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N°5 - Décembre 2015 Numéro thématique En collaboration avec la Chaire UNESCO de Développement curriculaire (CUDC) Montréal, Canada AU-DELÀ DU LMD : QUELLE QUALITÉ POUR L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN AFRIQUE FRANCOPHONE SUBSAHARIENNE ? Direction du numéro thématique Pr. Philippe JONNAERT, Ph.D Titulaire de la CUDC Université du Québec à Montréal, Canada Pr. Georges KPAZAÏ, Ph. D Université Laurentienne, Sudburry, Canada Dr. Mathias KEI Université Félix Houphouet-Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire Secrétariat du numéro thématique Nathalie PINEDA, CUDC-UNESCO Courriel : [email protected] ISSN 0258 5774

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N°5 - Décembre 2015

Numéro thématique

En collaboration avec laChaire UNESCO de Développement curriculaire (CUDC)Montréal, Canada

AU-DELÀ DU LMD :QUELLE QUALITÉ POUR L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN

AFRIQUE FRANCOPHONE SUBSAHARIENNE ?

Direction du numéro thématiquePr. Philippe JONNAERT, Ph.DTitulaire de la CUDCUniversité du Québec à Montréal, CanadaPr. Georges KPAZAÏ, Ph. DUniversité Laurentienne, Sudburry, CanadaDr. Mathias KEIUniversité Félix Houphouet-Boigny, Abidjan,Côte d’IvoireSecrétariat du numéro thématiqueNathalie PINEDA, CUDC-UNESCOCourriel : [email protected]

ISSN 0258 5774

Auteur & Titre

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ASSEMPE‘‘Promouvoire et diffuser la recherche en éducationé’’

ADMINISTRATIONRevue semestrielle des Sciencesde l’Education créée en 1974, édi-tée par EDUCI (Université FHB deCocody).

REDACTEUR EN CHEF : Dr. KEIMATHIAS, IREEP Université FelixHouphouët Boigny

COMITE SCIENTIFIQUE ET DELECTUREPr Aka Adou, (Pr Titulaire, Univer-sité FHB de Cocody, Côte d’Ivoire)

Pr .FADIGA KANVALY (Pr Titulaire,Ecole Normale Supérieure, Abidjan)

Pr NDA PAUL (Pr Titulaire, EcoleNormale Supérieure, Abidjan, Côted’Ivoire)

Pr.KOUDOU OPADOU (Pr Titulaire,Ecole Normale Supérieure, Abidjan,Côte d’Ivoire)

PR GBONGUE (Maître de Confé-rences, IPNETP Abidjan)

Pr. ASKA KOUADIO (Pr Titulaire,Université FHB de Cocody, Côted’Ivoire)

Pr ZINSOU MICHEL (Maître deConférences, Université FHB deCocody, Côte d’Ivoire)

Pr YAPO YAPI (Pr Titulaire, EcoleNormale Supérieure, Abidjan, Côted’Ivoire)

C O M I T E S C I E N T I F I Q U EINTERNATIONALPr LILIANE PORTELANCE (UQTR,Canada)

Pr GEORGES KPAZAI (UniversitéLaurentian, Canada)

Pr CHRISTIAN DEPOVER (ProfesseurUniversité du Hainaut à Mons deBelgique)

Pr JOSE LUIS WOLFS (Professeur,Université Libre de Belgique)

Pr. NACUZON SALL (Pr Titulaire,Université CAD, Dakar, Sénégal)

COMITE DE REDACTIONDr. ANON NGUESSAN, Dr GBAYO-RO ZEREGBE, Dr YEO SOUNGARI,Dr ETTIEN ASSOA, Dr NDEDEFLORENCE.

Contact : ASSEMPEIREEP (Institut de Recherchesd’Expérimentation et d’Enseigne-ment en Pédagogie, Université FelixHouphouët Boigny de Cocody)

08 BP 42 Abidjan 08Tel: 225 06 00 23 91/225 44 05 9648/ 225 01 20 36 66 / 225 05 52 9643/03010597 E-mail: [email protected] 0258 5774/ Dépôt légal N°404

PRÉFACE

Saliou NDIAYE

Ministère des affaires étrangéres etdes sénégalais de l’extérieurHaut Commissariat du Sénégal enGambie59, Avenue KaraïbaBP 385, Sénégalcourriel : [email protected]

aujourd’hui, sur la nécessitéde repenser leur organisationactuelle et l’impérieuse nécessitéde les réformer.

Souvenons nous déjà ducontexte qui a vu naître le LMDnotamment, la Conférencemondiale sur l’Enseignementsupérieur au XXIe siècle de1998, retenons en Europe, lesdéclarations des sommets dela Sorbonne (1998), de Bologne(1999), de Prague (2001) etde Berlin (2003) qui toutes,insistaient sur la nécessité decréer un espace européen del’enseignement supérieur, commemoyen privilégié pour encouragerla mobilité des citoyens, favoriserleur intégration sur le marchédu travail européen et ainsipromouvoir le développementglobal de l’Europe. On a retrouvé

La thématique de ce numéroest intitulée : «Au-delà duLMD : quelle qualité pourl’enseignement supérieur enAfrique subsaharienne ? ».En posant une telle question,sous la forme de réflexionsouvertes, les responsablesde la revue de l’Institut derecherches, d’expérimentationet d’enseignement en pédagogie(IREEP) de l’Université FélixHouphouët–Bo igny (FHB)de Cocody, en Côte-d’Ivoire,interpellent les différents acteursdes institutions d’enseignementsupérieur (IES), les décideurspolitiques et singulièrementles chercheurs en sciences del’éducation sur le contexte actueldu débat, sur la place de nosuniversités dans la mise en œuvrede leur politique de recherche,car tout le monde s’accorde,

AmbassadeurGrand of cier de l’Ordre Nationaldu MériteAncien Recteur de l’UniversitéCheikh Anta DIOP de DakarAncien Président du REESAOVice Président de l’Agence Universitairede la Francophonie (AUF)

cette même préoccupation enAsie à travers les dénominationsCredit Transfer Scheme (UCTS),pour les University Mobility inAsia and the Paci c (UMAP), ainsique pour les University Mobilityin the Indian Ocean Region(UMIOR). L’objectif visé étanttoujours de faciliter les mobilitésentre les deux continents. EnAfrique aussi des discussionsavaient été engagées dès 2003,lors de plusieurs conférencesdes recteurs notamment celled’Afrique centrale tenue àMalabo, du 6 au 7 mars 2003,celle de Yaoundé, du 28 au 29octobre 2003, celle des recteursde la Communauté Économiqueet Monétaire de l’Afrique Centrale(CEMAC) du 15 au 17 décembre2004, à Franceville, la réuniondes chefs d’État, le 11 février2005, à Libreville, le Conseil desministres de la CEMAC, réuni du13 au 15 février 2006, à Bata.

Le Conseil africain et malgachepour l’enseignement supérieur(CAMES) a très tôt compris tousces enjeux. Lors de sa 23ème

session ordinaire à Librevilledu 03 au 07 avril 2006, leConseil des Ministres du CAMESavait recommandé à ses ÉtatsMembres « la reconfigurationdes programmes universitaireset l’organisation des Universitéset Écoles de l’espace CAMESsuivant le modèle LMD ». Le

Conseil s’était ainsi engagéà tout mettre en œuvre pouraider les Universités à menerà terme la réforme LMD1.

Ainsi, de l’Afrique centraleà l’Afrique de l’Ouest, nousavons assisté à un mouvementconvergent sur l’importanced’une application de la réformeLMD comme élément essentieldans la solution de la crise dusystème.

En s’al ignant ainsi surles standards universitairesinternationaux, initiés parla réforme de Bologne, lesuniversités et établissementsd ’enseignement supér ieurd’Afrique francophone n’ontpas seulement et simplementété séduits par ce nouveaumodèle de gestion pédagogiquede leurs parcours, par ailleursperçue comme une réformeplus ou moins imposée del’extérieur, bien au contraire, ilsont plutôt saisi l’opportunité deprocéder à une restructurationde notre système d’enseignementsupérieur, restructuration, quisuppose une nouvelle visionde l’enseignement supérieur :une v i s i on fonc t i onne l l eessentiellement focalisée surla pertinence et les résultats.Au-delà de la certification en

1- Cf. Rapport Général du Séminaire International (19 et 20décembre 2012) à Saly Portudal (Sénégal) sur la RéformeLMD dans les Universités af liées au CAMES

trois diplômes (Licence, Masteret Doctorat), la réforme LMDs’inscrit essentiellement dansun processus d’enseignementet de recherche au service dela réussite et de l’excellence,facteurs déterminants de qualité.

Cette nouvelle problématiqueélargit et conforte les missionsfondamentales de nos universitésdans des visions de portée sociétalequi intègrent les préoccupationsde leurs sociétés respectives.C’est dire qu’en adoptant lesystème LMD, les universitésafr icaines ont amplementacquis la conscience de leursresponsabilités scientifiquescomme pôles essentiels, chargésde former des personnels dehaut niveau, scienti quement ettechniquement quali és, adaptésau contexte africain et du mondecontemporain, conscients deleurs responsabilités vis-à-visde leurs peuples et capables deles servir avec dévouement etef cacité.

Cette formation, destinée auxétudiants concerne aussi leursformateurs, grâce à la mise enréseaux de nos chercheurs, lamise en place non seulementd’équipes et de laboratoiresengagés sur des problématiquesémergentes, des problématiquesde développement, mais surtoutla création d’écoles doctoralesavec pour entre autres objectifs, la

diversi cation et l’harmonisationde nos offres de formation auformat LMD. Tout ceci, devraità terme nous conduire àcréer un espace africain del’Enseignement Supérieur etde la Recherche, caractérisépar la professionnalisationde nos offres de formation,les mobilités académiquesde nos enseignants et de nosétudiants, mobilités devantnaturellement déboucher surdes opportunités de coopérationsud-sud et sud-nord. Pouvons-nous en effet construire une zoneouest-africaine francophonede coopération académiqueintégrée sans nous concerter,sans échanger nos expériences,sans partager nos savoir-faire,sans mutualiser nos ressources,sans connaître les prioritéssociétales…? En valorisant ainsinotre expertise nos universitésvont non seulement multiplieret diversi er leurs partenariatsmais elles vont surtout sepositionner comme des pôlesd’expertise et de compétencesau service de l’excellence et dudéveloppement.

Cependant, de tels défistoujours renouvelés de laformation, et de l’EnseignementSupérieur, ne sauraient êtrerelevés sans le soutien constantde nos partenaires stratégiquescomme le Conseil africain et

malgache pour l’enseignements u p é r i e u r ( C A M E S ) , l eRéseau pour l’excellence del’enseignement supérieur enAfrique de l’Ouest (REESAO),la Conférence des recteursdes universités francophonesd ’ A f r i q u e e t d e l ’ O c é a nIndien (CRUFAOCI), l’Agenceuniversitaire de la francophonie(AUF), l ’Union économiqueet monétaire Ouest-Africaine(UEMOA), etc.

L’atteinte de ces objectifs nesaurait non plus se concrétisersans la mise en œuvre d’unepolitique d’assurance qualité, parl’évaluation et par la plani cationstratégique qui devra débouchersur une mutualisation à la fois denos efforts et de nos ressources,et avant tout de nos savoirs et denos expériences.

Tels nous paraissent être,pour l’université africaine, à lafois la dé nition et le contenude la qualité en enseignementsupérieur. La qualité prend eneffet en charge, quel qu’en soitle processus pédagogique, ladissémination des connaissancesscienti ques les plus moderneset les plus aptes à répondreaux problèmes et besoins despopulations, singulièrementceux des couches les plusdéfavorisées. Les universitésafricaines, tributaires de cetteopt ion , assumeront a lorsconséquemment, au delà deleurs projets scienti f iquese t p é d a g o g i q u e s , l e u r sresponsabil i tés et devoirssociétaux.

Auteur & Titre

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SOMMAIRE

Préface ......................................................................................................4Sigles ........................................................................................................9Introduction : Au-delà des réformes de structuresde type Licence, Maîtrise, Doctorat(LMD), quelle qualité pour les formations dansles Institutions d’enseignement supérieur(IES) en Afrique subsaharienne ?Ph. Jonnaert, G. Kpazaï, M. Kei.........................................................11-19Comprendre le curriculum holistique : la clépour l’effectivité des travaux curriculairesLili Ji...................................................................................................20-34Faut-il créer des universités locales enAfrique subsaharienne ?Jean-Marie De Ketele, Ansoumana Sané............................................35-49Vers un partage des coûts de l’enseignementsupérieur en Afrique francophone ?Touorizou Hervé Somé........................................................................50-72Les compétences professionnelles prescritesdans le programme de formation desenseignants au Québec peuvent-elles servir deréférence pour les offres de formation parcompétences en Afrique ?Joëlle Sambote....................................................................................73-85Résultats d’une recherche exploratoiresur la notion de compétencePhilippe Jonnaert, Daniela Furtuna,Jean-Philippe Ayotte-Beaudet, Joëlle Sambote................................86-128Quelle évaluation performante des étudiantspour l’université en Côte d’Ivoire ?Zinsou Edmé Michel Yambodé........................................................129-142Analyse des déterminants de la performancescolaire des établissements du secondairepublic au baccalauréat. Session 2015 :Cas de la Côte d’IvoireKouakou Noël, Francis Bouah Kablan............................................143-160Réformes et changementsIbrahima Kourouma, Jean-Baptiste Kouakoussui..........................161-176République Démocratique duCongo - Système éducatifArmand M’BATIKA..........................................................................177-202La prise en compte des valeurssocioculturelles dans l’éducationdu citoyen – Le cas du MaliAbdoulaye Barry..............................................................................203-220

Auteur & Titre

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Liste des sigles utilisésListe non exhaustive

AFD Agence française de développementAPC Approche par compétencesAUF Agence universitaire de la francophonieBEP Bureau d’exécution des projetsBIE Bureau International de l’Éducation (UNESCO)CA Cadre d’actionsCAFOP Centre d’animation et de formation pédagogique (Côte d’Ivoire)CAMES Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieurCEX Cadre relatif aux expériencesCEDEFOP European center for the development of vocational trainingCEMAC Communauté économique et monétaire de l’Afrique centraleCEV Cadre d’évaluationCIEP Centre international d’études pédagogiquesCITÉ Classi cation internationale type de l’éducationCOC Cadre d’orientation curriculaireCR Cadre de ressourcesCRUFAOCI Conférence des recteurs des universités francophones d’Afrique et de l’Océan IndienCS Cadre situationnelCUDC Chaire UNESCO de développement curriculaireCRSH Conseil canadien de la recherche en sciences humainesDELC Direction des écoles, lycées et collègesDEEP Direction de l’encadrement des établissements privésDPFC Direction des programmes et de la formation continueDRENET Direction régionale de l’éducation nationale et de l’enseignement techniqueENS École normale supérieureESU Enseignement supérieur et universitaireFHB Félix Houphouët Boigny (Université, Côte d’Ivoire)FPC Formation par compétencesFQRSC Fonds québécois, recherche société et cultureFST Faculté des sciences et technologie (Université de Nouackchott)IES Institut d’enseignement supérieurIGEN Inspecteur général de l’éducation

© educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°........,20.....

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ISU Institut de statistique de l’UNESCOLMD Licence – Master – DoctoratMELS Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport (Québec)MENET Ministère de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Technique (Côte d’Ivoire)OCDE Organisation de coopération et de développement économiqueODD Objectif du développement durablePAES Projet d’appui à l’enseignement supérieur (dans les pays de l’UEMOA)PPO Pédagogie par objectifsREESAO Réseau pour l’excellence de l’enseignement supérieur en Afrique de l’OuestRHDC Ressources humaines et développement des compétences (Canada)UEMOA Union économique et monétaire Ouest AfricainUNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la cultureUQAM Université du Québec à Montréal

Ph. Jonnaert et al ., Au-delà des réformes de structure de type Licence...

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AU-DELÀ DES RÉFORMES DE STRUCTURE DE TYPELICENCE, MAÎTRISE, DOCTORAT (LMD), QUELLE QUALITÉPOUR LES FORMATIONS DANS LES INSTITUTIONSD’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (IES) EN AFRIQUESUBSAHARIENNE ?

Ph. Jonnaert1, G. Kpazaï2, M. Kei3

1- Professeur titulaireTitulaire Chaire UNESCO de développement curriculaireUniversité du Québec à Montréal, Canadacourriel :[email protected] Professeur agrégéUniversité Laurentienne, Canadacourriel : [email protected] DocteurUniversité Félix Houphouët Boigny, Côte d’Ivoirecourriel : [email protected]

INTRODUCTION AU NUMÉROSPÉCIAL« Avoir droit à une éducation

de qualité, c’est avoir droit àdes apprentissages pertinentse t adap tés aux beso ins .Mais, dans ce monde marquépar la diversité, les besoinsd’apprentissage varient d’unecommunauté à l’autre. Parconséquent, pour être quali ésde pertinents, les apprentissagesdoivent re éter ce que chaquec u l t u r e , c h a q u e g r o u p ehumain dé nissent comme lesconditions nécessaires pour vivredignement. Il nous faut accepterl’existence d’une multitude defaçons différentes de dé nir laqualité de vie et, partant, d’uneextrême diversité de façons de

dé nir ce que doit être le contenudes apprentissages », UNESCO(2015 : 34)1.

Au-delà des réformes structu-relles : l’indispensable qua-lité des offres de formationen enseignement supérieur Les offres de formation

de l’Enseignement supérieuret de la recherche (ESR) viventaujourd ’hui des réformesstructurel les importantes,particulièrement en Afriquesubsaharienne. Le glissementprogressif vers un nouveaumodèle organisationnel desformations modi e profondémentle paysage de l’ESR tant en Europe

1- UNESCO (2015). Repenser l’éducation. Vers un bien communmondial ? Paris : Éditions de l’UNESCO.

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que dans les pays d’Afriquesubsaharienne. En effet, denombreux États francophonesd’Afrique subsaharienne ontdécidé d’aligner l’organisationde leurs offres de formationde l’ESR sur le modèle LMD.Ces États s’inspirent ainsides perspectives européennesd’harmonisation des offres deformation en enseignementsupérieur [Déclaration de laSorbonne (1998) ; Déclarationd e B o l o gn e ( 1 9 9 9 ) 2 ] . L eprocessus de Bologne a permisprogressivement la création d’unespace européen harmonisé del’enseignement supérieur. Cetespace regroupe aujourd’hui 48États, pratiquement tous les paysde la communauté économiqueeuropéenne auxquels se sontajoutées la Turquie e t laFédération de Russie. Ce vasteet complexe processus s’estconcrétisé à travers une séried’actions guidées par des textesd’orientation importants : laConvention de Lisbonne (1997),la Déclaration de la Sorbonne(1998), la Communiqué dePrague (2001), la Conférence deBerlin (2003), la Déclaration deBergen (2005), la Déclaration deLondres (2007), la Déclaration deLouvain (2009), la Conférence de

2- Texte de la déclaration de Bologne : http://www.hesge.ch/geneve/sites/default/ les/Documents/HES_SO_Geneve/Textes_legaux/declarationbologne.pdf

Budapest et de Vienne (2010), laConférence de Bucarest (2012).La dernière conférence desministres a eu lieu à Erevan,en Arménie, en mai 2015, laprochaine aura lieu en Franceen 2018.

Le processus de Bologne estainsi évalué tous les trois ans lorsdes conférences ministérielles. Ilvise la mise en place d’un systèmeeuropéen de l’enseignementsupérieur harmonisé, facilementcomparable et cohérent entre lesdifférents États. Le processusde Bologne permet désormaisune meilleure reconnaissancedes diplômes entre les IES desdifférents États, une plus grandemobilité autant des étudiantsque des enseignants et deschercheurs.

Dans la préface de ce numérothématique, son Excellence S.Ndiaye, rappelle la réflexionentamée en Afrique dès 2003sur la nécessité d’harmoniserles offres de formation dansles IES en Afrique. Ce travailest initié lors de la conférencedes recteurs de 2003 à Malaboen Guinée Équatoriale, et estsuivi de nombreuses autresConférences et Déclarations. Uncadre d’orientation curriculairese dégage de ces rencontres. Ji,dans ce numéro repositionnela réflexion curriculaire dansune perspective holistique et

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inclusive, évitant par là uneapproche morcelée et partielledes réformes envisagées, prenantautant en considération lesproduits curriculaires que lesprocessus curriculaires. C’estdans cette vision curriculaire quese positionne cette thématique dela revue ASSEMPE, l’ensembledes textes permet d’aborderdes questions différentes et desapproches variées de la qualitédes offres de formation dans lesIES en Afrique subsaharienne.

Des recommandations pourune recon guration des offresde formation en enseignementsupérieur suivant le modèle LMDsont formulées pour les pays del’espace du Conseil africain etmalgache pour l’enseignementsupérieur (CAMES). Dès lors,un vaste processus de réformesest enclenché et de nombreuxbouleversements apparaissent,tant au niveau de l’organisationdes programmes éducatifs dansles IES, que de l’organisationdes formations, ou encore de lacapitalisation et de la gestiondes crédits, de la gestion du uxet de la mobilité des étudiants,de l’intégration d’innovationspédagogiques par les enseignants,de la semestrialisation et de lamodification des calendriersscolaires comme de la duréedes parcours des étudiants. Ceschangements sont majeurs, ilss’inscrivent toutefois dans lecontexte dif cile de l’ESR dansces pays.

Le contexte de l’Enseigne-ment supérieur et de la re-cherche (ESR) dans les paysfrancophones d’AfriquesubsaharienneSelon Nomura (2011) : «En

2010, l’Afrique subsahariennecomptait environ 815 millionsd’habitants, soit 11,8 % de lapopulation mondiale qui s’élèveà 6,9 milliards d’individus. Lapopulation de cette région estjeune (43 % de la populationavait moins de 15 ans en2010) et augmente rapidement(…). D’ici 2030, on estimeque la population d’Afriquesubsaharienne atteindra 1,3milliard d’individus, soit 15,7% de la population mondiale.Cette population très jeune et encroissance rapide entraine unedemande d’éducation importanteet elle continue de progresser.On s’attend à une croissance de34 % de la cohorte des 5 à 14ans en Afrique subsaharienned a ns l e s 2 0 p r oc ha ine sannées, de 226 millions en2010 à 303 millions en 20303.».Nomura 2011 : p. 14 et 154. Lespays francophones d’Afrique

3- Données extraites de : Division de la population desNations Unies (2010). Perspectives de la Population mon-diale : La révision de 2008. Document en ligne : http://esa.un.org/

4- Nomura, S. (2011). Le contexte du financement del’éducation en Afrique subsaharienne. In S. Nomura,(Dir.), Le nancement de l’éducation en Afrique subsaha-rienne. Relever les dé s de l’expansion, de l’équité et de laqualité, (p. 14 – 27). Montréal : Institut de statistique(ISU) de l’UNESCO.

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subsaharienne s’inscrivent danscette problématique complexede la croissance constante dela population en âge scolaire etdonc de la demande d’éducationet de formation. Le milieude l’Enseignement supérieuret la recherche (ESR) despays francophones d’Afriquesubsaharienne n’échappentnullement à cette augmentationd e l a d e m a n d e s o c i a l ed’éducation.

Le contexte général desréformes de l’ESR dans les paysfrancophones d’Afrique de l’Ouestest marqué par des contraintesobjectives non négligeables :certes, la massi cation des effectifsd’étudiants dans l’ESR, maisaussi la faiblesse des capacitéspédagogiques du corps professoral,les dif cultés récurrentes d’unerecherche scientifique sous-financée, la disparité entre lesoffres de formation des différentesInstitutions d’enseignementsupérieur (IES), l’écart entreles quali cations des étudiantsdiplômés et le marché de l’emploi,la faible adéquation des offresde formation de l’ESR aux axesprioritaires de développementsocio-économique des États, lafaiblesse du nancement de l’ESR.

Par ailleurs, l’ESR en Afriquefrancophone subsaharienne estconfronté à de nombreux dé s.Les objectifs de l’Éducation

pour tous (EPT) ont, pendantlongtemps focalisé l’attentiondes Partenaires techniques et nanciers (PTF) sur l’éducationde base, négligeant par là l’ESR.Même si l’échéance de 2015pour l’atteinte d’une éducationuniverselle et de qualité pourtous les enfants est devenueillusoire, l’EPT a permis uneamé l i o ra t ion quant i ta t ivesubstantielle de l’éducation enAfrique. Par exemple, alors qu’en1990 seulement 46 % des enfantssénégalais étaient scolarisés, ilssont aujourd’hui près de 80 %à l’être (données de l’Institut destatistique de l’UNESCO, ISU,2010)5. D’une manière plusgénérale, les effectifs scolarisés,de 1970 à aujourd’hui en Afriquesubsaharienne, connaissent unecroissance multipliée par 20(données ISU, 2010)6. Partoutdans les pays francophonesd’Afrique subsaharienne, plusd’écoliers achèvent un cyclecomplet de l’école primaire,plus de lles sont scolariséeset plus d’élèves terminent leurbaccalauréat pouvant ainsiaccéder à l’ESR (Focing et

5- Institut de statistique de l’UNESCO, (ISU), (2010).Tendance dans l’enseignement supérieur : l’Afriquesubsaharienne, Bulletin d’information de l’ISU, décembre2010, n°10.

6- ISU (2010), op. cit. : voir note 4.

Ph. Jonnaert et al ., Au-delà des réformes de structure de type Licence...

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Mboning, 2013)7. Même si lespays francophones d’Afriquesubsaharienne rencontrentencore de nombreux problèmesau niveau de l’éducation de base,les effets des objectifs de l’EPTsont réels.

Aussi, la massification deseffectifs aux différents ordresscolaires, qui résultent del’EPT, nécessite-t-elle un travailsur la qualité de l’éducatione t génère - t - e l l e d ’ au t re sproblématiques, dont la pénuriecroissante d’enseignants. Maissurtout, cette augmentation dunombre d’élèves, dès le débutdu secondaire, a un effet surle flux des jeunes accédantà l’enseignement supérieuraprès la réussi te de leurbaccalauréat. De ce fait, le Tauxbrut de scolarisation (TBS) dansl’enseignement supérieur enAfrique de l’Ouest a augmentéen moyenne de 8,6 % parannée depuis 1970, alors quela moyenne mondiale est de

7- Focing, I. & Mlboning, C. (2013). L’enseignement supé-rieur à l’ère de la professionnalisation : quel niveaude connaissance du système LMD chez les conseillersd’orientation des universités de Yaounde I et II. Larecherche en éducation, (9), 31 – 52.

4,6 % (ISU, 20108; UNESCO,20119). Cette croissance estspectaculaire. L ’explosiondes effectifs dans l’ESR seradif cilement gérable par les IESsi aucune mesure de régulationn’est prise :

« (…) Sur les bases tendanciellesliées aux dynamiques propresdes systèmes éducatifs et sansenvisager de mesures de sélectionà l’entrée du supérieur, lesestimations réalisées dans diverspays francophones d’Afrique del’Ouest montrent qu’au cours desprochaines années on devraitassister à des accroissementsd’effecti fs très importants(doublement des effectifs tousles 5 ans dans certains pays) »,Gioan (2007 : 12)10. La tendanceactuelle à l’accroissement deseffectifs étudiants dans les IEScorrespond à une demande socialed’autant plus forte que, dans lespays francophones de l’Afriquesubsaharienne, l’obtention dubaccalauréat donne un accèsautomatique à l’enseignement

8- ISU (2010), op. cit. : voir note 4.9- UNESCO (2011). Projet d’appui au développement des

technologies de l’information et de la communication(TIC) pour renforcer les capacités de mise en œuvre de laréforme LMD (Licence-Master-Doctorat) dans les insti-tutions d’enseignement supérieur des pays membres del’UÉMOA. Bureau Multi-pays de l’UNESCO de Bamako,pour le Mali, le Burkina-Faso, le Niger, la Guinée etl’UÉMOA. Bamako, janvier 2011.

10 Gioan, P.-A. (2007). Enseignement supérieur en Afriquefrancophone : quels leviers pour des politiques nancièresdurable. Washington, D.C. : Banque Mondiale, documentde travail de la Banque Mondiale n°103.

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supérieur. Pourtant, malgré cetteprogression des effectifs dansl’ESR en Afrique subsaharienne,en moyenne seule 6 % de lacohorte d’âge à accéder à l’ESRest scolarisée en 2008 dansles IES, alors que la moyennemondiale est de 26 % (donnéesISU, 2010)11.

Les effectifs pléthoriques dansbon nombre d’IES en Afriquefrancophone subsaharienneet la difficulté à gérer le fluxdes étudiants génèrent uneproblématique complexe pourl’ESR. Au-delà des problèmesbudgétaires inéluctables à cettemassi cation des effectifs, l’ESRest aussi confronté, entre autres :

- à des problèmes de recrutementd’enseignants universitaires etde formation de ces derniers ;

- à une nécessité de gérer desinfrastructures insuf santes,voire désuètes ;

- à une inadéquat ion dunombre de diplômés faceà la fa iblesse de l ’o f fred’emploi correspondant auxqualifications des diplômésde l’ESR ;

- à une difficulté d’impliquerles Partenaires techniques et nanciers (PTF) au niveau del’ESR ;

- à une faible adéquation des

11 ISU (2010), op. cit. : voir note 4.

offres de formation aux besoinssocio-économiques des pays ;

- à une proportion importanted’étudiants scolarisés dansdes IES hors de leur pays et nerevenant pas dans leur paysd’origine une fois diplômés12.

La problématique de la mobilitédes étudiants est certes complexe(Dervin et Machard, 2014 ;Erlich, 2012)13, particulièrementdans sa dimension Sud –Nord avec un faible taux deretour de ces derniers aupays. Mais au-delà de cettequestion, les chantiers auxquelsl’ESR des pays francophonesd’Afrique subsaharienne sontconfrontés sont majeurs : « (…)Les universités du Sud sontaujourd’hui face à de redoutablesdéfis : s’ouvrir à toutes lescouches de la société et absorber,pour certaines d’entre elles, lechoc démographique des classesd’âge les plus nombreuses, seconcentrer sur une nécessairer énova t i o n pé dago g i que ,contribuer à l’effort national de larecherche scienti que en phaseavec les acteurs économiques et

12 En 2008, le nombre d’étudiants de l’ESRscolarisés hors de leur pays en Afrique sub-saharienne représentait 4,9 % des étudiantsscolarisés dans les IES du pays. La moyennemondiale est de 1,9 % soit près de trois foismoins, (données ISU, 2010).

13 Dervin, F. & Machart, P., (Dir.), (2014). Lesnouveaux enjeux des mobilités et migrationsacadémiques. Paris : L’Harmattan.

Erlich, V. (2012). Les mobilités étudiantes. Paris :La Documentation française.

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produire des «élites nationales»d a n s u n e n v i r o nn em e n ti n t e r n a t i o n a l d ’ o f f r e d eformations universitaires deplus en plus concurrentiel.Les gouvernements des Étatsdu Sud sont de plus en plusconfrontés à des processusconnexes portés par les réformesuniversitaires internationales :en particulier, les adaptationslocales de la réforme de Bologne(Eyebiyi, 2011)14 et l’impact desuniversités privées qui pro ted’une disquali cation de l’Étatpour introduire de nouvellescon gurations et réalités dansl’espace universitaire local»Eyebiyi et Mazzella (2014 : 10)15.

Le contexte général del’ESR en Afrique francophones u b s a h a r i e n n e e s tparticulièrement complexe.Différents chantiers s’ouvrentprogressivement pour trouvercertaines solutions à cesproblèmes. Les rédacteurs invitéssollicitent les auteurs des articles àse pencher sur quatre questions :

• Au-delà de la réforme destructure des offres deformation, vers que l lequalité le système LMD

14- Eyebiyi, E.P. (2011). L’alignement de l’enseignementsupérieur Ouest africain : la construction de savoirs entreintranéité et extranéité au Bénin, Cahiers de la recherche surl’éducation et les savoirs, (hors série n°3), 43 – 59.

15- Eyebiyi, E. P. & Mazzella, S. (2014). Introduction :observer les mobilités étudiantes Sud – Sud dansl’internationalisation de l’enseignement supérieur, Ca-hiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, (13), 7 – 24.

peut-il orienter l’ESR despays francophones d’Afriquesubsaharienne ? L’urgenced ’une réf lex ion sur laqualité dans l’ESR peut-elles’effectuer en dehors desspécificités endogènes del’éducation et de la formationdans les pays francophonesd’Afrique subsaharienne ?

• La massi cation des effectifsdans l ’ESR génère desdif cultés majeures de gestiondes ux des étudiants, tantà l’entrée dans leur cursusuniversitaire, que dansl’organisation du parcoursde l’étudiant à l’intérieurmême de la structure de typeLMD, qu’à sa sortie de l’ESRaprès sa certi cation. Quellesbalises l’ESR pourrait-iladopter pour endiguer cettevague d’accès à l’ESR touten respectant la demandesociale d’éducation et deformation ? Quel rôle joueencore le baccalauréat dansle processus d’orientation desétudiants vers les lières pourlesquelles ils réussissentcette épreuve ? Quelle estaujourd’hui la pertinenced’un baccalauréat ?

• Quelles politiques éducativespeuvent orienter l’ESR versune recherche adaptée auxbesoins spéci ques commeaux axes prioritaires de

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déve l oppemen t soc i o -économique des paysfrancophones d’Afr iquesubsahar ienne? Est - i lnormal que, par exemple,les centres de recherchesa f r ica ins ne pu is sentrépondre à des problèmessanitaires majeurs quitouchent essentiellementl eur sous- rég ion , parexemple la crise de l’Ebola ?

• Comment répondre à ladouble exigence pour l’ESRde satisfaire à la fois auxdemandes endogènes touten satisfaisant aux exigencesdes standards internationaux? Comment positionner lesIES des pays francophonesd’Afrique subsahariennedans les grands réseaux desinstitutions internationalesde l’enseignement supérieur ?

Les con t r ib u teurs on trépondu de diverses façons àces questions, la qualité restanten ligrane de chacun des textes,mais sous des dimensionsdifférentes.

Ji, définit la perspectivecurriculaire qui devrait être cellede toute réforme curriculaire :une vision holistique et inclusivedu curriculum. Il s’agit là ducadre général des réflexionsd é v e l o p p é e s d a n s c e t t ethématique et du l rouge qui

permet de réunir l’ensemble destextes autour d’une réflexiong loba le sur l es ré fo rmescurriculaires qui ciblent lesIES en Afrique subsaharienne.De Ketele et Sané abordent laquestion des universités locale.Leurs propos ne s’écartentpas de cette vision holistique.S’appuyant autant sur desdonnées recensées auprès desinstances internationales quesur des résultats d’entretiens,ce premier texte formule desconditions pour la créationd’IES locaux mais montreégalement un certain nombrede difficultés inhérentes à ceprocessus. La qualité est aucœur de ce processus. Somé, defaçon réaliste, pose la questioncruciale de la mobilisationdes ressources f inancièresindispensables pour la réalisationde changements aussi radicauxque l’introduction du systèmeLMD dans les IES en Afrique.Ce texte n’hésite pas à souleverles dif cultés auxquelles l’ESRest confronté en permanencedans sa quête de nancementsvariés. L’introduction de droitsde scolarité est une de cesressources que n’hésite pas àévoquer l’auteur de ce texte.Sambote, relate les résultatsd’une analyse du programme deformation des enseignants auQuébec. Cette auteure montredifférentes dif cultés que pose

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ce programme et met en gardela tentation de transférer sansautre forme de procédés unprogramme venu du Nord vers lesIES en Afrique subsaharienne.Jonnaert, Furtuna, Ayotte-Beaudet et Sambote, décriventles résultats d’une recherchequi permettent progressivementde stabil iser la notion decompétence. Ils montrent toutela richesse de l’apport de cettenotion à la qualité des offresde formation, mais à certainesconditions. Zinsou Yambodé,aborde la question sous l’anglede l’évaluation, cet auteur endécrit la complexité, plaide pourune plus grande souplesse etl’introduction d’une dimensionhumaniste dans l’évaluation.Noël et Kablan, analysent lesfacteurs qui déterminent lesperformances scolaires aubaccalauréat en Côte d’Ivoire. Ilsquestionnent la problématiquede la qualité à l’entrée dans lesystème de l’ESR. Les auteursétablissent des liens entre desvariables environnementales etdes paramètres d’organisationdes établissements pour expliquerla performance au baccalauréatdes établissements scolaires.Kourouma et Kouakoussuirelatent le parcours de la réformedu système éducatif ivoirien à larecherche de la performance etde la qualité. Même si plusieurs

indicateurs sont désormaispositifs, le système éducatifivoirien reste confronté à des dé smajeurs. M’Batika quant à luis’intéresse au système éducatifen République Démocratiquedu Congo. Après avoir analyséle contexte et son évolution,l’auteur décrit les réformesdans lesquelles l’enseignementsupérieur et universitaire (ESU)s’engage. L’auteur s’engageà travers ce texte dans uneanalyse critique des réalités dupays. Enfin, Barry s’intéresseà la formation des jeunes auxvaleurs socioculturelles et audialogue interreligieux. L’auteurs’intéresse particulièrement aucas du Mali.

L ’ e n s e m b l e d e c e scontributions illustre la diversitédes entrées choisies par lescontributeurs pour aborderla question de la qualité. Ilsmontrent par là la complexité decette dimension qui, cependant,dev i en t un des ob je c t i f sfondamentaux de l’éducationd’après 2015.

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COMPRENDRE LE CURRICULUM HOLISTIQUE : LA CLÉPOUR L’EFFECTIVITÉ DES TRAVAUX CURRICULAIRES

Lili JiAssistant Programme Specialist

Bureau International d’Éducation (BIE-UNESCO)C.P. 199 1211 Genève 20 Suisse

courriel :[email protected]

RÉSUMÉAlors que les pays avancent vers

des objectifs éducatifs à l’horizon2030, la compréhension étroite ducurriculum subsiste. Cet article viseà clari er et à enrichir le concept ducurriculum, notamment en partageantla vision holistique du curriculum telleque mise en lumière par le Bureauinternational de l’éducation (BIE),institut de l’UNESCO spécialiséen matière de curriculum. Nouspassons en revue la portée d’uncurriculum holistique dans sesmultiples dimensions, en déduisantses fonctions fondamentales ainsique ses implications pour le rôle

du spécialiste du curriculum. Uncurriculum holistique articulel’apprentissage et les expérienceséducatives entre les sous-secteursdu système éducatif. Il constitueun outil opérationnel pour donnereffet aux politiques d’apprentissagetout au long de la vie, ainsi qu’auxagendas nationaux et mondiaux dudéveloppement.

Mots clés : Curriculum holistique,Interdépendances des processuséducatifs, Fonctions et implicationsdu curriculum, Apprentissage toutau long de la vie, Éducation etdéveloppement.

Lili Ji, Comprendre le curriculum holistique : la clé pour l’effectivité...

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La place du curriculum dansla prestation de l’éducationnationale est l ’objet d’unegrande attention dans lessystèmes éducatifs à traversle monde. Réunis au Forummondial de l’éducation de 2015(Incheon, République de Corée),les 160 pays participants ontexplicitement déclaré : «(…) notrevision est de transformer la viegrâce à l’éducation. … nousnous engageons en faveur d’unagenda pour l’éducation uniqueet renouvelé qui soit holistique,ambitieux et mobilisateur, quine laisse personne de côté. Cettenouvelle vision trouve sa pleineexpression dans l’ODD [Objectifdu développement durable] 4proposé, ‘Assurer une éducationinclusive et équitable de qualitéet promouvoir des possibilitésd’apprentissage tout au longde la vie pour tous’, et dansles cibles correspondantes. (…)Nous concentrerons nos effortssur l’accès, l’équité, l’inclusion,la qualité et les résultats del ’ app ren t i s sage , dans l aperspective d’un apprentissagetout au long de la vie.» (UNESCO,2015). Cela permet d’offrir desorientations aux pays du mondepour la révision et l’innovation deleurs curricula.

L’effectivité d’un curriculumrevis ité – entre autres saconception, son développement,

sa mise en œuvre, son évaluation,et ses interactions avec lesautres constituants du systèmeéducatif – exige le soutien etla participation des éducateurset des parties prenantes qui,avant tout, intègrent unecompréhension holistique ducurriculum. Cependant, dansla collaboration avec les paysmembres de l’UNESCO, nousréalisons que de nombreuxprofessionnels de l’éducationtendent encore à établir uneéquation entre curriculum etprogramme éducatif. Cela nousamène en priorité à redoublerd’efforts pour clari er et enrichirle concept du curriculum, touten tenant compte des tendancesactue l les. En passant enrevue diverses définitions ducurriculum, cet article a pourbut de résumer et de partagerla compréhension et la visiondu curriculum telles que misesen lumière par le Bureauinternational de l’éducation (BIE),institut de l’UNESCO spécialiséen matière de curriculum.

Dé nition holistique du curri-culumLe «curriculum», qui vient du

mot latin désignant une «pistede course», a progressivementvu sa signi cation évoluer pourse référer au parcours d’activitéset d’expériences qui permettent

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aux enfants de devenir desadultes. Largement employédans la terminologie éducativecontemporaine, le «curriculum»n’est pas défini d’une seulemanière. Selon les contextes, lesépoques et les perspectives desacteurs, il existe de multiplesdéfinitions proposées, allantd’un «cours d’étude planifié»à une vision englobant toutesles expériences d’apprentissagepour lesquelles l’école n’est pastoujours la seule responsable.Nous pouvons en citer plusieursexemples :

Lorsque l’accent est mis surses finalités, «Le curriculumest une sélection idéologiqued’un éventail de connaissancespossibles», fortement liée aux«imaginaires sociaux que lasociété vise à atteindre et àconstruire» (Apple, 1982). Étantdonné sa forme usuelle deprésentation, le curriculum aété associé avec les programmesd’étude of ciels publiés par lesorganes compétents (Barrow etMilburn, 1990).

Sans se limiter aux contenuset aux produits d’apprentissage,le curriculum renvoie égalementaux processus d’apprentissage.D ew ey ( 19 0 2 ) e t B o b b i t(1918) ont élargi la notion deprogramme éducatif en faisantréférence aux expériences del’apprenant, tant à l’intérieur

qu’à l’extérieur de l’école. Lecurriculum a également été vucomme un «moyen pour atteindreles objectifs éducatifs», à traversla sélection et l’organisation desexpériences d’apprentissageselon les critères requis (Tyler,1949). Selon le Thésaurus desdescripteurs de l’éducationd’Australie, «Le curriculumest un plan incorporant unesérie structurée de résultatsd’apprentissage attendus et lesexpériences d’apprentissageassociées, en général organisésen un ensemble ou une sériede cours qui sont liés» (BIE-UNESCO, 2013a).

Depover et Noël (2005) ontproposé de dé nir le curriculumsur trois niveaux : macro (politiqueéducative), méso (gestion del’éducation par les acteurs) etmicro (réalisation quotidiennede l’action éducative au niveautechnique). Cela se rapporte àla portée du curriculum, qui esttantôt perçu comme « la totalitéd’expériences qui sont plani éespour les enfants et les jeunes àtravers leur éducation, quel quesoit l’endroit où ils sont éduqués »(Gouvernement écossais, 2009),tantôt comme un « inventaire desactivités mises en œuvre pourconcevoir, organiser et plani erune action d’éducation ou deformation, y compris la dé nitiondes objectifs, des contenus,

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des méthodes (y compr isl’évaluation) et des matérielsd’apprentissage, ainsi que lesdispositions pour former lesenseignants et les formateurs»(CEDEFOP, 2011). Jonnaert etcoll. (2009) ont suggéré de dé nirle curriculum holistique comme«un système global constituéd’un ensemble de composantesà v i s é e é d u c a t i v e » . C e spropositions tendent à étendrele champ du curriculum au-delà de l’enseignement scolaireou formel, pour englober laformation en général, y comprisla formation des enseignants.

Dans les travaux du BIE-UN ESC O , l e c u r r i c u l u ma continuellement été définide manière étendue, sansê t r e l im i t é aux produ i t scurriculaires. Il est vu commela définition d’un ensembledes paramètres éducatifs, ycompris «les fondations etles contenus éducatifs, leurséquence en fonc t ion dutemps disponible pour lesexpériences d’apprentissage, lescaractéristiques des institutionsd’enseignement et celles desexpériences d’apprentissage,notamment du point de vuedes méthodes à utiliser, desressources pour l’apprentissageet l’enseignement (e.g. manuelset nouvelles technologies), del’évaluation et des profils des

enseignants» (Braslavsky, 2003).

S e l on l e B I E-UN ESC O(2013b), le curriculum estégalement un «contrat entrela société, la pol it ique etles écoles/les enseignantsconcernant la façon d’organiseret de fournir des séquencesd’expériences d’apprentissagequi visent à produire des résultatsd’apprentissage souhaités». Cetteproposition souligne l’importancede développer une vision forte ducurriculum qui, en se fondant surles demandes et les attentes de lasociété – y compris les besoins etles agendas locaux, nationaux etglobaux –, justi e la pertinenceet la justesse de ce qui doit êtreenseigné aux apprenants dedifférents niveaux, pourquoi ildoit en être ainsi, et comment yparvenir. De fait, les processuscontemporains de développementet de réforme curriculaireimpliquent de plus en plus ledébat public et la consultationavec un grand nombre de partiesprenantes : décideurs politiques,professionnels de l’éducation,partenaires socioéconomiques,collectivités locales, mais surtoutet avant tout, les apprenants.

Dans le contexte actuel oùles discussions se succèdent surl’agenda mondial de l’éducationet du développement pourl’après-2015, les travaux récentsdu BIE-UNESCO (2015a) ont

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doté le curriculum de nouvellesigni cation : «un curriculumbien conçu sert de noyauauquel tous les autres aspectsdes systèmes éducatifs sontliés» ; «le curriculum déterminel’articulation de l’apprentissageet des expériences éducativese n t r e l e s s o u s - s e c t e u r s[de l’éducation] et entre lesdispositifs d’apprentissage» ;«le curriculum est l’ADN del’éducation. Il encode les objectifs,et le schéma, pour le devenirdes individus tel que souhaitépar la société» ; «le curriculumest l’instrument principal quiarticule les aspirations enmatière de développement etles objectifs de l’éducation».Cela indique davantage qu’unecompréhension hol ist iqueau curriculum, au lieu d’unefocalisation étroite sur seulementun ou que lques a spec t scurriculaires, est cruciale pourassurer l’effectivité des travauxmenés par les professionnels ducurriculum.

La portée du curriculum holis-tiqueLe curriculum au sens large

comprend à la fois les produits(le «quoi») et les processus( le «comment») permettantd’atteindre les objectifs del’éducation. Ces deux aspectssont complémentaires et de mêmeimportance. Selon les travaux du

BIE-UNESCO (2012), les produitscurriculaires peuvent se déclinenten une série de documents :décrets législatifs, documentsdirectifs, principes directeursou cadres curriculaires, cadresnormatifs, programmes d’études,manuels scolaires et autresmatériels didactiques. Parmices documents, les cadrescurriculaires sont souvent misen exergue : ils expriment lesobjectifs de l’État en matièred’éducation et peuvent dé nir lesnormes minimales de contenuet d’évaluation ainsi que lesquali cations des enseignants,les ressources pédagogiques,les matériels d’apprentissage,la gestion des établissementsscolaires et les méthodesd’évaluation. De tels cadressont approuvés par une autoritécompétente et énoncent les lignesdirectrices pour la conception etle développement des curricula,ainsi que pour la formation et leperfectionnement professionneldes enseignants.

Les processus curriculairessont ceux qui donnent lieu eteffet aux produits curriculaires.Parmi ces processus figurentnotamment les d ia loguespolitiques et la consultationélargie sur l ’éducation, laconception du curriculum ainsique son développement, samise en œuvre, sa gestion, son

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évaluation, son innovation et saréforme. Ces processus sont liésdans une continuité circulaire,et chacun composé de diversesopérations. Par exemple la miseen œuvre curriculaire impliqueen général une phase piloteavant la mise à l’échelle, ainsique la formation des enseignantsen conséquence. Au niveaude l’école, le curriculum peutêtre vu dans une perspectiveaxée sur l’action, notammentles dispositions prises par lesprofessionnels pour soutenirl’apprentissage et le bien-être desapprenants, y compris :• l a m i s e e n p l a c e d e

l’environnement physique,de l ’équipement et dumatériel ;

• l ’ i n t e rac t i on avec l e sapprenants ;

• l ’ a i d e a p p o r t é e a u xapprenants pour qu’ilsinteragissent et établissentdes rapports mutuels ;

• l’emploi du temps scolaire ;• la dé nition des règles et des

limites ;• l a p l a n i f i c a t i o n e t

l ’ o r g a n i s a t i o n d e se x p é r i e n c e s o u d e sévénements spéciaux ;

• l ’organisation de la viequotidienne et la routine ;

• l a c o m m u n i c a t i o n ,notamment entre collègueset avec les parents.

Le curriculum se caractériseà la fois par sa densité et sasouplesse (BIE-UNESCO, 2012).La densité d’un curriculum serapporte au nombre de variablesqu’il renseigne et sur lesquellesles parties prenantes doiventprendre une décision. Par exempleun curriculum riche comportedes critères et des exemples,et non des éléments isolésd’informations à mémoriser, oudes activités uniques à imiter.La souplesse d’un curriculumpermet à ses uti l isateursd’apporter des ajustementsspécifiques dans sa mise enœuvre, selon les circonstanceset dans les limites autorisées.P a r e x e mp l e , s ’ a g i s sa n tde l ’al location des heuresd’enseignement, le curriculumindique habituellement desvaleurs minimales et maximaleset sur de longues périodes, aulieu d’un nombre rigide d’heureshebdomadaires.

L e c u r r i c u l u m e s td o n c n o n s e u l e m e n t l evéhicule de l’enseignement-apprentissage, il est l’essencemême de l’enseignement et del’apprentissage, car il en impliqueles contenus, les méthodes,les résultats, la gestion et

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l’évaluation. Aujourd’hui, lecaractère multidimensionneldu curriculum (Keeves, 1992 ;Perrenoud, 1993 ; BIE-UNESCO,2013b ; Tedesco, Opertti etAmadio, 2015) continue àpénétrer la communauté desprofessionnels du curriculum, seréférant au moins aux variationssuivantes :

• Le curriculum voulu, quicorrespond à ce que la sociétéattend de l’apprentissagedes élèves. Cette dimensiondu curriculum peut semanifester par écrit ou non,par exemple à travers desdiscours politiques, l’opinionpublique, ou les plans detravail des enseignants.

• Le curriculum officiel ,notamment celui qui est écrit/documenté tel que le cadrede référence curriculaire etd’autres documents of ciels– normes, programmes,manuels, etc. – établis parles autorités investies. Danscette perspective, l’accent estmis sur les objectifs et lescontenus de ce qui doit êtreenseigné.

• Le curriculum mis enœuvre, qui fait référence à cequi est effectivement mis enplace pour les élèves dans lesécoles et les salles de classe.

À ce niveau, le curriculumse lie étroitement avecl’enseignement, pouvantinclure des éléments locauxou personnels qui ne sont pasprésents dans le curriculumof ciel, ou ne couvrir qu’unepartie de celui-ci par manquede ressources matérielles ouhumaines.

• Le curriculum réel ou réalisé,qui se réfère à l’expérienced’appren t i ssage rée l lementvécue par les élèves, y comprisles contenus et les compétences(aptitudes, valeurs, croyances,comportements, attitudes, etc.)qui ont été effectivement appris.Cette dimension du curriculumse focalise davantage sur lesapprenants, notamment sur leursperceptions de ce qui est attendude leur apprentissage, en fonctionde leur capacité à apprendre et deleur rapport au curriculum.

• Le curriculum caché oulatent, qui renvoie à cequi est enseigné ou apprissans l’intention délibérée ducurriculum, de l’enseignantou de l’élève. Les messagestransmis par le curriculumcaché peuvent compléter lescurricula officiels, voulusou mis en œuvre, ou aucontraire les contredire.

• Le curriculum nul et nonavenu, qui se réfère aux

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domaines et aux dimensionsde l’expérience humainequi ne gurent pas dans lecurriculum et qui ne sont pasabordés par l’enseignement.

Une fois le terme « curriculum »entendu dans ses multiples

dimensions, il est possibled ’ ident i f ie r les nombreuxprocessus et facteurs éducatifset sociétaux qu’il réunit, dontnous tentons de présenter lesliens dans le tableau suivant.

Dimensions du curriculum et les processus et facteursassociés

DimensionsProcessus et facteurs associés

Liste non exhaustive

Curriculum vouluCurriculum of ciel

• La formulation des politiques éducatives selon les attentes et les aspirationssociétales, à travers une consultation élargie auprès des parties prenantes

• La conception, le développement et l’évaluation des curricula à la lumièredes politiques éducatives

Curriculum mis enœuvre

• la mise en œuvre et la gestion des curricula, notamment à traversl’enseignement, largement fonction de la disponibilité de ressourceséducatives, y compris la qualité de la formation des enseignants et d’autresacteurs éducatifs

Curriculum réel ou

réalisé

• L’apprentissage réalisé par les élèves en termes de connaissances, aptitudes,valeurs, comportements et attitudes

• L’apport des approches pédagogiques• L’évaluation de l’apprentissage et pour l’apprentissage

Curriculum cachéou latent

• Les interactions élèves-élèves, élèves-enseignants• La culture et les valeurs des établissements• Le développement global des établissements scolaires

Curriculum nul etnon avenu

• L’entourage social des élèves• La culture et les valeurs de la société• L’investissement des individus, des familles et des autorités dans l’éducation• Les exigences actuelles et anticipées du marché de l’emploi et de la vie

économique et citoyenne en termes de quali cations et de compétences

En effet, être conscientsdes différentes dimensions ducurriculum nous permet deconsidérer les interdépendanceset la cohésion requise entre lesnombreux processus concernés :sans être conforme aux politiqueséducatives, le curriculum nepermettra pas d’atteindre lesobjectifs nationaux ; sans la

consultation auprès des partiesprenantes, le curriculum perdsa raison d’être fondamentale ;sans les ressources matérielleset humaines nécessaires ,notamment l’acceptation et lamaîtrise par un corps enseignantquali é et en formation continue,un curriculum of ciel ne peut êtremis en œuvre dans sa totalité ;

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sans le souci de donner du sensà l’apprentissage, le curriculumrisque de se voir dévalorisé parles élèves (Bautier et Rochex,1998) ; dans un système fortde sélection par examen, lesépreuves tendent à devenir lecurriculum réellement mis enœuvre ; sans une culture scolaireet un environnement sociétalqui valorisent l’apprentissage,l’appréciation de la diversitéet l’équité des opportunités, lecurriculum ne parviendra pasà modeler des «apprenants àvie» et une société inclusive ;quant au marché de l’emploi,il présente ses besoins et sespratiques qui informent lecurriculum réel, latent, nulet non avenu pour influencerles décisions éducatives desautorités, des familles et desindividus. L’énumération deces interdépendances peutpoursuivre.

Dans les processus deréformes curriculaires, s icet te approche hol ist iquedu curr i cu lum n ’es t passystématiquement considérée,les mesures et les actions prisesresteront toujours dans un ouplusieurs champs étroits etlimités – plus couramment celuides programmes éducatifs – ,et peineront à atteindre leursrésultats escomptés. Par exemple,si de nouvelles visées telles que

l’«approche par compétences»,l ’ «éducation inclusive», oul’«éducation à la citoyennetémondiale» sont introduitesdans le curriculum of ciel, ellesresteront largement rhétoriquestant que le système, les écoleset les enseignants ne possèdentpas les compétences et les outilspour les mettre en pratique. Enrevanche, ces compétences etces outils ne seront pas acquissi la plani cation de l’éducationne réserve pas d’importantesressources pour assurer laformation des acteurs.

Nous pouvons invoquerdavantage de scénarios pourillustrer les interdépendancesqui nouent les processus et lesacteurs éducatifs dans un projetcurriculaire. Par exemple, quandle curriculum officiel prescritle transfert de compétences,ou la pratique de l’évaluationformative, ces innovationsdemeureront accessoires siles critères et les procédésde sélection et de certificationcontinuent à être axés sur lesavoir factuel et les examens«à enjeux élevés» (high-stakestesting) (BIE-UNESCO, 2015 ;Tedesco, Opertti et Amadio,2015). Dans un système éducatifà gouvernance centralisée, lesacteurs locaux manquerontd’autonomie pour mettre enœuvre le «curriculum axé sur

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l’école» (school-based curriculum).Autre exemple, si un grandnombre de diplômés d ’unsystème éducatif ne parviennentpas à participer activement à lavie économique et sociale, c’estaussi la voix des employeurs etdes secteurs socio-économiquesqui doit être entendue a n derevisiter et de renforcer lescompétences qui doivent êtretransférées aux apprenants.

Les fonctions et les implica-tions du curriculum holis-tiqueDans leurs travaux conjoints

(à paraître), le BIE-UNESCOet Jonnaert résument lesprincipales fonctions d ’uncurriculum holistique, quiconsistent à :

• traduire les pol it iquesé d u c a t i v e s d a n s d e sdocuments d’orientationpour l ’enseignement etl’apprentissage, ce qui luipermet entre autres depromouvoir la démocratisationd e s o p p o r t u n i t é sd’apprentissage et de stimulerla transformation progressivedu rôle de l’enseignant(Tedesco, Opertti et Amadio,2015) ;

• opérationnaliser des plansd’act ion éducati fs, desmécanismes de contrôle etde les articuler étroitement ;

• assurer la cohérence àtous les niveaux du travailéducatif ;

• assurer le développemente t l a f o r m a t i o n d e spersonnes en harmonieavec leur environnementsocial, historique, religieux,cu l ture l , économique,géographique, linguistiqueet démographique ;

• adapter et réguler le systèmeéducatif autant par rapportà un projet sociétal local etactualisé, que par rapport àune ouverture de la sociétéet de ses membres sur lemonde.

En ef fet , le curriculumn’est pas une «fin en soi»,mais un «moyen de faciliter unapprentissage de qualité» (BIE-UNESCO, 2011). Au sein d’unsystème éducatif, le curriculuma un « rôle éminent dans tous lesprincipaux aspects de l’éducationqui sont connus pour déterminerla qualité, l ’inclusion et lapertinence tels que les contenus,l’apprentissage, l’enseignement,l’évaluation et les environnementsd’enseignement-apprentissage,entre autres» (BIE-UNESCO,2015a). Un curriculum holistiqueest nécessairement abordé dansune perspective systémique quiprend en compte les interactionsentre chacune de ses dimensions

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(BIE-UNESCO et Jonnaert, Ph.,à paraître). En déterminantl’articulation de l’apprentissageet les expériences éducativesentre les sous-secteurs dusystème éducatif, le curriculumest vu comme le «noyau quipermet aux systèmes éducatifsde fonctionner comme tels», ou la«pierre angulaire de toute réformede l’éducation» (BIE-UNESCO,2013c, 2015a). Cette visionholistique permet notamment deconcevoir les responsabilités etles actions éducatives de façoncoordonnée, a n d’améliorer lesrésultats.

Le curriculum holistiqueconst i tue non seu l ementune force fondamentale pourl’intégration du système éducatif,il agit aussi, par son séquençage,comme un outil opérationnelpour donner effet aux politiquesd’apprentissage tout au long dela vie (BIE-UNESCO, 2015a).Par sa flexibilité, autrementdit sa capacité d’adaptationaux présents et futurs besoinssociétaux, il permet à terme defaçonner le progrès d’une société.Sa portée dépasse ainsi le systèmeéducatif : constituant le moyenet le processus fondamentaux dela formation du capital humain,il est également en interactionavec des secteurs parallèles ausystème éducatif, tels que lemarché de l’emploi, la cohésion

sociale et culturelle, le systèmedes valeurs, etc. qui, à leurtour, in uent sur l’accessibilité,la prestation, l’évaluation etl’évolution de l’éducation.

Le BIE-UNESCO (2015a) voiten le curriculum holistique unrôle essentiel dans l’articulationet la construction des facettescritiques d’un développementholistique et durable que sontéconomie, social, politique,en v i r o nnem en t , cu l t u r e ,multiculturalisme, humanisme,valeurs, éthiques, équité etinclusion. Cela attribue aucurriculum le «pouvoir dedonner effet aux déclarationsd’aspirations mondiales surle rôle de l’éducation dans ledéveloppement holistique».

La vis ion hol ist ique ducurr icu lum impl i que desexigences correspondantespour les professionnels ducurriculum : «Le spécialistedu curriculum doit devenir unpraticien capable qui ré échit,délibère et participe aux processuscurriculaires en considérant unéventail de décisions possiblespour permettre d’atteindre desrésultats éducatifs pertinents etef caces, et pour aider les élèvesà développer des compétencesutiles pour le présent et l’avenir,tout en respectant la cultureet l’identité propre à chaquesociété» (BIE-UNESCO, 2013b).

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Le tableau suivant présente les décisions auxquelles les spécialistesdu curriculum doivent être associés :

Source : BIE-UNESCO, 2013b.Changementcurriculaire :Développementet mise en œuvredes processus dechangement :plani cation, miseen œuvre, miseà l’essai, mise àl’échelle, etc.

Gestion duchangement :Stratégies pourl’introduction denouvelles façonsde penser et detravailler au sein dusystème éducatif

Curriculum pour l’inclusion :Moyens d’assurer une éducation

de qualité pour tous

Approchespédagogiques :Sélection desapprochespédagogiques : centréessur l’apprenant, surle développementde compétences etd’aptitudes générales,etc.

Renforcement descapacités :Moyens de préparerles acteurs pour le

changement

Stratégies PrincipesGestion du système :Sélections desdécisions à prendreau niveau central ou à

déléguer

R ô l e s t e c h n i q u e s e tpolitiques du spécialiste ducurriculum – conseiller et

orienter :

TIC et matérielscurriculaires :Sélection dessupports devantêtre fournis pourl’enseignement et

l’apprentissage

Conception desobjectifs et desrésultats attendus :Objectifs éducatifs etrésultats généraux de

l’apprentissage

Soutien Orientations

Financement :Plani cation,

provision,

négociation et

gestion budgétaire

Dialoguepolitique :Moyensd’harmoniser lesopinions sur lecurriculum enutilisant le plaidoyeret des donnéesprobantes

Evaluation :Moyens d’évaluer

le niveau de réalisation

Sélection etorganisation descontenus :L’étendu de ce qui doit

être enseigné et appris

En s’impliquant dans cesdécisions, les spécialistes ducurriculum doivent assurerdiverses fonctions (BIE-UNESCO,2013b) dans les processuscurriculaires, notamment cellesde :

• diriger, concevoir ou mettreen œuvre le dialogue avecles parties prenantes a n de

recevoir et de proposer desidées innovantes ;

• diriger ou participer à ladéfinition du «curriculumécrit» : ce qui doit êtreappris, comment formulerles résultats attendus etc o m me n t é v a lu e r l e srésultats d’apprentissage ;

© educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°5, 2015

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• dir iger ou orienter lesprocessus par lesquels lecurriculum écrit se concrétiseen pratiques d’enseignementet d’apprentissage ;

• concevoir et produire lesmatér ie ls de base quipermettent au curriculumd’être mis en application ; et

• participer à des processusde renouve l l ement ducurriculum et à la recherchede solutions pour releverdes déf is curriculairesdans différents contextesrégionaux ou nationaux.

CONCLUSION

Alors que les pays avancentvers des objectifs éducatifsà l’horizon 2030, et que lacompréhension étroite ducurriculum subsiste dans lessystèmes éducatifs, le BIE-UNESCO voit l’importance declari er la vision du curriculumholistique, tout en réaf rmantsa position critique dans lesagendas nationaux et mondiauxdu développement.

B i en que la v i s i on ducurriculum varie selon les tempset les perspectives, nous avonspassé en revue des propositionsde définitions, la portée d’uncurriculum holistique dansses multiples dimensions,

en déduisant ses fonctionsfondamentales ainsi que sesimplications pour le rôle duspécialiste du curriculum. Alorsque le curriculum ouvre unespace contesté impliquant demultiples parties prenantes, laprise en compte des perspectiveset des voix des apprenants resteune priorité majeure. Danscet esprit, le curriculum doitassurer des opportunités et desexpériences d’apprentissageéquitables et personnalisées. Ildoit également mettre à pro tsa flexibilité pour offrir desconditions, des ressources et desvoies pour l’apprentissage toutau long de la vie.

Le curriculum reflète à lafois l’état et la prospection dudéveloppement d’une société,dans la mesure où il concourtà façonner, voire à constituerl es processus mêmes del’autonomisation individuelle, dela formation du capital humain,et de l’évolution de la société.Les fonctions fondamentalesdu curriculum holistique leplacent au croisement des quatreaspects de l’ODD [Objectif dudéveloppement durable] 4, c’est-à-dire l’éducation doit favoriser(1) l’inclusion et l’ , (2) laqualité de l’apprentissage, (3)l’apprentissage tout au long dela vie, et (4) le développementholistique. En associant les

Lili Ji, Comprendre le curriculum holistique : la clé pour l’effectivité...

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compétences avec l’apprentissagetout au long de la vie et avec lesbesoins sociétaux, le curriculumassure le pont entre l’éducation etle développement (BIE-UNESCO,2015a).

Aujourd’hui, le débat surle curr iculum dépasse ledomaine technique pour êtreégalement un sujet de discussionpolitique sur quelle éducationest nécessaire pour construirequels types de valeurs et desociétés (Tedesco, Opertti etAmadio, 2015). Au cœur de cesimaginaires est la constructiond’une société plus juste, plusinclusive, et l’éducation via lecurriculum holistique offrira lavoie pour atteindre ces ambitions(B IE-UNESCO, 2013) . Unmouvement de fond se forme,plaçant le curriculum holistiqueà l’intersection entre les objectifsnationaux, mondiaux, et leurréalisation à travers les processuséducatifs.

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Jean-Marie De Ketele et al., Faut-il créer des universités locales en Afrique...

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FAUT-IL CRÉER DES UNIVERSITÉS LOCALES EN AFRIQUESUBSAHARIENNE ?

Jean-Marie De Ketele1

Ansoumana Sané2

1- Université Catholique de Louvain10, Place Cardinal Mercier1348 Louvain-la-Neuvecourriel : [email protected] Coordination Nationale des Blocs Scienti ques et TechnologiquesBP 16691 Dakar Fann Dakarcourriel :[email protected]

RÉSUMÉAvec la scolarisation galopante

et la création tous azimuts d’écolesprimaires, de collèges et de lycées enAfrique subsaharienne, le nombre debacheliers croît de plus en plus. Lesuniversités nationales implantéesdans les capitales sont submergéeset n’arrivent plus à accueillir tous cesnouveaux bacheliers. Pour faire face àcette situation, les autorités publiquesse sont lancées dans une courseeffrénée à l’ouverture de nouvellesuniversités dans les capitalesrégionales. Il s’agit pour elles derépondre à un besoin de décongestionde l’université «nationale».

Le présent article ouvre uneré exion sur les avantages, maisaussi les limites d’une politiqued’implantation d’universités locales

en Afrique subsaharienne et tentede répondre à deux questions :(i) quelles sont les principalesconditions pour réussir une tellepolitique ? (ii) quelles sont lesdif cultés principales à lever ? Poury répondre nous nous appuieronssur un cadre conceptuel inspirédes travaux de plusieurs instancesinternationales et sur un corpus dedonnées empiriques en provenance,non seulement d’un ensembled’entretiens menés par nos soins,mais aussi de travaux de synthèsesur l’enseignement supérieur.

Mots clés : Université locale,Université, Centre universitaire,Université publique, Université-élite,Université de masse, Université-niche,Université des aînés, Excellencesociétale, Université internationale.

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INTRODUCTIONLes instances internationales

qui ont essayé de dresser uninventaire des institutionsd ’enseignement supér ieursoulignent la difficulté d’unetelle tâche, tant les structureset les appellations sont diverses(université, école, institut, centreuniversitaire, etc.), tant celles-ci évoluent rapidement (parexemple, une école NormaleSupérieure devient une faculté),tant des informations valideset complètes sont difficiles àobtenir des autorités (commedans le cas de l’existence deplusieurs ministères de tutelle).Ainsi, la banque mondiale (2009,p. 92), reprenant une sourcede 2007, fait état au Sénégalde 2 universités publiques, de3 universités privées, de 15instituts polytechniques ouinstituts professionnels publics,de 44 instituts polytechniquesou professionnels privés. Onsait depuis lors que chaquerégion du Sénégal veut avoirson « université », à laquelleseraient probablement associésdes CRFPE (centre régional deformation des personnels del’éducation), et que le nombred’universités privées (ou quise dénomment ainsi) seraitproche de la centaine1. Un tel

1- Si on en juge par le nombre de dossiers d’accréditationreçus par l’UCAD.

constat pourrait être fait dansde nombreux pays d’Afriquesubsaharienne. Ceci n’est passans soulever de nombreusesquestions, parmi lesquelles cellede savoir ce que l’on met oudevrait mettre derrière le conceptd’université.

Cette situation révèle, entreautres choses, que des besoinsimportants ne pouvaient êtreremplis par la situation héritéedu passé, caractérisée le plussouvent en Afrique subsahariennepar une seule grande universitépublique reconnue, situéedans la capitale. Très vite, cesuniversités nationales ont étédébordées par l’importantedemande et ont dû fonctionneravec un nombre d’étudiantsdépassant de loin leur capacitéde fonctionnement, entrainantune baisse de qualité et touteune série de dérives (BM, 2008 ;Sall, 2012). Ainsi, Charlier (2009,p. 288) rapporte la situation bienconnue suivante : «Certainsétudiants qui béné cient d’unebourse d’études pour suivreles cours dans une institutionpublique donnée, quelle qu’ellesoit, ne s’y rendent jamais. Sitôtleur bourse encaissée, ils vontla verser à une université privéede la place, convaincus quel’enseignement qui y est prodiguéest de bien meilleure qualité quecelui qu’ils pourraient recevoir de

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l’institution publique. La bourseest toutefois insuf sante pourpayer les droits d’inscription.Ces étudiants sont donc à larecherche constante de l’argentet montent sur le campus toutessortes de combines pour réunirles moyens de continuer à suivrel’enseignement de l’universitéprivée ». Cet attrait pour certainesuniversités privées s’expliquepar différents facteurs, dontles principaux rapportés parles étudiants sont une plusgrande professionnalisationd e l a f o r m a t i o n e t u nenvironnement pédagogique deplus grande qualité (groupes nonpléthoriques, suivi rapproché,clarté des enseignants qui sontsouvent ceux de l’universitépublique2).

A i n s i d e s u n i v e r s i t é spubliques locales, implantéesdans les différentes régions dupays3, ont été créées ou sonten cours de création sur labase des arguments suivants :l ’ incapacité de l ’universiténationale implantée dans lacapitale à faire face au fluxdes étudiants et assurer unenseignement de qualité ; le

2- Ceux-ci travaillent dans de meilleures conditions et sontl’objet d’un suivi. Ces propos nous ont été rapportéspar des étudiants à cheval sur l’université publique etune université privée.

3- À ne pas confondre avec les « universités régionales » quisont des universités ou des centres universitaires, crééspar plusieurs pays unissant leurs ressources et qui as-surent un cursus universitaire dans un domaine précis.

besoin de répondre à l’énormedemande des élèves sortantsde l’enseignement secondaire etd’assurer une équité de l’offre ;la nécessité de répondre defaçon plus étroite et différenciéeaux besoins des régions et deles dynamiser. Les opposantsémettent de sérieuses réserves àde telles initiatives : la créationde nouvelles universités parl’État risque de grever le budgetde l’enseignement supérieur ; lerecrutement des enseignants-chercheurs de qualité en nombresuffisant n’est guère possibleou est entravé par l’absencede volonté d’une grande partied’entre eux de travailler hors dela capitale ; le recours à tempspartiel d’enseignants-chercheursde la capitale est consommateurde temps, nuit à leur fonctionpremière et est moins rentableà leurs yeux que des heuresprestées dans des universitésprivées.

La question posée est doncde voir comment concilierbesoins et contraintes. À quellesconditions des universités localespourraient-elles répondre auxbesoins mentionnés tout en levantles contraintes identi ées ? Quelssont les principaux obstaclesà lever et auxquels il faudraitêtre attentif ? Pour répondre àde telles questions, nous nousappuierons sur un triple cadre

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conceptuel : les orientationsdégagées par l e Sommetmondial sur l’enseignementsupérieur organisé en 1998par l’UNESCO et développéesdans le livre édité par GUNI4

(2009) ; les travaux prospectifsde l’OCDE (2008) et l’IPPR (2013)sur l’avenir des universités ;les réflexions actuelles d’ungroupe d’experts internationauxfaisant partie du réseau NEHE(Network for Excellence in HigherEducation) qui s’est posé laquestion « Quelle excellence pourl’enseignement supérieur ? » (DeKetele, Hugonnier, Cosnefroy &Parmentier, à paraître en 2016).

Notre cadre conceptuel

Dans les rapports issus desConférences mondiales surl’enseignement supérieur (1998,2009) et dans les publicationsultérieures de GUNI, l’UNESCOconsidère quatre composantesindissociables de la qualité desuniversités du XXIe siècle :l’ef cacité, l’ef cience, l’équitéet la pertinence. L’efficacités’estime par le rapport entre lesrésultats observés et les résultatsattendus ; ceci pose la questiondes résultats attendus desuniversités locales. L’ef cience atrait au rapport entre les résultats

4- GUNI (Global University Network for Innovation) a étéfondé par l’UNESCO et l’Université Polytechnique deCatalogne, suite à la première Conférence mondiale surl’Enseignement supérieur.

observés et les ressourcesinvesties ; ceci pose la questionde savoir si les résultats obtenuspar les universités locales sontle fruit d’un investissementraisonnable. L’équité seraitatteinte si les résultats obtenusétaient suff isamment nondiscriminatoires par rapportaux différents sous-groupes de lapopulation (écarts peu importantsselon le genre, le niveau socio-économique, l’ethnie, la religion,le lieu d’habitation) ; c’est undes objectifs de la création desuniversités locales. La pertinenceest l’adéquation entre les effetssouhaités et traduits dans lecurriculum offert et les besoinsà satisfaire ; la question estdonc de savoir si les formationsoffertes par les universités localesprennent bien en compte lesbesoins de l’environnement danslequel elles sont implantées (DeKetele, 2009).

Il nous paraît intéressantde situer les universités localesdans les scénarios sur l’avenirdes universités selon desorganismes tels que l’OCDEet l’IPPR5. L’OCDE établit unetypologie à partir de deux axescroisés : le premier prend enconsidération l’importance (fortevs faible) des forces du marché(la « globalisation ») ; le second, le

5- Une synthèse intéressante et une lecture critique ont étéeffectuées par Hugonnier (à paraître dans la revue Papersfor Encounters in Education).

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degré d’ouverture (forte vs faible)sur le monde. Il en résulte quatrescénarios décrivant quatreconceptions, toutes possibles,des universités. Dans ce cadre,les universités locales seraientpeu in uencées par les forcesdu marché et peu ouvertes sur lemonde, car mises au service descollectivités locales ; en Europe,des universités françaises commeCompiègne et Valencienness’inscrivent dans ce scénario etont établi leur réputation surcette base.

L’IPPR (Barber, Donnelly &Rizvi, 2013) a établi une autretypologie tout aussi intéressanteen distinguant cinq scénarios dediversi cation : les « universités-élite», très peu nombreuses,attirant les professeurs et lesétudiants les plus talentueux,captant des subven t i onsimportantes pour la recherche,mais générant de très fortesiniquités d’accès ; les « universitésde masse», répondant à unedemande très forte des classesmoyennes en augmentation etcentrées essentiellement surun enseignement de qualité ;les «universités-niche», de petitetaille, très spécialisées dansquelques domaines, de hautequalité et très sélectives ; les«universités locales», jouantun rôle important dans ledéveloppement de leur région et

donc tournées vers des formationsrépondant aux besoins locaux ;des «institutions d’apprentissagetout au long de la vie» (comme les«universités des aînés» en Europeou les «universités populaires»),s’adressant à des adultes ou/etoffrant des formations de masse.Nous nous trouverions donc icidans l’avant-dernier scénario, cequi n’exclut pas la mise en œuvreégalement du dernier scénario.

À la lecture de ces scénarios,on est en droit de se demandersi l’excellence serait réservéeà un nombre très restreintd ’un iv e r s i t és . Le r é s eauNEHE analyse cette questionet tente d’y répondre danssa dernière publication (DeKetele, Hugonnier, Cosnefroy& Parmentier, à paraître en2016). Dans cet ouvrage, lesauteurs distinguent trois typesd’excellence. L’excellence élitistequi caractériserait les universitéssélectionnant les meilleursenseignants et les meilleursétudiants en vue d’être les plusperformantes sur le plan de larecherche et ainsi bénéficierdes meilleures places dans lesclassements internationauxdes universités ; ce faisant,elles seraient profondémentinéquitables, car seuls lesétudiants des classes socialesles plus favorisées y auraientaccès, à moins qu’un système

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de bourses permette à desétudiants particulièrementméritants d’y avoir accès (toutparticulièrement au niveau destroisièmes cycles). Actuellement,des experts internationauxdéfendent une autre conceptionqui serait sociale et sociétale.Une excellence serait «sociale»lorsqu’elle vise les objectifssuivants :

• Donner à tous les étudiantsune formation d’excellentequalité (valorisation de lamission d’enseignement) ;

• Donner à t out e s l escomposantes de l’université(facultés, départements,laboratoires) et à tousles acteurs (étudiants,enseignants-chercheurs,scienti ques et employés)qui ont le potentiel etla motivation, et sansexclusion de qui que cesoit a priori, les moyensd’atteindre leur propreniveau d’excellence, aubéné ce de l’intérêt généralet du bien commun ;

• Ne pas permettre que lesconditions financières,sociales et culturelles ou lesméthodes d’enseignementf a s s e n t o b s t a c l e àl’excellence de chacun.

• Une excel lence serai t« sociétale » :

• Si les missions de l’université(recherche, enseignementet services) sont soucieusesde prendre en compte lesproblèmes posés par lasociété (alimentation, santé,éducation, environnement,paix, etc.) ;

• Si la formation susciteun réel engagement despersonnes et de l’institutionenvers les enjeux posés parla société et l’environnementdans l eque l s ’ inscr i tl’université.

Sans n ier l ’ importancede d isposer d ’un iversi tésinternationales qui visent uneexcellence élitiste, car la productionde connaissances nouvelles estessentielle au développement,la création d’universités localesrépond davantage au souci d’uneexcellence sociale (favoriser l’équitéd’accès de la population locale eten développer les potentialités) etsociétale (répondre aux besoinset aux enjeux développementauxde l’environnement local). Se posedonc le problème des conditionspour leur permettre de viserune telle excellence et celui despièges qui pourraient freiner leurprocessus de développement.Pour tenter d’y répondre, nousferons appel à un triple corpus :les observations nombreuses quenous avons pu glaner au cours denos missions d’accompagnement

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d’universités implantées dans despays en voie de développementou émergents, observationscomplétées et validées par 16entretiens avec des professeursde quatre universités sénégalaises(Dakar, Saint Louis, Ziguinchoret Bambey) ; les synthèses detravaux d’autres chercheursou experts ayant travaillé surle développement et l’avenirdes universités dans de telsenvironnements (tels : Charlier,Croché & Ndoye, 2009 ; BanqueMondiale, 2008 ; GUNI, 2009 ;Sané, 2011 ; Sall, 2012 ; Denef& Mve-Ondo, 2012 ; Depover &Orivel, 2012) ; les résultats de larécente table ronde organisée parl’OIF en septembre 2014 «L’offre deformation francophone : état deslieux et perspectives» (Sané, 2014).

À quelles conditions lesuniversités locales peuventviser une excellence sociale etsociétale ?

U n e d e s c o n d i t i o n sles plus importantes résidedans l’existence d’une équipeacadémique ayant consciencedes besoins de l’environnementlocal et ayant fait une étudeapprofondie pour les identi er.À titre d’exemple6, nous prenonsle cas de la récente université deTahoua au Niger qui, sur la based’une telle étude (2014), a jugé

6- Les Autorités de l’Université de Tahoua ont réalisé desétudes semblables pour la création des autres lières.

nécessaire de créer une Facultédes Sciences de l’Éducation.En effet, leur étude des besoinsde la région de Tahoua révèleune augmentation des tauxd’achèvement des cycles primaireet secondaire, la création denouveaux collèges et lycées,l’augmentation par le Ministèredes exigences des niveauxde qualification des acteursimpliqués dans le systèmeéducatif. Il en résulte pour larégion une masse importanted’acteurs à former pour répondreà de telles exigences : professeursde CEG (niveau Bac +2)7 ;professeurs du cycle moyen (2 ansaprès une licence disciplinaire) ;conseillers pédagogiques dupremier cycle du secondaire(licence en sciences de l’éducationavec 3 années d’expérience) ;conseillers pédagogiques del’enseignement moyen (maîtrise+ 5 années d’expérience + 1an de formation) ; professeursdes collèges techniques etprofessionnels en cours decréation ou de développement(Bac + 3 années d’expérience + 2ans de formation) ; professeursdes centres de formationtechnique et professionnelle(Licence + 2 ans de formation) ;conseillers pédagogiques de

7- Nous ne faisons pas ici état des conditions d’accès quiseraient trop longues à détailler, ni des équivalencesavec le système LMD dans lequel les universités duNiger s’inscrivent.

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l’enseignement primaire (Bac+ 5 ans d’expérience + 2 ansde formation) ; inspecteurs del’enseignement primaire ou/etpréscolaire (5 ans d’expériencecomme conseiller pédagogique+ 1 a n d e f o r m a t i o n ) ;inspecteurs de l’enseignementsecondaire (3 ans d’expériencede conseiller pédagogique + 1an de formation) ; inspecteursadministratifs de l’enseignementsecondaire (3 ans d’expériencede conseiller pédagogique + 1an de formation) ; des expertsen politique éducative et gestiondes systèmes éducatifs (mastèrespécialisé dans ce domaine) ;des formateurs pour les écolesNormales d’Instituteurs (licenceet mastère en sciences del’éducation). Un recrutementen nombre suffisant avec descoûts raisonnables, une garantiesuf sante de voir les diplômésrester dans la région et uneadaptation de la formation auxspéci cités de l’environnementl oca l ne pourra i ent ê t r eassurés de façon efficiente etéquitable par la seule UniversitéAbdou Moumouni de Niamey.Un potentiel important deressources humaines existe dansles diverses régions des paysafricains. Le Recteur Sall (2012,p. 168) rapporte que, voulantfêter les cinquante meilleursétudiants devant le Présidentde la République, il constatait

qu’un grand nombre d’entreeux venaient de l’intérieur dupays et avaient eu la chance depouvoir effectuer leurs études àDakar. Qu’en est-il des autresqui n’ont pas eu cette chance ?Une d eux i ème cond i t i onréside dans l’établissementde relations étroites avec lesdiverses autorités régionales (leGouverneur régional, les diversesadministrations régionales,les Chefs de village, les éluspolitiques, les entrepreneurslocaux, les ONG). Lors de nosmissions, nous avons pu nousrendre compte que sans cesbonnes relations bien des chosessont difficilement réalisablesavec efficacité (exemples : laréalisation des stages ; rendre lesécoles prêtes pour la rentrée suiteà la saison des pluies ; fourniraux enseignants un logementdécent dans les zones rurales,etc.). Comme le soulignent Denefet Mvé-Ondo (2015, p.37), « dansune vision globale des missions etde la gouvernance universitaire,un dialogue, voire un partenariatentre université et sociétécivile, sont indispensables etcomplémentaires au partenariatuniversité – État» ; ce dialoguepermanent concerne surtout«les compétences attenduespour les nouveaux diplômés ; lesmissions d’avis ou d’expertise etles questions de recherche».

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Une troisième condition a traitau recrutement d’enseignants-chercheurs quali és en nombresuf sant et qui trouvent un intérêtà s’insérer dans l’environnementlocal. C’est là une actionmajeure à entreprendre parles autorités académiques etrégionales. Cette exigence doitpouvoir être conciliée avec lapossibilité de continuer leurdéveloppement professionnel(comme chercheur, enseignantet expert), ce qui nécessite desrelations, non seulement avecl’université nationale, mais aussiavec des universités étrangères).L’environnement local avec sesspécificités est une occasionde conduire des recherches etdes expertises en associationavec des chercheurs d’autresuniversités ou avec des expertsde différentes organisations.

La quatrième condition estdonc d’envisager une excellencesociale (développer les pôlesd’excellence de chaque étudiant)et sociétale (répondre aux enjeuxdu développement local) par desactions de formation, de rechercheet d’expertise contextualisées.Par là, nous entendons que,sous la supervision de leursenseignants, les étudiants soientamenés dans leur formationà entreprendre des études decas et des recherches sur desproblématiques professionnelles

et développementales liéesaux caractéristiques et auxbesoins de l’environnementlocal dans lequel ils vont êtreamenés à travailler. Par exemple,les mémoires de fin d’étudesdevraient être suffisammentcoordonnés pour capitaliserdes connaissances nouvellesliées à cet environnement. Cestravaux devraient par ailleursalimenter les formations, afinque celles-ci ne soient pasexclusivement transmissiveset formelles, mais obéissentaux principes des pédagogiesd’adultes qui se fondent sur leparadigme « contextualisation/ d é c o n t e x t u a l i s a t i o n /recontextualisation » permettantde construire progressivementun réseau de connaissances deplus en plus complexes et reliées.

Ces modalités de la formationdevraient permettre à chaqueétudiant de trouver l’occasionde révéler et de développer sespotentialités spécifiques, au-delà des compétences de basecommunes. Elles devraientéga lement permet tre auxenseignants-chercheurs d’ytrouver le moyen de continuerà conduire des recherches surdes problématiques pertinenteslocales et à les confronter avecdes recherches conduites dansd’autres environnements grâce àleur insertion dans des réseaux

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de chercheurs (Sané au colloquede l’OIF, 2014 ; Denef & Mvé-Ondo, 2015, chapitre 2).

Une cinquième conditionrelève de la gouvernance.Mvé-Ondo (In Denef & MvéOndo, 2014, chapitre 1) insistepour que «la gouvernanceuniversitaire dépasse la gestionet l ’application des règles»(p. 24). Dans les universitéslocales, la gouvernance devraitr e l e v e r da van ta ge d ’ une«gouvernance communautaire»8

où la recherche d’une excellencesociale et sociétale impliquede permettre à chaque acteurde la communauté (autorités,e ns e i gn an t s - c he r c he u r s ,p e r s o n n e l s t e c h n i q u e s ,étudiants) de développer au mieuxleurs potentialités et de devenirchacun un pôle d’excellenceau service de la résolution desenjeux liés au développementde l’environnement local. Cecisuppose une gouvernance àl’opposé des principes d’une«bureaucratie professionnelle»,trop fréquente dans les universitésfrancophones africaines (Mvé-Ondo, op. cité, p. 20) ; il s’agitplutôt d ’une gouvernanceparticipative où la «posture dela reconnaissance» prend le pas

8- Jean-Marie Toulouse (in Denef & Mvé Ondo (2015, pp.44-47) distingue quatre modèles de base d’université etde gouvernance : l’université comme une organisationprofessionnelle ; l’université comme une communauté ;l’université comme une arène politique ; l’universitécomme une entreprise dans un marché.

sur une «posture du contrôle»,ce qui se révèle une conditionessentielle pour développer uneexcellence sociale et sociétale,De Ketele, Hugonnier, Cosnefroy& Parmentier (2016, à paraitre).

De nombreuses dif cultésà lever

Une des dif cultés principalesà lever est sans conteste liéeà cette cinquième condition.L’université africaine souffre de« trop d’État » et « ne cesse depuis1990 de traverser une criseprofonde et durable, notammentpour plusieurs raisons : ladétérioration de la pertinence etde la qualité de la formation etde la recherche ; la dégradationdes infrastructures et deséquipements ; l’insuffisancedu matériel pédagogique et derecherche ; la diminution desfinancements et les diversescon f ron ta t i ons en t r e l e sétudiants, les syndicats despersonnes et l’administrationdes universités», «Au point quel’université n’est plus considéréecomme la solution au problèmedu déve l oppement , ma isdésormais comme un élémentcentral de ce développement»(p. 20). Il s’agit donc de donneraux universités «une réelleautonomie vis-à-vis de l’État»(p. 21) pour leur permettre d’êtredes outils pertinents au servicedu développement.

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Cette autonomie r isquecependant d’être une sourced’isolement, si l’autonomie offertene s’accompagne pas d’unemise en réseau de l’universitélocale et de ses composantesavec d’autres universités oudes composantes présentesdans d ’autres universi tés(nationales et étrangères). Lesétudes sur les mutations de lasociété considèrent que celle-cise caractérise principalementcomme une société globalisée(Breton Lambert, 2003) et enréseau sous l’effet de plus en plusimportant du développement destechnologies (Depover & Orivel,2012) et des ressources liéesà la mobilité des personnes(voir, par exemple, les synthèseseffectuées par Bouvier, 2013, ouDe Ketele, 2015). Les universitéslocales, même les plus éloignées,devraient part ic iper à cemouvement si elles le veulentet développer une politique,que nous jugeons nécessaire,dans ce sens. Le Brésil l’a trèsbien compris en mettant enréseau des institutions localesdispersées dans la régiondéfavorisée du Nord-Est pourcréer « A Universidade no SeculoXXI : Para uma UniversidadeNova » (De Sousa Santos & DeAmeida Filho, 2008). Commele montre l’intervention deSané à la réunion de l’OIF enseptembre 2014 à Dakar, les

universités africaines éprouventdes difficultés à fonctionneren réseau, non pas tellementparce que les moyens manquent,mais par une absence devolonté suf sante des acteursuniversitaires eux-mêmes. Unbon fonctionnement de leursuniversités est cependant à ceprix ; c’est encore plus vrai pourles universités locales.

La dif culté de recruter desenseignants-chercheurs quali éspour les universités locales n’estpas facile à lever. L’attractivité dela capitale est encore trop forte :c’est là que sont concentrées lesressources les plus recherchéeset les meilleures conditionsde vie ; on y est proche desinstances du pouvoir et lesvoies de promotion sont plusnombreuses ; c’est un lieu deconcentration des échangesinternationaux ; les opportunitésde trouver des compléments desalaire y sont plus nombreuses(cours dans les universitésprivées, expertises, etc.). Ilest temps de réfléchir à unepolitique globale pour contrer cemouvement d’exode du rural versles grandes métropoles auquel lacentralisation de l’enseignementsupérieur participe. Il importe dedémontrer concrètement que degrandes carrières universitairespeuvent être réalisées à partird’une insertion locale. À cet

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effet, il est nécessaire d’agirsur de nombreux facteurscomplémentaires, tels despolitiques de décentralisation,le développement de réseaux,une plus grande attention despartenaires nanciers pour ledéveloppement local, la mise enévidence des opportunités offertespar ces milieux pour produiredes connaissances nouvellesinédites (Banque mondiale,2008 ; GUNI, 2009), sans oublierun travail sur les conditions devie des enseignants-chercheurspour les rendre suf sammentattractives.

Le long parcours d’études desenseignants-chercheurs, le plussouvent ponctué par des séjoursplus ou moins longs dans lesuniversités du Nord, provoquesouvent un éloignement vis-à-vis de sa culture africained’origine et même des dif cultésde compréhension et d’empathiepar rapport aux us et coutumestoujours très vivaces dansles environnements où sontimplantées les universités locales.Or celles-ci ne peuvent remplirleurs missions d’enseignement,de recherche et d’expertise auservice du développement localqu’en établissant d’excellentesrelations avec les acteurs locaux.Ceux-ci perçoivent très viteles dangers qui peuvent êtregénérés par des universitaires

qui manifestent par leurscomportements des attitudesde supériorité et de dédain.Membre fondateur du LASDEL,un centre renommé de rechercheen sciences sociales sur leszones rura les a fr i ca ines ,Olivier de Sardan (2008) parledu danger de la «positiondominocentrique» adoptée parcertains universitaires dansleurs contacts avec les acteurslocaux, ce qui invalide sur leplan méthodologique les actionsmenées et leurs résultats (p.198).

Les univers i tés loca lespartagent avec les universitésnationales et internationales lesmêmes missions : la formation,la recherche et les services. Maiscelles-ci se différencient dansles objectifs concrets visés et lestypes d’actions pour les atteindre.Ainsi, les meilleurs indicateurspour évaluer la pertinence d’uncurriculum de formation misen œuvre dans une universitélocale résident dans la bonneintégration des diplômés dans laproblématique du développementlocal (Depover & Jonnaert (2014,p. 249). Les meilleurs indicateurspour évaluer la pertinence dela recherche menée se trouventdans les connaissances produitespour mieux comprendre lesfacteurs qui conditionnentl e déve l op pemen t so c i o -économique de la région (ce

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qui implique de ne pas négligerles recherches en scienceshumaines et sociales sur cesaspects) et pour concevoir lesdispositifs et les outils poury contribuer. Les meilleursindicateurs pour évaluer laqualité des services rendus àla société civile locale sont àrechercher dans l’implicationconjo inte des acteurs del’université et de la société civilelocale dans la réponse donnéeaux besoins identifiés dansla région. L’excellence socialeet sociétale des universitéslocales est à ce prix, non pasdans une standardisat ionqui serait commune à toutesles universités, mais à unecontextualisation des missions.La tendance centralisatricedes universités africaines etle mythe qui consiste à secalquer sur quelques universitésinternationales réputées sontdes obstacles majeurs audéveloppement d’une excellencesociale et sociétale dans lesuniversités africaines.

Pour ouvrir le débat

Nous n’avons pas la prétentiond’avoir couvert l’ensemble desconditions et des obstacles pourfaire de chaque université localeun pôle d’excellence spéci que.Bien d’autres travaux sontnécessaires, d’autant plus quepeu d’études portent sur cet

objet que nous considéronscomme essentiel pour «Fairede l’Enseignement supérieur lemoteur du développement enAfrique subsaharienne» (titredonné à l’ouvrage de la banquemondiale en 2008).

Des pays comme le Brésilmènent une ré exion politiquedans ce sens depuis quelquesannées (Freitas Teixeira, 20159).Grâce à la création de nouvellesuniversités dans les régionsdéfavorisées ou isolées, cepays mène «une politique quichercherait à établir un nouveléquilibre interne, qui réduiraitles asymétries régionales parl’expansion des institutionsqui existent déjà, qui créeraitde nouvelles institutions àl’intérieur du Brésil dans unecombinaison entre expansionet intériorisation, changeraitle scénario de stagnation del ’ ense ignement supér ieurdepuis des décennies. Ce sujeta maintenant pris de l’ampleurdans les recherches académiquesaussi bien que dans les sphèresdu pouvoir » (p. 21). Ce faisant,dit l’auteur, des secteurs sociauxhistoriquement marginalisés

9- Il s’agit d’un article en voie de publication dans « Papersfor Encounters in Education » qui porte comme titre« La démocratisation de l’enseignement supérieur auBrésil : un chemin vers une politique d’excellence ? ».Il s’agit d’une analyse socio-historique approfondiesur les politiques d’enseignement supérieur menées auBrésil. La pagination présentée ici est celle du manuscritenvoyé à la revue.

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ont accédé à l’enseignementsupérieur et ont achevé uncursus complet (ce qui a impliquédes adaptations des curricula etdes structures d’aides). « Pourdes milliers de jeunes et leursfamilles, cette politique changele projet d’avenir de générationsentières, et change aussi la placede l’enseignement supérieurdans la société » (p. 21).

D’autres expériences latino-américaines sont intéressantesà observer. Ainsi, au Pérou, desuniversitaires conscients de la« position dominocentrique »de certaines autorités et denombreux collègues ont créé uneuniversité autochtone basée surles valeurs et les connaissancesproduites par les habitants dela forêt amazonienne avant quecelles-ci ne soient perdues àjamais (de la Puente, 2015).

Toutes ces expér iencesméritent d’être rassembléespour alimenter une réflexionpolitique sur une recompositiondu paysage universitaire enliaison étroite avec les rôles queles institutions d’enseignementsupérieur ont à jouer pourêtre moteur de développement.Les universités locales, àcertaines conditions, devraienty contribuer largement et viser ledéveloppement d’une excellencesociale et sociétale.

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VERS UN PARTAGE DES COÛTS DE L’ENSEIGNEMENTSUPÉRIEUR EN AFRIQUE FRANCOPHONE ?

Touorizou Hervé SoméAssociate Professor

Educational Studies DepartmentRipon College

343 Stanton Street, Apt. 12Ripon WI54971

courriel :[email protected]

RÉSUMÉCet article est une ré exion autour

de la question nodale du succès dusystème LMD. L’auteur postule quele système LMD ne pourra atteindreles buts qu’il s’est xé que s’il arrive àmobiliser les ressources nancières àtravers la diversi cation des coûts del’enseignement supérieur, notammentpar l’introduction des droits descolarité acceptés par tous les acteurset par d’autres contributions au-delà des allocations de la part desgouvernements qui ploient sousle poids de multiples priorités dedéveloppement. Tout en reconnaissantque la diversification des revenus

dans l’enseignement supérieur estun impératif indépassable, il soulèveles dif cultés de tous ordres liées àla recherche de sources alternativesde revenus pour l’enseignementsupérieur et propose un modeopératoire vers un partage des coûts.Il conclut en avertissant que tant quela question de comment mobiliserdes ressources additionnelles n’aurapas été résolue, les objectifs du LMDrisquent de rester lettre morte.

Mots clés : Partage des coûts,Système LMD, F inancementde l ’enseignement supérieur,Diversification des coûts, Afriquefrancophone, Crise économique.

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INTRODUCTIONIl nous semble que si le

système LMD a été adopté parl’ensemble des pays africainsfrancophones, on n’ait pastoujours accordé toute l’attentionque mérite la question de générerles ressources nancières quipeuvent accompagner un telprojet. L’argent est le nerf de laguerre. C’est un truisme. Or, il estaussi bien connu que le systèmeLMD prend place dans unenvironnement où les universitésafricaines francophones n’ontpas encore réussi les nécessairesréformes financières à mêmede soutenir l’élan du LMD surune base durable. En effet, nosuniversités africaines – surtoutfrancophones – dépendenttoujours quasi-absolument de nancements de la part des étatsqu’on sait aussi ne pas rouler surl’or, surtout par ces temps deconstruction économique.

Oketch (2002), interrogeantl’histoire, y trouvera l’explicationà cet état des choses. Lesuniversités africaines de façongénérale seraient associées aux nances publiques, l’idée étantque les meilleurs étudiantsdevaient béné cier de boursesd’études au frais de la princesse.Sawyerr (2002), lui, y voit le faitque les universités africainesfussent le fruit de motivationspolitiques, puisqu’elles servaient

comme un symbole pour laconstruction de l’états, qu’il soitsocialiste, démocratique, ourévolutionnaire, toutes chosesjustif iant, aux lendemainsdes indépendances, que lesgouvernements puissent délierles cordons de la bourse sansrechigner.

C ’est donc d i re que laquestion du partage des coûtsde la formation universitairese pose toujours avec acuité,même si sa charge hautementpolitique ne fait point l’ombred’un doute. En d’autres termes,réussir le système LMD supposede changer, entre autres, leparadigme de financement del’enseignement supérieur enAfrique francophone, d’où lanécessité absolue de mettre surla table la question volatile de ladiversi cation des revenus dansl’enseignement supérieur.

Cet article a pour objetd’explorer les voies et moyens dela diversi cation du nancementde l’enseignement supérieurdans les pays francophonesd’Afrique ainsi que les obstaclesqui se dressent sur le cheminde la recherche de ressources nancières alternatives à mêmede faire réussir le système LMD.Cette étude se propose de jeterun regard sur l’impact que ladiversi cation des revenus peutavoir sur la mission de l’université,

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la qualité de l’enseignement et lacommunauté universitaire.

Dans un premier temps,nous nous at tacherons àana lyser l es ra i sons qu ijusti ent la diversi cation desrevenus pour un nancementde l’enseignement supérieurdans les pays francophonesd’Afrique dans le cadre du LMD.Dans un deuxième temps, noustenterons de faire ressortir lesdif cultés liées à un tel projet. Endernier ressort, nous mettronsen avant les possibilités dupartage des coûts en proposantun mode opératoire à mêmede doter les universités d’uneautonomie financière tout enpréservant la paix sociale surles campus, de sorte à créer unespace propice à la quête dusavoir où l’idée humboldtiennedu Lehrfre iheit ou l ibertéd’enseigner et du Lernfreiheit ouliberté d’apprendre (Clark, 1985)sont respectivement garantiespour les acteurs-clé que sont lesenseignants et les étudiants.

Le Partage des Coûts dansl’Enseignement Supérieur :Cadre théorique

Le terme partage des coûts del’enseignement supérieur a besoind’être explicité malgré son usagefréquent dans presque tous lesdébats touchant au nancement

de l’enseignement supérieur.Ce terme conceptualisé parJohnstone (1986) postule quel’état étant la seule source de nancement de l’enseignementsupérieur et qu’au regard deses revenus de plus en pluslimités, il faille mobiliser lesressources tous azimuts. De cepoint de vue donc, le partagedes coûts est consubstantiel dela diversi cation des revenus del’enseignement supérieur. En ligrane, le partage des coûts nese manifeste comme nécessitéque dans des situations où lesinstitutions d’enseignementsupérieur sont frappées parl ’austér ité . Comme part ieprenante au partage des coûts,il faut citer 1) le gouvernementou le contribuable ; 2) les parentsqui paient une partie des fraisd’études sur la base des revenusfamiliaux ; 3) les étudiants quipeuvent aussi s’acquitter d’unepartie des frais de scolaritéou payer d’autres frais liés aulogement en utilisant leursrevenus générés par des emploistemporaires ; 4) la philanthropiepar les dons aux institutions ; 5)et l’entreprenariat institutionnelqui se décline à travers la venteou la location des biens del’université, les consultationsou encore d’autres activitésg éné r a t r i c e s d e r e v e nu s(Johnstone, 2002).

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Le partage des coûts proposedonc un changement dans laprise en charge des coûts del’enseignement supérieur. Si le nancement de l’enseignementsupérieur était laissé à la chargede nos gouvernements après lesindépendances et leur euphorienationaliste comme esquissé plushaut, aujourd’hui, ce paradigmeest de plus en battu de brèchepar la situation économique etfinancière de nombreux paysafricains peu reluisante, maisaussi par les changementsdémographiques. De plus enplus de voix s’élèvent pourdemander à ce que les parentsd’étudiants ou les étudiantseux-mêmes, les entreprises, oumême la philanthropie, puissentprendre en charge au moins uneportion des coûts des étudessupérieures.

Malheureusement, s i lesystème LMD a pu faire sonpetit bonhomme de chemindans l’enseignement supérieurmalgré ses dif cultés, la réformefinancière de l’enseignementsupérieur ne connaît pas la mêmefélicité. Les tentatives de faireparticiper les étudiants aux coûtsde leur formation ne se passentpas toujours sans grincementsde dents. C’est d’ailleurs l’unedes causes les plus évidentes dubouillonnement du chaudron desespaces universitaires. Balsvik

(1998) fait état de plusieurscentaines de publicationsdans la revue d’informationWest Africa portant sur lesoulèvement des étudiants, quiappelait presqu’invariablementla répression musclée des forcesde l’ordre et la fermeture desuniversités dans les années1970 et 1980 – chose qui atoujours droit de cité de nosjours. Cela n’est guère l’apanagedes universités francophones ;toutefois, il est à souligner quela question de la participation nancière des étudiants sur lescampus africains francophonesest vécue avec beaucoup plusde douleur et d’acrimonie parles étudiants, surtout en cesjours, et que toute tentative deréduire les avantages nanciersdes étudiants a, presque defaçon constante, donné lieu à desconvulsions qui peuvent parfoistoucher à la véritable surviedes gouvernements en place.Si le gouvernement ghanéen deIgnatius Acheampong est tombéen 1972, l’action des étudiantsqui rejetaient l’instauration duprêt d’études y est pour quelquechose (Nortey, 2002), même s’ilne faut pas perdre de vue que lesfaits sociaux sont tributaires dela surdétermination.

Avec la pression du nombred’étudiants de plus en pluscroissants due à la massi cation

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de l’enseignement supérieur– nous reviendront plus loinsur ce terme – et ce, dans desconditions de ressources limitéeset en chute libre, la qualité del’offre éducationnelle se trouvedangereusement compromise(Oketch, 2000). Les universitésafricaines francophones doiventtrouver les voies et moyens pourassurer les ressources nancièresnécessaires à la réalisationde l’ambitieux système LMD.Plusieurs études ont fait état dela résistance et de la dé ance desétudiants africains face au partagedes coûts de leur formation unequestion qui touche directementà leurs conditions matérielles(Ajayi et al., 1996 ; Obasi, 2002 ;Nortey, 2002).

Il se trouve qu’elles n’ontpas toujours pris en compte lesdif cultés de la diversi cationdes revenus de l’enseignementsupérieur, très capitale pour laréussite du système LMD. Sile système LMD doit rester unmandat dépourvu des ressources nancières voulues, il a fort àparier qu’il ne pourra atteindreses nobles objectifs.

L’enseignement Supérieur enAfrique francophone

Les pays africains francophonesrelèvent historiquement del’ancienne métropole françaisepour l’essentiel des colonies

francophones, avec la Belgiqueayant eu aussi quelques colonies :le Congo-Kinshasa, le Rwanda etle Burundi. Les colonies sousle joug de la férule françaiseétaient répartis en deux blocs : 1)L’Afrique occidentale française ouAOF, avec le Dakar pour capitale,et comprenant neuf pays : leBénin, le Burkina-Faso, la Côted’Ivoire, la Guinée, le Mali, laMauritanie, le Niger, le Sénégal, etle Togo. 2) L’Afrique Équatorialefrançaise qui comprenait leCameroun, la République de laCentrafrique, le Tchad, le Congo-Brazzaville, le Gabon.

Seule la Guinée qui rejetapar référendum la propositiond’entrer dans la Communautéfrançaise prit son indépendancejuste en 1958. Les autrescolonies devront attendre 1960pour accéder à l’indépendancepleine. Tous ces pays accusentd’énormes disparités entre eux surle plan géographique, climatique,social, culturel, historique etpolitique autant que sur lamise en œuvre des stratégiesde développement. Nonobstanttoutes ces différences, et commel’ont fait remarquer Adams etal. (1991), il y a une traditionintellectuelle commune partagéepar les citoyens instruits de cespays, une tradition qui prendracine profondément dans lemodèle éducatif français.

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Il faut dire que les universitésfrancophones d’Afrique sontmodulées sur le systèmed’enseignement supérieurfrançais. La France, en cherchantà asseo ir son hégémonieselon une politique culturelleassimilationniste, avait construitau début des années 1950, desbranches de ses universités enAfrique qui préfiguraient lesuniversités actuelles. En effet, ellessont devenues nos universitésactuelles une fois l’indépendanceacquise (Lulat, 2003).

La cr ise f inanc ière quic h a r r i e l e s u n i v e r s i t é safricaines francophones peuts’expliquer par certains procèsqui sont les traits distinctifsde l’enseignement supérieuren Afrique francophone : latradition de la gratuité del’université héritée de la Francea engendré une augmentationdrast ique du nombre desétudiants (Guedegbe, 2000). Laculture selon laquelle l’accès àl’université est un droit a conduità une situation où tout étudiantayant le baccalauréat peuts’inscrire à l’université. Commecorollaire, les ressources ontsubi une dégradation rendantimpossible la réalisation d’uneformation de qualité en l’étatactuel des choses. Ainsi, «... lesuniversités se sont vu obligéesde faire des coupes sombres

dans leur budgets, rendant ainsiobligatoire la rationalisationdes ressources, et les étudiantsse sont battus énergiquementpour maintenir les avantages dustatu quo» (Teferra & Altbach,2003, p. 13).

Depuis l es années 80 ,p lus i eurs pays d ’A f r i quefrancophone ont adopté desprogrammes d ’A justementStructurel (PAS) dus au fait quel’environnement économiqueinternational était mauvais avecla chute du coût des matièrespremières, l’augmentation destaux d’intérêt, et de la dettenationale, avec comme pointd’orgue la dévaluation du francCFA de 50 % en 1994 (Guenda,2003).

La diversi cation des reve-nus pour le nancement del’enseignement supérieur :un impératif catégorique

L’Afrique francophone estconstituée d’états fragiles où toutest prioritaire. L’agriculture doitêtre développée pour assurerl’autosuf sance alimentaire, leréseau routier reste encore àbâtirlopper et à être entretenu, lavoie du développement passantpar le développement des routes,la santé est encore précaire, etl’éducation n’est toujours paspour tous. La construction de lanation en Afrique allait de pair

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avec une université qui re èteraitcette erté d’appartenir à uneentité qui s’assume. Ainsi donc,chaque pays nouvellementindépendant se faisait un pointd’honneur de construire sa petiteuniversité à pourvoir aux coûtsde son fonctionnement et auxbesoins des étudiants. Touteschoses étant égales par ailleurs,très peu d’états regardaient à ladépense quand il s’agissait depourvoir aux besoins nanciersde leur unique université.

Au début des années 1960,période qui marque l’accessionà l’indépendance de nombreuxpays africains, au nom d’unemystique nationale, l’universitéétait perçue comme le vivier oùdevaient se cultiver les cadresnécessaires au développementdes jeunes entités politiques. Ilest vrai que les bureaucratiesnaissantes aveint urgemmentbesoin de mains habiles et detêtes pensantes. Aucun sacri ceapparemment n’était de trop.Cette politique volontariste étaitd’autant plus faisable que lenombre d’étudiants inscrits àl’université était généralementminimal, donc gérable. Cettecon uence de facteurs a fait direà beaucoup d’observateurs quel’université africaine était unehistoire à succès.

Aujourd’hui, c’est un clichéque de dire que les universitésafricaines barbotent dans unecrise incapacitante. Adams,et al. (2003) postule que ladure récession économiquedes années 1980 a occasionnéun virage dans le débat surla politique de l’enseignementsupérieur qui n’est plus centrésur le développement desressources humaines mais plutôtsur la question lancinante detrouver des solutions idoines àla problématique du nancementde l’enseignement supérieur. Deplus, ces différentes pressionss’exercent sur l’enseignementsupérieur à un moment où lademande sociale se fait sentir deplus en plus avec une générationde jeunes aux attentes de plusen plus fortes et à l’activismepolitique débordant.

Aujourd’hui, sans être laseule cause du délitement desuniversités en Afrique, il faut direque la crise économique marquéepar une quasi-désaffection desuniversités est en train de creuserle tombeau d’institutions jadisprospères et maintenant en butteà des dif cultés énormes. Somda(1995), même s’il se veut vaguequant aux causes exactes de cettecrise, énumère ce qu’il croit en êtreles manifestations les plus visiblestelles « la baisse des budgets de

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l’université, ce qui a conduit audélabrement des infrastructures,la prolifération des troubles surles campus, et surtout la qualitédouteuse de la formation ainsi quesa pertinence».

Ces dif cultés font craindreque les universités ne puissentremplir leur mission originelle sides solutions durables ne sontpas développées et cela dans lecourt terme. David Court (1991)résume très bien cette situationà peu près en ces termes : « Leproblème pour l’université, c’estcomme gérer la pression exercéepar la croissance exponentielledes étudiants dans des conditionsoù les ressources sont limitéesou sont en déclin, de manièreà maintenir la qualité de l’offreéducationnelle» (p. 329).

Tout ce passe comme sil’université était victime desa propre capacité à serrer laceinture. Bon an mal an, laplupart des universités ont apprisà s’accommoder de budgetsque les états veulent bien leurallouer, même si cela veut direamputer certains programmes,geler le recrutement de nouveauxenseignants faire l’impasse surl’entretien des édifices ou nepas acquérir certains matérielsdidactiques, etc.

Cette austérité financières’explique par le fait que les coûtsde l’enseignement supérieur

dépassent presque toujours lesrevenus disponibles. « Le coûtunitaire ou par étudiant del’enseignement supérieur tend àêtre élevé partout dans le monde àcause de l’apport élevé de la maind’œuvre qui coûte cher (surtoutl’équipement scientifique, lesressources informatiques etbibliothècaires...» (Johnstone,2002, p. 19).

Les coûts de l’enseignements up é r i eu r a in s i q u e l e sdroits de scolari té serontmalheureusement toujours à lahausse au ls des ans, et cela,d’autant plus que l’enseignementsupérieur n’échappe pas àl’in ation. Mais il le fait en tantqu’il est un bien supérieur,pas un bien ordinaire sujetau taux d’inflation moyen envigueur. C’est ce que Baumolet Bowen (1966) ont appelé lamaladie des coûts, en anglais,«cost disease». il est facile decomprendre que l’enseignementsupérieur dans le contexte del’Afrique francophone en proieà une demande pressante dejeunes en quête d’éducationuniversitaire, verra sa capacité nancière encore amoindrie.

Comme pour compliquer laproblématique du nancementde l’enseignement supérieurdans les pays moins développésdont tous les pays de l’Afriquefrancophone, l’enseignement

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supérieur a plus ou moinsété perçu comme revêtantmoins d’urgence que d’autresbesoins comme l’enseignementprimaire et secondaire, la santé,l’agriculture, la constructiondes routes, et même la sécurité.Il est généralement admis qu’ilfaut prendre l’argent où il setrouve. Or, les autres domainessus-mentionnés ont très peude capacité de mobilisationdes ressources, à part ce quele gouvernement veut bien – etpeut – allouer.

Dif cultés liées à la diversi -cation des coûts dans l’en-seignement supérieurLe partage des coûts qui

s’est imposé aux états est loind’être accepté par tous lesacteurs du système éducatif,notamment les étudiants. Cesderniers, convaincus de l’idéeque l’enseignement supérieur estun droit, un sentiment qui n’estpas sans rappeler la tradition del’enseignement supérieur gratuiten France, rejettent ce paradigmede partage des coûts – et d’autresformes de diversification desrevenus dans l’enseignementsupérieur – souvent perçucomme un diktat imposé del’étranger et non pas obéissantà un besoin réel de soutenir desuniversités en dérive nancière.

Dans la plupart des paysfrancophones, les états ont dûlimiter le nombre de boursiers,réduire de façon drastique lemontant des bourses, introduireu n p ro g r a mme d e p r ê t sd’études ainsi que recourir àla privatisation des restaurantsuniversitaires. Cela n’a pas nonplus manqué d’occasionner uneguerre d’usure entre étudiantset gouvernements, avec commepremière victime la sécurisationd’un espace où le savoir ne peutcirculer librement. Presque toutesles universités dans l’espaceafricain francophone ont eu,chacune à son tour, leur annéeblanche, si ce n’est une suiteinquiétante d’années blanchescomme l’Université Cheick AntaDiop de Dakar (UCAD), à la suitede la réduction budgétaire et dela rationalisation des ressourcesen 1994.

La confrontation entre forcesde l’ordre et étudiants sur lescampus à Ouagadougou, àDakar, à Abidjan ou à Kinshasapar exemple, avec parfois mortd’hommes, est en passe dedevenir une sorte de rite depassage pour chaque promotiond’étudiants. La culture de laviolence est généralisée sur lescampus en Afrique francophone.Diallo, s’appuyant sur le casspéci que de l’UCAD, déplore le

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cas des étudiants qui n’hésitentplus à s’attaquer à des édi cespublics, à la mise en sac debureaux et à la prise en otagedu personnel d’appui ainsiqu’à la menace du personnelenseignant et de l’administrationuniversitaire. Les groupesd’étudiants organisés en auto-défense, armés de machetteset s ’ expl iquant dans deséchauffourées sanglantes surles campus ivoiriens des années1990 et sur le campus de Zogonaà l’Université de Ouagadougouau Burkina-Faso dans les années2000, sont emblématiques de laculture de la violence souventnée de la quête bruyante desétudiants à sauvegarder leursconditions matérielles. Il fauts’en inquiéter.

Comme on le voit, les paysfrancophones sont en proie àun activisme estudiantin telque l’application du partage descoûts censé remettre à ot desuniversités sans ressources,chose pré judic iable à unenseignement et une recherchede qualité, reste une gageure.Bien entendu, l’on ne sauraitréduire la fronde estudiantineà l’effet induit de la tentative dedémanteler l’État-Providence etde diversi er les revenus sur lescampus africains francophones.Boren (2001) postule que lestrois « R » (reading, writing, and

arithmetic c’est-à-dire la lecture,l’écriture et l’arithmétique) nesont pas les seules chosesque les étudiants apprennentdans l’université moderne. Ilsapprennent aussi la Résistancequi constitue le quatrième « R »,ce qui fait de l’étudiant un rebelleen puissance.

Ceci étant, il n’en demeurepas moins que l’introductiondu partage des coûts est unconcept bien volatile. D’unefaçon générale en Afrique lesétudiants se sont toujours érigéscontre leurs gouvernements àtravers des manifestations pourdénoncer ce qu’ils perçoiventcomme étant des injustices.Teferra et Altbach (2003) pensentque les problèmes qui fâchents’articulent primordialementautour de la mauvaise prestationdes services en ce qui concerneles œuvres universitaires,les retards de paiement desbourses et la suppression dupécule et autres bénéficesperçus comme des acquis àne pas toucher. Et puisque lesgouvernements connaissentparfaitement la capacité denuisance des mouvementsscolaires et estudiantins quantà la survie même de leur régime,ils n’ont souvent pas lésiné surles moyens de répression, unerépression qui relance la fureurdes étudiants. Les universités

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sont ainsi prises dans ce cerclevicieux, un piège sans ns.

Il est sûr que les étudiants enAfrique francophone n’arriventpas à s’accommoder de l’idéequ’il faille payer pour un bienqui a longtemps été gratuitsurtout quand les premiersdécideurs eux-mêmes en ontbéné cié sans bourse délier etque la plupart des enfants desnantis sont inscrits dans desuniversités européennes et nord-américaines. Il est facile donc detomber dans une certaine théoriede la conspiration qui veutque la désintégration actuelledes universités obéisse à unplan d’assurer la transmissionin t e r g éné ra t i onne l l e d esprivilèges. Mais les questionsde gouvernance n’ont pastoujours aidé à dissiper une telleperception.

La gabégie, les détournementsde fonds dont on entend parlerpar-ci, par-là, les consommationset autres invest issementsostentatoires, la corruptionpeuvent constituer des obstaclespsychologiques dirimants pourun partage des coûts fondésur l’idée que l’état n’a pasd’argent. La manière dont lesétudiants perçoivent la gestiondes ressources pol i t iqueset matérielles du pays peutconstituer un levier puissantdans le rejet du partage des

coûts. Obasi (2002) est deceux qui ne voient pas unemotivation idéologique à la frondeestudiantine. Pour exemple,il cite le cas du revenu partête d’habitant du Nigéria, qui,pendant des années, est restél’un des plus faibles au mondealors même que la corruptionbattait son plein. Il en conclutque les étudiants rejetaient lepartage des coûts, ne voyantpas de lien fonctionnel entre lesservices universitaires tarifés etl’amélioration desdits services.Ils ont en tête des exemplesoù ils ont été amenés à payerpour la chambre à l’université,officiellement pour l’entretiendes bâtiments, pour assister àla détérioration continue de cesbâtiments.

La pauvreté générale, obstaclerédhibitoire au partage descoûts ?Il est important d’expliciter

la not ion de pauvreté engénéral dans les pays en voie dedéveloppement. Le rapport de laCommission Indépendante surLes Problèmes de DéveloppementHumain présidée par WillyBrandt en 1977 est sans appel.Le concept Nord-Sud remonteà cette commission. Dans satentative de définir la naturede la pauvreté, la Commissionaf rme qu’il est dif cile pour leshabitants du Nord de se faire une

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idée de l’étendue de la pauvretédans le monde en développementoù la préoccupation de millionsd’hommes est seulement lasurvie et la satisfaction deleurs besoins élémentaires. Lapauvreté de masse a aussi étéidenti ée comme prégnante.

Guenda (2004) a dénoncéles conditions de vie exécrablesde beaucoup d’étudiants àl’Université de Ouagadougouen prie à la faim, le nombre deboursiers ayant dramatiquementconnu une baisse avec plus de80 % d’étudiants non-boursiersen 2000-2001. Korbéogo (1999)avait déjà rapporté les conditionshorribles d’étudiants serréscomme des sardines dans lesdortoirs. De telles conditionssub-humaines sont dues àla pauvreté. Pour Johnstone(2004), c’est la preuve, s’il enétait besoin, que le partage descoûts reste un projet difficilemême s’il faut reconnaître queles politiques éducatives del’enseignement supérieur ontamorcé une trajectoire clairedans la direction du partagedes coûts avec les parents et lesétudiants.

La pauvreté est parfois sicrasse que le partage des coûts,bien que justifié du point devue des conditions objectives deprécarité prévalant avec le grandnombre d’étudiants aspirant à

l’enseignement supérieur, estperçu comme un concept étrangerimporté d’Europe et impraticableen Afrique dans le contexted’économies nationales faiblesoù il est dif cile de se procurerdu travail bien rémunéré. Eneffet, si l’étudiant canadien ouaméricain peut gagner deuxmille dollars durant les vacancesd’été, tel n’est pas le cas pour lesétudiants africains où avoir dutravail temporaire pendant lesvacances relève de la croix et dela bannière (Johnstone, 2002).

Le partage des coûts ou lemuseau du chameau et latenteLes étudiants redoutent aussi

une escalade dans les fraisde scolarité. En effet, il est àcraindre le syndrome du museaudu chameau et la tente. Une foisle principe du partage établi, lesgouvernements seraient bienportés à augmenter les montantsen l’absence de toute opposition.Cela est d’autant plus pertinentque les budgets de l’enseignementsupérieur sont susceptibles desubir des coupures de la partdes politiciens s’efforçant desatisfaire des besoins publicsque ne permettent les revenuspublics disponibles (Johnstone,2001), l’enseignement supérieurayant montré une certainerésilience face à la perte derevenus publics. Dans ce cas,

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les droits de scolarité peuventêtre revus à la hausse pourcompenser le manque à gagnerdû à l’assèchement progressif desallocations du gouvernement.

La césure entre riches etpauvresUn autre obstacle qui se

dresse sur la voie du partagedes coûts est la facture béantequi ne cesse de croître entreles hommes politiques et lespopulations. Les étudiantsseront d’autant plus confortésdans leur hostilité face à toutemesure qui demanderait leurscontributions financières queleur cause trouve du répondantchez les populations. Altbach(1991) soutient que l’oppositionau partage des coûts a plusde chance de succès quand lacause des étudiants est partagéepar toute la société dans sonensemble. Cela sous-entend queles douleurs et les privations d’unpays aux ressources limitéesdoivent être partagées par tous,autrement le partage des coûtsserait un marché de dupes oùles plus vulnérables se priventdavantage pour le bonheurde la classe dirigeante. Dansce cas, il sera dif cile de faireaccepter l’argument du manquede ressources nancières auxpopulations.

L’héritage français de lagratuité de l’enseignementsupérieurNous avions dit plus haut

que la colonisation françaised i s s é m i n a i t s a c u l t u r ee n é p o u s a n t l e m o d è l eassimilationniste qui devaitfaire du noir africain la répliqueparfaite du français, à défaut depouvoir changer la couleur desa peau noire. Si, dans la quasi-totalité des pays africains, il y aplus ou moins de manifestationscontre le partage des coûts, lesétudiants des pays francophonesaf f ichent une aversion etune hostilité beaucoup plusmarquée contre le partage descoûts. Johnstone (2004) y voitdeux raisons historiques àl’origine de la résistance auxdroits de scolarité en Afriquefrancophone. La première estl’héritage colonial et le fait que lecontinent européen qui a inspiréles universités africaines resteencore le dernier bastion del’enseignement supérieur.

La France continue de pratiquerle système de recrutementouvert dans la plupart de sesprogrammes, acceptant toutétudiant admis au baccalauréat,à l’exception de certains domainesà forte demande comme lesGrandes Écoles dont l’applicationdu numérus clausus en fait la

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chasse gardé des élites (Clark,1995). En Grande Bretagne mêmeoù le système d’enseignementsupérieur se rapproche dusystème américain, au moinsau niveau du troisième cycle, lepartage des coûts ne passe pascomme une lettre à la poste. SelonZoepf (2004), en janvier, environ500 étudiants ont fait une marchesur le Parliament Square... pourprotester contre la Proposition deLoi sur l’enseignement supérieurqui autoriserait les universitésbritanniques à appliquer lesdroits de scolarité à compterde 2006. Elliot Simmons, leSecrétaire Général du syndicatdes étudiants de la LondonSchool of Economics disait quel’idée d’épargner de l’argent oude contracter une dette pour lesétudes supérieures ne faisaitsimplement pas partie de laculture européenne, ajoutantque c’est choquant d’entendrele gouvernement commencer àparler de faire payer les gens pourleur études supérieures.

Il va sans dire alors que si desfamilles plus af uentes en Europecontinuent de résister aux droitsde scolarité, les politiciens etles syndicats d’étudiants trèspuissants se conforteront dansleur opposition au partage descoûts. Zoepf (2004) fait remarquerqu’en Europe, l’enseignement

supérieur est perçu commeun bien public avec des droitsde scolarité symboliques làoù ils existent. Généralement,les gouvernements octroientdes bourses qui couvrent lesbesoins basiques des étudiants,si fait qu’exiger une plus grandecontribution des familles desétudiants a provoqué le tollégénéral.

De la dif culté d’établir desprêts d’études effectifsLe partage des coûts se heurte

à la dif culté d’établir des prêtsd’études dont l’importance pourl’accès et la participation n’estplus à démontrer. Ils permettentaux étudiants issus de famillesmodestes de payer les coûts deleur éducation. Pour Woodhall(2007), aux étudiants dépourvusde moyens, les prêts d’étudesleur permettent d’investir dansleur futur. Ils leur procurentl’aide financière voulue qu’ilspourront rembourser unefois qu’ils auront les moyens.Malheureusement, les prêtsd’études à travers le mondeentier n’ont pas toujours connu lesuccès escompté. Ziderman andAlbrecht (1995) ont répertoriéplus de 50 programmes de prêtsd’études dont ceux du Ghana, duKenya, du Nigeria, de la Tanzanieou du Burkina, qui claudiquentou qui sont simplement morts.

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La raison est simple. Dansla plupart des cas, il est dif cilede rentrer dans les coûts avecles frais de recouvrementexorbitants. Par exemple, les tauxd’intérêt symboliques annuelsmontrent une subvent iontrop élevée de la part desgouvernements. S’il n’y a rien àredire contre les subventions engénéral, ce sont les subventionsnon intentionnées qui posentproblème. Le programme deprêts d’études de l’Afrique duSud par exemple prévoit d’effacerune portion de la dette pour lesétudiants qui vont réussir sansredoubler. C’est aussi le seulprogramme en Afrique qui metune somme conséquente entreles mains des étudiants et quia un taux de recouvrement quicompense une bonne partiedes coûts de l’aide financière(Johnstone, 2003).

Vers un partage des coûtsdans le Système LMD : Pro-position d’un mode opéra-toireLe partage des coûts est un

sujet volatile, pour sûr. Bien qu’ilsoit plus dif cile à réaliser dansles pays africains francophones,cer ta ins spéc ia l i s tes despolitiques éducatives soutiennentque c’est la manière d’appliquerla diversi cation des revenus quidéclenche la résistance farouchedes étudiants. Des chercheurs,

spécialistes du financementde l’enseignement supérieur,proposent une introductiongraduelle des frais de scolaritélà où l’université était gratuite; une augmentation des fraislà où il existait certains frais; l’introduction de frais pourcertains services spécifiquesaux utilisateurs comme les fraisde laboratoire, de bibliothèque,etc., et aussi l’instauration d’unprogramme de prêts d’études.Nous ajouterons qu’il fautcommencer impérativementpa r l ’ amé l i o ra t i on de l acommunication institutionnelleentre les différents acteurs del’université.

De la nécessité de rétablir les ls de la communicationsur le campusLa manière dont le partage des

coûts a été introduit à l’UCAD en1994 après que le bureau durecteur a été vandalisé n’est pasfait pour gagner la confiancedes étudiants pour de bon. Eneffet, l’année universitaire a étéinvalidée, et s’en est suivie uneréforme de l’université. Depuisla dissolution de la coordinationdes étudiants de Dakar (CED),des mesures vigoureuses ont étéprises, parmi lesquelles gurentbeaucoup d’éléments de partagedes coûts – même si un blackouta été fait autour du concept lui-même.

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L e c e n t r e d e Œ u v r e sUniversitaires de Dakar (COUD)avait unilatéralement adoptéde nouveaux critères régissantl’attribution des bourses. Lerestaurant universitaire aussia été privatisé et les repas quiétaient subventionnés pour lesétudiants non boursiers ontété supprimés. Le prix de repasa connu une ambée. Le petitdéjeuner est allé de 40 F à 100F, les repas de 110 F à 165 F, leschambres (pour deux étudiants)grimpant de 2 500 F à 4 000 F.

Une innovation, en particulier,aussi audacieuse que pleined’imagination, est la réservationde places payantes dans lesuniversités publiques pourdes étudiants. Cela a eu lieunon seulement à l’UCAD, maisaussi à l’Université de Kumasiau Ghana, et dans certainesuniversités au Kenya. Maisl’Université de Makéréré enOuganda demeure le plus en vueen matière d’innovations, mêmesi toutes ces innovations diversesont contribué grandement àcontenir les frais généraux non-éducatifs.

Le partage des coûts nepeut vraiment s’ancrer quesi les politiques abandonnentl ’approche par imposit iondes mesures d’en-haut qui asuf samment montré ses limiteset privilégient plutôt le consensus.

Les conditions de vie et de travaildes professeurs et des étudiantsse sont vraiment dégradéesdans la plupart des universitésafricaines francophones et leLMD a lui seul ne pourra paschanger les choses positivementcomme s’il était une formuleincantatoire.

Si le partage des coûtsest justi f ié au regard desmaigres ressources des états,les gouvernements devrontfaire preuve de bonne foi enrecentrant les priorités, maisaussi en étant transparentsavec les ressources que lepartage des coûts génèreront. Ildevra donc être prêt à partageréquitablement – ce qui estdifférent de partager également– les fruits de la croissance. Delarges dialogues au plan nationaldevront être organisés a n decréer l’adhésion de la majoritédes populations à la nécessité dupartage des coûts car payer pouraller à l’université ne fait pasencore partie de la culture desafricains francophones, d’où lanécessité de motiver la décisionde mobiliser des fonds autresque gouvernementaux dans le nancement de l’enseignementsupérieur.

À l’Université de Makéréré parexemple, grâce à la consultationde tous les acteurs de l’université,les réformes ont été acceptées et

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bien qu’elles fussent urgentes,elles ne se sont pas imposées.Le secret de la réussite relativede l’Université de Makéréréréside dans cette approche denégociation, de consultation etd’explication avec les partenairesinternes et externes. Il serait trèsdifficile d’imaginer la réussitedes réformes de l’enseignementsupér ieur , surtout ce l l estouchant d ’une façon oud’une autre aux bourses desfamilles sans chercher à allierla sympathie des familles quisont déjà durement frappéespar la conjoncture économiqueinternationale défavorable.Une fois de plus, Sawyerr(2002) souligne que l’Afriquefrancophone a eu beaucoup demal à appliquer les mesuresvisant à contrôler les coûts.

Si la révolution tranquille,the “Quiet Revolution” (Court,2002), a eu lieu à l’Universitéde Makéréré, une universitéqui était au bord du gouffredans les années 1970, cetteréussite est à mettre au comptede la communication qui apermis d’harmoniser les pointsde vue entre étudiants, parents,gouvernement et tous les autresprotagonistes de l’enseignements u p é r i e u r . E n A f r i q u efrancophone, l’administrationde l’université, les enseignants etles étudiants devront travailler à

éviter que les contradictions nedébouchent sur la confrontationoù il y a très peu de place pourdes discussions à tête reposée.

Enfin, le partage des coûtsne peut atteindre ses objectifsd’élargissement de l ’accèsà l’enseignement supérieurpour tous, de participation, etd’ef cience interne et externe ques’il est assorti d’un programme deprêts d’études convenablementnanti en fonds. Ce programmede prêts d’études devra être enmesure de développer des critèresde sélection valides des éligibles.L’application d’une telle stratégied’aide nancière oblige à faire uneévaluation des ressources (c’est-à-dire de la capacité de paiementde l’étudiant sur la base desressources familiales). Ce n’estpas chose aisée dans une Afriqueoù les revenus sont facilement nondéclarés et dissimulés et où il peutêtre dif cile d’estimer la situationsocio-économique des uns et desautres, surtout plus en milieurural qu’en ville, car le mystèreentoure encore les possessionsdes uns et des autres du fait d’uneculture collectiviste où l’on croitencore que la pointe qui dépassereçoit le coup de marteau.

Cependant, il est pratiquede se référer à chaque paysou à chaque contexte pourévaluer approximativementles ressources des familles,

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étant entendu qu’une justiceapproximative est encore mieuxque rien. Il n’est pas facile nonplus de suivre les emprunteurs,surtout après la fin de leursétudes dans des pays ne faisantpas usage des numéros desécurité sociale. Surtout avec lafuite des cerveaux, il n’est pasaisé de retrouver des étudiantsqui s’exilent dans d’autres paysoù ils peuvent même occuper desemplois bien rémunérés.

En plus de cela, les tauxd’intérêt des prêts d’étudesdevront être bien étudiés a nd’actualiser la valeur future despaiements. Nous suggérons qu’ilssoient un peu au-dessus du tauxd’inflation dans les différentspays. Un taux de 7 % dans lespays francophones d’Afriqueoccidentale serait judicieux. Lavaleur actuelle d’une sommepromise est d’autant plusforte que le taux d’intérêt, ouescompte, est faible et que la datepour laquelle elle est promiseest plus éloignée. Il est aussiimportant d’organiser une bonneconservation des documentsde prêts pour éviter que despreuves entières d’emprunteursne disparaissent comme ce futle cas du programme de prêtsd’études au Kenya dans sapremière mouture.

Mais faut-il le préciser,l’introduction des prêts d’études

serait un pauvre substitut àla suppression des bourses.Les prêts d’études doiventfonctionner de concert avecles bourses d’études. Certainsgouvernements, comme celuidu Burkina-Faso, sont allés àl’extrême en instaurant un prêtd’études tout en accordant trèspeu de bourses d’études. Pendantde nombreuses années, le nombrede bourses a été ramené au chiffreridicule de 500 par an pour unefournée de nouveaux étudiantstournant autour de 7 000 aprèschaque session du baccalauréatdans le pays. De telles pratiquesne font qu’aliéner les sympathiesdes étudiants et du public vis-à-vis de l’idée même de partagedes coûts.

Le corps professoral peut aussiapporter sa pierre au partagedes coûts. Ainsi, le systèmedes consultations connu pourgénérer des centaines de millionsde francs, de façon anecdotiquepourrait être revu a n de pro teraux consultants ainsi qu’à toutel’université. Certains professeursd’université sont en train deployer sous le poids de multiplesconsultations, souvent même audétriment de l’enseignement etde la recherche.

S’ils sont sollicités pour lesconsultations, le plus souvent,c’est grâce à leur af liation àl’université où ils béné cient de

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bureaux. Autrement, ils allaientdémissionner pour se consacrerentièrement à leurs consultations.Il est normal qu’ils puissent enfaire bénéficier à l’universitéen retour. Le gouvernementpeut décider de voir plus clairdans ces t ransact ions enstipulant que les organisationsqui contractent les servicesd’un professeur consultant eninforment l’université et mêmepaient le consultant à traversl’université, avec l’instructionque l’université reverse 60 % deshonoraires de la consultationau professeur et les 40 % àl’université dans une caissespéciale. Cette caisse servira àaméliorer les conditions de travailde tous les autres professeurs,à rehausser l’équipement del’université en même temps qued’autres ressources générées.Cela aiderait les professeursqui se sentiront matériellementplus soulagés et pour mieuxfaire leur travail avec plus deressources disponibles. Cetteproposition n’est pas une mesurepopulaire pour les professeursqui sont dans la consultation,mais est salutaire pour toute lacommunauté universitaire.

De même, nous recommandonsque le programme de langueanglaise développe des coursd’anglais à l’intention du publicintéressé et que leurs prestations

soient traitées comme desconsultations. À l’heure de laglobalisation, l’anglais est unelangue en forte demande. Ledépartement de traduction peutaussi apporter beaucoup derevenus à l’université.

En n, et sans prétendre àune quelconque exhaustivité,s i le programme de prêtsd’études doit aussi servir pourles générations à venir, il est debon ton de mettre en place unemachine de recouvrement desfonds alloués aux étudiants desorte à réduire le nombre desdéfaillants.

CONCLUSIONLa gratuité de l’enseignement

supérieur a beaucoup nuiaux universités africaines. Ladémographie galopante alliéeà une situation économiquepeu rose, le niveau de la detteextérieure alarmant, etc., voilàautant d’éléments qui militentpour le partage des coûts entregouvernement, parents etétudiants. Il y a un problème dedistribution dans l’enseignementsupérieur en Afrique où l’argentdu contribuable est utilisé pourfinancer les étudiants qui neproviennent pas nécessairementdes couches sociales les plusdéfavorisées. Les modèlestraditionnels de financementpublic préconisent un transfert

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des riches aux pauvres. Pourtantl’expérience nous permet de direque c’est bien du contraire qu’ils’agit, d’où un problème de justicesociale. Il y a là paradoxalementun transfert des pauvres auxriches.

Cependant, il y a commeun mouvement dans la bonnedirection du partage des coûtsmême si cela se fait encoretrès lentement. Ce qui est sûr,l ’ instauration de droits descolarité exibles appliqués auxétudiants ayant fait la preuvequ’ils sont dans le besoin pourraapporter assez de ressources auxuniversités sans être un freinà l’accès et à la participation àl’enseignement supérieur. Cetaccès sera encore renforcé parla création d’un programmede prêts d’études bien nanti etassorti de critères d’éligibilitétrès clairs et de modalités depaiement rigoureuses avecl’administration nécessaire.

L es f r a i s de s co l a r i t éconstituent un important aspectdans le dispositif du partagedes coûts. Les universitésafricaines, francophones enparticulier, ont beaucoup pâtidu fait de la gratuité ou de laquasi-gratuité de l’enseignementsupérieur. Se posent ici avecacuité, des problèmes d’accès,de participation, d’équité etd ’e f f i c i ence . Même s i l es

arguments en faveur du partagedes coûts sont pleinementjusti és sur le plan technique,il se pose une question crucialed’application et d’applicabilitésur le terrain.

Comme l’a fait remarquerOketch, il est dif cile d’envisagerle retour à la case départ à lasituation où l’enseignementsupérieur était totalementgratuit. Il soutient ce point devue sur la base de l’évolutionactuelle de la démographie, laperformance des économiesnationales, la distribution desrevenus, l’allocation des fonds parles baîlleurs de fonds, etc. Tousfont le procès d’un enseignementsupérieur seulement au frais dela princesse.

Le front sur lequel le systèmeLMD pourra gagner le combatqu’il s’est assigné dans sacroisade pour un enseignementsupérieur revitalisé en Afriquefrancophone – ou le perdre aussi –est dif cilement envisageable horsle renforcement des capacités nancières des universités et cela,sans exacerber les vieux démonsde la contestation estudiantine etaussi de la grogne des professeurset du personnel d’appui. Nousconcluons gravement que tant quela question nancière n’aura pasété résolue en amont, le systèmeLMD prendra difficilement del’envol.

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Joëlle SAMBOTE, Les compétences professionnelles prescrites dans...

73

LES COMPÉTENCES PROFESSIONNELLES PRESCRITESDANS LE PROGRAMME DE FORMATION DES ENSEIGNANTSAU QUÉBEC PEUVENT-ELLES SERVIR DE RÉFÉRENCEPOUR LES OFFRES DE FORMATION PAR COMPÉTENCESEN AFRIQUE ?

Joëlle SamboteUniversité du Québec à Montréalcourriel : [email protected]

RÉSUMÉCet article décrit une recherche

exploratoire qui met en lumière l’usagedu concept de compétence dans leprogramme de formation initiale etcontinue des enseignants du Québec.En effet, face aux réformes menéesdans la plupart des systèmes éducatifs,les programmes de formation desenseignants du préscolaire, primaireet du secondaire sont désormaiscentrés sur le développement descompétences professionnelles a n de«rendre cette formation mieux adaptéeaux nouvelles réalités qui dé niront lemonde scolaire pour les années à venir»(MELS, 2001). Dans cette perspective,un référentiel de compétences xeles intentions et la culture communeà tous les professionnels del’éducation supérieure. Le ministèrede l’Éducation du Québec a produit7 caractéristiques pour chacune des

douze compétences professionnellesélaborées dans le programme deformat ion. La confrontat ionde chacune de ces compétencesainsi que ses composantes auxsept caractéristiques fournies par leministère nous permet de véri er dansquelle mesure ces caractéristiquessont présentes ou non ou partiellementprésentes dans l’énoncé de chacunedes compétences du référentiel etd’en tirer les conséquences. Sur cettebase, l’auteur émet une mise en gardequant à un usage tronqué du conceptde compétence dans les programmeséducatifs des offres de formation enenseignement supérieur réorganiséselon les principes du LMD dans lespays d’Afrique subsaharienne.

Mots clés : Réformes ·Systèmes éducatifs · Compétencesprofessionnelles· Référentiel decompétences · Programmes éducatifs

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INTRODUCTIONCe tex te s ’ in t é r es se à

l’utilisation qui est faite duconcept de compétence dansun programme de formationdes enseignants. Le concept decompétence est le plus souventconvoqué pour l ’encodagedes contenus des formationsdans les offres de formationde l’enseignement supérieuren Afrique francophone. Maisqu’en est-il de ce concept,particulièrement dans desprogrammes qui servent deréférence pour les réformesdans l’enseignement supérieurde ces pays. Cet article suggèreune ré exion au départ d’uneanalyse exploratoire effectuéesur le programme de formationdes enseignants au Québec.Dans cette province canadienne,tous les enseignants sontformés durant quatre années àl’université, après deux annéesd’études collégiales préparatoiresaux études universitaires. Unenseignant québécois a donc uneformation de 6 années après sesétudes secondaires. Le conceptde compétence est central dansle programme de formation de cesenseignants. Ces programmess ’ inscrivent ainsi dans lemouvement contemporain deréformes curriculaires, quel quesoit le niveau d’études auquel ilest fait référence.

En effet, depuis plus de deuxdécennies, des transformationsimportantes s’opèrent au niveaucurriculaire dans la plupart dessystèmes éducatifs à traversle monde, Braslawsky (2001).Ces évolutions sont dues, entreautres, à un changement deparadigme qui met l’accentsur la personne apprenantequi, désormais, devient l’acteurprincipal de ses apprentissages,plutôt que sur la personne quienseigne (Lafortune, Ettayebi,Jonnaert, 2007). Les programmeséducat i fs 1 cont iennent de«nouveaux cadres de référencethéorique et épistémologique[compétences plutôt qu’objectifs,socioconstructivisme plutôt quecomportementaliste, traitementde situations de vie quotidienneplutôt que contenus disciplinairesdécontextualisés», Lafortune et al.(2007:7)]. Les documents Cadresd’orientation curriculaire desnouveaux programmes éducatifs

1- L’expression programme éducatif est utilisée dans cetexte en tant que standard précisé dans la Classi cationInternationale Type de l’Éducation (CITÉ) ; [Institut deStatistique de l’UNESCO (ISU)] ; version amendée lorsde la Conférence générale de l’UNESCO en novembre2011]. «Les programmes éducatifs présentent les infor-mations utiles à l’organisation d’activités d’enseignement,d’apprentissage et d’évaluation. C’est à travers les pro-grammes éducatifs qu’un curriculum devient opérantdans les salles de classe. Il y a en général un certainnombre de programmes éducatifs dans un curriculum,mais il ne devrait, en principe, y avoir qu’un seul curri-culum pour un système éducatif», adapté de Jonnaert etEttayebi, (2007: 24-25). À travers tout ce texte, l’expressionProgramme Éducatif est strictement utilisée dans ce senset ne peut être superposée à celle de curriculum.

Joëlle SAMBOTE, Les compétences professionnelles prescrites dans...

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se dégagent d’une approches t r ic tement d i sc ip l ina i r eet définissent les grandesorientations issues autantdes politiques éducatives quedes standards internationaux(Depover et Jonnaert, 2014).Dans le but de faire évoluerla pratique de l’enseignementpar rapport aux changementstouchant les écoles, un vastecourant de réformes dansles curriculums de formationprofessionnelle des enseignantsa également vu le jour. Cesréformes sont centrées sur laconstruction et le développementdes compétences professionnellespar les futurs enseignants au-delà des acquisitions de savoirset d’habiletés techniques plustraditionnelles. Ce texte, audépart d’une analyse exploratoiredu concept de compétence dansle programme de formationdes enseignants du Québecet d’une démarche auprèsde formateurs d’enseignantsutilisant ce programme, pose unregard critique sur ce concept etremet en cause une utilisationréductrice qui réduit le protéeet la richesse d’une compétenceà un simple objectif généralpar ce que l’auteur appelle unecontamination de la compétencepar les objectifs. Après avoirrapidement décrit le programmede formation des enseignantsau Québec, l’acteur précise

sa méthodologie pour ensuiteproposer ses premiers résultatset une discussion.

A p e r ç u s o m m a i r e d uréférentiel des compétences dansle programme québécois

Au Québec, les programmesde formation à l’enseignementdu primaire et du secondaire,comme dans de nombreuseso f f r e s d e f o r m a t i o n e nenseignement supérieur, sesont résolument engagés dans lavoie du changement, notammenten adoptant l’approche parcompétence comme référenceessentielle pour l’élaborationde leurs programmes éducatifs.Une telle évolution est due,entre autres, à la complexité del’acte d’enseigner qui ne cessed’évoluer, mais aussi, selon leministère de l’Éducation duQuébec (MEQ), aux changementsque vivent les écoles (implantationdu renouveau pédagogique dansles programmes de formation),tout comme ceux touchant lasociété québécoise dans sonensemble. Ces évolutions,voire ces bouleversements,font de plus en plus appel àune autonomie professionnelledes enseignants à laquelle lesformations initiale et continuedoivent les préparer (Hensleret Desjardins 2006) comme àl’accomplissement d’actes àcaractère professionnel adaptés

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à ces évolutions et dont pourrontbénéficier tous les élèves duQuébec (MEQ, 2001).

L a f o r m a t i o n i n i t i a l edes futurs enseignants duprimaire, préscolaire et dusecondaire québécois s’inscritdans une perspect ive depr o f e s s i onna l i s a t i on qu is’appuie sur un référentiel decompétences professionnelles2.Ce référentiel exprime «l’idéedu développement et de laconstruction des compétencesnécessaires à l’exercice d’uneprofession» (MEQ, 2001, p. 17).Ainsi, le concept de compétenceprécisé dans ce référentiel prenden considération la mobilisationet l’organisation pertinentes d’unensemble de ressources interneset externes s’actualisant en vue derésoudre ef cacement une classede situations problématiquesdans un contexte de pratiqueprofessionnelle. Jonnaert (2002,2006) et LeBoertf (2006) proposentdes définitions convergentesde la compétence à celle de ceréférentiel. En ce sens, pour lesfuturs enseignants, agir aveccompétence, consiste donc à

2- Dans le cadre de la formation initiale et continue des ensei-gnants, le référentiel des compétences professionnellespeut être défini comme étant « l’ensemble structurédes compétences nécessaires pour exercer un métier; cetensemble est considéré comme une référence (« un idéal?») par des concepteurs, plani cateurs, gestionnaires ouévaluateurs de programmes de formations (ou par un indi-vidu lorsqu’il joue ces divers rôles pour établir ou évaluerson propre parcours de formation) » (Paquet, 1994, p.7).

mobiliser de multiples ressourcesappropriées dans des situationsd’enseignement plus ou moinscomplexes à les coordonner entreelles pour traiter ef cacement cessituations. Le développement decompétences professionnellesdevient alors incontournable pourpermettre aux futurs enseignantsde répondre avec pertinente, maisaussi de façon critique et créativeaux besoins de formation desjeunes Québécois (MEQ, 2001).Le référentiel de compétencesélaboré dans le programme deformation à l’enseignement estcomposé de douze compétencesregroupées en quatre catégories :

1. Fondements : cette catégorieest constituée de deuxcompétences dont l’une ciblel’approche culturelle quidevra être mise en oeuvrepar les futurs enseignanteset enseignants en tant queprofessionnels héritiers,crit iques et interprètesd’objets de savoirs ou deculture. L’autre exige queles futures enseignantes etles futurs enseignants soientcapables de s ’exprimercorrectement dans unelangue orale et écrite dansleur pratique professionnelle.

2. Acte d’enseigner : cettecatégorie regroupe quatrecompétences qui sollicitent :l’élaboration et le pilotage des

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situations d’enseignement-apprentissage pour lescontenus à faire apprendre ;l’évaluation de la progressiondes apprentissages, laplani cation, l’organisationet la supervision du modede fonct ionnement dugroupe-classe en vue defavoriser l’apprentissage etla socialisation des élèves.

3. Contexte social et scolaire :cette catégorie comprendquatre compétences liées à: des interventions desenseignants par rapport auxcaractéristiques des élèves endif cultés d’apprentissage ;l’intégration des technologiesde l ’ information et desc o m m u n i c a t i o n s , l acoopération des enseignantsavec l ’équipe-école, lesparents, les di f férentspartenaires sociaux etles élèves, la réalisationdes tâches permettant ledéveloppement et l’évaluationdes compétences visées dansle programme de formation.

4. Identité professionnelle :cette catégorie cible deuxcompétences dont l’uneso l l i c i t e l ’ engagementdes ense ignants dansl e u r d é v e l o p p e m e n tprofessionnel, une démarcheindividuelle et collective de

développement professionnelet l’autre, la responsabilitédes enseignants vis-à-vis deleur respect de l’éthique dansl’exercice de leur fonction.

La description de chaquecompétence s’achève par unencadré décrivant «le niveau demaîtrise qui tente de déterminerce que l’on peut raisonnablementa t t endre d ’une personnedébutante dans la profession»(MEQ, 2001, p. 57). Dans la visiondu ministère, les compétencesprofessionnelles doivent êtreacquises et considérées avecplus d’attention dès la formationinitiale et se maintenir tout aulong de la carrière par l’expérienceprofessionnelle et l’apport dela formation continue (MEQ,2001). Ainsi le référentiel decompétences professionnellesdevient un outil de référence dansl’élaboration des programmes deformation à l’enseignement dansles institutions universitairesquébécoises, car, ces programmesdoivent répondre aux attentesdu Comité d’agrément desprogrammes de formation àl’enseignement (CAPFE).

Le Min is tère fourn i t 7caractéristiques pour chacunedes compétences (MEQ, 2001,p. 50 et suivantes) :

- la compétence se déploie encontexte réel ;

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- la compétence se situe surun continuum qui va du simpleau complexe ;

- la compétence se fonde surun ensemble de ressources ;

- la compétence est de l’ordredu savoir-mobiliser en contexted’action professionnelle ;

- la compétence commesavoir-agir est une pratiqueintentionnelle ;

- la compétence est un savoir-agir réussi ef cace ef cient etimmédiat qui se manifeste defaçon récurrente ;

- la compétence constitue unprojet, une nalité sans n.

L ’ o r g a n i s a t i o n d e c e scaractéristiques offre ainsi lepro l d’une compétence. Ce pro lde compétence est intéressant,il semble offrir à la compétenceune dimension dynamique, allantdu simple au complexe. Par cescaractéristiques également, lacompétence apparait commeun processus qui se développedans un contexte intentionnelde projet. Elles sont issues d’uneanalyse de la littérature par leMinistère. Nous supposons qu’entoute cohérence, les énoncés dechacune des compétences duréférentiel évoqué sont cohérentsavec ces caractéristiques. Nousvérifions dès lors dans quelle

mesure ces caractéristiques sontprésentes ou non dans l’énoncéde chacune des compétences duréférentiel. Chaque compétenceest précisée par un ensemblede composantes. Dans le cadrede notre recherche exploratoire,nous avons analysé la dé nitionde chacune de ces compétencesen demandant à une série deprofesseurs, impliqués dansla formation des enseignantsà l ’univers i té , d ’analyserla définition de chacune descompétences à l’aide d’unegrille présentée dans notreméthodologie.

Méthodologie

Nous avons confronté lescompétences professionnellesprescrites dans le programmede formation des enseignants auQuébec3 et leurs caractéristiquesannoncées dans le mêmeprogramme. Autrement dit,chacune des compétencesprofessionnelles ainsi que sescomposantes ont été confrontéesà sept caractéristiques quisont fondamentales dans ladé nition des compétences selonle Ministère (MEQ, 2001).

3- Les compétences professionnelles analysées sont issues duprogramme québécois de formation des enseignants :Ministère de l’éducation, des loisirs et du sport (MELS),(2001). La formation à l’enseignement. Les orientations.Les compétences professionnelles. Gouvernement duQuébec, Ministère de l’éducation – 2001 -00-1152. En ligne :

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Nous avons repr is cesc a r a c t é r i s t i q u e s d ’ u n ecompétence proposées par leMinistère et, à l’aide d’un tableau,nous avons demandé à cinqprofesseurs engagés dans laformation des enseignants devéri er dans quelle mesure cescaractéristiques sont réellementprésentes dans la dé nition dela compétence analysée. Il s’agitdonc de vérifier dans quellemesure l’information relative àces caractéristiques est présente,partiellement présente ou absentede la dé nition analysée.

Dans chacun des énoncésdes sept caractérist iques,l’élément central (ou noyau) de lacaractéristique est en gras. Pour

opérationnaliser la confrontationentre les différents éléments,nous avons construit une grilled’analyse composée de troiscritères spécifiques formulésen terme d’indices du degréd’information :

i0 : le noyau est absent del’énoncé

i-: le noyau est présent dansl’énoncé de façon incomplète

i+ : le noyau est présent dansl’énoncé.

Toutes les compétences etleurs composantes subissent lamême confrontation. La présenceou l’absence de ce noyau dansl’énoncé de la compétence ou dela composante constitue notrecritère d’appréciation.

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Exemple de grille d’analyse appliquée à une compétence

Indices du degré d’information : C1- Énoncé de la compétence 1 (p. 67)Agir en tant que professionnelle ou professionnelhéritier, critique et interprète d’objets de savoirs oude critique dans l’exercice de ses fonctions.

i0 : le noyau est absent de l’énoncé

i- : le noyau est présent dans l’énoncé de

façon incomplète

i+ : le noyau est présent dans l’énoncé

C1c1 - Énoncé de la composante 1 (p. 69)Situer les points de repère fondamentaux et les axesd’intelligibilité (concepts, postulats, méthodes) dessavoirs de sa discipline a n de rendre possibles desapprentissages signi catifs et approfondis chez lesélèves

C1c2 - Énoncé de la composante 2 (p. 70)Prendre une distance critique à l’égard de la disciplineenseignée

C1c3 - Énoncé de la composante 3 (p. 71)Établir des relations entre la culture secondeprescrite dans le programme de formation et celle deses élèves.

C1c4 - Énoncé de la composante 4 (p. 72)Transformer la classe en un lieu culture ouvert à lapluralité des perspectives dans un espace de viecommune.

C1c5 - Énoncé de la composante 5 (p. 73)Porter un regard critique sur ses propres origines etpratiques culturelles et sur son rôle social.

Caractéristiques liées aux compétences Localisation de l’information

L’élément central (ou noyau) de la caractéristiqueest en gras. Le critère utilisé est la présenceou l’absence de ce noyau dans l’énoncé de lacompétence et de la composante

C1 C1c1 C1c2 C1c3 C1c4 C1c5

La compétence se déploie en contexte réel i+ i+ i- i+ i+ i-

La compétence se situe sur un continuum qui vasimple au complexe

i0 i- i0 i0 i0 i0

La compétence se fonde sur un ensemble deressources

i0 i+ i0 i+ i0 i0

La compétence est de l’ordre du savoir – mobiliseren contexte d’action professionnelle

i0 i0 i0 i0 i0 i0

La compétence comme savoir - agir réussit, estune pratique intentionnelle

i- i0 i0 i0 i0 i0

La compétence comme savoir - agir réussi,ef cace, ef cient et immédiat qui se manifeste defaçon récurrente

i- i- i0 i0 i- i-

La compétence constitue un projet, une nalitésans n

i0 i0 i0 i0 i0 i0

Pourcentage des indices i+ 6/42 14, 29% i- 28 /42 19,04%i0 28/42 66,68%

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Chacune des 12 compétenceset leurs composantes ont ainsiété déclinées dans une grilleidentique a n de confronter lesdé nitions aux caractéristiquesproposées par le Ministère.

RésultatsLes premiers résultats globaux

de cette recherche exploratoireont été compilés dans le tableauci-dessous. Ils reprennent lesdonnées recueillies auprès de cinqenseignants, formateurs dansles programmes de formation àl’enseignement à l’Université duQuébec à Montréal.

Compétences 1 et ses 5 composantes

i+ i- i0

A1 6/42 14,30% 8/42 19% 28/42 66,70%

A2 1/42 2,40% 6/42 14,30% 35/42 83,33%

A3 4/42 9,52% 14/42 33,33% 24/42 57,15%

A4 2/42 4,76% 23/42 54,76% 17/42 40,48%

A5 0/42 0% 7/42 16,67% 35/42 83,33%

Compétences 4 et ses 5 composantes

i+ i- i0

A1 18/42 42,86% 8/42 19,05% 16/42 38,09%

A2 1/42 2,38% 12/42 28,57% 29/42 69,05%

A3 13/42 30,95% 21/42 50% 8/42 19,05%

A4 2/42 4,76% 31/42 73,81% 9/42 21,43%

A5 10/42 23,81% 11/42 26,20% 21/42 50%

Compétences 2 et ses 6 composantes

i+ i- i0

22/49 44,90% 8/49 16,33% 19/49 38,77%

5/49 10,20% 15/49 30,61% 29/49 59,20%

18/49 36,73% 20/49 40,83% 11/49 22,45%

7/49 14,30% 28/49 57,14% 14/49 28,60%

14/49 28,57% 4/49 8,16% 31/49 63,27%

Compétences 5 et ses 5 composantes

i+ i- I0

21/42 50% 10/42 23,80% 11/42 26,20%

0/42 0% 18/42 42,86% 24/42 57,14%

7/42 16,67% 21/42 50% 14/42 33,33%

6/42 14,29% 17/42 40,48% 19/42 45,23%

5/42 11,90% 9/42 21,44% 28/42 66,66%

Compétences 3 et ses 7 composantes

i+ i+ i0

19/56 33,93% 13/56 23,21% 24/56 42,86%

0/56 0% 10/56 17,85% 46/56 82,18%

9/56 16,07% 25/56 44,64% 22/56 39,29%

8/56 14,29% 48/56 85,71% 0/56 0%

5/56 8,93% 12/56 21,43% 39/56 69,64

Compétences 6 et ses 5 composantes

i+ i+ i0

17/42 40,50% 10/42 23,80% 15/42 37,71%

0/42 0% 30/42 71,43% 12/42 28,57%

17/42 40,50% 17/42 40,50% 8/42 19%

5/42 11,91% 25/42 59,52% 12/42 28,57%

12/42 28,57% 11/42 26,20% 19/42 45,23%

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Compétences 7 et ses 4 composantes

i+ i- i0

A1 13/35 37,14% 12/35 34,28% 10/35 28,57%

A2 1/35 2,85% 20/35 57,14% 14/35 40%

A3 5/35 14,28% 19/35 54,28% 11/35 31,42%

A4 2/35 5,71% 23/35 65,71% 10/35 28,57%

A5 15/35 42,86 7/35 20 13/35 37,14

Compétences 10 et ses 4 composantes

i+ i- i0

A1 10/35 28,57% 12/35 34,28% 13/35 37,14%

A2 0/35 0% 24/35 68,57% 11/35 31,42%

A3 6/35 17,14% 17/35 48,57% 12/35 34,29%

A4 5/35 14,28% 25/35 71,42% 10/35 28,57%

A5 11/35 31,42% 13/35 37,14% 11/35 31,42%

Compétences 8 et ses 6 composantes

i+ i- i0

20/49 40,81% 13/49 26,53% 16/49 32,65%

0/49 0% 20/49 44,44% 25/49 55,55%

2/49 4,08% 31/49 63,27% 16/49 32,75%

14/49 28,57 21/49 42,85% 14/49 28,57%

17/49 34,69 20/49 40,81 12/49 24,48

Compétences 11 et ses 5 composantes

i+ i+ i0

10/42 23,80% 8/42 19,04% 24/42 57,14%

1/42 2,38% 18/42 42,85% 23/42 54,76%

4/42 8,16% 26/42 53,06% 19/42 38,77%

6/42 14,28% 24/42 57,14% 12/42 28,57%

12/49 24,48% 16/49 32,65% 21/49 42,85%

Compétences 9 et ses 4 composantes

i+ i- i0

18/35 51,42% 4/35 11,42% 13/35 37,14%

0/35 0% 24/35 68,57% 11/35 31,42%

3/35 8,6% 17/35 48,57% 15/35 42,85%

5/35 14,28% 25/35 71,42% 10/35 28,57%

13/35 37,14 13/35 37,14 9/35 27,72%

Compétences 12 et ses 8 composantes

i+ i+ i0

19/63 30,15% 12/63 19,08% 32/63 50,79%

1/63 1,58% 35/63 55,55% 2763 42,85%

24/63 38,9% 22/63 34,92% 17/63 26,93%

9/63 14,29% 36/63 57,14% 18/42 28,57%

21/63 33,33% 11/63 17,46% 31/63 49,20%

Légende

- A1, A2, A3, A4 et A5présentent de façon chiffrée lesrésultats des analyses réaliséespar les cinq enseignants pourchacune des 12 compétences etleurs composantes.

- Les nombres dans les casesreprésentent le pourcentagepour chaque indice selon quele noyau est présent ou nonou partiellement présent dansl’énoncé de la dé nition de lacompétence et de chacune de sescomposantes.

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- Les résultats présentés sontglobaux.

Commentaires sur lesrésultats

L’énoncé de la compétencee t d e s e s c o m p o s a n t e s ,proposées dans le programme deformation permet-il au formateurd’enseignants de retrouver lescaractéristiques de la compétencequ’il doit mettre en place pourpermettre à ses étudiants dedévelopper cette compétence aucours de sa formation ?

Partant de cette question,et à la suite d’une premièreanalyse de ce programmeéducatif, il permet d’affirmerqu’aucun énoncé de compétencede ce référentiel ne présentesuffisamment d’informationsà propos des caractéristiquesproposées par le Ministère dansle programme lui-même. Nousconstatons ainsi des décalagesplus ou moins importants entreces caractéristiques proposéespour dé nir une compétence etla formalisation des compétencesdans le programme éducatif.Les textes of ciels, d’entrée dejeu, éloignent les formateursd’enseignants d’une dé nitionopérationnelle du concept decompétence. Par ailleurs, lessituations constitutives descompétences sont absentes desdé nitions.

L a c o m p é t e n c e e s tl’aboutissement du traitementréussi et socialement acceptablede la situation dans laquellese trouve à un moment donnéune personne ou un collectifde personnes. Le programmeéducatif pour la formation desenseignants au Québec sembleminimiser cette complexité,dans la dé nition des niveauxde maîtrise de la compétence,tout au plus ces derniers ciblent– ils certaines dimensions dela compétence, mais en aucuncas une compétence dans toutesa complexité. Cette complexitéest synthétisée dans l’essai dedé nition suivant, reformulé audépart de Jonnaert, et al (2005 :674) :

Une compétence se développeen situation et est le résultat dutraitement achevé et socialementaccepté de cette situation parune personne ou un collectifde personnes dans un contextedéterminé.

Ce traitement repose sur lechamp des expériences vécuespar les personnes dans d’autressi tuations plus ou moinsisomorphes à celle qui fait l’objetd’un traitement.

Ce traitement s’appuie surun ensemble de ressources,de contraintes et d’obstacles etsur des actions ; la réussite dece traitement est fonction de

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la personne ou du collectif depersonnes, de leurs expériencesde vie, de leur compréhensionde la situation, de la situationelle-même et du contexte, desressources des personnes elles-mêmes et de celles disponiblesparmi les circonstances de lasituation.

L a c o m p é t e n c e e s tl›aboutissement de ce processusc o m p l e x e , d y n a m i q u e e tdialectique de traitement ; elleest spécifique à la situationtraitée avec succès et peut êtreadaptée à d’autres situationsqui sont presque isomorphesà la situation actuelle et quiappartiennent à la même famillede situations.

Les premiers résultats decette recherche exploratoiremontrent combien la dé nitionde chacune des compétencesdécrites dans le programmede formation des enseignantsau Québec est éloignée d’uneapproche opérationnelle de lanotion de compétence.

Dans le travail actuel deconception des programmeséducatifs pour les offres deformation selon la logique duLMD dans les pays d’Afriquesubsaharienne, l’utilisation duconcept de compétence ne peut

négliger la complexité à laquellece concept fait référence. Àdéfaut, tout réductionnisme àson égard risque d’annihilerla richesse dont il est porteurainsi que tout espoir de levoir réellement améliorer lesformations. Le cas du Québec estsigni catif à cet égard !

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RÉSULTATS D’UNE RECHERCHE EXPLORATOIRE SUR LANOTION DE COMPÉTENCE*

Philippe Jonnaert1, Daniela Furtuna2,Jean-Philippe Ayotte-Beaudet3, Joëlle Sambote4

Université du Québec à Montréal1- Professeur titulaire UQAMTitulaire de la CUDCcourriel : [email protected] Chargé de cours et assistant de rechercheÉtudiant au doctoratcourriel : [email protected] Chargée de cours et assistante de rechercheÉtudiante au doctoratCourriel : [email protected] Chargée de cours et assistante de rechercheÉtudiante au doctoratcourriel : [email protected]

RÉSUMÉLa compétence stagne au cœur

de nombreux débats contemporainsdans le domaine de l’éducation etplus particulièrement dans celuidu curriculum. Ne disposant nide cadre théorique ni de dé nitionsuf samment validée, la compétencene bénéficie pas encore d’uneconceptualisation partagée. En cesens les chercheurs de la ChaireUNESCO de Déve loppementcurriculaire (CUDC) de l’Universitédu Québec à Montréal (UQAM)parlent de notion plutôt que deconcept de compétence. Ce textesuggère une ré exion au départ d’unetrame conceptuelle ainsi que d’unedé nition provisoire de la notion decompétence. Il décrit comment cettetrame et cette dé nition, ont faitl’objet d’un processus de validation

par un certain nombre d’expertsinternationaux participant au débatactuel sur la compétence. Cet articles’appuie sur les travaux réalisés à laCUDC sur la notion de compétencedans le domaine de l’éducation.

Ce texte apporte quelqueséléments de réponse à la questionsuivante : «Dans quelle mesure et àquelles conditions cette notion, pourautant qu’elle soit stabilisée, peut-ellecontribuer à améliorer la qualité desoffres de formations des institutionsd’enseignement supérieur (IES) enAfrique subsaharienne, au-delà deleurs réformes de type licence, master,doctorat (LMD) ?»

Mots clés : Compétence, Situation,Trame conceptuelle, Ressources,Traitement, Validation, Définition,Zone sémant ique , É lémentsconstitutifs ·

* Cet article a bénéfi cié d’une lecture attentive et de remarques et suggestions constructives de RosetteDefi se, chercheure associée à la CUDC.

Philippe Jonnaert et al., Résultats d’une recherche exploratoire sur la notion...

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INTRODUCTIONBien qu’elle soit utilisée depuis

plusieurs décennies dans lechamp du curriculum et largementdiscutée dans les débatscontemporains sur l’éducation,la notion de compétence reste oue. Contestée [Crahay (2006) ;Jonnaert (2014a, 2014b, 2013,2012)], elle ne bénéficie pasencore de réelle conceptualisationdans le domaine de l’éducation,ni de cadre théorique structuréet validé. Or, depuis plus dedeux décennies, la compétenceest devenue un des élémentscentraux de bon nombre decurriculums et de réformes àtravers le monde. En effet, ledéveloppement de compétencespar les personnes apparait commeune des finalités importantesdes offres de formation depuisl’éducation de base jusqu’àl’enseignement supérieur enpassant par l’enseignementtechnique et professionnel(Endrizi, 2015), mais égalementpar la formation des adultes,de l ’éducat ion formel le àl’éducation non formelle. Le ou théorique enveloppant cettenotion suscite cependant desdifficultés pratiques dans lamise en œuvre de ces réformesdes curriculums qui, entreautres, convoquent la notionde compétence comme élémentcentral de leurs programmes

éducatifs1, particulièrement dansles pays d’Afrique subsaharienne[Bernard et coll. (2007) ; Tehio(2010) ; Jonnaert (2012) ; Pires-Ferreira (2014)]. Le plus souvent,la codi cation d’une compétencedans un programme éducatifs’assimile à celle d’un objectifgénéral2. Ainsi réduite, la notionde compétence perd de sarichesse. Le concept d’objectifgénéral s’y voit tout autantmalmené, l’une n’étant pas l’autreet vice-versa. Sans doute aussi lacomplémentarité entre les deuxest-elle plus pertinente que lasimple substitution de l’une parl’autre, voire même l’oppositionentre les deux. Mais commentdégager la notion de compétencedes dif cultés dans lesquelles ellesemble stagner pour améliorer laqualité des offres de formation ?

Différents travaux théoriquesou empiriques sur la notion decompétence sont recensés par

1- L’expression programme éducatif est utilisée dans cetexte en tant que standard précisé dans la Classi cationInternationale Type de l’Éducation (CITÉ) ; [Institut deStatistique de l’UNESCO (ISU)] ; version amendée lorsde la Conférence générale de l’UNESCO en novembre2011]. La CITÉ peut être consultée sur le site de l’ISU :http://www.uis.unesco.org/Education/Documents/UNESCO_GC_36C-19_ISCED_FR.pdf

2- D’une manière générale, les spécialistes des objectifs(Strauven, 1996 ; De Ketele, 1984; D’Hainaut, 1988 ; Van-develde, 1982 ; De Landsheere, 1979 ; Hameline, 1979)s’entendent pour préciser qu’un objectif général permetde désigner les grandes orientations d’une formation.Les objectifs généraux peuvent être atteints par lesélèves ou les étudiants après une période relativementlongue de la formation. Ils sont dé nis par rapport à descontenus de formation.

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des chercheurs de la CUDC[Jonnaert et coll. (2004) ;Jonnaert et coll. (2006) ; Jonnaert(2009) ; Ayotte–Beaudet et coll.(2010) ; Ayotte–Beaudet (2014)].Un certain nombre de termeset d’expressions devraient sedégager de ces travaux pourpermettre de cerner clairement lazone sémantique (Barbier, 2007)de la notion de compétence.Les dé f in i t ions analyséesévoquent régulièrement l’usagede ressources, la confrontation àdes contraintes ou des obstacles,la mise en œuvre d’activités,l’importance des situationsou encore l’adaptabilité ou laviabilité d’une compétence. Maisces termes ou ces expressionss o n t r a r e m e n t p r é s e n t ss imu l tanémen t dans c esdifférentes dé nitions (Ayotte-Beaudet, 2014), à l’exception duconcept de ressource cognitive.

Sans doute, avant d’allerau-delà dans la réflexion surla notion de compétence, est-il utile de déterminer le cadregénéral dans lequel s’inscriventles propos de ce texte : celui ducurriculum en éducation. Lesauteurs xent dans les lignesqui suivent, en une véritableclôture sémantique (Van derMaeren, 1995), la vision partagéepar les chercheurs de la CUDCdu concept de curriculum.

Pour ce faire, les chercheursde la CUDC s’appuient d’abordsur les résultats des travauxrécents du Bureau internationalde l’éducation de l’UNESCO(BIE) qui fait évoluer le conceptde curriculum vers une visionhol ist ique [Opertt i et col l.(2011) ; Ji (dans ce numéro)].Un curriculum holistique estglobal et inclusif. Il permetd ’aborder l ’ ensemble desexpériences éducatives que vitun apprenant au cours de sondéveloppement, tant au coursde sa scolarité, qu’à l’extérieurde l ’école. Un curriculumholistique est ainsi abordé dansune perspective systémique.Chacune de ses dimensions esten interaction avec les autres,y compris la gouvernanceet les politiques éducatives,l’évaluation des apprentissages,et la formation des enseignantsjusqu’à la pratique pédagogiquedans les salles de classe etles apprentissages scolaires.C’est à l’intérieur de cette visionholistique du curriculum queles auteurs cadrent d’abordleurs propos sur la notion decompétence.

Les auteurs de ce texteinscrivent ensuite la ré exionsuggérée en ces lignes dansune perspective plus large dereproblématisation de la notion

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de compétence dans le champdu curriculum. Il ne s’agit iciqu’une des étapes à l’intérieurde ce vaste processus.

La première section du textepropose la problématique danslaquelle s’inscrit la réflexiondéveloppée en ces lignes. Laméthodologie utilisée par leschercheurs de la CUDC pourvalider une trame conceptuellede la notion de compétence estdécrite dans la section suivante.Les principaux résultats sontensuite décrits et différentsamendements à l’approche de lacompétence sont suggérés dansune conclusion.

2. PROBLÉMATIQUEActuellement, la notion de

compétence dans le champdu curriculum, tant dans soncadrage théorique que dansson application empirique, estquestionnée, voire remise en cause[Boutin et coll. (2000) ; Bronkartet coll. (2002) ; Crahay (2006); Bernard et coll. (2007) ; Hirtt(2009)]. Cette notion a cependantbéné cié d’une aura particulièredans ce champ depuis la n desannées 1980, plusieurs textes enattestent [Perrenoud (1997, 1998); Braslavsky (2001) ; De Ketele(1999, 2001) ; Bosman et coll.(2000) ; Jonnaert (2002) ; Gerardet Braibant (2004) ; Rey et coll.(2003) ; Rajonhson et coll. (2005);

IGEN3 (2007) ; Legendre (2004,2008) ; Mottier–Lopez (2011)].Déjà, dans un article de référence,Braslavsky4 (2001) établit unétat des lieux des réformescurriculaires qui animent denombreux systèmes éducatifsà travers le monde depuis lafin des années 1980. Parmid’autres constats, cette auteuremet en évidence l’utilisationquasi systématique de la notionde compétence dans la plupartdes textes précisant les nalitésdes réformes curriculairescontemporaines. Cette tendanceest con rmée depuis [Gauthier(2011, 2013); Jonnaert et coll.(2013)] : le développement decompétences par les personnessemble devenu une des nalitésmajeures de nombreuses offres deformations. Les attentes à l’égardde cette notion, choisie commeélément central des programmeséducatifs, sont dès lors élevées.

L’utilisation de la notion decompétence s’est ainsi généraliséedans le champ du curriculum,essentiellement à travers sonutilisation dans les programmeséducatifs. Cette notion jouedepuis un rôle important dansla recherche d’un renouvèlementdes processus de structuration

3- IGEN :Inspection générale de l’éducation, Paris.4- Cecilia Braslavsky a été directrice du Bureau International

de l’Éducation de l’UNESCO (BIE) à Genève de 2000 à2005. Ses écrits sont une référence incontournable dans lechamp curriculaire. Cecilia Braslavsky est décédée en 2005.

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et de codi cation, c’est-à-direl’écriture selon des règles etla logique d’un code précis,des contenus d’apprentissagedans les programmes éducatifs :comment codi er une compétencedans un programme éducatifpour qu’elle soit comprise par lesenseignants et que sa constructionpar les apprenants soit réelledans les salles de classe ?

L’adoption de la notionde compé tence dans l e sprogrammes éducatifs suscite demultiples questions au-delà desa codi cation et de son formatadopté dans des programmeséducatifs : son enseignement, sonapprentissage, sa constructionpar les élèves et les étudiants,son évaluation. La notion decompétence est ainsi entrée aucœur de nombreux débats enéducation.

Recentrant leurs propos dansle champ du curriculum, lesauteurs de ce texte constatentqu’à ce seul niveau curriculaire,de nouvel les prat iques decodification des contenus desprogrammes éducatifs sonttoujours attendues (Sambote,2015), et que celles-ci devraient,en toute logique, s’éloigner destechniques traditionnelles issuesde la théorie des objectifs. Ence sens, le processus mêmede transposition curriculaire[Jonnaert (2011) ; Depover et

coll. (2014)] est caduc, puisque,dans son cheminement depuis lastrate des politiques éducativesvers la salle de classe, la notionde compétence rencontre desdifficultés dès sa codificationdans les programmes éducatifs.En e f fet , la t ransposi t ioncurriculaire est un outil d’analysedu cheminement des contenusd’un curriculum, depuis lesprescrits et les recommandationsdes politiques éducatives vers lesprogrammes éducatifs, et desprogrammes éducatifs jusqu’àleur mise en œuvre dans lessalles de classe.

La littérature francophonecontemporaine en scienceshumaines, plus particulièrementen sciences de l’éducation, energonomie, en linguistique,en psychologie du travail eten didactique professionnelle,abonde de textes et d’ouvragestraitant en tout ou en partiede la notion de compétence[Montmollin (1986) ; D’Hainaut(1988) ; Jonnaert et coll. (1990) ;Leplat (1991) ; Perrenoud (1997,2002a, 2002b) ; Boutin et coll.(2000) ; Pastré et coll. (2001) ;Jonnaert (2002) ; Jonnaert et coll.(2004) ; Tardif (2003) ; Legendre(2004)]. Il n’existe cependantpas de réel consensus à proposde cette notion, dans le champcurriculaire [Jonnaert (2009) ;Ayotte - Beaudet et coll. (2010) ;

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Ayotte-Beaudet (2013)]. Dansle bouillonnement des débatscontemporains sur l’éducation,sur les systèmes éducatifs etsur leurs réformes, l’usage dela notion de compétence dansles programmes éducatifs estquestionné [Sambote (2015)5;Melouki (2010) ; Tehio (2010);Hirtt (2009) ; Opertti (2008) ;Ettayebi et coll. (2008) ; Bernardet col l . (2007)] . Plusieursc h e r c h e u r s o n t a n a l y s éla littérature relative à cettenotion et montrent combiencette dernière est, à ce jourencore, peu stabilisée [Ayotte -Beaudet (2013) ; Wesselink etcoll. (2010) ; Crahay (2006) ;Bronkart et coll. (2002)]. Sonutilisation dans les programmeséducatifs reste hypothétique,particulièrement au niveau desméthodes et des techniquesutilisées pour sa codification.Par exemple, dans une rechercheexploratoire sur le programmede la formation des enseignantsau Québec6, Sambote (2015)observe une rupture entre ladéfinition même de la notionde compétence dans le cadred’orientation du programme et

5- Voir le texte de Sambote dans ce numéro.6- Ministère de l’éducation, des loisirs et du sport (MELS),

(2001). La formation à l’enseignement. Les orientations.Les compétences professionnelles. Gouvernement duQuébec, Ministère de l’éducation – 2001-00-1151. Enligne : http://www.education.gouv.qc.ca/ leadmin/site_web/documents/reseau/formation_titularisation/formation_enseignement_orientations_EN.pdf

la codi cation des compétenceset de leurs composantes dansce programme. Alors que ladé nition de la compétence réfèreplutôt aux théories de l’actionen situation, la codificationdes compétences et de leurscomposantes s’inscrit, dans ceprogramme, dans une approchepar objectifs. Cette rupture entreun discours sur la compétenceet la méthode utilisée pour lacodifier dans un programmeéducatif est fréquente dans lesprogrammes analysés (Jonnaert,2015, 2012). La notion decompétence reste ainsi unenébuleuse dans le champ ducurriculum. Les définitionsrelevées dans la littérature àson propos ne permettent guèrede mieux la préciser pour larendre opérationnelle dans unprogramme éducatif.

Des définitions lacunaires,d’autres, tautologiques ousimplement inscrites dans unrapport de synonymie entrep lus i eurs t e rmes e t unecontamination de la notion decompétence par des approchesissues de la théorie des objectifs,jalonnent la littérature sur laquestion et rendent opaquela notion de compétence. Unrapide parcours des dif cultésrencontrées lors de l’analyse deces dé nitions [Ayotte-Beaudet(2013) ; Jonnaert et coll. (2006) ;

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Jonnaert et coll. (2004) ; Jonnaert(2009)] ne permet pas de dégagerla notion de compétence dubrouillard sémantique souslequel elle se tapit.

Les auteurs de ce textereprennent dans les lignes quisuivent quelques difficultésobservées tant au niveau del’analyse de la littérature sur laquestion des compétences quede l’évaluation de programmeséducati fs [Ayot te-Beaudet(2013) ; Jonnaert (2012) ;Jonnaert et coll. (2006) ; Jonnaertet coll. (2004)].

Une contamination de lanotion de compétence par lesobjectifs généraux. La notionde compétence est régulièrementcontaminée par celle d’objectifgénéral dans sa codificationdans les programmes éducatifs[Bernard et col l . (2007) ;Jonnaert (2012)]. Dans uncertain nombre de travauxfrancophones, qu’il s’agisse decomptes rendus de recherches,d’articles plus généraux oude programmes éducati fs ,la notion de compétence estassociée à celle d’objectif général.Cette superposition crée desconfusions chez les rédacteursdes programmes éducatifs qui,bien que critiquant les approchespar objectifs et souhaitant s’enécarter, s’y réfèrent cependantpour codi er des compétences

dans des programmes éducatifsen traduisant les compétencese n o b j e c t i f s g é n é r a u x .Ce t t e co n tam ina t i on e s tparticulièrement observée dansles programmes éducatifs despays francophones d’Afriquesubsaharienne. Ces programmessont controversés et leurs effetssur certains systèmes éducatifsd’Afrique de l’Ouest mitigés [Tehio2010 ; Bernard et coll. (2007) ;Jonnaert (2012) ; Roger (2013)].Selon Sambote (2015), cettecontamination est égalementobservée dans le programmeuniversitaire de formationdes enseignants au Québec,comme dans bon nombre deprogrammes éducatifs analyséspar les chercheurs de la CUDC.

Réaction des auteurs. D’unefaçon générale, les chercheursde la CUDC observent qu’unecompétence est le plus souventprésentée sous la forme d’unob jec t i f généra l dans lesprogrammes éducatifs, annihilantpar là pratiquement toute larichesse de cette notion. Unedes conditions pour qu’unecompétence participe à la qualitédes offres de formation estque celle-ci soit dégagée de sacontamination par les objectifsgénéraux. Une compétence n’estpas un objectif général et vice-versa. Il n’y a pas non plusd’exclusive entre compétence et

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objectif, à condition de replacerl’une et l’autre dans son proprechamp théorique de référence.

Définitions lacunaires.Certaines définitions de lacompétence sont très brèves etn’évoquent qu’un aspect de lacompétence, parfois sous la formed’un slogan. Par exemple, pourl’OCDE (2000), la compétenceserait la capacité de faire quelquechose. Pour Pastré et coll. (2001),la compétence serait un rapportde la personne aux situations.Ces approches se résumentà des formules lapidaires, audépart desquelles la notionde compétence reste vague,même si ces formules mettenten exergue une des dimensionsd’une compétence : les actionsdes personnes pour l’OCDE(2000) ; le rapport des personnesaux situations pour Pastré etcoll. (2001). Ces définitionsrestent cependant insuf santes.

Réaction des auteurs.Selon les auteurs, une dé nitionlacunaire de la not ion decompétence ne permet d’enaborder que l’aspect mis enexergue dans la dé nition. Cettecaractéristique de certainesdéfinitions peut souvent êtremise en paral lè le avec laréduction de la compétence àun objectif général. Or, selonles auteurs, une compétences’inscrit nécessairement dans la

complexité et ne peut se réduireà des formules lapidaires oudes s logans. Une secondecondition pour qu’une compétenceparticipe à la qualité des offresde formations est que celle-cisoit abordée dans sa globalitéet sa complexité de manièreà ce que sa codification dansun programme éducatif puisseprendre en considération cettecomplexité.

Dé nitions tautologiques.D’autres définitions peuventparaitre plus élaborées, maiselles dé nissent la compétencepar la compétence elle-même.Redondantes, ces définitionsreprennent le même termeou la même p rop os i t i onà plusieurs endroits de leurénoncé. Par exemple, pourle M in istère canadien desRessources humaines et duDéveloppement des compétences(RHDCC)7 (2013): « On entendgénéralement par compétencesen alphabétisation les quatrecompétences su i van te s :lecture, rédaction, utilisationdes documents et calcul. Lescompétences essentielles sontles compétences nécessairesen milieu de travail. Ellesc om p r enne n t l e s q u a t r ecompétences en alphabétisationénumérées ci-dessus ainsi queles cinq compétences suivantes :

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informatique, capacité deraisonnement, communicationora le , t rava i l d ’équipe e tformation continue. (…) Cescompétences clés sont une baseà partir de laquelle une personneacquiert d’autres compétenceset apprend à évoluer au travailet à s’adapter aux changementsdu milieu de travail. » Cettedéf ini tion, même avec lesprécisions relatives à chacunedes compétences évoquées,est tautologique : l’objet de ladé nition et la dé nition elle-même ne sont que la répétitiondu même terme : les compétencessont … les compétences.

Réaction des auteurs.Pour les auteurs de ce texte, ladé nition tautologique proposéedans l’exemple ci-dessus faittourner le lecteur en rond.Finalement, il ignore toujoursce qu ’est une compétenceau terme de sa lecture de ladéfinition. Un véritable travailconceptuel rigoureux sur la notionde compétence est nécessairepour aboutir à une dé nition quipermette d’opérationnaliser lacompétence dans les formations.Une troisième condition pourqu’une compétence participe àla qualité des formations dansles IES est que celle-ci béné cied’une définit ion val idée etopérationnelle.

Dé nitions inscrites dansdes rapports de synonymie.Contrairement aux dé nitionstautologiques où le terme decompétence est répété sans n pour dé nir la compétence,d’autres dé nitions établissentun rapport de synonymie entrele terme de compétence etun autre qui permettrait declari er la notion de compétence.C’est particulièrement le casentre compétence et capacité8.Plusieurs dé nitions de référencede la notion de compétencec o m m e n c e n t p a r : « L acompétence est la capacité de…», dé nissant un mot par unautre mot. Cette superpositionentre le terme compétence etcelui de capacité alors que « (…),ces deux concepts, capacité etcompétence, se situent à desniveaux sémantiques différents.La compétence englobe lacapacité, mais l’inverse n’estpas vrai. Les capacités sontconstitutives d’une compétence,mais l’inverse n’est pas vrainon plus. (…). » Jonnaert etcoll. (2004 : 674-675). En effet,une capacité est constitutive

8- Le concept de capacité a étéclari édansplusieurstravauxde recherchedirigés par Ph. Jonnaert à l’intérieur d’unvasteprogramme de recherche nancésuccessivementpar différentsorganismessubventionnaire en Belgiqueet au Canada, [Fondsbelgesd’initiativeministérielle;Conseilcanadien de la recherche en sciences humaines(CRSH) ; Fondsquébécois, recherche, société et culture(FQRSC) ; Jonnaert et coll., (1990) ; Jonnaert, (2002 ;2009) ; Jonnaert et coll., (2004) ]. Une première synthèsede cestravauxpeutêtreluedans Jonnaert (2009/2002).

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de la compétence qui l’a activéeet coordonnée avec d’autrescatégories de ressources dansdes situations déterminées.Plusieurs capacités coordonnéesà p l u s i e u r s r e s s o u r c e sapparaissent en situation commeun véritable faisceau opératoirede ressources, Allal (1999 : 81),pour le traitement de situations.Confondre compétence et capacitéen les plaçant dans un rapportde synonymie, c’est confondreune nalité, le développementd’une compétence, et un desmoyens mis en œuvre pourl’atteindre, dont la mobilisationdes ressources cognitives quesont les capacités.

Réaction des auteurs : Lanotion de compétence dispose deson propre réseau sémantiqueet, par là, doit être envisagée defaçon indépendante par rapportà d’autres concepts se situant àd’autres niveaux sémantiques. Latroisième condition pour qu’unecompétence participe à la qualitédes offres de formations est quecelle-ci soit envisagée de manièreautonome, sans être définie àtravers un autre concept.

Compétence et savoir.Des difficultés apparaissentégalement dans dif férentstextes plus polémiques sur lanotion de compétence, lorsquecompétences et savoirs sontmis en opposition [Baillargeon

(2013) ; Boutin (2007) ; Boutinet Julien (2000)]. Par ailleurs,la compétence est parfoisassimilée à des catégories desavoirs : savoirs, savoir-faire,savoir-être, etc., Barbot et coll.(1999). Ce dernier glissementsémantique n’est pas anodin.Il est répercuté dans plusieurst r av au x ac tu e l s s u r l e scompétences, particulièrementau niveau de la problématiquede l’évaluation des compétences.En effet, puisque la compétenceest un ensemble de catégoriesde savoirs, ce sont, en toutelogique, ces savoirs qui sontévalués. Mais une compétence nepeut être réduite, parfois mêmeopposée aux savoirs ni assimiléeà des catégories de savoirs,elle est nécessairement plusglobale. En effet, une compétences’appuie sur des savoirs et ne s’yoppose pas et, corolairement, unsavoir se construit parce qu’unepersonne l’utilise en traitant dessituations et en développant descompétences.

Réaction des auteurs.La mise en opposition descompétences et des savoirs est unfaux débat. Il s’agit bien plus derechercher les complémentaritésentre les deux, d’identifier lessavoirs dont la personne a besoinpour développer telle ou tellecompétence dans des situations etvice-versa d’identi er les savoirs

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sur lesquels les compétences sesont effectivement appuyées.Par ailleurs, une compétencene peut se réduire à une ouplusieurs catégories de savoirs,son développement s’appuiesur d’autres dimensions que lessavoirs comme le sont la diversitéde ressources qu’une personnepeut mobiliser en traitant unesituation. La quatrième conditionp o u r q u ’ u n e c o m p é t e n c eparticipe à la qualité des offresde fo rmat ions es t qu ’unecomplémentarité soit recherchéeentre les compétences et lessavoirs de différentes natures(savoirs, savoir-faire, savoir-être,etc.) plutôt que de les opposer oude les placer dans un rapport desynonymie (une compétence étantalors, par exemple, assimilée à unsavoir-faire).

Des dé nitions tautologiques,des rapports de synonymie entrela notion de compétence etd’autres notions ou concepts, desconfusions et des glissementssémantiques ont enfoncé lanotion de compétence dans unenébuleuse théorique aujourd’huidifficile à détricoter. Une re-problématisation de la notion decompétence s’avère indispensablea n de pouvoir la dégager de cesconfusions et contradictionset, par la suite, de s’en servirde façon opérationnelle dans lechamp du curriculum.

Le problème soulevé par lesauteurs de ce texte est lié àla dif culté qu’ils rencontrentà l’utilisation, dans le champdu curriculum, de la notion decompétence. Cette dernière n’estpas stabilisée dans une dé nitionvalidée. Sans dé nition claire dela compétence, les méthodologiesde codi cation des compétencesdans des programmes éducatifspeuvent, entre autres, êtrecontaminées par des procédésse référant à la théorie desobjectifs, alors que compétenceet objectifs ne renvoient pas auxmêmes cadres théoriques. Ceproblème, celui de la codi cationdes compétences dans lesprogrammes éducatifs peutsembler technique. Il nécessitetoutefois un préalable, celuid’une définition validée desconcepts centraux des cadresorganisateurs des programmesé du c a t i f s . La no t i o n d ecompétence est de ceux-là. Lesauteurs de ce texte, réagissantaux difficultés dégagées desdéfinitions de la notion decompétence, proposent des axesde ré exion pour rendre celle-cipertinente à une amélioration dela qualité des offres de formations.Ce texte traite essentiellement dela question de la dé nition de lanotion de compétence et de savalidation. Dès lors, les sectionssuivantes du texte posent lesdeux questions suivantes :

Philippe Jonnaert et al., Résultats d’une recherche exploratoire sur la notion...

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(1) Sur quelles bases assoir defaçon stable une dé nition de lacompétence?

(2) Comment valider unedéf in it ion de la notion decompétence ?

S i re -p rob l émat i se r l anotion de compétence dans lechamp du curriculum sembleindispensable, il s’agit d’abordde s’entendre sur une dé nitionconsensuelle de cette notion. Dansla section suivante, les auteursdécrivent la méthodologie utiliséepour valider une propositionde définition de la notion decompétence modélisée dansune trame conceptuelle. Parcette démarche ils répondentpartiellement à la question poséedans les lignes qui précèdent.

3. MÉTHODOLOGIE

La recherche exploratoiredécrite dans les lignes quisuivent fait suite à une étudede la littérature francophoneen éducation qui a porté surl’identi cation et l’analyse d’unensemble de définitions de lanotion de compétence. Une sériede critères furent dé nis poursélectionner les textes, d’autresfurent utilisés pour analyserles dé nitions. Les résultats dece premier travail sont décritsdans Ayotte–Beaudet et coll.(2010) et Ayotte–Beaudet,(2013). Ces données ont permis

d’identi er une série de dif cultésinhérentes à la dé nition mêmede la notion de compétence,quelques-unes sont décritesdans la problématique ci-dessus.Elles ont également permis,à l’instar des travaux décritsdans Jonnaert (2002) et dans laprolongation de ceux-ci, d’écrireune proposition de définitionde la notion de compétence etde la modéliser dans une trameconceptuelle, Jonnaert et coll.(2014).

Les résu l t a ts de ce t terecherche exploratoires sontinédits, les auteurs n’ont pasidenti é dans la littérature detravaux similaires. Ils permettentd’aboutir à un certain degréde consensus d’une paletted’experts internationaux sur unedé nition de la compétence.

Cette recherche se structureen différentes étapes : (1) unevalidation de l’outil par uneéquipe de chercheurs de la CUDC;(2) une validation de la dé nitionde la notion de compétence etde sa trame conceptuelle par ungroupe d’experts internationaux;(3) une validation des résultatsde cette double validation par ungroupe restreint d’experts. Cetteméthodologie est décrite dans leslignes qui suivent. Après avoirprécisé les éléments qui ont étésoumis à la validation par lesexperts internationaux ainsi que

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décrit l’outil utilisé, chacune desétapes de la recherche est préciséedans les sections suivantes.

3.1 É léments soumis àl’évaluation des experts

L’ensemble des élémentsdécrits dans la section 3.1a été proposé aux expertsinternationaux, (Jonnaert etFurtuna, 2014). Ce sont ceséléments qui ont fait l’objet d’unevalidation.

3.1.1 Une propositionde définition de lacompétence te l lequ’elle a été soumiseà l ’ an a lyse d esexperts

Une compétence se développeen situations et est le résultatdu traitement achevé, réussiet socialement accepté de cessituations par une personne ouun collectif de personnes dansun contexte déterminé.

Ce traitement repose sur lechamp des expériences vécuespar les personnes dans d’autressi tuations plus ou moinsisomorphes à celles qui fontl’objet d’un traitement.

Ce traitement s’appuie surun ensemble de ressources,de contraintes et d’obstacles etsur des actions; la réussite dece traitement est fonction dela personne ou du collectif de

personnes, de leurs expériencesde vie, de leur compréhensiondes situations, des situationselles-mêmes et du contexte, desressources des personnes elles-mêmes et de celles disponiblesparmi les circonstances dessituations, mais aussi desr essources ex te rnes auxpersonnes et aux situations.

L a c o m p é t e n c e e s tl’aboutissement de ce processusc o m p l e x e , d y n a m i q u e e tdialectique de traitement; elleest spécifique aux situationstraitées avec succès et peut êtreadaptée à d’autres situationsqui sont presque isomorphesaux situations actuelles et quiappartiennent à la même famillede situations.

3 . 1 . 2 L e scaractéristiquesproposées pourune compétencetelle qu’elle a étésoumise à l’analysedes experts

Une compétence est toujoursassociée au minimum à unesituation , à une famille desituations ainsi qu’aux champsd’expériences d’une personne,ou d’un collectif de personnes.

Les champs d’expériencesde la personne ou du collectifd e p e r s o nn es i mp l i q u é sdans le traitement de ces

Philippe Jonnaert et al., Résultats d’une recherche exploratoire sur la notion...

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situations sont déterminantspour le développement d’unecompétence ; ces champsd’expériences incluent lesconnaissances des personnesainsi que des compétencesconstruites dans d ’autressi tuations plus ou moinsisomorphes à celles qu’ils sontamenés à traiter.

Le développement d’unecompétence repose sur lamobilisation et la coordinationpar une personne ou un collectifde personnes, d’un faisceaude ressources (Allal, 1999) :des ressources propres auxpersonnes, d’autres ressourcess p é c i f i q u e s à c e r t a i n e scirconstances des situations etdes ressources externes tant auxpersonnes qu’aux situations.

Une co mpé t ence n ’ e s tréellement construite que dansle cas d’un traitement achevé,réussi et socialement acceptabledes situations.

Une compétence résulte duprocessus dynamique et constructifdu traitement des situations : lacompétence n’est pas ce processus,

le processus est le traitement dessituations par une personne oupar un collectif de personnes;une personne ou un collectif depersonnes sont toujours déclaréscompétents après les traitementsdes situations.

Une compétence n’est pasprédictible et ne peut donc êtredé nie a priori; une compétenceest nécessairement inscrite dansla complexité; elle est fonctionau minimum d’une situation,d’une personne ou d’un collectifde personnes, de leurs propresconnaissances et de leurscompétences déjà construitesdans des situations semblables,de leur compréhension dessituations, des ressources dontelles disposent, des contrainteset des obstac les qu ’e l l esrencontrent dans ces situations,de leurs champs d’expériences,etc.

Une compétence est évolutive;d’une situation à une autre dela même famille de situations,une compétence s’adapte auxcirconstances des situations,en ce sens, une compétence estrarement achevée.

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3.1.3 La trame conceptuelle de la compétence telle qu’elle aété soumise à l’analyse des experts

Un cadre situationnel:Des familles de situations;Des situations

Une compétitencese développe en

situation: la situationen est le point de

départ (la source) etle point d’arrivée (le

critère)

Une compétitencese manifeste à

travers les résultatscoordonnées d’un

ensemble d’actionsqu’une personne

mène en situation

Un cadred’action:

Des catégoriesd’action;Des actions;Des traitementscompétents

Une compétitenceest fonction de lacompréhension

qu’une personnea de ce qui est

attendu d’elle dansune situation bien

précise

Une compétitencerésult d’un

traitement ef caceet acceptable d’une

situation

Une compétitences’appuie sur un

certain nombre deressources

Une compétitencen’apparaît quesi les résultatsdes actions dela personne ensituation sont

jugés réussis etacceptable

Un cadred’évaluation:Des attentes;Des critères

Un cadre deressources:

Des resourcesinternes;Des resourcesexternes

Un champ d’expériencesvécues dans des situations

presque isomorphes

Une personne, ou un collectifde personnes, en action et ensituation

Un contexte

Figure 1 : Trame conceptuelle de la notion de compétence soumiseaux experts

3.1.4 Légende de la gure 1 telle qu’ellea été soumise àl’analyse des experts

(a) Le cadre situationnel (CS):Le cadre situationnel proposeles situations d’une même famillequi permettent la constructionet le développement d’unecompétence.

Ce cadre est précisé par :Une famille de situations qui

dé nit les caractéristiques et lespropriétés communes à toutesles situations de cette famille ;cette famille de situations estgénérique et inclut un certainnombre de situations ; unecompétence construite dansune situation de la famille peutensuite s’adapter aux autressituations de cette famille.

Philippe Jonnaert et al., Résultats d’une recherche exploratoire sur la notion...

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Au minimum une situationdans laquelle la personne ou lecollectif de personnes agissentconcrètement ; la situation estparticulière ; une situation estun ensemble de circonstances ;certaines de ces circonstancessont des ressources pour sontraitement par les personnes,d’autres sont des contraintes,voire des obstacles ; c’est dansune situation qu’une compétencese construit et se développe,elle peut ensuite s’adapter auxautres situations de la famille desituations.

Un contexte ; la famille desituations et la situation sontelles-mêmes incluses dans uncontexte plus vaste qui permetaux personnes de construire lesens de la situation dans laquelleils agissent.

(b) Le cadre relatif au champd’expériences des personnes (CEX):Ce cadre évoque les expériencesantérieures des personnes,vécues individuellement oucollectivement dans des situationsplus ou moins isomorphes à cellequ’ils traitent.

Ce cadre est précisé par :

Les traitements plus anciensque les personnes ont déjàexpérimentés dans des situationsplus ou moins isomorphes àla nouvelle situation qu’ellestraitent; les traitements plusanciens ont, ou non, permisd’aboutir à une compétence.

Les ressemblances entreles situations anciennes et lanouvelle situation; c’est parl’identification des propriétéscommunes entre les situationsanciennes et la nouvelle situationque la personne peut adapter untraitement déjà expérimenté àune nouvelle situation.

Un ce r ta i n n om br e dec o n n a i s sa n c e s , v o i r e d ecompétences, déjà construitespar les personnes au coursd’expériences antérieures peuventêtre évoquées par la nouvellesituation; ces connaissances etces compétences sont viables etadaptables, ou non, à la nouvellesituation.

(c) Le cadre d’actions (CA) :Ce cadre évoque des catégoriesd’actions qui précisent lespropriétés communes aux actionspossibles dans une situation;ces catégories d’actions sontgénérales et incluent un certainnombre d’actions qui peuventêtre utilisées pour le traitementd’une situation; ce cadre permetl’organisation d’un traitement dela situation par l’articulation d’uncertain nombre d’actions à uncertain nombre des ressources.

Ce cadre est précisé par :

Des catégories d’actionsdéfinissant des propriétéscommunes aux actions qui

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peuvent être mises en œuvrepour le traitement de la situation;les catégories d’actions sontgénérales; ce sont les actionsincluses dans une catégorie quiparticipent au traitement d’unesituation; une catégorie d’actionscorrespond à une ou plusieursfamilles de situations ;

Des actions qui se concrétisentdans une situation; ce sontles actions qui permettent lamise en œuvre d’un traitementen s’appuyant sur un certainnombre de ressources; les actionssont concrètes; la mise en œuvredes actions nécessite la prise enconsidération des ressources etdes contraintes relevant autantde certaines circonstances de lasituation que des personnes ;

Un traitement qui articuleun certain nombre d’actionsà un ce r ta in nombre deressources; ce traitement peutprendre des formes très variées,depuis l’application linéaired’une technique en passantpar l’utilisation d’une méthode,jusqu’au développement d’unestratégie particulière adaptée à lasituation; chaque traitement estspéci que aux personnes et à lasituation actuelle; un traitementpeut être adapté à d’autressituations quasi isomorphesappartenant à la même famillede situations.

(d) Le cadre des ressources(CR) : Ce cadre précise lesressources que les personnesdevraient mobiliser pour traiteravec succès la situation àlaquelle elles sont confrontées;c’est sur ces ressources quepeuvent s’appliquer les actionsprécisées dans le cadre d’actions;les ressources présentées dansce cadre peuvent être de naturediverse : cognitives, conatives,corporelles, sociales, matérielles,virtuelles, etc.

Ce cadre est précisé par :

Des ressources propres auxpersonnes ; ces ressourcespeuvent être : cognitives (parexemple les connaissances etles compétences acquises dansd’autres situations), conatives(par exemple l’engagement plus oumoins fort des personnes dans lasituation), corporelles (par exemplel’état de veille actif des personnes),sociales (par exemple les aidestutoriales apportées par des pairsexpérimentés dans le traitementde la nouvelle situation); lespersonnes s’appuient sur cequ’elles connaissent déjà pourcommencer le traitement d’unenouvelle situation; plusieursressources, dont des ressourcescognitives, se situent dans uneintersection entre le cadre desressources et le cadre relatifau champ des expériences despersonnes ;

Philippe Jonnaert et al., Résultats d’une recherche exploratoire sur la notion...

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Des ressources propres auxsituations ; une situation estun assemblage complexe decirconstances qui peuvent êtredes ressources pour le traitementde la situation (par exemple,la présence d’un ordinateuret de différents logiciels sontdes ressources matériellesqui peuvent être utiles autraitement de la situation) ; cescirconstances peuvent aussiêtre des contraintes pour letraitement de la situation (parexemple l’exigüité d’un localou le peu de temps disponiblesont des contraintes dont lespersonnes doivent tenir compte);ces contraintes sont levables ounon ; certaines circonstancesde la situation peuvent devenirdes obstacles au traitementde la situation, auquel cas, lasituation devient une situation– problème ;

Des ressources externes tantaux situations qu’aux personnes;toutes les ressources ne sontpas nécessairement présentes,ni au niveau des personnes, niau niveau de la situation; ellesnécessitent une démarche au-delà de la situation; ce peut-être un apprentissage d’uneressource indispensable autraitement de la situation (parexemple, l’apprentissage d’unprocédé arithmétique nécessaireau traitement de la situation

comme le calcul d’une moyennearithmétique); ce peut-être larecherche d’une documentation,d’un outil, d’une personne-ressource, etc. ; l’appel auxressources externes est uneforme d’ouverture des situations.

(e) Le cadre d’évaluation (CEV):Ce cadre décrit en quelque sorte letype de traitement de la situationqui permet d’aboutir à unecompétence. C’est à ce niveauque se trouve une ébauche de lacompétence attendue au termedu traitement de la situation.

Ce cadre précise :

Le type de traitement attendupour que la situation soitréellement traitée avec succès;un traitement réussi d’unesituation est aussi un traitementsocialement acceptable autantdans sa démarche que dans sesrésultats ;

Les critères qui permettentde véri er dans quelle mesurela situation est effectivementtraitée avec succès; les critèresnomment les modifications àapporter à la situation a n quecelle-ci soit traitée avec succès ;

Une d es c r i p t i o n d ’ u n ecompétence qui peut êtredéveloppée par les personnesau terme du traitement de lasituation ; la compétence décritedans le cadre d’évaluation est unexemple de compétence que les

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personnes peuvent développerau terme du traitement de lasituation.

L’ensemble de ces élémentsest d’abord présenté aux expertset ensuite repris à travers 15propositions énoncées dans unegrille d’analyse présentée enannexe. Les experts consultés sesont prononcés sur chacune deces propositions et ont réagi ensuggérant des amendements. Lesétapes de cette démarche sontdécrites dans la section suivante.

3.2 Description de la grilled’analyse

La version retenue de la grilled’analyse est organisée en cinqcatégories de propositions. Cescinq catégories de propositionscorrespondent aux différentscadres retenus pour organiserla trame conceptuelle de lacompétence et précisés au point3.1.4 : (CS) le cadre situationnel; (CEX) le cadre des champsd’expérience des personnes;(CA) le cadre d’actions; (CR) lecadre de ressources et (CEV)le cadre d’évaluation . Pourchacune de ces catégories, troispropositions sont formulées.Les propositions retenues sontdes assertions à propos desdifférents éléments constitutifsde la trame conceptuelle etde la définition de la notionde compétence. Avant d’être

utilisée, cette grille d’analysea elle-même fait l’objet d’unevalidation et a subi plusieursreformulations. Les experts seprononcent sur ces propositionsà l’aide d’une échelle Likert.

3.2.1 Les cinq catégories de lagrille d’évaluation

Les codes proposés par cadreet par proposition sont ceux quisont utilisés dans les différentstableaux présentant les résultatsde l’utilisation de la grille d’analysepar les experts. La grille d’analyseet les 15 propositions sontprésentées en annexe.

le cadre situationnel (CS) :trois propositions sont formuléesdans la grille d’évaluation: lespropositions CS1, CS2 et CS3 ;

le cadre relatif au champd’expériences des personnes(CEX) : t ro is propos i t ionssont formulées dans la grilled’évaluation : les propositionsCEX1, CEX2 et CEX3 ;

le cadre d’actions (CA) : troispropositions sont formuléesdans la grille d’évaluation: lespropositions CA1, CA2 et CA3 ;

le cadre des ressources (CR) :trois propositions sont formuléesdans la grille d’évaluation: lespropositions CR1, CR2 et CR3 ;

le cadre d’évaluation (CEV) :trois propositions dans la grille

Philippe Jonnaert et al., Résultats d’une recherche exploratoire sur la notion...

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d’évaluation: les propositionsCEV1, CEV2 et CEV3.

En face de chacune despropositions, un espace estlaissé libre afin de permettreaux experts d’exprimer desremarques ou des suggestions.

3.2.2 L’échelle Likert

L’échelle utilisée pour lavalidation de chacune despropositions est une échelleLikert subdivisée en cinq degrésd’acceptation pour chacune despropositions : 5 = Entièrementen accord ; 4 = En accord ; 3 =En désaccord ; 2 = Entièrementen désaccord ; 1 = Ne sais pas/Ne s’applique pas. Cette échelleLikert permet de vérifier ledegré d’accord des experts pourl’ensemble des propositions.

3.3 Les étapes

3.3.1 Validation de l’outil

Au cours d’un séminairesc i en t i f i que de l a CUDCrassemblant les chercheurs dela CUDC et plusieurs chercheursex tér i eurs , un document(Jonnaert et Furtuna, 2014)présentant une proposition dedé nition de la compétence ainsique sa modélisation dans unetrame conceptuelle est présenté.Une vingtaine de personnes aparticipé à ce séminaire, unedouzaine d’entre elles a transmis

ses remarques et suggestions.Une grille d’analyse est suggéréeaux participants à ce séminairea n qu’ils valident la dé nitionet la trame. Il leur est demandéd’appliquer cette grille autantà la définition qu’à la trameconceptuelle proposées, et denoter toutes les dif cultés qu’ilsrencontrent à son utilisation.

Après l’analyse des donnéesissues de cette première activité,un focus groupe est organiséavec ces mêmes personnes.Au terme de ce séminaire, unedé nition de la compétence, unetrame conceptuelle et la grillesont ajustées et nalisées. Cettedernière version est mise enforme et transmise aux expertsinternationaux.

3.3.2 Validation de la dé nitionet de la trame conceptuellede la notion de compétencepar une série d’expertsinternationaux

La trame conceptuelle de lanotion de compétence proposéeaux experts est articulée autourde 5 cadres. La dé nition retenueet la trame conceptuelle de lacompétence ainsi que la grilled’évaluation ont été soumisesà un certain nombre d’expertsinternationaux œuvrant dansle champ curriculaire. Sur 30experts internationaux sollicités,19 ont accepté de renvoyer la

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grille complétée, leurs remarqueset leurs suggestions. Les expertsont été identi és en fonction deleurs publications et de leurimplication actuelle dans ledébat sur les compétences dansle champ de l’éducation. La listedes experts se trouve en annexe.

Au-delà de la grille d’évaluation,les experts consultés sont invitésà formuler des remarques etdes suggestions autant sur ladé nition proposée que sur latrame conceptuelle dans le textequi leur est transmis, des espacessont prévus à cet effet. L’ensembledes données de cette enquête estrecueilli, analysé et traité.

3.3.3 Validation des résultatspar un groupe restreintd’experts

Les experts internationauxont renvoyé 19 grilles d’analysecomplétées et accompagnéesde commentaires autant sur ladé nition de la compétence quesur la trame conceptuelle de cettedernière. Les grilles d’analysereçues ont d’abord été décodéeset traitées par un chercheur dela CUDC. L’ensemble des grilles aensuite été proposé à un grouperestreint de 5 experts. Ils ontreçu pour consignes de traiterles données recueillies. Ils les ontcompilées, analysées, traitées etcommentées.

Chacun d’entre eux a travaillésur l ’ensemble des gri l lesd’analyse reçues, ils ont travaillésuccessivement sur des sériesde 4 grilles et puis sur une sériede 3 grilles, pour un total de 19grilles. Après chaque traitementde 4 grilles un focus groupe estorganisé avec ces experts et estanimé par un chercheur de laCUDC.

Finalement, les résultats dutraitement par un chercheur de laCUDC sont confrontés à ceux des 5experts internationaux. Comme lesgrilles d’analyse ont été analyséeset traitées par plus de deux juges,un kappa de Fleiss (Sim et Wright,2005; Fleiss, 1971) a été appliquépour véri er la concordance desrésultats des traitements des grillesd’analyse entre les 6 évaluateurs,les 5 experts et un chercheurde la CUDC. Avec un k de 0,78,selon le tableau de Landis et Koch(1977), la concordance entre lesévaluateurs peut être considéréecomme importante, avec un degréd’accord de satisfaisant à excellent.

Tableau 1 : Grille de Landis etKoch (1977).

< 0 Grand désaccord

0,00 – 0,20 Accord très faible

0,21 – 0,40 Accord faible

0,41 – 0,60 Accord moyen

0,61 – 0,80 Accord satisfaisant

0,81 – 1,00 Accord excellent

Philippe Jonnaert et al., Résultats d’une recherche exploratoire sur la notion...

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L’ensemble des résultats decette analyse des données aensuite été mis en commun. Ilsont ainsi permis une validationdes résultats proposés dans lasection suivante.

4. RÉSULTATS

4.1 Présentation des résultats

Le tableau 2 présente les scores

bruts obtenus pour chacunedes 15 propositions formuléesdans la gril le d’évaluationregroupées en 5 catégories, lesmoyennes, les écarts-moyenset les écarts-types : CS – cadresituationnel; CEX – cadre duchamp des expériences vécues ;CA – cadre d’actions ; CR – cadredes ressources ; CEV – cadred’évaluation.

Tableau 2 : Résultats par proposition de la grille d’analyse ; scoremaximum à l’échelle Likert = 5

Cadres Propositions Moyennes Écarts-moyens Écarts-types

Cadre situationnel(CS)

CS1 4,79 0,35 0,54

CS2 4,74 0,42 0,56

CS3 4,47 0,72 1,02

Cadre du champ desexpériences vécues(CEX)

CEX1 3,89 0,98 1,20

CEX2 4,63 0,58 0,76

CEX3 4,11 0,85 1,24

Cadre d’actions (CA)CA1 4,74 0,42 0,56

CA2 4,53 0,75 1,07

CA3 4,74 0,42 0,56

Cadre des ressources(CR)

CR1 4,47 0,72 1,02

CR2 4,26 0,85 0,93

CR3 4,37 0,80 0,96

Cadre d’évaluation(CEV)

CEV1 4,68 0,50 0,67

CEV2 3,11 1,27 1,52

CEV3 4,11 1,13 1,41

La gure 2 permet de visualiserle haut taux d’acceptation de12 propositions sur les 15 dela grille d’évaluation. D’unemanière générale l’ensembledes propositions bénéficie

d’un accueil favorable. Troispropositions toutefois sontquestionnées. L’une (CEX1)relève du cadre du champ desexpériences vécues dans d’autressituations, les deux autres (CEV2

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et CEV3) relèvent du cadre d’évaluation. Le cadre d’évaluation est,de ce fait, le moins bien accepté par les experts.

Figure 2 : Moyenne et écarts-moyens accordés aux propositionsdans la grille d’analyse [ordonnées : scores ; abscisse : propositions]

4.2 Discussion des trois propo-sitions les moins acceptées

Les tableaux 2 et 3 montrentcertes un niveau d’acceptationrelativement élevé, le kappa deFleiss (1971) montre un accordinter-juges satisfaisant à proposdu traitement des résultats dela grille d’analyse par différentsexperts. Toutefois, les résultatsde l’analyse relative à troispropositions manifestent undegré d’accord moins important.Ce désaccord relatif nécessiteune discussion. Chacune de cestrois propositions est discutée.

Proposition CEX1 : «Lestraitements plus anciens ont,ou non, permis d’aboutir à unecompétence».

Deux types de remarquessont formulés à propos de cetteproposition :

Sa formulation : l’introductiond’une négation dans cetteproposition la rend moins claire.Il aurait été plus pertinent de laformuler sans cette négation.Par ailleurs, un indicatif présentaurait facilité la compréhensionde cette proposition. En n, un

Philippe Jonnaert et al., Résultats d’une recherche exploratoire sur la notion...

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article indé ni est plus pertinentpour évoquer des traitementsplus anciens. Cette propositionpourrait être reformulée commesuit : «Des traitements plusanciens peuvent participer àla construction d’une nouvellecompétence».

Son contenu : plusieursexperts demandent de préciser letype de traitement plus ancien quipeut participer à la constructiond’une nouvelle compétence.Il s’agit essentiellement detraitements réussis sur dessituations proches de cellesà laquelle les personnes sontconfrontées.

Proposition CEV2 : « Lescritères, lorsqu’ils n’apparaissentpas dans le traitement de lasituation, permettent d’identi erles modifications à apporter àla situation a n que celle-ci soittraitée avec succès».

Cette proposition n’est pascomprise. Plusieurs expertsdemandent de préciser de quelscritères il s’agit et où les trouvers’ils n’apparaissent pas dans letraitement. Il s’agit des critèresqui permettent de décider à partirde quel moment les situationssont traitées, et qui permettent derépondre à la question ‘jusqu’oùle traitement de la situation doit-ilaller ?’. Cette proposition doit êtrereformulée, par ailleurs, si unecompétence est peu prédictible,

comment peut-on dé nir a priorides critères qui en permettraientl’évaluation?

Proposition CEV3 : «Lacompétence décrite dans le cadred’évaluation est un exemple detraitement compétent que lespersonnes peuvent développerau terme du traitement de lasituation».

C e t i t e m e s t p l u sfondamentalement remis encause par les experts. Puisqu’unecompétence n’est pas prédictible,comment peut-on décrire à prioriune compétence qui serait uneréponse réussie au traitementdes situations ? Par ailleurs,l’expérience montre que, face àune situation, une diversité decompétences peut être mise enplace.

Ces deux propositions, CEV2et CEV3, sur les trois du cadred’évaluation re ètent le malaiseque pose la problématique del’évaluation d’une compétence.Cette question n’est pas réglée,pourtant ce cadre d’évaluationsemble incontournable auxauteurs de ce texte. Il devraitcontenir un ensemble d’élémentspertinents pour une évaluationd’une compétence, or les objetsd’évaluation qui peuvent êtrepris en considération au coursdu processus de constructiond’une compétence sont multiples(Jonnaert, 2011).

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De l’ensemble des résultats sedégageant de cette recherche, lesdif cultés relative à l’évaluationd’une compétence apparaissentde façon évidente : ce problèmen’est pas réglé.

4.3. Ajustements et amende-mentsÀ travers leurs remarques

et suggestions, les experts ontformulé plusieurs suggestionspour améliorer la compréhensionde la notion de compétence. Lesauteurs en reprennent plusieursdans les lignes qui suivent.

4.3.1 Le dynamisme d’unecompétence

Une compétence évolue dansle temps, change, prend desformes différentes en fonction dumoment auquel elle est analysée.Depuis sa construction parles personnes, ancrées dansles situations, jusqu’à sagénéralisation à de nouvellessituations, la compétence

évolue sans cesse. Le tempsest un facteur majeur dans leprocessus de construction d’unecompétence : une compétences’inscrit nécessairement dans letemps long de sa construction.Une trame conceptuelle neprend pas ce temps long de laconstruction d’une compétenceen considération. Elle a pourfonction de mettre des conceptsproches en interaction autourde la notion de compétenceet de dé nir ainsi son réseausémantique. À chacun desmoments du développementde la compétence, cette tramepeut servir de grille d’analyse dudéveloppement de la compétence.

La gure 3 illustre les phasestemporelles du processus deconstruction d’une compétence.Quat r e phases s emb len tcaractériser ce processus, depuisles activités de la personneen s i t ua t i on , jusqu ’ à l agénéralisation de la compétence.

Philippe Jonnaert et al., Résultats d’une recherche exploratoire sur la notion...

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La personne

est en action

en situationsLa personne

ajuste etadapte sesactions en situation

La personne ré échit sur sesactions et les met en mots

La personne adapte sa compétenceà d’autres situations de la même

famille

La personne décrit sa compétence,les adaptations qu’elle peut apporter

et les situations quelle peu traiter

Temps de la construction d’une compétence conceptualisées et généralisable

Phase I Phase II Phase III Phase IV

Une compétence en constructionancrée dans la situation

Une compétence ré échit etexplicitée hors de la situation

Vers la conceptualisation de lacompétence

Vers la généralisation de la compétence

Figure 3 : Les phases de la construction d’une compétence

L e t e m p s c o u r t d e l aconstruction d’une compétence,qui est aussi le plus souventcelui de l’école, se limite auxphases I et II de la gure 2. Lastagnation d’une compétencedans le temps court, et doncdans les phase I et II, ne permetpas, dans le strict cadre scolaire,que ce soit à l’éducation de baseou à l’enseignement supérieur,de construire réellement descompétences durant ce laps detemps réduit à l’école.

Une relation étroite entreles milieux de pratique, quelsqu’ils soient, et la formation plusacadémique est indispensable

pour permettre aux personnesparticipant aux formationd’atteindre les phases III etIV du tableau 2. La prise enconsidération du temps longnécessaire pour la constructiond’une compétence est majeure.Finalement, une compétencen’est jamais achevée, chaques i t ua t i o n q ue s t i o n ne s aviabilité. C’est cette dynamiqueparticulière des compétences quiplace aussi les personnes dansune perspective d’apprentissagetout au long de la vie.

4.3.2 La complexité ducadre des ressources

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Il est dif cile de limiter lesressources mobilisées pourdévelopper une compétence àl’unique cadre des ressources. Desressources sont nécessairementmobilisées à l’intérieur desautres cadres de la trame.Dé nir un cadre de ressourcesrevient plutôt à identi er uneintersection entre plusieurscadres à l’intérieur duquel seretrouve nalement le faisceaudes ressources facilitant lesactions des personnes. La gure3 illustre la complexité du cadredes ressources et la nécessité del’ouvrir à de multiples ressourcesissues également des autres

cadres de la trame conceptuelle.Le faisceau des ressources(Allal, 1999) nécessaires à laconstruction d’une compétencese développe à l’intersection desdifférents cadres de la trameconceptuelle. Cette intersectionest l’espace de dialogue entre lesressources jugées utiles par lespersonnes en action en situationpour traiter les situations etconstruire les compétences.Cet espace de dialogue desressources est déterminantpour la construction d’unecompétence. C’est à ce niveauque peut intervenir la fonctiondidactique de l’enseignant.

Cadre situationnel

(CS)

Personnes en action

(PA)

Cadre des ressources

(CR)

Cadre du

champ des

expériences

vécues (CEV)

Connaissances et compétences déjàconstruites pertinente pour la famille

de situations actuellessituations quasi isomorphes à la famille

de situation actuelle

Ressources mobiliséespar la chaine d’actions

en situation

Figure 4 : L’intersection entre les différents cadres : espace dela mise en relation des ressources.

Philippe Jonnaert et al., Résultats d’une recherche exploratoire sur la notion...

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4 .3 . 3 La q u es t i on d essituations

I l est toujours d if f ic i led’évoquer dans l ’absolu leconcept de situation. On nepeut le réduire à un ensemblede circonstances dans lequelune personne se trouve et agità un moment donné de sonexistence. Une situation nesuf t pas. Les situations sontmultiples et variées, même sielles relèvent d’une même famillede situations. Elles impliquentautant la personne en actionqu’elles intègrent le contexte.Il s’agit d’un tout à l’intérieurduquel des personnes agissent,interagissent autant entre ellesqu’avec la situation, qui lesmodi ent et que les personnesmodifient à leur tour. Enfin,ces situations évoluent toutau long du développement descompétences pour, nalementdevenir peu dissociables descompétences qu’elles ont permisde construire. Au cours d’uneré exion sur le développementde compétences, les situationsoccupent une place majeure.

4.3.4 La question du traitement

Il est devenu courant d’af rmerqu’une compétence peut êtreconsidérée comme construitelorsque le t raitement dessituations est achevé et réussi.Dans les faits, ce traitement

correspond à l’ensemble duprocessus à travers lequel unepersonne est en actions dansdes situations. Il est malaisé del’imaginer linéaire et facilementdescriptible comme le ferait unobservateur qui décrirait unphénomène ou un objet regardéde l’extérieur. La seule personnehabilitée à raconter son action ensituations, à mettre en mots cequ’elle a réalisé, à reconstruirel’histoire du développement deses compétences, à décrire sescompétences, à les remettreen cause, à questionner leurviabilité dans de nouvellessituations, n’est autre que cettepersonne elle-même.

Le terme ‘traitement’ est tropfaible pour exprimer tout ce quise passe lorsqu’une personneagit dans des situations. Maisà nouveau, c’est la complexitéde l’objet ‘compétence’ quirend difficilement cernable letrajet que mène une personnepour y arriver. Le traitementcorrespond à ce que fait et cequ’est la personne en action, ilpeut être partiellement observéde l’extérieur, il ne peut êtreque décrit par les personneselles-mêmes en action dans lessituations. Dans une perspectivecurr i cu la i r e , ma i s auss ididactique, la tentation est fortede décrire a priori un traitementattendu en face de telle ou telle

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famille de situations. C’est un desparis de la pédagogie par objectifs.Mais ces prédictions ne peuventêtre que des hypothèses, et c’estavec beaucoup d’humilité quel’enseignant doit admettre quele responsable de la constructiond e s e s co mp é te nce s e s tl’apprenant lui-même, personnene peut se substituer à lui : «(…) nous décrivons notre réalitéexpérientielle telle que nouspouvons en faire l’expérience, etce que nous faisons est façonnéet coordonné par les concepts etles relations conceptuelles quenous employons à ce moment-là», von Glasersfeld (2004 : 400).

CONCLUSIONS

Sans prétendre aboutir àune dé nition stabilisée de lacompétence, ce travail, à traversun dialogue constructif entredes experts engagés dans ledébat actuel sur la compétenceet des chercheurs de la CUDC,a permis un certain nombrede clari cations. Il ne répondcertainement pas à toutes lesquestions soulevées par cettenotion, dont celle pourtantcruciale de sa codi cation dansdes programmes éducatifs. Nousadaptons dans cette conclusionla définition qui fut suggéréeaux 19 experts en intégrantun certain nombre de leurssuggestions.

Préalables à une dé nition.D’une façon absolue, unecom pé tence d ev ra i t ê t r econsidérée dans toute sacomplexité autant qu’à traversle dynamisme qui la caractérise.Sa cons truc t ion s ’ inscr i tnécessairement dans une échelletemporelle relative longue. Cestrois caractéristiques, complexité,dynamisme et échelle temporellelongue, sont masqués dans unetrame conceptuelle. En effet, unetrame ne fait que positionner,à travers une modélisation, uncertain nombre de conceptsentre eux, en offrant sans doutel’illusion de les figer dans letemps et dans l’espace. Parailleurs, une compétence ne peutêtre réduite à l’une ou l’autrede ses propres dimensionsdéfinies dans les différentscadres de la trame conceptuelle.Ces cadres eux-mêmes nesont ni f igés, ni étanches.Ils interagissent forcémententre eux, se complètent etse modifient tout au long duprocessus de construction d’unecompétence. Plusieurs guresproposées dans la section 4de ce texte tentent de faireémerger ce dynamisme et par làde toni er quelque peu certainscadres de la trame conceptuelle.Enfin, le rôle entièrementimbriqué des personnes etdes situations, comme leursfonctions éminemment sociales,

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disparaissent dans le modèle decompétence offert par la trameconceptuelle. Ils sont cependantmajeurs. Mais laquelle prime,la personne ou la situation? Sans doute aussi, à partird’un certain moment de cetteéchelle temporelle longue de laconstruction d’une compétence,personnes et situations neforment-elles plus qu’une seuleet même entité. Probablementla seule qui détermine et justi evéritablement la constructiond’une compétence. Il s’agit dèslors de considérer la compétencecomme un phénomène complexecaractérisant un moment de cetteharmonie qui s’est créée entre despersonnes et des situations.

Déf in i t ion a justée . Unecompétence se construit pardes personnes en situations.Une compétence caractérise unmoment particulier de l’harmonieentre ces personnes et cessituations, le moment qui leurpermet d’affirmer que leursactions dans ces situations sontviables à cet instant.

Cette viabilité est précaireet peut à tout instant del ’échelle temporelle longuedu déve loppemen t d ’unecompétence, être remise en cause.La viabilité d’une compétence estmise à l’épreuve des situationset peut être contestée. Dans cecas, la compétence nécessite des

adaptations, une reconstructionvoire même une réfutation. Ence sens, une compétence estrarement stabilisée une foispour toutes. C’est pourquoi unecompétence est peu prédictible.Elle est le résultat d’actionstemporai rement achevées ,toujours susceptibles d’êtreremises sur l’établi.

D’autres caractéristiquesénoncées dans la définitionproposée aux experts sont certestrès techniques. Elles permettentsurtout de décoder les actions depersonnes en situations, et parlà de décrire une compétence enconstruction à un moment donnéde son développement. L’exercicereste cependant dif cile. Maisc’est par le décryptage des actionsdes personnes en situations etpar l’analyse de leurs discours,que nalement une compétencepeut être décrite. La descriptiond’une compétence est donc leplus souvent sa mise en mots.

Exemple. Une équipe dechercheurs rédige un texte aux ns de contribuer à une revuescienti que sur une thématiqueparticulière. Ils agissent pour cefaire dans des situations. Lesauteurs du texte ne peuventêtre exclus de ces situations :ils en font partie intégrante. Cespersonnes ne sont cependantpas premières, les situations nonplus. Ensemble, elles forment

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un système à l’intérieur duquelelles interagissent. Au fur età mesure que le texte évolue,les situations changent, lespersonnes également. Ce systèmeest dynamique et évolue à traversles actions des personnes et leursrésultats. Chaque paragrapheécrit, chaque phrase, chaquemot, chaque lecture et relecture,chaque extrait saisi, chaquerature, modi ent les situations.Les auteurs n’écrivent jamaissur le même texte, celui-ciévolue sans cesse. Des actionss’emboitent, s’entrecroisent,s’adaptent, se contredisent ous’annulent et font progresserle texte dans un mouvementcontinu. Pour rédiger le texte,ces personnes agissent enfonction de buts : écrire un textesur une thématique, diffuserdes résultats de recherches,améliorer un curriculum vitae.Ces actions reposent sur leursexpertises : des connaissancesà propos de cette thématique,un champ d ’ expér iences ,des réussites ou des échecsantérieurs. Les auteurs agissentavec tout ce qu’ils sont au momentde la rédaction du texte. Lesauteurs ne prennent parmi lescirconstances des situations,que celles qui les intéressentou qu’ils estiment utiles auxactions qu’ils envisagent yconduire. Ils articulent entreelles une pluralité de ressources

et prennent en considération descontraintes, voire des obstacles :rédiger le texte dans un certaindélai, ne pas dépasser un certainnombre de signes, soumettrele document à un comitéd’arbitrage, rester strictementdans la thématique du texte,etc. Ce qui précède suppose,évidemment, que la compétencede ces auteurs est le résultat dece qu’ils développent à traversleurs actions en situation. Aprèsavoir réalisé une série d’actionsdans ces situations, un grouped’auteurs compétents est celuiqui, à un moment donné, estimeque la dernière version du texteest devenue viable pour lui.C’est-à-dire qu’il l’accepte commetelle, qu’elle ne lui pose plus deproblèmes et qu’ils peuventlaisser ce texte dans son étatactuel sans plus devoir y agir,le modi er, ou le transformerpour qu’il devienne, à leurs yeux,acceptable et viable. Ce grouped’auteurs ne doit plus y menerde nouvelles actions, ils décidentalors que la situation est traitéeet que sleur texte est achevé.Cette situation d’écriture estunique, il est même pratiquementimpossible que les auteurspuissent la reproduire. Le texteest une trace des situationsqu’ils ont vécues pour le bâtir.Sans doute sera-t-il le seulélément sur la base duquel lesauteurs seront jugés compétents

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ou non par d’autres. Mais cetexte n’est pas la compétencede ces personnes. Il est plutôtla trace de leurs actions dansces situations. Ce texte est lamanifestation de la compétence.Le texte qui sera lu et jugé pardes arbitres, des lecteurs expertsde la thématique, des étudiants,des collègues, n’est rien deplus que la trace des actionsen situation d’écriture par ungroupe d’auteurs.

La compétence de ces derniersne peut être exprimée que par lamise en mots par eux-mêmesde ce qu’ils ont réalisé poury aboutir : la description desexpériences en situations.

Apport des compétences à laqualité des offres de formationsdans les Instituts d’enseignementsupérieur ( IES) en Afr iquesubsaharienne. Cet article estdestiné à un numéro thématiqueposant la question de la qualitédes offres de formation dansles Instituts d’enseignementsupérieur (IES) en Afriquesubsaharienne, sans doute est-iltemps de l’arrimer à la thématiquede ce numéro. Une compétencepar sa dynamique et son ancragedans des situations, enrichitune formation, particulièrementlorsque celle-ci se donne uncaractère professionnalisant,comme c’est le cas de bon nombred’offres de formation dans les IES

en Afrique subsaharienne. Ence sens, la qualité d’une offre deformation peut être amélioréepar les apports de compétencesdans ses programmes éducatifs9.Choisir un certain nombre decompétences comme nalités desformations suppose cependantque l’on soit capable de lesidenti er et de les nommer. Cequi précède dans le texte suggèred’abord que l’on s’éloigne dela simple écriture d’objectifsgénéraux pour désigner descompétences. Nommer unecompétence est un exercicedifficile. Dans un contextede professionnalisation, unecompétence ne peut être inféréequ’après la description destâches de professionnels enactions dans des situationscaractérisant l ’exercice deleur métier. Il apparait dèslors majeur d’identi er d’abordles principales situations quicaractérisent la professionà laquelle les étudiants sontpréparés. Le pro l de sortie dela formation devrait décrire cessituations que l’étudiant, auterme de sa formation, devraitpouvoir traiter aisément. C’estpar ce premier travail sur lessituations caractérisant uneprofession qu’un programmeéducatif pourra ensuite entrerdans une approche qui permet

9- Voir Jonnaert, 2015b.

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aux étudiants de développerdes compétences. Ce travail surles situations est majeur. Qu’ils’agisse d’un futur historien,d ’un in format i c i en , d ’unmédecin, d’un géologue ou d’unenseignant, c’est par l’analysedes pratiques professionnelles,avec les professionnels eux-mêmes, que ces situationspeuvent être dégagées, analyséeset décrites. Dans le cadre decerta ines format ions , cesanalyses préalables permettentla création de simulationsvirtuelles mettant l’étudiantdans des situations en touspoints semblables à celles de lavie professionnelle. C’est le casdes simulateurs utilisés pour laformation des pilotes d’avion, desfuturs of ciers de marine et dansbien d’autres formations. Parexemple, à l’Université Harvard,un tribunal fictif est créé enfaculté de droit où les étudiantsjouant tantôt le rôle de la défenseou celui de l’accusation simulentdes procès. Ces situations, sousforme d’études de cas, sont deplus en plus fréquentes dansles formations en enseignementsupérieur. Elles permettent ledéveloppement de compétencespar les étudiants qui sontamenés à traiter très rapidementdes situations caractérisantleur future profession. Parcette entrée par les situations,les compétences participent

certainement à l’améliorationde la qualité des formations.Mais il ne s’agit là que desimulations! L’amélioration desoffres de formation dans uneperspective de développement decompétences par les apprenantsn’est possible que si un réelarrimage est assuré entre lesmilieux de pratique et lesformations. C’est parce qu’ilrencontre les professionnels,les observe, participe à leursactivités et, progressivementréalise en autonomie des tâchesde ce milieu de pratique, traitedes situations, que l’étudiantdéveloppe progressivementdes compétences. En ce sens,l’introduction du développementde compétences dans les nalitésd’une offre de formation dépasseles questions techniques decodification des compétencesdans des programmes éducatifs.Une telle nalité exige un travailsur les milieux de pratique pouridenti er un certain nombre desituations, mais il exige aussila mise en place d’un véritablepartenariat avec les milieux depratiques qui sont, dans le tempslong de la formation, le lieu dudéveloppement des compétences.

Ce texte montre toute lacomplexité, mais aussi lesdif cultés inhérentes à une réelleutilisation des compétencespour améliorer la qualité des

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formations dans les IES. Unetel le approche bouleverseradicalement les pratiquestraditionnelles de l’enseignementdans les IES. Elle nécessiteun véritable engagement desenseignants dans une pédagogieuniversitaire qui se démarque despratiques usuelles de formationdans de grands amphithéâtres.Au département de biologiede l’Université du Québec àMontréal, les étudiants sontformés à travers des études de caset des résolutions de problèmes,tantôt en laboratoires, tantôtsur le terrain. Cette formationest très exigeante, autantpour les étudiants que pourles professeurs. Une enquêteréalisée récemment auprès desdiplômés de ce programme meten évidence que ces derniersévoluent très bien dans leursmilieux professionnels. Ils nemaitrisent pas seulement dessavoirs dans leur discipline,confrontés à des situations,ils ne sont pas désemparés etpeuvent s’y engager pour latraiter. Ils reconnaissent l’effetde leur formation qui ne lesa pas considérés comme desimples réceptacles de savoirs,mais plutôt comme des futursbiologistes devant être capablesde traiter des situations dela vie professionnelle d’unbiologiste. Ce type d’approche

se généralise dans les universitésen Amérique du Nord. Par laprise en considération d’uncertain nombre de situationscaractérisant les professions,la qualité de ces formationsest certainement améliorée,par l’articulation des milieuxde pratique aux formations, ledéveloppement de compétencesdevient une réalité et l’audacede enseignants se dégageantdes modèles classiques de lapédagogie de l’enseignementsupérieur.

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ANNEXE-1Liste des experts ayant

participé au projet

Attias-Delattre Véronique,Université Paris-Est, Marne-la-Vallée, France

Ayot te -Beaudet Jean-Philippe, Université du Québecà Montréal, Québec, Canada

Barry Abdoulaye, Institutinternational de renforcementdes capacités en Afrique del’UNESCO, Éthiopie

B o u k a r K o u r a R o u a ,Directrice du curriculum et de leréforme de l’enseignement, Niger

Carlier Ghislain Universitécatholique de Louvain, Belgique

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De se Rosette, Université deSherbrooke, Québec, Canada

De Ketele Jean-Marie,Université catholique de Louvain,Belgique

Depover Christian, Universitéde Mons et Université libre deBruxelles, Belgique

Diallo Soumana Hamidou,UNICEF, Niger

Durand Marc, Université deGenève, Suisse

Furtuna Danila, Universitédu Québec à Montréal, Québec,Canada

F usaro Magda Université duQuébec à Montréal, Québec,Canada

Golly Lazarre, Inspecteur del’enseignement secondaire, Côted’Ivoire

Ji Lili, Bureau internationalde l’éducation, UNESCO, Suisse

Jonnaert Philippe, Université

du Québec à Montréal, Québec,Canada

Mata José , Un iv e r s i t ép é d a g o g i q u e n a t i o n a l e ,République Démocratique duCongo

M o t t i e r - L o p e z L u c i e ,Université de Genève, Suisse

M w e n y e b a t u M b a w a ,UNESCO, Burundi

Nyungeko Paul, conseillerpédagogique, Burundi

Ntibakije Pie, UNESCO,Burundi

Opertti Renato, Bureauinternational de l’éducation,UNESCO, Suisse

Sambote Joëlle, Université duQuébec, Québec, Canada

Tardif Maurice, Université deMontréal, Québec, Canada

The r r i au l t Genev i è v e ,Université du Québec à Rimouski,Québec, Canada

Philippe Jonnaert et al., Résultats d’une recherche exploratoire sur la notion...

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ANNEXE-2Grille d’analyse de la trame conceptuelle et de la dé nition

de la notion de compétence

5 = Entièrement en accord ; 4 = En accord ; 3 = En désaccord ;2 = Entièrement en désaccord ; 1 = Ne sais pas/Ne s’applique pas

Propositions ÉchelleRemarques et suggestions

Cadre situationnel (CS)

(CS1) - C’est dans une situation qu’unecompétence se construit et se développe.

1 2 3 4 5

(CS2) - Une compétence construite dans unesituation d’une famille peut ensuite s’adapter àd’autres situations de cette famille.

1 2 3 4 5

(CS3) - Un contexte permet aux personnes deconstruire le sens de la situation dans laquelleils agissent.

1 2 3 4 5

2. Cadre (champ) d’expérience (CEX)

(CEX1) - Les traitements plus anciens ont, ou non, permisd’aboutir à une compétence. 1 2 3 4 5

(CEX2) - C’est par l’identi cation des propriétés communes entreles situations anciennes et la nouvelle situation que la personnepeut adapter un traitement déjà expérimenté à une nouvellesituation comme aux situations plus anciennes.

1 2 3 4 5

(CEX3) - Ces connaissances et ces compétences sont adaptables,ou non, à la nouvelle situation. Dans ce cas, elles sont viables,ou non, à la nouvelle situation.

1 2 3 4 5

3. Cadre d’actions (CA)

(CA1) - Une catégorie d’actions peut s’inscrire dans une ouplusieurs familles de situations. 1 2 3 4 5

(CA2) - La mise en œuvre des actions nécessite la prise enconsidération des ressources et des contraintes relevantautant de certaines circonstances de la situation que despersonnes.

1 2 3 4 5

(CA3) - Un traitement peut être adapté à d’autres situationsquasi isomorphes appartenant à la même famille de situations. 1 2 3 4 5

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4. Cadre de ressources (CR)

(CR1) - Plusieurs ressources, dont des ressources cognitives, sesituent dans une intersection entre le cadre des ressources etle cadre relatif au champ des expériences des personnes.

1 2 3 4 5

(CR2) - Certaines circonstances de la situation peuvent deve-nir des obstacles au traitement de la situation, auquel cas, lasituation devient une situation – problème.

1 2 3 4 5

(CR3) - L’appel aux ressources externes est une forme d’ouver-ture des situations. 1 2 3 4 5

5. Cadre d’évaluation (CEV)

(CEV1) - Un traitement réussi d’une situation est aussi untraitement socialement acceptable autant dans sa démarcheque dans ses résultats.

1 2 3 4 5

(CEV2) - Les critères, lorsqu’ils n’apparaissent pas dans letraitement de la situation, permettent d’identi er les modi ca-tions à apporter à la situation a n que celle-ci soit traitée avecsuccès.

1 2 3 4 5

(CEV3) - La compétence décrite dans le cadre d’évaluation estun exemple de traitement compétent que les personnes peuventdévelopper au terme du traitement de la situation.

1 2 3 4 5

Zinsou Edmé M. Y., Quelle évaluation performante des étudiants...

129

Q U E L L E É V A L U A T I O N P E R F O R M A N T ED E S É T U D I A N T S P O U R L ’ U N I V E R S I T É E NCÔTE D’IVOIRE ?

Zinsou Edmé Michel YambodéMaître de conférences en sciences de l’éducation

Université Félix Houphouët-Boignycourriel :[email protected]

Résumé

L’évaluation est une activité(multiforme) qui consiste à poserun jugement de valeur et à déciderd’une action à entreprendre en tenantcompte des résultats de la mesureet d’un ensemble de critères desatisfaction adéquats aux objectifsfixés au départ. Compte tenu desconséquences qu’elle peut engendrerpour l’apprenant, l’enseignant etl’institution tout entière, pour nous,il est absolument nécessaire detenir compte de sa complexité a nde la rendre moins mécanique. Parconséquent, il faut, dans le contexte debasculement intégral dans le système

LMD actuel en Côte d’Ivoire, introduireune souplesse dans sa conception eny incluant une dimension humaniste(évaluation humanisée) qui nouspermettra d’amorcer efficacementle basculement sans grand heurt.Ce travail a pour but de réfléchirsur un mécanisme ef cace à mettreen place pour rendre puissantel’évaluation des apprentissages,malgré les effectifs pléthoriques, dansl’amorce du basculement intégral dusystème LMD dans notre Université.

Mots c l és : Andragogie ,Docimologie, Évaluation, Évaluationformative, humanisée Évaluationsommative.

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INTRODUCTIONL ’ é va lua t i on f o rma t i v e

«humanisée» comme alternative

Quelle évaluation performantepour l ’Université en Côted’Ivoire ? Telle est la questionprincipale d’une problématiquesur l’efficacité de l’évaluationde l’université en général etparticulièrement de l’universitéde Côte d’Ivoire. En effet, tout lemonde se plaint que les étudiantsformés à l’université ne répondentpas aux attentes de la sociétésur le plan de leur ef cacité etque certainement un pan decette grande problématique sesituerait à notre sens au niveaude l’évaluation. Aussi, tel que laquestion est posée, notre travailn’abordera-t-il pas le volet del’évaluation institutionnelle quiest une activité qui permet àl’établissement de se connaître, de xer et de suivre ses objectifs dansle cadre des grandes orientationsarrêtées par l’État, de détecter sesdysfonctionnements et à mettre enœuvre des actions d’amélioration? Au contraire, nous orienteronsnotre ré exion sur l’évaluationdes apprentissages des étudiantsdans le système Licence MasterDoctorat (LMD) qui est un volettrès important qui joue defaçon insidieuse un rôle dansl’évaluation institutionnelle,parce qu’explorant le domaine

de la formation qui est un aspectsur lequel doit porter l’évaluationinstitutionnelle. Car selon nous,la performance ou la qualité d’unestructure de formation dépenden grande partie de la qualitédes produits nis issus de cettestructure. C’est pourquoi l’objetde notre travail est de ré échir, àpartir de notre praxis, en pédagogieparticulièrement en évaluation desapprentissages, sur le mécanismeà mettre en place pour évaluerefficacement les étudiants desuniversités ivoiriennes appliquantle système LMD malgré leurseffectifs pléthoriques.

Ainsi, l’objectif général estde voir dans quelle mesurenous p ouvons app l i qu e rles concepts bas iques del’évaluation des apprentissages,de façon opérationnelle, dans desuniversités en plein basculementintégral dans le système LMD.

Cinq objectifs spéci ques sontvisés au terme de ce travail, àsavoir-être capable de :- dé nir, de façon opérationnelle,

l ’ é v a l u a t i o n d e sapprentissages ;

- décrire les caractéristiques del’évaluation sommative ;

- décrire les caractéristiques del’évaluation formative ;

- dégager les caractéristiquesde l’évaluation formative ditehumanisée ;

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- dégager l es l im i t es del’évaluation formative dite«humanisée».

Aussi orienterons-nous notreré exion en trois temps.

Dans un premier moment,nous ferons d’abord un rappelde définitions de l’évaluationdes apprentissages pour ensuitedégager la nôtre qui nous servirade fil d’Ariane et enfin nousprésenterons les différents types.

Dans une seconde partie,nous aborderons l’évaluationformative avec une varianteque nous in t rodu i rons :l’évaluation humanisée qui, ànotre avis, semble être pertinentepour rendre l’évaluation desapprentissages ef cace dans lesystème LMD à l’université.

Enfin, en troisième temps,nous exposerons les limites de cetype d’évaluation au regard desréalités actuelles et nous feronsquelques recommandations.

1) Approche dé nitionnelledu concept de l’évaluationde l’apprentissage et diffé-rents types

Partout, dans notre vie, onparle d’évaluation au point qu’ilest devenu un terme fourre-tout qui s’applique à toutesles activités sociales. Dans ledomaine socio-économique, letriptyque « efficacité, impact,

pertinence » en constitue le soclede cette activité avec la Gestionaxée sur les résultats (la GAR).Au plan pédagogique ces troisaspects existent autrement,mais pas de façon perceptible.Ce qui rend le concept ambigu etpolysémique. Ainsi, pour certainsauteurs comme Thorndike etHagen le terme évaluation esttrès apparenté à la mesure, ilest quelquefois plus inclusif,englobant des jugements formelset intuitifs et les aspects de l’acteà juger.

Ebel corrobore cette positionen concevant l ’évaluationcomme : « Un jugement de mérite,parfois fondé exclusivement surla mesure, comme les donnéesfournies par le rendement auxtests, mais qui implique leplus souvent la synthèse deplusieurs mesures... » Cetteposition qui fait équivaloir à: Évaluation et Mesure est laplus ancienne des visions del’évaluation. Elle se symboliseainsi : E ≡ M (comme dans lesmathématiques, le symbole ≡signi e : identique à…). Elle atoujours ses hérauts comme lesadministrateurs scolaires, lessuperviseurs de programmeset les parents d’élèves. Quantà Tyler l ’évaluat ion est :« Un processus qui consisteessentiellement à déterminerdans quelle mesure les objectifs

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d’éducation sont en voie d’êtreatteints par le programmed’étude et de cours. Cependant,comme les objectifs d’éducationvisent essentiellement à changerles êtres humains c’est-à-direque le but est de produiredans le comportement desétudiants certains changementssouhaitables, alors l’évaluationest le processus consistantà déterminer dans quel lemesure ces changements decomportements sont entrainde se produire ». Pour lui,l’évaluation serait en d’autrestermes la congruence entre laperformance et les objectifscomportementaux.

E ≡ (Performance ≈ Objectifs)(≈ signi e congruent avec…)

Avec cette vision behavioriste,on se rapproche un peu de lavision de R. F. Mager, selonlaquelle un objectif est dit atteint,lorsqu’il est équivalent ou égal àla performance produite parl’apprenant.

P o u r d ’ a u t r e s a u s s il’évaluation serait identique aujugement professionnel.

E ≡ J.P

C’est le fait de choisir sapratique comme référentiel decomparaison.

L’exemple le plus évidentde cette définition se trouve

dans les traditionnelles journéesd’inspection et les utilisationsdes panels d’experts qui tamisentles données, à partir de leursexpériences, de leurs expertises,en vue d’émettre enfin unjugement qui est l’évaluation.

Avec ces dé nitions, on perçoitainsi l’aspect polysémique de ceconcept. Aussi sommes-nousalors en droit de nous demanderquelle dé nition opératoire peut-on donner à l’évaluation desapprentissages, a n qu’elle soitobjective et univoque.

Pour nous, l’évaluation del’apprentissage serait alors touteactivité qui vise à analyser et àinterpréter des résultats ou desindices provenant de la mesureafin de prendre les meilleuresdécisions. En d’autres mots,évaluer, c’est accorder une valeurà un résultat de la mesure etavoir aussi, un critère ou unenorme de comparaison a n desituer ce résultat dans un cadrede référence. À l’analyse de cettedéfinition, la mesure est enamont et la prise de décision enaval du processus de l’évaluationdans l’enseignement.

La mesure est représentée partoutes les activités qui se font envue de recueillir les données oules prestations des apprenants.C’est pour cela que les questionsd’examen ou d’interrogationdoivent être congruentes avec

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133

les objectifs d’apprentissage. End’autres termes, l’instrumentd’évaluation doit être valide,fiable ou objectif. La prise dedécision est d’aussi d’égaleimportance que la mesure. C’estelle qui donne de la valeur auprocessus entier d’évaluation.Ainsi, l’évaluation joue troisrôles essentiels au niveau del’apprenant ; à savoir les rôlesde pronostic, de jaugeage et dediagnostic. Elle a égalementpour objets l’enseignement,l’enseignant et l’étudiant - cequi est notre centre d’intérêt. Autotal, elle peut se classer en deuxfamilles : l’évaluation sommativeou bilan et l’évaluation formative.En effet, ces dernières annéesl’évaluation des apprenants asubi des changements majeurs.Ainsi un examen en profondeurdes fonctions de l’évaluationen général a donné naissanceà une typologie de l’évaluation,dans laquelle, l’évaluation desapprentissages apparaît sousdeux facettes : l’évaluationsommative ou bilan et l’évaluationformative.

L’évaluation sommative oubilan est une évaluation quisurvient à la fin d’une étapeimportante de la scolarité desétudiants comme la n d’un cours,d’un programme d’études ou d’uncycle. Elle ne vise pas à dépisterdes dif cultés d’apprentissage

chez l’apprenant, en vue de luiapporter des correctifs. Mais ellea plutôt un caractère terminal etelle est souvent associée à desactivités comme la certi cation,l’attestation, la promotion, lasélection, etc.

Le contexte de certainesprises de décisions qui font suiteà une évaluation sommativecommande habituellement unecomparaison entre plusieursétudiants, ce qui implique le plussouvent une mesure normativefaite en fonction d’une norme quiest habituellement imposée parl’administration ou quelquefois,exprimés par la moyenne desrésultats obtenus par l’ensembledes étudiants à une épreuvede rendement. Cette mesurenormative vise à situer la positionde l’étudiant dans son groupesur une échelle applicable à lacaractéristique envisagée.

Elle ne porte que sur unpetit échantillon des cours ethabituellement que sur lesobjectifs jugés les plus importants( ous).

Cette évaluation, comme nousl’avons précédemment dit, sefait par rapport à des normes,plutôt qu’à des critères. Elle estpar conséquent normative. Maiselle pose beaucoup de problèmesau niveau de sa validité et de sa abilité.

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Q u a n t à l ’ é v a l u a t i o nformative de l’apprentissage,elle est dé nie comme étant unensemble de jugements portésà divers moments pendant ledéroulement d’un cours dans lebut d’assurer la progression dechaque élève vers l’atteinte desobjectifs terminaux. Elle a pour nalité d’aider l’étudiant en luiindiquant soit s’il peut continuerdans le programme, soit s’il doity faire un retour a n de comblerdes lacunes du côté de sonapprentissage. Une telle décisionest prise par l’enseignant et danscertains cas par l’étudiant lui-même ; c’est en ce sens que cetteévaluation implique une doublerétroaction au niveau de :

- l’étudiant, pour lui indiquer lesétapes qu’il a franchies dansson apprentissage ;

- l’enseignant, pour lui montrercomment se déroule sonprogramme pédagogique dé nien termes de comportementsobservables et les obstaclesqui se présentent à lui.

Auss i l es ép reuves del’évaluation formative doivent-elles être en adéquation avecle contenu des cours, parvoie de conséquence avec lesobjectifs spécif iques. Ellesdoivent permettre de mesurer,pour chaque étudiant, le degréd’atteinte de chacun des objectifset le comparer avec un seuil

de performance déterminé. End’autres termes, l’évaluationformative vise à améliorerl’enseignement et l’apprentissageet non à simplement classer ounoter les étudiants.

Elle est souvent reliée à ceque l’on appelle « le mastery-learning » la compétence assuréepar tous les étudiants. C’est-à-dire qu’un grand nombred’étudiants doivent maîtriserles objectifs enseignés. Dans cecontexte, l’on xe assez souventce que doit maîtriser l’étudiantpour remplir les exigencesminimales du cours afin quetout objectif essentiel soit atteint.

L’évaluation formative porteainsi sur des petites partiesde matières homogènes afind’être utile à l’étudiant. Cespetites parties permettent auxapprenants d’avoir le temps derevenir sans trop s’égarer sur cequ’ils n’ont pas compris.

C e t t e é v a l u a t i o n e s ttransparente ; c’est-à-dire queles étudiants savent ce quel’enseignant attend d’eux. Il n’ya pas de jeu de cache-cache.Elle conduit habituellementà l ’ i n d i v i d u a l i s a t i o n d el’enseignement, au respectdu rythme d’apprentissage etentraîne aussi une modi cationdu rôle du professeur quidevient plutôt un guide qu’undispensateur de connaissances.

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135

Au total, l’évaluation formativeexige une plani cation des coursbien pensée et très poussée. Maisdans la pratique, elle semble êtremécanique, pour l’enseignantuniversitaire ivoirien, lorsqu’ilessaie de l’appliquer ; cela,sans doute, à cause de l’effectifpléthorique. Ainsi, il n’adoptepas de l’empathie à l’endroitde l’apprenant. C’est pourquoinous préconisons un autre typed’évaluation plus humaniste qui,à notre avis, peut combler leslacunes dues aux grands nombresdes étudiants. Cette évaluationnous l’appelons « l’évaluationformative humanisée ».

2) L’évaluation formative hu-maine ou humaniséeQu’entendons-nous par

évaluation formative humanisée ?Cet adjectif «humanisée» quiqualifie davantage le conceptd’évaluation formative nousrenvoie à la pédagogie humanisteavec Comenius, Pestalozzi et CarlRogers dont la vision fondamentalemet l’accent sur l’amour del’homme et il insiste sur la nécessitéque l ’enseignant établ isseune relation de personne avecl’apprenant. Car comme l’estimeKathryn Wentzel1 de l’Universitéde Maryland, les enseignants

1- Cité par Lecomte Jacques dansune communicationsurl’éducationhumaniste au 21ème congrès de l’AFPEN2009.

efficaces fonctionnent commede bons parents auprès de leursélèves. En effet, « humanisé » pournous veut dire en rapport avecl’homme, l’humain par oppositionà mécanique, automatique. C’estd’ailleurs ce que disent Aspy etRoebuck : «Nous tenons à préciserqu’on ne peut pas séparer lesméthodes d’enseignements detoute préoccupation «humaniste».Seuls les enseignants qui ontappris à se servir de modes decommunication interpersonnelleefficaces peuvent transmettreleurs connaissances ou leursaptitudes à leurs élèves. Lesenseignants qui ne savent pascommuniquer ef cacement avecleurs élèves ne neutralisent pasle développement de ceux-ci,mais le retardent». C’est-à-direque l’évaluation ne doit pas selimiter seulement à donner unenote. À l’université, l’étudiantest transformé, il n’est plusl’adolescent à qui l’enseignantapplique la pédagogie. Il estmature et il a des responsabilités.En d’autres termes, il est devenuun adulte et par conséquentl’enseignant doit lui appliquertoute la méthodologie del ’andragogie. L ’évaluationformative humanisée est uneévaluation qui regorge toutes lesqualités de l’évaluation formativedécrite ci-dessus et elle doit enplus s’appuyer sur le triptyque

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rogérien2 — empathie, congruenceet acceptation inconditionnelled’autrui — qui permettra àl’apprenant de se sentir unepersonne avec l’approche centréesur la personne de Carl Rogers(ACP). Sa particularité est qu’ellemet l’apprenant au centre del’acte d’évaluation et elle doit,pendant le processus, suivre cessept points :

- La co nna i s s ance d el’apprenant :

L ’ e n s e i g n a n t s e d o i tde connaître son apprenanten établ issant des f ichesd’identi cation à chaque nouveaucours ou TD/TP avec le nom,l’âge, la situation matrimoniale,le logement, le nombre d’enfants,sa situation nancière pour lesétudes. Ces renseignements luipermettront déjà d’avoir unevision macroscopique de sonapprenant, voire de son cadrede référence. Ils lui permettrontde réaliser un diagnostic de sontravail a n de le guider en casde défaillance. L’enseignant doitêtre, pour lui, plutôt un coachqu’un dispensateur de savoir. Ildoit, au cas où il constaterait desinsuf sances au niveau de sontravail, les lui signi er. Ainsi, ilpourra créer avec lui une relationde confiance qui favoriseraitl’empathie.

2- Emanant de la philosophie de Carl Rogerspère de lanon-directivité.

- Le choix des instrumentsd’évaluation et la formation dessujets ou questions :

Cet aspect nous paraît capital,car beaucoup d’enseignantsne savent pas qu’il existeune panoplie d’instrumentsd’évaluation. Ainsi, ils font defaçon mécanique un choix. Eneffet, il existe plusieurs typesd’ instruments d’évaluationallant des instruments de typestraditionnels – dissertation,questions rédactionnelles —aux questions à correctionsobjectives qui comportent lafamille des items énoncés, avecles items phrases à compléter, etles questions à réponses ouverteset courtes (QROC) et la famille desitems choix qui sont les pairagesparfait/imparfait, les items choixdouble ou vrai-faux, les questionsà choix multiple.

La construct ion de cesinstruments doit être en rapportavec les objectifs spécifiquesdes cours. Ces instrumentsdoivent, en fonction des annéesd’enseignement, scruter lesdifférents niveaux taxonomiques ;surtout pour ce qui est de lataxonomie de Bloom. Pour lesystème LMD à l’université, euégard à l’effectif pléthoriqued’une part et la validité desquestions d’autre part, il estconseillé d’utiliser des questions

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à corrections objectives avec uneclé de correction claire. Ce typed’épreuve a pour avantage defaciliter la correction au niveaude l’enseignant perclus de copies.Au cas où celui-ci utiliserait, pourune évaluation, un instrumenttraditionnel - dissertation écrite,commentaire de texte, questionsrédactionnelles - il est souhaitableque les corrections des copiessoient annotées a n de fournirune rétroaction à l’apprenant.C’est à partir de ce momentque l’enseignant doit mettre enpratique le volet humaniste de sapratique (l’empathie) pour aiderl’étudiant à combler ses lacunes.

- L’empathie :

C’est le fait d’entrer en l’autrepour le comprendre sans apriori. Cette pratique sécurisedavantage l’apprenant timoré etelle crée un climat de con anceentre l’enseignant et l’étudiant.

- L ’ a c c e p t a t i o ninconditionnelle de l’étudiantpar l’enseignant :

Il s’agit d’accepter l’étudiant telqu’il est dans l’ici et maintenant(hic et nunc) avec le cadre deréférence qui lui est propre.En d’autres termes, dans unevision positive de l’être humain,l’enseignant doit adopter enverslui une attitude chaleureuse etencourageante a n de faciliter

leurs relations. C’est-à-dire aumoment où il reçoit l’étudiantpour l’orienter dans son travailpersonnel (TPE), il doit alorsêtre réceptif, l’aider et le guidercalmement a n de l’amener àdévelopper son potentiel.

- Correction des copies :

Au niveau de la correction desexamens (sujets rédactionnels),l’enseignant doit annoter lescopies comme s’il s’agissaitd’une communication verbaleou interpersonnel le entrel ’ apprenant e t lu i . Cet tepratique a pour avantage de xer des repères qui l’aideront àexpliquer aisément à l’étudiantses insuffisances, en cas deréclamation (si la réclamationest acceptée par le départementou le décanat). Elle exige alorsde l’enseignant une présencequasi-permanente au sein de sastructure ou de son laboratoirea n de faire un suivi rigoureuxde ses étudiants. Pour lacorrection des examens avecdes questions à correctionsobjectives – comme dé nies ci-dessus – le problème ne se posepas. Car les informations luisont déjà fournies sur la copie.Au total, l’enseignant dans sonagissement doit mettre l’étudiantau centre de cette pratique et letraiter avec respect et dignité.

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- Le counseling :

Il est apparenté à l’empathie.C’est un mécanisme sûr etcon dentiel qui permet à celuiqui est conseillé de parler de cequi se passe dans sa vie sans qu’ilsoit jugé. Il est con dentiel. C’estun processus d’apprentissagequi fournit au client de nouveauxrenseignements. L’enseignant enl’utilisant peut aider l’étudiant,à satisfaire ses insuf sances auniveau de son apprentissage,en lui donnant des conseilspratiques pour résoudre sesproblèmes universitaires et àgérer son stress, son angoisse.Cette relation d’aide invitel’étudiant à avoir une écouteaccrue pour permettre unaccompagnement ef cace toutle long de son parcours et àl’orienter si possible.

- Analyse des résultats desexamens :

C’est une étape importante,mais très souvent ignorée ouoccultée par l’enseignant. Ellesurvient après que l’étudiant ait ni les examens et obtenu lesrésultats. Car pour l’enseignantla rétroaction fournie par lesrésultats des examens nel’interpelle pas parce qu’il pense apriori que les instruments utiliséssemblent avoir été validés. Celan’est pas suf sant. L’analyse desrésultats des examens est un

bon indicateur en docimologie —discipline scienti que consacréeà l’étude du déroulement desévaluations en pédagogie etnotamment à la façon dontsont attribuées les notes parles correcteurs des examensscolaires et universitaires —et elle permet de révéler àl’enseignant si ses étudiants ontmaitrisé les objectifs visés, sison enseignement répond auxobjectifs xés et si les questionsdes examens ont une valeur.C’est ce que disent HuguetteBernard et France Fontaine :« L’analyse des questions peutvous révéler si vos étudiantsmaitrisent bien les objectifs quevous souhaitez voir atteindre, sivotre enseignement répond auxobjectifs xés et en n la valeurde vos questions ». Cette analysepermet également de voir larépartition des choix de réponsespar questions ainsi que les indicesde dif cultés — accessibilité dela question et de discrimination— qui permettent de biendiscriminer les étudiants faiblesd’avec les forts. C’est d’ailleursce que préconisent Michel D.Laurier, Robert Toussignant etDominique Morissette « L’indicede discrimination d’un itemindique si les élèves les plus fortsdans l’ensemble de l’examen ontmieux réussi cet item que lesélèves les plus faibles ». Ainsi,

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si l’enseignant a une formationsur les techniques d’analyse desquestions, il pourra se constituerplus tard une banque d’itemspour les examens et les concours.

On est alors en droit de sedemander : Comment peut-onappliquer ce processus pourune évaluation humanisée ?L’idéal serait d’appliquer cessept points, mais en utiliserquelques-uns serait déjà uneamorce pour une évaluationformative humanisée, car celan’est pas aussi facile. Aussi,cette pratique présente-t-elle deslimites et pour qu’elle soit ef caceà l’université ? Nous feronsquelques recommandations.

3) Limites et Recommanda-tions

3.1) Limites

L’évaluation formativehumanisée peut susciter desproblèmes tant au niveau desapprenants, des enseignants quede l’institution.

- Au niveau des apprenants :

D’abord, il est dif cile de faireaccepter à certains apprenantsla modification des règles dujeu qu’impose l ’évaluationformative ; à savoir suivre lesétudiants pour qu’ils maitrisenttous les objectifs. Les étudiants

qui sont pour la première foisen contact avec l’évaluationformative sont anxieux s’ils nese retrouvent plus dans leursanciennes habitudes. Il faudraitalors qu’ils soient aussi forméspour ce type d’évaluation.

Il faut que l’apprenant aitla culture de rencontrer sonenseignant pour en savoir plussur sa production au-delà de lanote chiffrée.

- Au niveau des enseignants :

Le professeur qui arrivedif cilement à être en contactavec l’apprenant éprouverade grandes dif cultés dans cetype d’évaluation où il fautcomprendre l’autre et l’acceptersans a priori. Le problème dedisponibilité peut aussi se poserchez l’enseignant qui investiraittout son temps en vue de rendreses formés performants. Leseffect ifs pléthoriques sontaussi un grand handicap pourl’ef cacité de ce type d’évaluation.

Le manque de bureaui n d i v i d u e l p o u r c h a q u eenseignant est, également, unhandicap important pour quel’acceptation inconditionnellede l’étudiant par l’enseignantet le counseling qui sont deuxfondations de base de l’évaluationformative humanisée puisse sedérouler aisément.

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- Au niveau de l’institution :

Puisque l’université exigeprésentement des notes pour lepassage en classe supérieure,il faut donc qu’il y ait unecohérence entre l’évaluationf o r m a t i v e h u m a n i s é e e tl ’évaluation sommative. I lserait parfois dif cile, dans ledélai d’un trimestre ou d’unsemestre, de maintenir deuxsystèmes d’évaluation valides.Exemple : s’il y a respect durythme d’apprentissage, il peutdif cilement y avoir des examensintra-trimestriels à date xe etunique pour tous.

Le manque d’équipementsdans nos universités (locaux,laboratoires de rechercheéqu ipés ) es t une sourced ’ absence de mo t i va t i onchez nos enseignants pourentreprendre des innovationsavant l’application intégrale etef cace du système LMD.

3.2) Recommandations

• Sens ib i l i ser , de façonef cace, les apprenants etles enseignants au niveaude cette nouvelle approcheévaluative, en organisant desateliers sur le processus del’évaluation humanisée. C’estau cours de cette formationque seront détaillés les septpoints clés de l’évaluationhumanisée.

• Développer davantage laformation des enseignantsuniversitaires à la pédagogieuniversitaire et à l’analysedes items, à l’andragogie età la docimologie.

• Former les enseignants à laconception des questionsà choix multiples (QCM)et questions à réponsescourtes et ouvertes (QROC)a n de faciliter, d’une partla correction et d’autre partde corriger objectivementet analyser les questionsd’examen.

• S e n s i b i l i s e r a u s s il ’ inst i tu t ion sur cet tepratique de l’évaluation.

• Construire ou à défautcloisonner certains grandsbureaux pour que chaqueenseignant ait un espaceoù il pourra appliquer avecl’étudiant les principes del’acceptation inconditionnelleet le counseling.

• Les locaux des enseignantsdoivent, par conséquent,être équipés d’ordinateurset d’ internet pour leurpermettre de constituer desbanques d’items de leursexamens. Ces équipementsles aideront à conserverles rapports pédagogiquesqui sont faits au niveau dechaque étudiant. Il en demême pour les laboratoiresde recherche.

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CONCLUSIONL’évaluation des apprenants

est un maillon important del’évaluation institutionnelleet elle joue sur sa qualité.Étant à la fin du processusenseignement-apprentissage,elle valide l’intention souhaitéeé m i s e p a r l e s o b j e c t i f sd’apprentissage. L’évaluationformative est un moyen deréguler les apprentissages. Sonbut principal n’est pas de jugerou de classer l’étudiant et lesfonctions essentielles qui luiincombent sont la rétroaction etla prescription de correctifs. Cesfonctions sont une puissante basepour l’évaluation humanisée. Etl’utilisation de ses sept pointsest une attention qu’on porteà l’apprenant. Aussi pensons-nous que l’évaluation formativehumanisée est une amorce à lapratique du système LMD enattendant que sa philosophie,d’une part, soit acceptée etpratiquée par les enseignantset d’autre que l’environnementsoit approprié. Car le manquede bureau individuel pourchaque enseignant est unhandicap important pour quela pratique de l’acceptationinconditionnelle de l’étudiantpar l’enseignant et le counseling,qui sont deux fondations debase de l’évaluation formativehumanisée, puisse se dérouler.

C’est pourquoi, à notre avis, elleparticiperait de la performanced’un système éducatif, voiremême de l’amélioration de laqualité de l’évaluation pour unsystème éducatif performant,plus particulièrement pourl’université.

RÉFÉRENCESBIBLIOGRAPHIQUES

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ANALYSE DES DÉTERMINANTS DE LA PERFORMANCESCOLAIRE DES ÉTABLISSEMENTS DU SECONDAIREPUBLIC AU BACCALAURÉAT, SESSION 2015 : CAS DE LACÔTE D’IVOIRE

Kouakou Noël1

Francis Bouah Kablan2

Ministère de l’Éducation Nationale et del’Enseignement technique, Côte d’Ivoire1- Inspecteur de l’Enseignement [email protected] Inspecteur Général de l’Éducation [email protected]

RÉSUMÉCet article présente une analyse

des facteurs qui déterminentl es pe r f o rmances s co l a i r esdes établissements scolaires dusecondaire général au concours de2015 en République de Côte d’Ivoire.Si les effectifs scolaires, les tauxd’accès et les taux d’achèvement ontglobalement augmenté, le Systèmeéducatif ivoirien est confronté,aujourd’hui encore, à des défismajeurs : une qualité de l’éducationprimaire encore insuffisante pourassurer un savoir lire durable auxsortants du système, une faiblesse et

une forte disparité des résultats auxexamens nationaux.

Après avoir décrit le contexteet la justification de l’étude, lesauteurs précisent leur méthodologieet les résultats de leur recherche.L’article établit des liens entredes variables environnementaleset des paramètres d’organisationdes établissements scolaires pourexpliquer la performance scolaire deces derniers au baccalauréat.

Mots clés : Performance scolaire,Baccalauréat, Taux de réussite,Variables environnementales,Paramètres d’organisation.

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INTRODUCTIONL’éducation est un droit

humain. Elle est un catalyseurpour la création d’emplois, lacroissance économique, desvies plus saines et l’égalitédes sexes. L’éducation est unecondition préalable essentielleau développement durable et àl’éradication de la pauvreté.

Pour pouvoir répondre àcette mission, les systèmeséducatifs se doivent d’êtreperformants tant au niveauinterne qu’externe. Étant donnéles coûts d’opportunité pourles familles et la société engénéral, le système éducatif doitfaire en sorte que les élèves quientrent dans un cycle d’étudesdonné puissent terminer enconsommant normalement lenombre d’années-élève prévu(Scheerens, 2000).

Par ailleurs, la reddition decompte occupe une place deplus en plus importante dans lesecteur public. Ce changementamène les institutions publiques,telles les écoles, à implanter desmesures afin d’améliorer leurperformance. C’est ainsi quela réussite scolaire des élèvescontinue de représenter un déimportant pour les gestionnaireset les praticiens en éducation.

La Côte d’Ivoire fait partiedes pays en développement

dont le niveau des acquis desélèves reste relativement faible.En dépit des efforts engagésen vue d’améliorer en partiela qualité des apprentissages,les résultats aux évaluationsnationales révèlent de faiblesniveaux de performance. Dèslors, il convient de revenir surles facteurs qui influencentles performances scolaires desélèves.

C ’ e s t donc dans ce t t eperspective que s’inscrit cetexercice dont l’objectif principalest d’analyser, sur une basefactuel le, les facteurs quidéterminent les performancesscolaires.

Cette étude est le résultatd’une analyse faite par uneéquipe de deux Inspecteurs,dans le cadre de deux sessionsde fo rmat ion , o rganiséespar l’Inspection Générale del’Éducation Nationale et del’Enseignement Technique enpartenariat avec l’Université duQuébec à Montréal (UQAM).

Ainsi, la suite du travails’organise en deux chapitres.Le premier chapitre présentele contexte et la justi cation del’étude, une revue de littératurerelative aux principales variablesqui déterminent les performancesscolaires. Au niveau du deuxièmechapitre, nous traitons de laméthodologie de collecte des

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données, une descr ipt iondes variables retenues, lac o ns t r u c t i o n d u m o d è l ethéorique, les résultats issus del’analyse et leur interprétation.

1- Contexte et justi cationDepuis son accession à

l’indépendance en 1960, la Côted’Ivoire a inscrit l’éducationet la formation au rang deses priorités. Cette décision afait accorder une importancemajeure à l’éducation et plusgénéralement au développementdes ressources humaines.

Son système éducatif estfondé sur le modèle hérité del’époque coloniale ; il comprend :

• l’enseignement préscolaire etprimaire : le préscolaire estessentiellement concentrédans les zones urbaineset connaît une expansionrapide, même en milieu rural.L’enseignement primaire,d’une durée de 6 ans,concerne théoriquement lesenfants âgés de 6 à 11 ans. Ilconduit au certi cat d’étudesprimaires élémentaires(CEPE). L’accès au 1er cyclede l’enseignement secondaire,d’une durée de 4 ans, estsubordonné à la réussite àl’examen du CEPE.

• l’enseignement secondairegénéral, dont le premier cycle

constitue, avec le primaire,l’éducation de base. Le 1ercycle du secondaire estassuré dans des collègeset sanctionné par le Brevetd’études du premier cycle(BEPC). Le deuxième cycle,d’une durée de trois ans,se déroule dans des lycéeset il est sanctionné par leBaccalauréat, qui autorisel’accès au supérieur. Lesecteur privé accueille 49 %environ des effectifs del’enseignement secondairegénéral.

• l’enseignement technique etla formation professionnelle; l’enseignement supérieur; et l ’alphabétisation etl’éducation des adultes.

Trois ministères sont chargésdes quest ions éducat ives: le Ministère de l’ÉducationNationale et de l’EnseignementTechnique (MENET), le Ministèrede l’État, Ministère des AffairesSociales et de la FormationProfessionnelle (MEMASFP) etle Ministère de l’EnseignementSupérieur et de la RechercheScienti que (MESRS).

Cette structuration du systèmeéducatif a été accompagnée demultiples reformes politiquestraduites par des définitionset des mises en œuvre desplans et stratégies nationauxvisant à satisfaire une demande

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éducative sans cesse croissante,à améliorer la qualité du systèmeet la gouvernance du système.

La priorité accordée ausecteur de l’éducation a permisde mobiliser d’importantesressources financières tanten interne qu ’avec l ’a idedes Partenaires Techniques

et Financiers. La part duPIB consacrée aux dépensesd’éducation de 4,7 %, supérieureà la moyenne de la CEDEAO(4,3 %) en 2013. La part desdépenses courantes d’éducationen 2013 est de 29,5 %, biensupérieure à la moyenne desÉtats de la CEDEAO (24,8 %).

Source : extrait RESEN 2015. Chapitre 3, Coût et nancement.

À titre d’exemple, en 2013,les dépenses d’éducation sontévaluées à 733 milliards de FCFAen 2013. Elles ont été multipliéespar 1,5 en termes réels (1,9 entermes nominaux).

Cette mobilisation accrue desressources malgré un contextedifficile a permis d’avoir desrésultats signi catifs dont entreautres :

• Les effecti fs scolarisésont augmenté de manièresignificative à tous lesniveaux d’enseignement ;

• Une couverture scolaireen évolution positive auxniveaux in fér ieurs dusystème scolaire ;

• Une augmentation destous les taux d’accès etd’achèvement à tous lesniveaux d’enseignement,sauf l’achèvement au lycée.

Ma is des dé f i s encoreimportants restent à relever. Eneffet, les premiers résultats del’analyse diagnostic du systèmeétabli en mars 2015, indiquententre autres :

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• Une qualité de l’éducationprimaire encore insuf santepour assurer un savoir liredurable aux sortants dusystème éducatif.

• Une faiblesse des résultatsaux examens nationaux etde fortes disparités y sontobservés :

• CEPE :

○ Taux de réussite moyen : 54 %en 2000 à 82,12 % en 2015 ;

○ Fortes disparités selon lesDREN : 44 % à Korhogo /96 % à Odienne ;

○ Public moins performant :67 % contre 85 % dans leprivé.

• BEPC :

○ Taux de réussite moyen :26 % en 2000 à 58,62 % en2015 ;

○ Varie fortement selon lesannées (avec nette diminutionen 2011-12) ;

○ Disparités selon les DREN :41 % à Divo / 77 % à Duekoue ;

○ Taux un peu meilleur dansle privé confessionnel : 48 %contre 42 % ailleurs.

• Baccalauréat :

○ Taux de réussite moyen :39,66 % en 2015, avec peude variations dans le temps ;

○ Disparités selon les DREN :25 % à Divo, Gagnoa et Sinfra/ 52 % à Abidjan I.

La performance scolairepeut être évaluée de différentesmanières d’abord par (1) lesdéperditions scolaires expriméespar des taux de redoublementset d’abandons indiquent unemauvaise performance et (2) enrevanche, des taux de réussiteélevés aux examens de n decycle, au baccalauréat parexemple, sont des indicateursde bonne performance.

Les études sur les déterminantsdes performances scolairessont riches d’enseignement.Les premières contributions sesont focalisées sur le rôle del’environnement familial dansl’explication de la réussite desélèves. D’autres, plus récemment,ont abordé les facteurs liés àl’établissement scolaire. Pourautant, les contributions récentesmettent en avant l’importance àla fois de l’environnement familialet de l’école.

D e s t r a v a u x s u r l aperformance scolaire en Côted’Ivoire sont assez rares. Lesquelques travaux abordant cesujet ont été réalisés dans lecadre des évaluations de projetsde formation.

Le but de cet exercice estexaminer les facteurs reliésau contexte, à l ’école quiin uence les performances desétablissements scolaires aubaccalauréat du secondairegénéral en Côte d’Ivoire.

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2- Revue littéraire sur la per-formance scolaireLe présent paragraphe fait une

revue de littérature théorique etempirique sur la performancescolaire et le managementorganisationnel.

Les recherches effectuées surl’ef cacité des différents systèmeséducatifs à travers le monde ontpermis d’identi er un ensemblede facteurs de réussite quiconstituent un cadre conceptuelpour aborder la question dela performance scolaire. Cesfacteurs s’articulent autour dedeux grandes théories (1) lesthéories liées à l’apprentissagescolaire et (2) celles ayant porté

l’accent sur le management et leleadership à l’école.

2-1- T h é o r i e s d e l aperformance scolaire liéesaux apprentissages

En effet, la performancescolaire ou encore les écarts deperformances entre les écoles sontexpliqués par des facteurs comme(1) l’origine sociale des élèves, (2)le type d’école fréquenté, (3) desenseignants mieux formés, del’effet-maître, etc.

Le t ab l eau c i - dessousfait une présentat ion desdifférentes théories, des facteursdéterminants ainsi que despersonnes impliquées.

Tableau 1 : Résumé des théories de l’apprentissage expliquant laperformance

Théories Facteurs déterminants Personnes impliquées

Origine sociale des élèves(Bourdieu et Passeron (1970))La variation observée dans laperformance scolaire est due auxdifférences culturelles et socialesdes élèves (niveau d’études,profession et revenu des parents)

Niveau d’études etrevenu des parentsLocalisation de l’école

ParentsDirecteur

Effet-établissement (Beck etMurphy, 1998)La performance scolaire dépenddu type d’établissement fréquenté

Conditionsd’apprentissageLocalisation de l’écoleEnvironnement

DirecteurCommunauté

Effet-maîtres Bressoux (2006)La performance scolaire dépendde la qualité de l’enseignant, sapédagogie sa formation et sesexpériences

Formation des maîtresRégularité des maîtresMéthodespédagogiquesExpérience

MaîtresDirecteur

Effet-classe (Hanushek (1971),(Robin, 2009; Kerckoff ,1986)La performance dépend de lacomposition sociale des classes,du groupe d’in uence

Groupe HomogèneGroupe hétérogèneEnvironnementComposition du publicaccueilli

MaîtresDirecteur

Source : Extrait de thèse

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2-2- Théories du management et du leadership

Certaines théories du management permettent égalementd’appréhender la performance des écoles performance scolaires. Cesont entre autres :

Tableau 2 : Résumé des théories de management expliquant laperformance scolaire

ThéoriesFacteursdéterminants Pers. impliquées

Choix publicCompétition entre les écoles, ellesdeviennent plus performantes. Lesparents choisissent leur établissementscolaire pour envoyer leurs enfants.

Problèmeprincipal-agentCarte scolaire,localisation desécoles

ParentsÉtatDirecteurMaîtres

Autonomie des établissementsTransfert d’autorités du pouvoir centralaux agents de terrain qui coordonnentles activités scolaires, ce qui entraineune meilleure performance.

Problèmeprincipal-agentAllocation desressources

ÉtatDirecteurMaîtresParents

Leadership (Brunet et Boudreault (2001)Le leadership démocratique de Lewin(1938) et participatif de Likert (1961) axésur la participation des acteurs dansle système de gestion garantissant leniveau de performance le plus élevé.

Mécanismes deprise de décisionadoptés par ledirecteurImplication desparties prenantes

DirecteurMaîtresParentsÉlèves

Organisation apprenanteSystème de gestion axé sur l’innovation,privilégiant l’approche inductive,apprentissage collectif.

Capacitésd’innovationImplication desparties prenantes

DirecteurMaîtresParentsCommunauté

leadership partagé (Hatcher, 2005)Changement de paradigme avec le modede gestion tayloriste et fordiste axé surle commandement. C’est le partage dupouvoir entre le chef d’établissementet les enseignants qui peut porter cesderniers à lui obéir.

Implication desmaîtresVolonté dupouvoir central

DirecteurMaîtresGouvernement

Source : Construit par l’auteur

Cette revue théorique de lalittérature sur la performancescolaire présente deux grandescatégories de théories. Le premiergroupe réfère à l’ensemble desthéories de la performance

scolaire relatives au processusd’apprentissage des élèves.Le second a plutôt rassemblél’ensemble des théories dumanagement et du leadership quidérivent, dans la plupart des cas,

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des théories économiques et de lasociologie des organisations. In ne, les deux groupes de théories,même lorsqu’elles diffèrent dansla méthodologie, poursuiventles mêmes objectifs. Il s’agit detrouver les stratégies permettantd’améliorer la performancescolaire.

3- Objectifs

3-1- Objectif principal

L’étude vise à identi er lesliens qui existent entre certainesvariables d’environnement etdes paramètres d’organisationde l’école et les performancesscolaires au baccalauréat.

3-2- Objectifs secondaires

Les objectifs secondaires del’étude sont de :

• C a t é g o r i s e r l e sétablissements scolairesp u b l i c s s u r l a b a s ed’éléments factuels ;

• Identifier les facteurs quiin uent sur les performancesscolaires ;

• Formuler des hypothèsessur les effets des facteursanalysés quantitativement.

4- Limites de l’étudeNotre étude ne porte que sur

les seuls établissements publicset cela à cause de l’indisponibilité

des données pour tous lesétablissements privés présentantdes candidats au Baccalauréat.Par ailleurs, elle est une étudequantitative et pourrait êtreenrichie par une autre plusqualitative.

1- Méthodologie

C e t t e p a r t i e dé c r i t l ap o p u l a t i o n d ’ é t u d e , l e stechniques d’échantillonnageet de collecte de données, laméthode d’analyse des données.

1-1- Présentation des donnéesutilisées

Dans cette section, nousexaminerons les déterminantsde la performance scolaire desétablissements publics au bacen Côte d’Ivoire. Celle-ci peutêtre appréhendée à travers lesrésultats à l’examen nationaldu BAC des élèves qui varienten fonction du contexte danslequel ils évoluent. Ils peuventêtre in uencés en partie par lemilieu social, par l’établissementqu’ils fréquentent.

Avant de présenter l esrésultats de nos différentesestimations, nous présentons lesdonnées utilisées.

Dans ce t r ava i l , nousexploiterons les données issues dela fusion des données provenantde l’évaluation certificative duBAC et de la base des données

Kouakou Noël & Al : Analyse des déterminants de la performance...

151

administratives du ministère,gérées par la Direction desStratégies, de la Plani cation etdes Statistiques (DSPS). Pour cequi est des données de la DSPS,Il est basé sur des questionnairescontextuels (questionnaires élève,enseignant et établissement). Dèslors, il couvre un large éventail devariables.

1-2- L’échantillon

Le s e co nda i r e g éné ra lcomprend des établissementsdu premier cycle (de la 6e à la 3e)et des établissements du secondcycle (de la 2de à la Tle).

Le 1er cycle du secondaireest assuré dans des collèges etsanctionné par le Brevet d’étudesdu premier cycle (BEPC). Ledeuxième cycle, d’une durée detrois ans, et il est sanctionné parle baccalauréat.

Sur l’ensemble des 1050établissements secondaires(privé et publics) présentant descandidats au Baccalauréat, 192établissements sont du public,soit 18,29 %. Notre étude porte surl’ensemble des 192 établissementssecondaires publics.

1-3- Le traitement des données

Les données recueillies ontété analysées statistiquementà l’aide des logiciels Excel etTanagra et présentées dans destableaux.

Nous avons pu sortir desstatistiques descriptives surnotre échantillon et procéderà d’autres tests statistiques etéconométriques indispensablesà notre analyse.

Les analyses factorielles et desrégressions qui sont utilisées,permettent d’identi er l’effet liéà chaque variable ou groupe devariables, les éventuels effetsjoints des facteurs considérés etisoler ainsi, les caractéristiquesliées aux établissements qui sontstables dans la performance.

1-4- Méthode d’analyse

Nous utilisons la fonction deproduction qui offre l’avantaged’identifier par les MCO lesvariables significativementliées à la performance scolairedes é lèves . La démarcheméthodo log ique comportedeux phases (1) une premièredescriptive et (2) la seconde, uneanalyse comparative.

2- Présentation des variables

Nous allons utiliser commevariable dépendante le taux deréussite au BAC pour apprécierles disparités de performanceentre établissements. Parailleurs, les autres types devariables considérées peuventê t r e r e g r o u p é s e n d eu xcatégories. La première regroupedes variables qui sont liées à

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l’établissement. Ces variablessont tirées des questionnairesélève et établissements. Ellessont relatives à (i) l ’effectifd’élèves scolarisés au secondcycle, (ii) le nombre de groupespédagogiques, (iii) la proportionde redoublants, (iv) le tauxd’encadrement et (v) le nombrede candidats inscrits à l’examendu BAC. La seconde réunit lesvariables extérieures à l’école.Il s’agit notamment du milieud’implantation (urbain vs rural)et le régime de l’établissement(mixte, garçon ou lle).

3- Résultats des interpréta-tions

3.1 Analyse descriptiveTableau 1 : Analyse descriptive

des résultats

Attribute Min Max Average Std-dev

Taux deréussite

0 100 49,9653 17,1915

Source : Calcul des auteurs

Notre échantillon comprend192 établissements. Dans cetéchantillon, la variable « Taux deréussite » varie d’un minimum de0 % à un maximum de 100 %,pour une moyenne (Average) de49,97 % et un écart-type (Std-dev) de 17,19 %.

Ce qui signi e que nous avonsenviron 68 % des établissementsdont le taux de réussite au BACest compris dans un intervalle

de 49,97 % + ou – 17,19 % (soit[32,78 % - 67,16 %]).

Il convient d’indiquer que lamoyenne de l’échantillon analysé(49,97 %) est supérieure à lamoyenne globale des résultatsau baccalauréat (public et privé)qui s’établit à 42,55 %.

L’analyse approfondie de lavariable « Taux de réussite »(cf. tableau 2) permet de direque la moitié de l’échantillon aun taux de réussite inférieur à48,72 % (Median) et que 25 %des établissements ont un tauxde réussite inférieur à 38,42 %(1st [Range]).

Tableau 2 : Répartition desrésultats par quartile

Attribute Stats

Taux de

réussite

Statistics

Average 49,9653

Median 48,7150

Std dev.

[Coef of

variation]

17,1915 [0,3441]

MAD

[MAD/

STDDEV]

13,6379 [0,7933]

Min * Max

[Full range]0,00 * 100,00 [100,00]

1st * 3rd

quartile

[Range]

38,42 * 62,44 [24,02]

Skewness

(std-dev)0,1858 (0,1754)

Kurtosis

(std-dev)0,3322 (0,3491)

Source : Calcul des auteurs

Kouakou Noël & Al : Analyse des déterminants de la performance...

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P a r m i l e s 2 5 % d e sétablissements dont le taux deréussite est inférieur à 38,42 %,24,48 % (47 sur 192) sontdes établissements censés nescolariser que des élèves dupremier cycle.

Analyse des variables liées àl’établissement

Corrélation linéaire entre laproportion des redoublants et letaux de réussite

Les résultats de l’étude dela corrélation linéaire entre la«Proportion des redoublants» et le«Taux de réussite» sont consignésdans le tableau 3 ci-après.

Tableau 3 : Corrélation entre laproportion des redoublantset le taux de réussite

Y X r

Taux deréussite

Proportion_Redoublants -0,1325

Y r² t Pr(>|t|)

Taux deréussite 0,0176 -1,8433 0,0668

Source : Calcul des auteurs

Avec un r de Pearson de 0,13nous pouvons dire que la liaisonentre les deux variables esttelle que, plus la proportion desredoublants augmente, plus laperformance des établissementsdiminue. De plus, r² est de0,0176.

Ce qui signi e que la variable«Proportion des redoublants»explique seulement pour 1,76 %les variations de taux de réussiteentre les établissements del’échantillon.

La régression linéaire donneles résultats indiqués dans letableau 4 ci-dessous.

Tableau 4 : Paramètres dela droite de régression entre «Taux de réussite et Proportionde redoublants

Attribute Coef. std

Intercept 54,690135 2,844360

Proportion_Redoublants -0,299040 0,162228

Attribute t(190) p-value

Intercept 19,227573 0,000000

Proportion_Redoublants -1,843326 0,066839

Source : Calcul des auteurs

Les paramètres de la droite derégression linéaire obtenus nouspermettent d’af rmer que l’impactmarginal de la variable « proportionde redoublants » est de 0,3 %, avecune significativité importante(**). L’estimation du résultat d’unétablissement pourrait alors sefaire en utilisant la relation deproduction suivante :

Taux de réussite estimé =0,3 * Proportion de redoublantsestimée + 54,69

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En procédant à une analysesimi la ire pour les quatrevariables «Effectif total du secondcycle», «Nombre d’élèves pargroupe pédagogique», «Tauxd ’encadrement » , «Nombred’élèves inscrits», nous obtenonsles paramètres de la droite derégression linéaire (cf. annexe1)qui permettent de déf inirl’impact marginal de chacunede ces quatre variables sur lesvariations de résultats entreétablissements.

Ces paramètres nous donnentles informations suivantes :

- Variable «Effectif total dusecond cycle» :

Le taux de réussite augmentetrès significativement lorsquel’effectif total du second cycleaugmente . Cet te var iableexplique 9,16 % des différencesde résultats entre établissements.

- Variable «Nombre d’élèvespar groupe pédagogique» :

Le taux de réussite augmentelorsque le « Nombre d’élèves par

groupe pédagogique », augmente.Cette variable explique pour1 % les variations dans lesrésultats. Cette variation n’estpas statistiquement signi cative.

-Variable «Taux d’encadrement» :

Le taux de réussite diminuesigni cativement lorsque cettevariable augmente, avec unpouvoir explicatif de 2,26 %.

- Variable «Nombre d’élèvesinscrits» :

Le taux de réussite augmentesignificativement au fur età mesure que le nombre decandidats augmente le pouvoirexplicatif est de 5 %.

Analyse des variables relativesau milieu d’implantation et aurégime de l’établissement

L’analyse statistique utiliséepour les deux variables estl’anova ou le « t » de Student.

- Variable « Milieu » :

Les résultats sont consignésdans le tableau ci-après :

Kouakou Noël & Al : Analyse des déterminants de la performance...

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Tableau 5 : In uence du milieu sur le taux de réussiteAttribute_Y Attribute_X Description Statistical test

Taux deréussite

Milieu

Value Examples Average Std-dev Variance decomposition

URBAIN 188 50,2396 17,0790 Source Sum ofsquare d.f.

RURAL 4 37,0700 20,1952 BSS 679,3032 1

All 192 49,9653 17,1915 WSS 55770,0538 190

TSS 56449,3569 191

Signi cancelevel

Statistics Value Proba

Fisher's F 2,314281 0,129853

Source : Calcul des auteurs

Nous constatons que letaux de réussite moyen desétablissements implantés enmilieu rural est de 37,07 %(écart-type : 20,20 %) tandisque celui des établissements dumilieu urbain est plus élevé avecune moyenne de 50,24 % (écart-type : 17,08 %). Le test de Fisherindique une probabilité de 0,129qui signifie que nous aurions13 % de chance de nous tromperen rejetant l’hypothèse nulle H0selon laquelle «il n’y a pas dedifférence de moyenne entre lesdeux types d’établissements».

Nous concluons donc quela différence de résultats entreles deux types d’établissementsest non signi cative d’un pointde vue statistique. Il convientd’être prudent concernantcette conclusion eu égard audéséquilibre relatif à la répartitiondes établissements entre les deuxmilieux (rural : 4 et urbain : 188).

- Va r iab l e «Rég ime del’établissement» :

Cette variable présente troismodalités (Mixtes, Garçons, Filles).Les résultats de l’analyse sontregroupés dans le tableau suivant.

Tableau 6 : In uence du régime de l’établissement sur le taux de réussite

Attribute_Y Attribute_X Description Statistical test

Taux de

réussite

Regime_

etablissement

Value Examples Average Std-dev Variance decomposition

Mixte 185 48,9340 16,3553 Source Sum ofsquare d.f.

Gar 1 74,4000 -99999,0000 BSS 5405,7706 2

Filles 6 77,6900 19,1030WSS 51043,5864 189

All 192 49,9653 17,1915

TSS 56449,3569 191

Signi cancelevel

Statistics Value Proba

Fisher's F 10,008022 0,000074

Source : Calcul des auteurs

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Avec un taux de réussitemoyen de 77,69 % (écart-type :19,10 %), les établissements de lles ont de meilleurs résultatscomparativement aux deuxautres types d’établissements. Lesétablissements mixtes présententles résultats les plus faibles,avec une moyenne de 48,93 %(écart-type : 16,36 %). Le test deFisher montre une signi cativitétrès élevée (0,000074 soit ***)donc nous pouvons en conclureque les établissements de llesperforment en moyenne plus queles établissements de garçons etmixtes.

Les établissements non mixtesqui présentent les meilleursrésultats sont composés d’unseul établissement de garçonset de six établissements de lles,soit une proportion de 3,6 %.Malgré cette faible proportion desétablissements non mixtes, il n’endemeure pas moins que ces typesd’établissements ont toujours

des performances meilleures. Cequi laisse supposer que le facteurde mixité pourrait jouer sur laperformance des établissementsscolaires.

3-2- Analyse comparative :Étude de l’impact net descoef cients

Nous prenons en comptetoutes les variables dans lebut de vér i f ier s ’ i l ex is ted’éventuelles interrelations entreces différentes variables.

Compte tenu du fait que larégression multivariée ne prendque des variables continues,nous allons d’abord transformerles variables «Milieu» et «Régimede l’établissement» en variablescont inues . Les nouve l l esvariables ainsi crées sontappelées «d2c_Milieu_2 » et «d2c_Regime_etablissement_2». Letableau 7 présente les résultatsde cette analyse.

Tableau 7 : Analyse multivariée des différentes variables

Attribute Coef. std t(184) p-value

Intercept 44,584771 10,661443 4,181870 0,000045

Inscrit(s) -0,059333 0,022076 -2,687631 0,007856

EFFECTIF_TOTAL_2nd_cycle 0,030905 0,007813 3,955770 0,000109

Nb_Eleve_par_Grpe_Pedagogique -0,193040 0,116911 -1,651165 0,100411

Proportion_Redoublants -0,128672 0,171581 -0,749917 0,454262

Taux_Encadrement_Eleves -0,241070 0,645060 -0,373717 0,709045

d2c_Milieu_2 -7,096256 7,799986 -0,909778 0,364130

d2c_Regime_etablissement_2 13,322837 3,152898 4,225584 0,000037

Source : Calcul des auteurs

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Toutes choses égales, lesvariations de performancess’expliquent, de façon trèssigni cative, par les différencesde candidats inscrits à l’examen,par l’effectif total scolarisé parl’établissement et le régimede l’établissement. Le nombred’élèves par groupe pédagogiquea une faible in uence sur lesrésultats. Les variables relativesà la « Proportion de redoublants »,au « Taux d’encadrement élèves »et au « Milieu » n’ont pas une priseou une perte de performancesignificative par rapport auxautres facteurs.

A u t o t a l , l ’ a n a l y s equantitative des performancesdes 192 établissements publicsindiquerait que les variables.

CONCLUSION ETRECOMMANDATIONS

La présente étude vise àidenti er les liens qui existententre certa ines var iablesd ’ e n v i r o n n e m e n t e t d e sparamètres d ’organisat ionde l’école et les performancesscolaires au baccalauréat.

Les analyses ef fectuéessur un échantillon de 192établissements scolaires ayantprésentés des candidats aubaccalauréat session 2015,à partir de variables liées àl ’ e f f e t -é tabl issement e t àl’environnement de l’école, ont

permis d’identi er des facteursqui expliqueraient les différencesde performances entre lesétablissements scolaires.

Cette étude aura égalementpermis de mettre en évidence les25 % d’établissements ayant desperformances faibles sont desétablissements du premier cycleen mutation pour permettred ’assurer une cont inu i tééducative jusqu’en n de second,sans toutefois disposer depersonnels enseignants quali éspour tenir le second cycle.

Par ailleurs, cette étude nousconduit à émettre l’hypothèsequ’il existerait une relation entrela mixité des établissements etleur performance. Les résultatsmontrent que les établissementsnon mixtes performent mieuxque ceux mixtes. Une analyseapprofondie de cette hypothèsep o u r r a i t p e r m e t t r e a u xprofessionnels de l’éducationet aux décideurs de tirer desenseignements en matièred’égalité de chances de réussite.

Les recommandations quenous pouvons formuler au termecette analyse sont les suivantes :

À l’inspection générale :

Permettre la réalisationd ’une analyse qual i tat ivepour con rmer ou in rmer lesrésultats de cette étude ;

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Faire gurer parmi les prioritésdes missions d’inspection dansles 25% d’établissement ayantdes performances faibles, au titrede l’année scolaire.

À la Direction responsablede la collecte des donnéesstatistiques :

I n t é g r e r d a n s l e squestionnaires d’enquête desitems relatifs aux caractéristiquess o c i o é c o n o m i q u e s e tdémographiques des élèves.

RÉFÉRENCESBIBLIOGRAPHIQUESMarc Basque. Les déterminants de la

réussite scolaire dans les écolesef caces. Thèse 2014.

Sorgho Delwendé Brice Rodrigue.Analyse de l’in uence desfacteurs socio-économiques surles résultats scolaires : Étude de

cas du Lycée Rialé et du CollègeNaaba Zoungrana de Tenkodogo.Mémoire de maîtrise 2008-2009.

Ateilah, K., Aboussaleh, Y.et Ahanmi, A. (2012). Lesdeterminants socioéconomiqueset démographiques des faiblesperformances scolaires des élèvesdans un college rural la regionde Sidi Taybi Kenitra (Maroc).Antropo, 26, 83-89.

Kof Amlan Marina Constance, N’choLaugba Aline Désirée, et N’guessanKouamé Hendersonn. (2010).Politiques d’ef cacité interneet qualité de l’éducation dansl’enseignement secondaire general: cas établissements d’abidjan et deYamoussoukro.

Eliccel Paul. Déterminants de laperformance des écoles secondairesen Haïti : le cas du département duCentre. Mémoire de master, 2009-2010.

Kouakou Noël & Al : Analyse des déterminants de la performance...

159

ANNEXE

Tableau 1.1

Y X r r t Pr(>|t|)

Taux dereussite

Nb_Eleve_par_Grpe_Pedagogique 0,1022 0,0104 1,4162 0,1584

Tableau 1.2

Attribute Coef. std t(190) p-value

Intercept 43,976965 4,405776 9,981661 0,000000

Nb_Eleve_par_Grpe_Pedagogique 0,134995 0,095322 1,416198 0,158355

Tableau 1.3

Y X r r t Pr(>|t|)

Taux dereussite

Taux_Encadrement_Eleves

-0,1502 0,0226 -2,0942 0,0376

Tableau 1.4

Attribute Coef. std t(190) p-value

Intercept 52,127101 1,605665 32,464499 0,000000

Taux_Encadrement_

Eleves-1,338040 0,638934 -2,094177 0,037571

Tableau 1.5

Y X r r t Pr(>|t|)

Taux dereussite

EFFECTIF_TOTAL_2nd_cycle 0,3026 0,0916 4,3758 0,0000

Tableau 1.6

Attribute Coef. std t(190) p-value

Intercept 43,137139 1,959755 22,011493 0,000000

EFFECTIF_TOTAL_2nd_cycle 0,009029 0,002063 4,375829 0,000020

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Tableau 1.7

Y X r r t Pr(>|t|)

Taux dereussite Inscrit(s) 0,2250 0,0506 3,1828 0,0017

Tableau 1.8

Attribute Coef. std t(190) p-value

Intercept 45,319899 1,897174 23,888111 0,000000

Inscrit(s) 0,019709 0,006192 3,182807 0,001704

Ibrahima Kourouma, Réformes et changements

161

RÉFORMES ET CHANGEMENTS

Ibrahima Kourouma1

Jean-Baptiste Kouakoussui2

Inspection généraleCité administrative, Tour A, 3e étageBP V 160 ABIDJAN CÔTE D’IVOIRE1- Coordonnateur Général de l’Inspection Généralecourriel :[email protected] Coordonnateur de la Pédagogiecourriel :[email protected]

RÉSUMÉMalgré un taux de scolarisation

en nette progression dans le primaireet dans le secondaire, le systèmeéducatif ivoirien demeure inef cace.

En 2002 la recherche d’un systèmeéducatif performant a conduit auchoix de la formation par compétence(FPC) dont la généralisation s’est faiteen 2006-2007. Malheureusement lesévaluations de la mise en œuvre de laFPC ont présenté des insuf sances.À la suite de ces évaluations,une réforme a été mise en place

qui s’est attelée à la révision desprogrammes éducatifs et du formatd’évaluation des apprentissages, aurenforcement de la communicationet à l’élaboration d’une propositiond’un cadre d’orientation curriculaire(COC). Aussi pour permettre uneréelle implantation de cette réforme,un réglage s’avère-t-il nécessaire avecl’implication de toute la communautééducative.

Mots clés : Système, Éducation,Pédagogie, Réforme, Évaluation,P r o g r a m m e , C u r r i c u l u m ,Communication

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INTRODUCTIONDepuis les années 90, le

système éducatif ivoirien estsoumis à de fréquentes réformes.L’un des domaines les plus souventvisés par ces réformes concerneles pratiques éducatives. Partides programmes de contenus, ilest passé à des Programmes ParObjectifs (PPO) puis à la FormationPar Compétences (FPC). Si lesprogrammes par objectifs ont étéacceptés sur le terrain, il n’en apas été de même pour le derniercité. C’est donc avec dif cultésque l’implantation de la FPC s’estdéroulée en Côte d’Ivoire. Faceaux problèmes rencontrés, leMinistère de l’Éducation nationalea demandé à l’Inspection Généraled’évaluer la FPC afin d’aiderà l’amélioration de sa mise enœuvre. Après une évaluationinterne suivie d’une évaluationexterne, une décision fut prise,celle de procéder à une réformepour recadrer les programmeséducatifs. Ce recadrage a-t-ilengendré un changement ? Samise en œuvre a-t-elle rencontrédes résistances ? Et quelles sontles solutions possibles pourréduire ces résistances de sorteà réussir ce changement ?

Cet te ré f l ex ion en vuede répondre à toutes cesinterrogations va s’organiserautour de cinq axes majeurs :

1. Bref aperçu des pratiqueséducatives dans le systèmeéducatif ivoirien.

2. Une situation inadaptée, peuviable au départ.

3. Une mise en œuvre remise encause par deux évaluations.

4. Une réforme se met en place :le recadrage.

5. Un réglage nécessaire.

P o u r m i e u x s a i s i r l adynamique qui a conduit auchoix de la FPC, il importe d’enfaire un récapitulatif.

1- Bref aperçu des pratiqueséducatives dans le systèmeéducatif ivoirien

Le système éducatif ivoiriena connu de nombreuses étapesdans son évolution depuis sesorigines jusqu’à nos jours.L’enseignement traditionnelhérité de la colonisation étaitfondamentalement axé sur descontenus extravertis dont l’objetétait l’oblitération de la cultureet de la société ivoirienne etla valorisation de la cultureoccidentale. Ainsi les contenusdes programmes enseignésétaient inspirés des culturesétrangères et particulièrementde celle de la France. C’était àla vérité une formation utilitairepratique dont la nalité était larecherche d’une main d’œuvre

Ibrahima Kourouma, Réformes et changements

163

prête à l’usage au service de lamétropole. De cet enseignementcolonial, les autorités ivoiriennesont, après les indépendances,fait le choix de programmesencyclopédiques à l’instar desautres états indépendants en yinsérant un sommaire formationscientifique et technologique.Pu is success i v ement l e sautorités éducatives optentpour l’enseignement rénové de1963 à 1970, le programmed’éducation télévisuelle de 1971à 1982 et les programmes desouveraineté de 1982 à 2002.Il faut rappeler que le choix desprogrammes par contenus aulendemain des indépendances,qui privilégiait la démarche duleadership directif de l’enseignantet qui accordera par la suite uneplace aux thématiques portantpar ailleurs sur les peuplesafricains et à leurs spéci citéssocio-culturelles, présente desfaiblesses que l’introductiondes programmes par objectifsà partir des années 1993-1994ambitionne de corriger.

La rénovation du systèmeéducat i f de 1977 à 1995avec la loi sur la réforme del’enseignement en Côte d’Ivoireou loi Usher Assouan a permisla mise en place de programmesrénovés o r i en t és ve r s l apromotion de l’enseignementd e s v a l e u r s s o c i a l e s e t

humaines. Ces programmesvisaient le développement del’esprit d’initiative, le goût de larecherche, le développement del’esprit critique, l’enseignementbasé sur le développement ruralet urbain avec la connaissancedu milieu de vie, l’acquisition dessavoirs nécessaires en sciences,en littérature, en technologieet dans le domaine des Arts,l’objectif étant de former uncitoyen ouvert sur le mondeavec une connaissance et unemaitrise de son milieu. Sur le planpédagogique, ces programmesincluaient la méthode activeet sur le plan de l’évaluation,l’importance était accordée àl’évaluation formative.

La loi relative à l’Enseignementen Côte d’Ivoire de septembre1995 dite loi Pierre Kipre aouvert la voie aux programmesde souveraineté. Il s’agissait depermettre à l’élève d’acquérirdes savoirs, de développer sapersonnalité, d’élever son niveaude formation, de s’insérer dans lavie culturelle et professionnelleet d’exercer sa citoyenneté.L’objectif de ces programmesde souveraineté était de formerdes citoyens responsables,imprégnés des réalités de leurpays et ouverts sur le mondeextérieur. Cette formationenvisageait de permettre auxjeunes générat ions de se

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comporter de façon conscienteface aux problèmes posés.

Toutes les réformes mises enœuvre depuis les indépendances,comme on peut le constater,visent à faciliter l’insertion desapprenants dans leur milieu et àles préparer à la vie active.

La pédagogie par objectifs,qui s’inscrit dans cette vision,procède par l’enseignementde contenus disciplinairesdécomposés et hiérarchisésen micro-unités et s’intéresseau comportement basé surla transmission de contenusdisciplinaires par l’enseignant :l’apprenant est passif et reproduitles contenus décontextualisés.Les Programmes Par Objectif(PPO) pècheront ainsi parl’absence de contextualisationdans sa pratique.

2. Une situation inadaptée,peu viable au départEn Côte d’Ivoire, l’éducation a

toujours fait partie des prioritésde l’État. À preuve, près de 40 %du budget lui est consacré chaqueannée. Entre 1985 et 2000,le Taux Brut de Scolarisation(TBS) du primaire oscillait entre73 % et 75 % ; le premier cycledu secondaire entre 29,5 % et30,3 % de 1990 à 2000.

Malgré cette volonté af chéede l’État, le système éducatif

ivoirien se révèle inefficace.En effet son indice d’ef cacitéparait faible en raison de lafréquence et du taux élevé deredoublement. Celui-ci avoisineen 2000, 24 % dans le primaireavec une pique de 40 % auCM2 ( n primaire), 18 % dansle premier cycle du secondaireet 19 % dans le second cycle.Le coût de ce redoublement estestimé à 12 milliards de francsCFA par année scolaire. Or, il estdémontré que le redoublementn’a pas d’effet positif sur laqualité de la formation. Selonle RESEN-2005, il est plutôt,une cause d’abandon chez lesélèves, surtout les ruraux et enparticulier les jeunes lles.

Cette inefficacité se reflèteégalement à travers les échecsenregistrés aux dif férentsexamens scolaires :

- Au CEPE :

Sur une période de 38 ans,soit de 1960 à 1998, le tauxd’admission n’a jamais atteint50 %. Les résultats étaient trèsinstables et très insuf sants. Ilsvariaient entre 14 % et 40 %.

- Au BEPC :

L’instabilité constatée auCEPE demeure même si elleest moins prononcée. On notetout de même des taux trèsbas en 1987 (13,08 %) et 1994(07,85 %).

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• Au BAC :

On remarque que les résultatsne sont pas meilleurs. Partis en1960 avec un taux de 69,84 %,les résultats n’ont plus atteint50 % après 1990. Ils sont mêmedescendus à 13,39 % en 1994.

Au total , des résultatscaractérisés par une extrêmefaiblesse et une instabilitéconstante.

Un tel système qui, malgrétant d’investissements consentis,produit d’aussi importantsdéchets méritait d’être repensé.

3. Une mise en œuvre remiseen cause par deux évalua-tions

En 2002, la Côte d’Ivoire dansle souci de rendre son systèmeéducatif plus performant a optépour la FPC. Les premièresformations d’enseignants en vuede la maîtrise de cette nouvelleméthode commencèrent aumois de septembre de la mêmeannée. L’année 2006-2007fut celle de la généralisationde cette réforme dans tousles ordres d’enseignement.Malheureusement sa mise enœuvre, tel que démontré par lesévaluations interne et externe aprésenté des insuf sances.

3-1- L’évaluation interne

Sur instruction du ministrede l’Éducation Nationale faisantainsi droit à une sollicitationdu Directeur de la Pédagogieet de la Formation Continuepar correspondance N°00551/MEN/DPFC du 16/06/2006,l ’évaluation de la mise enœuvre de la FPC a été con ée àl’Inspection Générale.

3-2. La stratégie de travail

Cette évaluation a été bâtie surle modèle d’analyse empruntéeaux études de l’AssociationInternationale pour l’Évaluationdu Rendement Scolaire (IEA).

Dans cet ordre d’idées, lestrois niveaux d›analyse d›uncurriculum ont été pris encompte :

• C u r r i c u l u m o f f i c i e l(circulaires, programmes)

• Curriculum implanté (ce quia cours dans les classes)

• Curriculum réalisé (lesacquis des élèves)

- L’étape du curriculumof ciel fut l’occasion de réunire t d ’ ana lyser l es t ex t es ,programmes, d iscours depersonnalités politiques clés surle système éducatif.

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- L’analyse du curriculumimplanté a consisté à observer àpartir de grilles, des séquencesd’enseignement-apprentissage, àsoumettre les différents acteursà des questionnaires, à avoir unentretien sur le curriculum aveccertains d’entre eux.

- Concernant le curriculumréalisé, il s’est agi de soumettredes élèves à des tests cognitifsde français et de mathématiquesdans les classes de CE2 et de 5e.

Il faut dire qu’avant de passerà l’évaluation proprement dite,il a été nécessaire de pré-testerles instruments et d’établir unéchantillonnage représentatif.Cette étude a permis de révéler denombreux dysfonctionnementsdans la mise en œuvre de la FPC.

3-1-2. Les facteurs del’échec

Il a été constaté que la démarcheutilisée fut dirigiste. Elle ne futpas précédée d’une sensibilisationdes acteurs : enseignants, chefsd’établissement, parents d’élève,etc.

Or, de plus en plus, nousvivons dans un monde enperpétuel changement. Lesorganisations, les populations,les États sont contraints dese soumettre à des réformess’ils veulent se développer ousurvivre. Et ceux qui ont à

charge ces réformes sont obligésde se donner des capacités demanagement s’ils veulent réussirleur implantation.

Du manque d’adhésion desacteurs

Quand une réforme vientcorriger les dysfonctionnementsdans les pratiques, les personnesqui la vivent sont intéressées parcette réforme. Avec ces personnes,la réforme a des chancesd’aboutir à un changement.Dans le pilotage du changement,Pierre Collerette, Martin Lauzieret Robert Schneider à la page138, confirment que « si lechangement proposé correspondà l a pe r c ep t i o n que l e sdestinataires se font des besoinset des attentes de la clientèle, illeur paraitra alors adapté. Dansle cas contraire, le nouveau modede fonctionnement leur paraitrainopportun et ils pourraientchercher à y faire obstacle ».

Dans le cas de la Côted’Ivoire, le changement intervenun’apportait pas une améliorationsigni cative dans les pratiques ;ainsi, les enseignants qui nevoyaient pas en quoi la FPC étaitune réponse à leur préoccupationl’ont rejetée. Comme le prouve laRestitution de l’évaluationde la mise en œuvre de laFPC à la page 10, l’observationen classe des enseignants par

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leurs encadreurs pédagogiquesconf irme que seuls 25 %pratiquaient la FPC et 75 %pas du tout ou rarement. Desentretiens avec leurs encadreurs,ils reconnaissent l’absence depratique à raison de 73,9 %.On note un manque effectifd’engagement de ceux-là mêmesqui doivent utiliser les curricula:les enseignants. D’ailleurs,le rapport de l ’évaluationinterne mentionne que : «despropos virulents proférés,dans certains établissementslors de l’administration desinstruments, par des enseignantsd u p r i m a i r e c o m m e d usecondaire, avec à leur tête desresponsables d’établissement.Ceux-ci indiquent bien qu’ils nevoient en cette réforme qu’une«élucubration de personnes hautperchées dans les bureaux».Et c’est souvent qu’on les aentendus dire «votre FPC» plutôtque «la FPC» ou «nos curricula».Ce manque d’adhésion a été aussiconstaté même chez certainsmembres des services de la DPFClors des rencontres dirigées. Cesderniers relèvent le fait d’avoir étémis à l’écart de l’implantation dela FPC (élaboration des curricula,formation à la FPC, rédaction desouvrages).

Un autre facteur d’échecfut le choix de la stratégie deformation.

Mauva i s e s t ra t é g i e deformation

Implanter des curricula estcomplexe. Et une expérimentations’impose si l’on veut réussir leprojet. Elle a des avantages,ceux de permettre aux agentsde changement de bénéficierd’expériences en consolidantla démarche, mais surtout enréussissant à donner des preuvesde réussites aux destinataires dela réforme.

Pour l a Cô t e d ’ I v o i r e ,l’expérimentation n’a pas suiviune démarche rigoureuse. Lesformations ont suivi un rythmetrès accéléré sans avoir accordéaux enseignants le temps des’approprier ladite réforme.Selon le résumé du rapport del’évaluation interne intitulé :Restitution de l’évaluation dela FPC, page 7 « sur les 169maîtres qui se disent formés,2 seulement, soit 1,20 % l’ontété en 2002-2003, année dedémarrage de l’instauration dela FPC, et 78 maîtres (46,20 %)en 2006-2007, date à laquellecette approche a été généralisée.La formation s’est poursuivieen 2008 –2009 avec 67 maîtressupplémentaires soit 39,60 % ».

Signalons que le non-respectd’une certaine progressionpendant la phase-pilote (primaireet secondaire à la fois) n’a pasfacilité les choses.

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E n o u t r e , l a p é r i o d ed’implantation (période deguerre avec un pays divisé endeux) sur un plan seulementde la Côte d’Ivoire (le Sud, Sud-Ouest et Est) est une erreur destratégie. Le rapport révèle queles enseignants n’ont été formésque pendant deux jours. Ce futplus des séances d’informationque de formation.

Et pourtant, une décision degénéralisation fut prise alors quetrès peu d’enseignants avaientreçu une « formation » (seulement9,4 % des enseignants dusecondaire et 11,3 % de ceux duprimaire).

Il est à noter aussi que lesencadreurs, en plus des contenusdestinés aux enseignants, nemaîtrisaient pas des modulesde formation spécifiques auxformateurs ; i l n’était passurprenant que de l’un à l’autre,il y ait des divergences au niveaudes concepts utilisés. Toutechose qui entraina de vivesréactions. Or, toute réformeprépare, plani e et organise lamise en œuvre de changementssusceptibles d’apporter desm od i f i c a t i o ns t a ng i b l e s ,observables et durables dans unsystème. D’où l’importance duchoix des personnes porteusesdu changement si l’on veut leréussir. Dans le cas d’espèce,Collerette et al. estiment dans

leurs propositions d’exemplesde signi cations exprimées parles résistances des destinatairesque : « la crédibilité ou la légitimitédes porteurs du changement nedoit pas être dé ciente ». Toujoursselon ces auteurs, « La crédibilitédes promoteurs du changement,tout comme leur capacité àinspirer confiance, constitued’autres facteurs importantsau niveau de l’ef cacité de lacommunication ».

D a n s l ’ i m p l a n t a t i o nd’une réforme, le véhiculecommunication est très vital. Etpourtant, elle avait été négligée.

Mauvaise communication

La communication dans uneréforme surtout éducative ne selimite pas à la seule diffusiond’informations. Elle doit être plussituationnelle ; autrement dit,toutes les paroles, tous les gesteset faits des agents porteurs duchangement en font partie.

Dans le contexte de l’évaluationinterne de la FPC, il a été constatéque la communication avaitété pratiquement inexistante.Ignorance des enseignants,des syndicats, des équipes dedirection des établissements,des autres ministères chargésd’éducation, etc. Alors que « lacommunication est beaucoupplus importante durant la miseen œuvre de tout projet, car la

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communication dans l’abstrait,en l’absence d’actions concrètesne vaut pas grand-chose»

Une intensification de lacommunication durant la miseen œuvre du projet aurait permisde comprendre le bien-fondéde la réforme, de prendre encompte les avis et contributionsdes acteurs et partenaires dusystème éducatif pour avoir leursoutien.

Un mauvais pilotage

Tout le projet a été pilotésans tableau de bord. L’absenced’un comité de pilotage n’adonc pas permis de rallier lesdifférentes parties de manièreconsensuelle et d’assurer àtoutes les opérations des chancesde réussite et d’efficacité. Laconduite de ce projet n’a fait quemultiplier les résistances.

3-1-3. Les résistances

En Côte d’Ivoire, les agentsdu changement ont commisbeaucoup d’erreurs favorisantpar essence des résistances. Ilsont ignoré qu’un changement nes’opère pas de manière linéaire ;il subit selon P. Collerette troisphases : la cristallisation, latransition et la décristallisationou la ritualisation.

Une chose était de remettreen cause l’ancien programme(période de cristallisation), mais

une autre est de comprendreet d’adopter le nouveau. Et là,ils ont oublié que le fait d’êtredans cette situation, c’est dedemander aux enseignants deréapprendre. D’où, le besoind’encadrement, et de formation.Ce moment est déstabilisateur ettrès dif cile pour les enseignantsqui croyaient en certaines valeurset se sentaient pratiquementdépossédés de leurs acquis. Ets’ils n’y voient pas leur intérêt,c’est une confusion qui s’installer isquant de les amener àl’abandon (période de Transition).Remise en cause par les porteursde la réforme, une évaluationexterne fut commanditée

3-2. L’évaluation externe

L’objecti f de la missionétait d’analyser la situationde la réforme sur la base desdocuments existants et desrencontres avec les différentspartenaires impliqués dans laréforme.

3-2-1. La stratégie detravail

Elle fut consacrée à une sériede rencontres avec différentsacteurs et partenaires impliquésdans la réforme : Directeur deCabinet, Directeur du Bureaud’Exécution des projets (BEP),des membres de l’InspectionGénérale, des membres del’École Normale Supérieure

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(ENS), des Directeurs centraux,des Directeurs Régionaux etDirecteurs de CAFOP, desConseillers Pédagogiques duprimaire et du secondaire, desInspecteurs de l’EnseignementPréscolaire et Primaire, desChefs d’Établissement et desEnseignants, etc.

En plus des rencontres,la mission a procédé à laconsultation et à l’analyse d’aumoins douze documents dontle rapport sur l’évaluation dela mise en œuvre de la FPC. Leregard critique du consultant,le professeur Ph. Jonnaerts’est appuyé sur un modèle deréférence a n de mieux menersa mission.

3.2.2. Les résultats del’évaluation externe

En dépit d’un importanttravail abattu par les équipesivoiriennes, le consultant a relevédix obstacles à l’implantation dela réforme curriculaire en Côted’Ivoire :

• Il a noté l’absence d’un Cadred’Orientation Curriculaire(COC) « fondamentale pourassurer la cohérence d’unsystème éducatif » Ph.Jonnaert.

• Une entrée programmes :la Côte d’Ivoire a fait uneentrée par les programmes

plutôt qu’une entrée parles curricula. L’évaluationexterne a constaté que laréforme n’avait touché qu’àune seule des composantesd u c u r r i c u l u m : l e sprogrammes d’études.

• Une orientation imposée : lesprogrammes PPO n’ont pasfait l’objet d’évaluation avantle choix des programmesFPC. Nonobstant cela, lesrencontres ont montré unmanque de concentrationentre les différents acteurs.

• Une notion mal comprise «lanotion même de compétenceest comprise différemmentà tous les niveaux despersonnes rencontrées.Nous n’avons pas rencontréune vision cohérente de cettenotion, chacun y allant de soninterprétation personnellesouvent fort intuitive. Cetteincompréhension généraliséede la notion de compétencegénère des questionnementssur ses fondements mêmeset les modalités de sa mise enapplication dans certainesécoles» Ph. Jonnaert.

• Une implantat ion t rèspartielle : la FPC n’existeq u e d a n s l e s z o n e sd’expérimentation ; toutefois,même dans ces zones, lesenseignants rencontrés

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montrent bien que l’approchede FPC n’est toujours pasencore nette dans leur esprit.Certains affirment n’avoirjamais été au contact desditsprogrammes et continuentde travailler avec les ancienssupports.

• Une forte demande deformations : l’ensemble desacteurs impliqués souhaitedes formations au niveau del’approche tout comme auniveau de sa mise en œuvre.

• Un souhait d’être impliqués :le rapport note un manqued’implication des acteurstels que les enseignants, lessyndicats, les formateursdes formateurs de l’ENS etdes CAFOP.

• U n e a b s e n c e d ec o m m u n i c a t i o n :l’implantation de la réformen’a pas été soutenue parun plan stratégique decommunication pour mieuxinformer les di f férentsacteurs.

• Une demande de moyens :on note un retard dansla diffusion des supportsd i d ac t i qu es d ans l e sé t a b l i s s e m e n t s ; l e sexpérimentateurs n’ontpas eu le temps nécessairepour s’approprier la réforme

et pourtant, ils doiventl’appliquer.

• Des documents complexes :la complexité et la densitéd e s i n f o r m a t i o n s e tl’utilisation de concepts pasencore maîtrisés posent desproblèmes de compréhensionaux enseignants.

• Des incohérences au niveaude l’évaluation : malgréla pratique de la FPC, lespersonnes in terrogéesdans les écoles continuentd’évaluer sur le modèle dela PPO.

Au total, les deux évaluationsmontrent qu’un recadrage de laréforme s’avère nécessaire.

4. Une réforme se met enplace : le recadrage

Suite à une rest itut iondes résultats de l’évaluationexterne avec le consultant,l’équipe de concepteurs desprogrammes s’est remise à latâche pour respecter les pointsde recommandations du rapport.À ce jour, les travaux suivantsont été entrepris :

○ La révision des programmeséducatifs ;

○ La rév is ion du formatd ’ é v a l u a t i o n d e sapprentissages ;

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○ Le renforcement de lacommunication ;

○ L’élaboration d’une propositionde COC.

4 - 1 . L a r é v i s i o n d e sprogrammes éducatifs

Désormais, le nombre dedocuments programmes estpassé de 127 à 64. Chaque livrecontient le programme éducatifet le guide d’exécution pouraider l’enseignant à utiliserle programme, de manièreautonome :

- L e s c o n f u s i o n sterminologiques (programme/curr icu lum) qu i é ta i en tune source de blocage chezl’enseignant ont été supprimées.Et mieux, tous les programmeséducatifs ont été ramenés àune structure simple, lisibleet accessible aux enseignants,enseignantes et à tous lesacteurs. Les considérationspédagogiques et didactiques ontété dégagées pour ne laisser queles contenus prescrits.

- La structure est uniformisée :les programmes éducatifs sonttous présentés selon un canevascommun à toutes les disciplines.La présentation est simpli ée etl’exploitation par les utilisateursen est facilitée.

Quant au programme éducatiflui-même, il comprend quatrecomposantes :

- Le profil de sortie : ildécrit les compétences et lesconnaissances que l’élève doitavoir construites au cours desa formation pour être diplômé.Son organisation est fonction desorientations précisées dans leCOC. Il oriente le contenu d’unprogramme éducatif. Il sert decadre de référence à l’évaluateurpour construire ses outilsd’évaluation certificatives. Ence sens, il y a donc congruenceentre les items d’évaluationet le curriculum implanté.L’enseignant, en fonction desa discipline, réalise alors leschoix pertinents à opérer dansle programme, mettant l’accentsur certains contenus en vue depermettre à l’élève d’être doté desressources nécessaires pour êtreen phase avec ce pro l.

- Le domaine de la discipline :les différentes disciplines ausein des domaines réalisentleurs affinités tant au niveaudes stratégies d’enseignementque des modalités d’évaluation.Des échanges interdisciplinairessont réels. Ce regroupementpar domaine a induit uneorganisation uniforme des outilsd’évaluation pour des disciplinesregroupées en domaines.

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- Le régime pédagogique :le régime pédagogique précise ladurée des enseignements d’unediscipline et son taux horairepar rapport à l’ensemble desdisciplines. Le fait de l’avoirintégré dans le programmeéducatif permet à tous lesacteurs d’être au même niveaud’information et de prendreconscience de la place de leurdiscipline dans la formation etde la nécessité de se conformerau volume horaire au risqued’impacter le quanta horaire.

Par exemple, la précisiondu régime pédagogique dansles programmes éducatifs duprimaire a permis de comprendreles exigences des normesUNESCO selon la classi cationde la CITE en vue d’accorder unpoids plus important du tempsscolaire à l’enseignement duFrançais et des Mathématiquesafin de mettre l’accent sur lalecture, l’écriture et les calculs :

Le corps du programmeéducatif : la compétence, lethème, l’exemple de situation,la (les) leçon(s), la (les) séance(s),les habiletés/contenus (tableaude spéci cation).

4-2. La révision du formatd’évaluation

Le format de l’évaluation desapprentissages a été révisé a nd’établir une congruence entre

apprentissage et évaluationpar l’utilisation de verbes dumême niveau taxonomique. Lenouveau format d’évaluation desapprentissages a l’avantage demettre en évidence l’ensembledes outils qui entrent dansl’élaboration des sujets de devoirou d’examen (les tests objectifs,subjectifs, etc.) Cela donne uneplus grande chance de réussiteà l’élève.

4-3. Le renforcement de lacommunication

Des efforts de communicationont été entrepris avec les autresacteurs aux fins de créer unconsensus permettant de mieuxcomprendre les programmeset de les accepter : rencontresavec l’ENS, les CAFOP, lessyndicats, les parents d’élèves.Par ailleurs, des tournées aveccertains acteurs ont eu lieusur l’ensemble du territoirepour requérir l’adhésion de lacommunauté éducative auxprogrammes recadrés.

4-4. L’élaboration d’unep r o p o s i t i o n d e C a d r ed’Orientation Curriculaire(COC)

Une proposition de COC aété certes réalisée, mais resteà être validée par les différentsministères chargés d’éducationainsi que par le polit ique(gouvernement et parlement).

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Le cadrage qui se met en placeest pour l’instant insuf sant. Ila besoin d’être structuré pourpermettre une réelle implantationde la réforme.

5. Un réglage nécessaireCe recadrage doit être réglé à

trois niveaux :

1. Au niveau du curriculumof ciel ;

2. Au niveau du curriculumimplanté ;

3. Au niveau du curriculummaîtrisé par les élèves.

5.1. Au niveau du curriculumof ciel

À ce stade le Cadre d’orientationCurriculaire conçu émane duseul ministère de l’ÉducationNationale et de l’EnseignementTechnique (MENET) et précise lesapprentissages indispensables.

À son élaboration, il aurait falluassocier les autres ministèreschargés d’éducation. Cela auraiteu l’avantage de rassembleret de synthétiser l’ensembledes intentions politiques, desorientations et des valeurs dansun tout cohérent au pro t ducitoyen ivoirien. Ce type deprojet devrait aussi prendreen compte les propositions desagendas internationaux. Et,parce qu’il dépasse le strict cadre

scolaire, il devrait faire l’objetd’approbation du Gouvernementet du Parlement.

5-2. Au niveau du curriculumimplanté

Il est bon que les actionsde recadrage visent à réglerd é f i n i t i v e m e n t l a n o n -disponibilité des documentsprogrammes dans certainesDRENET. En effet, des rapportsd’inspection effectués au coursde l’année scolaire 2014-2015mettent l ’accent sur cettedéfection.

Un renforcement des capacitéss’avère nécessaire :

Concernant les enseignants,il faut consolider les pratiquesnotamment en évaluat iondes apprentissages et dansle domaine de l ’approchepédagogique. Quant aux chefsd’établissement, il faut les formerà l’APC pour qu’ils soient devéritable relais à la gestiondes programmes au sein deleurs établissements, car sanscela, les programmes aurontdu mal à bien s’implanter.Il ne faut pas oublier qu’ilssont les premiers responsablespédagogiques de leur structure.Pour les encadreurs, la maîtrisedes évaluations avec les pointsportant sur les tableaux despéci cation est cruciale pour

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faciliter les articulations desitems avec les apprentissages.Toute réforme doit reposer surun bon plan stratégique prenanten compte la communication etle suivi évaluation.

La direction chargée de porterla réforme doit améliorer sacommunication non seulementen informant les acteurs, maisen étant exible aux suggestionset à la recherche permanentedu consensus avec ceux-ci. Ilsdoivent «être visibles, favoriserdes occasions d’échanges (…) etfaire ce que l’on dit et dire ce quel’on fait.»

Le suivi évaluation doit êtreprivilégié dans la mise en œuvrede ce recadrage a n de réussirl’évolution des programmesvers un curriculum réel. Et sacomplexité requiert une attentionparticulière de la part des agentsqui conduisent la réforme. Ilsdoivent donc mettre en placedes mécanismes de surveillanceet d’accompagnement ef cace letout, au pro t de l’améliorationdu rendement scolaire.

5-3. Au niveau du curriculumréalisé

À ce niveau une améliorationdes résultats scolaires est encours ; mais il lui faut observerenco re des p rog rès a vecles examens du Bepc et duBaccalauréat. Avec le recadrage,

le curriculum a vu les coef cients,les formats des examens êtreaméliorés. Mais dans sa formefuture, il devra envisager derégler les problèmes du tauxde redoublement et du tauxd’achèvement (secondaire 1er

cycle : 36 % ; secondaire 2e cycle :20,1 %). Il faut également régulerles ux par une meilleure gestiondes stratégies pédagogiques.Une ré exion doit être menéesur ces points a n de trouveren accord avec les acteurs, desmécanismes pouvant régler cettesituation.

Il faut donner aux Antennesde la Pédagog ie e t de laFormation Continue l’occasiond’être de véritables porteusesde la réforme en les dotant deressources humaines suf santeset bien formées, de logistiques etde matériels pédagogiques poursoutenir l’accompagnement desenseignants.

CONCLUSIONCette ré exion qui n’est qu’à

ses débuts est un sillon quidevrait aider à redonner uneimpulsion au recadrage de l’APCen Côte d’Ivoire. Il y’a eu certesdes avancées notables ; mais,il est bon que tous les acteurs,surtout ceux qui gèrent cetteimportante réforme, InspectionGénérale, Direct ion de laPédagogie et de la Formation

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Continue, Direction des Écoles,Lycées et Collèges (DELC) etDirection de l’Encadrement desÉtablissements Privés (DEEP)s’engagent beaucoup plus vers undéveloppement de communautéde pratiques. Il faut qu’à ce stadedu recadrage, l’encadrement,le coaching et l’adaptation durythme de la réforme soientà l’honneur pour installer unvéritable changement. Il s’agitde faire en sorte que chacunreconsidère ses positions, acceptede négocier certains virages pourun nouveau départ ; celui quiva permettre de donner un outilplus performant aux enseignantsafin qu’ils gagnent le défi del’excellence avec l’implication detoute la communauté éducative.Pour une meilleure cohérence,ne serait-il pas temps de penserà un comité de pilotage durecadrage ?

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Armand M’Batika, République Démocratique du Congo : Système éducatif

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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : SYSTÈMEÉDUCATIF

Armand M’BATIKA.Professeur

Université de Sherbrooke2500, boul. de l’Université

Sherbrooke (Québec) J1K 2R1 Canadacourriel : [email protected]

RÉSUMÉLa recherche porte sur les

dispositifs innovants de l’enseignementsupérieur et universitaire, enRépublique démocratique du Congo.

Le rôle important à la fois auplan économique et au plan éducatifdu paradigme industriel après plusd’un demi-siècle de présence en R.D.Congo contribue à la compréhensionde la situation décrite. Ensuite, lesdysfonctionnements de l’enseignementsupérieur et universitaire sont enlien avec la société globale au planpolitique, social et culturel.

Les renouveaux académiquesquali és par certains auteurs «destournants» manquants ont engendréla mise en œuvre des régulationsdu système éducatif. C’est dansce sens qu’il faut comprendre la

concomitance de la nouvelle loi-cadre de l’enseignement avec leprocessus de Bologne ou systèmeLMD. Les innovations annoncées àcette occasion sont-elles susceptiblesde contribuer à la revalorisationet à l’amélioration de l’E.S.U. et àl’implantation du changement despolitiques ?

La présente étude se consacre à cesquestions qui demeurent relativementpeu examinées.

Mots clés : Académisation,Adaptation, Antivaleurs, Article 15,Branchement, Champ, Changement,Création, Curriculum, Diplôme d’état,Évolués, Loi-cadre, Maître artisan,Paradigme, Rapport d’amalgame,Rapport de commutation, Rapport desubstitution, Reproduction, SystèmeLMD, Valeurs

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INTRODUCTIONLa recherche fait le point sur

l’interaction entre paradigmepol i t ique industr ie l e t l eparadigme de changement enéducation. Historiquement enR.D. Congo, le système éducatifactuel date de l’époque colonialeet il est soutenu par le paradigmeindustriel. Avec l’Indépendancedu Congo le 30 juin 1960, lesrégimes qui succèdent mènentun combat à la fois pédagogiqueet culturel. Selon cet auteur,Ndaywell, I., l’enseignementreste le plus beau fleuron del’évolution moderne de la R.D.Congo, de la colonisation à nosjours. Toutefois, en analysant etrevisitant l’itinéraire, le parcoursde ce système et quatre réformesde l’enseignement supérieur etuniversitaire restent mitigés. Onest tenté de comprendre en quoi cesystème peut apparaître commeun succès ou s’il comporte plutôtde graves dysfonctionnements quinécessitent des remèdes. Bref,dans ce contexte, que représentel’amélioration de l’enseignementsupérieur et universitaire ?

Ce travail s’inscrit comme«une quote-part» (Ndaywell, I.)à la ré exion et à l’action surl’E.S.U. La mise en place dusystème LMD nous amène àévoquer un certain nombre deproblèmes.

Tout comme le système LMD,l’accroissement de la qualitéde l’enseignement supérieur etuniversitaire concerne nombreuxpays industriels et en voie dedéveloppement. Ici la R.D. Congoest l’objet d’étude, ce qui établitune première limite à ce travailqui ne se prétend pas à l’abri dela critique.

Le système LMD ou systèmede Bologne est apparu dans lesannées 1930 dans un contextede mondial isat ion commestructure. Il vise l’amélioration dessystèmes éducatifs, les échangesinternationaux des chercheurs,la mobilité des chercheurs etétudiants, etc. Le concept et laméthode répondent à une demandesous trois aspects : les décideurspolitiques, les chercheurs etacteurs de l’éducation et le marchédu travail. C’est aussi le produit del’évolution des discours savantsdes experts.

Dans ce contexte, nousproposons une analyse del’évolution du système éducatifcongolais particulièrement del’enseignement supérieur etuniversitaire. Le prolongementnaturel est la question essentiellede son adhésion au systèmeLMD. Ce dispositif ambitionneégalement d’examiner avec unregard critique les innovationsintroduites par la nouvelle

Armand M’Batika, République Démocratique du Congo : Système éducatif

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Loi-Cadre de l’enseignement,en faveur de l ’E .S .U . Lecontexte : c’est-à-dire l’E.S.U.,le but : analyser le processusd’amélioration et ses visées et laméthode : l’approche systémique.

Évolution du système éduca-tif congolaisSur le thème de l’organisation, le

système éducatif congolais actuelest géré par trois ministères :le Ministère de l’EnseignementP r im a i r e , S ec o nd a i r e e tProfessionnel (M.I.N.E.P.S.P.),le Ministère de l’EnseignementSupérieur et Universitaire(M.I.N.E.S.U.) et le Ministère desAffaires Sociales (M.A.S.).

Au terme du décret présidentielno.15/015 du 21 mars 2015, leMinistère de l’EnseignementSupérieur et Universitaire(M.I.N.E.S.U.) est responsabledes domaines suivants :

► O r g a n i s a t i o n d el’enseignement supérieur etuniversitaire ;► Création et tutelle desé tab l i ssements pub l i csd’enseignement supérieur etuniversitaire ;► Reconnaissance et validationdes diplômes étrangers ;► Agrément des établissementsd’enseignement supérieur etuniversitaire et homologationdes diplômes décernés ;

► Création, tutelle et gestionde services de l’enseignementsupérieur et universitaire ;► Organisation, promotionet supervision des activitésculturelles, sportives et de loisirsau sein des établissementsd’enseignement supérieuret universitaire publics ouagréés (en collaboration avecle ministère ayant dans sesattributions les sports et lesloisirs) ;► Inventaire et gest iondu patrimoine mobilier etimmobi l i er du domained’enseignement supérieur etuniversitaire ;► Mobilisation des Fondsextrabudgétaires.

Sous la réforme de 1989 etde 2013, on assiste à la baissedu taux de déperdition pourles deux raisons suivantes.En premier lieu, les étudiantspayeurs recourent à tous lesmoyens imaginables pourassurer leur réussite. Ensuite,vivant essentiellement desfrais payés par les étudiants,les établissements de l’E.S.U.adoptent les mesures pour éviterles déperditions scolaires (Mpevo,2014). Encore aujourd’hui, lepouvoir politique considèrele secteur de l ’ éducat ioncomme un moteur importantdu déve loppement soc io -économique et une condition

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essentielle à l’émergence de laR.D. du Congo selon le présidentJ. Kabila Kabange (2015), sesparticularités sont notoires.C’est principalement la proximitéavec l’environnement social,culturel et linguistique. Lesdiversités ethnoculturelles etreligieuses : quatre languesnationales, dont trois ont unstatut multinational : le kikongo,le lingala, le swahili. (NgalasoMwata, 1986) en raison decette dynamique culturelle. Ceslangues re ètent et véhiculentégalement les valeurs et les codesde la communauté congolaise.À ces langues, suite aux lienshistoriques avec l’anciennemétropole, s’ajoute le français,devenu langue of cielle, langued’enseignement et langue desrelations internationales dela R.D. Congo avec les autresÉtats. Il possède ses variantesr ég iona l es . Ce t t e réa l i t élinguistique pose le problèmede plurilinguisme en termesde rapport soit de substitutionsoit de commutation soit encored’amalgame (MBula Moko, 1976).

• Quatre grandes confessionsreligieuses : le catholicisme,l e p r o t e s t an t i sme , l ekimbanguisme et l’islam. Au-delà de ces quatre grandesreligions, de nombreusescommunautés congolaisesdemeurent animistes, une

sorte de syncrétisme religieuxqui in uence encore la viesociale du pays. À ceci,s’ajoute de plus en plus leculte évangélique inspiré deséglises de réveil nombreuses.Les d iscours re l ig ieuxtémoignent de certainsaspects de la trajectoire de lasociété congolaise. (Asch, S.(1982), Rossie, J.P. (1976)).Chacune des trois grandesconfessions religieuses aimplanté son propre réseauscolaire avec un énoncé desa mission et le respect ducurriculum of ciel. Mais leursinstitutions d’apprentissagene doivent pas compterdes I.S.P. La formationdu personnel enseignantdemeure le monopole del’État, du moins jusqu’àmaintenant.

• L’enseignement supérieuret universitaire détient unepuissance symbolique.L’étudiant ou l’étudiantepeut choisir le programmed’études supérieures ouuniversitaires selon seschoix et ses intérêts. Dans lesannées 1960, les premièresuniversités congolaiseset l ’I.P.N. connaissaientun rayonnement au plannational et africain. Desententes facilitaient leséchanges de chercheurs et

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la circulation des étudiants.Ces universités surtoutLovanium accueillaientde nombreux étudiantsétrangers. Aujourd’hui detelles collaborations enformation et en recherchesont fortement en baisse.

A n d’appuyer le gouvernementcongolais, certaines institutionsinternationales comme la BanqueMondiale (2005), l’UNESCO (2004),la coopération internationalebelge, française et américainecontribuent au nancement destravaux, des infrastructures et desfournitures scolaires.

La non-performance de l’E.S.U.

L’E.S.U. a pour mission departiciper au progrès économique,social et culturel du pays,d’assurer la formation généraledu citoyen, la préparation, larecherche professionnelle de hautniveau scienti que, le service àla communauté (Verhaegen, B.,1970). Il a formé de nombreuxdiplômés dans des domainesvariés. Aujourd’hui aucune deces missions ne se réalise. Dansles années 1990 et 2000, lescandale des échecs académiquespersiste. Ikor (1978) peut encoredécrire une université en procèsaux bêtes. Kalonji Bilolo (2010)constate que la R. D. Congoest déclassée de la liste des

meilleures universités africaines.À titre de rappel, pendant desannées, les structures et lesprogrammes des universitéscongolaises étaient calqués surle système belge et régis par leslois belges. Les diplômes délivrésétaient légalement équivalentsaux diplômes délivrés par lesystème belge. Ces universitéscongolaises, Lovanium, universitéof cielle du Congo, et l’Universitéprotestante du Congo guraientbien parmi les meil leuresuniversités de pays africainsfrancophones.

Les cycles de l’enseignement• Subdivisée en deux grandes

structures, l ’éducationnationale a en charge :

• É c o l e s p r i m a i r e s e tsecondaires :

• Certi cat d’Études Primaires(CEP) : 6 ans d’école primaire.

• Diplôme d’État : 6 ans d’écolesecondaire (humanités).

• Enseignement supérieur etrecherche (E.S.U.) :

• Graduat : 3 ans d’université,le cycle correspond aubaccalauréat (1er cycle) dusystème canadien.

• Licence : 2 ans d’universitéaprès le graduat. Le 2e cyclecorrespond à la maîtrise dusystème canadien.

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• DES : 2 ans (après certainsnombres de critères).

• So u t en anc e d e t h ès ede doc tora t . Ce cyc l ecorrespond au doctorat (Ph.D. canadien.).

L’E.S.U. offre plus de centprogrammes. La durée du cycleuniversitaire total retenue parle Ministère de l’ÉducationNationale est encore de cinqans, sans compter que certainesfil ières exigent une annéepréparatoire au préalable.

Malgré de multiples réformes,l’enseignement supérieur etuniversitaire demeure encorecalqué sur le modèle desstructures métropolitaines. Telsles titres académiques et lespostes scienti ques : professeur(ordinaire, visiteur, associé,émérite) , chef de travaux,assistant de premier mandat etde deuxième mandat, chargé depratique professionnelle, recteur(de l’université), doyen (de lafaculté) et directeur général del’institut supérieur. Par arrêtéministériel, le ministre titulaire del’E.S.U. nomme les membres ducomité de gestion de l’université.Il s’agit pour une université : deRecteur, de Secrétaire généralacadémique, de Secrétairegénéral administratif et del’Enseignement Supérieur etUniversitaire (E.S.U.)

Concernant les institutssupérieurs, en particulierl es Ins t i tu t s Su pé r i eu rsPédagog iques ( I .S .P . ) , onretrouve le directeur général,le secrétaire académique et lesecrétaire général administratif.Ces derniers d ir igent lesinstituts supérieurs (Tshimanga,wa.Tshibangu, 2006).

En dépit du fait que le nancement public de l’éducations’est effondré en 1985, lors de lacrise économique qui a secouéle pays et la faible bancarisationdes ménages congolais (Mambu,G. 2013) le système éducatifcongolais a continué sa missionavec les classes sous équipées,la massi cation des auditoiresgrâce au financement directdes ménages et à l’économie dela débrouille « dite l’article 15 »caractéristique des Congolais,d’après De Villers, Gauthier,Jewsiewicki, Borgumuli etMornier (2001).

Dans les années 70 et 80,les coopérations bilatérales oumultilatérales ont accordé oufinancé des bourses d’étudeset des équipements, livres,etc. Par la suite, l’UNESCO etquelques ambassades nancentou appuient de façon sélectiveles programmes de certainsétablissements de l’E.S.U. (NeNzau Diop, J., 2008).

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L’enseignement supérieur etuniversitaire compte près de 326établissements, et plus de 200 000étudiants (Wikipedia Educationen R.D. Congo, 2014). Le tauxde scolarité en milieu urbain estde 76 %, tandis qu’il est de 48 %en milieu rural. 7,5 % des 6-11ans sont scolarisés. Une autreétude de Jeune Afrique (2013)établit le taux d’alphabétisationdes 15 ans et plus à 66,8 %. Pourles femmes, ce taux se situe à58,9 % et pour les hommes, à85,8 % (Jeune Afrique, 2013).Kebongo, D. (2015) déplorela médiocrité scientifique, lescabales et règlements de comptes,à l’Université de Kinshasa, le plus

ancien établissement universitairedu pays. Situé dans le contexteplus large d’une mutation, dessociétés et de la globalisationcapitaliste, ce contexte de crise del’enseignement est international ;il est souligné aussi par d’autresrecherches pertinentes (Bloom,B.S., 1976), Coombs, Ph.M.(1966), Illich, I. (1972) Gakodi,A.G. (1979), Kamana (1979),Ekwa bis Isal (1973), T.T.Schweitzer, et al. (1995), Marois,P. (1997), Boutin, G. et Julien, L.(2000), Baudelot, C. et Establet,R. (1989). Freitag, M. (1995) EnR.D. Congo, la crise actuelle estliée à l’état de déliquescenceavancé dans tous les domainesde la société globale congolaise.

R.D. Congo : Structure du système d’éducation

Source: UNESCO-BIE www.ibe.unesco.org données mondiales de l’éducation, 72 éditions 2010/2011

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Les réquisitoires suscitent desefforts de renouveau académique,

comme l’illustre le portrait ci-dessous, relatif à l’E.S.U.

Résumé du Renouveau Académique de l’E.S.U., 1961-2015

En 1961Ordonnance – Loi no73 du 22/09/1961

Création de l’Institut pédagogique (I.P.N.) avec l’aidedes experts de l’UNESCOI.P.N. devenu U.P.N. le 23 février 2005

En 1964 Ouverture progressive des Instituts d’enseignementsupérieur et technique

En 1971Réforme del’EnseignementSupérieur etUniversitaire1re Réformeacadémique

Uni cation et étatisationIntégration nationaleCréation de l’UNAZAUniversité Nationale du Zaire : (UNAZA) sescomposantes3 universités18 Instituts SupérieursLe congrès des profs nationaux avalise et plébiscitela réformeProfessionnalisationCréation de la commission permanente des étudesService de pédagogie universitaire

En 1981Contre Réformede l’EnseignementSupérieur etuniversitaireOrdonnance-loi 025-81, 19812e Réforme

AutonomisationEf cacitéDislocations de l’UNAZA suite à sondysfonctionnement.Ef cienceLes établissements devenus autonomes sont sousla supervision de trois conseils d’administrationTutelle du département de l’E.S.U.R.S.

En 1986Dislocation del’UNAZA en plusieursInstituts SupérieursIndépendantsTrois universités

En 1989Décision d’État75/CC/89 du29/4/19893e Réformeacadémique

Fin du monopole de l’État et ouverture au privéProlifération d’établissements privés parfois illégauxMaintien de la loi-cadre de 1986 qui consacrait lemonopole de l’État

En 1992Essainage de l’E.S.U.Arrêtés ministérielsDébut d’essaimagedes établissementsde l’E.S.U. sur toutel’étendue de laRépublique.

Les Institutions d’essaimage couvertes par desarrêtés ministériels et non par des ordonnancesprésidentielles.

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En 2003PADEM : Pacte demodernisation4e Réforme

Modernisation et partenariatRéforme des programmes académiquesRenforcement des capacités managériales desgestionnaires

11 février 2014-11février 2015Promulgation de lanouvelle Loi-Cadrede l’enseignementnational

Loi-Cadre sur le fonctionnement de l’éducationPorteuse de plusieurs innovations pour l’E.S.U. :1. introduction des NTIC ; 2. introductionprogressive du système LMD ; 3. introduction del’anglais et l’écologie.

État actuel de l’E.S.U.Depuis 1986 déjà Verhaegen

(1978) avait sonné l’alarme surla tendance à la déliquescenceet à la destruction générale del’E.S.U. Aujourd’hui, la situations’est aggravée. Au panthéondes dérives, une première placede choix revient au domaineaxiologique et la deuxième placeest réservée au plurilinguisme.

Cela signi e que l’arrivée de lastructure LMD ne doit pas fairel’économie d’un diagnostic précisde la situation à corriger et d’unmilieu à assainir en R.D. Congo.

Nous croyons à la nécessitéd ’examiner le mala ise del’E.S.U. en les plaçant dansune structure cohérente etexplicite. Toutes les dimensions,y compris les malaises, sontinterdépendantes. Une fois ceux-ci réglés ef cacement, ils pourrontremédier aux autres dé ciences.Dans cette perspective avec lesoutien de la Banque Africainede Développement (BAD), le

ministre de tutelle a encouragéles recherches consacrées àla modernisation de l’E.S.U.En se basant sur l’analyse,de nombreuses études, et desdocuments du Ministère de tutelle,il nous est possible d’avancerdes facteurs d’explication de lanon performance de l’E.S.U. quioriginent dans la société congolaisemême dans son ensemble.Quelques facteurs méritent unebrève explicitation. Au planorganisationnel : croissancequantitative et incontrôlée etdéséquilibres des maisonsd’enseignement, des institutssans ressources nancières ethumaines suf santes, ouverturedes lières d’enseignement sansétude préalable de faisabilité.Au p lan praxéo log ique :accroissement non planifiéd’ inscriptions d’étudiants,pléthore d’étudiants dans deslocaux inadaptés, délabrés et maléquipés, programmes et méthodesd’enseignement dépassés,formation trop théorique ouavec une pratique fort limitée,

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carences de nombreux étudiants,enseignants démotivés et oeuvrantdans des conditions précaires,absence de professionnalisation.De nouvelles données paraissentmontrer que la s i tuat ionantérieure s’est empirée dansle domaine axiologique et ledomaine linguistique.

1) Axe axiologiqueLes études réalisées avancent

un facteur fondamental : lesvaleurs. La constitution de laR.D Congo adoptée en 2006consacre les droits de l’homme,de la femme, des enfants ainsique la parité homme et femmedans les dispositifs de l’État.Tous les individus sont tenusdans leurs rapports sociaux derespecter les droits et libertés dechaque citoyen. En R.D Congo,les valeurs «historisées» et lesvaleursuniverselles se retrouventdans la devise actuelle du pays :JUSTICE-PAIX-TRAVAIL.

Donc on ne peut pas écarterces valeurs dans les débats, carelles in uencent la société globaleavec les attentes et les illusionsvécues. La crise du systèmed’éducation et de l’E.S.U. enparticulier n’est que la traductionde la crise des valeurs.

L’E.S.U. se trouve confrontéà une ambiance dé lé tèregénéral isée. Sur ce po int

particulier, le régime Mobutudes vingt dernières années n’aapporté que désolation et misère.

Selon de St-Moulin (2000),l’E.S.U. a su démontrer uneprise de conscience des valeursdémocratiques. Le secteurde l’enseignement a participéà sa manière à la lutte pourl’indépendance. Au milieu desannées 1960, il n’hésitait pasà se montrer critique vis-à-visla gestion de la chose publique.Jaloux de son autonomie, il a suproposer d’autres orientationset valeurs que celles prônéespar le champ paradigmatiquede la société congolaise. Il apu contester avec courage, lesdécennies de zaïrianisation et lesabus de l’authenticité imposéepar le régime de Mobutu dansles années 1970 à 1990.

Cependant, la crise sociétales’est manifestée rapidement(Verhaegen, B., 1978). Sélectifset élitistes, les diplômés sontdéconnec tés des réa l i t éspar rapport aux valeurs, àla culture et aux conditionsde vie de la majorité de lapopulation congolaise. Leurscomportements ne sont pas assezmodernisés (Élikia 2007). À cesujet, un nouveau concept « lesAntivaleurs » fait son apparition,Mulumba (2010). Ses formessont diversi ées : le favoritisme,

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le clientélisme, les abus sexuels,la méconnaissance du statutscientifique, la corruption etle langage pour masquer lacorruption. Dès 1989, après avoirintégré les antivaleurs du régimepolitique corrompu, l’E.S.U.connaît une augmentationmarquée de plusieurs mauxcontraires, à l’idéal de l’excellenceet de sa mission éducative.

Une majorité de professeursde l’E.S.U. ne placent plussuf samment les étudiants aucœur de leurs professions. Desvaleurs importantes d’hier sontbafouées considérablement,tant par les professeurs que parde nombreux étudiants. À titred’exemple, un autre nouveauterme fa i t son appari t iondans les interactions entre lesprofesseurs et les étudiants :le branchement . I l revêtdiverses formes, harcèlementsexuel et notes sexuellementtransmissibles. Ces pointssexuellement transmissiblesconsistent, pour le personnel-enseignant et les chefs de travaux,à donner des points non-méritésaux étudiantes moyennantdes relations sexuelles. Cephénomène de branchementtouche également les garçonsqui obtiennent des notes grâce àl’argent ; c’est la corruption. Laconférence nationale souveraine(CNS 1992) dénonçait déjà les

anti-valeurs du pouvoir politiquedans les milieux académiques.La CNS décrivait le clientélisme,la culture de la médiocrité, letra c d’in uence, la violence, letribalisme, le régionalisme, lemonnayage de notes. Il s’agit desmaux récurrents.

En 2015 , d ’ap rès uneassoc i a t i on nommée «LaLigue pour la Lutte contre lesAntivaleurs de l’Université deKinshasa (2015)», les principalesformes, au sein de l’E.S.U., sontassez connues et se manifestentde façon récurrente, en 2014-2015 :

- L’impunité répandue dans lasociété globale ;

- La corruption passive ouactive ;

- L e m a r c h a n d a g e o umonnayage des évaluations ;

- Les dispenses indûmenta c c o r d é e s à c e r t a i n sétudiants ;

- Le népotisme ;- Le tribalisme ;- L’habillement indécent ;- La reconnaissance moindredu statut scienti que ;

- Les violences physiques etverbales ;

- Les notes de complaisanceattribuées aux étudiantssexuellement transmissibles ;

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- L’inégalité des traitements ;- Le sexisme ;- Le harcèlement sexuel.

Cependant, la sexualité ausein de l’E.S.U. fait égalementl’objet de débats en particulierà l ’UN IK IN . Des va l eursspirituelles, intellectuelles etmorales sont proposées. Il existedes valeurs « historisées » dansune société, c’est-à-dire cellesqui ont été forgées au cours del’histoire et acquises au prixd’énormes sacri ces (Bouchard,G, 2015). Cet historien etsociologue rappelle que detelles valeurs jouissent d’unesensibilité particulière. À titred’exemple, en R.D. Congo, c’estentre autres la liberté, résultatde l’indépendance conquise,au terme des 75 ans de régimecolonial (1885-1960) ainsi que ladémocratie et le multipartismeacquirent après plus de 30 ansde dictature féroce (1965-1997)et au lendemain de la chute ducommunisme en Europe de l’Est.

En matière de respect pourd’autres valeurs que nouspouvons quali er d’universelles,à la suite du sociologue GérardBouchard (2015), par exemplel’égalité homme et femme, lerespect humain, le respect del’environnement, la justice, ladignité et la liberté d’expression,

le bilan n’est pas toujours desplus brillants, mais il existequelques avancés notoires, àtitre illustratif, la multiplicationdes « lisants » (Chaunu, P, 1982),c’est-à-dire la scolarisation duplus grand nombre des citoyens,l’ouverture sur le monde etfinalement, la valorisation dela culture africaine. L’équité etl’égalité comme valeurs soulèventdifférentes questions au sein del’E.S.U. La nation congolaise nesemble pas se l’approprier.

L’E.S.U. récupère peu lesdécrocheurs scolaires. Il arrivesouvent que les lles abandonnenttôt leurs études pour diversesraisons, entre autres, en raisonde grossesses précoces et nondésirées, des mariages forcés,des raisons familiales, les tâchesménagère ou encore à cause de ladiscrimination basée sur le genredes violences et viols, surtoutdans l’est de la R.D. Congo.

En d’autres mots, l’éducationn’est pas suf samment traitéecomme un droit pour tous, commela source de l’épanouissementmoral et intellectuel, commel’outil de la promotion sociale et del’insertion socio-professionnellesur le marché du travail.

Une lutte sans merci s’imposecontre ces signes manifestesd’anti-valeurs. À cet égard

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l’ordonnance no15 1015 du 21mars 2015 signé par le présidentde la République inscrit la luttecontre la corruption parmi lespriorités du gouvernement. C’estégalement une des attributionscommunes à tous les Ministèresqui sont invités à la mise enœuvre de la politique de labonne gouvernance, de la luttecontre la corruption et contreles anti-valeurs. Au termedes travaux issus des diverspays francophones portantsur la formation de personnelenseignement Paquay et al.(1996) conclut que la viséecentrale des programmes deformation, l’organisation del’apprentissage doit être de formerdes enseignants professionnelsde la maternelle à l’université,c’est-à-dire des enseignantsef caces avec une éthique.

Il existe quatre languesvéhiculaires qui couvrent leterritoire national. Le françaisconstitue la langue officielle,langue d’enseignement et languedes rapports internationaux.La question linguistique mériteun traitement part iculier .On constate une baisse dufrançais dans beaucoup depays. L’utilisation du françaiset des langues nationales dansl’enseignement continue deposer des questions au niveau

de l ’e f f icacité du systèmed’enseignement (M’Batika, A. etJonnaert, Ph., 1996). Ce sontdes enjeux et des repères pourl’action (Maurer, B., 2010). Laproblématique des rapportsentre ces langues en R.D. Congodemeure d’actualité :

► E n p r e m i e r l i e u , l erapport de substitution oubilinguisme d’opportunité oude complémentarité, c’est-à-dire l’abandon partiel ou totalet de manière progressive,d’une langue en faveur d’uneautre langue ;

► Ensuite, le rapport decommutation, entendu commel’usage alterné de ces languessurtout en milieu urbain ;

► Finalement le rapportd’amalgame ou diglossie, quirenvoie au mélange intensede deux langues surtoutde la langue française etdes langues congolaises.(MBula Moko, 1976) C’estc o m m u n é m e n t a p p e l éphénomène d’interférence.

Le contexte plurilingue dela R.D. Congo et ses rapportsd’amalgame avec le françaisn’est pas exceptionnels commeen témoignent les travaux denombreux linguistes Gauthier,R. (2001), Mbula, Moko (1976),Maurer, B (2010) et Ngalaso,

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M. (1986). Les problèmes deslangues peuvent être observésavec leur spécificité. C’est ceque nous tentons de faire ici. Lefrançais est la langue of cielledu Congo. C’est aussi la languede l’enseignement supérieur etuniversitaire. De ce point devue, il faut accorder beaucoupd’importance à cette question.Les Congolais disposent d’un belinstrument de communicationapte à la compréhens ioninternationale. Ce françaiscomporte des expressionsparticulières à la R.D. Congo.La place de la R.D. Congo ausein de la Francophonie a permisà ce pays d’accueillir en 2012le sommet de la Francophonieà Kinshasa. Dans le contextede renouveau académique, leplurilinguisme requiert notreattention, en raison des impératifsqui s’imposent dans les activitésd’enseignement et de recherche.En R.D.C. les quatre languesnationales africaines, kikongo,lingala, swahili, tshiluba, sontdistribuées de façon inégale. Onpeut les étudier du point de vuegéographique et du point de vuesocio-culturel. Si on se concentresur les pédagogies par exemple,on peut relever le rapportd’amalgame du français et deslangues nationales. Ce sont lesphénomènes d’interférencesc’est-à-dire des effets mutuels

positifs ou négatifs entre leslangues et le français. En outre,la qualité de cet enseignement setrouve affectée par la disparitédes quali cations d’enseignantsou les carences des professeurs.Également, la préparation estinsuffisante pour beaucoupd’étudiants et en raison de leursorientations aléatoires. Partout,la faible maîtrise du françaiscompromet les performancesacadémiques des étudiants dansles autres matières. Bucheton,D., Dezutter, O. (direction)(2008), mettant à contributiondes recherches françaises,belges, suisses et québécoises.Les deux chercheurs plaidentpour le développement desgestes professionnels dansl’enseignement du français pourmieux saisir la complexité dece qui se vit dans une salle declasse de français. L’anglais nefait qu’ajouter à l’impasse. Denombreux étudiants s’avèrentincapab les de met t r e enpratique de façon efficace cequ’ils ont appris tout au longde leur scolarité. La politiquelinguistique s’essouffle. Lerendement scolaire décroit dansdifférentes matières de base et àtous les ordres d’enseignement.

La politique linguistiquedonne théoriquement auxCongolais instruits l’opportunité

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d’accéder à la connaissanced’au minimum quatre langues :la langue maternelle, la languenationale, la langue of cielle, lefrançais, et nalement l’anglais.Mais en réalité, peu des Congolaismaîtrisent plus de deux langues,conc luent la p lupart desrecherches congolaises citéesplus haut qui ont étudié ceplurilinguisme.

La nouvelle loi-cadre sur lefonctionnement de l’enseignement(février 2014-février 2015)

Perspectives d’avenir pourl’E.S.U.

Après la promulgation de laloi sur l’enseignement national,des pistes sont exploréespour favoriser les mutationsà l’E.S.U. Le ministre MakerMuangu de l’E.P.S.I et le ministreMBemba de l’E.S.U. ont annoncéconjointement le 12 février 2015l’entrée en vigueur de la loi-cadre de l’enseignement nationalpromulguée par le chef de l’Étatle 11 février 2014. La nouvelleloi tient compte des instrumentsjur idiques internat ionauxdûment ratifiés par la R.D.du Congo et de l’évolution dessystèmes de l’enseignementsupérieur et universitaire, telsqu’exprimés par le processusde Bologne de juin 1999.Avec un volume important

de 254 articles, elle amènedes mutations importantes.La nouvelle loi-cadre apportedes réponses aux problèmesengendrés lors du régime dela loi-cadre no. 086-005 du22 septembre 1986, concernanten particulier, la modernisationdu processus enseignement-apprentissage. (Lukambu, A.2015). Mais on ne peut quedéplorer la faible législation quiest consacrée à la recherche,encadrée seulement par troisarticles dans la Loi. Depuis2010, le processus de Bolognea mené à la création de l’espaceeuropéen de l’enseignementsupérieur et universitaire. Si cetespace réunit près de 40 États duvieux continent, l’enseignementsupérieur et universitaireafricain a été également réforméen raison des rapports d’ordrel inguis t ique, po l i t ique e thistorique qu’entretiennent cespays avec le monde occidental.L’analyse de ce processus permetaux opposants du processusde Bologne de le considérercomme une application del’idéologie néolibérale au mondeuniversitaire. Le principe mêmede cette adaptation à une loiextérieure à l’Université – enl’occurrence, La Loi du marché– contredit la philosophie deslumières, qui était à l’origine dela création des universités (Azam,

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G., 2009). De notre point de vue,c’est une version renouveléedu paradigme rationnel, dontla fonction générale consiste àassurer surtout la permanencedes orientations de la sociétéindustrielle, la compétition entreles acteurs institutionnels ouindividuels. Davidenkoff, E. etKahn, S. (2006) se demandents i l e s un ive rs i t és se ron tsolubles suite aux effets de lamondialisation. Le processusde Bologne couvre aussi unedimension de compétition entreuniversités et par la mêmedemeure opposée à l’espritdes lumières à la base de lacréation des universités. Il estintéressant de relever qu’ens’alignant progressivement surla trilogie L.M.D., l’E.S.U. rejointdes nalités : l’harmonisationdu cursus, la mobilité desp r o f e s s e u r s - c h e r c h e u r set des étudiants, à l’échellemondialisée, le désenclavementdes établissements de l’E.S.U.,la relance de la coopérationuniversitaire, la mise en placed’une stratégie de renforcementde l’E.S.U., la formulation desprogrammes, etc.

La nouvelle loi-cadre de2015 est conçue en vue de lacréation de grandes écoles oùl’admission sera sélective, aveccomme mission la formation de

hauts cadres de la R.D. Congo.Elle constitue un remède destinéà la réhabilitation du personnelenseignant, à l’amélioration deleurs conditions de formation etde travail dans la dignité. En lienavec l’évolution technologique etdes enjeux mondiaux, cette loiintroduit au sein de l’enseignementn a t i o n a l , l e s n o u v e l l e stechnologies de l’information etde la communication (NTIC). Cesdernières sont appelées à faciliternotamment l’enseignement ouvertet l’enseignement à distanced’une part, et à initier les élèveset les étudiants congolais audéveloppement durable et à lalutte contre les changementsclimatiques d’autre part. Leministère de tutelle incite l’E.S.U.à généraliser progressivement lecours d’informatique et le coursd’anglais, dans les programmes detoutes les lières. Un tel dispositifne répond pas seulement au goûtdu jour. Il souligne la nécessitédu changement Bonami, M. etGarant, M. (1996), Karsenti, T.(2009). Pour Bonami et Garant(1996) il est nécessaire devéri er les possibilités pour unétablissement d’enseignementd’être innovateur et d’examinerles conditions favorables à un telprojet, son contexte culturel, etc.

On reconnaît que la loi-cadre fait partie de l’étiologie

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des lacunes nombreuses etrécurrentes de l’E.S.U. (Ot.Rombaud, 2015) Cette loi estconsidérée par le gouvernementcomme une so lut ion auxmultiples impasses éducativesdemeurées longtemps sanstexte légal ni règlementation.D’autres innovations adoptéesservent à la reconnaissance desObjectifs du Millénaire pour leDéveloppement (OMD).

L’harmonisation avec le sys-tème LMDLe processus de Bologne est

un processus de rapprochementdes systèmes d’enseignementsupérieur européen amorcé en1999 et qui a conduit à la créationen 2010 de l’espace européende l’enseignement supérieur. Ila pour ambition de placer lessystèmes nationaux diversi ésdans un cadre commun fondésur trois points :

a) la mise en place d’unestructure en trois cycles LMD ;

b) la mise en place d’un systèmecommun des crédits pourdécrire les programmesd’études, a n de promouvoirla mobilité des étudiants leplus rapidement possible ;

c) la mise en place du supplémentau diplôme afin de rendreplus facilement lisibles etcomparables les diplômes,

de favoriser l’intégration descitoyens européens sur lemarché du travail et d’améliorerla compétitivité du systèmeeuropéen à l’échelle mondiale.

Le processus de Bologneou système LMD s’est proposécomme un lieu de quelques débatsen R.D. Congo sur les rechercheset les innovations de l’E.S.U. C’estpar étapes que l’E.S.U. intègrele processus de Bologne mieuxconnu sous le nom de systèmeLMD. Dans une instructionacadémique publiée en août2011, Mashako Mamba, alorsministre de l’E.S.U., faisait déjàpart de la volonté de la R.D.Congode s’arrimer dans les standardsinternationaux en mettant enplace le mécanisme du processusde Bologne, tout en systématisantprogressivement les coursd’anglais et d’informatique danstous les établissements de l’État.

À Kinshasa, l ’UniversitéCatholique du Congo (UCO)a été l ’une des premièresinstitutions à intégrer le systèmed’enseignement au cours del’année académique 2012-2013.

L’absence de la plupart desétablissements congolais àl’international, Handbook ofHigher Education, fait l’objetde constat de la part de bien deschercheurs. L’E.S.U. s’est éloignéde l’idéal d’internationalité.

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Selon Mpevo Mpolo (2012), cettemarginalisation de l’E.S.U. prendsa source dans cinq élémentsexplicatifs :

► La déconsidération et lasous-évaluation des diplômescongolais dans les pays du G8et de l’Union européenne.

► L’absence de considérationde la formation congolaise etles équivalences aléatoirespar certaines universitésoccidentales.

► Le décalage par rapport auxcritères et normes de l’O.U.Apromulgué à Lagos au Nigériaen 1980.

► Le décalage par rapportau tempo, aux lières et auxtechnologies.

► La déconsidération desdiplômes congolais dansdes réseaux des universitésétrangères.

Le président J. Kabila apromulgué en février 2014 unenouvelle loi-cadre instituant lesystème LMD en R.D. Congo,en vue d’aligner l’éducationcongolaise sur les standardsinternationaux.

Le Ministère de tutelle del’E.S.U. a organisé à Zongo, du12 au 16 février puis du 20 au26 février 2015 deux forums surcette question.

Pour le professeur PascalManga Okenge, recteur del ’Un ive r s i t é de K indu e tprésident du Conseil des chefsd’établissements de l’E.S.U.du Maniema, le système LMDapporte certains avantages, unenseignement plus pratique dansles universités, une diminutiondu nombre d’années danschaque cycle : l’élimination desdiplômes supplémentaires et la n du retard de la R.D. Congodans l’application du mécanismede Bologne ou système LMD.

Le système LMD est associé àl’idée de refondation du systèmeéducatif congolais. Ses défisconsistent à contribuer audéveloppement socio-économiquede la R.D. Congo, à faire accéderl’E.S.U. dans les universités àl’échelle internationale, etc. àfavoriser la formation aux TIC,la pluridisciplinarité linguistiqueet la mobilité des professeurs,chercheurs, et des étudiants. Ellepermettra une bonne lisibilitédes cursus.

On notera que depuis 1971-1972 l’UNAZA reconnaissait déjàla quali cation et la compétencedes professeurs congolais dontla majorité détient des doctorats,délivrés par des prestigieusesuniversités occidentales. L’anciensecrétaire général, de l’Universitéde Kinshasa, Plevoets (1985)

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ajoute que la mise en place duservice de pédagogie universitaire(SPU) contribuait à cette qualitédu personnel enseignant .L’E.S.U. disposait de quelquesrelais tel le Bulletin de PédagogieUniversitaire (BPU) qui par lepassé, a aidé aussi à l’améliorationdes aptitudes pédagogiques. Desprofesseurs quali és ont su ainsidonner des cours remarquables.On décèle actuellement unecourbe descendante concernantla qualité des diplômes. La mêmeétude situe le déclin de l’E.S.U.,après les réformes, surtoutcelle de 1989 qui a entrainé unproblème d’équité des diplômeset des grades à l’E.S.U.

Les carences, l’impréparationet les mauvaises orientationsacadémiques ajoutent à cediscrédit. Les nouveaux docteursdiplômés de l’E.S.U. au cours desdernières années, notammentdans les écoles doctorales,ont souvent étudié dans desétabl issements dépourvusde réseaux essentiels au bonfonctionnement académique.Nous faisons ici référence àl’encadrement par des professeursabsentéistes, débordés, sinonscientifiquement dépassés, aufoisonnement de 3e cycle dansbien d’établissements de l’E.S.U.En 2006, le premier ministre, aunom du gouvernement jugeait

que cet enseignement n’étaitpas toujours garant de qualité. Ilavait alors décidé de limiter sonorganisation jusqu’à nouvel ordre.

On peut considérer qu’avecl’adhésion au système LMD,l’E.S.U. se voit fournir un dispositifprometteur. L ’équivalencedes diplômes, leur conformitéavec l’idée d’internationalité,la participation aux travaux derecherche à l’étranger, la questionde crédibilité et de validité desgrades décernés, la création despartenariats avec la concertationentre les universités peuvent êtrerelancées. Dans le même ordred’idées, la Banque Mondiale(2012) plaide pour un partenariatmondial dans le domaine del’éducation. Il s’agit, dit-elle, d’uninvestissement justi é. C’est lefondement du développement.

E l l e s ’ es t é la rg ie avecl’introduction de l’apprentissaged’une autre langue internationale,à savoir l’anglais. C’est en unsens un signe d’ouverture sur lemonde, mais surtout une priseen compte de l’importance decette langue anglaise dans lesrelations internationales. Lamise en place de la structureLMD aura aussi l’avantage demettre fin à des structuresasphyxiantes. Songo K. (2014)rappelle qu’actuellement aucuneinstitution de l’E.S.U. ne gureparmi les cent (100) meilleuresuniversités africaines depuis denombreuses années. Simplement

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parce qu’elle ne réunissentpas les critères scientifiqueset techniques requis pour êtresélectionnés. Ceci permet àce chercheur d’estimer quedans ce contexte il est presqueimpossible d’engager l’E.S.U.dans le processus de Bologne. Ilpropose de faire entrer l’E.S.U.dans le LMD avec toutes lesexigences nécessaires et avec unenouvelle culture académique.

Finalement, il a semblé utile delever les mesures de suspensionqui frappaient de nombreusesma i so ns d ’ ens e i gne me n tsupérieur et universitaire depuis2011 en matière d’organisationdes études de doctorat. Cesmesures ne concernaient pasles trois premières universités,les plus anciennes du Congo soitcelles de Kinshasa (UNIKIN), cellede Lubumbashi (UNILU) et cellede Kisangani (UNIKIS).

D’une part, six établissementset vingt-deux lières deviennentéligibles pour l’organisation du3e cycle en R.D. du Congo. Leministre de tutelle de l’E.S.U validede cette manière les résultatsd’une enquête qu’il avait diligentéeen février 2015 (Agence congolaisede presse, 26 mai 2015).

D ’ a u t r e p a r t , t r o i sétablissements ont été retenuspar la même occasion pourorganiser éventuellement lesétudes des D.E.S moyennantau préalable, la conclusion d’unpartenariat scienti que avec uneuniversité nationale ou étrangèrequi organise les mêmes lièresconformément à la nouvelle loi-cadre de février 2015.

Deux tableaux dressentla nouve l l e l i s t e de c e sé t a b l i s s e m e n t s é v o q u é sprécédemment.

Les établissements de l’E.S.U. éligibles à organiser les diplômesd’études supérieures : DES et Doctorat

Établissements Diplômes d’études

Université pédagogique nationale UPN) DES et Doctorat 6 lières

Institut supérieur de commerce de Kinshasa(ISC)

M.A. professionnelFilière de gestion et droit des entreprises

Université protestante du Congo (UPC) DES et Doctorat Filière de théologie

Institut facultaire des sciences del’information et des communications (IFASIC)

DES et Doctorat

Université catholique de Bukavu (UCB) DESFilière des droits de l’homme et de droitinternational humanitaire

Université catholique du Congo (UCC) DES et DoctoratFilière de théologie, de droit canonique etphilosophie

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Les établissements de l’E.S.U. éligibles à organiser les diplômesd’études supérieures : DES et Doctorat

Établissements Diplômes d’étudesInstitut supérieur des techniquesappliquées (ISTA/ Kinshasa)

DES

Institut supérieur de techniquemédicale (ISTM/ Kinshasa)

DES

Institut supérieur pédagogique(ISP/ Bukavu)

DES

La loi stipule également queles universités et les institutssupérieurs exclus de ces listespeuvent introduire des recourspour toute situation qui paraîtconstituer un cas d’injustice pourl’établissement, ou d’atteinte àd’autres droits reconnus de la

maison d’enseignement.

Les conditions d’organisationdes études de 3e cycle ou lesétablissements de l ’E.S.U.qui ont été retenus ont étéconsidérablement modi és. Etc’est à la suite de la sessionextraordinaire des conseilsdes établissements publics etprivés de l’E.S.U. organisée àKinshasa du 22 au 25 mai 2015que ces indications pertinentesont été signalées. D’une partle gouvernement a établi descritères scienti ques à l’intentionde ces institutions. Ainsi, unpotentiel d’encadrement suf santd’au moins dix professeurspermanents const i tue unpremier repère. D’autre part,on souligne la nécessité d’offrirun environnement propice sous

la forme d’une recherche dequalité, de dé nir clairement uncurriculum de formation et le suivides activités dans les contextesnational et international.

Il devient impératif égalementd’accorder droit de cite au matérielde qualité et aux contextesd’apprentissage favorables auxd’ouvrages disponibles, à desbibliothèques en ligne, à desrevues internationales spécialiséeset à des centres de recherche.

Les critères ne sont paslimites aux seules questionsd’encadrement. Le gouvernementveut aussi accroître ce respectdes conditions d’accès aux étudesde doctorat et du programme deformation, du processus menantà la soutenance de la thèse ainsique de la collaboration avecles universités et institutionsde recherche nationales etinternationales.

De la part du gouvernement,l’établissement de ce critériumscienti que respecte la Loi Cadre

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de l’enseignement national du11 février 2014, le vade-mecum,et le Criterium d’éligibilité desneuf institutions de l’E.S.U. encharge de la formation du 3e

cycle énoncé en 2015.

CONCLUSION

Ce travail de recherchetente de mettre au centre de laré exion la question inhérente àl’amélioration de l’enseignementsupérieur et universitaire enR.D. Congo. À partir du 19e

siècle, un nouveau contexte a vule jour avec la mise sur pied del’ordre colonial et de son systèmeéducatif en Afrique dont lesfondements persistent encore 50ans après l’Indépendance de paysafricains. Un système au servicede l’utilitarisme, de la compétitionéconomique, de la performanceindustrielle est instauré. Il y a uneinteraction entre le capitalismemétropolitain et l’évolution duCongo. Il fallait clari er ce rapportentre le système éducatif etl’environnement congolais dansune perspective systémique. Auterme de cette recherche, on està même de constater l’importancede deux paradigmes dominants :le paradigme industriel et leparadigme rationnel en éducation.Sous-système de la société globalecongolaise, l’E.S.U n’échappe pasau contexte national ambiant

caractérisé entre autres, pardes malaises interdépendantsdepuis une trentaine d’années. Ilne reste ni aveugle ni sourd faceau processus de rapprochementdes systèmes d’enseignementsupérieur et universitaire etau caractère compétitif dû à lamondialisation et à l’économie detype libéral.

La recherche fait connaîtreaussi la nouvelle loi promulguéeen 2015 porteuse de quelquesinnovations en faveur de l’E.S.U.,car si le système de Bologne offredes modèles à copier, il resteun lieu de débats pour tousles partenaires concourant àl’amélioration de l’enseignementsupérieur et universitaire.

Les changements introduits àl’E.S.U. relèvent de l’adaptation etsoulèvent des questions. Quelleplace des TIC au sein de l’E.S.U.? Lebrun, M. (2007). Béné ciantde la mobilité dans le cadre dela coopération entre le ConseilInteruniversitaire flamand etl’Université de Kinshasa en2 0 0 5 , t r o i s p r o f e s s e u r sbelges abondent dans le sensde l’importance de l’internettouchant l’ensemble des activitésacadémiques et scienti ques. Ladémotivation des chercheurs, laprécarité des équipements et desrevues spécialisées étouffent larecherche et le développement

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malgré un personnel enseignantet scienti que compétent danscertaines discipl ines. Desparlementaires congolais ontreproché à la loi de faire unepart dérisoire à la recherchescienti que. Toutefois, introduireles TIC sans esprit critique(Charlier, B. et Peraya (Éds)(2007), et s’appuyer sur le systèmeLMD sans vision ni éradicationefficace des anti-valeurs, nerisque pas de compromettre cesefforts de redressement ? LesTIC sont porteuses d’ouverturesur le monde, mais ils prêtentégalement à l’enfermementindividualiste Karsenti, T. (2009).

Quant au système LMD, il aentre autres le mérite de rénoverdes structures au stade actuel,en R. D. Congo on ne peutpas faire l’économie des enjeuxpolitiques, culturels et sociauxcontemporains. L’enseignementdu français et de l ’anglaisne doit pas s’organiser audétriment des quatre languesnationales vernaculaires. Ceslangues congolaises reflètentla culture africaine. En tenantcompte de cette réalité, leurpromotion s’impose ainsi queleur adaptation aux exigencesdu 21e siècle. Le problème des

phénomènes d’ interférencedemeure encore d’actualité.Beaucoup d’étudiants y perdenten promotion et en réussite.Malgré leur apport, le recours à ladiaspora congolaise ne sera passuf sant pour combler le dé citinterne en ressources humainescompétentes et efficientes. Lamobilité des étudiants dansl’interaction sud-nord pose unproblème, avec un faible tauxde retour des Congolais aupays natal. (Erlich, V., 2012)La lourde concurrence dansl’enseignement supérieur etuniversitaire, les échangesinternationaux en matière deformation et de recherche,l’ampleur des problèmes del’E.S.U. nécessitent, à notre avis,un changement paradigmatiqueau sein de l’E.S.U, après l’échecdu processus d’adaptationqui a démontré ses limites.Finalement, ce travail invitetoutes les parties prenantesde l’éducation à poursuivrel’examen des béné ces et limitesd’un nouveau paradigme. Malgrél’état de délabrement avancé del’E.S.U., on peut redresser cetenseignement. Il faut une fermevolonté politique et des moyensconséquents de la part de lasociété globale.

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Abdoulaye Barry, La prise en compte des valeurs socioculturelles...

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LA PRISE EN COMPTE DES VALEURS SOCIOCULTURELLESDANS L’ÉDUCATION DU CITOYEN: LE CAS DU MALI

Abdoulaye BarrySpécialiste de programme en éducation à l’IICBA

courriel :[email protected]

RÉSUMÉGlobalement, les écoles de la

quasi-totalité des pays du monde ontle mandat de former des citoyenneset des citoyens conscients des enjeuxauxquels font face les sociétés et prêtspour assumer leur responsabilitéd’acteurs sociaux, en vue de préserverla paix et la démocratie et construireun monde de paix. En Afrique, il estde plus en plus reconnu l’importanced’introduire l’enseignement desvaleurs socioculturelles africainespour le rôle qu’elles peuvent jouerdans la préservation de la paix et larésolution des con its. Dans ce sens,sans la substituer aux institutionssociales, religieuses ou traditionnelles,plusieurs personnes sont d’avis quel’école doit contribuer à l’acquisitiondes valeurs socioculturelles età l ’ instauration du dialogueinterreligieux. En particulier au Mali,suite aux derniers évènements dans lenord du pays, des solutions urgentesont été adoptées pour prendreen charge les nombreux jeunessurtout déscolarisés, non scolariséset nomades ou transhumants.

Mais pour agir de façon globaleet pérenne, les grandes questionsauxquelles il faut apporter uneréponse sont les suivantes : Quellessont les valeurs socioculturelles qu’ilfaudrait enseigner dans les écoles?Quelle démarche systématique faut-il adopter pour former les jeunesgénérations de l’ensemble du payspour en faire des citoyens enracinésdans leurs valeurs et ouverts auxautres? Comment exploiter l’ensembledes ressources humaines autour desécoles pour faire béné cier aux jeunesdes valeurs positives qui ont toujourspermis la cohabitation paci que entreles populations africaines? C’est àcertaines de ces questions que cetarticle tente d’apporter quelqueséléments de ré exion et des pistespour que le système d’éducation, defaçon endogène et autonome, trouveles solutions les plus pertinentes.

Mots clés :

Valeurs socioculturelles, éducationcitoyenne, dialogue interculturel,dialogue interreligieux, vivre-ensemble, curriculum inclusif

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INTRODUCTIONOn reconnaît unanimement

un rôle essentiel au systèmeéducatif pour transmettre etdévelopper les connaissances,compétences, dispositions etcapacités qui devraient êtremaitrisées par l’ensemble descitoyennes et des citoyens d’unpays pour vivre ensemble etconstruire un cadre commun quipermet l’exercice de la citoyenneté(CSE, 1998). Ainsi, les écolessont investies du mandat deformer des citoyennes et descitoyens conscients des enjeuxauxquels font face les sociétésainsi que de leur responsabilitéd’acteurs sociaux pour préserverla paix et la démocratie etconstruire un monde de paix.Les citoyennes et citoyensdoivent aussi être capablesd’être critiques et de participeractivement à la constructionde ce monde, de même qu’àêtre ouverts aux autres et àla différence. Dans l’article 26de la Déclaration universelledes droits de l’homme, il estmentionné que «… l’éducationdoit favoriser la compréhension,la tolérance et l’amitié entretoutes les nations et tous lesgroupes raciaux ou religieux,ainsi que le développement desactivités des Nations Unies pourle maintien de la paix ».

Aujourd’hui, il est de plusen plus reconnu l’importancedes valeurs socioculturellesafricaines dans la préservation dela paix et la résolution des con its.Dans ce sens, sans la substitueraux institutions religieuseset traditionnelles, plusieurspersonnes sont d’avis que l’écoledoit contribuer à l’acquisitiondes valeurs socioculturelles età l’instauration du dialogueinterreligieux avec l’objectif deprésenter de manière objectiveles grands courants religieuxet philosophiques et d’éduqueraux valeurs qui fondent le vivreensemble dans les sociétésafricaines.

L a n o u v e l l e d o n n esociopolitique suite à l’occupationdu nord Mali par les groupesarmés a produit des effets fortnégatifs sur les populationsdu nord mais surtout sur lesjeunes et le système éducatif enplace. Des actions comme cellesdu Club de l’UNESCO pour laculture de la paix, la visite desMoines du Temple Shaolin, lavisite de l’école de la paix, lesdivers accords ont produit deseffets non négligeables. Dansle domaine de l’éducation, desréponses rapides aux besoinsde nombreux jeunes surtoutdéscolarisés, non scolariséset nomades ou transhumantsont été trouvés. Mais il importe

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aujourd’hui de renforcer cesmesures existantes et de lesenraciner dans les traditions etla culture malienne pour assurerleur effet durable.

1- Position du problème desvaleurs socioculturelles àl’écoleL’école au Mali , comme

ailleurs dans le monde, est unlieu de vie où se côtoient desenfants issus de milieux sociaux,économiques et de culturesdifférents. Les enseignantsdoivent gérer cette mixité à traversdes principes et des valeurscommunes qui fondent l’école.Dans de nombreux pays, on peutobserver des programmes mis enplace pour prendre en charge lacompréhension mutuelle et levivre-ensemble dans le respectdes différences de tout genre.

C’est dans ce sens qu’estinstauré l’enseignement del’éducation à la citoyenneté,au dialogue interculturel et àla paix dans plusieurs paysafricains. En dehors de l’Afrique,des systèmes d ’éducationcomme celui du Québec auCanada ont par exemple unprogramme d’éthique et deculture religieuse dans lequeltrois compétences sont viséespour les élèves: réfléchir surdes questions éthiques (voleté th ique ) , mani f es ter une

compréhension du phénomènereligieux (volet culture religieuse)et pratiquer le dialogue (voletdialogue). Au Luxembourg,il est prévu que le nouveaucours d’éducation aux valeurs(provisoirement intitulé «Vie etsociété) remplacera l’instructionreligieuse et la formation moraleet sociale dans toutes les classesde l’enseignement fondamentalet secondaire à partir de larentrée scolaire 2016 - 2017.Les principes qui orientent lamise en place de ce cours sontde réunir les élèves autour devaleurs communes qui fondentle vivre-ensemble. En effet, leLuxembourg est confronté àl’accroissement de la diversitéde sa population scolaire, et avecelle la diversité des convictionsreligieuses et philosophiquesdans les classes.

Les élèves maliens, de mêmeque leurs milieux de provenance,se reconnaissent dans l’une oul’autre des grandes traditionsrel igieuses ou adhèrent àdifférentes formes de spiritualité.Pour paraphraser, Grannec,Landron, et Trigeaud (2014),nous dirons : «Comment, à traversl’école et l’enseignement, favoriserles échanges entre les cultureset les religions et s’opposeraux dérives de l’extrémismereligieux et ethniques?» Ce quel’on recherche, c’est davantage

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la contribution de l’école àla cohésion sociale dans lespays en garantissant à tous,une formation commune quitient compte de leur diversitéet qui les éduque aux valeursindispensables pour construirele vivre-ensemble. C’est trèssouvent l’ignorance des élémentsde culture, des connaissances destraditions et des rites, religieuxcomme non religieux, qui mèneà des positions dogmatiques etradicales (Grannec, Landron, etTrigeaud 2014). Il s’agira alorspour l’école, comme le dit sibien Zakhartchouk (2005), dedispenser les apprentissagesfondamentaux, bien évidemmentindispensables, en les conciliantavec l’appropriation culturellepar tous.

2- Retour sur les concepts dela thématiqueDans cet article, les principaux

concepts relatifs aux valeurssocioculturelles ne seront pasanalysés d’un point de vuesociologique ou anthropologique.Il sera simplement mentionnéla conception dans laquelle ils’inscrit et conséquemment, ilsera proposé sur un registreplutôt pédagogique des façons detraiter les valeurs socioculturelleset le dialogue interculturel etinterreligieux à l’école.

a) Valeurs

La «valeur est une normede conduite personnelle ousociale relevant de la moraleou de l’éthique, de la politique,de la spiritualité ou encore del’esthétique […]». A la suite dece qui est dit, nous considéronsque les valeurs sont des manièred’être et d’agir d’une personneou d’une collectivité. De ce fait,elles orientent les actions desindividus d’une société donnée.

Parmi les valeurs, on peutdistinguer les valeurs moraleset les valeurs socioculturelles.La valeur morale est personnelleà chacun. Elle est la base surlaquelle s’appuient les choixde vie, les paroles et les gestesqu’une personne effectue. Lesvaleurs socioculturelles sontquant à elles les balises que sedonne une communauté pourguider ses choix de lois et derèglements. Elles sont le re etde la façon de voir et de penserà une époque donnée, dans unmilieu donné.

b) Culture

La culture comporte deséléments comme les croyances,s u p e r s t i t i o n s , p r é j u g é s ,cou tumes , hab i tudes , e taussi l’éthique, la morale oules manières de penser. Laculture permet aux individus

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d’une société de se situer parrapport à l’environnement et elleconditionne leur comportement.Elle joue des fonctions à l’intérieurde la société parmi lesquelles oncompte : régler les interactionssociales (communication entrepersonnes à partir de leursrôles), aider à interpréter et àcomprendre son comportementet celui des autres. Les valeursqui fondent la cohésion nationalesont la religion, la famille et lescoutumes (Dougnon, 2009).

La diversité des croyances,coutumes et habitudes entre lesmembres des sociétés de plusen plus cosmopolites entraineune diversité culturelle quiest un état de fait inhérent àla société humaine. Selon leConseil de l’Europe (2008), ladiversité culturelle est causéeet accentuée par plusieursfacteurs comme la migrationtransfrontalière, la revendicationpar des minorités nationales ouautres d’une identité culturellepropre, les effets culturels de laglobalisation, l’interdépendancecroissante de toutes les régionsdu monde et les progrès desmoyens d’information et decommunication.

c) Dialogue interreligieux etinterculturel

Le dialogue est tout unensemble de bonnes pratiques

qui favorise le plural ismeculturel à tous les niveaux et lesinitiatives visant à découragertoutes les mani festat ionsd’extrémisme et de fanatisme etmettant en évidence les valeurset les principes qui rapprochent.

La diversité culturelle quicaractérise la plupart des sociétésaujourd’hui engendre souvent lapeur et le rejet. Ce comportements’appuie sur des stéréotypes,le racisme, la xénophobie,l’intolérance, la discrimination etla violence qui sont des menacesà la paix. Il est admis quel’antidote à toutes ces pratiquesest le dialogue entre les cultures.En empruntant au Conseil del’Europe (2008), nous dironsque « Le dialogue interculturelest un échange de vues, ouvert,respectueux et basé sur lacompréhension mutuelle, entredes individus et des groupes quiont des origines et un patrimoineethnique, culturel, religieux etlinguistique différents ». Danscette dé nition, on perçoit l’idéed’un dialogue fondé sur l’égalitédes partenaires, qui correspondà toute sorte d’interactionconstruct ive re levant desparticularités culturelles.

Le dialogue interculturelpermet d’apprendre à vivreensemble dans la paix et demanière constructive dansun monde multiculturel, et

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de développer un sens de lacommunauté et un sentimentd’appartenance. Les objectifs dudialogue interculturel, selon leConseil de l’Europe (2008), sont :

• partager des visions dumonde, comprendre ceuxqui ne voient pas le mondede la même façon quenous et apprendre d’eux ;

• me t t r e en é v i denceles différences et lessimil i tudes entre lesdifférentes traditionse t r e p r é s e n t a t i o n sculturelles ;

• parvenir à un consensussur le fait que les con itsne devraient pas êtreréglés par la violence ;

• contribuer à la gestiondémocra t i que de l ad ivers i t é cu l ture l l e ,e n p r o c é d a n t a u xajustements nécessairesde tous les types destructures sociales etpolitiques ;

• faciliter la communicationentre ceux qui perçoiventla diversité comme unemenace, et ceux quila voient comme unenrichissement ;

• partager l es bonnespratiques, notammentdans les domaines du

dialogue interculturel, dela gestion démocratiquede la diversité culturelleet de la promotion de lacohésion sociale ;

• développer conjointementde nouveaux projets.

Le rôle des religions dans lecadre de la cohésion sociale etde la compréhension mutuelleest de plus en plus reconnu.Ceci a conduit à l’encouragementde plusieurs pratiques commele dialogue interreligieux entreles communautés religieuses etdans certains cas l’enseignementdu fait religieux à l’école. Pour leConseil de l’Europe, les croyanceset les traditions religieuses – aumême titre que les convictionsagnostiques, athées ou laïques– constituent une dimension dela culture. En effet, le Conseilconsidère la quest ion descroyances religieuses sous deuxangles : la protection de la libertéde pensée, d’expression, deconscience et de religion, et lerôle des croyances religieusesen tant que fa i t cultureld’importance, au même titreque d’autres sources identitairescomme les langues, l’histoire oule patrimoine culturel.

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3. Enseignement des valeurssocioculturelles et du pilo-tage interculturel et interr-religieuxDans nombre de pays, les gens

sont désormais conscients que lastructure scolaire doit soutenirl’enseignement d’une citoyennetédémocratique. Les étudesmontrent qu’il existe un lienclair entre une attitude positiveà l’égard de la participation àune vie civique démocratiqueet les écoles qui encouragentleurs élèves à s’engager dansla gestion scolaire, à discuterouver tement l es g randesquestions d’intérêt public et en n,à agir. Aujourd’hui, les écoles nesont plus simplement perçuescomme des lieux où l’on dispensel’enseignement de disciplinespurement scolaires mais oùl’on prépare le citoyen à traversdes programmes particuliersayant pour objet d’informer lesélèves des véritables problèmesde leur collectivité, tout endéveloppant leurs connaissanceset leurs habiletés en matièrede participation au processusde développement social etéconomique des pays. En effet,dans des sociétés marquéesaujourd’hui par la pluralité,exercer sa citoyenneté comporteune double capacité : vivreensemble et construire ensembleà partir d’une compréhension

et d’un respect mutuels desdifférences et des valeurs.

Depuis quelques années, leMali est confronté à une crisesociale dont les fondementst o u c h e n t a u x v a l e u r ssocioculturelles et religieuses.Dès lors, on peut dire que lapréparation des citoyens doitfaire référence à des qualités, desattitudes, des comportementset des connaissances grâceauxquels une société édifiéepermettra de concil ier lesparticularismes et les valeurscommunes e t où chaquepersonne s’engage activement.L’école est l’une des institutionsprivilégiées de formation ducitoyen et dans ce sens, elle doitprendre en charge les besoinsnationaux de la construction dela paix et du développement. Ily a lieu de faire une mise à jourcontinue dans l’éducation desjeunes générations, car commenous l’apprend Erny (1987,p.16), «l’univers mental d’unegénération n’est jamais tout à faitidentique à celui des générationsqui précèdent ou qui suivent».

a) Enseignement des valeurssocioculturelles

La question de l’introductionde l’enseignement des valeurssocioculturelles et du dialogueinterculturel et interreligieux àl’école s’inscrit dans une telle

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préoccupation de l’adaptation dessystèmes éducatifs au contexte,aux aspirations et aux besoinsréels des individus, des groupessociaux et des pays africains enparticulier. On devrait continuerà parler encore d’une éducationrenouvelée, avec une tout autreconception de la vie économiqueet sociale, de la culture et del’avenir des pays africains. Ils’agit d’enraciner l’éducationdans les nouvelles réalités localeset de réorienter les systèmeséducatifs pour qu’ils intègrentles valeurs les plus signi cativesdes cultures et des civilisationsnationales (UNESCO, 1983). Cecis’inscrit également dans le travailentrepris par l’UNESCO en faveurde la culture de la paix en Afriquecomme elle l’exprime clairementdans sa Stratégie à moyen terme(2014 -2021) où elle identifie«la construction de la paix parl›édi cation de sociétés inclusives,paci ques et résilientes» commel’un des deux grands domainesd’action pour l’Afrique.

Malgré les efforts consentispar les gouvernements et lasociété civile, l’on continued’observer dans la vie de tousles jours autour des écoles,p lus ieurs comportementsnégatifs dus essentiellement àdes préjugés, des stéréotypesd isc r iminato i res que despersonnes d’un groupe ethnique

ou religieux adoptent vis-à-vis des personnes de groupesdifférents. Dans la plupart descas, ces comportements sontle résultat d’un manque deconnaissance sur les élémentsculturels ou religieux de l’autre.Certes, aujourd’hui le cousinageà plaisanterie et d ’autresformes de pratiques socialeset traditionnelles permettentd’éviter ou de résoudre certainscon its. Cependant, il faudraitaller au-delà en amenant la jeunegénération à mieux connaître,comprendre et intérioriserles valeurs socioculturelles etles fondements religieux quifaçonnent la manière de penseret de se comporter des différentsgroupes ethniques et religieux desa société.

La double préoccupationd ’ en rac in e r l ’ é c o l e d ansson milieu et à ses réalitéssocioculturelles et de l’ouvrir aumonde doit exploiter la façon dontla société prend of ciellement encompte la diversité culturelle etl’interprétation religieuse de plusen plus différenciée. Bref, l’écoledoit travailler ou appuyer ledéveloppement de la citoyennetéculturelle (Hébert et Sears, 1998)qui consiste en une prise deconscience d’un patrimoineculturel commun.

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b) Éducation au dialogueinterculturel et interreligieux

L’UNESCO mentionne que :

L’échange équitable ainsi quele dialogue entre les civilisations,les cultures et les peuples, baséssur la compréhension et lerespect mutuels et l’égale dignitédes cultures, sont la conditionsine qua non de la constructionde la cohésion sociale, de laréconciliation entre les peupleset de la paix entre les nations.

Le dialogue interculturel estcensé renforcer la cohésionsociale, apaiser les tensionsi n t e r c o m m u na u t a i r e s e tintracommunautaires, favoriserla tolérance, venir à bout despréjugés et des stéréotypessur les autres cultures, ouvrirles institutions sociales auxbesoins des différentes cultures,et accroître l’in uence mutuelledes cultures (Conseil de l’Europe,2008).

Au cours du Colloque tenu auSénégal en 2013 sur le Plaidoyerpour le dialogue interreligieux, laprincipale question débattue étaitde savoir «comment le systèmeéducatif, pluriel et diversi é danssa forme, prépare les citoyensau dialogue interreligieux dansle partage et l’enrichissementmutuel par les différencesreligieuses, au dialogue entre

les religions pour surmonterles risques de fracture et pourcontribuer au développementintégral des individus et detoute la société» (FondationKonrad Adenauer , 2013) .L’une des formes que l’écolepourrait adopter pour favoriserle dialogue interculturel serait depermettre aux élèves, quelle quesoit leur appartenance religieuse,d’appréhender les fondements dechaque pratique religieuse. Au-delà de la confession religieuse,l’école doit parler de la dimensiondu patrimoine culturel que toutélève a le droit de connaître.

Comme on le voit, il s’agira depermettre à l’élève de béné cierd’une connaissance de sa propreculture et de sa rencontre avecd’autres cultures façonnéespar des expériences différentesdes siennes. L’on parle bien deprésenter un savoir et non deconstruire une foi. Il y a bienentendu le choix de le faire encréant une matière ou de letraiter à l’intérieur de certainesdisciplines dites disciplines hôtesou alors utiliser les deux voies.La culture religieuse n’est doncpas une matière à part, ni unematière supplémentaire. Elleinscrit sa dimension dans le cadremême des enseignements et ilappartient à chaque enseignantd’honorer cette réalité (Père

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Daniel Boichot, 1998). A cet effet,les choix faits par le Québec etle Luxembourg décrits au débutde ce texte pourraient servird’inspiration.

4.Pistes pour l’enseignementdes valeurs socioculturelleset l’éducation au dialogueinterreligieux et intercultu-relDans la pratique courante,

les interventions pour répondreà des problèmes ou apporterdes changements sont le plussouvent ponctuels : on élaborede programmes de courte durée,du matériel de formation et onforme une catégorie d’acteurssans toucher véritablementà la politique nationale. Cefut le cas au Mali quand lacrise au nord a pris place. Desmodules de formation ont ainsiété conçus pour répondre auxbesoins éducatifs et de formationprofessionnelle des jeunes desrégions de Mopti, Tombouctou,Gao et Kidal. Il aurait fallupour leur donner l ’ impactsouhaité de les inscrire dansun cadre global d’adaptationdu système d’éducation auxnouvelles réalités nationalesengendrées par des phénomènesse manifestant au niveau local.

L o r s q u ’ o n p a r l ed’enseignement des valeurs

socioculturelles et du dialogueinterculturel et interreligieux,la question qui se pose est desavoir concrètement quel typede citoyen veut-on et commentcela pourrait se concrétiser ausein des ministères en chargede l’éducation et des écoles.Plusieurs pistes peuvent êtreenvisagées allant des grandesorientations curriculaires à lacollaboration avec les parents etla communauté, en passant parle curriculum et le programme,la formation des enseignants,l’organisation et la gestion desécoles.

a) Fournir des orientationscurriculaires prenant en chargeles valeurs socioculturelles etle dialogue interculturel etinterreligieux

L ’ i n t r o d u c t i o n d el’enseignement des valeurssocioculturelles à l’école nedevrait pas être laissée aux seulesécoles mais plutôt balisée par uncadre d’orientation curriculairequi vaut pour l’ensemble despaliers du système d’éducation.Le système éducatif malien enexemple, comme d’ailleurs laplupart des systèmes éducatifscontemporains sont confrontésà des situations complexes quinécessitent au minimum desajustements et des adaptations,et au maximum des réformes

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curriculaires. Il s’agit de doterles systèmes éducatifs d’uncadre de référence curriculairevalidé et opérationnel (Jonnaert,2015) qui contient, d’une part,un document intitulé Cadred’orientation curriculaire (COC)spéci ant les grandes orientationsdes politiques éducatives quiservent de référence et de balisesau travail curriculaire et auxpratiques pédagogiques; et del’autre, un core curriculum (CC)qui précise les apprentissagesindispensables, y compris ceuxrelatifs à la culture nationaleet locale, que toute personnedoit réaliser au cours de lascolarité pour être un citoyenresponsable et opérationnel danssa communauté et sa société.

Ce cadre de référence doitêtre unique pour l’ensembledu système d’éducation et doitindiquer clairement commentdoivent être pris en comptel’enseignement des valeurssocioculturelles dans les écoleset comment également tenircompte des spéci cités régionaleset locales. Pour concevoir lecurriculum, les spécialistesauront besoin d’indications surles conditions d’introductiondes valeurs socioculturellesdans la classe, les ressourcesqu’il faudra y consacrer ainsique les modes de collaborationà entretenir notamment avec les

communautés et la société civilequi jouent un rôle essentiel dansla préservation de la paix.

b) Dé nir un curriculum inclusifdes valeurs socioculturelles

Le nécessaire passage despolit iques éducatives à lapratique pédagogique se faitpar le curriculum qui permetaux politiques éducatives decheminer vers des actionsquotidiennes d’enseignement etd’apprentissage dans les sallesde classe. Rappelons que lesprincipales composantes d’uncurriculum sont :

- des socles communs decontenus d’apprentissage ;- le type de contenus pour lesapprentissages ;- les pro ls d’entrée et de sortiedes offres de formations ;- des modalités de structurationdes programmes éducatifs ;- u n e c o n c e p t i o n d el’apprentissage ;- les rôles et les statuts dupersonnel scolaire ;- les programmes éducatifs ;- une politique d’évaluation desrésultats des apprentissages ;- des mesures concernant lasanction des études ;- les orientations à donnerau contenu et à la forme desensembles didactiques ;

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- une stratégie d’implantationd’un nouveau curriculum ;- le régime linguistique desétudes ;- le régime pédagogique ;- u n e s t r a t é g i e d ecommunication ;- la carte scolaire ;- etc.

La prise en compte desvaleurs socioculturelles devraitêtre re étée sur l’ensemble deces composantes. C’est le lieude préciser dans un contextecomme celui du Mali qui renfermed’immenses ressources oralessur les valeurs et les pratiquesde dialogue, comment celles-ciseraient prises en compte dansl’enseignement. Le curriculumdevrait indiquer clairementcomment l’offre de formation se faità travers l’ensemble des domainesd’apprentissage, y compriscelui portant sur les valeurssocioculturelles et le dialogueinterculturel et interreligieux.Ainsi, l’enseignement de cesvaleurs n’est pas marginalisé parles autres domaines, car il assureune contribution essentielledans le développement descompétences citoyennes.

c) Élaborer des programmeséducatifs intégrant les valeurssocioculturelles et le dialogueinterreligieux et interculturel

A u c u n p r o g r a m m ed’éducation ne peut ignorer lanécessité de faire une place plusgrande que par le passé à lapréoccupation d’ouverture à ladiversité. Selon Ouellet (2002),cinq préoccupations ou valeurspeuvent fonder la pertinence etles diverses initiatives scolairesqui se présentent sous l’étiquettede l ’éducation du citoyen.Parmi celles-ci se retrouvent :l’ouverture à la diversité (Culture,ethnicité et identité, relativismeculturel et nécessité de ledépasser, obstacles aux relationsinterculturelles : préjugés,discrimination, hétérophobie,racisme), la cohésion sociale, lapréservation de la vie sur la planèteet le développement durable ; laparticipation critique à la vie et àla délibération démocratiques ; eten n l’égalité et l’équité.

Il s’agit, entre autres, dedévelopper des compétencessociales par les élèves et lesjeunes. Celles-ci comportent lescapacités d’action dont parleAugier (1999) : la capacité devivre avec d’autres, à coopérer,à construire et à réaliser desprojets communs, à prendredes responsabilités ; la capacitéà résoudre les con its selon les

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principes du droit démocratique(voire coutumier) ; la capacité àintervenir dans le débat public,à argumenter et à choisir ensituation. Les jeunes doiventdonc acquérir des connaissancessur les questions locales,nationales et mondiales, devenirsensibles à d’autres façons devoir le monde et être prêts à sejoindre à d’autres citoyenneset citoyens pour améliorerleur collectivité, leur nation etleur planète. L’enseignementdes valeurs socioculturellesdoit permettre aux jeunes des’approprier véritablementce qu’ils considèrent commeessentiel dans leur vie. Il imported’exploiter les situations réellesde la société qui mettent enjeu des questions de valeursou de dialogue pour les traiteren expl ici tant les valeurssocioculturelles et religieusesqui les sous-tendent en vued’améliorer le vivre-ensemble.

La mise en œuvre desprogrammes doit permettre auxjeunes de vivre des expérienceset certaines connaissancessocioculturelles «clefs». Le déest de pouvoir identifier cesconnaissances socioculturellesclefs et de dégager les situationsde vie dans lesquelles elles semanifestent ou elles peuventse manifester. Dans la sociétémalienne et ses différentes localités

où sont situées les écoles, quellessont les valeurs socioculturellesqu’il faut enseigner et commentles identi er ? Il ne s’agit pasde prôner le retour à un passéédénique en considérant toutesles valeurs socioculturelles, carce serait condamner le Mali àune stagnation, mais plutôt decomposer avec tous les élémentspossible, faire une synthèse richequi préserve l’identité et qui resteouverte aux apports extérieurs etau progrès. Il faudrait égalementéviter le formatage.

L’ef cacité des programmessuppose certainement desp r a t i q u e s p é d a g o g i q u e sappropriées pour leur mise enœuvre dans les écoles. Dans cesens, il y a lieu de privilégierles pratiques qui exploitent aumieux des situations réellesde vie en faisant intervenir lesvaleurs socioculturelles et ledialogue des cultures et desreligions. Ainsi, l’approche par lescompétences et autres pédagogiesde projet sont bien indiquées.Il faut aussi et surtout penserau projet d’école qui impliqueles parents et la communautéautour de l’école et qui pourraitamener l’ensemble des acteursà interagir en exploitant toutce qui existe comme valeurssocioculturelles et modes dedialogue dans l’environnementde l’école.

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d) Assurer une formation desenseignants qui intègre ladimension socioculturelle etle dialogue interculturel etinterreligieux

Les ense ignants , nousrappelle la Directrice généralede l’UNESCO (Bokova, 2013),sont le moteur le plus puissantd’amélioration de l ’équité,de l’accès et de la qualité del’éducation. Une éducationde qualité est, entre autres,celle qui a ou qui donne desracines et des ailes, c’est-à-direqu’elle forme les générations enleur permettant à la fois d’êtreenracinées dans les valeurset les problématiques de leursociété mais également ouvertesau reste du monde. Parler doncde formation des enseignantssigni e de les préparer, eux etleurs formateurs, à former untype d’individu, en tenant comptenotamment des événementssociaux, culturels et religieuxde son pays. La formation desenseignants à l’École normalesupérieure ou dans les IFMdevrait exploiter les valeurssocioculturelles qui régissentla vie des communautés dansce qui les rassemblent et dansce qui leur permet de continuerà échanger et de dialoguer envue de vivre et de construireensemble, comme c’est le casau Mali.

B ien sûr actue l lement ,les enseignants se sententdémunis pour remplir une tellemission. Il va falloir faire uneffort considérable en matièrede formation, en les préparantà travailler avec des classes quine ressemblent pas à celles qu’ilsont connues quand ils étaienteux-mêmes élèves. Ceci demandecertainement de nouvellescompétences, très dif ciles pourles enseignants ? Il s’agit biend’intégrer la «dimension socialeet culturelle» à la formationdes enseignants. Cela passepar exemple par un travail sursoi et son rapport à la culture,à côté de l’acquisition de cescompétences qui caractérisentle « passeur culturel » dont parleZakhartchouc (2005).

Une telle formation desenseignants doit être soutenuepar la recherche. C’est le lieud’interpeler la Faculté des lettres,sciences sociales et humaines(FLASH) ainsi que l ’Ecolenormale supérieure, en tantqu’institutions d’enseignementsupérieur en charge aussi dela recherche, d’identifier lesvaleurs socioculturelles quifont sens au développementdes compétences citoyennesrecherchées. La recherchepourrait par exemple porter surles questions suivantes : «Quellesvaleurs socioculturelles pour

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contribuer au développementd e q u e l l e s c o m p é t e n c e scitoyennes?», « Quelles ressourcesdisponibles dans le milieupour appuyer l’usage de tellesvaleurs socioculturelles dans laformation des citoyens dans lesécoles?». En conséquence, onidenti era la formation à donneraux enseignants, non seulementen termes de contenu mais ausside pratiques pédagogiques et demode de collaboration avec lescommunautés.

e) Mettre en place une gestionet une organisation des écolesrespectueuses des valeurssocioculturelles

L’exploitation des valeurssocioculturelles par l’écoleet l’instauration du dialogueinterculturel et interreligieuxaura un impact évident surl’organisation et la gestion desécoles. Dans ce sens, le rôle duchef d’établissement et de sonéquipe va se voir complexi é. Ils’agit pour l’équipe école de fairepreuve d’innovation en étudiantles valeurs socioculturelles deleur localité qui sont de natureà favoriser le développement ducitoyen pour le vivre-ensembleet la paix, mais aussi derecenser les situations les plussigni catives pour exploiter cesvaleurs ainsi que les ressourceshumaines disponibles. Il leurrevient également de faire preuve

de créativité dans la mise enplace de modes de collaborationefficaces avec le milieu pourpermettre aux élèves de pro terau mieux de cette collaboration.

I l f a u t n o t e r q u e l adécentral isat ion en p laceconstitue déjà une conditionfavorable à la cogestion de l’école.Dougnon (2009) fait remarquerque la décentralisation estbasée sur la revalorisationdu droit démocratique et/oucoutumier. La référence auxmodèles politiques précoloniauxqui a permis de traduire leterme décentralisation par «leretour du pouvoir à la maison -faga ka sigi so» donne auxcommunautés l’élan nécessaireà la collaboration avec l’équipeécole pour introduire les valeurssocioculturelles à l’école.

f) Renforcer les liens école-communauté pour une priseen compte effective desvaleurs socioculturelles etl’instauration du dialogueinterreligieux et interculturel

Comme il est dit ci-dessousconcernant la gestion de l’école,les professionnels de l’éducation(ministères, enseignants etencadreurs) ne réussiront passeuls dans l’introduction desvaleurs socioculturelles et dudialogue à l’école. Ils ont besoinde la collaboration des parents

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et des communautés ainsi quedes ONG autour de l’école. Ainsi,il est nécessaire de dé nir et demettre en place un mécanismede collaboration qui permettraà chaque catégorie d’acteurs dejouer son rôle, tout en évitantles conflits des rôles qui ontété souvent dénoncés dans lesrelations école-milieu.

Cette nouvelle fonction àassumer par l’école trouve uncontexte favorable dans le cas duMali. La pratique du consensuspolitique, nous apprend Dougnon(2009), a été possible parce quesous-tendue par des valeursancestrales qui s’enracinent dansl’histoire culturelle et sociale dupays. Selon lui, les populationsmaliennes sont en généralattachées, d’un côté aux valeurstraditionnelles et de l’autre auxvaleurs démocratiques comme lerespect des droits de l’homme,le multipartisme et le caractèrelaïc de l’État. La pratique du« cousinage à plaisanterie » ou« alliance à plaisanterie » (quali éd’être le plus riche capitalsocial), le brassage des ethnies,la force du droit coutumierdans la résolution des con itsintercommunautaires, le rôledes religieux et des griots dansla médiation en cas de con itet la décentralisation sont defacteurs essentiels à la culturede la paix que l’école peut tout

à fait exploiter. Dougnon (2009)rappelle que l’ex-président del’association des griots du Maliétait invité à toutes les rencontresinternationales organiséesau Mali et hors du pays pourexposer son savoir sur la culture(militaire, économique, sociale,familiale et politique) . De cettemanière, l’école peut exploiter lesressources de l’environnementde l’école pour faire acquérir descompétences sociales aux élèves.

Un des objectifs à poursuivreest d’amener l’ensemble despartenaires à former unevéritable communauté éducative.C’est ainsi que les membres del’équipe-école, de la direction etde la communauté environnantedoivent être conviés à interagirdans le but d’assurer la réussitedes élèves et l’exploitation dupatrimoine culturel pour formerdes citoyens responsables.Cette responsabilité partagées’actualise dans les modalitésde prise en compte des valeurssocioculturelles qui fondentnombre de pays, dont le Mali.

CONCLUSIONLes cultures a fr ica ines

recèlent dans leur profondeur desressources pouvant contribuer àla promotion d’une culture depaix et d’un nouvel humanismefondés sur la reconnaissanceet le respect de l’autre (Doulaye

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Konaté, sans date). L’auteurcontinue en disant qu’unemeilleure connaissance desmécanismes et des modes defonctionnement des sociétésafricaines éclairerait davantagetoute appréciation des mutationsen cours contribuant ainsi àl’effort collectif de recherche etde maintien de la paix (Konaté).Ces ressources devraient êtrepartagées dans les écoles qui sontdes lieux privilégiées d’acquisitionde savoirs, de développementd’aptitudes et d’attitudes. Ainsi,l’on sème une culture de lapaix enracinée dans les valeurssocioculturelles, adossée auxpratiques de dialogue endogènesentre les cultures et les religionset ouverte au monde. Il importede promouvoir l’intégration desvaleurs socioculturelles dans lesprogrammes scolaires en vigueuret leur vulgarisation à traversles technologies de l’informationet de la communication. Unetelle démarche contribuera àasseoir l’ensemble des savoirsque dispense l’école en leurapportant plus de sens.

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