introduction : la pertinence de l’espace mons borinage … · a la suite de l’effondrement du...

35
Transitions et reconversions dans le cœur du Hainaut depuis la Révolution industrielle Philippe Destatte directeur général de l’Institut Destrée 29 avril-7 mai 2015 Rmq. : Les quatre parties, composant initialement le texte, ont été rassemblées. Au Professeur Pierre Lebrun, (28 août 1922 12 décembre 2014), hommage posthume Introduction : la pertinence de l’espace Mons- Borinage-La Louvière-Centre pour appréhender les transitions Trouvant son origine dans le domaine littéraire, où il s’agit de lier le passage d’une idée, d’un raisonnement à un autre, le mot transition signifie également le passage d’un régime à un autre, ou d’un ordre de choses à un autre [2] . Conceptualisé en économie notamment par Marx et Schumpeter [3] , le mot est à la mode au tournant du XXI ème siècle. A la suite de l’effondrement du système communiste en Europe [4] , puis en vue du grand élargissement de 2004, on évoquait étonnant retour de l’histoire – la transition des pays de l’Europe de l’Est vers l’économie libérale ou capitaliste. On théorise de nos jours sur la transition énergétique, la transition écologique, la transition sociétale. Le terme signifie à la fois le changement, le passage d’un état à un autre état, et le moment de ce passage. J’ai mis en évidence que, dans sa pensée phénoménologique du temps, Gaston Berger l’un des concepteurs français de la prospective, sinon le principal faisait référence, autour des années soixante, aux modèles de changement développés par la psychologie sociale et la sociologie américaine. En m’inspirant, comme l’avait fait Berger en 1959 [5] , des travaux du psychologue social Kurt Lewin [6] , j’ai défini ailleurs l’idée de transition de la manière suivante : dans un modèle de changement systémique, il s’agit de la période pendant laquelle un système déstructuré et en rupture de sens voit les transformations majeures se réaliser dans l’ensemble de ses sous-systèmes, jusqu’à provoquer la mutation de l’ensemble du système lui -même. Cette phase de transition est suivie d’une étape finale de recherche et de recouvrement d’un nouvel équilibre (que l’on peut appeler harmonie) pendant laquelle la mutation peut devenir irréversible [7] . En abordant les transitions économiques et sociales hainuyères du XIX au XX ème siècles, je veux évoquer ici comment les grandes transformations se sont déroulées sur l’espace Mons-Borinage La Louvière-Centre. Celui-ci, on le sait, a été renommé depuis 2010 « Cœur du Hainaut » par un Partenariat stratégique local d’acteurs

Upload: duongdiep

Post on 15-Sep-2018

213 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Transitions et reconversions dans le cœur

du Hainaut depuis la Révolution industrielle

Philippe Destatte

directeur général de l’Institut Destrée

29 avril-7 mai 2015

Rmq. : Les quatre parties, composant initialement le texte, ont été rassemblées.

Au Professeur Pierre Lebrun, (28 août 1922 – 12 décembre 2014), hommage posthume

Introduction : la pertinence de l’espace Mons-Borinage-La Louvière-Centre pour appréhender les transitions

Trouvant son origine dans le domaine littéraire, où il s’agit de lier le passage d’une idée, d’un raisonnement à un autre, le mot transition signifie également le passage d’un régime à un autre, ou d’un ordre de choses à un autre [2]. Conceptualisé en économie notamment par Marx et Schumpeter [3], le mot est à la mode au tournant du XXIème siècle. A la suite de l’effondrement du système communiste en Europe [4], puis en vue du grand élargissement de 2004, on évoquait – étonnant retour de l’histoire – la transition des pays de l’Europe de l’Est vers l’économie libérale ou capitaliste. On théorise de nos jours sur la transition énergétique, la transition écologique, la transition sociétale. Le terme signifie à la fois le changement, le passage d’un état à un autre état, et le moment de ce passage. J’ai mis en évidence que, dans sa pensée phénoménologique du temps, Gaston Berger – l’un des concepteurs français de la prospective, sinon le principal – faisait référence, autour des années soixante, aux modèles de changement développés par la psychologie sociale et la sociologie américaine. En m’inspirant, comme l’avait fait Berger en 1959 [5], des travaux du psychologue social Kurt Lewin [6], j’ai défini ailleurs l’idée de transition de la manière suivante : dans un modèle de changement systémique, il s’agit de la période pendant laquelle un système déstructuré et en rupture de sens voit les transformations majeures se réaliser dans l’ensemble de ses sous-systèmes, jusqu’à provoquer la mutation de l’ensemble du système lui-même. Cette phase de transition est suivie d’une étape finale de recherche et de recouvrement d’un nouvel équilibre (que l’on peut appeler harmonie) pendant laquelle la mutation peut devenir irréversible [7].

En abordant les transitions économiques et sociales hainuyères du XIX au XXème siècles, je veux évoquer ici comment les grandes transformations se sont déroulées sur l’espace Mons-Borinage – La Louvière-Centre. Celui-ci, on le sait, a été renommé depuis 2010 « Cœur du Hainaut » par un Partenariat stratégique local d’acteurs

volontaristes, politiques, économiques et sociaux, dans le cadre de l’exercice de prospective supracommunal « Bassin de la Haine 2025″, mené à l’initiative de l’intercommunale pour le Développement économique et l’Aménagement du Borinage et du Centre (IDEA) sur ses vingt-cinq communes affiliées, avec l’appui du ministre de l’Économie du Gouvernement wallon, Jean-Claude Marcourt [8]. La pertinence de ce territoire, que l’on conçoit aujourd’hui comme composé de deux bassins plus complémentaires qu’antagonistes, peut évidemment être contestée, en particulier si on le projette dans le passé où, depuis les débuts de l’industrialisation, ces deux bassins ont souvent été concurrents [9]. L’association de ces deux zones en un seul territoire comme objet de recherche ou plan de développement n’est toutefois pas nouvelle.

Carte du Borinage-Centre (1961) – Echelle 1/200.000)

Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, 1961, Annexe.

=> Carte_Coeur-du-Hainaut_Solvay_1961 copy

En effet, lors de sa 29ème semaine sociale universitaire de novembre 1961, l’Institut de Sociologie de l’Université libre de Bruxelles avait traité en même temps des régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion, en se demandant comment ranimer les régions ? [10]. Une autre réflexion de ce type eut lieu en novembre 1977, organisée conjointement par l’IDEA, la Régionale wallonne [11] et la Conférence des Régions du Nord-Ouest, sous le patronage des Communautés européennes [12]. A l’occasion de cet événement, qui s’inscrivait dans le vingtième anniversaire de l’Intercommunale [13], son président, le député permanent Richard Stiévenart, également président du Conseil provincial du Hainaut, devait rappeler le choc considérable qu’avait été, pour la Borinage et le Centre, la suppression brutale et en un peu plus de 10 ans de quelque 45.000 emplois dans les charbonnages du

bassin [14] ainsi que, la chute, en quatre ans, de 1958 à 1962, du produit régional brut, à prix constant, du quart de sa valeur.

1955-1965 : liés par un même effondrement économique et social majeur

Ces deux territoires ont connu, ensemble, le même type d’effondrement au tournant des années 1960. On pourrait défendre l’idée que, cinquante ans plus tard, ils ne s’en sont pas encore totalement relevés. En effet, lors de leur entrée dans le Marché commun, par le Traité du 18 avril 1951, les mines belges bénéficiaient d’un statut spécial au travers d’abord d’un délai de cinq ans (mars 1953 à février 1958) – avec deux ans additionnels possibles – comme période de transition, ensuite d’un mécanisme de péréquation leur permettant de s’adapter à cette ouverture internationale de l’Europe des Six (Allemagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Belgique), enfin d’un droit d’isolement du marché européen en vertu de la Convention relative aux dispositions transitoires. Un régime particulier avait été imaginé, comprenant un programme dit d’assainissement, financé par moitié par la CECA et moitié par le gouvernement belge. Ce processus devait normalement entraîner la fermeture de huit sièges dans le Borinage en trois ans. Fin 1957 néanmoins, le retard était manifeste et, même si le nombre de sièges avait été réduit de 23 en cinq ans, il en restait encore 22 pour produire 4 millions de tonnes par an, soit une moyenne trop faible pour être compétitif face aux producteurs allemands et hollandais [15]. En 1958-1959, la crise frappait durement le Borinage, entraînant de la surproduction et donc du chômage tandis que les mines du Centre étaient très affectées par la concurrence du pétrole et des bas-produits. Il faut noter que, en Wallonie, les bassins de Liège et Charleroi résistaient mieux, car spécialisés en charbons domestiques, en pénurie dans la Communauté européenne [16]. En avril 1958, au nom du gouvernement belge, le ministre des Affaires économiques Roger Motz avait signifié l’accord du gouvernement d’Achille Van Acker à la CECA pour diminuer la production de charbon belge de plusieurs millions de tonnes sur 7 à 10 ans, ce qui impliquait d’importants remembrements et fusions, en particulier dans le Borinage et le Centre [17] .

La crise sociale qui éclate dans le Borinage en 1959, montre un certain isolement des deux bassins par rapport à la Wallonie et à la Belgique, dans un climat de différenciations patronales, syndicales et politiques, qu’ont bien montré les travaux menés sous la direction de Jean Meynaud, Jean Ladrière et François Perin [18]. Deux plans d’assainissements furent adoptés, le 31 juillet 1959 et fin décembre de la même année, qui devaient réduire considérablement le nombre de puits de mines, considérés comme non-intégrables dans le Marché commun, en échange d’un soutien du marché et d’une nouvelle aide à la reconversion régionale [19]. Il faut toutefois noter que les mobilisations et grèves de février 1959 – qui préfigurent sous certains aspects celles de 1960-61 en Wallonie – ont fait œuvre de prise de conscience régionale face au déclin et aux mutations [20]. Néanmoins, les organisations syndicales, comme du reste de nombreuses parties prenantes locales, refusèrent de se faire les défenseurs inconditionnels du secteur charbonnier et axèrent de plus en plus leur revendication sur les thèmes de reconversion régionale et de création d’entreprises nouvelles [21]. En cela, elles allaient aussi s’impliquer comme acteurs de la transition vers un autre modèle économique et social.

Un mot d’ordre pour longtemps : reconvertir le Borinage et le Centre

L’ambition, début 1959, était de se donner cinq ou six ans pour reconvertir le Borinage avec l’aide du Gouvernement et de la CECA pour en faire une contrée prospère : parce que nous l’aurons reconvertie à un moment où la technique était à un tournant, disait le député libéral montois Roger de Looze à la tribune de la Chambre, nous aurons alors des industries nouvelles au moment où d’autres régions connaîtront malheureusement les difficultés dans lesquelles nous nous débattons maintenant [22]. Le son de cloche était le même chez son collègue député socialiste Roger Toubeau qui, prudent, considérait que, si les choses allaient bien, les réalisations concrètes pour l’érection d’industries nouvelles avec les moyens de la CECA se concrétiseraient en quatre, cinq ou six ans. Entre-temps, disait-il, si l’on applique le plan du gouvernement, c’est tout le Borinage qui sera condamné à « vivoter », à végéter, en attendant de nouvelles perspectives d’avenir [23]. Leur ambition, malgré leurs différences politiques étaient néanmoins, pour les députés de Looze, Toubeau, Willot, de travailler ensemble à la reconversion. Regrettant le manque de coordination dans la politique économique régionale, ils s’associent, en 1960, pour mettre en place un Conseil régional d’expansion économique sur le Centre et le Borinage, et font des appels du pied au gouvernement pour qu’il les aide à mettre en place une société de financement qui ferait appel aux moyens privés du territoire pour aider à la reconversion [24]. Comme l’avait indiqué sans fard Max Drechsel, le 6 novembre 1961, contrairement à d’autres pays, en Belgique, l’action du gouvernement suivait l’initiative des territoires mais ne la précédait pas mais, de ce que chez nous, l’État suit et encourage les initiatives régionales, ajoutait le Recteur de l’Institut Warocqué, il ne faudrait pas en conclure trop tôt qu’il les suit bien et qu’il les encourage toujours efficacement. En d’autres termes; les modalités d’intervention de l’État, les méthodes et moyens qu’il utilise à cette fin, sont encore assez loin, selon nous, de répondre aux nécessités d’une action vraiment rationnelle [25].

On sait depuis que la prudence, voire le scepticisme, étaient raisonnables. Le Plan pour le Centre et le Borinage que le ministre des Affaires économiques présente le 9 novembre 1961 à l’occasion de la 29ème Semaine sociale universitaire, en le qualifiant de premier plan régional adopté en Belgique, est plus que volontariste, en particulier par son calendrier. Antoine Spinoy promet pour 1965 l’aménagement d’une série de parcs bien équipés, en bordure des agglomérations, l’amélioration de l’habitat, avec des quartiers neufs proches des futures concentrations industrielles, tout en reconstruisant les habitations les plus vétustes des agglomérations de Mons-Borinage et de La Louvière, la modernisation des axes de communication, en annonçant que devraient être terminés en 1965 ou avant la section Bruxelles-Mons de l’autoroute Bruxelles-Paris ; la section Mons-Charleroi de l’autoroute de Wallonie ; la réalisation complète de la liaison fluviale à 1.350 tonnes entre Anvers et le Borinage d’une part, entre Anvers et La Louvière d’autre part ; l’électrification ou, à défaut, la « diesellisation » du chemin de fer de Braine-le-Comte à La Louvière [26]. Notons tout de même qu’Antoine Spinoy était ministre des Affaires économiques et de l’Énergie tandis que le ministre des Travaux publics était J-J Merlot. Ce dernier devait s’exprimer dans les mêmes circonstances. Il le fit par la bouche de son chef de Cabinet Vranckx, avec beaucoup plus de prudence et probablement moins d’enthousiasme [27]. Sans dire comme Combat en 1962 que le Borinage est le cimetière des projets gouvernementaux [28], faut-il écrire que toutes ces mesures

décrites par Spinoy prendront davantage de temps que le calendrier annoncé, probablement à cause des défauts de coordination que regrettaient déjà les élus hennuyers lors du débat de 1959. Ces défauts résidaient au niveau de la politique territoriale (alors appelée régionale), mais aussi à celui de l’État central [29]. Lorsque le ministre Fernand Delmotte fera approuver par le Comité ministériel de Coordination économique et sociale (CMCES) les actions de reconversion, proposées par l’IDEA, et financées par les fonds CECA, en avril 1969, il restera encore beaucoup à faire du Plan conçu par Spinoy [30]. Et tant à faire également, pour ses successeurs à l’économie régionale wallonne, avec – bien entendu – moins de moyens mobilisables [31].

Même si, comme l’écrit justement Marinette Bruwier, le métier de mineur de fond était en voie de disparition dès avant la fermeture des charbonnages [32], l’arrêt de l’exploitation du puits Les Sartis à Hensies-Pommerœul, le 31 mars 1976, constitue l’ultime étape de l’histoire des charbonnages borains mais aussi de ceux du Cœur du Hainaut. En effet, dans le Centre, le Quesnoy à Trivières, dernier siège d’exploitation des Charbonnages du Bois-du-Luc, avait cessé son activité le 30 juin 1973 [33]. Depuis 1965 toutefois, les deux bassins miniers du Borinage et du Centre avaient perdu pratiquement toute activité [34].

Lors du vingtième anniversaire de l’IDEA, son président, Richard Stiévenart, devait néanmoins souligner que la mutation du système industriel régional était telle que l’on pouvait constater la naissance progressive, de 1965 à 1974, d’un véritable bassin industriel dans la zone IDEA [35]. Une dizaine d’année plus tard, en 1990, faisant suite à la décision d’Interbrew de fermer de Brassico à Ghlin où près de 500 personnes travaillaient encore [36], une cellule de crise fut constituée au sein de l’IDEA et élargie aux parlementaires de la zone afin de construire un plan de relance pour Mons-Borinage et d’interpeler la Région wallonne et l’Europe sur le financement de projets économiques, infrastructurels, dans les domaines du cadre de vie, du tourisme et des loisirs, ainsi que transfrontaliers [37]. D’autres initiatives, analyses scientifiques ou dynamiques d’acteurs ont été prises en parallèles ou successivement à celles-là, sur une partie ou sur l’ensemble du territoire [38]. Leur recension complète n’a pas été établie. Nous en évoquerons quelques unes au cours de notre réflexion.

Percevoir trois transitions sur le Cœur du Hainaut

Comme Karl Marx, l’historien Pierre Lebrun était fasciné par la problématique de la transition (la « Grande Transition » régime seigneurial – régime capitaliste n’étant, écrivait-il, qu’un cas particulier) [39]. Il y voit une structure de passage, une structure génétique, à la fois déstructuration et restructuration. Analysant la Révolution industrielle avec Marinette Bruwier de l’UMons et quelques autres collègues impliqués dans le projet Histoire quantitative et développement de la Belgique, Pierre Lebrun la voit comme structure de changement de structure, c’est-à-dire disposant de sa propre structure de transformation [40]. Sa position s’inspire d’Étienne Balibar dont il souhaitait que l’on médite longuement ses Éléments pour une théorie du passage. Le philosophe français estimait que la transition ne peut pas être un moment, si bref soit-il, de déstructuration. Elle est elle-même un mouvement soumis à une structure qu’il faut découvrir. Il précisait que les périodes de transitions sont caractérisées, d’une part, par la non-correspondance entre les formes du droit, de la

politique de l’État et la structure de production à laquelle elles ne sont plus adaptées, en étant décalées de la structure économique, et d’autre part, par la coexistence de plusieurs modes de production [41].

Si on les considère comme des mutations sociétales profondes et systémiques, des changements de civilisation, comme le fut la Révolution industrielle qui s’est effectuée dans nos pays, de 1700 à 1850 environ [42], ces transitions sont, selon ma lecture, au nombre de trois : d’abord, la Révolution industrielle déjà mentionnée, ensuite, la Révolution cognitive que nous connaissons et, enfin, la transition vers le développement durable qui accompagne cette dernière mutation. Je les vois comme les trois composantes du Nouveau Paradigme industriel qui est à la fois notre héritage et le moment dans lequel nous vivons et vivrons encore pendant un siècle ou davantage [43]. Je les aborderai successivement dans mes trois prochains articles.

[1] Un fort résumé de cette réflexion a fait l’objet d’une communication au colloque de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut Mons et le Hainaut, terre d’idées, d’inventions et de cultures, les 27 et 28 mars dernier à la Salle académique de la Faculté polytechnique de Mons, dans le cadre de Mons 2015. Cette communication avait pour titre Les transitions économiques et sociales hainuyères, le Cœur du Hainaut, du XIXème au XXIème siècle. Le texte en sera publié dans les Mémoires et Publications de la SSALH.

[2] Maurice LACHÂTRE, Dictionnaire français illustré, p. 1453, Paris, Librairie du Progrès, 1890. Avec aussi le mot « transitoire » : qui remplit l’intervalle d’un ordre des choses à un autre. Ibidem. – Pierre LEBRUN, Marinette BRUWIER, Jan DHONDT et Georges HANSOTTE, Essai sur la révolution industrielle en Belgique, 1770-1847, coll. Histoire quantitative et développement de la Belgique au XIXème siècle, t. 2, vol. 1, p. 30-33, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1981.

[3] Maurice GODELIER, La théorie de la transition chez Marx, dans Sociologie et société, vol. 22, 1, 1990, p. 53-81. – Joseph SCHUMPETER, Capitalisme, socialisme et démocratie, p. 340sv, Paris, Payot, 1951. – Maurice DOBB et Paul M. SWEEZY, Du féodalisme au capitalisme : problème de la transition, Paris, Maspero, 2 vol., 1977. – P. SWEEZY, Feydalism-to capitalism revisited, in Science & Society, 50/1, 1986, p. 81-84. – A noter que Robert Fossaert parlait de transition souple, transition empirique, transition avortée, etc. R. FOSSAERT, La société, t. 5, Les Etats, Paris, Seuil, 1981.

[4] Mais pas seulement, voir Guido L. DE BRABANDER, Transition économique, dans Les Fifties en Belgique, Bruxelles, CGER, 1988.

[5] Gaston BERGER, L’Encyclopédie française, t. XX : Le Monde en devenir, 1959, p. 12-14, 20, 54,reproduit dans Phénoménologie du temps et prospective, p. 271, Paris, PuF, 1964.

[6] Kurt LEWIN, Frontiers in Group Dynamics, in Human Relations, 1947, n° 1, p. 2-38. – K. LEWIN, Psychologie dynamique, Les relations humaines, coll. Bibliothèque scientifique internationale, p. 244sv., Paris, PuF, 1964.

[7] Philippe DESTATTE, Une transition… mais vers quoi ? Blog PhD2050, Paris-Liège, 9 mai 2013. https://phd2050.wordpress.com/2013/05/12/une-transition/

[8] Voir notamment le diagnostic prospectif : Philippe DESTATTE dir., Réflexion prospective dans le cadre de l’élaboration du plan de redéploiement économique et social du Bassin de la Haine, Repères pour un diagnostic prospectif du Bassin de la Haine à l’horizon 2025, Mons, Perspective Consulting – D + A International, Institut Destrée, 12 mars 2009, 94 p. http://www.coeurduhainaut.be/uploads/cms/BassinHaine_Reperes_pour_un_diagnostic_prospectif_2009-03-12_7.pdf – Cœur du Hainaut, Centre d’énergies, Plan d’actions, Projet mené par le Partenariat stratégique local sous la coordination de l’Intercommunale IDEA, avec l’appui du Gouvernement wallon, Mons, IDEA – Institut Destrée, 2011. http://www.coeurduhainaut.be/uploads/Coeur_du_Hainaut_Plan_actions.pdf

[9] L’historien Michel Dorban rappelle que, plus favorisé que le Borinage dans la question de l’exhaure, le Centre se heurtait à l’époque autrichienne à de grosses difficultés de transport, la Haine n’étant à l’époque navigable qu’à l’ouest de Mons et les États de Hainaut refusant, jusqu’en 1756, de relier le Centre à Bruxelles de crainte de concurrencer le Borinage. M. DORBAN, Les débuts de la Révolution industrielle, dans La Belgique autrichienne, p. 121-162, Bruxelles, Crédit communal, 1987. p. 264 de la version électronique. – M. Dorban indique que le trafic sur la Haine était de 60.000 tonnes environ en 1753-1755, pour atteindre 100.000 en 1769-1771 et plus de 200.000 en 1784-1787. (op. cit., p. 265). – Voir aussi Christian VANDERMOTTEN, Le Hainaut dans le contexte des régions de vieille industrialisation, dans Claire BILLEN, Xavier CANONNE et Jean-Marie DUVOSQUEL dir., Hainaut, Mille ans pour l’avenir, p. 144, Anvers, Mercator, 1998.

[10] Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion, XXIXème Semaine sociale universitaire (6-10 novembre 1961), Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Institut de Sociologie, 1962. – Il faut noter que l’Institut de Sociologie avait déjà consacré sa XXIIème semaine sociale universitaire, en 1950, à la reconversion mais cette réflexion avait uniquement porté sur Le Borinage, Revue de l’Institut de Sociologie Solvay, Bruxelles, 1950, p. 45-417.

[11] Régionale wallonne pour l’Urbanisme, l’Habitation le Développement et l’Aménagement du Territoire, présidée par Charles Bailly, sénateur et bourgmestre honoraire de la Ville de Liège.

[12] Richard STIEVENART, XXème anniversaire de l’IDEA, Les activités de l’IDEA : projets et faits, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 29, 1977/3, p. 5.

[13] L’IDEA a été créée en 1961 à partir de l’Association intercommunale pour le Démergement et l’Assainissement de la Vallée de la Haine inférieure (IDAVHI) fondée le 11 juillet 1956 et devenue le 16 mars 1961 l’Association intercommunale pour le Développement, l’Expansion et l’Équipement économique et social du Borinage, appelée aussi l’Interboraine. Cet organisme sera agréé le 19 mai 1961 par le Comité d’Expansion économique et de Politique régionale comme société régionale d’équipement. Son champ d’application sera étendu aux deux régions du Centre et du Borinage par l’arrêté royal du 12 juin 1962 et elle prendra alors le nom

d’Association intercommunale pour le Développement économique et l’Aménagement des Régions du Centre et du Borinage (IDEA Centre et Borinage). La Région du Centre (II), dans Cahiers hebdomadaires du CRISP, n°440, 1969/14, p. 1-2. – Richard STIEVENART place cette création en 1953. R. STIEVENART, Les conditions de la reconversion économique du Borinage, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 121-122. – Ph. DESTATTE, Jalons pour une définition des territoires, dans Ph. DESTATTE et Michaël VAN CUTSEM dir., Quelle(s) vision(s) pour les territoire(s) wallon(s), Les territoires dialoguent avec leur région, p. 21-22, Namur, Institut Destrée, 2013.

[14] Pour l’arrondissement de Mons, Marinette BRUWIER donne les chiffres de – 2500 emplois de mineurs perdus en cinq ans de 1952 à 1956, – 3600 en 1957 et 1958, et – 11.000 en 1959, 1960, 1961. En fait les quelques 20.000 mineurs licenciés de 1952 à 1961, s’ils ne se sont pas reconvertis, ont été admis à la pension beaucoup d’étrangers sont retournés dans leur pays. M. BRUWIER, Connaissance historique de la zone de reconversion, dans Réseaux, 1985, p. 13-27. – Article repris dans M. BRUWIER, Industrie et société en Hainaut et en Wallonie du XVIIIe au XXe siècles, Recueil d’articles de Marinette Bruwier, p. 387 et 391, Bruxelles, Crédit communal, 1996. – De 1948 à 1961, le Borinage a perdu 18.922 emplois de mineurs tandis que le Centre en a perdu 18.033. Pour le « Cœur du Hainaut », on atteint les 36.955 emplois directs supprimés. M. BRUWIER, Que sont devenus les mineurs des charbonnages belges ? Une première approche : problématique et méthodologie, dans Revue belge d’Histoire contemporaine, t. 19, 1988, p. 173-203, reproduit dans M. BRUWIER, Industrie et société en Hainaut et en Wallonie…, p. 363.

[15] Jean MEYNAUD, Jean LADRIERE et François PERIN dir., La décision politique en Belgique, Le pouvoir et les groupes, p. 271, Paris, A. Colin, 1965. – François VINKT, Le problème charbonnier, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 154-169.

[16] Ibidem, p. 271-272. – Réforme de l’exploitation charbonnière dans le bassin du Centre, dans Cahiers hebdomadaires du CRISP, n° 12, 3 avril 1959.

[17] Intervention du député Hilaire Willot à la Chambre, le 18 février 1959. Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 18 février 1959, p. 39.

[18] Jean MEYNAUD, Jean LADRIERE et François PERIN dir., La décision politique en Belgique…, p. 271sv. – René EVALENKO, Régime économique de la Belgique, p. 294, Bruxelles-Louvain, Vander, 1968. – Francis BISMANS, Croissance et régulation, La Belgique 1944-1974, coll. Histoire quantitative et développement de la Belgique, p. 529-530, Bruxelles, Palais des Académies, 1992.

[19] Ibidem, p. 276-277. – W. DEGRYSE, Michel FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage, avec une introduction de Max GOTTSCHALK, Bruxelles, coll. Etudes d’Économie régionale, Bruxelles, Institut Solvay, 1958. – Un groupe de pression, le Comité de Défense du Borinage, dans Courrier hebdomadaire, Bruxelles, CRISP, n° 3, 23 janvier 1959, p. 2-9, et n° 31, 11 septembre 1959, p. 19-21. – Décisions et réalisations des Communautés européennes, dans Le Hainaut économique, n° 1, 1961, p. 120.

[20] Le problème des reconversions régionales en Belgique, dans Courrier hebdomadaire, Bruxelles, CRISP, n° 85, 18 novembre 1960, p. 13. – Marinette Bruwier écrit : La participation décidée du Borinage à la grève nationale de 1961 témoigne également du mécontentement profond, de la rancœur qui habite la région. Il est certain qu’une perception confuse du déclin, une peur des mutations, la crainte du chômage planaient et empoisonnaient l’atmosphère. M. BRUWIER, Connaissance historique de la zone de reconversion, dans Réseaux, 1985, p. 13-27. – Article repris dans M. BRUWIER, Industrie et société en Hainaut et en Wallonie…, p. 388, Bruxelles, Crédit communal, 1996.

[21] Jean MEYNAUD, Jean LADRIERE et François PERIN dir., La décision politique en Belgique…, p. 285. – voir aussi Gaston EYSKENS, Mémoires, p. 585sv, Bruxelles, CRISP, 2012.

[22] Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 18 février 1959, p. 38-39.

[23] Ibid., p. 17.

[24] Interpellation du ministre des Affaires économiques Jacques Van der Schueren, Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 20 janvier 1960, p. 28-29. – Une Commission élargie de Défense du Borinage s’était déjà mise en place à l’été 1959, à la suite et en concurrence du Comité de Défense présidé par Max Lux, dessinateur au Levant et militant de Wallonie libre. Voir Comité de Défense et Commission élargie de Défense du Borinage, dans Courrier hebdomadaire du CRISP, n°31, 11 septembre 1959, p. 19sv.

[25] Max DRECHSEL, Introduction à l’étude des problèmes de la reconversion du Centre et du Borinage, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 20.

[26] Antoine SPINOY, Exposé des plans gouvernementaux, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 311-247. – La Région du Centre…, p. 5.

[27] J-J MERLOT, Conséquences socio-économiques d’une politique de grands travaux, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 349-361.

[28] CRAINQUEBILLE, L’agonie du Hainaut, dans Combat, 26 avril 1962, p. 1.

[29] Voir l’interpellation du député Clotaire Cornet au ministre des Travaux publics sur « les retards apportés à la reconversion du Borinage, à la construction de l’autoroute de Wallonie et à l’aménagement du canal de Charleroi et de la Basse-Sambre« , Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 16 juin 1964, p. 56-66. Outre l’avancement des travaux, le Ministre Georges Bohy donnera notamment les renseignements suivant concernant les entreprises : dans le zoning de Ghlin-Baudour, – créé en 1951 à l’initiative de la Province – Brasseries de Ghlin réunies, Verlica (verreries, flaconneries) filiale des Verreries de Momignies et du Val Saint-Lambert réunis, Aleurop (profilés d’aluminium), Pirelli (accessoires en caoutchouc autres que les pneus). Stewart Warner (appareils échangeurs de

chaleur), et Papercraft (emballages et fournitures de bureau) étaient en voie d’installation ; Weyerhaeuser Belgium (emballages en carton), Centre métallurgique européen, Mirgaux (entreprises de transports et réparations de moteurs), Pourveur (éléments en béton préfabriqués). Dans le zoning industriel de Frameries, Warner Brothers (bonneteries) et Real Estate Belgium (fabrication de halls d’usines) sont en construction. Dans le zoning de Seneffe-Manage a été inaugurée la première usine de montage d’automobiles existant en Wallonie. (p. 72). – Notons que Antoine Spinoy précisait dans son intervention que dans une reconversion, il n’importe pas seulement de réaliser ce qui est prévu. Il faut le réaliser à temps. Op. cit., p. 316.

[30] Sur l’action de Fernand Delmotte voir Marnix BEYENS et Philippe DESTATTE, Un autre pays, Nouvelle Histoire de Belgique, 1970-2000, p. 217-220, Bruxelles, Le Cri, 2009. – F. DELMOTTE, 22 mois d’Economie régionale, slnd (1970).

[31] Voir notamment les intéressantes interpellations des députés Guy Piérard et Willy Burgeon, avec une intervention d’Albert Liénard, à l’égard du ministre des Affaires économiques Marc Eyskens, le 1er février 1984. Interpellation de M. Piérard à M. le Ministre des Affaires économiques sur la « politique de reconversion menée à l’égard des régions et les nouvelles modalités du Fonds de Rénovation industrielle. Interpellation de M. Burgeon à M. le Ministre des Affaires économiques » à propos du projet gouvernemental de reconversion qui lèse la Wallonie et aggrave la situation de certaines sous-régions, en particulier le Centre et le Borinage. Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 1er février 1984, p. 1293-1298.

[32] M. BRUWIER, Que sont devenus les mineurs des charbonnages belges ?…, p. 381.

[33] http://borinage.blogspot.be/p/charbonnages-dhensies-pommeroeul.html – Jacques LIEBIN, Les sociétés charbonnières de Mariemont et Bois-du-Luc : villages ouvriers, pragmatisme et idéologie, dans Villages ouvriers, Utopie et réalités, Actes du colloque international au Familistère de Guise (16-17 octobre 1993), dans L’Archéologie industrielle en France, n° 24-25, 1994.

[34] M. BRUWIER, Que sont devenus les mineurs des charbonnages belges ?…, p. 363.

[35] Ibidem, p. 7 et 10.

[36] Eric DEFFET, La mort lente et programmée de Brassico à Ghlin, dans Le Soir, 10 mars 1992, p. 16.

[37] Un plan de relance pour Mons-Borinage, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 53, 1990, p. 13.

[38] Bernard LUX, Segmentation du marché du travail et analyse dynamique du chômage en Belgique, Le cas des régions de Mons et de La Louvière, Saint-Saphorin, Georgi, 1983. – Marcel COLLART, La situation économique et sociale de la région de Mons-Borinage, dans Wallonie 85 (5), p. 299-314. – Martine DUREZ et Bernard LUX, Analyse du positionnement compétitif dans l’Europe 1992, La Région de Mons-Borinage, dans Wallonie 90 (10), p. 13-23. – Myriam HONOREZ, Une

région de tradition industrielle : Mons-Borinage, dans Bulletin de la Société géographique de Liège, n°30, p. 85-98 (Article fondé sur un mémoire de licence sur le même sujet à l’Université de Liège sous la direction de Bernadette Mérenne-Schoumaker).

[39] Pierre LEBRUN, Marinette BRUWIER, Jan DHONDT et Georges HANSOTTE, Essai sur la Révolution industrielle en Belgique…,t. 2, vol. 1, p. 30, notamment note 2.

[40] Ibidem, p. 31-35. – Voir aussi Francis BISMANS, Croissance et régulation…, p. 17, 35, 149. – Ph. DESTATTE, La Révolution industrielle, Une accélération de l’esprit humain, dans Anne STAQUET éd., XIXème siècle : quand l’éclectisme devient un art, Approches, p. 7-24, Mons, Editions de l’UMons, 2013.

[41] Etienne BALIBAR, Eléments pour une théorie du passage, dans Louis ALTHUSSER et Etienne BALIBAR, Lire le Capital, II, p. 178, 224-225, Paris, Maspero, 1969. http://digamo.free.fr/lirecap2.pdf

[42] Pierre Lebrun distinguait quatre révolutions selon la source d’énergie : vapeur, électricité, pétrole et atome, et trois révolutions selon le processus productif (mécanisation, rationalisation, automation). Il indiquait au même endroit : il nous semble inutile et dangereux de galvauder le terme. Nous préférons le réserver au changement de civilisation qui s’est effectué dans nos pays de 1700 à 1850 environ. Les confusions et les extensions indues sont ainsi évitées ; les effets de l’accélération du rythme économique qu’entraîna la seule révolution industrielle sont mieux mis en lumière dans les « renouveaux » techniques qui se succèdent après elle (le mode de production capitaliste se caractérise par « une révolution ininterrompue dans les moyens de production », avant tout dans les instruments de production », L. ALTHUSSER, Avertissement à l’édition du Capital, éd. Garnier-Flammarion, Paris, 1969, p. 15, p. 15) ; enfin le terme ainsi réservé a l’avantage de désigner le « cœur » d’une des grandes transformations économiques de l’humanité, d’un de ses grands changements de civilisation. (…) P. LEBRUN e.a., Essai…, p. 28, n. 2.

[43] Ph. DESTATTE, Le Nouveau paradigme industriel, Une grille de lecture, Blog PhD2050, 19 octobre 2014. https://phd2050.wordpress.com/2014/10/19/npi/

Dans un premier papier introductif, j’ai indiqué que le Cœur du Hainaut, c’est-à-dire les vingt-cinq communes de la zone d’action de l’Intercommunale wallonne IDEA sur l’espace Mons-Borinage-Centre-La Louvière, semblait constituer un espace pertinent pour analyser les transitions sociétales, comme le fut la Révolution industrielle qui s’est effectuée dans nos pays, de 1700 à 1850 environ [1]. Ces mutations sont au nombre de trois : d’abord, la Révolution industrielle déjà mentionnée, ensuite, la Révolution cognitive que nous connaissons actuellement et, enfin, la transition vers le développement durable qui accompagne cette dernière mutation. Je les vois comme les trois composantes du Nouveau Paradigme industriel qui est à la fois notre héritage et le moment dans lequel nous vivons et vivrons encore pendant un siècle ou davantage [2]. Je les aborderai successivement.

1. La Révolution industrielle et les sociétés industrielles dans lesquelles nous vivons

Le Borinage au XIXème

siècle : une industrialisation sans développement

Dans l’introduction à son ouvrage sur le bassin de Mons et le charbonnage du Grand-Hornu du milieu du XVIIIème siècle au milieu du XIXème, Hubert Watelet évoque la transition de l’ère préindustrielle à l’ère industrielle. Dans la présentation qu’il fait par ailleurs du Grand-Hornu, l’historien indique, qu’outre l’avènement de l’ère du charbon, du fer et de la machine à vapeur, on peut voir la Révolution industrielle comme une transition d’une société et d’une activité essentiellement rurales, vers un monde beaucoup plus industriel et urbain [3] . Il rappelle d’ailleurs dans son ouvrage majeur que, pendant près de trois quarts de siècle, de la fin du XVIIIème jusqu’au milieu du XIXème siècles, le bassin de Mons, le Couchant de Mons ou le bassin du Flénu, selon les appellations qui lui étaient données, fut la région la plus productive en charbon de l’Europe continentale. En 1835, le bassin produisait à lui seul près de 30 % de la production de l’ensemble du bassin houiller qui va du Nord de la France aux vallées du Rhin et de la Ruhr [4]. Paradoxalement, ces années 1830 sont celles d’un renversement de compétitivité : l’industrialisation ne valorise pas suffisamment le secteur malgré la richesse et l’ampleur du gisement borain. Le Borinage se trouve dans l’incapacité de se transformer en pôle économique et social durable : c’est le titre de la thèse de Watelet : une industrialisation sans développement. Car, hors du secteur de la houille et des houillères, de leur équipement en pompes de Newcomen, il n’y eut pas de réelle diversification des activités qui se maintienne sur le long terme. Cette caractéristique, déjà été observée en 1785 par l’ancien médecin du gouverneur de Charles de Lorraine, François-Xavier Burtin, selon lequel, contrairement à Liège ou à Charleroi, Mons se borne à faire tirer sa houille, elle ne la vend et ne l’emploie [5], s’est longtemps maintenue.

Les raisons en sont multiples et complexes. Les salaires élevés des mineurs bien sûr [6], l’exportation du charbon hors du bassin dans une logique purement marchande, l’absence de conditions techniques favorables pour lancer une sidérurgie, le départ d’une partie de la décision économique et surtout financière vers Paris puis Bruxelles [7], l’absence d’entrepreneurs de haut vol à part quelques personnalités

remarquables comme Henri Degorge-Legrand ou les Dorzée [8], toutes ces raisons expliquent l’absence de véritable développement de long terme du Borinage malgré le dynamisme de ses ateliers mécaniques du Grand-Hornu, de Jemappes ou de Boussu [9]. Hector Fauvieau notait également en 1924 que de nombreuses entreprises étaient nées, avaient atteint un certain degré de développement, puis avaient disparu : papeterie, fabriques de galvanisés, toiles métalliques, ateliers de construction… [10] Comme l’a bien formulé l’historien René Leboutte, le charbon omniprésent a étouffé cette diversification industrielle [11].

De la carbochimie à la chimie : une révolution ?

Cette absence de développement ne se retrouve pas dans le Centre et à La Louvière qui, outre l’œuvre des Parmentier et des Warocqué dans les charbonnages et les machines à vapeur [12], voient se construire d’autres secteurs industriels comme l’installation de la société de faïencerie Boch Frères (Jean-François et Victor) à l’ancienne poterie Keramis à Saint-Vaast, en 1844, sur cette partie de la commune qui deviendra La Louvière en 1869 [13]. De même, une puissante industrie métallurgique se développe dès les années 1840-1850 avec les Forges, Usines et Fonderies de Haine-Saint-Pierre [14], les Fonderies et Laminoirs Ernest Boucquéau, qui connaissent un surcroît de dynamisme après 1880 avec l’arrivée aux commandes de Gustave Boël et l’adoption du procédé Bessemer de fabrication de l’acier [15].

Outre les charbons, toute la zone connaît le développement d’autres exploitations du sous-sol : petit granit (Carrières du Hainaut à Soignies, 1888 [16]), marnes et craies pour les cimenteries (Cronfestu, première cimenterie belge de Portland en 1872, la Société des Ciments artificiels de et à Obourg, 1911, aujourd’hui Holcim), les argiles plastiques pour la porcelaine, la faïencerie (Faïencerie de Saint-Ghislain) et les céramiques (premier atelier de porcelaine en 1852) [17], le développement de la verrerie. Celle-ci va, du reste, connaître une croissance dans les deux bassins : à Ghlin depuis 1758, à Jemappes en 1863, à Neufvilles-lez-Mons (verrerie-gobeleterie Edmond Paul) [18], Verreries et Cristalleries du Hainaut à Manage [19], Durobor à Soignies [20], Glaverbel à Houdeng-Gœgnies, Verlipack à Ghlin [21], à Boussu également [22].

Et puis, vint la carbochimie. Née de l’utilisation du coke en sidérurgie, pour l’élaboration de la fonte dans les hauts fourneaux, elle a ensuite englobé, dans un sens plus large, la chimie des corps constituant des goudrons et des gaz, même si leur source n’était plus la houille. En 1929 pourtant, au moment où, à l’initiative de la Société générale – qui contrôlait majoritairement les charbonnages borains [23] –, l’Association charbonnière du Borinage allait édifier à Tertre, sur 30 hectares, des usines qualifiées de monstres par Hector Fauvieau, on pouvait s’imaginer être en face d’une révolution qui en très peu d’années changera complètement la face des choses ? [24] En 1956, Carbochimique utilisait 1344 travailleurs, parmi lesquels 150 chercheurs [25]. Au tournant de 1960, elle constituait encore l’espoir de poursuivre l’aventure industrielle boraine dans un domaine où les compétences des ingénieurs et des ouvriers restaient mobilisables [26]. Elle a certainement contribué à ancrer la chimie sur le territoire. Rappelons aussi l’industrie textile [27] et celle de la chaussure [28] qui faisaient réellement partie du paysage économique et social du Borinage et du Centre.

Fauvieau rappelait, en 1929, que contrairement aux autres bassins industriels, on ne rencontrait pas dans le Borinage les grandes activités de la métallurgie, de la sidérurgie, ni de la verrerie [29]. Les exemples des Hauts-Fourneaux de Longterne-Dour (1836) et des Hauts Fourneaux du Borinage à Pommerœul (1837) sont symptomatiques des échecs de développement de ce secteur [30]. Les Ateliers de construction de Boussu avaient aussi été l’œuvre des Dorzée dans la première moitié du XIXème siècle [31]. Les Forges et Laminoirs de Jemappes, fondés par Victor Demerbe en 1868, se sont maintenus jusqu’à leur faillite, au début des années 1980, après un conflit social dont on a gardé la mémoire, en même temps que l’entreprise de confection Salik à Quaregnon [32]. La partie « laminoirs » de Jemappes avait fermé auparavant, en 1957. Dès 1955, les Aciéries et Minières de la Sambre avaient fusionné avec le Groupe de Thy-le-Château. Leur division de Nimy avait fermé au profit du siège et des usines du Centre. On trouvait encore plus de soixante établissements de fabrications métalliques dans les arrondissements de Mons et Soignies en 1986, pour plus de 5000 emplois, avec l’importance des Ateliers de Braine-le-Comte et Thiriau réunis (ABT), fusionnés en 1983 mais qui avaient respectivement été créés en 1893 et 1899 pour la fabrication ferroviaire [33]. Depuis le XIXème siècle, la majeure partie des ateliers de fabrications métalliques du Centre et du Borinage a néanmoins vécu sur une double clientèle extraordinairement homogène : les charbonnages et les chemins de fer [34]. Malgré l’annonce régulière de sa fermeture, l’Arsenal de la SNCB existe toujours à Cuesmes, même s’il n’emploie plus que quelques centaines de travailleurs qui étaient encore plus de 1000 en 1956 [35]. La tentative de créer un pôle automobile à Seneffe-Manage (2430 emplois) aura été éphémère puisque British Leyland Industries Belgium, implantée progressivement dans les années 1970 fermera en 1981 [36]. Plus modestes, ni Usiflex à Bois d’Haine [37], ni les Ateliers mécaniques de Morlanwelz [38] ne pourront se maintenir. Entreprise constituée au début du XXème siècle, La Brugeoise et Nivelles (BN) à Manage, victime de la faillite du Groupe Bombardier, ne survivra pas à l’an 2000 [39]. Le défi majeur de ce secteur métallurgique né au XIXème siècle, c’est qu’il devait, disait Pierre Beaussart en 1988, alors directeur général de Fabrimetal, s’adapter à l’application, sous l’appellation de productique, de l’électronique et de l’informatique à la mécanique et l’utilisation accrue de nouveaux matériaux [40].

On aurait tort toutefois de limiter notre vision de l’industrialisation du Cœur du Hainaut aux secteurs dont le machinisme du XIXème siècle permet la valorisation et qui sont venus progressivement mourir sous nos yeux au XXème siècle. De nouvelles impulsions industrielles ont suivi, avec l’implantation, dans les années 1970, d’un véritable pôle de développement sur l’axe industriel Tertre-Feluy par l’installation d’une quinzaine d’industries chimiques et pétrochimiques, créatrices de plusieurs milliers d’emplois [41]. On peut citer la raffinerie Chevron Oil Belgium à Feluy (Standard Oil of California) [42], Belgochim (Phillip Petroleum & Petrofina), Ethyl Corporation (Feluy, 1975), Dow Corning (Seneffe, 1969), AKZO Chemie (Ghlin-Baudour), Chemviron (Feluy, 1975), Stauffer Chemical (Seneffe-Manage), Technicon Chemical, Pirelli (Ghlin-Baudour), Travenol Laboratories, Althouse (Tertre), Air liquide (Ghlin-Baudour), Sigma Coatings (Seneffe-Manage, 1969), Reilly Chemicals (Saint-Ghislain-Tertre), Virginia Chemicals (Ghlin-Baudour, 1977), Sedema (Tertre), Montefina (Feluy, 1980) [43].

Désindustrialisation, réindustrialisation, conversion, reconversion…

La mutation qu’a constituée la Révolution industrielle dans le Borinage a duré moins d’un siècle entre l’introduction des nouvelles techniques d’exhaure, permettant au bassin montois de répondre à l’accroissement de la demande en charbon, et les années 1840 où l’ensemble de la mutation capitaliste est réalisée, y compris le renouvellement du système financier [44]. Elle s’est probablement poursuivie, nous l’avons vu, plus tardivement dans le Centre. Comme l’écrivait Pierre Lebrun dans sa préface à l’ouvrage d’Hubert Watelet, le bassin de Mons constitue un des cinq grands pôles industriels de la Révolution industrielle belge, un pôle au comportement spécifique, écrivait-il [45]. Et, soulignant les qualités du travail qu’il avait entre les mains, Pierre Lebrun estimait que le livre de Watelet suscitait de nouvelles interrogations sur la combinaison des modes de production – ancien et nouveau –, sur le poids des traditionalismes, sur la permanence des formes anciennes, sur l’inachèvement des processus de modernisation. Les régions charbonnières belges en sont quasi mortes, concluait-il. Puis le professeur liégeois osait cette interrogation – nous étions en 1980 – la Wallonie n’est-elle pas en train d’en faire autant ? [46]

D’autres mutations étaient en effet nécessaires. La carte de la dynamique industrielle de la Belgique 1974-1986 fait apparaître un effondrement de l’emploi industriel dans le Borinage, le Centre et du reste aussi dans le Pays de Charleroi et les bassins liégeois [47]. Les causes en sont connues : mutations globales vers le tertiaire, déclin du sillon wallon, crises mondiales, etc. A l’aube de cette période, analysant La Seconde Révolution industrielle et la Wallonie, pour un PSC qui fut souvent très ouvert à la prospective [48], Alfred Califice soulignait l’importance du tertiaire pour nos régions de vieille industrialisation pour qui, c’était un passage obligé si on veut hisser l’économie wallonne jusqu’à un nouveau seuil de développement. Bien que formulée en 1967, sa pensée à ce sujet s’articule sur trois principes très actuels.

– Contrairement à d’autres régions le problème économique wallon n’est pas à proprement parler un problème « d’industrialisation » (d’où, soit dit en passant l’irrationalité d’une politique identique pour l’ensemble des communautés).

– Ce n’est que très partiellement un problème de « réindustrialisation » ou tout au moins cette transformation nécessaire prend-elle, une signification très particulière.

– Le problème est fondamentalement un problème de mutation de la population active, de réaffectation, de conversion, de reconversion dans toute l’acception du terme [49].

Ces différentes transformations seront au centre des ambitions, d’une part, du développement durable et, de l’autre, de la Révolution cognitive.

[1] Pierre Lebrun distinguait quatre révolutions selon la source d’énergie : vapeur, électricité, pétrole et atome, et trois révolutions selon le processus productif (mécanisation, rationalisation, automation). Il indiquait au même endroit : il nous semble inutile et dangereux de galvauder le terme. Nous préférons le réserver au changement de civilisation qui s’est effectué dans nos pays de 1700 à 1850 environ. Les confusions et les extensions indues sont ainsi évitées ; les effets de l’accélération du rythme économique qu’entraîna la seule révolution industrielle sont mieux mis en lumière dans les « renouveaux » techniques qui se succèdent après elle (ae mode de production capitaliste se caractérise par « une révolution

ininterrompue dans les moyens de production », avant tout dans les instruments de production », L. ALTHUSSER, Avertissement à l’édition du Capital, éd. Garnier-Flammarion, Paris, 1969, p. 15, p. 15) ; enfin le terme ainsi réservé a l’avantage de désigner le « cœur » d’une des grandes transformations économiques de l’humanité, d’un de ses grands changements de civilisation. (…) P. LEBRUN e.a., Essai…, p. 28, n. 2.

[2] Ph. DESTATTE, Le Nouveau paradigme industriel, Une grille de lecture, Blog PhD2050, 19 octobre 2014. https://phd2050.wordpress.com/2014/10/19/npi/

[3] Hubert WATELET, Le Grand-Hornu, Joyau de la Révolution industrielle et du Borinage, p. 11, Boussu, Grand-Hornu Images, 1989.

[4] Hubert WATELET, Une industrialisation sans développement, Le Bassin de Mons et le charbonnage du Grand-Hornu du milieu du XVIIIème au milieu du XIXème siècles, p. 15 et 17, Université de Louvain-la-Neuve – Université d’Ottawa, 1980. – voir aussi Jean PUISSANT, A propos de l’innovation technologique dans les mines du Hainaut au XIXème siècle ou la guerre des échelles n’a pas eu lieu, dans L’innovation technologique, Facteur de changement (XIX-XX siècles), Etudes rassemblées par Ginette KURGAN-VAN HENTENRYK et Jean STENGERS, p. 63sv , Bruxelles, ULB, 1986.

[5] Extrait du premier rapport de François-Xavier BURTIN « De la houille et des houillers« , remis au ministre plénipotentiaire Belgiojoso, Bruxelles, 28 octobre 1785, reproduit dans Pol DEFOSSE et René VAN SANTBERGEN, La Révolution industrielle dans nos régions, 1750-1850, Documents pour servir à l’enseignement de l’histoire, coll. Chantier d’histoire vivante, p. 26-28, Bruxelles, AGR, 1967.

[6] Ibidem, p. 19. – M. DEHASSE, L’industrie charbonnière, dans Le Borinage, XXIIème semaine sociale universitaire, Revue de l’Institut de Sociologie, Bruxelles, 1950, p. 230-231. – Même si les salaires de mineurs étaient traditionnellement plus bas dans le Borinage qu’ailleurs en Belgique. Assunta BIANCHI, Le bassin du Couchant à Mons, Crises et restructurations de 1920 à 1959, dans Hans-Walter HERRMANN et Paul WYNANTS, Acht Jahrhunderte Steinkohlenbergbau – Huit siècles de charbonnage, p. 201-228, p. 204, Namur, FUNDP, 2002.

[7] On peut nuancer cette analyse grâce à l’ouvrage de Jacqueline LEBRUN, Banques et crédit en Hainaut pendant la Révolution industrielle belge, coll. Histoire quantitative et développement de la Belgique, Bruxelles, Palais des Académies, 1999.

[8] Marinette BRUWIER, Machinistes liégeois et namurois dans le Borinage au XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle, Les Rorive, les Dorzée, les Goffint, Contribution à l’histoire industrielle et sociale, dans Revue belge d’Histoire contemporaine, n° 2, 1970, p. 1-27, p. 12sv. – Sur l’ancienneté du capitalisme industriel dans le Centre : Philippe MOUREAUX, Charbon et capital dans le Hainaut du XVIIIème siècle, dans Mémoires et publications de la Société des Sciences, Arts et Lettres du Hainaut, vol. 78, 1964, p. 37-46. – On pourrait citer également Antoine Cornez et Louis Gallez dont l’atelier, à Wasmes, a, en quinze, produit autant de machines à vapeur que ceux de Legrand. Voir Anne VAN NECK, Les débuts de la

machine à vapeur dans l’industrie belge, 1800-1850, coll. Histoire quantitative et développement de la Belgique, p. 341, Bruxelles, Palais des Académies, 1979.

[9] Les chercheurs de l’Institut de Sociologie de l’ULB faisaient le même constat en 1958 : en dehors des charbonnage, si l’on excepte le complexe industriel de Tertre – qui lui-même fait d’ailleurs partie intégrante de l’activité charbonnière – on ne trouve guère d’entreprises industrielles importantes dans la région. Ils décrivaient l’économie boraine comme celle d’une région en perte de vitesse, en expliquant la stagnation par l‘apathie de beaucoup de chefs d’entreprises, l’insuffisance quantitative et qualitative des voies de communication, la carence d’une organisation rationnelle de la production et de la distribution. W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage…, p. 45 et 113. – Sur le dynamisme des ateliers de construction de machines à vapeur du Borinage, voir M. BRUWIER, L’Industrialisation en Hainaut au XIXème siècle, dans Passé et avenir des bassins industriels, p. 185-202, Luxembourg, Centre universitaire, Cahier n° 1. Reproduit dans M. BRUWIER, Industrie et société en Hainaut et en Wallonie…, p. 350.

[10] Hector FAUVIEAU, Le Borinage, Monographie politique, économique, sociale, p. 93, Frameries, Union des Imprimeries, 1929.

[11] René LEBOUTTE, Vie et mort des bassins industriels en Europe, 1750-2000, p. 85, Paris, L’Harmattan, 1997.

[12] Pierre LEBRUN, Marinette BRUWIER, Jan DHONDT et Georges HANSOTTE, Essai sur la révolution industrielle en Belgique…, p. 401. – Roger DARQUENNE, Esquisse historique du Centre industriel (1830-1914), Mémoire d’une région, Le Centre (1830-1914), Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, 1984. – Maurice VAN DEN EYNDE, Les Warocqué, Une dynastie de maîtres-charbonniers, Bruxelles, 1989. – M. BRUWIER, L’industrialisation en Hainaut…, p. 353. –

[13] Thierry LHOTE, La Louvière : une ville de 160 ans, dans Les Cahiers de l’Urbanisme, n° 25-26, p. 82sv, Namur, Septembre 1999. – Gérard BAVAY, La Louvière… Les villes neuves ont aussi une histoire, dans Julien MAQUET dir., La Louvière, Le patrimoine d’une métropole culturelle, p. 11-31, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2012. – – http://www.royalboch.com/historique/ – Noviboch, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 51, 1989, p. 42. – Noviboch est né en 1985 de la faillite de Boch-Keramis. – Manufacture royale de La Louvière, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 46, 1986, p. 43. – En 1988, la dernière faïencerie de Belgique a été cédée au Groupe Le Hodey : MRL Boch, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 53, 1990, p. 82.

[14] Anne VAN NECK, Les débuts de la machine à vapeur dans l’industrie belge, 1800-1850…, p. 346-349.

[15] Thierry DELPLANCQ, Aux sources des anciennes usines Boël à La Louvière, dans Des usines et des hommes, 2011, p. 34. – Pol BOËL, La sidérurgie du Centre à l’horizon 1992, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 50, 1988, p. 9-10.

[16] Voir l’interview de M. Lemaigre, administrateur-directeur général de la SA des carrières du Hainaut à Soignies, Christian PROVOST, Interview d’entreprises

performantes : diversification et exportation, deux atouts maîtres, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 37, 1981/1, p. 27-28.

[17] Voir L. BODART, Les autres secteurs industriels du Borinage et du Centre, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 236-247.

[18] La verrerie-gobeleterie Edmond Paul, qui a fermé ses portes à la fin des années 1950, comprenait encore plus de 300 travailleurs au début de cette décennie. W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage…, p. 152.

[19] Verreries du Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 49, 1987, p. 62. – Eric GEERKENS, La rationalisation dans l’industrie belge dans l’Entre-deux-Guerres, coll. Histoire quantitative et développement de la Belgique aux XIXème et XXème siècles, p. 527, Bruxelles, Palais des Académies, 2004.

[20] Fondée en 1928, la Compagnie internationale de Gobeleterie inébréchable (CIGI) a été reprise en 1960 par le Groupe Owens-Illinois de Toledo avant de prendre le nom de Durobor. La sa Durobor à Soignies, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 37, 1981/1, p. 30. – Durobor Soignies, Toute la gamme des verres, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 25, 1985, p. 61.

[21] Verlipack, Restructuration en quatre sociétés, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 46, 1986, p. 47. – Jean-François ESCARMELLE (avec la collaboration de Lionel MONNIER), L’Etat industriel dans les politiques de sortie de crise, Les expériences belge et française, p. 82, Louvain-la-Neuve, Cabay, 1985.

[22] Hector FAUVIEAU, Le Borinage…, p. 106. – Pour un panorama plus complet des activités dans un espace hennuyer, voir Jean PUISSANT e.a., Le Hainaut contemporain dans Claire BILLEN e.a. dir., Hainaut, Mille ans pour l’avenir…, p. 115-135. – Voir aussi René LEBOUTTE, Jean PUISSANT, Denis SCUTO, Un siècle d’histoire industrielle (1873-1973), Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Paris, SEDES, 1998. – François CAMMARATA et Pierre TILLY, Histoire sociale et industrielle de la Wallonie (1945-1980), Bruxelles, EVO, 2001. – Assunta BIANCHI e.a., Les industriels et leurs demeures en Hainaut (XIXe-début du XXe siècle), s.l., Culture et Démocratie, 2004

[23] On doit l’idée de l’installation de la carbonisation centrale à Antoine Galopin, avec un projet d’envergure puisque capable de traiter 3000 tonnes de charbon par jour. La création de la Société carbochimique a induit la création de Distrigaz pour acheminer l’énergie vers Bruxelles et plusieurs grandes villes. Eric GEERKENS, La rationalisation…, p. 166. – Mais il faut aussi voir les initiatives prises dans ce domaine dès la fin du siècle précédent par Evence Dieudonnée Coppée, puis son fils Evence II, à partir de Haine-Saint-Pierre. Léon DUBOIS, Lafarge Coppée, 150 ans d’industrie, Une mémoire pour demain, coll. Histoire et vie des entreprises, p. 183-217, Paris, Belfond, 1988.

[24] Hector FAUVIEAU, Le Borinage…, p. 108. – voir aussi : Albert JACQUEMIN, Terres et gens de Wallonie, p; 261-262, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1936.

[25] Parmi lesquels 25 universitaires et 40 ingénieurs techniciens. W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage…, p. 139.

[26] René CYPRES, La carbochimie, base d’un essor nouveau du Borinage, dans Le Hainaut économique, Revue trimestrielle de l’Institut de Recherches économiques de la province de Hainaut, n° 1, 1961, p. 9-118. – Le député de Mons Léo Collard s’exprimait comme suit à la Chambre le 18 février 1959 : Voyons, il y a trois ans à peine, que des experts préconisaient un accroissement de production de 5 millions de tonnes. Aujourd’hui, d’autres experts, à moins que ce ne soient les mêmes, préconisent une réduction d’à peu près autant. Mesdames, Messieurs, je ne vais pas dauber facilement sur les experts et les expertises. La science n’enferme pas toutes les possibilités humaines ; qui oserait affirmer aujourd’hui que les circonstances qui justifient ce revirement — à supposer qu’il soit justifié, ce que je veux même bien admettre, étant dans l’impossibilité de prouver le contraire — que ces circonstances, dis-je, soient définitives et durables ? Je crois, au contraire, que le charbon qui est — faut-il le rappeler en passant ? — notre seule richesse naturelle, continue et continuera de représenter un potentiel considérable pour notre pays. Ne constate-t-on pas une tendance très nette à l’expansion des industries de valorisation de la houille? Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 18 février 1959, p. 24. – Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 20 janvier 1960, p. 28-29.

[27] Localisée principalement autour de Binche. En 1950, dans l’arrondissement de Mons, 146 entreprises y occupaient 1014 ouvriers (et surtout 90 % d’ouvrières). W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage…, p. 130sv. – E. GEERKENS, La rationalisation…, p. 293.

[28] La manufacture Charlemagne Quenon dans le Borinage, fondée en 1894, occupait 700 ouvriers en 1915 et produisait 2000 paires de chaussures par jour. En 1937, près de 3000 ouvriers travaillaient toujours dans ce secteur dans le Borinage. Dans ce bassin, ils n’étaient plus que 1155 en 1955 au sein de 53 entreprises, et, suivant le recensement de 1961, 500 en 1960. – W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage… p. 35 et 116-129. – H. FAUVIEAU, Le Borinage…, p. 109sv. – M. BRUWIER, Connaissance historique…, p. 389.

[29] Hector FAUVIEAU, Le Borinage…, p. 84.

[30] Hubert WATELET, Une industrialisation sans développement…, p. 285.

[31] La Société anonyme des Ateliers de Construction de Machines et Mécaniques de Boussu a été créé en 1839 par les Dorzée Père et Fils. Pasinomie, Règne de Léopold Ier, 3ème série, t. 10, p. 202, Bruxelles, Société typographique belge, 1840.

[32] Pierre TILLY, Origines et évolutions des politiques et des actions d’accompagnement des reconversions en Wallonie de 1977 à 2006, p. 18, Louvain, Presses universitaires, 2007.

[33] Pierre BEAUSSART, Les fabrications métalliques, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 50, 1988, p. 12.

[34] Georges VELTER (Fabrimetal), Les industries des fabrications métalliques dans le Borinage et dans le Centre, dans Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 187.

[35] W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage..., p. 206.

[36] Une industrie en plein développement : la construction automobile dans le Centre, Interview de M. R.G. Van Driessche, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 27, 1977, p. 21-23. – ABT, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 47, 1987, p. 64. – Paul LAUNOIS, L’industrie chimique dans la Province de Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 50, 1988, p. 63-66.

[37] Usiflex, Automatisation et flexibilité, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 47, 1987, p. 64.

[38] Ateliers de Morlanwelz, Nouveau départ, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 46, 1986, p. 47.

[39] BN : le vent en poupe, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 53, 1990, p. 78.

[40] Pierre BEAUSSART, Les fabrications métalliques…, p. 14.

[41] R. STIEVENART, XXème anniversaire de l’IDEA…, p. 10. – Emilien VAES, Editorial, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 27, 1977, p. 3.

[42] La raffinerie Chevron à Feluy, dans Bulletin économique du Hainaut, n°15, 1972.

[43] Simon LEFEBVRE, Le développement des activités chimiques en Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 28, 1977/2, p. 5-7.

[44] H. WATELET, Une industrialisation sans développement…, p. 431-439.

[45] Pierre LEBRUN, préface à Hubert WATELET, Ibidem, p. 12.

[46] Ibidem. – Ailleurs, et quelques mois plus tard, Pierre Lebrun précisait que la période depuis 1975 était celle de l’ère de l’inadaptation de la force de travail aux technologies nouvelles, du dilemne emploi ou plus-value. Les contradictions du régime s’exacerbent. Le communautaire est relancé. On se bat pour Bruxelles et Bruxelles se bat pour elle-même. P. LEBRUN, Problématique de l’histoire économique liégeoise des XIXème et XXème siècles, dans Problématique de l’histoire liégeoise, A la mémoire de Jean Lejeune, p. 115, Liège, Le Grand Liège, 1981.

[47] Bernadette MERENNE-SCHOUMAKER et Christian VANDERMOTTEN, L’Industrie, dans Géographie de la Belgique, p. 384, Bruxelles, Crédit communal, 1992.

[48] J’y vois l’influence directe de Gaston Berger sur un terrain probablement préparé par le teilhardisme. Elle peut être observée également sur la génération suivante : Charles-Ferdinand Nothomb, Melchior Wathelet Père, Philippe Maystadt, etc.

[49] Alfred CALIFICE, L’avenir économique de la Wallonie et les secteurs industriels, dans La Seconde Révolution industrielle et la Wallonie, Rassemblement de l’Aile wallonne du PSC, Charleroi, 20 mai 1967, p. 74.

Dans un premier papier précédent, j’ai indiqué que le Cœur du Hainaut, c’est-à-dire les vingt-cinq communes de la zone d’action de l’Intercommunale wallonne IDEA sur l’espace Mons-Borinage-Centre-La Louvière, semblait constituer un espace pertinent pour analyser les transitions sociétales. Ces mutations sont au nombre de trois : d’abord, la Révolution industrielle, que j’ai abordée dans un deuxième texte, ensuite, la Révolution cognitive que nous connaissons actuellement et, enfin, la transition vers le développement durable qui accompagne cette dernière mutation. C’est cette transformation que j’envisage ici, en l’appliquant à l’évolution de ce territoire.

2. Le développement durable comme ambition de métamorphoser la société

Dans les années 1970 et 1980, les mutations de la société étaient bien engagées. Elles l’étaient notamment par la volonté des femmes et des hommes qui recherchaient une nouvelle harmonie au travers de l’espoir d’un développement plus soutenable. Ces mutations s’inscrivaient aussi dans une concurrence effreinée de recherche d’une productivité nouvelle par la Révolution de l’information et de la connaissance ainsi que par la construction rapide d’une nouvelle mondialisation de laquelle aucun territoire ne saurait rester à l’écart.

Les mutations industrielles du Cœur du Hainaut ont largement contribué à la prise de conscience de l’enjeu de la durabilité du territoire. Quatre champs de réflexion méritent d’être investis.

2.1. Le Borinage : la dynamique d’un développement non-durable

Le système industriel sans développement et l’écroulement charbonnier dans le Borinage, tels que Paul-Marie Boulanger et André Lambert en ont ultérieurement démonté les processus [1], ont montré aux acteurs ce qu’était réellement une dynamique non durable et quelles étaient ses conséquences dramatiques pour la population. Or, comme les deux chercheurs de l’ADRASS l’ont bien mis en évidence, le développement d’une économie régionale consiste en une succession continue et harmonieuse d’activités, d’entreprises et de qualifications humaines. Pour que cette situation prévale, il est vital, écrivent-ils, que coexistent en permanence plusieurs générations d’activités et de technologies, plusieurs types concurrents d’usage des ressources naturelles, qu’à côté des activités en déclin ou en pleine maturité il y ait une pépinière suffisamment riche pour assurer demain les remplacement de la source des richesses actuelles. Et de conclure : la recherche d’une explication au caractère non-durable de l’expérience industrielle du Borinage passe donc par une compréhension de cette incapacité à attirer, retenir ou favoriser la croissance d’entreprises dynamiques, possédant les ressources nécessaires pour innover et s’adapter ainsi aux évolutions de la technique et de la demande ainsi qu’aux pressions de la concurrence [2]. Ce travail systématique reste à réaliser, tant pour le Borinage que pour le Cœur du Hainaut ou même pour l’ensemble de la Wallonie. Le réaliser permettrait sans nul doute de repartir aujourd’hui sur des bases plus tangibles…

2.2. Des entreprises Seveso avant Seveso, comme éléments de prise de conscience

C’est sans nul doute que l’installation dans les années 1970 de nombreuses entreprises chimiques dont quelques-unes dites depuis 1982 « Seveso » – mais la catastrophe lombarde a eu lieu en 1976 –, corresponde à la prise de conscience écologique mondiale (Missions Apollo, rapports Meadows et Interfuturs, conférences des Nations Unies pour l’Environnement, etc.). Par effet retour, l’industrie chimique dans le Borinage et le Centre a contribué à l’engagement environnementaliste, au delà du simple effet NIMBY. Sous le titre la réindustrialisation et l’écologique, un collaborateur du Bureau d’Études économiques et sociales du Hainaut s’étonnait que, sous l’influence des mouvements écologiques, des populations se mobilisent contre les entreprises chimiques : nos populations, habituées aux nuisances engendrées par les charbonnages, les entreprises sidérurgiques, les cimenteries, etc. … les supportent ! Pourquoi cette intransigeance envers certaines entreprises ? s’interrogeaient-ils [3]. De nombreux comités de défense se sont en effet institués à Saint-Ghislain (notamment lors de l’implantation de Reilly Chemicals à Hautrage), Seneffe (émanations de la raffinerie Chevron à Feluy, etc.) ou ailleurs, pour refuser l’installation d’usines potentiellement dangereuses ou pour s’insurger contre des nuisances ou des dégagements nauséabonds. La création, fin 1973, d’une Commission provinciale de l’Environnement au sein du Bureau d’Etudes économiques et sociales en constitue une des étapes [4], de même que la création [5] du Service provincial de l’Environnement, avec son téléphone vert dédié, ainsi que, en 1978, l’inscription du Hainaut dans une politique globale de la collecte, du traitement et du recyclage des déchets [6] . En janvier 1990, la Commission provinciale organisait un colloque consacré à l’environnement, clef du futur, avec une table ronde conclusive composée des représentants des intercommunales de développement [7].

2.3. Une urbanisation sous pression industrielle

Le désordre de l’urbanisation, tant dans le Borinage que dans le Centre, deux espaces caractérisés par l’imbrication de l’industrie et de l’habitat, ont fait comprendre la nécessité d’un aménagement du territoire qui prenne en compte les écosystèmes. Dans les années 1970, le Borinage comportait pas loin de 100 terrils et sites charbonniers couvrant plus de 700 hectares tandis que le Centre comptait 56 terrils. L’ensemble avait été estimé en volume à l’équivallent de 1000 buttes de Waterloo… [8] Au point de vue de l’impact de ces reliquats de l’industrie, de leurs interactions avec l’habitat, de la question des reboisements, etc., l’influence des travaux du botaniste et écologue Paul Duvigneaud, professeur à la Faculté des Sciences ainsi qu’à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de l’ULB, fut considérable. Le concepteur du Programme biologique mondial permit de donner un cadre de référence à l’analyse des situations urbaines en Hainaut [9].

4.4. Des questions énergétiques centrales

Enfin, faut-il rappeler à quel point, depuis le XVIIIème siècle, les questions énergétiques sont profondément liées à ce territoire ? En 1980 déjà, Philippe Busquin rappelait l’importance d’une vision régionale des problèmes énergétiques [10]. L’appellation Cœur du Hainaut, centre d’énergies a voulu le mettre en exergue.

Au delà du charbon traditionnel, de la géothermie [11], de l’énergie solaire [12], des éoliennes [13], de la valorisation de la houille [14], etc., qui le façonnent, cet espace se voudrait exemplaire comme territoire à faible émission de carbone où les questions de développement durable sont au centre des préoccupations. Contrairement à d’autres régions, et grâce en particulier à l’IDEA et aux entreprises locales, l’économie circulaire n’est pas ici juste un slogan mais une dynamique largement mise en œuvre comme à Tertre-Hautrage-Villerot. N’en doutons pas, demain, les écozonings seront aussi des réalités dans le Centre. Pour divers auteurs, écrivait Paul Duvigneaud en 1980, la nouvelle révolution industrielle de la fin du XXème siècle sera le recyclage généralisé des déchets [15]. Certes, on en est encore loin mais ceux qui ont le plus souffert des nuisances peuvent être ceux qui relèvent le plus efficacement les défis.

Né de la Révolution industrielle et des déséquilibres engendrés par les sociétés industrielles, le développement durable, comme recherche d’une harmonie systémique, s’applique bien entendu également aux nouveaux paradigmes industriels et cognitifs.

[1] Paul-Marie BOULANGER, Chronique d’une mort économique annoncée : l’évolution des activités et des structures industrielles du Borinage, Bruxelles, Services scientifiques, techniques et culturels (SSTC) – Ottignies, ADRASS, 1999. – Paul-Marie BOULANGER et André LAMBERT, La dynamique d’un développement non-durable : le Borinage de 1750 à 1990, Bruxelles, SSTC, 2001.

[2] P.-M. BOULANGER et A. LAMBERT, La dynamique d’un développement non-durable…, p. 49-50.

[3] J-P BERTIAUX, Problèmes écologiques et développement industriel, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 28, 1977/2, p. 15. (réindustrialisation, p. 10 et citation p. 11). – Voir aussi Didier VERHEVE, La pétroléochimie et l’environnement, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 33, 1979, p. 5-11.

[4] Ibidem, p. 15.

[5] Philippe BUSQUIN, La lutte contre la pollution en Hainaut : création d’un Service interdisciplinaire de l’Environnement, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 30, 1978, p. 5-12.

[6] La Société de Développement régional pour la Wallonie (SDRW) avait, à ce moment, proposé un plan global de prise en charge des déchets pour la Wallonie suite à une étude réalisée à la demande du Comité ministériel des Affaires wallonnes. Jacques HOCHEPIED, De la notion de déchets à celle de gaspillage, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 6. – Philippe BUSQUIN, Des réalisations et carences actuelles, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 7. – Raoul PIERARD, Collecte, traitement et recyclage des déchets en Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 8-17. – R. DEVROEDE, Un plan wallon de gestion des déchets, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 17. – Alfred CALIFICE, Les objectifs de la politique wallonne en matière de déchets solides, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 20-21. – J-M DUBOIS, Un exemple de réutilisation des déchets : le recyclage du

verre dans l’industrie du verre creux, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 33, 1979, p. 12-13. – P. MOISET, Les déchets comme source d’énergie, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 35, 1980/1, p. 22-26.

[7] L’environnement, clé du futur, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 53, 1990, p. 84.

[8] Le boisement des terrils, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 21, 1975/1, p. 44. A noter que ce numéro est tout entier consacré à l’environnement.

[9] Emilien VAES, Editorial, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 50, 1988, p. 4. – Voir Paul DUVIGNEAUD, La synthèse écologique, Populations, communautés, écosystèmes, biosphère, noosphère, Paris, Doin, 2ème éd., 1980. – Ecologie urbaine, Charleroi 18 novembre 1980, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 48, 1987, p. 10. – Paul DUVIGNEAUD e.a., Les composantes de l’écosystème Charleroi et les prospectives de développement socio-économique régional, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 38, 1981, p. 5-23. – Paul DUVIGNEAUD e.a., Les composantes de l’écosystème Charleroi et les prospectives de développement socio-économique régional, Mons, Bureau d’Études économiques et sociales du Hainaut, 1986, 60 p.

[10] Philippe BUSQUIN, La politique énergétique : une dimension régionale ?, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 35, 1980/1, p. 5-7.

[11] André DELMIER, La géothermie en Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 35, 1980/1, p. 8-10. – D’importantes décisions du Conseil d’administration de l’IDEA en avril 1981, Géothermie, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 37, 1981/1, p. 47. – A Saint-Ghislain, Utilisation de la géothermie, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 47, 1987, p. 60.

[12] On songe au Centre de Recherche sur l’Énergie solaire (CRES) et aux travaux des professeurs Jacques Bougard et André Pilatte à la Faculté polytechnique dans les années 1980. Chr. BOUQUEGNEAU, La recherche à la Faculté polytechnique de Mons, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 50, 1988, p. 44.

[13] N’a-t-on pas oublié qu’en 1985 on fabriquait des mâts d’acier supports d’éoliennes de 9 tonnes et 22 mètres de longueur pour la Californie et pour Zeebruge à l’Industrielle Boraine à Quiévrain ? Industrielle boraine, Quiévrain, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 45, 1985, p. 61.

[14] Gazéification, Thulin, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 49, 1987, p. 9. – W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage..., p. 217.

[15] P. DUVIGNEAUD, La synthèse écologique…, p. 282.

Trois transitions sociétales ont structuré le Cœur du Hainaut du XIXème au XXIème siècle : d’abord, la Révolution industrielle, ensuite la transition vers le développement durable et enfin, la Révolution cognitive que nous connaissons actuellement et que j’envisage ici.

3. La Révolution cognitive comme base d’un nouveau paradigme, à la fois pour les habitants, pour l’industrie et les services

Il n’est nul besoin de citer Daniel Bell, Alvin Toffler, John Naisbitt ou Bill Halal [1] pour évoquer la transition lente et progressive des sociétés dites industrielles vers les sociétés de la connaissance. Dans un colloque organisé en juin 1962 et qui peinait à prendre de la hauteur tandis que les orateurs paraissaient timorés malgré l’ampleur de l’enjeu – les problèmes universitaires du Hainaut – Max Drechsel vint, comme souvent, dire l’essentiel de ce qui devait être dit : si décisifs, en effet, que puissent être les investissements matériels dont le Hainaut a besoin pour réussir sa reconversion, ils ne peuvent l’emporter sur les investissements qui doivent assurer la formation de ses élites intellectuelles ainsi que celle des cadres supérieurs présidant à ses multiples activités. Et le recteur de l’Institut supérieur de Commerce de Mons, par ailleurs chargé de cours à la Faculté polytechnique, de poursuivre que chacun sait qu’en définitive, c’est la volonté et la capacité des hommes qui assurent la prospérité d’une nation ou d’une région. Le facteur instrumental et l’armature technique, en effet, n’ont d’efficacité qu’au travers des aptitudes de ceux qui les mettent en œuvre [2]. Suivait un plaidoyer du vice-président de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut, pour la création de l’Université dans lequel, en alignant les raisons économiques et sociales, Max Drechsel décrivait parfaitement le nouveau changement de paradigme : l’industrie, pour sa reconversion, a besoin de chercheurs par centaines, bientôt par milliers. Aujourd’hui, poursuivait-il, la recherche scientifique est à l’expansion industrielle ce que les matières premières et la configuration géographique étaient à l’essor des usines du siècle dernier. (…) C’est vers des industries de grande finition qu’il faut, plus que jamais, tourner nos regards, vers des entreprises qui incorporent toujours plus de travail qualifié. (…) L’avenir est désormais à la recherche appliquée, (…) le laboratoire se confond, de plus en plus avec l’usine elle-même [3]. Professeur à la Faculté polytechnique, Jacques Franeau devait compléter cette vision d’avenir dans sa propre communication en soulignant combien l’évolution de la société est conditionnée par le développement des sciences et des techniques, ou, d’une façon plus générale, par le développement des connaissances et de leurs applications [4]. Confronté depuis les années 1930 aux crises et au problème de reconversion du Hainaut et de la Wallonie, Drechsel n’hésitait pas à appeler à tourner les pages de l’économie. Sous le titre d’une économie invisible, il déclarait en 1970 qu’en octroyant une protection légale supplémentaire à des structures économiques vieillies, on risque de les figer pour toujours et de les priver à tout jamais des dernières chances qui leur restent de se rénover. Que des communautés ethniques défendent leur originalité sur le plan de la culture, c’est légitime. Mais dans l’ordre économique, c’est la créativité, l’énergie et la volonté d’innover qu’il faut promouvoir partout [5].

Imagination créative et créatique

Les conditions de l’innovation technologique et en particulier la créativité sont au cœur des préoccupations du Conseil économique wallon du Hainaut, au début des années 1970, de son président le Gouverneur Emilien Vaes, ainsi que du député permanent Richard Stiévenart, président de l’IDEA. Le 12 décembre 1974, pour annoncer la fondation du Centre de Recherches technologiques du Hainaut qui sera implanté à Fleurus, mais avec une antenne à Mons, ils invitent le président du Conseil d’Administration de l’ULB, le professeur André Jaumotte, qui viendra parler de l’imagination créative et de la créatique [6]. L’imagination créatrice et le talent d’organisation vont de pair, écrivait le gouverneur Emilien Vaes deux ans plus tard : les progrès de notre industrie dépendent en ordre principal de notre capacité d’inventer, d’innover et d’améliorer notre technologie. Ce qui est en cause, c’est le processus même de la recherche et du développement, c’est-à-dire ce qui sépare la théorie de sa mise en œuvre industrielle, ou en d’autres termes, l’organisation pour la convergence du potentiel intellectuel et scientifique, c’est l’adaptation continue de l’entreprise, des hommes, des produits. En réalité, la véritable sécurité de l’emploi réside dans l’aptitude au changement ! [7]

Cette même année était créé à Mons le Centre d’Information régional pour l’Innovation (CIRI), présidé par le député permanent Philippe Busquin, alors administrateur délégué du Bureau d’Etudes économiques et sociales du Hainaut. Les collaborateurs du centre d’Information se voulaient très explicites : La Wallonie est malade, affirmaient-ils, elle a besoin d’une thérapie de choc. La Province avait alors fondé cet organisme en vue de créer des activités nouvelles, et donc de l’emploi. La technique développée consistait soit à réaliser un travail de créativité à partir des potentialités de l’entreprise, des principes nouveaux découverts en recherche fondamentale et des besoins du marché, soit à la création d’une rétroaction entre, d’une part, le marché, les consommateurs et le monde qui change, et, d’autre part, la recherche appliquée [8]. Il s’agissait aussi, comme pour le TSIRA à Charleroi, de poser la question difficile de la transposition de l’innovation à l’activité industrielle rentable [9]. La fin des années 1970 et les années 1980 voient d’ailleurs se multiplier les initiatives innovantes : création du Centre de Recherches technologiques du Hainaut, installé à Fleurus avec une extension à Mons pour étudier les silicates et s’intéresser aux multiples aspects concernant l’industrie des céramiques [10], création d’IDEATEL en 1977 pour l’installation de la télédistribution dans le Borinage et le Centre [11], intérêt – trop timide – pour les biotechnologies [12]. Mais, surtout, se marquait la volonté de faciliter le processus d’innovation dans les PME en le considérant comme un thème central des politiques de restructuration industrielles, surtout dans les régions de vieille industrialisation [13]. L’analyse montrait surtout, ce qui est toujours une réalité aujourd’hui, que, malgré tous les efforts de transposition, les flux universités-entreprises restaient très difficiles à activer [14].

L’impact du changement technologique en zone de reconversion

Le Centre interdisciplinaire d’Études philosophiques de l’Université de Mons (CIEPHUM) avait, en 1985, organisé un colloque coordonné par André Philippart et Claire Lejeune et consacré à l’impact du changement technologique en zone de reconversion Mons-Borinage. Outre la réflexion de fond sur les rapports entre la technologie et l’économique, la rencontre avait surtout pour vocation d’analyser les

efforts de transformations collectifs et individuels. Ainsi que l’écrivait – comme une leçon très actuelle – la professeure Claire Lejeune en introduction : quand le changement s’avère inéluctable, la société n’a plus le choix, il faut réveiller le créateur ; il n’y a que lui pour incarner la nouveauté, c’est-à-dire la jeunesse et le mouvement dans une société paralysée par ses vieilles habitudes ; pour ressusciter l’humour de toutes les couleurs dans un monde déprimé qui a perdu le sens du rire [15].

Créateurs ou non, les hommes et femmes de bonne volonté n’avaient pas manqué : les Emile Cornez, Max Drechsel, Richard Stievenart, Yves Urbain, Roger De Looze, Hilaire Willot, René Panis [16], etc. Chargé de cours en économie à la Faculté Warocqué, l’orateur pressenti pour rappeler le processus de désindustrialisation et les efforts de reconversion industrielle du Borinage n’a toutefois pas le cœur à rire ce 4 février 1985. D’abord, parce que l’introduction au colloque faite par André Philippart l’a manifestement mis de méchante humeur, mais surtout parce que ce qu’il a à dire n’est guère agréable. D’emblée, Jean-François Escarmelle rappelle ce qui semble constituer une évidence : schématiquement, l’histoire économique du monde, d’un pays ou d’une région est une longue suite de phases d’industrialisation et de reconversions industrielles, ratées ou réussies [17]. Compte tenu de la structure industrielle monolithique du Borinage, la reconversion après la crise charbonnière a été – dit l’économiste montois – une reconversion complète qui s’est appuyée sur quatre axes principaux : (1) une intervention volontariste pour recréer les conditions d’une rénovation durable du tissu industriel. Cette intervention a été menée par les milieux politiques, économiques et sociaux et s’est opérée au travers de l’intercommunale IDEA dans le but de diversifier les activités en prenant appui sur quelques secteurs moteurs, générateurs de renouveau ; (2) l’insertion de la zone dans les mutations économiques globales de l’époque : tertiarisation de l’activité économique, grands programmes de travaux publics et nouveaux investissements industriels ; (3) le remodelage urbain de la région saccagée par l’exploitation minière (désenclavement, rénovation des sites industriels, démergement et assainissement du réseau hydraulique, infrastructures d’accueil pour de nouvelles activités industrielles) ; (4) la constitution d’un potentiel de travailleurs aux aptitudes nouvelles par la formation professionnelle et l’adaptation de l’enseignement technique [18]. Les efforts de rénovation industrielle ont porté sur la prospection d’investisseurs étrangers, surtout aux États-Unis, dans la chimie, les fabrications métalliques et l’électronique, l’utilisation maximale des lois d’expansion économique de 1959 et 1966, ainsi que sur le financement et l’aménagement de zonings, d’infrastructures et de bâtiments industriels adéquats [19]. Néanmoins, affirme Jean-François Escarmelle, la crise économique des années 1970 a enrayé ce redéploiement alors que l’industrie régionale était trop concentrée autour de secteurs en récession (sidérurgie, fabrications métalliques, verre, textile). De fait, poursuit-il, les fermetures conjuguées de plusieurs sièges d’exploitation de sociétés étrangères et d’un certain nombre d’entreprises vieillies dans les secteurs récessifs entraînèrent, par effet de « cascade », la destruction du tissu industriel régional des sous-traitants, faisant ainsi de la région un véritable désert industriel. Et il conclut, implacable, que rien, ou à peu près rien, de concret n’a été réalisé dans la voie de la reconversion depuis bientôt dix ans de crise [20]. Néanmoins, comme l’indique encore Jean-François Escarmelle, peut-être pour laisser respirer l’assistance, la région n’est pas complètement démunie d’atouts face à l’enjeu principal que représente la capacité de maîtriser et de contrôler les mutations technologiques en cours. Mais le futur directeur général

d’IDEA avertit : seules les technologies qui permettent à la fois de produire mieux et de consommer autrement pourront apporter à terme une solution à la désindustrialisation et à la crise [21]. Insistant sur l’importance des filières, Jean-François Escarmelle note qu’une politique industrielle régionale, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit en définitive, se doit de concevoir un système industriel et ensuite de le gérer : l’approche doit être avant tout organisationnelle et institutionnelle [22]. Enfin, parmi d’autres considérations, Escarmelle appelle à une mutation culturelle profonde car, par tradition historique ou pour des raisons qui tiennent tantôt à l’éducation, aux conditions de travail, aux salaires, peu d’adolescents – ou leurs parents – rêvent aujourd’hui de travailler dans l’industrie ; les professions libérales ou la fonction publique attirent davantage [23]. Enfin, l’économiste montois estime que la troisième révolution industrielle en cours redistribue les cartes à l’échelle mondiale [24].

Une véritable interface industrie-université

Sans rouvrir ici une discussion sur l’existence ou non d’une troisième Révolution industrielle, en 1985 ou trente ans plus tard, et en continuant à nous référer à l’analyse produite par Pierre Lebrun à ce sujet et rappelée ici [25], il faut se rappeler à quel point le discours officiel wallon est orienté vers les technologies en 1985, notamment à l’initiative du ministre de la Région wallonne Melchior Wathelet. En mai 1985 est organisé à la Faculté polytechnique de Mons un séminaire de l’Association industrielle Athéna (ARIA) fondée à l’initiative du ministre wallon des Technologies nouvelles et présidée par le Professeur Raymond Gorez de l’UCL. La mission de l’ARIA consiste alors à former et informer concernant la robotique industrielle. Le séminaire était introduit par le Recteur René Baland et par Guy Denuit de la société Corden Robots [26]. D’autres initiatives du même type méritent d’être mentionnées qui poussent alors le territoire, ses chercheurs et ses entreprises vers la Révolution cognitive. Ainsi, à l’occasion du 150ème anniversaire de l’École des Mines de Mons, est inauguré, à la Faculté polytechnique, le 25 septembre 1987, sous le mandat du Recteur Christian Bouquegneau, le Centre d’Études et de Recherches en Hautes Technologies. Il s’agit de réaliser une véritable interface industrie-université [27]. L’inauguration de la maîtrise en management de l’innovation, en 1988, avec l’appui du ministre de la Recherche et des Technologies nouvelles, Albert Liénard, renforce cette dynamique[28], de même que le lancement, la même année, de la s.a. Capcible, comme Centre d’Innovation et base de création d’entreprises [29].

Des initiatives sont prises également, notamment par le député permanent Claude Durieux, qui contribue à organiser un pôle de développement autour des systèmes d’information et de communication (image, son, intelligence artificielle, réseaux numériques à intégration de services, vidéotex, serveurs d’informations, automates programmables, supraconductivité, etc.) et un forum au Grand Hornu en 1989 [30], en collaboration avec les universités de Mons, Alcatel-Bell [31] et Atea-Siemens (installé à Colfontaine) [32], les Câbleries de Dour [33] et ses filiales Opticâble et Télécâble [34]. La très éphémère société LABEL (Laser Application Belgium), qui associait l’Université de Mons, Tractebel et la Province dans le domaine des lasers, s’inscrira dès 1988 dans ce sillage [35] . Quant à l’IDEA, elle organise en juin 1989 un colloque sur le design, comme trait d’union entre le fabricant et l’utilisateur [36].

Un enjeu à rencontrer : l’absence de pôle de recherche générateur de valeur ajoutée élevée

On doit à Martine Durez et à Bernard Lux, alors chargés de cours à la Faculté Warocqué, d’avoir, en 1991, analysé la réalité des politiques industrielles de Mons-Borinage à partir des statistiques d’emploi et d’établissements et d’avoir distingué quatre pôles de développement principaux permettant une dynamisation du secteur industriel en s’appuyant sur les atouts technologiques de la région : (1) les secteurs de l’extraction et l’industrie des minéraux non-métalliques avec les cimenteries CBR [37] et Obourg, la céramique dont Max Drechsel appelait déjà au développement dans les années 1930 [38]. Les moteurs que constituent le Centre de Recherche de l’Industrie belge de la Céramique (CRIBC) [39] et l’INISMA (Institut national interuniversitaire des Silicates, Sols et Matériaux) [40] méritaient d’être soulignés, ainsi que des entreprises du secteur comme Belref-Hepworth qui a été malheureusement directement impactée par la crise de la sidérurgie qui se fait sentir fin des années 1970 [41], Neoceram (Strepy-Bracquegnies) [42] et NGK (Baudour-Saint-Ghislain) [43] ; (2) les industries chimiques et du caoutchouc, dont la plupart ont déjà été évoquées : Gechem, New Carbochim, Sedema, Kemira [44], Carcoke, Akzo, Pirelli, Thomson Aircraft, etc. ; (3) les fabrications métalliques, secteur alors en difficulté : Tubel, Daitube, Europtube, Industrie boraine à Quiévrain, Gleason Works, Aleurope, etc. ; (4) enfin, les télécommunications, les constructions électriques et électroniques, représentées par les Câbleries de Dour, ancienne entreprise fusionnée avec les Câbleries de Seneffe en 1982, Bell et ATEA. Mais comme l’indiquaient les économistes de la Faculté Warocqué, le problème majeur était constitué par l’absence de pôle de recherche générateur de valeur ajoutée élevée [45]. Ainsi, Martine Durez et Bernard Lux concluaient-ils que, si la région disposait de créneaux susceptibles de développement comme la chimie, les industries cimentières et des céramiques, les télécommunications et les fabrications métalliques étaient davantage menacées. Les pistes d’avenir qu’ils percevaient étaient de trois natures : d’abord, une concertation stratégique globale pour opérer les choix des pôles de croissance et de recherche des synergies régionales, ensuite, un appui aux PLE pour rencontrer les freins au développement de ces entreprises, enfin, un effort constant de réajustement stratégique pour coller aux évolutions et aux volontés communes [46].

Les efforts déployés dans le cadre de l’objectif 1 Hainaut depuis le milieu des années 1990 ont profondément modifié le système territorial d’innovation en renforçant considérablement les outils de recherche-développement du territoire. La création de MATERIA NOVA par l’UMH, la Faculté polytechnique et l’IDEA dans le domaine du vieillissement des matériaux, des revêtements et néocéramiques, fut déterminante. De même, la fondation de MULTITEL Telecom par la Faculté polytechnique de Mons ouvrait la porte de ce qu’on appelait encore à l’époque les autoroutes de l’information : réseaux d’accès, télédistributions, fibres optiques, signaux vocaux, etc. [47]. A Seneffe, l’UCL fondait en 1996, avec les mêmes fonds structurels, le Centre de Ressources technologiques en Chimie (CERTECH). Quel que soit le jugement que l’on pose sur ces outils – et certains ont été cruels [48] – on ne peut pas dire que les analyses de Martine Durez et de Bernard Lux ont été perdues.

Le travail mené depuis 2008 dans le cadre de la prospective du Cœur du Hainaut, de la mise en place d’un partenariat stratégique local ainsi que de la préparation d’une

nouvelle programmation FEDER a également répondu à cette idée de concertation stratégique globale pour opérer les choix des pôles de croissance et de recherche des synergies régionales. En fait, c’est une nouvelle stratégie qui s’est mise en place dans une logique de filiation / rupture.

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

[1] Daniel BELL, Notes on the Post-Industrial Society, in Public Interest, 6-7, 1967. – Alvin TOFFLER, The Third Wave, New York, William Morrow, 1980. – John NAISBITT, Megatrends, New York, Warner Books, 1982. – William HALAL, The Infinite Resources, Creating and Leading the Knowledge Enterprise, San Francisco, Jossey Bass, 1998. – Toffler y écrivait en 1980 : si nous voulons faciliter la transition entre la vieille civilisation qui se meurt et la nouvelle qui commence à prendre forme, si nous voulons conserver notre identité et notre capacité de conduire notre vie à travers les crises de plus en plus violentes qui nous attendent, il faut que nous soyons capables de discerner – et de créer – les innovations de la Troisième vague. Paris, Denoël, 1980, p. 160.

[2] Max DRECHSEL, Pour l’Université du Hainaut, dans Colloque sur les problèmes universitaires du Hainaut, tenu à Mons le 3 juin 1962, p. 54, Mons, Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut, 1963.

[3] Ibidem, p. 54.

[4] Jacques FRANEAU, L’évolution de l’enseignement supérieur, dans Colloque sur les problèmes universitaires du Hainaut…, p. 65.

[5] M. Drechsel : une économie indivisible, dans La Libre Belgique, 17-18 janvier 1970, p. 2.

[6] Chronique du CEW du Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 21, 1975, p. 47.

[7] Emilien VAES, Editorial, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 28, 1977/2, p. 4.

[8] Y. FREY et D. HORLIN, Innovation-emploi, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 29, 1977/3, p. 15-16. – Jean DUTILLEUL, Sur la voie du progrès avec le CIRI : la promotion de l’innovation et des nouvelles technologies, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 45, 1985, p. 18-20.

[9] Paul-Jean EVRARD et René CYPRES, Le Centre de transposition semi-industrielle de la recherche appliquée TSIRA, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 46, 1986, p. 28-34. – Le Centre de transposition semi-industrielle de recherche appliquée, n°17, 1973.

[10] Le Centre de Recherches technologiques du Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 20, 1974, p. 42. – Chronique du CEW du Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 21, 1975, p. 47.

[11] Où en est la télédistribution dans les régions du Centre et du Borinage ?, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 29, 1977/3, p. 27. – Raoul PIERARD, La télédistribution en Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 27, 1977, p. 24-30.

[12] René CONSTANT, Les biotechnologies : un nouveau secteur d’avenir ? dans Bulletin économique du Hainaut, n° 48, 1987, p. 14-23.

[13] Martine DUREZ et José QUENON, L’analyse du processus d’innovation dans des PMI de l’Arrondissement de Mons, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 48, 1987, p. 26-31, p. 31.

[14] Kenneth BERTRAMS, Industrie et université en Wallonie : l’interaction innovante ? Eléments d’une histoire de la recherche industrielle (XIXe et XXe siècles), dans Ph. DESTATTE dir., Innovation, savoir-faire, performance, Vers une histoire économique de la Wallonie, p. 290-312, Charleroi, Institut Destrée, 2005.

[15] Claire LEJEUNE, Pour un langage transdisciplinaire, dans L’Impact du changement technologique en zone de reconversion Mons-Borinage, Numéro spécial de Réseaux, 46-49, p. 12, Mons, CIEPHUM, 1986.

[16] Victor BURE, J. DELADRIERE, René PANIS, Richard STIEVENART, Plan régional d’Aménagement de Mons-Borinage, Association intercommunale pour le Développement et l’Aménagement des Régions du Centre et du Borinage, Bruxelles, Ministère des Travaux publics, 1966.

[17] Jean-François ESCARMELLE, Désindustrialisation et reconversion industrielle, dans L’Impact du changement technologique en zone de reconversion Mons-Borinage…, p. 30. – La thèse de doctorat de J-Fr. ESCARMELLE à l’UMons (1985) portait sur l’Analyse du rôle du capital public dans les processus de restructuration sectorielle en Belgique…

[18] Jean-François ESCARMELLE, Désindustrialisation et reconversion industrielle…, p. 31.

[19] Ibidem, p. 32.

[20] Ibidem, p. 33. – Le ministre des Affaires économiques du gouvernement de Gaston Eyskens, Jacques Van der Schueren, arrivait à la même conclusion lors du débat sur le Borinage à la Chambre le 18 février 1959 : je suis d’accord, disait-il, pour reconnaître que l’on a déjà fait beaucoup de promesses dans ce domaine, mais que, jusqu’à présent, fort peu de réalisations ont vu le jour. Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 18 février 1959, p. 30. On était évidemment vingt-cinq ans plus tôt…

[21] p. 34. – Jean-François Escarmelle a succédé à Jacques Donfut comme directeur général d’IDEA en 1989. Ettore RIZZA, Le second maître de Mons, Hommes et femmes de pouvoir, J-F Escarmelle, dans Le Soir, 28 juin 2011, p. 19.

[22] Jean-François ESCARMELLE, Désindustrialisation et reconversion industrielle…, p. 31.

[23] Ibidem, p. 37. Les chercheurs de l’Institut de Sociologie de l’ULB relèvent déjà, en 1958, un état d’esprit qui paraît décider les jeunes à éviter les responsabilités d’une exploitation individuelle et à rechercher plutôt un emploi dans la grosse industrie. W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage…, p. 152. – Ce constat était encore apparu de manière éclatante lors d’une matinée de colloque à laquelle nous avions participé, Jean-François Escarmelle et moi-même, le 3 octobre 2009, à l’occasion du centième anniversaire de l’Athénée provincial Raoul Warocqué à Morlanwelz.

[24] Ibidem, p. 38.

[25] Voir Ph. DESTATTE, Transitions et reconversions dans le Cœur du Hainaut depuis la Révolution industrielle (1), note 42, Blog PhD2050, 29 avril 2015.

[26] On comptait alors 514 robots industriels en Belgique (1984). Un séminaire de l’ARIA à Mons, La robotique, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 45, 1985, p. 17.

[27] Christian BOUQUEGNEAU, La recherche à la Faculté polytechnique de Mons, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 50, 1988, p. 43.

[28] Innovation et management, Faculté polytechnique de Mons, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 52, 1989, p. 10.

[29] Capcible, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 51, 1989, p. 10.

[30] Le Grand Hornu Images asbl, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 49, 1987, p. 42-43. – Le Grand-Hornu : un pôle de développement, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 51, 1989, p. 8. – Cl. DURIEUX, Un exemple de liaison rt-industrie : le Grand-Hornu, dans La Wallonie au futur, Vers un nouveau paradigme, Cahier n°2, p. 43-45, Charleroi, Institut Destrée, 1987. – Martine DUBUISSON et Philippe BERKENBAUM, Grand Hornu : la nouvelle alliance, dans Le Soir, 27 octobre 1989, p. 24.

[31] Bell Téléphone Colfontaine, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 45, 1985, p. 57.

[32] GTE-ATEA Colfontaine, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 45, 1985, p. 57. Implanté à Pâturages depuis 1969, ATEA a installé un centre de production ultra-moderne à Colfontaine en 1971.

[33] Les Câbleries de Dour étaient nées de la fusion de Câbleries Corderies du Hainaut et de Senecable (Câbleries La Seneffoise et Tréfileries Associées) en 1977.

Bulletin économique du Hainaut, n° 28, 1977/2, p. 31. – On relevait 16 entreprises de câbleries en 1896 mais 3 seulement en 1958, dont les Câbleries et Corderies du Hainaut à Dour. Cette entreprise occupait encore à l’époque 750 ouvriers. W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage..., p. 33. – Voir aussi Les Régions du Borinage et du Centre à l’heure de la reconversion…, p. 141sv

[34] La SA Opticâble a été constituée le 17 juin 1977 pour procéder à la recherche et à la mise au point de systèmes de télécommunications pour câbles à fibres optiques. Son siège social a été établi à La Louvière. Bulletin économique du Hainaut, n° 29, 1977/3, p. 31. – En 1989, ce sont les Câbleries de Lyon, filiale d’ALCATEL, qui prirent le contrôle du Groupe des Câbleries de Dour. Câbleries de Dour, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 51, 1989, p. 40.

[35] Label, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 53, 1990, p. 78. – Laser Application Belgium Grand-Hornu, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 51, 1989, p.44. – Hornu, fin de parcours pour Label, dans Le Soir, 3 novembre 1990, p. 29.

[36] Au Grand Hornu, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 52, 1989, p. 17.

[37] Les Cimenteries CBR, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 54, 1991, p. 35-40. – W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage…, p. 161-165.

[38] Max DRECHSEL, Rapport sur la situation de la Wallonie et l’avenir des industries wallonnes, dans Premier Congrès des Socialistes wallons, 8-9 janvier 1938 à Liège, p. 268, Huy, Imprimerie coopérative, (s.d.). – En 1929, Hector Fauvieau renseigne 4275 emplois dans l’industrie de la terre plastique pour les produits réfractaires et les verreries à Baudour, Tertre, Hautrage, Saint-Ghislain, Boussu, Wasmuël, Quaregnon et Jemappes. Hector FAUVIEAU, Le Borinage…, p. 106. – Décès de Max Drechsel, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 53, 1990, p. 10.

[39] Nouveauté en technologie céramique à la Faculté polytechnique de Mons, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 33, 1979, p. 44-45. – Centre technologique des Céramiques nouvelles, dans Bulletin économique du Hainaut, n°53, 1990, p. 82.

[40] Le Centre des Silicates constitue un des trois projets du Centre de Recherches technologiques du Hainaut. Le centre a bénéficié d’une partie des crédits parallèles de 1973 et 1976 sur base d’une volonté du Conseil économique wallon du Hainaut, lui permettant de disposer des locaux et équipements nécessaires à son développement. Chronique du CEW-Hainaut, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 35, 1980/1, p. 35.

[41] Emilien VAES, Editorial, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 31, 1978, p. 3. – En 1955, UCB a cédé sa division de produits réfractaires de Saint-Ghislain à la Société belge des Produits réfractaires Belref à Andenne qui reprit aussi, l’année suivante, les usines Victor Armand à Baudour. En 1956, 1276 personnes étaient occupées dans ce secteur dans le Borinage. W. DEGRYSE, M. FAERMAN, A. LIEBMANN-WAYSBLATT, Borinage…, p. 177-178.

[42] Neoceram a été constitué le 8 mai 1985 par la SRIW, Belref, Glaverbel, Diamond Board, et la Floridienne avec pour objets la recherche et la fabrication dans le domaine des nouvelles céramiques. Neoceram, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 46, 1986, p. 42.

[43] NGK Baudour, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 46, 1986, p. 42.

[44] Kemira s.a., dans Bulletin économique du Hainaut, n° 49, 1987, p. 61.

[45] Martine DUREZ et Bernard LUX, Politique économique et stratégie d’entreprise, dans Bulletin économique du Hainaut, n° 54, 1991, p. 15-34, p. 31.

[46] Ibidem, p. 33.

[47] Serge BOUCHER, Multitel, Conférence de presse, Bilan, 27 octobre 2005.

http://www.multitel.be/uploaded/pdf/news69_Discours_Serge_Boucher.pdf

[48] Voir notamment Jean-Yves HUWART, Le second déclin de la Wallonie, En sortir, Bruxelles, Racine, 2007.