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Projet Bakara L’Ange gardien France-Line Hoareau

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Projet BakaraL’Ange gardien

France-Line Hoareau

16.28 544612

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 204 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 16.28 ----------------------------------------------------------------------------

Projet Bakara L’Ange gardien

France-Line Hoareau

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Chapitre 1

Perchée sur le toit d’un immeuble, Laurène Hopkins attendait depuis deux heures déjà. La lunette de son fusil collé à son œil droit, l’index prêt à appuyer sur la détente, elle patientait. Elle était allongée sur le ventre caché sous une bâche noire, semblable au goudron qui recouvrait la dalle de béton glacé du bâtiment qui lui servait de point d’observation.

Un homme en costume bleu foncé, chemise blanche et cravate rouge franchit le portail en fer forgé qu’elle pointait dans son viseur. Une balle siffla dans l’air et l’homme s’effondra. Une mare de sang recouvrit le trottoir tandis que les passants se précipitaient à sa rescousse.

Un badaud leva la tête vers le toit où se tenait Laurène. Aucun son ne sortit de sa bouche. Il fit simplement un signe de la main pour la saluer et reprit sa route tête baissée sous un bonnet de laine épais. En hâte, elle rangea son fusil et sa bâche légère,

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ramassa sa mallette et quitta les lieux. Elle emprunta l’escalier de service à l’arrière du bâtiment et disparut dans les ruelles sombres de la ville.

Les secours arrivés sur place quelques minutes plus tard dispersaient la foule curieuse entassée autour du blessé. Transporté en ambulance jusqu’à l’hôpital le plus proche, l’homme fut immédiatement conduit au bloc opératoire.

Le Commissaire Jance faisait les cent pas dans la salle d’attente, quand un médecin vint lui annoncer :

– Nous avons tout essayé. Je suis désolé. – Merci, Docteur. Dis le Commissaire, l’air ennuyé.

Il fit signe au jeune Francis Boulay qui lui servait de coéquipier depuis deux jours.

– C’est bon, on rentre. – Que fait-on pour la veuve ? – On y va. C’est sur le chemin. Précisa Jance.

Un lourd silence s’installa, quand ils s’engouffrèrent dans la voiture de police que le Commissaire démarra aussitôt. Quelques pâtés de maisons plus loin, il s’arrêta devant un haut portail fermé. Il appuya sur le bouton de l’interphone et dit :

– Commissaire Jance. Brigade criminelle, pouvez-vous m’ouvrir s’il vous plait ?

La caméra de surveillance s’arrêta sur son visage et le lourd portail glissa sur le côté pour laisser paraître une Grande Allée de gravier blanc bordée de

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rosiers rouges entretenus avec soin. Elle les mena à une grande bâtisse au mur de pierres cisaillées, aux larges fenêtres bleues, entourée de parterres de fleurs de toutes les couleurs. Une porte en chêne massif en haut d’un grand escalier central s’ouvrit sur une jeune servante toute de blanc vêtue.

– Par ici, je vous prie. Indiqua celle-ci en leur montrant le couloir qui les conduisit à un immense salon.

Au centre de la pièce, des fauteuils en cuirs étaient disposés en cercle autour d’une table basse en verre, posée sur un épais tapis angora. Des vases emplies de tiges de glaïeuls et de lys étaient posées sur des buffets en acajou disposés de parts et d’autres des larges baies vitrées, qui laissaient entrer un flot de lumière sur les tableaux de maîtres accrochés au mur blanc.

Assise au petit bureau au bois finement ciselé dans un coin de la pièce, une jeune femme se leva.

– Que puis-je pour vous, Commissaire… ? Interrogea-t-elle.

– Jance. Madame. Commissaire Jance. Brigade criminelle.

– Brigade criminelle ! Mais qui ai-je tué ? Demanda l’hôtesse, en poussant un ricanement amusé.

– Votre mari, Madame. Je suis désolé de vous apprendre qu’il a été tué cet après-midi. Annonça-t-il, dans une émotion solennelle.

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– Mon mari ? Mais comment ? Où ? Balbutia la Dame, effondrée.

– On lui a tiré dessus, il est décédé sur la table d’opération. Les médecins n’ont rien pu faire.

– Mais qui a fait cela ?

La jeune femme se laissa choir dans un fauteuil en cuir et prit son visage entre ses mains. Son corps tressauta de sanglot et elle fondit en larmes. Accablée par cette nouvelle, elle s’enferma derrière des pleures endeuillées qui firent céder son maquillage dans un écoulement noirâtre le long de ses joues.

– Je comprends votre peine, Madame, mais est-ce que vous vous sentez capable de répondre à quelques questions ? Plus vite nous aurons des réponses plus vite nous pourrons trouver celui ou celle qui à assassiner votre mari.

– Excusez-moi, je voudrais m’étendre un moment, je ne me sens pas très bien. Laissez-moi, je vous prie. Expliqua la veuve se dirigeant vers l’escalier de l’étage en titubant de chagrin.

Jance insista sur le fait que son aide était primordiale pour la suite de son enquête. Il acceptait de remettre à plus tard ses questions, mais il reviendrait sans trop tarder lui soumettre ses demandes qui ne sauraient être éludées.

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Chapitre 2

Dans le train qui la ramenait chez elle, Laurène se demandait qui pouvait être l’inconnu qui l’avait salué. Pourquoi n’avait-il pas donné l’alerte ? Elle se creusait la tête pour essayer de se souvenir où elle avait pu le rencontrer. Mais à part son bonnet et sa main levée, elle ne l’avait pas vraiment vu.

La crainte qu’on puisse remonter jusqu’à elle avec l’aide de cet homme la hantait. L’enquête avait débuté et si quelqu’un dans la foule de curieux l’avait remarqué, il ne manquerait pas d’en parler. Il fallait le retrouver avant qu’ils ne la trouvent. Les policiers n’allaient pas tarder à l’interroger. Le lien entre lui et elle serait inévitable puisqu’il avait eu l’air de la connaître. Elle ne pouvait rester dans l’ombre. S’il savait où la trouver. Non, il fallait prendre les devants et le retrouver coûte que coûte. Elle descendit du train en s’assurant qu’elle n’était pas suivie et d’un pas rapide, se dirigea vers un taxi.

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Portes et volets fermés, elle alluma une cigarette et fit couler l’eau chaude dans la baignoire. Un bain ne pouvait que lui faire du bien après ces longues heures d’attente.

Elle décrocha le téléphone et composa un numéro. – Allo ? – C’est fait. Informa Laurène à la voix au bout du

fil avant de raccrocher le combiné.

Lentement, elle enleva ses vêtements et les mis dans un sac. Elle rangea la mallette dans le compartiment secret sous la baignoire, avant de se plonger dans son bain. Le temps s’écoulait doucement pendant qu’elle s’abandonnait à la tiédeur de l’eau qui recouvrait son corps nu rempli de courbatures.

Tout à coup, la sonnette de l’entrée retentit, mettant fin à sa douce torpeur. D’un bond, elle était debout et prête à agir. Elle jeta un œil dans le judas et vit la silhouette d’un homme portant un long manteau de feutre, tenant à la main une petite valise.

– Oui ? Fit-elle interrogative. – Bonjour, puis-je entrer ? Requit l’homme. – Qui êtes-vous ? – Mon nom ne vous dira rien. Moi, par contre… Je

voudrais vous parler. Insista l’étranger avec arrogance. – De quoi ? – De ce qui s’est passé sur ce toit. Se risqua

l’impudent avec un sourire narquois, lancé à travers le judas.

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Mais… !? Ce bonnet…. !? C’est lui ! Elle n’en croyait pas ses yeux. Le bonnet qui l’avait salué était là sur le palier. Il ne manquait pas de toupet. Que pouvait-il bien vouloir ? Pas très rassurée, elle entrebâilla la porte et jeta un regard interrogateur à l’inconnu.

– Puis-je ? Persista celui-ci en montrant du bout des doigts l’entrée.

Laurène s’écarta pour le laisser passer et referma sans mettre le verrou. L’homme inspecta la pièce et s’installa dans un fauteuil en la fixant du regard. Un sourire moqueur creusa une fossette au creux de sa joue droite tandis que ses yeux d’un bleu azur s’illuminèrent.

– Que voulez-vous ? S’enquit Laurène impatiente et agacée par son attitude désinvolte.

– Moi, rien. C’est vous qui avez besoin de quelque chose. Affirma-t-il l’air malicieux.

– Ah ! Oui !? De quoi ai-je besoin ? – Mais…, de moi ! Rétorqua l’imprudent avec

aplomb.

Laurène éclata de rire devant l’impertinence de cet homme qui venait à elle, tel un sauveur. Il resta de marbre, accueillant son rire avec insouciance et amusement. Ses yeux bleus reflétaient la lumière et son visage angélique, rempli de malice, troublait la jeune femme. Sous son épais bonnet foncé dépassaient des mèches blondes comme les blés sous le soleil de juillet.

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Elle le voyait maintenant de toute sa stature, retirer son manteau sous lequel il cachait une silhouette svelte, comme s’il allait s’installer.

– Qu’est-ce qui vous fait croire que j’ai besoin de vous ?

– Mais, vous ! Très chère ! – Je ne vois pas comment. Je ne vous connais pas

et ne vous ai jamais rencontré ! Rétorqua-t-elle sur un ton irrité.

– Oui. Mais, moi, je vous connais. – Ah, bon ! Dites-moi, à quelle occasion cela a-t-il

pu se faire ? – Plus tard. Je voudrais seulement vous inviter à

diner pour aujourd’hui. Nous avons tout le temps. Ne nous précipitons pas.

– Mais, pas du tout ! De quoi parlez-vous ? Vous croyez que vous pouvez débarquer comme ça chez moi et poser vos conditions !? Vous êtes fou ou suicidaire ?!

– Ni l’un, ni l’autre. Je suis juste transi d’amour. – Voyez-vous, ça ! Monsieur est transi d’amour.

Qu’est-ce que vous voulez que cela me fasse ? – Ne soyez pas si négative. Vous savez que vous

ne pouvez pas me laisser repartir sans en savoir plus. J’en sais beaucoup trop sur vous.

– Vraiment ? Que savez-vous exactement ? – Je sais que vous vivez seul. Que vous n’êtes pas

mariée. Pas d’enfant ni de parent. Et que vous voyagez beaucoup. Disons… pour affaires.

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– Et, alors ? – Alors, vous avez besoin de moi. – Mais…, pour quoi ? – Pour que je n’aille pas bavarder chez les flics,

par exemple. – Qu’est-ce que vous pourriez raconter aux

« flics » ? – Ben…, je pourrais leur dire qu’un certain jour, à

un certain endroit, j’ai vu une femme sur un toit. Mais je ne le ferais pas puisque nous allons sortir dîner.

– Et vous pensez que cette femme, c’était moi ? – Je ne le pense pas. Je sais que c’était vous. Je le

sais parce que ce n’était pas la première fois que je vous apercevais, sur des toits… Ou ailleurs. Mais cela n’a pas d’importance ! Ce qui compte c’est que la police, elle, n’en sache rien.

La jeune femme resta un instant inerte, appuyée contre le buffet de la pièce, puis se redressa devant lui et dit :

– Donc, vous me connaissez !? Et vous venez à moi sans peur de ce qui pourrait vous arriver ? Parce que plutôt que d’aller dîner en votre compagnie, je pourrais tout aussi bien vous empêcher de bavasser définitivement !

– Oui, c’est vrai. Vous en seriez capable. Mais vous ne le ferez pas. Car je vous serais bien plus utile vivant que mort.

– Je ne vois vraiment pas en quoi ?

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– Nous pourrions nous associer ! Vous m’apprendriez le métier ! Ensemble, nous pourrions travailler avec bien plus de sécurité.

Il s’adressait à la jeune femme, tel un élève voulant s’attirer les faveurs d’un maître. Avec supplique et volonté, un soupçon de désespoir dans la voix, que venait renforcer la brillance de ses yeux enivrés de passion. Laurène prudente l’écouta avec patience et attention. La voix de cet homme, dont elle ignorait tout, lui semblait familière et elle n’arrivait pas à le chasser, malgré la raison qui lui soufflait à l’oreille le danger qu’il représentait. Ils restèrent un moment, là, l’un essayant de démontrer l’importance de leur association, l’autre le bien-fondé d’un travail accompli sans attaches ni responsabilités.

Elle tenta une fois encore d’apprendre un peu plus sur cet homme qui suscitait sa curiosité, en maintenant en éveil sa suspicion.

– Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? À part vous occuper de la mienne, bien entendu.

– Je fouine. Mais ce que je préfère, c’est vous regarder travailler. Plaisanta l’homme.

– Vous n’êtes vraiment pas drôle. Si vous pensez m’amadouer en me flattant, vous vous trompez lourdement. Je n’ai pas besoin de vous, ni de personne d’autre d’ailleurs. Je vous prie de sortir de chez moi ! Et n’oubliez pas votre valise !

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La jeune femme referma la porte derrière lui et tourna à double tour les verrous, lui signifiant ainsi qu’il n’était pas le bienvenu. Ils se quittèrent sans avoir trouvé un réel accord sur la suite que leur rencontre allait entrainer. Il avait refusé de lui en dire plus sur ce qu’il pouvait savoir sur sa vie et resta évasif sur sa propre histoire, gardant ainsi le mystère sur leur relation. Mais Laurène sentait sa curiosité piquée au vif par cet inconnu dont elle ne savait rien. Sa présence inattendue réveillait en elle un étrange sentiment de complicité qu’elle n’arrivait pas à expliquer. Dans le doute, la jeune femme était incapable de se résoudre à éliminer cet être qui lui semblait plus inconscient que dangereux et lui fit confiance en le laissant repartir comme il était venu. Certaine qu’elle ne risquait rien de la part de ce farfelu qui lui inspirait plus de la pitié que de la peur, elle n’eut aucun mal à faire abstraction de cet intermède insolite.

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Chapitre 3

Le Commissaire Jance, assis face à la jeune veuve prit la tasse de café qu’elle lui tendait.

– Merci, Madame. Je suis navré de venir vous importuner dans de pareille circonstance, mais nous devons découvrir au plus vite qui a fait cela.

– Oui, bien sûr. Je comprends, Monsieur Le Commissaire. Je vous écoute. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider à arrêter les ordures qui ont osé m’enlever mon Dylan.

– Est-ce qu’il avait des ennemis ? – Dylan était aimé de tous. Je ne vois vraiment

pas qui a pu… Affirma-t-elle, portant à sa bouche le mouchoir qu’elle tenait à la main.

– Il n’a pas eu de menaces ? De différends avec quelqu’un ? Même dans le passé ?

– Non. Pas que je sache. Ah ! Si. Peut-être avec son ex-belle-mère. La mère de sa première femme qui est morte il y a deux ans. Ils ne se sont pas reparlé depuis.

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– Sur quel sujet portait ce différend ? Le savez-vous ?

– Non. Dylan refusait d’en parler. – Ils ont gardé le contact après leurs désaccords ? – Je ne crois pas. Vous savez, Dylan était très pris

par son travail. Il n’avait pas de temps pour ce genre de relation.

– Ce genre de relation ? – Oui, vous comprenez, ils n’étaient pas du même

monde. Et mon mari ne pouvait pas risquer sa réputation en fréquentant n’importe qui.

– Je vois.

Jance reprit le chemin du commissariat sous une pluie battante qui décuplait son humeur massacrante. Sa rencontre avec cette femme insipide lui apportait plus d’une réponse sur l’attitude de son mari qu’il connaissait depuis toujours et qui s’était éloigné de lui sans aucune raison. L’Inspecteur Boulay qui l’accompagnait n’arrivait pas à percer les pensées de son supérieur silencieux après sa visite à la femme de feu Monsieur Dylan de Montfort.

Richissime homme d’affaires qui avait réussi dans les pierres précieuses en exploitant les mines à ciel ouvert de Madagascar, il n’avait que quarante ans, quand cette balle était venue le frapper mortellement.

Sa femme âgée d’une vingtaine d’années était entrée dans sa vie juste après la mort de sa première épouse, Jacky Melville, décédée d’une crise cardiaque,

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après une longue hospitalisation pour soigner un cancer qu’elle combattait avec courage et détermination. La nouvelle était tombée comme un couperet sur son mari qui, pourtant, avait gardé espoir quand les médecins, confiants, lui avaient affirmé que le traitement fonctionnait bien. Elle se sentait beaucoup mieux déjà, et avait recommencé à s’alimenter normalement. Ils devaient partir quelques jours sur la côte prendre le grand air le lendemain. Les valises prêtes jonchaient le vestibule, dans l’attente de leur départ pour un tête-à-tête qui devait leur faire oublier les dures épreuves qu’ils venaient de traverser. L’incompréhension de cette mort inattendue, fit de Dylan un survivant qui errait sans but. Délaissant ses affaires, il s’était enfermé dans un mutisme de désespoir qui l’entrainait inexorablement vers le bas.

La jeune aide-soignante avait assisté jusqu’à la fin Madame de Montfort et fut d’un grand réconfort pour son époux, quand le malheur s’abattit sur son couple. Sa présence fut de plus en plus fréquente tant par ses appels téléphoniques le jour pour le rassurer, que la nuit pour veiller sur son sommeil. Le couvant de son affection grandissante et partagée, elle lui redonna goût à la vie se substituant à une médication en le rendant dépendant de son aura salvatrice et bienfaisante. Il était inévitable et même vital pour lui que celle-ci devienne sa légitime cinq mois après son veuvage. Le suicide présent à son esprit avait renforcé l’idée que son dévouement lui sauverait la vie.

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L’importance qu’elle avait prise ne pouvait se comparer à des sentiments amoureux, son cœur tout entier avait été conquis par Jacky bien des années plus tôt. Personne ne serait capable de rivaliser avec la passion dévorante qu’il éprouvait pour son épouse, même après la mort. Mais se retrouver seul face à cette épreuve, faisait de lui une épave que cette femme qui lui apportait la fougue de sa jeunesse insouciante le ravivait vers un avenir plus certain.

C’est avec une nécessaire envie de vivre qu’il fit de son aide-soignante Madame de Montfort deuxième du nom, dans une petite chapelle qu’elle avait elle-même choisie en dehors de la ville où seuls les membres les plus proches de la famille furent admis. Dans une robe de soie blanche, elle se dirigea vers l’hôtel rempli de fleurs où il l’attendait. Quand le prêtre prononça la phrase culte, « Je vous déclare mari et femme », une larme perça au coin de son œil et elle se laissa aller dans un baiser langoureux qui scellait leur union à jamais devant Dieu. Elle s’installa dans la demeure familiale auprès de son mari, affirmant son autorité souveraine, chaussée des souliers fraichement vacants de sa prédécesseure.

Le Commissaire Jance avait beaucoup d’amitié pour cet homme qui avait tant souffert de la perte de sa femme, que tous pensaient en rémission. Ils se connaissaient depuis le lycée et même s’ils n’appartenaient pas au même monde, Dylan, lui avait

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toujours accordé sa camaraderie sans jamais le dénigrer et laisser paraître sa supériorité bourgeoise. Certes, il avait de l’argent et ne manquait par conséquent de rien. Mais la compagnie de Jance, était agréable à Montfort et il ne cachait pas son affection fraternelle pour cet homme, venu de la cité voisine, qui lui apportait un peu du bas fond de cette ville qu’il survolait du haut de sa tour dorée. Sans cette amitié, Jance savait qu’il aurait pu prendre un noir sentier qui l’aurait emmené vers la prison. Mais soutenu par ce petit riche, assoiffé de sensation forte, il y envoyait aujourd’hui ses voisins moins chanceux.

Jance était conscient qu’il devait procéder avec discrétion dans cette affaire qui risquait de tourner au règlement de compte, s’il ne faisait pas preuve de retenue. L’omission de ses relations avec la victime à son supérieur le mettait dans une position désagréable et il n’avait pas le droit à l’erreur sans se soumettre à une sanction. Il ne savait pas par où commencer. Aucune piste valable n’avait été concluante. Le groupe de personnes interrogées sur les lieux n’avait rien vu à part une silhouette habillée de noir s’éloigner et tourner au coin de la rue.

L’Inspecteur Boulay l’assistait de son mieux, en rendant visite à ses indics aux quatre coins de la ville. Mais personne n’avait eu vent d’un contrat sur la tête de Montfort. La brigade criminelle tournait en rond, plongée dans le passé de la victime. Rien. Pas le

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moindre indice. Même le toit de l’immeuble en face du lieu du crime était nickel. Pourtant, un badaud avait bien remarqué un point brillant, ce jour-là, sur le toit, juste avant que la victime ne s’écroule. La police scientifique ne détecta aucune trace de poudre ou autres indices, qui auraient pu les aider à affirmer que le coup avait bien été tiré de cet endroit. La piste d’une frappe terroriste sur l’homme influent avait été retenue par tout ce beau monde, faute de raison plausible.

Jance, assis à son bureau, l’air pensif n’avait pas prononcé un seul mot depuis son arrivée. Son jeune collègue n’osait rompre le silence, tant le visage renfrogné de son supérieur était lourd de questions sans réponses. Rien de ce qu’il aurait pu dire n’aurait changé ce fait. Il ouvrit un dossier posé sur le coin de son bureau et eut un éclair dans le regard :

– Chef, regardez ça !

Le bras tendu, il présentait sous le nez de Jance, une convocation adressée au Commissaire par le notaire du mort, lui signifiant que sa présence était requise pour l’ouverture du testament de celui-ci. Il sourcilla, glissa la feuille de papier dans sa poche et quitta son siège, suivi de près par Francis qui ne voulait pas perdre une miette de la suite qu’allait donner ce nouvel élément.