isam shahrour lors des rencontres parlementaires smart city, octobre 2014

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Actes validés Présidées par André Santini, député des Hauts-de-Seine, président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris En présence de Myriam El Khomri, secrétaire d’État chargée de la politique de la Ville 1 res Rencontres parlementaires pour les Villes intelligentes Mardi 28 octobre 2014 Maison de la Chimie (Paris 7 e ) Smart cities : comment passer à la vitesse supérieure ?

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Page 1: Isam shahrour lors des rencontres parlementaires smart city, octobre 2014

Actes validés

Présidées par

André Santini, député des Hauts-de-Seine, président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris

En présence de

Myriam El Khomri, secrétaire d’État chargée de la politique de la Ville

1res Rencontres parlementaires pour les Villes intelligentes

Mardi 28 octobre 2014 Maison de la Chimie (Paris 7e)

Smart cities : comment passer à la vitesse supérieure ?

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À quelles conditions la France peut-elle devenir un modèle exportable en matière de ville intelligente ? Isam Shahrour

Bruno Leprat

Isam Shahrour, comment la France peut-elle aujourd’hui exporter ses initiatives vertueuses en matière d’intelligence de ville ?

’essentiel repose sur une expertise collective au plus haut niveau. Je voudrais témoigner de l’expérience du projet SunRise

monté dans la région Nord-Pas-de-Calais. Cette expérimentation à très grande échelle autour de la ville intelligente est devenue en trois ans un projet majeur au niveau national et européen. Elle est partie d’une question soulevée à l’université, il y a trois ans, quant au développement d’une activité nouvelle de recherche sur la ville. Nous avons identifié deux priorités dans la métropole de Lille et dans la région Nord-Pas-de-Calais, à savoir le développement durable, d’une part, le développement et l’usage du numérique, d’autre part. En combinant ces deux enjeux, nous sommes parvenus à la thématique de la ville numérique et durable. Or l’université ne possède pas les compétences transversales sur la ville. Pour nous aider à mener cette réflexion, nous avons mis en place un groupe de travail à l’échelle internationale comprenant des villes d’Europe et des États-Unis, ainsi que de grands opérateurs (eau, énergie, télécom, bailleurs sociaux, collectivités locales,

etc.). Des membres de ce groupe ont fait part d’un retour positif sur une expérimentation à New York sur les réseaux intelligents dans le domaine de l’électricité. Le groupe a identifié l’opportunité d’étendre ce concept aux autres réseaux urbains (eau, chauffage, gaz) et de mener une réflexion autour de l’interaction entre ces réseaux, pour des raisons de sécurité et d’optimisation. De plus, l’enjeu des usages a élargi la réflexion aux bâtiments et à l’espace public.

En l’absence d’un retour d’expérience significatif, le groupe a identifié la nécessité de passer par un démonstrateur à grande échelle de la ville intelligente. Le choix s’est porté sur le campus scientifique de Lille I, véritable ville qui représente 25 000 usagers, 145 bâtiments, anciens ou modernes, aux usages multiples : 4 000 chambres d’étudiant, des bâtiments d’enseignement, de recherche et de sport ; 100 kilomètres de réseaux, d’électricité, d’assainissement, d’eau et de chauffage. Nos partenaires privés mêlent de grands groupes et des start-up particulièrement pertinentes sur des sujets pointus. La région a financé une chaire internationale. Lille

L

Professeur à l’université Lille-I - Polytech’Lille, Isam Shahrour est

diplômé de l’École nationale des ponts et chaussées. Il a été vice-président

Recherche, études doctorales et valorisation de l’université Lille-I,

président du Technopole Lille Métropole et du Centre d’innovation des technologies sans contact : Citc–

EuraRFID sur la technologie sans contact. Actuellement, il dirige un

laboratoire de recherche dans le domaine du génie civil et de

l‘environnement et coordonne un important programme sur la ville

intelligente et durable, avec notamment la construction d’un

démonstrateur, à l‘échelle d’une petite ville, de la ville intelligente et durable (projet SunRise). Il est l’auteur de plus

de 200 articles scientifiques et a encadré près de 60 thèses de doctorat

dans le domaine du génie civil, de l’environnement et de la ville. Il a

donné une quinzaine de conférences sur le concept de la ville intelligente,

notamment une conférence TEDxLille (2014) sur la renaissance

de la ville.

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Métrople a financé quatre thèses. Nos partenaires privés ont apporté financement et expertise. Le financement est, bien entendu, une donnée fondamentale quant à l’ampleur de l’expérimentation.

De plus, la ville n’est pas née avec le projet, elle possède généralement une histoire. De nombreuses informations sont disponibles dans des archives et exigent un traitement spécifique pour leur intégration dans le projet de la ville intelligente. Nous avons ainsi exploré deux voies :

• un travail énorme de collecte d’information sur le patrimoine et son historique, et l’intégration de ces informations dans des bases de données numériques géolocalisées (système d’information géographique) ;

• La construction des briques de la ville intelligente, à l’instar de celle de l’eau potable. Nous sommes en partenariat avec une association internationale sur la sécurité de l’eau (W-Smart), qui regroupe des villes américaines et européennes. Le site de Lille est devenu un démonstrateur pour cette association. Nous avons rapidement obtenu le projet européen Smart Water 4Europe qui comporte quatre démonstrateurs : Lille, Londres, Cáceres en Espagne et Leeuwarden aux Pays-Bas.

Le projet SunRise a ainsi progressivement gagné en ampleur. Le même travail a été accompli sur le chauffage urbain, l’électricité et l’assainissement. Aujourd’hui, la plupart de ces réseaux bénéficient d’un système d’information et d’instrumentation. De nombreuses expérimentations sont à l’œuvre dans les réseaux. Ces projets attirent beaucoup de chercheurs et

d’étudiants à travers le monde, au point que nous avons des difficultés à faire face à ces demandes.

BRUNO LEPRAT Quels sont les enseignements de

cette démarche pour une ville comme Châteauroux ?

ISAM SHAHROUR Le partenariat public-privé est

essentiel. Nous n’aurions jamais pu avancer à cette vitesse si les opérateurs privés et les start-up n’avaient pas travaillé avec nous. Ils nous apportent une expertise, un financement et une légitimité.

Par ailleurs, c’est l’usage qui construit la ville intelligente. À Lille, les étudiants et les chercheurs assurent une continuité dans le développement et l’évaluation des mesures de capteurs et des outils. Les données recueillies au fur et à mesure de l’essor du projet doivent être analysées avant d’être exploitées et diffusées. Cette communication participe à l’impulsion même des territoires et des partenaires à grande échelle. Chaque année, une centaine d’étudiants sont impliqués dans ce projet.

BRUNO LEPRAT Gil Avérous, comment entendez-

vous ces recommandations académiques et ces pionniers que sont Gilles Vesco et Guillaume Delbar ?

GIL AVÉROUS Nos politiques locales doivent

s’inspirer de ce qui fonctionne ailleurs. Un rapport intitulé « Jules Ferry 3.0 » vient de paraître autour de la question de l’école créative dans un monde numérique. Il illustre le fait que nous sommes entrés dans une révolution à long terme, qui implique une formation

« Les données recueillies au fur et à mesure de l’essor du

projet doivent être analysées avant d’être

exploitées et diffusées. »

Isam Shahrour

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spécifique à l’attention des nouvelles classes d’âge. Ainsi, pour nos premières réalisations sur le terrain, nous avons équipé nos écoles d’iPad avec des cartes iTunes permettant de télécharger les applications indispensables. Cet apprentissage commence dès l’école maternelle.

Face à la question de l’évolution des usages, il nous faut constater que les outils numériques ne sont pas tous nécessaires ni même utiles. Les élus politiques doivent déterminer en amont si les nouveaux outils répondent véritablement à un besoin. Par exemple, certaines applications font la promotion d’une géolocalisation de places de stationnement disponibles. Cependant, elles coûtent cher alors même qu’elles sont peu pratiques d’utilisation au volant d’un véhicule. Les retours d’expérience sont particulièrement utiles en la matière. Le PDG d’Autolib’, qui est castelroussin, nous offre d’ailleurs une expertise précieuse sur les questions de transport.

BRUNO LEPRAT La France bénéficie de l’expérience

de grands constructeurs, mais elle est plus pauvre en matière d’offres de services ou de softwares. Gilles Vesco, la présence de ces grands construc-teurs constitue-t-elle une chance ?

GILLES VESCO Les transports en commun

constituent un point de friction, avec notamment le métro, qui constitue l’épine dorsale de tout réseau. Les coûts exponentiels d’extension du réseau se heurtent à la question de la saturation aux heures de pointe. Or, le seul endroit qui n’est pas bondé le matin entre le domicile et le travail demeure la voiture personnelle. Les banquettes arrière sont aujourd’hui envisagées comme du gaspillage d’espace. BlaBlaCar fonctionne au niveau du transport intercité. À l’intérieur des villes, l’offre reste au contraire modeste. Le covoiturage dynamique de dernière minute est complexe à mettre en œuvre. De plus, le guidage intelligent de stationnement fait l’objet d’une offre pléthorique. Or, le marquage des places implique une perte d’espace conséquente. Aujourd’hui, ce type de système n’est pas mis en place. Il s’agit de partager l’information digitale dans l’objectif d’optimiser la ville, à savoir son fonctionnement, son espace public et ses ressources. Il nous faut donc rester modestes en termes de mobilité : des solutions demeurent encore à inventer.

« Les outils numériques ne sont pas tous

nécessaires ni même utiles. »

Gil Avérous