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  INDIVIDU, SOCIÉTÉ ET INDIVIDUALISMES Une introduction au débat sociologique Camille Tarot érès | Essaim 2004/1 - no12 pages 85 à 104 ISSN 1287-258X Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-essaim-2004-1-page-85.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Tarot Camille , « Individu, société et individualismes » Une introduction au débat sociologique, Essaim , 2004/1 no12, p. 85-104. DOI : 10.3917/ess.012.0085 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour érès.  © érès. Tous droits rés ervés pour tous pay s. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.    D   o   c   u   m   e   n    t    t    é    l    é   c    h   a   r   g    é    d   e   p   u    i   s   w   w   w  .   c   a    i   r   n  .    i   n    f   o          4    1  .    2    5    1  .    1    1    0  .    6    8      2    6    /    0    4    /    2    0    1    1    2    1    h    2    3  .    ©    é   r    è   s D m e é é g d s w c r n n o 4 2 1 6 2 0 2 2 © é è

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INDIVIDU, SOCIT ET INDIVIDUALISMESUne introduction au dbat sociologiqueCamille Tarot rs | Essaim2004/1 - no12 pages 85 104

ISSN 1287-258X

Article disponible en ligne l'adresse:

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Pour citer cet article :

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Essaim, 2004/1 no12, p. 85-104. DOI : 10.3917/ess.012.0085Document tlcharg depuis www.cairn.info - - - 41.251.110.68 - 26/04/2011 21h23. rs

Tarot Camille , Individu, socit et individualismes Une introduction au dbat sociologique,

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Individu, socit et individualismes Une introduction au dbat sociologiqueCamille Tarot

Individualisme mthodologique versus holisme, les donnesBien que l histoire de la sociologie reste crire (Boudon 1985, 367), le plus illustre thoricien contemporain de lindividualisme mthodolo-

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Aborder aujourdhui les relations de lindividu et de la socit, du point de vue sociologique, cest entrer dans une double guerre civile. La premire, comme la fe penche sur le berceau de la sociologie depuis sa naissance, est en fait inhrente la modernit et son approfondissement dramatique lors des grandes rvolutions politiques, sociales, conomiques, au tournant des XVIIIe et XIXe sicles. La sociologie na donc pas invent le conflit de lindividu et de la socit, elle la trouv luvre dans la religion, la politique, les idologies, les arts ou le romantisme. Souvent, elle le critiqua, presque toujours elle lui chercha une issue. Mais elle lui doit une part de son existence mme. Plus rcemment, cest la sociologie elle-mme qui sest divise, dans les dbats entre holisme et individualisme mthodologique, comme si le conflit tait devenu intrieur la discipline. Ici la sociologie recoupe les dbats sur la notion dindividu, soit ceux mens par la philosophie, en particulier depuis la fin du Moyen ge, qui en formula les apories dun point de vue logique (lindividu est-il ltre concret singulier, donc irremplaable ou le simple reprsentant dun genre et dune espce, donc interchangeable ? Si, malgr son tymologie, il est compos, jusquo est-il divisible ?) soit ceux de la psychologie contemporaine qui en rencontre autrement la complexit. Certes le dbat pour la sociologie est dabord mthodologique et pistmologique, technique donc, mais il reste plein darrire-penses. On commencera par lui.

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gique en France propose de la voir domine par laffrontement de deux courants, lun, plus ancien et longtemps majoritaire, est le holisme, lautre, apparu plus rcemment avec Max Weber est lindividualisme mthodologique, mais il tend depuis la fin du XXe sicle renverser les rapports de force en sa faveur. Partons dun exemple. Dans la seconde moiti du XXe sicle, les difficults rencontres par de nombreux projets de dveloppement dans le tiers-monde ont amen sinterroger sur leurs raisons. Comment expliquer la stagnation de certaines socits traditionnelles ? Nosant plus recourir aussi facilement aux obscurs dterminismes de la race, on a invoqu tour tour le poids de la coutume, rationnalis en conservatisme ou en traditionnalisme, le conformisme de limitation, la division internationale du travail et la pression des rapports de force, externes ou internes, des ingalits dues une structure de classe profitant des minorits qui avaient intrt bloquer une socit dont le systme travaillait pour leurs privilges, la culture plus ou moins imprgne de croyances religieuses si ce nest de superstitions, voire lme nationale ou lethnie. Toutes ces explications, dnoncent les partisans de lindividualisme mthodologique, sont holistes puisquelles supposent que la socit ou la culture est un tout, un grand systme qui enclt les individus et leur commande ou leur interdit certains comportements. Au contraire, pensent-ils, les tudes partant de prsupposs individualistes montrent un autre tableau, o les rponses aux problmes de dveloppement varient normment dune socit lautre, o les paysanneries traditionnelles ne sont pas a priori fermes au changement, o elles lacceptent quand elles y trouvent leur intrt, et donc o la permanence des traditions et linertie des structures nont rien de fatal, dimmuable ou dimpos, parce quelles sont bien vhicules par des reprsentations et des desseins individuels (Boudon, 1996, 55). Derrire les phnomnes sociaux ou collectifs, quon les appelle cultures, croyances, valeurs, structures sociales, institutions, domination tous concepts globalisant , il ny a toujours que les actes des individus, dont les dcisions sexpliquent par le sens quils donnent aux situations quils vivent et par la part incompressible de leur libert et du dsordre. La rgle fondamentale de lindividualisme mthodologique serait de considrer que tout phnomne conomique ou social global est le rsultat dactions ou dtats de conscience individuels (Brochier, 1994, 28). Reste le montrer empiriquement et lexpliquer. En principe lindividualisme mthodologique nimplique ni lhypothse du comportement goste, ni mme celle du comportement rationnel (Brochier, 1994, 40). Pourtant, Raymond Boudon en donne toujours une dfinition deux principes : 1) un phnomne social peut se ramener des comportements individuels, comme ses causes ; 2) les comporte-

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ments des acteurs sociaux sont rationnels, a priori. Ces deux principes sont rgulirement rappels (Boudon, 1986, 11, 1990, 7) et, la plupart du temps, complts par les ides dagrgation et celle de situation. Quil ny ait de penses ou de comportements quindividuels est le premier principe, pos par Weber, la suite de la tradition historiographique allemande. La sociologie, elle aussi, ne peut procder que des actions dun, de quelques ou de nombreux individus spars. Cest pourquoi elle se doit dadopter des mthodes strictement individualistes (Lettre de M. Weber, cit in Boudon, 1988, 32). La tche du sociologue consistera trouver comment un phnomne rsultant des actions dun nombre considrable de personnes peut tre expliqu partir dune analyse des comportements individuels (Boudon, 1985, 369). Mais Simmel avait montr la difficult partir dun topos historique : Comment expliquer la bataille de Marathon si lexplication de ce phnomne consiste restituer les tats dme et la conduite de chaque combattant des deux camps ? (ibid., 369). La science sera impossible, elle va se dissoudre dans lrudition infinie, le concret. Il faut reprendre la mthode des conomistes, celle des modles, cest--dire de procder des simplifications extrmes sur le comportement des acteurs, de manire viter une double impasse : celle qui consiste faire comme si les acteurs sociaux nexistaient pas, et celle qui consisterait se donner la tche impossible de dcrire de faon concrte le comportement de chacun dentre eux (ibid., 370). Le sociologue reconduira la singularit des agents la logique dacteurs idaltypiques, comme le fait lconomiste, qui ne connat ni chaque mnagre ni chaque ouvrier, mais le consommateur, le producteur, etc. Le deuxime principe est pris dans lacteur, qui est un individu dont le comportement sexplique par de bonnes raisons et qui doit tre peru comme dot dautonomie (Boudon, 1988, 39). Lindividu pense le contexte et en juge selon ses bonnes raisons . Par bonnes raisons, jentends les raisons qui, dans le contexte de lacteur sont bonnes, mmes si elles sont juges fausses par lobservateur (1996, 67). Expliquer son idologie ou son action, cest trouver les bonnes raisons de sa pense ou de son action dans cette situation et les comprendre comme il les a comprises. La comprhension des raisons, mme subjectives, fournit immdiatement lexplication recherche par lobservateur : En insistant sur la notion de comprhension, ils prcisent que les causes de ces croyances, attitudes et actions individuelles ne sont pas autre chose que le sens quelles ont pour lacteur. Les expliquer, cest donc reconstruire ledit sens (Boudon, 1996, 56). Ou comprendre une croyance cest en retrouver les raisons, que celles-ci soient explicites ou seulement implicites (1990, 7). Mais comment des raisons et actions individuelles deviennent-elles phnomnes sociaux ? Si la demande baisse quand montent les prix, cest

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que les acheteurs ont les mmes bonnes raisons, dans la mme situation, dpargner leur pouvoir dachat. Les comportements individuels sadditionnent, sagrgent, dit Boudon, pour donner le fait social, qui en est la rsultante. Le principe de lindividualisme mthodologique nonce que, pour expliquer un phnomne social quelconque que celui-ci relve de la dmographie, de la science politique, de la sociologie ou de toute autre science sociale particulire , il est indispensable de reconstruire les motivations des individus concerns par le phnomne en question et dapprhender ce phnomne comme le rsultat de lagrgation des comportements individuels dicts par ces motivations. Et cette proposition est valable quelle que soit la forme du phnomne expliquer, quil sagisse dune singularit, dune rgularit statistique, quil se traduise par un ensemble de donnes quantitatives ou qualitatives, etc. (1988, 33). Lide dun effet dagrgation vient de Simmel (Boudon, 1988, 40). La socit ne prexiste pas aux individus, mais elle sort de leurs interactions, conues sur le modle du march o, des offres et des demandes individuelles, sort finalement un ordre collectif provisoire, mais rgulateur, bien quil nait t directement et explicitement voulu par personne. Les notions dordre mergent, dauto-organisation, deffets dagrgation voire deffets pervers expliquent que toutes les rgularits sociales quon peut observer sont le produit des actions des hommes. Les premires rsultent des secondes, mais linverse nest pas vrai, contrairement ce que pensent les structuralistes de tout bord qui veulent que la socit guide et programme le comportement de lacteur social (Boudon, 1985, 370b). Mais il arrive souvent que cette agrgation dactions intentionnelles donne des effets non prvus, voire non dsirs par les acteurs, et donc que des actions en soi rationnelles aient des effets irrationnels. Boudon parle alors deffets pervers (1996, 65). Limage la plus simple en est celle des passagers attendant le bus et qui se prcipitent dedans, bloquant tout. Parce quil attend depuis longtemps, quil est press ou quil fait froid, chacun a de bonnes raisons de vouloir passer, mais leffet densemble est pervers et irrationnel. Boudon a appliqu ce modle aux stratgies des tudiants choisissant des tudes suprieures longues au dtriment de filires plus courtes (1977/1989, 97 s.). Lindividualisme mthodologique est issu de lhistoire puis de lconomie et dune thorie sociologique de laction, que Boudon na eu de cesse dtendre une thorie des motivations, puis des croyances et de lidologie, primitivement chasse garde des sociologues holistes. Le sujet ne peut endosser une croyance morale que sil a limpression quil a des raisons de le faire (Boudon, 1996, 70). Les croyances collectives sinstallent lorsquelles sappuient sur des raisons perues comme fortes par les acteurs sociaux dans le contexte qui est le leur (Boudon, 1996, 69). Cependant il insiste de plus en plus sur la situation, car la mthode ninterdit

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pas, mais exige mme que les individus soient considrs comme insrs dans un contexte social (Boudon, 1988, 33) et sur la prsence de prsupposs cognitifs : Les physiciens du XIXe sicle ont de bonnes raisons dans le contexte cognitif qui est le leur, de croire lhypothse de lther, raisons que nous navons plus (1996, 67). De plus en plus conscient de la complexit des phnomnes de croyances, Boudon sloigne du modle dune rationalit abstraite et complte lexplication par les bonnes raisons par la situation et une thorie des prsupposs, dite cognitiviste, ce qui lamne relativiser la distinction des jugements de fait et des jugements de valeur qui est la base de lpistmologie positiviste. La thorie cognitiviste pose en consquence que la contrainte que nous prouvons croire que X est bien est de mme ordre que celle qui nous fait croire que X est vrai (1996, 70-71). Cest pourquoi les croyances collectives, quelles soient normatives ou positives, peuvent tre analyses laide du mme paradigme. Lindividualisme regroupe sous le terme de mthodologie holiste ou totaliste (Boudon 1988, 31) ses adversaires marxistes, fonctionnalistes, durkheimiens et structuralistes. Il leur reproche de rechercher des lois dans le social, de croire que les phnomnes rptitifs soient par essence plus intressants que les phnomnes singuliers (Boudon, 1985, 369). Mais les lois tendancielles, comme la loi des trois tats quA. Comte a prtendue dcouvrir, ou celle de lindividualisation par la division du travail social dans les socits de solidarit organique chez Durkheim (1991) sont fausses. De mme, la loi durkheimienne qui voit une tendance la scularisation dans la modernit industrielle est contredite par lexemple amricain, socit moderne, dynamique, matrialiste et nanmoins trs religieuse. Les lois que la sociologie a contribu mettre en vidence sont toutes des rgularits de validit non pas universelle, mais locale (Boudon, 1985, 369, a), au mieux. Le holisme est trop systmatique, parce quil gnralise et cause de sa philosophie mcaniste et dterministe. Il prend les socits pour des totalits cohrentes (1988, 36), ou des systmes, il les rifie, et dj en hypostasiant les mots collectifs. Socit, groupe, communaut, classe sociale, nations reoivent une existence objective et autonome, comme sils taient de vrais acteurs, possdant volont, pense, finalit. Cest une navet anthropomorphique applique, non la nature, mais la socit, quand les sujets collectifs ou les personnes morales sont pris pour des individualits, alors que ce sont des abstractions ou des fictions juridiques. Lindividualisme refuse par principe de traiter comme acteur un groupe qui, comme lindividu, serait dot dune identit, dune conscience et dune volont (Boudon, 1988, 35). Lindividualisme poursuit donc la critique nominaliste des concepts gnraux qui ne dsignent pas des individus concrets, seuls existants, et qui servent gommer pure-

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Difficults internesEn ralit, on se trouve face deux formulations de lindividualisme mthodologique. Lune, minimale, illustre par les historiens, pose seulement que comprendre un fait historique exige de dcouvrir et dinterprter les fins et les motivations des acteurs. Ceci est incontestable. Cet individualisme restreint, compris comme un passage ou un moment obligatoire de lexplication sociohistorique, parat inattaquable. La subjectivit humaine joue un rle dans toutes les actions humaines et lhistorien latteint par une psychologie de sens commun particularise par des tmoi-

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ment et simplement lexistence des acteurs sociaux (Boudon, 1985, 370), les priver de leur libert et de leur responsabilit dtre rationnels et libres, que le holisme nie en tendant le dterminisme naturel la socit. Ce sont les structures de la socit qui sont supposes tre des lments actifs, tandis que les individus sont dcrits comme se comportant de manire passive et comme nayant dautre libert que celle de raliser un destin fix davance (Boudon, 1988, 38). Finalement, le holisme senferme dans un cercle vicieux. Lacteur tant conu comme priv de toute autonomie, le moment microscopique de lanalyse est alors pure fiction : lacteur est dcrit comme obissant des mcanismes invisibles dont lexistence ne peut tre dmontre qu partir des comportements quils sont censs produire et expliquer (Boudon, 1988, 38). Lindividualisme mthodologique poursuit la philosophie nominaliste, mme chez Weber et chez Popper. Les termes gnriques (lhomme, la femme, le rouge, le consommateur, lpargnant) les entits collectives (ltat, la firme) et les ensembles dindividus (les rsidents sur le territoire franais) ne sont que des faons de parler (Brochier, 1994, 27). Il a raison de soumettre les termes collectifs au rasoir dOccam. Saluons la bonne volont humaniste de Boudon et son antipathie immdiate, notamment pour ceux qui voient le sujet social comme muni dune conscience fausse par essence (Boudon, 1996, 76). Weber a eu raison de prner lindividualisme mthodologique, pour sopposer la philosophie de lhistoire hglienne et au marxisme, comme au scientisme qui modle les sciences sociales sur les sciences de la nature (Brochier, 29). Personne nessaiera plus de sauver le holisme marxiste avec ses prtentions lexplication scientifique de lhistoire, sa ngation de la libert humaine, son rductionnisme conomique. Est-ce dire que le triomphe de lindividualisme mthodologique soit assur par KO de son adversaire, sur le modle du triomphe actuel du libralisme ou du nolibralisme avec lequel il soutient des connivences videntes ? Mais ses faiblesses internes ne le sont pas moins.

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gnages, ce qui lui interdit toute universalisation. Au contraire, lindividualisme mthodologique prtend atteindre cette subjectivit par une psychologie de porte universelle, et cest ce qui rend ncessaire dans lautre formulation, celle quon trouve rgulirement chez Boudon, lexistence du deuxime postulat. Gnralement, cest celui de la rationnalit des acteurs, mais pas toujours. Il y a donc l deux difficults sur lexistence et sur le contenu de ce postulat, qui est fluctuant, comme sil tait difficile de le dterminer une fois pour toute. Nanmoins, son existence parat formellement ncessaire, car cest lui qui transforme lexplication individualiste de moment incontournable dans une trajectoire discursive historique, mais diachronique, en thorie ou en paradigme de porte synchronique, prtention autonome, universaliste et totalisante des sciences sociales et donc capable de suppler le holisme. Mais au prix de plusieurs impasses. Sur linstitution (politique et/ou religieuse, cest un autre dbat) du social. Si on doit reconnatre que lindividu nest pas entirement dtermin de lextrieur et donc qu il ny a pas de strict dterminisme social (Brochier, 1994, 30), il faut souligner que lindividu de lindividualisme suppose une socit institue o deux obligations du fonctionnement social peuvent tre considres comme acquises : que la socit existe et jouisse dune lgitimit au-del de la seule force, et que les individus soient considrs comme socialiss et intgrs. La thorie suppose naturellement rsolu ou inexistant le problme fondamental du vivre ensemble, le problme politique ou thologico-politique. Cette impasse sur la question la plus difficile de toute thorie de la socit est leffet dune idologie qui postule que laccord entre les individus, sous la forme du contrat, est la condition suffisante de la fondation sociale, de la paix publique. Cette certitude dcoule dune idologie adventice au premier principe, pour qui les individus collectifs ne sont rien que des associations fondes sur la libert individuelle, quelles nont pas dautre ralit que celle de conventions ou duniversaux, cest--dire dabstractions recouvrant des collections dindividus. Les rapports de force, que le holisme marxiste voyait partout agissant mcaniquement, sont ici vapors. Plus de forces et pas de diffrence entre le pluriel ou le collectif et le social, car fondamentalement linstitution nest pas une nigme au cur du social et les institutions concrtes sont galement conventionnelles. tat, famille, entreprises ou firmes, associations et autres amicales sont toutes de mme niveau, si les socits sont issues de contrats passs librement entre les individus et si tout dans le contrat nest que contractuel. Parler deffet dagrgation ou deffet pervers, cest mettre des tiquettes commodes sur des faits obscurs, sur le mimtisme, lanticipation des comportements dautrui, et recourir un langage aussi tautologique que la vertu dormitive. Rien nest dit sur les conditions de possibilits de

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ces agrgats, sur la dure de leur vie et sur leurs effets en retour sur les acteurs, par quelles voies ils les atteignent, sinon par la situation , comme si chaque action se droulait dans une situation chaque fois nouvelle. Lindividu est condamn vivre dans un temps et une histoire non seulement courts, mais instantans et discontinus. Il est sans mmoire longue, agissant dans un milieu o tout sefface dans son apparatre. Il faut au contraire poser que les phnomnes collectifs ont un sens et que lesprit humain est capable de les interprter, et ceci, mme si on ne le peroit pas au premier abord. Dans le domaine conomique, tout particulirement, les grands mouvements et traumatismes collectifs : dpressions, crises, hyperinflations, rpondent des logiques que nexplique pas la seule psychologie individualiste (Brochier, 39). Les agents collectifs disposent dune ralit qui simpose aux acteurs, mme dans le domaine conomique o lindividualisme nexplique pas que la macroconomie ait une certaine autonomie, qui permet des actions politiques, par exemple, la recherche des grands quilibres (Brochier, 1994, 37). Comprendre laction historique par ses acteurs est justifi si on a des traces crdibles de leur parole ou des tmoignages sur leurs motivations. Cest le travail de lhistorien, de lrudition. Mais comme il ny a de science que du gnral, il faudra liquider les individus concrets aprs les avoir invoqus et leur substituer soit un individu social abstrait, le consommateur, le clibataire, le roi ou le soldat, soit un individu psychologique aussi abstrait, lindividu intress ou lindividu rationnel. Ainsi dpouills de leur singularit, ils deviennent additionnables et prvisibles. La rationalit consistera postuler que les consommateurs devraient consommer selon une logique de consommateurs. Ceci suffira la curiosit thorique et pratique dun directeur de grande surface, mais non dun sociologue, qui veut savoir o, quand, comment, pourquoi lindividu peut devenir ou tre fabriqu comme consommateur. Si lindividu est consommateur sans imposition sociale, pourquoi la publicit ? Si lindividualisme refuse juste titre dhypostasier les groupes ou la socit, il nhsite pas le faire pour les rles sociaux, les hirarchiser selon sa psychologie et leur confrer une porte ontologique, cest ainsi que lhomo conomicus daujourdhui revendique le statut dessence transculturelle ou mtahistorique de lhomme ! On comprend lespce de privilge de lindividu rationnel des conomistes, car il est la plus abstraite de ces abstractions, ce qui peut faire croire quil est universel. Mais elle devient vite creuse, inutile ou impuissante rendre compte de la complexit de lagir, de la diversit des valeurs, des fins et des stratgies. Pour sauver le postulat de la rationalit de lacteur, on voit dabord Boudon mettre la rationalit au pluriel. Lacteur agit, soit selon la rationalit instrumentale, soit selon la rationalit par valeur, dis-

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tingues de longue date par Weber, soit selon la rationalit de lintrt, celle qui rsulte du calcul cot-bnfice auquel chacun se livrerait en cherchant maximaliser ses plaisirs et ses gains, ce qui est le dogme de la thorie amricaine du choix rationnel. Mais dsormais Boudon en remarque linsuffisance qui provient de ce que beaucoup de comportements sont inspirs par des croyances positives et normatives (Boudon, 1996, 66). Du coup, il ajoute un quatrime type de rationalit, celle qui dcoule des raisons cognitives , des prsupposs et conditionnements intgrs au calcul ou la dcision de lindividu. Seulement la thorie nexplique pas comment ils agissent sur le sujet, quil les trouve soit dans la situation, soit en lui-mme, ce qui obligerait introduire des notions dacquis, soit dhabitus, de transcendantal, dinconscient ou de symbolique. Mais plutt que daller dans ce sens, devant les difficults poses par la pluralit croissante des rationnalits, Boudon recourt dans ses derniers crits de plus en plus la notion de situation. Il lemprunte Popper, qui a introduit la notion de logique situationnelle, pour pouvoir expliquer laction du sujet en faisant limpasse sur le sujet, partir de la situation, sans faire appel la psychologie (Brochier, 1994, 40). Le rle de lindividu est rduit son adaptation lenvironnement et se trouve affirm le primat de la structure (Brochier, 1994, 41). Si cette tendance se confirmait, on verrait, par un singulier paradoxe, lindividualisme mthodologique, parti pour dfendre lindividu, sa libert et sa rationnalit, finir par les mettre entre parenthses par une sorte de dcision behavioriste, pour couper court aux impasses que lui tend la complexit dsesprante de la subjectivit humaine, et ainsi perptrer le meurtre de lindividu quil avait eu lhonneur de commencer par refuser. Priptie, inconsquence ou parabole mme du devenir de lindividu dans notre civilisation ? Ce paradoxe provient de la rencontre dune bonne intention et dune confusion, comme dans toutes les idologies. La bonne intention est celle de dfendre lautonomie de lindividu qui est bien un, sinon le principe de notre civilisation. La confusion, frquente dans les croyances, est de confondre valeur et fait ou valeur et rgle, dans le cas, didentifier lindividualisme comme rgle juridique, qui est bien inscrite dans nos institutions, lindividualisme comme systme de valeur qui est parfois prsent dans nos motivations, lindividu comme ralit concrte, et traiter celui-ci comme une vrit. Ce mlange des plans, typique de la croyance, claire le paradoxe le plus tonnant de lindividualisme mthodologique, son refus dentrer trop avant dans lanalyse de lindividu lui-mme, comme sil y pressentait le risque de sa dlitescence. Do son attachement une psychologie intellectualiste et un rationnalisme abstrait, superficiels voire simplistes, et qui sont un hritage anachronique du XVIIIe sicle. Mais qui peut encore tenir, comme le postule la doctrine que lindividu reprsente

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lunit indivisible, le point ultime jusquo peut aller le rductionnisme scientifique (Brochier, 1994, 29) ? Parce que lindividu serait lunique porteur dun comportement significatif, cest--dire dou de sens et donc le seul pouvoir doter de sens les entits collectives dont il peut faire partie (ibid., 29) ? Mais le rductionnisme scientifique, sous toutes ses formes, est dj parti beaucoup plus loin que lindividu, toujours dmontable. Lindividuation nexclut pas la dividuation , pour reprendre le mot de Deleuze. On peut tenir que lindividu nest pas une ralit immdiate, vidente et surtout ultime, et nanmoins quil nest pas absurde den faire un principe de valeur ou un centre autonome. Ou craint-on davouer que notre civilisation de lindividu na pas de fondement ontologique et que la modernit sest construite sur une ide mythique de lindividu ? Que dsormais le roi est nu ? Lindivualisme mthodologique semble incapable dintgrer lontologie complexe et pluraliste, en strates et en niveaux de lindividu et dclairer en quoi il est la fois un fait biologique, un produit social, un fait culturel, un sujet divis et conflictuel, un tre de raison, une convention juridique ou personnaliste, grandement lie lhistoire et un hritage de valeurs de la civilisation occidentale.

Complmentarits, au-del des oppositions abstraitesPlutt que de traiter lindividualisme mthodologique et le holisme comme des paradigmes complets, intemporels et antagonistes, on voudrait suggrer quils ne sont que des montages historiques, nullement dfinitifs, partiellement pris dans ce dont ils parlent, amliorables et possiblement complmentaires, mais utiles sils nous aident baliser notre complexit. Complmentaires, malgr lvidence de leur distance, ils diffrent par le modle de la connaissance scientifique quils privilgient. Les holismes souhaitent rattacher la science sociale aux sciences de la nature, lindividualisme lhistoire et lconomie. Le holisme est bien au dpart nomologique (tendance gommer les diffrences pour les rgularits), alors que lindividualisme a un penchant pour la casuistique (il y a toujours des cas qui chappent la loi). Le holisme a privilgi la mthode statistique, qui noie les diffrences individuelles et massifie les faits sociaux. Lindividualisme prfre la mthode de lidal-type, mais elle a un effet non moins simplificateur sur la subjectivit des acteurs. Ils diffrent par lchelle dapplication, le holisme est macrosociologique, au risque de tomber dans la philosophie de lhistoire. Lindividualisme est microsociologique, mais larbre de lindividu et de ses relations conscientes et proches lui cache que de proche en proche, lindividu est reli tous les autres. Ils diffrent par lobjectif de la connaissance. Le holisme privilgie lexplication causale, quiDocument tlcharg depuis www.cairn.info - - - 41.251.110.68 - 26/04/2011 21h23. rs

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dborde lintention ou la volont des sujets, lindividualisme privilgie la comprhension. Mais le holisme risque de prtendre expliquer ce quil ne comprend pas ou mal, comme il arriva, par exemple, au marxisme avec la religion. Et lindividualisme de Boudon finit par confondre lexplication avec la comprhension, ce qui est une facilit irrecevable, car cest une rduction intellectualiste. Si le holisme tend voir partout de la fausse conscience, lindividualisme dote lindividu dune rationnalit surfaite et optimiste. Le holisme tend rduire lindividu une marionnette manipule par des forces collectives, majorer le dterminisme, rduire ou nier la libert. Mais lindividualisme idalise sa libert en ne lui trouvant ni embarras du choix insurmontables, ni conflits fondamentaux. Le dsir de faire du holisme un genre commun des uvres que tout spare par ailleurs pousse la simplification et lamalgame des penses. Malgr quelques prsupposs communs sur le dterminisme ou le dsir de trouver des lois de lvolution, la diffrence est infiniment plus grande entre la sociologie de Marx et celle de Durkheim que ces pauvres ressemblances. Boudon lui-mme lavoue au point quil finit par trouver chez Durkheim de bonnes explications individualistes, dont il se sert pour lembrigader dans sa famille (Boudon, 1998, 93-136, et 293-299) ! Mais appropriation nest pas justification. On peut rendre compte tout autrement de la complexit de la pense de Durkheim, qui ne se rduit assurment pas au positivisme des Rgles de la mthode sociologique, dont il sloigne dautant plus quil se trouve devant la rude tche dintgrer les faits religieux sa sociologie (Tarot, 1999, 239 s.). Quant Mauss il a fait droit explicitement lexigence de la comprhension, aussi bien du point de vue indigne ou de lacteur dans la perspective ethnographique, que comme pralable ncessaire toute explication, car il est certain quon court lchec, en particulier ds que les croyances sont en jeu, si on prtend expliquer ce quon na pas patiemment compris (Tarot, 2003, 33 s.). Boudon reconnat honntement au holisme une relle fcondit heuristique. Mais sil constate le fait, il nen rend pas compte. Que fut devenue lhistoire conomique sans les dfis marxistes ? Le holisme des sociologues durkheimiens en particulier a normment influenc les historiens du XXe sicle, les inventeurs de lhistoire quantitative, de lhistoire longue, de lhistoire des mentalits. Il a permis lessor de la linguistique structurale. Il a inspir les archologies des systmes de pense, fussent-ils issus de la prhistoire comme dans luvre de mythologie compare de G. Dumzil (Tarot, 1999, 453). On peut donc supposer que loin que ce soit un hasard, cest aussi en fonction dune affinit de la mthode avec la nature des faits expliquer. On ne reviendra pas sur la provocation durkheimienne quil y a aborder le suicide avec la seule mthode statistique qui a, on la dit, leffet

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de massifier et de dsubjectiviser, ici, lacte le plus subjectif et le plus intime qui soit. Sans doute les lois conditionnelles mises jour ce propos nont, comme le dit justement Boudon, quune valeur locale, et non une porte universelle. Nanmoins, les statistiques sobstinent dire que les hommes se suicident plus que les femmes, les clibataires et les veufs plus que les gens maris, les protestants que les catholiques, les catholiques que les juifs, etc. Ces corrlations indiquent non une ncessit mais une probabilit. Nanmoins, les progrs des enqutes statistiques depuis un sicle les ont confirmes. Durkheim rend compte de ces faits par des variations de lintgration sociale et des modalits de la socialisation. Ainsi lhypothse semble bien confirme par la diminution remarquable, depuis son poque, du suicide des personnes de ce quon appelle maintenant le troisime ge et qui sont en effet aujourdhui parmi les mieux intgres la socit et par la monte rcente, mais spectaculaire, du suicide des adolescents, priode de passage difficile et qui sallonge dangereusement pour beaucoup dentre eux dans une socit o le travail est de plus en plus rare et o son accs est de plus en plus comptitif, alors quil reste le moyen clef de lintgration sociale. Or cest bien lhypothse de Durkheim dune relation dialectique entre socialisation et individuation, rvlatrice dune complexit intrinsque lhomme, qui continue de provoquer et de gner : Si une individuation excessive conduit au suicide, une individuation insuffisante produit les mmes effets (Durkheim, 1979, 233). En fait, le holisme repose sur cette ralit profonde que la socit prexiste aux individus et les dtermine travers des structures et des institutions collectives : classes, familles, systmes de production et de consommation (Brochier, 1994, 33). De Weber Boudon, lindividualisme sest appauvri en renonant expliquer comment les individus peroivent la situation travers des hritages, ceux dune culture, dune langue, de reprsentations et de valeurs, et faire comme si lhomme navait pas de problme didentit, pas de mmoire, ne subissait pas de feed-back entre le prsent et le pass, entre lexprience et la projection dans lavenir, comme sil abordait chaque fois la situation travers linnocence dun tre qui vient de natre, et toujours en pleine possession de sa raison, comme si la raison elle-mme ntait quune facult inne et pas un fait social. Or elle lest chez Weber, o elle apparat comme le produit de la rationalisation, dun refoulement des affects, dune contrainte sociale lindividualisation de la pense, lie aux drames de la conscience religieuse. Si Boudon accapare parfois Durkheim, sur tous ces points on pourrait tirer Weber vers le holisme et ce que Mauss a appel le fait social total. En fait, quand on observe les uvres des pres fondateurs de la sociologie, on constate quils sont extrmement sensibles la complexit du problme des relations de lindividuel et du social et que, sils ont bien une domi-

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nante, soit holiste (Marx, Durkheim) soit individualiste (Tocqueville, Weber), ils ont une conscience aigu de lautre volet du problme, dun retournement toujours possible et sont loin dune vue en noir ou blanc. Pour finir, rappelons quelques exemples de cette dialectique.

Lindividualisme comme fait socialIl y allait, pour la sociologie, de sa diffrence de discipline positive face la philosophie, de poser empiriquement le problme de la place de lindividu dans la socit, comme problme impos par la situation historique. Ctait leffet de changements sociaux visibles, rapides, voire violents. Cest bien dans la socit de la rvolution politique quasi permanente conscutive la Rvolution amricaine et franaise et de la rvolution des droits de lhomme (M. Gauchet) mais aussi de la rvolution industrielle avec ses dramatiques ruptures de liens sociaux (proltarisation) que la sociologie sest pos la question de la place de lindividu dans la socit. Mais ce ntait pas pour elle quun problme empirique parmi dautres. Car ici, le mouvement des choses et le travail de la pense sont difficilement sparables. Les fondateurs ont t amens prendre parti. Le mouvement des choses, ctait lacclration de la marche de la modernit au cours du XIXe sicle, modifiant les rapports de lindividu, par exemple, la tradition. Le travail de la pense, ctait de savoir si lindividu, devenu un fait, devait aussi devenir une valeur, voire la norme pense et dsire de la vie sociale. Alors, le problme de lindividu dborde les donnes observables travers les dchirements ou les refontes des liens sociaux, il devient celui de lindividualisme, dune idologie, dun systme de valeurs, mme dune utopie capable de donner la modernit son sens et sa mission avec un fondement indit, nouveau, peut-tre jamais essay. De ce ct, le dmarquage de la sociologie et dune philosophie politique, peine acquis, redevient difficile, si la place, voire la libration de lindividu est non seulement lenjeu des luttes, mais leur programme et une sorte de figure de la fin de lhistoire, qui devient le critre de lexcellence sociale. Ainsi chez Marx, qui passe pour le modle du holisme total et totalitaire et dautant plus quil sen prend explicitement lindividualisme de la socit bourgeoise, lindividu abstrait de lconomie politique, lindividu formel du libralisme politique et des Droits de lhomme. Mais moins parce que ce sont des formes dindividualisme, que parce que, selon lui, elles sont timides, inconsistantes, insuffisantes et triques. La lecture collectiviste qui sest impose de sa pense a bien gomm, pour ce qui tait delle, le ct faustien de lindividu, non pas marxiste, mais marxien, celui du jeune Marx. Son matrialisme et son conomisme (la socit et le mou-

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vement de lhistoire sont dtermines en dernire instance par lactivit productive et ses contradictions), son approche volutionniste des formations sociales ne visent pas qu rduire lindividu, en lui montrant que la structure et le mouvement de ces formations sexpliquent par des forces qui lexcdent. On pourrait dire, linverse, quelles gonflent aussi lindividu de toutes les forces venues du fond de la matire et de lhistoire. Il le montre positivement, par exemple, par linscription de lindividu dans la classe sociale elle-mme dtermine par la place du groupe dans le processus de production et dans les conflits dintrts, de pense et de pouvoir avec dautres groupes. Il le montre ngativement par lalination du travail et du travailleur dans la socit capitaliste et par lemprise de lidologie comme fausse conscience loge jusque dans son intimit qui biaise, rapetisse sa vision du jeu social et de lhistoire (idologies religieuses, politiques etc.), et le spare indment du pouvoir, de lchange et de lautre homme. Dun ct, lindividu est contourn par des forces antrieures lui et sa conscience, qui dterminent ses besoins et ses relations, et sur lesquels il na seul que peu ou pas de prise. Mais de lautre, il sagit de construire un modle de lensemble de la socit comme organisation et structure conflictuelle encadrant des rapports de forces entre groupes et en particulier les rapports de classe pour comprendre la totalit o sinscrit la position individuelle. Corrlatif donc de cette analyse rgressive des conditionnements qui enclosent lindividu, comme Louis Dumont (1977, 134-218) lavait montr, il y a chez le jeune Marx, un projet de libration totale de lindividu, au point quon a pu y voir un anarchisme et le rve dune socit de la relation immdiate de lhomme lhomme, de la totale reconnaissance de chacun par tous, o chaque relation humaine serait totalement choisie. Une autre lecture que lniniste aurait pu remettre au cur du projet marxiste une autre perception de lindividu, que son laminage collectiviste et totalitaire. Mais il est vrai que lindividu marxien tait plus un avenir quune ralit, et dsormais il risque de le rester longtemps ! Les individualistes revendiquent Tocqueville. Lecture partielle et superficielle. Le dtour amricain, donc une dmarche comparative et holiste, lui permet de dchiffrer le message de la Rvolution franaise, comme passage dramatique, douloureux peut-tre, mais tt ou tard invitable, dune socit aristocratique construite sur la hirarchie et la libert conue comme une qualit, un privilge hrditaire, une socit dgalit ou une mme libert est reconnue a priori chacun. Or ce que contient lgalit, cest linterchangeabilit fondamentale des individus qui, en dmocratie, ont tous finalement les mmes droits et o les conditions de vie tendent sgaliser. La premire Dmocratie en Amrique offrait plutt la description empirique de cette socit dindividus que sont dj les jeunes tats-Unis et qui, de ce fait, prfigurent ce vers quoi lEurope sachemine

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de fait et doit sacheminer, si elle veut sortir de lre des rvolutions. Car pour Tocqueville, il ny a quune rvolution, celle de lindividualisme dmocratique, qui reviendra frapper la porte des nations, comme celle de la France en 1830 et en 1848, tant quelles ne lui auront pas fait sa place. Dans la deuxime Dmocratie, Tocqueville reprenait les mmes donnes, mais sinspirant de Montesquieu, en cherchait le principe quil trouve dans lgalit comme passion collective. Cest en se plaant au point de vue de lgalit et de limitation qui fait les passions collectives, quon trouvera le lieu gomtrique o la Rvolution a son sens. Lindividu est lenjeu de la modernisation de nos socits, car il est devenu une passion collective. Si Tocqueville presse la vieille France de se rallier aux ides librales, ce nest pas parce quil soutient un effet dagrgation des comportements individualistes. Mais tout au contraire parce quil pense que le mouvement de la dmocratie est plus fort que les individus. En particulier dans lAncien Rgime et la Rvolution, il svertue de montrer que la Rvolution est tout sauf un accident ou un hasard, aprs lequel on pourrait tourner la page, comme si de rien ntait. Il invoque constamment ce qui contredit le plus lindividualisme, mthodologique ou pas, le temps long de lhistoire, puisquil fait remonter les causes de la Rvolution franaise une galisation des conditions quil voit en marche au moins depuis le milieu du Moyen ge et qua soutenue la politique sculaire des rois par la centralisation et lappui de la monarchie administrative la bourgeoisie contre la noblesse, ses privilges et son indpendance frondeuse. Pour ce disciple de Montesquieu, la logique des rgimes change mme les passions et les dsirs humains, et les orientent bien au-del des vises conscientes mais limites des individus calculateurs de leur propre intrt. Mais sil vous semble utile de dtourner lactivit intellectuelle et morale de lhomme des ncessits de la vie matrielle et de lemployer produire le bien tre ; si la raison vous parat plus profitable aux hommes que le gnie ; si votre souci nest point de crer des vertus hroques, mais des habitudes paisibles ; si vous aimez mieux voir des vices que des crimes, et prfrez trouver moins de grandes actions, la condition de rencontrer moins de forfaits ; si au lieu dagir dans le sein dune socit brillante, il vous suffit de vivre au milieu dune socit prospre ; si enfin, lobjet principal dun gouvernement nest point, suivant vous, de donner au corps entier de la nation le plus de force ou le plus de gloire possible, mais de procurer chacun des individus qui le composent le plus de bien-tre et de lui viter le plus de misre ; alors galisez les conditions et constituez le gouvernement de la dmocratie. Que sil nest plus temps de faire un choix, et quune force suprieure lhomme vous entrane dj, sans consulter vos dsirs, vers lun des deux gouvernements, cherchez du moins en tirer le bien quil peut faire ; et connaissant ses bons instincts ainsi que ses mauvais penchants, efforcez-

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vous de restreindre les effets des seconds et de dvelopper les premiers (Tocqueville, 1961, 256). Il nest pas facile de faire la part ici de la rhtorique, de la parnse morale, de la thologie de lhistoire, de la psychologie et de lexprience socio-politique. Mais le plus certain des risques est que lindividualisme complet serait la plus grande chance dun nouveau despotisme, parce que lindividualisme finirait dans le conformisme et lindiffrenciation. Chacun ne cherchant plus qu ressembler aux autres en tout, lindividu naurait plus la force dtre un individu, dassumer sa singularit, il aurait fini par sabdiquer en prfrant lgalit la libert. Lindividualisme de linterchangeabilit aurait tu lindividualisme de la singularit. Individu et individualisme portent donc en eux la force de leur destruction. Durkheim est devenu le parangon du holisme sociologique, parce que lenjeu de la dmarche sociologique, selon lui, est de restituer une antriorit de la socit sur lindividu, ce dernier nayant pas limmdiate conscience de cette antriorit et surtout de sa profondeur historique et anthropologique. La sociologie doit donc se pourvoir dune mthode pour rompre avec la subjectivit et la partialit du vcu social immdiat. Ainsi propos de linceste : Des causes multiples que le sens intime est impuissant dmler, que lanalyse scientifique elle-mme a du mal retrouver, ont depuis longtemps dtermin les socits prohiber les mariages entre parents. Aujourdhui, de toutes ces expriences passes il ne survit rien dans nos consciences, si ce nest lhorreur que nous inspirent ces sortes dunion (1889, 1970, 218). Lobjet sociologique, les faits sociaux doivent tre reconstruits mthodiquement, et patiemment objectivs pour contourner la subjectivit do lindividualisme voudrait les dduire. Que la socit prcde lindividu se voit limportance du critre de lobligation (si tout ce qui est social nest pas obligatoire, dira peu prs Mauss, tout ce qui est obligatoire est srement social) et par lanalyse du processus de socialisation, en particulier par lducation. Pourtant ce holisme mthodologique de Durkheim nempche pas du tout que la question de lindividu sous la forme de lindividualisme contemporain, soit centrale dans sa pense. La place croissante de lindividu constitue pour lui la spcificit mme, la pierre de touche des socits modernes et une des raisons de leurs difficults. Il le montre ds la Division du travail social, dans lopposition de la solidarit mcanique (les groupes et les individus des socits primitives seraient interchangeables parce quidentiques) et de la solidarit organique. Alors que la scularisation rduit lemprise de la religion, le respect de la personne et les Droits de lhomme sont devenus la religion moderne elle-mme, puisque ce sont les seuls principes sur lesquels tout le monde puisse encore se mettre daccord. On ne confondra pas cet individualisme l avec lutilitarisme troit et

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ConclusionPour nos quatre sociologues, le problme individu-socit est bien social. Quil est minemment symptomatique de la modernit et il se pose,

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lgosme utilitaire (1898/1970, 262), parce quil est une religiosit et une morale. Cette personne humaine, dont la dfinition est comme la pierre de touche daprs laquelle le bien se doit distinguer du mal, est considre comme sacre, au sens rituel du mot pour ainsi dire Cest une religion dont lhomme est la fois le fidle et le Dieu. Mais cette religion est individualiste, puisquelle a lhomme pour objet et que lhomme est un individu par dfinition (ibid., 264-265). Dans la synchronie, la vision de la socit est holiste, mais dans lvolution, la socit produit de lindividu et doit en produire plus en se modernisant. Durkheim ne se lasse pas de souligner les dangers de ce mouvement (anomie et suicide). Lindividualisme durkheimien est rel, mais pas naf, oscillant entre loptimisme dune invention morale libratrice et la conscience de risques compenser par de nouvelles formes de solidarit trouver. Ce qui montre bien que lindividualisme mthodologique nest quun moment et une prcaution dans lintelligence du social, et non le dernier mot mme des sociologies qui le promeuvent, cest que leurs explications ne sarrtent pas l. Chez Weber, lindividualisme mthodologique ne garantit rien sur la capacit de lindividu moderne de pouvoir penser et changer sa condition actuelle, ce qui fait problme pour la libert humaine postule. Dabord parce quil se trouve pris dans une guerre des dieux qui tient au moderne polythisme, au pluralisme des valeurs, dont personne ce jour, en et-il le dsir, ne peut montrer comment sortir. Dautre part, lindividualisme de laction et de la dcision des individus historiques dbouche sur un paradoxe, pourtant tragique, oubli des partisans de la facile libert humaine. Que les austres vertus des puritains aient contribu par leur asctisme faire natre le premier capitalisme et que celui-ci soit devenu dsormais hdoniste, cest un beau cas de paradoxe des consquences, que Boudon noserait peut-tre pas appeler un effet pervers. Mais que lindividualisme de la socit librale dbouche, pour reprendre la clbre mtaphore, sur lactuelle cage de fer de la rationalisation capitaliste dont Weber voit quelle va encager tout le monde et dont personne ne saura plus sortir, est-ce que cela sexplique aussi facilement par les calculs individuels et leur rsultante ? Ou par le fait quon ne sait plus imposer aux calculs individuels un autre norme queux-mmes ? Le dsenchantement du monde relve-t-il dune explication seulement individualiste ?

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avec elle, avec une intensit nouvelle. Il stendra, en se posant toutes les socits. Il y a l comme un invitable mouvement des choses, qui va plus loin quune somme de volitions individuelles et qui, eu gard au pass, est rvolutionnaire. Tous souhaitent une relle libration de lindividu, o ils voient une valeur, voire un principe. Mais, ils soulignent, quoiquingalement, les risques et les difficults de lopration. Le calendrier de sa ralisation les oppose. Pour Marx, sous lalination prsente, lindividu est venir, sa ralisation pleine et entire aura lieu seulement la fin de lhistoire et de lexploitation capitaliste, ce qui la renvoie sine die, alors que pour les libraux, lindividu est la ralit actuelle. cet optimisme marxiste, si gigantesque quil est invrifiable, et aujourdhui totalement improbable, soppose frontalement le pessimisme de Weber : lindividu existe, il est radicalement libre, mais par lindtermination dun monde thique contradictoire, car il ne viendra jamais bout de la guerre des dieux, ce qui le condamne beaucoup dagitation strile. Lhistoire ne travaille pas pour lui, il ny a pas de progrs thique et la libration parat illusoire, seule progresse la rationalisation, qui lenfermera toujours plus dans sa cage de fer. Durkheim et Tocqueville sont plus optimistes, quoiquavec modration. Lindividualisme nest pas que pour demain, comme chez Marx, il est en route depuis longtemps, depuis le Moyen ge pour Tocqueville, peut-tre plus pour Durkheim. Il est un fait, qui cre une situation nouvelle et laquelle on ne peut sopposer, il nous appartient de nous y adapter. Mais il nous appartient aussi den mesurer les risques pour la socit comme pour lindividu (anomie pour Durkheim, despotisme, y compris de la majorit, pour Tocqueville), et de tenter de les compenser. Au-del des pres fondateurs, le problme de lindividu et de la socit nest pas pour la sociologie quun problme de socit parmi dautres, il est une des conditions de possibilit de son existence, de sa dmarche cognitive et explicative. Cest dans la distanciation de lindividu et de la socit que peut merger la question de savoir si cest lindividu qui fait la socit ou la socit qui fait lindividu, ce qui rsume trop simplement ce qui oppose individualisme et holisme. Cest quici, malgr les proclamations positivistes, les faits se sparent particulirement mal des valeurs, de sorte quon peut se demander si lindividualisme, en sa version tendue, est aussi purement mthodologique quil le prtend, ou sil nest pas bien plus partie prenante de lindividualisme, comme idologie de la cration de soi, qui habite la socit promthenne attele faire advenir, travers labstraction de lindividu rationnel, un individu sans faille, sans finitude de ses forces et sans infinitude de son dsir, sans culpabilit et sans anctres, sans angoisse et sans fatigue, bref limage de ce quil voudrait tre et deviendra peut-tre dans une socit vraiment individualiste et toute entire rjouie de son propre spectacle ? Lentreprise peut paratre dautant

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plus prsomptueuse que la sociologie, malgr ses efforts pour dplacer les problmes philosophiques vers la dmarche empirique, se heurte toujours au fait que la relation de lindividu et du social nest ni logique, ni mcanique, mais dialectique et perspectiviste : Comme le montrent les diffrents appels la logique institutionnelle, on peut construire volont, soit des explications en termes individuels de structures collectives, soit des explications des actions individuelles par les structures collectives (Brochier, 50). Ce qui oblige se faire une reprsentation complexe de la socit comme de lindividu, en restaurant une pluralit de niveaux danalyse et dinteractions. Autrement dit, il y a une pluralit de niveaux dans ltude des ralits sociales, et lexplication dun phnomne peut, selon les cas, faire appel des lments situs au mme niveau ou un niveau diffrent (Brochier, 50). Ceci invite des sociologues contemporains chercher une troisime voie qui contournerait les impenss des deux modles hrits (Caill, 1996, 12 s.).

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