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15FRESEG11C page 1/7 INDICATIONS DE CORRECTION DESTINÉES AUX PROFESSEURS CORRECTEURS ÉPREUVE ANTICIPÉE ; FRANÇAIS. OBJET D’ÉTUDE : LA QUESTION DE L’HOMME DANS LES GENRES DE L’ARGUMENTATION, DU XVI e SIECLE À NOS JOURS. TEXTES DE : RABELAIS, HUGO, PEGUY, CAMUS. QUESTION. 4 POINTS. CRITERES DE REUSSITE ; CAPACITES DONT LES REPONSES DU CANDIDAT DOIVENT PERMETTRE L’EVALUATION. - ON ATTEND UNE REPONSE SYNTHETIQUE ; LE CANDIDAT A SU CONFRONTER LES QUATRE TEXTES DU CORPUS. - LE CANDIDAT A SU EXPRIMER SES REPONSES D’UNE MANIERE CLAIRE, ORGANISEE ET CORRECTE. - LE CANDIDAT A SU JUSTIFIER SES REPONSES EN PRENANT APPUI AVEC PRECISION ET PERTINENCE SUR TOUS LES TEXTES DU CORPUS. IL EN A CITÉ OU REFORMULÉ DES PASSAGES BIEN CIRCONSCRITS. ELEMENTS DE REPONSE. ILS NE SONT PAS EXHAUSTIFS, ET NE SONT PAS LES SEULS POSSIBLES. ON EN ACCEPTERA D’AUTRES pourvu qu’ils soient pertinents. Il n’est pas attendu non plus qu’ils soient tous présents. Les sujets de réflexion qu’inspirent ces textes concernent les contenus et les fins de l’enseignement, la pédagogie, les attentes et les obligations des parties prenantes de l’acte éducatif : enseignants, élèves, parents. Rabelais s’intéresse en priorité aux contenus, Péguy à l’instituteur, Hugo et Camus aux rapports entre maître et élève. Le rôle du père est primordial dans Pantagruel et Camus parle, quant à lui, d’évasion hors du milieu familial, dans des contextes différents : Renaissance ou République laïque du XX e siècle. Dans une opposition marquée entre le réel et ce qui est souhaité, l’attention portée aux genres et aux situations d’énonciation permet de montrer que les auteurs invitent à réfléchir sur un idéal. Chez Rabelais : une lettre d’un père à son fils avec toutes les expressions de la modalité injonctive (formes verbales, champ lexical de la volonté…) C’est une utopie, comme l’indique la fin de la lettre ; il s’agit en outre de géants, ce qui place l’énoncé dans un univers fictionnel. (Référence éventuelle à l’Abbaye de Thélème). Hugo, dans un poème versifié, s’exprime directement, s’adressant à tout récepteur possible et avec le ton du prophète. Péguy dans un texte qui relève de l’essai expose à tous sa conception de l’enseignement, qui n’est pas forcément réalisée. Camus dans un récit qui évoque une expérience singulière fait l’éloge d’une figure présentée comme exceptionnelle, exemplaire. On peut donc étudier : - les défauts à corriger, - la visée informative et la visée formatrice de l’enseignement, - la pédagogie : les rapports entre le maître et l’enfant.

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INDICATIONS DE CORRECTION DESTINÉES AUX PROFESSEURS CORRECTEURS

ÉPREUVE ANTICIPÉE ; FRANÇAIS.

OBJET D’ÉTUDE : LA QUESTION DE L’HOMME DANS LES GENRES DE L’ARGUMENTATION,

DU XVIe SIECLE À NOS JOURS. TEXTES DE : RABELAIS, HUGO, PEGUY, CAMUS.

QUESTION. 4 POINTS.

CRITERES DE REUSSITE ; CAPACITES DONT LES REPONSES DU CANDIDAT DOIVENT PERMETTRE L’EVALUATION.

- ON ATTEND UNE REPONSE SYNTHETIQUE ; LE CANDIDAT A SU CONFRONTER LES QUATRE TEXTES DU CORPUS. - LE CANDIDAT A SU EXPRIMER SES REPONSES D’UNE MANIERE CLAIRE, ORGANISEE ET CORRECTE. - LE CANDIDAT A SU JUSTIFIER SES REPONSES EN PRENANT APPUI AVEC PRECISION ET PERTINENCE SUR TOUS LES TEXTES DU CORPUS. IL EN A CITÉ OU REFORMULÉ DES PASSAGES BIEN CIRCONSCRITS.

ELEMENTS DE REPONSE.

ILS NE SONT PAS EXHAUSTIFS, ET NE SONT PAS LES SEULS POSSIBLES. ON EN ACCEPTERA D’AUTRES pourvu qu’ils soient pertinents. Il n’est pas attendu non plus qu’ils soient tous présents. Les sujets de réflexion qu’inspirent ces textes concernent les contenus et les fins de l’enseignement, la pédagogie, les attentes et les obligations des parties prenantes de l’acte éducatif : enseignants, élèves, parents. Rabelais s’intéresse en priorité aux contenus, Péguy à l’instituteur, Hugo et Camus aux rapports entre maître et élève. Le rôle du père est primordial dans Pantagruel et Camus parle, quant à lui, d’évasion hors du milieu familial, dans des contextes différents : Renaissance ou République laïque du XXe siècle. Dans une opposition marquée entre le réel et ce qui est souhaité, l’attention portée aux genres et aux situations d’énonciation permet de montrer que les auteurs invitent à réfléchir sur un idéal. Chez Rabelais : une lettre d’un père à son fils avec toutes les expressions de la modalité injonctive (formes verbales, champ lexical de la volonté…) C’est une utopie, comme l’indique la fin de la lettre ; il s’agit en outre de géants, ce qui place l’énoncé dans un univers fictionnel. (Référence éventuelle à l’Abbaye de Thélème). Hugo, dans un poème versifié, s’exprime directement, s’adressant à tout récepteur possible et avec le ton du prophète. Péguy dans un texte qui relève de l’essai expose à tous sa conception de l’enseignement, qui n’est pas forcément réalisée. Camus dans un récit qui évoque une expérience singulière fait l’éloge d’une figure présentée comme exceptionnelle, exemplaire. On peut donc étudier :

- les défauts à corriger, - la visée informative et la visée formatrice de l’enseignement, - la pédagogie : les rapports entre le maître et l’enfant.

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Critique de la réalité - Le registre polémique invite à critiquer le réel. La dénonciation est présente dans tous les textes, plus ou moins directe et violente. Rabelais se détache en partie des scolastiques ; il rejette surtout les fausses sciences, comme le feront les philosophes des Lumières. Hugo critique les méthodes contraignantes et répressives ; il s’en prend violemment aux maîtres qui punissent (ce long poème dont nous avons ici les derniers vers commence par un souvenir d’enfance, un pensum infligé au jeune Victor âgé de seize ans : cinq cents vers d’Horace à copier). Il peint leur nocivité à coups de métaphores les montrant comme de cruels pédants qu’il veut voir disparaître dans le passé révolu qu’ils représentent. Péguy, dans un texte bâti sur des oppositions, critique d’abord l’immixtion du politique dans l’enseignement, ne se privant pas d’ironiser à propos du président du Conseil ou des maisons d’éditions. L’idéologie, l’administration, l’économie… L’auteur dénonce l’inféodation, le dogmatisme et le psittacisme. Camus oppose M. Germain aux autres instituteurs, qu’il critique en particulier par la métaphore du gavage des oies. Ces textes parlent des contenus de l’enseignement mais aussi de pédagogie. Un programme ambitieux - Le représentant de l’Humanisme mentionne avec précision ce que Pantagruel doit apprendre. On peut parler d’encyclopédisme, ce qui est souligné par l’énumération, les anaphores ; un classement des champs du savoir peut être effectué, qui montrera la tension vers une idéale exhaustivité. Le nom du précepteur symbolise l’exigence scientifique. On peut mentionner par exemple la dimension à la fois théorique et pratique ; l’intérêt porté d’abord aux diverses sciences mais aussi à la littérature et à la musique ; à l’écrit et à l’oral. À noter, l’audace de la dissection à cette époque (pratiquée d’ailleurs par Rabelais), et le retour aux textes anciens, particulièrement représentatif de la pensée humaniste. Le résultat étant résumé par la célèbre injonction : « en somme, que je te voie un abîme de science », et « que rien ne te soit inconnu » jusqu’à « tous ces métaux cachés au ventre des abîmes ». On pourrait faire référence aux lignes qui évoquent l’éducation du père, dans Gargantua. Ce texte de Rabelais nous rappelle qu’aucune connaissance n’est inutile… Hugo mentionne également les grands textes anciens. Il célèbre aussi un savoir qualifié de « sublime ». Péguy exalte la grandeur de l’esprit et préconise à l’instituteur la lecture personnelle des auteurs reconnus, dans la perspective de la transmission. C’est ainsi que le maître, défini et valorisé en tant qu’« inestimable représentant » des penseurs doit assurer sa compétence disciplinaire. Quant aux élèves de M. Germain, chez Camus, ils vont « découvrir le monde », s’ouvrir à la nouveauté. C’est Rabelais qui insiste le plus sur la quantité ; mais ces textes posent aussi le problème de la qualité, de la « tête bien faite » chère à Montaigne. « Science sans conscience » - Les auteurs ne se limitent pas au contenu scientifique, mais suscitent, parfois en recourant à la maxime, une réflexion sur l’éthique, sur ses rapports avec la religion. On remarquera ce champ lexical à la fin du texte de Rabelais, à propos de qui on peut parler d’Evangélisme, la maîtrise de certaines langues permettant la lecture directe des textes sacrés. Le dernier paragraphe qui fait l’éloge de la sagesse est une reprise de Salomon, notamment par l’invitation au mépris des vanités. On peut aussi penser à la parabole des talents. L’auteur insiste sur la responsabilité de l’enfant, et sur la révérence qu’il doit au maître. Il n’est pas inutile de préciser que c’est le père de famille qui la préconise. Le « repos consacré aux études », c’est l’otium, le loisir studieux des latins ; le temps des études est ici défini comme une période tranquille et protégée. Pantagruel aura aussi une vie sociale et devra certainement employer son savoir de manière altruiste. De son côté, Péguy insiste sur la dimension moins « transitoire » de ceux qui représentent la culture, les penseurs étant garants de l’humanité et des valeurs éternelles. Rétablissement d’une hiérarchie. Éloge de ceux qui se situent au delà des contingences, de l’écume ; exhortation à l’indépendance d’esprit et à la responsabilité personnelle. (Ici les références religieuses servent la critique « on les a inondés de catéchismes républicains, de bréviaires laïques »). Sa conception est présentée par des formules bien frappées telles que « on n’a rien sans peine, et la vie est un perpétuel travail », ou « l’enseignement ne se confère pas : il se travaille, et se communique ». Phrases sentencieuses qui ont le mérite de résumer le point de vue ; l’adverbe final, détaché, en insistant sur une caractéristique essentielle, confirme la correction apportée au premier paragraphe par le second, exprimant les

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obligations du maître, mais rend aussi hommage à ce qui constitue sa vertu. Un savoir être qui a valeur exemplaire. Autre modèle : M. Germain. Camus fait aussi l’éloge de la déontologie du maître, qui intervient dans ce qui pourrait être défini comme le respect de valeurs universelles : condamnation du vol, de la délation… Tout en n’imposant pas aux enfants ses propres convictions dans ce qui relève de la croyance et des choix idéologiques, l’instituteur anticlérical « n’avait jamais en classe un seul mot contre la religion » Exemple de neutralité, de morale laïque ici. La religiosité hugolienne imprègne le poème, dans lequel le maître idéal, d’abord assimilé à un « prêtre » devient à la fin un « apôtre » qui met en contact avec Dieu pour l’accession à une forme de révélation. C’est la découverte de la vérité. La prise en compte des valeurs, de la « sagesse », montre déjà que l’acte éducatif n’est pas seulement transmission d’une érudition. La nécessité des choix pédagogiques. Les rapports du maître et de l’élève. Les qualités de l’enfant - Péguy s’intéresse au maître, mais signale que le savoir « se communique », et la démarche professorale implique forcément une relation pédagogique avec l’élève. Les autres textes supposent chez l’enfant curiosité et ouverture d’esprit. Rabelais met l’accent sur les obligations de Pantagruel, qui est supposé très actif : c’est lui qui construira son savoir. Camus parle de « la faim de la découverte ». L’enfant du poème de V. Hugo est « une petite âme qui boit », forcément « ébloui » quand on étanche sa soif de connaissance. Les qualités du maître - L’instituteur est valorisé chez Péguy, en tant que dépositaire de la pensée, et garant de la transmission du savoir ; il lui rappelle aussi ses devoirs pour être ce médiateur respecté. Chez Rabelais Epistémon est le symbole de l’omniscience visée ; la présence charnelle de ce guide est sensible dans l’expression « instructions vivantes et vocales ». Camus et Hugo insistent sur le contact avec les enfants. M. Germain leur raconte ses expériences, la proximité favorisant les acquisitions, dans la mesure où le maître n’abuse pas de son influence. Camus dit bien (et surtout), que les élèves « sentaient qu’ils existaient et qu’ils étaient l’objet de la plus haute considération : on les jugeait dignes de découvrir le monde ». Soulignée par le superlatif, il s’agit ici de l’expression d’un véritable respect qui consiste à montrer à l’enfant la confiance que l’on place dans ses capacités en lui assignant un but ambitieux. Hugo, en rejetant la férule, appelle de ses vœux l’attention compréhensive et bienveillante représentée par « ce doux apôtre incliné vers l’enfant », dont il éveille le goût, suscitant le plaisir d’apprendre. On notera que ces auteurs, en traitant le thème de l’éducation, expriment ici leur foi en l’homme.

TRAVAUX d’ ÉCRITURE au choix du candidat. 1- COMMENTAIRE : 16 points. Critères de réussite ; capacités dont les réponses du candidat doivent permettre l’évaluation. - Organisation du commentaire (5 points) : le candidat a adopté un projet pertinent et il a suivi un parcours cohérent. Il a su organiser et structurer ses propos, avec introduction, conclusion, et paragraphes marqués, les idées étant reliées de manière claire, explicite. - Qualité des analyses (6 points) : le candidat a su justifier ses interprétations par des analyses convaincantes prenant appui sur des références précises au texte, des citations bien choisies et circonscrites. La paraphrase sera pénalisée. Le candidat a su mobiliser à bon escient des connaissances culturelles, historiques et littéraires. On valorisera l’interprétation juste et fine des procédés propres à la forme poétique versifiée. - Qualité de la langue (5 points) : le candidat a su s’exprimer avec clarté, en respectant l’orthographe et la syntaxe, en usant d’un vocabulaire juste et riche.

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Pistes de lecture. On ne pénalisera pas les copies qui en suivraient d’autres, à condition qu’elles soient justifiées et en accord avec le sens du texte. Il est possible de construire le commentaire sur l’opposition mise en œuvre par l’auteur entre l’idéal et le réel, entre le passé cruel et l’avenir radieux. La polémique, la virulente critique de la réalité. - Hugo défenseur des enfants : ils sont présentés comme des victimes. On pourrait citer ses héros romanesques les plus connus, Cosette, Gavroche, avec les métaphores de l’oiseau, du moineau, rappeler la prise de parti pour les petits misérables, le poème « Melancholia »… ; ou, simplement, « l’Art d’être grand-père », dans lequel, sur d’autres registres, il protégera aussi les petits. Les procédés de dénonciation : métaphores, celle de la cage pour exprimer la privation de liberté, la contrainte. L’effort démesuré, pas loin de l’esclavage, est illustré par une autre comparaison animalière : la « bête de somme attelée à Virgile… » On notera les allitérations et assonances du vers 20 suggérant la lourdeur, la difficulté (et le choix d’une image renvoyant aux œuvres du poète cité, notamment Les Géorgiques. - Portrait dévalorisant du maître. Sa cruauté : il gronde (vers 28), manie le fouet : c’est l’époque des châtiments corporels. Sa prétention ridicule (« cuistre » repris ensuite par « pédant »). Son ignorance : avec le « hibou hagard », comme un avatar grotesque de l’oiseau de Minerve, et par contraste avec le gentil moineau. On trouve aussi la satire, fréquente chez Hugo, de l’enseignement congrégationniste (cf. Les Châtiments). Ici, Hugo joue encore des sonorités et des contrastes : « trop noir pour que le jour jamais y pénétrât » ; « dans l’ombre », « obscur »… Ce maître autoritaire, qui use de la répression violente, représente un passé obscurantiste. Il est une survivance de « magister antique ». Appelé « cuistre ou abbé », il joue un rôle dans des « sociétés difformes ». (On peut penser aux personnages de Stendhal, notamment quand Madame de Rénal imagine le cruel précepteur qui viendrait fouetter ses enfants). Hugo imagine la disparition des figures du passé (répétition d’ « éternel » pour marquer l’exaspération et la nécessité du changement, avec l’enjambement qui mime la plongée dans le gouffre de l’oubli). Un enseignement qui ne conduit qu’à l’ignorance, les livres et le monde définis comme « grimoire obscur, fade (sans goût), étouffant ». - Des figures idéalisées. L’enfant et le maître rêvés : la compréhension chez le maître du développement de l’enfant (« mieux compris », « on connaîtra la loi de croissance des aigles ») ; douceur et tendresse dans l’acte d’éduquer : deux vers didactiques (« C’est en les pénétrant d’explications tendres / En les faisant aimer qu’on les fera comprendre »), sont mis en relief par le style périodique (comme le huitième vers, que fait attendre une succession de subordonnées antéposées). On note l’insistance sur la liberté, l’amour de la science, le désir, le plaisir de l’esprit et des sens… L’enfant est présenté comme intelligent et observateur : « le jeune esprit et le jeune regard » ; « vif esprit agile ») - L’avenir radieux. L’enfant incarne l’avenir de la société. Sa condition en détermine l’évolution : « Quand les sociétés difformes sentiront/ Dans l’enfant mieux compris se redresser leur front »). Le moineau métamorphosé en aigle, libre et puissant. Le symbole de la lumière, typiquement hugolien. (Champ lexical dominant le texte : « le plein midi rayonnera », « où l’éclair… »« Où luit la mer », « où l’astre rit » - souligné par le rythme ternaire, l’écho intérieur, et le verbe qui fait image, situé à la rime grâce au chiasme -, « l’écolier ébloui », « dans la lumière », « le jour », « l’aube », « la blanche sphère» « avec une clarté sereine », « l’azur », « une pure lueur ». Et l’instituteur, capable de remédier à l’ignorance, comparée à une maladie, est lui-même « lucide » : il est éclairé. Nous sommes dans la continuité de l’idéal des Lumières, la croyance en l’évolution. Par l’éducation. Le maître est devenu « magistrat/Du progrès » (Par la dislocation des alexandrins 24 à 26, les définitions sont mises en relief grâce aux rejets ou contre-rejets). Et nul n’en est exclu (« pour tous »,

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« chaque village »). On est placé devant une vision idyllique du futur. Le poète imagine le regard rétrospectif que les descendants heureux et libres porteront sur les erreurs de leurs pères. Le poème est rythmé par l’anaphore épique (« alors »), dont les occurrences sont de plus en plus rapprochées, procédé soutenu pas des répétitions de « ne plus », « plus de », exprimant le rejet du passé coercitif). C’est le ton du prophète qui contribue, comme un écho à la Légende des Siècles, à prédire la venue d’un temps édénique. - Un enseignement qui est de l’ordre de la révélation - Un éloge de la connaissance qui nous conduit à retrouver ici, à travers le champ lexical de la religion, de la spiritualité, la figure du voyant, du poète romantique visionnaire, du « rêveur sacré » ; Hugo est présent dans les deux personnages qu’il évoque, pas seulement dans l’ enfant, souffrant puis heureux, mais aussi dans ce maître inspiré qui fait « boire la petite âme à la coupe infinie ». Comme le poète, il devient « prêtre /de l’idée » et l’école est assimilée à un « temple ». Il s’agit d’un mouvement d’élévation et d’acceptation, les regards de l’enfant sont tournés vers le maître et vers le ciel. Dès les vers 10 et suivants Hugo montre, en soulignant son propos par un rythme croissant et le contre-rejet de « solitude », tout ce que peuvent révéler ces grandes œuvres qui transportent. Dans les vers 32 à 34, les enjambements permettent une harmonieuse répartition des groupes syntaxiques et donnent une impression d’équilibre et de plénitude. L’apostrophe finale développe une métaphore qui nous emporte déjà vers Baudelaire, Rimbaud. Il s’agit de déchiffrer la Création, la nature étant le Livre. Nous sommes dans la quête du « vrai », dans la découverte du sens.

---------------------------- 2- DISSERTATION : 16 points. Critères de réussite ; capacités dont les réponses des candidats doivent permettre l’évaluation. - Organisation de la dissertation (5 points) Le candidat a suivi un parcours réflexif cohérent. Il a su organiser et structurer ses propos. Tous les modes d’organisation seront acceptés, à condition qu’ils soient en rapport avec le sujet et présentent une argumentation méthodique. On n’attend pas une dissertation canonique, pourvu que la démonstration soit logique. On attend : une introduction, une disposition en paragraphes, un enchaînement cohérent, une conclusion. - Justification de l’argumentation (6 points ). Le candidat a su étayer son argumentation, utiliser des exemples pertinents. On valorisera, au-delà des renvois opportuns au corpus, la présence de références personnelles et leur diversité. - Qualité de la langue (5 points ). Le candidat a su s’exprimer avec clarté dans une langue dont l’orthographe et la syntaxe sont correctes, le vocabulaire riche et précis On valorisera les copies présentant des qualités de style.

Pistes de réflexion. Eduquer, étymologiquement, signifie conduire au-delà du déjà connu. Certains auteurs s’assignent le but de transmettre des idées, de conseiller une façon d’être ; sont concernées en effet la formation intellectuelle, les connaissances, mais aussi la formation du jugement, l’acquisition de valeurs, quel que soit l’âge du lecteur. Ce but n’est pas toujours souhaité, ni atteint. Mais la « littérature » étant liée à l’esthétique, à la question du « style », au-delà des intentions et de la subjectivité des écrivains, elle use de procédés dont la connaissance nous permet de profiter tout à fait de son enseignement. L’éduction par la littérature. La littérature donne des informations ; elle forme les consciences.

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- Son étendue est des plus larges ; elle dispense des connaissances dans quantité de domaines. Parmi les sujets abordés : le fonctionnement des sociétés, proches ou lointaines dans le temps et dans l’espace ; tous les types de relations humaines, positives ou négatives, entre les âges, les sexes, les catégories sociales, les peuples ; la psychologie, la philosophie… - Les bénéfices en sont infinis: découverte, approfondissement, remise en question, relativisation, destruction des préjugés… - Cette finalité éducative est souvent revendiquée comme prioritaire. Des genres sont particulièrement associés à cette volonté d’information et de formation de la personnalité : récits de voyage, romans pour la jeunesse, romans réalistes, romans historiques, (auto)biographiques, essais, et bien sûr toutes les sortes d’apologues. Il n’est qu’à voir comment s’opère la transmission des idées et des expériences, voir comment les récits fictionnels, parfois versifiés, rendent accessible « la substantifique moelle » dont parle Rabelais. Le lecteur apprécie l’aspect concret, charnel, grâce en particulier au personnage, à la singularité d’un parcours (cf. aussi les romans de « formation ») : on insistera alors sur l’intérêt du processus d’identification. L’époque classique exprime particulièrement son l’intention d’édifier les hommes ; on peut parler aussi à ce propos du genre théâtral. La littérature est-elle si « édifiante » ? Le lecteur n’est pas forcément éduqué par la littérature : celle-ci a d’autres fonctions et il convient de s’interroger sur son efficacité. - Certains livres offrent un divertissement tout pur, tous ne sont pas porteurs de sens. Des auteurs insistent de plus sur la gratuité de l’art, qui n’aurait d’autre finalité que lui-même ; on peut penser aux formules définitives de Gautier contre toute préoccupation d’ordre utilitaire - L’efficacité pédagogique de la littérature peut paraître limitée. La bonne réception de l’œuvre n’est pas toujours assurée. On peut analyser les raisons qui entraînent une difficulté de compréhension. L’inadaptation aux lecteurs (à leur âge, à leur condition) ; dans ce cas la littéralité même n’est pas forcément accessible : la manière de s’exprimer, l’allusion, le recours à l’implicite, supposent un récepteur déjà cultivé : voir la critique de La Fontaine par Rousseau. Les informations sont partielles, ou erronées, une œuvre littéraire n’étant pas un document scientifique. Voir les craintes de Diderot qui justement participe à une entreprise monumentale d’instruction. Les erreurs ou simplifications abusives peuvent venir du souci artistique d’organisation, de logique interne de l’œuvre : il arrive que certains récits pourtant ancrés dans l’Histoire prennent des libertés avec la chronologie et les personnages connus. Parmi les éléments qui troublent la compréhension du lecteur : la complexité, une prolixité masquant le sens, des digressions, la priorité donnée à la dimension ludique au détriment de l’enseignement ; l’ironie joue parfois sur le risque de l’ambiguïté (de Montesquieu aux humoristes contemporains). C’est aussi le cas de la polyphonie, ou des compositions littéraires dont la conclusion est implicite… - La trop grande efficacité aboutit au même résultat. Le lecteur peut être induit en erreur à cause d’un choix opéré en fonction de la visée conative. Dans ce cas l’information est partiale. Dans les textes engagés et polémiques : il n’est pas justice à la pensée philosophique subtile de Leibniz dans la caricature que fait Voltaire de cette pensée. On peut songer aussi au bovarysme : quand les lecteurs sont prisonniers de stéréotypes limitant leur vision du monde, ils confondent la fiction et la réalité. Former par la littérature ou former à la littérature ? Même si les idées véhiculées sont justes, du point de vue de l’exactitude et de l’axiologie, il faut accéder à la « maîtrise de la lecture ». Pour éviter d’être manipulés. -D’abord se renseigner sur le contexte : l’auteur, l’Histoire, les débats … -Diversifier les contenus et les approches. Comparer. -Connaître les stratégies, les techniques littéraires qui ont le pouvoir d’orienter la réflexion. Certains registres : didactique, mais aussi comique et pathétique, ont le pouvoir d’entraîner vers la moquerie ou l’empathie. Certains procédés aboutissent bien à donner une interprétation du monde, à guider le lecteur : outre le commentaire direct, y compris dans les récits, on pense à la valorisation ou déconsidération de personnages représentatifs par :

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l’importance donnée à certains, le sort qui leur est réservé, l’emploi de la 1ère personne, la focalisation, les scènes et les dialogues… On peut en déduire l’utilité des médiateurs (enseignants…), de la méthode, et insister sur le recul critique que l’on acquiert avec une véritable pratique de la « lecture littéraire ». Quoi qu’il en soit, la littérature éduque nécessairement le lecteur puisqu’elle éveille la sensibilité au monde intérieur et extérieur ; elle sollicite et nourrit l’imaginaire. Ainsi, l’homme éduqué sait-il regarder ce qui est beau et rêver à ce spectacle… 3- ÉCRITURE D’INVENTION : 16 points. Critères de réussite ; capacités dont les réponses du candidat doivent permettre l’évaluation. - Le candidat a su prendre en compte les contraintes d’écriture (5 points) Il s’agit d’un récit, à la première personne, qui rend compte d’un moment présenté comme vécu, singulier, digne d’être raconté pour ce qu’il signifie.

--------------------- Raconter une expérience présentée comme personnelle, qui doit être crédible. - Les circonstances sont précisément évoquées. Le récit mentionne ce qui était avant et ce qui a suivi ce moment, son impact sur la formation de la personnalité, et l’état d’esprit actuel du narrateur, qui peut jouer sur les différentes valeurs des temps verbaux (par exemple le présent, narratif, énonciatif, ou expression d’une vérité générale) - Cette expérience peut avoir ou non été provoquée par un médiateur, un guide, un modèle.

---------------------- - Le candidat a su réinvestir ses connaissances (6 points) Il a su donner à son texte une cohérence et une progression. Il a su analyser. Il a su mettre en œuvre des procédés d’écriture.

----------------------- - Pas d’impératif, d’amplitude temporelle, mais l’écart entre l’événement et sa narration aura forcément de l’importance dans la logique du récit. - La formulation du sujet rappelle expressément la nécessité de l’analyse. Tout en communiquant l’intensité d’une émotion, le candidat doit expliquer la portée de l’expression « bonheur d’apprendre ». - La démarche analytique, qui se manifeste dès l’introduction et dans la conclusion, intervient en outre tout au long du récit. - Si le candidat a choisi de parler de sa découverte d’une œuvre littéraire, on appréciera la juste évocation de celle-ci, qui ne doit toutefois pas être longuement présentée dans une dérive digressive, mais mise en rapport avec cette expérience mémorable. - Parmi les sujets de réflexion possibles : les rapports entre l’art et la vie, la notion de progrès, les méfaits de l’ignorance ou de l’incompréhension, la liberté, l’estime de soi, le développement personnel, la valeur de l’effort, de la difficulté surmontée, le rapport à l’autre, éventuellement la gratitude, la transmission… - Le recours aux images peut être ici particulièrement utile, ainsi que les formules d’insistance.

---------------------- - Le candidat a su montrer sa maîtrise de la langue ( 5 points) Orthographe, syntaxe, lexique, niveau de langue. On valorisera la bonne maîtrise des temps verbaux et les qualités de style. - En fonction du domaine choisi, un vocabulaire spécifique est attendu.