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Innover pour réussir Des acteurs parlent aux acteurs

C H E Z L E M Ê M E É D I T E U R

L'ANALYSE SYSTÉMIQUE D E L'ÉDUCATION Jerry Pocztar

L'ANIMA TION PÉDAGOGIQUE A UJOURD'HUI Raymond Toraille

L E CHOUCHOU ou L' É L È V E P R É F É R É

Philippe Jubin

LA DÉFINITION DES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES Bases, composantes et références de ces techniques Jerry Pocztar

DES BONS E T D E S MAUVAIS ÉLÈVES Pierre Mannoni

DESSIN E T DESSEIN

Pédagogie et contenu des arts plastiques Joëlle Gonthier

L ' É C H E C SCOLAIRE N ' E S T PAS UNE FATALITÉ CRESAS (Centre de Recherche de l'Éducation Spécialisée et de l'Adaptation Scolaire)

L 'ÉLÈVE TÊTE À CLAQUES Philippe Jubin

L 'ENSEIGNANT E S T UNE PERSONNE Sous la direction de Ada Abraham

H I S T O I R E E T ACTUALITÉ DES MÉTHODES PÉDAGOGIQUES Jean Vial

NAISSANCE D'UNE PÉDAGOGIE INTERACTIVE CRESAS (Centre de Recherche de l'Éducation Spécialisée et de l'Adaptation Scolaire) Coordination : M. Hardy, F. Platone et M. Stamback.

ON N'APPREND PAS TOUT SEUL Interactions sociales et construction des savoirs CRESAS (Centre de Recherche de l'Éducation Spécialisée et de l'Adaptation Scolaire)

L 'ORIENTATION SCOLAIRE E N QUESTIONS GFEN (Groupe Français d'Éducation Nouvelle)

LA VIOLENCE DANS LA CLASSE Eric Debardieux

VIVONS L ' É C O L E AUTREMENT PAR LA SOPHROLOGIE

Ghylaine Manet

L E S VOCATIONS E T L 'ÉCOLE Jean Vial

Catalogue complet sur demande

Collection Pédagogies

sous la direction de Char les Hadji

Innover pour réussir Des acteurs par len t a u x acteurs

ESF éditeur

17, rue Viète - 75017 PARIS

© ESF éditeur, PARIS 1991 ISBN 2-7101-0896-8 ISSN 1158-4580

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1 er de l'article 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

Pédagogies Collect ion dir igée p a r Ph i l i ppe M e i r i e u

La collection PÉDAGOGIES propose aux enseignants, formateurs, animateurs, éducateurs et parents, des œuvres de référence associant étroitement la réflexion théorique et le souci de l'instrumentation pratique.

Hommes de recherche et hommes de terrain, les auteurs de ces livres ont, en effet, la conviction que toute technique pédagogique ou didactique doit être référée à un projet d'éducation. Pour eux, l'efficacité dans les apprentissages et l'accession aux savoirs sont profondément liées à l'ensemble de la démarche éducative, et toute éducation passe par l'appropriation d'objets culturels pour laquelle il convient d'inventer sans cesse de nouvelles médiations.

Les ouvrages de cette collection, outils d'intelligibilité de la « chose éducative », donnent aux acteurs de l'éducation les moyens de comprendre les situations auxquelles ils se trouvent confrontés, et d'agir sur elles dans la claire conscience des enjeux. Ils contribuent ainsi à introduire davantage de cohérence dans un domaine où coexistent trop souvent la générosité dans les intentions et l'improvisation dans les pratiques. Ils associent enfin la force de l'argumentation et le plaisir de la lecture.

Car c'est sans doute par l'alliance, sans cesse à renouveler, de l'outil et du sens que l'entreprise éducative devient vraiment créatrice d'humanité.

Dans la même collection

APPRENDRE, OUI MAIS COMMENT ? Philippe Meirieu

LE CHOIX DÉDUQUER Ethique et pédagogie Philippe Meirieu

CONSTRUIRE LA FORMATION CEPEC, sous la direction de Pierre Gillet

DÉVELOPPER LA CAPACITÉ D APPRENDRE Jean Berbaum

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS De la planification à ses organisateurs cognitifs François-Victor Tochon

L' ÉCOLE MODE D'EMPLOI Des « méthodes actives » à la pédagogie différenciée Philippe Meirieu

L' ÉDUCATION, SES IMAGES ET SON PROPOS Daniel Hameline

ENSEIGNER, SCÉNARIO POUR UN MÉTIER NOUVEAU Philippe Meirieu

L' ÉVALUATION EN QUESTIONS Charles Delorme et le CEPEC

L'ÉVAL UA TION, RÈGLES DU JEU Des intentions aux outils Charles Hadji

LES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES En formation initiale et en formation continue Daniel Hameline

QUESTIONS DE SA VOIR Introduction à une méthode de construction autonome des savoirs Gabrielle Di Lorenzo

En hommage à Henri Claustre

Lis t e des a u t e u r s

Colette AUGOYARD

Professeur d'anglais, formatrice.

Françoise CLAVEL Certifiée en sciences naturelles.

Anne-Marie GRAPPIN

Professeur d 'enseignement général de collège en histoire-géographie, formatrice MAFPEN*.

Charles HADJI

Agrégé de philosophie, maître de conférences en sciences de l 'éducation à l 'université Lumière, Lyon II.

Bernard JARDEL

Certifié en éducat ion physique et sportive (biadmissible à l'agrégation), D E A de psychopédagogie, formateur M A F P E N , IUFM.

G u y LAFOSSAS Professeur d 'enseignement général de collège en mathématiques/scien- ces physiques, D E A information et communicat ion.

Eliane PALLORDET

Professeur d 'enseignement général de collège en histoire-géographie, formatrice M A F P E N .

Jean VESLIN

Agrégé de sciences naturelles, formateur à la M A F P E N de Grenoble.

Odile VESLIN

Agrégée de lettres classiques, formatrice à la M A F P E N de Grenoble.

* Mission Académique à la Formation des Personnels de l'Education Nationale.

Chapitre 1

I n n o v e r p o u r r éus s i r ?

De l'invention de modalités nouvelles pour le jeu pédagogique

Charles Hadji

Les enseignants qui ont décidé, dans cet ouvrage, de mêler leurs voix pour faire entendre quelque chose qui soit utile à l'ensemble de leurs collègues ont en commun, au moins, deux caractéristiques.

- Ils travaillent, depuis un temps plus ou moins long, en un lieu pédagogiquement « chaud » : le collège Villeneuve, dans les quartiers sud de Grenoble. On pourrait, en effet, appliquer à cet établissement scolaire la fameuse formule : depuis dix-huit ans qu'il existe, il s'y passe toujours quelque chose. C'est un peu de cette vie et de ce dynamisme que les acteurs-auteurs ont voulu transmettre. De ce point de vue, cet ouvrage est d'abord un témoignage.

- Ils partagent une conviction : l'Ecole se doit d'être une école de la réussite. Tout doit être mis au service de cette ambition. Tout doit être tenté pour améliorer le fonctionnement de l'institution éducative et lui permettre de réaliser sa fin. Ainsi auront été imaginés et expérimentés des outils et des structures susceptibles de favoriser la réussite. Nous avons choisi de présenter et d'analyser quelques-uns de ceux dont la mise en œuvre s'était révélée la plus riche d'enseignements.

Mais une telle conviction soulève une question préalable, dont l'examen nous permettra de mieux situer le produit proposé aux lecteurs. Les paroles d'acteurs du collège Villeneuve, qui constituent la trame de l'ouvrage, s'offrent donc comme autant de variations sur un thème commun, celui de la recherche des conditions pédagogiques de la réussite. Mais comment faut-il entendre : « réussir » ?

De la réussite

Chez les acteurs du « drame » scolaire, l'idée de pédagogie de la réussite sera assez facilement, aujourd'hui, l'objet d'un consensus. Mais l'accord sur la nécessité de réussir risque bien de n'être que formel, et des désaccords ne manqueront pas de se faire jour dès qu'il s'agira de dire en quoi consiste, précisément, la réussite espérée. L'étymologie est double. Réussir, c'est résulter. C'est aussi ressortir, au sens de trouver une issue. On admettra donc que, d'une façon générale, on réussit quand on parvient à ses fins, quand on obtient des résultats conformes à ses projets.

La question est alors de savoir quels types de résultats peuvent être attendus quand il s'agit de l'Ecole. Comment donc se caractérise, en ce domaine, une heureuse issue ? Plusieurs réponses peuvent être proposées.

La réussite sera tout d'abord celle des élèves aux différents examens qui jalonnent leur parcours. On attend des lycéens qu'ils soient reçus au baccalauréat, des étudiants qu'ils obtiennent leur licence, puis leur maîtrise, etc. Mais l'obstacle à franchir ne prend pas nécessairement la forme d'un contrôle institutionnel des connaissances et des capacités. On attend, par exemple, des élèves de l'enseignement élémentaire qu'ils entrent en sixième, et de ceux du collège qu'ils aillent au lycée. Réussir, en ce cas, c'est suivre un parcours type, et socialement valorisé.

Mais on peut considérer que l'élève n'est pas exactement un cheval, et que l'école peut être autre chose qu'un champ de courses. Quoi donc ? Par exemple, un lieu où l'on apprend à vivre en bonne entente avec les autres, malgré - ou grâce à - tout ce qui nous sépare d'eux. Ou bien un espace où chacun trouvera les moyens d'un développement harmonieux de sa personne. Ou encore un terrain d'exercice pour construire des compétences qui seront socialement utiles. Chaque réponse possible prend son sens par rapport à une fonction jugée dominante : créer les conditions d'une heureuse vie sociale ; favoriser le développement individuel ; outiller les futurs acteurs sociaux, etc. Le premier mérite de l'innovation se lit sans doute ici : contraindre à réfléchir à l'essence de l'Ecole. Amener les acteurs à s'interroger sur le sens de leur action.

Mais on voit aussitôt qu'il y a une pluralité d'acteurs, qui n'attendent peut-être pas tous la même chose. Le corps social pourra privilégier, d'une façon générale, la socialisation éducative, et la fonction « symbolique » de l 'enseignant L'Ecole a alors pour tâche dominante de «raboter» les particularismes au bénéfice des valeurs de la communauté. Les parents pourront souhaiter que s'effectue cette socialisation ; mais aussi qu'on arme leurs enfants pour la vie sociale et économique en les formant, au sens socioprofessionnel du terme. Certains voudront tout simplement que leurs enfants soient heureux.

1. Cf. Marcel Postic, La relation éducative, 3 éd., Paris, PUF, 1986, p. 109.

Et les enseignants ? Et les élèves eux-mêmes ? Quelles que soient leurs attentes, on peut déjà retenir :

a) qu'il n 'y a de réussite que par référence à des attentes, à des objectifs ;

b) que l 'Ecole est investie par des acteurs différents qui sont porteurs de projets différents et quelquefois contradictoires ;

c) que, par suite, les formes de l 'excellence scolaire peuvent être elles aussi diverses. Il n 'y a pas un modèle unique de la réussite.

La volonté d ' innover a sans doute valeur immédiate en tant

qu'invitation à prendre du recul par rapport aux modalités usuelles de fonct ionnement qui, pour être traditionnelles ou dominantes, n 'en sont pas pour autant bonnes en soi. La pédagogie traditionnelle n 'a droit à aucun respect a priori.

Mais ce rappel à l 'ordre de la nécessaire réflexion critique risque de demeurer stérile s'il ne s 'accompagne pas de proposit ions d'action. N'est-il pas alors nécessaire de t rancher et de privilégier une fonction ?

Une façon d 'échapper au risque d'arbitraire inhérent à tout choix (car comment justifier que la fonction désignée c o m m e essentielle doit bien, en effet, être tenue pour telle ?) est de ne pas vouloir reconstruire l 'ensemble de l'édifice scolaire autour d 'une fonction dont l 'analyse aurait établi la primauté, en se contentant d'essayer de t ransformer certaines de ses structures ou de ses modalités de fonct ionnement dans l 'espoir d 'améliorer ponctuellement celui-ci. L ' innovation a alors c o m m e second grand mérite de contr ibuer à l 'exploration du champ des possibles, en montrant ce qui peut se réussir à l'Ecole, c'est-à-dire quelles entreprises peuvent être couronnées de succès, quelles actions concrètes peuvent donner satisfaction à la fois aux enseignants et aux élèves et, au-delà d'eux, aux parents, et au corps social tout entier. On pourrai t dire que sa fonction est de f a i r e pousser des petites f leurs de réussite, formes locales et ponctuelles d'excellence, et ainsi de montrer ce que peut signifier, dans le concret, réussir.

D e l ' i n n o v a t i o n

L' innovat ion peut être ainsi définie c o m m e une exploration du champ de la réussite possible. Cela ne remet pas en cause l'idée qu'il n 'y a de réussite que par rapport à des attentes. Mais permet de comprendre que, s 'articulant avec les grands systèmes d'attentes sociales, qui ont présidé à la naissance de l'Ecole, ou qui orientent les grandes « lectures » actuelles de son action, et constituent ainsi des référents privilégiés pour l ' é v a l u e r existent des attentes particulières qui spécifient, t raduisent et incarnent les premières. Ces attentes prennent, lorsqu'elles s'explicitent et se rationalisent,

2. Cf. Charles Hadji, L'évaluation, règles du jeu, Paris, ESF, 1989.

la figure d'un projet (projet d'action éducative, projet d'établissement, projet pédagogique, etc.). Et la mise en œuvre de l'action ou du système d'actions qui tend à satisfaire ces attentes en réalisant le projet est une démonstration, par l'expérience, de ce que réussir peut vouloir dire.

C'est pourquoi l'innovation à d'emblée vertu pédagogique. Elle aide à repérer les variables et les objets qui structurent le champ du pédagogique, c'est-à-dire de l'action « éducative » spécifiquement organisée au sein de l'Ecole. Elle fait voir où l'on peut agir, sur quoi peut porter l'action, quelles sont les variables de commande des sous-systèmes en cause. Ainsi s'expliquent la diversité de ses formes et la variété de ses points d'application, dont ce livre témoigne.

Mais avant de poser la question des typologies qui pourraient ordonner cette variété, sans doute est-il nécessaire de préciser notre définition de l'innovation. Qu'est-ce qui, tout d'abord, distingue l'innovation proprement dite d'une simple rénovation ?

- On peut entendre par transformation tout changement de forme ou d'aspect. On transforme son appartement en déplaçant ou en abattant les cloisons et en changeant les meubles de place.

- La rénovation implique l'idée de renouvellement (renovatio). Le terme a un sens moral, celui de régénération. Mais on est passé du sens de rétablissement dans un état premier à celui de remise à neuf. Rénover, c'est ravaler la façade de l'immeuble. Cela lui permet de durer. Ce qui pose la question - et l'on rejoint le premier sens - de la valeur conservatrice, voire mystificatrice, de la rénovation, dont l'effet dernier est de conforter un certain état de fait, de renforcer ce qui existe. C'est toute l'ambiguïté de la rénovation des collèges, le changement étant introduit par décision administrative, et selon des consignes institutionnelles. Une stratégie « politico-administrative », « utilisant l'appareil coercitif du pouvoir » peut-elle vraiment aboutir à changer les pratiques ?

- L'innovation (le terme désignant aussi bien l'action d'innover que le résultat de cette action) est l'introduction, dans un système établi, d'un élément véritablement nouveau, c'est-à-dire encore inconnu ou inédit. C'est installer un ascenseur dans l'immeuble. Mais une telle innovation améliore le fonctionnement de l'objet. Ce n'est donc pas simplement l'introduction de la nouveauté qui importe. L'innovation risquerait de n'être qu'un épiphénomène nécessaire à la stabilité du système. Et une stratégie « révolutionnaire » de changement par l'innovation pourrait avoir finalement le même effet, conservateur, qu'une stratégie « réformiste » de rénovation. L'innovation n'a véritablement d'intérêt que si elle contribue à l'amélioration d'un fonctionnement. Selon une salutaire mise en garde de Gabriel Langouet, il ne faut pas confondre hâtivement modernisme ou nouveauté et p r o g r è s Si l'innovation est changement, et introduction d'une

3. OCDE, Tendances nouvelles de la formation et des tâches des enseignants. L'enseignant novateur, Paris, 1976, p. 69.

4. Gabriel Langouet, Suffit-il d'innover? Paris, PUF, 1985, p. 48.

nouveauté, elle n'a de mérite pédagogique que comme changement « en mieux ». Pas simplement faire autrement, mais faire mieux. De ce point de vue, elle est « tentative délibérée d'améliorer les pratiques existantes par rapport à certains objectifs souhaités » Non pas l'innovation pour l'innovation, comme dans un système de mode, mais l'innovation pour le progrès. D'où la définition proposée par Pierre Ducros et Diane Finkelsztein : « Une tentative pour transformer, afin de les améliorer, des aspects précis du système scolaire, du fonctionnement d'un établissement ou de la pratique pédagogique de certains enseignants » Cette façon d'envisager l'innovation invite à poser toujours la question : où est le progrès ? Autrement dit, à apprécier la valeur de réussite de la réussite éventuelle ! Car l'innovation peut réussir en ce sens que le système s'en accommode, que le « nouveau » résiste aux forces qui lui sont opposées et réussit à s'établir. Mais l'émergence et la persistance du nouveau ne suffisent pas à établir la réussite. Il faut qu'il y ait amélioration. Or on ne peut en juger que par référence à ce que D. Stufflebeam et al. appellent modèle de Type 1, modèle critérié désignant « ce qui devrait ê t r e » Ce qui nous ramène au projet et permet de comprendre la définition pro- posée par Gérard Figari, qui met l'accent sur l'importance de celui-ci : « Cette démarche est devenue synonyme de "projet inventif et créatif' accompagné de réflexion et d 'analyse » Les textes qui suivent offrent, en ce sens, de précieux éléments de réflexion et d'analyse de la démarche innovante.

Comme démarche d'exploration créative, l'innovation peut porter sur de multiples objets. On peut alors, avec G. Langouet, classer les innovations selon qu'elles portent sur les structures, sur les contenus enseignés ou sur les méthodes d'enseignement Si l'on élargit la notion d'objet dominant à celle de champ d'application, on pourra, avec l'OCDE, distinguer celles qui concernent les buts et les finalités ; celles qui concernent l'organisation et l'administration ; celles qui concernent les rôles et les relations entre les rôles ; enfin celles qui concernent le programme, la pédagogie et l ' éva lua t ion Si l'on prend en considération, avec Louis Legrand, les processus d'élaboration et de diffusion, on pourra parler d'innovation décidée pour celle qui va du centre du système à sa périphérie ; d'innovation spontanée pour celle qui s'élabore à la périphérie et se diffuse spontanément ; et d'innovation contrôlée pour celle qui, élaborée encore à la périphérie, est prise en charge par une institution centrale qui organise

5. Ibid., p. 49. 6. Pierre Ducros, Diane Finkelsztein, L 'école face au changement, CRDP, Grenoble,

1987, p. 20. 7. Daniel L. Stufflebeam et al., L'évaluation en éducation et la prise de décision,

Ottawa, NHP, 1980, p. 141. 8. Gérard Figari, « Un essai d'intégration de la démarche de recherche à la pratique

innovante», Revue française de pédagogie, 70, janv. 1985, p. 100. 9. G. Langouet, Suffit-il d'innover ? op. cit., p. 52.

10. OCDE, Tendances nouvelles de la formation..., op. cit., p. 65.

son expérimentation et son évaluation avant une éventuelle diffusion à la p é r i p h é r i e Enfin, par rapport aux objectifs qu'elles s'assignent, on pourrait, avec E. Satre, conduire une véritable analyse spectrale, de l'innovation conservatrice, qui tend au maintien d'une situation, à l'innovation nihiliste, qui tend à détruire le système, en passant par les innovations réformistes ou révolut ionnaires

Ces typologies fournissent des grilles qui permettront au lecteur, s'il le souhaite, de situer les innovations décrites et analysées dans cet ouvrage. Mais, pour qui veut « lire » et comprendre une innovation, l'essentiel est sans doute, par-delà les grilles, de bien repérer, dans la totalité du champ pédagogique concerné, trois « sous-systèmes » :

- le sous-système des finalités dans lesquelles s'inscrit l'innovation et qui lui donnent sens ;

- le sous-système qui fait l'objet de l'innovation (sous-système cible) ;

- le sous-système initiateur, qui est à l'origine du changement.

Du changement

Nous avons défini l'innovation comme un changement ayant pour ambition d'améliorer. Mais cette ambition ne risque-t-elle pas d'être mystificatrice ? L'innovateur peut-il se garder du piège de l'idéologie du changement ? Après tout, était-il bien nécessaire et utile de changer ? Considérons une dernière typologie, centrée sur les fonctions. L'innovation peut avoir pour fonction de « remédier », c'est-à-dire de mettre fin à des dysfonctionnements. Elle est alors foncièrement conservatrice, ce qui, nous l'avons vu à propos de la rénovation, soulève le problème de la valeur du système dont on veut améliorer le fonctionnement. Peut-être vaudrait-il mieux laisser éclater les dysfonctionnements pour contraindre les acteurs sociaux à s'interroger sur l'intérêt véritable du bon fonctionnement d'un système dont l'existence même peut faire l'objet d'interrogations. Par exemple, faut-il chercher des moyens pour permettre aux enseignants de mieux travailler en classe ? Ne conviendrait-il pas plutôt d'abolir cette s t r u c t u r e ?

L'innovation peut avoir, par ailleurs, pour fonction d'adapter l'Ecole à l'évolution du monde moderne, aux changements dans la société. Ne serait-il pas alors plus judicieux de résister à ces derniers changements ?

11. G. Langouet, op. cit., p. 53-55. 12. Ibid., p. 57-58. 13. Cf. Le Binet Simon, 621, IV, 1989, Faut-il supprimer la classe ? (Société A. Binet

et Th. Simon, 16, quai Claude-Bernard, 69007 Lyon).

« L'ivresse de changement qui passe et agresse », selon la belle formule de Jacques Ardoino, risque d'« engourdir » les fonctions critiques et de précipiter dans des innovations sans réelle portée pédagogique, voire constituant un obstacle supplémentaire sur le chemin d'une réelle et saine éducation. De quel intérêt a été véritablement l'introduction de l'infor- matique à l'école ? Avait-on, déjà, bien mis au service de fins éducatives les outils apportés par la révolution audiovisuelle ? L'innovation pour l'innovation ne saurait être la traduction scolaire du changement pour le changement. Il y a lieu de réfléchir avant de suivre, pour ne pas être emporté par « la tourmente du changement » et succomber à l'illusion du progrès justement dénoncées par Gilles F e r r y

Le changement n'est pas une valeur en soi. Mais il peut s'avérer nécessaire lorsque sont en jeu des valeurs authentiques - lorsque, par exemple, serait menacée la liberté des acteurs dans un système d'enseignement totalitaire ; ou, plus simplement, souhaitable, lorsqu'on peut espérer réaliser ses fins d'une façon plus rapide, élégante et/ou efficace que dans la situation actuelle. Telle est la fonction de l'innovation prospective, destinée à favoriser, par exemple, l'émergence d'une personne fonctionnant pleinement, selon l'expression de Carl Rogers. Ce qui pose à nouveau le problème de la légitimité des fins par rapport auxquelles seules il pourra y avoir indiscutablement réussite.

Pourrons-nous faire ici ce que nous n'avons pas voulu ou osé faire plus haut, c'est-à-dire privilégier une fonction, jugée « essentielle » et, partant, un système de finalités ? On observera que, d'une certaine façon, les acteurs du collège Villeneuve ont tranché, en privilégiant l'élève, et ce qu'il fait. J'oserai dire que ce choix me paraît bon, dans la mesure où tout conduit à penser aujourd'hui que la tâche spécifique de l'élève en tant qu'élève est d'apprendre, et que corrélativement l'essence de l'enseignement est de promouvoir et de faciliter les apprentissages, en donnant l'occasion de construire les outils intellectuels dont la « fréquentation » d'une discipline rend possibles l'acquisition et le développement. Ce qui ne signifie nullement que toute autre fin soit illégitime et que, par exemple, la recherche du bonheur doive être exclue de l'Ecole. Mais simplement que le bonheur n'est pas une fin spécifiquement scolaire. Il est hautement souhaitable que les élèves soient heureux au sein de leurs établissements. Il est encore plus souhaitable qu'ils y puissent apprendre. C'est à ce prix que l'innovation ne sera pas un leurre, mais pourra être considérée comme une réelle contribution à la réussite. Réussite des élèves dans leur tâche d'élèves et des enseignants dans leur tâche d'enseignants, qui est de faire apprendre.

Un changement était bien nécessaire en 1972, quand le collège Villeneuve commença à fonctionner. Il est tout aussi nécessaire en 1991, et pour plusieurs raisons.

14. Jacques Ardoino, « Pédagogie de projet ou projet éducatif », Pour, 94, mars 1984, p. 5.

15. Gilles Ferry, Le trajet de la formation, Paris, Dunod, 1983, p. 8.

Index alphabétique

Aide, 30, 32, 35, 92, 107-109, 115, 118, 149, 156, 157, 162, 165.

Acteur, 13, 14, 29, 49, 51, 55, 60, 68. Apprentissage(s), 19, 46, 62, 67, 93-94,

98, 190, 102, 117, 118, 135, 144, 156, 159, 161, 177, 180.

Ateliers méthodologiques, 46, 92-104. Audiovisuel, 19, 37, 124, 129-147. Auto-analyse, 51, 72, 126. Auto-évaluation, 47, 87, 109, 115, 117,

143, 152, 159, 160, 161, 162-163. Autonomie, 56, 150, 159, 166. Auto-observation, 72, 95-96. Besoin, 92, 94, 99, 152. Cogestion, 29, 55-56, 118. Communication, 54, 55, 60, 68, 80,

1 18, 126, 145, 174, 175-176, 185. Concertation, 51, 60, 64, 68. Contrat, 54, 95, 108, 113, 1 14, 1 17. Coordination, 51, 55, 61, 76, 80, 84,

88, 110. Créativité, 29, 34, 42, 46, 185. Didactique, 48, 67, 125-126, 148, 152,

159, 161, 169. Docimologie, 34, 41, 160. Dynamique de groupe, 32, 33. Echec scolaire, 32, 33, 45, 58. Ecoute, 40, 72, 102, 109-110, 113,

1 15, 120, 133, 176, 180, 185. Emploi du temps, 36, 53, 83, 85, 150,

188.

Equipe, 36, 43, 60, 67, 153, 155. Erreur, 156-157, 165, 169. Evaluation, 15, 67, 83, 90, 114, 117,

138, 160, 162-163, 168. Evaluation formatrice, 45, 47, 101,

125, 159-160, 181. Formation, 45, 58, 152, 163, 183. Gestion, 29, 38, 51, 53, 55-56, 66, 118-

119, 131, 134, 153. Gestion souple du temps, 178. Hétérogénéité, 20, 35, 55, 176, 183. Information, 37, 84, 135. Inspection, 182. Introspection, 100. Inventivité (didactique), 151, 173. DUFM, 58, 62, 66. Langues vivantes, 172-192. Maison de quartier, 34, 110. Managérat, 56. Mini-collège, 51, 53, 60, 71, 75-91,

1 10, 139, 158, 178.

Modèle pédagogique, 125, 160, 165. Modèle scientifique, 125, 166, 168-169. Monitorat, 52. Non-directivité, 32. Notation (notes), 34, 41-42, 47, 158,

163, 166. Orientation, 50, 115, 116.

Pédagogie par objectifs, 58, 125, 150- 152, 155, 160-161.

Pilotage, 51, 55, 59, 119, 187. Projet, 16, 17, 22, 34-35, 54, 58-71, 90,

110, 135, 141, 147, 168, 173-174, 184.

Programme, 153, 159, 173, 182-183, 188.

Pupille, 107, 111, 113, 117-118. Rattrapage, 149. Recherche, 26, 37, 45, 149, 151-152,

156, 159. Régulation, 51, 54, 67-68, 115, 116,

120, 160. Relation pédagogique, 173. Remédiation, 62, 72, 115, 117, 120. Répétitorat, 52, 87, 90, 109. Représentation (s), 100, 156-158. Risque, 35, 37, 48, 63, 153, 187.

Sanction(s), 40.

Savoir, 66, 149, 156, 160, 191, 192.

Self-mathématiques, 90. Ségrégation, 41, 45, 59.

Situation d'apprentissage (pédagogique), 151, 155, 161, 162-164, 173, 177, 185.

Socialisation, 14, 21, 112, 114-116.

Soutien, 87, 90, 92, 108, 181.

Suivi (scolaire), 40, 109-110, 114, 116, 117, 151, 159, 161.

Tutoiement, 39, 110.

Tutorat, 35, 40, 44, 52, 54, 61, 72, 105-122.

Université d'été, 170, 188. Vie scolaire, 44. ZEP, 57, 66.