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Illustration de couverture:Laetitia Gielis

J'ai 16 ans et demi. Bientôt 17. Je suis atteintedu Syndrome d'Asperger.

Je n'arrête pas de faire des efforts pouressayer de m'adapter aux gens normaux.

Mais ça ne marche pas. Parce que l'effort nevient que de moi. Et j'ai beau en faire,

personne ne s'en aperçoit.Alors j'en ai eu marre et j'ai décidé d'écrire le

récit de ma vie.Pour faire comprendre à tout le monde ce que

j'ai fait pour essayer de cacher que j'étaisdifférente. Et pour montrer de quelle façon on

m'a traitée.

Alors laissez-moi retourner dans ma bulle.

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Angel Publications Présente

Laissez-moi retourner dans ma bulle

Hesgée

Biographie de l’auteur : Hesgée est une jeune auteure née le 24 août 1995 et atteinte du Syndrome

d'Asperger. Elle a deux passions : l'écriture et le cheval. Elle aime beaucoup lire mais ce n'est pas sa passion pour la lecture qui l'a

amenée à écrire son premier livre ; c'est le désir de faire connaître et comprendre le syndrome dont elle souffre afin de témoigner de son vécu, mais aussi de tenter d'aider ceux qui sont dans le même cas et tout aussi incompris qu'elle. Car l'incompréhension des « gens normaux » a brisé beaucoup de ses illusions.

Hesgée poursuit des études secondaires littéraires par correspondance tout en

apprenant à éduquer le poney qu'elle a reçu pour son anniversaire. Son prochain livre est déjà en cours d'écriture et aura trait à la violence

scolaire.

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Extraits

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e m’appelle Séverine. J’ai seize ans. Je suis atteinte du Syndrome d'Asperger.

C'est une forme d'autisme. Seulement c'est une forme d'autisme qu'on appelle le "handicap invisible".

Du coup, quand on me voit, on ne se rend pas compte que j'ai un problème. J'ai l'air d’être tout à fait normale.

Je ne suis pas en chaise roulante. Mon handicap est au niveau de la communication. Alors quand je parle, ou plutôt quand je ne parle pas, on me prend pour une débile qui ne sait rien et qui ne peut rien apprendre.

C'est un vrai cauchemar. J'ai l'impression de me heurter la tête contre des murs. J'ai plein de choses dans la tête mais je n'arrive pas à les exprimer. Alors je finis par croire que je suis vraiment stupide puisque chaque fois que j'arrive quelque part c'est le même problème.

Ma mère souffre également de cette maladie. Alors elle essaie d'expliquer ce

que moi je n'arrive pas à dire. Seulement voilà, les profs n'écoutent même pas. Pour eux, une mère protège son enfant même s'il a tort. Ils ne veulent pas entendre que maman ne me donne pas toujours raison mais que, simplement, elle essaie de leur faire comprendre, de traduire ce que je ressens, ce que je veux dire. C'est peine perdue. Les gens normaux s'en fichent de nos ressentis. Ils ne cherchent pas à comprendre.

e ne voulais plus aller au collège. Je ne voulais plus revivre ce cauchemar. Pourtant j'y suis retournée. Je me suis décidée à poursuivre des études. Je veux réussir ma vie. Je veux réaliser mes rêves.

Mon premier rêve : racheter Figaro et le câliner tous les jours, lui faire passer la plus heureuse des retraites qu'un cheval ait jamais connue.

Mon deuxième rêve : retourner voir Paris, une ville que j'adore. Mon troisième rêve : devenir écrivain, comme ma mère et comme Denis. Mon quatrième rêve : faire de l'infographie, j'adore aussi. Mon cinquième rêve : avoir un petit élevage de chevaux, pour pouvoir écrire

quand j'ai fini de m'occuper d'eux. Mais je ne voudrais pas les vendre. Ni avoir un

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manège. Je serais trop triste de me séparer de ceux que j'ai vu naître. Et je ne serais pas capable de tenir un manège à cause de mon problème de communication.

t puis on est partis habiter en France. Toute la famille en avait marre de la Belgique. Mon père ne pouvait plus travailler parce qu'il est sourd. Et le chômage disait qu'il ne devait plus chercher parce qu'il était trop

vieux. Mais lui voulait continuer, il se sentait encore en forme. En Belgique, il y avait trop de violence dans les écoles, dans le métro, en ville.

La vie devenait hyper chère, il fallait aller faire les courses du mois à Lille. Et on dépensait moins en diesel jusque Lille plutôt que de faire les courses chez nous.

Les loyers étaient très élevés et on n'avait qu'un appartement avec deux chambres pour sept personnes et pour sept-cent cinquante euros sans les charges. On manquait de place. On n'avait pas d'intimité. Les garçons dans une chambre, les filles dans l'autre et les parents dans le living.

Alors, des amis qui étaient partis en Bretagne nous ont expliqué qu'eux avaient tout lâché pour s'y installer. Ils nous ont dit qu'il y avait une maison à louer, bon marché, près de chez eux. Ils nous ont mis en contact avec la propriétaire et voilà, on est venus.

Il y a eu du pour et du contre. Le loyer était beaucoup plus intéressant. Mon père a pu trouver très vite du travail. Ici, ils s'en fichaient qu'il soit sourd. Il y avait beaucoup plus de place dans la maison. On avait notre intimité. Il y avait la mer tout près, un très grand jardin. On pouvait y faire des barbecues tout l'été, jouer au badminton.

Je pouvais faire de l'équitation parce qu'on avait moins de frais ici. Ça c'était le pour. Le contre : il pleut souvent en Bretagne. On ne pouvait pas

aller au magasin sans voiture. Donc quand elle était en panne, c'était la galère. Et ça tombe souvent en panne ! On ne pouvait pas aller souvent en ville parce que mon père travaillait beaucoup ou il devait se reposer. Depuis qu'on est ici on n'a que des poisses avec les véhicules.

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e me sens dépassée. J'ai beaucoup plus que les autres à faire pour réussir. Je dois rattraper trois ans d'Anglais et deux ans d'Espagnol. Apprendre l'Histoire de France. Je n'ai jamais fait de Physique et de

Chimie de ma vie. Les Maths, je ne suis déjà pas forte mais en plus ceux qu'on a ici sont beaucoup plus difficiles qu'en Belgique. Bon, à la limite, ce n'est pas tellement grave puisque je voudrais faire un Bac L. Et puis en littéraire il y a beaucoup moins de sciences.

Je ne sais pas par où commencer. Je suis autiste. J'ai des problèmes de communication. Je ne sais pas bien m'exprimer par écrit et ça fait qu'on me prend souvent pour

une débile. Je ne comprends pas les gens et eux ne me comprennent pas non plus. Je fais

des efforts pour m'adapter mais les autres n’en font pas. Un autiste ne raisonne pas de la même manière qu'une personne normale. Ça

veut dire que je réfléchis d'une certaine façon et mes profs et les autres élèves d'une autre façon. Et du coup on ne se rencontre jamais. Je ne critique pas mes profs. Ils sont super gentils. Ils ont beaucoup de patience. Ils essaient de comprendre et je vois bien que ce n'est pas facile pour eux. Pour beaucoup de choses ils croient saisir mais ils se trompent. Et je ne sais pas comment leur expliquer qu'ils se méprennent sur moi et sur ce qu'ils pensent savoir. Et sur ce que je devrais faire.

Comme par exemple quand ils croient que je ferais mieux d'aller en professionnelle parce que ce serait moins difficile. Ils se trompent. Je n'ai pas besoin d'apprendre des choses plus faciles.

Je ne suis pas stupide. J'ai la même intelligence que les autres. C'est juste que j'ai besoin d'une manière différente d'apprendre. Et en plus de

ça je dois me mettre au niveau et rattraper tout ce que je n'ai jamais fait en Belgique. Et à cause de ça j'ai un problème d'organisation. Et comme tout va tellement vite, je n'ai parfois pas le temps de me mettre à niveau et d'étudier pour l'évaluation en même temps. Alors je panique.

l y a plein de choses qui ne sont pas logiques mais que je ne sais pas expliquer oralement. Par exemple : les profs me disent "Tu ne peux pas aller en seconde parce qu'il y aura de plus en plus d'oral et des travaux en

groupes" ou encore "Un Bac L c'est impossible il y a énormément de moments où

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tu devras parler." OK moi je veux bien, mais alors un sourd et muet n'a pas le droit de faire un

Bac L ? Ou bien ceux qui étudient avec le Cned et qui font tous les devoirs tous seuls ? Sauf les langues où il y a de l'expression orale. Mais c'est pour que le professeur corrige. On s'enregistre et on sait que c'est seulement le prof qui va écouter. Il ne va pas se moquer. On n'aura pas des tas d'yeux braqués sur nous pour nous dévisager. Je n'aurai pas l'impression d'être une bête curieuse. Je serai dans ma chambre, seule et je m'enregistrerai quand il n'y aurait personne à la maison.

Et ceux qui ont la phobie scolaire alors ? J'ai une amie qui l'a. Elle est inscrite dans le même collège, elle reçoit ses livres, elle a sa place, mais elle suit les cours par correspondance. Elle fait ça très bien. Elle est sérieuse. Mais elle n'aura jamais un travail oral à faire devant toute une classe, mais sur un enregistrement.

Et il y a pire encore : ceux qui étudient totalement en candidats libres et qui

passent le Bac sans préparation au Cned ou ailleurs. Alors ce n'est pas logique de me refuser une seconde ou un Bac L parce que je n'arrive pas à parler.

Non, franchement je ne comprends pas cette logique. Surtout que je ne veux pas faire des concours pour aller dans des grandes écoles. Je n'ai pas l'esprit de compétition. Je n'ai pas envie d'aller à la Fac. Peut être qu'après je le voudrai mais là j'ai surtout le désir d'apprendre un maximum sur l'écriture et la littérature. Je ne veux pas me battre pour réussir un examen, pour avoir une mention ou pour me mesurer aux autres. Je voudrais être moi tout simplement.

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Laissez-moi retourner dans ma bulle Par Hesgée

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