influence d'une manipulation hvba c0 sur les dysfonctionnements de l… · 2017-09-24 ·...
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en partenariat avec le
Federal European Register of Osteopaths
PROMOTION 2016
présenté et soutenu publiquement à Paris, octobre 2016
par
William PETIT
pour l’obtention du
Diplôme en Ostéopathie (D. O.)
Influence d'une manipulation HVBA
C0 sur les dysfonctionnements de
l'appareil manducateur
Directeur de mémoire Thomas MOULIN, Ostéopathe, D.O., Enseignant de l’IDO
2
A Joseph Kassis,
Lui souhaitant la plus grande réussite (ostéopathique), et l'obtention de son D.O.
3
Remerciements
Je souhaite remercier monsieur Thomas MOULIN, mon directeur de mémoire, pour son suivi,
ses conseils avisés et ses relectures attentives, qui ont permis de donner forme à ce mémoire
de fin d'études.
Mes remerciements vont également à messieurs Renan BAIN et Emmanuel PAYEN,
enseignants passionnés de l'IDO, pour leurs conseils bibliographiques et leurs prêts d'ouvrages
pertinents sur le sujet.
Aux professeurs et intervenants de l'IDO, Frédéric PARIAUD, Chi-Hien PHUONG, Frédéric
VILLEBRUN et madame VASSEUR pour leur suivi éditorial.
A mademoiselle Elise SUDRE, kinésithérapeute spécialisée en rééducation maxillofaciale,
pour m'avoir transmis son intérêt pour les DAM.
Son enthousiasme, son ouverture d'esprit et ses explications m'ont grandement aidé à la
réalisation de cette expérimentation.
A Caroline HIRON, pour m'avoir assisté sur la partie pratique de ce mémoire et pour m'avoir
servi de modèle photo.
A mes amis et camarades ostéopathes, pour avoir participé à cette étude, et pour ces cinq belles
années passées ensemble.
A mes parents, pour leur soutien, et sans qui ces études n'auraient pas été possibles.
A ma sœur Camille, pour la rédaction du résumé en anglais.
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Sommaire
1. Introduction ............................................................................................. 5
2. Présentation générale .............................................................................. 7
2.1. Anatomo-physiologie ................................................................................................... 7
2.1.1. Surfaces articulaires et moyens d’union .......................................................... 7
2.1.2. Musculature ...................................................................................................... 8
2.2. Biomécanique ............................................................................................................ 11
2.3. Neurophysiologie ....................................................................................................... 13
2.3.1. Le complexe trigéminal .................................................................................. 13
2.3.2. La dysfonction somatique vertébrale .............................................................. 15
2.3.3. Intérêt d'une technique de correction HVBA .................................................. 17
3. Le dysfonctionnement de l'appareil manducateur ............................. 18
3.1. Etiopathogénie ........................................................................................................... 18
3.2. Symptomatologie ........................................................................................................ 19
4. Matériel et méthode ............................................................................... 20
4.1. Population .................................................................................................................. 20
4.2. Matériel ...................................................................................................................... 21
4.3. Méthode ...................................................................................................................... 21
5. Résultats ................................................................................................. 24
6. Discussion ............................................................................................... 28
7. Conclusion .............................................................................................. 30
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1. Introduction
L'appareil manducateur regroupe les différents tissus et organes de la cavité buccale. Il est
constamment sollicité et possède un aspect fonctionnel très important : il permet la mastication,
la déglutition, participe à la gustation et à la salivation pour l'apport nutritif, mais aussi à
l'élaboration de la parole, au bâillement…
Sa fonction est permise grâce à une bonne physiologie de la seule articulation mobile du crâne
: l'articulation temporo-mandibulaire.
Le système manducateur dispose de nombreuses disciplines médicales et paramédicales afin
d'assurer son bon fonctionnement :
- l'odontologie (chirurgie dentaire et maxillo-faciale) pour la santé bucco-dentaire et
l'occlusion,
- l'orthodontie pour améliorer l'occlusion et l'esthétique dentaire,
- la stomatologie qui s'intéresse aux pathologies de la cavité buccale,
- l'oto-rhino-laryngologie pour les pathologies du nez, de la gorge et de l'oreille,
- la kinésithérapie, spécialisation maxillo-faciale, qui propose une rééducation articulaire et
musculaire de la sphère manducatrice, tant pour traiter les troubles fonctionnels que
pathologiques ou post-chirurgicaux.
Cependant, les champs d'action de ces professions médicales restent assez localisés sur la
structure concernée et ont plutôt tendance à segmenter le corps humain selon les spécialités
thérapeutiques. C'est sur ce point que la prise en charge du patient en ostéopathie diffère :
l'individu est considéré dans sa globalité, qui est un des principes fondamentaux de notre
discipline.
En effet, l'appareil manducateur est situé à un carrefour important au niveau céphalique, et
met en évidence de nombreuses interrelations entre les structures cervicales supérieures (OAA1
et muscles sous-occipitaux), l'appareil auditif et vestibulaire (via le nerf intermédiaire), la loge
viscérale du cou et l'os hyoïde, les arcades dentaires et l'occlusion (muscles masticateurs,
complexe nerveux trigéminal), les muscles oculomoteurs (proprioception véhiculée par le nerf
ophtalmique), la bandelette longitudinale postérieure pour n'en citer que quelques-unes.
Par ces liens anatomo-physio-neurologiques complexes, l'appareil manducateur détient un rôle
clé dans la posture du patient. Ces liens posturologiques ont été largement décrits dans des
1 OAA : Occiput-Atlas-Axis.
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ouvrages et mémoires traitant de cette zone1. Ils seront pris en considération ici mais ne seront
pas détaillés dans ce mémoire.
Nous nous intéresserons plus spécifiquement, dans le cadre de ce mémoire, aux
dysfonctionnements de l'appareil manducateur (DAM), aussi appelés dysfonctionnements
crânio-mandibulaire (DCM).
De nombreux ouvrages et études montrent une forte récurrence de douleurs cervicales
associées à ce syndrome2.
Inversement, les relations entre les différentes structures citées expliqueraient pourquoi bon
nombre de cervicalgies, motifs de consultation fréquents en ostéopathie, auraient un lien avec
la sphère oro-faciale.
Il paraît donc difficile d'isoler le complexe stomatognathique de la sphère céphalique, ce qui
présente un énorme intérêt pour la prise en charge ostéopathique.
C'est donc surtout par ce souhait d'améliorer la réflexion étiologique et de mieux comprendre
l'influence des troubles occlusaux et buccaux sur les cervicalgies, que ce choix de sujet a été
déterminant.
De plus, ayant été mis en contact avec une kinésithérapeute spécialisée en rééducation maxillo-
faciale, je pouvais profiter de ses connaissances et conseils pour la mise en place du protocole.
Le but de ce dernier est de mettre en évidence l'efficacité d'un outil propre à la pratique
ostéopathique, à savoir la manipulation structurelle sur une dysfonction somatique vertébrale.
Celle-ci serait la conséquence d'une afférence occlusale qui maintiendrait cette lésion cervicale.
Le but de l'étude sera donc d'observer si, en manipulant l'étage médullaire responsable de
l'innervation motrice des muscles masticateurs, nous obtenons leur relâchement.
Ainsi nous pourrons déterminer si un gain d'amplitude mandibulaire est obtenu grâce à une
manipulation structurelle de l'étage C0-C1 chez les patients atteints de dysfonctionnements de
l'appareil manducateur (DAM) ?
1 Cf. mémoires IDO et articles PubMed dans bibliographie. 2 Cf.
4.2. Symptomatologie.
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Nous mettrons ainsi en évidence le lien neuro-musculaire entre les cervicales hautes et
l'appareil stomatognathique, et par la même occasion comprendre l'interrelation entre les DAM
et les cervicalgies.
Dans un premier temps nous présenterons la région de l'ATM avec un bref rappel anatomo-
physiologique, afin d'établir les bases essentielles à la physiologie manducatrice.
Puis, dans un deuxième temps, nous détaillerons la dysfonction somatique vertébrale (DSV) et
l'action neurologique obtenue par une correction HVBA afin de comprendre le principe de ce
travail de recherche.
Dans un troisième temps, nous nous intéresserons à l'étude des DAM avec leur épidémiologie,
étiologies et symptomatologie propres à cette pathologie.
Puis, dans la quatrième partie, nous expliquerons la mise en place de l'expérimentation. Enfin,
la dernière partie rassemblera quant à elle les résultats obtenus et permettra d'objectiver
l'influence de la manipulation cervicale sur l'amplitude mandibulaire. La discussion permettra
de synthétiser et critiquer les résultats, avant de conclure cette étude.
2. Présentation générale
2.1. Anatomo-physiologie
D’après Kamina, El et Jeanmonod
2.1.1. Surfaces articulaires et moyens d’union
L’ATM est l’articulation du crâne qui relie l’os mandibulaire à l’os temporal et permet la
mobilité de la mandibule. Elle met en relation les surfaces articulaires composées du condyle
mandibulaire (convexe) avec le condyle temporal (convexe) à l'avant et la cavité glénoïde du
temporal à l'arrière, formant ainsi une diarthrose bicondylienne.
Afin d’améliorer la congruence de l’articulation, on retrouve une structure intermédiaire
composée de fibrocartilage : le ménisque de forme biconcave. Ce dernier présente un bourrelet
plus épais postérieurement (4-5 mm) qu’antérieurement (2-3 mm). Il suit le condyle
mandibulaire lors de ses mouvements.
On peut diviser cette articulation en deux compartiments d’un point de vue fonctionnel :
temporo-méniscal et ménisco-mandibulaire.
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On retrouve plusieurs moyens d’unions : la capsule articulaire en forme de manchon fibreux
lâche renfermant une couche synoviale, englobant les surfaces articulaires en présence, ainsi
que le ménisque sur tout son pourtour. Les ligaments latéraux externe et interne, le ligament
rétro-méniscal renforcent cette capsule.
On retrouve d’autres ligaments à distance ne limitant que peu les amplitudes mandibulaires :
les ligaments sphéno-mandibulaire, stylo-mandibulaire, ptérygomandibulaire.
2.1.2. Musculature
Muscles masticateurs
Masséter
C’est un muscle quadrangulaire très puissant composé de deux faisceaux : insertion proximale
commune sur l’arcade zygomatique, le faisceau profond se termine sur la branche montante de
la mandibule, le faisceau superficiel sur l’angle de la mandibule en externe (schéma 1, légende
1).
Innervation par le nerf massétérique, branche du nerf mandibulaire V3.
Temporal
Il prend son origine sur la fosse temporale, avec un trajet vers l’avant et le bas en éventail pour
s’ancrer sur le processus coronoïde de la mandibule (schéma 1, légende 2). Innervation par les
nerfs temporaux profonds issus du nerf mandibulaire.
Ptérygoïdien médial
Il est intra-buccal, s’insère dans la fosse ptérygoïdienne de l’os sphénoïde jusqu’à la face
interne de l’angle de la mandibule (schéma 1, légende 3).
Innervation par le nerf ptérygoïdien médial V3.
Ptérygoïdien latéral
Ce muscle est composé de deux faisceaux distincts. Il prend son origine sur la face latérale du
processus ptérygoïde et présente un trajet horizontal.
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Le faisceau supérieur se termine sur la capsule articulaire et le ménisque (schéma 1, légende
4), le faisceau inférieur s’insère quant-à lui sur le col juste en dessous et en avant du condyle
(schéma 1, légende 5).
Innervation par le nerf ptérygoïdien latéral V3.
Schéma 1 - muscles masticateurs
Muscles supra-hyoïdiens
Ils participent à la constitution du plancher buccal.
Antérieurement, de la mandibule à l'os hyoïde, on retrouve les muscles mylo-hyoïdien, génio-
hyoïdien et ventre antérieur du digastrique. Ils s'insèrent de la mandibule à l'os hyoïde et sont
innervés par le V3.
Postérieurement, sur l'os hyoïde s'insèrent le ventre postérieur du digastrique et le
stylohyoïdien jusque respectivement à la mastoïde et styloïde de l'os temporal. Ils sont innervés
par le nerf facial VII.
Muscles infra- hyoïdiens
Ce groupe musculaire est composé des omo-hyoïdiens, sterno-hyoïdiens, thyrohyoïdiens et
sterno-thyroïdiens. Ils sont innervés par l'anse cervicale issue des branches antérieures de C1-
C2-C3.
Par leur contraction, ils emmènent l'os hyoïde vers le bas, ce qui l'immobilise et sert de point
fixe pour la contraction des muscles supra-hyoïdiens, permettant ainsi l'action d'ouverture
buccale.
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Inversement, lorsque les muscles masticateurs maintiennent l'occlusion dentaire (forment le
point fixe mandibulaire), la contraction des infra-hyoïdiens permet l'élévation de l'os hyoïde et
du larynx.
Schéma 2 - muscles hyoïdiens
Muscles cervicaux
Cette chaîne musculaire située latéralement et en arrière du cou fonctionne de façon synergique
avec la chaîne représentée par les muscles masticateurs. Le rôle majeur de ces muscles
cervicaux est de stabiliser la tête, ce qui accroît l’efficacité des mouvements mandibulaires.
Ces muscles sous-occipitaux sont innervés principalement par la racine dorsale de C1.
C'est la bonne synergie entre ces muscles qui permet de créer une entité fonctionnelle au service
de la mastication et de la déglutition.
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2.2. Biomécanique
D'après Jeanmonod et El
La position de repos de la mandibule est considérée sans contact dentaire, musculature et
moyens d'union dans un état de relâchement relatif (masticateurs contrebalancent la gravité sur
la mandibule) avec un espace inter-occlusal de quelques millimètres.
L'occlusion d'intercuspidie maximale (OIM) représente la position où les arcades dentaires
maxillaires et mandibulaires sont le plus en contact, les cuspides des dents antagonistes sont
imbriquées au maximum.
• Mouvement d'abaissement
Il s'agit d'un mouvement partant de la position d'OIM, pour obtenir une ouverture buccale.
Dans un premier temps, il y a un roulement antérieur du condyle mandibulaire selon un axe
transversal (glissement postérieur relatif du ménisque), puis dans un second temps se produit
un glissement vers l'avant et le bas du condyle qui emmène avec lui le ménisque (par l'action
du chef supérieur du ptérygoïdien externe).
Muscles moteurs : ptérygoïdiens externes en contraction bilatérale, les supra-hyoïdiens et les
infra-hyoïdiens indirectement.
L'ouverture maximale est en général comprise entre 53 et 5 mm, avec une composante de
rotation condylienne majoritaire dans ce mouvement.
L'ouverture fonctionnelle représente 80 % de l'ouverture maximale environ (EL, p. 504.
• Mouvement d'élévation
Il correspond au mouvement de fermeture buccale qui permet d'atteindre la position d'occlusion
d'intercuspidie maximale.
Biomécaniquement, on obtient le phénomène inverse de l'ouverture, c'est-à-dire un roulement
postérieur du condyle, puis un glissement postérieur des structures intracapsulaires qui
retrouvent leur position initiale. Le faisceau supérieur du muscle ptérygoïdien latéral retient le
ménisque vers l'avant (translation antérieure relative du ménisque).
Muscles moteurs : masséters, temporaux et ptérygoïdiens internes en contraction bilatérale.
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• Mouvement d'antépulsion
Ce mécanisme correspond à une propulsion mandibulaire : le menton avance.
Les deux condyles effectuent une translation antérieure et vers le bas grâce à la contraction
synchrone des muscles ptérygoïdiens médiaux droit et gauche, des faisceaux superficiels des
muscles masséters et des faisceaux inférieurs des ptérygoïdiens latéraux.
L'amplitude moyenne est comprise entre 5 mm et 10 mm.
• Mouvement de rétropulsion
C'est une translation postérieure de la mandibule : le menton recule.
Les deux condyles effectuent un glissement vers l'arrière et le haut grâce à la contraction des
muscles temporaux (faisceaux moyens et postérieurs qui sont plus horizontaux), des faisceaux
postérieurs des muscles digastriques, ainsi que des abaisseurs de la mandibule dans un moindre
rôle.
Ce mouvement de retour de propulsion ramène l'arcade mandibulaire en position d'OIM avec
l'arcade maxillaire. On appelle rétrusion le mouvement qui consiste à un glissement postérieur
à partir de l'OIM. On ne lui décrit qu'une faible amplitude de mobilité de 0,5 mm, voire 2 mm.
• Mouvement de diduction
Il correspond à une translation latérale du menton.
Le condyle du côté du mouvement est appelé travaillant ou pivotant et effectue une légère
rotation postérieure. Le condyle controlatéral (= non travaillant ou orbitant), part quant à lui
vers l'avant, le dedans et le bas.
Cette action est permise par les faisceaux moyens et postérieurs du muscle temporal du côté
homolatéral au déplacement et des ptérygoïdiens externe et interne du côté controlatéral au
mouvement avec le faisceau antérieur du temporal.
Amplitude de 6 à 8 mm pouvant atteindre les 10-15 mm selon les auteurs.
On estime que la valeur de diduction est équivalente au quart de celle de l'ouverture buccale.
La différence entre les diductions gauche et droite est physiologiquement de 2 mm maximum.
La combinaison de ces mouvements essentiels permet la réalisation des mouvements
complexes de mastication et déglutition.
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2.3. Neurophysiologie
D'après Jeanmonod
2.3.1. Le complexe trigéminal
Le mouvement mandibulaire est sous l'action de terminaisons nerveuses sensorielles. Elles
envoient l'information aux centres sensitifs du système nerveux central (SNC) par voie
afférente.
On en retrouve plusieurs sortes :
les extérocepteurs qui réagissent aux stimuli extérieurs par mécanisme physique et chimique
(contact et saveur, notamment pendant l'alimentation). Ils sont situés dans la muqueuse, les
lèvres, la langue…
les propriocepteurs qui réagissent aux modifications intrinsèques à l'organe/tissu stimulé.
On les divise en plusieurs groupes :
• les fuseaux neuromusculaires (FNM), situés dans les fibres musculaires parallèlement à
celles-ci. Ils sont recrutés lors de l'étirement du muscle,
• les organes tendineux de Golgi (OTG), que l'on retrouve au sein des tendons. Ils sont
sensibles à la tension et provoquent une inhibition réflexe du muscle en cas de contrainte
excessive pour éviter son déchirement,
• les corpuscules de Pacini (vibrations), corpuscules de Golgi (pression) et récepteurs de
Ruffini (étirement) sont présents dans le périoste, les tendons, les articulations,
• les récepteurs desmodontaux (jonction dents-os) sont sensibles au tact profond et
superficiel. Leur seuil d'activation est très bas, ils réagissent à un stimulus de quelques
microns,
Les nocicepteurs
• les terminaisons nerveuses libres renseignent sur la sensation algique. On les retrouve en
profondeur dans les muscles, les tendons et les articulations,
• les récepteurs desmodontaux qui réagissent à la thermo-algésie.
Les mécano et nocicepteurs buccaux envoient ensuite l'information sensitive via deux des
nerfs trigéminaux : le nerf maxillaire V2 et le mandibulaire V3. Ceux-ci rejoignent le nerf
ophtalmique V1 (véhiculant les afférences sus-oculaires) pour former le ganglion de Gasser qui
renferme les noyaux des neurones de premier ordre (protoneurones).
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Ces fibres afférentes apportent l'information aux noyaux gris centraux trigéminaux sensitifs.
Ils sont au nombre de trois, situés dans le tronc cérébral (schéma 3).
Le noyau mésencéphalique est le plus rostral, vient ensuite le noyau principal pontique
médialement, et enfin le noyau spinal que l'on retrouve caudalement et qui descend jusqu'à
l'étage médullaire C2.
Les stimuli proprioceptifs musculaires (FNM, OTG) sont acheminés vers le noyau
mésencéphalique. Ce dernier reçoit également les informations proprioceptives de muscles
faciaux et extrinsèques de l'œil (= oculomoteurs), donc nous retrouvons une connexion œil-
mandibule-trijumeau.
Les afférences proprioceptives et thermo-algésiques en provenance de la muqueuse buccale,
du parodonte et de l'ATM, arrivent au noyau principal pontique et au noyau spinal.
Le lemnisque trigéminal remonte ensuite les informations sensitives et proprioceptives vers le
thalamus (2e neurone/deutoneurone), puis au cortex somesthésique (neurone de 3e
ordre/tritoneurone) pour une intégration dans les centres supérieurs.
On retrouve également des interneurones médullaires ou faisant relais dans le cervelet et qui
vont transmettre directement les informations au noyau moteur depuis les noyaux sensitifs
(boucle réflexe), sans intégration centrale dans les aires supérieures.
Le noyau moteur trigéminal est situé latéralement aux noyaux sensitifs, et reçoit donc de ceux-
ci des informations afférentes par des interneurones.
Il intègre ces stimuli proprioceptifs et nociceptifs, puis apporte en retour une information
transmise par un neurone efférent moteur empruntant le V3 à destination des quatre muscles
masticateurs, du mylo-hyoïdien, du ventre antérieur du digastrique et du muscle tenseur du
voile du palais.
Cette réponse motrice met en place le mécanisme réflexe de mastication mandibulaire : la
mandibule via ses muscles mobilisateurs va constamment modifier sa position dans l'espace en
fonction des obstacles rencontrés dans la bouche (les aliments). Cela a pour rôle de protéger
les structures anatomiques buccales en gardant une force de contraction adaptée grâce à une
stratégie d'évitement.
La commande motrice volontaire est quant à elle permise par des fibres descendantes du cortex
moteur, qui empruntent également le nerf mandibulaire V3.
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Schéma 3 - complexe trigéminal
2.3.2. La dysfonction somatique vertébrale
Pour expliquer la DSV, propre au monde ostéopathique, Irvin Korr 1 cite l'hypothèse de
Denslow (1947) : « Une lésion ostéopathique représente un segment facilité de la moelle
épinière, maintenu dans cet état par des flux d'origine endogène qui arrivent à la moelle par
la racine dorsale correspondante. Toutes les structures qui reçoivent des fibres nerveuses
efférentes de ce segment sont, par conséquent, exposées en puissance à une inhibition ou une
excitation excessives. »
Il souhaite expliquer par-là que les stimuli proprioceptifs informent le système nerveux central
(SNC) des modifications physiques des tissus musculo-squelettiques. Ces récepteurs sont non
adaptatifs, c'est-à-dire qu'ils déchargent continuellement pendant la durée où ils sont stimulés
mécaniquement.
On comprend bien que dans le cas d'une dysocclusion, par exemple, les propriocepteurs «
désinforment » en permanence les noyaux centraux des nerfs maxillaires et mandibulaires, et
l'étage de moelle concerné C1.
1 Bases physiologiques de l'ostéopathie.
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De plus, « l'hyperactivité réactionnelle de ces neurones facilités va entraîner une hyperactivité
des tissus innervés ». Ces anomalies segmentaires s'avèrent être des lésions physiologiques
appelées dysfonctions somatiques ostéopathiques.
Ce phénomène provoque en retour une mauvaise afférence des muscles masticateurs dans notre
cas : « La facilitation des voies motrices conduit au développement de tensions musculaires
soutenues, à des réponses reflexes exagérées, des asymétries posturales et à une mobilité
articulaire limitée et douloureuse. Les muscles soumis à cet excès d'influx vont, en raison de
la richesse de leur innervation motrice et sensitive, devenir à leur tour des sources d'influx
afférent relativement intenses. Ceci établit des circuits auto-entretenus, des "cercles vicieux"
qui maintiennent et amplifient la facilitation. »
On comprend ici le lien avec les cervicalgies souvent décrites par le patient1.
La présence supposée de DSV de l'étage C0-C1 maintient les muscles sous-occipitaux en état
de contraction permanente qui crée la douleur ressentie dans les cervicales.
Jeanmonod l'explique aussi au sujet des DAM : lorsque qu'une dysocclusion apparaît, « le
mouvement ne se fait plus inconsciemment, il se fait de façon à ce que l'obstacle soit évité. Si
ce dernier est peu important, en dehors de toute correction, alors qu'entre en jeu l'intégration
des informations au sein des noyaux sensitifs, le SN peut programmer un mouvement
d'évitement qui à force de répétition devient habituel et reflexe ».
« Si l'obstacle est trop important ou si le sujet […] présente de mauvaises facultés d'adaptation,
le mouvement ne trouvera pas de caractère réflexe et restera conscient. Cela aboutit à la
perturbation du jeu neuro-musculaire qui engendrera la parafonction, les spasmes
musculaires et les dysfonctions articulaires. »
La stratégie d'évitement quand l'obstacle devient trop volumineux provoque donc « un
fonctionnement anarchique des muscles mandibulaires au sein desquels apparaît un état de
tension qui se prolonge au-delà du temps fonctionnel ».
Enfin pour Clauzade, « toutes les malocclusions vont avoir un retentissement neuromusculaire
qui induira un spasme musculaire ».
1 Voir Symptomatologie des DAM plus bas.
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2.3.3. Intérêt d'une technique de correction HVBA
Nous partons du principe que l'afférence proprioceptive entraine une facilitation de l'étage
médullaire C1 qui s'avère être en regard des noyaux des nerfs trigéminaux. Une action
manipulative sur cet étage vertébral C0-C1 aurait donc un effet sur le jeu neuro-musculaire de
l'ensemble de l'appareil manducateur.
Jeanmonod explique que « chaque muscle mandibulaire est innervé par des neurones moteurs
qui lui sont propres et qui sont situés dans une région déterminée du noyau moteur »
(L'occlusodontologie, 1988, p. 24).
Le mécanisme d’action du thrust n’est pas encore parfaitement connu.
Parmi les hypothèses recueillies dans la littérature, on lui prête une action réflexe
neuromusculaire (sur les FNM et OTG) au niveau des muscles qui maintiennent les lésions
ostéopathiques1.
En envoyant un influx sur l'étage concerné, on étire les fibres intrafusales des muscles spasmés.
Le SNC par mesure protective diminue l'activité gamma, qui provoque le relâchement des
structures concernées.
Une autre hypothèse quant à l'action de la manipulation serait qu'en étirant les OTG, on recrée
un réflexe myotatique inverse pour obtenir leur relâchement musculaire. On provoque une
remise en tension des OTG pour qu'ils déchargent, et obtenir un effet inhibiteur sur le muscle.
Le but serait de rééquilibrer et relaxer les fibres intra/extrafusales pour retrouver une bonne
physiologie musculaire.
La technique HVBA recalibre les FNM et OTG par mécanoception, en abaissant le seuil
d'influx vers le métamère. Cette action romprait le reflexe nociceptif, permettrait le
soulagement musculaire et redonnerait une bonne distribution tonique aux muscles
masticateurs.
Une action directe sur les facettes articulaires est aussi décrite, ainsi qu'une action sur le Gate
control et la production d'endorphine pour diminuer la douleur2.
1 Irvin Korr, Bases physiologiques de l'ostéopathie 2
Fisher, Thrust, sémiologie et imagerie.
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3. Le dysfonctionnement de l'appareil manducateur
La terminologie et les étiologies de ce syndrome ne cessent d'évoluer selon les auteurs depuis
sa première description par Costen en 1934.
Ces troubles sont assez présents dans la population, mais passent souvent inaperçus ou ne font
pas toujours l'objet de consultation par le patient. En effet, ce dernier sous-estime souvent cette
pathologie ou ne sait quel spécialiste consulter, ce qui amène parfois à des errances médicales
par défaut de traitement adéquat.
3.1. Etiopathogénie
Cette affection touche une part importante de la société. Des études montrent qu'au moins 50
% de la population présentent au moins un signe de DAM, allant jusqu'à 75 % pour certaines1.
Les femmes (80 %) seraient les plus sujettes à ces troubles stomatognathiques.
Cependant, la prise en charge reste assez faible (moins de 10 % des gens concernés) car le
stade pathologique est rarement atteint. Il le devient quand le système n'arrive plus à
s'autocompenser : d'après Clauzade, la décompensation sera soit fonctionnelle et fera intervenir
le système neuro-musculaire, avec un plan de protection à travers les nerfs crâniens V et VII ;
soit elle sera structurelle avec une altération musculo-capsuloligamentaire avec une atteinte
anatomique (ménisque, par exemple).
Plusieurs hypothèses quant à l'origine de la douleur se sont succédé : contraction musculaire
prolongée, compression du nerf auriculo-temporal, tension psychoémotionnelle,
malocclusion…
Par exemple pour Clauzade, « toutes les malocclusions vont avoir un retentissement neuro-
musculaire qui induira un spasme musculaire ».
De nos jours, cette atteinte du système manducateur serait plutôt multifactorielle. La douleur
serait d'origine musculo-aponévrotique, causée par spasme reflexe secondaire à un
dysfonctionnement occlusal causé par :
- une occlusion excentrée déséquilibrée (perte de la fonction canine ou du calage occlusal
par édentation, béance, surplomb incisivo-canin),
1 Cf. thèse Dr. Munier en bibliographie.
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- une mauvaise fixation prothétique (sus/sous-occlusion) entraînant une prématurité de
contact et/ou stratégie d'évitement,
- des lésions disco-articulaires temporo-mandibulaires favorisées par des traumatismes
directs, extractions dentaires difficiles, séances de soins dentaires ou orthodontiques en
ouverture forcée prolongée…
Une composante psycho-émotionnelle1 est fréquemment retrouvée chez ces patients, souffrant
pour la plupart de bruxisme. Cette parafonction joue un rôle de facteur aggravant.
On observe d'autres phénomènes pouvant interférer la biomécanique mandibulaire, comme une
déglutition atypique, une rectitude cervicale2, une position nocive de sommeil en procubitus
ou des perturbations posturales ascendantes.
3.2. Symptomatologie
Les symptômes varient d'un individu à l'autre au vu des diverses étiologies, antécédents et état
psychique de la personne. On retrouve souvent :
- une douleur diffuse, sourde, lancinante, profonde. Elle peut être unilatérale ou bilatérale, à
localisation péri-auriculaire, au niveau des muscles mandibulaires, mais aussi du plancher
buccal, du temporal, de la face, des cervicales et même de l'épaule avec des notions de points
gâchettes.
L'algie peut être exacerbée par la mastication, le bâillement, la déglutition, le bruxisme… Pour
Jeanmonod, « c'est la contraction prolongée d'un muscle à cause d'une parafonction qui
emmène à la diminution des apports d'O2 et favorise la production et non élimination d'acides
lactiques et déchets » qui crée la douleur ;
- une sensibilité à la palpation des structures articulaires et/ou musculaires ;
- des claquements, craquements, crépitations au niveau de l'ATM lors des mouvements
d'ouverture et fermeture buccale ;
- une dyskinésie mandibulaire : limitation de l'ouverture buccale, déviation du mouvement
d'ouverture, sensation de blocage et/ou subluxation ;
- une modification de la posture : mandibulaire, céphalique…
1 Stress, anxiété, état dépressif. 2 Perte de la lordose physiologique.
20
- d'autres symptômes tels que des acouphènes, une hypoacousie, une sensation d'oreille
bouchée, des céphalées et migraines, des vertiges…
4. Matériel et méthode
4.1. Population
Pour cette étude, nous avons obtenu la participation de 24 étudiants en 5e année de l'Institut
Dauphine d'Ostéopathie. La population étudiée est composée de 18 femmes (75 %) et de 6
hommes (25 %) âgés de 22 à 28 ans.
Une anamnèse précise a été menée afin d'établir les critères d'inclusion des sujets à l'étude,
ainsi qu'une palpation des structures concernées et l'observation du mouvement d'ouverture
buccale.
Pour participer à l'expérimentation, les sujets devaient tous présenter au moins deux des grands
symptômes du DAM de la triade bruit-algie-dyskinésie mandibulaire.
En revanche, les critères d'exclusion étaient principalement basés sur la noncontre-indication
à la manipulation cervicale. Les étudiants de l'Institut Dauphine ont tous dû obtenir un certificat
médical ou passer des radios en troisième année afin de déceler toute anomalie anatomique,
fragilité osseuse, pathologies du rachis cervical haut.
Nous avons également éliminé la présence de facteurs de risques cardio-vasculaires, de
pathologies inflammatoires et tumorales par l'anamnèse.
Les variables étudiées lors de l'expérimentation sont les amplitudes mandibulaires, relevées
en millimètres. Elles ont été mesurées dans les mouvements d'ouverture, de propulsion et de
diductions droite et gauche. Il n'a pas été possible de prendre en considération le mouvement
de rétrusion dans l'étude, car il a été très difficile à réaliser pour la plupart des patients.
Les sujets ont été répartis aléatoirement en deux groupes :
- un groupe témoin ne subissant aucun traitement,
- un groupe manipulé avec une technique HVBA bilatéralement sur l'étage C0. Les patients
n'ont pas eu connaissance de leur répartition dans les groupes respectifs avant le début de leur
testing.
21
4.2. Matériel
Le protocole s'est effectué dans un box du Centre Ostéopathique des Halles (COH), en
essayant de reproduire à chaque séance le même contexte clinique : praticiens en blouse, salle
de consultation calme et sans stimuli visuels lumineux. Les patients sont en position de
décubitus pour la durée de l'expérimentation.
Nous avons utilisé une table de pratique, de la solution désinfectante et des gants non stériles.
Les mesures sont effectuées à l'aide d'une réglette millimétrée.
4.3. Méthode
Rappelons que les mouvements mandibulaires et les amplitudes peuvent varier au cours d’une
même séance pour une même mesure. En effet, l’émotion du patient, l'appréhension de
l’environnement extérieur inhabituel, la peur d’un blocage ou d’une douleur peuvent freiner la
bonne participation aux tests. Afin d'éviter ce genre de situation, l'examen s'est réalisé dans un
milieu calme afin de faciliter la relaxation du patient.
Dans un premier temps, nous réalisons une anamnèse précise pour chaque patient. Puis dans
un second temps, nous évaluons l'algie et la dyskinésie mandibulaire par une palpation des
structures concernées et demandons une ouverture buccale active pour tous les patients afin de
confirmer leur participation.
Nous réalisons ensuite les premières mesures comme décrites ci-dessous, sur l'ensemble de la
population étudiée.
• L'ouverture
A partir de la position d'OIM, nous marquons la ligne du recouvrement incisif. Dans le cas
d'une béance antérieure, nous notons la distance entre les bords libres incisivaires maxillaire et
mandibulaire, que l'on déduira de la valeur finale obtenue. Nous demandons au patient une
ouverture maximale de la bouche, sans prendre en compte la déviation de trajectoire de la
mandibule.
On mesure ensuite l'écartement entre la ligne de recouvrement incisivaire préalablement tracée
et le bord libre des incisives supérieures.
22
Dans le cas où il y a une différence de hauteur ou d'alignement entre deux incisives du même
arc, on prend comme référence les dents 11 et 41.
• La propulsion
La mesure de cette amplitude de mouvement nécessite deux temps : d'abord mesurer le
surplomb incisivaire supérieur en position d'OIM, puis on demande au patient d'emmener sa
mâchoire vers l'avant en restant dans un plan le plus horizontal possible. On relève la distance
entre la face vestibulaire des incisives maxillaires et le bord libre des incisives mandibulaires.
La distance totale de propulsion est donc obtenue par la somme de ces deux mesures.
• Les diductions
Nous vérifions dans un premier temps l'alignement vertical des lignes inter-incisivaires
supérieure et inférieure. Dans le cas où le sujet présente une occlusion excentrée (pas de
continuité entre les lignes inter-incisivaires supérieure et inférieure), on évalue cet écart et l'on
ajoutera ou soustraira cette valeur au résultat final obtenu.
Le patient emmène sa mâchoire vers la droite puis la gauche, en restant bien dans un plan de
mouvement horizontal.
23
Une fois ces premières mesures effectuées, la prise en charge diffère selon les groupes :
- le groupe testé est laissé au repos 5 minutes.
- le groupe traité est manipulé bilatéralement en HVBA sur l'étage C0 par ma binôme Caroline
Hiron.
La technique HVBA utilisée est tirée du livre Thrust, sémiologie et imagerie de messieurs
Fischer et Erieau.
Pour cette partie de l'étude, je n'ai pas eu connaissance de la répartition des sujets dans les
groupes témoin ou manipulé, afin d'être le plus objectif possible dans la reprise des mesures
des amplitudes mandibulaires.
Les deuxièmes mesures ont ensuite été réévaluées sur tous les patients dans le même contexte,
et les résultats ont été reportés dans les tableaux ci-dessous.
24
5. Résultats
Groupe témoin O1 O2 P1 P2 DD1 DD2 DG1 DG2
M. LB 54 54 9 9 11 11 7 7
C. L 55 55 8 8 11 11 11 11
C. H 60 60 6 7 9 9 10 10
F. G 49 49 7 7 7 7 10 10
L. D 48 48 7 7 9 9 12 12
N. R 45 45 6 6 10 10 9 9
L. B 55 55 6 6 13 13 11 11
J. Y 57 57 10 10 6 6 5 5
S. DG 44 44 8 8 12 12 13 13
M. B 41 41 8 8 10 10 10 10
S. S 31 32 5 5 7 7 9 9
M. T 47 48 7 7 8 9 9 9
Moyenne (en mm) 48,83 49 7,25 7,33 9,42 9,5 9,67 9,67
Groupe traité O1 O2 P1 P2 DD1 DD2 DG1 DG2
E. N 49 48 5 5 8 7 6 7
C. G 45 51 8 9 11 12 9 10
JB. D 57 60 5 5 11 10 6 7
C. P 48 54 4 4 6 6 11 11
H. G 42 48 6 7 9 11 10 11
C. C 57 58 5 5 8 7 7 7
S. L 52 52 5 5 9 9 11 11
O. P 46 48 8 10 10 10 10 11
E. T 56 56 2 3 7 7 8 9
C. B 41 42 7 8 8 8 10 9
F. F 47 48 8 9 12 12 10 10
D. G 51 49 8 8 12 12 10 10
Moyenne (en mm) 49,25 51,17 5,92 6,5 9,25 9,25 9 9,42
O = ouverture
P = propulsion
DD = diduction droite
25
DG = diduction gauche
1 = première mesure
2 = deuxième mesure Dans le groupe témoin, nous ne retrouvons que très peu de
changement de valeur : de l'ordre de 0,17 mm pour les moyennes d'ouverture, 0,08 mm pour
les valeurs moyennes de propulsion et diduction droite, la valeur moyenne de diduction
gauche quant à elle est restée constante.
Nous obtenons un delta O1/O2 de 0,167 mm, pour un écart type de 0,39.
Pour le groupe traité, nous retrouvons des modifications plus importantes :
- en ouverture, moyenne de 49,25 mm avant manipulation contre 51,17 mm après, soit
un gain moyen de 1,92 mm.
Nous noterons à + 6 mm le meilleur gain et -2 mm le plus faible.
Le gain moyen = delta O1/O2 est de 2,08 mm, pour un écart type à 2,64.
- en propulsion, 5,92 mm contre 6,5 mm après le thrust, soit une amélioration moyenne
de 0,58 mm. Meilleur gain d'amplitude relevé de + 2 mm.
- en diduction droite, nous relevons une moyenne de 9,25 mm au temps 1 comme au
temps 2. Nous n'obtenons pas d'amélioration moyenne, la meilleure mesure s'élevant à + 2 mm,
la pire à - 1 mm selon les patients.
- en diduction gauche, l'amplitude moyenne relevée est de 9 mm contre 9,42 mm après
manipulation, soit 0,42 mm de mouvement supplémentaire obtenu en moyenne. Le meilleur
gain s'élevant à + 1 mm, certains sujet présentant une réduction de mobilité mesurée à - 1 mm.
Cependant, nous retrouvons au sein de cette population des patients n'ayant pas d'amélioration
objectivable de leurs amplitudes, tandis que d'autres montrent des valeurs augmentées sur
certains paramètres. Nous noterons donc une hétérogénéité des résultats pour ce groupe
manipulé.
Nous avons utilisé le test T de Student qui permet de comparer les mesures d'une variable
quantitative continue effectuées sur deux groupes de sujets indépendants définis par les
modalités de la variable qualitative.
26
Le test est dit apparié lorsque le patient est son propre témoin sur deux mesures : avant la
manipulation, puis après.
Il est dit non apparié lorsque ce sont deux patients de deux groupes différents que l'on compare.
La valeur p est le nombre utilisé en statistiques inférentielles pour conclure sur le résultat d’un
test statistique. La procédure généralement employée consiste à comparer la valeur p à un seuil
préalablement défini (traditionnellement 5 %).
Si la valeur p est inférieure à ce seuil, on rejette l'hypothèse nulle en faveur de l’hypothèse
alternative, et le résultat du test est déclaré « statistiquement significatif ». Dans le cas
contraire, si la valeur p est supérieure au seuil, on ne rejette pas l’hypothèse nulle, et on ne peut
rien conclure quant aux hypothèses formulées.
Parmi le groupe testé (test apparié entre les temps 1 et 2) :
- pour l'ouverture buccale, la valeur p du test est de 0,3853239258724.
- pour la propulsion : 0,50547047949789
- pour la diduction D : 1
- pour la diduction G : 0,55854290509199
Entre les 2 groupes (test non apparié) :
En comparant les gains moyens (delta O1/O2) d'ouverture au temps 2, nous retrouvons une
valeur p = 0,021
27
Graphiques de comparaison des gains d'amplitudes moyennes (en mm) avant et
après manipulation
Au sein de cette population, nous avons retrouvé que :
- tous les étudiants présentent une dyskinésie mandibulaire à l'ouverture, pour la grande
majorité en diduction (91,6 %) ou dite en « S » pour deux patients (8,4 %) ;
9,4167
, 9 25
5 6 ,
51,167
9
25 , 9
5,9167
25 , 49
0 10 20 30 40 50 60
diduction gauche
diduction droite
propulsion
ouverture
temps 1
temps 2
49 , 25 51,167
5,9167 6 , 5 , 9 25 25 , 9 9 9,4167
0
10
20
30
40
50
60
comparaison des gains moyens d'amplitudes avant/apr ès
manipulation
O1
O2
P1
P2
DD1
DD2
DG1
DG2
28
- 18 sujets présentant des claquements de l'ATM, soit 75 % d'entre eux ;
- 19 des patients (79 %) décrivent des douleurs à prédominance péri-auriculaires, parfois au
niveau du plancher buccal que ce soit au repos, à la mastication, au bâillement ou à la
palpation selon les cas ;
- 17 se plaignent de bruxisme diurne et/ou nocturne (71 %) ;
- 7 présentent des blocages mandibulaires (29 %), majoritairement en ouverture maximale
associée à une subluxation antérieure ménisco-condylienne ;
- 17 souffrent de cervicalgies mécaniques hautes chroniques (71 %) ;
- 18 d'entre eux (75 %) ont subi des travaux dentaires ou orthodontiques. Cependant nous
n'avons pas pu les corréler chronologiquement avec l'apparition des DAM ;
- 7 décrivent des céphalées de tension (29 %) ;
- 8 patients, soit 33 % de la population, reconnaissent des troubles auditifs (hypoacousie,
sensation d'oreille bouchée, acouphènes). Ces signes ont été relevés en tant que signes
fonctionnels, sans que nous soyons certains de leur rattachement aux symptômes de la
pathologie étudiée.
6. Discussion
En analysant les résultats bruts obtenus, le bilan de cette étude est assez mitigé. En effet, les
gains d'amplitudes post-manipulatifs sont assez hétérogènes. Nous avons obtenus jusqu'à 6 mm
d'amélioration en ouverture buccale. Cependant, ils restent assez minimes en moyenne pour le
reste de la population étudiée, voire inexistants dans certains cas. Les autres types de
mouvements tels que les diductions et propulsions n'ont montré que peu de modifications.
Ainsi, le test T de Student apparié confirme que les mesures relevées avant la technique HVBA
ne sont pas statistiquement différentes de celles prises après la technique (p largement
supérieur à 0,05).
Le gain d'amplitude entre chaque mesure des mouvements n'est donc pas significativement
démontré au sein de ce même groupe manipulé. Nous ne pouvons donc pas prouver d'un point
de vue scientifique que la manipulation engendre une réelle amélioration de nos patients.
En revanche, en prenant les trois cas où les gains d'ouverture ont obtenu les meilleures valeurs
(6 mm maximum), on retrouve un p-value = 0.07. Ces résultats sont donc encourageants et on
29
peut ainsi parler de tendance très forte (p inférieur à 0,10) d'une influence manipulative pour
ce petit échantillon de patients. Nuançons cette amélioration que l'on retrouve seulement pour
les mouvements d'ouverture buccale.
Le test de Student non apparié nous permet néanmoins de démontrer que nous avons obtenu
un écart significatif entre les gains moyens d'ouverture, en comparant les deltas O1/O2 entre
les deux groupes. Il y a donc une différence significative sur l’angle d’ouverture buccale entre
le groupe manipulé et témoin, puisque l'on retrouve un p = 0,021.
De plus le groupe témoin permet de confirmer que les amplitudes sont sensiblement égales sur
les temps T1 et T2 en l'absence de technique HVBA. Cela démontre que la manipulation de
l'étage C0 a bien une action sur la musculature de l'appareil stomatognathique et améliore les
amplitudes mandibulaires.
Le choix d'évaluer l'efficacité d'une seule manipulation sur le rachis cervical est volontaire
afin d'éviter au maximum les biais dans l'étude. Ceci vient en contradiction avec un traitement
ostéopathique global dont nous parlions dans l'introduction.
Il convient bien évidemment d'aller investiguer la sphère crânienne, la loge viscérale du cou
avec l'os hyoïde, l'appareil manducateur directement pour un travail musculaire (ponçage,
trigger point) encore plus efficace, le rachis dans son ensemble et pourquoi pas les autres
capteurs posturologiques.
De plus, il paraît difficile d'obtenir de bons résultats sur une seule technique en une seule
consultation, après réflexion. En comparaison, le travail de rééducation en kinésithérapie
maxillo-faciale se fait sur 10 à 15 séances en moyenne et selon les cas.
Dans l'idée d'améliorer notre protocole, il aurait donc pu être intéressant d'étudier les effets sur
un plus long suivi des patients. Cependant, d'autres facteurs extérieurs auraient pu rentrer en
considération et influer sur la biomécanique cervicale et buccale.
Au niveau du matériel, l'utilisation d'un pied à coulisse au lieu d'une réglette graduée aurait
permis de mesurer de manière plus fiable les mouvements mandibulaires, compte tenu de la
faible échelle étudiée (millimètre).
Nous aurions pu également comparer la modification de l'empreinte occlusale avant et après la
manipulation de C0, avec un papier carbone. Cela aurait encore mieux démontré l'action de
relâchement neuro-musculaire de l'appareil manducateur.
30
De même, nous aurions préféré mettre en place ce protocole avec une population présentant
des dysfonctionnements de l'appareil manducateur diagnostiqués médicalement. Une réelle
restriction de mobilité aurait pu être retrouvée chez ces patients, ce qui aurait peut-être donné
des résultats encore plus significatifs.
Nos sujets présentaient des amplitudes assez physiologiques, voire une certaine « laxité » dans
les ouvertures buccales pouvant traduire des possibles subluxations, ce qui a sans doute un peu
faussé les résultats finaux.
7. Conclusion
Le but de l'expérimentation de ce mémoire était de montrer si une technique HVBA sur C0
permettait une augmentation des amplitudes mandibulaires par relâchement neuro-musculaire.
Les résultats obtenus montrent que des gains après manipulation sont retrouvés chez nos
patients. Ils sont assez peu flagrants d'un point de vue quantitatif (6 mm maximum d'ouverture),
voire absents chez certains patients au sein du groupe manipulé. Ici, le T de Student montre
une forte influence de la manipulation sur un gain d'amplitude mandibulaire, mais non prouvé
statistiquement (p > 0,07 pour les trois meilleures ouvertures).
Le test T de Student non apparié nous a permis de comparer les gains moyens d'amplitude
d'ouverture entre le groupe témoin et le groupe manipulé. Après analyse, les résultats s'avèrent
concluant (p < 0,05). Nous pouvons donc conclure que par la manipulation HVBA en C0, nous
avons obtenu le relâchement neuro-musculaire souhaité. Le gain en amplitudes mandibulaires
est donc significatif et prouvé de manière statistique.
La libération du spasme musculaire par un thrust de la DSV prouve que l’ostéopathie a bien
sa place dans la prise en charge fonctionnelle du DAM. Ce travail de recherche a permis de
démontrer les effets bénéfiques de l'ostéopathie, de prouver l'efficacité d'un traitement et de
justifier son intérêt dans le processus de soin de certaines pathologies.
Il convient bien entendu de corriger les causes du DAM en premier lieu par le traitement
dentaire ou chirurgical adéquat.
Dans une approche plus personnelle, ce mémoire m'a aidé à mieux saisir l’importance de
l'occlusion et des troubles buccaux dentaires dans les cervicalgies. Je peux en dire de même
pour la DSV et l'action HVBA, de par les œuvres que j'ai consultées. Ainsi, d'un point de vue
31
clinique, je pense avoir amélioré ma réflexion ostéopathique, notamment dans la recherche des
étiologies, pour une meilleure compréhension des motifs de consultations de mes patients.
32
Bibliographie
Ouvrages
FICHER Michel, ERIEAU Benoit, ostéopathes DO, 2009, Thrust, sémiologie et imagerie,
Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux.
JEANMONOD Albert, Prof., 1988, Occlusodontologie, Applications cliniques, Editions
CdP, Paris.
KAMINA Pierre, Prof, 2009, Anatomie clinique section II, appareil manducateur, Maloine,
Paris.
KORR Irvin, 1996, Bases physiologiques de l'ostéopathie, 2e édition, Paris, FrisonRoche,
traduit de l'anglais par Abehsera et Burty.
VAN DER EL Aad, 2010, Orthopaedic Manual Therapy Diagnosis - Spine and
Temporomandibular, Jones and Bartlett Publishers, Sudbury Massachusetts.
Mémoires
BLANCHET, ostéopathe DO, 2013, mémoire de l'Institut Dauphine d'Ostéopathie, Relation
entre l'orthodontie, l'ostéopathie et les cervicales.
MUNIER Fabien, Dr, 2013, thèse de la faculté d'odontologie de Nancy, Traitement des
dysfonctions cranio-mandibulaire : un carrefour pluridisciplinaire.
THIREAU SROUSSI Anthony, ostéopathe DO, 2013, mémoire de l'Institut Dauphine
d'Ostéopathie, Les dysfonctions de l'appareil manducateur : évidence du lien entre l'ostéopathe
et le chirurgien dentiste.
Articles
BRETON Isabelle, POMMEROL Pascal, ALVARADO-FAYSSE Caroline, kinésithérapeutes, mars 2012, revue Kinésithérapie scientifique, n° 530, article « Dysfonction de l'appareil manducateur et thérapie manuelle : diagnostic », p. 53-56, SPEK Paris.
BRETON-TORRES Isabelle, LEFEBVRE C., kinésithérapeutes, article
« Technologie rééducative appliquée et dysfonctions de l'appareil manducateur ».
JANVIER-BEGO Alexandre, kinésithérapeute, mars 2016, revue Kinésithérapie
scientifique, n° 574, article « Thérapie manuelle cervicale versus thérapie manuelle maxillo-
faciale appliquées aux cervicalgie », p. 5-9, SPEK, Paris.
Sites internet - liens
33
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23272510
Havriş MD, Ancuţa C, Iordache C, Chirieac RM., Study on the effectiveness of the kinetic
method in patients with rheumatic diseases and temporomandibular joint dysfunction.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26732121
Chisnoiu AM1, Picos AM1, Popa S1, Chisnoiu PD2, Lascu L1, Picos A1, Chisnoiu R3.
Factors involved in the etiology of temporomandibular disorders - a literature review.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26714800
Ariji Y1, Nakayama M, Nishiyama W, Ogi N, Sakuma S, Katsumata A, Kurita K, Ariji E.,
Potential clinical application of masseter and temporal muscle massage treatment using an
oral rehabilitation robot in temporomandibular disorder patients with myofascial pain.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25925019
Packer AC1, Pires PF2, Dibai-Filho AV3, Rodrigues-Bigaton D4.
Effect of upper thoracic manipulation on mouth opening and electromyographic activity of
masticatory muscles in women with temporomandibular disorder: a randomized clinical trial.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23294684
Monteiro W1, Francisco de Oliveira Dantas da Gama T, dos Santos RM, Collange Grecco LA,
Pasini Neto H, Oliveira CS.
Effectiveness of global postural reeducation in the treatment of temporomandibular disorder:
case report.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24387891
Gomes CA1, Politti F2, Andrade DV3, de Sousa DF4, Herpich CM4, Dibai-Filho AV5,
Gonzalez Tde O2, Biasotto-Gonzalez DA6.
Effects of massage therapy and occlusal splint therapy on mandibular range of motion in
individuals with temporomandibular disorder: a randomized clinical trial.
Table des illustrations
Schéma 1 - muscles masticateurs ................................................................................................. 9
Schéma 2 - muscles hyoïdiens ..................................................................................................... 10
Schéma 3 - complexe trigéminal ................................................................................................. 15
Schéma 1 & 3 : VAN DER EL Aad, Orthopaedic Manual Therapy Diagnosis - Spine and
Temporomandibular Joint, p. 500-501.
Schéma 2 : NETTER Franck H., Atlas of human anatomy, sixth edition, Saunders- Elsevier.
34
Résumé
Par ce travail de recherche, nous voulions observer si une manipulation structurelle en C0-C1
améliorait les amplitudes mandibulaires de patients souffrant de DAM. Le principe repose sur
le fait qu'une DSV serait entretenue par dysproprioception occlusale, et le nerf trijumeau
provoquerait une mauvaise répartition tonique des muscles masticateurs en retour. Le thrust
sur l'étage médullaire C1 permettrait d'obtenir un relâchement neuro-musculaire de leur spasme
reflexe, responsable de la douleur. L'expérimentation est basée sur une population de 24 sujets,
répartis dans un groupe témoin et un groupe traité en HVBA. Les mesures d'ouverture buccale,
propulsion et diductions ont été analysées sur tous les patients avant et après la prise en charge
(manipulation ou temps de repos en fonction du groupe) et relevées grâce à une réglette
graduée.
Mots-clés : dysfonctionnement, appareil manducateur, occlusion, cervicales, thrust,
manipulation HVBA, muscles masticateurs, ATM, nerf trijumeau.
Abstract
The aim of this research was to notice if a C0-C1 structural manipulation could improve the
mandible amplitudes of patients suffering from DAM. This principle is based on the fact that
an dysproprioception occlusal would maintain a DSV. Because of that the trigeminal nerve
would induce an inappropriate tonic distribution of the muscles of mastication. The thrust on
the C1 medullary level would lead to a neuromuscular relaxation of the reflex spasm - known
to be the pain-trigger point. The experiment is based on a panel of 24 subjects, which is split
up into a control group and a HVBAtreated group. The measurements of mouth-opening, of
propulsion and of diductions were analyzed on each patient before and after treatment - notice
that the manipulation and the rest time depend on the group. Then, this information was noted
down thanks to a graduated ruler
Key-words : temporomandibular joint, temporomandibular disorder, HVLA manipulation,
jaw, mascticatory musculature, thrust, trigeminal nerve.