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UE 3.4 S6 « Initiation à la démarche de recherche » UE 5.6 S6 « Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles » UE 6.2 S6 « Anglais Professionnel » Kristel SPINEC Promotion 2013-2016 Formation en Soins Infirmiers Formateur guidant : Mme D. YVEN INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS Groupement d’Intérêt Public 1 Rue Etienne Gourmelen - BP 1705 29107 QUIMPER CEDEX

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UE 3.4 S6 « Initiation à la démarche de recherche »

UE 5.6 S6 « Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles »

UE 6.2 S6 « Anglais Professionnel »

Kristel SPINEC Promotion 2013-2016

Formation en Soins Infirmiers

Formateur guidant : Mme D. YVEN

INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS

Groupement d’Intérêt Public

1 Rue Etienne Gourmelen - BP 1705

29107 QUIMPER CEDEX

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UE 3.4 S6 « Initiation à la démarche de recherche »

UE 5.6 S6 « Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles »

UE 6.2 S6 « Anglais Professionnel »

Kristel SPINEC Promotion 2013-2016

Formation en Soins Infirmiers

Formateur guidant : Mme D. YVEN

INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS

Groupement d’Intérêt Public

1 Rue Etienne Gourmelen - BP 1705

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J’atteste sur l’honneur que la rédaction des travaux de fin d’études réalisée en vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’Infirmier est uniquement la transcription de mes réflexions et de mon travail personnel.

Et, si pour mon argumentation, je copie, j’emprunte un extrait, une partie ou la totalité des pages d’un texte, je certifie avoir précisé les sources bibliographiques.

Le 10 Mai 2016.

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Note aux lecteurs

« Il s’agit d’un travail personnel, à ce titre, il ne peut en aucun cas faire l’objet d’une publication de tout ou partie sans l’accord de son auteur. »

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Remerciements

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 7

1 / DE LA SITUATION D’APPEL A LA QUESTION DE DEPART ..................................................................... 9

1.1 / SITUATION D’APPEL .................................................................................................................... 9

1.2 / ANALYSE ................................................................................................................................... 10

1.3 / QUESTIONNEMENT ET EMERGENCE DE LA QUESTION DE DEPART ............................................. 11

2 / CADRE CONCEPTUEL ........................................................................................................................ 12

2.1 / DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES RELATIVES AUX DROITS DES MALADES ET A LA FIN DE VIE ... 12

2.1.1 / Les soins palliatifs : quelques dates clés ...................................................................... 12

2.1.2 / Définition des soins palliatifs .......................................................................................... 14

2.1.3 / Cadre règlementaire ....................................................................................................... 15

2.1.4 / Droit des patients ............................................................................................................ 18

2.2 / L’ACCOMPAGNEMENT ............................................................................................................... 19

2.2.1 / Définition .......................................................................................................................... 19

2.2.2 / Accompagner le patient en fin de vie ............................................................................ 20

2.2.3 / Accompagner les proches .............................................................................................. 21

2.3 / LES MECANISMES DE DEFENSE ................................................................................................. 24

2.3.1 / Transfert et contre-transfert ........................................................................................... 24

2.3.2 / Mécanismes de défense du patient............................................................................... 25

2.3.3 / Mécanismes de défenses des proches ....................................................................... 29

2.3.4 / Mécanisme de défense des soignants .......................................................................... 31

2.4 / DEUXIEME NIVEAU DE QUESTIONNEMENT ET PROBLEMATIQUE ................................................. 33

3 / CADRE PRATIQUE : LES ENTRETIENS EXPLORATOIRES ..................................................................... 34

3.1 / PRESENTATION DU DISPOSITIF ET DES MODALITES DE L’ENQUETE ........................................... 34

3.2 / OUTILS DE LA RECHERCHE (GRILLE D’ENTRETIEN) ................................................................... 35

4 / ANALYSE DE LA RECHERCHE ............................................................................................................. 36

4.1 / PRESENTATION DE L’ECHANTILLON .......................................................................................... 36

4.2 / LEUR CONCEPTION DES SOINS PALLIATIFS................................................................................ 37

4.3 / LEUR VISION DE L’ACCOMPAGNEMENT DES PROCHES .............................................................. 38

4.4 / LA PRISE EN CHARGE DES ATTITUDES DEFENSIVES ET DU DENI ................................................ 40

5 / SYNTHESE : REFLEXION, LIMITES ET PERPECTIVES ........................................................................... 45

5.1 / REFLEXION ................................................................................................................................ 45

5.2 / LIMITES DE L’ENQUETE .............................................................................................................. 49

5.3 / PERSPECTIVES DE L’ETUDE....................................................................................................... 50

CONCLUSION ......................................................................................................................................... 51

BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................................... 53

ANNEXES ............................................................................................................................................ 57

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INTRODUCTION

« Nous ne pouvons supprimer le tragique de la mort. La personne est toujours « seule » à mourir, à vivre cette expérience… Mais nous pouvons aider l’autre à porter le tragique. Cela nous renvoie à notre responsabilité de soignant, d’accompagnant, de bénévole… à notre responsabilité d’être humain. »

E. LEVINAS1 (Philosophe, 1906 - 1995)

La démarche de recherche fait partie intégrante du cursus de formation de l’infirmière. Ainsi, afin de valider le diplôme d’état, la validation de l’UE 3.4.S6 « Initiation à la démarche de recherche », l’UE 5.6.S6 « Analyse de qualité des traitements des données scientifiques et professionnelles » et de l’UE 6.2.S6 « Anglais professionnel » est indispensable.

La situation d’appel que j’avais choisi d’approfondir m’est apparue comme une évidence lors de mon deuxième stage de 1ère année (foyer d’accueil pour personnes handicapées mentales). Le thème que j’avais choisi d’étudier gravitait autour du non-port de la blouse et de la gestion des émotions. Malgré les différentes expériences vécues lors de ma formation, ce sujet restait le seul que j’envisageais comme sujet possible de recherche. Puis, au début de ma troisième année de formation, j’ai réalisé un stage en Unité de Soins Palliatifs. Dès lors, j’ai été confronté plus qu’ailleurs, à des situations de déni, et ce notamment de la part des proches des patients. Ces situations prévalentes ont fortement remis en question ma conviction de départ et c’est donc en concertation avec ma guidante de mémoire que j’ai fait le choix de modifier mon sujet de recherche. Tout ceci ne s’est pas fait sans heurts, puisque lors des congés d’été j’avais déjà commencé à me documenter et à faire des lectures en vue du premier sujet que j’avais choisi de traiter.

Malgré tout, après une longue réflexion, je pense avoir fait le bon choix et j’ai donc décidé de travailler sur le thème de « la posture professionnelle face au déni des familles lors de la prise en charge d’un patient en fin de vie ».

Pour mener à bien ce travail, un éclairage sur la situation d’appel semblait essentiel. Après avoir relaté la situation et analysé celle-ci, un questionnement a émergé. De ces interrogations j’ai pu établir une question précise qui m’a permis d’aboutir à ma problématique de départ. Après avoir défini ma problématique, et afin d’apporter un éclairage théorique, j’ai traité les concepts qui en découlaient. Puis afin de documenter ma recherche, j’ai réalisé une

1 LEVINAS Emmanuel. [Citée par JACQUEMIN Dominique et de BROUCKER Didier. Manuel

de Soins Palliatifs. Paris : Dunod, 2014. p.197.]

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enquête exploratoire pratique auprès de quatre professionnels infirmiers exerçant en Unité de Soins Palliatifs. Après avoir effectué l’exploitation qualitative de cette enquête, j’ai pu émettre les perspectives et limites de celle-ci avant de conclure sur les bénéfices que ce travail a pu m’apporter ainsi que son influence sur ma future pratique et posture professionnelle.

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1 / DE LA SITUATION D’APPEL A LA QUESTION DE DEPART

1.1 / Situation d’appel

J’effectue mon stage dans une Unité de Soins Palliatifs. La situation se déroule au cours de ma 4ème semaine de stage dans ce service.

Il s’agit d’un entretien informel, en binôme avec l’infirmière référente, lors de la visite de l’épouse d’un patient en fin de vie.

Monsieur C. est un patient de 60 ans qui vient d’être transféré du service d’hématologie du CHU où il était hospitalisé depuis le mois d’avril suite à une myélodysplasie pour laquelle il a subi une allogreffe. Il est entré à l’USP pour une prise en charge de symptômes complexes, une altération de l’état général, une perte d’autonomie et un accompagnement des proches. Lors de notre passage dans la chambre de Monsieur C. pour effectuer les soins de nursing, son épouse nous interpelle au sujet de la prise en charge. Elle nous relate le parcours difficile depuis avril (toxoplasmose cérébrale, paraplégie suite à hématome sur ponction lombaire). Elle évoque des annonces de décès successives et le fait que malgré cette accumulation, Monsieur C. soit toujours là : «Il met juste plus de temps que les autres à récupérer mais ça va aller, il va bientôt rentrer à la maison». Elle nous précise qu’il ne s’alimente plus depuis plusieurs semaines. Son interrogation porte surtout sur le fait qu’on ne lui donne pas à manger. L’infirmière lui explique les missions de l’USP ainsi que la politique de non obstination en matière d’alimentation. Elle lui précise aussi que l’alimentation plaisir est ici privilégiée et qu’il est hors de question de forcer M à manger. Elle argumente en précisant la possibilité d’un encombrement si les apports sont supérieurs à ce que peut éliminer le métabolisme de Monsieur C. Elle insiste aussi sur le fait que Monsieur nous laisse difficilement accéder à sa bouche, ne serait-ce que pour les soins de bouche. Mme C., très exaltée, dit alors à son époux que s’il ne mange pas il est hors de question qu’elle le reprenne à la maison. Elle l’infantilise en le grondant afin qu’il accepte les soins de bouche. Elle nous répète plusieurs fois qu’il faut l’inciter à manger, le stimuler. Mme met aussi l’accent sur le fait que Mr s’est beaucoup dégradé et nous montre les photos placardées devant lui face au lit. Elle insiste sur la dégradation de Monsieur : « Ce n’est plus l’homme que j’ai épousé » (ils fêtent ce jour leur anniversaire de mariage). Mr est conscient de tout ce qui se dit, il verse une larme. L’infirmière voyant que Mme ne semble pas entendre la politique de prise en charge appliquée dans le service, elle propose un « rendez-vous famille » avec le médecin afin que celle-ci éclaircisse certains points et réponde aux questions de madame et de sa famille. Mme est d’accord pour rencontrer le médecin.

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1.2 / Analyse

L’objectif de l’accompagnement de la personne en fin de vie est d’aider le patient et ses proches à cheminer progressivement vers la vérité et la réalité de sa situation. Il permet de préparer la famille à la perte et prévient les deuils pathologiques. Les réactions de l’épouse de Monsieur C., malgré les explications de l’infirmière, m’ont parues inadaptées et démesurées. Elle adoptait une attitude théâtrale. Etait-ce dans son tempérament ou bien une façon de mettre de la distance, de se protéger ? En fait, le déni dont elle faisait preuve m’a dérangé. J’ai éprouvé des difficultés à accepter cette réaction face à une réalité sans équivoque. De plus, l’attitude que l’infirmière et moi avons ressentie comme théâtrale, n’était pas facilitante pour établir une relation empathique. Mme ramenait tout à elle, il est évident qu’elle souffrait beaucoup de cette situation. Le déni, car on peut penser qu’il en était question ici, était sûrement salutaire pour Madame C. Cette phase du deuil permet de faire face à une réalité trop violente et lui permet de cheminer dans son processus de perte. L’acharnement dont font preuve certaines familles est un versant avec lequel l’infirmièr(e) doit composer dans l’accompagnement du patient en fin de vie et de sa famille. Le jugement personnel ne doit pas interférer dans la relation et cela m’a semblé difficile ici car l’issue de cet accompagnement était proche et inévitable. La façon de prendre en charge les familles, la relation de confiance que l’infirmier(e) peut établir représente un partenariat de choix quant à l’accompagnement du patient. L’alliance thérapeutique doit aussi se faire avec la famille. L’infirmier(e) ne doit jamais omettre le fait que le patient n’est pas le seul à souffrir. La pathologie gangrène tout le cercle familial. La prise en charge se veut donc globale et doit intégrer l’accompagnement de la famille afin que la fin de vie de leur proche soit plus acceptable.

L’accompagnement est la base de la prise en charge des patients en soins palliatifs et de leurs proches. Il implique de la part des soignants, une capacité à faire preuve d’empathie, de non jugement, de respect et d’authenticité envers le patient et son entourage. Tout au long de ce stage, j’ai participé aux « rendez-vous famille » des patients que je prenais en charge. Cela m’a permis d’observer les réactions des familles, de suivre leur évolution, leur cheminement. Je pense, à ce jour, être en capacité d’identifier des mécanismes de défenses et d’adaptation, de préciser la phase de deuil dans laquelle ils se situent afin d’assurer une communication adaptée et de qualité avec le patient et ses proches. Toutefois, j’ai encore des lacunes en ce qui concerne la relation aux familles et la gestion de crise. En me confrontant à la détresse des familles ainsi qu’à celle des patients et en m’appuyant sur l’expérience et les conseils de l’équipe d’USP, j’ai eu l’opportunité d’améliorer mes capacités d’écoute et ma posture professionnelle en pratiquant le non-jugement et en établissant une relation respectueuse et de confiance.

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1.3 / Questionnement et émergence de la question de départ

Cette situation n’est pas une situation isolée, en effet j’ai souvent été confrontée au déni des familles lors de ce stage. Elles m’ont interpelée et m’ont amenée à me poser différentes interrogations.

Comment le soignant est-il armé pour faire face au déni des familles ?

De quels moyens dispose –t-il face à la prise en charge des familles vivant une situation de fin de vie de leur proche ?

Quel positionnement adopter face à une famille dans le déni de la fin de vie d’un proche ?

Comment accompagner les familles dans le contexte particulier de la fin de vie ?

Quelles attitudes adopter face à des proches qui manifestent leur douleur d’une façon qui nous dérange et ne nous paraît pas adaptée ?

Adopter une attitude de non jugement va-t-il de pair avec l’expérience, avec la posture professionnelle ?

Comment intégrer la famille vivant dans le déni de la fin de vie dans une prise en charge palliative ?

La relation avec les proches influence-t-elle la prise en charge du patient ?

Comment faire avec l’accompagnement des proches dans le déni sans pénaliser la prise en charge du patient ?

Quelle place joue l’infirmière dans l’accompagnement de l’entourage ?

Quelles sont les attentes et les besoins de ses familles en grande difficulté et comment y répondre ?

L’acharnement dont font preuves certaines familles (demande de poursuite de l’alimentation, des traitements …) ne s’apparente-il pas à de la maltraitance ?

Au vu de mon questionnement, je décide donc d’orienter ma réflexion sur la fin de vie et l’accompagnement des familles dans un processus de deuil lors d’une prise en charge palliative, les mécanismes de défense mis en place lors de ce processus, en particulier le déni.

Ce cheminement me permet d’introduire la problématique suivante :

En quoi l’accompagnement par l’infirmière, d’une famille faisant preuve de déni face à la prise en charge palliative d’un proche, permet-il de tendre vers l’acceptation de la fin de vie ?

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2 / CADRE CONCEPTUEL

2.1 / Dispositions règlementaires relatives aux droits des malades et à la fin de vie

« Aujourd’hui, une évolution des mentalités s’impose encore dans notre pays pour faire admettre l’idée que la mort est un passage inéluctable, et qu’elle doit être entourée de soins spécifiques comme le fut la naissance ; en effet, d’un bout à l’autre du parcours, c’est du même être qu’il s’agit. »2

Lucien Neurwirth (Sénateur, auteur et rapporteur des lois sur la prise en charge de la douleur et des soins

palliatifs)

Afin de traiter le sujet qui nous concerne, il convient de préciser quelques notions essentielles concernant les soins palliatifs, la règlementation en vigueur ainsi que les droits des patients.

2.1.1 / Les soins palliatifs : quelques dates clés

On ne peut traiter des soins palliatifs sans évoquer les deux pionnières en la matière que furent la française Jeanne GARNIER et la britannique Cicely SAUNDERS. Jeanne Garnier introduit la notion d’hospice qui désigne une institution de soins aux malades, aux mourants. Dans les années 50, Cicely SAUNDERS, infirmière devenue médecin, initie au concept de douleur totale ou « total pain ». Elle met en évidence l’importance d’une prise en charge de la souffrance globale des malades : souffrance physique, psychique, spirituelle et sociale ainsi que l’impact sur la sphère familiale et les proches. De même, nous ne pouvons pas faire abstraction des travaux menés par Elisabeth KUBLER-ROSS3 sur la psychologie de la personne en fin de vie et sur l’identification du processus de deuil.

En 1967, le Saint Christopher Hospital ouvre ses portes au Royaume Uni, suivra en 1980 au Canada l’unité Albatros.

2 Institut UPSA de la douleur. Soins palliatifs en équipe : le rôle infirmier. , p. 8. 3 KUBLER-ROSS Elisabeth. Les derniers instants de la vie. Editions Labor et Fidès, 1975.

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En France, il faudra attendre 1984 pour que soit élaborée la Charte des Soins Palliatifs.

En 1987, la première unité de soins palliatifs est mise en place par le Dr ABIVEN à l’hôpital international de l’université de Paris.

En 1991, le Code de Santé Publique reconnait les soins palliatifs. Le ministère de la Santé commande un rapport au Dr DELBECQUE sur les soins palliatifs. Les conclusions de ce rapport encouragent la généralisation des soins palliatifs et des changements des conditions de mourir en France. C’est aussi le début de l’enseignement des soins palliatifs dans les IFSI.

En 1995, la Charte du patient hospitalisé reconnait à celui-ci le droit d’accéder aux soins palliatifs. De plus, l’enseignement des soins palliatifs et du traitement de la douleur devient obligatoire à la faculté de médecine.

En 1998, le premier plan triennal pour le développement des soins palliatifs est lancé. Il a pour principal objectif la création d’une structure par département.

Le 9 juin 1999, est votée une loi garantissant à tous l’accès aux soins palliatifs et à l’accompagnement.

En 2001, le deuxième plan triennal pour le développement des soins palliatifs prévoit le développement des pratiques en réseaux.

La loi du 4 mars 2002, dite « Loi Kouchner », définit la personne de confiance et garantit les droits des usagers du système de santé. Le patient devient acteur de sa prise en charge.

En 2005, suite à la médiatisation de l’affaire Vincent Humbert, la loi du 22 avril 2005, dite « Loi Léonetti », est votée. Celle-ci légifère et encadre l’obstination déraisonnable et vient renforcer les droits du malade. Elle a pour objet la reconnaissance de droits spécifiques au malade en fin de vie.

Le plan 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie a été présenté par le gouvernement en décembre 2015. Il s’oriente sur 4 axes qui seront définis ci-après.

Enfin, la loi du 2 février 2016, dite « Loi Claeys-Léonetti », instaure notamment un droit du patient à la sédation profonde et continue en phase terminale. Le malade est placé au cœur de la décision sur la fin de sa vie alors que jusqu’ici les lois se plaçaient du point de vue des médecins.

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2.1.2 / Définition des soins palliatifs

La SFAP Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs, créée en 1991, propose la définition suivante :

« Les soins palliatifs sont des soins actifs dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave évolutive ou terminale. Leur objectif est de soulager les douleurs physiques ainsi que les autres symptômes et de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. Les soins palliatifs et l’accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s’adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. La formation et le soutien des soignants et des bénévoles font partie de cette démarche. Les soins palliatifs et l’accompagnement considèrent le malade comme un être vivant et la mort comme un processus naturel. Ceux qui les dispensent cherchent à éviter les investigations et les traitements déraisonnables. Ils se refusent à provoquer intentionnellement la mort. Ils s’efforcent de préserver la meilleures qualité de vie possible jusqu’au décès et proposent un soutien aux proches en deuil. Ils s’emploient, par leur pratique clinique, leur enseignement et leurs travaux de recherche à ce que ces principes puissent être appliqués. » 4

La première Unité de Soins Palliatifs fut créée en 1974 à Montréal. Il faudra attendre 1987, sous l’impulsion du Dr Abiven pour assister à l’ouverture de l’ouverture de la première USP en France, à l’hôpital international de la cité universitaire à Paris (10 lits spécifiques). Suivront ensuite la création d’une deuxième USP à l’hôpital Paul Brousse en 1988 et la création de la première Equipe Mobile de Soins Palliatifs à l’Hôtel Dieu à Paris.

En 2014, la SFASP dénombrait 132 USP, 389 EMSP, 18 EMSP Pédiatriques, 4800 LISP et 112 réseaux de Soins Palliatifs, 89 HAD. De plus, 296 associations composées de plus de 5000 bénévoles accompagnants viennent compléter ce dispositif. Pourtant, l’offre n’est pas suffisante, la répartition géographique et donc l’accès aux soins restent inégale sur le territoire.

Afin de remédier à ceci, le gouvernement a présenté en décembre 2015, un nouveau plan soins palliatifs 2015-2018. Celui-ci intitulé « Plan 2016-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie » se décompose selon quatre axes bien définis :

- réduire les inégalités d’accès aux soins palliatifs et garantir l’accès aux soins pour tous

- mieux informer les patients, chacun doit connaître ses droits et être au cœur des décisions qui le concernent

- améliorer la formation des professionnels de santé - développer la prise en charge à domicile (majoration du nombre d’Equipes

Mobiles de Soins Palliatifs)

4 Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs. Collège des acteurs en soins

infirmiers. L’infirmier(e) et les soins palliatifs. « Prendre soin » : éthique et pratiques. 4ème éd. Elsevier Masson, 2009.p. 5.

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2.1.3 / Cadre règlementaire

La fin de vie, sujet sensible de notre époque, est une préoccupation majeure de notre société. Depuis 2012 et faisant suite aux différentes « affaires » médiatisée de Vincent Humbert5, Chantal Sébire et plus récemment Vincent Lambert, l’exécutif a mené une série de consultations sur la fin de vie. Le législateur a pour objectif d’encadrer au mieux la fin de vie afin d’éviter tout débordement et de légiférer sur les bonnes pratiques. Ainsi, elle est encadrée par différents textes et lois.

La loi du 9 juin 19996 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, stipule une

garantie d’accès aux soins palliatifs. Elle précise que toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Elle met aussi en avant le droit de la personne malade de s’opposer à toute investigation ou thérapeutique. Cette loi instaure aussi la création du congé d’accompagnement (trois mois non rémunérés), celui-ci sera remplacé en 2003 par le congé de solidarité. Le décret du 11 janvier 2011 permet l’attribution d’une allocation journalière d’accompagnement. Dans la situation sur laquelle j’ai choisi de m’appuyer, Mr C a bénéficié d’un transfert en Unité de Soins Palliatifs à la demande du service d’hématologie du CHU où il était suivi depuis plusieurs mois. Son état nécessitait une prise en charge globale de symptômes complexes et un accompagnement des proches. De même, le choix de cette unité en particulier relevait aussi du fait que Mr C vivait en sud Finistère et donc un rapprochement familial était souhaité par la famille qui était épuisée par les trajets pour le visiter quotidiennement depuis plus de quatre mois.

La loi du 4 mars 20027, relative aux droits des malades et à la qualité du système de

santé, dite « Loi Kouchner », est axée sur quatre grands principes :

- le développement des soins palliatifs, - l’accompagnement des mourants, - le respect de la volonté des malades, - le refus de l’acharnement thérapeutique.

Ainsi, elle introduit, la notion de personne de confiance. « Toute personne majeure peut

désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consulté au cas où la personne elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de

5 HUMBERT Vincent. Je vous demande le droit de mourir. Editions Michel Lafon, 2003. 6 Legifrance.gouv.fr (en ligne). (Consulté le 1er/05/2016). Disponible sur : http://www.sante.gouv.fr

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000212121 7Legifrance.gouv.fr (en ligne). (Consulté le 1er/05/2016). Disponible sur : http://www.sante.gouv.fr https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=E8A3C1278DD67213FF794103194B5FAB.tpdila07v_1?cidTexte=JORFTEXT000000227015&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000000026343

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recevoir l’information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses

démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions. »8. Dans le cas où le patient est dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, le médecin est tenu de s’informer de l’existence d’une personne de confiance et doit la consulter sur les souhaits éventuellement émis auparavant par le patient. Dans le cas présent, l’épouse de Monsieur C était sa personne de confiance. Elle était notre principale interlocutrice. L’équipe se devait donc d’instaurer un climat de confiance, une alliance avec celle-ci. Pourtant malgré les efforts des professionnels de santé gravitants autour de Monsieur C et de son épouse, celle-ci n’entendait pas les informations qui lui étaient transmises.

La loi du 22 avril 20059, relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite « Loi Léonetti », voit les droits des patients renforcés. Ainsi, selon les principes fondamentaux de cette loi, toute personne doit pouvoir :

- bénéficier de soins palliatifs, - exercer son droit à ne pas souffrir (tous les moyens thérapeutiques doivent être

mis en œuvre pour soulager la douleur), - ne pas à avoir à subir un acharnement thérapeutique (elle condamne

l’obstination déraisonnable et donne le droit au patient de refuser un traitement), - recourir aux directives anticipées (cela permet à chacun d’exprimer à l’avance

ses souhaits face à la fin de vie), - nommer une personne de confiance.

La loi maintient l’interdit fondamental de donner délibérément la mort à autrui. En revanche, elle énonce l’interdiction de l’obstination déraisonnable. Le respect de la volonté des patients est une priorité : l’appréciation du caractère déraisonnable est le fait du patient s’il est en état d’exprimer sa volonté. Sinon, c’est le médecin qui prend la décision, après avoir recherché qu’elle pouvait être la volonté du patient (existence de directives anticipées, consultation de la personne de confiance, de la famille) et après avoir respecté une procédure collégiale. L’accent est mis sur le consentement du patient par le biais des directives anticipées et le recours à la personne de confiance. Ainsi, les directives anticipées, document écrit, daté et signé par leur auteur, peuvent à tout moment être modifiées et sont valables trois ans. Le médecin doit s’enquérir de leur existence lorsqu’il envisage de prendre une décision de limitation ou d’arrêt de traitement. La préservation de la dignité des patients et l’obligation de leur dispenser des soins palliatifs est inscrit dans la loi. Lorsque des traitements considérés comme de l’obstination déraisonnable sont arrêtés ou limités, la loi fait obligation au médecin de soulager la douleur, de respecter la dignité du patient et d’accompagner ses proches. Enfin, la protection des différents acteurs est assurée par la traçabilité des procédures via l’inscription dans le dossier médical du patient

8 Institut National de Prévention et d’éducation pour la santé. Soins palliatifs et accompagnement. Disponible sur : http//wwww.inpes.sante.fr 9 Legifrance.gouv.fr (en ligne). (Consulté le 1er/05/2016). Disponible sur : http://www.sante.gouv.fr

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000446240&categorieLien=id

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Enfin, la loi du 2 février 201610, créant de nouveaux droits en faveur des malades et

des personnes en fin de vie, dite « Loi Claeys-Léonetti » (loi n°2016.87 parue au J.O. le 3/02/2016) clarifie les conditions de l’arrêt des traitements au titre du refus de l’obstination déraisonnable. Elle instaure un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès pour les personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme. Les directives anticipées deviennent l’expression privilégiée de la volonté du patient hors d’état de le faire et s’imposent désormais aux médecins. Elle met aussi l’accent sur l’intégration d’un module soins palliatifs à la formation initiale et continue du personnel soignant. Ainsi, l’article 1er prévoit que « la formation initiale et continue des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, des aides-soignants, des aides à domicile et des psychologues cliniciens comporte

un enseignement sur les soins palliatifs ». Elle insiste sur le droit des malades en fin de vie et les devoirs des médecins à l’égard des patients en fin de vie. L’article 2 dispose que « la nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements qui

peuvent être arrêtés » dans le but d’éviter toute obstination déraisonnable. L’article 3 traite de la « sédation profonde et continue provoquant une altération de la

conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie ». Ce type de sédation a déjà cours mais le texte crée un droit du patient à l’obtenir sous certaines conditions. La sédation profonde et continue jusqu’au décès, ne peut être mise en œuvre qu’à la demande du patient après concertation d’une procédure collégiale. L’article 4 précise que « le médecin met en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale,

même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie ». Le rôle du médecin est alors d’informer le malade, sa personne de confiance, sa famille de cette procédure L’article 5 inscrit le renforcement du droit pour un patient, dûment informé par le professionnel de santé, de refuser tout traitement L’article 8 dispose que les directives anticipées « s’imposent au médecin pour toute décision

d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées

apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». Il instaure le principe d’opposabilité aux directives anticipées à l’issue d’une procédure collégiale. Cette décision sera inscrite au dossier médical. Enfin, l’article 9 précise le statut du témoignage de la personne de confiance. La parole de la personne de confiance « prévaut sur tout autre témoignage » précise la loi. D’où l’importance d’être informé de cette possibilité. Cette loi précise aussi que les personnes sous tutelle peuvent désigner une personne de confiance (avec autorisation du juge ou du conseil de famille).

10 Legifrance.gouv.fr (en ligne). (Consulté le 1/05/2016).Disponible sur : http://www.sante.gouv.fr

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031970253&categorieLien=id

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2.1.4 / Droit des patients

La Charte de la personne hospitalisée11, annexée à la circulaire n° 95-22 du 6 mai 1995 relative aux droits des patients hospitalisés, énonce 11 principes généraux quant à la prise en charge. Les articles 2, 3 et 4 s’appliquent particulièrement à ma situation d’appel.

Ainsi, l’article 2 stipule que « Les établissements de santé garantissent la qualité de l’accueil, des traitements et des soins. Ils sont attentifs au soulagement de la douleur et mettent tout en

œuvre pour assurer à chacun une vie digne, avec une attention particulière à la fin de vie. ». Une des missions principales de l’Unité de Soins Palliatifs est d’améliorer la qualité de la fin de vie. L’accent est mis sur la prise en charge et le soulagement des symptômes gênants. L’évaluation de l’intensité de la douleur, la prévention de la réapparition des symptômes, la gestion de l’angoisse des patients et de leurs proches, l’évaluation de la pertinence de la poursuite des traitements représentent les grands principes de la prise en charge palliative.

L’article 3 quant à lui précise que « La personne hospitalisée participe aux choix thérapeutiques qui la concernent. Elle peut se faire assister par une personne de confiance qu’elle

choisit librement. ». La personne de confiance tient un rôle essentiel lors des prises en charge en Unité de Soins Palliatifs, l’équipe pluridisciplinaire a à cœur de l’inclure dans l’élaboration du projet de vie de la personne soignée. Elle est consultée pour les prises de décisions et sa parole est entendue. Dans la situation présente, l’épouse n’était pas en mesure d’entendre nos explications, la prise en soin de Monsieur C s’en trouvait plus délicate. Madame C présentait un déni de la situation qui entravait la vision objective de la situation et la réalité de la finitude imminente de son époux.

Enfin, l’article 4 indique que « Un acte médical ne peut être pratiqué qu’avec le consentement libre et éclairé du patient. Celui-ci a le droit de refuser tout traitement. Toute personne majeure

peut exprimer ses souhaits quant à sa fin de vie dans des directives anticipées. ». Monsieur C, du fait de ses pathologies, s’exprimait peu verbalement. Pour autant, il pouvait nous montrer son refus des soins notamment lors des soins de bouches pluriquotidiens lors desquels il refusait catégoriquement d’ouvrir la bouche. Nous ne disposions pas d’informations relatives à la rédaction de directives anticipées dans son dossier, son hospitalisation ayant été subite, ces formalités n’avaient pas été anticipées.

L’une des particularités de l’Unité de Soins Palliatifs est l’importance donnée à la famille et à l’entourage. Ainsi, le service est doté d’un espace pour les familles ; celui-ci est aménagé afin de les accueillir dans les meilleures conditions, de jour comme de nuit. De même, les horaires de visite sont libres afin de permettre aux familles d’accompagner leur proche sans avoir à se soucier des contraintes horaires.

11 Cf annexe II. Charte du patient hospitalisé : Principes généraux. p.II

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2.2 / L’accompagnement

2.2.1 / Définition

Tout d’abord, le concept d‘accompagnement semble un élément essentiel à préciser. Ainsi, selon Le Petit Robert, accompagner signifie « se joindre à quelqu’un pour aller où il va, en même temps que lui. Conduire, mener, guider.12 »

L’accompagnement peut se décrire comme une démarche relationnelle qui s’inscrit autour du projet de l’autre. Il ne peut se concevoir sans le respect de l’autre, la bienveillance et le non jugement. L’accompagnant s’attarde sur les points positifs de la personne encadrée, il renforce son estime de soi tout en préservant son autonomie. Elle est une personne ressource et facilitante qui veille à garder une juste distance. Selon l’Anaes, « l’accompagnement d’une personne en fin de vie et de son entourage consiste à apporter attention, écoute, réconfort, en prenant en compte les composantes de la souffrance globale (physique, psychologique, sociale et spirituelle). Il peut être mené en lien avec les associations de bénévoles. L’accompagnement de l’entourage peut se poursuivre après le décès

pour aider le travail de deuil. »13

L’accompagnement est un prérequis à toute relation de soin ; il relève des bonnes pratiques professionnelles et des missions de tout professionnel de santé. C’est un processus dynamique intégrant tous les partenaires impliqués dans le projet de vie : l’équipe pluridisciplinaire, les bénévoles, le patient et son entourage. Le projet d’accompagnement vient étayer le cheminement de la personne en fin de vie ainsi que soutenir les proches se préparant à une séparation inéluctable et à affronter la période du deuil. L’accompagnement relève de la démarche globale de soins, il inclue l’implication de l’équipe pluridisciplinaire, du patient et de ses proches. La démarche d’accompagnement est plurifactorielle, elle tient compte de la dimension éthique, spirituelle, socio-culturelle … des attentes et besoins de la personne malade et de ses proches. L’accompagnement ne prend pas fin avec le décès du patient, il peut se poursuivre avec la famille par un suivi de deuil.

12 ROBERT Paul. Le Petit Robert. Dictionnaire Alphabétique et Analogique de la langue

Française. Paris : Dictionnaire Le Robert, 2013. p. 17. 13 Haute Autorité de Santé (en ligne). Conférence de consensus « Accompagnement de la

personne en fin de vie et de ses proches » (avec la participation de l’Anaes et de la SFAP) (Consulté le 5/03/2016). Disponible sur : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Accompagnement_court.pdf

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2.2.2 / Accompagner le patient en fin de vie

« Tout être humain est capable de s’accomplir jusqu’au bout de sa vie à condition qu’on lui

supprime sa douleur physique et qu’il trouve autour de lui des personnes à qui il peut dire ses

peurs, ses angoisses, des personnes qui ne se dérobent pas. »

Cicely Saunders. 1918 – 2005 (Infirmière, médecin, écrivain britannique)

L’accompagnement de la fin de vie de sous-entend la prise en compte du concept de « Total Pain ». En effet, je pense que l’accompagnement de la personne en fin de vie ne peut se faire sans tenir compte de la souffrance globale du patient. Celui-ci ne peut et ne doit pas être réduit à un objet de soins.

Ainsi, le concept de « Total Pain » (douleur totale) développé par Cicely Saunders prend ici tout son sens. La maladie grave et la perspective de la mort entrainent une rupture d’équilibre, une remise en question pour le malade et sa famille. La souffrance du patient doit être prise dans sa globalité : la douleur physique est considérée à part entière tout en étant intriquée à la souffrance totale.

La notion de souffrance physique est ici omniprésente. Les douleurs somatiques sont liées à la maladie elle-même et aux traitements. Elle entraine une altération de l’image corporelle (amaigrissement, fatigue, pertes diverses …). Ainsi tout demande un effort à Monsieur C : se mobiliser dans son lit, parler, respirer … L’évaluation et le soulagement de cette douleur étaient donc une priorité pour l’équipe soignante.

Toutefois, cette prise en charge n’aurait pas été complète sans tenir compte de la notion de douleur psychologique. En effet, on ne peut faire abstraction des peurs de Monsieur C face à la maladie : peur d’avoir mal, de ne pas guérir, de perdre la tête (toxoplasmose cérébrale), peur de mourir … Mais aussi la peur de ne plus être comme avant, de ne plus être aimé, d’être abandonné, de ne pas être à la hauteur. L’équipe se devait de tenir compte de la souffrance de Monsieur C face aux pertes, aux deuils à faire tels que la perte d’autonomie, la dépendance, le fait de ne plus pouvoir décider. De même, l’équipe pluridisciplinaire ne pouvait pas omettre l’impact de la blessure de l’image de soi, la souffrance de faire souffrir l’entourage et d’être un poids. Son épouse lui ramenait continuellement l’image de l’homme qu’il avait été en placardant des photos de lui avant

souffrance totale

physique

psychologique

spirituelle

sociale

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son hospitalisation. Elle accentuait le fait qu’il n’était plus l’homme qu’elle avait épousé ceci ayant pour conséquence de rendre Monsieur C triste et abattu après ses visites.

La notion de souffrance sociale englobe la perte du rôle familial, du rôle social, de l’emploi. Elle se décline ici par le fait que Monsieur C, était auparavant un jeune retraité très actif, adepte du jardinage et du bricolage et qui adorait s’occuper de ses petits-enfants. Il lui était très difficile d’entendre son épouse évoquer « son ancienne vie ». La maladie fait peur et peut entrainer une exclusion, un isolement même si parfois c’est le patient qui choisit cette option et c’est d’ailleurs le cas ici. En effet, Monsieur C semblait se refermer de plus en plus sur lui-même et gardait le plus souvent les yeux fermés lors des visites ; ce qui n’était pas forcément le cas lors des soins.

Enfin, la douleur spirituelle apparait dès lors que l’on prend conscience de sa finitude. Durant l’hospitalisation de Monsieur C, son cheminement et les différentes étapes du deuil qu’il a traversé ainsi que les différents mécanismes de défenses qu’il a pu mettre en place n’étaient pas forcément évidents à déterminer. Pour autant, il semblait avoir atteint une certaine acceptation de sa finitude vers la fin de sa prise en charge.

La complexité de l’accompagnement de Monsieur C. semblait plus impactée par les attitudes défensives et les réactions plus ou moins inadaptées de son épouse. .

2.2.3 / Accompagner les proches

« Accompagner les proches d’une personne en fin de vie, c’est s’engager dans une relation avec

eux, en comprenant qu’ils vivent une crise importante, sans doute l’une des plus difficile à

affronter. ».14

Accompagner le malade en fin de vie, c’est aussi tenir compte de sa famille, évaluer la qualité de son entourage, trouver les personnes référentes. L’accompagner c’est aussi inclure la famille dans la prise en charge, la placer dans une position de partenaire, d’allier thérapeutique.

L’accompagnement consiste à aider les familles à gérer leurs sentiments, à verbaliser leurs ressentis, à prendre leurs propres décisions. En effet, le rôle de l’entourage est essentiel, il demeure un soutien primordial pour la personne en fin de vie.

Ainsi, exercer en Unité de Soins Palliatifs sous-entend une connaissance des missions et rôles inhérents à la fonction d’infirmière. L’exercice de la profession infirmière est soumis à une règlementation spécifique. Ainsi, selon l’Article 4311-2 : « Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. (…) Ils ont pour objet : (…) De participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes,

14 INSTITUT UPSA DE LA DOULEUR. Soins palliatifs en équipe : le rôle infirmier. p. 96.

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particulièrement en fin de vie au moyen de soins palliatifs, et d’accompagner, en tant que besoin,

leur entourage. »15 L’accompagnement des familles est un des principaux rôles de l’infirmière. En effet, l’infirmière est le témoin privilégiée du décalage pouvant exister entre ce que sait le patient et ce que sait sa famille, ce que vit le malade et ce que vit l’entourage. Ceci crée un contexte émotionnel intense et nécessite un accompagnement personnalisé.

L’accompagnement de la famille consiste à instaurer un climat de confiance. L’entourage nécessite le besoin d’être accueilli, entouré, respecté. Parfois, il est nécessaire de les rassurer sur la compétence des soignants, les objectifs de soins poursuivis. La famille doit être considérée comme un partenaire à part entière et doit être intégrée au projet de vie du patient en fin de vie. Ceci va de la prise de décision concernant la limitation des traitements, l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, à l’implication dans les soins ....

Ainsi, on peut observer de la part de proches un besoin d’être rassuré. Cela passe par une écoute (questionnements concernant la pathologie, la douleur, le déroulement de la phase agonique …), par des explications claires sur l’évolution de l’état du patient, sur les traitements, la prise en charge. Le soignant doit s’assurer de la bonne compréhension des informations qu’il divulgue. Cela passe aussi par la reformulation. Ce temps d’écoute, souvent chronophage, est nécessaire et le soignant ne peut en faire l’économie.

De même, parfois, les proches ont besoin de se sentir utiles, de réaliser des soins (nursing, effleurages, soins de bouche …) … d’où l’importance de les intégrer au projet de vie du patient. Ceci permet de légitimer leur présence auprès du malade en fin de vie. Ils se sentent reconnus et valorisés. Leur permettre de s’investir dans le projet de vie du patient, s’ils le souhaitent, c’est aussi leur permettre de trouver leur place auprès de celui-ci et par conséquent d’investir au mieux le temps restant.

Cet accompagnement doit bien entendu se faire dans le respect de l’entourage (intimité, sphère privée et vie émotionnelle, convictions religieuses …) et selon les souhaits du patient en fin de vie. Afin d’éviter un désinvestissement de la famille, les soignants doivent se faire discrets tout en étant disponibles.

L’accompagnement des familles confrontées à la fin de vie d’un proche relève d’une approche pluridisciplinaire. Ainsi, les « rendez-vous famille », lors desquels patients et entourage vont pouvoir verbaliser leur émotions et ressentis, sont planifiés de manière personnalisée. Ceci afin de permettre de suivre et d’accompagner au plus près le cheminement de chacun des acteurs. Ces « rendez-vous famille » sont l’occasion parfois de mettre à jour des conflits familiaux, d’exprimer des rancœurs. Le soignant doit toujours veiller à adopter une attitude bienveillante et de non-jugement. Savoir ce qui se joue dans la relation permet de mettre en place des stratégies personnelles et professionnelles d’ajustement à la situation et permet de soulager et d’accompagner la souffrance des proches.

Cette approche pluridisciplinaire inclue aussi les rencontres avec le psychologue de l’unité. En effet certaines familles peuvent ressentir le besoin d’exprimer leur souffrance, cette alternative doit leur être présentée afin qu’ils puissent y recourir si le besoin s’en fait sentir.

15 Ministère des Affaires Sociales et de la Santé. Profession Infirmier. Recueil des principaux textes relatifs à la formation préparant au diplôme d’Etat et à l’exercice de la profession, p.198.

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Ce suivi de l’entourage tout au long de l’accompagnement vers la fin de vie de leur proche peut jouer un rôle déterminant dans la prévention des deuils anticipés, compliqués ou des deuils pathologiques.

Ces particularités du deuil sont définis par Michel Perrier et Jean-Claude Fondras dans leur ouvrage « Soins palliatifs »16. Le deuil compliqué, est caractérisé par un travail de deuil perturbé qui ne débute pas ou ne va pas au terme du processus. Ainsi le deuil compliqué peut être caractérisé par « l’absence de travail d’élaboration : le deuil reste à l’état de choc ou de déni (…) ; le deuil différé :

aucun changement n’est perceptible dans le mode de vie (…) ; le deuil inhibé : refus des émotions liées à la perte (…) ; le deuil déformé : hyperactivité, somatisation, shopping médical (…) ; le deuil

chronique lié à la peur d’oublier».17 Le deuil pathologique correspond à la survenue de troubles psychiatriques durant la période du deuil. Ces troubles peuvent être de type de dépression voire de décompensation d’un trouble psychiatrique latent (trouble bipolaire, trouble obsessionnel). Enfin, pour eux, le deuil anticipé fait référence au détachement qui commence avant la mort. Certains proches anticipent la mort, ils commencent à réfléchir à leur vie sans l’être cher, et à la mort de celui-ci. L’endeuillé aura déjà passé certaines étapes du processus de deuil au moment du décès. Murielle Jacquet-Smailovic, quant à elle, décrit le deuil anticipé ainsi : « Les maladies de longue durée, de même que celles engendrant des changements physiques importants ou une détérioration mentale manifeste, favorisent l’apparition de ce type de deuil. Les modifications de l’apparence corporelle et les troubles du comportement, toujours douloureusement vécus, sont difficilement acceptables. Les proches ne parviennent plus à reconnaitre aujourd’hui celle ou celui qu’ils ont aimé hier (…) De là peut naître

une certaine hostilité à son encontre 18». Ceci reflète tout à fait l’attitude de l’épouse de Monsieur C qui ne cessait de répéter ouvertement qu’il n’était plus l’homme qu’elle avait épousé. Elle laissait la possibilité à Monsieur C de se confronté à la réalité de cette déchéance physique quotidiennement puisqu’elle avait placardé des photographies de lui lorsqu’il était un jeune retraité actif et plein d’entrain.

L’accompagnement du patient et de son entourage est donc un maillon essentiel de la prise en charge de la fin de vie. L’équipe soignante ne peut en faire l’économie mais doit jongler avec les mécanismes de défenses mis en place par le patient, sa famille mais aussi ses propres attitudes défensives.

16 PERRIER Michel, FONDRAS Jean-Claude. Soins palliatifs. Rueil-Malmaison : Doin Editeurs,

Collection Conduites, 2004. p.185 -186 17 Ibid p. 186 18 JACQUET-SMAILOVIC Murielle. Avant que la mort ne nous sépare … Patients, familles et

soignants face à la maladie grave. Bruxelles : Editions De Boeck, 2006. P115-116

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2.3 / Les mécanismes de défense

La fin de vie, et donc implicitement la proximité de la mort, génère chez les différents protagonistes que sont le patient, sa famille et les soignants, un sentiment d’impuissance, de l’angoisse, de la culpabilité ...

Afin de se prémunir, de se préserver d’une réalité trop violente, trop douloureuse et inacceptable, chacun met en place des mécanismes de défense psychique. Ce sont des phénomènes normaux et protecteurs de la continuité de la vie psychique. Ils nous permettent dans le cas présent de tenter de nous prémunir face à l’angoisse de mort. Les mécanismes de défenses fonctionnent de manière inconsciente et involontaire. Ce sont des processus psychiques inconscients élaborés afin de lutter et se protéger de l’angoisse qui nous envahit.

Ces mécanismes salvateurs pour notre psychisme, n’en restent pas moins une entrave à notre façon d’interagir les uns avec les autres. En effet, les réactions des uns ne sont pas toujours bien comprises des autres et souvent mal interprétées ce qui créé un climat délétère pour un accompagnement serein de la fin de vie.

2.3.1 / Transfert et contre-transfert

La relation de soins met en équilibre le phénomène de transfert et celui du contre-transfert. Ces phénomènes inconscients influent sur nos pratiques et notre posture professionnelle. Il revient donc au soignant d’être capable de pouvoir les identifier afin d’établir une relation authentique qui sera initiatrice d’une alliance thérapeutique essentielle lors de l’accompagnement de la fin de vie.

Le transfert se définit comme le « lien affectif qu’un individu va instaurer avec une autre personne et dont l’origine se trouve dans son vécu antérieur (…) on parlera de transfert positif lors de recherche d’affection, de reconnaissance, et de transfert négatif lors de manifestations

agressives ou haineuses. »19

Le contre-transfert « interviendrait en réponse au mécanisme de transfert et serait déterminé par lui (…) il est défini comme étant l’ensemble des émotions et des sentiments suscités par un

patient chez un soignant, en relation avec sa propre histoire. » 20

« Avoir conscience des mécanismes qui entrent en jeu dans la relation et surtout les comprendre améliore notre relation à l’autre, car nous nous donnons ainsi les moyens de mieux les gérer et

19 SIEBERT Carole et LE NEURES Katy. Les essentiels en IFSI. Psychologie, sociologie, anthropologie. UE 1.1 Elsevier Masson p. 203. 20 Ibid p. 203.

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de poser des actes réfléchis et justes. ».21 L’importance d’être congruent dans toute relation de soin est essentielle, elle l’est d’autant plus lors de l’accompagnement de la fin de vie où les émotions sont exacerbées et les relations sont parfois intenses mais toujours vraies. Ainsi, le soignant doit pouvoir nommer ses ressentis et inciter le patient à verbaliser les siens. « Dans les mouvements transférentiels, le patient se sert du soignant

comme d’un support sur lequel il va projeter ses angoisses, ses conflits non résolus, etc. »22. En effet, face aux attitudes du patient qui peuvent le mettre à mal, le soignant va adopter sans le savoir des contre-attitudes défensives dans le but de se préserver, ce qui peut impacter la qualité des soins.

Lors de l’accompagnement de la fin de vie, les enjeux sont importants : « (…) Le ressenti de chacun est différent, l’histoire personnelle influe sur l’attitude adoptée auprès du patient. (…) Il est primordial que les soignants se connaissent et pour cela qu’ils aient identifié leurs limites, leurs faiblesses, leurs difficultés face à la mort. (…)Le débriefing représente un rite de deuil lorsque l’équipe se réunit en staff afin de revenir sur la prise en charge du patient. La parole est essentielle afin de déposer le vécu douloureux. (…) En l’absence d’espace de discussion, les

ressources psychologiques de chacun s’épuisent. »23 J’ai pu évoquer les difficultés de cette prise en charge avec l’ide avec laquelle je travaillais et qui était confrontée au même vécu que moi. Ceci nous a permis de dédramatiser la situation. Nous avons pu exposer nos ressentis, nos réticences face à cette situation qui avait une résonnance particulière pour nous. « Les soignants ont d’autant plus de difficultés à exprimer ce qu’ils ressentent qu’ils ont du mal à comprendre ce qui les a dérangés ou touchés dans une situation donnée »24

Ma réflexion m’a amenée à verbaliser avec l’équipe sur la gestion des émotions des soignants. J’ai ici pu identifier les concepts de transfert / contre-transfert et de l’identification. Ce questionnement tout au long de cette prise en charge m’a permis de dégager mes implications émotionnelles trop fortes et de retourner plus sereinement auprès du patient.

2.3.2 / Mécanismes de défense du patient

L’imminence de sa finitude entraine le patient dans un cheminement qui lui est personnel et dans un temps qui lui appartient. Ainsi, Elisabeth Kübler-Ross25 , psychiatre, décrit les étapes réactionnelles à la prise de conscience de l’issue fatale de la maladie. Le malade en fin de vie passe par cinq étapes du mourir qu’elle définit ainsi : le refus et l’isolement, l’irritation, le marchandage, la

21 SIEBERT Carole et LE NEURES Katy. Les essentiels en IFSI. Psychologie, sociologie,

anthropologie. UE 1.1 Elsevier Masson p. 202 22 Ibid p.203. 23 LANGENFELD Solange, COUTURAT Florence. Les essentiels en IFSI. Soins relationnels, soins palliatifs. UE. 4.2 4.7, p.214-215. 24 Institut UPSA de la douleur. Soins palliatifs en équipe : le rôle infirmier, p. 118 25 KUBLER-ROSS Elisabeth. Les derniers instants de la vie. Editions Labor et Fidès, 1975.

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dépression et l’acceptation. Ces différentes étapes peuvent être schématisées de la manière suivante :

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La première phase : le refus, la dénégation, est une réaction défensive normale. Elle permet de lutter contre un effondrement psychique face à la prise de conscience de l’issue fatale de la maladie. Cette réaction protectrice permet au patient d’amortir la violence du choc de l’annonce et d’intégrer progressivement les enjeux et conséquences de la maladie (altérations corporelles, pertes multiples …). L’équipe soignante se doit d’être vigilante et attentive afin que le patient ne verse pas vers un repli sur soi pouvant aller jusqu’au refus de soin. La seconde phase : l’irritation, la colère est une réaction qui est bien souvent retournée contre les soignants et la famille. Bien entendu ce comportement masque la détresse du patient. Il se retrouve face à une réalité qu’il ne peut plus nier. Le patient projette donc ses frustrations sur ceux qui sont l’incarnation de tout ce que lui n’est plus ou ne sera

26 SIEBERT Carole, LE NEURES Katy. Les essentiels en IFSI. Soins relationnels. Soins palliatifs.

UE 4.2 et 4.7. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2011. p.198

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plus. L’écueil ici serait de répondre à l’agression par l’agression, d’entrer dans une escalade de violence. Une réflexion d’équipe permet de désamorcer une situation conflictuelle qui pourrait être préjudiciable à la prise en charge du patient. La phase de marchandage vient ensuite. Celle-ci est en quelque sorte une tentative de

retarder l’échéance inéluctable du décès. Le patient demande un sursis, il se donne des échéances à honorer, il cherche à gagner du temps afin d’accomplir ce qu’il estime encore avoir à faire. La phase de dépression est le résultat de la prise de conscience des pertes que le patient va devoir affronter. Elisabeth Kübbler-Ross distingue deux types de dépression : la dépression de réaction liée à la perte de ce qu’on avait ou faisait avant et la dépression de préparation liée à ce qui est sur le point d’être perdu. La maladie grave est synonyme de perte de travail et par conséquent de statut social, des repères familiers, de l’identité professionnelle, de l’identité sociale … Elle entraine aussi une redistribution des rôles familiaux, des préoccupations financières. Cette phase de dépression creuse un fossé entre le malade et son entourage. Elisabeth Kübbler-Ross met l’accent sur le risque accru de rupture de communication entre le patient et sa famille lors de cette phase. Une attention particulière doit donc être portée à la personne en fin de vie afin de lui permettre de verbaliser sa souffrance, ses ressentis, ses préoccupations. Enfin, la phase d’acceptation ou la résignation, se manifeste par une sérénité perceptible chez le patient. Le patient semble ne plus souhaiter s’ouvrir vers l’extérieur, son cercle d’intérêt se rétrécit. La personne se montre calme et détachée. Elle semble vivre une introspection, faire un bilan de sa vie, suivre un cheminement intérieur. Le soignant s’adaptera aux souhaits du patient qui délaissera au fur et à mesure la communication verbale au profit d’une communication non verbale plus authentique, plus vraie. Martine Ruszniewski, psychanalyste et psychologue, décrit quant à elle, neuf mécanismes de défenses dans son ouvrage « Face à la maladie grave, patients, familles, soignants. »27 Ainsi lorsqu’Elisabeth Kübbler-Ross parle de phase de refus, Martine Ruszniewski évoque elle la dénégation, l’annulation, l’isolation ou le déplacement. Il faut toutefois commencer par différencier le déni de la dénégation. En effet, le déni correspond à un rejet total de la réalité. Il permet de lutter contre un effondrement psychique. La dénégation elle permet d’intégrer ce qui est acceptable. La dénégation peut être

intrapsychique c’est-à-dire que le sujet accepte une partie de la réalité et rejette ce qui lui est intolérable. Ou bien la dénégation peut être sociale et relationnelle : le patient affiche une sérénité apparente, il ne parle pas de sa maladie ou alors il l’annonce pour éviter les questions qui le confronteraient de plein fouet à la réalité de la maladie et à l’imminence de la mort. L’isolation est aussi un comportement que peut avoir le patient : il affiche un détachement apparent en parlant de la gravité de sa pathologie.

27 RUSZNIEWSKI Martine. Face à la maladie grave : patients, familles, soignants. Paris : Dunod, 1995. [Citée par JACQUEMIN Dominique et de BROUCKER Didier. Manuel de Soins Palliatifs. Paris : Dunod, 2014. p.546, 547, 548.]

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Enfin, lorsque le patient utilise le déplacement, son émotion et sa souffrance sont

déplacées sur un autre problème lié à la maladie ou à la situation. Ainsi, le sujet de leur préoccupation devient l’avenir des enfants, le devenir de l’époux qui va rester seul … Pour autant, c’est à nous soignants qu’il incombe de décrypter le message d’une souffrance qui est bien réelle même si elle n’est pas toujours verbalisée comme telle. De même, lorsqu’ Elisabetn Kübbler-Ross identifie la phase d’irritation, Martine Ruszniewski parle elle de projection agressive. Le patient est agressif et rend l’entourage médical ou sa famille responsable de tous ses malheurs. Ceux-ci le renvoient à tout ce qu’il a pu être et donc tout ce qu’il ne sera plus. Désamorcer ces situations est crucial afin d’éviter que la situation ne s’envenime. Le rôle de l’équipe pluridisciplinaire est ici essentiel, instaurer un temps de parole et d’écoute pour le personnel permet à chacun de faire valider son ressenti. Cette concertation permet à l’équipe de repenser le projet de vie du patient et de réorienter sa démarche de prise en charge. Le patient peut aussi être dans la maîtrise. Il tente de comprendre et de rationaliser sa maladie afin de la contrôler. Il peut alors utiliser plusieurs mécanismes : l’humour, la dérision, la mise en place de rites obsessionnels. On peut observer aussi une surveillance permanente des soins, une recherche d’informations médicales détaillées auprès de chaque intervenant … La cohésion d’équipe prend ici toute sa dimension car l’information relayée par les soignants doit être la même afin d’assurer l’apaisement du patient. Martine Ruszniewski fait le parallèle avec la phase de dépression énoncée par Elisabeth Kübbler-Ross en employant le terme de régression. Cette réaction se caractérise par une immersion dans la maladie, un abandon d’initiative, une perte d’autonomie, voire de volonté, avec parfois des comportements infantiles, pour se consoler contre la peur engendrée par l’approche de la mort. Le patient retrouve sa position d’enfant dans l’attente de maternage qui viendrait éloigner l’angoisse et aurait une fonction consolatrice. Certains patients trouvent aussi refuge dans le sommeil, cela leur permet de fuir la violence de leur situation.

La phase d’acceptation décrite par Elisabeth Kübbler-Ross, est transposée en combativité et en sublimation par Martine Ruszniewski. Le patient fait preuve d’insoumission face à la maladie, il montre un dynamisme, une combativité à toute épreuve, afin de neutraliser l’angoisse. Il y met toute son énergie. Certains tentent de faire de l’épreuve qu’ils endurent quelque chose de positif. La sublimation serait alors faire quelque chose de sa maladie mais sans pour autant accepter totalement son sort.

Bien entendu, tous les patients ne passent pas obligatoirement pas ces étapes et pas forcément selon cette chronologie. Ainsi, le cheminement de chaque patient lui est propre et le temps du patient n’est pas le temps du soignant ni le temps de l’entourage. C’est pourquoi, bien souvent les attitudes des proches semblent être en décalage et donc inadaptées. Mais qu’en est-il réellement ?

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2.3.3 / Mécanismes de défenses des proches

L’annonce de la fin de vie est un séisme pour le patient mais aussi pour sa famille et ses proches. Ceux-ci se sentent bien souvent démunis, impuissants face à une disparition inéluctable de l’être cher. Le sentiment d’impuissance et de culpabilité, face à l’évolution de la maladie dont l’issue mène inévitablement à une séparation définitive, est prévalent.

Comme leur proche dont la finitude est imminente, la famille passe par les différentes étapes du deuil. En effet, elle doit faire un travail d’acceptation de la perte de la personne en fin de vie. Cependant, le cheminement de la famille est bien souvent en décalage avec celui du patient. Il en résulte des attitudes qui sont bien trop souvent interprétées comme déplacées. Pour autant, il faut garder à l’esprit que le temps de l’entourage est différent de celui du patient comme de celui des soignants.

Les réactions observées sont souvent teintées d’ambivalence et témoignent de leur souffrance. Ainsi, l’équipe soignante est amenée à être confrontée à différentes réactions :

- désir de mort et demande de soins, - déni de la réalité, - culpabilité (présence / absence), - charge émotionnelle importante (dépression, anxiété), - tendance à surprotéger le malade, - réactivation de conflits anciens.

La souffrance des familles peut engendrer alors des attitudes défensives telles que des plaintes et diverses revendications. Les proches peuvent aussi faire preuve de colère et d’agressivité (manifestation active d’angoisse) envers l’équipe. Enfin, la famille peut avoir peur d’être jugée par l’équipe. Murielle Jacquet-Smailovic28 décrit les attitudes défensives adoptées par l’entourage que le soignant peut être amené à rencontrer. Elle évoque ainsi l’angoisse à laquelle la famille est confrontée lors de l’accompagnement de la fin de vie d’un proche. Celle-ci doit constamment jongler avec le fait de devoir gérer l’aggravation de l’état de santé du patient et de devoir faire face à sa propre angoisse. L’entourage va alors exprimer des demandes inadaptées à l’équipe. L’équipe en fait toujours plus mais ce n’est jamais assez pour apaiser cette angoisse. Elle doit faire face aux reproches des familles et à des doléances impossibles à satisfaire. L’angoisse des familles est la résultante de plusieurs facteurs : l’entourage à peur de ne pas « être à la hauteur », il craint aussi d’être dépossédé par les soignants de sa place auprès du malade. L’entourage peut aussi ressentir des sentiments contradictoires et déroutants face à l’altération physique de leur proche (odeurs désagréables), et enfin peur de sa propre finitude que lui renvoie le patient. L’agressivité envers les soignants est bien souvent la résultante de cette angoisse. En effet, l’entourage fonde tous ses espoirs en l’efficacité de l’équipe en lui attribuant un pouvoir de guérison qu’elle n’a pas. Cette agressivité vient aussi du fait du ressentiment inconscient que peut avoir l’entourage face au patient qui les met face à une situation

28 JACQUET-SMAILOVIC Murielle. Avant que la mort ne nous sépare … Patients, familles et soignants face à la maladie grave. Bruxelles : Editions De Boeck, 2006. p. 101 à 110.

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intolérable pour eux. Cette agressivité, inconsciente, fait l’objet d’une projection sur les soignants qui deviennent « mauvais » et « pas à la hauteur ». Ainsi, face à la disparition imminente de son époux et donc à l’angoisse engendrée par cette perte, Madame C adoptait des comportements inadaptés afin de tenter de faire face. Elle le stimulait, entre autre, de façon excessive alors que celui-ci n’était plus en capacité de manger. Elle marchandait son retour, en négociant celui-ci à la seule condition qu’il mange et reprenne des forces. Elle se trouvait en décalage avec la réalité de ce que vivait son époux et devait de surcroit se confronter à la position des soignants qui l’informaient de l’aggravation de l’état de son époux.

De même, Murielle Jacquet-Smailovic évoque le sentiment de culpabilité qui est souvent très prégnant dans ces situations de fin de vie. Les proches ressentent la culpabilité que ce soit pour une pensée, des paroles ou une conduite qu’ils ont eues dans le passé ou dans le présent. Elle peut aussi surgir parce que les proches se sentent responsables de la maladie d’une quelconque façon (ils se reprochent de ne pas avoir détecté les signes annonciateurs…). Parfois aussi, il peut s’agir de culpabilité en rapport avec les difficultés qu’ils ont à accepter les modifications corporelles, physiques ou psychiques qu’entrainent la maladie et la fin de vie (plaies malodorantes, non reconnaissance de l’entourage…). Il peut également s’agir de la culpabilité de survivre à l’autre, notamment lors de la perte d’un enfant. Le proche peut avoir le sentiment d’avoir échoué dans sa mission de protection. Cette culpabilité se manifeste de façon consciente (sentiment de trahison et d’abandon du malade suite à l’hospitalisation, en restant vivant après le décès ; sentiment d’impuissance à protéger le patient du danger imminent ; désir de mort lors des accompagnements longs et très douloureux) ou inconsciente (vœux de mort formulés en secret suite aux frustrations de la vie commune avec le patient refoulés alors et qui semblent soudain s’exaucer par exemple). Certains sont dans l’hyper protection. Les demandes de l’entourage hyper protecteur ont pour objet de répondre et apaiser sa propre angoisse. Le conflit avec l’équipe est alors possible car la prise en charge proposée par celle-ci peut ne pas convenir aux attentes et espérances de l’entourage.

D’autres préfèrent garder l’image de la personne que le malade a été et choisissent la fuite, l’abandon. En réalité, ils fuient devant leur propre angoisse.

Enfin, certains sont à même de pouvoir considérer les membres de l’équipe soignante comme des partenaires. L’entourage va alors collaborer avec celle-ci en ayant conscience qu’il reste une personne ressource pour le patient en fin de vie.

Agressivité, colère, critiques, demandes inappropriées, comportements inadaptés sont autant de témoignages de la difficulté de la famille à appréhender l’accompagnement de la fin de vie de leur proche. Face à ces comportements, l’équipe veillera à ne pas rentrer dans un rapport de force afin de préserver la qualité de l’accompagnement et le maintien de l’alliance thérapeutique. De même, elle veillera à proscrire tout jugement de valeurs.

A l’équipe d’être disponible et à l’écoute afin de pouvoir élaborer un climat propice à la libération de la parole. Permettre aux familles de cheminer, c’est aussi les aider à verbaliser leur souffrance, cela leur permet de prendre de la distance vis-à-vis des enjeux de la fin de vie de leur proches. En mettant des mots sur leurs ressentis et leurs

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émotions, cela leur permet de donner un sens à ce qu’ils vivent et les autorise à accompagner leur proche jusqu’au bout de la vie.

2.3.4 / Mécanisme de défense des soignants

La fin de vie ramène le soignant à sa propre fin, ses propres lim ites et à l’angoisse de sa propre mort. La prise en charge de la fin de vie au quotidien représente une charge émotionnelle forte à gérer pour les soignants. Afin de pouvoir y faire face, ils mettent en place des stratégies d’adaptation conscientes ou inconscientes.

Accompagner la fin de vie représente pour l’équipe soignante un investissement intense. L’objectif pour le soignant ici est d’accompagner le malade incurable ainsi que sa famille et ses proches vers le cheminement qu’est la mort, sans se laisser envahir par les angoisses que cet accompagnement engendre pour lui-même.

Afin de se prémunir de la souffrance ressentie par le patient et son entourage, afin de ne pas se laisser submerger par ses propres émotions et angoisses, le soignant a recourt des mécanismes de défenses. Ceux-ci lui permettent de réduire la tension émotionnelle et de poursuivre l’accompagnement de façon plus sereine.

La psychanalyste et psychologue Martine Ruszniewski29 dénombre différentes contre-

attitudes par lesquelles se manifestent ces mécanismes de défense30. Ainsi, la technicisation, la banalisation, le mensonge, la fuite en avant, la fausse réassurance, le déni, la rationalisation, la dérision, l’identification projective et l’esquive sont autant de mécanismes de défenses et contre attitudes défensives que le soignant peut développer afin de se préserver.

Chaque accompagnement de fin de vie auquel est confronté le soignant exerçant dans une Unité de Soins Palliatifs, est différent. Chaque situation est singulière et bien souvent les soignants sont confrontés à des cas complexes avec un passif familial, des non-dits. Les infirmières que j’ai pu côtoyer lors de mon stage dans cette unité faisaient preuve d’un grand professionnalisme et d’une patience à toute épreuve. Le fait qu’elles aient pour la plupart une expérience de plusieurs années dans ce service explique en partie ceci. Toutefois, j’ai pu identifier quelques stratégies d’adaptation que certaines utilisaient afin de se prémunir. Ainsi, après avoir rencontré l’épouse de Monsieur C, l’infirmière et moi nous sommes retrouvées dans l’impasse. Nous n’avons pas pu répondre aux attentes de Madame C et malgré nos explications, notre écoute et notre reformulation, nous ne sommes pas parvenues à lui offrir de réponses acceptables et entendables pour elle. Nous n’avons

29 M. Ruszniewski .Face à la maladie grave, patients, familles, soignants. Dunod, 1999. 30 Cf Annexe III : Mécanismes de défense mis en place par les soignants, p.III

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pas trouvé d’autre alternative que de lui proposer un entretien avec le médecin afin de clarifier le projet de soin de son époux avec elle.

Tous ces mécanismes de défense n’ont qu’un seul but : protéger le soignant, le prémunir de l’angoisse que peut engendrer la confrontation quotidienne à la fin de vie, la maladie, la douleur et la mort. L’essentiel pour le soignant est d’être capable d’identifier ses propres mécanismes de défenses et de décrypter les enjeux qu’ils entrainent pour lui. « L’infirmier doit être capable de recevoir la souffrance d’autrui tout en percevant les résonnances personnelles qui peuvent se lever en lui. Il doit apprendre à identifier les contre attitudes qui montent éventuellement en lui,

afin d’éviter de les mettre en acte. »31 Dans la situation de fin de vie dont il est question ici, le déni de la réalité de la fin de vie de Monsieur C dont faisait preuve son épouse était pour moi difficile à intégrer. Je n’ai pas compris comment elle pouvait se « voiler la face » devant cette issue fatale qui attendait Monsieur C. De plus, l’attitude théâtrale dont faisait preuve Madame C était pour moi inadaptée. Elle recentrait toute l’attention sur elle, car en fait elle souffrait, alors que moi je ne voyais que la souffrance de Monsieur C. Lorsque j’en ai rediscuté avec l’infirmière présente à ce moment, j’ai pris conscience que j’avais une attitude de jugement. En effet, je me focalisais sur le malade et j’omettais de prendre en compte la souffrance de son entourage. Le déni dont elle faisait preuve était évident et masquait une souffrance énorme face à la perte prochaine de son époux. Après coup, nous avons pu faire le constat que nous étions dans la fuite en avant, nous tentions de lui assener une vérité qui lui était impossible à entendre. Pour autant, nous pensions bien faire, il s’agissait pour nous d’informer l’épouse afin de poursuivre la prise en charge de Monsieur C dans les meilleures conditions. Dès lors que j’ai pu identifier ces sentiments, j’ai pu revoir mon approche de la prise en charge globale de la fin de vie et donc de l’accompagnement des malades et de leurs proches. La gymnastique de la gestion d’émotions opposées et intenses auxquelles le soignant est confronté au quotidien lors des accompagnements de fin de vie représente un travail sur soi, une introspection qui se fait au fil des différentes prise en charge et permet d’améliorer sa pratique et sa posture professionnelle.

Identifier ce qui se joue dans la relation triangulaire patient-famille-soignant semble donc être un point essentiel afin de pouvoir mettre en place des stratégies personnelles et professionnelles d’ajustement afin de privilégier l’authenticité de la relation. Ainsi, l’accueil des familles en souffrance, la reconnaissance des attitudes défensives des familles et des patients, l’identification de ses propres mécanismes de défense pour le soignant est indispensable pour mener à bien un accompagnement de qualité du malade en fin de vie et de ses proches.

31 SIEBERT Carole et LE REURES Katy. Les essentiels en IFSI. Processus psycho-

pathologiques. UE 2.6. Elsevier Masson. p 16.

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2.4 / Deuxième niveau de questionnement et problématique

L’analyse de ces différents concepts m’amène à un deuxième niveau de questionnement, me permet de repréciser ma question de départ et de l’affiner.

L’acceptation de la fin de vie se fait-elle plus facilement si la famille bénéficie d’un accompagnement par l’infirmière ?

Est-ce que l’accompagnement des familles par l’infirmière permet de prévenir les deuils pathologiques, les deuils compliqués ?

Les attitudes défensives des familles impactent-elles la prise en charge du patient en fin de vie ?

Le rôle de l’infirmière dans la prise en charge de la fin de vie représente-t-il un facteur favorisant l’acceptation pour les familles ?

Je peux dès lors émettre les hypothèses suivantes :

- L’infirmier joue un rôle primordial dans l’accompagnement des familles confrontées à la fin de vie.

- La posture infirmière est déterminante pour accompagner le cheminement des familles confrontées à la fin de vie de leur proche.

- Les familles présentant des attitudes défensives requièrent des infirmiers un accompagnement spécifique.

Ainsi, ma question de recherche sera plutôt la suivante : En quoi l’accompagnement par l’infirmière d’une famille présentant une attitude défensive face à la prise en charge palliative d’un proche, est-il un élément important de la prise en soin du patient en fin de vie ?

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3 / CADRE PRATIQUE : Les entretiens exploratoires

Dans la continuité de ma démarche de recherche, après avoir documenté et illustré mes concepts et faisant suite à l’élaboration de ma problématique, je me devais de confronter mes hypothèses de recherche à l’opinion de professionnels de santé.

3.1 / Présentation du dispositif et des modalités de l’enquête

Afin d’illustrer mon propos, j’ai donc choisi de réaliser mon enquête exploratoire qualitative auprès de professionnels de terrain sous la forme d’un entretien semi-directif. Le choix de l’entretien semi-directif semblait le plus approprié. En effet, il autorise la personne interrogée à argumenter sur un thème précis et limite les digressions.

J’ai choisi de proposer ce questionnaire tout d’abord à trois infirmières exerçant dans une Unité de Soins Palliatifs car c’est lors de mon stage en Unité de Soins Palliatifs que j’ai été confrontée de plein fouet au déni des familles. Lors de mon dernier rendez-vous une quatrième infirmière s’est proposée de participer elle aussi à ma recherche. J’ai donc décidé de l’intégrer à mon échantillon pour étoffer ma recherche.

Pour ce faire, j’avais d’abord pensé prendre contact via un mail avec le cadre responsable de l’Unité de Soins Palliatifs que j’avais ciblée afin de lui exposer ma requête et de planifier avec lui les dates d’entretien avec les trois infirmières qu’il aurait désignées. En fait, j’ai eu un contact direct avec une infirmière de ce service par le biais d’une étudiante de ma promotion qui y faisait son stage de semestre 5. J’ai donc saisi l’occasion et planifié une entrevue au plus tôt. Ensuite, cette infirmière a programmé les dates de rencontres avec deux de ses collègues.

Les entretiens se sont déroulés dans le cadre du service, sur le temps de travail des professionnels de santé. Ils ont eu lieu dans un endroit propice à la discussion : le salon où sont reçues les familles lors des entretiens avec le médecin et l’équipe et le salon des bénévoles. Les entretiens étaient planifiés de façon à ce que les infirmières aient achevé leurs tâches et soient entièrement disponible pour nos entrevues. Toutes les conditions étaient donc réunies pour que cette enquête évolue dans les meilleures conditions.

J’ai choisi de ne pas dévoiler ma grille d’entretien et les infirmières n’ont pas souhaité la consulter dans un objectif de conserver un effet spontané et que leurs réponses soient objectives et non influencées par la connaissance du thème de mon travail.

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3.2 / Outils de la recherche (grille d’entretien)

Afin de mener à bien mon enquête exploratoire, j’ai réalisé en amont un guide d’entretien.

Je me suis donc appuyé sur les différents concepts que j’avais jusqu’alors développés et j’ai tenté de déterminer les points essentiels que je souhaitais approfondir auprès des professionnels de terrain.

J’ai donc divisé mon questionnaire en quatre sous-parties : une première partie ciblant le parcours professionnel et l’expérience des infirmières interrogées, un deuxième volet permettant d’évaluer leur vision des soins palliatifs, une troisième partie visant à déterminer leur conception de l’accompagnement et un quatrième item faisant un focus sur la prise en charge du déni.

Dans l’optique de l’élaboration de ce dernier et afin que mes entretiens soient les plus exhaustifs possibles, je me suis autorisé un maximum de dix questions. En effet, je présageais que la retranscription de ces entretiens soit fastidieuse et chronophage. Ce fut effectivement le cas pour le premier entretien pour lequel je n’avais pas forcement établi un temps de parole précis. Je me suis donc retrouvée avec 30 minutes d’entretien à retranscrire. Je décidais donc d’imposer un maximum de 20 minutes de temps de parole aux trois autres personnes interrogées.

Par la suite, j’ai retranscrit mes entretiens afin de pouvoir analyser les données que j’avais pu recueillir auprès des professionnels. Je me suis appuyée sur une grille d’analyse afin de pouvoir comparer et analyser leurs propos et ce dans le but de rédiger une analyse linéaire des résultats de mon enquête.

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4 / ANALYSE DE LA RECHERCHE

L’analyse de mon enquête reprend les éléments essentiels que j’ai pu recueillir auprès des professionnels d’une Unité de Soins Palliatifs et fait référence aux concepts étudiés plus haut.

Riches de leurs parcours et de leurs expériences, ces infirmières m’ont permis de confronter mes hypothèses avec la réalité du terrain. Cet échantillon, ne pouvant cependant pas être considéré comme représentatif de ce service, aura été très utile pour ma recherche et m’a autorisé à élargir ma réflexion.

Afin de faciliter la compréhension de ma démarche, je repréciserai pour chaque partie, les questions posées et leurs objectifs. De même, le guide d’entretien ainsi que la grille d’analyse sont consultables en annexe III et IX.

Dans l’optique que mon travail soit le clair possible, j’ai choisi de le fractionner en quatre parties bien distinctes. Tout d’abord, j’ai présenté les infirmières qui ont participées à mon enquête. Je me suis ensuite concentrée sur leur conception des soins palliatifs. Puis, je me suis attardée sur leur vision de l’accompagnement des proches vivant une situation de fin de vie. Enfin, j’ai choisi de cibler mon analyse sur la prise en charge des attitudes défensives et du déni.

4.1 / Présentation de l’échantillon

Je me suis tout d’abord renseignée sur le parcours de chacune des infirmières : l’année d’obtention de leur diplôme, leurs formations spécifiques complémentaires et

leur parcours professionnel. Ceci dans l’optique de déterminer l’expérience et les connaissances de la population ciblée en matière de prise en charge palliative et d’établir si celle-ci est facilitante pour l’accompagnement de l’entourage du patient en fin de vie.

La première infirmière (que je nommerai IDE 1 par souci d’anonymat tout au long de ce travail) a débuté par un Master de Psychologie et c’est à la suite de ses différentes expériences lors d’emplois saisonniers à l’hôpital, qu’elle s’est orientée vers le soin. Elle est donc diplômée depuis 2010 et travaille dans l’Unité de Soins Palliatifs depuis 2011. Elle prépare un DIU Accompagnement et Soins Palliatifs depuis 2014.

La seconde infirmière (IDE 2) a 25 ans, elle est diplômée depuis juillet 2013. Avant d’exercer à l’Unité de Soins Palliatifs, elle a d’abord travaillé dans deux maisons de retraite : un EHPAD et une USLD. Elle est postée à l’USP depuis deux ans. Elle n’a pas de formation complémentaire.

La troisième infirmière (IDE 3) a 32 ans et est diplômée depuis 2009. Avant d’être postée à l’Unité de Soins Palliatifs, elle a travaillé durant quelques mois en service de cardiologie puis a été roulante de nuit pendant près d’un an. Après une pause bébé, elle

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a travaillé dans un EHPAD pendant trois ans. Puis, après une nouvelle pause bébé, elle a repris quelques mois au SSR. Elle travaille à 80% à l’USP depuis bientôt un an.

La dernière infirmière (IDE 4) est diplômée depuis juillet 2015. Elle a commencé sur un poste de nuit en EHPAD. Après avoir été de nuit dans un autre EHPAD-USLD, elle est passée de jour dans ce même établissement. Elle est en poste à l’Unité de Soins Palliatifs depuis octobre 2015.

4.2 / Leur conception des soins palliatifs

1 / Avez-vous choisi de travailler en USP et en êtes-vous satisfaite ?

o a / Si oui, quelles étaient vos représentations et vos motivations ? o b /Si non, quelles étaient vos représentations et en tirez-vous toutefois

une satisfaction ?

Pour les quatre infirmières, les soins palliatifs ne représentaient pas l’inconnu. Elles

avaient déjà des notions sur la prise en charge de la fin de vie.

L’IDE 1 et l’IDE 4 ont découvert les Soins Palliatifs au cours de leur stage

préprofessionnel. L’IDE 2 et l’IDE 4 ont fait leur mémoire de fin d’étude sur la prise en

charge de la fin de vie et les soins palliatifs.

Enfin, il en ressort que même si ce n’est pas un choix personnel c’était tout de même un

souhait à plus ou moins long terme.

En ce qui concerne leurs représentations et la satisfaction qu’elles en tirent, j’ai omis de

poser la question à l’IDE 1 mais celle-ci y avait partiellement répondu dans la question

précédente. En effet, elle fait part de son attrait pour la prise en charge palliative. De

plus, le fait qu’elle prépare un DIU en Soins Palliatifs démontre bien l’intérêt qu’elle porte

à son travail.

De même les quatre infirmières interrogées se disent satisfaites de travailler en USP.

2 / Votre conception des Soins Palliatifs a-t-elle évoluée depuis votre prise de poste ?

Mon objectif était d’identifier la vision globale de la prise en charge de la fin de vie des infirmières interrogées.

Il apparait que pour les quatre infirmières, leur conception des soins palliatifs a évoluée

depuis leur prise de poste.

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L’IDE 2 et l’IDE 4 précisent que leur conception continue d’évoluer jour après jour, au

fur et à mesure des situations auxquelles elles sont confrontées.

L’IDE 3 précise qu’elle a repensé sa conception du soin.

L’IDE 1 dit qu’elle arrive maintenant à prendre plus de recul. Elle rajoute que

l’investissement dans son DIU en Soins Palliatifs lui autorise une réflexion sur le sens qu’elle donne au soin.

4.3 / Leur vision de l’accompagnement des proches

1 / Quelle est votre conception de l’accompagnement vers la fin de vie ?

L’IDE 1 et l’IDE 4 font la distinction entre l’accompagnement des patients et celui des

familles.

L’IDE 1 insiste sur le fait que l’accompagnement va au-delà du savoir-faire, pour elle la

technicité passe au second plan. Ce qui compte c’est le savoir-être. L’accompagnement

des familles nécessite bien entendu le savoir-être mais aussi une présence, une écoute.

Accompagner les familles c’est expliquer, reformuler, rassurer. Cela nécessite des

connaissances et un certain recul.

L’IDE 2 parle, quant à elle, d’un accompagnement pluridisciplinaire et insiste sur le

travail en binôme. Elle met l’accent sur l’écoute, les explications et la reformulation, la

réassurance. Elle évoque l’importance d’une ligne de conduite de l’équipe vis-à-vis des

familles qui testent régulièrement en multipliant les sources d’information et les

interlocuteurs.

L’IDE 3 exprime la notion de confort, d’une fin de vie sans douleur et sans anxiété et

surtout d’un accompagnement personnalisé, au cas par cas.

L’IDE 4 parle d’un accompagnement au quotidien pour le patient. Elle évoque aussi

l’importance de l’écoute dans sa relation avec le patient. Ainsi, elle inclue les soins

techniques et les soins relationnels dans cet accompagnement.

Pour l’accompagnement des familles, elle insiste sur la disponibilité, l’observation des comportements, le fait de porter une attention aux ressentis des familles. Elle est attentive et respecte le désir de communiquer ou non des familles.

2 / Avez-vous reçu une formation spécifique quant à l’accueil et l’accompagnement des familles et des proches ?

o Si oui, cela est-il aidant dans votre pratique quotidienne ? o Si non, vous sentez-vous en difficulté lors de l’accompagnement des

familles ?

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Le but ici était de déterminer si les soignants se sentent suffisamment armés pour accompagner la fin de vie.

Pour ce qui concerne une formation à l’accueil des familles proposée lors de la prise de

poste, Il n’y a pas de formation spécifique à l’accueil des familles proposée.

Toutefois, l’IDE 3 parle d’une base documentaire fournie par le cadre du service et insiste

surtout de la formation « sur le tas », par les collègues de travail.

Quant aux difficultés rencontrées lors de l’accompagnement des familles, les quatre

infirmières se sont senties en difficulté au début de leur prise de poste. Elles évoquent

la difficulté à trouver les bons mots, la bonne attitude avec les familles et le patient.

L’IDE 1 regrette que l’accompagnement ne soit pas plus développé à l’IFSI. De même,

elle déplore le fait de ne pas avoir eu de formation au début de sa prise de poste, et

pense que cela aurait été aidant.

Les quatre infirmières mettent l’accent sur l‘importance du travail en équipe et le fait de

pouvoir s’appuyer sur leur binôme aide-soignant auquel elles reconnaissent la qualité de

leur accompagnement. De même, elles soulignent la transmission des valeurs et bonnes

pratiques dont font preuve les médecins du service. Elles avouent avoir beaucoup appris

lors des entretiens-familles et insistent sur l’acquisition des compétences sur le terrain

liées à l’expérience des situations vécues.

L’IDE 1 met l’accent sur le fait que lorsque l’on est débutant, on n’est pas armé pour

affronter des situations de fin de vie qui sont bien souvent délicates à gérer et auxquelles

il est parfois difficile de faire face.

3 / Pensez-vous que votre démarche d’accompagnement est aidante pour les familles ?

Mon objectif est de savoir si elles se sentent reconnues dans leur pratique au sein de l’équipe pluridisciplinaire.

Les quatre infirmières reconnaissent globalement les bénéfices de leur démarche

d’accompagnement.

L’IDE 1 précise que celui-ci est utile quoi qu’il en soit. Elle évoque l’agressivité, les non-

dits et les réactions des familles pas toujours évidentes à gérer. Elle parle aussi de

colère, d’un refus d’admettre l’évidence de la part des familles. Les soignants peuvent

alors ressentir une certaine lassitude d’avoir à reformuler continuellement. Mais force

est de constater que cette démarche d’accompagnement permet aux familles d’être plus

apaisées et donc d’accepter plus facilement le décès de leur proche.

L’IDE 2 fait, quant à elle, le constat qu’une équipe soudée, avec un discours cohérent

permet un accompagnement efficace des familles.

L’IDE 3 remarque que son investissement auprès du patient et de sa famille est efficace,

qu’ils sont plus sereins lorsqu‘ils ont été écouté et entendus.

Enfin, L’IDE 4 constate les bénéfices du temps qu’elle a consacré, de l’écoute active et

de sa disponibilité auprès des patients et de leur entourage. Elle met l’accent sur le fait

que la reformulation du discours médical permet une meilleure compréhension et permet

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au patient et à sa famille de cheminer et d’intégrer plus facilement la notion de perte et

de fin de vie.

4.4 / La prise en charge des attitudes défensives et du déni

1 / Avez-vous déjà été confronté à des proches en phase de déni suite à l’entrée d’un patient en USP et dont le pronostic de fin de vie avait été évoqué ?

Je cherche à savoir si l’infirmière a déjà eu à faire face au déni d’un proche, d’une famille.

L’IDE 1 décrit plutôt une attitude défensive de la part des familles. Les familles

s’interrogent sur la façon de prendre en charge leur proche. De fait le rythme du patient

est privilégié et cela questionne beaucoup les familles. Elles ont besoin d’être rassurées

afin de pouvoir cheminer sereinement. Cela entraine un travail considérable pour les

équipes : reformulation, écoute, échanges, présence … tout en faisant fi de l’agressivité

et de la colère dont les familles peuvent faire preuve vis-à-vis de l’équipe (en sachant

bien que cela revêt bien souvent d’un fort sentiment de culpabilité).

L’IDE 2 pointe l’impact du terme soins palliatifs qui fait peur et l’ignorance des familles

face aux soins palliatifs. Pour certaines familles c’est synonyme de fin de vie imminente.

Elle dénonce aussi la façon dont l’unité est présentée au patient et à sa famille

(convalescence, séjour de répit …)

L’IDE 3 a souvent été confronté au déni surtout en ce qui concerne l’arrêt ou la limitation

de l’alimentation et de l’hydratation. Les familles n’intègrent pas le fait que le

métabolisme du patient n’est plus capable de gérer les apports. Pour eux s’il ne mange

pas, il va mourir.

L’IDE 4 parle elle de familles refusant d’entendre les informations, n’intégrant pas la réalité de la parole soignante. Elle parle aussi de la nécessité parfois de faire intervenir un tiers pour permettre aux familles de cheminer. Elle évoque aussi la violence de l’annonce qui peut plonger les familles en état de sidération.

2 / Etes-vous parvenu à identifier les mécanismes de défense mis en place par les familles ? Et les votre ?

Cette question doit me permettre de disposer de pistes quant à la gestion du déni, notamment sur le positionnement professionnel infirmier à adopter.

Pour ce qui est des mécanismes de défense des familles :

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L’IDE 1 parle d’attitudes défensives plus que de mécanismes de défense. Elle cite la

culpabilité des familles qui ne peuvent pas prendre soin de leur proche seules jusqu’au

bout. Elle évoque les reproches faits aux soignants quant à leur prise en charge.

Toutefois, elle relativise car elle sait que la colère est tournée vers l’évolution de la

pathologie et non contre eux personnellement.

L’IDE 2 remarque une tentative de clivage de l’équipe de la part des familles. La difficulté

est ressentie par toute l’équipe et notamment les médecins. La façon dont est présentée

l’USP est aussi mise en cause. Pour elle, le service est reconnu et cela ne devrait donc

pas arriver.

L’IDE 3 fait état de l’agressivité retournée contre les soignants, de la méfiance par

rapport à la prise en charge.

L’IDE 4 parle du déni, de la fuite. Elle évoque aussi le deuil anticipé comme mécanisme

de défense des familles. Pour certains, c’est la colère, une colère orientée vers le monde

médical qui est impuissant à sauver leur proche. Elle remarque aussi des personnes très

fermées, refusant de communiquer avec l’équipe. Ces situations mettent en difficulté

l’équipe au niveau de la prise en charge du patient en fin de vie puisqu’il est alors

compliqué d’intégrer l’entourage au projet de vie du patient.

Pour ce qui est des mécanismes de défense des soignants :

L’IDE 1 identifie l’humour comme étant son principal mécanisme de défense. Elle précise

qu’il est beaucoup utilisé au sein de l’équipe pour dédramatiser certaines situations

difficiles. Elle évoque aussi la fuite qu’elle justifie par le fait qu’il est parfois difficile de

recevoir les inquiétudes des familles alors que l’on est épuisé. L’évitement apparait aussi

comme mécanisme de défense, le fait d’avoir à répéter, reformuler constamment peut

conduire à vouloir éviter à avoir à se confronter à une famille qui plus est si elle est

agressive et cherche le conflit, ce qui est parfois le cas. Elle insiste toutefois sur

l’importance du débriefing en équipe qui permet de prendre du recul et d’être moins

affecté.

L’IDE 2 identifie la fuite comme pouvant être un de ses mécanismes de défense. Elle

explique qu’elle relativise la situation et prend sur elle afin de pouvoir désamorcer les

situations difficiles. Ceci dans l’optique d’initier une relation de confiance et de faciliter

le travail de l’équipe.

L’IDE 3 pense être plus dans la médiation, mais dit aussi ne pas se rendre contre de la

façon dont elle réagit.

L’IDE 4 utilise plus la projection. Elle avoue avoir tendance à s’identifier à certains patients.

3 / Selon vous, le déni dont font preuve certaines familles peut-il parasiter la relation avec les soignants et donc impacter la prise en soin de leur proche en fin de vie ?

Cette question doit me permettre d’établir un lien entre la validation du déni des familles et son intégration dans la prise en charge globale du patient.

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L’IDE 1 pense que cela n’influence pas l’accompagnement. Elle précise néanmoins le

besoin parfois pour l’équipe de se recentrer sur le patient. Elle note l’ importance

concédée aux souffrances et aux conflits familiaux parfois au dépend du patient.

L’IDE 2 est d’accord pour dire que le déni des familles peut impacter la prise en charge

du patient. Pour autant, l’équipe essaie d’être toujours centrée sur le patient.

L’IDE 3 pense que le comportement des familles peut engendrer beaucoup d’anxiété

pour le patient en fin de vie.

L’IDE 4 a remarqué que le patient tient compte de ce que pense son entourage. La

confiance dans la blouse blanche n’est pas systématique. Ainsi, l’entourage exerce une influence non négligeable et peut entraver la prise en charge. Ceci peut instaurer un climat d’incompréhension et d’insécurité en ce qui concerne les soins.

4 / Quelles sont d’après vous les attentes des familles envers l’équipe pluridisciplinaire et plus particulièrement des infirmiers ?

L’objectif est d’identifier les représentations qu’ont les infirmiers concernant les attentes des familles afin de répondre au mieux à celles-ci en adoptant une posture professionnelle adéquate.

L’IDE 1 parle de disponibilité, d’écoute, de présence. La famille attend surtout de

l’équipe qu’elle soulage le patient, qu’il ne souffre pas. Elle attend de l’équipe qu’elle le

prenne en charge aussi bien qu’eux auraient pu le faire. Parfois les attentes ne sont pas

toujours clairement exposées. Enfin, elle évoque aussi la difficulté des familles lors de la

phase agonique qui est bien souvent trop longue pour eux mais pour laquelle les

soignants n’ont pas de réponse à apporter.

L’IDE 2 dit que les familles attendent de l’équipe des explications sur le déroulement de

la prise en charge. Elles attendent aussi du soutien de la part de l’équipe. Elle souligne

aussi l’importance d’avoir une attention pour eux, par un sourire, un regard, une parole.

Enfin, pour elle, engager une conversation reste encore le meilleur moyen d’aborder les

sujets sensibles.

L’IDE 3 pense que lorsqu’elles sont dans le déni, les familles attendent que l’équipe se

positionne dans le curatif. Elle note l’importance du parcours de soins avant, la façon

dont l’annonce du diagnostic a été faite et surtout si elle a été intégrée. Le fait de

reprendre avec les familles le projet de vie du patient, le cheminement se fait plus

facilement et la prise en charge est alors plus sereine. Elle insiste aussi sur la façon dont

le service a été présenté et si l’entrée s’est faite avec le consentement du patient.

L’IDE 4 indique que les familles font souvent état de la disponibilité, de l’écoute, du respect dont fait preuve l’équipe vis-à-vis d’eux et de leur proche. Elle remarque que les valeurs infirmières ont autant d’importance pour le patient que pour son entourage. Elle constate enfin que les familles sont attentives aux soins que l’on prodigue à leur proche en fin de vie.

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5 / Peut-on dire selon vous que l’expertise infirmière est un maillon essentiel dans la prévention des deuils pathologiques pour les familles vivant l’expérience de l’accompagnement vers la fin de vie d’un proche.

Je cherche ici à préciser une interaction entre la gestion du déni et l’anticipation, la prévention des deuils pathologiques.

L’IDE 1 rapporte l’importance de remarquer certaines souffrances familiales afin

d’appréhender l’après décès. Elle fait la remarque que si un travail n’est pas fait en

amont, il en résulte souvent un sentiment de culpabilité pour l’entourage. Elle note aussi

la possibilité de faire intervenir le psychologue de l’unité. Selon elle, c’est important de

repérer la difficulté en amont du décès car on peut alors agir, il n’y a pas toujours de

suivi de deuil.

L’IDE 2 indique que les difficultés des familles sont un sujet récurrent abordé lors des

transmissions et staff. Une attention particulière est portée aux couples fusionnels par

exemple, aux enfants … L’important est de remarquer les difficultés car la présence d’un

psychologue dans l’unité permet de proposer un suivi. Cet accompagnement

psychologique peut se faire en amont du deuil mais aussi après.

L’IDE 3 note le fait que les familles reçoivent toutes les informations nécessaires à leur

cheminement et sont donc bien préparées. Elle pense quand même que l’expertise

infirmière est plus visible le weekend car l’infirmière est l’interlocutrice privilégiée des

familles. Elle fait aussi le constat de ne pas avoir encore été confrontée à un deuil

compliqué.

L’IDE 4 précise l’importance qu’elle accorde au ressenti des familles et ce notamment au moment des transmissions. Elle porte une attention particulière à l’observation des réactions et comportements de l’entourage. Ceci lui permet d’évaluer comment sont intégrées les informations qui peuvent être distillées aux familles et ainsi leur cheminement.

6 / Avez-vous pu faire le parallèle entre une situation de déni manifeste et un suivi de deuil compliqué ? Je tente d’établir une relation de cause à effet possible entre un déni et un deuil compliqué.

L’IDE 1 évoque le cas particulier d’un homme dans l’hyper maîtrise qui n’avait pas

intégré que sa femme allait mourir et qui après le décès de celle-ci a remis en question

toute la prise en charge. L’équipe l’a revu après le décès et a repris avec lui la

chronologie de la prise en charge de son épouse. Ceci a suffi à l’apaiser. Elle remarque

que bien souvent le questionnement des familles intervient après le décès. Lors de la

phase agonique, elles sont tellement dans l’affect, parfois même elles sont sidérées,

qu’elles ne parviennent pas à intégrer la séparation. Un suivi de deuil est parfois

nécessaire.

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L’IDE 2 a pu faire le lien. Elle précise que les situations ont été repérées en amont. Elle

remarque aussi que toutes les familles ne sont pas réceptives lorsqu’on leur propose de

rencontrer le psychologue de l’unité.

L’IDE 3 avoue ne pas avoir encore eu à se confronter au deuil pathologique.

L’IDE 4 n’a pas constaté ce genre de situation depuis sa prise de poste. Néanmoins, elle évoque des suivis de deuils, lorsqu’elle a fait son stage préprofessionnel dans le service, par la psychologue de l’unité pour des familles qui ressentaient le besoin de se livrer. 7 / Avez-vous quelque chose à rajouter sur le sujet ? Cette dernière question devait permettre à l’infirmière d’apporter des précisions et me permettre de clôturer l’entretien de façon moins abrupte.

L’IDE 1 retient la notion d’humilité dans l’accompagnement et parle de savoir rester

humble face à la mort. Enfin, elle note que le savoir ne s’apprend pas toujours dans les

livres et que l’on doit tenir compte des leçons du quotidien.

L’IDE 2, quant à elle, n’a rien à rajouter.

L’IDE 3 revient sur les mécanismes de défense, sa confrontation avec des familles dans

le déni et bien souvent agacées. Toutefois, elle n’a pas eu à se défendre contre cette

agressivité mais a plutôt ressenti le besoin de se couvrir via les transmissions. Elle

indique qu’elle explique toujours ce qu’elle est en train de faire au patient et l’intérêt du

soin à l’entourage. Mais elle avoue ne pas avoir conscience des mécanismes qu’elle

peut utiliser.

L’IDE 4 précise que l’USP conjugue à la fois les soins techniques et les soins relationnels

et qu’elle apprécie ici le fait de travailler en équipe pluridisciplinaire et notamment le travail en binôme.

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5 / SYNTHESE : REFLEXION, LIMITES ET PERPECTIVES

Cette enquête exploratoire avait pour objectif de confronter mes recherches théoriques avec la réalité du terrain. Elle devait me permettre de vérifier mes hypothèses à savoir que :

- l’infirmier joue un rôle primordial dans l’accompagnement des familles confrontées à la fin de vie.

- la posture infirmière est déterminante pour accompagner le cheminement des familles confrontées à la fin de vie de leur proche.

- les familles présentant des attitudes défensives requièrent des infirmiers un accompagnement spécifique.

Et ainsi apporter un éclairage à ma question de recherche qui était : En quoi l’accompagnement par l’infirmière d’une famille présentant une attitude défensive face à la prise en charge palliative d’un proche, est-il un élément important de la prise en soin du patient en fin de vie ?

L’analyse des points de vue des infirmières interrogées révèle une adéquation avec mon cadre conceptuel. C’est ce que je me propose de faire apparaître, ci-après, en rappelant les points essentiels développés lors de ces entrevues. Ensuite, je pointerai les limites de ce travail de recherche. Enfin, je terminerai en présentant les perspectives de l’étude via l’élaboration d’une nouvelle question de recherche.

5.1 / Réflexion

Les soins palliatifs :

En ce qui concerne les Soins Palliatifs, le point de vue des quatre infirmières est clair, lorsqu‘elles ont pris poste dans l’unité, elles avaient déjà des représentations de ce qu’est l’accompagnement de la fin de vie. Ceci résulte peut-être du fait qu’elles sont récemment diplômées et que les Soins Palliatifs sont désormais enseignés à l’IFSI, ils font partie intégrante du cursus de formation. D’ailleurs, deux d’entre-elles ont fait leur stage préprofessionnel à l’USP et deux ont choisi pour thème de mémoire les soins palliatifs et la fin de vie. Preuve, s’il en est, que ce sujet est vraiment d’actualité et intéresse le plus grand nombre.

Quoi qu’il en soit, même si exercer en USP n’est pas toujours un choix personnel, il en ressort que c’était tout de même un choix à plus ou moins long terme pour ces infirmières.

Il ressort aussi que leur conception des soins palliatifs évolue au fur et à mesure de leurs expériences d’accompagnement. Et comment pourrait-il en être autrement. Les soignants sont confrontés quotidiennement à la maladie grave, à la mort, à la détresse des familles. Il parait évident que travailler dans une Unité de Soins Palliatifs requiert une remise en question, une adaptabilité et évolution de l’identité professionnelle.

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Enfin, le soignant pense sa pratique et lui donne un sens, c’est le constat que font les infirmières lorsqu’elles évoquent leur conception des soins palliatifs.

Pour ma part, effectuer un stage en Unité de Soins Palliatifs était un souhait. « Le fait d’avoir été soi-même confronté à la mort d’un proche, n’est ni une raison, ni un

empêchement à l’accompagnement des patients en fin de vie. »32 Mon parcours professionnel d’aide-soignante en EHPAD m’a souvent amené à être confrontée à la fin de vie. Lors de ces différents accompagnements, j’ai parfois ressenti un sentiment d’inachevé, d’impuissance aussi souvent. Il me manquait un maillon dans ma prise en charge. L’accompagnement consiste aussi à accompagner jusqu’au bout de la vie et je n’en avais pas toujours les moyens, d’où un sentiment de frustration.

Ainsi, j’espérais que ce stage me permettrait d’acquérir des connaissances en me familiarisant avec l’accompagnement tant des patients que de leur entourage afin de me sentir plus à l’aise face à la fin de vie et d’appréhender de façon plus professionnelle l’accompagnement de la fin de vie. Et c’est au détour de ce stage que la situation de départ pour amorcer cette démarche de recherche m’est apparue. De même, le sujet de cette démarche de recherche m’est apparu évident au cours de ce stage en USP. La découverte des soins palliatifs aura soulevé en moi beaucoup de questionnements et surtout favorisé l’évolution de mon positionnement professionnel. Comme les infirmières que j’ai interrogées, j’adhère complètement à l’idée que l’accompagnement de la fin de vie en USP autorise une réflexion sur le sens que l’on donne au soin et de fait à sa pratique.

L’accompagnement de la fin de vie :

Les infirmières sont toutes d’accord pour dire que l’accompagnement des personnes en fin de vie et de leur entourage les a mis en difficulté à leurs débuts dans l’unité. Elles déplorent l’absence de formation mais déclarent avoir pu s’appuyer sur l’équipe pluridisciplinaire pour acquérir les compétences nécessaires à cet accompagnement. Le partage des expériences et des compétences semble être facilitant dans un service confronté quotidiennement à la souffrance engendrée par la fin de vie. Les infirmières font le constat que l’accompagnement ne se résume pas uniquement au patient en fin de vie mais qu’il inclue aussi son entourage. La conception de l’accompagnement de la fin de vie, tel que la conçoivent les infirmières interrogées lors de mon enquête exploratoire, reprend les thèmes de l’Anaes : « L’accompagnement d’une personne en fin de vie et de son entourage consiste à apporter

attention, écoute, réconfort, en prenant en compte les composantes de la souffrance globale (physique, psychologique, sociale et spirituelle). Il peut être mené en lien avec les associations de bénévoles. L’accompagnement de l’entourage peut se poursuivre après le décès pour aider

le travail de deuil. »33.

32 Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs. Collège des acteurs en soins

infirmiers. L’infirmier(e) et les soins palliatifs. « Prendre soin » : éthique et pratiques, p.47 33Haute Autorité de Santé (en ligne). Conférence de consensus « Accompagnement de la

personne en fin de vie et de ses proches » (avec la participation de l’Anaes et de la SFAP) (Consulté le 5/03/2016). Disponible sur : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Accompagnement_court.pdf

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Elles insistent sur la disponibilité de l’infirmière, ses capacités d’écoute et surtout sur un savoir être qui ne s’apprend pas dans les livres mais s’acquiert au détour des différentes expériences d’accompagnement de fin de vie qu’elles ont pu vivre.

J’ai moi-même fait l’expérience de la difficulté de l’accompagnement des familles et des patients lors de ce stage en USP. J’ai notamment le souvenir de l’accompagnement de la mère d’un patient de 60 ans que je prenais en charge qui aura été pour moi difficile par moment à gérer au niveau émotionnel. Etant moi-même mère d’un garçon, je me suis identifiée au combat de cette maman qui aura accompagnée dignement son fils jusqu’au bout. Il m’était parfois difficile de trouver les mots justes et je me suis sentie à plusieurs reprises submergée par l’émotion. Je repense aussi à l’accompagnement de la fin de vie de ce jeune père de famille de 44 ans qui m’avait aussi touché. Sa situation faisait écho à mon vécu personnel (mon père décédé de la même pathologie au même âge). En rediscutant avec l’infirmière avec laquelle je le prenais en soin, je me suis rendue compte qu’elle ressentait les mêmes difficultés car elle vivait la même situation que moi (son père aussi était décédé dans les mêmes conditions). Le fait de pouvoir en parler nous a permis de dédramatiser la situation et donc d’accompagner plus sereinement le patient.

Enfin, j’ai été agréablement surprise du fonctionnement de l’équipe. J’ai vraiment apprécié ce travail en binôme. En tant qu’étudiant, c’est très sécurisant et cela permet d’être dans de bonnes conditions d’apprentissage. De plus, le travail en pluridisciplinarité est très prégnant dans cette unité. Les échanges sont très enrichissants et l’expérience de chacun des professionnels impliqués apporte réellement un plus. La transmission des bonnes pratiques apparait comme naturelle dans cette unité et les valeurs de l’infirmière ne sont pas en reste.

Murielle Jacquet-Smailovic résume assez bien je trouve ce qu’est l’accompagnement : « Accompagner, ce n’est pas essayer de gommer la réalité de ce qu’éprouvent et ressentent l’ensemble des protagonistes de ce drame (patient, proches et soignants). Accompagner, c’est accorder une importance à la qualité de la relation et du dialogue que le malade, sa famille et l’équipe soignante peuvent avoir. C’est offrir une écoute, un soutien, une attention, c’est prendre soin. C’est assurer aux uns et aux autres une forme d’étai, d’appui que l’on pourrait tout aussi bien appeler solidarité, pour que puisse se traverser ce qui est et restera toujours une crise, jusqu’à ce que les routes se séparent définitivement. 34».

Les mécanismes de défense

J’ai pu remarquer que le terme mécanisme de défense ne semblait pas convenir aux soignantes, elles lui ont préféré celui d’attitudes défensives. Néanmoins, elles font le constat de leur utilisation chez le patient et l’entourage que ce soit le déni, l’angoisse, la culpabilité, le clivage, le deuil anticipé … L’essentiel est alors d’avoir le recul nécessaire afin de ne pas se sentir en difficulté face à l’agressivité qui est parfois retournée contre les soignants afin de pouvoir poursuivre l’accompagnement de la fin de vie dans les meilleures conditions. Le rôle de l’équipe pluridisciplinaire prend alors ici toute sa dimension. Les débriefings permettent de dédramatiser les situations parfois mal vécues et de se recentrer sur l’essentiel.

34 JACQUET-SMAILOVIC Murielle. Avant que la mort ne nous sépare … Patients, familles et soignants face à la maladie grave. Bruxelles : Editions De Boeck, 2006. p.167.

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Ces mécanismes inconscients sont bien souvent la résultante d’une méconnaissance des soins palliatifs. En effet, les infirmières mettent l’accent sur le fait que la façon dont l’unité est présentée au patient et à son entourage influence leur cheminement. En effet, s’ils pensent être dans un service de convalescence, ils s’installent dans le déni, sont alors dans l’attente de soins curatifs et éprouvent des difficultés à intégrer la notion de prise en charge palliative. Il y a donc encore une marge de progression quant à la communication qui peut être faite sur les soins palliatifs. Si l’on veut que les patients et leurs familles puissent cheminer dans leurs processus de pertes, ils doivent connaître les tenants et aboutissants d’une prise en charge palliative. Lorsque le cheminement est amorcé, les soignants ressentent moins de difficultés dans la prise en charge.

Cette enquête démontre aussi les difficultés qu’ont les soignants à identifier les parades inconscientes qu’ils mettent en place pour faire face aux prises en charges souvent compliquées. L’humour, la fuite, l’identification projective sont autant de mécanismes de défense mis en place par les infirmières interrogées. Je pense qu’il serait bénéfique de réfléchir à son positionnement lors de ces situations où angoisse, culpabilité et parfois agressivité parasitent la relation. Ma situation de départ, présente le tableau d’une épouse dans le déni, à la limite du deuil anticipé. L’analyse après coup de notre confrontation avec l’épouse de Monsieur C. nous a permis de dédramatiser la situation. J’ai pu exposer mes ressentis, mes réticences face à cette situation. Ma réflexion m’a amenée à verbaliser avec l’équipe sur la gestion des émotions des soignants, sur la notion de jugement aussi. Ce questionnement tout au long de cette prise en charge m’a permis de dégager mes implications émotionnelles trop fortes et de retourner plus sereinement auprès du patient.

En Unité de Soins Palliatifs il est question du projet de vie du patient, même si cela peut paraitre étonnant. L’intégration de l’entourage à ce projet de soin est essentielle mais demande toutefois beaucoup d’énergie aux soignants car elle sous-entend un travail de reformulation, une écoute active, une disponibilité de tous les instants. Les valeurs infirmières sont mises à contribution et apparaissent tout aussi importantes pour le patient que pour l’entourage.

Ce travail d’accompagnement du patient et de sa famille réalisé en amont prend tout son sens lorsqu’il permet de repérer les difficultés lors de ce cheminement vers la perte inéluctable du proche en fin de vie. En effet, repérer les mécanismes de défenses permet d’évaluer le degré de cheminement de la personne et ainsi parfois d’anticiper un deuil qui pourrait s’avérer compliqué. L’expertise de l’équipe prend toute sa dimension ici, le rôle de chacun est important et il s’agit de savoir passer le relais lorsque c’est nécessaire. Ce qui a été le cas dans la situation de départ que j’ai décrite. En effet, l’infirmière et moi nous sommes retrouvées à bout d’arguments et démunies face à l’épouse de Monsieur C qui n’entendait pas nos explications. Nous avons donc passé le relais au médecin. Il est essentiel de garder en mémoire que le temps du patient n’est pas le temps de la famille et encore moins le temps du soignant. Les cheminements se font de façon parallèle, chacun à leur rythme.

Finalement, cette enquête exploratoire menée auprès des professionnelles de terrain sera venue conforter les hypothèses que j’avais pu émettre à savoir que :

- l’infirmier joue un rôle primordial dans l’accompagnement des familles confrontées à la fin de vie.

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- la posture infirmière est déterminante pour accompagner le cheminement des familles confrontées à la fin de vie de leur proche.

- les familles présentant des attitudes défensives requièrent des infirmiers un accompagnement spécifique.

Par l’analyse de ces résultats, je peux m’autoriser à confirmer ma question de recherche qui était : En quoi l’accompagnement par l’infirmière d’une famille présentant une attitude défensive face à la prise en charge palliative d’un proche, est-il un élément important de la prise en soin du patient en fin de vie ?

5.2 / Limites de l’enquête

Cette enquête n’a pas la prétention d’être exhaustive ni représentative de la population

soignante. En effet, mon échantillon se compose de quatre infirmières et je me suis

cantonnée à une seule Unité de Soins Palliatifs. Je note néanmoins une cohérence et

pas de divergences notables dans les différentes réponses qu’ont pu m’apporter les

infirmières interrogées lors de mon enquête exploratoire.

De même, lorsque j’ai choisi le sujet de cette démarche de recherche, j’avais dans

l’optique d’interroger trois infirmières en particulier, du fait de leur expérience, de leur

ancienneté dans l’unité et car l’une d’entre elle était déjà titulaire d’un DIU

Accompagnement et Soins Palliatifs. Cela s’est avéré impossible car deux d’entre elles

(notamment celle titulaire du DIU) sont depuis en congé maternité. J’ai dû me résigner

à changer mes projets et j’ai donc décidé d’interroger quatre infirmières afin de disposer

d’un échantillon panaché.

Si je devais mettre un bémol quant aux résultats de cette étude, ce serait par rapport à

la formulation de mes questions qui n’ont pas toujours été bien comprises par les

professionnelles de santé (notamment en ce qui concerne l’expertise infirmière) ce qui

a entrainé des réponses pas toujours ajustées. De même, certaines infirmières ont

éprouvées des difficultés à identifier leurs mécanismes de défense. A postériori, je pense

que j’aurais dû leur rappeler les différents mécanismes possibles, mais j’avais peur que

de fait, leurs réponses soient orientées et donc moins objectives.

J’ai dû aussi faire face à quelques problèmes techniques lors du transfert des

enregistrements vocaux de mon téléphone portable vers mon ordinateur, problèmes vite

résolus et sans conséquence pour la suite de ce travail de recherche.

Ce travail de recherche a le mérite d’avoir impulsé une réflexion quand à ma posture

professionnelle. Il m’a aussi ouvert d’autres pistes de réflexions que je développerai dans

le chapitre suivant : les perspectives de l’étude.

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5.3 / Perspectives de l’étude

Ces entretiens menés auprès d’infirmières sont venus conforter mes hypothèses de recherche.

Elles ont beaucoup insisté sur le temps qu’elles consacrent à l’accompagnement que ce soit du patient en fin de vie ou à l’accompagnement de son entourage. Elles sont réellement impliquées au quotidien dans ce rôle et insistent bien sur la notion de travail pluridisciplinaire et notamment du travail en binôme. Elles font également le constat que cet accompagnement de qualité leur semble être plus compliqué à appliquer dans les autres services de l’hôpital. Elles estiment avoir un vrai confort de travail en exerçant en Unité de Soins Palliatifs.

Ceci m’amène donc à m’interroger sur l’accompagnement de la fin de vie hors des murs de l’Unité de Soins Palliatifs et me permet d’introduire le questionnement suivant :

- l’accompagnement de la fin de vie est-il transposable dans un service de court séjour ?

- peut-on concilier réalité du terrain et accompagnement de qualité ? - l’institution autorise-t-elle cet investissement ?

Je pense que ce sujet mérite qu’on s’y attarde plus longuement et pourrait faire l’objet d’une nouvelle démarche de recherche dont la problématique pourrait être la suivante :

Dans quelle mesure l’infirmière peut-elle réaliser un accompagnement de fin de vie dans un service ne disposant pas de lits identifiés en soins palliatifs ?

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CONCLUSION

Cette démarche de recherche, initiée par une situation que j’avais vécue lors de mon stage en USP, m’a amené à m’interroger sur l’importance de l’accompagnement par l’infirmier d’une famille présentant une attitude défensive face à la prise en charge palliative d’un proche. Après avoir défini les trois concepts que sont les soins palliatifs, l’accompagnement et les mécanismes de défense, j’ai réalisé une enquête auprès de quatre professionnelles exerçant dans une Unité de Soins Palliatifs afin de confronter mes hypothèses de recherche à la réalité du terrain. Force est de constater que l’infirmier(e) joue un rôle primordial dans l’accompagnement des familles confrontées à la fin de vie. En effet, l’infirmière reste l’interlocuteur privilégié lors de l’accompagnement des familles confrontées à la fin de vie d’un proche. De même, il apparait que la posture infirmière est déterminante pour accompagner le cheminement des familles confrontées à la fin de vie de leur proche. En effet, les valeurs infirmières prennent ici toute leur dimension. Le savoir-être, la disponibilité, l’écoute active, la reformulation sont autant d’outils dont doivent disposer les infirmières afin de pouvoir accompagner le cheminement des patients et de leur proches. Enfin, les familles présentant des attitudes défensives requièrent des infirmiers un accompagnement spécifique. L’accompagnent représente un investissement pour les infirmières, investissement nécessaire et profitable dans la plupart des cas. La reconnaissance des difficultés des familles permet le cheminement de celles-ci. Cependant, quelques axes d’amélioration seraient envisageables notamment en ce qui concerne les difficultés rencontrées par les jeunes diplômés lors de leur première prise de poste. De même, une valorisation de l’enseignement des Soins Palliatifs semble essentielle dans l’optique d’une prise en charge globale et efficiente des patients en fin de vie.

Ce mémoire d’initiation à la recherche m’a accompagné tout au long de cette troisième et dernière année de formation. Aborder le thème de l’accompagnement de la fin de vie m’a permis d’améliorer mes capacités réflexives, de développer mon analyse critique, de faire évoluer mon positionnement de future professionnelle. De même, les recherches effectuées pour illustrer mon travail m’ont ouvert de nombreuses pistes de réflexion. Mais c’est surtout au contact de ces infirmières qualifiées et bienveillantes que j’ai le plus appris sur l’accompagnement et surtout sur moi-même. Je suis convaincue que les soins palliatifs revêtent un caractère crucial pour la formation initiale des infirmiers. La prise en charge globale des patients ne saurait être complète sans l’accompagnement de la fin de vie. Le fait d’avoir effectué un stage de dix semaines en Unité de Soins Palliatifs m’a permis de confirmer mon positionnement au regard de la fin de vie. Les différentes prises en charges auxquelles j’ai pu participé m’ont confortée du bien-fondé de l’instauration des Unités de Soins Palliatifs. De plus, j’ai pu y rencontrer un personnel attentif, disponible, et aguerri aux bonnes pratiques quant à l’accompagnement de la fin de vie.

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Les soins palliatifs et l’accompagnement représentent un sujet qui me tient à cœur et pour lequel je me suis passionnée et beaucoup investie notamment au cours de mon stage en Unité de Soins Palliatifs.

Cette démarche de recherche est venue conforter mon projet professionnel. Ainsi, j’ai dans l’optique de compléter ma formation initiale avec un DIU Accompagnement et Soins Palliatifs afin d’approfondir mes connaissances et mes compétences et pourquoi pas à long terme intégrer une unité de soins palliatifs.

« Il ne suffit pas de fixer un certain nombre de règles de bonnes pratiques pour ’’s’en sortir’’ face à la mort de l’autre. C’est plus compliqué. La mort nous sollicite au-delà de ce que l’on peut et de ce que l’on pense ».

Emmanuel Hirsch.35

35 DE BROCA Alain. Douleurs, soins palliatifs, deuils. 3ème éd. Issy-les-Moulineaux : Elsevier

Masson, 2008. p.121

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Legifrance.gouv.fr (en ligne). (Consulté le 1er/05/2016). Disponible sur : http://www.sante.gouv.fr

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Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=E8A3C1278DD67213FF794103194B5FAB.tpdila07v_1?cidTexte=JORFTEXT000000227015&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000000026343

Loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000446240&categorieLien=id

Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des

malades et des personnes en fin de vie : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031970253&categorieLien=id

Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative (en ligne). (Consulté le 29/02/2016). Disponible sur : http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/charte_a4_couleur.pdfhttp://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/charte_a4_couleur.pdf

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Haute Autorité de Santé (en ligne). (Consulté le 5/03/2016). Disponible sur : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Accompagnement_court.pdf

Conférence de consensus « Accompagnement de la personne en fin de vie

et de ses proches » (avec la participation de l’Anaes et de la SFAP)

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ANNEXES

Annexe I : Liste des sigles utilisés p. I

Annexe II : Charte du patient hospitalisé p. II

Annexe III : Mécanismes de défenses mis en place par les soignants p. III

Annexe IV : Grille d’entretien p. V

Annexe V : Retranscription Entretien n°1 p. VII

Annexe VI : Retranscription Entretien n°2 p. XIII

Annexe VII : Retranscription Entretien n°3 p. XVIII

Annexe VIII : Retranscription Entretien n°4 p. XXII

Annexe IX : Grille d’analyse des entretiens p. XXVIII

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ANNEXE I : Liste des sigles utilisés

- ANAES : Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé

- APA : Allocation Personnalisée d’Autonomie

- AS : Aide-Soignante

- CHU : Centre Hospitalier Universitaire

- EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes

- EMSP : Equipe Mobile de Soins Palliatifs

- DIU : Diplôme Inter-Universitaire

- IDE : Infirmier Diplômé d’Etat

- IFSI : Institut de Formation en Soins Infirmiers

- LISP : Lits Identifiés en Soins Palliatifs

- SFAP : Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs

- SSR : Soins de Suite et de Rééducation

- USLD : Unité de Soins de Longue Durée

- USP : Unité de Soins Palliatifs

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II

ANNEXE II : Charte du patient hospitalisé

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III

ANNEXE III : Mécanismes de défenses mis en place par les soignants36

La technicisation : le soignant se réfugie derrière les protocoles et la technique. Objectif : prendre de la distance avec les affects et l’angoisse potentiellement engendrée par la prise en charge du patient. Conséquences : le patient se retrouve relégué à être un objet de soin.

La banalisation : le soignant évite l’envahissement émotionnel en se focalisant sur une seule partie du sujet (vérité partielle et tronquée). Objectif : le soignant prend de la distance en maintenant l’action sur un domaine concret, connu et maîtrisé. Conséquences : le patient et ses proches ne se sentent pas reconnus.

Le mensonge : le soignant masque la vérité en donnant volontairement de fausses

informations sur la nature de la gravité de la maladie. Objectif : protéger le patient, parfois gagner du temps ou reporter son angoisse. Conséquences : entraine une entrave au mécanisme psychique d’angoisse nécessaire au cheminement du patient.

La fuite en avant : pousse le soignant à s’enfermer dans une surenchère comportementale (le soignant se décharge de toute la vérité, il dit tout et ce tout de suite) ou médicamenteuse (le soignant cherche à pousser le médecin à prescrire). Objectif : se délivrer de l’angoisse liée à la vérité. Conséquences : entraine une sidération du malade, majore son angoisse et conforte son impuissance face à l’évolution de la maladie.

La fausse réassurance : le soignant manifeste un optimisme inadapté à la situation et

donne de faux espoirs au patient. Objectif : entretenir chez le patient un espoir vain. Conséquences : décalage entre la réalité de l’évolution de l’état du malade et la progression du processus de deuil engagé par le patient et son entourage.

La rationalisation : le soignant met à distance ses affects et ses angoisses en utilisant un langage opaque, elle permet au soignant de se retrancher derrière un savoir médical, avec l’utilisation d’explications dans un jargon professionnel non accessible au patient et à ses proches.

36 Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs. Collège des acteurs en soins

infirmiers. L’infirmier(e) et les soins palliatifs. « Prendre soin » : éthique et pratiques. 4ème éd. Elsevier Masson, 2009. p.48-49 SIEBERT Carole et LE NEURES Katy. Les essentiels en IFSI. Psychologie, sociologie, anthropologie. UE 1.1 Elsevier Masson, 2010. p. 203

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IV

Objectif : éviter de s’engager pas sur le plan émotionnel. Conséquences : la communication ne se fait plus, le vide devient générateur d’angoisse pour le malade et son entourage.

La dérision : le soignant utilise ici l’ironie et la dérision afin de maintenir à distance des

émotions qui lui seraient difficilement supportables. Objectif : minimiser, prendre de la distance. Conséquences : le malade se retrouve confronté au silence et à la solitude, confiné dans l’angoisse.

L’identification projective : le soignant établit un rapport fusionnel avec le patient sur la base d’un vécu commun, partagé ; le soignant se substitue au patient et transfert sur lui certains aspects de sa propre personnalité. Objectif : dissoudre la distance. Conséquences : enfermement du patient, partage de la souffrance qui le cantonne dans un « non-dit » d’incompréhension.

L’esquive : le soignant parle de tout et de rien afin d’éviter que le patient n’exprime sa souffrance. Il ne parvient pas à faire face à la maladie et à la souffrance psychique du patient. Il dévie la conversation et n’apporte jamais de réponse aux questions que le patient lui pose. Objectif : éluder l’angoisse dont le patient et ses proches pourraient faire preuve. Conséquences : engendre et entretien un sentiment de solitude du patient et de son entourage.

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V

ANNEXE IV : Grille d’entretiens

1 / Population ciblée

- 1.1 / Nom, âge - 1.2 / Année d’obtention du diplôme et formations spécifiques

complémentaires - 1.3 / Parcours professionnel

Objectif : Déterminer l’expérience et les connaissances de la population ciblée en matière de prise en charge palliative et établir si celle-ci est facilitante pour l’accompagnement de l’entourage du patient en fin de vie.

2 / Leur vision des soins palliatifs

- 2.1 / Avez-vous choisi de travailler en USP et en êtes-vous satisfaite ? o a / Si oui, quelles étaient vos représentations et vos motivations ? o b /Si non, quelles étaient vos représentations et en tirez-vous toutefois

une satisfaction ? - 2.2 / Votre conception des Soins Palliatifs a-t-elle évoluée depuis votre

prise de poste ?

Objectif : identifier la vision globale de la prise en charge de la fin de vie des infirmières interrogées.

3 / Leur vision du rôle IDE dans l’accompagnement vers la fin de vie

- 3.1 / Quelle est votre conception de l’accompagnement vers la fin de vie ? - 3.2 / Avez-vous reçu une formation spécifique quant à l’accueil et

l’accompagnement des familles et des proches ? o Si oui, cela est-il aidant dans votre pratique quotidienne ? o Si non, vous sentez-vous en difficulté lors de l’accompagnement des

familles ? - 3.3 / Pensez-vous que votre démarche d’accompagnement est aidante pour

les familles ?

Objectif : Déterminer si les soignants se sentent suffisamment armés pour accompagner la fin de vie et s’ils se sentent reconnus dans leur pratique au sein de l’équipe pluridisciplinaire.

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4 / Réactions IDE face au déni des familles et répercussions dans la prise en soin du malade en fin de vie

- 4.1 / Avez-vous déjà été confronté à des proches en phase de déni suite à l’entrée d’un patient en USP et dont le pronostic de fin de vie avait été évoqué ? Objectif : Savoir si l’infirmier a déjà eu à faire face au déni d’un proche, d’une famille.

- 4.2 / Etes-vous parvenu à identifier les mécanismes de défense mis en place par les familles ? Et les votre ? Objectif : Disposer de pistes quant à la gestion du déni, notamment sur le positionnement professionnel infirmier à adopter.

- 4.3 / Selon vous, le déni dont font preuve certaines familles peut-il parasiter

la relation avec les soignants et donc impacter la prise en soin de leur proche en fin de vie ? Objectif : établir un lien entre la validation du déni des familles et son intégration dans la prise en charge globale du patient.

- 4.4 / Quelles sont d’après vous les attentes des familles envers l’équipe pluridisciplinaire et plus particulièrement des infirmiers ? Objectif : Identifier les représentations qu’ont les infirmiers concernant les attentes des familles afin de répondre au mieux à celles-ci en adoptant une posture professionnelle adéquate.

- 4.5 / Peut-on dire selon vous que l’expertise infirmière est un maillon essentiel dans la prévention des deuils pathologiques pour les familles vivant l’expérience de l’accompagnement vers la fin de vie d’un proche. Objectif : Préciser une interaction entre la négation du déni et l’anticipation, la prévention des deuils pathologiques.

- 4.6 / Avez-vous pu faire le parallèle entre une situation de déni manifeste et un suivi de deuil compliqué ? Objectif : Tenter d’établir une relation de cause à effet possible entre un déni et un deuil compliqué.

- 4.7 / Avez-vous quelque chose à rajouter sur le sujet ? Objectif : Permettre à l’IDE d’apporter des précisions, clôturer l’entretien de

façon moins abrupte.

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VII

ANNEXE V : Retranscription Entretien IDE n°1

Interview d’une infirmière en Unité de Soins Palliatifs. J’emploie le tutoiement tout au long de l’entretien à sa demande afin que l’entretien reste crédible puisque j’ai l’occasion de travailler avec elle lors de ma formation.

Moi : Es-tu d’accord pour que j’enregistre la conversation et qu’elle me serve à la retranscription pour mon mémoire, ça restera anonyme bien entendu ?

IDE 1 : Oui, y a pas de soucis.

Moi : Ok, bon, on va commencer… Alors déjà j’aimerai bien que tu m’énonces ton parcours professionnel, tes diplômes … les formations que tu as en fait.

IDE 1 : D’accord. J’ai débuté par un master de psychologie et je me suis orientée vers le soin infirmier au cours de mes expériences d’emploi saisonniers à l’hôpital, ça m’a donné envie de, je me suis trouvée au plus près du patient et je trouvais que ça se rapprochait de mon concept de soin. Donc j’ai passé mon diplôme en 2010, je suis infirmière depuis 2010 et je travaille en Unité de Soins Palliatifs depuis 2011, donc ça fera bientôt 5 ans. Et depuis 2014, j’ai débuté un DIU d’Accompagnement en Soins Palliatifs.

Moi : Ok. Heu donc est-ce que c’est toi qui as choisi de travailler en Unité de Soins Palliatifs et est-ce que tu en es satisfaite ?

IDE 1 : Oui, alors j’ai découvert l’Unité de Soins Palliatifs au cours d’un stage préprofessionnel et ça correspondait vraiment à mon idéal de soin à travers le travail en binôme et vraiment une prise en charge globale du patient comme je l’entendais quoi. Et c’est vraiment un travail qui me satisfait.

Moi : Et du coup est-ce que ta conception des soins palliatifs a évoluée depuis ta prise de poste ?

IDE 1 : Hum …

Moi : Avec l’expérience, au fur et à mesure ?

IDE 1 : Heu bein oui, je pense que j’ai cheminé, j’ai progressé dans la prise en charge, le soutien des familles notamment et je prends peut-être plus de recul sur certaines situations grâce au DIU aussi qui m’a permis de réfléchir un peu à ma pratique et au sens que je donnais au soin notamment.

Moi : D’accord. Heu on va parler un eu de l’accompagnement vers la fin de vie. J’aurais voulu savoir qu’est-ce que … quelle est ta conception de l’accompagnement en fin de vie.

IDE 1 : Après ça dépend de ce qu’on entend par fin de vie en fait. Je sais pas si c’est … quelque part tous les patients qu’on accueille sont en fin de vie …

Moi : Oui

IDE 1 : Est-ce que c’est plus … si c’est l’accompagnement en fin de vie … Comment je conçois ça ? C’est ça ?

Moi : Oui, comment tu conçois l’accompagnement des familles, des personnes hospitalisées dans l’unité.

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IDE 1 : Heu l’accompagnement infirmier va au-delà de la technicité du soin. Voilà, l’accompagnement pour moi c’est vraiment, ça va au-delà du savoir-faire … c’est savoir être avec les patients, les familles et l’équipe, parce que c’est un travail d’équipe aussi l’accompagnement. C’est du savoir être. Savoir être avec et savoir être là tout simplement. C’est pas toujours évident parce que dans certaines situations, notamment en phase agonique où il y a moins de technicité à proprement parlé, on fait … la toilette est moins conséquente, on parle de soins de confort même s’il y a des soins de confort dans tout accompagnement. En fin de vie en particulier, il y a plus de place à … comment dire ça … la technicité est en arrière-plan je trouve, on est plus dans l’attention, l’observation aussi du patient, on respecte d’avantage son rythme à lui je trouve. Autant avant on lui impose un peu, quelque part les soins … Je vais vous faire vos pansements, je vais vous faire votre toilette … Quand c’est en fin de vie déjà de manière générale on respecte le rythme du patient et d’autant plus en phase agonique je trouve qu’on … qu’on attache plus d’importance à être présent tout simplement. Des fois heu c’est pas que tenir la main, c’est pas ça parce que des fois on entend ça : c’est tenir la main mais non. Pour donner un exemple …heu c’était de nuit avec ma collègue aide-soignante, on rentre dans une chambre et on sent que le patient est en phase agonique et que le décès est plus ou moins imminent et là notre priorité c’est pas d’aller chercher un traitement pour l’apaiser ou heu … parce que là on le sentait un peu anxieux et pour moi là la priorité c’était pas de faire par exemple du Midazolam, c’était juste de prendre le temps de s’assoir à ses côtés, de lui faire sentir qu’on était là auprès de lui, de lui parler pour le rassurer, lui dire qu’il n’était pas seul dans cette épreuve là et on l’a accompagné pour le coup, heu je trouve juste qu’au bout, on est resté présentes à son chevet jusqu’à son décès. Ça a duré une vingtaine de minutes et je pense que c’est ça vraiment le propre de l’accompagnement, c’est savoir être. Etre là et avec le patient.

L’accompagnement des familles après c’est autre chose. Savoir être là oui, savoir être présent auprès d’eux. C’est savoir aussi expliquer les choses, rassurer, il faut avoir un certain recul et des connaissances pour pouvoir les accompagner dans cette épreuve parce qu’ils ont des craintes, tout comme le patient, de savoir comment ça va se passer, est-ce qu’il va souffrir et il faut pouvoir être là pour les rassurer et des fois on redit beaucoup les mêmes choses mais c’est important de les dire et de les répéter pour que ce soit bien entendu par tout le monde et les rassurer quelque part.

Moi : Et justement, est–ce que tu as reçu une formation spécifique quant à l’accueil des familles ?

IDE 1 : J’en ai fait la demande il y a trois ans, quatre ans même, trois ans sur … et j’attends toujours !

Moi : D’accord. Et du coup, tu penses que tu es plus en difficulté ? Tu te sens en difficulté par rapport au fait de ne pas l’avoir eu ? Tu penses que ça aurait été aidant pour toi d’avoir une formation ?

IDE 1 : Oui ça aurait été aidant. Je me suis sentie en difficulté à mes débuts parce que quand on est étudiante on se lance mais on a toujours quand même le filet du professionnel à côté et à mes débuts c’était pas évident. Quand on est seule, le weekend, la nuit de pouvoir accompagner les familles, de savoir quoi leur dire, de savoir aussi l’attitude qu’on doit avoir auprès d’eux. Est-ce qu’il faut être heu physiquement présent ou savoir s’effacer au bon moment, c’est pas évident. Et savoir quoi leur dire exactement, c’est pas facile … c’est … on apprends pas ça à l’école et moi j’ai beaucoup appris avec l’expérience, avec également le travail en équipe, les discussions avec mes collègues, les échanges avec les médecins ou la psychologue. Ils nous conseillent et je

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sais que dans l’unité on fait des rendez-vous famille, on fait le point sur la situation avec le patient, l’entourage, le médecin et un soignant ; et c’est pendant ces entretiens là que j’ai appris énormément de choses sur la manière d’aborder les choses difficiles, comme heu, comme l’éventualité du décès parce que heu on a beau savoir que la personne est malade, la famille n’est pas toujours prète à la séparation et on a , heu pour ma part en tous cas, j’ai beaucoup appris à travers ces entretiens famille avec le médecin. Savoir comment formuler heu les phrases, comment heu…

Moi : Quel ton employer …

IDE 1 : Quel ton employer, quels mots surtout heu utiliser. C’est pas un exercice évident et oui il faut une formation … ils la proposaient ils y a quelques années, ils ne la proposent plus sur l’hôpital et c’est dommage parce que quand on arrive dans un service comme celui-ci heu les familles sont vraiment en souffrance heu, elles ne sont pas préparées à la séparation. C’est pas évident d’arriver non formée dans un service comme celui-ci surtout quand on est jeune diplômée et qu’on a pas assez de bouteille pour affronter des situations violentes des fois … parce que tous les décès ne sont pas paisibles malgré les traitements. Il faut pouvoir être armée, je trouve pour heu … pour faire face. Pour accompagner convenablement les familles.

Moi : Et justement, dans ta démarche d’accompagnement auprès des familles, des proches ou de l’entourage, est-ce que tu as pu heu observer les bénéfices sur heu sur justement les familles ? Est-ce que tu vois que votre accompagnement est heu utile ?

IDE 1 : Alors heu … il est utile quoi qu’il en soit. Parce que toutes les situations ne se passent pas de la manière la plus fluide qu’on le voudrait. Il y a beaucoup d’agressivité dans certaines situations, parce que le parcours du patient a été difficile, parce qu’il y a eu beaucoup de non-dits et certaines familles réagissent difficilement à notre manière de fonctionner ici, ils savent que la personne proche est en fin de vie et il y a de la colère, c’est pas visé contre nous, il y a des difficultés à accepter la survenue d’un décès plus ou moins proche ; ça arrive qu’on soit pris à partie parce qu’on ne fait pas suffisamment de choses pour leur proche ou parce qu’ils ne comprennent pas pourquoi il se dégrade brutalement … et ils refusent aussi d’admettre l’évidence et des fois nous on trouve, c’est vrai, fatiguant de répéter souvent les mêmes choses mais on constate quand même que malgré tout ils sont plus apaisés, soit au moment de l’agonie ou après le décès. On sent que les familles sont plus apaisées et plus à même d’accepter le décès du patient. Je trouve que oui la … heu un accompagnement même s’il n’est pas satisfaisant pour nous sera quand même bénéfique pour la famille. Même si ça ne se ressent pas dans l’immédiat, ça servira surement pour le deuil par la suite.

Moi : Justement par rapport à ça, je voulais te demander si tu avais déjà été confrontée à des proches qui sont vraiment en phase de déni suite à l’entrée d’un de leur proche et dont le pronostic vital était engagé à plus ou moins long terme ?

IDE 1 : Je sais pas si on peut parler de déni à proprement parlé mais je … ouais, comment dire ça … Ben là en ce moment, par exemple, on a un monsieur qui est entré il y a une semaine aujourd’hui et ce monsieur déjà le jour de l’entrée on a senti la famille sur la défensive et très interrogatrice de notre façon de prendre en charge monsieur. Et c’est vrai que ça peut déboussoler un petit peu les gens quand on leur dit qu’on va au rythme du patient, que s’il refuse de manger heu on ne l’alimente pas de force, de quelque manière que ce soit, que ce soit naturellement ou par perfusion. C’est des choses très difficiles parce que le monsieur est quand même dans un état très précaire et on sentait bien que la famille n’était pas prête à entendre ce genre de choses. Donc

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dès le lendemain de l’entrée, on a convenu d’un entretien avec le médecin pour faire un point sur la situation, ça a duré plus d’une heure … on a parlé entre autres choses de l’alimentation, qu’il était difficile de pouvoir l’envisager au vue des symptômes difficiles qu’avait le monsieur comme des nausées, des vomissements itératifs, il était en occlusion et très endormi, trop endormi, il faisait des fausses-routes. Donc les explications ont été données longuement et pourtant à la fin de l’entretien, c’était l’heure du repas de midi, elles nous ont demandé de lui donner à manger. Donc c’est compliqué, on a réexpliqué les choses qu’on venait d’expliquer, le weekend s’est passé, on a refait une entrevue le mardi matin et on a senti que la situation était beaucoup plus apaisée heu dès mardi après-midi. Elles étaient moins, la famille était moins dans la demande heu d’alimentation, de mobilisation heu, elles avaient l’air d’accepter d’avantage que monsieur soit épuisé et qu’il lâchait prise entre guillemets. Et on sent que la situation évolue, chemine mais ça fait quand même heu beaucoup de temps d’échange pour y parvenir, c’est énormément de présence et d’écoute. C’est savoir recevoir les inquiétudes des familles parce que souvent leurs propos un peu agressifs c’est de la colère contre la maladie hein, c’est pas contre nous ni contre notre prise en charge. Là, on voit qu’en une semaine y a quand même eu trois entretiens famille, c’est beaucoup … plus de longs échanges à chaque roulement avec l’équipe et la famille, donc ça fait énormément d’échanges, d’écoute et de propos répétés en boucle pour leur permettre de cheminer et d’apaiser la situation le plus possible pour l’accompagnement de monsieur dans ses derniers instants.

Moi : Donc ça fait que du coup, tu arrives dans ces conditions-là à identifier les mécanismes mis en place par les familles … les mécanismes de défense et par la même les tiens aussi … parce que forcément c’est pas toujours évident quand vous devez vous investir, heu le fait de répéter … c’est compliqué quoi

IDE 1 : Ben c’est pas toujours …

Moi : Ou on n’a pas forcément envie de rentrer dans la chambre au bout d’un moment …

IDE 1 : C’est pas toujours facile … avec l’expérience oui on reconnait les attitudes défensives des familles parce qu’il y a de la culpabilité de pas pouvoir s’occuper de la personne malade à la maison jusqu’au bout ; ça, ça revient souvent. C’est souvent dans ces cas-là qu’on nous reproche de mal faire parce qu’on ne peut pas faire mieux qu’eux mais c’est normal c’est leur proche donc ils les connaissent forcément mieux que nous. Y a cette agressivité dont je parlais des familles qui est dirigée contre nous mais qui vise au final de la colère contre l’évolution de la maladie et la mort proche.

Après nos défenses à nous … moi ma meilleure défense c’est le rire … heu oui. Je pense que l’humour pour moi c’est une sacrée défense … pour toute l’équipe hein, c’est vrai qu’on fonctionne beaucoup avec l’humour pour pouvoir accepter et comprendre certaines choses. Après quelque part ouais y a de la fuite aussi, quand on est épuisé, parce qu’on reste humain, c’est vrai qu’on est épuisé c’est compliqué de recevoir les inquiétudes des familles pour nous, l’empathie est présente quand même puisque ça fait partie de notre profil professionnel … mais avec l’épuisement des fois bein on évite les situations où l’on va devoir encore se confronter aux mêmes interrogations des mêmes personnes ; on en vient j’avoue surement à être contente que le téléphone sonne à ce moment-là … mais bon après toutes ces situations-là sont débriefées en équipe régulièrement et c’est vrai que les médecins ou le psychologue nous permettent quand même de prendre du recul des fois parce que il nous arrive d’être trop dans l’affect, d’être trop proche dans certaines situations, on a moins ce recul-là, on est là presque tous les

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jours. Et de débriefer comme ça, d’échanger pendant les transmissions ou le staff ou pendant quelques fois les pauses café, ça nous permet de prendre du recul en fait, d’être moins affecté, on va dire ça.

Moi : Est-ce que tu penses que le déni dont certaines familles font preuve en fait peut parasiter la relation que toi tu peux avoir avec leur proche ? Est-ce que ça peut impacter la prise en soin ?

IDE 1 : Du patient ?

Moi : Oui, est-ce que ça influence ?

IDE 1 : Hum, ça n’influence pas l’accompagnement vis-à-vis du patient. Et il arrive, cela-dit, qu’on s’éloigne un peu trop du patient quand une situation familiale est trop compliquée. Ca par contre, ça m’est déjà arrivé de le signaler à certains staff ou transmissions qu’il fallait qu’on se recentre sur le patient … parce que avec des conflits ou des souffrances familiales proéminentes comme ça on en arrivait à, j’exagère mais, oublier la personne qui est dans le lit, complétement effacée par la pathologie familiale.

Moi : Alors est-ce que tu pourrais me dire si tu heu, si tu penses que les attentes des familles envers heu enfin est-ce que tu pourrais me cibler les attentes des familles par rapport à l’équipe ? Est-ce que tu as réussi à déterminer ce que les familles attendaient de vous et plus particulièrement des infirmiers ?

IDE 1 : Ils attendent heu surtout qu’on soit présent. Ils attendent de nous une disponibilité heu importante. Une disponibilité pour écouter, une disponibilité pour rassurer le patient, et soulager le patient. Ils attendent vraiment heu, je pense que la famille attend vraiment qu’on prenne soin de leur proche tout comme ils auraient pu le faire s’ils en avaient les moyens. Ils attendent vraiment heu… ce qu’ils attendent vraiment c’est pas de souffrance. C’est ce qui revient tout le temps, c’est leur demande hein : je veux pas qu’il souffre. C’est la phrase qui revient le plus souvent, pour toutes les familles. Je veux pas qu’il souffre, après c’est vague, voilà ça englobe plein de choses mais je pense que leur plus grande attente c’est ça, c’est qu’il y ait pas de souffrance physique ou morale. Après y a surement d’autres attentes, c’est jamais très clair les demandes des familles des fois. Après y … ils ont du mal à supporter que la situation dure trop longtemps aussi. En phase agonique heu l’attente du décès est intolérable pour certaines familles … ça dure trop longtemps. Après ça nous soignants, on aura jamais de réponses.

Moi : Heu selon toi, est-ce que l’expertise infirmière est un maillon essentiel dans la prévention des deuils pathologiques pour les familles qui vivent l’expérience de la fin de vie d’un proche ?

IDE 1 : Je pense que c’est important de remarquer certaines souffrances familiales pour appréhender l’après décès. Là justement je parlais de, c’est la même situation que tout à l’heure avec ce monsieur qui s’est altéré vraiment en 24h, on ne sait pas combien de temps la phase agonique va durer, on ne le sait pas mais sa fille, qui s’est adressée à moi tout à l’heure, je la sens fragile et très affectée par le fait qu’il y ait peu d’échanges avec son père, déjà avant d’être en phase agonique, et elle culpabilise énormément d’avoir verbalisé devant lui qu’elle ne pouvait plus le reprendre au domicile. Et elle fait le lien entre ces propos-là et le fait que son père refuse de lui parler alors qu’on lui explique que la pathologie évolue, que c’est pas de son fait, que lui il a pu lâcher prise et on sent que, que si heu on ne travaille pas là-dessus un minimum avant le décès, elle pourrait rester avec ça et rester dans la culpabilité en se disant heu que son père s’était fermé à cause d’elle. Donc là j’en ai discuté avec le psychologue qui est présent aujourd’hui pour

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qu’il fasse en sorte de pouvoir échanger avec elle à ce sujet-là. Ça sera peut-être pas efficace mais au moins c’est remarqué, c’est repéré et on peut essayer d’agir là-dessus tant que c’est possible quoi. C’est vrai qu’après le décès, on ne revoie pas toujours les familles.

Moi : Du coup, est-ce que tu as pu faire le parallèle entre un cas, une situation de déni manifeste et un suivi de deuil compliqué ?

IDE 1 : heu …

Moi : Tu as eu des expériences de ce genre, des familles qui sont revenues après ?

IDE 1 : Oui … je me remémore la situation … Cette personne qui est revenue après le décès de son épouse. C’est un monsieur qui avait du mal à … à lâcher un peu prise sur l’accompagnement de son épouse : il faisait tout, il était dans le contrôle de presque tout, pour ces traitements … pour tout en fait. Il était vraiment dans le contrôle et au moment du décès heu ça a été très compliqué pour lui. Y a eu beaucoup d’entretiens famille pendant l’hospitalisation de cette personne et ce monsieur nous a écrit un petit moment après le décès avec un courrier qui nous a tous interpellés parce qu’il heu … parce que son interrogation se portait vraiment sur des détails heu vraiment sur des détails qui n’avaient rien à voir quelque part avec l’agonie de son épouse ou l’évolution de sa pathologie. Ça pouvait très bien être sur heu sur un soin de bouche, heu, sur une injection pour limiter l’encombrement … Il a remis en question tous les actes qui avaient été faits dans les derniers instants de la vie de son épouse … en se demandant si ça n’avait pas accéléré les choses ou s’il n’y avait pas eu une erreur de commise. En fait, il était tellement mal parce qu’il n’avait pas compris que son épouse pouvait décéder, qu’il a demandé à nous rencontrer. Donc nous on était vraiment inquiets par rapport à l’entrevue qu’on allait avoir avec lui et finalement, on a repris chronologiquement ce qui s’était passé dans les derniers moments de vie de son épouse et ça a suffi à l’apaiser. Et on se rend compte en fait que des fois, le questionnement des familles arrive après parce que …

Moi : y a trop d’émotions

IDE 1 : voilà, l’agonie est pleine d’affect, d’appréhension, quelque part de sidération quand on n’est pas prêt à la

séparation … que le questionnement il vient longtemps après.

J’ai répondu à ta question ? Je me suis un peu perdue dans mes explications …

Moi : Bon, est-ce que tu as autre chose à rajouter ?

IDE 1 : Il aurait tellement de choses à dire sur l’accompagnement … C’est vaste … Mais je crois que ce qu’il faut retenir c’est le maître-mot c’est l’humilité, c’est vraiment l’humilité dans l’accompagnement … On ne peut pas tout régler, on a beau avoir des connaissances, on pourra pas heu, on ne pourra pas tout régler. On n’est pas omnipotent même si on a des savoirs, des formations … on ne peut pas tout régler … c’est pas possible … il faut savoir rester heu, la mort dans cette position basse là et juste savoir être quoi … le savoir être ne s’apprend pas toujours dans les bouquins … c’est vraiment du quotidien et c’est vraiment savoir garder cette position … être dans l’humilité voilà.

Moi : Bon ok. Merci de m’avoir consacré du temps.

IDE 1 : Mais je t’en prie.

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ANNEXE VI : Retranscription Entretien IDE n°2

Moi : Tout d’abord je voulais te demander est ce que tu étais d’accord pour que l’enregistrement, la conversation soit enregistrée ? Ça restera anonyme, ça servira juste à la retranscription pour le mémoire.

IDE 2 : Oui biensûr.

Moi : D’abord j’aurais voulu que tu te présentes, que tu me parles de ton parcours professionnel, de ta formation, de tes diplômes.

IDE 2 : Alors j’ai 25 ans, je suis diplômée depuis juillet 2013. Heu… j’ai tout d’abord commencé à exercer dans deux maisons de retraite : EHPAD et USLD et ensuite à l’USP. Et là, ça va faire deux ans au mois de mai que j’y suis.

Moi : D’accord, est-ce que c’est toi du coup qui a choisi de travailler en USP et est-ce que tu en es satisfaite ?

IDE 2 : Alors sur le concept de « c’est moi qui ai voulu » … heu pas vraiment puisque ça s’est fait sur un … mon poste a été mis à mobilité en fait dans l’EHPAD où j’étais donc je suis arrivée à l’USP. Mais c’était déjà un service dans lequel j’aurais voulu exercer depuis que j’ai fait mes études et donc c’était vraiment une occasion …

Moi : En or ?

IDE 2 : En or voilà !

Moi : Du coup, quelles étaient tes représentations des soins palliatifs et tes motivations pour travailler dans le service ?

IDE 2 : Alors ma représentation des soins palliatifs, c’est tout d’abord le confort du patient, la réflexion qu’on a autour de cette envie de créer du confort autour du patient. C’est vrai qu’on travaille en binôme donc c’est vrai que du coup bein on est toujours à deux en fait dans nos réflexions donc c’est vrai que c’est très pratique. Heu … on a une équipe quand même qui est très soudée donc c’est vrai que ça nous aide beaucoup dans nos prises de décisions. Et c’est vrai que c’est toute une réflexion que bein heu … on pèse toujours le pour et le contre en fait à chaque soin, à chaque décision qu’on prend, donc c’est vrai que c’est très intéressant, c’est une décision en équipe : aussi bien médecin, infirmière, aide-soignante, psychologue donc c’est très enrichissant autant pour nous, les patients ou pour les familles.

Moi : Est-ce que ta conception des soins palliatifs a évoluée depuis que tu es en poste ?

IDE 2 : Heu … oui, bein oui elle évolue tout le temps en fait. C’est vrai que on apprend tous les jours, toutes les situations sont différentes donc j’aurai jamais fini d’apprendre en soins palliatifs, c’est pas possible. Heu … évidemment ma conception qui change … voilà heu … ma maturité évolue donc forcément ma conception change aussi … Mais en tous cas c’est toujours un service qui me plait et pour moi voilà c’est toujours l’envie de faire le mieux pour que les derniers instants de la personne soient entre guillemets les plus agréables et qu’on leur apporte le plus de confort possible en tous cas pour l’avenir.

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Moi : Sinon j’aurai voulu savoir quelle était ta conception de l’accompagnement en fin de vie ?

IDE 2 : Pour moi l’accompagnement en fin de vie heu … pour moi ce serait déjà un accompagnement pluridisciplinaire parce qu’on est une équipe quand même assez importante, on travaille déjà en binôme donc heu … c’est le travail en binôme qui fait énormément dans la prise en charge en USP. Après je dirais que c’est énormément d’écoute, de soutien aussi bien du patient que de la famille parce que c’est vrai que si la famille ne va pas bien, le patient n’ira pas bien et inversement. Heu … c’est énormément d’explications au niveau du patient et toujours de la famille, de réassurance …

Moi : De reformulation ?

IDE 2 : Oui de reformulation et c’est vrai que les familles nous testent énormément, il faut qu’on dise … qu’on soit d’accord et qu’on aille tous dans le même sens parce que c’est vrai que sinon les familles rentrent tout de suite dans le conflit.

Moi : Justement est-ce que tu as reçu une formation spécifique pour l’accueil des familles en fait et l’accompagnement des familles, des proches ?

IDE 2 : Non, non.

Moi : C’est pas proposé dans le service ?

IDE 2 : C’est proposé mais après il faut pouvoir …

Moi : Y accéder ?

IDE 2 : Oui, y aller. Mais oui ça peut être des pistes pour la suite …

Moi : Et du coup, est-ce que tu te sens en difficulté quand tu fais des accompagnements, le fait de ne pas avoir de formation spécifique ?

IDE 2 : Au départ je dirais que c’est vrai que quand on arrive dans le service heu … l’accompagnement des familles c’est un gros travail, c’est vraiment énorme. Heu c’est vrai que quand on n’est pas habitué à cette prise en charge, parce que dans d’autres services de médecine cette prise en charge est peut être moindre et différente, heu quand on arrive à l’USP et que la prise en charge de la famille fait partie intégrante de la prise en charge, c’est vrai que c’est pas forcément évident. Quand on parle de fin de vie, c’est vrai que c’est une période de la vie assez dure en fait que ce soit pour la famille ou pour le patient … quand tu as tout ça à gérer auprès du patient et de la famille c’est trouver les bons mots, avoir une attitude adaptée, être disponible, rester disponible tout en sachant que tu as énormément de travail à côté c’est pas forcément facile mais bon il faut toujours se montrer disponible et ce n’est pas toujours facile. On en apprend tous les jours, et c’est vrai qu’il y a même les entretiens avec les médecins qui nous apportent beaucoup et qui nous permettent aussi d’évoluer dans notre façon d’accompagner les familles : au niveau du vocabulaire qu’on peut utiliser, comment dire les choses, quelle formulation … c’est très important.

Moi : Et justement est-ce que tu as pu identifier les bénéfices de ta démarche d’accompagnement auprès des familles, auprès de l’entourage ?

IDE 2 : Bein … oui je pense après c’est vrai que on part tous du principe que … voilà, on a la même optique de prise en charge, donc c’est vrai on est toutes comment dire … heu … enfin … on ne se contredit pas dans notre accompagnement donc c’est vrai que on a aussi du soutien de nos équipes, enfin de nos collègues et après bon c’est vrai que

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je pense oui qu’on apporte quelque chose, que j’apporte quelque chose au niveau de l’accompagnement des familles.

Moi : Heu … justement parfois les accompagnements sont difficiles, est-ce que tu as été confrontée à des proches qui étaient en phase de déni suite à l’entrée de leur proche à l’USP et dont le pronostic vital était engagé en fait ?

IDE 2 : Oui, ça arrive assez fréquemment que les familles soient en déni par rapport aux soins palliatifs parce que c’est vrai que le terme soins palliatifs et bein … ça fait peur d’une et les familles ne savent pas forcément ce que ça veut dire ; heu … pour beaucoup c’est la fin de vie alors que c’est pas forcément la fin de vie imminente, c’est ce qu’on essaie quand même de faire entrer dans les mœurs mais c’est pas toujours facile. Mais oui il y a beaucoup de familles qui rentrent à l’USP et qui ne sont pas au clair sur le terme. Après tout dépend comment les soins palliatifs, que ce soit au domicile ou dans les autres services, comment le terme leur a été présenté. C’est vrai qu’on retrouve beaucoup de …

Moi : Convalescence ?

IDE 2 : oui de convalescence, de séjour de répit … voilà … et oui.

Moi : Et est-ce que tu es parvenue à identifier les mécanismes de défenses qu’ils mettent en place ? Et les tiens aussi peut-être pour le coup ?

IDE 2 : Heu … au niveau de la famille, moi je dirais la colère. C’est vrai qu’ils sont souvent dans le conflit avec nous. Heu quand les familles sont dans le déni oui je dirais que c’est essentiellement ça : la colère et heu bein entre guillemets le rejet de l’équipe et le conflit en fait ; c’est vrai que ils nous mettent en difficulté parce que bein ils nous testent aussi les uns les autres pour savoir si aussi on dit tous la même chose …

Moi : Ils cherchent à cliver l’équipe ?

IDE 2 : Voilà, à savoir si elles disent toutes la même chose, y a les médecins souvent qui sont en difficulté par rapport à ça ; ils sont ressource pour nous, mais les médecins se retrouvent aussi en difficulté par rapport à ça. Après c’est vrai que bein on évite toujours cette histoire de déni de la famille avant l’arrivée à l’USP ; en général … heu l’USP est quand même bien … est quand même présentée à tous les services que ce soit ici à l’hôpital où même c’est quand même un service qui est normalement connu et reconnu donc … heu … voilà ça ne devrait pas arriver en fait des familles qui arrivent sans savoir ce que sont les soins palliatifs.

Moi : Et tu as pu repérer des attitudes que tu avais, des attitudes défensives, des fois de la fuite … ou tu ne veux pas rentrer dans une chambre ou des choses comme ça ?

IDE 2 : Bein on est humain, c’est vrai que quand il y a une situation qui nous met un petit peu en difficulté bein on n’a pas envie d’y aller tout simplement ; après bein on se dit bein voilà tu es infirmière, voilà t’es là pour ça, c’est ton boulot … donc t’y vas mais c’est vrai que voilà y a cette part de bein voilà j’ai pas envie de rentrer dans la chambre, y a la fuite come tu dis … heu mais bon c’est heu … voilà toi tu es peut être en difficulté sur le moment mais peut être que ton accompagnement justement va faire que cette personne qui est en difficulté et qui te met en difficulté peut être qu’avec ton accompagnement justement ça va … ça va … comment dire … ça va améliorer les choses et peut être que justement ça va permettre à tes collègue d’être moins en difficulté par la suite. Donc c’est vrai qu’on réfléchit aussi comme ça, c’est vrai que bon

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bein ok je suis en difficulté sur le moment mais si j’y vais et que j’essaie d’amorcer un peu les choses, peut être que ça se passera mieux par la suite et c’est toujours ce qu’on recherche finalement : l’amélioration des choses et au final y a la famille mais y aussi le patient derrière donc c’est vrai que on est là surtout pour le patient donc heu si ça peut améliorer le confort de la personne … on y va et puis … voilà.

Moi : Est-ce que tu penses que le déni dont certaines familles peuvent faire preuve … est-ce que tu penses que ça peut parasiter la relation et du coup impacter la prise en charge du patient ?

IDE 2 : Ah bein oui totalement, complètement oui. Comme les histoires de déni, les histoires de conflits familiaux … heu … voilà y plein de choses qui vont rentrer en compte et qui vont évidement altérer la prise en charge du patient. Même si on essaie toujours d’être … comment dire … heu centré sur le patient mais si la famille autour est en difficulté bein voilà on aura toutes ces répercussions auprès du patient évidement.

Moi : D’accord … D’après toi, qu’est-ce que les familles ont comme attentes envers l’équipe pluridisciplinaire et plus particulièrement envers les infirmiers ? Qu’est-ce qu’elles attendent de vous ?

IDE 2 : Heu … moi je dirais … bein des explications sur voilà, sur qu’est-ce qui est fait, dans quel sens on part pour leur proche, du soutien. Que quand on rentre dans la chambre bein voilà qu’on ait un sourire, qu’on … comment dire … qu’on n’ignore pas, qu’on ne les ignore pas finalement quand on rentre dans la chambre. Qu’on ait un sourire et que bein voilà on engage peut être une conversation, ce qui n’est pas toujours facile mais on essaie toujours d’amorcer une conversation … heu … qui peut être, comment dire … heu … qui peut commencer sur quelque chose qui est anodin et qui finalement peut se raccorder au patient finalement en essayant de … on commence par … par exemple on va parler de la pluie et du beau temps … finalement, on arrive toujours à se rapprocher du sujet le plus important : le patient ou même de difficultés de la famille. C’est vrai que des fois c’est par des petits sujets qu’on arrive à aborder les sujets les plus difficiles …

Moi : Les plus sensibles …

IDE 2 : Les plus sensibles, oui.

Moi : Heu est-ce que tu penses toi que l’expertise infirmière est un maillon essentiel dans la prévention du deuil pathologique pour les familles qui vivent la fin de vie ?

IDE 2 : Oui … C’est vrai qu’on en parle souvent en équipe, que ce soit avec notre binôme, ou même pendant les transmissions …

Moi : Les staffs ?

IDE 2 : Pendant les staffs, oui voilà, on en parle de bein voilà la famille en difficulté, voilà, l’épouse ou l’époux, les enfants ou le conjoint est en difficulté, on a du mal à lui faire prendre conscience des choses, heu voilà, il est pas au clair sur la maladie, sur l’évolution de la maladie … Et voilà, on se pose toujours la question mais comment ça va se passer quand il sera plus là parce que y a des couples qui sont vraiment soit dans le déni mais y aussi qui sont très fusionnels, quand y en a un des deux qui s’en va bein forcément ça pose souci en fait vis-à-vis de celui qui reste. Oui, c’est important de … comment dire … de le remarquer hein parce que y quand même le psychologue qui est là dans le service et qui peut intervenir en amont de la perte du proche mais aussi après.

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Moi : Est–ce que toi tu as pu faire le parallèle entre une situation de déni manifeste d’une famille et un suivi de deuil compliqué … vu qu’il y a des suivis de deuil ici ?

IDE 2 : Oui.

Moi : Ça avait été repéré en amont ?

IDE 2 : Heu ça avait été repéré en amont. Souvent c’est des familles heu qui demandent … qui sont, comment dire, à la base sensibles à un suivi psychologique, qui sont … parce que y a des familles qui voient le psy et disent ah non, non, je ne veux pas voir le psychologue voilà ; mais y des familles, y a des personnes qui oui au contraire sont …

Moi : Demandeuses ?

IDE 2 : Sont demandeuses de suivi psychologique et souvent bein ça, comment dire, ça se poursuit en fait hein … aussi bien pendant que après … après le décès.

Moi : Ok. Bon, est-ce que tu as quelque chose à rajouter sur le sujet pour clôturer ?

IDE 2 : Non, mais si tu as d’autres questions je t’écoute.

Moi : Non ça va aller je pense. Bon, je te remercie de m’avoir consacré du temps et je te laisse retourner à ton travail.

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XVIII

ANNEXE VII : Retranscription Entretien IDE n°3

Moi : Bon, alors on va y aller. Déjà l’entretien va être enregistré, ça va pouvoir me permettre de retranscrire et d’illustrer mon mémoire … si tu es d’accord.

IDE 3 : Je suis d’accord.

Moi : OK, alors on y va. Déjà je voudrais que tu te présentes, que tu me donnes ta formation, ton année de diplôme, ton expérience professionnelle, les services que tu as pu faire avant celui-ci.

IDE 3 : Je m’appelle Morgane Le Poulain, j’ai 32 ans. Je suis diplômée depuis 2009 … Heu j’ai commencé par faire un petit peu de cardio, quelques mois de cardio, ensuite j’ai été roulante de nuit pendant près d’un an … heu des pauses bébé et ensuite j’ai été aux Jardins du clos pendant trois ans. J’ai repris quelques mois au SSR de Douarnenez et là ça fait plus d’un an que je travaille à 80% ici en Soins Palliatifs.

Moi : Ok. Est-ce que c’est toi qui as choisi de travailler en Soins Palliatifs ?

IDE 3 : Non, non c’est vrai que j’avais demandé un 80% parental et on m’a proposé ici. A côté de ça, c’était quand même un souhait un jour, donc évidemment j’ai dit oui.

Moi : D’accord. Donc ce n’était pas ton choix et est-ce que … heu… quelles étaient tes représentations en fait des soins palliatifs et est-ce que le fait d’être dans le service tu en tires des satisfactions ?

IDE 3 : Alors mes représentations, et bien c’était évidemment la fin de vie, à côté de ça j’avais quand même eu une formation. Je savais qu’aussi ça pouvait être un temps de répit pour les familles, pour les aidants qui ont des difficultés avec un proche à la maison. Je savais aussi qu’il pouvait y avoir des hospitalisations pour juste adapter un traitement antalgique ou bien pour qu’il y ait une reprise alimentaire, ou enfin … voilà, je savais que ce n’était pas seulement un service où l’on accompagnait la fin de vie quoi … voilà. Après quelles satisfactions, bein j’ai repensé en fait quand même pas mal ma façon de, ma manière d’être, enfin mon savoir-être et mon savoir-faire. Je pense que sur beaucoup de choses … heu ici on axe vraiment sur le plaisir, sur le confort, pour les symptômes enfin pour soulager tous les symptômes qui peuvent être pénibles. Heu … oui, non j’ai repensé ma conception de soin ici, parce que c’est tellement à part, on n’est plus dans le soigner curatif, on est vraiment dans un prendre soin, le confort au maximum … voilà.

Moi : D’accord, donc du coup ta conception du soin a évoluée depuis ?

IDE 3 : Oui, tout à fait.

Moi : Bon, ok. Alors on va parler un petit peu de l’accompagnement vers la fin de vie. Heu … quelle est donc ta conception de l’accompagnement vers la fin de vie ?

IDE 3 : Bein c’est qu’elle soit la plus confortable possible quoi, sans douleur, sans anxiété. Bein voilà, accompagner au mieux la personne ainsi que ses proches … Heu … Qu’elle soit le plus confortable possible voilà après c’est du cas par cas …c’est vrai que … heu …

Moi : D’accord. Est-ce que tu as reçu une formation spécifique quant à l’accueil, l’accompagnement des familles, des proches justement ? Quand tu es arrivée dans le service, ou peut-être dans d’autres services ?

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IDE 3 : Non, pas une formation à proprement dite. Après c’est vrai qu’avec les médecins du service, lors des rendez-vous famille où pas mal de choses sont abordées, où l’on reprend tous les thèmes un peu difficiles aussi en soins palliatifs. Avec les collègues aussi, puisqu’il y a des collègues qui ont des DU et d’autres qui ont juste de l’expérience. Voilà, j’ai été formée plus par les collègues, par les médecins … j’ai eu une base documentaire aussi de la part du cadre.

Moi : Tu te sens en difficulté pour accompagner les familles ? Sans cette formation ou ça va ?

IDE 3 : Bein tout au début oui. Franchement, il y a des situations qui sont très compliquées. C’est vrai que oui il y a des situations qui sont compliquées avec des familles qui ne sont pas prêtes, des gens qui ne sont pas prêts. Il y a beaucoup d’anxiété, des gens qui sont assez jeunes, on se projette un peu aussi. Au début, enfin les premiers mois, on va dire que oui j’aurais pu être en difficulté ; à côté de ça, on a aussi notre binôme aide-soignant qui peut être super aidant. On est quand même en binôme avec des filles qui sont là depuis très, très longtemps, qui ont rencontré beaucoup de situations et qui ont souvent bein les mots justes aussi. Donc voilà, à l’heure actuelle … enfin … je me sens mieux, après on n’est pas à l’abri, c’est vrai, de situations plus complexes devant lesquelles on sera en difficulté, voilà.

Moi : Et est-ce que tu as pu identifier les bénéfices de ta démarche d’accompagnement auprès de l’entourage ?

IDE 3 : J’ai l’impression … enfin qu’on voit les gens plus sereins entre guillemets face à la fin de vie de leur proche … enfin même on voit les gens avec les traits très détendus, on se dit que oui on a qu’on a quand même réussi à œuvrer pour les soulager au maximum, les accompagner vers leur fin de vie, vers une fin de vie la plus sereine possible.

Moi : Et est-ce que tu as déjà été confrontée à des proches en phase de déni en fait suite à l’entrée d’un patient en USP ?

IDE 3 : Beaucoup surtout autour de l’alimentation …

Moi : Oui ?

IDE 3 : Ils vont insister heu bein sur le fait de faire manger alors qu’il n’est plus capable de déglutir, d’assimiler quelque chose, enfin l’alimentation voire même avec l’hydratation. Le déni on le voit surtout, enfin moi je l’ai surtout ressenti là-dedans : « il mange pas, donc il va mourir, mais pourquoi vous faîtes rien ! ». Oui c’est surtout là-dessus.

Moi : Et ça t’as permis d’identifier les mécanismes de défense que les familles mettent en place, et les tiens par la même occasion ?

IDE 3 : Bein il y a beaucoup d’agressivité, enfin d’agressivité … heu voilà quoi c’est genre …

Moi : D’agressivité retournée contre vous ?

IDE 3 : Voilà c’est ça, des gens assez piquants, des gens assez méfiants, de la méfiance oui … enfin de l’agressivité … toujours vérifier ce qu’on peut faire. Après moi, mécanismes de défense … je ne sais pas lesquels moi je mets en place. Moi, j’ai tendance à essayer plutôt d’être dans la médiation. Je sais pas, je sais pas trop là … je sèche un peu …

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Moi : Est-ce que tu penses que justement le déni dont font preuve certaines familles peut parasiter la relation que vous pouvez avoir avec le patient et impacter sa prise en soin du coup ?

IDE 3 : Oui parce que le patient il le ressent et puis il doit entendre aussi les choses que sa famille va dire autour de lui dans la chambre en fait. Donc je pense que oui, ça peut générer de l’anxiété, enfin oui …ça peut générer beaucoup d’anxiété je pense pour le patient, effectivement oui.

Moi : Et justement les familles, tu penses quelles attendent quoi de l’équipe et plus particulièrement de vous les infirmières ?

IDE 3 : Bein … quand elles sont dans le déni, elles attendent qu’on soigne, qu’on soit dans le curatif quoi … en fait c’est ça … mais chose voilà il y a un moment … Tout dépend aussi, je pense que certaines familles sont dans le déni par rapport au parcours de soins qu’il y a pu avoir avant aussi ; si les choses ont été dites ou pas avant parce que souvent et bein ils arrivent là et enfin finalement le diagnostic n’est pas clair, l’arrêt des traitements a été évoqué mais est-ce qu’ils ont entendus … enfin c’est pas forcément sûr quoi donc heu souvent on est obligé de tout reprendre. Et ça arrive que quand toutes les choses sont reprises, quand les gens, les familles, les patients ont compris que la prise en charge se passe beaucoup mieux, qu’elle soit plus sereine quoi.

Moi : La façon dont on leur présente le service aussi ?

IDE 3 : Aussi oui …

Moi : Souvent ils pensent venir en …

IDE 3 : Voilà, c’est ça tout à fait. Il faut aussi que le patient soit vraiment d’accord de venir quoi. Il y a pas mal de choses qui rentrent en compte effectivement.

Moi : Heu … Est-ce que tu penses que l’expertise infirmière est un maillon essentiel en fait dans la prévention des deuils pathologiques des familles qui vivent l’expérience de l’accompagnement d’un proche en fin de vie ?

IDE 3 : Je sais pas si je … Oui surement, à côté de ça … heu c’est vrai qu’ici les familles sont quand même, c’est un service où les familles sont quand même assez préparées par les médecins aussi, il y a beaucoup de rendez-vous, il y a beaucoup d’accompagnement, chose effectivement qu’il y a plus qu’ailleurs ça c’est sûr. Les choses sont dites, reprises avec des mots simples. Enfin … l’expertise infirmière après je … je pense qu’une partie effectivement parce que quand c’est le weekend, on est là, c’est à nous que les familles … on est les interlocutrices des familles donc je pense un petit peu après … heu … j’ai par eu encore de … deuil pathologique c’est ça ?

Moi : Oui.

IDE 3 : Moi j’ai pas encore rencontré de situation trop … trop, comment dire qui soit allé trop, trop loin quoi.

Moi : D’accord. Donc du coup tu n’as pas vraiment fait le parallèle entre une situation de déni manifeste et un suivi de deuil compliqué ?

IDE 3 : Non.

Moi : Tu n’as pas eu cette expérience-là

IDE 3 : Non.

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Moi : D’accord … Heu bon, est-ce que tu as quelque chose à rajouter sur l’accompagnement ?

IDE 3 : Là tout de suite je ne vois pas. Peut-être il y a quelque chose que tu voulais que je développe un peu plus ou … ?

Moi : Heu … peut être toi, tes attitudes défensives, quand tu disais que tu étais plus dans la médiation, je sais pas tu …

IDE 3 : Bein oui j’ai pas eu à me …

Moi : Tu passes le relais … ?

IDE 3 : Oui c’est possible aussi, après j’ai c’est vrai que j’ai pas … comment dire … j’ai jamais eu de …

Moi : Tu n’as pas été confrontée …

IDE 3 : Non, des situations voilà où des familles effectivement étaient agacées, étaient dans le déni mais j’ai pas eu … à me défendre vraiment. J’ai eu plus à me couvrir en tous cas, par les transmissions … après voilà mon attitude, expliquer ce que je faisais, l’intérêt … voilà, mais j’ai pas eu de … je vois pas … Je ne me vois pas ! Donc je sais pas quels mécanismes je peux mettre en place quand c’est comme ça.

Moi : Bon et bien si tu n’as rien à rajouter, on va s’arrêter là du coup. Je te laisse retourner à ton travail.

IDE 3 : Merci.

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ANNEXE VIII : Retranscription Entretien IDE n°4

Moi : Donc déjà je voulais te demander si tu étais d’accord pour que l’enregistrement ait lieu, en fait il faut que je conserve une trace de l’entretien.

IDE 4 : Oui pas de souci. Je donne mon accord.

Moi : Tu donnes ton accord, très bien. Est-ce que tu pourrais te présenter, me donner ton année de diplôme, les formations que tu as peut-être pu avoir en plus et puis ton parcours professionnel ?

IDE 4 : Alors moi je suis donc Célia, une infirmière diplômée depuis juillet 2015 donc. Et mon parcours professionnel : j’ai commencé en fait de nuit en EHPAD et ensuite j’ai été aussi de nuit en EHPAD-USLD et après je suis passée de jour à l’EHPAD-USLD et je suis arrivée ici depuis octobre 2015.

Moi : Et est-ce que c’est toi du coup qui as fait le choix de venir à l’USP ?

IDE 4 : Oui, c’était mon choix. Parce qu’en fait j’ai fait le dernier stage de ma formation d’étudiante infirmière ici et mon mémoire aussi en fait portait sur les soins palliatifs et la fin de vie, c’était pour ça que j’avais choisi ce stage-là.

Moi : D’accord. Donc du coup tes représentations et tes motivations pour venir dans le service ?

IDE 4 : Mes motivations c’est heu déjà les soins palliatifs et la fin de vie je trouve que c’est un sujet très intéressant que en fait à l’IFSI, on n’aborde pas, qu’on aborde tard, on aborde en troisième année … heu et c’est vrai que quand on, même au cours de mes stages enfin j’avais rencontré des situations de fin de vie et à ce moment-là moi je me suis interrogée en fait, bien avant qu’on ait des cours dessus et j’ai fait des recherches et j’ai tout de suite été très intéressée par les soins palliatifs, la notion de soins palliatifs et de fin de vie et surtout en fait la prise en charge de personnes qui sont en fin de vie, intéressée beaucoup et surtout le rôle qu’a l’infirmière dans des situations pareilles. C’est une autre prise en charge en fait. C’est en fait … on adapte notre prise en charge par rapport à ces patients-là et heu … et voilà.

Moi : Est-ce que ta conception des soins palliatifs justement a évoluée depuis ta prise de poste ici ?

IDE 4 : Oui

Moi : Ca fait presque un an que tu y es.

IDE 4 : Oui, elle a changée, elle a évoluée parce que … En fait, c’est grâce aussi aux différentes situations que je peux vivre et qui sont toutes différentes, que les prises en charge sont différentes aussi et que au fur et à mesure bein ma vision des choses change aussi sur les prises en charge qu’il faut vraiment adapter, et à chaque patient, à chaque entourage aussi … Heu … Vraiment les soins qu’on peut apporter aussi, voilà, il faut toujours s’adapter en fait et c’est toujours une évolution en fait dans ce service-là. Un jour la prise en charge va être de telle façon et le lendemain, elle peut être toute autre, différente en fait, par rapport à l’état de santé du patient … donc heu voilà.

Moi : On va parler un peu de ta vision de l’accompagnement de la fin de vie. Alors justement quelle est ta conception de l’accompagnement de la fin de vie ?

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IDE 4 : Alors, l’accompagnement, c’est un vaste … ça englobe beaucoup de choses. C’est un vaste sujet mais pour moi en fait l’accompagnement c’est heu … moi j’inclue donc le patient et son entourage. D’abords le patient, son accompagnement c’est au quotidien. Donc l’accompagnement passe par les soins qu’on peut lui prodiguer, donc ça passe par exemple par la distribution des traitements ou la mise en place de traitements. Heu … ça passe aussi par les soins d’hygiène et de confort. Ça passe aussi par le relationnel qu’on a avec le patient, c’est-à-dire que bein voilà, on l’écoute si par exemple il a des choses à dire, on est à son écoute, on porte une attention par rapport à lui, par rapport à ce qu’il dit. Pour moi c’est tout ça l’accompagnement en fait du patient. Ça englobe à la fois les soins techniques et surtout les soins relationnels aussi qui sont très importants … enfin à mes yeux en tous cas. Ça prend une grande place dans la prise en charge des patients en soins palliatifs et en fin de vie. Et pour l’entourage aussi bein c’est en fait un accompagnement, c’est-à-dire qu’on les suit aussi, on est disponible pour eux. On est attentif aussi à l’entourage, à par exemple lorsqu’ils sont dans la chambre, on les regarde, enfin moi je sais que je les regarde, je vois, j’essaie de regarder leur visage voir s’ils sont dans l’émotion aussi, voir s’ils ont des difficultés, voir s’ils ont envie de parler, certains n’osent pas venir et donc voilà ça nous permet peut-être d’aller vers eux et ainsi … bein de les aider à parler s’ils ont besoin. Voilà ma conception de l’accompagnement.

Moi : Et est-ce que tu as reçu une formation spécifique quant à l’accueil des familles et des proches ?

IDE 4 : Non.

Moi : Et est-ce que tu te sens en difficulté du coup par rapport à ça, par rapport au manque de formation ?

IDE 4 : Bein certaines fois ça peut oui. On peut être en difficulté parce que bein chaque personne réagit différemment. Il y a des personnes avec qui ça va être, on va dire, plus facile entre guillemets parce que voilà ils sont au clair avec la situation, ils ont bien compris la maladie, le devenir de leur proche. Et pour certains, ça va être vraiment différent, ils vont être en grande difficulté et ils peuvent, voilà, avoir des réactions différentes. Certaines fois ils peuvent être dans le … ils peuvent être dans le refus de communiquer avec nous, l’équipe, ce qui peut être compliqué pour nous. Certains peuvent être vraiment dans le déni de la situation malgré tout ce que les médecins peuvent leur dire, voilà l’information va avoir du mal à … ils vont avoir du mal à l’entendre cette information-là. En disant que là on est en soins palliatifs, c’est plus dans le curatif, que là on est dans le confort avant tout. Et certains peuvent être aussi agressifs envers le personnel soignant, c’est vrai que les blouses blanches certaines fois c’est une représentation pour les patients et aussi pour la famille aussi … c’est heu … certaines fois les situations peuvent être difficiles oui.

Moi : Est-ce que tu as pu identifier les bénéfices de ta démarche d’accompagnement justement auprès des familles ? Est-ce que tu vois les bénéfices ?

IDE 4 : Pour certaines familles oui, on peut voir le temps qu’on a passé auprès d’eux à répondre à leurs questions, aux interrogations qu’ils peuvent avoir sur n’importe quoi, que ce soit sur les traitements mis en place, sur le devenir, sur l’évolution de la pathologie, sur l’évolution de l’altération de l’état général. Voilà, quand on écoute en fait, quand on porte attention à l’entourage, quand on les écoute, quand on se rend disponible aussi pour eux, c’est important … on voit que voilà … on leur dit des choses peut être plus simplement que certaines fois les médecins qui utilisent des mots … ce qui fait que

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voilà ils ont une certaine évolution dans leur tête … ils cheminent en fait. Ils cheminent eux aussi pareil que le malade en fait, en fin de compte et voilà ça peut être, peut-être plus facile pour eux après, par la suite.

Moi : Ok. J’aurais voulu qu’on parle aussi des réactions, de vos réactions face au déni des familles et du coup des répercussions que cela peut avoir sur la prise en soin du malade. Est-ce que tu as déjà été confrontée à des familles, à des proches en phase déni suite à l’entrée d’un patient ici à l’USP ?

IDE 4 : J’ai surement été confrontée … J’ai pas d’exemple en tête. J’ai un exemple mais la personne n’était pas dans le déni …

Moi : Si tu n’as pas d’exemple qui te vient en particulier, ce n’est pas grave

IDE 4 : En fait c’est une situation qui ne date pas de très longtemps, de quelques jours. On n’a jamais rencontré les proches de cette dame-là, c’était en fait … une dame qui avait 85 ans en fait, qui a toujours vécu avec son frère et sa sœur et ils vivaient toujours dans la même maison. En fait, on a eu que des contacts téléphoniques avec eux et c’est

vrai qu’ils étaient vraiment, enfin ils disaient donc « elle va pas mourir ». On avait beau

expliquer … heu voilà que son état se dégradait et que voilà on ne pouvait pas se prononcer sur le nombre de jours ou d’heures qu’il pouvait lui rester mais que voilà son état se dégradait mais eux étaient vraiment dans le déni, ne comprenaient pas, n’entendaient pas ce qu’on disait et c’est vrai que ça a été difficile pour nous surtout qu’on ne les voyait pas. Et en fait par la suite, on a du donc faire appel à des intervenants à leur domicile pour voilà que eux aillent vraiment leur expliquer la situation en face pour que justement ils comprennent vraiment bien. Et nous en fait on a eu en transmissions après, que ces deux personnes-là étaient complètement abattues, après par la suite avoir vraiment compris, intégré l’information. Ils étaient abattus, ils n’avaient plus de réactions en fin de compte parce qu’ils venaient de comprendre …

Moi : Vous avez fait intervenir l’équipe mobile ?

IDE 4 : Non, en fait, alors le médecin traitant qui s’est déplacé jusqu’au domicile avec une autre dame qui s’occupait, c’était pas une assistante sociale, de tout ce qui est APA auprès de la famille … heu et aussi l’aide à domicile que nous on a rencontré ici, qui est venue rendre visite à la patiente et qui nous décrivait bien la situation, elle nous expliquait bien et qu’elle était là au moment où il y a eu l’annonce du médecin, et elle nous a décrit vraiment la réaction du frère et de la sœur où le terme c’était vraiment ils étaient abattus, ils n’avaient plus de réaction après par la suite et …

Moi : Sidérés ?

IDE 4 : Sidérés, voilà oui.

Moi : Est-ce que tu es parvenue à identifier des mécanismes de défense que les familles mettent en place, des attitudes défensives ? Et peut des mécanismes que toi aussi tu mets aussi en place dans certaines situations ?

IDE 4 : Moi je sais qu’il y a un mécanisme de défense qui … je sais plus si c’en est un : la projection ? Je crois que c’en est un. Il y a eu une fois, une situation où il y a une patiente en fait qui avait à peu près le même âge que ma mère en fin de compte et qui avait la même allergie et cette dame-là était en fait … avait pris un traitement et depuis en fait avait fait un choc anaphylactique et était dans le coma, donc à ce moment-là j’ai eu, je me suis projetée en fait, je me suis dit que ça aurait pu arriver à ma mère, ça aurait pu … ça peut arriver aussi … j’ai eu un jour ce mécanisme de défense. Après, moi le

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plus souvent c’est la projection … Et pour l’entourage, la famille … donc il y a le déni. Après pour certains c’est … heu la fuite un peu et on a l’épouse d’un patient là justement, enfin c’est pas un mécanisme de défense … mais le deuil anticipé. Voilà, elle a enlevé toutes ses affaires de la chambre, ses vêtements, elle n’a laissé que les vêtements pour la toilette mortuaire et elle parlait vraiment à vive voie dans la chambre du patient des obsèques, de voilà … ça fait vraiment pensé à un deuil anticipé en fin de compte. Là, en tête c’est ce qui me vient, mais j’en ai surement rencontré … mais c’est vrai que pour certains c’est …

Moi : La colère, l’agressivité, des choses comme ça …

IDE 4 : Oui, je pense à une situation, je ne sais plus si tu étais là pendant ton stage. Il y avait une famille où l’époux de la dame qui était vraiment, qui n’avait pas de communication avec nous, qui était même à la limite agressif, qui était très, très en colère aussi je pense envers le milieu médical. Oui, la colère pour lui c’était vraiment … ça avait vraiment été difficile comme prise en charge, non pas pour la dame, mais pour son époux.

Moi : Ça ne me dit rien.

IDE 4 : Je pense que tu n’étais peut-être plus là. Pour son époux ça avait été compliqué et ça avait un peu compliqué la prise en charge en fin de compte. Rentrer dans la chambre, ça devenait un peu pesant pour nous aussi ; c’était pas facile à vivre malgré l’intervention des médecins, il était toujours fermé, il n’était vraiment pas communiquant … c’était vraiment difficile oui, pour lui c’était vraiment la colère.

Moi : Est-ce que tu penses que le déni dont certaines familles font preuve ça peut parasiter votre relation avec le patient et du coup impacter la prise en charge du patient ?

IDE 4 : Bein oui, d’une certaine façon. Par exemple, la famille est dans le déni et que voilà … en fait le patient écoute plus son entourage, la famille que nous, les informations ne vont pas, que l’on va lui apporter ne vont pas être forcément intégrées par le patient, il va plus écouter son entourage ce qui peut être normal parce que voilà avoir une confiance entre des blouses blanches, des médecins, des infirmières et ses proches ça fait toute la différence certaines fois et c’est vrai que certains patients vont plus écouter leurs proches qui eux sont dans le déni et du coup ça va être … ça va compliquer la prise en charge, c’est vrai. Le patient va avoir du mal à entendre voilà si on lui apporte des informations sur l’évolution de sa pathologie … ça peut être compliqué. Et après il peut ne pas comprendre notre … nos démarches auprès de lui.

Moi : Et d’après-toi qu’est-ce que les familles attendent en fait de l’équipe et plus particulièrement des infirmières ? Est-ce que tu penses qu’ils ont vraiment des attentes spécifiques ?

IDE 4 : Bein … Surtout ici dans ce service ce qu’ils attendent et souvent c’est vrai que ce que l’on peut entendre c’est que voilà ici on a plus de temps à leur accorder, à l’entourage surtout. C’est l’entourage qui nous fait souvent cette réflexion-là que voilà « vous avez été disponible », voilà c’est souvent le mot qu’ils utilisent ; c’est une des valeurs en plus de l’infirmière, la disponibilité, et c’est vrai que c’est souvent ce qui revient, qu’on est resté disponible, à leur écoute. Qu’on a été aussi attentionné en fait envers le patient et son entourage aussi. Respectueux aussi ça revient souvent. Et tout ça en fait c’est des valeurs infirmières en fin de compte mais qui sont tout aussi importantes pour le patient et pour son entourage aussi. L’entourage ressent beaucoup

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aussi quand il nous voit travailler auprès du patient. Quand on rentre dans une chambre, quand on vient lui faire un soin et que la famille reste dans la chambre, on voit bien qu’il y a des regards portés sur nous et qu’ils observent bien les situations, nos comportements à nous aussi. Et c’est vrai que souvent c’est après, souvent après que la personne soit décédée … souvent ce qu’on peut voir sur les mots en fait qu’ils nous amènent … des remerciements, sur le livre d’or aussi … c’est souvent ces mots-là qui reviennent.

Moi : Est-ce que … tout à l’heure tu parlais des deuils pathologiques, justement est-ce que l’expertise infirmière pour toi est un maillon essentiel dans la prévention du deuil pathologique ?

IDE 4 : Elle est pas simple ta question !

Moi : Est-ce que vous arrivez à les …

IDE 4 : A les voir ?

Moi : Oui, à les détecter …

IDE 4 : D’une certaine façon oui peut-être à les détecter …

Moi : Les prévenir ?

IDE 4 : Oui … Après on observe beaucoup les réactions de l’entourage. Donc voilà souvent on en fait part au médecin. En fait la famille est vraiment importante pour nous et dans les transmissions ça se ressent. A chaque fois qu’on fait des transmissions, je sais que souvent moi j’aborde la famille et on fait très attention aux réactions qu’ils ont et grâce à ses réactions-là, à nos observations, on peut voir bein là il a été en difficulté, il est dans l’émotion. Certaines fois on peut voir qu’ils ont compris justement la situation et pour certains on se dit bein voilà il ne semble pas comprendre la situation … Comme l’épouse du patient dont je parlais tout à l’heure : l’autre jour elle nous dit « monsieur ne veut pas de réanimation » alors qu’elle avait été rencontrée un certain nombre de fois par les médecins où justement ils leur avaient expliqué que voilà il était en soins palliatifs, que ici c’était pas du tout la notion de réanimation, que ici c’est soulager monsieur, que c’est avant tout le confort de monsieur aussi. Et quand elle nous a posé cette question-là, avec ma collègue c’est vrai qu’on s’est dit … voilà c’est une question qui n’est pas adaptée à la situation et avec tout ce que les médecins ont pu lui dire jusqu’à maintenant. Et après, voilà, le lendemain il y a eu le rendez-vous famille où voilà elle avait des propos assez durs et violents envers son époux dans la chambre en présence de monsieur. C’était assez compliqué oui.

Moi : Est-ce que tu as pu faire le parallèle entre une situation de déni manifeste et un suivi de deuil compliqué ?

IDE 4 : Non, j’ai jamais eu l’occasion, non … Qu’on ait pu en fait voir un déni d’une famille ici par exemple et après par rapport au deuil ?

Moi : Oui.

IDE 4 : Non.

Moi : Parce que dans le service, elles peuvent revenir les familles après ?

IDE 4 : Oui, le souci c’est qu’avant en fait quand j’étais en stage ici il y avait l’autre psychologue qui s’occupe justement de ça en fait, qui propose à certaines familles de les suivre après en post-deuil justement et c’est vrai que là depuis un moment on n’a

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pas en a pas eu. Mais par contre, quand j’étais étudiante c’est vrai que si. Si, si. J’ai pas vu beaucoup mais voilà j’entendais parler la psychologue de proches de patients qui étaient décédés depuis un certain temps, depuis des mois, plusieurs mois et qui venaient encore la rencontrer elle pour justement … heu voilà, se livrer. Après est-ce que c’étaient des deuils pathologiques ? Pour certains, je ne sais pas … mais voilà, ici ça fait un moment que j’ai pas vu, que j’ai pas entendu un suivi de deuil.

Moi : Bon … heu …

IDE 4 : Ai-je quelque chose à rajouter ? (rires)

Moi : Est-ce ton dernier mot ?

IDE 4 : Heu … non là je vois pas

Moi : Tu penses rester dans le service ?

IDE 4 : J’aimerais bien, j’aimerais bien rester oui. Je m’y plais bien, après je me dis que je suis une jeune infirmière et il faut que je vois autre chose aussi. Oui, mais en fait ici ce qui est bien dans ce service c’est qu’on voit plein de choses. Y a une des collègues qui disait qu’en ce moment on fait plus de médecine que de soins palliatifs. C’est vrai que là il y avait beaucoup de pansements, de gros pansements, de soins assez lourds. C’est vrai qu’on voit beaucoup de chose oui, beaucoup de choses que l’on peut voir dans les services de médecine, même urgences certaines fois. C’est un service qui est complet et en fait qui englobe vraiment beaucoup de choses : des soins techniques et des soins relationnels, choses qu’il n’y a pas dans les services de médecine, SSR. On n’a pas tout le temps qu’on a ici d’être en relation avec la famille.

Moi : Un confort de travail !

IDE 4 : Oui … Ici c’est vrai que souvent on dit qu’ici c’est cocooning … et c’est vrai, on ne se rend pas compte de la chance qu’on a …

Moi : Je suis d’accord … c’est ce que j’en ai retiré aussi pendant mon stage.

IDE 4 : Même avec tous les professionnels qui nous entourent : les médecins, le psychologue, l’assistante sociale aussi on travaille beaucoup avec elle, les diététiciennes, on les voit pas beaucoup mais c’est important oui ; et l’ergothérapeute aussi, on a une patiente où on a besoin beaucoup de l’ergothérapeute pour l’installation …

Moi : Oui c’est vraiment un travail en équipe

IDE 4 : c’est des choses qu’on ne voit pas dans d’autres services et c’est vrai que c’est aussi ça qui m’a plu ici vraiment, le travail pluridisciplinaire dont on nous parle depuis le début de nos études et en fin de compte qu’on a du mal à percevoir et ici c’est vraiment ce binôme avec l’aide-soignante, ça c’est vraiment appréciable, voilà.

Moi : Je te remercie …

IDE 4 : Mais de rien.

Moi : Et je te laisse retourner à tes occupations.

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ANNEXE IX : Grille d’analyse des entretiens

Thèmes à partir du guide d’entretien

Entretien IDE 1 Entretien IDE 2 Entretien IDE 3 Entretien IDE 4 Remarques

Population ciblée

Age ? 25 ans 32 ans ?

Année obtention du diplôme

2010 Prépare un DIU en

Soins Palliatifs depuis 2014

2013 2009 2015 Les infirmières sont récemment diplômées. Une Ide prépare un DIU en Soins Palliatifs

Ancienneté à l’USP 5 ans 2 Ans >1 an < 1 an L’USP est ouverte depuis 19

Expérience professionnelle

? EHPAD USLD

Cardiologie Roulante de nuit

SSR

EHPAD USLD

Leur conception des soins palliatifs

Entretien IDE 1 Entretien IDE 2 Entretien IDE 3 Entretien IDE 4 Remarques

Choix de travailler en USP et niveau de satisfaction ?

j’ai découvert l’Unité de Soins Palliatifs au cours d’un stage préprofessionnel // Et c’est vraiment un travail qui me satisfait

pas vraiment … mon poste a été mis à mobilité en fait dans l’EHPAD où j’étais, donc je suis arrivée à l’USP. Mais c’était déjà un service dans lequel j’aurais voulu exercer depuis que j’ai fait mes études et donc c’était vraiment une occasion …

j’avais demandé un 80% parental et on m’a proposé ici. A côté de ça, c’était quand même un souhait un jour, donc évidemment j’ai dit oui.

Oui, c’était mon choix. Parce qu’en fait j’ai fait le dernier stage de ma formation d’étudiante infirmière ici et mon mémoire aussi en fait portait sur les soins palliatifs et la fin de vie, c’était pour ça que j’avais choisi ce stage-là.

Il en ressort que même si ce n’est pas un choix personnel c’était tout de même un souhait à plus ou moins long terme. De même les 4 IDE interrogées se disent satisfaites de travailler en USP. L’IDE 1 et l’IDE 4 ont

découvert les Soins Palliatifs au cours de leur stage préprofessionnel.

Représentations et motivations

ça correspondait vraiment à mon idéal de soins à travers le

c’est tout d’abord le confort du patient, la réflexion qu’on a

j’avais quand même eu une formation. Je savais qu’aussi ça

déjà les soins palliatifs et la fin de vie je trouve que c’est

J’ai omis de poser la question à l’IDE 1 mais celle-ci y avait

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travail en binôme et vraiment une prise en charge globale du patient comme je l’entendais quoi.

autour de cette envie de créer du confort autour du patient. // on travaille en binôme donc c’est vrai que du coup bein on est toujours à deux en fait dans nos réflexions donc c’est vrai que c’est très pratique. // on a une équipe quand même qui est très soudée donc c’est vrai que ça nous aide beaucoup dans nos prises de décisions. // on pèse toujours le pour et le contre en fait à chaque soin, à chaque décision qu’on prend, donc c’est vrai que c’est très intéressant, c’est une décision en équipe : aussi bien médecin, infirmière, aide-soignante, psychologue donc c’est très enrichissant autant pour nous, les patients ou pour les familles.

pouvait être un temps de répit pour les familles, pour les aidants qui ont des difficultés avec un proche à la maison. Je savais aussi qu’il pouvait y avoir des hospitalisations pour juste adapter un traitement antalgique ou bien pour qu’il y ait une reprise alimentaire, // je savais que ce n’était pas seulement un service où l’on accompagnait la fin de vie quoi …

un sujet très intéressant qu’en fait à l’IFSI, on n’aborde pas, qu’on aborde tard, on aborde en troisième année … // au cours de mes stages enfin j’avais rencontré des situations de fin de vie et à ce moment-là moi je me suis interrogée en fait, bien avant qu’on ait des cours dessus et j’ai fait des recherches et j’ai tout de suite été très intéressée les soins palliatifs, la notion de soins palliatifs et de fin de vie et surtout en fait la prise en charge de personnes qui sont en fin de vie, // et surtout le rôle qu’a l’infirmière dans des situations pareilles. C’est une autre prise en charge en fait. // on adapte notre prise en charge par rapport à ces patient-là

partiellement répondu dans la question précédente. Pour les 4 IDE, les soins palliatifs ne représentaient pas l’inconnu. Elles avaient déjà des notions sur la prise en charge de la fin de vie. Deux d’entre-elles ont fait leur mémoire de fin d’étude sur la prise en charge de la fin de vie et les soins palliatifs. L’IDE 1 prépare un DIU en Soins Palliatifs.

Evolution de leur conception des Soins

oui, je pense que j’ai cheminé, j’ai

// oui elle évolue tout le temps en fait. // on

j’ai repensé en fait quand même pas mal

Oui, elle a changée, elle a évoluée // grâce

Pour les 4 IDE, leur conception des soins palliatifs

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Palliatifs depuis leur prise de poste ?

progressé dans la prise en charge, le soutien des familles notamment et je prends peut-être plus de recul sur certaines situations grâce au DIU aussi qui m’a permis de réfléchir un peu à ma pratique et au sens que je donnais au soin notamment.

apprend tous les jours, toutes les situations sont différentes donc j’aurai jamais fini d’apprendre en soins palliatifs, // ma maturité évolue donc forcément ma conception change aussi … Mais en tous cas c’est toujours un service qui me plait et pour moi voilà c’est toujours l’envie de faire le mieux pour que les derniers instants de la personne soient entre guillemets les plus agréables et qu’on leur apporte le plus de confort possible en tous cas pour l’avenir.

ma façon de, ma manière d’être, enfin mon savoir-être et mon savoir-faire. // ici on axe vraiment sur le plaisir, sur le confort, pour les symptômes enfin pour soulager tous les symptômes qui peuvent être pénibles. // j’ai repensé ma conception de soin ici, parce que c’est tellement à part, on n’est plus dans le soigner curatif, on est vraiment dans un prendre soin, le confort au maximum

aussi aux différentes situations que je peux vivre et qui sont toutes différentes, que les prises en charge sont différentes aussi et que au fur et à mesure bein ma vision des choses change aussi sur les prises en charge qu’il faut vraiment adapter, et à chaque patient, à chaque entourage aussi // il faut toujours s’adapter en fait et c’est toujours une évolution en fait dans ce service-là. Un jour la prise en charge va être de telle façon et le lendemain, elle peut être toute autre, différente en fait, par rapport à l’état de santé du patient

a évoluée depuis leur prise de poste. L’IDE 2 et l’IDE 4 précisent que leur conception continue d’évoluer jour après jour, au fur et à mesure des situations auxquelles elles sont confrontées. L’IDE 3 précise qu’elle a

repensé sa conception du soin. L’IDE 1 dit qu’elle arrive

maintenant à prendre plus de recul. Elle rajoute que l’investissement dans son DIU en Soins Palliatifs lui autorise une réflexion sur le sens qu’elle donne au soin.

Leur vision de l’accompagnement

Entretien IDE 1 Entretien IDE 2 Entretien IDE 3 Entretien IDE 4 Remarques

Conception de l’accompagnement vers la fin de vie

l’accompagnement infirmier va au-delà de la technicité du soin. Voilà, l’accompagnement pour moi c’est vraiment, ça va au-

// pour moi ce serait déjà un accompagnement pluridisciplinaire parce qu’on est une équipe quand même assez importante, on

// qu’elle soit la plus confortable possible quoi, sans douleur, sans anxiété. // accompagner au mieux la personne ainsi que ses proches

// pour moi en fait l’accompagnement // j’inclue donc le patient et son entourage. D’abords le patient, son accompagnement c’est au quotidien.

L’IDE 1 et l’IDE 4 font la

distinction entre l’accompagnement des patients et celui des familles. L’IDE 1 insiste sur le fait que l’accompagnement va au-delà

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delà du savoir-faire … c’est savoir être avec les patients, les familles et l’équipe, parce que c’est un travail d’équipe aussi l’accompagnement. C’est du savoir être. Savoir être avec et savoir être là tout simplement. // En fin de vie en particulier, // la technicité est en arrière-plan je trouve, on est plus dans l’attention, l’observation aussi du patient, on respecte d’avantage son rythme à lui je trouve. Autant avant on lui impose un peu, quelque part les soins … // Quand c’est en fin de vie déjà de manière générale on respecte le rythme du patient et d’autant plus en phase agonique je trouve qu’on … qu’on attache plus d’importance à être présent tout simplement. Des fois heu c’est pas que

travaille déjà en binôme // c’est le travail en binôme qui fait énormément dans la prise en charge en USP. // c’est énormément d’écoute, de soutien aussi bien du patient que de la famille parce que c’est vrai que si la famille ne va pas bien, le patient n’ira pas bien et inversement. // c’est énormément d’explications au niveau du patient et toujours de la famille, de réassurance … // de reformulation et c’est vrai que les familles nous testent énormément, il faut // qu’on soit d’accord et qu’on aille tous dans le même sens parce que c’est vrai que sinon les familles rentrent tout de suite dans le conflit.

… Heu … Qu’elle soit le plus confortable possible voilà après c’est du cas par cas //

Donc l’accompagnement passe par les soins qu’on peut lui prodiguer, donc ça passe par exemple par la distribution des traitements ou la mise en place de traitements. Heu … ça passe aussi par les soins d’hygiène et de confort. Ça passe aussi par le relationnel qu’on a avec le patient, // on l’écoute si par exemple il a des choses à dire, on est à son écoute, on porte une attention par rapport à lui, par rapport à ce qu’il dit. Pour moi c’est tout ça l’accompagnement en fait du patient. Ça englobe à la fois les soins techniques et surtout les soins relationnels aussi qui sont très importants … enfin à mes yeux en tous cas. Ça prend une grande place dans la prise en charge des patients

du savoir-faire, pour elle la technicité passe au second plan. Ce qui compte c’est le savoir-être. L’accompagnement des familles nécessite bien entendu le savoir-être mais aussi une présence, une écoute. Accompagner les familles c’est expliquer, reformuler, rassurer. Cela nécessite des connaissances et un certain recul. L’IDE 2 parle, quant à elle, d’un accompagnement pluridisciplinaire et insiste sur le travail en binôme. Elle met l’accent sur l’écoute, les explications et la reformulation, la réassurance. Elle évoque l’importance d’une ligne de conduite de l’équipe vis-à-vis des familles qui testent régulièrement en multipliant les sources d’information et les interlocuteurs. L’IDE 3 parle de confort, d’une

fin de vie sans douleur et sans anxiété et surtout d’un accompagnement personnalisé, au cas par cas.

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tenir la main, c’est pas ça parce que des fois on entend ça : c’est tenir la main mais non. // L’accompagnement des familles après c’est autre chose. Savoir être là oui, savoir être présent auprès d’eux. C’est savoir aussi expliquer les choses, rassurer, il faut avoir un certain recul et des connaissances pour pouvoir les accompagner dans cette épreuve parce qu’ils ont des craintes, tout comme le patient, de savoir comment ç a va se passer, est-ce qu’il va souffrir et il faut pouvoir être là pour les rassurer et des fois on redit beaucoup les mêmes choses mais c’est important de les dire et de les répéter pour que ce soit bien entendu par tout le monde et les rassurer quelque part.

en soins palliatifs et en fin de vie. Et pour l’entourage aussi bein c’est en fait un accompagnement, // on les suit aussi, on est disponibles pour eux. On est attentifs aussi à l’entourage, à par exemple lorsqu’ils sont dans la chambre, on les regarde, enfin moi je sais que je les regarde, je vois, j’essaie de regarder leur visage voir s’ils sont dans l’émotion aussi, voir s’ils ont des difficultés, voir s’ils ont envie de parler, certains n’osent pas venir et donc voilà ça nous permet peut-être d’aller vers eux et ainsi // de les aider à parler s’ils ont besoin. Voilà ma conception de l’accompagne-ment.

L’IDE 4 parle d’un accompagnement au quotidien pour le patient. Elle évoque aussi l’importance de l’écoute dans sa relation avec le patient. Ainsi, elle inclue les soins techniques et les soins relationnels dans cet accompagnement. Pour l’accompagnement des familles, elle insiste sur la disponibilité, l’observation des comportements, le fait de porter une attention aux ressentis des familles. Elle est attentive et respecte le désir de communiquer ou non des familles.

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Formation spécifique à l’accueil des familles

J’en ai fait la demande il y a trois ans, quatre ans même, trois ans sur … et j’attends toujours !

Non, non. // C’est proposé mais après il faut pouvoir … // Oui, y aller. Mais oui ça peut être des pistes pour la suite …

Non, pas une formation à proprement dite. Après c’est vrai qu’avec les médecins du service, lors des rendez-vous familles où pas mal de choses sont abordées, où l’on reprend tous les thèmes un peu difficiles aussi en soins palliatifs. Avec les collègues aussi, puisqu’il y a des collègues qui ont des DU et d’autres qui ont juste de l’expérience. Voilà, j’ai été formée plus par les collègues, par les médecins … j’ai eu une base documentaire aussi de la part du cadre.

Non. Il n’y a pas de formation spécifique à l’accueil des familles proposée. Toutefois, l’IDE 3 parle d’une base documentaire fournie par le cadre du service et insiste surtout de la formation « sur le tas », par les collègues de travail

Difficultés ressenties lors de l’accompagnement des familles

Oui ça aurait été aidant. Je me suis sentie en difficulté à mes débuts parce que quand on est étudiante on se lance mais on a toujours quand même le filet du professionnel à côté et à mes débuts c’était pas évident. Quand on

Au départ // l’accompagnement des familles c’est un gros travail, c’est vraiment énorme. // dans d’autres services de médecine cette prise en charge est peut être moindre et différente, heu quand on arrive à

// tout au début oui. Franchement, il y a des situations qui sont très compliquées. // avec des familles qui ne sont pas prêtes, des gens qui ne sont pas prêts. Il y a beaucoup d’anxiété, des gens qui sont assez

// certaines fois ça peut oui. On peut être en difficulté parce que bein chaque personne réagit différemment. Il y a des personnes avec qui ça va être, on va dire, plus facile entre guillemets parce que voilà ils sont au clair

Les 4 IDE se sont senties en difficulté au début de leur prise de poste. Elles évoquent la difficulté à trouver les bons mots, la bonne attitude avec les familles et le patient. L’IDE 1 regrette que l’accompagnement ne soit pas plus développé à l’IFSI.

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est seule, le weekend, la nuit de pouvoir accompagner les familles, de savoir quoi leur dire, de savoir aussi l’attitude qu’on doit avoir auprès d’eux. Est-ce qu’il faut être heu physiquement présent ou savoir s’effacer au bon moment, c’est pas évident. Et savoir quoi leur dire exactement, c’est pas facile … c’est … on apprends pas ça à l’école et moi j’ai beaucoup appris avec l’expérience, avec également le travail en équipe, les discussions avec mes collègues, les échanges avec les médecins ou la psychologue. // c’est pendant ces entretiens là que j’ai appris énormément de choses sur la manière d’aborder les choses difficiles, // pour ma part en tous cas, j’ai beaucoup appris à travers ces entretiens famille avec le

l’USP et que la prise en charge de la famille fait partie intégrante de la prise en charge, c’est vrai que c’est pas forcément évident. // quand tu as tout ça à gérer auprès du patient et de la famille c’est trouver les bons mots, avoir une attitude adaptée, être disponible, rester disponible tout en sachant que tu as énormément de travail à côté c’est pas forcément facile mais bon il faut toujours se montrer disponible et ce n’est pas toujours facile. On en apprend tous les jours, // les entretiens avec les médecins qui nous apportent beaucoup et qui nous permettent aussi d’évoluer dans notre façon d’accompagner les familles : au niveau du vocabulaire qu’on peut utiliser, comment dire les

jeunes, on se projette un peu aussi. Au début, enfin les premiers mois, on va dire que oui j’aurai pu être en difficulté // on a aussi notre binôme aide-soignant qui peut être super aidant. // des filles qui sont là depuis très, très longtemps, qui ont rencontré beaucoup de situations et qui ont souvent // les mots justes aussi. // à l’heure actuelle // je me sens mieux, après on n’est pas à l’abri, c’est vrai, de situations plus complexes devant lesquelles on sera en difficulté //

avec la situation, ils ont bien compris la maladie, le devenir de leur proche. Et pour certains, ça va être vraiment différent, ils vont être en grande difficulté et ils peuvent, voilà, avoir des réactions différentes. Certaines fois ils peuvent // être dans le refus de communiquer avec nous, l’équipe, ce qui peut être compliqué pour nous. Certains peuvent être vraiment dans le déni de la situation malgré tout ce que les médecins peuvent leur dire, // ils vont avoir du mal à l’entendre cette information-là. En disant que là on est en soins palliatifs, c’est plus dans le curatif, que là on est dans le confort avant tout. Et certains peuvent être aussi agressifs envers le personnel soignant, c’est vrai que les blouses blanche

De même, elle déplore le fait de ne pas avoir eu de formation au début de sa prise de poste, et pense que cela aurait été aidant. Les 4 IDE mettent l’accent sur l‘importance du travail en équipe et le fait de pouvoir s’appuyer sur leur binôme aide-soignant auquel elles reconnaissent la qualité de leur accompagnement. De même, elles soulignent la transmission des valeurs et bonnes pratiques dont font preuve les médecins du service. Elles avouent avoir beaucoup appris lors des entretiens-familles et insistent sur l’acquisition des compétences sur le terrain liées à l’expérience des situations vécues. L’IDE 1 met l’accent sur le fait que lorsque l’on est débutant, on n’est pas armé pour affronter des situations de fin de vie qui sont bien souvent délicates à gérer et auxquelles il est parfois difficile de faire face.

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médecin. Savoir comment formuler heu les phrases, comment heu… // Quel ton employer, quels mots surtout heu utiliser. C’est pas un exercice évident et oui il faut une formation … ils la proposaient ils y a quelques années, ils ne la proposent plus sur l’hôpital et c’est dommage parce que quand on arrive dans un service comme celui-ci heu les familles sont vraiment en souffrance heu, elles ne sont pas préparées à la séparation. C’est pas évident d’arriver non formée dans un service comme celui-ci surtout quand on est jeune diplômée et qu’on a pas assez de bouteille pour affronter des situations violentes des fois … parce que tous les décès ne sont pas paisibles malgré les traitements. Il faut pouvoir être armée, je

choses, quelle formulation … c’est très important.

certaines fois c’est une représentation pour les patient et aussi pour la famille aussi //

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trouve pour heu … pour faire face. Pour accompagner convenablement les familles.

Identification des bénéfices de leur démarche d’accompagnement

il est utile quoi qu’il en soit. // Il y a beaucoup d’agressivité dans certaines situations, parce que le parcours du patient a été difficile, parce qu’il y a eu beaucoup de non-dits et certaines familles réagissent difficilement à notre manière de fonctionner ici, ils savent que la personne proche est en fin de vie et il y a de la colère, c’est pas visé contre nous, il y a des difficultés à accepter la survenue d’un décès plus ou moins proche ; ça arrive qu’on soit pris à partie parce qu’on ne fait pas suffisamment de choses pour leur proche ou parce qu’ils ne comprennent pas pourquoi il se dégrade brutalement

// oui je pense // on a la même optique de prise en charge, // on ne se contredit pas dans notre accompagnement // on a aussi du soutien de nos équipes, enfin de nos collègues // je pense oui qu’on apporte quelque chose, que j’apporte quelque chose au niveau de l’accompagnement des familles

J’ai l’impression … enfin qu’on voit les gens plus sereins entre guillemets face à la fin de vie de leur proche … enfin même on voit les gens avec les traits très détendus, on se dit que oui on a qu’on a quand même réussi à œuvrer pour les soulager au maximum, les accompagner vers leur fin de vie, vers une fin de vie la plus sereine possible.

Pour certaines familles oui, on peut voir le temps qu’on a passé auprès d’eux à répondre à leurs questions, aux interrogations qu’ils peuvent avoir sur n’importe quoi, que ce soit sur les traitements mis en place, sur le devenir, sur l’évolution de la pathologie, sur l’évolution de l’altération de l’état général. Voilà, quand on écoute en fait, quand on porte attention à l’entourage, quand on les écoute, quand on se rend disponible aussi pour eux, c’est important // on leur dit des choses peut être plus simplement que certaines fois les médecins qui utilisent des mots … ce qui

Les 4 IDE reconnaissent globalement les bénéfices de leur démarche d’accompagnement. L’IDE 1 précise que celui-ci est utile quoi qu’il en soit. Elle évoque l’agressivité, les non-dits et les réactions des familles pas toujours évidentes à gérer. Elle parle aussi de colère, d’un refus d’admettre l’évidence de la part des familles. Les soignants peuvent alors ressentir une certaine lassitude d’avoir à reformuler continuellement. Mais force est de constater que cette démarche d’accompagnement permet aux familles d’être plus apaisées et donc d’accepter plus facilement le décès de leur proche. L’IDE 2 fait, quant à elle, le constat qu’une équipe soudée, avec un discours cohérent permet un

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… et ils refusent aussi d’admettre l’évidence et des fois nous on trouve, c’est vrai, fatiguant de répéter souvent les mêmes choses amis on constate quand même que malgré tout ils sont plus apaisés, soit au moment de l’agonie ou après le décès. On sent que les familles sont plus apaisées et plus à même d’accepter le décès du patient. Je trouve que oui la … heu un accompagnement même s’il n’est pas satisfaisant pour nous sera quand même bénéfique pour la famille. Même si ça ne se ressent pas dans l’immédiat, ça servira surement pour le deuil par la suite.

fait que voilà ils ont une certaine évolution dans leur tête … ils cheminent en fait. Ils cheminent eux aussi pareil que le malade en fait, en fin de compte et voilà ça peut être, peut-être plus facile pour eux après, par la suite.

accompagnement efficace des familles. L’IDE 3 remarque son investissement auprès du patient et de sa famille est efficace, qu’ils sont plus sereins lorsqu‘ils ont été écouté et entendus. Enfin, L’IDE 4 constate les

bénéfices du temps qu’elle a consacré, de l’écoute active et de sa disponibilité auprès des patients et de leur entourage. Elle met l’accent sur le fait que la reformulation du discours médical permet une meilleure compréhension et permet au patient et à sa famille de cheminer et d’intégrer plus facilement la notion de perte et de fin de vie.

Réactions IDE face au déni des familles et répercussions dans la prise en soin du malade en fin de vie

Entretien IDE 1 Entretien IDE 2 Entretien IDE 3 Entretien IDE 4 Remarques

Confrontation au déni des familles suite à

Je sais pas si on peut parler de déni à

Oui, ça arrive assez fréquemment que les

Beaucoup surtout autour de

J’ai surement été confrontée … //

L’IDE 1 décrit plutôt une attitude défensive de la part

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l’entrée d’un proche en USP

proprement parlé mais je … ouais, comment dire ça … Ben là en ce moment, par exemple // la famille sur la défensive et très interrogatrice de notre façon de notre façon de prendre en charge monsieur. Et c’est vrai que ça peut déboussoler un petit peu les gens quand on leur dit qu’on va au rythme du patient, que s’il refuse de manger heu on ne l’alimente pas de force, de quelque manière que ce soit, que ce soit naturellement ou par perfusion. // c’est compliqué, on a réexpliqué les choses qu’on venait d’expliquer // Et on sent que la situation évolue, chemine mais ça fait quand même heu beaucoup de temps d’échange pour y parvenir, c’est énormément de présence et d’écoute. C’est savoir recevoir les inquiétudes des

familles soient en déni par rapport aux soins palliatifs parce que c’est vrai que le terme soins palliatifs et bein … ça fait peur d’une et les familles ne savent pas forcément ce que ça veut dire ; heu … pour beaucoup c’est la fin de vie alors que c’est pas forcément la fin de vie imminente, c’est ce qu’on essaie quand même de faire entrer dans les mœurs mais c’est pas toujours facile. Mais oui il y a beaucoup de familles qui rentrent à l’USP et qui ne sont pas au clair sur le terme. Après tout dépend comment les soins palliatifs, que ce soit au domicile ou dans les autres services, comment le terme leur a été présenté. C’est vrai qu’on retrouve beaucoup de …// oui de convalescence, de séjour de répit … voilà … et oui.

l’alimentation …// Ils vont insister heu bein sur le fait de faire manger alors qu’il n’est plus capable de déglutir, d’assimiler quelque chose, enfin l’alimentation voire même avec l’hydratation. Le déni on le voit surtout, enfin moi je l’ai surtout ressenti là-dedans : « il mange pas, donc il va mourir, mais pourquoi vous faîtes rien ! ». Oui c’est surtout là-dessus.

On n’a jamais rencontré les proches de cette dame-là, // on a eu que des contacts téléphoniques avec eux // mais eux étaient vraiment dans le déni, ne comprenaient pas, n’entendaient pas ce qu’on disait et c’est vrai que ça a été difficile pour nous surtout qu’on ne les voyait pas. // on a du donc faire appel à des intervenants à leur domicile pour voilà que eux aille vraiment leur expliquer la situation en face // on a eu en transmissions après, que ces deux personnes-là étaient complètement abattues, après par la suite avoir vraiment compris, intégré l’information. // au moment où il y a eu l’annonce du médecin, et elle nous a décrit vraiment la réaction du frère et de la sœur où le terme c’était vraiment ils étaient abattus, ils n’avaient

des familles. Les familles s’interrogent sur la façon de prendre en charge leur proche. De fait le rythme du patient est privilégié et cela questionne beaucoup les familles. Elles ont besoin d’être rassurées afin de pouvoir cheminer sereinement. Cela entraine un travail considérable pour les équipes : reformulation, écoute, échanges, présence … tout en faisant fi de l’agressivité et de la colère dont les familles peuvent faire preuve vis-à-vis de l’équipe (en sachant bien que cela revêt bien souvent d’un fort sentiment de culpabilité). L’IDE 2 pointe l’impact du

terme soins palliatifs qui fait peur et l’ignorance des familles face aux soins palliatifs. Pour certaines familles c’est synonyme de fin de vie imminente. Elle dénonce aussi la façon dont l’unité est présentée au patient et à sa famille (convalescence, séjour de répit …) L’IDE 3 a souvent été confronté au déni surtout en

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familles parce que souvent leurs propos un peu agressifs c’est de la colère contre la maladie hein, c’est pas contre nous ni contre notre prise en charge. // ça fait énormément d’échanges, d’écoute et de propos répétés en boucle pour leur permettre de cheminer et d’apaiser la situation le plus possible pour l’accompagnement de monsieur dans ses derniers instants.

plus de réaction après par la suite et … // Sidérés //

ce qui concerne l’arrêt ou la limitation de l’alimentation et de l’hydratation. Les familles n’intègrent pas le fait que le métabolisme du patient n’est plus capable de gérer les apports. Pour eux s’il ne mange pas, il va mourir. L’IDE 4 parle elle de familles

refusant d’entendre les informations, n’intégrant pas la réalité de la parole soignante. Elle parle aussi de la nécessité parfois de faire intervenir un tiers pour permettre aux familles de cheminer. Elle évoque aussi la violence de l’annonce qui peut plonger les familles en état de sidération.

Identification des mécanismes de défenses des familles / personnels

// avec l’expérience oui on reconnait les attitudes défensives des familles parce qu’il y a de la culpabilité de pas pouvoir s’occuper de la personne malade à la maison jusqu’au bout ; ça, ça revient souvent. C’est souvent dans ces cas-là qu’on nous reproche de mal faire parce qu’on ne peut

// au niveau de la famille, moi je dirais la colère. C’est vrai qu’ils sont souvent dans le conflit avec nous. Heu quand les familles sont dans le déni oui je dirais que c’est essentiellement ça : la colère et // le rejet de l’équipe et le conflit en fait ; c’est vrai que ils nous mettent en difficulté parce que bein ils nous testent

// il y a beaucoup d’agressivité, enfin d’agressivité … // des gens assez piquants, des gens assez méfiants, de la méfiance oui … enfin de l’agressivité … toujours vérifier ce qu’on peut faire. Après moi, mécanismes de défense … je ne sais pas lesquels moi je mets en place. Moi, j’ai tendance à

Moi je sais qu’il y a un mécanisme de défense // la projection // il y a une patiente en fait qui avait à peu près le même âge que ma mère en fin de compte et qui avait la même allergie // et était dans le coma, // je me suis projetée en fait, je me suis dit que ça aurait pu arriver à ma mère, ça aurait pu … //

Pour ce qui est des mécanismes de défense des familles : L’IDE 1 parle d’attitudes défensives plus que de mécanismes de défense. Elle cite la culpabilité des familles qui ne peuvent pas prendre soin de leur proche seules jusqu’au bout. Elle évoque les reproches faits aux soignants quant à leur prise en charge. Toutefois, elle relativise car elle sait que la colère est

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pas faire mieux qu’eux amis c’est normal c’est leur proche donc ils les connaissent forcément mieux que nous. Y a cette agressivité dont je parlais des familles qui est dirigée contre nous mais qui vise au final de la colère contre l’évolution de la maladie et la mort proche. // moi ma meilleure défense c’est le rire // Je pense que l’humour pour moi c’est une sacrée défense … pour toute l’équipe hein, c’est vrai qu’on fonctionne beaucoup avec l’humour pour pouvoir accepter et comprendre certaines choses. // la fuite aussi, quand on est épuisé, parce qu’on reste humain, c’est vrai qu’on est épuisé c’est compliqué de recevoir les inquiétudes des familles pour nous, l’empathie est

aussi les uns les autres pour savoir si aussi on dit tous la même chose // à cliver l’équipe // à savoir si elles disent toutes la même chose, y a les médecins souvent qui sont en difficulté par rapport à ça ; ils sont ressource pour nous mais les médecins se retrouvent aussi en difficulté par rapport à ça. // on évite toujours cette histoire de déni de la famille avant l’arrivée à l’USP // l’USP // est quand même présentée à tous les services que ce soit ici à l’hôpital où même c’est quand même un service qui est normalement connu et reconnu donc … heu … voilà ça ne devrait pas arrivé en fait des familles qui arrivent sans savoir ce que sont les soins palliatifs. // on est humain, c’est vrai que quand il y a

essayer plutôt d’être dans la médiation. //

Après, moi le plus souvent c’est la projection … Et pour l’entourage, la famille … donc il y a le déni. Après pour certains c’est // la fuite un peu et on a l’épouse d’un patient là justement, enfin c’est // le deuil anticipé. Voilà, elle a enlevé toutes ses affaires de la chambre, ses vêtements, elle n’a laissé que les vêtements pour la toilette mortuaire et elle parlait vraiment à vive voie dans la chambre du patient des obsèques, de voilà … ça fait vraiment pensé à un deuil anticipé en fin de compte. // mais c’est vrai que pour certains c’est … // l’époux de la dame qui était vraiment, qui n’avait pas de communication avec nous, qui était même à la limite agressif, qui était très, très en colère aussi je pense envers le milieu

tournée vers l’évolution de la pathologie et non contre eux personnellement. L’IDE 2 remarque une tentative de clivage de l’équipe de la part des familles La difficulté pour l’équipe et notamment les médecins. La façon dont est présentée l’USP est mise en cause. Pour elle, le service est reconnu et cela ne devrait donc pas arriver. L’IDE 3 remarque de

l’agressivité retournée contre les soignants, de la méfiance par rapport à la prise en charge. L’IDE 4 parle du déni, de la

fuite. Elle évoque aussi le deuil anticipé comme mécanisme de défense des familles. Pour certains, c’est la colère, une colère orientée vers le monde médical qui est impuissant à sauver leur proche. Elle remarque aussi des personnes très fermées, refusant de communiquer avec l’équipe. Ces situations mettent en difficulté l’équipe au niveau de la prise en charge du patient en fin de vie

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présente quand même puisque ça fait partie de notre profil professionnel … mais avec l’épuisement des fois bein on évite les situations où l’on va devoir encore se confronter aux mêmes interrogations des mêmes personnes ; on en vient j’avoue surement à être contente que le téléphone sonne à ce moment-là … mais bon après toutes ces situations-là sont débriefées en équipe régulièrement et c’est vrai que les médecins ou le psychologue nous permettent quand même de prendre du recul des fois parce que il nous arrive d’être trop dans l’affect, d’être trop proche dans certaines situations, on a moins ce recul-là, on est là presque tous les jours. Et de débriefer comme çà, d’échanger // ça nous permet de prendre du

une situation qui nous met un petit peu en difficulté bein on n’a pas envie d’y aller tout simplement // j’ai pas envie de rentrer dans la chambre, y a la fuite come tu dis // toi tu es peut être en difficulté sur le moment mais peut être que ton accompagnement justement va faire que cette personne qui est en difficulté et qui te met en difficulté peut être qu’avec ton accompagnement justement // ça va améliorer les choses et peut être que justement ça va permettre à tes collègue d’être moins en difficulté par la suite. // ok je suis en difficulté sur le moment mais si j’y vais et que j’essaie d’amorcer un peu les choses, peut être que ça se passera mieux par la suite et c’est toujours ce qu’on recherche finalement : l’amélioration des

médical. Oui, la colère pour lui c’était vraiment … ça avait vraiment été difficile comme prise en charge, non pas pour la dame, mais pour son époux. // Rentrer dans la chambre, ça devenait un peu pesant pour nous aussi // il était toujours fermé, il n’était vraiment pas communiquant … // pour lui c’était vraiment la colère.

puisqu’il est alors compliqué d’intégrer l’entourage au projet de vie du patient. Pour ce qui est des mécanismes de défense des soignants : L’IDE 1 identifie l’humour

comme étant son principal mécanisme de défense. Elle précise qu’il est beaucoup utilisé au sein de l’équipe pour dédramatiser certaines situations difficiles. Elle évoque aussi la fuite qu’elle justifie par le fait qu’il est parfois difficile de recevoir les inquiétudes des familles alors que l’on est épuisé. L’évitement apparait aussi comme mécanisme de défense, le fait d’avoir à répéter, reformuler constamment peut conduire à vouloir éviter à avoir à se confronter à une famille qui plus est si elle est agressive et cherche le conflit, ce qui est parfois le cas. Elle insiste toutefois sur l’importance du débriefing en équipe qui permet de prendre du recul et d’être moins affecté.

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recul en fait, d’être moins affecté, on va dire ça.

choses et au final y a la famille mais y aussi le patient derrière donc c’est vrai que on est là surtout pour le patient //

L’IDE 2 identifie la fuite comme pouvant être un de ses mécanismes de défense. Elle explique qu’elle relativise la situation et prend sur elle afin de pouvoir désamorcer les situations difficiles. Ceci dans l’optique d’initier une relation de confiance et de faciliter le travail de l’équipe. L’IDE 3 pense être plus dans

la médiation, mais dit aussi ne pas se rendre contre de la façon dont elle réagit. L’IDE 4 utilise plus la projection. Elle avoue avoir tendance à s’identifier à certains patients.

Impact du déni des familles sur la prise en charge du patient

ça n’influence pas l’accompagnement vis-à-vis du patient. Et il arrive, cela-dit, qu’on s’éloigne un peu trop du patient quand une situation familiale est trop compliquée. Ca par contre ça m’est déjà arrivé de le signaler à certains staff ou transmissions qu’il fallait qu’on se recentre sur le patient … parce que avec

// oui totalement, complètement oui. Comme les histoires de déni, les histoires de conflits familiaux … // y a plein de choses qui vont rentrer en compte et qui vont évidement altérer la prise en charge du patient. Même si on essaie toujours d’être // centré sur le patient mais si la famille autour est en difficulté

Oui parce que le patient il le ressent et puis il doit entendre aussi les choses que sa famille va dire autour de lui dans la chambre en fait. Donc je pense que oui, ça peut générer de l’anxiété, enfin oui …ça peut générer beaucoup d’anxiété je pense pour le patient, effectivement oui.

// oui, d’une certaine façon. // en fait le patient écoute plus son entourage, la famille que nous, les informations ne vont pas, que l’on va lui apporter ne vont pas être forcément intégrées par le patient, il va plus écouter son entourage ce qui peut être normal parce que voilà avoir une confiance entre des

L’IDE 1 pense que cela

n’influence pas l’accompagnement. Elle précise néanmoins le besoin parfois pour l’équipe de se recentrer sur le patient. Elle note l’importance concédée aux souffrances et aux conflits familiaux parfois au dépend du patient. L’IDE 2 est d’accord pour dire que le déni des familles peut impacter la prise en charge du patient. Pour autant, l’équipe

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des conflits ou des souffrances familiales proéminentes comme ça on en arrivait à, j’exagère mais, oublier la personne qui est dans le lit, complétement effacée par la pathologie familiale

bein voilà on aura toutes ces répercussions auprès du patient évidement.

blouses blanches, des médecins, des infirmières et ses proches ça fait toute la différence certaines fois et c’est vrai que certains patient vont plus écouter leurs proches qui eux sont dans le déni // … ça va compliquer la prise ne charge, c’est vrai. Le patient va avoir du mal à entendre // il peut ne pas comprendre notre … nos démarches auprès de lui.

essaie d’être toujours centrée sur le patient. L’IDE 3 pense que le

comportement des familles peut engendrer beaucoup d’anxiété pour le patient en fin de vie. L’IDE 4 a remarqué que le

patient tient compte de ce que pense son entourage. La confiance dans la blouse blanche n’est pas systématique. Ainsi, l’entourage exerce une influence non négligeable et peut entraver la prise en charge. Ceci peut instaurer un climat d’incompréhension et d’insécurité en ce qui concerne les soins.

Attentes des familles envers équipe et IDE

Ils attendent heu surtout qu’on soit présent. Ils attendent de nous une disponibilité heu importante. Une disponibilité pour écouter, une disponibilité pour rassurer le patient, et soulager le patient. // la famille attend vraiment qu’on prenne soin de leur

// des explications sur voilà, sur qu’est-ce qui est fait, dans quel sens on part pour leur proche, du soutien. Que quand on rentre dans la chambre bein voilà qu’on ait un sourire, // qu’on n’ignore pas, qu’on ne les ignore pas finalement quand on rentre dans la chambre. Qu’on ait un

// quand elles sont dans le déni, elles attendent qu’on soigne, qu’on soit dans le curatif // certaines familles sont dans le déni par rapport au parcours de soins qu’il y a pu avoir avant aussi ; si les choses ont été dites ou pas avant parce que souvent et bein ils arrivent là et

// ce que l’on peut entendre c’est que voilà ici on a plus de temps à leur accorder, à l’entourage surtout. C’est l’entourage qui nous fait souvent cette réflexion-là que voilà « vous avez été disponible », // c’est une des valeurs en plus de l’infirmière, la disponibilité, et c’est vrai que c’est souvent

L’IDE 1 parle de disponibilité,

d’écoute, de présence. La famille attend surtout de l’équipe qu’elle soulage le patient, qu’il ne souffre pas. Elle attend de l’équipe qu’elle le prenne en charge aussi bien qu’eux auraient pu le faire. Parfois les attentes ne sont pas toujours clairement exposées. Enfin, elle évoque aussi la difficulté des familles lors de la phase agonique qui est bien souvent trop longue

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proche tout comme ils auraient pu le faire s’ils en avaient les moyens. // ce qu’ils attendent vraiment c’est pas de souffrance. C’est ce qui revient tout le temps, c’est leur demande hein : je veux pas qu’il souffre. C’est la phrase qui revient le plus souvent, pour toutes les familles. // mais je pense que leur plus grande attente c’est ça, c’est qu’il y ait pas de souffrance physique ou morale. Après y a surement d’autres attentes, c’est jamais très clair les demandes des familles des fois. Après y … ils ont du mal à supporter que la situation dure trop longtemps aussi. En phase agonique heu l’attente du décès est intolérable pour certaines familles … ça dure trop longtemps. Après ça nous soignants, on

sourire et que bein voilà on engage peut être une conversation, ce qui n’est pas toujours facile mais on essaie toujours d’amorcer une conversation // qui peut commencer sur quelque chose qui est anodin et qui finalement peut se raccorder au patient finalement en essayant de // finalement, on arrive toujours à se rapprocher du sujet le plus important : le patient ou même de difficultés de la famille. C’est vrai que des fois c’est par des petits sujets qu’on arrive à aborder les sujets les plus difficiles // Les plus sensibles, oui.

enfin finalement le diagnostic n’est pas clair, l’arrêt des traitements a été évoqué mais est-ce qu’ils ont entendus … // souvent on est obligé de tout reprendre. Et ça arrive que quand toutes les choses sont reprises, quand les gens, les familles, les patients ont compris que la prise ne charge se passe beaucoup mieux, qu’elle soit plus sereine quoi. // La façon dont on leur présente le service aussi … // Il faut aussi que le patient soit vraiment d’accord de venir quoi. Il y a pas mal de choses qui rentrent en compte effectivement.

ce qui revient, qu’on est resté disponible, à leur écoute. Qu’on a été aussi attentionné en fait envers le patient et son entourage aussi. Respectueux aussi ça revient souvent. Et tout ça en fait c’est des valeurs infirmières en fin de compte mais qui sont tout aussi importantes pour le patient et pour son entourage aussi. L’entourage ressent beaucoup aussi quand il nous voit travailler auprès du patient. // on voit bien qu’ils y a des regards portés sur nous et qu’ils observent bien les situations, nos comportements à nous aussi. //, souvent après que la personne soit décédée … // … des remerciements, //

pour eux mais pour laquelle les soignants n’ont pas de réponse à apporter. L’IDE 2 dit que les familles attendent de l’équipe des explications sur le déroulement de la prise en charge. Elles attendent aussi du soutien de la part de l’équipe. Elle souligne aussi l’importance d’avoir une attention pour eux, par un sourire, un regard, une parole. Enfin, engager une conversation reste encore le meilleur moyen d’aborder les sujets sensibles. L’IDE 3 lorsqu’elles sont dans

le déni, les familles attendent que l’équipe se positionne dans le curatif. Elle note l’importance du parcours de soins avant, la façon dont l’annonce du diagnostic a été faite et surtout si elle a été intégrée. Le fait de reprendre avec les familles le projet de vie du patient, le cheminement se fait plus facilement et la prise en charge est alors plus sereine. Elle insiste aussi sur la façon dont le service a été présenté et si l’entrée s’est

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aura jamais de réponses.

faite avec le consentement du patient. L’IDE 4 indique que les

familles font souvent état de la disponibilité, de l’écoute, du respect dont fait preuve l’équipe vis-à-vis d’eux et de leur proche. Elle remarque que les valeurs infirmière ont autant d’importance pour le patient que pour son entourage. Elle constate enfin que les familles sont attentives aux soins que l’on prodigue à leur proche en fin de vie.

Expertise infirmière : maillon essentiel dans la prévention des deuils pathologiques ?

Je pense que c’est important de remarquer certaines souffrances familiales pour appréhender l’après décès // on sent que, que si heu on ne travaille pas là-dessus un minimum avant le décès elle pourrait rester avec ça et rester dans la culpabilité // Donc là j’en ai discuté avec le psychologue qui est présent aujourd’hui pour qu’il fasse en sorte de pouvoir échanger avec elle à

// en parle souvent en équipe, que ce soit avec notre binôme, ou même pendant les transmissions // Pendant les staffs, oui voilà, on en parle de // la famille en difficulté, voilà, l’épouse ou l’époux, les enfants ou le conjoint est en difficulté // on se pose toujours la question mais comment ça va se passer quand il sera plus là parce que y a des couples qui sont vraiment soit dans le déni mais y

// Oui surement, // c’est un service où les familles sont quand même assez préparées par les médecins aussi, il y a beaucoup de rendez-vous, il y a beaucoup d’accompagnement, chose effectivement qu’il y a plus qu’ailleurs ça c’est sûr. Les choses sont dites, reprises avec des mots simples. Enfin … l’expertise infirmière après je … je pense qu’une partie effectivement parce

D’une certaine façon oui peut-être à les détecter …// Après on observe beaucoup les réactions de l’entourage. // En fait la famille est vraiment importante pour nous et dans les transmissions ça se ressent. // je sais que souvent moi j’aborde la famille et on fait très attention aux réactions qu’ils ont et grâce à ses réactions-là, à nos observations, on peut voir bein là il a été en

L’IDE 1 rapporte l’importance de remarquer certaines souffrances familiales afin d’appréhender l’après décès. Elle fait la remarque que si un travail n’est pas fait en amont, il en résulte souvent un sentiment de culpabilité pour l’entourage. Elle note aussi la possibilité de faire intervenir le psychologue de l’unité. Selon elle, c’est important de repérer la difficulté en amont du décès car on peut alors agir, il n’y a pas toujours de suivi de deuil. L’IDE 2 indique que les difficultés des familles sont un sujet récurrent abordé lors des

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ce sujet-là. Ça sera peut-être pas efficace mais au moins c’est remarqué, c’est repéré et on peut essayer d’agir là-dessus tant que c’est possible quoi. C’est vrai qu’après le décès, on ne revoie pas toujours les familles.

aussi qui sont très fusionnels, quand y en a un des deux qui s’en va bein forcément ça pose souci en fait vis-à-vis de celui qui reste. Oui, c’est important de … comment dire … de le remarquer hein parce que y quand même le psychologue qui est là dans le service et qui peut intervenir en amont de la perte du proche mais aussi après.

que quand c’est le weekend, on est là, // on est les interlocutrices des familles donc je pense un petit peu // j’ai par eu encore de … deuil pathologique c’est ça ? // j’ai pas encore rencontré de situation trop … trop, comment dire qui soit allé trop, trop loin quoi.

difficulté, il est dans l’émotion. Certaines fois on peut voir qu’ils ont compris justement la situation et pour certains on se dit bein voilà il ne semble pas comprendre la situation.

transmissions et staff. Une attention particulière est portée aux couples fusionnels par exemple, aux enfants … L’important est de remarquer les difficultés car la présence d’un psychologue dans l’unité permet de proposer un suivi. Cet accompagnement psychologique peut se faire en amont du deuil mais aussi après. L’IDE 3 note le fait que les

familles reçoivent toutes les informations nécessaires à leur cheminement et sont donc bien préparées. Elle pense quand même que l’expertise infirmière est plus visible le weekend car l’infirmière est l’interlocutrice privilégiée des familles. Elle fait le constat de ne pas avoir encore été confrontée à un deuil compliqué. L’IDE 4 précise l’importance

qu’elle accorde au ressenti des familles et ce notamment au moment des transmissions. Elle porte une attention particulière à l’observation des réactions et comportements de l’entourage. Ceci lui permet d’évaluer comment sont

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intégrées les informations qui peuvent être distillées aux familles et ainsi leur cheminement.

Parallèle établi entre situation de déni manifeste et deuil compliqué

Oui // Cette personne qui est revenue après le décès de son épouse. C’est un monsieur qui avait du mal à … à lâcher un peu prise sur l’accompagnement de son épouse // Il était vraiment dans le contrôle et au moment du décès heu ça a été très compliqué pour lui. Y a eu beaucoup d’entretiens familles pendant l’hospitalisation de cette personne et ce monsieur nous a écrit un petit moment après le décès // Il a remis en question tous les actes qui avaient été faits dans les derniers instants de la vie de son épouse … en se demandant si ça n’avait pas accéléré les choses ou s’il n’y avait pas eu une erreur de commise. En fait, il était

Oui. // ça avait été repéré en amont. Souvent c’est des familles // à la base sensibles à un suivi psychologique // y a des familles qui voient le psy et disent ah non, non, je ne veux pas voir le psychologue voilà ; mais y des familles, y a des personnes qui oui au contraire sont // Sont demandeuses de suivi psychologique et souvent // ça se poursuit en fait hein … aussi bien pendant que après … après le décès.

// j’ai par eu encore de … deuil pathologique c’est ça ? // j’ai pas encore rencontré de situation trop … trop, comment dire qui soit allé trop, trop loin quoi. Non

Non, j’ai jamais eu l’occasion, non … // l’autre psychologue // qui propose à certaines familles de les suivre après en post-deuil justement // Mais par contre, quand j’étais étudiante c’est vrai que si. // j’entendais parler la psychologue de proches de patients qui étaient décédés depuis un certain temps, // venaient encore la rencontrer // pour se livrer. //

L’IDE 1 évoque le cas

particulier d’un homme dans l’hyper maîtrise qui n’avait pas intégré que sa femme allait mourir et qui après le décès de celle-ci a remis en question toute la prise en charge. L’équipe l’a revu après le décès et a repris avec lui la chronologie de la prise en charge de son épouse. Ceci a suffi à l’apaiser. Elle remarque que bien souvent le questionnement des familles intervient après le décès. Lors de la phase agonique, elles sont tellement dans l’affect, parfois même elles sont sidérées qu’elles ne parviennent pas à intégrer la séparation. Un suivi de deuil est parfois nécessaire. L’IDE 2 a pu faire le lien. Elle précise que les situations ont été repérées en amont. Elle remarque aussi que toutes les familles ne sont pas réceptives lorsqu’on leur propose de rencontrer le psychologue de l’unité.

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tellement mal parce qu’il n’avait pas compris que son épouse pouvait décéder, qu’il a demandé à nous rencontrer // on a repris chronologiquement ce qui s’était passé dans les derniers moments de vie de son épouse et ça a suffi à l’apaiser. Et on se rend compte en fait que des fois, le questionnement des familles arrive après parce que //, l’agonie est pleine d’affect, d’appréhension, quelque part de sidération quand on n’est pas près à la séparation … que le questionnement il vient longtemps après.

L’IDE 3 avoue ne pas avoir

encore eu à se confronter au deuil pathologique. L’IDE 4 n’a pas été confrontée

à ce genre de situation depuis sa prise de poste. Néanmoins, elle évoque des suivis de deuils par la psychologue de l’unité pour des familles qui ressentaient le besoin de se livrer.

Rajout // ce qu’il faut retenir c’est le maître-mot c’est l’humilité, c’est vraiment l’humilité dans l’accompagnement // On n’est pas

Non Non, des situations voilà où des familles effectivement étaient agacées, étaient dans le déni mais j’ai pas eu … à me défendre vraiment. J’ai eu plus

// C’est un service qui est complet et en fait qui englobe vraiment beaucoup de choses : des soins techniques et des soins relationnels // On n’a

L’IDE 1 retient la notion humilité dans l’accompagnement et parle de savoir rester humble face à la mort. Enfin, elle note que le savoir ne s’apprend pas toujours dans les livres et que

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omnipotent même si on a des savoirs, des formations … on ne peut pas tout régler // il faut savoir rester heu, la mort dans cette position basse là et juste savoir être quoi … le savoir être ne s’apprend pas toujours dans les bouquins … c’est vraiment du quotidien et c’est vraiment savoir garder cette position … être dans l’humilité voilà.

à me couvrir en tous cas, par les transmissions … après voilà mon attitude, expliquer ce que je faisais, l’intérêt … voilà, mais j’ai pas eu de … je vois pas … Je ne me vois pas ! Donc je sais pas quels mécanismes je peux mettre en place quand c’est comme ça.

pas tout le temps qu’on a ici d’être en relation avec la famille. // c’est aussi ça qui m’a plu ici vraiment, le travail pluridisciplinaire dont on nous parle depuis le début de nos études et en fin de compte qu’on a du mal à percevoir et ici c’est vraiment ce binôme avec l’aide-soignante, ça c’est vraiment appréciable, voilà

l’on doit tenir compte des leçons du quotidien. L’IDE 2 n’a rien à rajouter.

L’IDE 3 revient sur les

mécanismes de défense, sa confrontation avec des familles dans le déni et bien souvent agacées. Toutefois, elle n’a pas eu à se défendre contre cette agressivité mais a plutôt ressenti le besoin de se couvrir via les transmissions. Elle indique qu’elle explique toujours ce qu’elle est en train de faire au patient et l’intérêt du soin à l’entourage. Mais elle avoue ne pas avoir conscience des mécanismes qu’elle peut utiliser. L’IDE 4 précise que l’USP conjugue à la fois les soins techniques et les soins relationnels et qu’elle apprécie ici le fait de travailler en équipe pluridisciplinaire et notamment le travail en binôme.

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L’accompagnement infirmier face au déni des familles en Unité de Soins Palliatifs

Le déni exprimé par les familles vivant une situation de fin de vie est le point de départ de cette démarche de recherche. En effet, les infirmières sont souvent confrontées aux familles démunies face à la perte inéluctable et imminente de leur proche. Ce travail introduit la problématique suivante : En quoi l’accompagnement par l’infirmière d’une famille faisant preuve de déni face à la prise en charge palliative d’un proche est-il un élément important de la prise en soin du patient en fin de vie ? Afin d’illustrer mon propos, trois concepts ont particulièrement été développés : les soins palliatifs, les mécanismes de défense et l’accompagnement. Afin de mener à bien cette démarche, quatre entretiens auprès de professionnels de terrain ont été réalisé au sein d’une Unité de Soins Palliatifs. Pour ce faire, l’utilisation d’une méthode d’analyse des entretiens associant les concepts étudiés lors de la démarche de recherche était nécessaire. Après retranscription, ces entretiens ont fait l’objet d’une analyse afin de confirmer ou d’infirmer les hypothèses et la problématique de départ. Cette étude a démontré l’importance de l’accompagnement infirmier auprès des familles vivant une situation de fin de vie d’un de leur proche. Elle a aussi mis en évidence l’impact de l’expérience que peuvent avoir les infirmières dans la gestion du déni dont font preuve certaines familles. Enfin, l’accompagnement du patient en fin de vie ne peut se faire sans un accompagnement de sa famille et de ses proches. Pour conclure, capacité d’analyse, réflexion et remise en question auront été nécessaires à l’aboutissement de ce mémoire. Ces trois années d’étude auront été jalonnées par le façonnement de mon identité de soignant et l’affirmation de ma posture professionnelle. Mots clés : Accompagnement - Déni - Fin de vie - Mécanismes de Défense - Soins Palliatifs

INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS QUIMPER-CORNOUAILLE 1 rue Etienne Gourmelen - BP 170 - 29107 QUIMPER

TRAVAIL ECRIT DE FIN D’ETUDES - Année 2015 / 2016

Nom : SPINEC Prénom : Kristel

Nursing Support With Families In Denial In Palliative Care Unit

The denial expressed by families living a situation of the end of life was the starting point of this approach of research. Indeed, the nurses are often confronted with families deprived in front of the inevitable and imminent loss of their close friend. This work introduces the following problem : In what support by the nurse of a family showing denial in front of the palliative care of a close friend, it is an important element of the taking in care of the patient at the end of life ? To illustrate the subject, the three concepts were particularly developed : the palliative care, the defence mechanisms and the support. To bring to a successful conclusion of this research, four conversations with professionals of ground were undertaken within a palliative care unit. To do it, the use of a method of analysis of the interview associating the concepts studied during the search was necessary. After transcription, these conversations were the object of an analysis to confirm our counter the hypotheses and the problem of departure. This study demonstrated the importance of the nursing support with families living a situation of the end of life of one of their close friends. It highlighted as well, the impact of the experiences as the nurses in the management of the denial showing by certain families. Finally, the support of the patient at the end of life cannot be made without a support of his family and his close friends. To conclude, capacity of analysis, reflection and questioning have been necessary for the outcome of this report. These three years of study have been marked out by the moulding of my professional nursing identity and the assertion of my professional posture.

Key words : Defence mechanisms - Denial - End of life - Nurse support - Palliative care