journal printemps-été 2015

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Editeur responsable : Jérôme de Roubaix 5, chemin de Gabelle 4500 HUY [email protected] Bulletin ESPERANZA T-M a.s.b.l. Trimestriel n° 1 & 2 - 2015 DANS CE JOURNAL Edito p. 2 Comptes Esperanza 2015 p. 3 Quand David tente de résister à Goliath Máxima Acuña p. 4-5 Lettre de Jorge Velez (Pérou) p. 6 Projet de ligne à haute tension Moyobamba - Iquitos p. 7 Dix propositions aymaras de Morales pour le nouveau Baktún p. 8-9 La construction la plus chère du monde (Mexique) p. 10-11 Message de Julien Nickmans de retour de Bolivie p. 12 Lettre ouverte aux grands médias (par la taille) (Belgique) p. 13 Dejala decidir . . . . . . Laisse-la choisir (Pérou) p. 14 El rincon de buenas cosas p. 15 —————–—————–—–—————————————————- Votre participation constitue une aide précieuse sur les comptes ESPERANZA TIERS-MONDE, Commun : 000-025.77.36-07 Bolivie : 088-067.95.10-20 Pérou : 792-534.83.62-28

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Il a pris son temps pour arriver mais il est enfin là le 1er journal 2015. Ca valait l'coup d'attendre...

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Page 1: Journal printemps-été 2015

Editeur responsable : Jérôme de Roubaix

5, chemin de Gabelle – 4500 HUY

[email protected]

Bulletin ESPERANZA T-M a.s.b.l.

Trimestriel n° 1 & 2 - 2015

DANS CE JOURNAL

Edito p. 2

Comptes Esperanza 2015 p. 3

Quand David tente de résister à Goliath – Máxima Acuña p. 4-5

Lettre de Jorge Velez (Pérou) p. 6

Projet de ligne à haute tension Moyobamba - Iquitos p. 7

Dix propositions aymaras de Morales pour le nouveau Baktún p. 8-9

La construction la plus chère du monde (Mexique) p. 10-11

Message de Julien Nickmans de retour de Bolivie p. 12

Lettre ouverte aux grands médias (par la taille) (Belgique) p. 13

Dejala decidir . . . . . . Laisse-la choisir (Pérou) p. 14

El rincon de buenas cosas p. 15

—————–—————–—–—————————————————-

Votre participation constitue une

aide précieuse sur les comptes

ESPERANZA TIERS-MONDE,

Commun : 000-025.77.36-07

Bolivie : 088-067.95.10-20

Pérou : 792-534.83.62-28

Page 2: Journal printemps-été 2015

EDITO ‘Doucement mais nous avançons’, slogan du

mouvement zapatiste, auquel l’association

Esperanza peut s’identifier. Doucement,

mais ce énième journal a pu voir le jour,

avec du retard (ce n’est que le 1er numéro

en 2015), mais il est bel et bien là !

Ce n’est ni les choses à dire, ni les envies de faire qui manquent, juste un labeur laborieux qui prend du temps.

D epuis la dernière fois, il y a eu nos désormais traditionnels ‘Souper de St Valentin’ et ‘Marche Adeps’. Tous

deux ont été un succès de par l’ambiance, votre présence et les nombreux coups d’main reçus, tous

bénévoles, comme à chaque fois. Quelques milliers d’euros bienvenus grâce à votre générosité et la possibilité de

continuer à apporter notre soutien à des gens qui en valent la peine à des milliers de km d’ici. Il y a eu aussi l’AG

annuelle et le bilan comptable qui va avec pour pouvoir vous présenter, en toute transparence, ce que devient

l’argent collecté lors de ces activités mais aussi grâce aux essentiels dons !

N ous vivons une époque difficile, une époque de peurs diffusées à tout va, de déclarations à l’emporte-

pièce, de préjugés alimentés allégrement par des médias et des politiciens qui n’ont pas l’air de se rendre

compte de leur (ir)responsabilité. C’est pourquoi il est d’autant plus important de faire front ensemble, de dire

que ‘oui’ il est possible de croire en un autre monde, un monde où le bonheur de chacun de ne se bâtit pas sur le

dos d’autrui, où ce qui arrive à un agriculteur andin ou une femme d’un bidonville nous importe. Des alternatives

existent partout et les exemples de leur potentiel sont palpables. Pour s’en convaincre il nous faut détourner les

yeux et les oreilles d’un discours ambiant néfaste, un discours qui fait la part belle au ‘TINA’ (There is no

alternative), qui pousse à la résignation et au défaitisme.

A Esperanza, nous sommes habités par une autre façon de voir les choses comme l’indique le nom même de

l’association. Cet espoir n’est pas béat et passif. Il s’agit d’un espoir concret et qui remue, un espoir qui

croît en la force collective et en la possibilité de tirer le bon côté des êtres humains. Je fais ici mienne une citation

du documentaire secouant que nous vous conseillons dans notre ‘Rincón de las cosas buenas’ :

La réinvention du langage, le bouleversement permanent de la vie quotidienne, la

désobéissance et la résistance sont les maîtres mots de la révolte contre l’ordre établi. Mais,

pour que de cette révolte naisse une

révolution, il faut rassembler les

subjectivités dans un front commun.

Thomas

Page 3: Journal printemps-été 2015

* Ces sommes importantes (par rapport au budget ‘habituel’) s’expliquent par nos liens d’amitié avec André

Verheylewegen et le grand travail collectif effectué à COLQUECHACA (sud de la Bolivie), dont vous nous avons

déjà parlé. Depuis plusieurs mois, les dons permanents que ces initiatives reçoivent sont intégrés aux comptes

d’Esperanza. Ceci explique le ‘gonflement’ de certains items.

ESPERANZA TIERS-MONDE HUY, le 1 mars 2015

A.S.B.L. NN : 415.304.510.

5 Chemin de Gabelle – HUY

Bilan financier 2014

Disponible au 1/01/2014 39.881,73*

RECETTES :

Bolivie : Dons 48.438,61*

Activités 5.000,00 53.438,61

Pérou : Dons 8.746,32

Commun : Dons 6.742,88

Activités 3.972,00 10.714,88

Cotisation 2014 : 100,00

Intérêts bancaires : 117,50

Total recettes 2014 et solde 2013 : 112.999,04

DEPENSES :

Bolivie : Ayata 2.000,00

Creamos 1.000,00

Nidel 1.500,00

Colquechaca 50.000,00* 54.500,00

Pérou : Alcides Vasquez 3.000,00

Biblio rurales 3.000,00

Promoteurs 1.000,00

Rolando 1.500,00

Pucklay 1.000,00

Yurimaguas 2.000,00

Tablada 2.000,00

Chibolito 3.000,00 16.500,00

Sensibilisation : Journal 960,00

Timbres 947,21

Frais financiers 219,89

Frais paiements étranger 406,56

Frais généraux 372,83

Total des dépenses 2014 73.906,49

SOLDE AU 31 DECEMBRE 2014 39.092,55*

Certifié conforme pour ESPERANZA TIERS MON-

DE

La Trésorière – J. DUMONT

Page 4: Journal printemps-été 2015

Elle est le symbole de la résistance des petits contre les grands, le symbole du bon sens, de

l’humilité et du long terme contre l’absurde, l’arrogance et la vision du profit rapide. Elle est elle

est le grain de sable imprévu qui fait ralentir un effroyable rouleau compresseur. Elle s’appelle

Máxima Acuña de Chaupe, une paysanne de la région de Cajamarca, province de Celendín, un

incroyable petit bout de femme qui résiste dignement envers et contre tout. Comme elle le

chante joliment (dans une chanson qui décrit son combat : https://vimeo.com/80429997) elle est

prête à perdre la vie pour défendre les lagunes.

Depuis 1994, elle vit avec sa famille sur un lopin de terre acheté (elle possède d’ailleurs les

documents qui l’attestent) juste en face de la Laguna Azul. Un an avant était arrivé dans le pays

l’entreprise Yanacocha (la lagune noire en quechua !) qui ne cessera de s’étendre dans les

années suivantes. En 1997, la multinationale achète des terres communales voisines. En 2011,

elle propose de racheter les terres de la famille mais celle-ci refuse. Commence alors les ennuis

avec une complicité de l’entreprise, des forces de l’ordre et du système judiciaire… :

« On nous a demandés de partir, raconte-t-elle. Nous avons refusé. Nous avons

été agressés par la police. Notre plainte devant un tribunal a été classée. »

Certains villageois aux alentours, organisés en comités d’auto-défense, viennent soutenir la

famille. Mais beaucoup n’osent pas se montrer solidaires, craignant de perdre un emploi obtenu

au sein de l’entreprise ou intimidés par la pression policière.

« La justice péruvienne ne protège pas les peuples, mais les multinationales […] Quand nous sommes convoqués devant un tribunal, on nous l’apprend seulement la veille, pour que nous ne puissions pas nous défendre convenablement. »

La justice avait initialement condamné la famille à quatre ans de prisons et une grosse amende,

sur base d’une accusation de Yanacocha prétendant que sa propriété avait été usurpée.

Heureusement, l’histoire n’en est pas restée là. Fin 2014, après des années de lutte et de

résistance, subissant intimidations et violences, grâce notamment à une mobilisation nationale

et internationale, un jugement tombe en faveur de la famille Acuña de Chaupe. La Cour d’appel

de Cajamarca innocente Máxima et les siens, réaffirmant ses droits légaux de propriété.

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Tu es pauvre. Si tu m’vends ta colline

et ta lagune tu auras de l’argent!

Page 5: Journal printemps-été 2015

Mais, si une décision de justice comme celle-là est une victoire, la guerre n’est pas finie. La voracité

minière est bien décidée à ne pas en rester là et les autorités locales ne semblent pas soucieuses de

respecter les droits de sa population. Ainsi, en février dernier des membres de la sécurité de l’entreprise

Yanacocha, avec l’appui de la Police Nationale ont détruit la construction en cours d’un agrandissement

de la demeure familiale.

« J’étais en train de préparer le dîner pour les personnes venues aider. A 10h du matin ils sont arrivés, au milieu du brouillard, environ 200 policiers. Je n’imaginais pas qu’ils étaient de la mine, je pensais que c’étaient des ‘ronderos’ (vigiles communautaires) qui venaient nous soutenir, mais quand ils se sont approchés, je les ai vu avec leurs

protections. Là j’ai eu très peur, du coup j’ai été chercher l’appareil photo. Je suis sortie, un groupe de policiers était déjà en file et se dirigeait vers mon mari et les ouvriers. Entretemps est arrivé l’autre groupe avec des gens de la ‘minera’, avec des cagoules, des bâtons, et de longs fers. Alors que j’essayais de rejoindre mon mari avec l’appareil, ils nous ont encerclé et empêché de prendre des photos […] la seule chose que nous pouvions faire était crier,

appeler, mais personne nous a aidé, seul Dieu a veillé sur nous, et c’est là que nous avons vu qu’ils détruisaient toute la maison…».

On le voit il est impossible de baisser la garde,

impossible de se croire sorti d’affaire. D’où l’importance de continuer à en parler, à diffuser l’info, à faire

pression un peu partout pour que ces injustices ne puissent pas se prolonger en toute impunité.

Continuer à soutenir cette noble résistante qui a plus que jamais besoin de soutien dans cette guerre

d’usure bien inégale.

Maintenant, qu’est-ce que je vais faire ? Il n’y a plus de résistance, plus d’énergies, plus d’argent. Nous n’avons rien. C’est ce que voulait la mine. Il ne veulent pas nous voir tranquilles, ils nous veulent ruinés, justement, parce que nous ne pouvons même plus

boire une tasse de café tranquilles.

Moi, je ne vais pas rester comme ça, je préfère mourir ici, sur ma terre, donner mon sang, mais en

défendant mes droits, en ne permettant pas qu’ils détruisent nos lagunes, nos collines, parce que nous

savons que tous les gens vivent de l’eau. Ceux qui veulent

détruire sont des étrangers, qui veulent devenir les

propriétaires et c’est pourquoi, avec mes avocats, on va voir ce

qu’on fait. Et s’il n’y a pas de justice ici au Pérou, pas d’autorité

qui mette de l’ordre, nous cherchons justice ailleurs !

Thomas de Roubaix

Une affaire qui nous concerne de très près ! * La holding Yanacocha est constituée par l’entreprise péruvienne Buenaventura (43,65%), IFC, une filiale de la Banque Mondiale (5%) et surtout Newmont Mining Corporation (51,35%), une entreprise états-unienne basée à Denver, qui figure en bonne place dans le portefeuille d’actions de la BNP Paribas, à travers un fonds d’investissement basé au Luxembourg. BNP Paribas Investment Partners Luxembourg,

propose à ses clients d’investir sur marché

américain à travers le fonds d’investissement

BNP PARIBAS L1 Opportunities USA C. 4,85% de

ces fonds étaient investis dans l’entreprise

Newmont Mining, soit, d’après l’ALDEAH, près

de 50 millions de dollars. En mai 2013, ce fonds

d’investissement a été absorbé par un autre

fonds d’investissement, PARVEST Opportunities

USA, qui appartient à ... BNP Paribas

Investment Parteners Luxembourg ! Les deux

fonds possèdent également plusieurs millions

d’euros d’obligations émises par Newmont.

* Informations extraites de « Observatoire des multinationales »

(http://multinationales.org/)

Page 6: Journal printemps-été 2015

Notre ami Jorge Velez, impliqué aux côtés de

mouvements populaires dans l’Amazonie au nord

du Pérou, dont nous vous avons parlé dans le

journal précédent, nous écrit pour nous faire part

de ses inquiétudes :

Chers amis,

Ce qui se passe est terrible. D’autres années, j’ai

senti ces changements mais cette année c’est très

brutal, cela retarde tout. Il y a eu un temps de pluies

incessantes qui ont énormément augmenté le lit du

fleuve, qui a inondé le centre de la ville. Nous avons

dû changer de logement et j’ai dû accélérer

l’ouverture d’une auberge qui était prévue dans la

partie haute de la ville. La fatigue et l’humidité

m’ont rendu malade mais les chemins étaient

tellement mauvais que j’ai préféré rester à San Luis

et chercher de là-bas à surmonter la crise. Mais les

pluies ont continué et il y a eu des glissements de

terrain impressionnants sur la route entre

Yurimaguas et Tarapoto, qui ont pratiquement fait

disparaître cette fantastique route ouverte par les

Brésiliens : elle a été interrompue pendant un mois.

On a dû mettre en place un ‘pont aérien’, des vols de

l’armée pour arriver à Tarapoto

Je suis parti à Lima quelques jours pour des soins

médicaux, et au retour nous avons appris que l’Etat

avait approuvé un méga projet d’installation d’un

corridor pour des câbles à haute tension entre

Moyobamba et Iquitos. Cela passera par notre zone,

en détruisant la forêt et en semant de hauts pylônes

à travers les territoires des communautés. J’ai eu

l’information et l’ai communiquée aux dirigeants des

communautés. Nous nous sommes rencontrés, et il

semble que même le maire n’était pas au courant.

Mais les associations ont réagi et cherchent au

moins comment négocier. Nous soupçonnons que le

but du projet, plus que de fournir de l’énergie à la

population, soit d’alimenter des entreprises

pétrolières car il n’y aura de sous-stations qu’à

Moyobamba et Iquitos. Les peuples du Paranapura

restent de côté ; leurs territoires seront utilisés,

c’est tout et c’est terrible. La communauté de Centro

América, que vous connaissez, a fortement réagi et

n’a pas laissé entrer ceux qui venaient pour faire le

tracé. Comment tout cela se terminera, je l’ignore.

Je vous joins un résumé du conflit. Un groupe

d’avocats nous conseille depuis Lima.

Bon, à mon retour il pleuvait toujours, les étudiants

universitaires sont en grève et les routes s’ouvrent

puis se referment.. Chers amis, je crois que je suis un

peu lourd avec mes problèmes, et je n’aime pas ça.

J’aime être positif mais je suis sûr que notre amitié

me permet de vous raconter les choses comme je les

vis pour le moment et que vous me comprendrez.

A bientôt, amitiés,

Jorge Velez

http://unidosporlaamazonia.com/

Lettre de Jorge Velez (Yurimaguas)

Page 7: Journal printemps-été 2015

OUVRAGE: Construire un ligne de haute tension

de Moyobamba à Iquitos, pour connecter cette ville au

système électrique national et améliorer la connexion

internet. Cet ouvrage "public/privé" suppose l’élimination d’une frange de forêt d’au moins 25 mètres de large, de

chaque côté de la ligne de pylônes (de 40m de haut, distants de 500m en moyenne, le long des 600km).

A part cette frange de “maintenance” permanente, la construction nécessitera d’ouvrir des accès depuis les rivières

proches pour transférer du matériel et aménager des campements pour les travailleurs, des bases pour hélicoptères,

des dépôts de combustible, des ateliers de réparation, etc. On construira 3 sous-stations, qui sont les endroits où la

ligne à haute tension se connecte à d’autres lignes mineures.

CONCESSION: Accordée par Proinversión (organe gouvernemental) en 2014 à l’entreprise espagnole Isolux

Corsan. La durée de la concession est de 30 ans (sans compter les 52 mois de construction), avec une inversion privée

de 499 millions de dollars.

PLAN DE TRAVAIL: 2015 y 2016 Etudes techniques et Etude d’Impact Environnemental à présenter en août

2016. Début de construction 2017 et 2018. Fonctionnement 2019 ou 2020.

QUESTIONNEMENTS:

Quel tracé précis, donc quels territoires des Communautés, Zones Naturelles et Lieux Sacrés affectés ?

Quelle localisation pour les percées, chemins, accès, embarcadères… pour le transport des matériaux ?

Quelle localisation pour les campements, ateliers de maintenance et de réparation, sites d’extraction de

matériaux (sable de rivière, pierres), lieux de rangement des machines et de dépôts de combustible ?

Que des documents officiels avec les coordonnées GPS de ces informations soient fournis !

Quelles COMPENSATIONS pour chaque hectare de forêt et de cultures affectée de manière temporaire (pendant

la construction), et permanente (les 30 ans et plus) ?

Que des documents

officiels indiquent: les

plans approuvés, routes,

financements, délais et

localisation des Sous

Stations et des lignes à

basse tension de

distribution aux villages.

. Quid du Document officiel

du Plan de Participation et

Consultation Préalable ?

Projet de ligne à haute

tension Moyobamba - Iquitos. (sur base des documents officiels et publics du Ministère de

l’Energie et des Mines et de Proinversion)

Page 8: Journal printemps-été 2015

Le 21 décembre 2012 les indigènes aymaras et mayas célébrèrent la naissance d'une nouvelle ère civilisatrice. Les aymaras avec le Pachakutik, qui dans leur langue signifie réordonnancèrent de la vie, et les mayas zapatistes avec une marche silencieuse pour la fin d'un Baktún et le début d'un autre. Le président bolivien Evo Morales – qui a débuté en janvier son 3ème et dernier mandat – a donné un discours y faisant allusion qui a été snobé par la presse occidentale. Dans celui-ci il dit comment doit être le monde dans cette ère nouvelle. Ce sont les 10 propositions de la communauté indienne bolivienne para nous conduire ver le "Buen Vivir (Bien Vivre).

1. Refonder la démocratie. Il ne peut y avoir de démocratie si les inégalités

continuent, où quelques-uns s'enrichissent et la majorité s'appauvrit […] Il n'y a pas de démocratie si on ne transforme pas la politique qui s'est transformée en outil de profit et non, comme elle devrait l'être, à vocation de service […] Refonder la démocratie signifie que le peuple, à travers ses organisations sociales et communautaires, prenne le pouvoir politique y construise de nouvelles formes de gouvernement, étatique et plurinationales, afin que nous nous gouvernions sous le concept de "mandar obedeciendo" (commander en obéissant).

2. Moins de ‘mercantilisation’ des besoins humains et plus de droits sociaux. Face à l'iniquité provoquée

par le capitalisme et la politique de marché qui ont privatisé les services de base. Nous proposons de consolider la reconnaissance de la législation internationale pour que ces services de base comme l'eau, l'électricité, les communications et l'assainissement soient considérés comme des droits humains essentiels. Nous devons nationaliser ces services afin qu'ils cessent d'avoir la valeur économique qui les rend inaccessibles.

3. Construire un nouvel être humain intégral, avec des valeurs éloignées de

l'individualisme, du matérialisme et la surconsommation. Un être humain respectueux de la nature et solidaire, avec une éthique et conscient de sa responsabilité historique dans la construction d'une société plus juste, plus équitante, harmonieuse et sans pauvreté. Un être humain qui lutte avec d'autres contre les actuelles sociétés colonialistes, racistes et discriminatrices qui marginent les cultures millénaires des processus économiques et politiques, dépréciant leur force et énergie culturelle et spirituelle.

4. Dans les pays où il existe des cultures et des ethnies différentes, instaurer

des Etats Plurinationaux, où prévaut le respect de chaque culture ou nation ; respect de ses formes de gouvernement, ses cosmovisions et structures économiques, juridiques et culturelles.

5. Récupérer la souveraineté des ressources naturelles. Les ressources

naturelles sont nôtres et sont là pour le bénéfice

collectif, non pour le profit de multinationales. La

propriété de ces ressources doit être aux mains de

l’État […] La nature ne doit pas être surexploitée de

façon irresponsable, car elle peut vivre sans les êtres

humains, mais les êtres humains ne peuvent vivre

sans la nature. Nous devons exiger que les pays

responsables du réchauffement global assument leur

responsabilité historique de réduire leurs émissions

de gaz à effet de serre, comme ils s'y sont engagés.

Dix propositions aymaras d'Evo Morales pour le nouveau Baktún

Page 9: Journal printemps-été 2015

Dix propositions aymaras d'Evo Morales pour le nouveau Baktún

6. Promouvoir la sécurité alimentaire, avec des aliments sains et en refusant les produits néfastes […] Nous devons récupérer

les savoirs alimentaires et technologiques productifs communautaires, où les aliments sont médecine et part de notre identité culturelle. Chaque pays doit garantir les aliments de base que consomme sa population, à travers le renforcement des systèmes productifs, sociaux, politiques et écologiques des producteurs ruraux. Promouvoir l'agriculture familiale communautaire.

7. Entre les peuples du monde, former des coalitions et des alliances

puissantes pour traiter de la vie et non d’accords de libre commerce qui ne cherchent qu'à mercantiliser les besoins humains, privatiser et piller les ressources naturelles. Nos peuples ancestraux ont vécu de façon intégrée, en solidarité et réseaux de collaboration ; nous devons récupérer cette philosophie de vie pour construire des accords d'intégration effective qui nous permettent de partager connaissances, technologie, provision de ressources financières, énergie, production d'aliments, santé et éducation…

8. Rompre la dépendance technologique et scientifique, en

développant des technologies et des sciences propres qui convergent avec les connaissances, savoirs et techniques ancestraux ; unir ces technologies millénaires avec les modernes. La connaissance et technologie sont des instruments fondamentaux pour le développement intégral d'un pays, mais les puissances du nord protègent avec égoïsme leurs brevets et patentes auxquelles nous n'avons accès que si nous nous soumettons à leurs marchés.

9. Face à la politique impérialiste et interventionniste d'organisations

internationales comme l'Organisation du Traité de

l'Atlantique Nord (OTAN) chercher à construire une Organisation Mondiale des Pauvres ; une Organisation Mondiale de la Justice, une Organisation Mondial de la Terre Mère, pour que les peuples vivent avec dignité et souveraineté ; sans interventionnismes et bases militaires étrangères. Nous libérer des chaînes idéologiques et politiques

des organismes mondiaux comme la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International et ses satellites néolibéraux qui détruisent nos institutions.

10. Configurer un nouvel ordre économique et financier international, basé sur les principes

d’équité, souveraineté nationale, intérêts communs et harmonie avec la nature. Un nouvel ordre qui promeut la coopération et la solidarité, qui soit orienté vers le changement des modèles de production et consommation non durable ; qui diminue l’écart entre riches et pauvres […]. Le développement économique ne doit pas être orienté vers le marché, le capital et le gain sans scrupules ; il doit être intégral et être orienté vers le bonheur des gens, l’harmonie et l’équilibre avec la terre mère. Pour cela, les pays en voie de développement devons créer nos propres instruments financiers ; nous ne pouvons pas continuer à dépendre des donations et prêts conditionnés du système financier colonial capitaliste.

(traduit de J. Bustillos Zamorano - Ojarasca, suplemento mensual de La Jornada, n° 215, mai 2015)

Page 10: Journal printemps-été 2015

Comme certains le savent sans doute, je suis depuis quelques semaines au Chiapas, l'état le plus au sud du Mexique (un peu plus de deux fois la taille de la Belgique avec un peu moins de la moitié de sa population). J'y suis pour me retrouver et apprendre de la noble et courageuse lutte que mènent les populations indigènes de la région, notam-ment à travers la si créative révolution zapatiste. A continuation un des derniers messa-ges du mouvement suite à l'inauguration récente dans une des 4 "caracoles" (les "municipalités" autonomes en quelque sorte). Celui-ci provient de leur principal site d'in-formation http://enlacezapatista.ezln.org.mx/ où plusieurs message sont accessibles en français.

Je ne peux que vous conseiller et espérer que la découverte plus ample de tout ce qui nourrit cette résistance pas banale (bien que résistant à des phénomènes trop habituels de par le monde) soit aussi inspiratrice pour vous qu'elle l'est pour moi.

Thomas

Sous-commandant Insurgé Moisés. Sous-commandant Insurgé Galeano.

-★-

Février-Mars 2015.

La veille. Au petit matin. Le froid mord sous les vêtements des ombres. Sur la table qui, solitaire, meuble la baraque (qui n’a aucun panneau, mais on sait que maintenant c’est le quartier général de la commandance zapatiste) se trouve le papier froissé avec des lettres manuscrites où l’on trouve les détails de la construction de l’école-clinique dans La Reali-dad zapatiste. La voix résume les regards, les silences, la fumée, les rages :

Bon, les comptes ne sont pas du tout justes ! La vie de n’importe quel zapatiste vaut plus que la maison blanche de Pena Nieto et que toutes les maisons des riches du monde ré-unies. Ni tout l’argent que cela coû-te de faire les grands édifices où les puissants se cachent pour réaliser leurs vols et leurs crimes n’arrive-rait à payer une seule goutte de sang indigène zapatiste. C’est pour cela que nous avons le sentiment que cette construction est la plus chère qu’il y ait dans le monde.

Ainsi, nous devons le dire claire-

ment, ce qui n’apparaît pas dans

les comptes d’argent, c’est le sang

du Companero Galeano. Tous les

papiers de l’histoire du monde ne

suffiraient pas à écrire ces comptes.

“LA

CO

NST

RU

CTI

ON

LA

PLU

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RE

DU

MO

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E”.

Page 11: Journal printemps-été 2015

Et donc, qu’ainsi vous le mettiez quand dans vos listes, dans les médias de communication, vous mettez qui est le plus riche, où est le plus pauvre. Car le riche a un nom et prénom, sa lignée son pedigree. Mais le pauvre a seulement une géographie et un calendrier. Mettez-le donc que la cons-truction la plus chère de toute la planète est à La Realidad Zapatiste, Chiapas, Mexique. Et que les filles et les garçons indigènes zapatistes assistent à l’école la plus chère du monde. Et que les hom-mes, femmes, filles, garçons, anciens, anciennes, indigènes zapatistes, mexicaines et mexicains, lorsque l’on tombe malade à la Realidad, ils se font soigner dans la clinique la plus chère de la Terre.

Mais l’unique façon de rendre des compte juste c’est de lutter pour détruire le système capitaliste. Ne pas le changer. Ne pas l’améliorer. Ne pas le rendre plus humain, moins cruel, moins meurtrier. Non. Le détruite totalement. Annihiler toutes et chacune des têtes de l’Hydre.

Et malgré tout, ce ne serait pas encore assez, puisqu’ici nous voulons lever quelque chose de nou-veau et de bien mieux : construire un autre système, un sans maîtres ni patrons, sans autoritarisme, sans injustice, sans exploitation, sans mépris, sans répression, sans expulsion. Un système sans vio-lence contre les femmes, les enfants, les différents. Un système où le travail est payé à sa juste va-leur. Un système où ne règne pas l’ignorance. Un système où la faim et la mort violente seraient de mauvais souvenirs. Un système où personne n’est en haut parce que d’autres sont en bas. Un systè-me raisonnable. Un système bien meilleur. Alors, et alors seulement, nous hommes et femmes za-patistes pourrons dire que le compte est bon.

-★-

Merci beaucoup aux autres, hommes, femmes, filles, garçons, anciennes et anciens, groupes, col-lectifs, organisations et comme on dit de la Sexta et pas de la Sexta, du Mexique et du monde, pour l’appui que vous nous avez donné. Cette clinique et école est aussi la vôtre. Du coup, vous savez que vous avez une clinique de santé autonome et une école autonome à La Realidad zapatiste.

Nous savons pour l’heure que vous êtes un peu loin, mais on ne sait jamais, le monde est rond, il tourne et il peut advenir peut être, peut-être, qui sait … que quelqu’un, un matin, comprenne que, c’est ça lutter pour que les comptes soient justes, et ainsi rentrer dans ses comptes.

Depuis les montagnes du sud-est Mexicain

Sous-commandant Insurgé Moisés - Sous-commandant Insurgé Galeano.

Page 12: Journal printemps-été 2015

I l était une fois, au bout d’une piste sans fin, un petit village perdu dans l’immen-sité de l’Altiplano, des personnes atta-

chées à leurs terres, à leurs cultures, leurs tra-ditions, la Pachamama, Inti, El Tio. La vie ryth-mée au fil des saisons, surtout cette saison des pluies, tant espérée, mais pas toujours présente. Les années de sècheresse obli-geaient les hommes à quitter leurs villages et chercher du travail, parfois très loin de chez eux. C’était l’époque des famines. Modeste-ment, à cette époque, nous avons participé au financement de tuyaux socarex pour le capta-ge de sources, parfois à plusieurs km du villa-ge. Après vingt ans ces captages sont toujours présents.

T out n’a pas toujours été une réussite. Les cuisines solaires, par exemple, n’ont pas eu les succès escompté.

Pourtant, j’ai parfois pu faire cuire cinq mar-mites à pression (5l) par jour. C’est vrai, il fal-lait un suivi permanent. Après l’eau, est venue ma période d’appui à l’éducation. A cette épo-que (les années 90) une majorité d’adultes ne savaient ni lire ni écrire (ils savaient compter pour leur petit commerce). Les femmes, sou-vent, dans ces petits villages, ne parlaient que le quechua ou l’aymara.

L e Père Jean Claessen a contribué à développer, à Potosí, une méthode ludique d’appui aux enfants défavori-

sés dans les quartiers miniers de la ville, le Niedelbarmi ("Niños de los barrios mineros"). Ce sont des centres d’appui scolaire où les en-fants peuvent venir, soit le matin soit l’après-midi, en fonction de l’horaire scolaire bolivien. Cette méthode a permis à de nombreux en-fants (des milliers) de surmonter certaines difficultés scolaires. L’internat d’Uyuni donne la possibilité à des enfants du campo, de venir

faire des études secondaires à Uyuni. C’est toujours une ambiance bon-enfant lors de mes visites. Dans cette même ville nous avons soutenu un orphelinat par le financement de mobilier. C’est avec plaisir et admiration que je rends visite chaque année à cet orphelinat.

L A Bolivie a malgré tout de la chance. C’est vrai parfois il y a eu des manifes-tations sanglantes, mais surtout il n’y a

pas eu de guerre. Le pays se développe lente-ment (pas si lentement que ça). Les années de dictature sont passées, un président élu démo-cratiquement (Evo Morales), l’exploitation des richesses du pays contrôlée par le gouverne-ment (pas suffisamment à mon goût). C’est vrai, le développement ne profite pas à tous de la même façon. Mais, le président a instauré une pension légale pour les pensionnés, les mères et les défavorisés (1 dollar par jour). Il reste naturellement un tas de problèmes : les soins de santé, l’éducation ont toujours un cer-tain retard. Dans le village de Ayata il y a enco-re des personnes âgées, sans papiers, qui, de cefait, ne peuvent avoir droit à la pension.

E n Bolivie j’ai eu le plaisir de ren-contrer des personnes extraordinaires (Adolfo, Francis, André…). A l’hôpital

de Potosí, j’ai rencontré des petites sœurs d’un dévouement sans limites qui , devant cette montagne de misère, garde le sourire et la joie de vivre. Le sourire, la joie de vivre, c’est ce que je souhaite à chacun d’entre vous.

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Steenokkerzeel, vous connaissez ? C’est le nom d’une commune flamande pas tout à fait comme

les autres, peuplée de quelques 12 000 habitants, un peu plus de la moitié sont des femmes nous dit-on. Jusque-là rien de surprenant. La densité de population est supérieure à la moyenne belge (509 contre 368hab./km²) et la proportion d’étrangers est nettement inférieure à la nationale (4 contre 11%). Soit… Pas comme les autres, cette petite commune a la particularité de compter sur son territoire plusieurs pis-tes d’atterrissage amenant et emmenant des gens partout dans le monde, particularité aussi de compter deux prisons ("centres fermés") 1 réservées exclusivement à des personnes n’ayant pas la nationalité bel-ge (pour un total de 192 + 90 places) et particularité, enfin, d’accueillir depuis 2010 un festival de musique annuel de grande qualité : le Steenrock Festival 2. Une manifestation artistique devant le centre 127 bis (l’autre s’appelle Caricole) pour réclamer la suppression d’un système qui viole les droits de l’homme3 et ne constitue en rien une solution, avec un slogan simple, poétique et pacifique mais irrévocable :

"Faites de la musique, pas des centres fermés". Je sais que nous avons la chance, dans notre pays, d’avoir une offre culturelle dense et variée. Ce week-end, il y avait de grands concerts à Bruxelles pour le Fête de l’Iris, c’était important d’en parler. Je sais aus-si que dans le monde il se passe des tas de choses qui méritent un écho. Ce week-end, un enfant a été dé-couvert dans une valise d’une voyageuse passant du Maroc à Ceuta, c’était important d’en parler. Ce week-end, toujours, avait donc lieu la 5ème édition d’un festival gratuit rassemblant des artistes talen-tueux, des collectifs courageux et des êtres humains valeureux. Était-ce important d’en parler ?

En épluchant nos médias de masse je n’ai rien trouvé, pas un mot, pas une fraction de seconde pas la moindre ligne! Que ce soit grands médias radio-tv ou presse écrite la plus diffusée partout un même silen-ce glaçant et révoltant. Il est impossible de penser qu’aucun des journalistes de ces mastodontes médiati-ques francophones n’ait été au courant de cet évènement. Alors quel sens donner à ce silence ? Au vu des informations relayées depuis samedi après-midi dans les différents et nombreux espaces de dif-fusion, j’ai du mal à penser que ce soit une question de priorité ou de manque de place. Quelques exem-ples interpellants : La Libre de ce lundi 11 mai 2015 consacre une double page (rubrique "Regards" pp. 20-21) à une gigantesque photographie en gros plan d’un match de hockey sur glace opposant la France au Canada lors des préliminaires des championnats du monde à Prague. Le Soir de ce lundi a jugé bon de dé-dier 6 pages entières (sur 32) au sport "roi". La Une dans son JT de 19h30 du dimanche 10 mai 2015 intè-gre un sujet de 5min27sec. (soit près d’1/5ème du temps disponible) sur la fête des mères et le portrait d’u-ne maman policière. Rtltvi n’a pas hésité, ce même dimanche, à parler pendant les premières 2m05sec. du journal de 19h de l’important baptême des jumeaux du couple princier monégasque. Je suis donc bien obligé d’arriver à cette conclusion : "Si les comités de rédaction n’ont pas parlé du Steen-rock Festival c’est qu’elles ont choisi de ne pas en parler. Elles en ont eu connaissance et elles avaient l’espace nécessaire pour en parler. Si elles ont fait ce choix cela n’est pas anodin et donne une idée de ce qu’elles en pensent ! " Cela m’inquiète, me rend triste et me mets en colère ! Si quelqu’un au sein de vos "entreprises" peut m’apporter un élément susceptible de modifier le résultat de mon raisonnement j’en serai ravi.

Thomas de Roubaix - 11 mai 2015

1. A ce propos il est intéressant de consulter le dossier pédagogique : www.ouvronslesyeux.be

2. Steenrock Festival : https://steenrock.wordpress.com/

3. Articles 13 et 14 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

LETTRE OUVERTE AUX GRANDS MÉDIAS (PAR LA TAILLE)

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Elle s’appelle Rosa Micaela Távara. C’est un peu ma seconde petite

sœur. Nous nous connaissons, depuis l’enfance, elle vit à Carrabayllo.

Aujourd’hui, je vous parle d’elle pour relayer la noble lutte qu’elle mène

en alliant ses valeurs féministes et ses talents artistiques (elle est ac-

trice, danseuse et metteuse en scène).

Le 25 mai dernier, elle a mené à bien, avec une vingtaine d’autres

femmes, une performance dans l’espace public de la capitale péruvi-

enne. Profitant du goût invétéré pour l’image "sensationnelle" des

médias, elles ont réussi à attirer le regard et ainsi faire passer un mes-

sage important : l’importance de changer la loi afin de rendre possible

l’avortement légal pour une femme violée. Vêtues de lila, portant des

fleurs distribuées aux passants, elles ont parcouru en marchant-dansant

quelques rues du centre historique. Arrivées devant le congrès, elles ont

ôté leurs ‘toges’ pour découvrir partiellement ou entièrement leur corps nu, avec, sur le ventre, deux mots

pour le moins explicites : DÉJAME DECIDIR ! (Laisse-moi choisir !). Comme le dit Rosita : "Le corps est un outil

politique. Et le nu est une arme. Une arme qui ne tue pas ni ne blesse. Mais une arme qui frappe, secoue et

interpelle".

La lutte pour la dépénalisation de l’avortement en cas de viol vient de loin au Pérou. Les ONG féministes –

Manuela Ramos, Demus, Flora Tristán, Promsex et d’autres – l’ont toujours revendiquée de leur côté jusqu’à ce

qu’elle se réunissent, il y a quelques années, au sein de la ‘Articulación Feminista’. Ensemble, elles ont rassem-

blé des signatures et présenté un projet de loi pour cette dépénalisation. Celui-ci, après de grands efforts, est

arrivé au Congrès en septembre 2014. Depuis lors, les féministes péruviennes ont développé une campagne

baptisée ‘Dejala decidir’ (‘Laisse-la décider’). Soutenu par Amnesty International, cet appel aux élus politiques,

à l’Eglise, à la société civile, veut permettre aux femmes de prendre des décisions sur leur santé et leur vie. Des

chiffres impressionnants viennent appuyer l’argumentaire éthique illustrant tragiquement les dégâts de cette

honteuse illégalité (voir encadré).

Rosa n’en est pas à son premier ‘coup’. Elle a régulièrement utilisé l’art pour susciter une réflexion sur les

thèmes d’identité, de genre et de violence sexuelle, elle s’est beaucoup penchée sur le travail de mémoire

lié à la période du conflit armé. Il y a quelques semaines elle avait écrit en grand et en fleurs jaunes sur la Place

San Martín les mots "YO ABORTÉ"

afin de faire réfléchir sur ces enjeux.

Malheureusement, il en faudra plus

pour faire évoluer les mentalités dans

un pays où les clichés conservateurs

et machistes sont encore bien ancrés,

où le lobbying ‘pro-vie’ est influent

(notamment, via des milieux religieux

et des soutiens made in USA).

Thomas

CHIFFRES NOIRS DU PÉROU

Le Pérou est le pays avec le plus de

viols d’Amérique du Sud

78% des victimes sont des mineurs

90% des cas sont des incestes

34% des victimes tombent enceinte

Chaque année, 35 000 femmes

sont ainsi forcées à porter l’enfant

fruit d’un viol.

La peine pour avortement est de 3

mois à 2 ans de prison ferme !

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MUSIQUE Chicos y Mendez Le genre de groupe dont le début de succès fait vraiment plaisir. Ils sont doués, on connaît le chanteur David (belgo-péruvien, fils d’amis de longue date) et ils défendent de vraies belles valeurs comme en témoigne leur présence au Steenrock Festival (devant le centre fermé 127 bis début mai) et un futur concert organisé au profit d’Esperanza !

Une envie de réinventer sans la dénaturer la musique latino, se connecter à ses racines tout en créant son propre chemin. Une musique festive, spontanée et engagée, ac-compagnée de textes écrits en espagnol et en français. Le nom du groupe est un hommage au militant écologiste brésilien Francisco Mendès Alves Filho dit "Chico Mendes", assassiné en 1988 !

DOCUMENTAIRE De la servitude moderne

Un livre et un film documentaire de 52 min. produits de manière totale-ment indépendante, distribué gratuitement des lieux alternatifs en Fran-ce et en Amérique Latine. Le texte a été écrit en Jamaïque en octobre 2007 et le documentaire a été achevé en Colombie en mai 2009. Il existe en version française, anglaise et espagnole. Le film est élaboré à partir d’images détournées, essentiellement issues de films de fiction et de do-cumentaires.

L’objectif central de ce film est de mettre à jour la condition de l’esclave moderne dans le cadre du systè-me totalitaire marchand et de rendre visible les formes de mystification qui occultent cette condition ser-vile. Il a été fait dans le seul but d’attaquer frontalement l’organisation dominante du monde.

PRESSE ALTERNATIVE KairosInitiative coopérative et bénévole, repose sur une équipe engagée, se nourrit d’apports divers et variés, se veut avant tout un journal d’opinion, résistant, d’ouverture et collectif. Il n’est lié à aucun parti, ni aucun syndicat. Journal promouvant les valeurs de l’objection de croissance, il défend la liberté et l’es-prit critique, et par là le sens des limites et le respect de la Nature vivante.

Ce bimestriel belge s’inscrit dans son temps, un

‘moment opportun’, celui de la conjonction des cri-

ses, et de l’espoir d’un bouleversement des conscien-

ces. Kairos n’existe que grâce à ses lecteurs. Si vous

êtes encore abonné à une presse marchande et pu-

blicitaire, n’hésitez pas à changer pour une concep-

tion libertaire et critique de l’information !

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Hommage aux peintures murales disparues des murs de Lima après

la décision stupide du nouveau maire Castañeda (soucieux de gommer les traces du mandat

précédent de Villarán)