estlaguerreéconomiqueentrelespays.Ilpourraitaussitenterde s'en tirer en augmentant la vitesse de circulation de la monnaie parl’accélération du crédit bancaire.Mais nous l'avons vu, ce crédit est le grandresponsabledescrisesfinancières.

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6.4.3.Combienl'Étatdoit-ildépenser?

En2014, l'Étatfrançais(aveclesadministrationscentrales,publiqueslocalesetde lasécuritésociale)parsabanquecentraleadécidédedépenser(environ)1220 Milliards d'euros pour payer les bâtiments, la protection sociale, lessubventions,lesfonctionnaires,lesretraites...etc...

Ces euros ont été fabriqués par l'État (et/ou sa banque centrale) à partir derien,maisécritsousformedelignesinformatiques.

Cesdépensespubliquesreprésentent57%duPIBquiestde2140M.d'euros.

Toutcetargentfinitsurnoscomptesenbanque(nous lespersonnesprivées,même ceux qui travaillent dans le public voient leurs payes finir sur leurscomptesprivésdansunebanquecommerciale),c’est-à-direqueces1220Mvontauprivéentièrement.

6.4.4.Combienl'Étatdoit-ilrécupérer?

L'État va récupérer sous formes de taxes diverses, surtout la TVA, au totalenviron960milliardsdansl'année(soit44,7%duPIB).Aveclesautresrecettesdel'État(venteoulocationsdebiensetservices...),sesrecettessontautotalde1140Metledéficitpublicannuelestdoncfinalementde80milliardsd'euros.

Ilreste80milliardssurles1220initiauxfabriquésetdépensésparl'État,quisontdanslespochesduprivé.

L'État a dumal à taxer plus. Les gens ne veulent plus voter pour ceux quiveulentaugmenterlestaxes.

Faut-ilquel'Étatrécupèretoutouunepartiedeces80M?

Ces80Mqui restent dans lesmains du privé, c'est un peu trop notammentparcequ'ilsnesontpastrèsbienrépartis,maisregroupéspardegrandsgroupes,decompagniesd'assuranceoude fondsdeplacementsouautresquiarriventà

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collecteraumoins les3/4decettesomme.Le risqueévoquéde laisserchaqueannée 80M pour le privé est bien sûr l'inflation, mais seule la volonté (sansobligationcependant!)d'équilibrerdefaçoncomptablesesfeuillescomptablesdépenses-recettespousselesÉtatsàemprunterl'équivalentdudéficit.

Sur la somme d'argent initialement fabriquée par l'État pour être dépensée,pourtoutpayer,certainsd'entrenousarriventàenmettredecôtémêmeunefoisleurs dépenses habituelles réalisées et leurs taxes payées.Ainsi, enFrance, ilsmettentdecôtéenvironles80milliardsd'eurosparannéedontnousparlons.Etsi ces 80M dorment (ne sont pas dépensés), la croissance (des échanges) etl'emploiserontamputésd'autant.

Dans un système où la somme d'argent existante est fixe et calculée enproportiondunombred'échanges,detransactionsdisponibles,siquelqu'unmetetgardede l'argentdecôté (quin'estplusdépensé), alorsquelqu'und'autrenepeut plus réaliser ses achats puisque l'argent nécessaire est mis de côté pard'autres.Moinsdedépenses,moinsdecroissanceetd'emplois...Alorsquandils'agitde80milliardsnondépensésparan,l'impactéconomiqueestmajeur.

6.4.5.Commentl'Étatdoit-ilrécupérer?

Enplusdecesrecettes,l'Étatdoitdoncsedébrouillerpourrécupérerces80Mmanquants.

Del'autrecôté,quepeuventfairelesgrandsgroupesprivésdeces80milliardsd'euros?Cesgroupessouhaiteraientlesplacer,maisquiveutdecesmilliardsenéchanged'intérêtsàpayeràcesmêmesgroupes?

Les heureux propriétaires de ces 80 M (moins de 5 % de la populationnationale)netrouventpasd'investissementprivéàréaliseraveccetargentquinesoittroprisquéetquiramèneraitdesbénéfices...

Du coup, ces groupes ne peuvent placer leur argent à un taux d'intérêtsupérieuràceluiproposéparlesbanquesetrisquentmêmedevoirletauxauquel«on»veutbienleurempruntertendrevers0(ilyatellementd'argentàplacer,d'épargneàplacer)etdoncneplusrapporterd'intérêts!!!

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Laseulesolutionpourqueces80Mnesortentpasducircuitéconomiqueetainsidemaintenirl'emploi,estquel'Étatlesleuremprunte(contreintérêts)etlesdépenseaussitôt.Chaqueannéeilenestainsi,etannéeaprèsannée,lesmilliardsempruntés (empruntés puis dépensés) forment une somme de plus de 2000milliardsd'eurosquiconstituentaujourd'huiladettepubliquefrançaise.

Chris06 fait remarquerque les taux réelsdesobligationsd'Étatdites“sans-risques”(etencore,çadépendsinouspensonsquelesUSAoulaFrancevontunjourfairedéfaut!)sontnégatifs.

Pour l'immobilier, la même chose, entre la perte sur le capital qui estactuellementde -1%parmoisenFranceet le rendement locatifquiestmoitiémoindre, nous sommes aussi à un rendement réel négatif. Pour les actions, sinousprenonsparexempleleCAC40surlesdixdernièresannéesetquenousyrajoutonslesdividendes,noussommesaussiàunrendementréelnégatif.Nouspouvons donc nous demander dans quelle catégorie d'actifs les prêteurspourraient investir? Iln'existeplusaujourd'huiderendementsmirobolants ! Ilfautvraimentnepasavoird'argentàplacerpourcroireencoreàcela!

Les80Mn'onttoujourspastrouvépreneur,lerisqued'inflation(tropd'argentqui ne trouve pas d'échanges à réaliser) s'annonce. L'État veut aussi qu'ilstrouventpreneur,d'abordàcausedurisqued'inflation,maisaussipourempêcherque les tauxd'intérêtnebaissent trop.Eneffet, sipersonneneveutemprunterces80M,ceux-civontquandmêmefinirpartrouverpreneurs,maisàdestauxplus bas que celui proposé par les banques. Si les taux d'intérêt baissent, ilsbaissent aussi pour les emprunts bancaires et cela fait toujours craindre uneflambéedecesderniers.

L'Étatempruntedoncces80MenéchangedebonsduTrésoretd'obligationsd'État à 5 ou 10% de la population à des taux d'intérêts qu'il fixe selon cescalculssur le tauxd'intérêtoptimalpourunequantitédecréditsouhaitée,gaged'uneéconomiestabilisée.

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6.4.6.Pourquoil'Étatdoit-ilrécupérer?

Poursatisfairetousleséchangesdesproduitsouservicesfabriquésetoffertsàla vente, nous sommes d'accord qu'il convient de fabriquer (virtuellement, cen'estpasdur…)unesommed'argentet s'assurerqu'ellecirculeassezvitepourpermettreceséchanges.

C'est-à-dire de faire tourner l'argent. Nous parlons alors de la vitesse decirculationdel'argent.

Quellequesoitnotrefaçondevoir,dereprésenterl'argent,siunpaysproduitdes services pour une valeur totale à la vente de 100 milliards d'euros parexempleparan,ilconviendrait,sesontvitemisd'accordleséconomistes,d'avoirsoit100milliardsd'eurosquel'ondépenseunefoispourréaliserlasommedeséchanges,oudisons10milliardsquisontdépensés10foisdansl'année...

C’est-à-direqu'ilfautqueleproduitdelamassemonétaireMparlavitesseVde circulation de cet argent soit égal à la quantité (la valeur) des servicesproduitsetproposés(P)ouMV=P.

Unefois l'argent fabriquéàhauteurdesproduitsàcréeretàvendre,soitcetargentcirculeànouveau,etpuissanscesse,etleséchangescontinuentàsefaire(favorisantl'emploi),soitunepartiedecetargentstagne,dort,etnousassistonsalorsàunebaissedeséchanges(ouàunebaissedesprix...).

Comme la population augmente, il faut augmenter les emplois. Certainspensentqu'augmenterlavitessedecirculationpermetdemoinsdevoirfabriquerdelanouvellemonnaie,avecdoncunrisquemoindred'inflation.

Iln'existequetroismoyensdefairetournerl'argentdéjàexistant,c’est-à-dired'augmenter sa vitesse de circulation afin de, gardons le enmémoire, toujoursaugmenterleséchangesetl'emploi:

•ledépensersousformedeconsommationoud'investissements;

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• le dépenser sous forme de taxes au profit d'une institution (l'État parexemple)quidépenseral'argenttaxé;

• le prêter (à ceuxqui veulent le dépenser,mais qui n'en ont pas assez) parl'intermédiaireducréditbancaire.

Lebutestdoncdefaciliterlacirculationdel'argentplusqued'augmentersaquantité. Il fautdrainer l'argentenpermanence,depuis l'endroitoù il se trouveinutilisé (c'est-à-dire non dépensé et qui dort sur nos comptes en banquesprincipalement,qu'ilssoientcachésoupas…)formantdespochesanévrysmalescommedes réservoirs, jusqu'à l'endroit où il serait utile aux échanges, c’est-à-direoùilseraitdépensé.

La notion de création monétaire est une simple image, une métaphoreintroduitepourmieuxexprimer lesentimentdesdéposantsetdesemprunteurs,queleconceptdevitessedecirculationquilui,constitueenréalitéladescriptionexacteduprocessusobservédepuisladématérialisationdelamonnaieen1971(PaulJorion).

Qu'estcequifreinecedrainagedel'argent?

Onl'avu, lacirculationde l'argentest freinéedèsquecertainsnedépensentpastoutleurargent.C'estvraipour:

•ceuxquigagnentplusquecequ'ilspeuventdépenser;

• ceux qui en gardent « sous le matelas » (thésaurisation) en raison del'incertitude quant à leurs ressources futures que ce soit pour des raisonspersonnelles(chômage,santé…)ougénérales(criseéconomiqueouautresfaisantcraindrepourl'avenir…);

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•ceuxqui spéculent : l'argent s'échangealorsen tantquemarchandiseetneparticipe pas à ce que nous appelons parfois l'économie réelle, maisvirtuelle...C’est-à-direquel'argents'échangesansproductiondebiensetdeservicesdontlafabricationetlaventeauraientamenédesemplois,mêmesil’«l'industriedelafinance»enelle-mêmecréeaussidesemplois;

•lesimportations:l'argent«fuit»versl'étrangeretnepeutbiensûrpermettredeséchangesdanslepays;

•certainesnichesfiscales;

•lesbullesquandelleséclatentetrompentlachaînedescréditsquiontpermisdelesgonfler.

Toutcelaformedespochesanévrysmalespleinesd'argentquistagne(ouquidisparaît)etquineparticipeplusauxéchanges.

Ces fuites amènent les politiques à tenter d'augmenter encore la vitesse decirculationdel'argentrestantdanslecircuit(deséchanges).

Reprenons les moyens d'éviter les poches anévrysmales dans lesquellesl'argentdort,etd'augmenterlavitessedecirculationdel'argent:

•enfavorisantlecréditprivé,c'est-à-direendemandantàceuxquiontencoredel'argentaprèsavoirréaliséleursdépensessouhaitéesdeleprêterparlebiaisdeleursbanquesàceuxquienontbesoin.C'est-à-direceuxquin'enontpasassez.Ainsi,nousempruntonsdel'argentpournosprojetspersonnelsàceuxquienontencore,unefoislesleursréalisés;

•l'Étataussiemprunteàceuxquiontencoredel'argentparl'intermédiairedes20 principales banques commerciales mondiales. L'État emprunte cettesomme,nonpasqu'ilenaitvraimentbesoin(nousleverronsplusloin),maisc'est un de ses rôles principaux que de s'assurer que l'argent tourne. L'Étatemprunte donc l'argent qui dort pour le dépenser illico, afin de permettre

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l'augmentation des échanges. Mais qui dit emprunter, dit contracter unedette…;

• bien sûr, une stabilité sociale et économique, un environnementencourageant(despolitiquesenquinousaurionsconfiance…)nouspoussentàdépensersanstroppenseraulendemain.Surtout,si l'Étatnousdonnaitassezconfiance,ennousdisant,nevousinquiétezpas,sivoustombezmalade,nousassurerons votre salaire ; si vous perdez votre emploi, nous aurons quelquechosepourvous;sivousvoulezvoyagerunan,celaouvretellementlesyeuxsurlemondeetleschoses,nousvouslepayons;sivotreprojetsemblebon,nouspouvonsvousaider…etc.;

• augmenter la taxation sur les revenus et/ou les bénéfices et/ou les profitset/oulaconsommation(TVA)et/oul'héritageet/oulathésaurisationet/oulestransactionsfinancièreset/oulapollutionet/oulepatrimoine…etdépensercestaxes;

• diminuer les différences ou les inégalités face à la disponibilité de lamonnaie.

Toutethéoriemacroéconomiqueadesimplicationsconcernantlesobjectifsetoutilsdelapolitiqueéconomique.C’est toutspécialement lecaspour lespost-keynésiens dont les analyses montrent comment les marchés, laissés à eux-mêmes, conduisent au chômage involontaire et/ou à l’instabilité financière.(RobertBoyer)

La politique économique est donc cruciale : ce n’est donc pas toujours uneinterférence préjudiciable à l’efficacité économique, contrairement à cequ’affirmelathéorieclassique.

Enfait,l'Étatn'apas«besoin»deces80Mpourlesredistribuerunenouvellefoisdansleprivé(afinquelestransactions,leséchangespuissentsefairedanslapopulation), il pourrait les fabriquer. Mais il veut surtout que 80 M annuelsnouveauxnes'ajoutentpaschaqueannéeenplusdes80Mdesannéespasséesàlamassemonétairedéjàexistante,cequicorrespondraitàunecréationmonétaireénorme.

L'État décide alors d'emprunter les 80M à un taux d'intérêt choisi par lui-

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même et qui deviendra donc le taux d'intérêt directeur, c’est-à-dire celui quidirige les autres tauxdont celuiqueproposent lesbanques secondaires à leursclients.

Unefoisquel'onréalisequeladépensedugouvernementn'estpascontraintepar lesrevenusalorsnousdevonsanalyser lesfonctionsde la taxationsousunautre angle. La taxation fonctionne de façon à encourager les offres faites augouvernement par des individus privés, de biens et services en échange desfondsnécessairesàl'extinctiondeladetted'impôt.

Quandlestaxessontpayéesparleschèquesdusecteurprivé(oupartransfertsbancaires), qui sont prélevés sur les comptes privés détenus par les banquescommerciales, la banque centrale débite un compte bancaire du secteur privé.Aucune ressource réelle n'a été transférée au gouvernement. La capacité dugouvernement à dépenser n'a pas non plus été augmentée par le débit de cescomptesprivés.

Dans un systèmemonétaire fiduciaire comme le nôtre, le gouvernement n'apas besoinde financer ses dépenses et dans ce cas, l'émissiondedette par lesautoritésmonétaires sert un autre but. L'émission de dette a pour fonction demaintenir le taux d'intérêt pas trop faible, en fournissant aux investisseurs unactif financier qui rapporte des intérêts et retire l'excès de réserve du systèmebancairedûàladépensedugouvernement(ledéficit).

Silesréservesbancairesn'étaientpasretirées(silegouvernementn'empruntepas), les dépenses seraient toujours faites, mais le taux d'intérêt plongerait (àcause de la compétition des banques qui essaient de se débarrasser de leurssurplus de réserves non rentables) et cela pourrait être inconsistant avec lesintentions déclarées de la banque centrale de maintenir un objectif de tauxd'intérêt pas trop faible (qui ferait baisser le prix de l'argent avec le risqued'inflation).

Et, point important, la source des fonds que les investisseurs utilisent pouracheter lesobligations(dette)estdérivéede ladépensenettedugouvernementdansabsolumenttouslescas(lesdépensesmoinslataxation).Lesecteurprivénepeutpasacheterd'obligationsdansunsystèmemonétairecomme lenôtreàmoinsquelegouvernementn'aitdépensélamêmesommeauparavant(Mitchell).

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La relation entre le gouvernement, la banque centrale et les réserves est lasuivante:«Labanquecentraledoitfinancerlesactivitésdugouvernement,maiscela en soi ne pose aucun problème. Les chèques du gouvernement sontuniversellementacceptés.Unefoisdéposésdanslesbanquescommerciales,leschèques deviennent, dans un premier temps, des « actifs de réserve » ; lesbanquespeuvent immédiatementsedébarrasserdes réservesexcédentaires (quine rapportent rien) en achetant des obligations (qui rapportent) » (Godley etCripps).

Naturellement, si le gouvernement lève des impôts, nous obtiendrons l'effetinverse.Tandisque les impôtssontperçuset leproduitversésur lecomptedel'Étatàlabanquecentrale,lemontanttotaldessoldesderèglementdétenusparlesbanquesdevientnégatifet,decefait,lesbanquescommercialesperdentdesréserves,entraînantunehaussedutauxd'intérêtaujourlejour.

Il devient donc plus facile de comprendre l'affirmation de Bell, que « lesimpôtspeuventêtreconsidéréscommeunmoyendecréeretdemaintenirunedemandepourl'argentdugouvernement,tandisquelestitres....sontunoutilquipermetdemaintenirpositiflestauxcréditeursaujourlejour.»(Bell,2000).

D'uncôténousvenonsdelevoir,l'Étatinjecte(enlesfabriquantparsabanquecentrale à partir de rien sous forme de lignes informatiques) 1220 M dansl'économie qui vont permettre l'augmentation des échanges espère-t-il, et del'autre,ilretire1140M(impôts+recettes+emprunts)del'économie,unesortedestérilisationdelafabrication,oudedestructiondecetargenteneffaçantleslignesinformatiquesécriteslorsdesdépenses.

L'Étatprendl'argentd'unendroitoùilnesertplusàfairedeséchanges(maisessentiellement à être placé, prêté contre intérêt) pour le dépenser en réalisantdeséchanges,ouaveclavisionpostkeynésienne,pourledétruire(puislecréerànouveaul'annéesuivante),ouencoreeneffaçantleslignesinformatiquesécritesau cours de l'année àmesure que les taxes arrivent, pour en écrire à nouveauquandlebesoins'enferasentir.

L'opérationcomptableestbouclée, l'État adépensé1220, récupéré1140par

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les recettes et 80 grâce aux bons duTrésor, le compte est bon. L'inflation estainsiévitée.

L'Étatpeutcontinuerainsichaqueannée,1220Mdedépenses,1140deretouren recettes, 80 de retour en bons du Trésor...au prix d'une dette publique quiaugmenteetàceluidesintérêtsannuelssurcettedette.

Maisl'État(lepeuple)peutaussichoisirdeluttercontrelesdifférencesdevantla disponibilité de la monnaie, pour permettre une diminution des pochesanévrysmales, une meilleure circulation de la monnaie pour augmenter larécupération des taxes liées aux échanges par l'État afin de baisser le besoind'endettementpublic.

Nousdevonssurtoutcomprendrequel'Étatn'estpasobligédetoutrécupérer(ildoitoublier la règlede la feuillecomptable),maisdoit aucontrairedans lavision chartaliste, encore une fois laisser undéficit à la hauteur de la quantitéd'argentjugéenécessaireauprivéchaqueannée.Ledéficitpourraitêtrejusteundéficitetnonpasunedette.Oualorsunedettedel'Étatsurlui-même(maisest-ce que c'est possible une dette sur soi-même ?). L'État comme la banque auMonopolyestforcémentdéficitairesanspourautantdevoircetargentdistribuéparlebanquier(central?)àquiquecesoit.

Maisdès1817,Ricardoécrivait«L'expériencemontrequejamaisunÉtatouunebanquen'adisposéd'unpouvoirillimitéd'émissiondepapier-monnaiesansenabuser.»

Gageonsqu'unemeilleureconnaissancedusystèmenouspermettrad'épouserle chartalisme sans crainte exagérée de création de devises pour les dépensespubliques puisque la lutte face à la disponibilité de lamonnaie aura peut-êtrepermisàl'Étatderécupérerbienplusdedevisessansaugmenterlesimpôtspourtoutlemondepourautant.

Lavoie rappelle qu’il est important de souligner que les chartalistes neprétendent pas que leurs propositions sont valables partout en tout temps. Ce

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qu'ils affirment, c'est qu'elles s'appliquent pour les pays ayant une «monnaiesouveraine » (USA,Canada, Japon,Australie) (Wray 2002). Il y a des degrésdanslasouverainetémonétaire,leplusélevéétantceluid'unpaysoùlamonnaienationale est l'unité de compte, où les impôts et les dépenses publiques sontpayésdanscettemonnaienationale,oùlabanquecentralen'estpasentravéeparla réglementation,où ladettepubliqueestémiseenmonnaienationaleetoù ilexiste un pur régime de taux de change flottant. En particulier, il convient desoulignerquelesauteurschartalistesontvivementcritiquélaconfigurationdelazone euro et le système monétaire de l'euro, et avaient prédit les problèmesfinanciers que certains des pays de la zone étaient susceptibles de rencontrer,précisémentparcequecespaysnedisposentpasd'unemonnaiesouverainetellequedéfinieci-dessus(parceque l'onaempêché labanquecentraleeuropéenned'acheter directement de la dette souveraine). Ainsi, nous ne pouvons pasappliquer la situation actuelle dans les pays comme la Grèce, l'Irlande et lePortugal, ou même l'Espagne et l'Italie, comme contre-exemples aux théoriesavancéesparleschartalistes.

Cen'estpaslamonnaienilafinancequipeuventsauverlemonde,maisplutôtlavolontédelechanger.

Cependantilestfauxdedirequec'estunproblèmed'argentquiestàl'originedessoucisquotidiensetquinousempêcheraitdesauverlemonde.Danscesensalors,lamonnaieetlafinancepourraientpermettredesauverlemondeaumoinsenexpliquantqu'ellen'estpasunverrouàcechangement.

Pourmoi,lafinance…c'estmonami!

C'estuninstrumentdontilfautapprendreàseservir,etnonuneennemiequ'ilfaudraitcombattre.(Brender)

Elleaunrôledansl'allocationdel'épargne,leniveaudel'activitéetlerythmedelacroissance...

6.5.L’excèsd'épargne

Aveclavisionnéolibérale(quisedéfendendisantqu'unautresystèmeserait

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responsable de création monétaire inconsidérée) puis néokeynésienne dusystèmeactuel,nousavonspourtantvuaugmenterlamassemonétaireexistantejusquedanslesannées2006-2007troisfoisplusvitequelacréationderichessesproduiteslesmêmesannées.

Lamassemonétaire en France, que l'on nommeM1 (pour ce qui il y a enliquideetsurnoscomptesbancaires«àvue»)étaitde15milliardsen1960,378milliardsen2000etjusqu'à900milliardsen2015!!

Troisfoisplusqueleniveauderichessesproduites.

Jean-LucMélenchonremarquequ'« ilestunenouveautédans l'Histoire.Eneffet c'est la première fois que l'économie humaine ne repose plusprincipalement sur la circulationdebiens réels.Legonflementde lamassededollars en circulation a fait naître un monde parallèle où l'essentiel destransactionsfinancièresnecorrespondentàaucuneréalitématérielle.En1970ils'échangeait20milliardsdedollarsparjour.Dèslesannées1990,nousenétionsà1500milliardsquotidiens.En2010c'était4000milliardsdedollarsparjour.Àlamêmedate,lesbiensetlesservicesréelsetconcretséchangésatteignaientàpeine40milliardsparjour.Centfoismoins».

L'extravagance de la création monétaire dans les années 1990-2000 estfondamentalement due à la difficulté à faire produire des marchandises quisoient vendables, alors que la compression salariale s'aggravait et que sedéveloppaitl'illusion–lefétichisme–delacapacitéducapitalàsevalorisertoutseul dans une sphère financière où régnaient des prophéties auto-réalisatricesd'accroissement de capital... fictif. Si vous produisez quelque chose de valeur,forcémentcelaapportecettevaleuraumarché,donctelfinancementpourcettevaleur(Harribey).

Enfait,non!

Jean-Baptiste Say ne voyait pourtant pas la faille : il croyait en sa loi desdébouchés (ou Loi de Say), dans laquelle toute production supplémentaire

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apporteraitnécessairementlamêmevaleursurlemarché,sanssepréoccuperdelamonnaiequil'échange.Commesitrouverunfinancementétaitnécessairementextrêmementfacile.Faux,biensûr.Lesprixétantexprimésenmonnaie,etuneproduction supplémentaire n'apportant pas de monnaie supplémentaire, cetteproductioncréeundéséquilibreentre levolumedeproductionet levolumedemonnaieservantàl'échanger.D'oùunetendanceàladéflation(baissedesprix)entredeuxdécouvertesdemétal,età l'inflationlorsqu'onenextraitànouveau.Déflation qui s'opère le plus souvent par un effondrement du crédit qui avaitessayédel'éviter(Bersac).

Berruyer:«SiunÉtats’endetteaujourd’hui,c’estqu’ilneveutpasleverdesimpôts aujourd’hui. Or, comptablement, un euro de dette aujourd’hui, c’estforcémentuneurod’impôtdemain(etmêmeunpeuplusenraisondesintérêts).

Pourquoivoudrions-nousque lemêmeÉtatveuille etpuisse levercet impôtdemain?

Je ne condamne nullement ces dépenses, entendons-nous bien, cetteconclusionestcelledenéoconservateurs.Jedissimplementquesinousvoulionsles faire, il fallait prendre sur l’épargne dans le passé pour les financer !Maintenant, nous allons quand même être obligés de diminuer fortementl’épargnedesfrançaisd’unefaçonoud’uneautre(défautoutaxationmajeuredel’épargne)etaufinal,magiedelacomptabilité,l’épargneseraaumêmeniveauque si nous avions levé régulièrement plus d’impôts dans le passé pourrééquilibrerlesbudgets.

Uneurodedettepublique,c’estuneurod’épargneprivéeinvestieencréancepubliqueetdoncuneurodedetteenmoins,c’estuneurod’épargneenmoins,détruiteparimposition.

Jerésume:aufinal,nousavionslechoixentredeuxsolutionsdanslepassé:

1.lever1€d’impôtenplus(oudépensermoins,maiscelarevientaumême)pouréquilibrerlesbudgets,l’épargneauraitdoncétéplusfaible;

2.nepasleverl’impôtetlaisserdonc1€d’épargneenplusdanslepays,faire1 € de déficit, emprunter cet euro aux épargnants, et un jour, lever cet eurod’impôtendiminuantl’épargneprivéepourrembourser.

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Auxintérêtsprès,lesdeuxsolutionssontéquivalentes,vousavezsimplementlaissé de l’épargne “fictive” croître dans le pays (car gagée par des impôts àvenir) et cette épargne doit finir par être détruite pour rembourser les dettes.C’estcommepourunménage.

Ettoutleproblèmeestqueplusletempspasse,plusnousutilisonslafacilitéde la dette, car elle ne coûte rien à personne concrètement, puisque lecontribuable ne paie rien et les prêteurs s’enrichissent par les intérêts. Nousaugmentons simplement en permanence le rapport des « reconnaissances dedettes/promessesdepayer»ducontribuable(Berruyer).

C'est toujours une création d'argent exagérée qui fut la cause des crises àrépétition, la grande inflation des années 60-95, la crise de la dette latino-américaine (1982), le krach de1987, la crise japonaise (1990-20....), les crisesimmobilières des années 1990 (Norvège, Royaume-Uni, Suède, Espagne,Finlande, Danemark, Allemagne, France...Suisse), la crise asiatique (1997-2002),labulleinternetetsesconséquencesdésastreuses(1995-2002)et,enfin,lebouquet,lagrandecrisefinancièreetéconomique(«LaGrandeRécession»)qui,ayantdébutéen2007perdureencoreaujourd'huidansl'ensembledumondeoccidental, obligeant àdespolitiquesmonétaire acrobatiquesdontpersonneneconnaîtréellementlesconséquences(Gomez).

Quelestdonccesystèmemonétaireinternationalactuelquiapermisdecréertroisfoistropd'argent,responsabled’unexcèsd’épargne?

6.5.1.Lecrédit...

D'unepart lenombredecréditsaexploséde façonconcomitanteà labaissedessalaires(enpartieseulementetpasdanstouslespays),àl'émergencedelapublicité pour la consommation, au dogme de l'investissement dans la pierre(l'immobilier)commeunevaleurplusquesûreàtraverslesâges(c'estunedesraisons majeures en France pour expliquer la hausse des crédits depuis lesannées1970), alors que la bulle de l'immobilier a déjà éclaté enFrance il y aquelquesannées.

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Parailleurs,lesproduitsdérivésdescrédits(quisontdesassurancescontrelenonremboursementdeplusieurscréditsréunisenunseultitre),permettentauxbanquesd'unepartdesedébarrasserdesrisquestoutensefaisantdesbénéficesenvendantcestitresd'autrepart.Commelesbanquessedébarrassentdecertainsprêts, ils peuvent en accorder plus et encouragent ainsi l'offre de crédit. Lesproduitsdérivéssont intéressants,si l'emprunteurremboursebien,vousgagnezdel'argent...sinon....

Cesproduitsdérivésmarquentlafaillited’unsystèmefinancierdanslequellerisque est reporté par la titrisation sur des agents incapables d’en évaluer lanatureetl’ampleur(Boyer).

Mais cependant, il n’y a nul besoin de titrisation pour gonfler une bulleimmobilière, il suffit pour cela de trois ingrédients essentiels, 1. Des tauxtoujoursplusbas.2.Lacroyancedurablequelapierreestunevaleursûreetqueles prix ne peuvent que monter. 3. Des politiques fiscales encourageant lapropriété. Ce n’est pas plus compliqué que cela et nous retrouvons le mêmephénomènedanslaplupartdespaysquiontconnudesbullesimmobilièresparlepasséouparleprésent,etceavecousanstitrisation(Chris06).

De grosses offres de crédits de la part des banques en plus de la demandeexpliquent lahaussede lacréationmonétaireobservée.C'estdans ladeuxièmemoitiéduXIXesiècleparticulièrement,que lesbanquesontdécouvert l'affairerentabledelacréationprivéedemonnaie,etilenarésultéuneproliférationdepapier-monnaie.

Pour mieux comprendre, il faut remonter aux orfèvres du XVIIe siècle àl'époqueoùunebonnepartdeséchangesse faisaità l'aidedemétauxprécieuxcommel'or.

Lesorfèvresgardaientl'ordansleurscoffresetsesontviterenducompte(etceseravérifiéensuiteparlaloidesgrandsnombres)quetouslesdéposantsnevenaient jamais demander tous leurs dépôts et encore moins tous en mêmetemps.

Lesorfèvrespouvaientalorscréerdescertificatspapiers(oubilletsdisons)en

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échangedepaiementenoretcelaau-delàdelavaleurdustockdesdépôtsd'or.

Celaavaitbiendesavantagescommeunemeilleureprotectiondestransportsde fonds (plus discrets en volume et en valeur propre), une facilitation deséchanges(ilestpluspratiquedevoyageravecdesbilletsqu'avecdeskilosd'or),maisaussietsurtoutcelapermettaitdepromettredelamonnaie(l'oràl’époque),c’est-à-direunmodedepaiementacceptéparlesbanquesetlesmarchands,au-delàencoreunefoisdustockdemonnaievéritable.

C'esttrèsimportantparcequelestockd'orauniveaudupaysmaismêmedanslemondecommençaitàêtreréduitproportionnellementauxrichessescrééesetàla croissance démographique si bien que cette fameuse huile dans les rouagescommençait à manquer. Les dernières découvertes de mines d'or se faisaientmoins fréquentes, moins volumineuses et il fallait donc trouver un moyend'injecterplusd'huileoudemonnaiepourpermettreauxéchangesdesefaire.

Les certificats étaient des promesses de payer (via l'or) dont nous pouvionsnousservircommemodeimmédiatdepaiement,sitoutlemondeavaitconfiancedanslesystème.Etlesorfèvres,puisbanquierspurentfabriquerdesmoyensdepaiementimmédiatsanstropdelimite.C'estlanaissancedusystèmemonétaireavec réserves bancaires fractionnaires (les banques secondaires n'ont qu'unefractiondecequ'ellesprêtent).

L'avantage était qu'on pouvait augmenter la masse monétaire (moyens depaiementimmédiats),sinouslejugionsnécessairesanslimitephysiquedestock,l'inconvénientseralerisqued'enfabriquertrop(parrapportauxrichessescréées)commecefutparfoislecas.Lesbanquesimprimaientleurspropresbillets,lesprêtaientcontredesintérêts

etfaisaientdesaffairesprofitables.Commeellesimprimaienttropd'argent,descrisesfinancièresseproduisaientrégulièrement.LesÉtatscalmaientencoreunefoislesmarchésfinanciers.

En 1844, l'Angleterre a introduit le monopole des billets de banque,l'Allemagne en 1875. En 1891, le peuple suisse a interdit aux banquesl'impression de billets de banque et en a transféré le monopole à laConfédération, qui a créé la Banque nationale suisse (BNS) à cet effet, unedécision sage.Depuis des décennies, 1 à 2,5milliards du bénéfice de laBNScoulentchaqueannéedanslescaissespubliques.

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EnFrance,BonaparteneconcevaitpaslabanquedeFrancecommelabanqued'Angleterre,laquellefutd'abordconçuepourinterdireàl'exécutiflagestiondeladettepublique.AinsilabanquedeFrancesera,dèssanaissanceen1800,uneentité privée, fortement soumise aux injonctions publiques. D'où l'expressionambiguë de Bonaparte : « la banque de France doit être entre les mains dugouvernement,maispastrop».

ToutaulongduXIXesiècleetjusquedanslesannées1970,l'Étatgardaituneinfluencemajeure, croissante dans l'organisationde la banquedeFrance, et ledroit d'émission monétaire partagée avec celui des banques secondaires.L'augmentationdunombredecréditspar lesbanqueset lapart relativedecescrédits dans l'augmentation de la quantité d'argent présent dans le circuit necommenceront véritablement qu'avec le changement du système monétaireinternationaldanslessuitesdeladémonétisationdel'or(Werrebrouck).

L'influence de l'État devient exclusive à chaque crise (guerres ou criseséconomiques).LecircuitduTrésoretlarépressionfinancièreétaientdeuxnomsdonnés à des procédures obligeant les grandes entreprises françaises et lesbanques à financer (en petite partie) l'État en complément de la créationmonétairequifutpossible jusqu'en1971par l'Étatquisedevaitenéchangededéposer une partie de ses réserves en or à la banque centrale, de façonproportionnelleàlacréationd'argentsouhaitée.

6.5.2.L'abandondel'or

La convertibilité dudollar en or imposait auxUSAdegarder en réserveuntrentecinquièmed'uneonced'orpourchaquedollarquelaFEDémettait.Dèslafindesannées1950ildevenaitclairqu'ilsnerespectaientpascetterègle,l'onced'or s'échangeait à Londres pour 40$. Le problème s'amplifia au cours desannées 1960. Les européens râlaient (de Gaulle en tête), mais ce n'est qu'audébut des années 1970, après que les États-Unis se mirent à enregistrer leurpremierdéficitdelabalancedepaiementsdepuisplusd'unsiècleetàaugmenterencore plus significativement leur émission monétaire (principalementconséquence de la guerre du Vietnam), que les européens, qui avaient déjàlargement perdu confiance en la capacité des États-Unis à garder les réserves

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suffisantesenorparrapportàlaquantitédedollarsémise,décidèrentdecreverl'abcès.

Toutd'abord,lesallemandsdécidèrentdequitterlesystèmedeBrettonWoods.Puislesfrançaisetlessuissesdemandèrent,pourlapremièrefoisdepuis1945,àrecevoirunepartiedel'orquelesÉtats-Unisétaientsupposésgarderenréserveàleurcompte.C'estalorsqueNixondécidale15Août1971(bientôt50ans!)desuspendrelaconvertibilitédudollarenoretdelaisserflotterlibrementlescoursdesmonnaiesquiétaientjusqu'alorsliéesaudollarpardescoursfixéssuiteàdesnégociationsentrelesdifférentspayssignatairesdeBrettonWoods.

Ilfautdireaussiqu'àcetteépoque,lesmonétaristes,MiltonFriedmanentête(quiétait alorsconseillerduprésidentNixon)arriventà imposer leurs idéesetleursthéoriesquiplaidentenfaveurdelalibéralisationdeschangesetprédisenttoutessortesdemiraclesbénéfiquescommeconséquences…quinesesontbienentendu,jamaisréalisés.

Iln'yavaitplusbesoind'orpourfabriquerdel'argent,quecesoitparl'Étatoules banques. Autrement dit le stock d'or n'était plus une limite physiquesupérieureàlasommed'argentquel'onpouvaitfabriquer.

Tout cela explique pourquoi la créationmonétaire fut si forte de fin 1970 à2006.

6.6.Deuxvisionsd'unmêmeprocessus

6.6.1Lavisionactuelle

Si le crédit promet une devise et joue autour de cette devise, il a besoin decette devise. De manière très paradoxale, donc, le crédit sert à remplacer ladevise, mais plus le crédit s'accumule, plus la devise devient indispensable.L'ambitionvoulantquelecréditsupplanteladeviseestuneambitionfolle.

Lecréditn'estpasladevise,seulementlapromessedepayerencettedevise.Il

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ne résout pas le problème du paiement,mais le déplace : dans le temps pourceluiquidiffèresonpaiement,dansl'espacepourceluiquiprometdeladeviseàl'autre.Ilestpossibledepayeruncréditavecunautrecrédit,sansavoirjamaiseudedevises, c'est-à-direqu'il est possiblede transférer lapromessedepayerentredeuxpersonnesenservantd'intermédiaire.Ilestenrevancheimpossibledecréerdesactifsnets(desdevises)àcrédits:l'épargnedel'unn'estqueladettedel'autre.Le risquedepaiementne fait que sedéplacer.Avecde l'habileté, nouspouvons pousser la technique très loin, augmenter toujours plus le nombre detransactionssoldéesàcrédit,maisplusnousnousavançonsdanscettevoie,plusun petit manque de devises, ou un nouveau crédit qui tarde un peu, estsusceptiblededéclencherlafailliteencascadedeschaînesdecrédit(Bersac).

Quandlesactifssurévalués(immobilier,bourse)danslessuitesdessubprimesontexplosé,ilyeutuneénormedestructionmonétairepourtoutlemonde(ceuxquiavaientdesactionsenbourseoudesmaisons),sauflesbanques(renflouéespar de la dette qui contraint aujourd'hui nos budgets), même si certaines ontsouffert.

Les banques furent quand même touchées, que ce soit par des soucis desolvabilité et/ou de liquidités, diminuant le nombre de nouveaux crédits à desménagesetdesentreprisesquiauraientdetoutefaçonarrêtéd'emprunter,mêmesilesbanquesvoulaienttoujoursbien.Lesménagesnepeuventplusempruntercarilssontdéjàendettéspourlamoitiéd'entreeux,auchômagepourdeplusenplus d'autres, et les entreprises ne peuvent plus non plus, parce qu'elles aussi,sontpourlaplupartdéjàtropendettées.L'avenirrenduincertainparcettecrisen'encourageaitdetoutefaçonnilesunsnilesautresàs'endetter.

Nous l'avonsvuplushaut, lorsque lenombred'emprunts (oudecréditsc'estpareil)diminue,quece soitpar refusdesbanquesouparabsencededemanded'empruntsdelapartdesménagesetdesentreprises,laquantitéd'argentmisencirculation diminue. C’est-à-dire que la masse monétaire diminue, c'est ladéflation, car quand il y a moins d'argent disponible pour autant demarchandises,lesprixdecesdernièresdiminuent.Malgrécelalesgensachètenttoujoursmoins (il y amoins d'argent...), les entreprises licencient, les rentréesfiscalesliéesàlaconsommationdesménagescommelesimpôtssurlesprofitsdes entreprises diminuent comme autant de recettes fiscales en moins pour

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l'État....Existealorsunrisquedegrandecrise,semblableàcelledesannées1930.

L'Étatetlabanquecentraleontbeaudéciderdebaisserlestauxd'empruntsauminimum,lescréditschutent(lesdemandesdesparticulierscommelesaccordsdesbanques).Personnen'arrivedanscesystèmeàcontrôlerlamassemonétaire.Lacréationd'argentsefaitenexcèsquandtoutvabien,ettroppeuquandtoutvamal. Voici, où nous en sommes, avec une vision du système monétaireinternational qui est responsable d'abord d'une augmentation inconsidérée del'argentfabriqué,etnouspouvonsnotersansinflationinconsidéréedupanierdesménages...maisune inflationmajeuredecertainsactifscommel'immobilieretlesactions...puisparconséquence,vu le systèmeactueldecréationmonétairepar lecréditbancaireavecdesprêtsà réserves fractionnaires,quand lesbulleséclatent,cettemenacededéflation.

Selon l'interprétation néolibérale, l'État est censé ne pas devoir créer demonnaie.Donconvadissocierdel'Étatlabanquecentrale,onvaopposerl'Étatetlabanquecentrale,etlabanquecentraleseralaseuleàpouvoircréerladevisequi est toujours aussi indispensable, car il y a toujours les impôts payablesseulement en cette devise. Et on va même interdire à l'État d'emprunterdirectement auprèsde sabanque centrale.Ducouponvadire : «voyez l'Étatpasseparlesmarchésdoncc'estbienlesmarchésquicréentlamonnaiepuisquel'Étatpoursefinancerabesoindepasserparlesmarchés».Cequiestfallacieuxpuisque les marchés eux-mêmes n'étant toujours pas capables de créer cettedevisevontvoirlabanquecentraleavecdeladettepublique(desbonsduTrésorou des obligations d'État) et la banque centrale échange cette dette publiquecontredesdevises.Et c'est ainsi que lesbanquiers commerciauxprivés (et lesmarchés financiers en général) se retrouvent avec des devises dont l'État abesoin.

Unefoislaréalitéadmise,cequifrappel'espritestl'extraordinaireignorance,même au plus haut niveau de l'État, de la réalité de nos systèmesmonétaires.Même le simple fait que la banque centrale crée purement et simplement sadevisen'estpastoujourscompris,loins'enfaut(Bersac).

6.6.2.Lavisionpost-keynésiennedesnéochartalistes

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Lasolutionlaplussimplepourfinancerl'Étattoutensortantdelaspiraledel'austérité,consisteàexposerlavacuitédelamenacedudéfautsouverain(c’est-à-dire de l'État) et à empêcher ainsi lesmécanismes purement psychologiquesaboutissantaudéclenchementdel'austérité.

Knappneparvientpasàconvaincredubien-fondéduchartalisme,etKeynesabandonnera l'idéeduchartalismepourseconsacreràconvaincredesbienfaitsde l'abandon de l'or (cette relique barbare) et du métallisme. Les libérauxenterrerontencoreplus lechartalismeetc'estsurcetétrangechampdebatailleoù les soldats peinent à reconnaître le territoire ami du territoire ennemi, aumilieu de la fumée, qu'arrivent les néochartalistes. Toujours marqués parKeynes,ilsredécouvrentpardesvoiesdétournéeslechartalisme,etseproposentd'expliquer comment le système post-étalon-or fonctionne vraiment et quellessontlespolitiquespubliqueslesplusappropriéesenconséquence.Dont,l'inanitéde l'austérité, la cruelle inutilité du chômage, du sous-emploi et de laprécarisation de masse, l'absence de contraintes financières aux problèmesd'utilisationdesressourcesréellesparl'État,ladifférencefondamentaleentreladeviseetlecrédit,ladistinctionentreleproblèmeducommerceinternationaletleproblèmedelamonnaie,etc.

Confrontés aux annonces de taux d'intérêts grimpant jusqu'au ciel, lesnéochartalistesbrandissentlefaitquelesintérêtsdeladettepubliquenefontquesuivre les taux directeurs, à des étiages infiniment plus bas ; confrontés à«l'imminencedudéfautdepaiement»,ilsmontrentqu'unÉtatsouverainnefaitdéfaut en sa propre devise inconvertible que volontairement, c'est-à-direpratiquementjamais,etqueleniveaud'endettementn'yjoueaucunrôle(Bersac).

Une fois compris que c'est l'État qui finance lamonnaie de l'État, pourquoilaisser les financiers capter une partie de la manne à sa source, et pourquoidonnerl'impressionqu'ilsfinancentl'État?

Non seulement cet arrangement devient illégitime une fois compris, maislaisserenplacecettecomplexitéinutilepermettraitauxfinanciersde«préserverl'avenir»:unefoisl'attentiondétournéeetlesleçonsassezoubliées,ilspourrontrenier les explications néochartalistes nécessairement aussi tortueuses que lescheminsfinanciersqu'ellesexpliquent,afindepérenniserleurmanneusurpée.

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Danslesespritsdesnon-spécialistes,celaaccréditeraità la longuel'idéequeleslibérauxauraientfinalementraisonetqueleconcoursdesfinanciersseraitdequelque manière « nécessaire », que ce seraient bien les banques quifinanceraient l'État. L'arrangement monétaire institutionnel actuel a étélargement façonnépar la résurgencenéolibérale.Croireque le laisser intactnefavoriseraitpasl'austéritéàtermeseraitnaïf.ToutcommelesTrenteGlorieusesont apaisé les angoisses de la Grande Dépression et ont facilité ainsi lafocalisationsurlesfaux-débatscommele«choix»entreinflationetchômage,leretour de la croissance ainsi obtenu par les néochartalistes favoriserait undétournement de l'attention, jusqu'à ce que les libéraux fassent reprendre ausérieux en quelques décennies ces alambiqués détours institutionnels quenousn'aurions pas eu le courage d'abroger. Les économistes de l'immédiat après-guerreontcommisl'erreurdenepasofficialiserlepouvoird'émissionmonétairedel'État,nousenpayonsaujourd'huileprixparnotreéconomieendétériorationconstantedepuis troisdécennies, par cette inexorable austérité sortiedunéant.Nefaisonspaslamêmeerreur(Bersac).

Certaines recommandations qui sont faites par les adeptes de la MMT(Modern Monetary Theory ou Théorie Monétaire Moderne) dérivent de lafinancefonctionnelledéveloppéeparAbbaLerner,assimiléeaunéochartalisme.LafinancefonctionnelledeLernerreposesurdeuxprincipes(Wray):

Premierprincipe : si le revenunationalest trop faible, legouvernementdoitdépenser plus. Le chômage apporte une preuve suffisante de cette situation.L’existenceduchômagesignifiedoncquelesdesdépensespubliquessonttropfaibles.

Deuxième principe : si le taux d’intérêt dans le pays est trop élevé, celasignifieque legouvernementdoitmettreencirculationdavantagedemonnaie,principalementsouslaformederéservesbancaires.

L’idéeestassezsimple.Ungouvernementquiémetsapropremonnaiedisposede marges de manœuvre dans ses politiques fiscales et monétaires qui luipermettentdedépensersuffisammentpourramenerl’économieaupleinemploiet de fixer le tauxd’intérêt directeur là où il le souhaite.Nous aborderons lesrégimesdechangeplustard,maisnotonsqu'unsystèmedetauxdechangefixenécessitederevenirsurcetteaffirmation.Pourunenationsouveraine,lacapacité

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de financement n’est pas un problème. Elle dépense en créditant des comptesbancairesavecsespropresreconnaissancesdedettes–samonnaie–chosedontelle ne peut jamais manquer. S’il existe du chômage, le gouvernement peuttoujourssepermettred’embaucher–etpardéfinition,leschômeurssontprêtsàtravaillercontrerémunération.

Lerner était conscient que cela ne signifiait pas que le gouvernement doivedépenser comme si le « ciel était la seule limite. » Un emballement de cesdépensesseraitinflationniste.LorsqueLerneraformulél’approchedelafinancefonctionnelle,audébutdesannées1940,l’inflationn’étaitpasunepréoccupationmajeure.L’Amériquevenaitdesubirunepériodededéflation,durantlaGrandeDépression. Cependant, au fil du temps, l’inflation est devenue unepréoccupationsérieuseetLerneraproposéuneformedecontrôledesprixetdessalairespourlimiterl’inflationquisemanifestelorsquel’économieserapprochedupleinemploi.

Lernerrejetaitlanotionde«financessaines»,selonlaquellelegouvernementdevrait gérer son budget comme un ménage ou une entreprise. Il ne voyaitaucune raison pour que le gouvernement veuille équilibrer son budget chaqueannée,ousuruncycleéconomique,outouteautrepériodicité.PourLerner,des«financessaines»(enéquilibrebudgétaire)n’étaientpas«fonctionnelles»,ence sens qu’elles n’aidaient pas à la réalisation des objectifs de la société (ycompris, par exemple, le plein emploi). Si le budget pouvait à l’occasion êtreéquilibré, ainsi soit-il, mais s’il ne l’était jamais, ce serait tout aussi bien. Ilrejetait également toute règle tentant de maintenir le déficit budgétaire endessous d’un pourcentage spécifique du PIB, ainsi que tout ratio arbitraire dedetteparrapportauPIB.Le«bon»niveaudedéficitseraitceluiquiréaliseraitlepleinemploi.

L’approchede la finance fonctionnelledeLerner a étépratiquementoubliéedepuislesannées1970.Eneffet,elleaétéremplacéedanslemilieuuniversitairepar ce que l’on connaît sous l’appellation de « contrainte budgétaire dugouvernement ». Cette idée est également simple : les dépenses d’ungouvernementsontcontraintesparsesrecettesfiscales,sacapacitéàemprunter(vendredesobligations)et« imprimerde l’argent».Danscetteperspective, legouvernement dépense réellement l’argent obtenu par ses recettes fiscales etempruntesurlesmarchésafindefinancerundéficit.Sitoutcelaéchoue,ilpeutfairefonctionner laplancheàbillets,mais laplupartdeséconomistesdétestent

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cettesolution,carelleestconsidéréecommehautementinflationniste.

Cesconceptionséconomiquesamènentàlavisionpropagéeparlesmédiasetlesdécideurspolitiques:celled’ungouvernementquidépensetoujoursplusqueses recettes fiscales et « vit au-dessus de ses moyens », flirtant avecl’« insolvabilité » parce que finalement lesmarchés lui « coupent le crédit ».Bien sûr, la plupart desmacro-économistes ne commettent pas cette erreur etreconnaissent qu’un gouvernement souverain ne peut pas réellement devenirinsolvable dans sa propremonnaie. Ils savent que le gouvernement peut tenirtoutes ses promesses lorsqu’elles arrivent à échéance, car il peut utiliser la« planche à billets ».Mais ils tremblent pourtant à cette idée, car cela feraitcourir le risque de l’inflation ou de l’hyperinflation. Parmi les responsablespolitiques– toutaumoinsauxÉtats-Unis– ledébatestbeaucoupplusconfus.Le présidentObama a par exemple affirmé plusieurs fois durant l’année 2010quelegouvernementaméricainétait«àcoursd’argent»–commeunménagequiauraitdépensétoutcequ’ilauraitéconomisédansunecassette.(Wray)

Keynes est certainement plus post-keynésien que néokeynésien, nous nepouvons résoudre un problème de sur-endettement avec encore plus de dettescomme le pensent les néokeynésiens. Heureusement que les post-keynésiens,eux, n'ont jamais participé à ce massacre et ont réussi à bâtir une théorieéconomiquedignedecenomparfaitementcapabled'expliquer lesmécanismesde lacrisecommeMinskydont jeparleplushaut,qui reste,pourmoi, leplusgrandéconomistedecesdernièresquaranteannées(Chris06).

Il aurait bien pu écrire : l'État met de l'argent dans le circuit : ménages etentreprises,puisenfonctiondelapressionfiscale,soittoutcetargentretourneàl'État sous forme d'impôts, soit une partie de l'argent distribué seulement etl'autrepartiedel'argentdépenséparl'Étatrestedanslesmainsdesentreprisesetdes ménages. Le déficit de l'État (la dette, c’est-à-dire ce qu'il se doit à lui-même!)corresponddoncàcequiresteauxménages,s'ilyadéficitpublic,alorslesecteurprivés'enrichitdumontantdecedéficitpublic.Réduireladette,veutdoncdirediminuerlaquantitédemonnaiequicirculedansleprivé...

Le post-keynésianisme doit aider à faire comprendre l'ineptie de l'austériténéolibérale,maisilsedifférenciedunéokeynésianismeenallantplusloinquela

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possibilitéd'augmentersanscesselesdettessousprétextequel'Étatneferapasdéfaut.Ladettedoit servir à laisser de la devisedans leprivé àhauteurde laproductionquipermetlepleinemploi.Ellen'estcependantpaslasolutionàtousles problèmes ainsi que nous pouvons l'observer depuis les années 1980.L'augmentation de la quantité d'argent circulant (et donc de dettes) jusqu'en2006-2007n'apaspermisàelleseuledediminuerlechômage.

Lemondevitdepuisdeuxdécenniesaumoinsavecunexcèsd'épargne,qu'ilafallumasquerparlamontéedel'endettement.L'excèsd'épargneestdûàlafoisàlacroissancedesinégalitésdanslarépartitiondesrevenusàl'intérieurdechaquepaysetàl'accumulationderéservesexcessivesdanslespaysémergentsetdansd'autrespaysproducteursdematièrespremières.(Jean-PaulFitoussi)

Les économies qui tendent aujourd'hui à dégager plus d'épargne qu'elles nepeuvent en absorber font peser sur l'économie mondiale la menace d'une« stagnation séculaire ». Pour l'écarter, il faudrait construire des canaux definancementsnouveauxquisoulagerontceuxd'hiertropsollicitésetpermettrontà l'épargne disponible d'irriguer des champs d'investissements qui le sontaujourd'hui trop peu. Savoir si ces excédents potentiels d'épargne seront uneentraveou,aucontraireuncarburantpourlacroissancemondialedépendradelacapacitédusystèmefinancierglobaliséàenassurerletransfertetàlesalloueràbonescient.

Leproblèmeauquel lespaysémergentsencroissancerapide,ceuxd'Asieenparticulier, se sont trouvés confrontés au lendemain de la crise financière estalorsfacileàcomprendre:l'épargnequ'ilsdégagentdépassant,comptetenudelavitesse exceptionnelle de leur rattrapage, leurs besoins d'investissements, leurcroissance ne peut rester soutenue qu'à condition que le reste du monde enabsorbe le « trop-plein », comme cela a été le cas pendant toute la premièrepartiedesannées2000.C'estprécisémentcettecapacitéd'absorptionquelacrisefinancièrearemiseencause,etquidixansaprès,estloind'êtrerestaurée.

La difficulté est de savoir qui est prêt à porter les risques associés auxquelquescentainesdemilliardsdedollarsd'investissementssupplémentairesquel'épargnedespayspeudépensierspourraitpermettrede financer chaqueannée(Brender,Pisani,Gagna).

Est-ce que l'État est celui qui devrait jouer ce rôle d’investisseurs de long

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terme et s'endetter pour prendre en charge une partie de ces investissements ?C'est bien sûr aussi le débat dont nous parlons dans ce livre. Mais quand lafinance privée ne parvient plus à assurer les risques par ses canaux detransmissionssansmettreenpérill'économiemondiale,laparticipationdel'Étatdanscerisquepeutêtredébattue.

Faceàcettesituation,lespaysdel'euroontadoptéunestratégiebudgétairequiaconduitnonpasàabsorberl'excèsd'épargnedégagé,maisàl'accroître!Leursgouvernements ont fait le choix de relancer la croissance en rendant leurséconomies plus compétitives, en y améliorant les conditions de l'offre, ilsespèrent leur permettre de capter une part accrue de la demande mondiale.Gagner ce pari ne sera pas facile, car tous les pays peinent progressivement àaugmenter leurs demandes intérieures. Un jour les banques centrales n'aurontplusd'autre solutionquededesserrer la contraintemonétaire enmettant elles-mêmesdel'argentdanslapochedesménages....(Brender...).

Mais tant que nous ne nous concentrerons pas sur les différences face à ladisponibilitédelamonnaie(c’est-à-direlesinégalitésderevenus),augmenterlaquantitédemonnaienerésoudraaucunproblème.

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VII.Ladette

«Onnemeurtpasdedettes.Onmeurtdenepluspouvoirenfaire»écrivaitLouis-FerdinandCéline.

7.1.Soninterprétation

Le livre de Graeber : « La dette 5000 ans d'histoire » nous fait biencomprendre que « Nul ne semble savoir exactement ce qu'est la dette, nicommentlapenser...Cefaitmême,laflexibilitédececonceptestlefondementdesonpouvoir.

Lescontroversessurladettedurentdepuiscinqmilleans,voireplus.

Si nous examinons l'histoire de la dette, nous découvrons une profondeconfusionmorale :àpeuprèspartout, lamajoritédesgenssontsimultanémentconvaincus que rembourser l'argent que nous avons emprunté est une simplequestiond'éthiqueetquequiconque fait professiondeprêterde l'argent estunscélérat.Historiquement, leprêteurn'a trouvéquedeuxmoyensefficacespourtenter d'échapper à l'opprobre : rejeter la responsabilité sur un tiers (juifs del'Europemédiévale...)oufairevaloirquel'emprunteurestpire(Grèce).L'histoiremontrequelemeilleurmoyendejustifierdesrelationsbaséessurlaviolence,deles faire passer pourmorales, est de les recadrer en termes de dette, cela créel'illusionquec'estlavictimequicommetunméfait.

Certaines des toutes premières œuvres de philosophie morale sont desréflexions sur cequeveutdire imaginer lamoralité commeunedette, c’est-à-direentermemonétaire.Cen'estpasseulementquelamonnaierendpossibleladette:lamonnaieetladetterentrentenscèneaumêmemoment.»(Graeber).

Onasignifiéàlaplupartdesêtreshumainsqu'ilsétaientdesdébiteurs.Etles

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allemands ont même choisi le mot « Schuld » qui signifie en même temps«dette»,«culpabilité»,maisaussi«faute»…voire«homicide»!!

La dette est née d'une vision religieuse dumonde. L'institution du sacrificecommerèglementdeladetteenverslesDieuxs'estprogressivementtransforméeendetteenversleprince.

Historiquement la dette envers le prince était un mélange d'esclavagegénéralisé, de servitude et de ce qui deviendra ultérieurement l'impôt. Il nes'agissaitpasd'unedetteprivéeissued'engagementsvolontaires,maisbiend'unecontrainte de nature publique. L'impôt est ainsi bien de la dette publiquerenversée.Cen'étaitpointl'Étatquiétaitendettéenverslesecteurprivé,maiscedernierenversl'État.

On doit toujours payer ses dettes… Ceci est un énoncé moral plusqu'économique.

7.2.Ladetteestindispensableaufonctionnementdel'économie

Nous avons besoin d'argent pour les échanges, et dans notre systèmemonétaire international actuel, le financement monétaire de notre économierepose sur l'endettement des agents économiques. La compréhension de cettephraseestcapitale.

Pour tous ceux qui ne partagent pas la vision post-keynésienne (ils sontnombreux...), il n'existe que l'emprunt (et donc un endettement) auprès desbanques commerciales pour obtenir de la monnaie et faire fonctionnerl'économie.

Lesentreprisesetlesménagesn'ontquerarementsurleurscomptesenbanquel'argent nécessaire aux investissements (usines, maisons...) ou à leurconsommation,etontdoncrecoursàl'empruntbancaire,obtenucontreunedette(privée)demêmemontant.

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L'État emprunte aussi auprivépar l'intermédiairedesbonsduTrésor et desbanquescommercialescontre...unedette(publique).

Les banques centrales quant à elles, prêtent de l'argent aux banquescommerciales,contreunedetteprivéeencore.

Notre système économique actuel ne tient que sur le crédit que l'on obtientcontreunedette.

Nous entendons souvent dire dans la vision néolibérale qu'il n'y a plusd'argent,mais trop de dettes…Comment peut-il y avoir trop de dettes et pasassezd'argent,vuquel'argentest«créé»soitparlabanquecentralelorsqu'elleprête (donc contre une dette en devises) aux banques secondaires, soit par lecréditprivé(donccontreunedetteprivée).Lasommed'argentexistanteestégaleàlasommedesdettes...Ilnepeutyavoirtropdedettesetpasassezd'argent...Ladette naît avec et enmême temps que la création d'argent. Toutemonnaie estdettecartoutemonnaieestunbonàvaloirpourunéchangeenbienetservicesdanslefutur.

La banque centrale mime une banque commerciale : lorsque le reste del’économiedésiredesadevise(notammentparcequ’elleestleseulmoyenpourpayer ses taxes), elle crée le montant désiré d'argent, mais en exigeant unremboursement intégral à échéance et avec des intérêts. C’est plutôt habile :entrelemomentoùleprêtestobtenuetlemomentoùilestremboursé,l'argentest bien créé, il est bien présent ; mais on peut toujours clamer que ce n’estqu’unedetteàrembourserpouressayerdemasquercettecréation.Conséquencedétestable de ce mode d’émission monétaire : Ne serait-ce qu’en raison desintérêts, la société doit en permanence plus de devises à la banque centralequ’ellen’enacréée.Siladéfinitiondusurendettementestdedevoirrembourserplusdedettesqu’onnepeutpayer,alorsleséconomiesàbanquecentralesontensituation de surendettement permanent. Pour éviter la faillite, il n’y a qu’uneseuleéchappatoire:emprunterànouveaupourpouvoirrembourserlesintérêts,pluscequ’onn’estpasparvenuàrécupérerdesesdépensesinitiales(Bersac).

Delamêmefaçon,ladifférenceentrecequel'Étatdépenseetreçoitn'estpasforcément un déficit, cela peut être une dette si nous choisissons de l'appelerainsi.C'estaussiunequantitéd'argent.

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Réaffirmonssimplementquesilamonnaienouvelleestcrééeparendettementd'un agent, il est inévitable que la croissance économique s'accompagne d'unendettementcroissant,éventuellementplusrapidementqueletauxdecroissancede l'économie, si les taux d'intérêt sont supérieurs au taux de croissance(Gomez).

Ungouvernementsensé,quicomprendcesélémentsde théorieéconomique,ne devrait jamais autoriser sa banque centrale à fixer des taux d'intérêt quisurpassent de beaucoup le taux de croissance de l'économie, à moins d'êtredéterminéàcréerdesconditionsquicontraignentl'Étatàréduiresataillerelativeetàcouperdanssesservicespublics

Vu sous cet angle, les politiques monétaires anti-inflationnistes qui ontengendré des taux d'intérêt réels de 5 à 10% dans les années 1980 et 1990paraissent totalement aberrantes. Non seulement ces politiques ont freinél'activité économique et créé du chômage, mais en plus elles ont imposé unfardeausocialexcédentaireparfaitementinutileàlacollectivité.Cecis'esttraduitsoitparl'augmentationdestauxd'impositionsoitparunediminutiondesservicespublics.

Tandisquecefardeausocialétait,inexistant,puisquenégatifenmoyenne,surlapériodeentre1945et1979pourlaplupartdespaysdel'OCDEouentoutcaspourlesÉtats-UnisetleCanada(Fullwiller2006;Stanford1999),ilasubiunehausse vertigineuse en raison des politiques discrétionnaires des banquescentrales.(Lavoie)

Minsky interprétait la nécessité de la dette ainsi : « Le financement de lademande d’investissement aumoyen de nouvelles techniques se traduit par lagénérationd’unedemandeexcédentaireàcellepermiseparl’étatdetranquillitéexistant. L’augmentation des dépenses d’investissement entraîne uneaugmentationdesprofitsqui,parrétroaction,causel’accroissementduprixdesactifs immobilisés et donc du prix de la demande de l’investissement. Parconséquent, tout équilibredeplein emploimèneà l’expansiondu financementpar endettement – faiblement d’abord à cause du souvenir de difficultésfinancièresantérieures–quiincitel’économieàcroîtreau-delàdupleinemploi.Le plein emploi est un état transitoire parce que la spéculation etl’expérimentation sur des structures de passif et de nouveaux actifs financiers

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entraîneront un boom de l’investissement dans l’économie. Un boom del’investissement crée de l’inflation et, par des processus qu’il nous reste àdécrire, une flambée inflationniste génère une structure financière propice auxcrises financières. Donc, dans une économie capitaliste qui accueille avechospitalité les innovations financières, il est impossible de conserver le pleinemploietlastabilitédesprix,cardanstoutesituationdepleinemploi,desforcesdéséquilibrantes endogènes, qui perturberont forcément la tranquillité, sont àl’œuvre».

Il fautcependant traiterdifféremmentde ladettepubliquedueauxempruntsde l'État au privé et des dettes privées liées aux emprunts desménages et desentreprisesauxbanquescommercialesetdesbanquescommercialesentre-ellesouauprèsdelabanquecentrale.

7.3.Ladettepublique

Je rappelai plus haut, que pour tout un tas de raisons dont celle de tenterd'obtenirlepleinemploi, l'Étatdécidedoncdedépenser1200milliardsd'euroschaqueannée,enrécupère1120etemprunteenvironles80quimanquent.

Lesdépensesdel'Étatpermettentd'augmenterl'offreetlademanded'échangeset l'Étatestimepourcelanécessaired'emprunterquitteàaugmenter lemontantde la dette publique de 80 milliards par an. La dette publique correspond àl'addition année après année de ces 80milliards « empruntés » chaque annéesousformedebonsduTrésor.Cettedettesefabrique,secréeenmêmetemps,enfacedel'épargneprivéedemêmemontantdesprêteurs.

Ces80milliardsannuels,nousl'avonsvusontempruntésparl'Étataux5à10%delapopulationquiontpréférélesprêteràl'Étatcontreintérêtsplutôtquedelesdépenserenconsommationoueninvestissementsprivésplusrisqués.

L'État fait lechoixdenepas les taxerdecettesomme, ilpourraitchoisirdeprendretout,ouunepartiedeces80M,maisildécidedelesemprunter.

Personnen'estobligédeprêteràl'État...C'estunchoix...motivéparlesintérêtsproposéssurlesbonsduTrésoretobligationsd'État.

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Cettedetteestégaleàl'épargnede5à10%d'entrenous(maissurtoutles0,01%!!).Elleestaujourd'huid'environ2000Md'eurosenFrancesousformesdebons duTrésor et d'obligations, ce qui correspond à 80M prêtés tous les ansdepuis25ans(25x80=2000).Mêmesienréalité,nousempruntionsbeaucoupmoins(avantlacrise),maisdepuispluslongtemps.

Cesontlesmêmes(àpeuprès)quichaqueannéerécupèrentles80M(àpartirdes1200dépenséspar l'État) et qui les re-prêtent chaque année à l'État et quitouchentles40à50Md'intérêtstouslesans.Les«mêmes»remettentchaqueannée à l'entrée dumoteur (l'État) les 80Mnécessaires d'une part à son (soi-disant)bonfonctionnementetd'autrepart,afinquel'Étatpuisserendrenulsonbilanrecettes-dépenses.Ensuiteces«mêmes»récupèrentles80Màlasortiedumoteur(àéchéancesdesobligations)moyennantlasommependantletempsduprêtàl'État,de40à50Md'eurosd'intérêtsannuels.

Danslavisionpost-keynésienne,ces80Mneserventpasàd'autresdépenses,ils sontdétruits et cettedestructionpermet à l'État d'en fabriquerd'autres sanstropderisqued'inflationoudebaissedestauxd'intérêts.Lesempruntsnesontpasforcémentnécessairesàl'Étatpourpouvoirdépenser.Cen'estpasdel'argentsous forme physique que reçoit l'État et qui sera à nouveau dépensé l'annéesuivante...

Lesdeuxsituationsdécritesci-dessussontdesvisionsdifférentesd'unmêmeprocessus.L'apercevoirdepuis les lunettespost-keynésiennespermetdemieuxcomprendreceprocessusetdemieuxlefairefonctionner.

R.Godinnous rappellequec'est sous l'AncienRégimeque lesprêtsà l'Étatontvraimentdébuté,sousformesderentesperpétuelles,perpétuellesparcequelecapitaln'avait jamaisàêtre remboursé,mais les intérêtsétaientpayésàvie.Après lapremièreguerremondiale, lesévolutionsmonétaireset lepoidsde ladettepubliqueontdécouragélesémissionsdenouvellesdettesperpétuellesquipeinèrent à trouver preneur parmi des rentiers ruinés par l'inflation. On émitalorsdeladetteamortissable,autrementditaucapitalremboursable.Lagestiondu service de la dette en était optimisée : en cas d'amélioration des financespubliques,onpouvaitplussimplementréduirelepoidsdeladette,et,sinon,on

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pouvaitégalementprofiterdel'évolutiondestauxetdecelledel'inflation.

Après la seconde guerre mondiale, la rente perpétuelle cessa d'être uninstrument privilégié d'émission monétaire. Les investisseurs souhaitaientdésormaisretrouverleurscapitauxetnevoulaientplusêtrelesvictimespassivesderentesquipouvaientêtreconvertiesàchaqueinstant.EnFrance, ladernièrerenteà3%futsuppriméeen1982.

Bref, la renteperpétuelle est rarement«perpétuelle. »Certes, auRoyaume-Uni,ildemeuredesconsols(rentesperpétuelles)à2,25%,quireprésententunepart minime de la dette publique, mais Londres a annoncé en 2015 vouloirrembourser les consols à 4 %. Ailleurs, nous trouvons encore de la renteperpétuelleen Inde,enChineouencoreenAustralie.Etpeut-êtrebientôt... enGrèce.(Godin).BenjaminLemoineexpliqueendétail lasuite(danssonlivre«L'ordredela

dette»):«Ausortirdelasecondeguerremondialeetjusqu'àlafindesannées1960, l'État va disposer de plusieurs techniques de financement qui rendrontaccessoirel'appelàdescapitauxextérieurs.Danslesdécombresdelaguerre,leproblème principal des gouvernements était de déployer des instruments definancementqui assuraientune sécuritémaximaleà la trésoreriede l'État.Desstructuresadministrativesinéditesontincarnécetélanétatique.Àpartirde1945,un ministère de l'économie nationale a été chargé d'orienter les finances del'investissement.Laplanification,lecontrôledusystèmebancaireetdesmarchésfinanciers, un système centralisé et public de collecte et de distribution del'épargne dans le circuit économique nationale, ainsi que des lunettes de lacomptabilité nationale construites pour observer ces flux par les hommes ducommissariat général au plan et de l'institut national de la statistique et desétudeséconomiqueset financières (INSEE),ont rendupossible ledéploiementdelapuissancepublique.Le circuit du Trésor a conduit de nombreuses institutions financières (la

Caissedesdépôtsetconsignations,unesériedebanquespubliquestellesqueleCréditfoncier,leCréditnational,leCréditagricole,ainsiqueleCompteChèquePostal),àdéposerauTrésor les ressourcescollectées (lesdépôtsdesclientsdecesbanques) et permet de couvrir unepart desdéficits publicsde façonquasiautomatique, en dehors de toute procédure demarché. Les correspondants duTrésor, constitués de particuliers, mais aussi d'institutions bancaires ontl'obligation de déposer leur trésorerie sur le compte du Trésor à la banque de

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France. Les taux d'intérêts qui s'appliquent à cet argent déposé sont fixés parl'Étatetnesontdoncpassoumisàlarègledel'offreetdelademande.

FrançoisBloch-Lainé etPierredeVogüé,deuxgrandes figuresduministèredes financesexpliquent : l'artde la trésorerieconsisteà tenterdecapter sur lemarché des capitaux, afin d'en assurer le retour vers ses caisses, les liquiditésmisesencirculationparledéficitbudgétaire(leTrésorPublicetlemouvementgénéraldesfonds,PUF,1960).

La direction du Trésor a constitué le point de bouclage du financement del'économie,encollectantviasoncircuitl'épargnedisponiblequel'Étatainjectéparlecanaldel'investissementetdeladépensepublics.

Selon Dominice Leca : l'ensemble des sorties des caisses de l'État doitnormalementsetraduireparunmouvementcomparabledesrentrées.Toutcequivient à s'échapper doit normalement revenir (Patat et Lutfallah, HistoiremonétairedelaFranceauXXesiècle).

Quand l'État paye ses fonctionnaires, il met à disposition des crédits quipeuventluirevenirsouslaformedirectedesdépôtseffectuésparcesemployésdanslesguichetsduTrésor(comptebancairepublic).Cemécanismevautaussiquandl'Étatpaielesfournisseursprivésquiplacentensuiteleurépargneenbonsdu Trésor, ou quand les entreprises reversent de l'argent sous forme d'impôts,proportionnels aux revenus qu'elles ont pu accumuler grâce au remplissage deleurscarnetsdecommandes...dontl'investissementpublicaétélemoteur.

LacréationducircuitduTrésoretsesmécanismes,avecEdgarFaure(1950)n'étaientpasuniquement liésà l'urgencede la reconstruction, ils sontalors lesvéhicules d'un certain rapport politique à l'économie. Ils sont mus par unephilosophie de l'intérêt général visant la répartition optimale des crédits àl'économie,dontlapuissancepubliquesesentresponsable.

En1955,cestuyauxdel'ÉtatbanquierfontduTrésorlepremiercollecteurdefonds (banquedeFrancemisàpart)de l'économie française : il recueilleà luiseulplusdecapitaux(695milliardsdefrancs)quelesecteurbancaire(617)etendistribueplus(783)quel'ensembledesétablissementspublicsetprivéschargésd'octroyer les crédits (715). Ainsi, la moyenne du ratio dette/PIB reste stable

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autour de 15 à 20% jusqu'au milieu des années 1970 contre près de 100%aujourd'hui.

Cependantlafixationdecetteexpérimentation(lecircuitduTrésor)danslesstructures publiques n'allait pas de soi. Bloch-Lainé dont nous avons parlé,directeurduTrésoren1947(à35ans)etundesprincipauxthéoricienducircuitduTrésorconfieraavoirvécucettepagedesonhistoirepersonnellecommeuntiraillementpermanententredeuxinjonctionscontradictoires:d'uncôté,lesoucides « bonnes pratiques » financières, c’est-à-dire non inflationnistes, quiémanentdelaculturedesoninstitution(leTrésor),del'autre,cequ'ilditêtresonintimeconvictiondeschoix justes.Car lacréationmonétairequ'impliquecettepolitique ne va pas sans une certaine tolérance à l'inflation, une formed'acceptationdelatransgressionavecl'orthodoxie.Ilexpliquepourfinirqu'entrela menace du « sous-développement » de l'économie et de « trop fortesémissionsdemonnaie»,ilatoujours«préférélesecondpéril».

Mais quand l'inflation commence à devenir une préoccupation centrale desgouvernements,lecircuitduTrésorvafairel'objetdevivescritiques.Etbienquecette part d'inflation réponde à un arbitrage politique favorable au soutien del'activité économique, peu à peu, l'objectif de soutien de la croissanceéconomiquevas'effacerderrièrelaquestiondel'orthodoxiemonétaire».

Toujoursdans le livredeLemoine,JeanSerisérappelaitque« lesdirecteursduTrésorétaientremarquablement intelligents,maisqu'onne leuravait jamaisbien enseignéquandest-cequ'ils créaient de lamonnaie et quandest-cequ'ilsn'encréaientpas.Ilsnesavaientpascequ'étaitlamonnaie!Nousnelesavionspasnonplusd'ailleurs,personnenelesavait».

Cejugementtientàladifférencefaiteentrelecréditbancaireetsaprésuméefacilitéetlesressourcesplusorthodoxesdesempruntslongs,mobilisateursd'une« vraie épargne ». Existe-t-il une ligne de partage entre les ressources à« caractère monétaire » et « non monétaires », comprendre : ressourceshétérodoxesetmalsainesd'uncôté,ressourcessainesetorthodoxesdel'autre.

Etpuiscommentdistinguer lorsque l'Étatdépense,unvéritableempruntdesdépôtsdescorrespondantsduTrésor?

LaréponseduTrésorestlasuivante:l'épargne«déjàlà»estcenséerenvoyer

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à un placement d'argent stabilisé, quand la monnaie constitue la mise encirculationdansl'économied'unnouveaumoyendepaiementimmédiat.

Lorsqu'il acquiert un prêt à court terme, un crédit fourni par le systèmebancaire, le Trésor crée de la monnaie. L'injection de ce « signe monétairenouveau»dansl'économie,parlecanaldesdépensespubliques,accroîtlamassemonétaire. Les prêts directs de la banque de France à l'État et le financementauprèsdusystèmebancaireconstituentenplusdesdépôtsfaitsauTrésorparlescorrespondants,lestroisdifférentesmodalitésdefinancement«monétaire».

Acontrario,unfinancementneserapasconsidérécomme«monétaire»parlesfonctionnairesduTrésorlorsquel'Étatcollectel'épargnedisponible,àtraversl'émission de titres (bons du Trésor et obligations) dans lesquels l'épargne estplacée.

Le périmètre de cette distinction conventionnelle et la classification desdifférentessourcesdefinancementontchangéaucoursdel'histoire.

Avecl'évictiondeBloch-LainéetleremplacementparAntoinePinayen1952,la nécessité de stabiliser la monnaie succède au dosage entre monnaie etcroissance et avec Jacques Rueff, nous assistons au virage monétariste despolitiques économiques. Pour lutter contre l'inflation, il faut neutraliser le rôlemonétaireduTrésoretabolirlesprivilègesdel'État-banquier.Lasolutionviseàredonner un rôle central au marché dans les mécanismes financiers etmonétaires,commedansl'allocationducréditàl'économieetàl'État.

La monnaie devra désormais être dégagée de toute emprise politique,neutralisée et réduite à un rôle technique. Nous assistons à la séparation desfonctionsmonétairesetfinancièresauseindel'État.Peuàpeu,lecontrôledelamassemonétaire,desdépôtsbancairesetducréditde l'économienationaleestsorti du giron du Trésor et rendu à des procédures demarché, conférant plusd'autonomieauxbanquescommercialesetunrôleplusimportantdelabanquedeFrancedanslapolitiquemonétaire.

On trouve quelques données chiffrées dans une étude du Fonds MonétaireInternationalpubliéeenseptembre2014parledépartement«FiscalAffairs»etintitulée:«Lacompositiondeladettesouverainedansleséconomiesavancées:

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une perspective historique ». Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, deuxtypesdedettepubliquecoexistent:ladettedite«nonnégociable»,régiepardesrèglements administratifs et politiques et la dette dite « négociable », nouspourrions dire marchande, c’est -à-dire émise, vendue et distribuéeconformémentàdesprocéduresdemarché.Lapartdeladettenonnégociable,non marchande, était très largement dominante en Allemagne, en Italie et enFrance. Au Royaume-Uni, elle était émise à parts égales avec la dettenégociable. La dette marchande est passée, au Royaume-Uni, de 51 % de latotalitédeladetteémiseen1945à82%en1993.EnAllemagne,legrandbondverslemarchéestconsidérable,ladettemarchandepassede8%en1953à81%en1993.

LesTrenteglorieusesontétédesannéesd’expérimentationdefinancementdel’État en dehors des procédures de marché. Pendant une courte parenthèsehistorique,de1944àlafindesannéessoixanteenFrance,leTrésorpouvaitsefinancerdefaçonadministréeendehorsdesprocéduresdemarché.Cesmodesdefinancementontétéuninstrument,parmid’autres,quiafavorisécettepériodedefortecroissance,enpermettantl’investissementpublicdansl’économieetuncertain nombre de retours sur investissement pour les finances publiques.Jusqu’aux années soixante-dix, ces instruments administrés ont constitué unepart dominante de la dette, mais, dès 1987, cette proportion s’est inversée,puisque les instrumentsnégociablessontdevenusomniprésents :plusde90%desinstrumentsémisétaientalorsnégociables.

L'état d'esprit de l'administration française dumilieudes années1980paraîtaujourd'huistupéfiant.Ladettequiestmaintenantprésentéecommeunemenace,une catastrophe rendant fatale l'acceptation de l'austérité sociale et budgétaire,est à ce moment précis de l'histoire le fruit d'une tactique souveraine, l'Étatprenantpartipourlemarchéeninvoquantlavertudisciplinairedestauxd'intérêtcensés conduire au respect des équilibres budgétaires fondamentaux. La detteapparaissait alors comme une solution permettant de faire enfin entrerl'économiefrançaisedansl'èredelafinancemoderne.

Il faut rappeler que cette politique demise enmarché de la dette a été unprojet d’État. Il y amême consacré desmoyens considérables. En 1987, pourfaire la promotion de ses nouveaux titres, l’État a recruté une société de

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communicationetlouédesplagesàlaRégiefrançaisedepublicité.UnclipaétédiffusésurFR3,danslequelPaul-LoupSulitzervantaitlesméritesdelanouvelledette d’État mise sur le marché. Il y a donc eu une stratégie d’État decommercialisationdeladette.

L'enjeu est alors d'aller collecter de l'épargne pour alimenter les caisses del'État. L'ancienne technique administrée étant frappée d'illégitimité, il ne restealors que la solution du financement par obligations pour faire face auralentissementdelacroissanceetaucreusementdesdéficitspublics,enespérantquelaFrancetiennesonrangdanslacompétitionpourl'attractiondescapitaux»(Lemoine).Au final et de tout temps, les dettes, ou plus exactement l'argent que l'État

emprunteenformantladettepublique,sertàlasociétédanssonensemble(avecdes différences de distribution...) par le bais des dépenses publiques, salaires,allocations chômage, maladie, famille.., subventions à la culture, aux sports,investissementspublics,éducation,justice,sécurité,santé,etc...Ladetted'aujourd'huicorresponddoncàlamonnaiequicircule.Ellenoussert

à faire des échanges...et elle est aussi lamonnaie qui servira aux générationssuivantes.Nous ne transférons pas la dette publique seule à nos enfants,mais«accompagnée»d'unesommedemêmemontantqueladette,(mal)répartiesurlescomptesenbanquesdesgénérationsfutures.

La quantité monétaire en circulation correspond à la somme de la dettepublique (devises) et de la dette privée (crédits). Et surtout cette massemonétaire est « augmentée » si la vitesse de circulation de la monnaie (laquantitéd'échanges)augmente.

En2012,pourleRoyaume-Uninousnotions(economist.com):

Dettesbrutestotales:

Administrationspubliques(90%)+ménages(100%)+secteurnonfinancier(110%):300%duPIB

Secteurfinancier:200%duPIB

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PourlaFrance:Dettesbrutestotales:

Administrationspubliques(90%)+ménages(50%)+secteurnonfinancier(110%):250%duPIB

Secteurfinancier:100%duPIB

On voit clairement que la dette brute des administrations publiques estcependant loin derrière (20 % de moins) celle des sociétés non financières(entreprises). C'est donc par pure idéologie que le Traité de Maastricht veutlimiter la seuledettedesadministrationspubliques sans s'intéresseràcelledesautres agents. Mais c'est une idéologie très néolibérale, car dans les faits lalimitationdeladettedesadministrationslesobligeàréduirelesservicespublicsauprofitdesservicesmarchandsfournispar lesentreprises (ceuxdont ladetten'estaucunement«limitée»).(Holbecq)

La dette économique collective n'est pas simplement un problèmed'insuffisance d'impôts (c'est aujourd'hui cela bien sûr), c'est avant tout unproblèmedevisiond'avenir.Àl'instardeladettesocialequin'apasvocationàs'éteindre(parexemple,lesretraitescollectivessontunlienentrelesgénérationsqui se transmettent de plein gré la prise en charge de la vieillesse), la detteéconomique collective, au contraire des dettes privées, n'a pas vocation às'éteindrenonplus,àconditionquel'onréduiseànéantl'effetbouledeneigequipeutexister,silestauxd'intérêtssurladettesontsupérieursauxtauxd'emprunts.(Harribey)

Leprincipalproblèmede l'endettementpublic,àmonsens,estsoncaractèrescandaleux :au lieudeprendresousformed'impôtunepartiede l'épargnedesplus aisés, l'État génère du déficit et est obligé de leur emprunter cesmêmessommes,moyennant le paiement d'intérêts et promesse de remboursement (aulieudeprendresimplementcessommes).Lesplusaiséssefontdoncrémunérerleurépargne«sansrisque»parl'État,aulieudepayerdesimpôts…

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Environ75%descréancessurlesdettespubliquessontpossédéesparles5à10 % les plus riches de la population, qui touchent donc 75 % des intérêts.(OlivierBerruyer,lescrises.fr)

Les trois plus gros détenteurs de la dette française sont cependant leLuxembourg, les Îles Caïmans et le Royaume-Uni. Pour information, lapopulationdesÎlesCaïmansestde44000habitantsetjedoutequ'ilspuissentàeuxseulsfinancerleurquote-part…écrivaitPatrickArtus,économisteenchefdeNatixis.

En fait pour les post-keynésiens, la dette publique est si indispensable aufonctionnementdusystèmemonétaireainsiconçu,qu'elleestunsubstitutparfaitàladevisedelabanquecentrale,saufqueladettepubliquerapportedesintérêtsà sesdétenteurs, contrairement aux simplesdevises.Cette équivalenceest à lafoisniéeparlavulgatelibéraleettrèsconnuedesbanquierscentraux.(Bersac)

Si beaucoup de dettes sont des bombes à retardement tenant effectivementleurs débiteurs par la gorge, d'autres sont manifestement beaucoup plusinoffensives, et la dette publique centrale l'est au point de n'être qu'undéguisementdeladevisedel'État.Pourquel'Étatpuisseenfindépensercequiest nécessaire, la banquecentrale se chargedubonneteau entredevise et dettepublique, assurant en permanence que l'une puisse être convertie en l'autre etréciproquement. La dette publique n'a ainsi aucun effet sur le financement del'État:iln'yapasdefaillitepossibleensadevisedelapartducréateurdecettedevise, et les intérêts sur cette dette publique sont aussi très fermement souscontrôledelabanquecentraledesonÉtat.(Bersac)

7.4.Lesinconvénientsdeladettepubliqueselonlesnéolibéraux

L'augmentation de la dette publique a selon l'école néolibérale plusieursinconvénients.

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-Ladetteentraîneuneffetd'éviction.

L'État et le contribuable avecdoivent payer chaque année40 à 50milliardsd'euros d'intérêts (2e poste de dépense de l'État derrière l'éducation) et celaformecequeleséconomistesnommentuneffetd'éviction.

Dansl'optiquenéoclassique,l'épargnepermetl'investissement,alorsquepourlespost-keynésiens,l'investissementinduitl'épargne.L'importancedetrouverlacausalité correcte est claire de nos jours : un auteur vraiment néoclassiqueargueraitquelesménagesdoiventépargnerpluspourfournirauxentrepriseslesfondsnécessairespourqu'ellesinvestissent;maissilesménagesréduisentleursdépenses de consommation, les entreprises vendront moins, pourquoivoudraient-ellesinvestirplus?(Lavoie)

Les post-keynésiens jugent que l'épargne ne détermine pas l'investissement,celui-cidépenddesdécisionsdeceuxquianticipentl'avenir(desdébouchéspourl'investissementprivéetdesbesoinscollectifspourl'investissementpublic).

End'autrestermes,auniveaumacroéconomique,l'ajustemententreépargneetinvestissementnesefaitpassurunmarchédefondsprêtablesavecuneépargneexistantpréalablement,c'est-à-direexanteparrapportàladécisiondeproduire.L'ajustementsefaitparlebiais,d'uncôté,dumarchédesbiensetservices,et,del'autre, de la décision publique d'accroître les biens publics. L'investissementdynamiselaproduction,lesrevenusetportel'épargneàsonniveau:l'ajustementnesefaitpasparleniveaudutauxd'intérêt,maisparlerevenuet,parsuite,parl'emploi(Harribey).

-Ladetteentraînedescomportementsricardiens.

C’est-à-direquenousmettrionsdel'argentdecôtéparinquiétudevisàvisdesprobables augmentations d'impôts que nous devrions payer plus tard (pourrembourserladette)aulieudeledépenser.

- La dette nationale alourdit injustement le fardeau des générationsfutures.

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Si la dette publique est une réalité incontestable et qui peut devenirdangereuse, il est faux de dire qu'elle représente une charge nette laissée auxgénérations futures... C'est une approche étrange qui consiste à ne prendre encomptedansl'analysequelepassif,sanstenircomptedel'actif.

L'actif?C'esttoutcequiestlaissé,notammententermesd'infrastructures,auxgénérations futures. L'OFCE l'a chiffré : le bilan est positif, de 6.000 eurosenviron,pourchaqueenfantquinaîtenFrance,sil'onselivreàuneanalysequiprend en compte actif et passif, ce qui semble, pour un esprit sain, la seulemanièrecorrectedeprocéder.Donc,inutilededramatiserlaquestiondeladettepubliquedemanièresimpliste,quandcen'estpasmalhonnête.

-Ladettefaitaugmenterlestauxd'intérêtsdemandésparlesprêteursàl'État.

C'estleprincipalreprochefaitàladetteetauxdépensespubliques.

En ponctionnant l'épargne, les États provoqueraient une hausse des tauxd'intérêt, qui évincerait l'investissement privé et nuirait à l'accumulation ducapital,doncàlacroissance.Ilsappauvriraientdonclesgénérationsfutures.

La vision post-keynésienne, chartaliste, facilite la lecture des questionséconomiques non résolues par les néolibéraux monétaristes et les keynésiens(pourceuxdevenusnéokeynésiens...).

Nous sommes tellement habitués à l'approche des fonds prêtables (le cadreIS/LM), où une augmentation des dépenses publiques tend à faire monter lestauxd'intérêt,qu'ilestdifficiledes'endéfaire.

La dette faitmonter les taux d'intérêt selon l'idéologie classique, plus l'États'endette et plus il dépendrait de ce qu'il peut taxer de la productionnationalepour pouvoir rembourser ses emprunts précédents, jusqu'à ce que lesmarchésfinanciers, prétendument tout-puissants, s'effraient de cette montée del'endettementpublicetexigentdesintérêtsdeplusenplusélevéssurcettedette,etpour finir refusentpurement et simplementdeprêter lemoindrecentimeau

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Trésor,lemettantenfaillite.

Cependant, une bonne compréhension du système de paiement révèle qu'ilpeutêtreinterprétéautrement.Lorsquelegouvernementpaiepoursesdépensespar le biais de son compte à la banque centrale, les soldes de règlement(réserves)sontajoutésausystèmedecompensation.Celatendàréduireletauxau jour le jour, puisque les banques se retrouvent avec des excès de réservesqu'aucuneautrebanquenesouhaiteemprunter.Maintenirletauxauniveauvisénécessiteuneinterventiondéfensivedelabanquecentrale(Lavoie).

Minskyécrit :«Lesinterventionsdeprêtendernierressortempêchenttoutechutedevaleurdesactifsdétenusparlesinstitutionsfinancièresquirisqueraientdeprovoquerunmanquedeliquiditéouuneincapacitégénéraliséeàmaintenirlavaleurdesdépôtsetd’autresdettes.Grâceàcesinterventions,lespertessubiespar une banque ou par une autre institution, suite à une baisse de la valeurmarchandede leursactifs,nesontpas répercutéessur lesdéposants.Ainsi, lesopérations de prêt en dernier ressort, mises en œuvre pour prévenirl’amplification de certaines pertes en fixant des prix planchers aux actifs,socialisent certains des risques privés qui existent dans une économie oùl’emprunt et le prêt jouent un rôle dominant. Tandis que leBigGovernementstabilise à la fois lesniveauxdeproduction,d’emploi et desbénéficespar sesdéficits, le prêteur en dernier ressort, lui, stabilise les valeurs des actifs et lesmarchésfinanciers:ainsi,laRéservefédéraleachète,setientprêteàacheterouaccepteengarantiedesactifsqui,àdéfaut,neseraientpluséchangeablessurlemarché ; elle remplace ou se tient prête à remplacer ses propres dettes nonrisquéespardesactifsexposésaurisqueauseindediversportefeuilles».

C’est-à-dire que les États doivent alors proposer des bons du Trésor (ouobligations) à un taux d'intérêt minimum afin d'empêcher ce taux de tomberencore plus bas. Quand les taux d'intérêt baissent, d'une part les investisseursétrangers ne veulent plus investir dans le pays, car leurs prêts à l'État leurrapporterontmoinsqu'ailleurs.D'autrepartdestauxd'intérêtstropbasfavorisentl'inflation puisque ces taux bas encouragent l'emprunt aux banques et donc lacréationmonétaire.Enfindes tauxdurablement tropbasnousempêchentdeseservirdecetoutil(baisserlestauxd'empruntspourrelancerlecrédit),puisqu'ilssontdéjàbas!

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Ce qui peut faire monter les taux, si ce ne sont pas les dettes, c'est lapréférencepourlaliquiditéplutôtquepourlesobligations.Siceuxquipossèdentdes obligations préfèrent avoir des liquidités (sur leurs comptes courant),vendentleursobligations,celafaitmonterlestaux.

Lorsque les obligations sont vendues par leurs propriétaires, le prix de cesobligationsbaisse,etdoncle tauxd'intérêtdesnouvellesobligationsproposéesmonte(afinderestercompétitifparrapportauxobligationsdontleprixvientdebaisser).Parexemple,uneobligationd'unevaleurnominalede200€émiseàuntauxd'intérêtde4,50%,donneuncoupon(des intérêtsannuels)de9€.Si lestauxmontent, lesnouvellesobligationsserontémisesàun tauxsupérieur,5%parexemple.

Parailleurs,l'acheteurdel'obligationancienneexigeraquesonobligationluirapporte lamême chose. L'ajustement se fera par le prix de l'obligation, qu'iln'aura intérêt à acheter que si elle vaut la « valeur du coupon/nouveau tauxd'intérêt»,c'est-à-diredansnotreexemple9/0,05=180€.

Jeveuxdirequecenesontpas(que)lesspéculateursquipeuventfairemonterlestaux,maisaussilapréférencepourlaliquidité,l'incertitude...

La ligne principale du chartalisme peut être considérée comme une réponseauxarguments,selonlesquelslesdéficitspublicsconduisentsoitàuneinflationincontrôlée soit à la hausse des taux d'intérêt. Une revendication clé deschartalistes est que les déficits publics ont plutôt tendance à réduire les tauxd'intérêt,ouplusprécisémenttendanceàréduirelestauxd'intérêtaujourlejour.

Ainsileschartalistesfontvaloirque,encoreunefoissouscertainesconditions,ilnepeutpasyavoirdecontraintefinancièrepourlesdépensesdel'État.S’ilyades contraintes, nous les trouvons dans les contraintes politiques artificiellesauto-imposées,oudanslescontraintesducôtédel'offre,parexemplequandunévénementdétruitlacapacitéphysiqueàproduiredesbiens(Guerre,catastropheécologique...),ousilepleinemploiaétéatteint.

LeTrésorPublicduRoyaume-Unin'ajamaisétéaussipeuendettéqu'àlafindesannées1980(moinsde30%duPIB),c'estpourtantàcemoment-làquela

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dettepubliquepaielesintérêtslesplusélevés(plusde14%).Àl'inverse,c'esten 2012 que son endettement fut le plus élevé par rapport à la productionnationale(plusde85%duPIB),maisc'estaussiàcemoment-làquelesintérêtssurladettepubliquefurentlesplusfaibles(moinsde0,5%).Demême,pourlesÉtats-Unis(Bersac).

Touscesparadoxesdeviennentévidentssinousadmettonscesimplefait : letauxd'intérêtde ladettepubliqued'unÉtat suit le tauxdirecteurdécidépar labanque centrale de cemêmeÉtat.C'est toute la rhétorique, sempiternellementressassée,del'Étatpouvantneplustrouverd'épargnantsacceptantdelefinancer,etquis'effondreraitalors.

L'Étatn'écoutepasàquel tauxlesépargnantsacceptentdeluiprêter, ildictequel taux de rémunération il veut concéder à l'épargne qu'il leur a fournie.Nuance!

Selon les économistes néolibéraux, les taux d'intérêt dépendent uniquementdesrelationsentreoffreetdemandedefondsprêtables,etdonclefardeausocialdépend en grande partie de facteurs qui sont hors de contrôle desgouvernements.Aumieux,lesÉtatspeuventaideràgarderlestauxd'intérêtàdebas niveaux en pratiquant l'austérité budgétaire, en réduisant leurs déficitsbudgétairesetleurdettepublique.

Danslesfaits,noussavonsqu'iln'enestrien.Suiteaukrachboursierdel'après2000,lesÉtats-Unisontopéréavecdegigantesquesdéficitsbudgétaires,toutengardant les taux d'intérêt à des niveaux relativement bas. Et que dire de lasituation du Japon, où le rapport dette/PIB a grimpé de façon vertigineuse aucoursdesderniers15ans,dépassantlargementles100%,pendantquelaBanquedu Japonconservait les tauxd'intérêt à court termeàzéro, tandisque les tauxd'intérêtàlongtermeavoisinaientàpeineles2%.(Lavoie)

Demême, VonHagen et al. (2009) feignent de craindre que des politiquesbudgétaires trop expansionnistes provoqueront des pressions inflationnistes, cequi entraînerait la BCE à augmenter trop rapidement son taux d'intérêt.Maiscettecrainten'estpasfondée:l'inflationnepourraitaccélérerques'ilyaunetrès

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fortereprisedelademande,cequiestpeuprobabledanslesannéesàvenir.Sicettereprisesemanifeste,lesdéficitspublicsserontréduits,automatiquementoupar desmesures discrétionnaires,mais le calendrier de cette réductionne peutêtredécidédèsmaintenant.

Il ne faudrait pas que pour conjurer un péril imaginaire (la résurgence del'inflation), les gouvernements renoncent à lutter contre un péril présent (leniveauduchômage).

-Ladettefaitbaisserlacroissance.

La croissance d'un pays ne ralentit pas automatiquement lorsque sa dettepubliquedépasseleseuilde90%duPIB.C'estlaconclusiond'uneétudeduFMIcontrairement aux conclusions de deux universitaires de Harvard qui avaientpublié un article assurant qu'un taux d'endettement public supérieur à 90%duPIBentraînesystématiquementunebaissedutauxdecroissance,etce,quelquesoit le niveau de développement du pays considéré. La « démonstration » deHarvardavaiteuuneinfluencesurlaconceptiondesplansd'ajustementmisenœuvre dans les pays du sud de l'Europe. On savait déjà qu'une partie deséquations des deux économistes était fausse, car deux étudiants de l'universitéAmherstduMassachusettsavaient identifiéplusieurserreursdans les formulesdecalculutilisées.Deplus,lesdonnéesdecertainspays,laNouvelle-Zélande,leCanadaetl'Australie,avaientétéexcluesduchampdeleurenquêtesansmotif.Sur tous ces points, voir l'article deMarieCharrel publié dans LeMonde.fr :«LeFMIadmetqu'iln'existepasdeseuilcritiquedeladettepublique».

Pourautanttouslesgouvernementscontinuentaveuglementàvouloirbaisserlesdépensespubliquespourdiminuerladettepublique,cequiauraitpoureffetseloneux,defairerepartirlacroissance.

7.5.Ladetteprivée

Pour essayer d'augmenter l'offre et la demande de services sans augmenter

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pourautantlesdépensespubliques,etdoncladettepublique,unedessolutionsestdefaireappelaucréditbancaireprivé.C’est-à-direquelesentreprisesetlesménages pourraient recevoir moins de subventions publiques, mais empruntereux-mêmes (à la place de l'État) auprès de ceux qui ont mis de côté les 80milliards chaque année, via les banques secondaires pour leurs projetsd'investissementetdeconsommation.

Celarevientengrosaumême,celaformenonpasdeladettepublique,maisdeladetteprivée.

Cette dette privée, bien plus importante que la dette publique est rarementévoquée.Ladetteprivéeentraînetrèssouventparailleursuneaugmentationdela dette publique dès lors que les montants empruntés dépassent un certainniveau.

Eneffet,quandladetteprivées'élèveau-dessusd'uncertainseuil, ildevientdifficile de la rembourser.Celamenacebien sûr la stabilité économique et lesÉtatsn'ontsouventpasd'autressolutionsquederacheterunepartiedecettedetteprivée,leplussouventdesdettesouactifs«pourris»desbanques,etlarendreainsi publique, pour soutenir les échanges, atténuer la crise afin de garantir lastabilité économique. Ce sont les « Bail out » (ou renflouements) dont nousreparlerons.

Ainsilacriseéconomiqueactuelleneprovientpasdelahausseexcessivedesdépensesoudeladettepubliques.En2007,ledéficitdépenses-recettesn'étaitenEuropequede0,7%.Lesdettespubliquesétaientstablesà40%duPIB.MaislacriseaprovoquéunefortehaussedesdéficitsetdesdettespubliquespuisquelesÉtats ont dû intervenir pour sauver le système financier en rachetant la detteprivéequimenaçait lesbanques(etdonctout lesystème)et la transformantendettepublique,poursoutenirl'activité(leséchanges)etontenregistréunefortebaissede leursrecettesfiscales.Laplupartdespaysdéveloppésontconnuunehaussedeleurdettepubliquedel'ordrede30pointsdePIB(Sterdyniak).

Ce qu’on appelle couramment la dette publique est le transfertintergénérationneldeladettesociale.Sil’Étatproduitducapitalcollectif,c’est

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unprocessusquis’étenddansladurée,quiétablitenquelquesortelacohérenceintergénérationnelle de la société au travers de la dette publique. C’est par ladettepubliquequ’onestliéslesunsauxautres,degénérationengénération.Parconséquent, si la dette publique est le transfert de la dette sociale, donc dupaiement par les différentes générations des biens collectifs qui établissent lacohésiondelasociétédansletemps,celasignifiequeladettepubliquenedoitpas être ravalée au niveaudes dettes privées.Cela veut dire que des stress demarchés financiers, liés au risque systémique, au fait qu’on a mal géré cettequalitédelamonnaiependanttoutelapériodeoùl’onalaissélesdettesprivéesdériver,vontcontaminer ladettepubliquepar l’intermédiairedusauvetageparl’État de l’ensemble du système financier, donc de la monnaie. Ceci signifiesurtout que le lien entre monnaie et État est organique, profond. Il se traduitd’unemanière opérationnelle par le fait que la banque centrale doitmettre ladettepubliquehorsmarchélorsquelemarchéestincapabledel’évaluer,doncdeladétenir.(Aglietta)

7.6.Faut-ilrembourserladettepublique?

L'argent, sous forme de ligne informatique, les pièces (d'or ou pas) ou lesbillets ne sont qu'une reconnaissance d'une dette (un devoir moral enversquelqu'un) comme les anciennes lettres de change, dont la valeur est estiméesocialementd'unefaçonoud'uneautre(qu'ilconvientaussidedéterminer)etquicomprendraaumoinscommeraisondecettevaleurlaconfiancequel'onadanslefaitqued'autresaccepterontcettereconnaissancededette.

L'argentsousformed'unepiècedemétal,d'unpapieroudebitsnevautrienensoi.L'argentdevientargentausensmonnaied'échangequandoncommenceàseservirdelareconnaissancededettepourfinancerdeséchanges.

La reconnaissance de dette ne peut servir demonnaie que tant que la detten'estpasremboursée!

Chris06faitremarquerquelesdettespubliquesdesÉtatsdelazoneeurosontles actifs qui correspondent environ aux deux tiers de l'ensemble de l'épargnemonétaire des eurozonards (dépôts, livrets, PEP, PEL, assurance-vie, fonds de

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pension).Onsupprimelesdettespubliquesetonsupprimealorslesdeuxtiersdel'épargnemonétairedesfrançais,allemands,italiens,espagnols,etc….

Le tiers qui reste est détenu par des créanciers extérieurs à la zone euro(épargnantset fondssouverainsdumondeentier).Vuque lesépargnantset lesfondssouverainsdel'Eurozonedétiennenteuxaussidescréancespubliquesdespays extérieurs à l'Eurozone, si nous faisons défaut sur nos obligationspubliques,ilsferontdéfautsurcellesquenousdétenons.

Lerésultatdel'opérationc'estquesinousfaisonsdéfautsurles8000milliardsd'eurosdedettespubliquesdesÉtatsdel'Eurozone,nouséliminonscettesommede l'épargnemonétaire des eurozonards (qui est de l'ordre de 9000milliards).Autrementdittouslesépargnantsmonétairesseretrouventavec1/9decequ'ilsavaient auparavant sur leur compte, si la perte est répartie de façon identiquepourchacun.C'estunchoix,nousnepouvonspasavoirlebeurreetl'argentdubeurre.Maistantquenouscontinueronsàpropagerdesidéesfaussesdugenre:«ah,fairedéfautn'apasd'importance,cesontlesbanquiersquiperdront»,nousnedironspaslavéritéauxfrançais.

Les dépôts à vue (c’est-à-dire ceux sur lesquels nous accédons avec notrechéquier,cartebancaireouenfaisantunretraitdansundistributeur)ainsiquelesdépôtsàterme,livrets,PEP,PEL,etc…fontpartiedupassifdesbanques,c’est-à-diresesdettes.L’autrepartiedupassifc’estcequ’onappellelesfondspropres,cequiestdétenuparlesactionnaires(pourunebanquecommeBNPParibasouSociétéGénérale,c’estmoinsde4%dutotaldupassif).

De l’autre côté, vous avez les actifs de la banque, c’est-à-dire toutes lescréances qu’elle détient vis à vis des ménages, entreprises privées et lesadministrationspubliques,c’est-à-diretouslesprêtsqu’elleaconcédés.

Quandune créancede la banque fait défaut (le prêt n’est pas remboursé telqu’ilauraitdûl’être),letotaldesactifsestdiminuéd’autant.Del’autrecôté,lepassif est aussi diminué d’autant : tant que la perte est inférieure aux fondspropres,c’estsur lesfondspropresqu’estcomptabiliséecetteperte.Si laperteestsupérieureauxfondspropres,labanqueestinsolvable,c’estcequ’onappellelacessationdepaiements(faillitedelabanque).

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Si vous prenez l’ensemble des banques de l’Eurozone, elles détiennentactuellementpour3200milliardsdedettespubliquesdesÉtatsdel’Eurozoneàleuractif.Leursfondspropressontdel’ordrede800milliards.Donc,silesÉtatsde l’Eurozonedécidentdeneplusrembourser leursdettes,c’est l’ensembledusystèmebancairedel’Eurozonequiseraitensituationdecessationdepaiements.

Cequej’aiexpliquéplushautpourlesbanquesestaussivraipourtouteslesentreprisesfinancièresquiplacentl’argentdesépargnants(assurance-vie,fondsdepension,…).Ellesontà leuractifunecertainequantitédedettespubliquesdesÉtatsdel’Eurozone,etàleurpassifellesontleursengagementsvisàvisdeleursayants-droits(leursdettes)ainsiquedesfondspropres.

Lamêmechoseseproduiraitaveccesentreprises,si lesÉtatsde l’Eurozonevenaientàrépudierleursdettes.Ellesseraientencessationdepaiement.Làoùçasecompliquec’estquelesbanquesetlesentreprisesfinancièrescitéesplushautontentreellesdesdettesetdescréancescroisées, sinous tenonscompteaussidesparticipations et desdettes croiséesque les banquesont entre elles, et pasuniquement à l’intérieur d’un pays, mais aussi entre les différentes banquesmultinationales, il s’agit à proprement parler d’un véritable château de cartesdontlabasereposesurlesdettespubliquesdesÉtatsdel’Eurozone.Aussiilfauttenir compte qu’une partie des dettes publiques sont détenues à l’extérieur del’Eurozone,maisquel’Eurozonedétientaussidescréancessurl’extérieur.

Enfait, toutsesimplifiesinousregardonsànouveau lescomptesnationauxdes différents pays : déficits publics des États de l’Eurozone = épargnemonétaireprivéenettedes résidentsde l’Eurozone+ labalancecourantevis àvisdel’extérieur.

Vuquel’Eurozoneestàpeuprèsenéquilibreavecl’extérieur,celarevientàdirequelesdettespubliquesdel’Eurozonesontàpeudechosesprèségalesàlatotalitédel’épargnemonétairedesménagesetentreprisesrésidentes(c’est-à-diretoutcequiestépargnemonétaire,quecelasoitlamonnaiesousformedecash,lesdépôtsàvueetlesdifférentsplacementsdel’épargnemonétaire).(Chris06)

Aucun texte ni traité ne parle de devoir rembourser la dette publique. Lesobligationsserontrembourséesàéchéanceparl'achatdesnouvellesobligationspar les grands groupes qui achètent des obligations chaque année selon les

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échéances des anciennes obligations ; en fait pour rembourser les premiersacheteursd'obligations...ladetteestrouléedit-on.

Sij'emprunte100surunantouslesansetlesremboursechaqueannéeavecunnouveauprêtde100,jenedoisjamaisplusque100,jereportechaqueannéemonremboursementde100enempruntantànouveau100.Monbanquierprivénevapasvouloir,maisl'Étatlui,aledroit.

L'État n'est pas tenu de rembourser sa dette, mais seulement de payer lesintérêts.

Il fautcomprendrequesi ladetteprivéedoit toujoursêtreremboursée(noussommestenusderemboursernosempruntsbancaires),ladettepubliquen'apasvocation à l'être. Dans le jargon économique, nous l'avons vu, cette dette estroulée.

Quand j'explique que la dette publique est roulée ou reportée, j'entendscependantqueceuxquiontprêtéàl'Étatpourunepériodedéterminéesonteuxremboursés (grâce àdenouveauxempruntsque l'État fait).C'est auniveaudel'Étatquel'onpeutdirequeladetten'estpasremboursée.C’est-à-direqu'annéeaprèsannée,quandils'agitderembourserceuxquiontbienvouluprêteràl'État(devenantainsi lesdétenteursde ladettepublique), l'Étatemprunteencoreunefoisàceuxquisontànouveauparvenusàmettredesmilliardsdecôté.

Effectivement, l'Étatchaqueannéedoit remboursersesempruntsréalisésparle passé. Chaque année, un certain nombre d'obligations d'État arrivent àéchéance, celles par exemple échangées il y a 10 ans pour une durée de 10ans...Ouilya1ansur1an,etc...

L'État doit donc rembourser chaque année un montant qui avoisine les 93milliardsenvironauxquelsildoitajouterlasommedudéficitpublicannuelpourarriverdoncen2014à173Md'emprunts.

Sur ces173Mempruntés au total par l'État sous formed'obligations, 93Menvironserventàrembourserlesobligationsarrivantàéchéance,leresteestles80Mdudéficitpublic.

Cependant ces emprunts pour faire rouler la dette (les 93milliards annuels)

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environnesontpascomptabilisésdanslebudgetdel'État.

S'il faut que l'État parvienne à récupérer le montant de ses dépenses afind'éviter d'une part l'inflation, mais d'autre part aussi pour éviter que les tauxd'intérêtsnebaissenttrop,l'Étatn'apasd'obligationderembourserladette(lesdéficitspublicsannuelsaccumulés).

Etsil'Étatessaiederécupérercedéficitreprésentéparladette,celaveutdirequ'ilretiredelamonnaiedel'économie.Etsitoutelamonnaieaétécrééeparlesdéficits publics via un système de dette publique, rembourser cette dettepubliquecelaveutdiresaigneràblancl'économiedetoutesamonnaie.

Donc c'est sa mort monétaire. À chaque fois que l'État rembourse la dettepublique,ouessaiede la rembourser,c'estunecrise systémiquemajeureparcequenousdétruisonstropdemonnaie.

Heureusement donc qu'aucun texte ne prévoit et encore moins n'oblige àrembourserladettepublique.Carsinouscomprenonsbienlesystème,ladettecorrespondàlasommed'argentquel'État(maisl'Étatc'estnous...)adécidéparses dépenses publiques de laisser dans le privé chaque année sous formed'épargneprivéesupplémentaired'uneannéesurl'autre(pourmoinsde10%delapopulation,ceuxquiontprêtéàl'État)etdanslemêmetempssousformesdedevises(euros)parlessalairesoulessubventionspubliques,etquipermetàtoutle monde de profiter des investissements publics, infrastructures, santé,éducation,sécurité...

Ladettepubliqueestenmêmetempsuneépargneprivéepourlesprêteursetdeseurosquicirculentvia lesdépensespubliquespuisprivées.La rembourserrevientàdétruireetl'épargneetladeviseetentraîneradessoucispoursenourrir,sechauffer,vivre...

Lespoliticiensn'essaientpasencemomentde rembourser ladettepubliqueavec une intention maligne, ils sont juste ignorants. Cela n'est pas appris àl'école,lesacteurspolitiquesnel'ontjustepasappris,nelesaventpas(Bersac).

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Encoreunefoisceseurossontmalrépartis...Mais,sinousremboursonstouteslesdettes,iln'yauraplusd'eurodutoutnisurnoscomptesnidanslesbanques.Chaqueeuroquenous avonsdansnospochesouenbanquecorrespondàunedettedueauxbanquescentralesoucommerciales.Tousleseurosréunis,formentl'ensembledesdettespubliquesetprivées.Sinousdevionstousrendreceseurospourannulerladettequeleurcréationainduite,iln'yauraitplusdedette,maisplusd'argentdisponiblenonplus.

Pourquoil'Étatn'apasdesoucidetrésoreriemalgréladette?

Parce que quand il dépense, pour payer les soldats, les armes, les aidessociales ou tout ce qu'il veut, il demande à la banque centrale (si l'État estsouverain...)debienvouloirverserlasommedécidéesurlescomptesenbanquedesintéressés(soldats,marchandsd'armes,chômeurs,entreprises…)etjamaislabanquecentralenerefusedeversercessommes.Labanquecentraleneregardejamaissescomptesavantdeversercessommes.Labanquecentralefabriquedel'argentdèsqu'elleveutdépenser.

Ensuite pour éviter les risques d'inflation, l'État doit se débrouiller pourrécupérer(oudétruireselonlafaçondontnousimaginonsleprocessus)soittoutelasommeinvestiesoitaumoinsunepartie.

Lebutétantencoreunefoisdelaisserenéquilibreproportionneld'uncôtélesbiens et services produits qui sont donc à vendre et la quantité d'argentdisponiblepourproduireetachetercesproduitsafind'éviterl'inflationetencorepireladéflation.

Dans les années 1980, les USA, qui s'étaient montrés inflexibles sur leremboursement des emprunts des pays du sud, ont eux-mêmes accumulé unedettetrèssupérieureàcelledetouslespaysdu1/3monde.Maisceluiquitientlepistoletn'apasàfairecequ'ilneveutpasfaire...

LesÉtatsnousl'avonsvuneremboursentpratiquementjamaisleurdette:ilsla roulent jusqu’àcequ’undéfautsurvienne,officiel (enFrance, ledernier,dit«desdeux-tiers»,datede1797)ousurtoutofficieux,parl’inflation(ledernierdatedelasecondeguerremondiale),etcetousles50à70ansenviron.

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Nous risquons alors de devoir solder la dette publique par un ajustementrapideetprobablementmêmetrèsbrutal.

Ainsi, la dette publique peut croître ou diminuer, selon le montant desempruntsbiensûr,maisaussiselonletauxd'emprunt, letauxdecroissanceoul'inflation.Cettedernièrefaitmathématiquementcommeparmagiediminuerladette jusqu'à l'annuler sans même qu'un remboursement ne soit réalisé. Nousl'avonsvuplus haut, si le tauxd'emprunt est inférieur à celui de l'inflation, ladette baisse, puisque, si nous empruntons une somme qui vaudra moins aumomentdelarembourser,c'estquenotredetteadiminué...Nouspouvonsvoirégalement les choses ainsi, lamonnaie avec laquelle nous remboursons à unevaleurmoindrequecelleaveclaquellenousavonsemprunté.

Donc le montant de la dette publique peut monter comme descendre,indépendammentduremboursementdecettedette.

Bien sûr, il faut payer des intérêts (sinon personne ne nous prêterait sonargent).L'Étatpayechaqueannéede40à50milliardsd'eurosàceuxquiavaientréussiàmettreensemble80milliardsdecôtépourlesprêteràl'État.

Jerappellequel'Étatfrançaisdépenseenviron1200milliardsparan(dontles40 à 50 milliards d'intérêts). Nous pouvons dire aussi qu'il paye ces 40 à 50milliards comme un bon à emprunter ce qu'il veut à ceux qui peuvent et quiveulentbien...Commeundroitd'entréeannueldanslemarchéfinancier...

Ilexistebienunedifférenceentre ladettepublique (passigrave)et ladetteprivée(bienplusgrave).Or,sionveutquel'Étatdépensemoins(disonsqueles1200)pournepasaugmenterladettepublique,siles1200milliardsdedépensessont vraiment nécessaires, il faudraque le privé augmente la dette privéed'aumoinsl'équivalentdeséconomiespubliquesréalisées.

Àcejour,ladettepubliquejouelerôlequetenaitl'ordanslesystèmed'avant1971. Nous pouvions décider de garder notre argent sous forme de monnaieliquide(billetsouécrituressurnoscomptesbancaires)oubienleconvertirenor.

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Aujourd'hui,lesgrandsdétenteursdecapitalpeuventchoisirentreleliquidequinerapporterien(souslematelasouenbanques)oulesobligationsquiformentladettepubliqueetquisontrémunérées.

Cette dette publique, c'est-à-dire les obligations, sont faites pour ou sontnécessairesauxfinancierspouréchangerquelquechose(cettedettepubliquequirapporteradesintérêts)contreladevisedelabanquecentrale,quiellevaserviràlasociétéquandl'Étatvaladépenser.

Nouscommençonsàréfléchiraumoyendeplacernotreargentquandilnousen reste régulièrement à la fin du mois. Se pose bien sûr la question duremboursementd'un très faiblepourcentagedegensqui tententdebaisser leurconsommationmême essentielle pour pouvoir se payer une assurance-vie (quicomprenddesobligationsd'État)pouraméliorer leur retraiteou laviede leursenfants. Mais cela est dérisoire si nous le comparons aux grands groupesinternationaux qui achètent des obligations. Les assurances vies représententenviron25%deladettepubliqueetdansces25%,seulsencore25%d'entre-elles sont détenus par des particuliers. Le reste est détenu par des créanciersétrangers (58%) et par des fonds de placement (Organisme de PlacementsCollectifenValeursMobilièresouOPCVM)etétablissementsdecréditfrançais(17%).

7.7.Commentdiminuerladettepublique(sitantestqu'ilfailleladiminuer…)?

Ilexisteplusieurssolutions:

-L'inflationnousl'avonsvul’afaitdiminuer«naturellement».

Si l’inflationestsupposéese fairepar lecréditprivé,alors lachoseestsansissue:Lesbanquescentralesactuellementéchouentdeplusenplusàstimulerlecrédit.Releverencorel’objectifdecroissanceducréditseraitabsurde.Lecréditn’esttoutsimplementpascapabledefinancerdessurplusbudgétairesprimairesnécessairesauremboursementdeladette.

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-Lacroissance(duPIB)faitdiminuerleratiodettesurPIB.

Aumieux,ilestpossibledestimulerpardéficitpublicl’économieetdelaisserlecréditamplifierlareprise,pourdiminuerleratiodettepubliquesurPIB.Maisça ne diminuerait pas la dette publique elle-même. L’idée de générer del’inflationseulementpourmettreunpeuplusaugoûtdecertains le ratiodettepubliquesurPIBparaît trèsabsurde.GuyAbeillenousamontré(LeParisien;septembre 2012) à quel point peuvent être scientifiques les critères deMaastricht!Monsieur«3%»,c'estlui.GuyAbeilleestl'inventeurd'unconceptmartelé par tous les gouvernements de droite comme de gauche depuis troisdécennies : « Le déficit public ne doit pas dépasser les 3% de la richessenationale (PIB). »Une règle du 3% qui justifie toutes les hausses d'impôts ettouteslesréformesdepuisplusdetrenteans.

Alors,lorsquel'oncroisecetéconomiste,ons'attendàcequecetancienhautfonctionnaire de la direction du Budget sorte d'étranges graphiques. Mais,surprise,illâche:«Onaimaginécechiffrede3%enmoinsd'uneheure,ilestnésuruncoindetable,sansaucuneréflexionthéorique».Onpeineàlecroire,alors il raconte : « C'était un soir demai 1981. Pierre Bilger, le directeur duBudget de l'époque, nous a convoqués avec Roland de Villepin (cousin deDominique). Ilnousadit :Mitterrandveutqu'on lui fournisse rapidementunerègle facile, qui sonne économiste et puisse être opposée aux ministres quidéfilaientdanssonbureaupour lui réclamerde l'argent».DanssonbureauduLouvre,siègeàl'époqueduministèredesFinances,cejeunediplômédel'Ecolenationale de la statistique et de l'administration se gratte la tête. « On avaitbesoin de quelque chose de simple », raconte-t-il. Ils choisissent le produitintérieurbrut,lePIB,parcequ'en«économie,toutlemondeseréfèreauPIB».

Vadoncaussipourunchiffrededéficitentier,sansvirgule?«Onallaitversles100milliardsdefrancsdedéficit,çareprésentaitplusde2%dedéficit.Onaéliminé le chiffrede1%, impossible à atteindre ; 2%?Celanousmettait tropsouspression;3%?C'estunbonchiffre,unchiffrequiatraversélesépoques,celafaisaitpenseràlaTrinité.»Vadoncpour3%dedéficitpublic.«Mitterrandvoulaitunenorme,onlaluiadonnée.Onnepensaitpasqueçaallaitdéborderau-delàde1981»,raconte-il.Maisce«3%»aensuitefaitsonboutdechemin.Selon lui, c'est Laurent Fabius, alors ministre des Finances, qui le premier

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parleradudéficitenpourcentage.«100milliardsdefrancs,c'étaiténorme,ilapréféré parler de 2,6% », avance Guy Abeille. Quant aux 3% ? « C'estMitterrand qui le reprendra à son compte, lui donnant sa légitimité. Plus tard,cette référence sera théorisée par des économistes et reprise dans le traité deMaastricht,devenantundescritèrespourpouvoirintégrerlazoneeuro.»

Trente-sixansaprès,ce«3%»rythmenosviesquotidiennes.Deluidécoulele choix de construire ou non, des écoles, des hôpitaux, des crèches oud'augmenter les impôts.GuyAbeille en a-t-il conscience ? «Nous sommes àl'originedeça,maisnousavonseubeaucoupdecomplices.Ets'iln'yavaitpaseuces3%,ilyauraiteuunautreseuilpourlescomptespublics.»Cet«hommeau foyer » de 67 ans enchaîne : «À l'époque, c'était quelque chose d'anodin.Maislabêteestsortiedesaboîteetçanousaéchappé.»«Anodin»,ilmartèlecemot,poursedédouaner.

Etpuis,«Mitterrandauraitpufairesademandeàl'INSEEparexemple,réputéplus indépendant. Non, il a choisi la direction du Budget » explique-t-il. Unserviceadministratifquisaitcomposeravecl'airdutemps.Unexemple?«Moi,j'étaischargéauministèredel'économie,d'établir lechiffredudéficitaudébutdes années 1980. On travaillait sans ordinateur à l'époque. Je ne trichais pas.Mais il fallait parfois comprendre les contraintes politiques. À l'approche deséchéances électorales, de façon informelle, il n'y avait jamais rien d'écrit biensûr,onmedemandaitparfoisdebienvouloirfaireleménagedanslescomptes».

-Lesdévaluations(impossibleencasdemonnaieunique).

-L'extensionduterritoirenational(guerres...).

-Ledéfaut :partoutautourdumonde, lesdéfautsdepaiementdesÉtatsontété chose communeau coursdesderniers siècles.Si leur fréquence adiminuédanslespaysdéveloppésauXXesiècle,elleaaugmentédanslespaysenvoiede développement.Concernant l'Europe, la France détient un record avec huitdéfautsentreleXIVeetleXVIIIesiècle.

AucoursduseulXIXesiècle, l'Espagnea fait sept foisdéfaut.LaGrèce sedistingueégalement.Elleaétéendéfautpendantplusde lamoitiédesannées

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écouléesdepuissonindépendanceen1830.Audébutdesannées1930,pendantlaGrandeDépression, de nombreuxÉtats européens n'ont pu faire face à leurdette:l'Allemagne,laGrèce,laHongrie,laRoumanie.(Reinhart)

Quandnousobservons le temps long, lesdéfautsdepaiementdesÉtats fontdavantagefigurederèglequed'exception.Lavolontéactuelled'éviteràtoutprixlamiseendéfautdesÉtatsinsolvablesestunenouveautéàl'échelledel'histoire.Loinden'êtrequebénéfique,elleporteenelledelourdsdangers.

Des siècles durant, les défauts de paiement ont été un garde-fou efficacecontre la montée en puissance de l'État : parce qu'ils doutaient desremboursements àvenir, les créanciershésitaient àprêter.Seuleunedisciplinebudgétaire solide permettait d'établir la confiance. Comme la faillite pour uneentreprise, le défaut de paiement d'unÉtat joue un rôle économique essentiel.Nonseulementilestunesanctionpourceuxquiontmalutilisédesressources,maisaussipourceuxquiontapportédescapitauxsansprendresuffisammentdeprécautions. En l'occurrence, de nombreuses banques ont prêté de manièreinconsidérée à la Grèce ou à l'Irlande. En sauvant ces pays, on subventionneavanttoutleurscréanciers,c'est-à-direlesbanquesquiontcommisuneerreurenmésestimantlesrisquesportésparcesobligationsd'État.

Créer un fonds européen pour se prémunir contre tout défaut d'un Étatsupprimeunedisciplineessentiellepourlesdétenteursdecapitauxcommepourles gouvernements concernés. Le risque est collectivisé et la responsabilitéindividuellediluée.Àcet égard, leFMIestunprécédent illustre.Ainsique lenoteKennethRogoff,anciendirecteurdesétudesdecetteinstitution,lacréationdu Fonds après la seconde guerre mondiale a coïncidé avec une plus grandefréquencedesépisodesdedéfautsouverain.(Vuillemey)

7.8.Faut-ilmonétiserladette(c’est-à-direfabriquerdel'argentpourrembourserladette)?

Certains politiques (les néokeynésiens) fondent leurs espoirs sur d'éventuelsprêtsqueconsentiraitlabanquecentraleàl'Étatarguant(avecbonsens)quelaBCE pourrait décider de fabriquer de l'argent.On parle alors de la possibilité

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pourlabanquecentraledefairecequ’onappelaitdansletemps,desavancesauTrésor, c’est-à-dire prêter de l’argent directement au Trésor sans passer par lemarché secondaire, en d’autres termes de la monétisation directe, et nonindirecte comme elle est pratiquée actuellement par la FED, la BCE, la BOE(England)oulaBOJ(Japan).

Misàpartpourdesmontantstrèslimitésetdesduréestrèscourtes(<6mois),aucun des pays émetteurs desmonnaies de réserves du système desmonnaiesfiduciairesflottantesnepratiquentdetellesavances.

Leproblèmeestlesuivant(chris06).D’unepart,endessousd’uncertainseuil(inconnu?)lamonétisationdesdettesentraîneuniquementl’inflationdesactifsfinanciers (notamment les actions et le prix des obligations) ainsi que parl’intermédiairedesfondsdeplacementsceluiduprixdesmatièrespremières,etnonpaslessalaires.Donc,cette«inflation»n’astrictementriendebénéfiqueetne permet certainement pas une diminution du poids des dettes, puisque pourcela il faudraitquelesrevenusdesdébiteursaugmententplusvitequeles tauxd’intérêts.

D’autre part, au-dessus d’un certain seuil (inconnu puisque d’originepsychologique), la monétisation des dettes entraînera forcément une perte deconfianceirrémédiableenlamonnaie,c’est-à-direquelesacteurséconomiqueschercheront à convertir de manière accélérée les liquidités en biens et actifstangibles,cequientraîneraencoreplusdemonétisation,cequiestexactementlemécanismedel’hyperinflation.

L’idée que la monétisation des dettes puisse produire durablement uneinflationbénéfiquede4à6%quipermettedediminuer lepoidsdesdettesestcomplètement erronée. Toutes les bulles de dettes éclatent l'une après l'autredepuis le pic de sur-endettement, qui correspond au «Moment deMinsky ».Minsky nous l'avons vu, réfute la théorie de l’équilibre général en montrantpourquoietcommentnoséconomiesarriventunjouràunniveaud’endettementmaximum : cemoment, le «Moment deMinsky » est arrivé un beau jour de2008.

Lesbanquiers centraux, plutôt quede laisser faire la déflationmonétaire (ladestructionprogressivedemonnaieconsécutiveauxdéfautsprivésetpublicsde

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tous les actifs toxiques) préfèrent cependant absorber ses effets enmonétisantcesactifstoxiques.

Unpaysquimonétisesadetteseraobligéd’imposeruncorralito(interdictiondefairesortirdel'argentdupays,limitationdesretraitsenliquide),enl'absenceduquelaucunrésidentneseraitprêtàgarderdel'argentdanscettemonnaie,dansun compte d'une banque commerciale nationale. Si l'inflation est trop élevée,personneneveutépargnerdanscettemonnaieàmoinsd'êtrerésidentetd'enêtreobligéparuncorralito.Donc,direquelaseuleconséquenced'unemonétisationde l'intégralité des dettes publiques depuis 1973 aurait été d'éviter à l'État depayerdes intérêtsestuneerreur.Cesont tous les résultatsmacro-économiquesquiauraientétédifférents.

La loi Pompidou-Giscard de 1973 en France ne fut que la conséquence dupassage auxmonnaies fiduciaires flottantes. Les autres pays ont tous des loissimilaires,ycomprislesUSA,leJaponouleRoyaumeUni.

Onnepeutpaschangercelasanschanger lesystèmemonétaire.Si l’État semettait à emprunter à la banque centrale plutôt que passer par les marchésobligataires,lamonnaierisqueraitdeperdretrèsrapidementtoutesavaleur.Ellepourraitêtreanéantieenquelquesmois.

C'est ici àmon sensque lesnéokeynésiens s'égarent.S'ils neparlentpasdechangerlesystèmemonétaireinternational(c’est-à-direlesystèmeinternationaldechangeentremonnaiesnationales, le systèmedepaiement et le systèmedecrédit)avantd'envisagerdesprêtsdirectsdelabanquecentraleàl'État,lerisqueestalorstropimportant.

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VIII.Ladéflation

ToutcechapitreestécritàpartirdesnotesdeChris06.

8.1.Lanécessairedéflation

Dans les faits, c'est plutôt une inflation des prix des actifs du capital(notamment immobilier et actions) plus forte que les salaires qui a causél'accroissementdesinégalités.Sinousavionsunedéflationdesactifsducapitalplusfortequelessalairescomme“contre-réaction”,nousaurionsunediminutiondes inégalités.Mais comme lesÉtats et les banques centrales s'entêtent à toutfairepourempêchercettedéflationetàpomperunmaximumdeliquiditésdanslesmarchésdescapitauxc'estl'inversequiestentraindeseproduire.

Chris06 pose la question aux néokeynésiens qui pensent simplement quelorsquel'activitéprivéedécroît,c'estàl'activitépubliquedeprendrelerelaisparinjection monétaire et projets d'investissements : quelle différence avec lapolitiquenéokeynésiennesuivieparlaFED?

Qu'estcequivafairequel'activitéprivéeseremetteàcroître?

Avons-nous l'intention de monétiser les dettes publiques (et tous les actifsprivés toxiques qui auront été soigneusement transférés aux bilans publics) advitamæternam?

Leseulmoyendepermettreàl'activitéprivéedecroîtreànouveauc'est toutd'aborddepurgerlesystèmedetouslesmauvaisinvestissementsetdetouslesactifs toxiques qui ont résulté de la période de croissance inflationniste desquarantedernièresannées.Ladéflation,c’est-à-direlesdéfautspublicsetprivésde tous les actifs qui ne peuvent être remboursés et ne seront donc pasremboursés, est la seule issue réellement possible. L'autre c'est l'explosion du

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systèmemonétaireàquoiconduiracettepolitiquenéokeynésiennedeluttecontreladéflationsuivieparlaFEDetlesautresbanquescentrales.

L'objectif à peu près commun de nos politiques, de par leurs lunettesidéologiques estdenous convaincredenous serrer la ceinturequelques tempstoutenpréservantlespluspauvres.

Ladéflationetsurtoutlacraintedeladéflationaremplacédepuisledébutdela crise de 2006 la crainte de l'inflation des années 1970-2000. Certes, lesexemplespassésdedéflationetbiensûrcelledelacrisede1929ont laisséundouloureuxsouvenir.Maiscraindreladéflationpeutaussivouloirdirecraindreletraitementquipourraitnousaider.

Unefoisqu’onapassélemomentdeMinsky,lepicd’endettementmaximum,c’estbiencelaqueveutdireêtresurendetté,nepaspouvoirs’endetterplus,cequiestnotrecas, iln’yaquedeuxpossibilités.Laisser faire ladéflationàsonrythmenaturelouessayerdelaretarderlepluslongtempspossible.C’est-à-direempêcher le dégonflement de la bulle gigantesque des actifs (actions,obligations, immobilier) en pompant toujours plus de liquidités dans lesmarchés. Ou encore en organisant le bail out (c’est-à-dire le renflouement)systématique des banques et de toutes les entreprises qui ont fait desmauvaisinvestissements et qui devraient normalement faire faillite sans les aidespubliquesetlesliquiditésdesbanquescentrales.C'estpourtantcettesolutionquiestchoisiepartouslesnéokeynésiensquipensent(avecraison)queladéflationvaêtredouloureuseetquiessayentdeflatterdanslesensdupoillesélecteursenleurdisantqu’ilsontlasolutionpouréviterladéflation.

Non,ilsn’ontpasdesolutionpouréviterladéflation,carelleestinéluctableetnécessaire, sinon cela voudrait dire que nous ne sommes pas surendettés, quenousn’avonspaspassé lepicd’endettementmaximum, lemomentdeMinskyqu’ils font semblant d’ignorer. Ils ont juste la solutionpour la retarder le pluslongtempspossible, et gagner ainsidu temps. Ilsne fontqu’augmenter encoreplusladouleurfuture,commeavecundroguéàquionredonnetoujourssadosepourluiéviterladouleurdeladescente.

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Eneffet,sinousempruntonsplusquecequenousgagnonsparnosrevenusouplus que ce que pourrait nous rapporter l'investissement réalisé grâce à nosemprunts, nous ne pouvons plus rembourser le crédit effectué. Lemontant duremboursementannueldececrédit(principaletintérêts)devientsupérieuràceque nous pouvons rembourser et personne ne peut plus, et les banquescommercialesneveulentplusnousconcéderplusdecrédits.

De toute façon, il faudra bien qu’on en vienne à une solution du typeimpositionsurlafortuneplusconséquenteoubiendéfautpartielsurunepartiedu stock de dettes publiques avec réduction en contre partie des avoirsmonétairesdesépargnants,réductionquipourraitêtreproportionnelleàlatailledupatrimoine.Différentessolutionsexistent,maisleproblèmeactuellementestde les mettre en place en harmonie avec les autres États de l’Eurozone etd’imposer un corralito temporaire pendant qu’on recalcule les avoirs enquestion.

C’estinévitable,maisceseradélicatàmettreenplaced’unemanièrelaplusjustepossible.

Àmoinsd'adopterlavisionpost-keynésienne,iln'yaurapasdesolutionnondouloureuseàunecrisedesurendettement.Carcequenousallonsvivrevaêtretrèstrèsdouloureux,nousferionsbientousd’ouvrirlesyeux,nousyprépareretarrêter de croire auxmiracles ou que nous allons résoudre la crise en faisanttourner la planche à billets, ou en espérant qu’une révolution qui ne sauraittarder, des défauts publics ou même peut être une troisième guerre mondialevontêtrelesdeusexmachinaquivonttoutrésoudre.Iln’yapasdesolutionnondouloureuse,iln’yaurapasdemiracle,caressayerdecontinueràlutteradvitamæternamcontreladéflationenaccélérantencorepluslacréationmonétaire(sansréfléchiràcommentlarécupérer)nousconduiratoutdroitversquelquechosedebienpirequetoutcequ’onpeutimaginer,lechaostotaletabsoluoùplusaucunestructuredelasociéténefonctionne,etseulelaviolence,lahaine,lamisère,lafamineetledésordreexistent.Etalorsnousn’auronsd’autrechoixpourrétablirl’ordreetunsemblantdesociétéquedefaireappelaupiredestotalitarismesquel’humanitéaconnu.Quandlechâteaudecartess’écroulera,primo,iln’yaurapasqueleschoses

matériellesquiresteront,maisaussitoutesnosconnaissances,savoiraccumulé,brevets, mémoires, etc… or c’est là que réside la plus grosse partie de la

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«valeur»dansnossociétésmoderne,secundo,ceneserontpastouslescontrats(ou plutôt titres de propriété) qui s’écrouleront, par exemple les actions desociété continueront d’être une part du capital matériel (usines, réseaux dedistribution, etc…) et immatériel (brevets, logiciels, etc…) de ces sociétés etcontinuerontd’avoirdelavaleur.

Enfait,sinouspoussonsleraisonnement,nousnousapercevonsqu’augrandmaximum, la seule partie du « patrimoine de l’humanité » qui s’écrouleravraiment ce sera l’épargnemonétaire. Et devinons quoi, ce sont justement lessuperrichesquiontlaplusfaiblepartiedeleurpatrimoineenépargnemonétaire.LaveuvedeCarpentras,parcontre,ellevabeaucoupsouffrir.

Nous l'avonsvu, tropd'argent fut fabriquécesdernièresannéespar lecréditbancaireparrapportà laproductiondebiensetserviceset tropdedettesavec,puisquenouscréonsdel'argentuniquementenformantunedetteaveclavisionmainstream.

Pourl’ensembledespaysdel’OCDE,1980-2010:

TauxdecroissanceannuelduPIBenvaleurnominale=3,5%

Tauxdecroissanceannueldesdettes(publiques+privées)envaleurnominale=10%.

Nous pouvons comprendre que si les dettes croissent à un rythme trois foisplus rapide que le PIB, il arrive forcément un moment où nous sommessurendettés!

Ce « moment », nous l’avons passé en 2008 : depuis cette date, nousn'arrivonsplusàfairecroîtrelesdettes(publiques+privées).Toutcequenoussommesarrivésàfaire,c’eststoppermomentanémentladéflationinéluctabledecette gigantesque bulle de dettes en transférant des dettes privées aux bilanspublics.

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C'est là le gros souci de notre système monétaire actuel, c'est là le grosinconvénientdeladettepubliquedesnéokeynésiens.Leproblèmen'estpastantdenepaspouvoirrembourserladette,maisdenepluspouvoirs'endetter.

Le privé ne peut plus s'endetter, car il pense ne plus pouvoir le faire sansrisquer les ennuis juridiques, et les banquesde toute façonneveulent plus luiprêter.

L'État peut toujours techniquement augmenter sa dette en empruntant ou enfabriquantdel'argent.Maiss'ilnemetpasenplaceunsystèmepourrécupérerl'argent à hauteur de ses dépenses (meilleure distribution et meilleureredistribution...), l'ampleur de la dette publique fera craindre d'une part lescénariodel'hyperinflation,mêmes'iln'estpasformelpourautant,etd'autrepartlespolitiquesd'austéritécommeremèdes.

Or encore une fois, dans notre système actuel, seul l'endettement (du privécommedupublic)permetlacroissancedeséchanges,del'emploietlebonheurquipourraitalleravec.

Nous devrons détruire une large partie du passif public (la dette) par unedestruction équivalente de l’actif privé (notre argent), qui peut prendre deuxformes : soit un défaut pur et simple, soit une levée massive d’impôt sur lepatrimoine pour rembourser les créanciers. Comme environ 75% de la dettepubliqueestaufinaldétenuepar5à10%delapopulation,quidétient50%dupatrimoinetotal,lesdeuxsolutionssontenfaitquasimentéquivalentes.

Lapériodededéflationestenfaitlacorrectionnécessaireànosproblèmesdesurendettementetd’hyper-consommation.Ilnes’agitdoncpasdeluttercontre,mais au contrairede s’adapter à cette phase.Levrai problème, c’est quedanscettepériode,ilybeaucoupdegensquisouffrent,ceuxquiperdentleuremploi,leur logement,ceuxquisont tropendettésetceuxquisontdéjàpauvresetquiaurontvitefaim.Nosgouvernementsdoiventdoncs’occuperdecesgens-làenpriorité et instaurer une baseminimale, car sinon c’est vite la révolution et laviolence.Mais ilsnedevraientpassepréoccuperpour lemomentd’essayerderelancer l’activité, la consommation des ménages ou la valeur des actifs et

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l’éventuelretouràl’inflation,carladéflationestnécessaireetilfautabsolumentlalaissersuivresoncours.Maisenfait,ilssontentraindefairetoutlecontraire,essayerd’arrêterladéflationdemanièreprécipitéeetrelancerlacroissance,etnes’occupentpasvraimentdesgensquisouffrent.

Ladéflationduprixdesactifs(immobilier,bauxcommerciaux,etc…)vanousdonner un sacré gain de pouvoir d’achat : quand les loyers ou les prix desmaisons auront été divisés par 2, même si le revenumédian diminue un peu(mettons10%),lesfrançaisvivrontnettementmieuxqu’aujourd’hui.

8.2.Bailout/Bailin

Il n’y a pas à organiser la déflation, c’est elle qui se produit naturellementquandnous avonspassé le pic de sur-endettement, quand la somme totale desdettespubliquesetprivéesatteignentunmaximum,commec’est lecasdepuis2008 pour l’ensemble des dettes publiques et privées des pays émetteurs desmonnaiederéserve(USA,Europe,Japon).

Sauf bien entendu quand nous avons des banques centrales et desgouvernements qui prennent un malin plaisir à mettre à leurs bilans tous lesactifs toxiques qui auraient dû faire défaut durant le processus normal de ladéflationetàmonétisercesactifstoxiques.

Onachangétroisfoislesystèmemonétairelesiècledernier,ilesttempsquenous abandonnions le système actuel (celui mis en place à partir de 1971 etformalisé lors des accords de la Jamaïque, celui des monnaies de réservefiduciaires flottantes) avant qu’il explose. Car si nous continuons avec lesystèmeactuel,ilfiniraparexploser,c’est-à-direquel’instabilitédusystèmequiest maintenant explicite depuis 2008 ne fera que s’amplifier de manièreexponentielledanslesannéesquiviennent.

Encequiconcerne laresponsabilisation, lemeilleurmoyend’yarriverc’esttoutsimplementquel’Étatnepuissepasintervenirpoursauverdelafaillitedesentreprises,ménages,banquesouinvestisseursprivés.Ilfautcessercetteineptie

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qu’estlaprivatisationdesprofitsetsocialisationdespertes.

Ceux qui ont décrété que c’est impossible, ce sont les grandes banques etsociétés d’assurances en collusion avec les gouvernements. Non contents degarderenviedesentreprisesquiauraientdûdepuis longtempsêtremisessousune procédure de liquidation judiciaire adéquate pour éviter l’écroulement dusystème (ce qui est tout à fait réalisable comme déjà démontré dans plusieurspays), les gouvernements et les banques centrales pompent dans ces banqueszombies un maximum de liquidités qui partent se déverser sur les marchésspéculatifs,c’est-à-direfontexactementlecontrairedecequ’ilfaudraitfaire.

Ilnefautpassauverlesbanquesdelafaillite,maisexactementlecontraire.Cen’estpaslerôledel’Étatquedesauverlamoindreentrepriseprivée,qu’ellesoitTBTF (too big to fail) ou pas. Ce qu’il nous faut, c’est une procédure deliquidation judiciaire dans le cas d’une faillite d’une banque TBTF. Il n’y aabsolument aucune raison pour que les déposants perdent tout, pour cela ilfaudraitquel’intégralitédesactifsde labanqueaientunevaleurnulle,c’est-à-dire que les pertes de la banque soient égales à son total de bilan. Les pertesdoiventêtreabsorbéesdansl’ordredesénioritédescréanciers.Silespertessontdumontantdesfondspropres,lesactionnairesperdenttout,lesautresrien.Silespertes sont dumontant des fonds propres et des obligations de la banque, lesactionnaires et les créanciers obligataires perdent tout, les déposants rien. Etainsidesuite,lesdéposantsàvueétantceuxquiperdentendernier,uniquementsitouteslespertesn’ontpasétéépongéesparlescréanciersplusseniorsqu’eux.

Cette procédure de liquidation judiciaire doit être organisée sous contrôlepublic (comme toute liquidation judiciaire),mais nedonne aucunegarantie del’Étatàaucuncréancierdelabanque.

C’estcettesolution libérale, lamiseenplaced’uneprocédurede liquidationjudiciaireappropriéepour lesbanquesTBTFdurant lesannées1990,quiaétéutiliséenSuèdeetenIslande,etlesdéposantsn’ontrienperdu.

Ilnedevraitpasyavoirlamoindregarantiedesdépôtsdelapartdel’État(ducontribuable).Toutes lesactivitésdesbanques,ycompris lasimpleconcessiond’uncrédit,sontparnature,spéculatives,c’est-à-direcomportentunprofitsitoutva bien et un risque de pertes en cas de défaut de l’emprunteur. Les cajas de

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ahorros espagnoles sont un bon exemple, que des banques de dépôts lambdapeuventessuyerdespertesmonumentalesquandunebulleimmobilièreexploseetpourdescréditsquine sontpourtantvraimentpasdudomainedesbanquesd’investissements.

Il existe un fond de garantie de dépôts, provisionné par les banques qui ysouscrivent(nettementinsuffisant,maisc’estunautredébat),pourquoiyaurait-ilenplusunegarantieétatique?

Lerefinancementdesbanquespourraitsefaireenponctionnantexclusivementlesactifs financiersdesménagesetprioritairementau-delàd’uncertainniveaudepatrimoinefinancier(mettons100000euros).Enpartieen taxant lesautresactifs financiersau-delàd’uncertainmontant (valeursmobilièresetassurancesvie)etfinalementparunepartdedéficitpublicquiseraitmonétiséensuiteparlaBCE.Lesgrosépargnantsrisquentfortdeperdreunepartienonnégligeabledeleur épargne et l’euro de baisser par rapport aux autres monnaies suite à lamonétisationnécessaire.Cen’estpaslafindumonde,loindelà.

Les banques européennes ont à leurs bilans pour plus de 3000 milliardsd’eurosdedettespubliquesdel’Eurozone.Unedécotedeneserait-ceque30%,c’est1000milliardsdepertes, c’est-à-direbienplusque les fondspropresdesbanques(environ800milliards).Donc,lesbanquessontenfaillite,doncilfauten prendre le contrôle, mettre en place peut être un corralito et éviter lespaniques bancaires. Ensuite se pose de multiples questions : que fait-on desdettes obligataires de ces banques en faillite, que se passe-t-il avec tous lesproduits dérivés (CDS, futures, options, interest rate swap, etc…) de cesobligations publiques et bancaires, quelles conséquences sur les banques àl’extérieur de l’Eurozone ? Lesquelles font faillite ? Cela entraîne- t-il uneréactionenchaînesurl’ensembledusystèmebancairemondial?

Toutes ces questions sont loin d'être résolues...Mais l'exemple de l'Islandenousmontrequecepaysn’apassauvésesbanques.LanationalisationprévuedelabanqueGlitnirn’a jamais eu lieu.LesLandsbanki,Glitnir etKaupthingonttouteslestroisétéplacéessouslecontrôledel’autoritédesupervisionfinancièreislandaise(FME),quilesamisesenliquidationjudiciaire.

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LaFMEacréédenouvellesstructuresbancaires, lesadotéesdefondsàpartird’unprêtgouvernementaletd’actifsprélevésdanslesbilansdes3faillites,pourgarantirlefonctionnementbancairedupaysetrembourserl’essentieldesdépôtsdomestiques, à une échelle largement réduite par rapport à l’activitéinternationaleprécédentedes3banques.

Les dépôts des clients étrangers ont été gelés, la procédure de liquidation aduré 3 ans, durant lesquels les déposants ont été remboursés progressivementavec les actifs restants, loin d’être négligeables. Trois ans après, les nouvellesbanquesislandaisesretournentprogressivementàunfonctionnementnormal,laquasi-totalitédesdéposantsétrangersapuêtreremboursée.Lesactionnairesparcontrenepeuventpasendireautant.Etl’Islandesortdelacrise.

Il y a des gens de tous les bords politiques qui réclament la création deprocédures judiciaires de gestion de faillite bancaire rapide.Même Stiglitz enfaitpartie.

C’est toujours lamêmechose.Quisont lesactionnaireset lescréanciersdesbanques?

Ce ne sont pas des citoyens lambda, mais ceux avec les plus hautspatrimoines.

SilaGrècedevaitfairedéfaut,celanormalementdevraitêtreleurspatrimoinesquiseraientréduits.Maisàlaplace,non,cesontlescitoyenslambdaquipaientpoureux.Aveccesbailout,c’est toujourslamêmechoseetcelafaitplusieursannéesqueceladure:ontransfèredesdettesprivéesversdesdettespubliques.Résultat, ce sont les citoyens lambda qui paieront (via leurs augmentationsd’impôts ou les coupes dans les avantages de l’État providence) pour lescitoyenslesplusriches.

Actuellement, c’est bail out après bail out et les actifs toxiques nedisparaissentpas,carlesbanquescentralesinterviennentpouréviterleurdéfaut:c’estcetteluttecontreladéflationquejecondamne.Ilfautaucontrairelaisserfaireleprocessusnormaldecréationdestructricequ’estladéflationetquetouslesmauvaisinvestissementsréalisésdurantlapériodedevachesgrassesfassent

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défaut.

Laconséquencede ladéflationmonétaire seraque leprixdesactifs chuterad'au moins 50 %, en même temps que la masse monétaire chutera suite auxdéfautspublicsetprivés.D’oùungaindepouvoird’achat.

Certainssontencoreàdiscuterdesdévaluationsdesmonnaiesnationales,maisquand ce sont tous les États émetteurs des principales monnaies de réserve(USA, Europe Japon) qui sont surendettés et utilisent cet outil conjointementpour gagner un avantage compétitif sur les autres sans avoir à restructurer, çadonnequoi?

C’est celui qui peut dévaluer le plus rapidement qui gagne ? Où cet outilstupidedanslesmainsdesÉtatsnousmène-t-il?

Aupassage,jeferairemarquerqu’onnousavaitditquelesbanquescentralesétaient supposéesêtre indépendantesdesgouvernementsdesÉtatsafinquecet“outil” ne puisse pas être utilisé par eux sans réflexion avec les partenairesinternationaux.Jevoisqu’enréalité,cettehistoired’indépendancedesbanquescentrales n’était juste qu’un contemerveilleux qu’on raconte aux enfants pourlesendormir...

LesplansderelancenéokeynésiensontfaitpasserauxÉtats-UnisetenEuropeles déficits publics de plus du simple au double d’avant la crise et tripler enquelquesannéeslesbilansdesbanquescentralespourpayerpoursesdéficits.

Iln’yapasd’autre solutionquede laisser faire ladépressiondéflationniste.Tant que nous lutterons contre avec des plans de relance néokeynésiens et lacréation monétaire, nous ne ferons qu’acheter du temps en faisant croire auxgens que nous allons pouvoir éviter une période douloureuse. Et plus nousattendons,pluscelaseradouloureuxquandcelas’arrêtera.

Nous l'avons évoqué plus haut, la synthèse néoclassique et sa théorie del’équilibregénéral,quiaétéenseignéà touscespicoéconomistesdesalonquiconseillent laplupartdesgouvernements,nepeut intégrer le faitqu’ilpuisseyavoir un seuil au-delà duquel les dettes ne peuvent plus croître. Pour eux, les

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dettes peuvent croître jusqu’à l’infini : si les dettes privées ne peuvent pluscroître, cen’estpasgrave,on les transfèreauxbilanspublicsqui euxpeuventcroîtrejusqu’àl’infinienfaisanttournerlaplancheàbilletspourleséponger.

Maistousceséconomistesn’ontjamaislulesarticlesdeMinsky,ilsonttousfait leurs classes bien avant que ceux-ci soient publiés. Depuis 2008, tout sedéroule exactement comme prévu par Minsky, mais ce n’est pas grave, ceséconomistesn’onttoujourspasluMinsky!

Pourtant, leLevyInstitutemeten ligne tous lesarticlesdeMinsky,organisedes conférences régulières qui réunissent de plus en plus d’économistes dumonde entier pour réfléchir aux implications des travaux de Minsky(levyinstitute.org).

Il s’agit d’une véritable révolution de la théorie économique,mais que fonttous nos économistes de salon qui continuent de conseiller nos politiciens, ilscontinuentdel’ignoreretcroireaudogmedel’équilibregénéral!

Remarquez, ce n’est pas nouveau, mais nous pouvons espérer que cetterévolutionminskyenneprendramoinsdetempsquelarévolutioncoperniciennen’enavaitprispourchangernotrevisiondumonde.

Ce n’est pas de croissance, ni de croissance zéro (ça c’est ce qu’on a eupendantdixansdéjà,alorsquelesadministrationspubliquestransféraientàleurbilan des dettes privées qui auraient dû être liquidées), mais de croissancenégativedont il va êtrequestiondans les dixprochaines années.Quand je disdix, ça pourrait être vingt, ou trente, tout dépend si nos gouvernementscontinuentàvouloirfreineràtoutprixladéflationdesactifs.

Nosgouvernements,conseillésparceséconomistesdel’écoledominante,sontentraindefaireexactementlecontrairedecequ’ilfaudraitfaire:ilsessayentàtout prix de stopper voir de freiner la déflation des actifs immobiliers etmobiliersetencontrepartietententdecréeruneinflationdesdenréesessentiellesàlasurvie.

C’est lamême chose aux États-Unis avec lesCDO de subprimes eux aussi

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« sur-collatéralisés » que l’on avait vendus commedesAAAen faisant croireque ce procédé permettait comme par magie d’éliminer les risques. Résultatquandlessubprimesontfaitdéfaut,lesdettesnonrecouvrablesdesbilansprivésontététransféréesaubilanpublic,lescontribuablespaientpourlesriches.

Et tout se fait à notre insu, car personne n’y voit clair avec ces montagesfinanciersincompréhensibles.

En fait tous ces bail out fonctionnent tous sur le même principe : il s’agitd’une conversion de dettes privées en dettes publiques. Ces bail out neproduisentaucunerichesse,maistransfèrent,demanièreaccélérée,delarichessedepuislesecteurpublicverslesecteurprivé.Cecin’auraitpasd’importancesilarichesse dans le secteur privé était distribuée parmi les ménages de la mêmemanière, que les sources de revenus du secteur public (les prélèvementsobligatoires)sontprélevéesparmilesménages.Maiscommeenfait,larichessedu secteur privé est distribuée de façon beaucoup plus concentrationnaire,chaquebailoutestenfaitun transfertaccéléréderichessedepuis lesménageslesmoinsrichesverslesplusriches.

Plus le bail out est effectué en des termes avantageux pour le secteur privé(parexempledanslecasdelaGrèceenconcédantuntauxleplusbaspossiblepar rapport au taux dumarché), plus le transfert de richesse desmoins richesverslesplusrichesestgrand.

Enconséquencedequoi,l’interventiondel’Étatetlesaidespubliques,plutôtque d’être utilisées par erreur pour empêcher la déflation et les faillites desentreprisesquiontfaitdesmauvaisinvestissementsetquidoiventfairefaillite,doiventêtreredirigéesverslesplusdémunis.

Il faudrait unedéflationprogressivede lavaleurde l’ensembledes titresdepropriété (le patrimoine) par rapport à la masse salariale, car le problèmeprincipal aujourd’hui est que cesmêmes titres ont des prix qui sont beaucouptrop surévalués par rapport à la progression des salaires. Cette déflationprogressivedupatrimoineadéjàcommencé(lesbullesdel’immobiliersontentrain d’exploser partout en occident, la bulle des obligations pareil, celle des

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actionssuivrapeuaprèsainsiquecellesdesmatièrespremières).

Comment faire en sorte que cette déflation progressive du patrimoinen’impactepaslamassesalariale?Pourcela,différentespossibilitésexistent:parexemple légiférer pour qu'une entreprise, tant qu’elle est profitable, ne puissediminuersamassesalariale.Ilfaudraaussibloquerlesmouvementsdecapitauxhorsd’Europe.Etpasseràunefiscalitésurlesrevenusetlepatrimoinequisoitréellement redistributrice et anti concentrationnaire (pas comme aujourd’hui).Sansoublierdenouvellesconditions limitant l’accèsauxmarchésà termeauxseuls intervenants qualifiés (pas à tous ces fonds spéculatifs). Nous yreviendrons.

Enbref, ilyabeaucoupdechosesà fairepourarriveràune répartitiondesrichesses qui fasse marche arrière sur la concentration du patrimoine et lasurévaluation du capital par rapport aux salaires que l’on a vus sur les 30dernièresannées.Etaumoinscesmesuresontl’avantagedepouvoirremporterla cohésion des Français, c’est-à-dire de 90% d’entre eux, ceux qui viventprincipalementdes revenusde leurssalaires,etpasdeceuxde leurpatrimoine(lesvraisrentiers).

Jeneproposepaslemeurtredesboucsémissaires(les10%lesplusfortunés).Plutôtunediminutionprogressive(viaunimpôtsurlepatrimoine)d’unepartiede leur patrimoine financier (c’est-à-dire hormis la résidence principale). Vuqu’ilsconcentrent60%dupatrimoinefinancierdesFrançais,mêmesinousleurenprenionslamoitiésurlesdixprochainesannées,illeurresteraittoujours30%du patrimoine financier, c’est-à-dire toujours le double de ce que possède ledeuxièmedécile.

Celaveutdireleurprendredisons1500milliardssurdixans,150milliardsparan de plus pour l’État, plus de déficit, plus de coupures sur les avantagessociaux,relancede l’investissementpublic,etc….Et les10%lesplusfortunésresteront quandmême deux fois plus riches enmoyenne que les 10% qui lessuivent. Pas vraiment unmeurtre. Certes, ces 10% ne voteront pas pour cettemesure,maisles90%celam’étonneraitqu’ilss’yopposent.

Sinon,iln’yaquedeuxissuespossibles,lesdéfauts,c’est-à-direladéflationprovoquée par les débiteurs, ou bien l’hyperinflation, c’est-à-dire les défautsprovoquésparlescréanciers.Lequeldesdeuxscénariosestlemoinsmalheureux

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àvotreavis?

Nouspouvonsnoterquedepuis1971,aucunÉtatsouverainn'afaitdéfautsursa dette quand elle était obtenue dans sa monnaie nationale. Notamment enraisondurisquesurlestauxdechangeentremonnaiesinternationales.

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IX.Lesystèmedetauxdechange

Il existe deux contraintes liées aux dépenses des États. L'une interne, laquantité de biens et services produits, avec le risque d'inflation si les sommesdépensées sont supérieures aux échanges de biens et services disponibles etl'autreexternereprésentéeparlavaleurdelamonnaienationaleparrapportauxmonnaiesétrangères,c’est-à-direletauxdechangedelamonnaie.

Notonsaussiqu'unpayscommelesÉtats-Unisquiontfaitde leurdevise, ledollar, la monnaie de réserve mondiale, est beaucoup moins gêné par lacontrainteextérieurevuquelemondeentierréclame(etachète)cettemonnaie.

Cesdeuxcontraintesexistent,carnousavonsvuquepourfavoriserl'emploi,la stabilité économique et sociale, et particulièrement la stabilité des prix estindispensable au bon fonctionnement des échanges de biens et services. Lesentreprises ont besoin d'être assurées que la monnaie ne sera pas dévaluéelorsqueviendraletempsdelaventedeleurproduction.Ceciaussibiendanslepays qu'à l'exportation. C'est pourquoi le régime de taux de change fixe futchoisiàl'origine.

La stabilitémonétaire et économique recherchée est un des avantages d'unemonnaie unique comme l'euro. Une monnaie unique entre deux pays, si ellecomporte par ailleurs des inconvénients (pas de dévaluation possible), permetparexempledes'affranchirdu risquededépréciationd'unemonnaied'unpaysparrapportàcelledudeuxième,etdoncfavoriselesinvestissements.Auniveaumondial, une monnaie unique, une forme de liquidité ultime, est absolumentcrucialepourqueleliensocialdel’économiemarchandeexiste.

Celaimpliqueunrapportorganiqueavecl’État,avecunepuissancepublique.Nousvoyons toutdesuite,écritAglietta, leproblèmequeposent leséchangesinternationaux, puisque cette puissance publique n’existe pas à l’échelleinternationale.Noussommesdansunmonded’États-nationsdanslequelilexistedesespacesmonétairesdistincts,etoùiln’existepasdeliquiditéultime,comptetenu de l’absence de forme demonnaie internationale qui ne soit pas la dette

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d’unpaysparticulier.Lesdroitsde tirage spéciaux (DTS)duFMI sontun casparticulieretmarginal: ilsreprésententunemonnaiequin’estladetted’aucunpays,maisilssontactuellementpresqueentièrementneutralisés.Leproblèmeestdonc toujours là.C’est lepremierpoint.Deuxièmement, la liquiditéultimeestpar nature unique. Deux économistes, John H. Kareken et Neil Wallace, ontmontréen1981quelaconcurrencedesdevisespourcestatutdeliquiditéultimen’apasdepointd’équilibrepuisque lemarchénepeutpasétablirunéquilibresur un bien public. Prenons le cas de deuxpays,A etB, qui ont desmarchésfinanciers de même profondeur, c’est-à-dire avec la même liquidité, deséconomies de même taille, et ayant la même envergure dans les transactionsinternationales.Unevisionnaïveseraitdedire:«lesgensvontsepartagersurles deux».Mais non, ce n’est pas ce qui va se passer.Lamoindre différenceentre la perception des politiques de l’un par rapport à l’autre entraînera lebasculementsurl’unedesmonnaiesquiseraélue.Etpuisceseral’autre,s’ilyaunchangementdanslaperceptiondescroyancessurlefutur.Aussilescroyancessurlefuturrendront-ellestotalementinstablelesystème.Surleplanthéorique,cela veut dire qu’il n’y a pas de taux de change d’équilibre entre ces deuxmonnaies.Parconséquent,laconcurrencedesdevisesestforcémentinstabledufaitde lanaturemêmedela liquiditéquiestunanimité.C’estunpointcrucial.Unsystèmemonétaireinternational,s’ilveutjouersonrôledebienpublic,doitexprimer une liquidité ultime acceptable par tous, et inclure un mécanismed’ajustement des balances de paiement, c’est-à-dire des rapports réciproquesentrelesévolutions«macro»desdifférenteséconomies.

La concurrence pour la liquidité provoque l’instabilité des taux de change.Cette instabilitépervertit lemécanismed’ajustementpar lesprix relatifs.C’estexactement cequ’onavudans les années2000avec lamontéedecequ’onaappelé les « déséquilibres globaux ». Les solutions viables passent parl’organisation d’un régime monétaire international qui produit l’acceptationd’une forme supérieure de la liquidité. Ce processus peut résulter d’uneconvergence historique, comme l’étalon or. La livre sterling était la devisedominante,maislaconvertibilité-ormettaitlapolitiquemonétairedelaBanqued’Angleterresousunecontraintemonétaireinternationalequiajustait l’offredeliquidité ultime (l’or, qui n’était la dette d’aucunpays) auxbesoins dumondeentier. Mais l’adéquation du système monétaire à l’essor de l’intégrationfinancièreaétébriséepar lapremièreguerremondiale.Latentativederétablirl’étalonoraétéunéchecquiaconduitlemondeàlaconcurrencedesdevisesà

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partir des années 1920, engendrant une instabilité qui devait aboutir à la crisemondiale,aurepliprotectionnisteetauxdévaluationscompétitives(Aglietta).

Cette stabilité économique internationale permettrait idéalement des'affranchirdelacontrainteextérieuredelacréationmonétaire,quandlavisionpost-keynésiennepermetdes'affranchirdelacontrainteintérieure.

9.1Historique

Il faut remonter à la Grèce Antique pour trouver l'origine d'une monnaiecirculanthorsdesfrontièresetpouvantdoncfaireobjetdetransactions.

La«Chouette»d'Athènes,pièceenargent,estapparuevers520avantnotreère.C'estlapremièremonnaieàêtreacceptéenonseulementdanslaCité,maiségalement dans le bassinméditerranéen oriental, sous sa domination. Commemonnaieinternationale,suivraledenier,monnaiedel'empireromainlargementdiffusée.Aprèslachutedel'empireauVesiècleaprèsJC,lesroyaumesfrappentdespiècesquisortentpeudesfrontièresetilfaudraattendreleMoyen-Agepourquevéritablementunrenouveaus'opère.

AuXesiècle, lecommerceprendunedimensionnouvelleet lesfoires, lieuxd'échanges, sont le point de rencontre de diverses cultures et donc de devises.Afindefaciliterlespaiementsdestraitesàtermelibelléesendevises,leslettresdechangesontcrééesen1291àFlorence.Leslettrespermettentdefixeruntauxdechangeetdoncuntauxd'intérêt.Instrumentsdecréditetdechange,ellesvontfairelafortunedesbanquesprivéesfamilialesquisedéveloppentenItaliepuisàl'étranger par le biais de succursales. La famille Médicis au XIVe siècle vaconstruireunpetitempirebancairesurlacompensationdeslettresdechangeauniveaueuropéen.Ainsi,duranttoutleXIVesiècle, lesbanquiersvontmaîtriserlecircuitdeslettres.

Mais en 1409, la première bourse va voir le jour à Bruges. Les lettres dechange et les effets de commerce vont y être négociés. Le centre financiereuropéenvaalorssedéplacerverslenorddel'Europe.En1494lesMédicisfontfaillite.AuXVIesiècle,lamultiplicationdesboursesenEuropeaccompagneledéveloppementducommerceinternational,en1531laBoursed'Anvers,en1595

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BoursedeLyon...

Lesdifférentesplacesdenégocefacilitentledéveloppementdel'arbitrage.Eneffet,lestauxdechangeentrelesdevisesdiffèrentselonlesplaces,enfonctiondesbalancescommercialesdespays.Certainsacteursdumarchévonttirerprofitdecesdifférences.

L'intensification du marché va s'accompagner d'un renforcement de laréglementation.Dès1572, lesagentsdechangesontnomméspar l'État,quivadeplusenplusavoirrecoursauxlettresdechangeafindesefinancer.Jusqu'auXIXe siècle, plusieurs devises européennes vont ainsi circuler sans que l'unedominevraiment,àl'imagedesplacesfinancièresquisesuccèdent:AnversauXVIe siècle, Amsterdam dès 1609 avec la création de la banque publiqueWisselbanketLondresauXVIIIesiècle.

Ricardo(1772-1823)estundespremiersàintroduiredansl'histoirelanotiondes échanges internationaux et il le fait dans le cadre d'un système de libreconvertibilité.

Avec la révolution industrielle, l'Angleterre devient la première placefinancièrejusqu'en1914.Grâceaudéveloppementducommerceextérieuretunecertaineavancetechnologique, l'Angleterreest lanouvellepuissancemondiale.Lesbanquesétrangèresviennents'yinstalleretlalivresediffuse.En1866,grâceaupremiercâbletransatlantiquereliantlesÉtats-Unisetl'Europe,onpeuttraiterlalivreetledollar.Lalivreestlamonnaiederèglementdeséchanges,maisl'orreste la monnaie de réserve, jugé plus fiable. La livre, comme les autresmonnaies,estconvertibleenor.Afind'assurer laconvertibilité, les réservesdemétal doivent être suffisantes. C'est le système de l'étalon-or. Les opérationspouvantêtretraitéesendeviseetenor.

Les tauxdechangepeuventêtrefluctuants,maisrestentstableentre1879et1914,grâceàlabonnegestiondestauxd'intérêtsanglais.Enparallèleàlalivre,le franc domine l'Union Latine, créée par Napoléon III, de 1865 à 1927. LaGrande Guerre va mettre fin à cet équilibre. Dès son annonce, les déposantsdemandentlaconversiondeleursdépôtsenor.Lesréservessontinsuffisanteset

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laconvertibilitéestsuspendue.

L'après-guerreestunepériodedechangement.Lestauxdechangesontfixéspar l'État.Ainsi laGrande-Bretagneet laFrancevont tout fairepour retrouverdesdevisesfortes,enfixantdestauxd'intérêtsélevés.

En 1922, la Conférence de Gènes va mettre en place le Gold ExchangeStandard. Des devises seront convertibles en or et celles-ci seront devises deréservedesautrespays.Lesystèmeseratoutefoiséphémèreenraisondelacrisede1929.

La guerre de 1939-45 va permettre au dollar de s'affirmer commemonnaiemondiale. Après la 2éme guerre mondiale, les accords de Bretton Woods en1945,dansunmondetoutnouvellementdominéparlesÉtats-Unis,entraînaientdonc un deuxième changement du système monétaire international du XXesiècle, en mettant en place un système de stabilisation des monnaies.(LesEchos.fr)

En effet pour résumer ce propos, le monde a connu récemment quatresystèmesmonétaires(Chris06)

1.Avant la 1ere guerremondiale :ÉtalonOr.Le succès de l'étalon-or a étéimputé à ses mécanismes d'ajustement automatique. Pour bien fonctionner,l'étalon-orsupposaitdoncune librecirculation internationalede l'or,autrementdit la liberté des mouvements internationaux des capitaux. Le mécanismeautomatiqued'ajustementdelabalancedespaiementsquiopéraitestconnusouslenomdemécanismedeHume.Unpaysquienregistreundéficitcommercialvaperdredel'oraubénéficedesespartenairescommerciaux,cequicontractesonoffre de monnaie et gonfle celle du reste du monde, hausse le taux d'intérêtnational et favorise en retour un affluxde capitaux étrangers.L'excédent ainsicréé du compte financier contrebalance le déficit commercial. De plus, lacontractiondel'offredemonnaieréduitlesprixdomestiques,cequiaméliorelacompétitivité du pays et tend à rétablir finalement son équilibre commercial.(DenisDelgay)

2. Entre deux guerres : Étalon de change Or basé sur le dollar et la livre

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(formalisélorslesaccordsdeGênes,1922)

3.Après la 2eme guerremondiale : Étalon de changeOr basé sur le dollar(formalisélorsdesaccordsdeBrettonWoods,1945)

4.Àpartirdesannées1970:monnaiesfiduciairesflottantes(formaliséeslorsdes accords de la Jamaïque, 1976). Les cours sont fixés en or et en dollar,monnaiederéférenceetlepaysdoitassurerlaconvertibilitéàtoutmoment.Unemargedefluctuationde1%estfixée.Labanquecentraledoitintervenirencasdedérapage.LamaîtrisedelacirculationdescapitauxestlaisséeàlachargedesÉtats.LeFMIestcrééetorganiselamiseenplacedusystème.Ledollardonnelela.Cependantenraisondelabaisseconstantedesréservesd’oretdudéficitgrandissantdesÉtats-Unis, la convertibilitédudollar est suspendue le15août1971.Àpartirdelà,leschangessontflottants.En1973,lemarchédeschangestel qu'il est conçu actuellement prend forme. C'est la première fois dansl’Histoire que futmis en place un systèmedemonnaies de réserve fiduciairesflottantes.

Avant1971,lesystèmedeBrettonWoodsmisenplacede1945à1971avaitlesdeuxcaractéristiquessuivantes:1.Leschangesfixes...étaient...fixes...malgrélesvariationsdutauxdechange

surlemarché…maisrévisablesparnégociationentrelesgouvernements.Leprixdes devises entre elles, variait sur le marché (le Forex) selon l'offre et lademande,maislesbanquescentralesgéraientcestauxfixesàcoupd'achatsoudeventesdedevisesoubienpouvaientnégocierunedévaluation.

2.Lesmonnaiesàétalon-de-changeor:dansuntelsystèmelamonnaien'étaitpasfiduciaire,maisadosséeàunequantitéd'or(vialedollarquiétaitlui-mêmefixéà1/35d'uneonced'or)quelabanquecentraledevaitmaintenirenréserveencontrepartiedelaquantitédemonnaiequ'elleémettait.

PourpouvoirfinancerdirectementleTrésorenactionnantlaplancheàbillets,labanquedeFrance(commelesautres)devaitsoitaugmentersesréservesd'orou de dollars, soit dévaluer le franc par rapport au dollar. Mais une telle

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dévaluationnes'obtenaitqueparnégociationentrelegouvernementfrançaisetaméricain (ainsi que les autres gouvernements participant à Bretton Woods)puisquec'étaitlesgouvernementsquifixaientlestauxdechangesdesmonnaiesentreelles.Si nous observons l'évolution des taux de changes des différentesmonnaies

par rapport au dollar durant BrettonWoods (qui était fixé à 1/35 d’une onced'or), nous nous apercevons que les américains ont accordé des dévaluationsrapides à tous lesgouvernements européensentre1945et1949 (pour aider aufinancementdeseffortsdereconstruction).Puisàpartirde1949etjusqu'àlafinde Bretton Woods en 1971, les taux de changes sont restés fixes entre lesdifférentes monnaies (dollar, livre, mark, yen, lire, franc suisse, florin, francbelge,couronnescandinave),saufune,lefrancfrançaisquiaétédévaluépardeGaulle4foisentre1957et1969…Lesystèmemonétaire international,c’est-à-dire lesystèmequidétermine les

tauxdechangesdesdifférentesmonnaiesnationales,quipermetdeconvertirunemonnaie dans une autre, n'a jamais été une décision politique uninationale.Aucunenationnepeutdéfinir,indépendammentdesautres,sonpropresystèmedeconvertibilitéparrapportauxautresmonnaies

PourquoilaFranceest-elleleseulpaysdeBrettonWoodsàavoirdévaluésamonnaieaprès1949,toutenfaisanttournerlaplancheàbilletspourépongerlesdéficitsduTrésor?

CommentdeGaullea-t-il faitpournégocierceladans lesannées1950-1960aveclesaméricainsetlesautrespartenairesdeBrettonWoods?

De Gaulle avait réussi, car il avait deux atouts maîtres en main et il avaitsavamment,engrandstratègequ'ilétait,sulesjouer:

• un parti communiste français puissant représentant près du quart desélecteurs;•celacombinéavecunemenacecrédible,la«menacesoviétique»,commeil

avait coutume de le rappeler à ses « amis » américains. Cela lui a permisd'engagerunrapportdeforcepuissantetefficacevisàvisdesÉtats-Unisetdemenerunepolitiquesensiblementdifférente,dumoins,nondirectementalignée.

9.2.Lesystèmeactuel

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Le système qui a été mis en place depuis 1971 a les deux caractéristiquessuivantes:1. Le système de change est flottant, ce sont les marchés des changes qui

décident des taux de change. Les taux de change varient en permanence enfonction de l'offre et la demande de changes sur les marchés. Pour qu'un telmarchéinternationalpuisseexisterilfautqu'ilyaitunestricteséparationentrelesémetteursdesdifférentesmonnaies(lesbanquescentrales)etlesemprunteurs(dontlesÉtats)quidoiventpasserparcesmarchéspoursefinancer.Ceciimposequel'intégralitédeschangessoitgéréeparcemécanisme,ilnepeutyavoirunepartiede lamonnaiequiéchappeau système,car sinon,comment lesmarchéspourraient-ilsestimerletauxdechangeadéquat?Deplus,commeiln'yaplusaucune contrepartie or à la quantité demonnaie émise par la banque centrale,pour maintenir la confiance des agents économiques dans la monnaie, il fautd'une part interdire le financement direct des déficits publics et d'autre partobliger lesbanquescentralesquiparticipentausystèmes'engagentàmaintenirl'inflationdansunebandeprescrite(enanglaisinflationtargetingframework).Lesystèmedechangeflottantpeutcependantêtreimpuravecuneparticipationdesbanquescentralespourlimiterlesfluctuations.2.Lamonnaie est fiduciaire, c’est-à-dire basée sur la confiance et non plus

adosséeàunequantitéd'or.

Avec ce dernier système monétaire en date, l'argent nécessaire au bonfonctionnementdel'économieseradoncfabriquéauxdécoursdesprêtsaccordésparlesbanquessecondairesauxentreprisesouauxménages.L'Étatn'aurapasledroit d'en fabriquer ni de s'en faire prêter par sa banque centrale, il devraemprunter aux ménages et aux entreprises l'argent que ces derniers aurontempruntéprécédemmentauxbanquessecondaires.

C'estnous l'avonsvu, le systèmechoisiparnos représentants internationauxlorsdesaccordsdelaJamaïqueen1976.Lesavantagesdecettestratégiechoisieétaientdelaisserladécisionauxbanquessecondairesdontunepartiedumétierétaitde jugerbonsoumauvais (évaluer les risques) lesprêtsdemandéspar lesménages, les entreprises ou l'État (investissement, immobilier, spéculation,consommation). Ainsi ces banques secondaires pensions nous, pourraient être

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garantesd'unecréationmonétairequiseferaitàpeuprèsproportionnellementàlaproductionetdoncunecréationmonétaireadosséeaumieuxàdesactifsjugéssolidesparlabanquequiacceptaitdefaireleprêt.L'autrepartiedeleurmétierétantd'assurerlagestiondescomptesetdesmoyensdepaiement.

Pour garder le contrôle ou dumoins un contrôle de l'État (ou de sa banquecentrale)surlacréationd'argentparlesbanquessecondaires,ilfutdécidéparlesaccordsdeBâlequecesmêmesbanquessecondairesdevaientnous l'avionsvuprécédemment,respecterquelquesrèglespourpouvoirfabriquerdel'argent.ParexempleenEurope,lesbanquessecondairesdoiventavoirenviron8%defondspropreset1%deréservesenmonnaieditecentrale.

Ainsi,«on»s'étaitditques'ilfallaitaugmenterlaquantitéd'argent(parcequede nouveaux biens et services se créaient par exemple), la banque centralepouvait encourager la demande de crédits par les ménages et les entreprisesauprès des banques secondaires (ce qui est donc un des seuls moyens defabriquerdel'argentcommenousl'avonsvupourl'écolenéolibérale)enbaissantletauxauquelelleprêteles1%desamonnaiecentralenécessaireauxbanquessecondairespourquecesdernièrespuissentprêterà leur tourdeseurosàceuxquienfontlademande.

Quand la banque centrale baisse le taux auquel elle prête aux banquessecondaires,celapoussecesmêmesbanquessecondairesàbaisserletauxauquelellesprêtentdeseurosauxménageset auxentreprises, incitant lesgensà leurdemanderuncréditetdelamêmefaçonàaugmenterlamassemonétaire,cequiétaitlebut...

Lestauxdechangeentredevisesdépendentalorsdel'offreetdelademande,quiestelle-mêmeinfluencéepar les tauxd'intérêtsdesdifférentesdevises.LesDTS, qui permettaient auparavant aux pays d'équilibrer leurs réserves, sontassouplis et les monnaies de référence éclosent : le yen, le deutschemark, lefranc,lalivreetledollar.

En1979estcréélesystèmemonétaireeuropéen.Lesmonnaiesévoluentdansunezoneavecunemargede fluctuationde±2,25%.Lesdevises européennessont alors quasiment fixes les unes par rapport aux autres,mais variables parrapportauxautresdevisesmondiales.

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Il est absolument clair que les changes flottants et la privatisation de lacréationmonétaire furent le fondement sur lequel lenéolibéralismecommençasonentreprisedeprivatisationde l'ensemblede l'économiepolitique.Les idéesnéolibérales de l'école de Chicago (celles de Friedman) s'imposèrent dans lapenséeéconomiquecommeunereligionàpartirdesannées1970à laplacedukeynésianisme.Leurpremièreetplusgrandevictoirefutd'imposer leschangesflottantsaprèsBrettonWoods(quiétaitl'œuvredeKeynesetdeWhite).L'idéecentraleétaitqueplus lesmarchéssont libres,plus ils sontefficacesetplus lacroissance sera forte. Nous avons décliné l'idée dans les trois domaines, libreconcurrence,libreéchangedesbiensetservicesetdescapitauxetlibreschanges.

Lepolitiquenepouvaitplus rien faire, car ledogme friedmanien (qui est ledogme libéral par excellence) voulait justement que toute interventiongouvernementale dans l'économie capitaliste pour essayer de la contrôler soitinefficaceetcontrel'intérêtgénéral.

Leschangesflottantsfurentunchoixpurementidéologique.

Mais«La justification théoriquedu systèmedes tauxdechange flottants, àsavoir que les taux de change s’établissent automatiquement à leurs valeursd’équilibre, ne vaut que si les flux monétaires ne correspondent qu’auxtransactionssur lesbiensréels.Enfait,cetteconditionn’estnullementréaliséedès lors que dans les balances des paiements interviennent des mouvementsmassifsdecapitauxàcourttermerendantimpossibletouterégulationdestauxdechange.»(MauriceAllais,1999)

Lemarché est donc roi, cependant les banques centrales peuvent intervenirpour soutenir les devises et éviter les désordres. Ainsi en 1985, lors de laconférenceduPlaza,ledollarestdévaluésouslapressiondesgouvernementsduGroupedesCinq(États-Unis,Japon,Républiquefédéraleallemande,Royaume-Uni,France).

Si lemarché des changes s'ouvre dans les années 1980, il faut attendre lesannées1990et2000pouryvoirunevéritablelibéralisation.

En 1986, le Big Bang de Londres ouvre la voie. Les marchés londoniens,

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déréglementés, se développent et Londres redevient un centre financier depremier ordre. Dans le monde, le mouvement va se propager. Dès 1990, lescapitauxsontlibéralisés,c’est-à-direquelestransfertsdescapitauxentrepaysnesontpluscontrôlés.Cetteouverturevadonnerlieuàdesattaquessurlesystèmeeuropéen.Ainsien1992et1993leSystèmeMonétaireEuropéen(SME)connaîtdeuxcrises, liées àdesmouvementsde spéculation.Le16 septembre1992, lemilliardaireGeorgeSorosattaquelalivresterlingquifaitpartieduSME.Cettedernièredoitêtredévaluée.La lireestelleaussivictimed'assauts.En1993, lalivre irlandaise, lapeseta et l'escudo sontdévalués.Lesbandesde fluctuationsautorisées(avantquelesÉtatssoientobligésdesoutenirleurmonnaie)sontalorsélargiesà15%.

Avecleschangesflottants,lesmarchésdechangesvoientledéveloppementdeproduitsdecouverture,c’est-à-dired’assurancecommelesswapsetdesproduitsfinanciersplusgrandpublic.

En 1997, lemarché des changes s'ouvre à tous. Jusque-là, seuls les grandsinvestisseurs et les professionnels avaient accès à ce marché risqué. Cettenouvelleétapeintervientdeuxansavantl'arrivéedel'euro.(LesEchos.fr)

Mais il faut bien voir que pendant 20 années environ, de 1980 à 2000 lesrésultatséconomiquesdespaysdel'OCDEquiappliquaienttouscettedoctrine,semblaient luidonner raison. Ilyavaitbienquelqueséconomisteshétérodoxespour avertir des risques qui s'accumulaient et que l'apparente stabilité de lacroissancen'étaitqu'uneillusiontemporaire(parexempleHymanMinskyencoreluiquifutundestouspremiersthéoriciensàcomprendredurantlesannées1990cequelaplupartcommencetoutjusteàcomprendredepuisledébutdelagrandecrise), mais personne ne les écoutait ni ne les prenait au sérieux, surtout pasGreenspanniBernankeniTrichet...!

Lerésultatestconnu:lessalariésperdirentplusde10%devaleurajoutéeauprofitdescapitalistesen30ans.

Nous pouvons reprocher au système de changes flottants d'être un systèmeconcentrationnaire de richesse qui, si nous le laissons continuer comme cela,l'amèneraforcémentàsapertedansquelquesdécennies,pourlesmêmesraisonsqueparlepassé:1%dericheset99%depauvres.

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C'esttoujoursledilemmedeTriffinquiestlacausedesdéséquilibresactuels,le dollar représente 65% des réserves de changemondiales, l'euro 27%, or cen'estpasreprésentatifdelasituationréelledespartsdePIBmondial,etpluslapart des USA et de l'euro zone diminuent, plus le système diverge et lesdéséquilibres s'amplifient, comme expliqué par Triffin. Mais ni Triffin, niKeynes n'avait jamais imaginé que la solution serait de passer aux changesflottants, qui fut une idée desmonétaristes de l'école de Chicago poussée parMiltonFriedman(quiétaitalorsconseillerduPrésidentNixon).En1971(eten2012lamêmechose),cequ'ilauraitfallufairec'estremplacerledollardanslesystème de Bretton Woods par un panier de monnaies pondéré par les PIBrespectifs, genre DTS du FMI.Mais les américains n'en voulaient pas, ils nevoulaientpasquelesystèmemonétaireinternationalabandonneledollarcommemonnaie de référencemondiale, donc ils ont forcé les changes flottants et cen'estpaslaFrancequiavaitalorslesmoyensdes'yopposer(Chris06).

9.3Versquelsystèmetendre?

Le système de Bretton Woods fournissait aux États souverains quatreamortisseursencasdecriseéconomique:Inflation-Déflation -Dévaluation -Défaut.Cedernierdevanttoujoursêtreconsidérécommeundernierrecours.Laplupartdespayseuropéensutilisèrentaumoinstroisdecesquatreamortisseurspendant lapérioded'après-guerre,cequiapermis lasouplessenécessairepourfaire face aux chocs économiques en fonctionde leurs contextes économiquesnationaux.

LemoinecitantVincentGayon résumeainsi :CesaccordsdeBretonWoodsavaientrendupossibleledosagerelatifentrelesobjectifsdecroissance,depleinemploi et d'inflation propre à la période d'après-guerre. Plutôt qu'unecompétition sur les taux de change, les accords installent une coopérationmonétaireentreÉtatsquipermetderéglerdiplomatiquementlesdifférencesdevaleurentremonnaiesnationales,cequiimpliquaitunesortede«désarmementmonétairemultilatéral».

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Enfindecompte, lechoixincombaitaugouvernementnationald'amortirounonetdechoisirletyped'amortisseuruniquement.Laqualitédesdécisionsétaitjugéeauxurnes…

Lacriseéconomiquedesannées1970entraîna l'effondrementdusystèmedeBretton Woods et de l'un de ses engagements : la fameuse parité fixe, maisajustable. Mais les quatre amortisseurs nationaux furent conservés. Leseuropéens de l'époque lièrent leurmonnaie en créant le « European CurrencyUnit » (ECU), une moyenne pondérée de toutes les monnaies des payseuropéens, avec le plus fort poids pourAllemagne de l'Ouest et en laissant laBundesbank maîtriser l'inflation et gérer leur politique monétaire. Ce choixstratégiquen'étaitpasbon.

À la signature du traité de Maastricht en Décembre 1991, les européensdécidèrent d'abandonner, une fois pour toutes, nonpas un,mais deuxde leursamortisseurs,l'inflationetladévaluation

À lamiseencirculationde l'euro le1er janvier2002, laBCEeuun seul etuniquemandat:celuidemaintenirl'inflationjusteendessousouprochede2%etd’assurerlastabilitéfinancière.FrançoisMitterrandetHelmutKohlréussirentà reconstruire l'or comme étalon sous une formemoderne,mais avec tous sesdéfauts.

Cependant à l'époque cela ne semble pas être une mauvaise idée. Laconvergenceéconomiquerelativementrapidedesannées1990aprèslescrisesduSME de 1992-93 et le succès initial de l'euro dans les années 2000 semblaitvaliderleplanaudacieuxd'uneunionmonétairel'européenne.L'idéedebasedel'euroétaitdefaireunepaixeuropéennedurable.

Êtredansl'euroaaidél'AllemagneàdevenirplusproductiveparrapportàsesvoisinsduSud(Grèce,Espagne,Italie,Portugal,France,).Sil'Allemagneavaitencore leDeutschemark, la performance de ses entreprises aurait entraîné uneaugmentation de sa valeur ce qui aurait eu pour conséquence de limiter ladisparité entre l'Allemagne et les autres pays. Elle ne pourrait pas afficherfièrement un faible taux de chômage et une croissance saine aux électeursallemandshabituésàcela.(PatrickJaulent)

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Chirs06 poursuit : quand le dollar est passé au système flottant et sanscontrepartie or, la France avait le choix entre flotter elle aussi le franc etparticiperausystème(audébutàl'intérieurduserpentmonétairepuisduSME),mais en s'imposant les mêmes règles strictes que les autres pays, soit decontinuer avec un cours du franc fixé régulièrement par le gouvernementfrançaisparrapportaudollar(cequis'appelleuncrawlingpegenanglais).Nousavonsfaitlechoixdeflotterlefrancetparticiperauserpentmonétaire,fut-celebonchoix?

Mais il ne faut pas croire que nous aurions pu laisser flotter le franc etcontinueràdétournerunepartiedelacréationmonétairedelabanquecentralepourfinancer lesdéficitspublics,deplussansaucunecontrepartieor.Lefrancn'auraitjamaispuêtreflottédanscesconditions.

C'estpourcelaquelaloide1973futrendueinéluctableaprèslepassageauxchangesflottants.Àpartirdumomentoùleschangesétaientdéterminésparlesmarchés, c'est-à-dire par les montants échangés par les investisseursinternationaux en créances libellées dans ces monnaies, il fallait donnerconfianceàcesmêmesinvestisseursinternationauxpourqu'ilsplacentenfrancset en bons du Trésor français...Mais comme la France avait particulièrementmauvaiseréputation,carc'étaitleseulgrandpaysquipratiquaitdesavancesauTrésor et des dévaluations depuis 1949,Pompidoun'avait pas le choix que detransposerenFrancecequiétaitdéjàenvigueurdanslesprincipauxpaysdepuis1949.

Nousavonsdéjàévoquél'identitécomptable,toujoursvérifiée:

Déficitpublic=surplusdesménagesetdesentreprisesprivées+déficitdelabalancecourante.

Cela veut dire que le déficit public est toujours financé par l'épargne desménagesetdesentreprisesnationalesetparlescréanciersétrangers.

Si le déficit public est payé intégralement par de la monnaie nouvellementcrééepourcela,celaveutdirequelesménages,lesentreprisesnationalesetlescréanciers étrangers seront remboursés par de la monnaie dont la valeurdiminuerad'autantquelaquantitédemonnaienouvellementcréée.Donc,ilsera

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impossible d'épargner dans cette monnaie dans ces conditions. Les étrangersn'accepteront plus d'accumuler des réserves de changes dans cettemonnaie, ilseradoncimpossibledeflottercettemonnaie.

Depuis la démonétisation de l'or et les changes flottants la monnaie n'a devaleur que par la confiance que les agents économiques nationaux etinternationaux ont dans le fait que cette monnaie peut être réserve de valeur.Donc,quel'Étatetlabanquecentrales'engagentàlimiterl'inflation.Sanscela,iln'yauraitplusaucuneconfianceencettemonnaie.

Croirequ'onauraitpuflotterlefrancdanscesconditionsestunegageure.

La seule chose que la France aurait pu faire c'était de sortir des changesflottants,nejamaisintégrernileserpentmonétairenileSME,sortirdelaCEE,imposeruncorralitoautourdesdétenteursdecomptesenfrancsenFrance,payertoutessesimportationsendollarsaveclesdollarspayéspoursesexportationsetvoir tous les investissements étrangers en France et les investissements desfrançais à l'étranger réduits à une peau de chagrin. Ce qui est clair c'est quel'économiefrançaiseauraitététrèsdifférente.

Le Système Monétaire Internationale (SMI) des changes flottants est lafondation sur laquelle le châteaudecartesnéolibéralmondialiséestbâti.C'estlui qui ôte tout contrôlede leursmonnaies aux représentants despeuples et ledonne auxmarchés.Lamonétisationdirecte (créationmonétaire par l'État) estdélicate dans un système de monnaies fiduciaires avec marchés des changesflottants purs, à cause du risque d'inflation en cas de perte de confiance en lamonnaie que l'État se mettrait à fabriquer. Par contre, dans un système dechanges fixés par les gouvernements par rapport à un étalon, type BrettonWoods, la monétisation directe est possible dans le cadre d'une dévaluation,c’est-à-dire d'un changement du taux de change dicté par le gouvernementcorrespondantàuneaugmentationdelabasemonétaire(l'augmentationservantaufinancementdirectduTrésor)pouruneréservedel'étalonfixe.

C'estuneaberrationdeparlerdemonétisationindirectedansunsystèmetypeBrettonWoods ou demonétisation directe dans un système demarchés. Celarevientàunsystèmedechangeflottantimpurquicomportentlesinconvénientsdes deux systèmes (fixes et flottants) sans pouvoir forcément bénéficier desavantages(Chris06).

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Keynes avait déjà prévenu 30 ans plus tôt que libéraliser à la fois 1. Leschanges 2. Les échanges commerciaux 3. Les mouvements de capitaux,engendrerait plus tard une catastrophe économique et enlèverait tout contrôlepossibledel'économieauxgouvernementsetauxbanquescentralesauprofitdesmarchés.Ilnefautpass'étonnersiaujourd'huilespolitiquesnepeuventplusrienrésoudre. Tant qu'on aura un système monétaire international aberrant, nousaurons un système économiquemondial aberrant. Lamonnaie est la base surlaquellereposelesystèmefinancier,tantquenousauronsunsystèmemonétairequi ne fait qu'amplifier les déséquilibres et les divergences, nous aurons unsystèmefinancierquimenaced'unecrisesystémiquemondiale.Actuellement,laquantité de monnaie est déterminée par le volume de crédit accordé par lesbanques privées et les taux d'intérêts sont déterminés essentiellement par lesbanquescentralesquiinterviennentaussipourfausserlestauxdechange.

La question est de savoir comment passe-t-on du système actuel à unealternativeavantquecelui-ciexplose,plutôtquedeperdrenotretempsavecdesdiscussions sans beaucoup d'intérêt (comme la loi de 1973) ou sur lessymptômes (la financiarisation de l'économie ou la soi-disant “agonie ducapitalisme”) plutôt que sur les causes profondes des déséquilibres actuels.(Chris06)Le cadre d'une réorganisation complète du système monétaire et bancaire

mondialpourraitêtre:

1.Abandondusystèmedesmonnaiesderéservefiduciairesflottantes(dollar,euro,yen,livre)pourreveniràunsystèmeàcontrepartieetétalonphysiquedesmonnaiesavectauxdechangesfixesetrévisablessuiteànégociationsentrelesparties prenantes en fonction des rapports de force en présence et visant àéquilibrersurlelongtermelesbalancescommerciales.Seulslespostkeynésiensont compris comment fonctionne réellement le systèmemonétairedes changesflottants (création monétaire privatisée) et en quoi il est fondamentalementdifférentd'unsystèmedechangesfixes(créationmonétairepublique).

2.Restructurationdesdettespubliquesdespaysémetteursdesmonnaiessus-nomméessuiteàleurdévaluationparrapportàl'étalonphysiquedécidéeen1.

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3.Miseenplaced'uncontrôletemporairedeschangesinternationaux.

4. Prise de contrôle temporaire des banques le temps d'organiser leurliquidationjudiciaire,découpageenbanquesbeaucouppluspetites.

5.Re-privatisation,remiseenventedesdifférentslotsrésultants.

Celaneseferapassansunaccordinternational!Silemondeaétécapabledesemettred'accordtroisfoisaucoursdusiècledernier,pourquoineserait-ilpascapable de se mettre d'accord maintenant ? À moins évidemment qu'il failleattendreunetroisièmeguerremondialepouryarriver.Cela fait depuis quelques années que les gouvernements de la Chine et de

l'Union Européenne essayent de négocier avec le gouvernement desUSA uneréforme du système monétaire international selon les principes énoncésinitialement par le gouverneur de la banque centrale chinoise. Carparadoxalement, le seul banquier central qui semble avoir compris que leproblèmefondamental(celuiqu'ils'agitderéglerauplusvite,sinousnevoulonspasunprochaincollapsedel'économiemondialequin'engendreraquelechaoset la misère des peuples) est celui de l'architecture du système monétaireinternational en vigueur depuis 1971... Cest le gouverneur de la BanquePopulairedeChineZhouXiaochan.

Il propose que le nouvel étalon monétaire soit un panier de monnaies, quicomprendraitcette foisciaussi lesmonnaiesdesBRICS(Brésil,Russie, Inde,Chine,Afrique du Sud), suivant des poids respectifs qui changeront àmesurequelespoidsrespectifsdeséconomieschangeront,Lesystèmequiestprônéparleschinoisn'estautreque lesystèmeconnusous lenomdesystèmeDavidson(quenousverronsplusloin),ilpermetderésoudreledilemmedeTriffin.

Sarkozy avait bien essayé de mettre à l'agenda du G20 un nouveau SMI,poussé aussi par la Chine, mais Obama lui a répondu qu'il ne voulait pas enentendreparler!

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Pour le moment, les États-Unis bloquent, car ils ne veulent pas lâcher laposition dominante du dollar commemonnaie de réserve internationale.Maisque se passera-t-il quand l'ensemble du système des monnaies fiduciairesflottantesseraàdeuxdoigtsd'exploser (bientôt !)? Ilssemettrontd'urgenceànégocieretilesttrèsvraisemblablequeceseralapropositionchinoisequifiniraparêtreadoptée,carelleestunedesseulesquiapporteunesolutionpérenneauxproblèmesdusystèmeactuel.

Rappelons que dans un système d'étalon-or, la Chine aurait rapidementconverticesdevisesenor, le stockd'oraméricainseseraitépuiséet lesÉtats-Unis auraient réagi pour rétablir l'équilibre. Aujourd'hui, ils se contententd'émettre de nouvelles reconnaissances de dettes (qui s'empilent en Chine),dettes qu'ils seront bien entendu incapables de rembourser…Ce n'est pas pourcela qu'il faut revenir à l’étalon or dont la quantité disponible freinerait leséchanges,maispourquoipas,àunétalonconstituédeplusieursmonnaies.

L'échecdeBrettonWoodsmontrequ’uneseulenationnepourra jamaisêtregarantedelamonnaiederéservedumonde.

C'estdanscetespritquefutécritelachartedelaHavaneen1948.Maisellenefut jamais appliquée. Le but était de restaurer un système international depaiement qui ne viole pas le plus élémentaire bon sens, en d’autres termes, ils’agit d’obtenir que le pays débiteur perde ce que gagne le pays créancier(JacquesRueff,Lepéchémonétairedel’Occident,1971).

Ce qu’il y a de particulier dans la Charte de La Havane par rapport à lasituationactuelle, c’est la recherchede l’équilibrede labalancedespaiementscomme principe général. Ainsi l’article 3 énonce que « les États membreschercherontàéviterlesmesuresquiauraientpoureffetdemettreendifficultélabalance des paiements d’autres pays ». Autrement dit la « priorité auxexportations », qui est le mot d’ordre général de tous les pays, etparticulièrement de la France depuis l’alignement de 1982-1983 sur lespolitiques néolibérales, ne saurait être une politique acceptable pourl'organisationmondialeducommerce(OIC).

Eneffet,cette«prioritéauxexportations»afficheclairementsonambition:créerchezsoiunexcédentstructureldelabalancedespaiements.Commenousn’exportonspassur la luneetqu’il fautbienqued’autrespaysachètentcequi

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est exporté, il est créé chez eux un déficit structurel. Une telle situation, pardéfinition,nepeutquedéséquilibrerlecommerceinternationaletenfaireunlieud’affrontementaulieud’enfaireunoutildecoopération.

C'estpourquoil’article4delaChartedeLaHavaneparledu«rétablissementde l’équilibre interne de la balance des paiements » comme d’un objectiffondamentaldel’OIC.

DelamêmemanièrelaChartedeLaHavaneindiquequesesÉtatsmembresdoivent reconnaître mutuellement les politiques nationales qu’ils mènent àpropos « de la réalisation et du maintien du plein emploi productif », du« développement des ressources industrielles et des autres ressourceséconomiques»,del’«élévationdesniveauxdeproductivité».

ChaqueÉtatdoitdonc«considérerquelademandededevisesétrangèresautitre des importations et des autres paiements courants » peut consommer unepart importante des ressources d’un autre État pour se procurer des devisesétrangères « au point d’exercer sur ses réserves monétaires une pressionjustifiant l’établissementou lemaintiende restrictions».Dès lors chaqueÉtatestinvitéàaccepterdesmesuresprotectionnistesvenantdespaysconcernés.

Celles-ciserontlerésultatd’unenégociationetnond’unedécisionunilatérale.Dès lors, tout État membre qui envisage d’appliquer des restrictions à sesimportationsdevra,avantdelesétablir(ousilescirconstancesnepermettentpasuneconsultationpréalable, immédiatementaprèslesavoirétablies),«entrerenconsultation avec l’OIC sur la nature des difficultés qu’il éprouve dans sabalance des paiements, sur les autres correctifs qui peuvent s’offrir à lui ainsiquesurlarépercussionpossibledecesmesuressurl’économiedesautresÉtatsmembres.»

Inversement, tout État membre qui considère qu’un autre État membreappliquedes restrictionsd’unemanière incompatible avec sespropres intérêts,« pourra soumettre la question à l’OIC pour discussion. L’État membre quiappliqueces restrictionsparticiperaà ladiscussion.Si,auvudes faitsavancéspar l’Étatmembre qui a recours à cette procédure, il apparaît à l’OIC que lecommerce de cet État membre subit un préjudice, elle présentera sesobservations aux parties en vue de parvenir à un règlement de l’affairesatisfaisant pour les parties et pour l’Organisation. Si la question ne peut être

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réglée et si l’Organisation décide que les restrictions sont appliquées d’unemanière incompatible, l’Organisation recommandera la suppression ou lamodification de ces restrictions. Si les restrictions ne sont pas supprimées oumodifiées dans les soixante jours, conformément à la recommandation del’Organisation, celle-ci pourra autoriserunouplusieurs autresÉtatmembres àsuspendre à l’égard de l’État membre qui applique les restrictions, telsengagements ou concessions résultant de la présente Charte ou de sonapplicationqu’ellespécifiera.»

Contrairement à une idée reçue, des mesures protectionnistes ne sont passynonymesderelationsconflictuellesentreÉtats,nicréatricesd’unedynamiquede repli du commerce international, aboutissant peu à peu à des formesd’autarcie.LecontenudelaChartedeLaHavanemontrequeleprotectionnismenepeutfonctionnerqu’àconditiond’êtreuniversaliste.

Noussommesàdesannées-lumièredesconceptionsetpratiquesdel’OMC!Aveccetarticle,les«maquilladoras»etautres«zoneséconomiquesspéciales»dans lesquelles les travailleurs et le plus souvent les travailleuses sontsurexploitésnepourraientexister.Ledumpingsocialserait interdit.Au lieudel’hypocrite«clausesociale»quecertainsgouvernementsarborentpourmasquerleurs renoncements, la Charte de La Havane permettrait de combattreefficacementledumpingsocial(JacquesNikonoff).

9.4.Lescompensationsentrepays(selonChris06)

Le débat le plus important, celui qui compte vraiment, c'est donc celui surl'architecturedusystèmemonétaireetbancairemondial.Tantqu’onn’aurapascompris que le système actuel (des monnaies de réserve fiduciaire flottantescoupléàdesmonnaiesquin'enfontpaspartieetfontpourtantpartiedel'OMC)est une aberration et qu'il est grand temps d'en changer et qu'on étudiesérieusement les alternatives (j'en connais quatre : 100 % monnaie, freegold,systèmedeDavidson,Bancor), nous perdrons notre temps sur des discussionssansintérêt.

Normalementcesontlestauxdechangesentremonnaiesquicorrigentsurlelong terme lesdéséquilibresdeséchangesentrenations.Vuquecemécanismen'existeplusenEuropeetqu'ilnepeutyavoirdetelsdéséquilibressurlelong

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terme sans conséquences économiques (chômage), il faut que les États ensurplus en transfèrent une partie vers ceux en déficit pour corriger cesdéséquilibres. Ceci peut être fait automatiquement, il suffit de prendre lesbalances de paiements entre États membres et calculer les compensationsnécessairesentreÉtatspourqu'ellessoienttoutesenéquilibre.

Quellesformesdoiventprendredetellescompensations?

Il y a plusieurs options, l'une d'elle est via les taux d'intérêts : si nouspartageons tous les mêmes, ceux de l'Allemagne monteront (par rapport àaujourd'hui où ils sontmoins élevés), ceux des pays en déficits baisseront demanièreàégalerenvaleurlestransfertsdebalancedepaiementsnécessaires.

Unmoyenderééquilibrerlesbalancesdepaiementestdoncquel'Allemagnepaielesmêmestauxd'intérêtquelesautres(euro-bonds).

Unautremoyendecompenserlesdéséquilibresdesbalancesdepaiementc'estque l'Allemagne (investisseurspublics etprivés) réinvestisseunepartiede sonsurplusdanslespaysdesquelsellelestire.

Ilfaudraitcombinerlesdeux.Cequelacrisedel'eurodévoile,c'estqu'iln'estpluspossibledelaisserlesdéséquilibresdesbalancesdepaiementinternesàlazone euro s'amplifier. Or rien que par des taux d'intérêts divergents cesdéséquilibres ne peuvent que s'amplifier. Donc, sans mécanisme decompensation,l'explosiondel'unionmonétaireestpourtrèsbientôt.

Lequantitativeeasing(ouQE,c’est-à-direunassouplissementquantitatif,quisignifieunrachatparlesbanquescentrales,destitresdedettes,bonsduTrésor,obligationsd’entreprises,etc…),réaliséparlaBCEpermetdegagnerdutempsen arrêtant la divergence des taux d'intérêts, mais d'une part ce n'est pas unesolutionàlongterme,carilnerééquilibrepaslesbalancesdepaiement,d'autrepartils'agitd'untransfertdevaleurajoutéedutravailverslecapitalquiempireencore plus le phénomène de concentration de richesse à l'œuvre depuis lesannées1980.

Donc il est urgent de mettre en place un véritable mécanisme decompensation.

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Detoutefaçon,àmonavis,l'Allemagnevadevoiraccepterdemettreenplaceune chambre de compensation interne (CCI). De deux choses l'une, soit nousgardonsl'euro,monnaieuniqueàlazoneeuroetilfautmettreenplaceuneCCIeuropéenne,soitnousrevenonsauxmonnaiesnationales.

Qu'est-cequ'uneCCI?

C'estuneentreprise comptablequi calcule les fluxcorrectionnels, autrementdit une chambre de compensation interne qui corrige les déséquilibres desbalancesdepaiemententrelesÉtatsmembres.

Si nous partageons une monnaie unique, il ne peut y avoir certains Étatsmembresquiaccumulentsur le longtermedessurplusdebalancedepaiementvis à vis des autresmembres et d'autresÉtatsmembres qui accumulent sur lelong termedesdéficitsvis àvisdes autresÉtatsmembres.Sinoncela signifiequecertainsÉtatsmembress'enrichissentauxdépensdesautres.Ceciconduiraitirrémédiablementàl'abandond'unetelleunionparlesÉtatslésés.

Depuis l'introduction de l'euro, il y a principalement un pays membre quiaccumuledessurplusdebalancedepaiementvisàvisdesautresmembresdelazone,c'est l'Allemagne.Plusdemillemilliardsd'eurosdepuisdixans.Surplusaccumulés qui se retrouvent principalement en déficits accumulés... Où ? EnGrèce,Portugal,Irlande,Espagne,Italie,France,commeparhasardlessixpaysdontlestauxd'intérêtsexplosentvisàvisdel'Allemagne.

Celanepeutévidemmentplusdurer...

ÀmonavisleQEquedemandentlesmarchésnepeutêtrelasolutionàlongtermepuisqueleproblèmen'estpasceluid'undéséquilibreentrelazoneeuroetlerestedumonde(notrebalancevisàvisdurestedumondeestenéquilibre),maisceluid'undéséquilibreinterneàlazoneeuro.Leseulmoyendelerésoudrec'estviaunechambredecompensationinterne.

Optimalement,l'économiemondialepourraitêtreorganiséeetstructuréeparleSMI en une dizaine de zones économiques de libre échange qui n'échangententre elles que cequ'elles nepeuvent pas produire elles-mêmes et qui veillenttoutes àmaintenirdesbalances commerciales entre elles en équilibre.C’est-à-direquejecroisfondamentalementauxprincipesdelachartedelaHavane(de1948 ! !) et à la nécessité d'un système monétaire international dans lequel

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aucunemonnaie nationale ou régionale ne sert de référence, mais où seul unpanier des monnaies représentatif de l'économie mondiale sert d'étalon dechange.

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X.Lebancor

10.1LapropositiondeKeynes

Le système monétaire international, c’est la base de tout le systèmeéconomique et financier mondial. Tous les problèmes des quarante dernièresannéespartentde là.D’unepart,nous l'avonsdéjàvu,parcequecesystèmeagénéré beaucoup trop de liquidités et de dettes, qui se sont portéesparticulièrement sur la spéculation des actifs (immobiliers, actions, matièrespremières, etc…). D'autre part, car il a créé tous les déséquilibres que nousconnaissons aujourd’hui entre des pays comme les États-Unis qui ont unebalancecommerciale trèsdéficitaireet laChinequiaunénormeexcédent.EnEurope, nous venons de le voir, c'est l'Allemagne qui dégage des excédentscommerciauxcomme laChineauniveaumondial, le restedespayseuropéenssontdans lamêmepositionque lesÉtats-Unis (avecunebalancecommercialenégativeàhauteurdelabalancepositivedesallemands).

Tantqu’onn’enchangerapas(etcen’estpas laFrancetouteseuledanssoncoinquipeutendécider),nousauronsunsystèmeéconomiqueetfinancierquiserahautementinstableetdéséquilibré.

CesontdeséconomistescommeTriffindanslesannées1950,MinskyetPaulDavidsondanslesannées1990quiontréfléchiàcesproblèmesetproposédessolutions et des modèles qui permettent de corriger les défauts structurels dusystèmeactuel.

La ligne directrice serait de repasser à un système de changes fixes maisrévisables régulièrement afin d’obtenir la diminution des déséquilibrescommerciauxentrenations.

LapropositiondeKeynesfaisaitréellementintervenirunemonnaiecommune,le bancor et une banque centrale mondiale (la chambre de compensation

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internationale) émettant cesbancors.Cettebanquemondiale serait responsablede la politiquemonétairemondiale y compris de la détermination des taux dechanges entre les monnaies nationales et le bancor en fonction descompensations des échanges internationaux qu’elle comptabilise. Les banquescentralesémettantdesmonnaiesquisontliéesaubancorsuivantlesrésultatsdescompensationssontasserviesàcettebanquecentralemondiale.

Le bancor est une monnaie commune pour le monde entier (pas unique,comme l’euro l’est pour les nations de l’Eurozone), elle ne remplace pas lesmonnaiesexistantesmais leur sertd’étaloncommunetestuniquementutiliséedanslacompensationdestransactionsinternationales,chaquenationcontinuantd’utilisersamonnaiepourtouteslestransactionssursonsol.Maiselleplacesesexcédentscommesesdéficitsconvertisenbancoràlabanquesupranationale.

Le bancor qui assure la fonction de crédit international, est créé lors lesachats/ventes excédentaires. La non-rémunération du bancor, voire la taxationdes encaisses en bancor auprès de la banque centralemondiale, est lemoyend’éviter l’accumulation d’excédents structurels. Ce principe d’une gestion destauxdechangeselonlespositionsstructurelles(créditricesetdébitrices)auprèsde labanquecentralemondialeentraîne la réévaluationde lamonnaiedupaysqui accumule des encaisses en bancor. Et, inversement, un endettementcumulatif en bancor provoque la dévaluation du change absolu d'unemonnaie(Léonard,1987).

La réduction des déséquilibres commerciaux garantit la croissance del’ensemble des partenaires. Dans ce sens, le système de Keynes est anti-déflationniste : l’accumulation d’excédents structurels de certains pays sur lerestedumonde,représentantautantdetitresdecréancesd'unequalitédouteuse,est un frein potentiel au développement des échanges et à l’expansion dusystème.

L'objectif de Keynes était donc de préserver l'autonomie des politiqueséconomiquesnationalesàtraverslacentralisationmonétaire.Cetteorganisationdes paiements internationaux devait résorber les disparités provoquées par desintérêtsnationauxdifférents, car la supranationalitéconcilie la régulationde la

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liquiditéinternationaleetlasymétriedanslesajustements.

Une monnaie supranationale est une condition essentielle de l'autonomienationale puisqu'elle permet de constituer des réserves qui ne sont ni lacontrepartie d'un endettement ni d'un excédent structurel sur d'autres pays. Lastabilisation de la préférence pour la liquidité permet ainsi un ajustementsymétrique des pays excédentaires et déficitaires. La création d'une banquesupranationalepermetderésoudreleproblèmedelasouverainetémonétaireenévitantl'assujettissementàl'orouàunemonnaiehégémoniquedansunsystèmepurdedevises.Labanquesupranationalejouelerôled'uneinstitutionsouverainedansleslimitesdesescompétences.

Dans un système de type bancor, le cours des monnaies, au lieu de flottercomme actuellement suivant les désidératas des marchés des changes, estréévalué périodiquement par une chambre de compensation des transactionsinternationales et par rapport à l’étalon commun (le bancor) en fonction desbalances commerciales entre nations.Ce systèmevise justement à rééquilibrercesbalancesdemanièreàcequ’iln’yaitpluscesdéséquilibresépoustouflantsquin’ontfaitques’amplifierdepuisl’introductiondeschangesflottants.

Lebutdubancorestdemettreenplaceunsystèmemonétaireinternationalparlequel les taux de changes entre monnaies ne flottent plus en fonction deschangements d’humeur des spéculateurs sur le Forex et arrêtent d’accroîtreannée après année lesdéséquilibres commerciauxentre lesgrandes régionsdumonde.Lebutdubancorestdefaireensortequelesgrandesrégionsdumondeparviennent à être en équilibre les unes par rapport aux autres et qu’aucunemonnaienationale(commeledollaractuellementoul’orparlepassé)neservede référence internationale et que son émetteur dispose ainsi d’un privilègeexorbitantparrapportauxautres.

Lebancorn’estpaspourautantlalibertémonétaire.LesÉtatsyparticipantnesont pas libres de modifier les parités monétaires selon leur bon vouloir oud’intervenir d’unemanière ou d’une autre. C’est la chambre de compensationqui émet les bancors et ajuste périodiquement et de manière automatique les

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paritésdesmonnaiesnationalesvisàvisdubancorenfonctiondesdéséquilibrescommerciaux de manière à tendre sur le long terme vers l’équilibre. Il s’agitd’uncadrestrict,pasdelibertémonétairepourlesÉtatsmembres.

La solution préconisée parKeynes est très intéressante,mais elle se heurte,malheureusement,àdenombreusesdifficultéspolitiques…etnotammentlerefusdesallemandsetdesaméricains.

Lecapitalismen'apas forcémentbesoindedéséquilibres, ilnesenourripasque de ça. Ce sont les nations qui, en privilégiant systématiquement l’intérêtnational sur l’intérêt commun, engendrent ces déséquilibres, les nationsexcédentaires,commel’Allemagne,n’ayantpasd’intérêtàvoirleursexcédentsdiminuer au profit des nations déficitaires. Voilà d’où provient la difficultépolitiqueàlamiseenplaced’unsystèmedutypebancor!

Conscients qu’une telle proposition a peu de chances d’êtremise en place,pour toutes sortes de raisons valides ou non, nous pouvons imaginer dessolutionsintermédiairesdanslesquellesplutôtqu’unechambredecompensationmondialeetunemonnaiecommunelesgouvernementsetlesbanquescentralesnationalesgarderaientunecertaineautonomie:çaseraitlecas,sinousutilisionsles DTS non pas comme monnaie commune émise par une banque centralemondiale, mais comme unité de comptes pour les transactions internationalesservantàunerévisionpériodiqueetnégociéeentreÉtatsdestauxdechanges,entenant compte des excédents ou des déficits commerciaux entre nationsenregistrésdanslapériodeprécédente.

Ainsi, une nation qui enregistrerait un excédent important verrait le taux dechange de sa monnaie être révisé à la hausse par rapport à celle d’un paysréalisantundéficitcommercialetainsidesuite,lalignedirectriceétanttoujoursderésorberlesdéséquilibrescommerciauxentrenations.

Soit dit en passant, une telle réforme du système monétaire internationalcorrespondàcellequelegouverneurdelaBanquecentraledeChineamisesurlatabledepuisplusdecinqans!

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De toute façon,àpartirdumomentoù l’on reconnaîtqu’ilestnécessairederéduire les déséquilibres commerciaux entre nations, ou groupes de nations(continentsourégionséconomiques),noussous-entendonsqu’ildoityavoiruneinstitution mondiale qui puisse acter au-dessus des nations pour résorber cesdéséquilibres.

Pendant les trente glorieuses, c’était le cas et cela a bien fonctionné. Leproblème avec Bretton Woods était que les changes étaient fixés et révisésrégulièrementparlesgouvernementsrespectifsparrapportaudollar(lui-mêmefixé à 1/35 or d’or). Or l’économiste Triffin a montré qu’un tel régime dechanges conduirait à son explosion, car le dollar n’était pas la monnaie dumonde,maisseulementdesÉtats-Unis.TantquelesUSAreprésentaientunepartprépondérantede l’activitémondiale, celapouvait convenir,mais forcément, àmesurequelapartdesUSAdansleséchangesmondiauxdiminuerait,unrégimede changes fixes par rapport au dollar finirait par capoter. Et c’est ce qui sepassa.Maisplutôtquededirequ’onallaitcontinuerde fixer lesmonnaiesparrapport à un étalon commun qui représenterait un panier de monnaies (typeDTS) qui n’aurait pas les défauts du système précédent,Nixon abandonna leschangesfixes(souslesconseilsdeM.Friedman)etpassaauxchangesflottants.

10.2LesystèmedeDavidson

Les travauxdeDavidson (1992 et 2001) sur la réformeduSMIoffrent unealternativeaubancor.IlsréactualisentlesdispositionsenvisagéesparKeynes,eninsistantsurlestransfertsinternationauxdecapitauxafindepromouvoirlebien-êtreglobal.Davidsonconçoit également la créationd'uneUnion internationalede compensation monétaire (UICM) dont le rôle serait d'être l'organismecomptableetderéservedesactifs.Chaquebanquecentrales'engageàgarantirlaconversion dans sa propre monnaie des dépôts dans l'UICM et à fournir lesdevisesnécessairesàsesbanquesetausecteurprivé.L'essentieldestransactionsinternationalesprivéesestcompenséentrelescomptesdesbanquescentralessurleslivresdel'UICM.Letauxdechangeentrelamonnaienationaleetl'UICMestfixéinitialementparchaquepays.Sonprojetviseàmobiliserl'épargnedespaysexcédentaires vers les pays déficitaires. Les crédits des pays excédentairesdoivent servir à financer des importations en provenance des autres paysappartenant à l'UICM, réaliser des nouveaux investissements directs chez ses

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partenaires ou faire des transferts unilatéraux (aide extérieure) aux paysdéficitaires.

Lastabilitéàlongtermedupouvoird'achatdel'UICMestbaséesurunpanierdebiensproduitsdanschaquepays.Cecirequiertunsystèmedetauxdechangefixe entre chaque monnaie nationale et l'UICM. Le taux de change peut êtremodifié seulement pour tenir compte des augmentations permanentes de laproductivitédutravail.Chaquebanquecentraleestainsiassuréedemaintenirlepouvoir d'achat de ses réserves en UICM, même si un autre pays permet undérapagedel'inflation.Unpaysquibénéficiedupleinemploi,maismaintientundéficit de son compte courant, ne dispose pas de la capacité productive pourmaintenir sonniveaudevie.Si lanationdéficitaireestpauvre, lespays richesdoivent transférer une partie de leur excédent commercial sous forme d'aide.Ceciéquivautàunimpôtnégatifsurlerevenudesménagespauvresdanslepaysqui jouit du plein emploi. Si le pays déficitaire est relativement riche, il doitréduireleséchangesavecsesprincipauxpartenairescommerciaux.Siledéficitde la balance des paiements devient chronique malgré un solde commercialpositif,lepayssubitunechargetrèslourdeduservicedeladette.L'UICMdoitalors promouvoir la négociation entre créditeur et débiteur afin d’allonger lespériodesde remboursement, réduire les chargesd'intérêts et annulerunepartiedeladette.Laréductionduservicedeladettedépendduniveaudesrevenusdupays débiteur par rapport à celui du créancier et de sa capacité d'accroître lerevenuréelparhabitant(Davidson,2001).

Cette mobilisation internationale de l'épargne réintroduit la proposition deKeynes d'un mécanisme d'ajustement des soldes commerciaux, dont laresponsabilitépouréliminerlesdéséquilibresincombeessentiellementauxpaysexcédentaires.Lecontrôledecapitauxestassurépar laconversionenmonnaienationaledesdépôtsdansl'UICMetparlafournituredesdevisesnécessairesauxéchangesparlesbanquescentrales.Danslecontextedeglobalisationfinancière,cette approche postkeynésienne a le mérite de souligner que ce mécanismed'ajustement,indépendammentd'unsystèmedetauxdechangefixe,variableoudecontrôledecapitaux,peut éviterunecrise internationalede liquidité etunedépressiongénéralisée(Suarez).

C’est donc une question de compromis. En guise de gouvernementéconomiquemondialnousavonsdesmarchésglobaliséstoutpuissants(quisont

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les seuls à décider vraiment des taux de changes et des politiquesmonétairespuisquel’émissionmonétaireestsousleurcontrôle)etnonunsystèmeoùilyaitun véritable gouvernement économique mondial capable de réguler cesquestionsmonétairesetdechanges.

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XI.Lesbanquescommerciales

11.1Ellesassurentàellesseules,lacréationmonétaireselonlavisiondominante

Avant 1971, c’étaient bien les pouvoirs publics (gouvernements et banquescentrales) qui contrôlaient et pouvaient limiter la création monétaire par lesbanques privées. Avec l’abandon de Bretton Woods, cette prérogative s'estinversée, les pouvoirs publics étant non seulement incapables de contrôler lacréation monétaire privée, mais asservis à celle-ci. Par « création monétairepublique », je ne veux pas dire que la création monétaire était uniquementl’affairedespouvoirspublics,maisquec’étaienteuxquilacontrôlaient.Depuisl’abandondeBrettonWoods, lespouvoirspublicsn’ont jamaisétécapablesdecontrôlerquoiquecesoit.

C’estexclusivementlademandedecréditetlasolvabilitédesemprunteurstelsqu’estimésparlesbanquescommercialesquidéterminentlamassemonétaireetnon pas la création monétaire par les banques centrales. L’important c’est dedifférencierunsystèmeoùcesontlesbanquescommercialesquisontasserviesauxdécisionsdespouvoirspublics,d’unsystèmeoùc’estexactementl’opposé.

Cependant,unebanquecommerciale(ousecondaire)n’apasunecapacitédeprêtinfinie.

Pourunebanquedonnée(ensupposantqu’ellenesoitpaselle-mêmedansunesituation critique d’insolvabilité, ce qui il est vrai, a tendance à être le casactuellementpourunnombregrandissantdebanquesquisesontgavéesd’actifstoxiques par le passé et qui refusent de les valoriser à un niveau autre quefantaisiste depuis qu’on leur a donné cette possibilité) le principal facteur quilimite sa capacité de prêt, c’est la demande de crédit de la part de clientssolvables et pour des projets dont elle estime pouvoir évaluer le risque et leprendre.

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Vuquecettedemandesolvableestloind’êtreinfinie(contrairementàcequepensent certains néokeynésiens qui croient que nos sociétés occidentales nepeuventjamaisêtresurendettées),lacapacitédeprêtdesbanquesestloind’êtreinfinie et il est fort probable que nous ayons d’ores et déjà atteint ce seuil desurendettement (dettes publiques+privéesdespaysde l’OCDE>350%)par-delàduquel lacroissancede l’endettementnepeut,aumieux,qu’avoisiner0%durablementouêtrenégative.

Cequefaitunebanque,c’esttransformerdessourcesdefinancementquiontun coût (qui varie suivant sa source) et un termemoyen qui est généralementplutôtcourt,endesopérationsdefinancement,surlesquellesellesperçoiventunintérêt (qui varie suivant la durée de l’opération et le risque) ayant un termemoyenplutôtlong.

Unebanqueprêteenvironledoubledecequ’elleaendépôtdesautresclients.Lesautressourcesdefinancement(environlamoitié)sontlesfondspropres,lemarché interbancaire et les emprunts à long terme (obligataires et autres).Leschiffressontlessuivants:

Pourl’Eurozoneen2011:

Montantdesdépôtsdesrésidents:9000milliards.

Montantdesencoursdecréditauprèsdesrésidents:18000milliards

11.2.Laséparationdesbanques

Sinoustentonsdetrouverunecauseprincipaleenglobanttouteslesautresoupresque,nouspourrions citer l'organisationdu systèmemonétaire internationalactuel. Le SMI porte en lui la responsabilité des différences face à ladisponibilité de la monnaie (l'État n'aurait plus d'argent, nombre de citoyensassurémentnonplus..)qui faitquecertains sontpauvres,affamés,malades,au

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chômage, que les infrastructures sont dangereuses, la recherche en berne,l'éducation au rabais, la police pressurisée, la santé prise en otage, les guerresdéclarées, l'émigration sans limite, les investissements limités, les entreprisesbridées,lasécuritéprécaire....

Chris06écritlasuite.

Lesystèmemonétaireinternationalestlui-mêmecomposédetroissystèmes:

1. Le système de paiement, c’est-à-dire qui gère la monnaie ou l’échanged'argententrenoustous,quinouspermetderéglernosventesetachats,quecesoitsousformedebilletsetdepiècesoudetransfertélectroniquedebitsdanslesmémoires d’ordinateur, suite à l’utilisation des instruments de la monnaiescripturale(cartes,transfertsentousgenres,etc…).Cerôleestpartagéentrelesbanquescentralesetlesbanquesdedépôts.

2.Lesystèmedecrédit(definancementdesinvestissements)donts'occupelesbanquesdeprêtsetd'investissements.

3. Le système des taux de changes entre monnaies géré par l'offre et lademandededevises.

Denos jours lesbanquescommercialesfontofficedebanquesdedépôts,deprêts et d'investissement.Elles gèrent enmême temps le systèmede paiement(activitédedépôts)ainsiquelesystèmedecrédit(activitédeprêtsetdecréationmonétaire).Sil'undéraille,ledeuxièmesuit.

Beaucoupd'entrenousontentenduparlerduGlass-SteagallActquidistinguaitdeuxmétiersbancairesetlesdéclaraitincompatiblesquandilétaitenvigueur:

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•labanquedontl’activitéestcellededépôtsetdeprêts;

• la banque d’investissement, c’est-à-dire les opérations sur titres et valeursmobilières.

Est-cevraimentséparerlesbanquesdedépôtsdesbanquesd’investissementsqu’ilfautfaireouplutôtséparerlesystèmedepaiement(banquededépôts)dusystèmedefinancementparlecrédit(banquedeprêts)?

Dans le système actuel, ou du moins dans la vision dominante actuelle, ilexiste un lien (représenté par les banques commerciales) entre le système decrédit (qui permet le financement des projets) et le système de paiement quipermet la créationmonétaire et sans lequel l'économienepourrait fonctionner.L'undevapassansl'autre.L'argentsecréeuniquementlorsdelaréalisationd'uncréditbancaire.Ilfautromprecelienpourplusdesécurité.

Leseulservicepublicquinedoitjamaisfaillirc’estlesystèmedepaiementetc’est lui qui justifie pleinement le caractère de service public.C’est cela qu’ilfautséparerdetouteslesactivitésdefinancementetnepassecantonneràuneséparationentre lesbanquesdedépôtset lesbanquesd'investissementsdans lecadre d’un système à réserves fractionnaires (qui plus est avec des réservesminuscules) qui ne servira à rien et ne nous protégera absolument pas d’unefaillitesystémique.

Il nous fautdoncun systèmedepaiement (monnaie)public,maisqui soit àl’abridesmanipulationsdelapartdepoliticiensoubanquierscentrauxobnubiléspar des décisions électoralistes à court terme. Le rôle de la banque centraledevrait être de strictement produire la quantité de monnaie au rythme de laproduction(systèmenoninflationniste)etsoncorollairedansunsystèmeoùlaplusgrossepartiedelamonnaieestélectronique,lemaintienetl’administrationdusystèmedepaiement.

Après, le crédit et son prix, les taux d’intérêts devraient être déterminéslibrement,suivantl’offreetlademandedesagentséconomiques.

Il ne doit pas y avoir de garantie étatique des dépôts, tout d’abord tout le

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mondesaitqu’ilpeutarriverqu’unÉtatfassedéfautdonccettegarantienevautrien.Parcontreildoityavoirunegarantie,nonpasdel’État,puisqu’ilpeutfairedéfaut,maisdupeuplesouverain,lacollectivitédanssonsenslepluslarge,quelamonnaieetlesystèmedepaiementpourronttoujoursfonctionner,c’est-à-direunrisquedeblocageégalàzéro.Doncilfautséparerlamonnaieetlesystèmede paiement, qui doivent être contrôlés par le peuple souverain et ne jamaisfaillir,dusystèmedecrédit(etdemanièreplusgénéraledefinancement).Levraidébatsesituedoncplutôtsurlaquestiondesavoirs’ilfautcontinuer

avec le système à réserves fractionnaires ou bien passer à un système 100%monnaiedontnousallonsparler.

Parcequelevéritable«risquesystémique»,celuiqu’ilfautàtoutprixéviter,c’est que notre monnaie et notre système de paiement soient bloqués et nefonctionnentplus.

Ilesttrèsprobablecependantquelesgrandsactionnairesetlespolitiquesaveceux,préférerontchangerlesystèmemonétaire,rétablirunecontrepartiephysiqueplutôt que de risquer une explosion du système monétaire et le blocage dusystèmedepaiement.Carnossociétésn’ysurvivraientpas.«Jeséparerailesactivitésdesbanquesquisontutilesàl’investissementetà

l’emploi, de leurs opérations spéculatives. » disait Hollande pendant sacampagnede2012.

Il était évident queHollande n’avait pas l’intention de tenir cette promessepuisqu’elle est intenable. Tant qu’on n’aura pas compris que toute opérationd’investissementcomprend,parsanaturemême,unepartspéculativequiluiestindissociable(àmoinsdefixertouslesprix,maisalorsnousdevonsabandonnerle cadre, c’est-à-dire l’économie de marchés), nous continuerons à croire cegenredepromessedémagogiquedecertainspoliticiens.

Les banques de dépôts, même si elles sont séparées physiquement etjuridiquementdu“reste”,c’est-à-diredesbanquesd’affairesetdesbanquesdel’ombre(ShadowBanks),serontquandmêmeaffectéespar lesrisquesprisparce “reste”, car ces banques de dépôts auront pour actifs des dettes (prêts auxménages,entreprises,administrationspubliques)dontlestauxd’intérêts,c’est-à-dire l’appréciation du risque, sont déterminés par des marchés sur lesquelsinterviennentlesbanquesd’affairesetlesbanquesdel’ombre.

Commeenplusce“reste”aurauneffetdeleviernettementsupérieuràcelui

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desbanquesdedépôts,latransmissiondurisquedel’unsurl’autre,quiseferavia les marchés des taux, des repos, des marchés monétaires, sera tout aussieffectiveques'iln’yavaitpaseuséparation.

À moins d’avoir des banques de dépôts qui ne prennent strictement aucunrisque,c’est-à-diredes“coffreforts”quinefontpasdecrédit,oubiendepasserà un système monétaire complètement différent, à 100 % de réserve, il estimpossible d’éviter la transmission du risque du “reste” vers les banques dedépôts.

Laséparationnepermetpasdedistinguerlanaturedesrisques.

Dansuneéconomiedemarché,leprixdesactifs,c’est-à-direl’évaluationdesrisques, est déterminé par les marchés. Le fait de scinder les banques nechangera strictement rien audegréde spéculation sur lesmarchés, c’est-à-direles prix demarché et l’évaluation des risques des actifs. Les actifs qui serontdétenus par les banques de dépôts verront leurs prix (correspondant àl’évaluation des risques) impactés par la spéculation de la part des banquesd’affaires et des shadow banks (hedge funds et tous les différents fonds)exactementdelamêmemanièreavecousansséparation.

CertainsdisentquelafaillitedeLehmandémontrequelesbanquesdemarchésont très dangereuses.Lehmandémontre surtout quemêmequandunebanqueest séparée physiquement et juridiquement du reste, même quand elle estspécialisée comme banque d’affaires, si sa taille est systémique, sa faillitecontamineratoutlereste.D'autresaccusentleprincipedetitrisationetrappellentaussi que les subprimes n’auraient quasiment jamais existé sans la sphèrefinancière qui a titrisé les crédits, faisant croire au profitmiracle, sans risque,maisà forte rentabilité.C’est toutsimplement faux,comme l’ontdémontré lescaisses d’épargne espagnoles qui ont été les premières à financer la bulleimmobilièreenEspagneetquin’ontpourtantpastitrisélescrédits.

C’estbienlàlecœurduproblèmeettantqu’onn’aurapascomprisquec’estleprincipemême du crédit hypothécaire qui est vicié (qu’il soit ou non titrisé),nousnepourronspasavancerdanscedébat.

Alors nous pouvons séparer banques de dépôts et banques d’affaires, lesactivitésdecréditlambdadesactivitésdemarché,maistantquelesbanquesde

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dépôtsferontdescréditshypothécairesauxménagesenpensantquelesprixdeslogementspeuventmonterjusqu’aucieletàdestauxd’intérêtsquinereflètentabsolumentpaslerisqueréeld’untelcrédit,cegenredeséparationneserviraàrien.

Leséconomistesmainstreamn’ontpas intégré l’existencedesshadowbanksdansleursmodèlesetlaplupartsontlesmêmesquin’avaientpasprévulacrise,car ils se refusent toujours à regarder les fluxde fonds (flowof fundsmodel)pourcomprendrecommentfonctionneréellementlesystèmefinancier.

Quant aux banques, elles s’opposent à la diminution de leur périmètred’activités,celan’ariendetrèssurprenant!

LafaillitedeParibasimpacteraBNPmêmeaprèsscissionetl’entraîneraàlafaillitede lamêmemanièreque la faillitedeBearSternsetdeLehmanaplusqu’impactécellesdepresque toutes lesgrandesbanquesmondiales (Citigroup,JP Morgan, Bank of America, BNP Paribas, Société Générale, ainsi que lesbanquesdedépôtscommeNorthernRocket lescajasespagnoles).EtpourtantLehmanetBearSternsétaientdesbanquesd’affairesséparéesjuridiquementetphysiquementdetoutescesautresbanques.

Pour info,nouspouvons lirecetarticledezerohedge : rienqu’auxUSA, lesshadowbanks c’est $15000milliards spéculant sur lesmarchés des repos, desmoneymarketmutualfunds,desMBS,desCDO,desABS,touscesrisquessetransmettentbienentenduauxrisquesdesprêtsbancaires,qu’ilyaitscissionounon.

Demême, la scission qui était pourtant en vigueur auxÉtats-Unis jusqu’en1999n’aenrienempêchélafaillitedesSavingsandLoansen1987,quiétaientdesbanquesdedépôts.Lesmêmesmécanismesétaientdéjàenplace,saufquelesbanquesd’affaireset les shadowbanksgéraientdes fondsbeaucoupmoinsgrandsqu’aujourd’huietl’effetdecettecrisefutbienmoindrequ’en2008.Maisc’étaitavant-coureuretcelaauraitdû,déjà,nousalertersur lesrisquesque lesfondsspéculatifsfontpesersurlesbanquesdedépôtsvialesmarchés.

Concrètement, la transmission du risque s’est faite via les marchésinterbancaireset lesdettespubliquesquiontvuleurstauxmonterenflèche,et

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donclesportefeuillesdecréancesdétenuesparsesbanques(prêtsauxménages,entreprisesetadministrationspubliques)ontvuleurvaleurcomptablebaisserenflèche et cela a entraîné une quasi-faillite non seulement du secteur bancaire,maisaussidel’assureurAIG.

Ilestvraique ledéveloppement fulgurantduShadowBankingdepuis la findesannées1980aentraînéuneopacitécroissantedusecteur financier,mais lascissiondesbanquesnepermettrapasderéduirel’influenceduShadowBanking(qui au passage est toujours savamment ignoré par nos économistes-en-chefnéokeynésiensetmonétaristespuisqu’iln’existaitpratiquementpasquandilsontdéveloppéleursthéoriesetontfaitleursclasses),niderestaurerlatransparenceetlajustice.

Le principe même du Shadow Banking et des marchés OTC (Over TheCounter), c’est qu’ils échappent à tout contrôle et ce n’est pas en séparant lesbanquesd’affairesdesbanquesdedépôtsquecelachangeraquelquechose…

La scission bancaire ne diminue absolument pas l’influence des ShadowBanks. Pour cela il faudrait pouvoir stopper les marchés OTC des produitsdérivésetmettreenplaceunsystèmedetraçabilitéélectroniquedesfondsetdestransactions.

Iln'existepasunebarrièreétancheentreleShadowBankingetlesbanquesdedépôts. Le Shadow Banking n’est pas alimenté par les dépôts. Une scissionbancairenepermettrapasdemettreunebarrièreétancheentrelesdeux,niqueles dépôts soient comme par miracle, protégés des risques induits par lesmarchésOTCdesproduitsdérivésqu’utilisentleShadowBanking.

Orlatransmissiondesrisquesdel’unversl’autre,j'insiste,nesefaitpasviades transferts de liquidités des dépôts vers le Shadow Banking, mais parl’influenceque lesmarchésOTCdesproduitsdérivés, des repos et desmonetmarketfunds,ontsurlesmarchésdestauxd’intérêtsdesactifslambdadétenusparlesbanquesdedépôts.

Vu que ce sont les marchés des taux d’intérêts (obligations privées etpubliques), et les marchés monétaires qui servent de référence pour les prêtsbancaires,latransmissiondurisqueprisparlesbanquesd’affairesetlesshadowbanksseferaqu’ilyaitscissionounon.

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XII.Commentluttercontrelesinégalités?

Robert Reich le dit ainsi : « Je crois que les élites fortunées découvrirontqu’elles ont tout intérêt à appuyer des réformes qui élargissent le cercle de laprospérité,etcepourdeuxraisonssimples:premièrementellesonttoutàgagneràposséderunepartmoinsimportanted’uneéconomiedontlacroissanceestplusrapide, plutôt qu’une part importante, comme c’est le cas actuellement, d’uneéconomiedontlacroissanceestanémique;ensuiteellesonttoutàgagnerd’unesociétéstablequigénèredesdéveloppementspolitiquesrelativementprévisibleset toutàperdred’unesociété instableetnettementpolarisée.Laquestion,biensûr,c’estdesavoirquandetcommentcesélitesferontcettedécouverte».

Dans les temps anciens les riches étaient obligés de faire des fêtes… s'ilsvoulaientdépenserleurargentetquecelui-cicircule...

Voici les principales pistes plusmodernes pour lutter contre les différencesfaceà ladisponibilitéde lamonnaie, lesdifférencesderichesses, lesécartsderichesses.

Mais la première d'entre-elles et certainement la principale est peut-êtred'épouserlavisionpost-keynésiennedusystèmemonétaire.

Je ne développerai pas toutes ces propositions qui pourraient chacune fairel'objetd'unlivreetquiseraientassurémentlessujetsàdiscuterafindefairedeschoix.

12.1.Luttercontrela«capturedesrégulateurs»

Delamêmefaçonquejen'inventeriendanscelivrepuisquetoutàdéjàétéditet écrit, le problème majeur est l'échec des régulations, déjà imaginées, déjàdécidées,mais jamaisentreprises jusqu'àce jourpardes régulateursqui furenttoujours « capturés » financièrement ou moralement dans l'Histoire par lesrégulés.

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Unesolutionpourraitêtrecesassembléesconstituantespopulairesafind'écrireune nouvelle constitution par nous-mêmes. Le sujet est déjà travaillé par laFranceInsoumise,parégalementÉtienneChouardetd'autresencore.Lepeupledoitêtresouverainencontinu,pasqu'unefoistousles5ans.

Les groupes de pression et les conflits d’intérêts de toutes sortes existentdepuisdessièclesetn’ontcessédecroîtreeninfluenceavecletempsàmesurequelespagesderégulationaugmentaientparmilliersetdanstouslesdomaines.C’est le problème de capture du régulateur par les régulés (« Regulatorycapture»enanglais).Ce ne sont pas les marchés qui dirigent la politique, mais les groupes de

pression et les conflits d’intérêts de toutes sortes et dans tous les domainesfinanciers,industriels,technologiques,services,etc…etdepuisbienlongtemps.AudiscoursdevantlapresseetlecongrèsdesÉtats-Unis,leprésidentWilson

en1913déclaraitdéjà:«LegouvernementdesÉtats-Unisestd'oresetdéjàbelestbiencapturéparlesintérêtsparticuliersdesgrandshommesd'affaires».

Chris06ajoute:Cen'estpasàunsimplebureaucratenonélu(delaBCE),dedécider de l'avenir dumodèle social européen.Où étaient ces bureaucrates en2009,quandlesofficielsaméricainsréclamaientdelapartdeleurshomologueseuropéensqu'ilsenfassentplusenmatièredestimulusetqu'illeurfutréponduquenos systèmesdeprotection sociale (ceuxquecesbureaucrates enterrent sivite)acteraientcommedesstabilisateurséconomiquesetquenousavionsdoncmoinsbesoindestimulerl'économieeuropéennequ'auxUSA?Etc'estd'ailleursexactement ce qui s'est passé et seul un aveugle, ou un ignorant, ou pire unhomme de mauvaise foi pourrait en conclure qu'il s'agit de démanteler nossystèmesdeprotection socialepour faire face à cette crisequi risquededurerlongtempsencore.

Les bureaucrates, n'ont pas d'arguments plus convaincants que de nous direque faire marche arrière sur les objectifs budgétaires serait provoquer uneréaction immédiatedumarché, les spread (écartsde tauxd'intérêts entrepays)souverainset lecoûtducréditvontaugmenter,alorsqu'ilssaventbienpuisqueils en sont les auteurs, la seule et unique raison pour laquelle les spread ont

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diminuésurlesmarchéssurlesdernièressemainestientaufaitqu'ilsontinjectédesliquiditéssuffisantesvialequantitativeeasing.Lesmarchéssecontre-fichentde savoir si les objectifs budgétaires seront réalisés, (qui peut croire qu'ils leseront ?), tout ce qu'ils veulent c'est que les bureaucrates leurs fassent lescadeaux nécessaires en leur donnant l'assurance qu'ils injecteront les quantitéssuffisantespourquemarchésneperdentpasd'argent.

La libéralisation financière, tant domestique qu’internationale, a permis lamultiplication d’une série d’innovations financières qui ont un temps semblédéfinir,auxÉtats-UniscommeauRoyaume-Uni,unrégimed’accumulationsansprécédenttiréparlecréditauxménages.Orcesinnovationspeuventsediffusertrèsrapidement,carleurprocessusdeproductionestimmatériel,doncavoirdesconséquencesmajeuressurlastabilitémacroéconomiquedufaitdesexternalitésqui les caractérisent. C’est le processus qui est intervenu pour les produitsdérivés du crédit hypothécaire. Ainsi, au-delà d’une typique crise de sur-accumulationdanslesecteurimmobilier, lagravitédelacriseaméricaine,puissadiffusioninternationale,tientaublocagesystémiquedel’évaluationfinancièreelle-même. C’est la conséquence d’une anti-division du travail au sein de lafinancequin’acesséd’externaliseretminorer le risqueen ledissimulantdansdesproduitsdeplusenplusésotériques.Cetteperteducontenuinformationnelduprixdesproduitsfinanciersexpliquelegeldestransactionsentrelesdiversesentitésde la finance et par ricochet ellebloque l’accès au crédit desménages,puis des firmes. S’ouvre donc une grande crise au sens de la théorie de larégulation,àl’issueincertaine.L’undesenjeuxn’estautrequel’institutiond’uncontrôledesinnovationsfinancièresparlacollectivité(Boyer).

Déléguer à des technocrates la rédaction des règles du jeu économique nepourrait se justifier que par l’existence d’un seul bon ensemble de règles,capabledepropulser tout lemondedansunemeilleuresituationque toutautreensemblederègles.Cen’estabsolumentpaslecas;cetteidéeestnonseulementfausse, mais dangereuse. À de rares exceptions près, il y a toujours desarbitrages.Leurexistencemêmesignifiequ’ilfautfairedeschoix.Cen’estqu’àtraverslesystèmepolitiquequ’onpeutlesfairecorrectement,etc’estpourquoiilestsiimportantderemédieraudéficitdémocratiquemondial.

Quandnousdépolitisonsleprocessusdeprisededécision,nousaboutissonsà

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desdécisionsnonreprésentativesdesintérêtsgénérauxdelasociété.Enretirantde laviepolitiquepublique lechoixdubon régimedepropriété intellectuelle,nousouvronslaporteàl’influencesecrèted’intérêtsparticuliers.

Lahaussedu tauxde chômagedégrade la situationdes travailleurs,mais labaissedel’inflationquienrésulteréjouitlesdétenteursd’obligations.Équilibrerces intérêts est une activité fondamentalement politique, mais les milieuxfinanciers ont tenté de dépolitiser la décision, de la confier à des technocratesayant mandat de suivre des politiques qui soient dans l’intérêt des marchésfinanciers.(Stiglitz)

12.2.Écartdesalairesde1à20maximumdansuneentreprise

Cettemesure,plussymboliquequ'autrechosenedoitpasmasquerlefaitquelesdifférencesfaceàladisponibilitédelamonnaienesontpasloindelà,quelerésultatdeladifférencedesalaireobservée,maisaussietsurtoutdeladifférencedesrevenusdupatrimoine.

Sinousparlonsbienicidelarépartitiondelamonnaie,c’est-à-diredecequipeut servir de moyen de paiement immédiat, c’est-à-dire les billets et lesmontantsqu'ilyasurlescomptesdedépôtàvue,nouspouvonsvoirleschosesainsi, les ultra riches (les 1%) concentrent, en France, une part importante dupatrimoinefinancier(c’est-à-direlepatrimoineexcluantlarésidenceprincipale)qui est de l'ordre de 30%. Mais, de manière générale, plus les gens ont unpatrimoine financier important, plus celui-ci est diversifié (titres mobiliers etimmobiliers, or, etc...) et moins grande est la proportion qui est gardée sousforme demonnaie, thésaurisée. Inversement, plus les gens sont démunis, plusgrandeestlaproportiondeleursavoirsfinancierssousformedemonnaie.Danslecasextrême,lesplusdémunisd'entrenousn'ontbiensouventpourtoutavoirfinancierquequelquesmaigresbilletsdebanqueetpiècesdemonnaiedansleurspoches.Lerésultatestqu'enfait,larépartitiondelamonnaie,aussiinégalesoitelle, l'est moins que le patrimoine financier et qu'en fait ce sont les classesintermédiairesquithésaurisentlamajoritédelaquantitédemonnaiedisponibleaujourlejour.

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12.3.Taxationà100%au-dessusd'uncertainseuilderevenu

(400000eurosannuels?)

12.4.Investirdansl'éducation,

sourcemajeurededifférencesfaceàladisponibilitédelamonnaie

12.5.Gratuitédesservicespublics

***

12.6.Salaireourevenuuniversel

Danslaboiteàoutilscontreladéflation(quicorrespondàunediminutiondelaquantitéd'argentdisponiblepourleséchangesetdoncàunebaissedesprix),les néokeynésiens ont trois outils pour que les ménages et les entreprisesaugmententleursdépenses,leséchangesetl'emploi.

Premieroutil:baisserlestauxd'intérêtafindepousserménagesetentreprisesàemprunteretàdépenser,c'esttenté(parfoismêmeavecdestauxnuls...),maiscela n'a pasmarché... Nous l'avons vu, cela a peu d'effet s'aperçoit la banquecentraledepuisquelquesannées,carcequicompte(danslavraieviedesgens)pouremprunter,c'estlasituationglobaledupaysetdesentreprisesetnonpaslestaux proposés...Quand ça allait bien tout le monde (les gens à l'aise surtout)empruntaitettantpissilestauxétaientélevés,quandçavamalbeaucoupmoins,mêmesilestauxsontbas...

Deuxièmeoutil : labanquecentraleprête (fabrique)de l'argentauxbanques

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secondaires (BNP, Société Générale, crédit agricole...) pour que ces dernièresprêtent à leurs tours : c'est cela que l'on nomme le quantitative easing(assouplissement quantitatif), mais cela n'a pas marché...Pour les mêmesraisons...

Troisième outil : si personne ne veut emprunter alors il faut leur donnerdirectementdel'argent,onappellecelalamonnaiehélicoptèrecommejetéed'unhélicoptère... Et cela peut s'appliquer par exemple par un revenu universel (àpartirdel'argentfabriquéparl'Étatsansachatsd'actifsencontrepartie),parl'Étatcommeemployeurendernier ressort (si lepleinemploin'estpasatteintetquedes possibilités de production sont présentes)... Cette dernière solution bienconnue depuis Friedman en 1969, est seulement médiatisée depuis quelquesmois.Auparavant,quiconqueenauraitparléseseraitfaittraiterdefou...

Auparavant encore et dans presque toutes les discussions, toute créationmonétaire devait forcément entraîner de l'inflation, ceci comme une loicardinale.Tousceuxquicomprenaientbienqu'enprésencedemain-d'œuvreetde capacités de production non exploitées, la création monétaire pouvait êtreréalisée sous certaines conditions sans inflation pour autant souffraient etsouffrent encoredenepas savoir expliciter avecprécisionquelle était alors lacontrainteàlacréationmonétaire.

Toujours est-il que cette soudaine médiatisation de la monnaie hélicoptère(après l'échecdesdeuxpremiersoutilsde laboite)permetenfinde relancer ledébat sur le revenu universel sans que le rideau tombe et coupe court à ladiscussionparcraintedel'inflationetdel'assistanat.

12.7.Reconsidérerlanotiond'héritage

L'héritageestundesfacteursquis'opposentàcequel'argentsoitredistribuédemanièrehomogène.

12.8.Changerdeparadigme

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12.8.1LeCapitalisme

La crise du fordisme aidant, des entrepreneurs économiques ont acheté desfranchises de péages (fiscales, douanières, tarifaires, sociales, etc...) à desentrepreneurs politiques, qui étaient de moins en moins d'anciens résistants,modernisateursdupays,etdeplusenplusdesénarquesfascinésparl'entreprise,voiredesavocatsd'affaire(Werrebrouck).

Enraisondesrapportsdeforcesexistantàcejourauseindel'édificesocial,leseffortsdestabilitéfavorisent,dansl'ordre,lesinvestisseursoucapitalistes,lesdirigeants d'entreprises ou patrons, au détriment des derniers : salariés outravailleurs(Jorion).

Kalecki avait expliqué cela avec une simplicité désarmante dans son article«PoliticalAspectsofFullEmployment»publiéen1943etilestsurprenantdedécouvrirsonanticipationdelabaissedestauxd'empruntsjusqu'àêtrenégatifsetdel'impôttransforméensubvention.

Lapolitiquedepleinemploipar ladépensedugouvernement entraînede lapartdes«capitainesd'industrie»uneoppositionsurtroisplans:

1.l'oppositiondeprincipecontreunedépensedugouvernementparundéficitbudgétaire,

2.l'oppositionàcettedépensequ'ellesoitdirigéeversl'investissementpublic(qui pourrait camoufler l'intrusion de l'État dans de nouveaux domainesd'activitéséconomiques)ouverslasubventiondelaconsommationdemasse,

3. l'oppositionaumaintiendupleinemploietnonà lasimplepréventiondecrisesprofondesetprolongées.

Lorsdelanouvellecrise,ilseraalorsnécessairederéduireencored'unepart,lestauxd'intérêtpourquelesentreprisesetlesménagescontinuentàemprunterpouréchanger,etd'autrepartlestauxd'impositionafintoujoursdepermettreleséchangesdebiensetservices.

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Ainsidansunfuturpassilointain,letauxd'intérêtdevraêtrenégatif(puisquemêmeavecdestauxprochesdezéro,lesempruntsn'augmententtoujourspas)etl'impôtsurlerevenudevraêtreremplacéparunesubventionaurevenupourquelesménagesencoreunefoispuissentcontinueràéchanger.

La même chose surviendrait si on tentait de maintenir le plein emploi enstimulant l'investissement privé : les taux d'intérêt et d'impôt sur le revenudevraientêtrecontinuellementréduits.

Subventionner la consommation de masse rencontre une opposition encoreplus virulente par ces experts que l'investissement public. Parce que là unprincipe«moral»delaplushauteimportanceestenjeu.Lesfondamentauxdel'éthiquecapitalisterequièrentque«Ondoitgagnersonpainà lasueurdesonfront»àmoinsqu'iladviennequevousdisposiezdemoyensprivés.

Lemaintiendupleinemploicauseraitdeschangementssociauxetpolitiquesquidonneraientunnouvelélanà l'oppositionauxchefsd'entreprises.Eneffet,sousunrégimedepleinemploipermanent,«êtreviré»cesseraitde jouersonrôle de mesure disciplinaire. La position sociale du patron serait minée et laconfianceainsiquelaconsciencedeclassechezlestravailleursaugmenteraient.Les grèves pour des augmentations de salaires et des améliorations desconditionsdetravailcréeraientdestensionspolitiques.

Ilestvraiquelesprofitsseraientplusélevéssousunrégimedepleinemploiqu'ilsnelesontenmoyennesouslelaissez-faire;etmêmel'augmentationdelapart des salaires résultant du pouvoir de négociation accru des travailleursréduira moins probablement les profits qu'il n'augmentera les prix, et ainsiaffectera négativement seulement les intérêts des rentiers.Mais la « disciplinedanslesusines»etla«stabilitépolitique»sontplusappréciéesquelesprofitspar les chefs d'entreprises. Leur instinct de classe leur dit qu'un plein emploidurableestmalsaindeleurpointdevue,etquelechômageestpartieintégranted'unsystèmecapitaliste«normal».(Kalecki)

Kaleckiproposaitl'investissementpublicfinancéparempruntcommemoyendepallierlescrises,lacréationd'emploisparlasubventiondelaconsommationetlemaintiendupleinemploi.

Les bons du Trésor drainent le liquide. Le but c'est de drainer, pour que

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l'argentsoittoujoursutiliséàfairedeséchanges.

On réduit les taux d’intérêt en cas de crise qui deviennent négatifs, et onbaisselesimpôtsjusqu'àlesremplacerpardessubventionsauxrevenus.

Kaldor résumait cette proposition dans un aphorisme célèbre : « lescapitalistes gagnent ce qu'ils dépensent, les travailleurs dépensent ce qu'ilsgagnent».

Pour Chris06, le problème fut et persiste de trouver la juste place de l'Étatdans la gouvernance de l'économie. Mais quelle que soit cette place, il estévidentqu'ilfautuncontre-pouvoiràl'État,cesontlescapitalistes.

Mais il faut aussi que le rapport de force État-capitalistes ne soit plusseulementenfaveurdescapitalistes.Ilfautrééquilibrerladonneenfournissantàl'Étatlacapacitédecontrôlerlacréationmonétaire,maisilfautlaisserlanotiondeprofitsetderisques,carc'estlaseulesolution.

Le reste ça donne n'importe quoi. Lisez l'impossibilité du calcul en modesocialisteparMises.Toutestdit,Marxadémontréquelecapitalismeexploseraitde lui-même par la diminution du taux de profit. Mises a démontrél'impossibilitéducalculsocialiste.Laseulesolution,c'estdefaireensortequelerapportdeforceentresocialismeetcapitalismesoitéquilibré.

Le capitalisme, c'est la propriété privée des moyens de production et lapossibilitédes'associerlibrement,àconditionderespecterlesrèglesenvigueur,pourentreprendreetgérercesmoyensdeproduction.D'ailleursaujourd'huinousne pouvons pas à proprement parler de capitalisme, mais d'économies mixtespuisqu'unepartiedesmoyensdeproductionsontprivés,uneautreestpublique

Lesocialismesedéfinitparuneéconomiepolitique(oumonétaire,c’est-à-direoùilyaspécialisationdutravailetdoncmultiplicationdeséchangesquasimentà l'infini par l'intermédiaire de l'argent) avec un système de prix basé sur lavaleur travail. C’est-à-dire où seul le travail est un facteur de production,contrairement à un système de prix basé sur l'utilité marginale où capital ettravail sont les facteurs de production, autrement dit où les prix dépendent del'offreetlademandesurdesmarchéslibres.Celanefonctionnevisiblementpas.

Construireunefédérationréellementdémocratiquedespaysdel'Eurozonequi

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partagentunemêmevisiond'unavenircommunoùlasolidarité,lacoopérationetlaprotectionsocialeneseraitpasdevainsmotsaulieudecetteantithèsedeladémocratie qu'est l'UnionEuropéenne, avec sa commission et son conseil nonélus qui ne cherchent qu'à détruire lemodèle social européen, ce n'est qu'unequestiondechoixpolitique.

C'estauxpeuplesdechoisircequ'ilsveulentpourleuraveniretpasàceuxquinousserventdeprésidentetleurcour,quineveulentrienlâcherdeleurspetitspouvoirs(Chris06).

12.8.2Larévolution?

Toutcequinouseffrayaitdusocialisme—perdrenosmaisons,nosépargnes,et être forcés de travailler pour un salaire minable sans avoir de pouvoirpolitique — s’est réalisé grâce au capitalisme (Bernie Sanders, candidatDémocrateàlaprésidentielledesÉtats-Unisen2016).

L'heure du choix historique qui s'offre à nous a sonné et plus nos chefs degouvernements en repousseront l'échéance plus les nationalismes d'extrêmedroites'exacerberontetc'estversdesguerrescivilesencascadedanslaplupartdesÉtatsetaufinaldesdictaturestotalitairespourrétablirl'ordrequenousnousdirigerons,sinousnestopponspasauplusviteleprocessusquiestenmarcheenfaisantmarcheraucontrairecequ'ilyadeplusnobleennous,lasolidaritéetlacoopérationentrelespeupleseuropéens.

Malheureusement, écrivait un internaute, les révolutions ne se produisentjamais quand les peuples sont à bout (sinonnombredepeuples l'auraient déjàfait),maisquanddesclassesémergentesenexpansion sontbloquéesdans leuraccèsaupouvoir…Oupourrésumerles«phénomènesrévolutionnaires»sonttoujours une résultante de lutte des places, jamais du désespoir des peuples,mêmesionpeutàl'occasionmanipulercedernierpourqu'ilbouge…

Un peu comme dans les entreprises autogérées, c'est toujours quandl'économiquevabien et qu'il faut se poser la question«quoi faire de tout cet

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argent » que les structures explosent, jamais quand nous faisons face àl'adversité,oùlasurviedulendemainn'estpasassurée…

Bref, je doute que même avec une aggravation de la crise nous ayons unchangement.Peut-êtredesémeutes,destroublessociaux,desactesdedésespoiretdecolère,unemontéedesextrémismesetmêmepossiblementunerésignationmortifère,maisunchangement,malheureusement,non.

Pour la révolution française, il s'agissait bien avant tout d'une révolutionbourgeoise, celle du tiers État qui a su manipuler le peuple pour prendre lepouvoir. La révolution russe n'était pas une révolution bourgeoise,mais elle atoutdemêmedonné lieuàune luttedesplacesetau remplacementd'uneéliteparuneautre(Chris06)

Certes,ilyabieneuquelquesexemplesderévoltesvéritablementpopulairescomme la commune de Paris ou en Catalogne par exemple,mais elles furenttoutes tuéesdansl'œuf justementparcequ'ellesn'étaientpasbaséessur la luttedesplaces,carprofondémentanarchistesdansleursaspirations.

C'estun faithistorique indéniableque toutes les révolutionsquiont réussiàrenverser le pouvoir en place et à perdurer ont toujours débouché sur leremplacementd'uneéliteparuneautre.

La servitude volontaire est à la base de toutes les civilisations depuis quel'hommes'estsédentariséetc'estbienplusqu'unerévolutionqu'ilfaudraitpourqueçachangevraiment.

Entouscas,cen'estcertainementpasdanslaFranced'aujourd'huiqu'ellevavoir le jour, pays où il y a une nettemajorité de personnes qui jouissent d'unprivilège,petitougrand,etquinesontpasprêtesàleperdre.

12.8.3Lesanti-capitalistes

L'utopie...estplutôtlibérale!!

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BernardFriotécrit :«pourmoi, l'échecduFrontdegauche,duNPAetdesanarchistes,delaCGT,deSolidaires,delaFSUetdelaCNT,unéchecquiduredepuisplusdetrenteansetquiconcerneaussiAttacouleséconomistesatterrés,vientdecequecesorganisationsn'assumentpaslesinstitutionsde1945danscequ'ellesontderévolutionnaire,àsavoirledébutd'uneautrepratiquedelavaleuréconomique(etdoncdutravail)quesapratiquecapitaliste:

•salaireàvieversusemploietmarchédutravail;

•propriétéd'usageversuspropriétélucrative;

•cotisation-salaireversuslecoupleimpôt-prévoyance;

•financementdel'investissementsanscréditversuslechantagedesprêteurs;

•mesuredelavaleurparlaqualificationduproducteurversussamesureparletempsdetravail.

Toutcelacommenceàsemettreenplaceentrelesannées1930etlesannées1960, et ce qui est alors en jeu, ce n'est pas un autre partagede« la valeur »supposée invariante (lavaleurd'échangecapitaliste),c'estuneautreproductionde valeur économique débarrassée de sa pratique capitaliste, c'est-à-dire desemployeursetdesactionnairesouprêteurs.

Tant que nous continuerons à nous battre pour « prendre l'argent dans lespochesdupatronat»oupourle«pleinemploi»oupourla«solidarité»avecles « victimes », autrement dit pour un capitalisme plus juste, nous seronsbattus.»

«Lemondediplomatique»s'interroge:faut-ilfairelacritiqueduthèmedelalutte contre les inégalités qui met l'accent sur les inégalités de fortunes et derevenus plutôt que sur le conflit central du capital et du travail et lescaractéristiques structurelles des sociétés qui sont au fond de toutes lesinégalités?

PourLordon(et)«Marx,lecapitalest toutautrechosequelarichesse,c'est

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un mode de production, c'est-à-dire un rapport social. Un rapport socialcomplexequi,aurapportmonétairedessimpleséconomiesmarchandes,ajoute(c'est le cœur de toute l'affaire) le rapport salarial, constitué autour de lapropriété privée des moyens de production, de la fantasmagorie juridique du«travailleurlibre»,individupourtantprivédetoutepossibilitédereproduireparlui-mêmesonexistencematérielle,par-làjetésurlemarchédutravail,forcépoursurvivre d'aller s'employer et de se soumettre à l'empire patronal, dans unerelationdesubordinationhiérarchique.

Onpeutbien répéter,avecconstanceque les inégalitéscroissentquandr (letaux de profit) est supérieur à g (le taux de croissance), Nous n'avons rienexpliquétantquenousn'avonspasdonnélesdéterminantsdutauxdeprofitetdutauxdecroissancepropresàchaquepériode.

Or chacune a les siens, qui dépendent de l'agencement particulier de sesstructures.Lequelestleproduitdeluttespolitiqueset,disonslemot,deluttesdeclasse.C'estparceque1936apréparéleterrain,parcequeleséliteslibéralesdesannées1920-1930ontétéliquidées,parcequelepatronats'estcouvertdehontedanslacollaboration,parcequeleParticommunistefrançaisestà25%etparceque l'URSS tient les capitalistes en respect que le lendemain de la secondeguerre mondiale voit un impressionnant mouvement de synchronisationinstitutionnelleau termeduquel lerapport (deforces)capital/travailbasculeenfaveur (relative) du second terme : contrôle serré des capitaux, réduction àcroupionde laBourse, concurrence internationalehautement régulée,politiqueéconomiqueorientéeverslacroissanceetl'emploi,dévaluationsrégulières,voilàcequifait lacroissanceà5%et lecapitalramené(deforce)àunpeuplusdedécence.Carvoilàlaquestiondécisive:quialamainsurlesinstitutionsetlesstructures?Quialepouvoirdelesfaire,oudelesrefairedansuncertainsens,sonsens?

Lelibre-échangeetsesdestructions?Latyranniedelavaleuractionnariale?C'estquelesinégalitésmonétairesontd'excellentespropriétéssouscerapport:ellespermettentdepassersoussilencelesautresinégalitésducapitalisme,cellesquin'ontriend'accidentel,quisontmêmetoutàfaitfondamentalesetenréalitéconstitutives:lesinégalitésproprementpolitiquesdelasoumissionhiérarchiquedanslerapportsalarial,cetteinégalitéprincepsquidécideque,dansl'entreprise,certains commandent et d'autres obéissent. À celle-là, aucun impôt, fût-ilmondial,nepourrajamaisrien.»(Lordon).

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Pour d'autre comme chris06, tant qu'on n'a pas compris pourquoi il estabsolumentessentielquelecapitalpuisseêtre,avecletravail,undesfacteursdeproduction,ilestclairquetoutleresten'aquepeud'importance.

Unautremondeexiste-t-il?Lequelsedemandechris06?Lemondequiexistec'estlemondequiexisteauprésent,non?Qu’unautremondesoitpossibledansl'avenir,biensûr,maislemondeasanscesseévolué,lemonded'aujourd'huiesttrèsdifférentd'ilya100ans,1000ans,10000anset il sembleassezévidentqu'àmoins qu'on finisse par nous auto-éradiquer sur cette planète, il en ira demêmedansl'avenir.

À la condition obligatoire, incontournable, d'en finir enfin avec lecapitalisme?

Certains sont convaincus que le capitalisme vamourir de sa bellemort. Lecapitalismepourtantatoujourssus'adapter(lecapitalismed'aujourd'huin'estpaslemêmequ'ilya50ansou100ans)etdéfendreses intérêtsquand ilsétaientmenacéspartouslesmoyenspossibles(ycomprisdeuxguerresmondialesetdesguerresciviles).Deplus,iln'ajamaisautantdominélaplanètequ'aujourd'huietiln'yaguèrequ'enFranceetquelquesautrespayseuropéensetsud-américainsque des mouvements anti-capitalistes existent et à part quelques très raresexceptions (Bolivie, Venezuela) représentent une infime proportion de lapopulation,toutauplus2%delapopulationauniveaumondial,contrairementàcequ'ilenétaitdanslapremièremoitiédusiècleetjusquedanslesannées1980.

Mais les anti-capitalistes nous disent, et ce depuis 150 ans, qu'il fautabsolument abolir toutes les formes de propriété privée des moyens deproduction pour pouvoir passer à un autremonde, sous-entendu, évidemment,meilleur.Or à chaque fois qu'on a tenté l'expérience, et ce dans de nombreuxpaysaucoursdescentdernièresannées,d'abolir touteslesformesdepropriétéprivéeetlalibertédes'associerpourentreprendre,iln'enapasrésultéunmondemeilleur,maispire.C'estd'ailleurspourcelaqu'aujourd'hui,misàpartdansdetrèsrarespayscitésouencorelaCoréeduNordetCuba,ilexisteàdesdegrésdivers,deséconomiesmixtesoùunepartieplusoumoinsgrandedesmoyensdeproductionsontprivés.

Après la chute du mur de Berlin, les mouvements anti-capitalistes sont

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devenusdeplus enplusmarginaux et ce aussi biendans les paysdéveloppés,qu'endéveloppement,etnotammentdanslespaysquiavaientététentés,ilfutuntempsd'abolir toutes les formesdepropriétéprivéedesmoyensdeproductioncommelesexpayscommunistes.

Jevoisdifficilement,dansuntelcontexte,commentconvaincrelemondequ'ilfailleabolirtouteslesformesdepropriétéprivéedesmoyensdeproductionpourpouvoir construire un monde meilleur. Personnellement, je pense que lecapitalismeetsurtoutleséconomiesmixtes,vontcontinueràévoluer,lesrèglesquirégissentcettepropriétéprivéeainsiquelesformesd'associationspourgérercesmoyens de production privés aussi ; et ce, comme c'est le cas depuis trèslongtemps.

Lecapitalismecontinuera à s'adapter, à changer les règles, l'architecturedessystèmesmonétairesetbancaires, à trouverdenouvellesparades, et c'est cettecapacitéàévolueretàs'adapteràunmondesanscesseenévolution,quienfaitunsystèmeextrêmementrésilient.

L'ensemble des règles qui régissent la propriété privée des moyens deproductionainsiqueleur interactionaveclesdomainespublics,c’est-à-direleséconomies mixtes et la forme du capitalisme dans cinquante ans seront sansdoutetrèsdifférentesdecequ'ellessontaujourd'hui,commecellesd'aujourd'huisonttrèsdifférentesdecequ'ellesétaientilyacinquanteans.

C'est dumoins l'hypothèse quime semble la plus probable, et certainementbeaucoup plus probable que le monde en finisse avec le capitalisme commecertainslesuggèrent.(Chris06)

Pourcertains(commeGomez),leprincipegénéralestlesuivant:iln'yapasde moyens plus efficaces et rigoureux d'allouer les ressources rares d'uneéconomie que l'utilisation des mécanismes de marché. Le marché est unemachineàcollecteretàdigérerdesinformationsfourniespartouslesindividusen vue d'ajuster la production à leurs besoins de la manière la plus efficacecomptetenudescontraintesderessources.Cecidit,ilyadespointsàexaminer,carilyadesproblèmesd'applicationdu

principegénéral:• Il faut que tous les coûts (et les bénéfices) soient bienpris en compte (les

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externalités). Par exemple, la consommation des ressources écologiquesn'estpassuffisammentpriseencompted'oùdesgaspillageséhontés

•lacréationmonétaireestunproblème,carelledonneàdesagentsunpouvoird'achat qui ne correspond à aucun revenu gagné (et donc qui n'est pas lerésultatd'uneproductionpréalable)

•Ilfautqu'aucunproducteurnepuisses'approprierdesgainsdemonopoleetquelesproducteursnepuissentpass'organiserpourtirerdesprofitsillicitesaudétrimentdesconsommateurs(cequin'estpassimpleavec la tendancedesconsommateursàse focalisersurcertainesmarquesquipeuvent raflerdespartsénormesdemarché,jepenseàAppleparexemple)

•lesprixquirésultentdeséquilibresdemarchéetquipermettentqu'iln'yaitplusd'offresoudedemandesnonsatisfaitesàceprixpeuventnepasêtreéthiquement admissibles. Il s'agit bien sûr dans ce cas du salaire d'où lapropositiondeslibéraux,commeFriedman,defixerunrevenuminimumetnonun salaireminimumenoffrantdes indemnités compensatoires à ceuxquinepourraients'employerqu'àunsalaireinférieuraurevenuminimum.

•Dans l'échange international, le respect des mécanismes de marché et leprincipedeconcurrencenedoitpasconduireàfairen'importequoi(Laisserfairisme) : il faut, par exemple, un système de taux change qui assure laparitédespouvoirsd'achatentrelesmonnaies.

Dèsquel'onauncadregénéral...etdesidéesclaires, ilestpossibledeposerlesvéritablesproblèmesetderechercherdessolutions.Sinon....c'estledélireetles pseudo-raisonnements humanistes qui ne débouchent sur rien que sur unelogomachieinsupportable».Nouslevoyons,tousnesontpasd'accord.

Gomezencore:«Jevoisquenoscheminsdivergentdutoutautoutetilyatropdegénéralisationsoutrancières,dethéories/lecturesmalassimilées,defaitsmal interprétés pour que l'on puisse espérer trouver un terrain d'entente enquelques lignes. Après l'effondrement de tous les régimes socialistes dans lemonde(horsCoréeduNordetCuba),ilmeparaitaberrantquel'onpuissecroirequetouslesproblèmesseraientrésoluspar.....Maisquoiaujuste?...desappelsincantatoires à un État Providence, protecteur, régulateur... La France, un Étatlibéral?AlorsquelapartdesdépensespubliquesdanslePIBdoitêtrel'ordrede52/53%.C'estunegaléjade.

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Tout ce que nous pouvons dire maintenant en quelques mots, c'est que lasociété ne peut au mieux que veiller à ce que chacun ait quelque chance departiciper à l'aventure pour tenter d'exprimer ses potentialités et qu'il lui fautlaisserlesgagnantsdesesinclinationsémergerdelamassetoutenévitantqu'ilsnegénèrenttropd'effetspervers».

Chris06 ajoute : le passé ne préjuge pas de l'avenir, mais cela reste àdémontrer qu'une société complexe (spécialisation du travail et multiplicationdes échanges) et organisée puisse se défaire de la servitude volontaire et bâtirunesociétéréellementanarchiste.Maisforceestdeconstaterquelemouvementlibertaire,obsédépar la révolutionquine saurait tarder,n'a fait, enmatièredethéorieéconomique,aucunprogrèsréeldepuisProudhon,voiremêmepoursescourants utopistes a considérablement régressé (visions communautaires etretouràdesproblématiquesd'économiedomestiqueobsolètes).

Lesgrandesrévolutionsonttoujoursétébaséessurtoutuntravailconceptuelen économie-politique et philosophique préalable (que cela soit la philosophiedes lumières et le libéralisme à la fin du XVIIIe ou le marxisme à la fin duXIXe) et c'est bien cela qui manque aujourd'hui : c'est plutôt la failliteintellectuelleàgauche!

Lesgensnevontpasabandonnerlesystèmeactueljustepourlapromessed'unmondemeilleur,carl'enferestpavédebonnesintentions.

12.8.4Changerlesystèmemonétaireinternational(Chris06)

Nous l'avons déjà évoqué,mais résumons : vu que les prix sont déterminésdansuneunitédecompte,lamonnaie,quielle-mêmesertpourleséchanges,ilestabsolumentessentielquecettemonnaie,ouplutôtcesmonnaies,quiformentensemble un système monétaire international, c’est-à-dire le système depaiement des échanges de biens et de services au niveau mondial soit enadéquationaveclaproductionderichessesréelles.Ilfautaussiquelestauxdechangesentrelesdifférentesmonnaiespermettentd'équilibrer,surlelongterme,lesbalancescommercialesdesdifférentsmembresdusystème.

Or c'est bien là où le bât blesse, nous avons mis en place depuis 1971 un

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système monétaire international totalement aberrant. Celui des monnaies deréservefiduciaires,c’est-à-direbaséessurlaconfiancenousl'avionsvu,etnonplus adossées à une quantité d'or ; et flottantes. Ce système présente lescaractéristiquesviciéessuivantes:

• toutes lesmonnaiesn'yparticipentpas,mais seules lesmonnaiesditesderéserve;

• il existeunemonnaienationalehyperdominante, ledollar,qui représentecertes plus de deux tiers des réserves et 85% de tous les échangesinternationaux(chiffrerécentdelaBRI).CommeRobertTriffinavaitdéjàexpliqué en 1960, aucune monnaie nationale ne peut servir d'étalonmonétaireàmoinsquecettenationnereprésentelamajeurepartieduPIBmondial;

• les banques centrales peuventmanipuler le cours de leurmonnaie par lacréationmonétairequineleurcoûterienpuisquelesmonnaiesn'ontplusdecontrepartiephysique(orouautrechose);

• les banques privées peuvent elles-mêmes fabriquer de la monnaie enconcédant un crédit et ne doivent garder en réserve qu'une fractionminimaledesdépôts;

•lamassemonétairemondiale,c’est-à-direM1(dollar,euro,livre,yen)acruàunrythmetroisfoisplusrapidequelarichesseréellecréée;

• les déséquilibres des balances commerciales, loin de tendre vers unminimum,nefontqu'augmenter;

•cesystèmeestdevenuhautementinstableetpeutexploseràtoutmoment.

Commentvoulez-vousquelesystèmedeprix,laloidel'offreetlademande,fonctionne correctement quand les unités de compte dans lesquels ils sontdéterminés sont aussi facilement manipulables ? C'est tout simplementimpossible.

Nous ne sommes plus dans une économie de marchés, mais dans uneéconomie entièrement dirigée par des banquiers centraux qui se livrent à une

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guerredesmonnaiesaussistupidequecontre-productive.Lesprixdesbiensetdesactifsn'ontplusaucunerelationavecleurvaleurfondamentale(quecelasoitl'immobilier, les actions, les obligations, les matières premières). Les tauxd'intérêts sont entièrement manipulés par les banquiers centraux. Dans cesconditions,ilsembleévidentquelePIBnemesureplusrienderéel!

Il est urgent de changer l'architecture du système monétaire et bancairemondialavantqu'ilnesoittroptard,carsinonc'esttoutlesystèmedepaiement,c’est-à-diretoutel'économie,quis'arrêtera.Nossociétésn'ysurvivraientpas.

L'idéologie de l'école autrichienne (Carl Menger, Ludwig Von Mises,Friedrich Von Hayek, Murray Rothbard) est cohérente avec le principe del'économiebaséesurlamonnaie.

Dans une économie basée sur la monnaie, ce qui donne de la valeur auxproduits et aux services, c'est leur rareté : plus un produit, une ressource, unecompétenceestrare,pluselleauradevaleurmarchande;pluselleestabondante,moinselleauradevaleurmarchande.

Donc, il est logique, dans pareil système, de rendre également rare ... laquantitédemonnaiedisponible.Parconséquent,eneffet,l'écoleautrichienneestlogiquelorsqu'ellepréconisederendrerarelaquantitéd'argentdisponible,afindeluiconserversavaleur.Celanesignifietoutefoisnullementquec'estunbonsystème qui servirait l'intérêt des peuples. Si l'on analyse le système sur cettebase(l'intérêtsupérieurdespeuplesetdescitoyens),onnepeutqu'enarriveràlaconclusionquecesystèmeestleplusmauvaisdessystèmes!

Pourquoi?Parcequelesystèmed'économiemonétaireconsiste,infine(c'est-à-dire dans la logique absolue prônée par l'école autrichienne) à créer(artificiellement)lapénurieetàgérercelle-ci,auseulbénéficed'unetrèspetiteminorité qui s'est approprié lamajeurepartie des ressourcesdisponibles sur laplanète à son profit. Ce système d'économie fondée sur la monnaie entraîneinévitablement la compétition, la concurrence et la pénurie, puisqu'il doit nejamaisyenavoirassezpourtous(s'ilyaassezpourtous,alorsleschosesn'ontplusdevaleuretl'argentn'aplusd'intérêt).

Ce système a sans doute eu sa raison d'être, il y a encore un, voire deux

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siècles, mais à présent que le monde est « fini », que les connaissancesscientifiques et techniquespermettent degérer l'ensembledes ressources de laplanète, ce système est devenu non seulement inefficace et obsolète, mais aucontraire,lacausefondamentaledetoutcequiclochedanscemonde.

Ilseraitplusquetempsdesongeràuntoutautresystème,unsystèmeencorejamais vu par le passé. Une économie basée sur le partage équitable desressources de la planète, celles-ci étant préalablement reconnue héritage etpatrimoinecommundetouslesêtresvivantsurlaTerre.(Chris06)

12.9.Comprendreladetteetlesdéficitspublics

Ilyaunecrise?Ilyadesmillionsdechômeurs?Ilyaundéficitdel’Étatquenousnesavonspasrésorber?Ilfautinvestirdanslatransitionécologique?

Nousavonslasolution,touscesproblèmessontrésolusd’uncoup!Labanquecentraleaunetouchemagiquesursonordinateur,ellepeut imprimerautantdebillets qu’elle veut, gratuitement et sans aucun effort. Voilà comment onprocède:

1.l'Étatembauchetousleschômeurs;

2.l'Étatleurdemandederénoveretisolertousleslogements,poserpompesàchaleur,panneaux solaires, systèmesde récupérationdeseauxdepluies, etc…S’ilfautlesformer,pasdeproblème,ilembaucheaussitouslesformateurs.Aupassage,toutcelaestunservicetotalementgratuitdelapartdugénéreuxÉtat;

3. la banque centrale utilise la touche magique pour créer tout l’argentnécessairepour faire le2et l’envoiedirectementauxÉtatspour financer leursdéficitspublics,surtoutsanspasserparcesaffreuxbanquierspournepasqu’ilsseserventaupassage;

4. ainsi, cette touche magique permet naturellement de payer les chômeursdevenusinstallateursetrénovateurs,lesformateurs,lesfournisseurs(aupassage,vousnoterezquecommecesontdesdépensespubliques,certainsicivousdirontque c’est parfait pour le reste de l’économie : la croissance est de retour, leschômeursmaintenantemployésvontaussiconsommer,achetertouslesproduits

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dontilsbesoin,baguettesdepain,c’estbonpourlesboulangers,lesmarchandsde saucisson, les fabricants d’automobiles, etc… Cela stimule la demande etfavoriselacroissance.

Ethop,commevouspouvezlevoirparcettebrillantedémonstration,tousnosproblèmessontrésolusgrâceauxmiraclesdelatouchemagique!

Plus de crise, plus de chômeurs, la transition écologique derrière nous, ledéficitpublicons’enfiche!

Desmilliersdemilliardsdedollarsontétéfabriqués(parlesQE)etdépenséspourfreinerlachutedelacroissancedeséchanges.Touslesnéokeynésiensvontrépondrequec’esttrèsbiencommecela,iln'yaqu’àcontinuer,enpluscelanecoûtestrictementrien(40milliardsparmoisavecQE3pourêtreplusexact:à4000dollarsparmoisçaveutdirequ’onpeutpayerainsi10millionsdechômeurstouslesmoissansquecelanenouscoûtequoiquecesoit).

Quand je parle des néokeynésiens, c’est aussi tous les inflationnistes quicroientauxmiraclesdelacréationmonétairecommesolutionauxproblèmes.

Si cela ne marche pas, c’est qu’il faut reprendre la souveraineté monétaire(oui,jecroisbienquec’estl’expressionconsacréepartouslesinflationnistes).IlnefautpasquelaFEDoulaBCEimprimelesbilletsetlesenvoieauxbanques(c’est-à-diremonétisentladettepubliquevialemarchésecondaire)ouàl'État,ilfaut que les banques centrales les envoient directement aux chômeurs, parhélicoptèreoutouteautreméthode!

Tout iramieux...Laplancheàbillets, il fautbiensavoir l’utiliser,maisc’estgénialçapeutrésoudretousnosproblèmes!

Ceux qui parlent alors du risque d'hyperinflation, sont invités à revoir lesoriginesdel’inflation.Tantquelesindustriesserontensousproduction(commec’estlecasdepuislesannées1970),nousn'aurionsrienàcraindredel’inflation.C’estleraisonnementquetiennentlesnéokeynésiens.Onsedemanded’ailleursbienpourquoiilsselimitentà40milliardsdedollarsparmoisdeQE,pourquoipas100,oumême1000milliardsparmois, iln’yapasde risque,qu’ilsnousdisent,iln’yarienàcraindre.

C’est sûr, la perte de confiance irrémédiable en la monnaie, cela ne risque

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jamais d’arriver, continuons comme cela, accélérons le rythme de QE, rien àcraindrequ’onnousdit!

Alorsjeposecettequestion,s’iln’yaaucunrisque,pourquoiselimiterà40milliardsparmois?

Si cet extrait de chris06 (c'était de l'humour...) vous semble résumer monpropos,jemesuisbienmalexprimé...

Jevoulaissimplementdirequelamonnaiedansunpayssouverain,peutêtreconsidéréecommeunecréaturedel'Étatetnonpasforcémentunecréaturedesmarchés comme le comprennent la plupart des économistes actuels, enconsidérantl'argentcommeunemarchandise.

Àpartirdecetteinterprétation,nouspouvonsconsidérerleschosesainsi:unpays comprend trois agents économiques, l'État (qui est le secteur public), lesentreprisesetlesménages(quireprésententlesecteurprivé).

L'Étatàunbudgetprévisionnelauquels’ajoutentdesdépensesnonprévues.

L'Étatdépensedonc...

Àpartirdelà,plusieursfaçonsdevoirlesystèmesontpossibles.

1.Soitnousrestonssurlavisiontraditionnelleetlapluscourante:ilexisteàcejour,unemassed'argent,unequantitéd'argentdéjàexistante.Celle-ciestdanslesmains du secteur privé et du secteur public (l'État). Lamonnaie est crééequasiuniquementparlesbanquessecondaireslorsdescréditsbancairesaccordésauxagentséconomiques.

L'Étatpeutrécupérerdel'argentsoitparlestaxes(etessentiellementlaTVA),soit par les recettes éventuelles de ses entreprises publiques, soit enfin par laventededevisesoudesonpatrimoine.

Il parvient part les taxes et ses recettes à récupérer 93% de la somme del'argentdépensé.Ilprésentealorsundéficit(ladifférenceentresesdépenseset

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sesrecettes)d'environ7%.

L'Étatdoitemprunterladifférenceentrecesdépensesetsesrecettes(les7%)dans lamassemonétairemondialedéjàexistante.L'Étatestobligéd'empruntercar sinon, il n'a pas l'argent pour dépenser.Chaque nouvelle dépense doit êtrefinancée,c’est-à-direquel'argentquivaserviràladépenseprovientdequelquepart ;d’unemprunt,une taxeouencoreunecréationmonétaire.Cettedernièresolution doit être limitée sous peine d'inflation et est d'ailleurs interdite par laplupartdestraitésinternationaux.

Les États sont endettés et pour tenter de survivre financièrement etsocialement, se font une guerre économique, une guerre des monnaies, uneguerrefinancièreet,est-ceuneconséquenceouunecause,desguerresmilitairesetdesattentats.Danslemêmetempsuncertainbonsens,pourtantpassiévidentéconomiquement,pousselesÉtatsàcontraindreleursbudgetsetleursdépenses.

2.Soitnousconvenonsqu'ilexisteàcejour,unemassed'argent,unequantitéd'argentdéjàexistante.Celle-ciestuniquementdanslesmainsdusecteurprivé.L'Étatn'apasd'argentenstock,l'Étatn'ajamaisd'argent.

Pourautant,seull'État(souverain)parsabanquecentralefabriquelamonnaie,sa devise, c’est-à-dire l'argent que nous utilisons. L'État le fabrique à l'instantmême où la banque centrale inscrit le montant de la dépense de l'État sur lecompte bancaire privée de l'entreprise ou duménage à qui était destinée cettedépense publique. Les banques secondaires selon cette interprétation nefabriquent pas d'argent lors des crédits qu'elles accordent. Elles prêtent del'argent.Deuxfoisplusquecequ'ellespossèdent,carellessaventquetousleursclientsneleursdemanderontpasleurargentenmêmetemps.

LemêmeÉtatsouveraindisposeenplusdecesdépensesdirectes,dedifférentsmoyens pour moduler la masse monétaire par le truchement de sa banquecentrale. Il peut l'augmenter en achetant (avec de l'argent fabriqué pourl'occasion)de l'or,des titresoudesdevisesétrangères,enprenantdes titresenpension, en abaissant le niveau des réserves obligatoires des établissementsfinanciers.Ilpeutaucontraireenréduirelevolumeenrevendantcesproduits,enrestreignantlevolumedeceuxquisontprisenpension,ouenrelevantleniveaudesréservesobligatoires(Jorion).

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L'État n'a jamais réellement d'argent sur un compte. Il peut cependant enfabriquer(desbitssurunordinateur)àsaguise,quandilveut,oùilveutpourledépenser. Son problème vient plus tard, comment faire en sorte que l'argentinvestinecréepasd'inflation?

Toutemonnaienetientqueparlaconfiancequeceuxquil’épargnentpourrontl’échangerdanslefuturcontreunequantitédebiensetservicesquinediminueraquasiment pas chaque année.Donc que l’inflation annuelle restera faible. Carsinon personne ne chercherait à épargner dans cettemonnaiemais voudrait ladépenser le plus vite possible et l’échanger en bien et service le plus vitepossible.Si touslesdéposantssemettaientà tousvouloiréchangerrapidementles dépôts qu’ils ont en banque contre des biens et services car ils n’ont plusconfiance dans la capacité de cette monnaie à maintenir sa valeur, cecientraînerait une hyperinflation de lamonnaie et lamonnaie finirait par perdretoutesavaleur.

L'État souverain peut néanmoins dépenser ce qu'il veut, mais à l'uniqueconditiondeparveniràrécupérerunegrandepartielasommedépensée,pournelaisserdansleprivéqu'uneautrepetitepartiedelasommedépensée,afindenepas entraîner d'inflation trop importante. La somme récupérée peut êtreinterprétéecommedétruite(effacementdesbitsinformatiques).

Quellequesoitcettecontrainte,lesdépensesdel'Étatnesontpaslefruitd'uneponction sur la masse d'argent déjà existante. Cette dernière provient desdépensespubliquesde l'Étatdesannéespassées,etque l'Étatn'apas récupéré.C'estcettesommed'argent laissédansleprivéquelesbanquestententdefairecirculerparl'intermédiairedescréditsbancairesqu'ellesaccordent.

Mais l'État n'est pas obligé pour autant d'emprunter sur les marchés cettesommelaisséedanslesmainsduprivé.Cettedifférenceentrelesdépensesetlesrecettesdel'État(c’est-à-dire ledéficitpublic)nedoitpasobligatoirementêtrecomblée. L'État fabrique sa monnaie, sans forcément fabriquer une dette enmême temps, tout comme le banquier (central ?) au Monopoly distribue del'argentpourquelejeu(lavie)puissesefaire.

L'Étatnedoitrienàpersonne,etl'argentqu'ilpeutfabriquer(àpartirderien),peutaussin'êtreladettedepersonne.

Il peut parfois penser qu'il faut récupérer plus d'argent, et en laisser moinsdansleprivésil'inflationsefaitmenaçante.Ilaalorslechoixentretaxercette

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sommedétenueoul'emprunter(commeilfaitaujourd'hui),maisc'estunchoix,pasuneobligation.Maiss'ildécidede taxer,peut-êtrepeut-il taxerparmiceuxquiétaientprêtsàprêteràl'Étatcontreintérêt...Ouencores'organiserpourmieuxrépartirl'argentafinque5à10%delapopulationn'aitpastantd'argentàplacer.

L'État doit veiller à une plus grande égalité des revenus.Ce sont en grandepartie, les inégalités devant l'argent qui font que ceux qui en possèdent tropmettentdecôtédel'argentquinesertplusalorsàréaliserdeséchangesetdoncl'emploi.Et lagrandemajoritéquin'en apas asseznepeutpasnonplus fairecirculer l'argentpourleséchanges.L'État jugealorsnécessairepouraugmenterles échanges diminués par cet argent qui dort, d'augmenter les dépensespubliques(etledéficitpublic)pourcontrecarrerainsilesinégalitésderevenus.Aveclamêmesommed'argentdépenséemaismieuxventilée,mieuxrépartie,ledéficit public pourrait diminuer. D'une part cela voudrait dire que le privé arepris le relaisde lacirculationde lamonnaie (lamonnaiecirculeplusviteenétant plus souvent dépensée), et que les dépenses publiques pourraient doncdiminuer.D'autrepart,l'argentmieuxréparti,circuleraitplusviteaurythmedeséchanges, augmentant par les taxes sur ces échanges les recettes de l'État (leretourdel'argentversl'État).

Cette croyance en l'obligation, pour un État souverain (c'est différent d'unménage...) d'emprunter le montant de son déficit public est-elle une sorte decensuremoralequenousnousimposonspournepasfabriquertropd'argentparrapportaurisqued'inflation?

12.10.Organiserladéflation

***

12.11.Fiscalité

Undéveloppementparticulièrementintéressantestfaitsurlafiscalitécommemoyenderedistributionneremettantnullementencauselesstructuressociales

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profondes.AvecLordon,«commeuneconséquence logiquede la stratégiedel'évitement,lafiscalités'imposealorscommel'uniquelevierrésiduellorsqu'onaabandonné d'agir sur tout le reste. Disons les choses un peu rudement :démissionner de transformer les structures, c'est se condamner à passer laserpillière. Et la fiscalité n'a jamais été autre chose : la serpillière sociale-démocrate. Faute de toucher aux causes, tâchons au moins d'atténuer leseffets»…

Graebers'interrogesur«l'impôtprogressifqui(lui)sembletypiquedel'«èrekeynésienne»etdemécanismesredistributifsfondéssurdeshypothèsesdetauxde croissance qui ne semblent plus vraiment soutenables. Ces formes demécanismes de redistribution s'appuient sur des projections de hausse deproductivité,liéesauxhaussesdesalairesqui,historiquement,sesontproduitesenmêmetempsquelamiseenplacedepolitiquesfiscalesredistributives.Est-ceque ces politiques sont viables dans un contexte de faible croissance ? Avecquelseffetssociaux?».

Pikettyrépond:«lafaiblecroissancerendl'impôtsurlerevenuetl'impôtsurlesrichessesencoreplusdésirablescar,avecunefaiblecroissance,l'écartentreletauxderendementducapitaletletauxdecroissances'accroît.Durantlaplusgrandepartiedel'histoirehumaine, lacroissanceaétépresquenulle,et le tauxde rendement du capital était d'environ 5%.Quand le taux de croissance estd'environ5%,commeenEuropeaprèslaguerre,l'écartentrelesdeuxestdoncfaible.

Unefaiblecroissancerendencoreplusdésirablecetyped'instrumentsfiscauxredistributifs. Je ne parle pas seulement du traditionnel impôt sur le revenu ;mais bien d'une taxation progressive de la richesse et du capital. Il y a unequantitédecapitalquedesgenspossèdent,netdedette.Sivousimposezuntauxd'impositionprogressifsurcecapital,pourceuxquipossèdenttrèspeu,letauxd'impositionestnégatif,etcelarevientdoncàeffacerunepartiedeleursdettes.Il s'agit donc de quelque chose de très différent des politiques keynésiennesd'impositionsurlerevenu.

Maisquand le tauxdecroissanceestde1%,oumêmenégatifcommedanscertainspayseuropéens,l'écartentrelesdeuxtauxdevienténorme.Cen'estpas

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unproblèmed'unpointdevuepurementéconomique,maisc'estenund'unpointdevuesocial,parcequecelaentraînedegrossesconcentrationsde la richesse.Faceàcela,lataxationprogressivedelarichesseetdupatrimoineestutile».

12.12.Larichessedesnations

Un autre aspect fondamental, se rapporte à tout ce qui tourne autour de lagénéralisationdelanotiondecapital.Celanousinviteàrevisiterlarichessedesnations.L’aspectleplusconnu,maislemoinsmaîtriséestl’interactionécologie-économie.Derrièrecela,ilyauneremiseencausedelanotiondevaleur.Nousvoyonsbienquecequiestencauseaujourd’hui,àtraverscequ’onappelledes« externalités » dans notre jargon économique, c’est l’importance de bienspublicsquinesontpascaractériséscommetelspuisquelemarchéestincapablede leurdonnerdesvaleurs. Il fautdonc savoirquel est leprocessus socialquipeutinstituercesvaleurspourqu’onpuisseintérioriserdansundébatsocial,puisdansdespolitiquesd’action,lavalorisationd’unenvironnementsocialquiaétéexploité jusqu’ici de manière aveugle et qui apparaît à présent commeabsolumentvitalpourlapoursuitedudéveloppement.

Concernant lechangementclimatique,nousavonsuneexternalitéglobale,etnousavonsunseulprix:lavaleursocialeducarbone.Celui-cipeutconstituerleprix unificateur des représentations du capital et des incitations à desinvestissements«propres».Maislatâcheestbeaucouppluscompliquéepourcequi concerne la biodiversité, les externalités locales et tout un ensemble deraretés qui vont apparaître dans le capital naturel. Il y a donc un importantproblèmedevalorisationàdépasser,sinousvoulonsréorienterlastructuredelaproductionversledéveloppementdurable.C’estlecaspourlesinvestissementsdans les énergies bas carbone, les transports, l’économie circulaire, la gestiondes déchets, l’isolation thermique des bâtiments, etc., bref des secteurs quiappellentdesinnovationstechnologiquesetunenouvellerévolutionindustrielle.Cetravaildevalorisationpassera,selonnous,parlamonnaie.(Aglietta)

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XIII.Pourquoin'est-cepasdéjàfait?

« À la base de toute doctrine totalitaire se trouve la croyance que lesgouvernementssontplussagesetd’unespritplusélevéque leurssujets,qu’ilssaventdoncmieuxcequileurestprofitable»(VonMisesLabureaucratie1945).

SteveKeendans«l'impostureéconomique»écrit:«Ilestpeut-êtreétonnantpour les non-économistes d'apprendre que les économistes ayant connu uneformationtraditionnelleignorenttotalementlerôleducréditetdeladetteprivéedansl'économie».

Chris06 : tous les candidats aux élections présidentielles sont conseillés pardeséconomistesdesalon,c’est-à-direceuxquiontfaitleursclassessansjamaisêtrecapablesdecomprendrepourquoilasynthèsenéoclassiqueestincapabledemodéliserlesphénomèneséconomiquesactuelsetcequ'ilfautmettreàlaplace.

N'oubliezpasunechose,lacrisedatede2007.Laplupartdeséconomistesquiconseillentnospoliticiens(etnosbanquierscentrauxetnosbanquierstoutcourt)ontfait leursclassesentrelesannées1970à1990.Minskyapubliésonœuvremajeuredanslesannées1990(cellequidécritparfaitementcequenoussommesentraindevivre):l'hypothèsedel'instabilitéfinancière.

Les travaux des post keynésiens sur la monnaie qui cherchent à décrire lamonnaietellequ'elleexisteaujourd'hui(c’est-à-direlesmonnaiesflottantessanscontrepartie or en vigueur depuis 1971 et non pas telle qu'elle existait avant1971)ontcommencédanslesannées1980etc'estuniquementaveclereculdutemps que les phénomènes économiques que nous avons connus depuis cetteépoque (notamment bien entendu la grande crise des années 2007-20XX)donnentraisonàcesthéoriesdescriptivesetinfirmentlesthéoriesnéoclassiques(notammentlasynthèsequifutfaitependantlapériodeaprès-guerredestravauxdeKeynesetdesmonétaristesquiluiserventdebase).

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Ilfautaussibiencomprendrequ'en1971iln'yavaitstrictementaucunethéoriepermettantdedécrireetjustifierlesystèmemonétairedeschangesflottantsetladémonétisationdel'or.Lesprincipales théoriesmonétairesenvogueàl'époqueétaient non seulement incapables de décrire ce nouveau système, mais aussiincapables de se rendre compte qu'elles n'avaient plus lamoindre validité.Orc'étaientcesthéoriesquiservaientdebasederaisonnement(etserventtoujoursdans une grande partie) aux économistes néoclassiques qui dominaientl'académieetlesbanquescentralesetprivées.(Chris06)

Petit à petit, des théories monétaires hétérodoxes furent développées pourdécrire le systèmedes changes flottants principalement à l'intérieur des écolespost-keynésiennes (chartalistes, circuitistes etMMT),mais les vielles théoriesnéoclassiques ont la vie dure, comme nous pouvons le voir quand nousanalysons les décisions prises par Bernanke et Trichet, ils naviguaientcomplètementàl'aveugleetnes'enrendaientmêmepascompte!

Pikettyajoute:«Ladynamiquedelarépartitiondesrichessesmetenjeudepuissantsmécanismespoussantalternativementdanslesensdelaconvergence:éducation, diffusion des connaissances, jeu de l'offre et de la demande, lamobilité du travail et du capital, et de la divergence : défaut de forcesconvergentes,processusd'accumulationetdeconcentrationdespatrimoinesdansunmondecaractériséparunecroissancefaibleetunrendementélevéducapital,explosionsansprécédentdestrèshautsrevenusdutravail,carlesinégalitéssontliées au rapport entre le taux de rendement du capital/taux de croissance quiaugmentequandlacroissanceestfaible...».

Lutter contre les inégalités face à la disponibilité de la monnaie n'estcependantpasl'égalitéà toutprix.Pikettytoujourslui :«danslapostfaceàladeuxièmeéditionallemandeduCapital,Marxrailleceuxquiveulentécriredes«recettespourlesgargotesdel'avenir».Et,bienqu'unevisionsedégagedesesécrits économiques, elle n'a pas grand rapport avec l'égalitarisme. Marx atoujours combattu l'égalité primitiviste, qui décrète la pauvreté pour tous et la«médiocritégénérale».S'ilreconnaîtlacapacitéducapitalismeàproduiredelarichesse, il rejette son caractère antagonique, qui subordonne l'ensemble du

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travail(etdelasociété)àlaquêteduprofit.Davantaged'égalitarismeneferaitquedémocratisercemal».

« Il y a beaucoup d'idéalisme dans tout cela » écrit Gomez, et « on peuts'entendresurcertainesfinspoursuivies,mais,décidément,j'aibeaucoupdemalà entrer dans ces raisonnements extrêmement vagues et imprécis où les motsdémocratiqueetégalitésraisonnentcommeunepanacéeuniversellealorsqu'ilsnesontjamaisdéfinisetnesontquedesformesvides,incantatoires,ouvrantlechamp à toutes les manipulations et à toutes les horreurs. Tous les despotes,depuis leComité de salut public jusqu'aux socialo-communistes, ont utilisé cevocable jusqu'à vomir tant il ne signifiait pour eux que le cache-sexe de leurappétitdepouvoir».

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XIV.Questionsannexes

14.1Faut-ilinterdirelaspéculation?(parchris06)

Il est parfaitement clair que la spéculation, si elle n’est pas limitée etcontrôlée, comme c’est le cas actuellement, devient hautement nuisible à lasociété. La spéculation augmente la volatilité des prix, c’est-à-dire fausse lesignalendonnantdesprixtrophauts,cequiaffectegrandementlebienêtredesgens,particulièrementlesplusdéfavorisés,oudesprixtropbas,quilesaffectentaussi puisque les producteurs et agriculteurs ne peuvent plus survivre de leuractivité.

Unspéculateurchercheàfaireunprofitengagnantunparisurlafluctuationduprixd’unbien,pariqu’ilprendavecunautrespéculateurquiferauneperte,silui fait un profit. Mais si la spéculation peut avoir un impact négatif surl’économieelleestaussiabsolumentnécessaireàsonbonfonctionnement.

Dansunparispéculatif,commedanstoutpari,ilyaunspéculateurquiparieàlahausseetl’autrequifaitlepariinverse,unseuldesdeuxs’enrichitauxdépensde l’autre. Mais si nous pouvons démontrer que ce pari spéculatif est d’unequelconquemanièrelacausedufaitquel’ouvrierbosse8heuresparjourpourgagnerseulementleSMIC,nousauronsgagnéunprixNobel.

Dans toutes ces discussions, on suppose toujours qu’il n’y a que desspéculateursquis’enrichissentetquilefontauxdépensdesnonspéculateursorilaétéobservé,parexemplesurlaspéculationsurlemarchéduForex,quesurdixspéculateurs,uns’enrichitbeaucoup,troisgagnentouneperdentpasgrand-chose et six s’appauvrissent. Exactement comme dans n’importe quel jeu dehasard, que cela soit au loto national ou au casino, personne ne trouve celaamoraldumomentquecesactivitésn’ontaucunimpactsurlaviedesgensquin’yprennentpaspart.

Nous ne pouvons démontrer que la spéculation financière enrichit desspéculateursauxdépensdenonspéculateurs(l'ouvrierquigagneleSMIC),età

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cequejesache,c’estqu’àpart lesraisonnementsparàpriorisur lesméchantsspéculateurs, aucun n’est parvenu à démontrer un quelconque rapport decausalitéentrelaspéculationetlamisèredumonde!

Cene sontpas les spéculateursqui sont la causede la faimdans lemonde,maislesdirigeantscorrompusjusqu’àl’os.Bienentendu,pournospoliticiensànouset lesgrandsmédiasàleursolde, ilestbienplusfacilederejeterlafautesurlesméchantsspéculateurs(etnousnoteronsaupassage,nerienfairecontre)quedereconnaîtreleurcomplaisanceetleurpartderesponsabilité.

Le problème n’est pas la spéculation en soi, mais la spéculation excessive,mêmelaFAO(fao.org)lereconnaît:«Qu’ilsoitbienclairquenousneparlonspasdespéculationliéeàladéterminationdesprixetaufonctionnementnormaldesmarchésàterme.Nousparlonsd’unespéculationexcessivesurlesmarchésdes produits dérivés, susceptible d’intensifier les fluctuations de prix et leurrapidité».

Laquestionmaintenant,estquelleestlacausedecettespéculationexcessiveàlaquellenousassistonsdepuisquelquesannées?

La cause principale, c’est les tombereaux de liquidités déversés sur lesmarchéspar laFEDet les autresbanquescentrales.Cen’est certainementpasaveccelaqu’onvaréduirelaspéculation!

La spéculation, tant qu’elle reste dans des proportions raisonnables, estquelquechosedetrèsutile,carelleapportelaliquiditéetlepartagedesrisquesintrinsèques qui sans elle rendrait les marchés, quels qu’ils soient, totalementinopérants.La spéculationétantunpari surune fluctuationdeprix, sionveutinterdire laspéculation il fautpasseràuneéconomieoù lesprixsontplanifiéscentralement,bonnechanceavecça.Typiquement,cenesontpasdesrisquesquiobéissent à une loi binomiale et peuvent donc être assurés simplement. Sansmarchésdescontratsà termedes tauxdechangesetdoncdesspéculateursquiinterviennent dessus et les rendent suffisamment liquides, je ne vois pas tropcommentfaire?

Ce n’est pas interdire la spéculation qu’il faut faire, mais la limiter pourqu’ellerestedansdesproportionsraisonnablesutileetbénéfiqueauxmarchés,et

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pour cela, le meilleur moyen et le plus efficace c’est de ne pas injecter desquantités astronomiques de liquidités dans les marchés comme le font nosbanquierscentrauxdepuisledébutdelacrise.

Tant que nous n’aurons pas compris que toute opération d’investissementcomprend,parsanaturemême,unepartspéculativequiluiestindissociable(àmoinsdefixertouslesprix,maisalorsnousdevonsabandonnerlecadre,c’est-à-direl’économiedemarchés),nouscontinueronsàcroirecegenredepromessedémagogiquedecertainspoliticiens.

AIGavendudesCDSsurdestrillionsdedollarsensousestimantlesrisqueset sans jamais garder la couverture nécessaire, grosso modo elle a parié dessommesfollessurl’idéequel’immobilieraméricainnebaisseraitjamaisdeprix,ehbien,tantpispourAIGettouscescréanciers,AIGaperdusonpari,elles’estcomportée de manière irresponsable avec l’argent de ses créanciers, elle doitfairefailliteetl’Étatnedoitpaslasauver:pasdebailout!

Si AIG avait été un petit peu responsable dans ces décisions, la bulle del’immobilier américain n’aurait pas perduré aussi longtemps. En vendant cesCDS sur les CDO sans faire les réserves nécessaires elle a très largementparticipéàgonflercettebulleimmobilièreetc’esttrèsbienquedesspéculateursaientréussiàlamettreàbas.

Leproblèmen’estpaslaspéculation,mais«lebailout».

Mais si l’État ne fait rien et laisse AIG exploser, cela risque d’emporter lesystème dans sa totalité et donc avoir des conséquences qui dépassent trèslargementlecadred’AIGetdesescréanciers.

Donc la question est comment résoudre ce problème : pas de bail out desTBTF,maissiunTBTFdoitfairefailliteetqu’ilyaunrisqued’emportertoutlesystème, il fautbienque l’État intervienne.Laseule solutionàceproblème,àmonavis,c’est lanationalisationtemporairepoureffectuer la liquidationdeceTBTF, séparation de tous les actifs toxiques et vente aux enchères puisdécoupage de ce qui reste en morceaux suffisamment petits et privatisation :évidemmentdanslecadredeceprocessus, lesactionnairesd’AIGperdent toutcequ’ilsavaientpuisqueAIGfaitfaillite,puisonremontedansl’ordredupassifdepuislescréanciersseniorsverslesépargnantsetonrépartitlesconséquences

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delaliquidationpuisprivatisation.

Mais il est clair quecen’estpas simpledu tout, car il faut enmême tempsempêcherunbankrunoul’équivalentpouruneassurance,c’est-à-direempêcherla contagion systémique pendant que ce processus de nationalisation –liquidation–privatisationsetermine.

Normalement,laspéculationnedevraitpasposerdeproblèmes,carpourtoutspéculateuràlahaussequichercheàacheteruntitreousonproduitdérivéilyaun spéculateur à la baisse qui cherche à vendre. Sauf quand : d’une part, lesbanques centrales injectent des sommes astronomiques de liquidités dans lesmarchés comme elles l’ont fait depuis 2009, alors il y a beaucoup plus dedemanded’acheteurspotentielsquedevendeurset lesprixdemarchémontentsans aucun rapport avec la valeur fondamentale (c’est ce qu’on observenotamment sur lesmarchésdes actions,desmatièrespremières etde certainesobligations);etd’autrepart,quandlamajeurepartiedecettespéculationalieu,notamment pour les produits dérivés, sur des marchés de gré à gré (OTC)totalementopaquespardesshadowbanksetautresdarkpoolsquiéchappentàtout contrôle public et sur lesquels les effets de levier induits peuvent êtregigantesquesetoùchaqueplateformedetradingappliquesespropresconditionssurlesappelsdemarge.Lesappelsdemargesontlessommesqu’uneentreprisequi voit sa situation financière se dégrader doit verser à la chambre decompensation desmarchés dans lesquelles elle est engagée, afin qu’en cas dedéfaut, lachambrepuisseindemniserlesclientsaveclesquelsl’entrepriseavaitdes contrats. La concurrence entre ces plateformes faisant que les montantsdemandés,àpartirduquelsontdéclenchés lesappelsdemargesontdeplusenplusridiculementfaibles,cequinefaitqu’augmentertoujoursplusleseffetsdelevier.

La spéculation fait partie intégrante du fonctionnement des marchés.L’interdiren’auraitaucunsens,autantinterdirelesmarchés.Parcontre,sinousvoulonslimiterlaspéculationàunniveauquin’entraînepasunfonctionnementhypervolatiledesmarchés,lesdeuxmesureslesplusefficacesseraient:

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1.Quelesbanquescentralesarrêtentd’injecterdesquantitésastronomiquesdeliquiditésdanslesmarchés

2.Mettre en place un systèmede traçabilité électroniquedes transactions etdes fonds (on est à l’ère de l’informatique et d’internet, ça ne poserait pas deproblèmestechniques,justeunequestiondevolontépolitique)quipermettraitdecontrôler les marchés OTC et les plateformes de trading propriétaires et d’yenforcerdeseffetsdeleviermaximauxetdesappelsdemargeminimaux

Unspéculateurest,pardéfinition,quelqu’unquin’apasl’intentiond’utiliserunbien,maisquil’achèteetlerevenddansl’intentionderéaliserunprofitsurlavariationduprixdubien.Jenesaispascommentnouspourrionsmesurer leurnombre. Ce qui est clair c’est que sans spéculateurs, les marchés seraientcomplètement inopérants, car totalement illiquides et les spread entre les prixdemandés par les vendeurs non spéculateurs et les acheteurs non spéculateursprohibitifs.

Pourlesmatièrespremièresengénéral(aliments,métaux,énergie),lefaitquelaFED, laBCE, laBoJ (BankofJapan), laBoE(England)aientpratiquementtriplélatailledeleurbilandepuis2009acertainementeubeaucoupd’influencesurl’augmentationdescours.

Tout cet argent a bien dû se retrouver placé quelque part. Les investisseurspréfèrent les biens ou les actifs tangibles (matières premières, action puisquec’estunepartdesociétéquipossèdeelle-mêmedesactifs tangibles)auxactifsmonétaires (obligations,dépôts,cash,etc…),vuqu’ilsperdentdeplusenplusconfiance dans les principales monnaies de réserve, car les banques centralesémettrices font tout pour lutter contre une déflation. Celle-ci nous l'avons vu,serait pourtant nécessaire pour purger le système de tous les actifs toxiquesreprésentant lesmauvais investissements réalisésdans lapériodedecroissanceinflationnistedes40dernièresannées.

Alors plutôt que d’incriminer les “méchants spéculateurs” pourl’augmentationdesprixdesaliments,nous ferionsmieuxdenous tournerverscesbanquierscentrauxettousceséconomistesnéoclassiques(néokeynésiensoumonétaristes)quilesconseillent.

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Maisc’estbeaucoupplusfaciledefairecroireauxgensquec’estlafautedelaspéculationetquelespouvoirspublicsvontyremédierpresto(parexempleavecune taxe sur les transactions financières qui n’aura strictement aucun effet,commec’estarrivéenSuèdeilya20ans)etqueladéflationestunmalabsoluque nos petits génies de banquiers centraux doivent absolument empêcher enmonétisanttouslesactifstoxiquesquedétiennentlesbanques….

Ilnesuffiraitpasderétablirlesarticles421et422ducodeciviletl’exceptiondejeu(quiontétéabrogésen1870)pourinterdirelesparisspéculatifs.

Enfait,cecineferaitquerendrecesparisnonenforçablesparlaloi, loindeles interdire,cesparisauraientquandmêmelieu(commeilsavaient lieuavant1870, il n’y a qu’à voir le nombre de bulles spéculatives qu’il y a eu dansl’économie mondiale avant cette date) simplement ils auraient lieuexclusivement sur des marchés OTC (de gré à gré) encore plus opaques oùl’enforcementdesparisn’étaitpaseffectuéparlajusticepublique,maispardesréglementationsenforcéesparlesacteursprivés.

Enfait,aujourd’hui,c’estexactementlecontrairequ’ilfaudraitfaire,c’est-à-dire interdire lesmarchésdegréàgrédesproduitsdérivésquisont totalementopaques et échappent à tout contrôle ou supervision publique et organiser desmarchés qui passent par des plateformes de compensation contrôlées par lesÉtats et régulées selon des normes plus strictes (par exemple au niveau desmontants des margin call (garanties financières) qui devraient êtresignificativement augmentés pour réduire le risque) pour pouvoir limiter leseffetsdelaspéculation).

Parce que si on interdit les spéculateurs sur un marché autant interdire cemarché.InterdirelesCDSànus(possibilitédeposséderuncontratd’assurancesanspourautant posséder le produit assuré) rendra les marchés des CDS inopérantspuisque devenus totalement illiquides. Et cela ne limitera absolument pas laspéculationsurlesobligationsnileseffetsdeleviergigantesquespuisquecelaneferaquelareportersurd’autresinstruments(optionsetfutures).

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Les opérations nuisibles sont toutes des paris sur les fluctuations des prix,mais lesparis sur les fluctuationsdesprixnesontpas tousnuisiblesquand ilsserventauxproducteurspourfinancerleurproductionàvenir.Ilnesuffitpasdelesinterdire,ilfautpouvoirlescontrôlercomme«parisnuisibles»doncdéfinirdescritèresprécis(quialedroitde,dansquellesconditions,etc…),etsedonnerlesmoyensde les contrôler comme tels.Simplement interdire lesparis sur lesfluctuationsdesprixauraitsansnuldouteuneffetencoreplusdévastateursurlebienêtredesêtreshumains,quecequel’ondoitchercherabsolumentàlimiter,l’accroissementdelavolatilitédesprixdueàlaspéculation.

Aujourd’hui, la spéculation nuisible à la société domine de plus en pluslargementsur laspéculationbénéfique.Certains l'estimentà70%du totalsansdoute, mais il est clair que si rien n’est fait, elle continuera à augmenter,favoriséeparl’assouplissementquantitatifdesbanquescentrales,etàsemerceseffetsdévastateurssurlespopulationsdumondeentier,particulièrementlesplusdéfavorisées. Il faut vaincre cette spéculation nuisible, mais il va falloirbeaucoup plus approfondir que se contenter d’interdire les paris sur lesfluctuationsdesprix.

14.2.Faut-ilinterdirel'intérêtoularente?

14.2.1L'intérêt

SelonJorion,etàlasuitedeDuQuesnayetdeMarx,lesintérêts,quandleurlogiqueestcelleducréditàlaproduction,résultentdupartagedusurplusentrecapitalistes-prêteurs et producteurs-emprunteurs.À la suite deKeynes, dans lecas du crédit à la consommation, ses termes sont déterminés par le risque decontrepartiequefaitcourirleproducteur-emprunteuraucapitaliste-prêteur,dansl'engagement qui les lie, du fait que ce sont essentiellement ses revenus(indépendants de l'objet de consommation lui-même) qui détermineront sacapacitéàrembourserl'emprunt.

Lamargedeprofitqueleprêteurpeutintégrerautauxd'intérêtqu'ilréclameetle risque de contrepartie reflètent le statut intrinsèque de la classe à laquelle

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appartient l'emprunteur (risque de contrepartie) et reflète aussi le statutréciproque des deuxparties au contrat, exprimant le rapport de force entre lesgroupesauxquels l'unet l'autreappartiennentauseinde l'édificesocial (margedeprofit).

Ce qui alimente la concentration de richesses c’est le fait que la part de lavaleurajoutéequirevientauxrevenusducapital,l’argentqu’ontoucheàpartirde l’argent et pas avec son travail, croît par rapport à la part qui revient auxrevenus du travail. Le problème n'est pas tant que ces revenus du capitalproviennent de plus-values, d’intérêts, de loyers ou de dividendes,mais plutôtqu’ilscroissentplusvitequelessalaires,entraînantainsiuneconcentrationdesrichesses. L’existence d’intérêts n’est pas, en soi, concentrationnaire derichesses.Parexempledurantlestrenteannéesaprès-guerre,iln’yapaseutantdeconcentrationdesrichesses,alorsquelesintérêtsn’étaientpassupprimés.

Cesontlesrapportsdeforceentrecapitalistesettravailleursquiinfluencentlarépartition de la richesse entre capital et travail et donc l’aspectconcentrationnaireounon.Larichesseétaitbeaucoupmoinsconcentréeen1980(année où la richesse était, en France, lamoins concentrée depuis les recordshistoriques)qu’en1930etencoremoinsqu’en1880.Depuis1980nousassistonsau phénomène inverse, la richesse est de plus en plus concentrée. Il y deuxraisons:

•augmentationdesdifférencesderevenus(ducapital+dutravail)quiestpourmajeurepartiedueàl’augmentationdelapartdelavaleurajoutéerevenantaucapitalparrapportàcellerevenantautravail;

•augmentationdescoûtsdesdépensesincompressibles(logement,chauffage,nourriture,transport…)plusrapidequelessalaires,surtoutpourlessalaireslesplusbas(chris06).

Ce ne sont pas les intérêts le problème, c'est plutôt le fait de les laisseraugmenterplusvitequelesrevenusdutravail.

14.2.2.Larente

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Keynesdécrivaitunestratégiedoucepourmettreenœuvrelesocialisme:une«euthanasiedupouvoiroppressifcumulatifducapitalisted’exploiterlavaleur-raretéducapital…».Autrementditmettrefinaucapitalismeenéliminantcequipermetàtoutdétenteurdecapital,ou«capitaliste»,d’enobtenirunerente.

Maiscen’estpaslarenteensoiquiestnuisible,c’estl’illusionderentesansrisques. C’est l’illusion qu’on puisse toucher une rente (c’est-à-dire un intérêtsupérieurà l’inflation) suruncapitalgarantipar la sociétédanssonensemble.Celafaittrenteansquecetteillusiondure,quetouteslespolitiquespubliquesetfinancièresessayentdeperdurerl’illusionenfaisantcroîtrelesdettespubliquesetprivéesdemanièreaccélérée,enessayantcoûtequecoûtedetoujoursbaisserlestauxd’intérêtsetl’inflationeteninjectantdesmilliersdemilliardsdedollars,d’euros, de livres, de yens que l’on compte faire payer à la société dans sonensemblepoursauvercetteillusion.C’estplusque«nuisible»,c’estcriminel.

Cette illusion qu’on pouvait toucher une rente sans risque sur un capital‘garanti’ (notammentpour tous lespetits rentiersvia leurscontratsd’assurancevie)acauséunrisquesystémiquegigantesquedontonessayeencoreettoujours,derepousserleseffets.

Ilfautdonccinqmesures:

1. Bien faire comprendre aux rentiers (et surtout aux petits rentiers quiprétendentêtreinnocents)qu’aucunerentesuruncapitalgarantiparl’Étatn’estpossibleetn’ajamaisétépossible.Ilfautdétruireàtoutjamaiscetteillusionderentesansrisques.

2.Larestructurationdesdettesdoitmaintenantavoirlieupuisquelarepousserdans le temps ne fait qu’augmenter ces conséquences ultérieures et cesconséquencesdoiventêtreassumées,nonpasparlasociétédanssonensemble,mais par les rentiers en répartissant les pertes sur la valeur des patrimoinesfinanciers de manière progressive suivant la valeur de ceux-ci. C’est-à-direrevalorisationde toutescescréancesenprenantcommebase l’inflationsur les

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trentedernièresannéesetliquidationdesdettescorrespondantesensurplus.

3. Une fiscalité sur tous les revenus du capital futurs qui soit anti-concentrationnaire, c’est-à-dire qui fasse en sorte que la part des revenus ducapital nets d’impôts par rapport au travail aille en diminuant et pas enaugmentant.

4.L’interdictiond’acheterdesproduitsdérivéssansêtrepropriétairedessous-jacents(leproduitassuré)oud’êtrecapabled’enassumerlalivraisonphysiquedanslecasdesmarchésàtermedesmatièrespremièresetdevendredesproduitsdérivés sans avoir les réserves financières nécessaires pour assumer lesconséquences d’événements de crédit. Nous pourrions dans le même temps,réserver l’accès aux marchés de ces produits dérivés aux intervenants quiremplissent les qualifications nécessaires susnommées (ce qui sous-entendl’interdiction d’accès à tous les fonds spéculatifs, hedge funds et autresétablissementsfinancierssurlesmatièrespremières).

5.Enfin, et c’est àmon avis un point absolument essentiel, il faudra, avantmêmequelesquatremesuresprécédentesaientpuêtremisesenplace,bloquertoutmouvement de capitaux hors de la zone des pays qui adhérent à ce vasteprogramme.

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XV.Lesscénariospossibles

Noussommesaujourd’huiconfrontésàundoubleproblème:•quefairedesdettespubliquesexistantes?•commentchangerlesystèmemonétaireinternationalsachantquecen’estpas

quelquechosequ’un seulpayspeut changer seulpuisquec’est ce systèmequidéterminelestauxdechangesentremonnaies?Etquelsystèmemettreàlaplacedel’actuel?

Quels sont les différents scénarios possibles en attendant de résoudre cesproblèmes?C’estbiensimple,nouspouvonsêtreconvaincusselonChris06qu’iln’yaque

deuxissuespossiblesàcettecrisedusur-endettement:1. Les banques centrales des principaux émetteurs de monnaie de réserve

(FED, BCE, B. of Japan, B. of England) finissent par abandonner cette luttecontre la déflation, c’est-à-dire le sauvetage systématique des banquessecondairesparlamonétisationaccéléréedesactifstoxiques(qu’ilssoientprivésoupublics):nousauronsalorsdéfautd’unebonnepartiedesdettespubliquesetprivées.Àmonavis,unteldéfautauralieu,sansdoute,àtraversunemiseàplatdusystèmemonétaireinternationaldesmonnaiesfiduciairesflottantes.Ilyauraun gigantesque défaut des pays surendettés (USA, Europe, Japon) qui seranégociéaveclaChine, laRussie, l’Inde, lespaysdugolfeenfonction,commetoujours,desrapportsdeforceenprésence.Iln’yaurapasd’autresolutionsqued’abandonnerlesystèmedesmonnaiesderéservesdominéparledollar(etplusgénéralement dominépar l’Occident) et revenir à un étalonphysique.C’est lescénarioappelé«ladéflationordonnée»etmiseenplaced'unnouveauSMI.2.Lesmêmesbanquescentralescontinuentaveclamonétisationaccéléréedes

actifs toxiques et il en faudra toujoursplus, jusqu’au jour où cela causeraunepertedeconfianceirrémédiabledanslesprincipalesmonnaiesderéserve(dollar,euro,yen,livre):C’estlescénariodel’explosiondusystèmemonétairepar«hyperinflation».

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Àcôtédecesdeuxscénarios,d'autrespeuventaussiêtreévoqués,l'arrivéeaupouvoir d'un régime fasciste, une sortie de l'euro, ou pourquoi pas suivrel'exempleduseulpays«enavance»danslacriseparrapportàcellequenousvivonsdepuis2008,leJapon...

15.1.Lefascisme

Lecadremonétaireactuel,misenplaceàpartirdudébutdesannées1970parles pays de l’OCDE sous la domination des USA, le SMI des monnaies deréserves fiduciaires flottantes, est totalement inadapté à la situation dumonded’aujourd’hui : il est devenu hautement instable depuis 2008 et finira, si nousn'enchangeonspasavant,parexploserpourtoutessortesderaisons(picdesur-endettement des pays « sur-développés », déséquilibres des balancescommerciales, augmentation duprix de l’énergie, changement radical dans lesrapportsdeforceentrenationémergentesetpaysdel’OCDE,etc…).

Nos sociétés industrialisées où règneune spécialisationdu travail poussée àl’extrême ne pourraient pas survivre bien longtemps à une telle explosion : siceladevaitavoir lieu, lespeuplesn’auraientd’autrechoixquedefaireappelàdesrégimestotalitairesextrêmement“musclés”pourtenter,coûtequecoûte,derétablirl’ordre.

15.2.L'exempleduJapon

Nous l'avons vu, en temps « normal », les banques trouvent les liquiditésnécessairespourconduireleursactivitésauprèsdumarchéinterbancaire(c’est-à-direqu’ellesselesprêtententreelles)etlabanquecentralen’apratiquementpasbesoind’injecterdes liquiditésdans le systèmebancairepourqu’il fonctionne.Maisquandlesbanquessontgavéesd’actifstoxiquesetqu’ellesnesefontplusconfianceentreelles,ellessontobligéesdes’approvisionnerauprèsdelabanquecentralequidevientleurprêteurendernierressortetquinonseulementsedoitd’injecterdesliquiditéssupplémentaires,maisaussiaugmenterladuréedesprêtspour faire en sorte que le système bancaire continue de fonctionner.On parlealorsd’unecrisebancaire,oucrisedeliquidités,quiestlasituationdanslaquelle

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setrouvelesystèmebancaireeuropéendepuismaintenantplusde10ansdéjàetrisquefortdeperdurerencorelongtempstantqu’onnechercherapasàrésoudreunebonne foispour tout leproblèmedesactifs toxiquesdont sontgavéesnosbanques.

Noussommesexactementdanslasituationdanslaquellesetrouvelesystèmebancaire japonais depuis plus de quinze ans où la banque centrale japonaisemaintient les banques à l’état de zombies en augmentant et en prolongeanttoujoursunpeuplusleursapprovisionnementsenliquidités

Surlesquinzedernièresannéesladettepubliquejaponaiseestpasséede100% du PIB à 220% et le taux sur le bon japonais à 10 ans s’estmaintenu endessousde2%pourfiniraujourd’huià1%!

Pour que ça s’arrête il faudrait que les épargnants japonais se décidentsoudainement à convertir enmasse leurs avoirs en yens en….En quoi ?Quevoulez-vousquelesépargnantsjaponaisfassentdeleurargent?

Etdansquinzeansnousseronstoujoursànousposerlamêmequestionpourlesépargnantsdel’Eurozone.LaBCEfiniraparbaissersontauxdirecteurà0%,commeauJapon.LaBCEcontinueraàfaireroulersesengagementsauprèsdesbanqueseten lesaugmentantchaquefois…commeauJapon.Lacroissancenereviendraplus…commeauJapon.Lesadministrationspubliquescontinuerontàraconterqu’ellesvisentle0%dedéficitsansjamaisyparvenirettransférerdesdettesprivéesversdesdettespubliquesetnousseronsendettésà200%duPIBaulieude100%...commeauJapon.Lesprixdel’immobiliern’enfinirontplusdebaisseretvaudrontletiersdecequ’ilsvalentaujourd’hui.Commeaujapon,l'Eurozonemaintiendra une balance commerciale en équilibre avec l’extérieur,cequifaitqu’ellen’aurapasbesoindefinancementextérieur.Etlesépargnantscontinueront d’accumuler des euros en banque ou en assurance-vie dans lacrainte du chômage ou d’une retraite insuffisante et ne voyant pas quoi faired’autre de leur argent et cemalgré unmanque de confiance totale dans leursgouvernements.CommeauJapon…Bienvenueàl’èredeladéflationlente…oùnous seronsperpétuellement en traindediscuterde cequ’il faut changerpourquesurtoutriennechange.

C'est lescénariod'une longuepériodededéflationetdesbanquierscentraux

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qui essayent de la combattre en faisant tourner la planche à billets qui finirapeut-êtreparentraînerl’hyperinflation.

15.3.L'hyperinflation(parChris06)

Le jour où ceux qui détiennent la masse gigantesque de monnaie existantevoudronts’endégagercoûtequecoûte(enlaconvertissantdansd’autresdevises,en bien tangibles, or ou n’importe quoi d’autre) parce qu’ils auront perduirrémédiablementconfianceensavaleur, l’hyperinflationvadémarrer.Maisçan’arriverajamais,nousdisentcertains,lasolutionc’estplusdedéficitpublicetplusdeplancheàbilletspourlesfinanceretcontinuerdemaintenirainsilestauxartificiellement bas. Ayez confiance en nous, regardez le Japon. Ce qu’ils neveulentpas comprendre, c’estque la confiancen’estpasquelquechosequi sedécrèteetellepeutêtre,unjour,définitivementbrisée.La FED pourtant a injecté des centaines de milliards sans aucun indice

d’inflation, même future. Mais l’inflation actuelle n’est pas un indice del’inflationfuture.Lefaitquecelan’apasencoregénéréd’inflation(misàpartsur le prix des matières premières et certaines valeurs mobilières comme lesactionset lesobligations)étaitprévisiblepuisque lacréationmonétairepar lesbanques centrales compense à peine la diminution du volume de crédit ausecteur privé (ménages et entreprises), donc la masse monétaire n’augmentequasiment pas. Cela se reflète par les chiffres de la croissance de M3. M3comprendlenuméraireencirculation,lesdépôtsàtermed'uneduréeinférieureouégaleà2ans, lesdépôts remboursablesavecunpréavis inférieurouégalàtroismoisetlesprisesenpension,lesfondscommunsdeplacementetlestitresdecréanceayantuneéchéanceinférieureouégaleà2ans.

Maisçaneveutpasdirequ’onpeutcontinuercommeçaadvitamaeternam,lerisquede répéter lesopérationsdeQEn’estpasdegénérerde l’inflation (tantque le secteur privé continuera à se désendetter, il n’y a pas de risque),maisd’entraîner,àterme,unepertedeconfianceirrémédiableenlamonnaie.

JereprendssouventlamétaphoreutiliséeparNassimTalebpourexpliquercequinousattend:

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La FED qui essaye de générer de l’inflation à coups de QE c’est un peucomme quelqu’un qui essaye de verser du Ketchup sur son assiette quand labouteilleestbloquée:onsecoueunefois,riennesort,deuxfoistoujoursrien,etainsidesuitejusqu’aumomentoùc’estunegrandetâcherougequ’onfinitparavoirsursonassiette.Les banques centrales ne parviennent pas à générer de l’inflation à coups

d'assouplissements quantitatifs en prêtant aux banques commerciales de lamonnaiecrééeparelles-mêmes(plusexactementlesbanquescentralesachètentdestitres(pourris?)auxbanquescommerciales),maiscelanesignifiepasqu’unbeau jour, toutes ces liquidités accumulées dans les réserves des banquescommerciales ne finiront pas par sortir du goulot et entraîner non pas del’inflation, mais de l’hyperinflation (c’est-à-dire une perte de confianceirrémédiableenlamonnaie).Onrisquedoncd’avoirceci:

•unepériodeplusoumoinslonguededéflationàcausedudésendettementdesménagesetentreprises,contrebalancéeparlestentativesinflationnistesdesbanquescentrales(QEsuccessifs);

• qui se termine finalement par l’hyperinflation provoquée par la perte deconfiance irrémédiable en la monnaie, conséquence des épisodes de QEsuccessifs.

Krugmanpersistaitàcroirequel’hyperinflationestimpossible.Nousverronsquiaraison.Aupassage,jeferairemarquerqueKrugmannefaitpaspartiedesrares économistes qui avaient prévu la crise. Et il continue de croire qu’onrésoudra une crise due au surendettement desménages et des entreprises avecencoreplusd’endettement.

L'hyperinflationpeutarriverainsi:

PhaseI:lesforcesdéflationnistesdominenttrèslargement.Danscecontexte,la seule chose qui tient la route sont le cash et les équivalents cash. Ceci

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continuera à auto-alimenter les forces déflationnistes. Les actifs boursierscontinuerontàbaisserrapidement,l’immobilieraussi,lesmatièrespremièresquiontdéjàbeaucoupbaisséresteronttrèsvolatiles.LesobligationsdecertainsÉtatscontinuerontàêtreà leurprixleplushautetcellesdesÉtats lesmoinssolidescommencerontàs’effondrer.

PhaseII:

Alternative1:Panique.

Parallèlement, va grandir la perte de confiance en la solvabilité de tous lesÉtats fortementdébiteurs, ilarriveraunmomentquand toutes lesémissionsdedettes publiques ne trouveront plus preneur et nous assisterons à un granddumping de toutes les obligations d’État, même celles des États débiteurs lesplus solides. C’est là qu’il faudra prendre le virage avant les autres, car nousseronsàunpointoùiln’existetoutsimplementplusunseulactifnonrisqué,ycompris lamonnaie papier. Il devrait se produire à cemoment-là un transfertrapideversdesbiens tangibles et liquides (or, certainesmatièrespremières) etune montée en flèche de leurs cours. De toute façon, ça risque fort d’être lapaniqueetilyaunrisqueimportantquelesÉtatsinterviennentpourbloquercestransferts, comme ils l’ont fait dans le passé. Il restera alors à s’acheter uneferme,despouletsetplanterdespatates,oustockerdesbiensàtroquer.

Alternative2:sortieendouceurdelaphaseI

IlnepourrayavoirdesortieendouceurdelaphaseI(remontéegraduelledestaux, inflation graduelle et contrôlée), que si la phase I a duré suffisammentlongtemps. L’impatience des États, l’augmentation démesurée des dettespubliquesetdesinterventionspouressayerderelancerl’inflationetsortirdelaphase I de manière précipitée risque fort de rendre impossible une sortie endouceur et le passage automatique à l’alternative 1. C’est un exercice debalancement extrêmement critique et difficile, il est fort à parier qu’ils n’yarriverontpas.

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Enconclusion,laduréedelaphaseIestincertaine(entre12moisetbeaucoupplus)etcelledelaphaseII:incertaine(alternative1ou2?)

Donc, c’est l’incertitude la plus totale, la seule chose qui est sûre c’est quel’onvaobserverdeladéflationpourencoreaumoinsunan,après,cen'estpasclairdutout,celadépendradel’intelligencedeceuxquinousgouvernentetdesbanquierscentraux...

Le risque est d'assister à l'inflation du prix des choses que l’on consomme(nourriture,énergie,habillement,etc…)etàladéflationduprixdeschosesquel’onpossède(logements,actions,etc…),letoutavecdesrevenusquistagnent!

15.4.UnnouveauBrettonWoodoul'explosionduSMI?

Dans toute économie-politique, c’est-à-dire où il y a une spécialisation dutravail très poussée et doncmultiplication quasiment à l’infini des possibilitésd’échanges de biens et services, la monnaie est la base sur laquelle tout lesystème économique repose, puisque c’est l’unité de compte dans laquelle lesprixsontdéterminésetlemoyenparlequelceséchangessontréalisés.Onpeutessayerdefairesansl’argent,maisçanousdonneletroc,quiestun

système notoirement inefficace pour gérer les ressources dans une économie-politique.Puisque le cadremonétaire est la base, le socle, sur lequel toute économie-

politiquerepose, ilestabsolumentessentielquececadremonétairesoitadaptéauxproblématiquesenvironnementalesetauxrapportsdeforceentrenationsencedébutdeXXIesiècle.Depuis1973, les relationsmonétaires internationales sont subordonnéesà la

concurrence des devises, entraînant une instabilité financière et des conflitsd'intérêtsnationaux.Bienquecescénariodel’explosionduSMIsoitplausible,ilnemesemblepas

logiquede leconsidérer,enpremière réflexion,comme leplusprobable.C’estunpeucommeaveccejeu,celuioùdeuxvoituressontlancéesàtoutevitessesurunerouterectiligneendirectionopposéeetoùleperdantestceluiquitournele

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volantàladernièresecondepouréviterlecrash.Jepensedoncquelescénarioleplus plausible est celui où les grandes nations/régions de ce monde devenumultipolaire préféreront toujours se mettre autour d’une table et négocier unchangementducadremonétaire internationalplutôtquede risquer l’explosion.C’estcequenousavonsfaitpartroisfoisaucoursdusiècledernier,jenevoisvraimentpaspourquoinousnepourrions le fairedans lesquelquesannéesquiviennent.

Donc, c’est àmon avis à cela qu’il faut réfléchir, quel doit être ce nouveaucadre monétaire international qui soit adapté à la situation du mondemultipolaired’aujourd’huietdesproblématiquesenvironnementales?

Toutes les banques centrales sont en train, depuis quelques années déjà, deplancher plus ou moins secrètement là-dessus et il serait bien dommage quenous,lespeuples,nepuissionspasprendrel’initiative.

Quand jeparleducadremonétaire international, cela comprend trois chosesessentielles:lesystèmedepaiement,lesystèmedecrédit,lesystèmedestauxdechangesentremonnaies.

Quandils’agiradetrouverunminimumdecoordinationpourrestructurerlesystèmemonétaire et bancaire et éviter qu’il explose, la coordination seravitetrouvée.

Cette coordination, c’est celle entre les quelques milliers de grandsactionnairesdes147entreprisesquicontrôlentlemondeetleursmarionnettesdepoliticiensetautresbanquierscentrauxetquineprendrontpaslerisquedetoutperdre.Sinousvoulonspariercontreeux,allons-y!Maisceuxquiveulentjoueràcepetitjeu-làyperdrontplusviteleurchemiseetlasantémentalequ’ilneleurserapossibledetoujoursespérerpourattendrequelesystèmeexplose.Detoutefaçon, le scénario le plus probable est que lorsqu’ils sentiront qu’ils n’yarriveront plus, ils changeront le système monétaire et rétabliront unecontrepartie et un étalon physique (or et/ou autre matières premières) auxmonnaiesderéservepourtenterdestabiliser lesystèmemonétaireetfinancier.Et ils sont en train de s’y préparer (voir le rapatriement de l’or de laBundesbank).NousnousacheminonstoutdroitversunnouveauBrettonWoods.

Lesbanquescentralesneprendrontpaslerisquedevoirexploserlesystème

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monétairedesmonnaiesderéservefiduciaireflottantes(dollar,euro,yen,livre)etpréféreront rétablirun systèmemonétaireavecunétalonetunecontrepartiephysique pour tenter de stabiliser le système financier. Logiquement, ilsdevraient profiter d’un tel changement de systèmemonétaire pour restructurerlesdettespubliquesémisesdanscesmonnaies.

S’il devait y avoir un nouvel accord international pour réformer le systèmemonétairedanslesannéesquiviennent,ilsera,commetoujours,enpartielefruitdesrapportsdeforceenprésence(quisonttrèsdifférentsdecequ’ilsétaientausortir de la guerre),mais aussi le fruit d’une volonté et d’un intérêt commun.Cette fois ci, il y a de fortes chances pour que les rapports de force soientbeaucouppluséquilibrésentrelesaméricains,leseuropéens,lesjaponaisetlespaysBRICSetquelavolontéetl’intérêtcommundespartenairessoitbeaucoupplusreprésentatifdeceluidel’humanitétouteentièrequ’ilnel’ajamaisété.Bien sûr, il y aura un défaut des obligations de paiement des nations

occidentales.Commeen1932quandRooseveltafaitdéfautde40%enpassantledollarde20$/Ozà35$/ozouNixonenfermantlegoldwindowen1971.Lavraiequestion,c’estquelleformeprendra-t-ilcettefoiscietjesuisprêtàparierqu’ilsefera,commetoujoursparlepassé,danslecadred’unerestructurationdusystèmemonétaireinternational.Comme jepensequ’un tel accordestnon seulement souhaitable,maisaussi

inévitable,jeresteoptimistequantauxchancesdelevoirseréaliserbientôt.Etj’ose espérer que cette fois ci, nous n’aurons pas à souffrir d’une troisièmeguerremondiale(commepourlesaccordsdeGênesetdeBrettonWoods)pourpouvoirréformerunenouvellefoislesystèmemonétaireinternational!LeSMIestunbienpublicquinepeutêtrerégulépar lesmarchésfinanciers

bien qu'il soit influencé demanière prépondérante par cesmarchés (Aglietta).Les gouvernements doivent préserver la stabilité financière internationale enacceptant des principes d'action collective. Les systèmes de taux de changesfixesavecdesmargesdefluctuationétroitessonttroprigidesetceuxdechangesflexiblespurs trop instables. Ilsneremplissentpas lesdeuxcritèresprincipauxde la viabilité, à savoir la prédictibilité des actions gouvernementales et laflexibilitédesajustementspourréduirelesdivergencesréellesentrelesnations.

LaglobalisationfinancièreaainsimodifiélanatureduSMI.Laconcurrenceentre les devises a entraîné la disparition du rôle du dollar comme ancre

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internationale.ElleaégalementrenforcélasymétriedesinfluencesexercéesparlesautoritésmonétairesdesÉtats-Unis,duJaponetde l'Unioneuropéennesurlesanticipationsdesmarchés.

Enconséquence, lacohérencedu régimemonétaire internationalneprovientguère de la direction d'une devise-clé, mais dépend d'une collaborationsystémiquequiresteàconstruire.Lapropagationdescrisesfinancièresdansdesmarchés globalisés requiert une régulation systémique de la liquiditéinternationale. Les crises récentes des marchés émergents, en raison de leurpropagation et destruction de liquidités, reposent le problème du prêteurinternational en dernier ressort (PIDR). Le discours dominant consiste àsoulignerleslimitesstructurellesdecesmarchésfinanciers.

Or, aucun contrôle des risques ne peut éviter un retournement des coursboursiersetdestauxdechangeentraînantdespertesmassivesparmilesagentséconomiquesendettésendevisesétrangères.Lafaillitedecesagentsestdueàunmanquedeliquiditéenmonnaieinternationalequiprovoqueimmédiatementdesanticipations contagieuses. L'histoire de ces crises financières montre lanécessitéd'unPIDRet ladifficulté institutionnellepour lemettreenplace.Larésolutiondescrisesfinancièresnécessiteuneinterventionsouveraineaccomplienon pas au bénéfice des pays débiteurs, mais dans celui de la continuité despaiementsinternationaux.Cetteinterventiondoitseproduireavantlacontagiondéclenchée par la crise de liquidité et elle doit demeurer incertaine et nonnégociée. Ainsi, seul un regroupement des banques centrales peut assumer cerôledePIDR(Aglietta).

15.5.Sortirdel'euro(parchris06)

Faut-il sortir la France de l'euro et sortir le franc du système des changesflottants(cequ’onn’apasfaiten1971)?

C'est-à-direfairelamêmechosequelaChine,contrôlerleschangesetfixerlecoursdelamonnaieaudollaretàl'euro(ouauMarknouveau)?Croyons-nousvraimentquelaFrancealesmoyensdecetteambition?LaFrancen'estpaslaChineavecunénormeexcédentcommercial.

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Sortirde l'europourpouvoirdévaluer (ou laisser flotter samonnaie)afindecompenser le déséquilibre de la balance extérieure et restaurer de lacompétitivité... Ah oui, la fameuse dévaluation compétitive prônée par leséconomistesnéolibérauxetleconsensusdeWashington…Belle théoriequi vole en éclat quandnous la comparons à la réalité : prenonsl’exempleduRoyaumeUnioùlalivreperditplusde25%parrapportàl’euroetsesprincipauxconcurrentsfin2008.Celaeuuneffettemporairesursabalancedu commerce extérieur (pendant quelques mois après la dévaluation), maisaujourd’hui son commerce extérieur est encore plus déficitaire qu’il ne l’étaitavantladévaluation.

Un autre exemple : le dollar index passa entre 2002 et 2006 de 120 à 80(dévaluationdeplusde30%parrapportauxprincipalesmonnaies),ledéficitducommerceextérieurdoubladurantcettepériode.Enfait,laréalitéconfirmequel’on ne résout jamais les problèmes de compétitivité à coups de dévaluationscompétitives,maisàforcederéformesstructurelles,untravaildefondetsurlelongtermesurlaqualitédutravail,lesinfrastructures,l’éducation,etc…

Enfait,aucunpaysn’ajamaisgagnédurablementencompétitivitéàforcededévaluations, sinon le Zimbabwe serait le champion du monde de lacompétitivitéetenEurope,ceneseraitpasl’Allemagnequiauraitl’économielapluscompétitive,maislaGrèceoul’Italie(avantl’euro).

Alorslaguerredesmonnaies,àsavoirquelpaysdévaluerasamonnaieleplusrapidement pour gagner en compétitivité par rapport aux autres au sein del’Europepourrésoudrelesécartsdecompétitivité,c’estdel’économieVaudou,lacroyanceauxmiracles...(Chris06)

Nous pourrions peut-être convaincre lesAllemands de sortir l'euro et touteslesmonnaiesdecesystèmedechangeflottant.Cequisuffirait(l'euroreprésente27%desréservesmondiales),sansdoute,àforcer lamaindesAméricainsetànégocierunnouveauSMI.Lazoneeuroauraitunalliédepoids,laChine.Pourlemomentcelasembleimpossible,maisqu'ensera-t-ilquandl'euroseraaubordde l'explosion ? L'Allemagne étant le pays qui a le moins intérêt à cetteexplosion,jepensequelaréactiondesAllemandsseratrèsdifférentequandilsserontaupieddumur...

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La loi de 1973 dont nous avons déjà parlé, est à mon avis vraiment, unmauvaischevaldebataille.Etlepeuplefrançaisn'élirapasplusunprésidenten2022quiproposed'isolerlaFranceduSMIetdurestedumondequ'ilnel'afaiten1971nidepuis...

La France n'est pas un pays qui s'isole du reste du monde, ce n'est pas satradition,savisiondel'avenir.Maisc'estunpaysquipeutcréerunerévolutiondanslesespritsetfaireavancerlemonde!

Certainspensentquepourse financer, l'Étatdevraitse financerauprèsdesabanque centrale nationale. Si la France retourne au franc, l’État pourra fairepasser la Banque de France sous les ordres du gouvernement français. L’Étatpourra emprunter l’argent dont il aura besoin à la Banque de France, sanséchéance et sans intérêt.Mais cela ne répond pas à la question, qu’est-ce quececiàvoiravec l’euro?L’interdictionfaiteà l’Étatdesefinancerdirectementauprèsdesabanquecentralenedatepasdupassageàl’euro.

La dernière fois que la banque de France a effectué une avance au Trésor,c’était le 10 Août 1969. Et pour les autres pays (USA, Royaume Uni,Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Suisse, Italie…), la dernière fois que leurbanquecentraleaeffectuéuneavanceàl’État,c’était…le18Septembre1949!

Maisqu’est-ceque l’euroquin’existequedepuisunpeuplusd’unedizained’annéespeut-ilavoiràfaireavecunesituationquiduredepuislargementplusdequaranteans,etpourtouteslesmonnaies?Noussemblonsignorertotalementquedepuislepassageauxchangesflottantsetladémonétisationdel’oren1971,tous les États sont obligés de se financer auprès desmarchés, car les taux dechanges ne sont plus fixés par les gouvernements entre eux par rapport à unétalondechangeor,maisvarientenfonctiondel’offreetlademandedechangessurlesmarchés.Etcen’estpasunretouraufrancflottantquipourraychangerquoiquecesoit!CelanechangerapassansunretouràunsystèmemonétaireinternationaldetypeBrettonWoodsqui,bienévidemment,nepeutpasêtremisenplaceuniquementparlaFrance.

Deplus,commentl’Étatfera-t-ilpourremboursersadetteexistantedeplusde2000milliardsd’euros? Ilvaempruntercettesommeà labanquedeFrance?Quecroyons-nousqu’iladviendraitdesamonnaies’ilenfaisaitautant?Ellene

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vaudraitplusrien.Touslesépargnantsseraientruinésetcroyons-nousvraimentquec’estunesolutionpourlaquellelepeuplepourraitvoter?

JacquesSapirprétendavoirdémontréqueceneseraitpasunecatastrophedesortirde l'euroetqu’on retrouveraitassezvitedesmargesdemanœuvre.Non,Sapirn’arien«démontré»dutout.Leseulmoyendedémontrerquelquechoseen économie-politique, surtout quelque chose qui n’a pas d’équivalenthistorique, c’est de faire l’expérience et de vérifier que les résultats sontconformes aux prévisions. Les diverses analyses de différents économistesconcernantlesconséquencesd’unesortiedel’euroconcluentqu’enfaitilexistedemultiples scénarios possibles, du pire aumoins pire et qu’il est totalementimpossible de prévoir lequel est le plus probable vu la quantité d’hypothèsesincertainesquientrentenjeu.

Tous ceux qui, comme Sapir ou Patrick Artus, pensent pouvoir prévoir lesconséquences d’une sortie de l’euro avec un degré de confiance suffisant sontdesbonimenteurs,ilfautêtrebiennaïfpourlescroireetsurtoutaffirmerqu’ilsauraient«démontré»quelquechosequiesttotalementimprévisible.

QuandLehmanBrothersafaitfaillite,personnen’avaitétécapabledeprévoirles conséquences, et pourtant cela correspondait à un événement de crédit (ledéfaut des dettes deLehman) bienmoindre quene serait une sortie de l’euro,plusieursordresdemagnitudeinférieur.

Lesdettessontleproblème,unesortiedel’eurocelaveutdiredesdéfautsencascade,car lesdettespubliquesneserontplus rembourséeseneuros,maisenmonnaies locales peut-être dévalorisées (à part le mark). Quand nousadditionnonsceci avec tous lesproduitsdérivésdesdettespubliques ainsiqueleur imbrication avec les dettes privées et financières, nous comprenons quenousauronsdroitàunévénementbienplusgravissimequelafaillitedeLehmandontnoussommestotalementincapablesdeprévoirlesconséquences.

Silestauxd'intérêtpersistentàdesniveauxtrèsbas,c’estjustementparcequeles marchés pensent que la probabilité de retour aux monnaies nationales estfaible. Dès que le risque de se voir rembourser en pesetas, en escudos, endrachmes,etc…desobligationspubliquesinvestieseneurosré-augmentera,lestauxseremettrontàdivergerenflèche.

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Si vousmultipliez la somme des dettes publiques de ces pays par le% dedévaluation moyen, et même si nous prenons une base de 30%, cela donnel’équivalentdeplusde1000milliardsd’eurosquipartentenfumée,c’est-à-direunévénementdecrédit20foisplusgrandquelafaillitedeLehman.Pasmaldebanques, institutions financières, assurances, etc… feront faillite, les tauxinterbancairesrepartirontenflèche,lesCDSaussi,lescénariode2008en20foispire.

Quiconqueprétendpouvoirprévoirquellesseraientlesconséquencesd’untelévénement est un menteur, c’est tout bonnement impossible. C’est bien leproblème...

15.6.Lesystème100%Monnaie

Sansremonterauxpèresmêmesde la«science»économiquemodernequesont Ricardo et Léon Walras, depuis l’origine, tous ont vu que le vicefondamentalquimenaçaitlastabilitédenoséconomies,etpeut-êtredusystèmesocial tout entier, résidait dans le mode de fonctionnement de son systèmemonétaire et financier fondé sur un mécanisme de création monétaire par lecréditbancaire.Làétaitleproblèmequ’ilfallaitrésoudre,lelienentrelecréditetlacréationmonétaire.

Le100%monnaie pourrait permettre la rupture de ce lien, car les banquesdans ce système ne peuvent prêter que l'argent qu'elles possèdent, c’est-à-direque nous ne serions plus dans un système dit à réserves fractionnaires. Cesystème pourrait permettre aussi de savoir comment calculer la quantité demonnaiequ’ilfautcréeretdelafabriquerparlabanquecentrale.

C’est-à-direunsystèmeà100%deréservesbancairesobligatoires(àlaplacedes réserves uniquement fractionnaires) où les taux d’intérêts sont librementdéterminés par l’offre et la demande et non pas sans cesse manipulés par labanquecentraleetoùlaquantitédemonnaieémiseparlabanquecentraleévoluerigoureusement comme la quantité de richesses crées, c’est-à-dire strictementnoninflationniste.

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La réformeduprocessusdecréationdesmoyensdepaiementencirculationnécessite une profonde réforme du système financier privant les opérateursprivés (les banques) du pouvoir de créer de la monnaie par duplication depouvoird’achat.Ilsetrouvedoncquela«rente»liéeàlacréationmonétaire(lepouvoir d’achat créé ex nihilo par le système bancaire auparavant) se trouvecapturéeetqu’ilconvientdelarépartir.

L’objetdelaréformeproposéeestdefairefinancerlecréditparl’épargne(endehors de toute création monétaire), d’améliorer l’efficacité économique (enévitant les distorsions de taux d’intérêt liées à la création monétaire) et deredresserlarépartitiondesrevenusdistordueparlacréationmonétaire(Gomez).

L’idéalseraitquelamassemonétairesoitconstanteetquetouslesajustementsauvolumedestransactions(croissance)sefassentparbaisseduniveaudesprix.C’estlapositiondes“autrichiens”quiprônentaussiun“100%”,maisun“100%OR”(Rothbard).Commecelaparaitdifficilementenvisageableaujourd’hui(tropgrande rigidité des prix et des salaires), Allais et d'autres acceptent uneaugmentation annuelle de lamassemonétaire selon un rythme déterminé (4 à5%),maisenréservantlesbénéficesàlacollectivitépourenatténuerlecaractèrenocif.

Ladistorsiondestauxd’intérêtparnotresystèmedecréationmonétaireestlepoint central desméfaitsdu systèmeactuel, car il faitmonter le tauxd’intérêtréel en période de sous-investissement et le fait baisser en temps de sur-investissement. Au lieu d’avoir une action contra cyclique, notre systèmemonétaireauneactionfortementpro-cyclique,accentuantboometcrises.

Pour les « Autrichiens » comme Mises et Hayek, aujourd’hui, l’offre demonnaie interfère avec l’offre de fonds prêtables et distord les taux d’intérêtd’unemanière totalement arbitraire, poussant à des décisions d’investissementsanslienaveclesvéritablespréférencesdesagentsenmatièred’épargne.Danslenouveau système 100% monnaie, la fixation des taux d’intérêt devientmonétairementneutre.

Les libéraux comme Friedman, Rothbard, Allais, Fischer, mais aussi deskeynésiens comme Tobin ouMinsky ont tous proposé le système à 100% deréserves où la banque centrale ne sert qu’à produire la quantité de monnaie

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nécessaire pour un système non inflationniste, pas à fixer les taux d’intérêts.Nous n'avons jamais voulu lemettre en place, donc forcément, lesmesures àprendredansunsystèmeinflationnisteàréservesfractionnairescommelenôtresontunpis-aller.

Il nous faut un système de paiement 100% sécurisé dans son architecturemême.Nonpas,ungarantiparl’Étatquipeutfairedéfautàtoutmomentouquiimprimeunemonnaiedesingedemanièreaccéléréepourtenterderésorberlesfaillitessystémiques.C’estpourcelaqu’ilnousfautseloncesauteurs,le«fullreservebanking».

Dans le système 100%monnaie, lamassemonétaire croit strictement de lamêmemanièrequelarichesse.Vuqu’ils’agitd’unsystèmenoninflationnisteçaveutdirequelabanquecentrale,quiestuniquementchargéedegérerlesmoyensdepaiementetpaslecréditnilestauxd’intérêts,régulelamassemonétaireaumêmerythmequelePIB.

Toute laquestion,sinouspassionsàunsystème100%monnaieentièrementcontrôlé par la puissance publique, avec lequel je suis assez d’accord, car ilpermet de garantir à toutmoment le fonctionnement de ce qui est absolumentvital,c’est-à-direle«systèmedepaiement»(l’échangedecash,qu’ilsoitsousforme de billets ou d’instruments de la monnaie scripturale), est de savoircommentcalculerlaquantitédemonnaiequ’ilfautcréer.

Si nous voulons un système où la monnaie est neutre, le seul qui puisseassurerquelesmarchéssoientefficacesdansleurdéterminationdesprix,ilfautqued’annéeenannée,laquantitédemonnaieévolueaumêmerythmequeceluidesrichessesréellesquiontétécréés.Vuque,personnenepeutprévoirquellesera la croissance (ou décroissance) d’une année sur l’autre, il faut unmécanismequipermetteàlabanquecentrale(ousystèmedepaiement)deretirerde la circulation une quantité donnée, si les prévisions de croissance se sontavéréestropoptimistes.

Allais propose : « L’expansion de la masse monétaire globale, constituée

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uniquement par la monnaie de base, au taux souhaité par les autoritésmonétaires, le taux d’accroissement de lamonnaie de base serait égal au tauxd’accroissementduPNBréel,augmentédutauxsouhaitédehaussedeprix,enprincipede2%.».

Maiscelasoulèvedesérieusesquestions:

1. cela suppose l’existence d’une autorité monétaire globale (un genre debanque centrale mondiale) chargée de créer cette quantité de monnaie : nousretrouvons le même problème avec les propositions de Keynes sur le bancor.Est-ilraisonnabledepenserquelesnationsfassentauniveaumondialcequ’ellessemblentavoirdesdifficultésàfaireauniveaueuropéen?

2.queltauxdecroissanceannuellechoisirpourl’économieglobale?Nousletironsd’unchapeau?Nous faisonsconfianceauxbureaucrates?Pourquoi2%d’inflation?Pourquoipaszéro?

Vastedébat…

L’idée reste cependant celle d'un systèmemonétaire et de crédit à 100%deréserves dans lequel la monnaie, c’est-à-dire le système de paiement, est dudomainepublic(labanquecentrale)etestarchitecturalementscindédusystèmedecrédit,lequelrestedudomaineprivé:c’est-à-direunsystèmeoùlecréditetlestauxd’intérêtssontstrictementdéterminésparlesmarchésetlesépargnantset non pas par les banques centrales, qui sont pour leur part, en charge del’intégralitédelacréationmonétaireetdelagestiondusystèmedepaiement.

Plusbesoindebanquesdedépôt,denosjours,avecl’informatique,iln'estpasbien compliqué de faire en sorte que l'intégralité des transactions de paiementsoit effectuée sous l’égide d’une instance publique puisqu’il n’y a pas dedécisionsàprendre,maissimplementàcomptabiliserdestransactions;etséparédu système de financement (crédit), lequel peut être confié à des banquesprivées.C’estlaseulemanièred’êtresûrquelesystèmedepaiement,cequiestabsolumentvital,soitgarantidefonctionnementà100%(pas99,9%!).Carsilesystèmedepaiementaunefaillitesystémique,c’estlafindesharicots.

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Ce pourrait être un système de paiement (monnaie) public, mais qui soit àl’abridesmanipulationsdelapartdepoliticiensoubanquierscentrauxobnubiléspardesdécisionsélectoralistesàcourtterme.

Lesystèmedepaiement,c’est-à-dire lamonnaiesoussa formedebilletsousousformeélectronique(dansuncertaintemps,iln’yauraplusdebillets,maisquedesportefeuillesélectroniques), estparessence,unbiencommun,donc lagestion et le maintien de ce système de paiement (incluant la création demonnaie)doit resteruneprérogativerégaliennede l’État,maisàconditionquecelui-ci ne puisse pas manipuler sa valeur par des politiques inflationnistesnéokeynésiennes.

Cette solution rencontre évidemment quelques critiques mais pas sinombreuses d'ailleurs vu que nous sommes là à un niveau de discussiontechniquebienavancéetoùlespolitiquesnes'aventurentpasetencoremoinsàlancerundébatpublicsurlesujet.

Certains libéraux craignent que le 100%monnaie donne tous les pouvoirsdécisionnaires en termes de créationmonétaire à l'État,mais dans un système100%monnaie,labanquecentraledudomainepublicestuniquementchargéedemaintenirlesystèmedepaiementetceluidelamassemonétaire(M1)selondescontraintes strictes (masse ni inflationniste ni déflationniste). Ce système depaiementestarchitecturalementscindédusystèmedecrédit,quiestdudomaineprivé.

Dansun tel système, la banque centrale ne dispose d’aucuneprérogative enmatièrededemandesdecrédits,definancementsetoffresd’investissementparlesagentséconomiquespuisque les tauxd’intérêts sont fixés librementpar lesmarchésetlesbanquesprivées.Lesbanquescentralesnepeuventpasintervenirsurlesmarchésdestauxd’intérêts.

Les prêts sont financés intégralement par les fonds des épargnants sur descomptesépargneetlesfondspropresdesbanquesprivées:cesontdesactivitésàrisques qui perçoivent des intérêts fixés librement par les marchés et pourlesquellesiln’existeaucunegarantieétatique.

Lesbanquesprêtentcequ'ellesont,celafaitmonterlestauxd’intérêtlorsque

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lademandedecréditexcèdel’offred’épargneafindesélectionnerseulementlesmeilleursprojetslorsdesphasesd’emballementspéculatifs,parexemplecommeil y en a eu en 1925-1929 ou en 2003-2008. Sous le système 100%, les tauxd’intérêtauraientétébienplusélevésdurantlapériode2003-2008,l’intensitédela spéculation aurait été bienmoindre et nous n’aurions pas vécu l’éclatementsimultané de dizaines de bulles spéculatives au même moment (actions,immobiliers,matièrespremières…).

Bref,le100%monnaie,c’estl’Étatdécidederien.

Sterdyniakestplusprécisdanssescritiques :«Allaispropageunmythe: ilexisterait un équilibre optimal entre épargne et investissement sur toutes leséchéances,sil’économien’étaitpasmonétaire,optimalitéquelamonnaieetlesbanques remettraient en cause.Mais imaginons que les entreprises ont besoind’investir à long terme, tandis que les ménages ont besoin de conserver lapossibilité de liquider leurs actifs à court terme, tandis que la loi des grandsnombresassurequel’épargneglobaleresterastable.Latransformationbancairepermet de faire les investissements nécessaires en permettant auxménages deresterliquides.L’interdictiondelatransformationaboutiraitàpriverderôlelesintermédiaires financiers, dont la fonction est précisément, grâce à la loi desgrands nombres, de fournir des prêts à long terme à partir de dépôts à courttermeetdepermettrelacompatibilitédesdésirsdeliquiditésdesépargnantsetdes besoins d’investissements à long terme des investisseurs. La réforme deMaurice Allais impliquerait, par exemple, l’interdiction du financement de laconstructiond’HLMparlelivretA».

Cependant, le système de paiement doit appartenir aux citoyens, avec unemonnaiesansinflationetquinedoitjamaisfairedéfaut.PascommeunÉtatquipeutfairedéfautàtoutmoment.

Nousl'avonsvu, lascissionbancairenesécurisepaslesystèmedepaiementencasdefaillitedusystèmefinancier.

C’est bien ce qu’avait compris Irving Fischer (celui qui a développé le full

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reservebanking),Allais,FriedmanetRothbard,leseulmoyendevéritablementsécuriser le système de paiement en cas de faillite systémique c’est le 100%monnaie. C’est même spécifiquement dans cette optique que Fischer l’adéveloppé.

Certainsattendentaussidevoirlesmécanismesencasdedécroissanceetdoncde baisse de la masse monétaire, mais c’est exactement dans le cadre d’unedépression déflationniste que Fischer se place ! Et celle qui nous vient droitdevantestbienpirequecelledesannées1930.

D'autres encore pensent que la socialisation du système bancaire avec uncontingentement du crédit semblerait par exemple plus efficace et à tout lemoins, beaucoup plus réaliste au niveau de sa mise en œuvre.Mais bien sûrrépond chris06, c’est l’État qui va résoudre tous les problèmes ! Lui qui peutfairedéfautàtoutmoment.

Lasolutiondu100%monnaieconstituecependantungrandécart intenableentre une monnaie étatique et une économie abandonnée au marché et à laconcurrenceindividuelle.Autrementditcettesolutionreposesurunimpensédece qu’est le capitalisme, à savoir une société mue par la recherche du profitprivé,c’est-à-direunrapportsocialentreceuxquidétiennentlapropriétéetceuxqui en sont dépourvus. Allais est englué dans une vision où la société n’estcomposée que d’individus égaux qui se rendent visite sur un marchéconcurrentiel. Ilnepeutdoncpaspenserque lacriseestpossibledu faitde lacontradictioninhérenteàcerapportsocialpuisque,danssavision,iln’yapasderapportsocial(Harribey).

Ledébat n'est pas clos...Il est cependant urgent de changer l’architecturedusystèmemonétaire et bancairemondial avant qu’il ne soit trop tard, car sinonc’est tout le systèmedepaiement, c’est-à-dire toute l’économie,qui s’arrêtera.Nossociétésn’ysurvivraientpas.

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XVI.Conclusion

LeSaintGraaldelapenséemacroéconomiqueestd'intégrerl'analyseducôtéréeldel'économie(production,revenu,emploi,investissement,etc.)aveclecôtémonétaire(crédit,dette,actifsfinanciers,lefinancementdel'activité,laconduitedesbanquesetdesautresinstitutions).(Lavoie)

Nous voulons vivre tranquilles, c’est-à-dire avoir assez d'argent pour êtrepaisible...

Il nous faut doncun emploiquidansnotre systèmechoisi d'organisation endivisiondutravail,permetdeproposerdesservicesnécessairesleplussouventàlasociétéetd'avoirunsalaire.

L'État que nous nommons, une fois la sécurité établie, choisit alors commeobjectifnumérounl'augmentationdunombred'échangesdeservicesentrenous,carcesontceséchangesetriend'autrequicréentlesemplois.Plusnoussommesnombreux,plusilnousfautd'emplois.

De l'argent est nécessaire aussi bien pour améliorer l'offre d'échange que lademanded'échangeetdoncl'emploi.L'argentestunliensocialquenousavonsinventépourfaciliterleséchangesau-delàdecequepermettentletroc,lesdons,lasolidarité...

L'utilisationdel'argentsoussesdeuxformes,c’est-à-direvirtuelle(lecrédit)et physique, a permis de tout temps une croissance des échanges au prix degravesetrégulièrescriseséconomiquesetfinancièresliéesàlaquantitéd'argentcirculantparrapportàlaquantitédeservicesproduitsetdisponiblesàl'échange.

Ilconvientavons-nousobservédemaintenirunecertainequantitéd'argentquinesoitpastropimportante(parrapportàlaproductiondisponibleàlavente)aurisque de l'inflation voire de l'hyperinflation ; ni trop faible au risque de ladéflation. Hyperinflation comme déflation sont synonymes de crises,responsablesd'unchômageimportant.

Depuissonorigine,nousobservonsdesdifférencesfaceà ladisponibilitéde

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l'argent. Ces différences font que certains laissent dormir de l'argent qui necircule plus et qui ne sert donc plus à réaliser des échanges et augmenterl'emploi ; quand d'autres si nombreux n'ont comme unique possibilité des'endetterauprèsdespremiers.Quandlesconditionsne leurspermettentmêmeplusd'emprunter,l'Étatjugebondeprendrelerelaispardesaidessociales.

Quandlesentreprises,fauted'uncarnetdecommandesrempli,peinentàoffrirunemploiauxchômeurs,l'Étatencorejugenécessaired'intervenir.

Afin de lutter encore contre les différences devant la disponibilité de lamonnaie,l'Étatjugeaussiindispensabledefinancerl'éducation,laprotectionetdesinfrastructuresutilesauxéchanges.

Ainsi l'État en France (quel que soit le gouvernement) décide de dépenserenviron1200milliardsd'eurosparan.

Comme ildécideausside taxer seulementenviron960milliards, (etperçoit180milliardsde recettesdiverses), seposealors leproblèmedudéficit publicchoisiparl'État(encoreunefoisl'Étatpourraitdéciderdetaxeràhauteurdesesdépenses) qui est donc de nos jours d'environ 80milliards chaque année qui,additionnés au bout de tant d'années forment notre dette publique de 2000milliardsd'euros.

Quandcertains(lesnéolibéraux,Macron,Fillon...)proposentcommesolutiondediminuerlesdépensespubliques,ilsoublientquelestaxesrécupéréesparlesimpôts (et surtout laTVA)sontproportionnellesauxdépensesde l'Étatvers leprivé. Le privé paiera des impôts proportionnels à la quantité d'argent qu'il areçue. Moins l'État dépense, moins il va recevoir de taxes en retour. S'il nechangepas le tauxd'imposition, l'État sera toujoursendéficit,quelquesoit lemontantdesesdépensespubliques

Laquestionseratoujourscelledefairelechoixounonpourl'Étatderécupérer(sousformed'impôts)lasommeentièredépenséeinitialement.

Si l'État diminue ses dépenses de 80 milliards par an, les taxes (sur lesdépenses de ceux qui ont reçu ces milliards) qui lui reviendront diminuerontd'autant s'il ne les n'augmente pas, il y aura toujours lemême pourcentage dedéficitpublic.

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Nous avons gardé de Keynes, l'intérêt que peut avoir l'État à effectuer unerelance par des dépenses publiques, et quand il s'agit de savoir comment lafinancer, les néokeynésiens proposent aux banques centrales de fabriquer etprêterdel'argentàl'État(cequiestinterditparlestraitéseuropéens,bienquelaBCE,etdonclesÉtats,l'autorisentdefaitparlesassouplissementsquantitatifs).Il serabien temps,quand lacroissancesera relancée,devoirdiminuer le ratiodette/PIBparlesimplefaitdel'augmentationduPIB(quiaugmenteraitplusvitequelecoûtdeladette...).

La solution des néolibéraux n'a jamais fonctionné, pas plus que celle deskeynésiens,c'estpourquoilesgouvernementschangentàchaqueélection.

Lesnéolibérauxontéchoué,carilsnesontpasparvenusàréduirelesdépensespubliques.

Les néokeynésiens ont échoué, car le PIB n'augmente pas assez par rapportauxdettesnécessairesauxdépensespubliques.

Leproblèmenumérounrestealorsceluifinancementdesdépensespubliques.L'Étatdoit-il,etsioui,commentpeut-ils'organiserpouraiderlesplusdémunisdesménagesetdesentreprises,préserverlaplanète,augmenterl'emploi,assurerleurprotectionsansaugmenterladettepublique?

Par ailleurs et depuis 48 ans, un nouveau système monétaire internationalapparaît,quiromptlelienentrel'oretlamonnaie.Cequipermetdes'affranchirde la limite physique de l'or pour permettre une augmentation de la massemonétairemondialeproportionnelleàl'augmentationdelaproductionmondialeauservicedel'emploi.

Il nous faut de l'argent, de plus en plus, car nous sommes de plus en plusnombreux, et sa création devientmaintenant possible indépendamment de nosréserves d'or. Toute la génération de nos politiques nés entre 1920 et 1980,élevésauxdogmesnéolibérauxetpourquilacréationmonétaireestdirectementresponsable de l'inflation, quelle que soit la situation économique va s'auto-

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interdire de fabriquer de l'argent (la peur de l'inflation) et tous les États vontorganiserentreeuxuneguerredesmonnaiespourtentergrâceàleursindustries,au tourisme et à des accords financiers et fiscaux de gagner des capitaux etd'augmenter la part du gâteau en en prenant aux autres. L'argent, il faudra legagneroul'emprunter(sanssesoucierdesavoird'oùilvientnioùilva?).

Lamonnaie virtuelle, c’est-à-dire le crédit qui est unepromessedepayer, atoujoursexisté.Lecréditseraitmoinsinflationnistequelacréationmonétaireparl'État.Lecréditesttellementindispensableaubonfonctionnementdeséchangesdans notre organisation actuelle que les tentatives de s'en passer ont le plussouventétéaccompagnéesaussidegravescriseséconomiquesetsociales.

Nousneparvenonspas(encore?)ànouspasserducrédit,maissonutilisationetsurtoutsaquantitépeutengendrerdesdésastresincroyables.

La gestion du crédit assurée par les États et les banques (centrales etsecondaires) dans nos économies d'endettement est si délicate qu'aucunconsensus ne se dégage à la lecture de la littérature économique depuis lesphilosophesgrecquesjusqu'auxénarquesparisienscontemporains.

Lavisionpost-keynésienneépousealorslechartalismeetpermetderépondreàbiendesquestions.

•Lamonnaie(ladevise)estfabriquéeparl'Étatlorsdesdépensespubliques,ettoutescesdépensespubliques(vers lescomptesprivés) forment lamonnaieencirculation(pourleséchangesetdoncl'emploi).

•Leprivé(lesménagesetlesentreprises)nepeutdisposercommeargentqueceluidépenséparl'État.

•Dans un système fermé ou au sein d'une zone avec un bilan commercialimport-exportnul(commel'Europeparexemple),ledéficitpublicestdoncégalàl'épargneprivée.

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• Diminuer la dette publique est donc synonyme de diminuer l'épargneexistante, annuler la dette veut dire faire disparaître l'argent qui existe sur noscomptes.

•L'Étatn'apasdecontrainteàsadépense.

•L'Étatpeuttaxeràlahauteurqu'ildécide.Àcejourilchoisitdedépenseràhauteurde57%duPIBetdetaxeràhauteurde45%(soitundéficitde12%duPIB).

•Lasommedépenséeetnontaxée(nonrécupéréeparl'État)restedoncsurlescomptes privés d'un faible pourcentage d'entre nous, elle est au moins de 80milliards d'euros par an et elle correspond à la somme que l'État décided'empruntersurlesmarchésfinancierschaqueannée.Lesprêteursnetrouvantdemeilleursplacementsplusrémunérateursoumoinsrisqués.

• Si cette somme ne tourne plus, ne permet plus d'échanges, l'État a deuxsolutions,soitlataxerpourladépenser,soitaumoinsl'emprunteràceuxquilapossèdent(l'Étatpourraitenfabriquer,maiscelaferaittropaugmenterlamassemonétaireparrapportàlaproduction)pourladépenser.

•Les États ont choisi de favoriser le crédit bancaire privé pour limiter lesdépensespubliques.

•Ce système de crédit si pratique est un système instable qui tend vers desfinancementsàlaPonzietlespertesd'emploiquivontavec.

• Une meilleure distribution et redistribution de l'argent permettraitd'augmenterlaquantitéd'argentquisertàréaliserdeséchanges,dediminuerlanécessitédescréditsetdesdettesprivéesetpubliques.

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•Le problème des différences face à la disponibilité de la monnaie est unproblèmemoral,mais dans une vision purement économique, ce problème estsurtoutlacausedescauseséconomiquesdudéficitpublicetdesdettespubliqueset privées,motivant elles-mêmes des politiques d'austérité qui restreignent lesbudgetssanté,éducation,protection...

•Assimileretacceptercesinterprétationsestlavoieversunnouveausystèmemonétaireinternationaldontilesturgentdedébattreentrenous.Ilpourraitnouséviter des prochaines crises économiques dont certaines s'accompagnent deguerre,detotalitarisme.Sansfairelemalin,c'estcertainementpourbientôt...

ModestementécrivaitBerruyer,jen'aiprétentionàdéteniraucunevérité(jelacherche avec vous), ni à vous convaincre de quoi que ce soit. Je souhaitesimplement élargir le périmètre de vos informations pour que vous puissiezvous-mêmesvousfairevotrepropreopinion,cequiestlabasedelacitoyenneté.

Aufinal,lacriseactuellede2006ànosjoursrésultedelatransformationquenousavonsfaitesousuneinfluencenéolibérale,denotresystèmeéconomiqueenun système qui privilégie principalement le court terme au détriment du longterme, l'intérêt individuelaudétrimentde l'intérêtcollectifet la libertéabsolueaudétrimentdel'égalitéetdelafraternité.

Bien sûr, écrit-il aussi, notre génération a méthodiquement détruit tous lesgarde-fous mis en place par nos ancêtres pour sortir des crises passées :démembrement des banques, limitation drastique de la spéculation, entravesraisonnables à la liberté de circulation des capitaux, limitation du poids dusecteur financier, système monétaire international limitant la distributiondébridée de crédits, syndicalisme puissant, volonté d'équilibrer les balancescommerciales,modèlessociauxgénéreux limitant laduretéducapitalismepur,hausse régulière des rémunérations, compression radicales des inégalités, etc...(OlivierBerruyer).

Pour chris06, « le débat politique doit porter sur ce que j’appellerais« l’architecture du système monétaire, bancaire et financier », c’est-à-dire,

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comme le dit justement Allais, les conditions qui doivent permettre unfonctionnementefficaceetéquitabled’uneéconomiecapitalistedemarchés,etnonpassur laquestiondesavoirsi lecapitalismeestà l’agonieouqu’il faillepasser à quelque chose d’entièrement différent comme le suggèrent lesnéomarxistesetautresanti-capitalistesenherbe.

Autrementditlesystèmedeprix(desbiensdeconsommationetdesactifs)quirésultentd’unsystèmedemarchés(offreetlademande,prixsefontàlamarge,la valeur dépend de l’utilité marginale) doit pouvoir fonctionner de manièreefficaceet équitable,maispas si lemoyend’échangeet l’unitédecomptequisous-tend ce système de prix, la monnaie, et ses vecteurs de création, dedistributionetd’échangen’obéissentpasàdesconditionsbienparticulièresdontils’agitdedébattreaujourd’hui.

Il est à peu près certain que si nous continuons avec l’architecture actuelle(changesflottants,monnaiederéservedominante:dollar,systèmedepaiementnon scindé du système de financement, etc…), ce système finira par exploserentraînantdes événementspolitiques, sociauxet économiquesdont laviolencesera sans aucune commune mesure avec tous ceux que l’humanité a connujusqu’à ce jour… Espérons, c’est notre seul espoir, que les américains, leschinois,leseuropéens,lesrusses,lesjaponais,lesindiens,lesbrésiliensfinissentparcemettrevraimentautourd’unetablepourendébattreetmettreenplaceunenouvelle architecturemonétaire, bancaire et financière avant qu’il ne soit troptard.»(Chris06)

Pourmapart,après toutescesannéesde lecture,alorsque jenotaisbien lesphrasesclairesquimepermettaientd'entrevoir lesdifférentsraisonnementsdesdiverses écoles d'économie, je me retrouvais avec des centaines de pagesd'écritures. J'ai surtout retenuqueni la pratique, ni l'opinion, ni la plupart desthéories économiques, ne prennent suffisamment en compte la puissancepotentielle de lamonnaie et l'importance cruciale de sonmodede création (lecrédit). Ces pages avaient cependant un fil conducteur, celui de notre vieéconomique,maisdoncdenotrevietoutcourt.Ileutétéidiotdeleseffacer.Sij'ai pu par mon travail de lecture, de compréhension puis d'explication, aiderd'autres que moi à ouvrir les portes du monde économique pour mieuxcomprendre notre quotidien privé et professionnel (à l'hôpital par exemple) etsurtoutmieuxlegérer,alorsj'aifaitlejob...

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Commedisait Jaurès,« sionveutallerà l’idéal, il fautd’abordcommencerparcomprendreleréel».

Qu'est-cequipourraitnousenempêcher?

Lemanquedeconnaissancedetous,lavolontédesuns...

Etpourtant,c’estnousquifaisonslesrèglesdujeu!

“Infine,cettecriseserésumeàunbanalcombatderépartitiondupatrimoine.Bien entendu, c'est dans ces périodes qu'il convient d'être particulièrementvigilantsurlespointsdeslibertéspubliques,delasolidaritéetdeladémocratie.”(OlivierBerruyer)

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