jeunesse la beauté effrontée

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lundi 9 février 2015 ¡lnltnlllrit¡l¡llll¡ll¡ulnllnnnillllfl¡ll¡lurrl tA CHßONIÛUE THÉÃTRIì IIH JE¡IN-PIERftH THO\AITüINI Jeunesse à la beauté effrontée n déplore la perte de . grands récits >> à notre époque prosaique, hideuse, revenue de tout. Rien d'étonnant qu'on - en revienne; dans notre Moyen Âge post- moderne, aux fables et mythes médiévaux qui ont fait preuve de grandeur. Christian Schiaretti et Julie Brochen montent à quatre mains le GrqqlThédtre, deFlorence Delay et Jacques Roubaud; oìr l'on retrouve Merlin, Perceval, Gauvain et.tutti quanti. Éric Vigner, lui, repasse par Tristcn (1). C'est depuis I'his- toire de Tristan et Iseult,dont le grand ro- maniste loseph Bédier s'attacha en 1900 à faire un tout h-omogène à partir de fragments de contes, qu'il a entrepris d'écrire lapièce. Il en signe la mise en scène, le décor, les costumes. Il ne s'attache pas à toutes les péripéties du récit initial. Du moins en garde- t-il I'essentiel, qui a trait à l'élan consumant du désir qui soulève les amants au-dessus de I'interdit, à cause d'un philtre bu par " erreur. Si ce.roman est si bouleversant, nlest-ce . pas qu'il sublime le ha- 'sard transf-ormé en destin ? Cequ'ilyad'attachant de prime abord dans la partition verbale com- posée par Vigner, c'est qu'on sent qu'elle lui importe viscéralement, . qu'elle lui est en somme consubstantielle et E Un temple en l'honneur de la Érâce juvénilejetée dans les affres de l'amour à mort. . prend place dans le ré_ . seau complexe de ses prédilections artistiques. Au chapitre esthé- tique, cela se vérifì.e dans le magnifìque rideâu de bambou chatoyant, couleur d'or émaillé d'obscurité, qui partage la scène à point nommé. Il y a surtout que la représentation, dans son ensemble, participe d'un vif éloge d'une jeunesse à labeauté effrontée. Tous lés interprètes (lénédicte Cerufti, Matthias Hejnar, Thomas Pasquelin, Alexandre Ruby, Jules Sagot, Zoé Schellenberg, Isaie Sultan) apparaissent en èffet comme les vivants piliers d'un temple éphémère, érigé en I'hon- neur de la grâce juvénile jetée dans les affres de l'amour à mort. Des échos d'épouvantes d'aujourd'hui en d'autres lieux (du Mali à I Afghanistan) viennent soudain percuter par rafales le dit ancestral de passion joué par Tristan, Marc, Iseult et leurs comparses, rendu résolument moderne dans la facture et une langue qui ne fépugne ni à I'anglicisme, ni àl'âpre syncope durock.¡, (1) Lo créotion o eu lieu le 4 novembre ou ThéôÎre de Lorienr (centre drcmotique nctionol), dont Éric Vigner cssure,lo direction depuis L996 ll y eul ensu¡Ie lo Comédie de Reims (9-L2 décembre). LÉquino>e ò Choreouroux (16 décembre). le TNB o Rennes (21:24 jonvier), Lo Posserelle o Sqinl-Brieuc (4 er 5 février). Lo suile de lo lournée se précise ociuellement.

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Page 1: Jeunesse la beauté effrontée

lundi 9 février 2015

¡lnltnlllrit¡l¡llll¡ll¡ulnllnnnillllfl¡ll¡lurrltA CHßONIÛUETHÉÃTRIìIIH JE¡IN-PIERftHTHO\AITüINI

Jeunesse à la beautéeffrontée

n déplore la perte de . grands récits >>

à notre époque prosaique, hideuse,revenue de tout. Rien d'étonnant qu'on

- en revienne; dans notre Moyen Âge post-moderne, aux fables et mythes médiévauxqui ont fait preuve de grandeur. ChristianSchiaretti et Julie Brochen montent à quatremains le GrqqlThédtre, deFlorence Delayet Jacques Roubaud; oìr l'on retrouve Merlin,Perceval, Gauvain et.tutti quanti. Éric Vigner,lui, repasse par Tristcn (1). C'est depuis I'his-toire de Tristan et Iseult,dont le grand ro-maniste loseph Bédier s'attacha en 1900 àfaire un tout h-omogène à partir de fragmentsde contes, qu'il a entrepris d'écrire lapièce.Il en signe la mise en scène, le décor, lescostumes. Il ne s'attache pas à toutes lespéripéties du récit initial. Du moins en garde-t-il I'essentiel, qui a trait à l'élan consumantdu désir qui soulève les amants au-dessusde I'interdit, à cause d'un philtre bu par

" erreur. Si ce.roman estsi bouleversant, nlest-ce

. pas qu'il sublime le ha-'sard transf-ormé endestin ?Cequ'ilyad'attachant

de prime abord dans lapartition verbale com-posée par Vigner, c'estqu'on sent qu'elle luiimporte viscéralement,

. qu'elle lui est en sommeconsubstantielle et

E

Un templeen l'honneurde la Érâcejuvénilejetéedans les affresde l'amourà mort.

. prend place dans le ré_. seau complexe de ses

prédilections artistiques. Au chapitre esthé-tique, cela se vérifì.e dans le magnifìque rideâude bambou chatoyant, couleur d'or émailléd'obscurité, qui partage la scène à pointnommé. Il y a surtout que la représentation,dans son ensemble, participe d'un vif éloged'une jeunesse à labeauté effrontée. Tous lésinterprètes (lénédicte Cerufti, MatthiasHejnar, Thomas Pasquelin, Alexandre Ruby,Jules Sagot, Zoé Schellenberg, Isaie Sultan)apparaissent en èffet comme les vivantspiliers d'un temple éphémère, érigé en I'hon-neur de la grâce juvénile jetée dans les affresde l'amour à mort. Des échos d'épouvantesd'aujourd'hui en d'autres lieux (du Mali àI Afghanistan) viennent soudain percuterpar rafales le dit ancestral de passion jouépar Tristan, Marc, Iseult et leurs comparses,rendu résolument moderne dans la factureet une langue qui ne fépugne ni à I'anglicisme,ni àl'âpre syncope durock.¡,(1) Lo créotion o eu lieu le 4 novembre ouThéôÎre de Lorienr (centre drcmotique nctionol),dont Éric Vigner cssure,lo direction depuis L996ll y eul ensu¡Ie lo Comédie de Reims(9-L2 décembre). LÉquino>e ò Choreouroux(16 décembre). le TNB o Rennes (21:24 jonvier),Lo Posserelle o Sqinl-Brieuc (4 er 5 février).Lo suile de lo lournée se précise ociuellement.