infosidi n°20 - la sidi et le ccfd-terre solidaire au maroc : les épargnants témoignent

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I n f o Sidi Sidi N°20 - Sept. 2009 - Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement « NOUS MILITONS » Par Christian Schmitz, Président du Directoire Dans le dernier numéro d’InfoSidi, j’avais souli- gné l’importance de poursuivre l’élan des journées SIDI d’octobre 2008 qui avaient célébré les 25 ans de la « Chaîne de Solidarité pour le Finance- ment ». Vous vous êtes tous largement mobilisés pour réussir la dernière augmentation de capital lancée à cette occasion : soyez-en à nouveau cha- leureusement remerciés. Aujourd’hui, vous êtes donc près de 1300 action- naires et 5000 épargnants à avoir confirmé votre engagement dans une finance plus solidaire. Vous partagez les convictions de la SIDI, pour qui la microfinance n’est pas la « panacée » pour la lutte contre la pauvreté. Depuis des années en effet, la SIDI milite pour une approche plus globale de partenariat, qui passe avant tout par le partage des objectifs sociaux poursuivis et par la cohérence de leur mise en œuvre dans le temps, ceci dans une perspective de développement socialement dura- ble. Nous militons sans cesse pour que le secteur de la microfinance reste dans le champ d’une finance « patiente », « solidaire », en évitant de rechercher une rentabilité sans adéquation avec les besoins réels des bénéficiaires finaux. Nous agissons sans relâche pour que les acteurs locaux diversifient leurs services (épargne, crédits d’investissement, …), les adaptent aux besoins des exploitations familiales, dans une démarche de développement local et d’une véritable insertion socio- économique. Nous militons pour une approche, nécessairement différenciée selon les contextes, où l'économique, le social et le culturel sont mêlés afin de contribuer au mieux être des communautés humaines au service desquelles s’inscrit la « Chaîne de Solidarité pour le Financement ». Cette approche par la valeur ajoutée sociale est le socle de la durabilité des changements sociaux, par la prévention et la réduction de la vulnérabilité des bénéficiaires. Notre rapport d’activités 2008 a largement détaillé les axes importants qui caractérisent la Valeur Ajoutée Sociale générée par les activités que la SIDI mène en tant qu’investisseur social : En apportant un accompagnement accessible et souple, conçu pour les besoins spécifiques de chaque partenaire, En partageant les risques de manière adéquate et patiente, En adaptant son offre de service au contexte local, En assurant la viabilité institutionnelle et le maintien de l’objet social, Enfin, en créant des effets de levier pour mobili- ser des ressources complémentaires pour ses partenaires. Après les voyages au Vietnam, au Pérou ou au Séné- gal, le Maroc, vous êtes des centaines d’actionnaires et d’épargnants à avoir visité les partenaires de la SIDI et vous témoignez de la réalité sur le terrain de la Chaîne de Solidarité pour le Financement. La lecture de ce numéro d’InfoSidi est riche de vos témoignages. La SIDI et le CCFD La SIDI et le CCFD La SIDI et le CCFD-Terre Solidaire au Terre Solidaire au Terre Solidaire au Maroc: les épargnants témoignent Maroc: les épargnants témoignent Maroc: les épargnants témoignent En mai et juin 2008, plus de quarante actionnaires de la SIDI et épar- gnants au FCP « Faim & Développement » sont partis au Maroc pour un voyage, organisé par la SIDI et Voyager Autrement, destiné à découvrir des acteurs de la société civile œuvrant pour le développement, notam- ment : Al Amana et AMSSF, deux associations de microfinance partenai- res de la SIDI, et Femme Action et Sodev, partenaires du CCFD-Terre Solidaire. Ce fut l’occasion pour les voyageurs de découvrir leurs actions sur le ter- rain, mais surtout de rencontrer les paysans, artisans commerçants béné- ficiant de leurs services. Le présent infoSIDI constitue donc un témoi- gnage de terrain, raconté par les voyageurs eux-mêmes. Mme Zara est tapissière à Mrirt. Grâce à 12 prêts solidaires successifs obtenus au- près d’AMSSF, elle a pu acheter du matériel et de la matière première, et elle a aussi démarré une activité de vente de tapis (fabriqués ou achetés) dans des souks et dans lieux touristiques. Le dernier prêt, de 800 € sur un an, lui permet d’aller vendre dans des foires. Elle a aménagé sa maison, et augmenté sa trésorerie. Elle veut maintenant bénéficier de prêts individuels. Elle ne peut toujours pas emprunter auprès de ban- ques traditionnelles, faute de titre de propriété pour sa maison.

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En mai et juin 2008, plus de quarante actionnaires de la SIDI et épargnants au FCP « Faim & Développement » sont partis au Maroc pour un voyage, organisé par la SIDI et Voyager Autrement, destiné à découvrir des acteurs de la société civile oeuvrant pour le développement.

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InfoSidiSidi N°20 - Sept. 2009 - Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement

« NOUS MILITONS » Par Christian Schmitz, Président du Directoire Dans le dernier numéro d’InfoSidi, j’avais souli-gné l’importance de poursuivre l’élan des journées SIDI d’octobre 2008 qui avaient célébré les 25 ans de la « Chaîne de Solidarité pour le Finance-ment ». Vous vous êtes tous largement mobilisés pour réussir la dernière augmentation de capital lancée à cette occasion : soyez-en à nouveau cha-leureusement remerciés.

Aujourd’hui, vous êtes donc près de 1300 action-naires et 5000 épargnants à avoir confirmé votre engagement dans une finance plus solidaire. Vous partagez les convictions de la SIDI, pour qui la microfinance n’est pas la « panacée » pour la lutte contre la pauvreté. Depuis des années en effet, la SIDI milite pour une approche plus globale de partenariat, qui passe avant tout par le partage des objectifs sociaux poursuivis et par la cohérence de leur mise en œuvre dans le temps, ceci dans une perspective de développement socialement dura-ble.

Nous militons sans cesse pour que le secteur de la microfinance reste dans le champ d’une finance « patiente », « solidaire », en évitant de rechercher une rentabilité sans adéquation avec les besoins réels des bénéficiaires finaux. Nous agissons sans relâche pour que les acteurs locaux diversifient leurs services (épargne, crédits d’investissement, …), les adaptent aux besoins des exploitations familiales, dans une démarche de développement local et d’une véritable insertion socio-économique. Nous militons pour une approche, nécessairement différenciée selon les contextes, où l'économique, le social et le culturel sont mêlés afin de contribuer au mieux être des communautés humaines au service desquelles s’inscrit la « Chaîne de Solidarité pour le Financement ».

Cette approche par la valeur ajoutée sociale est le socle de la durabilité des changements sociaux, par la prévention et la réduction de la vulnérabilité des bénéficiaires.

Notre rapport d’activités 2008 a largement détaillé les axes importants qui caractérisent la Valeur Ajoutée Sociale générée par les activités que la SIDI mène en tant qu’investisseur social : • En apportant un accompagnement accessible et

souple, conçu pour les besoins spécifiques de chaque partenaire,

• En partageant les risques de manière adéquate et patiente,

• En adaptant son offre de service au contexte local,

• En assurant la viabilité institutionnelle et le maintien de l’objet social,

• Enfin, en créant des effets de levier pour mobili-ser des ressources complémentaires pour ses partenaires.

Après les voyages au Vietnam, au Pérou ou au Séné-gal, le Maroc, vous êtes des centaines d’actionnaires et d’épargnants à avoir visité les partenaires de la SIDI et vous témoignez de la réalité sur le terrain de la Chaîne de Solidarité pour le Financement. La lecture de ce numéro d’InfoSidi est riche de vos témoignages.

La SIDI et le CCFDLa SIDI et le CCFDLa SIDI et le CCFD---Terre Solidaire au Terre Solidaire au Terre Solidaire au Maroc: les épargnants témoignentMaroc: les épargnants témoignentMaroc: les épargnants témoignent

En mai et juin 2008, plus de quarante actionnaires de la SIDI et épar-gnants au FCP « Faim & Développement » sont partis au Maroc pour un voyage, organisé par la SIDI et Voyager Autrement, destiné à découvrir des acteurs de la société civile œuvrant pour le développement, notam-ment : • Al Amana et AMSSF, deux associations de microfinance partenai-

res de la SIDI, • et Femme Action et Sodev, partenaires du CCFD-Terre Solidaire. Ce fut l’occasion pour les voyageurs de découvrir leurs actions sur le ter-rain, mais surtout de rencontrer les paysans, artisans commerçants béné-ficiant de leurs services. Le présent infoSIDI constitue donc un témoi-gnage de terrain, raconté par les voyageurs eux-mêmes.

Mme Zara est tapissière à Mrirt. Grâce à 12 prêts solidaires successifs obtenus au-près d’AMSSF, elle a pu acheter du matériel et de la matière première, et elle a aussi démarré une activité de vente de tapis (fabriqués ou achetés) dans des souks et dans lieux touristiques. Le dernier prêt, de 800 € sur un an, lui permet d’aller vendre dans des foires. Elle a aménagé sa maison, et augmenté sa trésorerie. Elle veut maintenant bénéficier de prêts individuels. Elle ne peut toujours pas emprunter auprès de ban-ques traditionnelles, faute de titre de propriété pour sa maison.

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Voyage des actionnaires et épargnants au Maroc

Infosidi n°20—septembre 2009 / Page 2

La Chaîne de Solidarité pour le

Financement ? Une réalité humaine

U n voyage au Maroc pour comprendre l'activité de la SIDI dans ce pays ? Quelle chance! Je

vais peut-être mieux comprendre !

Actionnaire de la SIDI depuis une dizaine d’années, je connais la théorie :

• Les épargnants, en France, mettent une partie de leur argent à disposition de la SIDI (actions ou fond commun de placement).

• Les partenaires de la SIDI, dans les pays pauvres, mettent des outils financiers au service des populations exclues, et ainsi promeuvent le développement.

C’est clair, et généreux : je fais confiance à la SIDI, mais je ne sais pas comment elle agit réellement, et je ne sais pas non plus ce que sont les organisations qui font du microcrédit.

Comptant sur la rencontre vivante des partenaires SIDI et de leurs bénéficiaires pour comprendre vraiment ce mécanisme de finance solidaire, je me suis donc inscrite au voyage Maroc.

Le 19 mai 2008, 21 voyageurs prennent le départ, épargnants au FCP « Faim et Développement » ou actionnaires de la SIDI et venus de tous les coins de France.

Certains ont connu la SIDI par le CCFD, ce qui est logique. D’autres ont cherché un placement d’argent vraiment utile et ont été orientés par le Crédit Coopératif.

« UN BÉNÉFICE HUMAIN IMPORTANT »

Nous avons rencontré des responsables et des agents de terrain de deux partenaires de la SIDI : ceux d’AMSSF, Association Marocaine de Solidarité Sans Frontière à Fès, Azrou, Mrit et Azilal ; ceux d’Al Amana, l'organisation financière de microcrédit la plus ancienne du Maroc à Rabat, Marrakech, Ouarzazate.

Ces deux associations sont organisées comme des banques : différentes sortes de prêts, service clientèle, service informatique, analyse des risques…Pourtant, c'est le travail de leurs agents de crédit qui nous apparaît d'emblée le plus important. Ils cherchent de nouveaux clients à qui ils proposent des prêts, mais surtout ils assurent un travail d'accompagnement extraordinaire :

• explications du fonctionnement aux bénéficiaires potentiels (dont nombre d'entre eux sont analphabètes)

• formation au crédit pour chaque client

• suivi de l'activité pour laquelle le prêt a été obtenu

• accompagnement des personnes dans les démarches vis-à-vis de l’institution

• contrôle des remboursements…

Nous sommes impressionnés par leur dynamisme et leur courage. Tous nous expliquent l'organisation, les types de crédit accordés et répondent avec patience, gentillesse et franchise à nos nombreuses questions.

Une femme, agent de terrain, qui se trouve au guichet témoigne spontanément de l'intérêt de son travail : "l’amélioration de la vie des gens est nette : femmes plus autonomes, habitat amélioré…Le progrès économique entraîne le progrès social"

A les entendre je comprends que leur travail n'est pas uniquement le placement de produits financiers adaptés à un public particulier : leur réflexion et leur activité vont bien au-delà : Ils s'intéressent aux personnes et n'évitent pas les questions difficiles.

Toutes les rencontres, d’agents de crédit mais aussi de nombreux bénéficiaires, nous les avons faites au fil du voyage, en même temps que la découverte du pays, entre émotion et admiration, éclats de rire et explications.

Je me rappelle la remarque d’un voyageur : "c'est toujours pareil, une petite somme prêtée, une activité économique créée ou confortée et un bénéfice humain important".

Au départ, c'est surtout la pauvreté qui est toujours pareille. Mais, avec un peu de microcrédit, ce sont des artisans, des commerçants, des paysans, des inventeurs, des entrepreneurs qui se mettent à vivre dignement, à faire vivre leur famille, à faire vivre d'autres salariés parfois.

Je voulais comprendre "la finance" et c'est l'aspect humain que je retiens finalement. C'est pourquoi je confirme : la Chaîne de Solidarité pour le Financement, ce n'est pas d’abord un outil financier, mais une chaîne humaine : vous ou moi, solidaires de ceux qui au Maroc ou ailleurs inventent ou financent des activités économiques à caractère durable. Pendant notre voyage, les maillons de la chaîne se sont rencontrés, découverts, appréciés. La finance à des fins humaines, j'en suis encore toute étonnée…

Marie-Madeleine CHABANON

M. Azedou (ici avec la chargée de crédit de Al Amana, à Ouarzazate) a découvert la vente de par-fums en franchise pendant ses études. Après son bac, et au sein d’un groupe solidaire, il a obtenu

trois prêts successifs de 300, puis deux fois 3000 €, sur un an, pour ouvrir sa boutique et constituer son stock. En prouvant à Al Amana sa volonté d’entreprendre, il a pu créer son propre emploi.

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Voyage des actionnaires et épargnants au Maroc

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Le microcrédit et les partenaires de la SIDI au Maroc

Nos rencontres avec les deux partenaires de la SIDI au Maroc, et avec plusieurs dizaines de leurs clients, nous ont permis de découvrir les deux faces essentielles de la microfinance dans ce pays : d’un côté de très nombreux microemprunteurs très précaires ou déjà mieux installés, et de l’autre une organisation solide de diverses structures de microfinance.

LE MICROCRÉDIT AU MAROC

Histoire: Après quelques années où le microcrédit a connu un premier démarrage modeste dans les années 1990 grâce à différentes ONG internationales, il a été officiellement pris en compte et règlementé par le gouvernement marocain à l’aube du 21e siècle.

L’Etat fixe en effet en 2000 un cadre législatif aux organismes de microcrédit, et

crée en complément le « Fonds Hassan II » pour le développement social, puis le « Centre Mohamed VI de soutien à la microfinance solidaire ».

Organisation du microcrédit: Le champ d’action du microcrédit est immense au Maroc, et il a connu en 10 ans un développement foudroyant : 13 associations de microcrédit de taille très variée existent aujourd’hui officiellement. Elles sont proches des Pouvoirs publics, issues d’initiatives privées militantes, ou encore créées par des organismes bancaires ou des fondations. Depuis leur création, elles ont fait 4.5 millions de prêts pour 15 milliards de dirhams (1.5 milliards d’euros). Elles regroupaient fin 2007 près de 1 400 000 clients actifs (64% de femmes), représentant un en-cours de prêts de 5 600 000 000 DH, soit au total environ 490 millions d’€ (en moyenne 350 € par client). Le taux de remboursement des prêts est de 98%.

Produits: Destinés au monde rural, à l’artisanat et au petit commerce, les microprêts sont d’un montant de 1 000 à 50 000 dirhams (100 à 4 400 euros), r e m b o u r s a b l e s p a r é c h é a n c e s hebdomadaires ou mensuelles, sur une durée de 6 à 12 mois, parfois jusqu’à 3 ans.

90% des prêts sont des « prêts solidaires », accordés à 4 ou 5 promoteurs de microentreprises qui se cautionnent mutuellement. Ils financent leurs besoins de trésorerie ou de petits stocks ou équipements.

10% sont des « prêts individuels », qui f inancen t l e s équ ipemen ts de microentreprises, et l’amélioration ou l’acquisition de logements, avec une simple caution personnelle.

Taux d’intérêt : ils sont généralement de 2% par mois, soit 24% l’an. Ces taux qui nous paraissent exorbitants sont acceptés par les emprunteurs, car ils leur permettent de réaliser en quelques mois une marge 3 à 4 fois supérieure à la somme des intérêts payés. Et s’ils devaient recourir aux usuriers, les taux seraient de l’ordre de 100% l’an.

LES PARTENAIRES DE LA SIDI

Al Amana: L’association a été créée en 1997 à Rabat sous l’égide du Ministre du Commerce (devenu ensuite son premier Président) ,et avec l’aide de la coopération internationale. Elle a reçu en 2000 l’agrément de la Banque Centrale, et s’est développée très rapidement jusqu’à devenir

la plus grande institution de microfinance du continent africain.

Son d i r ec teu r géné ra l , Fouad Abdelmoumni, ancien militant des droits de l’homme, est aujourd’hui le « Monsieur microcrédit » marocain. Il a présidé la SANABEL, réseau arabe de microfinance, et il est membre du groupe de Conseillers des Nations-Unies pour l’Année Mondiale du Microcrédit. Il nous a reçus pour nous expliquer les missions, les valeurs, les objectifs et les perspectives d’Al Amana.

Al Amana veut contribuer à l’intégration sociale des exclus et au développement économique par la microfinance, rendue accessible sur la totalité du territoire marocain.

Al Amana compte 2 283 salariés (en 2008), dont 2 027 agents locaux, répartis dans 432 antennes et agences. Les agents de crédit que nous avons rencontrés dans les antennes et agences sont diplômés des universités marocaines. Ils rencontrent chez eux les commerçants, artisans et agriculteurs désireux d’emprunter, établissent les dossiers de prêts, accompagnent et conseillent leurs clients dans l’évolution de leur activité, notamment la commercialisation de leur production.

L’association soutient 494 000 clients actifs (47% de femmes), répartis en 41% de clients solidaires urbains, 42% de clients solidaires ruraux, 9% de prêts individuels et 8% de prêts au logement. Soit un total d’en-cours de prêts de 2 568 300 000 dirhams (environ 223 millions d’euros), et une moyenne d’en-cours par client de 440 €.

La SIDI lui octroie un prêt de 220 000 €, elle est membre du CA et de la commission « finance », elle accompagne aussi les travaux de « valeur ajoutée sociale ».

Al Amana cherche aujourd’hui à étendre son implantation à la totalité du territoire, à développer l’ensemble des services financiers nécessaires à ses clients, abaisser le coût de ses prêts grâce aux économies d’échelle et aux dépôts à vue

AMSSF/MC: l’association Association Marocaine Solidarité Sans Frontières MicroCrédit a été créée en 1994 à Fès par des cadres de la société civile marocaine.

Elle veut participer à la réduction de la pauvreté, à la création d’emplois, à l’intégration de la femme au développement social et économique, toucher davantage de femmes, de zones enclavées, et assurer la pérennité financière de l’association. >>

Sup’herbes

Rabat - 20 mai 2008—André Blervaque

Quels arômes ! Thé, menthe ou thym Et tant d’autres comme cumin ! Et le chantre Le chimiste et l’entrepreneur, D’un accord vibrant Du cosmos au végétal, Et de l’homme en forme d’harmonie ! Tout paraît offert

A qui est humblement réceptif A celui qui ose expérimenter En jouant des lois mêmes des choses !

Appartenir aux choses Avant de les faire siennes Et ne les posséder Que pour en offrir les richesses Qu’elles portent en elles-mêmes Et dans du si petit, Penser universel

Merci

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Voyage des actionnaires et épargnants au Maroc

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>> Pour ce faire, elle compte sur 142 salariés (51% de femmes), dont 113 agents de crédit et coordonnateurs, répartis au siège de Fès et dans 39 antennes locales, dont 32 en zone rurale.

Depuis la création, 146 615 prêts ont été distribués pour un total de 30 millions d’euros. A fin Mars 2008, 20 150 clients actifs (71% de femmes), avec un en-cours de prêts de 47.7 millions de dirhams (environ 4 millions d’euros). Il s’agit de prêts solidaires à des groupes de 4 à 12 microemprunteurs urbains, périurbains et ruraux, de prêts individuels pour l’aménagement de logements, de prêts pour les équipements des microentreprises ou le tourisme rural.

En 2008, la SIDI assure un prêt de 77 000 €, et une assistance à la comptabilité et à la gestion de la trésorerie.

AMSSF veut maintenant développer les prêts pour l’éducation des enfants, pour l’élevage, et le financement de la commercialisation des olives via le commerce équitable.

UN OUTIL EFFICACE, MAIS PAS UNE SOLUTION MIRACLE

La rapidité et l’ampleur du développement du microcrédit au Maroc montrent qu’il répond de façon effective aux besoins réels des populations auxquelles il s’adresse. Et le nombre des bénéficiaires de prêts depuis l’origine, la possibilité d’en obtenir plusieurs successivement, le montant des sommes ainsi injectées atteignent désormais un niveau économiquement significatif même si les besoins restent immenses.

Quel que soit l’organisme prêteur, les diverses études d’impact économique et social du financement par le microcrédit des besoins professionnels : création ou développement d’activités rémunératrices, création d’emplois montrent qu’il contribue à améliorer les conditions de vie, la condition des femmes, l’intégration sociale, le développement local…

Mais tous disent aussi que ce n’est pas la solution miracle pour réduire la pauvreté. Pour cela, on ne peut faire l’économie d’un accompagnement soc ia l , de la généralisation de l’éducation, de la création d’infrastructures, de l’évolution de la législation et de la politique foncière, d’une meilleure justice sociale, … qui ne relèvent pas de la microfinance.

Bruno CHAIGNE

La Coopérative d’art sur bois

Le Maroc est un très beau pays tant par ses paysages variés et son architecture que par ceux de ses habitants qui se sentent concernés par l’avenir de leur pays et le sort de leurs frères.

Il est difficile de choisir un partenaire parmi tous ceux que nous avons rencontrés. Je parlerai d’Omar, président de la coopérative Tamounte d’art sur bois de thuya à Essaouira.

Dans les ateliers de la coopérative, travaillent 15 artisans et plusieurs jeunes apprentis confiés à la coopérative par l’état dans le cadre d’un programme d’insertion des jeunes en échec scolaire. Les objectifs des artisans, en fondant cette coopérative, étaient de travailler ensemble, de commercialiser ensemble y compris à l’international, de se former et de créer un atelier pilote, outil de formation et de démonstration.

Avec le soutien de la SODEV (Solidarité Développement : association soutenue par le CCFD ayant pour objectif le développement du commerce équitable et le développement social), la coopérative

Tamounte s’est associée à onze autres coopératives de la région d’Essaouira exerçant divers métiers. A travers ce regroupement (GIE) les coopératives veulent renforcer l’activité de commercialisation des produits de chacun. Ainsi trouve-t-on dans le magasin de la coopérative Tamounte les produits de la coopérative des femmes productrices d’huile d’argan.

Omar a aussi d’autres rêves : Il suit des cours par correspondance pour obtenir son diplôme de responsable de coopérative et construit un projet de commerce équitable passant par la commercialisation de production artisanale à travers le monde.

Je suis arrivée dans ce pays avec quelques certitudes, et j’en reviens avec beaucoup d’interrogations et de l’admiration pour ceux qui cherchent un chemin de développement économique et social, pour eux et pour ceux qui les entourent. Et j’ai approfondi ma connaissance de la SIDI et du microcrédit. Ma certitude qu e l a p a ix p a s se p a r l e développement en ressort renforcée.

Nathalie VERHULST

Autour d’initiatives de microcrédit

Nous avons fait un voyage magnifique au Maroc! La rencontre avec deux associations marocaines de microcrédit Al Amana et AMSSF et les échanges sur le terrain avec des hommes et des femmes bénéficiaires de prêts ont bien sûr représenté les moments forts de notre voyage.

Al Amana et AMSSF s’adressent à des personnes exclues du système bancaire et nous avons pu mesurer le rôle du microcrédit dans la lutte contre la pauvreté et le soutien à la création d’activités. Un des enjeux étant notamment de favoriser l’intégration des femmes (qui sont les plus pauvres) dans la société. Les femmes représentent, sauf dans les zones reculées, la majorité des bénéficiaires des prêts.

Dans les deux Associations, l’accès aux crédits s’effectue selon des modalités proches : un agent de crédit accompagne la personne dans l’élaboration et la mise en œuvre de son projet, l’aidant à déterminer les montants, l’usage des prêts et les échéances de remboursement. Les prêts sont modestes (de 50 à 300 ou 500 euros) et

Idir est tailleur à Azrou, au Sud de Fès. Il a emprunté auprès d’AMSSF 500 € sur un an , qui lui ont permis d’acheter deux machines à coudre pour ses employés.

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malgré un coût du crédit élevé (2% par mois) le remboursement ne semble pas poser de problèmes majeurs. Le renouvellement des prêts est possible et fréquent, et contribue à renforcer le développement de l’activité.

A Fès, Marrakech et dans les villes moyennes d’Azrou, Ouarzazate , Essaouira… nous avons rencontré des hommes et des femmes très engagés dans le développement de leur activité et avons été impressionnés par leur dynamisme, leur volonté de réussir. Pour la plupart les revenus et les conditions de vie vont en s’améliorant ; et les femmes ont su dire comment l’accès au crédit contribue à leur autonomie au sein de la famille.

C’est le cas d’Amira dans le souk de Fès qui assure la conception et la réalisation de robes de fêtes et a su se faire une véritable clientèle, ou de cette jeune femme d’Azrou, qui anime une école maternelle et accueille 60 enfants, ou encore de cette coiffeuse reconnue pour sa compétence et qui a étendu son activité à la location des robes de mariage…Autant de femmes « battantes », pour lesquelles le microcrédit offre des perspectives.

Le secteur de l’artisanat, notamment à Marrakech et Essaouira, ouvre aussi sur la création d’activités rémunératrices. En effet, l’artisanat est loin de se limiter au tourisme, les Marocains sont attachés à leur artisanat traditionnel resté très vivant et de qualité, et les couches moyennes achètent tapis et objets de décoration pour leur intérieur…Il faudrait aussi parler des activités de commerce considérées souvent parmi les plus lucratives et du tourisme rural : projets de gîtes et circuits touristiques dans la vallée de Tadart présentés par l’AMSSF.

Il nous est aussi arrivé de rencontrer des femmes dont l’activité se déroule dans des conditions difficiles : broderie dans un logement exigu, vente de pains dans la rue plusieurs heures par jour : des situations encore trop aléatoires pour envisager une sortie de la pauvreté…

En définitive, au regard de nos rencontres et des échanges tout au long de ce voyage, on peut dire que le microcrédit est à la fois un outil de lutte contre la pauvreté et un facteur de valorisation et de reconnaissance sociale.

Pour terminer, quelques réflexions concernant l’accompagnement. Si la rencontre des agents de crédits a permis d’apprécier leur engagement et leur compétence dans le suivi des projets et des

prêts, il nous a semblé qu’ils n’étaient pas toujours en mesure d’assurer le nombre de suivis qui leur revenaient. N’est-ce pas regrettable ? L’enjeu de l’accompagnement ne serait-il pas aussi, idéalement, d’aider le créateur à gérer et envisager l’avenir de son activité ?

Madeleine LEFEBVRE

Rencontre de clients à Fès

Dans la médina de Fès, nous venons rencontrer les clients d’AMSSF bénéficiaires de crédits. Nous traversons les ruelles encombrées d’étalages, de mulets et d’ânes chargés, de travailleurs exerçant leurs activités : fabrication d’objets en bois, en métal, fabrication de tresses avec fil de soie de toutes les couleurs pour la décoration de djellabas.

Nous arrivons enfin chez Mme LEILA, qui loge dans un appartement auquel on accède par des marches de plus en plus hautes. Il s’agit d’une grande pièce carrelée, recouverte de tapis, entourée de divans où elle vit avec son mari et ses deux enfants, une fille de 8 ans et un petit garçon de 18 mois. Pièce qui lui sert également d’atelier.

Mme LEILA brode des ceintures de caftan. Elle a bénéficié de plusieurs prêts solidaires de 3000 dirhams chacun, qui lui ont permis d’acheter la matière première nécessaire à son activité : ceintures, fils de soie de toutes les couleurs, dorés ou argentés, aiguilles. Elle s’est constitué un stock de produits finis et ne dépend plus d’un seul revendeur. Son activité lui permet de payer son loyer de 100 dirhams par mois, et d’améliorer le revenu de la famille, car son mari n’a pas un revenu régulier dans la fabrication de mosaïques. Son objectif est de monter son entreprise et d’embaucher des personnes pour l’aider. Avec AMSSF, elle a appris à épargner et à calculer le coût de son travail : prix des matières premières, temps passé. Mme LEILA épargne car elle souhaite reprendre des études ; elle apprend aussi le métier à sa fille.

Mme KADIJA décore des coussins, elle travaille avec sa belle-mère qui s’occupe de tout car elle ne connaît rien à l’argent, le prêt est cependant à son nom. Les coussins sont achetés par

un grossiste qui les revend le double du prix d’achat.

Mr ALI a fait des études de biologie. Ne trouvant pas de travail dans cette branche, il a repris le métier de son père qui possédait une échoppe dans la médina, où il confectionne des djellabas. Avec ses prêts solidaires, il a monté sa propre entreprise, a acheté une machine à coudre et emploie actuellement quatre personnes. Chacun fournit un travail très précis : coupe, couture (montage de la djellaba), finitions (ourlets, boutonnière), décoration (fabrication de boutons recouverts de tissus, pose de galons). Les ouvriers sont payés à la pièce. Monsieur ALI souhaite acheter une autre machine pour employer une personne supplémentaire. Il continue a emprunter.

Mme FABELA nous a reçu dans son appartement. C’est là qu’elle travaille, avec son deuxième prêt solidaire, elle a acheté une machine pour broder des babouches. Elle vend ses toiles brodées à un artisan qui monte les babouches. Elle souhaite employer une autre personne et acquérir une deuxième machine, mais pour cela, elle doit trouver un appartement plus grand. Mme FABELA apprécie son groupe solidaire : grâce à l’échange de savoirs, chacun s’enrichit des connaissances des autres. Des rencontres vivantes de personnes qui, grâce au microcrédit, peuvent sortir de la précarité et faire des projets pour elles- mêmes et pour les leurs.

Bernadette UHRES

M. Adbelouahed, ici avec son agent de crédit, a ouvert un petit restaurant. Il a obtenu un prêt indi-

viduel de 2000 € sur un an, afin de pouvoir financer l’équipement en matériel de froid et de cuisson.

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Voyage des actionnaires et épargnants au Maroc

Infosidi n°20—septembre 2009 / Page 6

Ces « femmes courage » dont je me souviendrai…

Je ne connaissais pas le Maroc. De ce pays attachant, contrasté, je ramène mille impressions, paysages magnifiques, villes chargées d’histoire et débordantes de vie, mais surtout rencontres extraordinaires avec nos partenaires et tout particulièrement ces «femmes courage» dont je me souviendrai.

Femme courage la présidente de «Femme Action ». Femme d’énergie, de volonté, de charisme ! Depuis 1991, elle est l’âme de ces ateliers d’alphabétisation, de couture, de pâtisserie, d’apiculture… qu’elle a créés. Autant d’occasions de réunir des femmes jeunes, moins jeunes, ces femmes marocaines souvent oubliées, de les mettre debout.

Femme de tête pour animer et consolider sa structure, convaincre les financeurs, les administratifs, mais femme de cœur pour encourager ses «élèves», pour les accompagner. Elle est pour moi l’image de la femme marocaine moderne qui participe à la marche en avant de son pays. Il en existe comme elle dans la finance ou les affaires, mais elle, elle est du coté des petits, des femmes oubliées et je l’admire.

Femme courage encore cette mère de famille, brodeuse dans la médina de Fès, qui a emprunté notamment pour s’équiper d’une machine à coudre. Accompagnés de deux jeunes femmes agents de crédit d’AMSSF, nous arrivons chez elle, dans une pièce servant d’atelier, de cuisine, de

pièce à vivre. De ses fils argentés, elle brode des babouches de cuir blanc destinées aux cérémonies de mariage ou de fêtes. De ses doigts naît un de ces motifs de l’art andalou musulman admirés partout au Maroc, sur le cèdre des plafonds, les zelliges des murs, les peintures des po r t e s . Ce t t e brodeuse est pour moi une artiste qui perpétue l’art et l’histoire de son pays.

Femme courage, cette femme rencontrée dans le souk d’Azrou. Soutenue par l’AMSSF qui lui a accordé un prêt vraiment minime à nos yeux, pour acheter un four, elle confectionne tous les matins une quarantaine de pains, de ces galettes dorées, légèrement sucrées qui sont de vraies gourmandises ! Dans le souk, elle est là tous les après-midi, debout dans le brouhaha, pour améliorer son sort, conjurer la fatalité de la misère si omniprésente, accrochée à ce petit métier, comme tant d’autres artisans ou commerçants sur les trottoirs des rues, devant une échoppe dans le souk, innombrables petites gens !

Femme courage cette jeune épousée, rayonnante de fraîcheur et de vivacité, rencontrée dans l’atelier de couture de Femme Action à Fès, où elle réalise un caftan magnifique en velours pourpre. La monitrice l’a aidée à couper le tissu, lui a appris à coudre le vêtement à la machine, à broder à la main ces merveilleux motifs géométriques aux couleurs vives. Maintenant, dans un bavardage joyeux et avec l’aide de quelques amies, elle coud ces parements et nous explique que c’est là son premier modèle. «Si je le réussis, j’en ferai d’autres que je vendrai ». C’est le premier pas vers l’indépendance, elle se projette dans le futur. Elle a un garçon de dix huit mois et nul ne doute qu’elle veut, pour elle et les siens, un avenir meilleur.

Femme courage, cette vieille femme fière de nous montrer l’ardoise où elle a d’abord lu quelques chiffres, de 1 à 5, puis écrit la suite 6, 7, 8, 9. Avec beaucoup d’autres, des jeunes, des mamans et leur bébé, des grands-mères, ces Berbères viennent de leurs douars du Haut Atlas apprendre à lire,

à écrire et à compter en arabe, encore grâce à Femme Action. Devant nous, deux d’entre elles lisent une phrase au tableau noir et écrivent leur nom. Avec obstination, efforts, elles abattent le mur de l’ignorance, la fatalité de l’exclusion. Neuf femmes sur dix sont analphabètes dans les campagnes. Celles-ci veulent savoir lire les papiers administratifs et les signer, porte ouverte vers une vie sociale reconnue.

Femmes courage, toutes ces femmes des villes, mais aussi des campagnes aperçues dans la chaleur du Haut Atlas, femmes moissonnant à la faucille de maigres gerbes arrachées à un sol ingrat, femmes en route vers le puits pour l’harassante corvée d’eau, femmes courbées sous les meules d’herbes vertes qui rentrent la fenaison.

Femmes courage, des médinas et des douars, je vous salue, je vous admire, je vous aime !

Marie-Thérèse CLAIR

L’activité d’apiculture de

«Femme action»

Le 9 juin 2008 nous rendons visite à l'association « femme action », partenaire du CCFD-Terre Solidaire. Nous rencontrons d'abord les personnes donnant des cours d'alphabétisation et leurs « élèves » : des femmes de tous âges. Elles nous expliquent les différentes activités menées par l'association, et plus particulièrement l'apiculture

Développer une activité d’apiculture auprès des femmes constitue dans ce pays une sorte de défi puisque c'est une tâche traditionnellement réservée aux hommes.

Les femmes suivent une formation théorique et pratique d'une quinzaine de jours. Dans ce but l'association a édité un livret en arabe, très illustré, expliquant les bases de l'apiculture, ce qui a aussi permis un exercice concret d'écriture et de rédaction pour les femmes qui suivent les cours d'alphabétisation.

Le travail dans les ruches s'effectue le soir. Celles-ci sont actuellement gérées sous forme de groupements d'intérêts. L'association envisage une évolution vers le statut de coopérative pour cette activité d’apiculture. Elle concerne actuellement 50 femmes qui travaillent sur 55 ruches et dégagent un bénéfice de 5 à 600 dirhams

A Beni Mellal, un groupe de femmes assiste au cours d’alphabétisa-tion de Femme Action, association soutenue par le CCFD

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par mois et par femme.

Femme Action pratique une apiculture moderne, en opposition à l’apiculture traditionnelle en Afrique du nord où l'essaim est détruit pour récolter le miel. Les ruches, comme chez nous, sont déplacées en fonction des floraisons.

Trois miels différents sont produits : miel d'euphorbe, miel d'oranger et de caroubier. Il est vendu dans les locaux de l'association, sur commande et auprès d'un réseau d'acheteurs habitués de la région.

Philippe BALLU

Développer le tourisme rural

Le nombre de touristes au Maroc a été de 7,4 millions en 2007, ce qui rend crédible l’objectif gouvernemental de 10 millions en 2010. Sur place, nous avons rencontré deux associations partenaires du CCFD et de la SIDI qui partent des besoins des acteurs locaux.

A Rabat, l’association SODEV (Solidarité et Développement), partenaire du CCFD, insiste sur la nécessité d’intégrer l’activité touristique aux autres activités économiques de la région, en concertation avec la population locale. Elle insiste aussi sur la préservation et la gestion concertée des ressources naturelles du territoire (eau, sols, végétation) dans l’activité touristique.

SODEV propose une démarche de formation et d’accompagnement des porteurs de projets associatifs de tourisme solidaire. Elle octroie des prêts pour la construction de gîtes ou leur amélioration pour l’hébergement, la restauration, les randonnées et la valorisation du patrimoine local (en particulier la musique traditionnelle). Elle a aussi ouvert des boutiques dans plusieurs zones touristiques qui permettent aux coopératives qu’elle soutient d’écouler leur production, sans intermédiaire.

A Azilal, dans le Haut Atlas, nous avons rencontré une antenne d’AMSSF qui soutient en particulier un projet de tourisme rural, appelé Tadart, dans la vallée d’Aït Bouguemez, avec l’aide spécifique d’une fondation belge, GILLES, et d’une fondation

catalane, UN SOL MON. Le projet comprend de nombreuses facettes :

• Des prêts pour construire et améliorer des gîtes

• La réalisation de circuits de randonnée pour les touristes

• Un site Internet pour information et r é se rva t ion (consu l t ez l e s i t e www.tadart.ma pour préparer votre voyage)

• Diverses actions de formation (en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement) : l’hygiène et la sécurité du gîte, l’entretien et l’aménagement, la commercialisation des services (hébergement, restauration, guide muletier), la gestion financière, et la valorisation des produits du terroir (élevage, agriculture, artisanat, patrimoine culturel, festival culturel).

Les prêts octroyés sont soit solidaires entre plusieurs entrepreneurs, soit individuels pour des projets plus importants. Leur montant se situe entre 300 et 5000 €, pour des durées de 6 à 24 mois. En haute saison, entre avril et octobre, les gîtes font des bénéfices et le taux de remplissage est très important. En basse saison touristique, les emprunteurs ne paient que les intérêts des prêts. Pour cette action, AMSSF dispose de deux agents de crédit, au service de 257 clients (propriétaires de gîtes, restaurateurs, guides-muletiers, artisans).

Le projet Tadart fait participer les communautés rurales aux bénéfices de l’activité touristique. Il associe plusieurs

activités économiques complémentaires, des formations, l’amélioration des conditions de vie, l’intégration des femmes. Pour celles-ci, citons la coopérative de production de Tikniouine, créée par 10 jeunes femmes qui produisent fromages, huile de noix, miel, confitures, vendues essentiellement aux gîtes.

Le projet Tadart apporte donc une véritable valeur ajoutée sociale dans une région pauvre et enclavée.

Odile MATHIS

Réflexions sur le microcrédit

Le microcrédit contribue t-il réellement au développement et si oui, à quelles conditions ? S’il a un effet positif sur le développement social, est il aussi créateur d’entreprises, et donc d’emploi? Malgré l ’ e n g o u e m e n t d e s o r g a n i s m e s internationaux pour le microcrédit depuis quelques années, les praticiens et les experts se posent ces questions et il est donc utile d’essayer d’aller au fond des choses, et de s’interroger concrètement sur les succès et les limites de chaque expérience.

Lors du voyage, nous avons rencontré différents partenaires de la SIDI et du CCFD, qui nous ont apporté des éléments de réflexion passionnants sur ces

questions. L’émotion et une certaine dose d’enthousiasme ont souvent été nos premières réactions lors des rencontres.

Car le microcrédit, c’est plus qu’un revenu supplémentaire ! Les femmes rencontrées ont acquis de l’autonomie à l’intérieur de la structure familiale, de la dignité, et une reconnaissance sociale. A des degrés divers, elles nous ont toutes parlé d’une amélioration de leur activité avec le temps, d’une amélioration de leurs conditions de vie familiale (avoir aidé ses enfants à démarrer dans la vie) et parfois, d’une amélioration de leur logement.

De fait, plusieurs aspects nous ont paru particulièrement positifs :

• le microcrédit, dont le démarrage au Maroc date de 1993, n’est plus une activité confidentielle : Al Amana a >>

Avec sa famille, cet artisan crée et vend des objets à partir de pneus, notamment ces cadres pour photo prisés des touristes. Ses emprunts contractés auprès de Al Amana lui permettent d’acheter de la colle, du verre… Son activité a particulièrement bénéficié des prêts obtenus dans son groupe solidaire : il emploie maintenant quatre salariés, et son chif-fre d’affaires moyen est passé de 60 à 3000 dirhams par jour.

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>> 494000 clients actifs. AMSSF en a plus de 20 000 dont 80% de clientes. Son antenne de Mrirt, dans le moyen Atlas, compte 600 clients pour une population de 35000 habitants !

• dans les activités développées grâce au microcrédit, la part des activités artisanales (souvent « de qualité ») parait assez importante, au regard d’autres pays où il s’agit souvent de très petites activités liées au commerce de rue qui donnent un peu d’aisance financière mais ne permettent que très rarement de sortir durablement de la pauvreté. Lorsqu’il s’agit d’une activité de service, l’activité prend parfois la dimension d’une petite PME (une agence de tourisme à Ouarzazate), ou n’est pas lo in de sor t i r de l ’économie informelle (petit snack, salon de coiffure et de location de robes de mariées).

• le microcrédit en milieu urbain et dans les zones touristiques fonctionne peut être avec plus d’efficacité qu’en milieu rural car la société est diversifiée. A Mrirt, dans le moyen Atlas, les agents de crédit nous ont fait part de soucis pour commercialiser localement les tapis traditionnels, en raison de la sécheresse qui sévit dans la région qui réduit les ressources. En revanche, l’été, période des mariages et de séjour des

émigrés, est plus propice pour le commerce.

• Le risque d’endettement des bénéficiaires parait faible .en raison de la qualité de l’appui et de l’encadrement des prêts qui nous a paru assuré par un personnel qualifié et très professionnel. En contrepartie, le coût du suivi est important et les taux d’intérêt sont élevés (2% par mois), supportés par les seuls emprunteurs, car non subventionnés par l’Etat marocain ou des organismes internationaux..

• autre limite, le microcrédit ne s’adresse qu’à des personnes ayant déjà une petite activité rémunératrice. Les femmes du Moyen Atlas, accompagnées par la dynamique association « Femme Action », ou même celles ayant émigré vers Rabat, analphabètes pour la plupart, sont dans une situation trop précaire pour pouvoir emprunter. Et l’association se débat avec des moyens réduits pour les accompagner, les former et les faire accéder à de petites activités génératrices de revenu qu’elle pourront peut être, plus tard, développer grâce au microcrédit

• Enfin, si une des deux associations rencontrées, AMSSF, a le souci de développer les compétences des bénéficiaires, elle se heurte au désintérêt

des bailleurs de fonds classiques pour financer l’accompagnement des clients. C’est ce que nous répète sa présidente à plusieurs reprises, qui ajoute « aujourd’hui, grâce à la notoriété acquise, ce n’est pas l’argent qui pose problème, mais c’est l ’accompagnement , qui res te ponctuel. » De ce fait, créer des réseaux, aider à la commercialisation équitable des productions réalisées notamment par les femmes reste pour elle « un grand souci stratégique » car les femmes n’ont généralement pas conscience du travail incorporé dans leur production. Et elles ont affaire à de trop nombreux intermédiaires, notamment dans le moyen Atlas, comme on nous l’indique à l’antenne d’Azrou.

En conclusion, le microcrédit semble être au Maroc un instrument précieux de lutte pour la dignité humaine, et contre la pauvreté En tant qu’acteur extérieur, intervenant en appui et en soutien des acteurs locaux, nous

devons cependant être attentifs aux conditions de la réussite des opérations de

microcrédit qui varient selon les circonstances et les lieux.

Favoriser l’accompagnement individuel ou collectif des bénéficiaires du microcrédit parait aussi une priorité des partenaires les plus investis. Cela ne signifie pas vouloir peser sur les choix des emprunteurs, mais les aider à maitriser les informations utiles pour définir et gérer leurs activités, ainsi que la commercialisation de leurs produits C’est d’ailleurs une priorité de la SIDI, qui se démarque des réseaux bancaires en accordant autant d’importance à l’accompagnement qu’à l’aspect financier.

Nicole MACKIEWICZ

InfoSidi - Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement Directeur de la publication : Christian Schmitz ■ Réalisation : Laurent Chéreau

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La SIDI au Maroc en 2009 Du fait des évolutions importantes du secteur de la microfinance marocaine, et aussi des problè-mes de remboursement mis au jour dès la fin 2008, la SIDI a revu sa stratégie dans le pays. L’appui financier à Al Amana a été maintenu, et la SIDI a renforcé son suivi de la gouvernance, pour accompagner l’institution dans son dévelop-pement et dans sa transformation en banque (qui pourra donc collecter l’épargne).

Concernant les autres IMF du pays, la SIDI attend la réorganisation du secteur (fusions, stabilisation des problèmes d’impayés) avant de reprendre des partenariats financiers. Le prêt à AMSSF est arrivé à terme, et n’a donc pas été renouvelé.

Enfin, malgré la volonté de la SIDI d’appuyer des producteurs ruraux, les diverses pistes étu-diées depuis 18 mois n’ont pas abouti:

• le projet « terroirs solidaires du Maroc » de vente de produits de qualité dans des réseaux de distribution du pays, mené avec la fondation Zakoura, importante IMF du pays, a été ré-échelonné du fait de sa fusion en cours avec la Banque Populaire du Maroc.

• Les piste de financement de coopératives de producteurs ont mené à la conclusion que beaucoup d’entres elles ne sont pas suffisam-ment organisées pour faire face à des comman-des de pays du Nord. D’autre part l’Etat a lan-cé un programme de subvention qui rend bien entendu les prêts moins intéressants pour les coopératives.

La SIDI poursuit donc son travail avec Al Ama-na et reste, en lien avec le CCFD-Terre Solidaire, en recherche d’éventuels nouveaux partenariats.

Cette cliente de Al Amana (avec une em-ployée) fabrique des tissus d’ameublement en laine et soie. Elle a sept employés, dont quatre tisseurs. Elle vend sa production aux touristes de Marrakech, et aux décorateurs. Les prêts octroyés améliorent sa trésorerie, qui lui permet d’acheter les matières premiè-res, première dépense avec les salaires.