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INSTITUT des HAUTES ETUDES de DEFENSE NATIONALE RAPPORT DE 1ère PHASE 52ème SESSION NATIONALE COMITE N˚4 LA PROTECTION DU TERRITOIRE Décembre 1999 La documentation Française : La Protection du territoire : rapport de 1ère phase / Institut des hautes études de défense nationale, 52ème session nationale, Comité numéro 4.

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INSTITUT desHAUTES ETUDESdeDEFENSE NATIONALE

RAPPORT DE 1èrePHASE

52èmeSESSION NATIONALE

COMITE N˚4

LA PROTECTION DU TERRITOIRE

Décembre 1999

La documentation Française : La Protection du territoire : rapport de 1ère phase / Institut des hautes études de défense nationale, 52ème session nationale, Comité numéro 4.

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COMPOSITIONDU COMITE N˚4

Anna Maria BALSANO

PatriceBRUDIEU

Michel CLAVIER

Christiane DALMAIS

Bruno DARY

Sylvain DELAITRE

PatriceJOLY

Ariel PAVILLET

Thierry PERRIN

ArnaudPOLAILLON

Eryck SCHEKLER

Jean-GillesSINTES

FranckSOMON

Linda THISSE

Alain VIALLIX

Président:PatriceJOLY

Rapporteur :Thierry PERRIN

Secrétaire :Jean-Gilles SINTES

Lesopinionsexpriméesdans cerapport sont le résultatdestravauxdu groupeetne doivent pasêtreconsidéréescommeuneposition officielle de l’IHEDN

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SOMMAIRE

1. FICHEDE SYNTHESE 1

2. INTRODUCTION 3

3. LE SPECTREDES MENACESET DESRISQUESÉVOLUE (ACTEURS, VECTEURSET POINTSD’APPLICATON DE LA MENACE SURLE TERRITOIRE) 5

3.1. LES ACTEURSDE LA MENACE : ACTEURSÉTATIQUES ETNON ETATIQUES 5

3.1.1. Les modifications quiaffectentla menaceétatique 5

3.1.1.1. La menaceclassiqueliée à l’existenced’unesuperpuissancehostile recule

3.1.1.2. Apparition des Etats « perturbateurs » à vocation terroriste 53.1.1.3. Une forte concurrence interétatiquepour la conquêtedesbases économiques,technologiquesvoireculturellesdela puissance 6

3.1.2. Emergenceà un niveaude nuisance plus importantdesmenacesnonétatiques 6

3.1.2.1. Le changementde dimensionde l’activité délinquanteet criminelle(la recherchede la puissance) 6

3.1.2.2. Sectes,mouvements autonomistes,extensionà la Francedeguerrecivileset étrangères 7

3.1.2.3. Lesrisquestechnologiquesetnaturelsmajeursrencontrentunesensibilitécroissantedespopulations 8

3.2. LA MULTIPLICATION DES VECTEURS DE LA MENACE 8

3.2.1. Le risque dedissémination affectantunnombrecroissantdemoyensdedestruction 8

3.2.2. Les risques liésà la mondialisation et aux progrèsdes moyensde communication et de transport 9

3.3. LESOBJETSDE LA PROTECTION,POINTS D’APPLICATION DE LA MENACE SURLE TERRITOIRE,SUBISSENTÉGALEMENT DESCHANGEMENTS 10

3.3.1. Les objets classiques de laprotection duterritoire demeurentmais leur approchedoit souventêtrerenouvelée 10

3.3.2. La prise de conscience de nouvelles vulnérabilitésduesà certainsphénomènes sociaux, économiquesetculturels (effetsdela mondialisation) 11

4. LE DISPOSITIFDE PROTECTION: ÉTAT DESLIEUX (STRUCTURES,PROCÉDURESETMOYENS) 15

4.1. STRUCTURESET PROCÉDURESEN MATIÈRE DE PROTECTION 15

4.1.1. La définition despolitiques en matièredeprotection : le systèmede pilotage 15

4.1.2. Le cadre juridique de la protectionà travers les situations depaix - crise - guerre et l’équilibre desrelationscivilo-militaires 15

4.1.3. Le cadregéographiqueet institutionneldel’exercicedela protection : la zonedeDéfense 16

4.1.3.1. La zone de défense 16

4.1.3.2.Le rôle desautoritésmilitaires de la zonede Défense 17

4.2. LESMOYENS DE LA PROTECTION 18

4.2.1. Lesmoyensdela protection relevantdu ministèrede la Défense 18

4.2.1.1. La Gendarmerie 18

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4.2.1.2. Lespompiersmilitaires 19

4.2.1.3. LesArmées(Terre, Air,Mer) 19

4.2.2. Les moyens de la protection hors du ministère de la Défense 20

4.2.2.1. Services relevant du ministère de l’Intérieur 20

4.2.2.2. Servicesrelevantdu ministèrede l’économieet desfinances 20

5. UN DISPOSITIFQUI DOIT S’ADAPTERA L’ÉVOLUTION DU SPECTRE DESMENACES ET ÀCELLE DU CADRE POLITIQUE DELA PROTECTION 22

5.1. LES INTERROGATIONS SURL’ORGANISATION DE LA PROTECTION 22

5.1.1. Unenécessaire clarificationdans les définitions 225.1.2. Une approche interministérielle sansdoute insuffisante 225.1.3. Le décloisonnementdesmoyens 225.1.4. Une nécessaire remise en cause des plans de protection 23

5.1.4.1. La demande croissantedesécurité posela questiondesmoyens militaireset deleuréventuelemploi,en cas de besoin, entre projection et/ou prévention d’unepart et protection d’autre part. 23

5.1.4.2. La priseencomptedu risqued’un affaiblissementla dimensionmilitaire de la protection 23

5.1.5. La fonction renseignement est-elle optimisée ? 24

5.1.5.1. S’attache-t-onà développerentre lesdifférents élémentsdece dispositif les échangesd’informationpermettantd’éviter les inconvénientsducloisonnementet desactionscommunes? 24

5.1.5.2. La fonction« renseignement» dispose-t-elledesmoyenstechniquesà la hauteurdesambitionsquidoivent êtreles siennes? 25

5.1.6. Une nécessaire réflexion sur lanotion de défenseéconomiquedansle contextede la mondialisation... 25

5.2. L’ÉCHELLE TERRITORIALE DES RÉPONSESAUX CRISES 25

5.2.1. Pour une plusgrandeimplication desacteurslocaux dansla protection de proximité 26

5.2.2. Un cadre européen incontournable pour laprotection globale 26

5.2.3. Certains phénomènes impliquent un traitement au niveau de la planète 27

ANNEXES

1. UNE CONCEPTIONÉLARGIE DU TERRITOIRE

2. L’INTERVENTION DES ARMÉESDANS LE DISPOSITIFDE SÉCURITÉET DE PROTECTION :L’EXEMPLEALLEMAND

3. QUELQUESRÉFLEXIONSSUR LES NOTIONS DEDEFENSEET DE PROTECTIONDU TERRITOIRE EUROPÉEN

4. CLASSIFICATION DE LA MENACE

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1.FICHEDE SYNTHESE

A partir d’uneanalysedesdocumentsles plus récents concernant l’orientationde la politique deDéfense(Livre Blanc, loi deprogrammationmilitaire de 1996),il apparaîtque la protectiona faitl’objet d’unevision large.Parmi lesmissionsassignéesau systèmede Défense,la protectionpeutêtredéfinie commel’ensembledesactionset desmesures prises,dansle but depréserver,en touttemps, l’Etat,le territoire, la populationet le patrimoine national,ausensle plus large, desrisquesetdesmenacesdetoutenature.

La définitionretenueimpliquededresserun tableau globaldesrisqueset desmenaces1 aujourd’huiqui ontconsidérablement évoluédepuis10ans.

Il en ressort unensemble detraitscaractéristiques :

- un accroissementdu nombreet de l’autonomie desacteursde la menaceallant depair avecladiminutionde la pressiondesmenacesmilitaires sur lesintérêtsvitaux exercéepar l’une dessuperpuissances ;

- une évolutionde l’équilibre entre les chargesliées à la protection militaireet celles quirésultent de la menacesécurité intérieure :cette dernièreaugmenteen intensité avec undéveloppementnotabledurisqueterroriste(augmentationdesacteurssusceptiblesd’y recourir,desmoyenset desciblesà« effet d’opinion ») ;

- l’apparition sousdes formes nouvellesde menaceséconomiqueset technologiques :par lesmouvements capitaux,par le pillage technologiqueaux dimensionsinsoupçonnées,par ladéstabilisation d’origine techniqueliée aux utilisationsperverses d’Internet notamment.Laculture nationaleet républicaineest égalementconfrontéeau défi constitué tant par lamondialisationdel’économiequeparle communautarisme.

- l’accroissementdu besoin deprotection,exigeantentermesdemoyenset générateurdecoûts,dela populationcivile.

Le dispositif de protectionen vigueur,de conceptionancienne(postdeuxièmeguerremondiale,guerre froide)révèlederéellesqualitésde souplesseet d’adaptationvis-à-vis decettemenace.Lesdifférentsélémentsde cesystèmeont déjàmontréqu’ils savaient innover: la luttecontre unrisqueterroristeaccrua su trouver des formes originalesde collaborationentre forcesde maintiendel’ordre et forces armées,les actions desécuntééconomiqueet technique ontété égalementrenforcées.

Cependantce systèmeparaît confrontédésormaisà desquestionsde fond, dépassantla seuleadaptation pragmatique,afin d’êtreen mesured’assurerau mieux samissiondeprotectionglobale.Au regardde leurampleur,le comitésebomeà souligner quelques interrogations :

- le conceptglobal deprotectionnenécessite-t-ilpas,au préalable,une redéfinition tant le floudesadéfinition actuellesemblenuire àla cohérenceet àl’adaptationdesdispositifs ?

- l’approche interministérielle des problèmes de Défenseet de sécuritéest-elle suffisantenotammentdupoint devue dela collaborationdestrois ministèresen chargede cesmissions(Défense,Intérieur,Economie et Finances) ?

- en matièrede moyens, la montée des exigencesen terme de sécurité etla pressiondescontraintes budgétairesne va-t-elle pas conduire à un décloisonnement entreles moyensd’ordre publicet lesmoyensmilitairesdont leplan VIGIPIRATE peutconstitueruneamorce ?

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- maissimultanémentne risque-t-onpasdedésarmerà l’excèsla protectionstrictement militairequi, pour ne pas être au premier plan aujourd’hui n’en constituepas moins un élémentimportantdel’assurance viedela Nation ?

- la fonction renseignement,vitale pour gérer au mieux les nouvelles menacesest-elleoptimisée ?

- les conceptsde Défenseéconomique anciensne doivent-ilspas évoluer,compte tenu de lamondialisation,pour devenirla composanteprotectionde l’intelligence économique ?

- les exigencescroissantesen matièredeprotectionde proximité ne conduisent-elles pasà uneimplicationplus grandedes acteurslocaux ?

- les exigencesde la protection globale résultantde l’ouverture aux flux de toute nature(marchandises, hommes)de l’espaceeuropéen n’impliquent-elles pasun renforcementurgentdesdispositifsàl’échelle del’Europe ?

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2. INTRODUCTION

L’ordonnancedu 7 janvier 1959portantorganisationgénéraledela Défensedonneà cettedernièreun caractèreglobal. La Défenseest à la fois militaire, civile et économique avecune fortecoordinationentreces trois pôles,destinéeà permettreà la Francede soutenir desconflits dediversesnaturesetéventuellementun effort deguerre delonguedurée.

La réflexion stratégiquepostérieureà la chutedu mur de Berlina conduit à la rédaction,en 1994.d’un Livre Blanc sur la Défense où sont identifiéesles quatregrandesfonctionsstratégiquessuivantespour l’appareil de Défense :prévention,projection, dissuasion, protection.

Selon ce document (p62),la « protection du territoireet de ses approchesest une missionpermanentedesforcesarmées ».« Elle conditionneà la fois la sûretédes forcesnucléaires etlacrédibilité desactionsextérieures,en mettantle territoire à l’abri desriposteset deschantagesdetoute natures(p85)».Elle tend principalement à :

- « contrôlerles approches aérienneset maritimesainsi que lesfrontièresterrestres,grâceàdes moyensde détectionet d’intervention ;

- disposer,à terme, demoyensdedétectionet d’alertefaceauxmenaces balistiques ;

- développerdes moyens desurveillance etde protection face aux menacesnucléaires,technologiques et chimiques.

Ces capacitéssontprocuréespar lesmoyensde la défense(...).

Parailleurs,la protectiondespopulationsest assuréepour l’essentielpar les forcesdepolice etdesécuritécivile et parla gendarmerienationale,dansle cadrede ses missionsde sûreté générale etde service public.En cas denécessité,lesforcesarmées apportentleur concours(...). »

Parrapportaux autresmissionsla protectionprésentequelquescaractèreoriginaux :elle constituela finalité ultime dela Défense dontle butest depréserverà la fois le territoire, lespopulationsetleur liberté ainsique la continuité del’action du Gouvernement.La protectionapparaîtcommeledernierrempartdu pays quandles autresfonctions,y compnsla dissuasionnucléaire, n’ontpasjoué leur rôle.

Dans le Livre blanc, la protection du territoire est avant tout envisagéesur le plan militaire.Toutefois, contrairement auxgrandesfonctions qui ont un caractèrestrictementmilitaire, laprotectiona un caractèreplus large : militairecertesmais aussi civil (populations)et économique.C’est ainsique l’envisagent les textesfondamentauxles plus récentsqui traitent du thèmede laprotectionet en particulier,la loi du 2 juillet 1996relative à la programmation militairepour lapériode1997-2002qui prévoit à proposde la protectionqu’« en l’absence demenaceextérieuremajeureet directe denos frontières,c’est aujourd’hui une mission desécuritéintérieureplutôtqu’unemissiondedéfense proprementmilitaire. (art 1.3.4)».

Avec cettedéfinition de la protection c’estuneapproche globale quiestretenueet qui serapprochedu conceptégalementglobal qu’estcelui dedéfense.

Ainsi, le Livre blanc précise,qu’au-delàde la défense militaire,"la défense civileassureà titreprincipal la protection despopulationsnotammentcontre les risquesnaturelset technologiquesmajeurs, le maintien de l’ordre public et la préservation de la continuité d’action duGouvernement".

En matière économique,le Livre blanc explique que"la défenseéconomique,au sens del’ordonnancede 1959,viseà assurer, dèsle tempsnormal,la réductiondesvulnérabilitésdu payset, en tempsdecrise, la bonnerépartitiondesressources.Il s’agit,avant tout,d’assurerla sécuritédes ressources etla permanencede leur production. Ces objectifs essentielss’élargissentaujourd’hui, d’une part, à la protection desbases nouvellesde l’activité économique(énergie,télécommunications,transports,secteurstertiaires sensiblescomme lesservicesfinanciers etinformatiques)dont l’interruption du fonctionnement peutentraîneruneparalysiepresquetotalede

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l’activité économiqueet, d’autre part,aucontrôledestransfertsde technologiesqui sont devenusdesenjeuxmajeursde puissance".

Le Livre blanc indique aussi que"la Défense dela Francefait appel enpriorité, bien entendu,à sesmoyens militaires.Sa dimension civileet économique nedoit pasêtre négligéeet lui confèreuncaractèreglobal.Elle participeaussid’une certaineculturequi contribueà sa dimensionnationale.La priseen comptede cevolet non militaire dansles annéesà venirconstitueun objectif de notrepolitique de Défense".

On peutdoncdonneraumot "protection"deuxinterprétations :

- l’une militaire, commel’une desmissionsdesforcesarméeset qui consisteà assurerla défensemilitaire desfrontières ;

- l’autre, beaucoupplus large, qui consisteà garantirla sécuritédu payset desapopulation,ainsique leursintérêtscontretoute formed’agression.

Il y a un véritable glissementde 1994à 1996 entreles deux textes (Livre blanc et loi deprogrammationmilitaire). Commele conceptde « défense», le conceptde « protection »devientun conceptglobal.

A l’instar desautresmissions,la protectiondoit s’analyserpar rapportaux menaces auxquelleselledoit faire face.Il enrésultetrois questions :

- Quelle est aujourd’hui la situation de la menace comptetenu de l’évolution du contexteéconomiqueet géopolitiquedepuis 10 ansainsi quedes évolutionstechnologiquesles plusrécentes ?

- Quel estl’état deslieux de notredispositifdeprotection, conçubienavant cette évolution ?

- Quelsdéfis celui-cidoit-il releverpour mieuxs’y adapter ?

Le présent rapportapourobjet d’apporterquelques éléments d’analysesurces troisquestions.

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3. LE SPECTRE DES MENACES ET DES RISQUES EVOLUE (ACTEURS.VECTEURSET POINTSD’APPLICATON DE LA MENACE SURLE TERRITOIRE)

3.1. Lesacteursdela menace : acteursétatiqueset non étatiques

3.1.1. Lesmodificationsqui affectentla menace étatique

3.1.1.1. La menaceclassiqueliée à l’existence d’une superpuissancehostile recule

La menaceclassiqueconstituéepar une invasion massivedu territoire nationalpar un Etat -superpuissance-découlant d’unétat de guerre s’est considérablementatténuée.Liée à l’existenced’un ennemi bien identifié, elle structuraitdans unelarge mesure le dispositif de protectionmilitaire. Elle s’incarnaitnotammentdansla capacitédupacte deVarsovieà mettreenoeuvreuneintrusionmassivedeforcesspéciales("spetsnatz")menantuneactionbrutaledegrandeampleurens’attaquantaux organesessentiels dela Nation afin de la déstabiliserpour mieux préparerl’engagementdepuissantesforcesblindées etmécanisées.

Ainsi, orienté dès le tempsde paix vers la protection des frontières terrestres,des approchesmaritimes etaériennes, desorganesgouvernementaux,des installationsmilitaires, notammentnucléaireset civiles névralgiques,le dispositif de protectionmilitaire avait vocationen tempsdeguerre,devantla menace oul’effectivité d’une interventionennemie franchissantle mur érigéparlesgrandesforcesdemanoeuvreet la dissuasion,à culmineren Défenseopérationnelleduterritoirepourtenter deconserverla maîtrisedecelui-ci etorganiser lecaséchéantla résistance.

Les facteurs d’atténuation decette menace sont désormais tropconnus pour qu’on insistelonguement :

- l’effondrement du bloc soviétique etla disparition du Pactede Varsovie, qui constituaientl’ennemi identifié dont les troupes nombreuseset surarmées stationnaientà 200 km deStrasbourg,modifientcomplètementla problématique dela Défensemilitaire dela France ;

- l’intégration de la Francedans l’Union européennequi chercheà se doter d’une identité deDéfenseet deSécurité,la réunificationde l’Allemagne, l’élargissementdel’OTAN auxpaysdel’Est, éloignent d’oreset déjà la frontière terrestresur laquellepourrait se jouerun jour unvéritable conflitmilitaire.

3.1.1.2. Apparition desEtats« perturbateurs » à vocation terroriste

La menace tendà s’élargir à des acteurs étatiques2, perturbateurs, difficiles à contrôler et àintimider, qui maintiennentàhautniveaula violencedumondeactuel.

Cesacteursétatiquesincontrôlés refusentde respecterlesrèglesdujeu internationalqui s’imposentprogressivement(règlementdesconflits par la paix, respectdes frontières,respect desDroits del’Homme).

S’ils sont incapablesde menacer nos frontières d’une invasion, ces Etats perturbateurs(Irak,Serbie...)et la politique étrangèreet militaire françaiseà leurégardgénèrentdesmenacesdontdoittenir compte le dispositif de protection. En effet, ces Etats peuvent en effet être tentésdesanctionner la France sur son territoire à l’aide de la panoplied’instruments dontpeut toujoursuser l’Etat faible : attaquedes sites névralgiques,terrorrisme,attaquebalistique classique voirenucléaire,biologiqueou chimique.

Ils sontdenatureà constituerunemenaceparticulièrementdangereuselorsqu’ils s’appuientsur desrevendicationsethniquesou religieusesintégristeset que leurs actionssont susceptiblesd’être

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relayéespar certainesminoritésimplantées enFrance.Ils peuvent alors imprimerà la menaceterroriste uneplusgrandeacuité.

3.1.1.3. Une forte concurrence interétatiquepour la conquête des bases économiques,technologiques voireculturelles de lapuissance

L’hyperpuissance desEtats-Unis mériteuneanalysespécifique.

Les Etats-Unisstructurent pourunebonnepart l’activité diplomatiqueet militaire dans lequel notrepayset l’Union européennes’insèrent.Dansle domaine militaire,ils viennentde modifier le statuquo par une avancéetechnologiqueindiscutable grâce au développementde leur systèmeantibalistique.Ils conserventla hautemaitrise desopérationsmilitaires mêmedans le cadredecoalitions.

Attachésaumaintiendesbaseséconomiqueset technologiquesde leur puissance.ils disposentdetrès bonnessynergiesentre leurs appareilsétatiques,économiques,scientifiqueset culturels enmême temps qu’un extraordinaire réseauhumain et technique « d’observation » de l’activitééconomique ettechniquedesautresEtatset notammentde leurspartenairespolitiques/concurrentséconomiques.Ces activités sont conduites avec réalisme et pragmatisme et font l’objetd’investissementsconsidérables.

La concurrenceéconomique et technologique sur les basesde la puissancese joue aussientred’autres Etats.

Le Japon a développéde fortes synergiespublic/privé tout en étant très attentif à l’activitéinnovantedes Etatsétrangers(rôle duMITI).

Au seinmêmede l’Union européenne,à traverslesméandresd’un processustrèslent d’intégrationcommunautaire,lesEtatscontinuentà opposerleurs intérêtssur desenjeuxmajeurs comme :

- l’activité derecherchescientifiqueet technologiquedesentreprisesqui constitueune constantede la guerre économique ;

- la restructuration del’industrie de Défensequi présentedes enjeux fondamentaux :où seronten définitive localisées lesunités de production etde recherchenotammentdansles domainesaéronautiqueet spatial ?Quelle serala nationalité du capital majoritaire qui détermine lepouvoir de décision ?

- la définition de normescommunesà toute l’industrie européenne.engagéedepuisplusieursannées, danslesquellesles paysqui réussissentà imposerleur systèmede normes danstel outel domainepeuventobtenirun avantagecompétitifimportant.

3.1.2. Emergenceà un niveaude nuisanceplus important desmenacesnon étatiques

3.1.2.1. Le changementde dimension de l’activité délinquante et criminelle (la recherche dela puissance)

Au « milieu » d’autrefois cantonné dans des activités marginales en termes de puissanceéconomique,financièreet politique (bars,jeux, dancings,trafics divers) et structurésur desbaseslocalessuccèdentde grands systèmesou galaxiescriminels(peut-on déjà parlerd’organisationausensstrict : administration, entreprise)appuyéssur des trafics mondialisés (drogue,organes.êtreshumains, matériels, armes, alimentsne respectantpas les normes légales de plus en plusinternationales).Les activitésde ces entités,difficiles à qualifier,génèrentdesmassesfinancièresconsidérablesdotant leurs acteursd’une puissanceéconomique,voire politique, sanscommunemesureavecles« parrains »du passé3.

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A partir desdeuxcaractéristiquesdebasedel’activité criminelle (non-respect dela loi - recoursà laviolence pourrégler les conflits internesou avec la sociétélégale)se développent desstructures(sociétés,associations)implantéesdansplusieurspayset, enparticulierdansceux oùla pression dudroit est faible. Ces structuresrecourentau système financieret bancairelégal pour, dans unpremier temps, accueillir lesbénéfices de l’économieillégale et, dans un deuxièmetemps, lesréinjecter dans l’économielégale.

Cesréseauxcherchentnaturellementà assurerleur sécuritéet leur pérennitéen engageantdesactionsde toutesnatures(politique, sécuritaire)contre la société légaleet sapuissancepubliquedont le système de protectionestainsiconfronté à undéfi sanscommunemesureavec celui auquelil étaitconfrontéjusqu’àprésent.

Dansle domaine del’armement,cespuissancescriminellespeuventaccéderà des moyenslourds :armes antichars, missiles, avionsethélicoptèreslégers.Leursciblespotentiellessontdiversifiées :concurrents,juges, policiers, hommespolitiques gênantsmais aussisites névralgiques,attentatsterroristesvisantla population...Ils peuventasseoirleur autoritésur certainsterritoiresretirésainsià la souverainetéde l’Etat de droit.

3.1.2.2. Sectes, mouvements autonomistes, extension à la France de guerre civiles etétrangères

Les secteset les mouvements autonomistes ayant recoursà la violence présentent uncertainnombrede similitudes avecles organisationscriminellespar leur rejet desvaleurs partagéesparl’immensemajoritédes citoyenset par les méthodesutilisées.Ils se financentpar desméthodesillégales, le racket (parfoisbaptisé impôtrévolutionnaire)et recourentà la violencematérielleetphysiquecontre des ciblestrès diverses :bâtimentspublics, individus,responsablespublics ouprivéssymbolisantl’ordre public oula lutte menéeà leurencontre.

L’organisation ramifiée du terrorismebasque espagnol,les points d’appui logistiques qu’il adéveloppésde longuedateenFranceet lesmoyensmilitaires qu’il utilise périodiquement révèlentle degréde force et de pérennitéauquelpeut accéderun mouvementterroristedressécontreunEtat.

Le terrorismecorse plusramifié et plus divisén’en disposepasmoins de moyens financiersetmilitaires impressionnantsque sesorganisationsn’hésitentpasàrévélerpubliquement(conférencesdepresse).

Ellespeuventcontrôler ouchercherà contrôlerdesstructuresmenantdesactivitéslégales :sociétésde sécurité, clubsde football, restaurants,hôtels. L’activisme politique dérive alors souventenaffairisme auservice duquelsontmis la violencephysiqueetdes moyensmilitaires. Il peutmettre àmal l’Etat de droit et ses structures(Gendarmerie, Police,Justice,Préfets)pendantdes décennies,commec’est le casenCorse.Le rétablissementde l’Etat dedroit peutalorsserévélertrèsdifficile.

Des mouvementspolitiques étrangers menant une guerre civile à leur Etat national peuvent,enfin, chercherà sanctionnerla Francepour sonsoutienà cetEtat endéclenchantdescampagnesterroristesde grandeampleur surnotre territoire.C’est la menaceque fait pesersur la Francedepuis1992la guerrecivile algérienneavecdesactes terroristesde forte intensité(détournementd’avion, attentat dansle métro parisien).

Il faut soulignerle risquede résonance de ces mouvementsdansleszonesde non droit (banlieuesdifficiles).

3.1.2.3. Les risques technologiques etnaturels majeurs rencontrent une sensibilité croissantedespopulations

Le risquetechnologiquepeutrésulterde la banalisationde l’utilisation de techniques,de procédésetde produitsà hautedangerosité :les activités nucléaireset chimiquessont les illustrations lespluscommunesde cette idée. Qu’il s’agisse de la production ou du transport il existe des risques

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d’accidents considérablesqui doivent être réduitsle plus possible et dont la réalisationdoit fairel’objet de traitementsimmédiats d’une envergure suffisante pourlimiter les dégâts :mesuresderéductiondessinistres(décontamination...),dispositionsexceptionnellesde protectiondespopulations(éventuelle évacuation).Les mesures deprotection contrecesrisquessont d’autantplus importantesquel’opinion publique ne supporteplusnon seulementlesatteintesaux vies humaineset aux biens,maisaussi les atteintesà l’environnement.

Les risquesnaturels(incendies,inondations.avalanches. tremblementsde terre), qui sont fortementmédiatisés,obéissentà uneproblématiquedeplus enplus prochede celle desrisques technologiquesenmatière dedispositions préventivesetcuratives.

L’étudedesfacteursde la menace doitêtreprolongéepar unebrève analysedecelledes vecteursqui lavéhiculent. Nous préféronscette terminologieà celle d’instrumentsou de moyenstechniquesmoinsappropriéecarplusétroite.

3.2. La multiplication desvecteursde la menace

Ils sont constituéspar les moyensde destructionet par l’ambivalence d’un certain nombre dephénomènesliés à la modernitéet à la mondialisation.Il n’est pas questionde dresserune revuetechnique mais de livrer quelques commentairessur la "sociologie" de différents moyensdedestructionet leseffets perversdecertainsaspectsde l’activitééconomique.

3.2.1. Le risque de disséminationaffectant un nombre croissantde moyens dedestruction

Depuisl’émergencede l’Etat, celui-ci a, pendantlongtemps,été le seulà disposernon seulementdudroit (qui n’est pas suffisant) maisaussi desmoyensde détenirun armementlourd et sophistiquéà« dangerosité massive » : au-delàde l’arme de poing ou du fusil, les canons,les missiles,voire desarmes chimiqueset nucléaires.

L’ère nucléaireavait même introduit une sélectionrigoureuseau seindesEtats puisqueseulsquatred’entre eux se sont longtempsvus reconnaître, enpratique puis officiellement (traités de non-proliférationsignés sousla pressiondesgrands),le droit deposséderdesarmesnucléaires.

L’industrie balistiquequi confèreà l’armenucléaireune portéeaccrueétait égalementmaîtrisée parles seulespuissances nucléaires.

Les quinzedemières annéesont vu s’élargirnotablementla liste desEtats nucléaireset balistiques :aux quatre initiaux se sont ajoutésle Pakistan,l’Inde, Israël (l’Irak ayant été tout proched’ajouterl’arme nucléaire à ses moyensbalistiques rudimentairesmais dangereux4). Ce phénomènedeproliférationintéressedavantagela fonctiondissuasion dela Défensequela fonction protection.

En revanchela fonction de protection doit particulièrement s’intéresser au risque accru dedissémination des armeslourdes voire desarmesde destructionmassiveou chimique, hors ducercledes Etats.entre lesmainsdesacteursnon étatiquesdela menace : mouvementsterroristes denature autonomisteou religieuse. sectes(secte AUN au Japon par exemple), organisationscriminelles.

Les facteursgénérauxde cette disséminationsontlessuivants :

- structuration croissantede ces mouvementsqui acquièrent des moyens financiers leurpermettantd’accéderaux armesplus coûteuses,

- développementd’un marché international des armes où de plus en plus d’équipementsdeviennentdisponiblesnotammentà la suitede la décompositiondu bloc soviétique.

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Desfacteursparticuliersjouent pourlesarmesnucléaireset chimiques :

- le développement de la miniaturisation,

- l’effondrement des structures de commandement de l’arméesoviétique qui a considérablementaffaibli le systèmedecontrôledesonénormestockd’armesnucléaires,en particulierdesarmesnucléairestactiquesde petitedimension.La récupérationde sesingénieurs,qui peuventêtretentésde sevendreauplusoffrant, susciteégalementlesplusgrandesinquiétudes.

Ces considérationsnerelèvent pastoutesde la seuleprospective.En Corse, lesarmes lourdes nesontpasseulementexhibées dansdesconférencesdepressenocturnes, maisdesGendarmeriesontdéjàété attaquéesau lance-roquettes.Dansle sudde la France,desattaquesde fourgonstransportsde fondssontparfoisperpétrésavecl’utilisation decetyped’armes. LemétrodeTokyo a fait l’objetd’une attaque chimiquepar une secte.L’IRA, avantde s’engagerdansle processusde paix, s’étaitlivrée à desattaquesaumortier contrele siègedugouvernementbritannique.

3.2.2. Les risques liés à la mondialisation et aux progrès des moyens decommunicationetdetransport

Il s’agit là d’une problématiquede protectionqui ne relèvepasde la violencedirectemaisde lamaîtrise sécuritaired’activités à caractèreéconomique.La mondialisation liéeau progrès desmoyens decommunication etdetransporta pour effetd’accroîtreconsidérablementdifférentsfluxde natureéconomique.Essentiellement bénéfiques,carcréateursde richesseset de bien-être,cesflux devenus gigantesquesimpliquent cependantune vigilanceen terme de sécuritéavec desmoyensadaptés.

Les flux de capitaux, d’une place financièreà une autre, d’une entrepriseà uneautre,peuventpermettre le blanchimentd’énormesmassesd’argent illégales etêtre animéspar des intentionsdéstabilisatricesenversune entité privée ou publique considéréecommeune proie stratégique(activitésdehautetechnologie,deDéfense).

Les flux d’informations qui circulent sur Intemet (20 millions d’ordinateursconnectésdanslemonde)facilitent aussil’organisation,le fonctionnementet l’action à uneéchelleintercontinentaledesmouvementsterroristes etdélinquants.Internetestun excellent véhiculepour la désinformationet un outil de pénétrationdansles activitésconfidentiellesnotammentà caractère technique desentrepriseset desadministrations si desprécautions nesontpasprises.La cryptologie, qui permetdeprotégerleséchangesd’information entre différentesentités,peutêtre utilisée égalementpar lesorganisationsillégalespour seprotégerdesinvestigationsdesservicesdesécurité.

3.3. Lesobjetsde la protection,points d ’application de la menacesur le territoire, subissentégalementdeschangements

3.3.1. Les objets classiquesde la protection du territoire demeurent maisleurapprochedoit souventêtrerenouvelée

Les frontières constituentla limite extérieuredu champd’applicationde la protection.La versiontraditionnellede la frontière renvoieà la notion d’intégrité territonaleet à cellesd’intérêtsvitauxdont le maintien est une mission paressencemilitaire. Mais la frontière terrestrefrançaiseaujourd’hui ouvertesur l’Europe nerelèveplus d’une approche uniquement militaire.L’activité deprotectionaux environsdesfrontières terrestresrelève d’avantage d’une missionde police, plusrarementdedouane.

Les flux de marchandises,de citoyensétrangers,de touristes, d’immigrés sollicitentla vigilancemaisaussi le discernementpour lessurveillersansles paralyser.Il faut repérerceux qui relèvent

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destrafics illicites et veiller,en particulier,à ce que la libre circulationde personnesne soit passourced’immigration illégale,dedélinquanceet decriminalité.

Le problèmeposé estcelui du niveau des moyensallouésà ces missions deprotection. Ont-ilsévoluédepuisune décennieà la mesure del’accroissementdesflux ?

Les approches maritimes de la France relèvent d’une analyse plus nuancéequi dépasseledomaine dela seuleprotection.

En raisondela nécessitédemaintenirla sécuritéabsolueet la liberté d’action de la force océaniquestratégique.leur dimensionmilitaire resteplusmarquéequ’en cequi concernela frontièreterrestre.Cettedimension militaireestégalementforte pour certainsDOM-TOM.

Cependantdu fait des caractéristiquespropresdu milieumaritime(libertéde la hautemer, droit detransit sans entraveou de passage« inoffensif » dans les eaux territoriales), possibilité decirculationsous-marineetexplosiondu trafic mantime(transport etplaisance).il s’agit d’un espaceoù circulentdesflux de plusen plus importantsdemarchandiseset d’hommes.L’analyse entermede « sécurité »autant qu’en terme deprotection militaire se justifie donc aussi. Elle poseinévitablementla question de la coordinationdesmoyensde sécurité(Police, douanes)et desmoyens militaires(marinenationale, gendarmerie).

Les organes gouvernementaux constituentun objet traditionnel d’applicationde mesuresdeprotectionde manièreà garantirla continuitédel’action du Gouvernement.Il s’agit de sauvegarderla liberté d’action des pouvoirs publics.Cette mission de protection doit faire l’objet dedispositionspermanentesentempsdepaix autitre de la Défensecivile commeentempsdecriseetentempsde guerre autitre de la Défense militaire.

Les sites sensiblessontdespointsd’applicationclassiquesdesmesuresdeprotection.Il s’agit à lafois desites militaireset desitescivils. Cessitessontsusceptiblesde faire l’objet d’attaquessoitdela part des forces spéciales d’Etatsétrangers,soit de la part de mouvementsterroristes,voirecriminelsvoulantintimider l’Etat ou réduiresacapacité d’action.

Les sites sensiblesdansune société complexeont tendanceà se multiplier : centresdetraitementetde distribution des eaux, centraux téléphoniques, relaisde télévision (attaquerécentede celui deBayonne).Toutefois le maillage desréseauxde distribution et de communicationspermet delimiter lesconséquencesde la neutralisationd’unpoint particulier.

Les populations sontdeplus enplus exigeantesen termesde protection.Qu’elle se traduisepar lapeurde l’ouverture desfrontièresou les craintesque soulignentles débatssurl’immigration ou lesviolences urbaines,la sensibilitéde l’opinion publique est grandeet très vulnérable au moindretroubleà l’ordre public.A cetégard. l’impact desattentatsà Pansen 1994est édifiantlorsqu’on lesramène au nombre devictimes. La réalité de la menace, sonoccurrence sontdonc totalementdéconnectésde sa perception,d’autant que dansun même ensemble diffus,certainsassimilentparfoisà des menacesmal définiesce qui ne sont quedes menacescontrenotre identité liées à lamondialisation età la construction européenne.

On voit donc que l’opinion publiquepeut servir de caissede résonanceà la menaceau pointdedevenir un « allié objectif » de celle-ci. Ce phénomènen’est certes pas nouveau mais lamédiatisationà outranceassociéeà la recherchedu scoopou la mise en avant des informationsdramatiqueslui confèrentun impact important.En ce senson peut dire que l’opinion publiqueesten soi une nouvellesourcede vulnérabilitéde la menace.d’autantquela manipulationde celle-ciest un mode d’actionvis-à-vis duquel il faut restervigilant commel’a rappelé l’exemplede laguerredu Golfe.

Si la menace, par son caractère diffuset non maîtrisé,fait peur,parfois au-delàde la réalité,enrevanche,le risque, de nature plus structurelle quela notion de menace, est souvent « accepté »inconsciemmentet donc sous-évaluéalors qu’il est souventpotentiellement plus dangereux auregard des pertes humaines constatées(tremblementde terre, inondations....).Cet aspect,mis enlumière trèsrécemmentpar la souspréparationenPlansde Préventiondes Risques(PPR) faceauxinondations, est généralement lié aux phénomènesd’origine naturelle considérés commeincontournables,voire non maîtrisables.En revanche,la peur que véhiculent certains risquestechnologiques (accidentsnucléairesou chimiques)font l’objet de polémiquesnourries,alimentées

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par des organisationstransnationales(GREEN PEACE) qui passionnentle débaten occultantlaréalité, que se soit dansun sens(occurrenceet niveaude la menaceau regard des dispositionsprises)oudansun autre(faibleétat depréparationde la populationet logistique).

L’impact psychologique decertaines menacesest tel, que les actionsde protection,généralementpréventives, peuventêtre parfois ressentiespar l’opinion publique, avec le relais des médias,commele premiersigne del’existenced’une menaceet génèrentainsi a contrario un sentimentd’insécurité.Il enestainsidesdispositifsVIGIPIRATE parfoisconsidéréscommela preuved’unemenace terroriste ; de même,les tentativesde distributionde pastillesauxpopulationshabitantàproximité des centrales nucléairespeuvent être perçuescomme la manifestationd’un risquesignificatif.

La perception parla populationdesrisqueset desmenacesestdonc fluctuanteen intensité suivantles manifestationsperçues,leur médiatisationet le degréd’alerte préexistant,ou dansle temps enfonction du poids ou de l’actualité de certains facteurs de vulnérabilité (immigration,manifestations sectaires, environnement international). Cette perception est d’autant pluschangeante etpeumaîtrisable quel’opinion abordece problèmesousl’angle du verreà moitiévide(sécurité)ou à moitié plein (liberté).

Outrela nécessité deprécéderl’événement,la difficulté en termedecommunicationconsistealorsà dégageret fairevaloir despositionsrationnelles,la dénégationpureet simple nepouvanten effetaucunement dépassionnerle débat,maisayantaucontraire tendanceàle radicaliser.

3.3.2. La prise deconsciencedenouvellesvulnérabilitésduesà certainsphénomènessociaux,économiquesetculturels (effetsdela mondialisation)

Les zonesurbaines sensiblessontparticulièrement exposéesauxmenaces.

Les formesurbaines (immeublesde grandehauteur,cloisonnementdesespaces,éloignementducentreville) maisaussiles catégoriesde population(pourcentageélevédejeunesavecun taux dechômage élevé, caractère multiethnique)qui habitent cesgrands ensembles les rendentparticulièrement sensibles audéveloppementdeplusieurstypesdemenaces.

On citera particulièrement :

- les intégrismesreligieux qui s’appuient surune partie dela jeunessedésoeuvréeetfacilementmanipulablepourporter leursrevendicationset affirmerleur identité ;

- les trafics de stupéfiants qui aboutissent àla création d’une économie parallèleindispensableà la surviedecatégoriesdepopulations fortementpaupérisées ;tirant desrevenusdetraficsde toutenatures,c’estparfoistout un quartierqui basculede gréou deforcedansl’illégalité ;

- l’immigrationclandestinequi rend impossible l’exercice régulier d’un emploi et qui peutconduirecertains àla délinquance ;

- le terrorisme quis’appuie toujours surdesbaseslocales.

Malheureusement, onne peut exclureune aggravationde la violenceurbaine.Récemment,on aconnudesvilles longuementparalysées pardesgrèvesdepersonnels de transportspublicsexcédésparles violencesdontils font l’objet : on saitque,danscertainsquartiers,lesconducteursdebus oulesagentsde la propreténepénètrent plussansêtreaccompagnésdeforcesdesécurité.

Le développementdesviolences urbainesoblige à seprojeterdansl’avenir et à nepasexclure desscénariosde crise.

Le payspourraitalorsconnaîtredestroubles généralisésen milieu pénurbainà l’instar desémeutesqui sesontdérouléesàLosAngeles en 1992.

L’insécurité totale régneraitalorsdanscertainesbanlieuesqui seraientdevenues deszonesde nondroit. Lesdroguesy seraienten vente libre.L’usage desarmes,facilité par le développementdumarchéde l’occasionseraitdevenucourant.Les lois de la Républiquene seraient plus respectées.

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Les émeuteset les actionsde guérilla, avecagressionscontre les personneset les biens. seraientfréquentes.

Dansle mêmeordre d’idées, le fossése creuse entreles nantiset les pauvres: ces derniers,sansemploi etsansespoirse livrent àdes pillages.Desréseauxde criminalité prennentnaissancedansleszones périurbaineset lancent desactionsendehorsdeleur territoire traditionnel,notammentlaoù setrouvent les richesses.

Les grands événements

Exposant les populations à des risques particuliers, les grands événementsmondialementmédiatisés5 se déroulant en Francejustifient une analysespécifiqueet la mise en oeuvre dedispositifsappropriés.

Notre société,qui a tendancesouventà isolerl’individu, aimeà créerd’immensesrituelscollectifsqui désormais s’inscriventdans la durée. Les différents pays, dont le nôtre, se livrent à unecompétition acharnéepour accueillir de grandsévénementsmondiauxdont il faut savoirassurerunegestion parfaiteentermesdeprotection/ sécurité.

Les fondementsdenotre système social

Le fonctionnementselonles valeurs républicainesde la sociétédoit faire l’objet d’une approcheglobale en termede protection liée au changementde dimension dela délinquanceet de lacriminalitéévoquéeplushaut.Les systèmescriminels s’attaquentavecforce à différentsélémentsfondamentauxdu systèmesocial :

- l’économie légale à travers des sociétésdélivrant diverses prestations (immobilier,informatiquenotamment)et égalementle systèmebancaireet financier dontla logistiqueleurest nécessaire,

- le systèmepolitique, administratif et juridiquepour le rendreplustolérantà la fois à traversuneplus grande retenuedu systèmecoercitif et éventuellementun systèmejuridiqueplus favorableà leurs activités (dépénalisation decertaines activités, allégementdespeinespour certainesinfractions).

Les réseauxcriminelspeuventinstrumentalisercertainsrelaisd’influencepour tenterde légitimerdes thèmes suivantleur intérêts. Ils exercentainsi une action pernicieusesur la structuresociale,diminuant son efficacité, introduisantmalaiseet douteauseinde la population surles institutionsetla justerécompense des mérites.

L’activité économique est d’une vulnérabilité croissante. L’organisationde la Défenseéconomique sepréoccupesurtoutd’assurerla sécuritédesressourceset de la permanencede leurproductionet, en tempsde guerre,de leur répartition.Mais aujourd’hui, on prend conscienceà lafois du caractèrevital, de la vulnérabilitétrès grandeet de l’exposition aux menacesdessystèmesde télécommunicationset des secteurstertiaires sensibles commeles services financiers etinformatiquesqui jouent un rôle fondamentaldans l’économie française.La crainte des dégâtsmultiples qui pourraientêtre liésau boguede l’an 2000 etl’intensepréparation depuis2 ou 3 ansde la société françaiseà l’aide d’investissementsconsidérablesillustrent particulièrementbien cethème.

Simultanémentuneattention accrue est accordéeaux fondements financiers et technologiquesdela puissancequi doivent être maintenus surle territoire(expriméepar le Livre Blanc de 1994.)

La France avait développédepuis 50 ans des entreprisesindustrielleset un systèmefinanciernational largement administrés,voire pilotés par la puissancepublique en fonction de l’intérêt

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général.Le mouvement deprivatisationet la mondialisationdesmarchés decapitauxont tendanceà dénationaliserun grand nombredecentresde décisions économiquesà traversles mouvementsaffectant le capital des entreprises.Les capitaux deviennentétrangers(fonds de pensionanglo-saxons et sièges sociaux quittant la France6) privant la puissance publique de tout moyen decontrôle et déconnectantcomplètementles impératifs de développementdesgroupesindustriels oudeservices,des intérêtsdela Nation.

La questiondesbasestechnologiqueset plusparticulièrementde la protection de l’activité derecherchetechnologiquedesentreprises françaisesrevêt égalementune grande importance.Notrepayssepositionnesurdes marchésà haute valeurajoutée supposantd’intenseseffortsderecherchedont il est importantdepréserverla capacitéà lesexploiter enévitant le pillage technologiquequiest organisétant par desentreprisesconcurrentesdes nôtres quepar des Etats qui peuvent,d’ailleurs, être trèsprochesde nouspar le modèleéconomiqueet politique qu’ils pratiquent.Lapréservationde la confidentialitéde l’activité derecherche tantdesentreprisesorientéesvers lesmarchéscivils quedecellesqui sontorientéesversles activitésdeDéfenseest unequestiond’unegrande acuité.

Or cetteconfidentialitépeutêtrecompromisepar différentesactions :

- le renseignementhumain ;

- l’asservissementdes matériels informatiques, soitpar leurs composants internes, soitparInternet ;

- l’écoute généralisée,parfois organiséeau niveau des Etats, avec de grands moyens, destransmissionsdes entrepriseset desadministrations.

La culture est également devenueun objet de la menace.Elle a tendanceà s’affaiblir commefacteurde cohésion :

- le modèleculturel de l’hyperpuissanceaméncainetend à s’imposerdansles « bagages» dumodèleéconomiquedominant,

- la difficulté de fondre dans le creusetdes valeursrépublicainesdes populationsd’origineethniqueet de confessionstrès différentes. Or c’est de l’adhésionà un fonds commun devaleursque dépendentla capacitéà sereconnaîtredansla Nation, l’acceptationdes contraintesde tousordresque supposentla Défensenationaleet la participationactiveà cetteDéfenselecas échéant. Dece pointde vuela réussitede l’intégration estun enjeu dela protection.

L’exposé de la menace globalisée qui vient d’être réalisé fait donc apparaître différentesévolutionsnotables :

- unemenacemoinsaiguëet moins militaire,

- unemenace plus diversifiéeet permanente,

- une populationparticulièrementsensibiliséeà la notion de protection et de sécuritéintérieure,

- une notiondeterritoiremoins netteetplus large

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4. LE DISPOSITIF DE PROTECTION : ETAT DES LIEUX (STRUCTURES,PROCEDURESET MOYENS).

4.1. Structures etprocéduresenmatièredeprotection.

4.1.1. La définition des politiquesenmatièredeprotection :le systèmedepilotage

La définition despolitiques, desstructures,l’impulsion desnécessairesévolutionsau regard del’évolution de la menacerelèvent du Premier ministre conformémentà la Constitutionet àl’Ordonnancede 1959.

L’instrumentpnvilégiéestconstituéparle Secrétariatgénéralde la Défensenationale(SGDN).

Au titre de la protection, le SGDN coordonnenotammentla préparationet la miseenoeuvredesmesuresde défenseetprésidela commissioninterministérielle dedéfensedu territoire.

Il assurele secrétariatdu Comité interministénel durenseignement(CIR). Il coordonne larecherchedu renseignementdansles domainesintéressantla défenseet enassurel’exploitation. Ilveille à la cohérence desactionsentreprisesen matièrede sécuritédessystèmesd’information. Ilprésideà cet effet le Directoire dela sécuritédessystèmesd’information et disposedu service7centraldela sécuritédessystèmes d’information(SCSSI).

Trois ministres jouent, sousl’autorité du Premier ministre,un rôle particulièrement importantenmatièrededéfense :

- le ministrede la Défensefixe lesorientationsapplicablespar lesForces armées en matièredeprotectionmilitaire duterritoire ;

- le ministredel’Intérieur estresponsablede la sécuritépubliqueet dela défense civile ;

- le ministrede l’Economie, des Financeset de l’Industrie est chargé de mettreen oeuvre ladéfenseéconomiquepréciséepar l’ordonnancedu 7 janvier1959.

4.1.2. Le cadre juridique de la protection à travers les situations depaix - crise -guerreet l’équilibre desrelationscivilo-militaires

La protectiondu territoire doit faire l’objet d’un continuumentrela situationnormale,le tempsdecriseet le tempsde guerre. Ce continuum estassuréparuneorganisationadministrativeet militaireadaptée,en vertude l’ordonnancedu 7 janvier 1959portantorganisation généralede la Défense.

En dehorsde certaines circonstances liéesà une agressionextérieure,la sécuritéintérieureet, enparticulier, le maintien de l’ordre public, restent dela responsabilitédu ministre de l’Intérieur(exemple :réactionface àun acteterroriste).

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Cependant,dès le temps de paix, en présencede risquesgraves (en particulier lors d’unecatastrophe naturelleou technologique),il peut être demandéaux forces arméesde prêtertemporairementle concoursde moyensenpersonnels etmatériels enrenfort ou en remplacementdes servicesde sécurité civile. Une organisation administrativeet géographiquepermanenteconstituéepar les Zonesde défense organisela montéeen puissancedesformations militairesauseindu dispositif deprotection.

Lorsquele paysfait l’objet d’une agressioncaractérisée. la partie du territoire concernéepar lescombatspeut adopterune posture appropriée aux opérationsmilitaires : il s’agit de la mise enoeuvrede la Défense opérationnelledu territoire (DOT), régieparun décret du1er mars 1973.Cetexte indique "qu’elle concourt,en liaison avec la défensecivile, au maintiende la continuitéd’action du Gouvernementainsi qu’à la sauvegardedesorganesessentielsde la Nation". La DOTestpréparéedèsle tempsde paix,sousl’autoritédu Premierministre8, auMinistèrede la Défenseparle Chef d’état-major desarméesqui dispose,à ceteffet, del’Inspection de la DOT. Lesmesuresde défense opérationnelledu territoire sont mises enoeuvre sur décision du Gouvernement.Ensituation de DOT, les responsabilitésen matière d’ordre public ainsi que la coordinationdesmesures dedéfense civileet de défensemilitaire peuventêtre dévoluesà l’autorité militaire dansleszones decombatou àproximité.

Hypothèse ultime,l’état de siège estprévu parl’article 36 de la Constitution.La déclarationde cetétat d’exceptionest préciséepar la loi du 9 août 1849qui explicite les conditionsdu transfertcompletde l’autorité civileà l’autoritémilitaire dela responsabilitéde l’ordre public.

Le cadre institutionnelde la fonction protection répond donc bienà l’exigenced’une continuitédel’exercice desresponsabilitésarticulée autourd’un transfert progressifà l’autorité militaire, enfonction de la gravité de la situation, des prérogativesliées à la continuité de l’action du

Gouvernement.

4.1.3. Le cadregéographiqueet institutionnelde l’exercicede la protection: la zonede Défense

Jusqu’àprésent l’organisationterritorialede la défenseétait fondée sur l’identité des structuresciviles et militaires dont le principe est fixé par l’article 21 de l’ordonnance du7 janvier 1959portant organisationgénéralede la défense.Ce principe ne sera pas remis en cause parlaréorganisationterritorialedel’armée de terreencoursd’exécution.

En effet, les responsabilitésd’organisation territoriale de la défensedévolues aux5 régionsmilitairesde l’Armée de terresonttransféréesà l’échelonde 9 zonesde Défenseà commandementde niveau interarmées9.

4.1.3.1. La zonede défense

La zone de défense est l’espace géographiqueet administratif au seinduquel s’organise laprotectiondespopulationssousl’autontédu Préfetde zone deDéfenseparunecollaboration entrelesautoritéscivilesqu’il coordonneet l’autoritémilitaire locale.

Le Préfet dezonede Défenseest le Préfet dudépartementsiègede la zonededéfense.Il est assistéd’un secrétariatgénéralde zone de Défensechargé depréparerles plansainsi que de centraliser,exploiter, diffuserles renseignementset informations de toute nature dans le domainede laDéfense.Il dispose aussid’un ComitédeDéfensedezoneréuni unefois par an.Il estcomposédesautorités civileset militaires de la zone, assureleur information réciproqueet permetde faire lepoint des problèmesde défensequi seposentauxdivers responsables, notammentaux différentspréfets des départementscomposantla zone.

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La zonede Défenseest le cadre administratifde préparationet de planification des mesuresdedéfenseàcaractèrenonmilitaire et constituele cadreprivilégié dela coopérationcivilo-militaire. lePréfetde zone étantchargéde veiller à la complémentaritéet à la cohérencedesplanscivils deprotectionet desplansmilitairesdeDéfense.

Les préfets départementaux,dont l’action est coordonnéepar le Préfet de zone de Défensedisposent,à leur échelon,d’un déléguémilitaire départemental(DMD) qui assurela liaison entrel’autorité administrativeet lesunitésdes Armées stationnées.Le DMD apporteson concoursauxservicesinterministérielsde défenseetdeprotectioncivile (SIACEDPC)de la préfecture.Le préfetentretient, en outre,desrelationsdirectesavec le commandantde groupementde Gendarmeriedépartementale,notammentpourtout cequi touchel’ordre public etla défensecivile.

Cette organisation administrativede défensevise à faciliter l’exécution de deux catégoriesdemissions :

- la préparationde plans de protection contre les risquesmajeursainsi queceux relatifs aumaintiendel’ordre prévoyantenparticulierlesrôlesrespectifsdesforces civiles, desunitésdeGendarmerie,despompiers,des forcesarmées(dites de 3ème catégorie).Ces planssont parexemplelesplansORSECde zones,

- la gestiondesévénementsexceptionnels:

- établissementdespriorités et répartitiondesmoyens :forcesde deuxièmeet troisièmecatégories(militaires) aprèsréquisitionauprèsdel’autorité militaire, moyensde secourspublicset privés,

- exercicedes pouvoirsprévusdansle cadrede la loi sur l’organisationde la sécuritécivile, la prévention desrisquesmajeurset la protectiondela forêtcontrel’incendie.

4.1.3.2. Le rôle desautorités militaires dela zonedeDéfense.

Cesautorités militairesinterviennentdansle cadredela défense militaireterrestre(DMT), notionintroduitepar le décretdu 14 juillet 1991qui recouvrel’ensembledesmesuresmisesenoeuvreparles forces arméespour concourir à la sécuritéintérieure,que ce soit sous la responsabilitédel’autorité civile pour la défensecivile ou decellede l’autoritémilitairepour la défensemilitaire.

La DMT comprenddonc deuxnotionsbien distinctes :la participationdesArmées10 à la défensecivile qui sedérouleenpermanence dèsle tempsnormal(lutte contre lesrisquesdivers, luttecontrele terrorisme)et la Défenseopérationnelle duterritoire(DOT) qui serapporteà des activitésdutempsdeguerreà l’encontred’un ennemiidentifié.

A l’échelon dela zonededéfense,l’autoritémilitaire estexercéepar lesofficiers générauxde zonesdedéfense(OGZD)dont lesétats-majorspréparentet tiennentà jour lesplansmilitairesdedéfenseen concertationavec les commandantsde circonscriptionde Gendarmerieet, le cas échéant,lespréfets maritimeset les commandantsde région aérienne,autoritésà qui serontadressées,lemomentvenu,les réquisitionsou les demandesde concoursdemoyensmilitairespar lesautoritésciviles.

4.2. Lesmoyens de la protection

4.2.1. Les moyensdela protectionrelevantdu ministère dela Défense

4.2.1.1. La Gendarmerie

Dèsle tempsde paix, la Gendarmerieest aucoeur,du dispositif deprotectiondu territoiremis enoeuvrepar les autorités.

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La Gendarmerienationale recherche,élaboreetdiffuse le renseignementdedéfense.Elle assure.entempsde paix commeen tempsdecrise, etjusqu’à l’engagementoffensifdesforces,la protectionet la défense despoints sensiblescivils et des services communsindispensables,ainsi quel’intervention immédiateauprofit despoints sensiblesmenacés.En tempsde crise,elle participeàla montéeen puissanceet aux mouvementsdesforces militaires sur le territoirenational danslecadrede la circulation routièrede défenseet participe dansla mesurede la disponibilité de sesmoyens, à desactionsde combat visantà détruireou àneutraliserdesélémentsennemis.

Au titre dessesmissionsde policejudiciaire, la Gendarmerieest uninstrumentde lutte contre lacriminalitéet la délinquance11. Chaqueannée,elle constateenviron un million de crimeset délits(1/3 dutotal) etprésente60.000 personnesauxmagistratsdel’ordre judiciaire.

Elle exerce,en outre,des missionsdepolice administrativesur 95%du territoireauprofit de 50%de la population12. Il s’agit, en particulier,du recueildu renseignement, du maintiende l’ordre, dela lutte contre l’insécuritéroutière et du secoursaux personnes.A ce titre, elle a vocation àintervenirdefaçonprioritairenotamment :

- sur les grandesmanifestationscherchant à prendrela populationen otageen violant le droitpar la paralysiedesréseauxroutiersou desvoies ferrées :certainesorganisationsd’agriculteursou detransporteurs routiersont systématisédepuisquelquesannéesce type d’actions,

- dans les zonespériurbainessituéesdans sa zone de compétencequi vont voir une forteaugmentationde la populationdans les15prochainesannées.

Sonorganisation fonctionnelleintégréerend la Gendarmerie particulièrementapteàjouer un rôlecentraldansla protection :

- la Gendarmeriedépartementaleavecses3.600brigadesconstitueunmaillage particulièrementserréde l’ensembledu territoire : elle assumeles missionsde police judiciaire, de sécuritépubliquegénéraleet derenseignement ;

- la Gendarmerie mobileavecses17.000hommesrépartisen 125escadronsest spécialiséedansle maintien ou le rétablissementde l’ordre. Elle participe égalementavec la Gendarmeriedépartementaleà la sécuritépublique générale lorsquedes moyensimportants enpersonnelsontnécessairesoupour faire faceà l’augmentationdesmissionsinduitespar lesmouvementssaisonniers13.

Depuis plusieurs annéesla Gendarmerie voit ses effectifs augmenterpour faire face àl’alourdissementde sesmissions.La professionnalisation desarméesn’interromptpasce processusqui lui permet d’approcherdésormaisles 100.000hommes14. Pour remplacer les appelés.laGendarmerie accueillira16.000 volontaires(gendarmesadjoints).Elle emploieraégalementplusde2.000personnels civilset disposerad’un corpsmilitaire desoutiendeplus de 4.000personnelsafinde dégagerles gendarmes destâchesadministrativeset techniquespour les recentrersur leursmissions spécifiques.

Traduction du rôle qui lui est dévolu dans la gestion des nouvelles vulnérabilités (actionsterroristes,actionsde déstabilisation intérieuresde grande envergure)la Gendarmeriecompteralamoitié deseffectifsde la premièreréservesoit50.000hommesdont 13.000enréservesélectionnéeemployable dèsle temps de paix. Elle pourra ainsi faire face, en cas de crise,à sesmissions,notammentla protection des pointset sitessensibles.

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4.2.1.2. Lespompiersmilitaires

La missionde secoursdedeux desgrandesmétropoles françaisesest assuréepar de grandesunitésmilitaires :

- à Paris : la brigadedessapeurs-pompiers(7.000personnels),

- à Marseille : le bataillon desmarinspompiers (1.700personnels)

4.2.1.3. LesArmées(Terre,Air, Mer)

Les Arméessont susceptiblesd’intervenir dans le domaine de la protection des populations(réactionfaceà unemenaceterroristedegrandeenvergure,maintien del’ordre) en tantque forcesdites "de 3ème catégorie"au terme d’uneprocédurede réquisition,par l’autorité civile (préfets),decertainsmoyensen personnelsou matériels. Ainsi,la menaceterroristequi touchela Francedemanièreconstantedepuis plusieursannéessetraduit par le renfort désormaispermanentdesforcesde Police et de Gendarmeriepar desunités militaires pour protégerla populationsur les sitespublics(planVIGIPIRATE).

La Marine nationale joue son rôleen matièrede protectiondesapprochesmaritimesdu territoiremétropolitainet outre-mer au moyen:

- d’un réseaudesémaphores qui participeà la surveillancedela zonelittorale ;

- desbâtimentsanti-mines etdesgroupesde plongeurs démineursqui sontchargésdela sécuritédes accèsà Brest,Toulonet Fossurmer ;

- des missionsdites de service publicqui représentent15 % des activités de la marine :surveillance despêches,secourset assistancemaritimes,lutte contre la pollution, assistanceauxpopulationsencasde sinistremajeur.Lesmoyensmilitairestraditionnellementdédiéspources missions (patrouilleurs,...)sontde plusenplus renforcéspardesmoyenscivils affrétésparla Marine:remorqueurs,avions,...

L’Armée del’air assureenpermanencela sûretéde l’espaceaérienfrançais parla miseenoeuvredemoyens aériensde défenseaérienne.A cettefin, elle disposed’un réseaumaillé de surveillanceradar composéde stations fixes et,le cas échéant,mobiles. Ce réseauest connectéavec lessystèmes despays riverains afin de disposer d’un préavis maximum en cas de menace.L’interception, l’arraisonnementvoire, sur ordredu Gouvernement,la destruction des aéronefshostiles sontassurés parles unitésde défenseaériennesrépartiessur le territoire métropolitain.Letraitementdescibleslentesestassurépardesunitésd’hélicoptèresspécialisés.

En temps normal,cetteorganisationest utiliséepourvenir en aideà tout aéronefen difficulté. Desdispositifsparticuliers sontmis enoeuvreà l’occasiond’événementssensibles15 par la miseen placed’une "bulle de défenseaérienne"adaptée.En casd’agressionmajeure,l’Armée de l’air reçoit leconcoursde moyensde détectionet d’interceptionprovenantdesautresarméeset prendle contrôlede la gestionde l’ensembledel’espaceaérien.

Cettegradationdesmodesde réactiondémontrela parfaite adaptabilitéd’un système du stade duservice publicen temps normal à celui de la posturede défenseaériennedu territoire en casd’agression.

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4.2.2. Les moyensdela protection horsdu ministèrede la Défense

Il convient desoulignerque cette mission de Défensenationalequ’est la protection est aussi engrandepartie, notammentcompte tenudesévolutions de la menacemise en évidenceci-dessus,priseen chargepar des servicesetdesforcesne relevant pasdu ministèredela Défense.

4.2 .1 . Servicesrelevant du ministèrede l’Intérieur.

L’ensembledesforces de Police(125.000 personnels) constituentdansleurs zonesde compétencela premièreligne de la protection contretoutes les menacesnon étatiques s’exprimantpar uneviolation dela loi.

S’agissantplus particulièrementdesmenacesliéesà desingérences étatiquesétrangèresde toutenature (espionnage militaire,espionnageéconomique,déstabilisation par le terrorisme), laDirection de la surveillance du territoire et ses1.500 agentsest un instrumentprivilégié de laprotectiondu territoire. Elle agit à la fois contreles Etatsperturbateurset contre les partenairespolitiques/ concurrentséconomiquesdont l’activitéd’espionnagea tendanceà sedévelopper.

Elle est organiséede manièreà traiter l’ensemble desactivités des servicesde renseignementétrangers, eninformer le Gouvernement,orienter et effectuer les enquêteset les opérationsrépressives.La DST a renforcédansla périoderécentesesactivitésen directiondes entreprisesetconsacre desmoyens auxproblèmesposésparIntemet.Elle estimplantéelocalement.

Il importe aussi d’évoquerle rôle des renseignementsgénéraux dans la gestion desnouvellesmenaces : sila DST suit les ingérencesétatiquesétrangèresde toute matière,les renseignementsgénérauxont en chargeles communautésétrangèresimplantéesen France qui peuventêtre dessourcesdedéstabilisationsoit autonomes,soit instrumentaliséespar desEtats oudes mouvementspolitiques étrangers.

Enfin les services d’incendie et de secours ne doivent pas être oubliés s’agissantdes risquestechnologiqueset naturels.

4.2.2.2. Servicesrelevantdu ministère del’économieet desfinances.

La direction générale des douanes avec sesmoyensterrestres,navals et aériensainsi que sesprérogativesjuridiques surles personneset lesbiens est unagent actif dela protection relativeaux flux de marchandises qu’il s’agissedesfrontières terrestresou desapproches maritimesetaériennes.

La direction générale desdouanesdisposed’une direction du renseignement.

L’analyse du dispositif deprotection, à travers ses orientations générales, sesstructures et sesmoyens, montre qu’estprise en charge unegrande partie du spectrede la menace : menaceàcaractère étatique,à caractèreterritorial, menace militaireou non militaire, à caractère terroriste,sur ou par les flux d’information .... En outre son organisation vise à réaliser une parfaitecoordination des aspectscivils et des aspects militaires dela protection en prévoyant, le caséchéant,la substitutionde la priorité militaire à la priorité civile.

On observeen outre quecedispositif s’efforce de prendreencompteles nouvellesmenaces au furet à mesurequ’elles émergentà un niveaude nuisanceimportant.Sur lessystèmesd ’information,sur les bases technologiques, surles risques d’Internet, différents services de l’Etat ont surapidement avoir des analyses pertinenteset mettreenplace les structuresnécessaires.

Les interrogations doiventen réalité porter :

- sur la juste affectationdes moyensaux différentesmenaces :en particulier les moyensont-ilssuivi faceà l’évolution rapidedecertainesd’entre elles ?;

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- n ’y a-t-il pasimpasses surcertaines menaces(enmatièreéconomique) ?

- l ’organisationdecertainesstructuresdonne-t-ellesatisfaction ?

- ne faut-il par en réalité repenser le dispositif de protection au regard des objectifs deprojection de l’Armée de terre, compte tenu de la nouvelle donne que constitue laprofessionnalisation ?

- l’organisation et la gestion de la protection prennent-elles suffisammenten compte lesnouveauxcadresdans lesquelss’exprime la menace ?les échelleslocale, européennevoiremondialesont -ellessuffisammentprisesencompteet mobilisées ?

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5. UN DISPOSITIF QUIDOIT S’ADAPTER A L’EVOLUTION DU SPECTREDES MENACES ET A CELLE DU CADRE POLITIQUE DE LAPROTECTION

5.1. Les interrogationssur l’organisation dela protection

5.1.1. Unenécessaireclarificationdansles définitions

Entre le Livre Blanc de 1994 etla Loi deprogrammation de1996, ons’aperçoitque la notion deprotectiona déjà largementévoluéet qu’elle continueà le faire depuis.A l’époque de la Guerrefroide,on sedéfendait contre quelqu’un - d’où la notionde défense globale ;aujourd’hui,alorsquela menacedirectea disparu,on protège sesintérêts -d’où la notionmajeuredeprotection.

Trois typesde protectionpourraient êtredéfinis :

* la protection militaire, avec sescomposantes Terre, Airet Marine, dont l’occurrencede lamiseen oeuvreest aujourd’hui faible,maisdont l’ultime niveau -la défenseopérationnelleduterritoire - mériterait une réflexion approfondie,pour définir les moyens militaires quipourraientlui êtredédiés.

* la protection générale,qui pourrait couvrir des secteursconcernantplusieurs ministèreset dontle besoinse fait aujourd’hui particulièrementsentir : l’économie,les systèmesd’information,l’écologie,la culture,etc.,

* la protection intérieure, domainesensible actuellement,qui demandeuneétude particulière,qui pourraitengloberla notion d’ordrepublic danscelle nouvelleet encoreimprécisedesécuritéinténeure.

5.1.2. Uneapprocheinterministériellesansdouteinsuffisante

L’approcheinterministénelledela Défenseestancienne etrésultede l’ordonnancede 1959.Elle setraduitparl’existencedu secrétariat généraldela Défensenationale(SGDN).

Cependantle rapprochementdes préoccupationsde Défenseet de sécurité intérieure mis enévidence parl’analyse des menacesainsi que le caractère transversede nombreux risques(économiques, informatiques...)implique un renforcementde la coordinationentre les grandsacteursde la sécuritéglobaleque sont le ministère de la défense,le ministère del’intérieur, leministèrede l’économie, desfinanceset de l’industrie. Cette coordination nepeut seconcevoirqu’au niveaudu PremierMinistre. Une solution pourrait consisterà élargir lescompétences duSGDN,dont leseffectifsont étédiminuésdemoitié, voici 3 ansalors qu’il coordonneégalementlerenseignement,à traversle CIR, ainsiquela sécuritédessystèmesd’information avecle SCSSI.

Il convientdemettre plus deDéfensedansles structuresde sécurité intérieureet économique etinversementplusd’approche sécuritaireetéconomiquedanslesorganismesdedéfense.

5.1.3. Le décloisonnement des moyens

Jusqu’àun passérécent, encasde crisemajeure,il était fait appelsystématiquementaux moyensmilitaires (plansde ravitaillement).Or l’évolution actuellea entraînéd’abord une diminutionduformat des arméeset parallèlementun accroissementdes moyens dans toutesles entreprisesfrançaises,publiquesou privées. Parexemple,encasd’un besoinimpératifenmoyensdetransportdepersonnes,il seraitpréférablede faire appelauxsociétésde transportinstalléesdansn’importequel chef lieu plutôtqu’auxmoyens militairesbeaucoupmoinsnombreux.

Aussi pourrait-il être envisagéun plus granddécloisonnementsusceptibled’êtreengagéen casdecrise.Un tel projet nécessiteraitde procéder,auxniveauxnational et régional,à l’inventaire des

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ressources disponibles,puis dansun 2ème temps, d’assouplirlesprocédurede demandede concours(la demandederéquisition devantgardersoncaractèreexceptionnel).

La finalité est quetout responsable,national ou régional(Préfet de zone),disposede la listeexhaustive des moyensauxquelsil peut faire appel en cas de besoin et choisissela procédureadéquate pouren disposerenfonction del’intensitéde la crise.

Toutefois, les armées entant que forces de 3ème catégorie,et par leur spécificité,disposentenpropred’un certainnombredemoyensirremplaçablesencasdecrise :

* moyens spécifiques : moyensde lutte NBC, enginsde transport lourd,véhiculesde dépannage,unitésde lutte contre l’incendie, équipements de soutienet devie en campagne,etc.,

* moyens dynamiques :il s’agit essentiellementdes unitésde combatutiliséesdansle cadrede laréquisition,soitdansle cadrede la réquisition,soit pour assurerla gardede pointssensibles,soitencore pourparticiperà la surveillancedu territoire,commepourVIGIPIRATE.

5.1.4. Unenécessaireremiseencausedesplansdeprotection

5.1.4.1. La demande croissantede sécurité pose laquestion desmoyensmilitaires et de leuréventuel emploi, encas de besoin, entre projection et/ouprévention d’une part etprotection d’autrepart.

Les flux sur terre, sur meret par air prennentune importance telleque leur maîtriseen termedesécurité change d’échelle.Il est permis de se demandersi les moyens affectésà leur contrôleaujourd’hui sontà lamesuredu défi à relever.

Jusqu’à présentla réponse apportéeà ces menacesqui, soit ne sont réaliséesque de manièresporadiqueavecune ampleurlimitée. soit ne semanifestentpasimmédiatementpar un désordrevisible (grands trafics), s’esteffectuéedans le cadredes structures traditionnellesde maintien del’ordre Pol ice - Gendarmerie -douanes.Les effectifs des servicesde sécuritéet notammentlaGendarmerieont été d’ailleurssignificativementaccrusdepuisplusieursannéeset l’arméede terreest appeléeen renfort desforcesde l’ordre de manièrepermanentedepuisplusieursannéespourmaîtriserle risqueterroriste.

Le service des douanes poursuitde son côté un effort de renforcementde ses propresmoyensnotammentmaritimeset aériens.

Une autre réponse pourraitpeut être éventuellementrecherchée dansla modificationdes conceptsd’emploi des forces. Plutôtque d’augmenter leseffectifs des forces de sécurité.les contraintesbudgétairesconduirontpeut-êtreà consacrerla polyvalence desforcesarméesen institutionnalisantleur vocationet en développantleur aptitudeà intervenircontredesdésordresou des risquesdedésordres publicsde grande ampleur.

Une deuxième orientationconsisteraità réviser lesconceptsd’organisationà partird’une analysedel’expénence américainedela gardenationaleet desgarde-côtes.

5.1.4.2. La prise en compte du risque d’un affaiblissement la dimension militaire de laprotection

Plusieursfacteursconcourentà la dégradationdescapacitésde la protection militaire c’est-a-direde la capacitéà faire face éventuellementà une attaquemilitaire importante surle territoirenationale :

- la focalisationcroissantesurla dimensionde sécuritéintérieure ;

- la réductiontrèsimportante deseffectifsnon seulementd’activemaisderéservede l’armée deterre.

Il convientde rappelerque le Livre blanc avaitretenudeseffectifs importantspour l’arméemixte(200 000 réservistespour la seulearméede terre)alorsque le pactede Varsovieavait cesséde

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constituer unemenacepournotreterritoire. Or aux termesde la loi de programmation,les forcesterrestresaurontperdu75 % de leurs effectifsmilitaires (activeetréservemobilisable).

La quasi-totalité desunités d’active et de réservequi se consacraientà cette missionont étédissoutes.Il découlede ce constatla question desavoirsi la décisionde professionnalisern’entamepasau-delàdu raisonnableles capacitésadaptéesauxbesoinsde la défensedu temtoire.Il semble.eneffet,quecetteréductiond’effectifsn’a pasétéaccompagnéed’une adaptationou d’unerévisiondes plansdeprotectionetdedéfense.La nouvelleorganisation dela défensedu territoire nesusciteguèred’explications oudedébats prospectifsde lapartdesautorités compétentes.

Concrètementil apparaît quela Gendarmerieestappeléeà prendreen chargeune part deplus enplus importantedela protectionmilitaire cequi setraduitpar l’affectationà sonprofit d’une grandepartie de la réserve prévue(50 000 personnels)mais, semble-t-il, avec un objectif essentieldemaintiendel’ordrepublic.

La Gendarmerie,assailliededemandescontradictoires n’est-elle pas pousséeà un « grandécart»qu’elleaurale plusgrandmal àgérer ?

5.1.5. Lafonction renseignementest-elleoptimisée ?

La fonction« renseignement »estaucoeurdela problématiquedela protection.Elle a pour missiond’identifier très enamontles risquesde réalisationdes menaces. Par conséquentelle permetà lafois d’allouer dela meilleuremanière possible lesinstrumentsde la protectionet de les limiter austrict nécessairecequi présenteun grandintérêt dansun contextedemaîtrise dela dépense.Lafonction « renseignement » doitimpérativementsolliciter la plus grandeattentiondu décideur enmatièrededéfense.

Or cettefonction doit gérerun bouleversementdesconditionsde sonexercice. Elle doitprendreencomptetout à la fois la diversificationdesacteursétatiques(autrefoisregroupésautourd’une seulesuperpuissance),la montéeenpuissancedesacteursnonétatiques,le développementdu marché detoutes les catégoriesd’armes, la surveillancedes différents flux qui caractérisentl’économiemondialisée(hommes,marchandises,informationsnotammentsur Intemet) et l’émergencede lamenace surlesbasestechnologiqueset économiques.

Les services de renseignementne manquent pas en France, caractériséspar une fortespécialisation :DGSE pour l’étranger, DRM pour le renseignementmilitaire, DPSD pour lesenceintes et les personnels de Défense, DST pour les ingérences étatiques étrangères,renseignements générauxpour les communautésétrangères,renseignementsdesdouanespour lecontrôle desflux économiques.

Les questionsqui s’adressentàce systèmesontsimples.

5.1.5.1. S’attache-t-onà développerentre les différents élémentsde ce dispositifles échangesd’information permettant d’éviterles inconvénientsdu cloisonnementet des actionscommunes ?

Il paraît indispensablede mettre en place des directives d’orientation de l’activité derenseignement.Il convientdesedemandersi le comitéinterministéneldu renseignement danssonfonctionnementactuelrépondcorrectementaubesoindecoordinationet d’orientation.

5.1.5.2. Lafonction « renseignement »dispose-t-elledes moyenstechniquesà la hauteur desambitions quidoiventêtre lessiennes ?

Parmi ces moyenstechniques,les dispositifs d’écoute et de brouillage éventuel des écoutesadversestiennentévidemmentune place privilégiée.La référencedans ce domaine paraît êtreconstituée parlesextraordinairesmoyenstechniquesethumainsdont bénéficiela National Security

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Agencyaméricaine (NSA)qui emploie, selon les sources entre38 000et 52 000personnes.disposed’un budget annuel de plusieursdizainesde milliards de dollars etgèrenotammentle systèmeEchelon, semble-t-il, en mesure d’écouter et de traiter, en les décryptant, les cas échéant, toutes lescommunications mondialespar voie satellitaire.

Cette agencea égalementun rôle de renseignementactif auprofit de l’économieet de la politiqueétrangèredesEtats-Unis.

5.1.6. Une nécessaireréflexion surla notion de défenseéconomiquedansle contextede la mondialisation

Les textesrelatifs à la défenseéconomiqueconçusaprèsla deuxièmeguerremondiale,pendantlaguerrefroide, sont centrés,àjuste titre, surla productionet la répartition desressourceset servicesessentielspour soutenirun effort deguerrecontreuneagressionmajeuremenéeparun ennemibienidentifié.

Cette conception dela défense économique n’intègrepascelled’intelligence économiquefondéesuruneanalysemodernedesfacteursdela puissancetechnologiqueet économiquedansle contextede la mondialisation.comptetenu deleur extrêmemobilité : le capital et l’information scientifiqueet technique.

Il paraît indispensable d’engagerune réflexion d’ensemblesur ce que peut êtreune défenseéconomique globale renouvelée aujourd’hui :

- observationattentive desmouvementsdecapitauxen tantqu’ils déterminentla nationalitédupouvoir décisionneldes entreprises,en particulier cellesqui font de la haute technologieetpeuventtravaillerpourla Défense ;

- aideapportéeaux entreprises pourles aiderà protégerles basesde leur prospéritéconstituéespar leur capacité d’innovation.

Le lien entre défenseéconomique,intelligence économiqueet une fonction renseignement efficaceest évidemment trèsfort.

5. 2. L ’échelleterritoriale des réponses auxcrises.

Les pouvoirs publics sont confrontésà un double défi(uneexigence plus grandede sécuritéde lapart des populationset des menacesnouvelles) dansun contexteinstitutionnel caractérisépar unediminution durôle de l’Etat résultantd’une part, de la décentralisationauprofit descollectivitésterritonaleset d’autre part, de l’émergencede l’Europe et du droit communautaire. Aussi.la miseenplacede dispositifsefficacesde protectionpassedésormaisnécessairementpar la mobilisationdeces nouveaux acteurs.

5.2.1. Pour une plus grande implication des acteurs locauxdans la protection deproximité

Sansmettre encausele caractère régaliende la missionde défenseet son incompatibilitéavec leconceptde décentralisation,il importe de relever que plusieurs facteurscontribuentà poser leproblèmede la placedes collectivitéslocales et de leurs élus dans la définition et la gestion dudispositifdeprotection :

- l’accroissementde la sécuntéintérieuredansla préoccupationdes Français ;

- la localisationaucoeurmême de l’espacequ’ils gèrent decertaines ciblesdela menace :

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- la population viséeparle terrorisme d’unemanière générale,

- leszonesurbainessensiblesd’où peuventpartir desactionsdedéstabilisation,

- lesgrandsévénementslocalisésdansles villes que lesmaireset autresélus locauxintègrentdansleur stratégiededéveloppement ;

- leurs responsabilités accruesdepuis1982 dansla direction desaffaireslocalesalors que lesgrandstextesrelatifsà la Défensesontpourl’essentielanténeurset quele spectredela menacea considérablementévolué.

Les collectivitéslocalessontde plus enplus associéespar le ministrede l’intérieur au traitementdes problèmesd’ordre public.Il est peut-êtretempsde mettreen placedesrelationsentre leursorganesreprésentatifset lesstructuresspécialiséesdansla Défensenationale: SGDNnotamment.Dans un premier temps pourraitêtre envisagéela participation d’élus locaux (Présidentsdesconseils générauxou régionaux) aux comitésde défensedes zones.Ces comités comprennentaujourd’hui exclusivementdes représentantsde l’Etat : préfets, hauts responsablesde Police,officiers générauxdesdifférentesarmées.

5.2.2. Un cadreeuropéenincontournablepour la protectionglobale

Les Etatseuropéenssont engagésdansun processusde constitutiond’un espacede souverainetéauquel ils remettent progressivementleurs fonctions régaliennes.Le processusest largemententaméenmatièrede politiqueéconomique :gestionde la monnaie et desrelationscommercialesextérieures.Il estencours d’évolutiondansle domainedela justice, dela sécuritéintérieure.

En matièrede défense,la loi de programmationmilitaire inscrit résolumentnotre politique dedéfense dansunedimensioneuropéenne :« depuis ledébutde la VèmeRépublique,la politiquededéfensedela Franceallie préservationde l’autonomie stratégiqueet respectdessolidarités.Le défiàvenir sera delui donnersadimensioneuropéenne »(article 1.2.1).

Conséquencedirecte de la liberté de circulation des personneset des biens dans l’Unioneuropéenne,la protectiondu territoiredoit seconcevoirà l’échelle européenne(art. 1.3.4 dela loideprogrammation).

Dès lors, dansla perspectived’une politiquede défensecommune, puis d’unedéfensecommunedans l’Union européenne,il s’agit d’envisager cette conception « élargie » de la fonctionprotection, englobantou intégrant,hors OTAN,la défensed’un espacecommunet d’intérêtsvitauxcommunsqui sontencoreà définir dansl’espritdu traité surl’Union européenne (MAASTRICHT,décembre 1991) dontl’article J4 prévoit que « La politique étrangèreet de sécuritécommune(PESC)inclut l’ensemble desquestionsrelativesà la sécuritéde l’Union européenne,y comprisàtermed’une politique dedéfensecommune,qui pourrait conduire,le moment venu,à une défensecommune.»

Toutefois,desquestionsde sémantiquesrestentposéesquantauxdéfinitions de la « sécurité »etdes « intérêtsvitaux». Ces mots n’ont pas encore donné lieu à des définitions à l’échelleeuropéenneet il n’est pascertainquepour nosdifférents partenairesils recouvrentle mêmesens.Le travail reste àfaire car, mêmesi le traité d’AMSTERDAM apparaîtplus volontaristeque letraité de MAASTRICHT, il ne comporte en fait aucunedisposition en ce senset rappelle aucontraireque« la politique de l’Union (J.7,troisième alinéa)n’affectepasle caractèrespécifiquedela politique desécuritéet dedéfensede certainsEtats membres».

Pourtantauregard des menaceset des risquespartagéspar la plupartdes payseuropéens,il y a unecertaineurgenceàrenforcerlesdispositifsdeprotectioncommune.

D’ores et déjà, il apparaîtévidentqu’une partie de la dimension militaire de la protectiondevient européenne :

- la menace terrestreestdésormaisau-delàde la frontièreeuropéenne ;

- certainssitessontd’intérêt européen :Kourou en Guyaneet peut-êtredemainceux de notreforcenucléaire ;

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- le développementdecertainsmatériels majeursou de l’industried’armementprennentdeplusen plusunedimensioneuropéenne.

Par ailleurs,la dimension européenneest égalementincontournable pour assurer la protectionde certaines activités.

Il apparaîtenparticulier quela maîtrisedes flux générésdansunelargemesurepar l’ouverture desfrontières européennesimplique simultanémentun alignement des règles de droit (trafic demarchandises,dedrogue, d’immigrationclandestine).

Il est en effet d’autant plus difficilede protégerla Francedesgrands trafics.de l’immigrationclandestine,du terrorismequ’il continuerad’existerdes organismes, voire desEtatsoù la pressiondu droit est si faible qu’elle permetde constituerdesbasesd’action pour différents types demenaces.

5.2.3. Certainsphénomènesimpliquentun traitementau niveaude la planète.

Au plan de la communicationdes informationset de la circulation descompétences,la planèteconstitue désormaisun seul territoire où peuvent se placer hors d’atteinte des souverainetésterritoriales,mêmesi elless’agrègent dansunesouverainetéeuropéenne,desactivitésqui peuventleurporter préjudice :

- déstabilisationpar Internet,

- investissementsne respectantpas les droits de propriétéintellectuelle constitués par desentreprisesà la suited’un effort derecherche,

- localisation decapitauxd’onginedouteuseou échappantaux prélèvementsfiscaux dansdesparadisfiscauxà la faveurde la libéralisation totale desmouvementsfinanciers.

La maîtrisede ces effetspervers dela mondialisationpassepar la mise en place d’instrumentsjuridiques posant desrèglesapplicablespar l’ensemblede la planèteet traduisantune autoritémondiale.

Les cadres d’une telle autonté mondiale sont naturellement constituéspar les organisationsinternationales existantes : ONU, OMC ....

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Annexe1

Une conceptionélargiedu territoire

L’évolution des menaces (leurorigine, leur forme, leur cible) et la nécessaire adaptationdesmoyensà mettreenoeuvrepour y faire face (échelle internationaledes réponses)conduisentà uneévolutionsensible dela notion deterritoire.

6. la protectionduterritoire s’élargità la défensedel’Europe

La France s’est engagéerésolumentdans la construction européenne ; elleen est l’un de sesprincipaux acteurset elle lui a transféré certainesde ses attributions régaliennes,comme lamonnaie.De ce fait, la protection de l’intérêt nationalne peut plus se concevoir dansla seuledéfensedesfrontièreset doit à présentseconcevoir deplusenplusà la dimensioneuropéenne.

L’idée d’uneorganisationcollectivedela sécuritédespayscomposantl’Union européennes’affirmepeuàpeu,mêmesi saréalisation n’estquetrèsprogressive :

- Instaurationd’une politique extérieureet de sécurité commune(PESC -deuxièmepilier de laconstructioneuropéenne)par le traité de Maastrichtde 1992et confirmation decelle-ci parletraité d’Amsterdam de 1997, qui est l’amorce d’une véritable souverainetépolitiqueeuropéenne;

- mise en oeuvre de coopération dansles domainesde la justice et des affaires intérieures(troisièmepilier de la constructioneuropéenne) ;

- accordsde Schengensur la policedesfrontières.

7. l’évolution rapide dela société et de son économie ontcréé un territoireéconomique aux limitesfloues

Lesprogrès réalisésparlestechnologiesde l’information, la multiplicationdesmoyensdetransportet la forte réduction deleurscoûtsainsi quela généralisationà la quasi-totalitéde la planètedesrègles de l’économie de marché ontété des facteurs convergentset accélérateursde lamondialisation deséchangesdebiens,deserviceset devaleurs.La capacitéd’agir desEtatsdansledomaineéconomiques’en est trouvéesérieusement affaiblie.Ce phénomène comporteplusieursfacettes.

Les sociétés multinationalesdisposentparrapport auxEtatsd’une capacité autonomed’action. Enparticulier,l’implantation dessièges sociauxdesentreprisesestdevenue unréel enjeudepuissancepourlespays.Parailleurs,le travail seredistribueà l’échelle internationale,notamment en fonctiondesdifférencesdu coût de main d’oeuvre entre lespays,ce qui peutvouloir dire délocalisationsd’usinespour lesuns etchômagepour lesautres.

La dématérialisationdesmarchésfinanciers facilitela circulationtrèsrapidedevolumes importantsde flux monétairesd’un pays à l’autre. Les conséquencessont multiples pour les économiesnationales: vulnérabilitéaccrueauxmouvementsspéculatifsqui peuvent affecter leur monnaieoula valeurde leurssociétés cotéesen bourse, plusgrandesensibilitéauxcrisesqui peuventaffecterl’une d’entre elles (phénomènede domino ou« effet papillon » illustré en 1998 parla crise dusystèmefinancier japonais), menacepesantsur leur fonctionnementdu fait des pratiquesdeblanchiment del’argentissudela corruptionou dutrafic denarcotiques.

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Cette évolutionfait émergerune nouvelleconceptiondela défenseéconomique, quiportenon plusseulementsur la sécuritédesapprovisionnementset desactivitésconsidéréescomme stratégiques.mais sur la recherchedes moyens visant à assurerune plus grande compétitivitéà l’appareiléconomiquenational, tant il est vrai aujourd’hui que "l’économique" constituetout autant quelaforce militaire, voire plus, un paramètre essentiel dela puissance.Par ailleurs, l’intelligenceéconomiquedevient un nouvel enjeu.Il estcaractéristiqueque,pour leur part, les Etats-Unisontrésolumentmis en oeuvre une politique d’intelligence économique offensiveet mobilisent à ceteffet l’ensemblede leursacteurs publicset privés suivant une stratégiethéoriséepar la RandCorporation(« Noopolitik »).

Le territoire économiquedevientunnouvel objetde conquêteetdépasselargementlesfrontières.

8. la généralisationdesrelations interETATIQUES A TOUS LES NIVEAUX Acrééun territoirepolitique

A l’approchedu troisièmemillénaire, leshommeset les femmesvoyagent deplusen plus, si bienque le contrôleauxfrontièrestendàêtre remplacéparla maîtrisedesflux.

A l’un desbouts de la chaîne,les habitantsdes paysrichespartentde plus en plus nombreuxàl’exploration de la planèteentière,soitpour des raisonsd’affairesdu fait de la mondialisationdeséconomies,soit envacancesdu fait del’essordesindustriestouristiques.

A l’autre bout de la chaîne,les peuplesdespays lesmoinsavancés,à la recherchede bienset desécurité,cherchentà s’installerdanslespaysriches.Lespopulationsdespaysd’EuropeCentrale oudel’Est viennentaujourd’huigrossirces fluxmigratoires.

Les diasporas se sontmultipliées à travers le monde.Les peuples neseréduisentde moins enmoinsauxdimensionsd’un Etat-Nation.

Parallèlement,la large diffusion de l’information contribue à faire émergerdansl’esprit de noscontemporainsune sortede « citoyennetédu monde » fondée sur quelquesvaleurs universelles,commepar exemplelesDroits de l’Homme. Cetteévolutionqui trouve unetraductionpositivedansl’affirmation du droit international constitue égalementla marqued’un affaiblissementdu sentimentd’appartenanceà unecollectivité nationalespécifique.

Par ailleurs, les lois tendent à s’uniformiser, le tribunal pénal international a été créé, lesréglementationsinternationalesgagnentdu terrain.Les frontièress’estompant, lesprémicesd’unnouveauterritoireapparaissent sousnosyeux,celui de la communautéinternationaleou le territoirepolitique.

Le XXèmesiècle s’achèveainsidansun conceptdu« sansfrontière».

9. le territoirevirtuel de l’information

Les possibilitésouvertes parla numérisationet par la compressiondesdonnéessontà l’origined’un bouleversement technologiquesansprécédent.Le développement duréseauInternet,que lesEtats-Unis ont porté et imposé commestandardau monde entier, enest l’illustration la pluséclatante.Un nouveau territoireimmatérielest, ainsi,en train deprendreforme et de faire éclaterles frontières physiques.Les moyensd’observationmoderness’affranchissentpareillement deslimites territoriales traditionnelles. Des médiascomme CNN diffusent en temps continu desinformationssur l’ensembledu globe.Il s’agit d’un territoirevirtuel.

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10.laplanète: territoireécologique

Parallèlement,les problèmesliésà la sauvegarde del’environnementcommela gestiondel’eau, leréchauffement dela planèteet le risquenucléaire,dépassentles frontières.La pollution des merstouchetous lespaysriverains.C’est leterritoireécologique.

11.leterritoireculturel

Pluslargement,dansnos sociétésmodernes,le nouveauterritoireà défendreou à conquérir,c’est leterritoireculturel (la langue,la mode,la musique,le cinéma,la presse,leshabitudesalimentaires...).En d’autrestermes,pour gagnerl’esprit des hommes,il n’estplus besoind’envahir leursterres.Laguerreest devenue médiatique.Il s’agit de lutter contre« l’Americanway of life » pourpréserverlafrancophonie.

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Annexe2

L ’intervention des Armées dans le dispositif de sécurité et deprotection : l’exempleallemand

Le textequi suit a été présenté lors d’une conférenceà l’Institut des hautesétudesde défensenationale(51èmesession)

I. Problématique

Si le rôle des forces arméesa toujours été principalementde défendrele territoirecontre lesagressionsvenuesde l’extérieur, il étaitégalementcourant dechercherà résoudreles situationsdecrise en faisant appel à l’armée, y compris à l’intérieur du territoire national. Il s’agissaitprincipalementdanscecas deréprimerdestroublesde l’ordre public (cf. II). Cettepossibilitéexisteencoredansla Loi fondamentale,mais doit satisfaireà desconditionsstrictessur le fond et sur laforme,de sortequ’enpratique,les forcesarmées nesontplus susceptiblesd’intervenirqu’en casdecatastrophe naturelle (III).Du fait de la structurefédéraledu pays, l’utilisation d’autres forcesfédérales (depolice), notammentdu corps desgardes-frontièrepour faire face à desdangersintérieursn’est également possiblequedansunemesurelimitée (IV).

II. Bref rappel historiquedes possibilitésd’intervention des forces arméessur le territoirenational

Avec la créationdela Confédérationgermanique,la questions’estposéede savoirs’il était possibled’utiliser lesforcesarmées surle territoiredesLänder.L’acte final duCongrèsdeViennede 1820adonnéà la Confédérationle droit d’intervenir dansun Landpour y maintenirou y rétablir l’ordresousréservequecelui-ci ait lancéun appelà l’aide. En revanche,la Constitution proclaméedansl’église Saint-Paul en1849n’imposaitplus d’appel à l’aide explicite et admettaitle principed’uneinterventiondu Reich encasdemenacecontrela paix.

La loi prussiennesur l’état de siègede 1851 aétéla premièreàprévoir desmodalitésparticulièresen cas d’intervention.Aux termesde celle-ci, l’exercice de la force publique étaittransféré desautorités civilesaux autoritésmilitaires surordonnanceduMinistèred’Etat(etnon duroi) en casdedanger imminent.Le débutet la fin du transfertétaient soumisà desréglementationspréciseset letransfertlui-mêmedevaitêtreannoncépubliquement.

Paranalogieaveclesconditionsde fond de cetteréglementation,l’Article 68 de la ConstitutionduReich de 1871donnaità l’empereurla possibilité de déclarerl’état de guerrepour toute partieduterritoireconfédéral lorsquela sécuritépubliquedela confédération étaitmenacée.

Enfin, aux termesde l’Article 48, alinéa 2 de la Constitution dela Républiquede Weimar, lePrésidentdu Reich était habilité,en cas d’atteinteou de menaceà l’encontre de la sécuritéou del’ordre public sur le territoire national,à prendrelesmesuresnécessairespour rétablir la situationen faisantappel aubesoinà l’armée.En revanche,le gouvernementd’un Land s’est vu égalementaccorderle droit, auxtermesdel’Article 17de la loi militaire de 1921,de demanderl’assistancedesforcesarmées encasdecrisemenaçantl’ordre public.

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III. Possibilitésd’interventiondel’arméefédéralesurle territoirenational

Contrairementà laConstitutionduReichde 1871et à laConstitutionde la Républiquede Weimar,la Loi fondamentaleaexcludèsle départl’exercice quasidictatonaldu pouvoir par l’Exécutif danscertaines situationsbien définies.C’est pourquoi les possibilitésd’interventionde l’armée fédéraledansles situationsdecriseinterneont été limitéesà certains casexceptionnels.Même l’entrée envigueurdeslois d’exceptionen 1968n’a nenchangéfondamentalementà cettesituation.

Aux termesde l’Article 87 a, alinéa2 de la Loi fondamentale,les forces arméesne peuventêtreengagées, hormisle cas de défense,que dans la mesure où la Loi fondamentalel’autoriseexpressément.Les possibilitésd’interventionsont réglementéesde manièreexclusiveet définitiveparl’Article 87 a, alinéas3 et 4 ainsiquepar l’Article 35, alinéa2 dela Loi fondamentale.

1. L’Article 87 a, alinéa3 de la Loi fondamentaledonneaux forcesarmées,en casdedéfense (Article115 a de la Loi fondamentale)et en casde tension(Article 80 a de la Loifondamentale) le pouvoir de protéger des objets civils et d’assumerdes tâches deréglementationdu trafic, pouvoir acquisdirectement,sansnécessiterd’acte de transfert.Laprotectiond’objetscivils peut égalementêtre confiée auxforces arméespour renforcer desmesurespolicières,collaborantdansce casavecles autoritéscompétentes.Cesdispositionssont fondées sur desconsidérations logistiques (réglementationdu trafic), maiségalementetsurtoutsurdesconsidérationsd’opportunité.Il s’agit ainsi d’éviter les inconvénientsliés auxdifficultés dupartagedescompétenceset aumanquedecoordination.

2. L’Article 87 a, alinéa4 prévoit, en liaison avecl’Article 91 de la Loi fondamentale,unepossibilitéd’interventionen deçàdu casde défense oude tension.Là encore,l’utilisationdesforcesarméesestsoumiseà desconditionsstrictesselonle principedela gradation :(a)il doit exister un danger imminent qui menace l’existence même ou les libertésdémocratiquesdela Fédérationou d’un Land ; (b) le Land enquestionne doit pasêtreprêt àcombattrele danger oune doit pasêtre en mesurede le faire ; (c) les forces de policedisponiblesainsiquelesgardes-frontièredoiventêtreennombreinsuffisant.

Même si cesconditions sontréunies,l’engagementdesforcesarméesn’estpossiblequedansdeslimites strictes :(a) il doit sefaire uniquementen renfort de la police etdu corpsdegardes-frontièreet (b) uniquementpour la protectiond’objets civils et la lutte contre desinsurgésorganiséset armés militairement.Enfin, (c) l’engagementde forcesarméesdoit êtrearrêté sile Bundestagou le Bundesrat(la majoritésimplesuffit) l’exigent.

3. Une troisièmepossibilité d’intervention desforcesarméessur le territoire nationalest prévue parla Loi fondamentaledansson Article 35, alinéa2. 2èmephrase.Aux termesde celle-ci, un Land peut demanderl’aide, entre autres, des forcesarmées en casdecatastrophe naturelleou d’accidentparticulièrement grave.Si la catastrophe naturelleoul’accidentmet enpéril un territoire plusvastequ’un Land, cedroit d’interventionincombeauGouvernementfédéral aux termes de l’Article 35, alinéa3 sansque cela nécessiteunedemandeexpresse.Là encore,cesmesurespeuventêtre levéesà tout moment,dansle casprésentà la demandeexclusivementduBundesrat.

Seule cette dispositiona eu jusqu’ici un rôle important dans l’application pratique de laConstitution(on seréféreranotammentà l’utilisation desforcesarméeslors de la rupturedesdiguesde l’Oder au cours de l’été 1997). Il convient à ce propos de noter que ce typed’intervention,mêmes’il ne relève pasde la mission principaledesforcesarmées,joue unrôle non négligeabledansl’acceptationde l’Armée par le corps social, qui n’apparaîtpascommeune institution militaire répressive, mais commeuneorganisationde secours,qui semetau servicede la sociétéet remplit de cefait un rôle "social".

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IV. Possibilitésd’interventiond’autresautoritésfédérales

Selonla répartitiondescompétencesfixée parla Loi fondamentale(Articles 30. 70 et suivants).laresponsabilitéde la prévention des risquesincombeen principe aux Länder. Ce n’est que danscertainsdomainesprécis,strictementlimités, quelesautoritésfédéralespeuvent également agirdemanière préventive. On citera par exemple les procéduresd’alertes nationales émanant duGouvernementfédéral, dontl’admissibilité découle,selon unejurisprudencecontestée,du pouvoirconféré au Gouvernementfédéral pour la conduite de l’Etat, ainsi que les activités de l’Officefédéral de protection dela Constitution en cas de menaceà l’encontre du régime libre etdémocratique.

Dans ce contexte, le corps fédéral de gardes-frontièrea pris récemmentune importanceparticulière. Certes, sa missionprincipaleconcernela police desfrontièrespour la protectionduterritoire fédéral,y compnsnotammentsurlesaéroports (cf.Article 2 de la loi sur le corpsfédéralde gardes-frontière). Toutefois,la Loi fondamentale elle-mêmeprévoit égalementune possibilitéd’intervention àl’intérieur duterritoire national.En effet,auxtermesdesArticles 35 et91 de la Loifondamentale,des unités du corps fédéral degardes-frontièrepeuvent être engagéesdans lessituations de crise décrites au point 3 lorsque lesditessituations de crise relèvent d’un écheloninférieur àcelui qui imposel’interventionde l’Armée fédérale.

Par ailleurs,le corpsfédéraldegardes-frontièreexercenotammentun rôle depolicedescheminsdefer découlantde compétencesauxiliairesdel’Etat fédéraldanscedomaine(Article 73,point 6 a dela Loi fondamentale).C’est à ce titre que lui incombe également,sauf à considérerque cescompétencesdécoulentdirectement del’Article 35, alinéa 1 de la Loi fondamentale (appuiauxforces de police pour le maintien de la sécuritéet de l’ordre public d’un Land), la sécuritédutransportparrail desconteneurs Castorà destinationdescentresde stockagededéchetsnucléaires.

Le corps fédéral degardes-frontière se voitégalementchargéd’une autre mission àl’intérieur duterritoirede la Républiquefédérale,dont l’importance s’accroît avecla suppression descontrôlesaux frontièresentrelesEtatssignatairesdela ConventiondeSchengen.Sonactionne selimite pasen effet à la surveillancedes frontièreset au contrôle despassagesà la frontière, maiss’étendjusqu’à une distance de30 km à l’intérieur de territoire pour la prévention des dangersquicompromettentla sécurité desfrontières.Cela concernenotamment les mesuresde lutte contrel’immigration illégale, le terronsmeet le trafic dedrogue,maiségalementdesphénomènesrécentscommel’introduction sur le temtoirenational de matièresnucléairesou d’organeshumains.Lespouvoirs établis aux termes desArticles 14 et suivantsde la loi sur le corpsfédéral de gardes-frontière, qui se rapprochentde ceux des forces de police définis par les lois sur la police desLänder, autorisentle corps fédéral de gardes-frontièreà mener un grand nombre d’actionsclassiques dansle domainede la prévention desrisques, cequi peutprovoquer, dans certainscas,des conflitsde compétences entrele corps fédéralde gardes-frontièreet les autorités policières desLänder, notamment dansles régions frontalières densémentpeuplées (par exemple Aix-la-Chapelle,Sarrebruck,Francfort-sur-l’Oder).

Commedansle domainede la préventiondesrisques,lescompétencesde l’Etat fédéralen matièrede lutte contre la criminalité et de poursuitespénalessont finalementlimitées. Ce n’est quedanscertains cas relevantde la criminalité organiséeau niveau international(trafic d’armes ou dedrogues,blanchiment d’argent) que la Direction fédérale de la police judiciaire a le pouvoird’engagerdes poursuitespour faits délictueux. Les autrescas relèvent de la compétencedesLänder.

V. Conclusion

D’une manière générale,lespossibilitésd’interventiondes organesfédérauxdansla lutte contrelesdangers intérieurs sont dictéespar le principede subsidiarité,qui trouve lui-même ses racines dansla structurefédéralede l’Etat allemand.A cela s’ajoutele conceptconstitutionneld’arméefédéraleen tant qu’organeaxéprincipalementsurl’autodéfensedu territoirefédéral ou allié. Même s’ils ontété mis en lumière par l’actualité récente, lespouvoirs des autresautorités fédéralesdans ledomainede la préventiondes risquessur le territoire national restent limitésà quelques casexceptionnels.

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Annexe3

Quelquesréflexionssur les notionsdeDéfenseet deProtectiondu territoire européen

I. RaymondBarre « L’Union européenne,puissancecomplèteau XXI siècle »revuedesdeuxmondes, octobre1999.

A l’aube duXXIe siècle,l’Union européenneabesoind’un grandprojet mobilisateur,d’autantplusnécessaire quel’élargissement continu de l’Union risque d’entraîner sa dilution ou sonaffadissementà un momentde l’évolution du mondecaractériséepar la globalisationdesactivitéset par la prédominancedanstous les domainesdesEtats-Unis.L’équilibre mondial dansle siècleprochain pourraêtre atteintquesi l’Union européenneestunepuissancecomplète :économiqueetfinancière ainsiquepolitique et militaire. L’Union européennepourraêtre un ’equal partner’desEtats-Unis,capablede faire face aux défis nouveauxqu’apporterontles grandes puissancesduXXIe siècle : Japon,Chineet Inde.

II. Jean-Louis Sabathier : "Lacoopérationpolicièreeuropéennefacea l’objectif de librecirculationdespersonnes"

* Caractéristiquesde la coopérationprévue par le Traite de Maastricht dans le domaine desaffairesintérieureset dela justice

La coopération JAI (Affairesintérieureset Justice )est mise enrelation avecles objectifs del’Union notamment avecla réalisationd’espacede libre circulationdespersonneset les garantiesde sécurité interne.

Parmi les objectifsque s’assignent lesEtatsmembre dansle TUE figure celui dela sûretéet de lasécurité des peuples européens.Onentreici dansun domaineessentiel,celui de la souverainetédesEtats Membres,celui de la justice et dela police.

En effet, l’établissementd’un espacesansfrontières intérieuresaurait desconséquencesgravespour la sécuritéet la sûretés’il n’était pas assortide dispositionsnouvellessur la justice et lesaffaires intérieures : la lutte contre le trafic de drogueet les autres formes de criminalitéinternationale,contre l’immigration clandestineexigent une coopérationrenforcée entreEtatsmembrespour que l’Europe sansfrontièresintérieuresne deviennepasl’Europe destrafiquantsetdes brigands.

Cette coopération renforcées’exercedansun certain nombre dematièresque lesEtats membresconsidèrent comme des "questionsd’intérêtcommun" (art.K1)

- la politique d’asile

- lesrèglesrégissantle franchissementdesfrontières extérieures(àl’exceptiondevisas)

- la politique d’immigration

- la lutte contrela toxicomanie

- la lutte contre la fraude internationale(Convention relative a la protection desintérêtsfinanciers)

- la coopérationjudiciaire civile

- la coopération judiciairepénale

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- la coopérationdouanière

- la coopérationpolicière

Elle est dotée par leTraité d’instrumentsspécifiques :actionscommunes,position communesetconventions.

Le TUE favoriseuneétroite coordinationentrecettecoopérationet les autrespolitiquesde l’Unionen matière des relations avecles pays tiers, de la lutte contre la drogue ou contre la fraudeinternationale.Dansle domaine dela lutte contre racismeet xénophobie.

* EUROPOL

Le 26 Juillet 1995 était signée la conventionportant la créationd’un office européende police(EUROPOL). Il est destinea faciliter l’échangede renseignemententre lespolices des Etats-membresdel’Union européenne,et a effectuerdesanalysesdela criminalité.

L’objectif d’EUROPOL est la prévention et la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite destupéfiantset d’autres formes gravesde criminalité internationale pourautant que des indicesconcrets révèlent l’existenced’une structureou d’une organisationcriminelle et que deux Etatsmembresouplussoient concernes.

* Autres Chantiers de la sécurité intérieure européenne

La conventionsur l’emploi del’informatique dansle domaine desdouanes,dite ConventionSID

La conventionrelativeala protectiondesintérêtfinanciersdescommunautéseuropéennes(PIF)

III. Structures territorialesfrançaise et construction de l’Europe ( JeanPaul Briseul ;défensenationale,Janvier1993)

La reforme législative de l’administrationterritoriale de la république(loi du 6/2/92) adapte lesstructuresterritorialesfrançaisesauxexigencesde la constructioneuropéennesansporter atteinteàl’identité nationale. Elle prévoit toute une série de mécanismesdestinés à approfondir lesconditions d’exercicedela démocratielocale,afin de donner davantagedeplaceà l’expressionet àla responsabilité descitoyens.

Les collectivités locales,et notamment les communes,doiventdevenirdeslieux d’enracinementetd’exercicedu civisme.

IV Faut-il une politique européennede défense ?Anne Cammilleri, droit et défense99/1)

* Le Parlement Européen opère une distinction entre le concept de sécurité et de défense :

Le conceptde sécuritécomprenant essentiellementlesmissionsdePetersbergtellesqu’ellesont étédéfinies en juin 1992 à ce sommetc’est-à-dire ’les missionshumanitairesou d’évacuations desressortissants ;les missionsde maintien de la paix, le missionsde forces et de combat pourlagestion des crises, y comprisles opérationsderétablissementde la paix » ;

Le conceptde défensequantà lui inclut «la protectiondu territoireet des intérêtsvitaux des Etatsmembres.La politique communededéfensedoit être comprise «commela capacitédont disposeunEtat ou un groupementd’Etatsd’intervenir non seulementpourdéfendresesintérêtset sesvaleurs,mais aussi pour remplir sesobligations internationalesque ce soit dans le cadre OnusienouOSCE ».

* La politique européenne de sécurité et de défense au sein de l’UE

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La finalité dela politique européennede sécuritéet de défenseest la stabilitéen Europe.Dèslorsdeuxniveauxdeprotectionsontenvisageables :le premierviseà assurerl :’intégrité territorialedel’UE. Le secondvise à assurerla protection desintérêtsde L’Union danstous seséléments,ycomprislesaspectsde sécuritéd’approvisionnements.

Cesdeux objectifs reposentsur le principe de solidarité mutuelle. Maisdanscette hypothèseleconcept desécurité estmieux adapteque celui de défense.Or la problématiquede la sécuritéinternede l’UE neserattachepasà la PESCmais autroisième pilierde la Justiceet desAffairesIntérieures(JAI).

L’objectif déclaréest lalutte contrela criminalité, le terrorismeet contre la criminalitéorganisée :traite des êtreshumains ;crimescontre lesenfants ;trafic de drogueset d’armes,corruption etfraude.

Les procéduresainsi misesen oeuvresont loin desmécanismesd’intégration,mais constituentlepremierpas duconceptde sécurité intérieure européenne: la politique européennedesécuritéet dedéfenseest formellementrattachéeà la PESC,maiselle a aussidesliens étroitsavec le caractèrerépressifdu troisièmepilier.

Enfin sur leplan interne, elle est aussi liée à la politique de restructuration desindustries dedéfense.

* La protection du territoire s’élargit à la défense de l’Europe

La France s’est engagéerésolument dansla construction européenne ;elle en est l’un de sesprincipaux acteurset elle lui a transférécertainesde ses attributionsrégaliennes,comme lamonnaie.De ce fait, la protectionde l’intérêt national ne peut plus seconcevoir dansla seuledéfensedesfrontièreset doit à présentseconcevoirdeplusenplus à ladimensioneuropéenne.

L’idée d’une organisationcollective dela sécuritédespayscomposantl’Union Européennes’affirmepeuà peu,mêmesi saréalisationn’estque trèsprogressive :

- instaurationd’une politique extérieureet de sécuritécommune(PESC -deuxièmepilier de laconstruction européenne)par le traité deMaastrichtde 1992et confirmationde celle-ciparletraité d’Amsterdam de 1997, qui est l’amorce d’une véritable souveraineté politiqueeuropéenne ;

- mises en oeuvre de coopérationdans les domainesde la justice et des affaires intérieures(troisièmepilier de la constructioneuropéenne) ;

- accordsdeSchengensurla policedesfrontières.

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Annexe4

Classificationde lamenace16

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