infi ltrations du rachis scoliotique de l’adulte · 34 actualités en médecine physique et de...

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34 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 02 - Avril - mai - juin 2015 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation DOSSIER une discopathie inflammatoire (séquence STIR) ; une sténose canalaire, qui s’apprécie au mieux en IRM, notamment avec des séquences de myéloMR ; une analyse des étages mobiles et fixés. La technique de choix est l’IRM. Un bon examen doit comprendre une séquence pondérée en T2 avec satura- tion de la graisse comme la séquence STIR, qui est très sensible à l’inflammation. Les coupes axiales doivent être réalisées en double obliquité afin d’obtenir une série axiale stricte permettant une analyse optimale des rétrécissements foraminaux et canalaires. Ainsi, en fonction de la clinique (radiculalgie ? lombalgie ?) et de la concordance avec l’imagerie, on réalisera les infiltrations suivantes : foramino- épidurale, articulaire postérieure, intradiscale, péri- ostéophytique. Par ailleurs, l’imagerie en coupe est fondamentale pour ne pas passer à côté d’une cause non mécanique, comme la compression d’origine tumorale ou infec- tieuse, notamment. Précautions préalables Il faut vérifier l’absence de contre-indication. La prise d’anticoagulant à dose curative contre-indique formel- lement toutes les infiltrations. Un relais par héparine sera nécessaire avant le geste. La prise d’antiagrégants plaquettaires est compa- tible avec l’infiltration articulaire postérieure, mais contre-indique les autres gestes. Une éventuelle allergie au produit de contraste et à la lidocaïne est systématiquement demandée. Infiltrations du rachis scoliotique de l’adulte Steroid injections for scoliosis A. Felter*, R.Y. Carlier* * Service d’imagerie médicale. Groupe Rachis, hôpital Raymond-Poincaré, Garches, AP-HP. Les demandes d’infiltration du rachis scoliotique sont motivées dans des situations cliniques précises, qui ont des origines variées. Le terme générique d’“infiltration lombaire” est à proscrire devant la grande variabilité des gestes possibles. Nous détaillerons les méthodes d’évaluation, les indications, les contre-indications et les techniques opératoires des infiltrations que nous réalisons en routine, dans un service ayant une longue expérience des rachis scoliotiques. Nous détaillerons les infiltrations les plus bénéfiques du rachis scolio- tique douloureux. Analyse préthérapeutique L’analyse de l’imagerie est fondamentale et devra être concordante à la clinique. Une évaluation clinique est toujours réalisée par nos différents correspondants. L’imagerie en coupe est nécessaire pour chercher : une saillie discale ou disco-ostéophytique focale, le plus souvent foraminale ; un rétrécissement du défilé disco-articulaire, souvent d’origine mixte (discale et articulaire postérieure), responsable d’un conflit sur la racine sous-jacente à son émergence ; une dislocation articulaire postérieure avec rétré- cissement foraminal ; une arthropathie articulaire postérieure, congestive à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) [néces- sitant une séquence STIR permettant de montrer un hypersignal osseux des berges et un épanchement articulaire] ; un kyste articulaire postérieur ; Les infiltrations du rachis scoliotique sont très efficaces dans la pratique quotidienne et ne présentent pas de risque particulier quand elles sont effectuées selon des règles bien précises. Elles nécessitent : - Une imagerie en coupe de qualité avec une concordance radioclinique. - Une bonne connaissance de la pathologie scoliotique afin de cibler au mieux la zone de contrainte qui engendre le conflit. - Une bonne connaissance de la technique, le positionnement du patient étant le point clé. Mots-clés : Infiltration épidurale - Infiltration intradiscale - Infiltration articulaire postérieure - Scoliose dégénéra- tive - Scoliose de l’adulte Keywords: Epidural steroid injection - Intradiscal steroid injection - Facet joints steroid injection - Degenerative scoliosis - Adult scoliosis POINTS FORTS

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34 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 02 - Avril - mai - juin 2015

Actualités en Médecine Physiqueet de Réadaptation D O S S I E R

• une discopathie infl ammatoire (séquence STIR) ;• une sténose canalaire, qui s’apprécie au mieux en IRM, notamment avec des séquences de myéloMR ;• une analyse des étages mobiles et fi xés.La technique de choix est l’IRM. Un bon examen doit comprendre une séquence pondérée en T2 avec satura-tion de la graisse comme la séquence STIR, qui est très sensible à l’infl ammation. Les coupes axiales doivent être réalisées en double obliquité afi n d’obtenir une série axiale stricte permettant une analyse optimale des rétrécissements foraminaux et canalaires.Ainsi, en fonction de la clinique (radiculalgie ? lombalgie ?) et de la concordance avec l’imagerie, on réalisera les infiltrations suivantes : foramino- épidurale, articulaire postérieure, intradiscale, péri- ostéophytique.Par ailleurs, l’imagerie en coupe est fondamentale pour ne pas passer à côté d’une cause non mécanique, comme la compression d’origine tumorale ou infec-tieuse, notamment.

Précautions préalablesIl faut vérifi er l’absence de contre-indication. La prise d’anticoagulant à dose curative contre-indique formel-lement toutes les infi ltrations. Un relais par héparine sera nécessaire avant le geste. La prise d’antiagrégants plaquettaires est compa-tible avec l’infi ltration articulaire postérieure, mais contre-indique les autres gestes. Une éventuelle allergie au produit de contraste et à la lidocaïne est systématiquement demandée.

Infi ltrations du rachis scoliotique de l’adulteSteroid injections for scoliosis A. Felter*, R.Y. Carlier*

* Service d’imagerie médicale.

Groupe Rachis, hôpital

Raymond-Poincaré, Garches, AP-HP.

Les demandes d’infi ltration du rachis scoliotique sont motivées dans des situations cliniques précises, qui ont des origines variées. Le terme générique d’“infi ltration lombaire” est à proscrire devant la grande variabilité des gestes possibles. Nous détaillerons les méthodes d’évaluation, les indications, les contre-indications et les techniques opératoires des infi ltrations que nous réalisons en routine, dans un service ayant une longue expérience des rachis scoliotiques. Nous détaillerons les infi ltrations les plus bénéfi ques du rachis scolio-tique douloureux.

Analyse préthérapeutiqueL’analyse de l’imagerie est fondamentale et devra être concordante à la clinique. Une évaluation clinique est toujours réalisée par nos différents correspondants. L’imagerie en coupe est nécessaire pour chercher :• une saillie discale ou disco-ostéophytique focale, le plus souvent foraminale ;• un rétrécissement du défi lé disco-articulaire, souvent d’origine mixte (discale et articulaire postérieure), responsable d’un confl it sur la racine sous-jacente à son émergence ;• une dislocation articulaire postérieure avec rétré-cissement foraminal ;• une arthropathie articulaire postérieure, congestive à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) [néces-sitant une séquence STIR permettant de montrer un hypersignal osseux des berges et un épanchement articulaire] ;• un kyste articulaire postérieur ;

▸ Les infi ltrations du rachis scoliotique sont très effi caces dans la pratique quotidienne et ne présentent pas de risque particulier quand elles sont effectuées selon des règles bien précises. Elles nécessitent :

- Une imagerie en coupe de qualité avec une concordance radioclinique.

- Une bonne connaissance de la pathologie scoliotique afi n de cibler au mieux la zone de contrainte qui engendre le confl it.

- Une bonne connaissance de la technique, le positionnement du patient étant le point clé.

Mots-clés : Infi ltration épidurale - Infi ltration intradiscale - Infi ltration articulaire postérieure - Scoliose dégénéra-tive - Scoliose de l’adulte

Keywords: Epidural steroid injection - Intradiscal steroid injection - Facet joints steroid injection - Degenerative scoliosis - Adult scoliosis

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Figure 1. Infi ltration foramino-épidurale (fl èche jaune : passage épidural, fl èche rouge : opacifi cation foraminale).

Figure 2. Infi ltration mixte (fl èche jaune : opacifi -cation articulaire postérieure, fl èche rouge : opaci-fi cation épidurale).

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 02 - Avril - mai - juin 2015

Actualités en Médecine Physiqueet de Réadaptation

ModalitésToutes nos infi ltrations sont réalisées sous contrôle radioscopique. Elles ont l’avantage d’être plus rapides, moins coûteuses et surtout de permettre une analyse “en direct” de l’opacifi cation (contraire-ment au scanner). En effet, un passage intra vasculaire contre-indique l’injection du corticostéroïde, car celui-ci serait en cause dans les très rares cas de complications neurologiques après infi ltration. Le cortivazol (Altim®) est utilisé, sauf pour les infi ltra-tions intradiscales où la prednisolone (Hydro cortancyl®) est préférée. L’anesthésie locale s’effectue à l’aide d’une aiguille intramusculaire verte avec de la lidocaïne 0,5 % (10 cc) de manière traçante au sein des tissus sous-cutanés.Le contrôle radioscopique avec un système capteur plan muni d’un arceau permettra la réalisation des contrôles de profi l sans avoir à mobiliser le patient. Le bon positionnement est vérifi é par l’injection de quelques centimètres cube de produit de contraste iodé non neurotoxique.

Positionnement du patientIl s’agit du temps le plus important des infi ltrations du rachis scoliotique. En effet, il faut corriger les déformations dans les 3 plans de l’espace afi n de res-taurer une anatomie classique et compréhensible qui permettra un repérage optimal sous contrôle radio-scopique. Cette correction s’effectue à l’aide de cales en mousse permettant de diminuer la lordose et de recentrer la vertèbre (épineuse au centre des pédi-cules). L’inclinaison du tube permettra d’enfi ler au mieux le disque. Le patient est installé en procubitus, sauf pour les infi ltrations intradiscales, où le patient est installé de trois-quarts.

Infi ltration foramino-épiduraleSes indications sont : • la radiculalgie avec confl it foraminal par sténose d’ori-gine disco-ostéophytique (mixte : articulaire et discal) ;• la radiculalgie avec confl it intracanalaire par rétré-cissement du défi lé disco-articulaire.Elle est préférée à l’infi ltration épidurale pour 2 raisons principales :• le confl it siège préférentiellement dans la conca-vité de la courbure, au niveau du foramen ou du défi lé disco-articulaire. Ainsi, l’opacifi cation obtenue est au plus proche de la zone confl ictuelle ;• on s’affranchit du risque de brèche durale, qui est élevé chez ces patients ayant souvent un canal lombaire rétréci avec un espace épidural restreint.Le point de ponction se situe au niveau de l’espace clair délimité en haut par le pédicule, en bas par l’articulaire postérieure et en dedans par l’isthme. On opacifi e alors le foramen et largement l’espace épidural (fi gure 1).

Infi ltration articulaire postérieureSes indications sont : • la lombalgie et l’arthrose articulaire postérieure. Le choix de l’étage et du côté s’effectuera en fonction de la clinique (point douloureux électif latéralisé), de l’aspect congestif en IRM au site confl ictuel habituel (dans la concavité en zone de contrainte maximale) ;• le kyste articulaire postérieur.Le point de ponction est situé au récessus inférieur de l’articulation. L’opacifi cation du récessus supérieur sera le critère de réussite du geste (fi gure 2).

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Figure 3. Infi ltration intradiscale ( A. IRM, séquence coronale STIR : hyper-signal des plateaux vertébraux, B. Infi ltration intradiscale : opacifi cation discale).

A B

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 02 - Avril - mai - juin 2015

Actualités en Médecine Physiqueet de Réadaptation D O S S I E R

Infi ltration mixte : foramino-épidurale et articulaire postérieure

Elle a l’avantage de soulager un confl it d’origine mixte, très souvent rencontré dans les scolioses, en un seul geste (avec une seule aiguille et un seul point de ponction à la peau). L’abord foraminal est réalisé pre-mièrement, puis, en se repositionnant vers le récessus supérieur de l’articulaire, situé un peu au-dessous et en dedans, on peut obtenir une opacifi cation arti-culaire postérieure.

Infi ltration intradiscaleSon indication est la discopathie infl ammatoire à l’IRM résistante au traitement médical.Le point de ponction est visualisé de 3/4, au niveau de l’espace clair triangulaire situé en avant du massif articulaire postérieur et intersomatique (fi gure 3).

Infi ltration périostéophytiqueSes indications sont : • saillie disco-ostéophytique au contact d’une racine ;• infl ammation périostéophytique à l’IRM.On aborde directement l’ostéophyte par voie posté-rieure et on opacifi e au contact osseux.

Effets et évaluationLes patients sont toujours informés des effets indési-rables et des bénéfi ces attendus. Les situations devant amener à reconsulter en urgence sont :• un hématome au point de ponction ;• un sepsis local.Il existe un risque de recrudescence des douleurs pendant les quelques jours suivant l’infi ltration. Ce phénomène est expliqué par l’excès de pression réalisé par l’injection de produit de contraste et du cortico-stéroïde dans un espace restreint (foramen, articulaire, disque). On conseille au patient de continuer son trai-tement antalgique, voire à augmenter de palier.Le bénéfi ce n’est jamais immédiat. Les corticostéroïdes utilisés ont un effet retard, et un soulagement est attendu au bout de 5 à 10 jours. Cet effet sera apprécié au mieux par le clinicien ayant demandé l’infi ltration dans un délai de 4 semaines, ce qui paraît raisonnable.

ConclusionLes infi ltrations du rachis scoliotique nécessitent une bonne connaissance de la pathologie afi n d’orienter au mieux un geste ciblé dans la zone de confl it. Une imagerie en coupe de qualité est nécessaire avant le geste (on insiste encore sur l’IRM avec séquence STIR), et devra être concordante avec la clinique. À ce jour, nous n’avons jamais observé de complication grave avec un guidage radioscopique.

Toute l’équipe d’Edimark vous souhaite un très bel été d’évasionet de réfl exion… Nous vous donnons rendez-vous dès la rentrée pour vous accompagner dans votre pratique.

Très belles lectures, Claudie Damour-Terrasson