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JULIE LACROIX IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO-ZÉLANDAIS SUR LES FONCTIONS DE L’ÉDUCATION DANS LE CONTEXTE DE LA MONDIALISATION Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l‟Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Anthropologie pour l‟obtention du grade de Maître ès arts (M.A.) DÉPARTEMENT D‟ANTHROPOLOGIE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2011 © Julie Lacroix, 2011

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JULIE LACROIX

IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME

D’ENSEIGNEMENT NÉO-ZÉLANDAIS SUR LES

FONCTIONS DE L’ÉDUCATION DANS LE

CONTEXTE DE LA MONDIALISATION

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l‟Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en Anthropologie

pour l‟obtention du grade de Maître ès arts (M.A.)

DÉPARTEMENT D‟ANTHROPOLOGIE

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2011

© Julie Lacroix, 2011

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Résumé

Au cours des 20 dernières années, la mondialisation des marchés a pris une ampleur inégalée et

s‟étend désormais à la quasi-totalité de la planète pour en venir aujourd‟hui à coloniser des

domaines qui étaient encore hier sous la juridiction exclusive de l‟État. L‟éducation, outil par

excellence de l‟égalité des chances et de la formation citoyenne, est dans la mire de cette vague

néolibérale orchestrée par les grandes instances économiques mondiales que sont l‟OMC et

l‟OCDE. La formation des jeunes au sein d‟institutions scolaires, qui est d‟une importance capitale

pour la stabilité et le renouvellement de nos sociétés, est dorénavant sérieusement menacée par des

accords économiques supranationaux qui entraînent d‟importants changements au cœur même de

nos systèmes d‟éducation. Ce mémoire se penche sur l‟expérience de la Nouvelle Zélande pour

étudier les impacts de l‟emprise de la mondialisation sur l‟enseignement public.

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ii

Abstract

Over the last 20 years market globalisation has, on an unprecedented scale, spread to nearly every

corner of the globe, and is colonising sectors that were until now exclusively government-run.

Education, a key tool for instilling the notions of equal opportunity and civic responsibility, finds

itself in the path of these sweeping reforms, orchestrated by the global economic bodies of the

WTO and the OECD. Children‟s learning within educational institutions, of vital importance to the

stability and renewal of our societies, is now threatened by international economic agreements that

oblige significant reforms to the very core of our educational systems. This thesis examines the case

of New Zealand in order to study the impact of globalisation on public education.

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Avant-propos

C‟est en 1990, grâce à l‟ouverture d‟esprit de mes parents Adrien et Hélène de même qu‟à la grande

confiance qu‟ils m‟ont accordée, que j‟ai eu la possibilité de partir vivre une année en Nouvelle-

Zélande dans le cadre d‟un échange étudiant. Dès lors, ma fascination pour Aotearoa n‟a cessé de

croître, d‟autant plus que Geoffrey, mon compagnon de vie, est natif de cet incomparable pays du

bout du monde. Je lui dois d‟ailleurs la réalisation de mon rêve d‟entreprendre des études en

anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements

quotidiens de même que sa certitude envers mes capacités à accomplir un tel projet qui m‟ont sans

cesse soutenue. Merci pour cet appui et pour avoir été, avec notre fille Béatrice, mon compagnon

d‟expédition lors de ce terrain et durant celui de 2008 au pays du Long Nuage Blanc. Cette maîtrise

n‟aurait toutefois pu être menée à bien sans la générosité des parents, professeures, directrices et

autres professionnels liés au monde de l‟éducation qui ont si gentiment et patiemment accepté de

prendre quelques heures de leurs temps pour collaborer à ma recherche, sans oublier les membres

de comités scolaires qui m‟ont permis d‟assister à leurs réunions. Je les remercie du fond du cœur,

de même que tous mes amis « kiwis » qui ont facilité le contact avec plusieurs de mes participants

en faisant part de mes travaux tantôt à une sœur mère d‟enfants au primaire, tantôt à une voisine

directrice d‟école ou encore à un collègue de travail membre de comité scolaire, etc. Merci aussi

aux gardiennes et gardiens improvisés qui ont pris Béatrice en charge lorsqu‟elle ne pouvait pas me

suivre dans mes péripéties et à tous ceux qui nous ont rendu service de mille et une autres façons

tout au long de notre séjour en Nouvelle-Zélande.

Je veux exprimer ici toute ma gratitude à Madame Couillard, ma directrice de maîtrise, pour la

confiance et la grande liberté qu‟elle m‟a accordées au cours de ce projet tout en sachant guider ma

curiosité et mon intellect. C‟est d‟ailleurs grâce à ses conseils dans le cadre d‟une lecture dirigée

que j‟ai commencé à m‟intéresser au sujet de l‟éducation. Je lui suis aussi reconnaissante d‟avoir

attisé mon esprit critique lorsque j‟assistais à ses cours durant mon baccalauréat en anthropologie.

Je tiens d‟autre part à souligner l‟aide que m‟a si généreusement apportée mon amie Nathalie

Bibeau, qui fait preuve d‟une patience d‟ange lorsqu‟elle corrige mes fautes d‟orthographe que ma

dyslexie m‟empêche de voir. Finalement, merci à mes parents pour avoir si souvent pris le relais

auprès de Béatrice quand sa maman était trop occupée par ses travaux. Si je m‟estime privilégiée de

poursuivre des études supérieures, je le suis encore davantage d‟avoir pu compter sur tous ces gens

qui m‟ont si généreusement appuyée. À tous, un sincère merci.

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À Béatrice

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Table des matières

Résumé ..................................................................................................................................... i Abstract .................................................................................................................................. ii Avant-propos ........................................................................................................................ iii

Table des matières .................................................................................................................. v Liste des acronymes ............................................................................................................ viii Glossaire maori ...................................................................................................................... ix Introduction ............................................................................................................................. 1 Partie I : Les fonctions de l‟éducation et la démarche de recherche ....................................... 7

Chapitre 1 : Problématique et méthode ............................................................................... 7 Introduction ..................................................................................................................... 7

Cadre conceptuel : Les fonctions de l‟éducation ............................................................ 7

Fonction économique .................................................................................................. 8 Fonction du maintien et de la légitimation de l‟ordre social .................................... 12 Fonction citoyenne .................................................................................................... 16 Précisions sur l‟état biculturel du pays ..................................................................... 19

Question de recherche ............................................................................................... 21 Considérations méthodologiques .................................................................................. 22

Recherche exploratoire ............................................................................................. 22 Questions éthiques .................................................................................................... 22 Cueillette des données .............................................................................................. 23

Méthode d‟analyse ........................................................................................................ 35 Récapitulation ............................................................................................................... 36

Chapitre 2 : Contexte de la recherche, le diktat de l‟économie ........................................ 36 Introduction ................................................................................................................... 36

OMC et OCDE .......................................................................................................... 37 Capital humain .......................................................................................................... 40

PISA et DeSeCo : Outils de mesures ........................................................................ 41 Formation continue, compétences clés, dispositif bicéphale au service du marché . 43

Formation continue (lifelong learner) .......................................................................... 43

Mesurer et comptabiliser pour mieux servir l‟économie-monde .............................. 43 Réforme du système de qualification, NZQA et NZCE ........................................... 45 Restructurer les systèmes de qualification pour favoriser la formation continue ..... 46

Implication de l‟entreprise privée dans la restructuration des diplômes .................. 48 Standards, cul-de-sac pour les Maori et les élèves issus des îles du Pacifique ......... 49

La nouvelle économie du savoir ............................................................................... 51 La formation continue, un concept dénaturé ............................................................ 53

Les compétences clés (key competencies) .................................................................... 55 Le Nouveau Curriculum : Juridiction, histoire et description .................................. 58 Plus de liberté et de responsabilité pour les écoles ................................................... 59

Les compétences clés bien acceptées par l‟élite ....................................................... 60 L‟acceptation passe par la consultation .................................................................... 62

Récapitulons .................................................................................................................. 63 Partie II : Reproduire et légitimer un ordre social ................................................................ 65

Chapitre 3 : Décentralisation ............................................................................................ 65

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vi

Introduction ................................................................................................................... 65

Tomorrow‟s Schools, bref historique de la réforme ..................................................... 65

ERO pour faire respecter les règles .......................................................................... 68 Comité d‟administration scolaire (Board of Trustees) ................................................. 72

Membre et gouvernance ............................................................................................ 72 Pourquoi les parents s‟impliquent-ils? ...................................................................... 75 Travail bénévole ....................................................................................................... 77

Responsabilités exigeantes qui nécessitent temps et connaissances ......................... 79 Le comité scolaire, reflet de sa communauté ............................................................ 83

Décile ............................................................................................................................ 86 Fonctionnement ........................................................................................................ 86 Un peut plus d‟argent pour beaucoup plus de responsabilités .................................. 88

Les ressources demeurent supérieures dans les établissements à haut décile ........... 90 Concentration ethnique selon les déciles .................................................................. 91

Zonage .......................................................................................................................... 93

Situation résidentielle déterminante .......................................................................... 94

Les écoles de haut décile plus zonées ....................................................................... 96 Sélection des élèves .................................................................................................. 97

Phénomène du White Fly .............................................................................................. 99 Récapitulons ................................................................................................................ 102

Chapitre 4 : Le choix du consommateur ......................................................................... 104

Introduction ................................................................................................................. 104 Écoles à chartes, l‟éducation un produit comme un autre ...................................... 104

Financement des écoles .............................................................................................. 106

Publicité, participation du privé et levées de fonds pour boucler les budgets ........ 106

École gratuite? ........................................................................................................ 110 Donations volontaires ............................................................................................. 111

Frais ........................................................................................................................ 116 Frais et donations, propices à la confusion ............................................................. 118

Les parents et le choix du consommateur ................................................................... 120

Transport et autres obstacles restreignant le choix des moins fortunés .................. 120 Un système ajusté aux besoins et aux attentes des mieux nantis ............................ 122

Désaccord des tenants de l‟égalité sociale .............................................................. 123 Consommateur payeur, une vision de plus en plus répandue ................................. 126

Récapitulons ................................................................................................................ 127 Chapitre 5 : La méritocratie ............................................................................................ 129

Introduction ................................................................................................................. 129 La méritocratie, pilier de l‟éducation publique? ..................................................... 129

Participation des parents, élément vital à la réussite scolaire ..................................... 131

La responsabilité parentale remplace la responsabilité collective .......................... 131 Participation plus compliquée pour certains parents que pour d‟autres ................. 132

Maori et immigrants polynésiens, une autre vision de l‟éducation ............................ 134 Colonialisme, différence culturelle et stigmatisation ............................................. 134 Engagement des parents, deux mondes, deux points de vue .................................. 139

Méritocratie ambigüe .............................................................................................. 140 Récapitulons ................................................................................................................ 141

Partie III : La nécessaire appartenance ............................................................................... 144

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Chapitre 6 : L‟école et la démocratie .............................................................................. 144

Introduction ................................................................................................................. 144

Standards nationaux (National Standards) ................................................................. 145 OCDE, l‟école publique prise en otage par le marché ............................................ 145 Fonctionnement et implantation ............................................................................. 147 Palmarès des écoles primaires ................................................................................ 151 Standards, réduire une question politique à un problème individuel ...................... 156

Professeurs responsables de la réussite des élèves ................................................. 158 Charge contre les professeurs et leurs syndicats ..................................................... 161 Réaction des parents ............................................................................................... 163 Opposition croissante .............................................................................................. 166

Récapitulons ................................................................................................................ 168

Chapitre 7 : Transmettre les normes et les valeurs ......................................................... 169 Introduction ................................................................................................................. 169 Désancrage national de la matière enseignée ............................................................. 170

Nouveau programme et compétences clés, du national au global .......................... 171

Un programme scolaire qui varie selon le milieu socioéconomique ...................... 173 Biculturalisme, dernier rempart de l‟identité nationale .............................................. 176

Traité de Waitangi, principe guidant le curriculum de toutes les écoles publiques 176 Identité culturelle et territoriale en contradiction avec le marché global ............... 178 Classes d‟immersion maori et la prévalence de l‟identité, une solution ignorée .... 181

Biculturalisme, ou la nécessité d‟être ensemble pour résister ................................ 184 Récapitulons ................................................................................................................ 188

Conclusion ...................................................................................................................... 191

Ouverture sur de futures recherches ........................................................................... 198

Références Citées ................................................................................................................ 199 Articles de journaux ........................................................................................................ 202

Sites Internets .................................................................................................................. 203 Annexe A : Carte du monde ............................................................................................... 208 Annexe B : Carte de la Nouvelle-Zélande .......................................................................... 208

Annexe C : Liste des écoles ................................................................................................ 209 Annexe D : Liste des personnes interviewées et des réunions de comité ........................... 210

Annexe E : Schémas d‟entretiens ....................................................................................... 212 Schéma d‟entretien pour les parents ............................................................................... 212 Schéma d‟entretien pour les simples membres de comité .............................................. 214 Schéma d‟entretien pour les présidentes de comité ........................................................ 216

Schéma d‟entretien pour les professeures ....................................................................... 218 Schéma d‟entretien pour les directrices .......................................................................... 220 Schéma d‟entretien pour les employés de NZQA .......................................................... 222

Schéma d‟entretien pour le représentant du curriculum au ministère de l‟Éducation .... 224 Schéma d‟entretien pour la représentante de NZEI ........................................................ 226

Annexe F : Grille d‟analyse ................................................................................................ 228 Annexe G : New Zealand Curriculum ................................................................................ 230 Annexe H : Répartition ethnique selon les déciles pour l‟ensemble du pays ..................... 231

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Liste des acronymes

ADHD : Attention Deficit Hyperactivity Disorder

AGCS : Accord Général sur le Commerce des Services

(GATS : General Agreement on Tariffs and Trade)

BOT : Board of Trustees

BM : Banque Mondiale

DeSeCo : Definition and Selection of Competencies

ERO : Education Review Office

FMI : Fond Monétaire International

NCEA : National Certificate of Educational Achievement

NML : New Millennium Learners

NSSAG : National Standards Sector Advisory Group

NZCER : New Zealand Council for Educational Research

NZEI : New Zealand Education Institute

NZQA : New Zealand Qualification Authority

NZQF : New Zealand Qualification Framework

NZSTA : New Zealand School Trustees Association

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques

(OECD : Organisation for Economic Co-operation and Development)

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

(WTO : World Trade Organisation)

PISA : Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves

(Program for International Student Assessment)

PPTA : Post Primary Teachers‟ Association

UNESCO : United Nations Educational, Scientific and Cultural Organisation

(Organisation des Nations Unies pour l‟éducation, la science et la culture)

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Glossaire maori

Aotearoa : Nouvelle-Zélande (pays du long nuage blanc)

Hapu : tribu

Hui : assemblée, rencontre

Iwi : clan

Kapa haka : troupe de danse traditionnelle

Karakia : hymne, prière

Kura kaupapa : école d‟immersion en langue maori

Kohanga reo : maternelle en langue maori

Maoritanga : Renaissance culturelle maori, vision du monde maori

Marae : maison de rencontre

Pakeha : individu de descendance européenne (non-Maori)

Tangata whenua : peuple de la terre, premier peuple

Tangi : funérailles

Te reo : la langue

Tikanga : coutume, protocole, tradition, mythologie, mœurs

Whakapapa : généalogie

Whanau : famille, famille élargie

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Introduction

La mondialisation des marchés a pris une ampleur inégalée au cours des dernières décennies pour

désormais imposer sa logique à l‟ensemble de la planète et coloniser des domaines qui étaient

encore tout récemment sous le pouvoir exclusif des États. L‟éducation publique, moteur de la

méritocratie et de la cohésion citoyenne, est une des cibles de cette charge néolibérale sans

précédent. L‟instruction des futures générations, qui est un des principaux outils pour veiller à la

stabilité et au renouvellement de nos sociétés, est de nos jours menacée par des accords

économiques mis de l‟avant par l‟OMC et promulgués par l‟OCDE. Ce mémoire se penche sur les

impacts de cette ouverture de l‟enseignement public aux marchés et sur les importants changements

qui s‟installent au cœur même de nos systèmes d‟éducation. La Nouvelle-Zélande représente un

véritable cas d‟espèce dans ce cheminement de l‟humanité vers ce qui pourrait devenir une

mondialisation totale soumise à la logique économique qui prévaudrait dès lors sur toutes les autres

logiques sociopolitiques. C‟est pourquoi j‟ai choisi ce pays comme terrain pour cette recherche. Dès

le milieu des années 1980, le gouvernement néo-zélandais inflige un sérieux changement de cap à

sa petite population. À l‟instar des grands joueurs anglo-saxons tels les États-Unis sous Ronald

Reagan et le Royaume-Uni sous Margaret Thatcher, pour qui le mot d‟ordre était There is no

alternative (TINA), le gouvernement d‟alors avance que l‟État n‟a plus les moyens de soutenir les

programmes sociaux. La Nouvelle-Zélande s‟engage donc dans cette vague de privatisation et

tourne ainsi le dos à plus de 100 ans de pratiques associées à l‟État providence (Lauder et al.

1999 : 87). Le pays prend alors résolument le chemin d‟un néolibéralisme idéologique peu commun

(McKenzie 1999 : 8 ; Fitzsimons et al. 1999 : 40).

Cette petite nation du bout du monde est pourtant bien mal équipée pour entrer dans la compétition

du marché global. Sa situation géographique de même que la composition de sa population peu

nombreuse constituent de solides handicaps dans le cadre de la logique économique actuelle. Isolées

au bas de l‟océan Pacifique, les deux grandes îles qui forment le pays sont situées à plus de 2 000

km de leur plus proche voisin l‟Australie1 et comptent une population de 4 405 655 habitants, parmi

lesquels on retrouve une importante minorité nationale. Les Maori, premier peuple d‟Aotearoa,

représentent 15 % de la population (Statistics New Zealand 2010a) et défendent leur culture et leur

langue avec énergie, surtout depuis le fort mouvement identitaire nommé maoritanga né dans les

années 1960. Leurs conditions sociales et économiques demeurent cependant des plus alarmantes,

ce qui se reflète dans les piètres résultats scolaires qu‟obtiennent leurs enfants. Cette situation

1 Carte du monde, voir Annexe A.

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représente un lourd fardeau pour la Nouvelle-Zélande, qui opte désormais pour la nouvelle

économie du savoir afin de pallier la fuite des emplois manuels vers les pays émergeants tels la

Chine et l‟Inde.

De pays presqu‟exclusivement ouvert à une immigration blanche venue du nord de l‟Europe, la

Nouvelle-Zélande accueille depuis un peu plus de 20 ans de nouveaux arrivants majoritairement

issus des îles du Pacifique et de l‟Asie. Puisqu‟elle entretient d‟étroites relations avec plusieurs

micro-nations du Pacifique dont certaines, telles les îles Cook et Nui, sont sous son protectorat (Te

Ara 2010), la Nouvelle-Zélande représente une destination privilégiée pour ces insulaires qui

souhaitent y trouver du travail et accéder à une meilleur éducation pour leurs enfants. À ces peuples

polynésiens s‟ajoutent plusieurs Mélanésiens, principalement originaires des Fiji. Ces deux groupes

d‟immigrants que l‟on identifie communément par le terme Islanders représentent désormais 7 %

de la population nationale (Statistics New Zealand 2011). Si la cohorte asiatique qui forme elle

aussi 7 % de la population semble beaucoup moins souffrir des stigmates socioéconomiques, il en

va différemment des gens originaires des micro-nations du Grand Océan. Leur niveau de vie et le

taux d‟échec scolaire que connaissent leurs enfants s‟apparentent à ceux de leurs cousins Maori,

avec qui ils partagent une culture aux racines communes. Cette situation sociale peu reluisante

s‟illustre dans les statistiques nationales qui montrent que 19 % des enfants du pays évoluent dans la

pauvreté (Ministry of Social Development 2008 : 50). C‟est ainsi que cette nation est parmi celles

où la richesse est présentement la plus inégalement redistribuée parmi les 34 États membres de

l‟OCDE (St John 2010). Ce constat est un élément non négligeable de cette recherche puisque

comme nous le verrons, la mondialisation touche plus durement les groupes démunis.

Afin d‟étudier avec le plus d‟acuité possible les répercussions de l‟ouverture du système

d‟éducation publique néo-zélandais au marché global, le mémoire est divisé en trois parties qui

regroupent sept chapitres. La première partie pose le problème, la démarche et le contexte de

l‟étude, la deuxième partie traite, en trois chapitres, des effets de ces politiques, et la troisième

partie pose le problème du lien entre l‟école et la vie démocratique. La partie I, intitulée « Les

fonctions de l‟éducation et la démarche de recherche », se divise en deux chapitres. Le premier

porte sur la problématique et la démarche. Pour cadrer mon problème de recherche, j‟ai dépouillé

une abondante littérature sur l‟éducation et retenu trois fonctions qui semblent faire consensus : la

fonction économique, la fonction de maintien et de légitimation des classes sociales et la fonction

citoyenne. Ces fonctions formeront l‟épine dorsale de cette recherche. La section traitant de la

méthode précise l‟approche, les sources de données et les techniques utilisées, les répondants, la

méthode d‟analyse et les considérations éthiques.

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Le deuxième chapitre de cette première partie présente le contexte général qui permet de saisir le

problème posé. Il s‟agit d‟un portrait détaillé des politiques et des interventions dictées par la

logique économique véhiculée par l‟OMC et l‟OCDE. On comprend dès lors l‟origine de ce

raisonnement économique qui cherche à façonner le système d‟éducation et son diktat dans le

contexte néo-zélandais. Ce chapitre montre que ces interventions permettent à la fonction

économique de l‟éducation de prendre le dessus sur les autres fonctions possibles. Il constitue donc

l‟arrière-plan vis-à-vis duquel les autres chapitres vont être présentés. J‟y expose succinctement les

principaux éléments qui guident les politiques de restructuration de l‟enseignement public chez les

États membres de l‟OCDE. On note plus particulièrement l‟importance accordée à la notion du

capital humain, à la formation continue et aux compétences clés, autant d‟éléments d‟un dispositif

disciplinaire qui tente de contrôler la formation et les acquis des élèves en vue de satisfaire les

exigences d‟un marché globalisé. J‟illustre avec quelques exemples les effets de cette approche sur

la restructuration du système d‟évaluation néo-zélandais, même si la présentation détaillée de ces

effets et leur analyse sont le propos des deux autres parties.

La deuxième partie, intitulée « Reproduire et légitimer un ordre social », porte principalement sur la

fonction de maintien et de légitimation des classes sociales jouée par les systèmes d‟éducation. Les

entrevues et les observations faites sur le terrain laissent clairement transparaître cette fonction. Si

certains habitus favorisent toujours les mieux nantis, le système d‟éducation public était jusqu‟à

récemment un service universel par lequel l‟État se faisait un devoir d‟offrir un enseignement de

qualité à tous ses citoyens. Cet idéal ne fait plus partie de la conception de l‟éducation mise en

œuvre après deux décennies de restructurations du système scolaire néo-zélandais. Ce service

jusqu‟ici universel est maintenant modulé selon le milieu socioéconomique où se trouvent les

écoles. Pour documenter les effets de cette réorientation, cette seconde partie se divise en trois

chapitres.

Il est question dans le chapitre trois de la décentralisation du système d‟éducation néo-zélandais,

débutée dans les années 1990 avec la réforme nommée Tomorrow‟s Schools. En m‟appuyant

largement sur les commentaires recueillis lors de mes entrevues, je discute des impacts de cette

décentralisation. Je l‟aborde d‟abord à partir de la mise en place des comités d‟administration

scolaire, de leur fonctionnement et des gens qui y sont impliqués. J‟explique ensuite ce qu‟est le

système de déciles qui classe les écoles selon leur environnement socioéconomique, et le zonage

qui permet de réserver l‟accès des établissements les plus cossus à une clientèle prédéterminée. Je

termine ensuite avec le phénomène du White fly qui exacerbe le clivage ethnique.

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Le chapitre quatre porte sur la notion clé qu‟est « le choix du consommateur »; cet élément-phare de

la nouvelle logique économique suggère que la capacité de payer de l‟individu est de plus en plus

garante de sa liberté. J‟y présente donc les différents procédés de financements auxquels doivent

désormais recourir les écoles : publicité, levées de fonds, aide fournie par les entreprises privées,

sans oublier les donations volontaires et les frais obligatoires demandés aux parents. C‟est ainsi que

malgré la gratuité de l‟enseignement public qui, selon le gouvernement, est toujours d‟actualité, les

montants exigés des parents représentent souvent des sommes pouvant atteindre des milliers de

dollars. Cette idée que le consommateur doit avoir le choix prend aussi un sens tout à fait différent

selon l‟origine des enfants. Nous verrons que plusieurs obstacles limitent souvent la liberté des

moins fortunés. Ce chapitre se termine sur une analyse qui montre pourquoi cette approche est

davantage adaptée à la classe moyenne et supérieure, et défavorable pour les plus démunis. Pourtant

l‟idée du consommateur-payeur gagne du terrain en dépit du désaccord de plusieurs et ceci mérite

d‟être approfondi.

Le cinquième chapitre de cette seconde partie traite du principe de méritocratie qui est l‟un des

éléments-phares du système d‟éducation public. Ce principe qui garantit l‟égalité des chances peu

importe le milieu d‟origine s‟avère ambigu dans le contexte de restructuration actuel du système. La

méritocratie peut en effet constituer un paravent idéologique qui camoufle les avantages que

cumulent classes moyennes et favorisées par rapport aux moins bien nantis. En liant le succès

scolaire aux efforts individuels, en affirmant que tous les élèves ont les mêmes chances de réussir

s‟ils y mettent les efforts, ce sont toutes les inégalités liées à leur milieu d‟origine que l‟on balaie du

revers de la main. Car bien peu de mesures compensatoires qui pourraient équilibrer les chances et

pallier ces écarts sont prévues par l‟État. Un des mécanismes mis en œuvre dans ce processus est la

décentralisation par laquelle le ministère de l‟Éducation remet de plus en plus la responsabilité de la

réussite académique des enfants dans les mains des parents. Ces derniers sont pourtant loin d‟être

également outillés pour relever le défi. C‟est ainsi qu‟une responsabilité collective, soit celle de

veiller à ce que tous les jeunes de la nation reçoivent une éducation adéquate, se transforme

progressivement en une charge individuelle. En considérant de plus près la situation des Maori et

des immigrants issus des îles du Pacifique, deux groupes qui ont souffert et souffrent encore des

séquelles du colonialisme, on peut voir les impacts dramatiques causés par cette politique. Ils sont

en effet particulièrement touchés par la décentralisation puisqu‟ils adhèrent à une autre vision du

monde et n‟abordent pas l‟éducation de leurs enfants de la même manière que la majorité, ce qui a

comme conséquence de les marginaliser encore davantage en ce qui a trait à la vie scolaire.

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La troisième partie, intitulée « La nécessaire appartenance », est divisée en deux chapitres, l‟un

portant sur l‟école et la démocratie et l‟autre sur l‟acquisition des normes et des valeurs communes.

Dans cette partie, c‟est la fonction citoyenne de l‟éducation, essentielle à la continuité des

démocraties, qui est au cœur de l‟analyse. Je montrerai que cette fonction est celle qui est

présentement la plus menacée par la restructuration du système scolaire. La logique néolibérale qui

conquiert peu à peu l‟enseignement public l‟éloigne toujours davantage d‟une de ses principales

missions qui consiste à former des citoyens libres et égaux, conscients de leurs responsabilités et de

la portée de leurs actes. La fonction citoyenne telle qu‟elle est ici présentée n‟apparaît pas dans les

écrits des grands organismes supranationaux qui pilotent les changements; ma discussion s‟appuie

donc sur une analyse de second niveau où un lien est fait entre les propos des intervenants et le

contexte global.

Le sixième chapitre, « L‟école et la démocratie », fera état du rôle que joue l‟école dans la

démocratie moderne; elle est habituellement le lieu qui favorise la curiosité et l‟éveil de l‟esprit

critique, éléments essentiels pour éviter les écueils des dogmes et du totalitarisme. Pour que l‟école

puisse développer l‟esprit citoyen, les élèves doivent être jugés égaux. Les mesures qui stratifient

les enfants depuis le plus jeune âge ne font que reproduire les conditions de leur milieu d‟origine

sans avoir donné à l‟école l‟opportunité d‟éveiller leur esprit. Ainsi, cette nouvelle approche

imposée par le gouvernement néo-zélandais à la rentrée 2010 selon laquelle chaque enfant est

désormais évalué deux fois l‟an, dès l‟âge de 6 ans, à l‟aune de standards nationaux ne présume pas

de l‟égalité de tous. Ces standards ne mesureront pas les connaissances, mais les compétences. Ce

processus d‟évaluation continu permet d‟accumuler des données sur la performance des élèves, des

écoles et sur le système d‟éducation national en général. Ces informations sont ensuite traduites en

mesures de performance pour des écoles qui doivent se démarquer sur le marché international de

l‟éducation. Des enseignants critiquent cette nouvelle façon de faire pour ses effets néfastes,

notamment parce qu‟elle entraîne une réduction de la matière enseignée à ce qui sera évalué par

l‟entremise de ces standards. Il s‟ensuit une uniformatisation des acquis, ce qui représente un danger

pour les connaissances communes qui cimentent la société et qui sont normalement transmises à

l‟école. On assiste d‟ailleurs à un véritable bras de fer entre le principal syndicat des enseignants,

qui est le chef de file de cette opposition, et le gouvernement actuel. Ce chapitre se conclut sur un

portrait de cette contestation des standards qui gagne du terrain et qui s‟étend dans la population.

Le chapitre 7 discute de l‟acquisition des normes et des valeurs communes, puisque c‟est à l‟école

que se transmettent la langue, la culture et les savoirs qui constituent le corpus des connaissances

partagées et qui lient les futurs citoyens afin de créer une société cohérente et animée d‟un même

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éthos. La démocratie a besoin de cette compréhension et de cette base de savoir collectif pour

fonctionner adéquatement. Je montre que cette base, un savoir partagé, est aujourd‟hui menacée par

l‟entrée en vigueur du nouveau curriculum où les connaissances sont remplacées par des

compétences clés, jugées plus aptes à desservir l‟économie de marché. Le contenu des programmes,

auparavant formés d‟une matière consistante et homogène pour l‟ensemble des écoles publiques, est

dorénavant laissé à la discrétion des comités scolaires qui le déterminent en fonction de leur

clientèle. Cette approche crée de profondes disparités entre la matière vue dans les différentes

écoles du pays; les sujets tels l‟histoire et la géographie sont de plus en plus mis de côté au profit

d‟une perspective globale promulguée par l‟OCDE et reprise par le ministère de l‟Éducation néo-

zélandais. Les seuls aspects de l‟identité d‟Aotearoa auxquels les élèves sont exposés se réduisent

bien souvent à quelques éléments de la culture maori, et ceci uniquement parce le respect du statut

biculturel de la nation imposé par le Traité de Waitangi fait partie de la constitution. Les classes

d‟immersion en te reo maori et leurs bienfaits sur les performances des élèves qui s‟y trouvent sont

brièvement présentés afin d‟illustrer comment le statut biculturel du pays se traduit en ces temps de

mondialisation. La position défendue est celle selon laquelle ces deux identités, Pakeha et Maori,

doivent se compléter et s‟épauler pour créer un terreau social fertile, vivant, original et partagé afin

d‟ériger un rempart contre l‟homogénéisation culturelle et la disparité économique et sociale

qu‟entraînent la globalisation et la marchandisation de l‟éducation.

Le mémoire se termine avec une conclusion générale qui rassemble les principaux éléments

soulevés par les répondants et les grandes lignes de l‟analyse pour s‟ouvrir sur des interrogations

plus vastes concernant la place de l‟école dans le cadre de la mondialisation.

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Partie I : Les fonctions de l’éducation et la démarche de

recherche

Chapitre 1 : Problématique et méthode

Introduction

Ce premier chapitre sera consacré à la problématique et à la méthode, deux éléments primordiaux à

la compréhension de toute recherche scientifique. Seront tout d‟abord présentées les trois fonctions

de l‟éducation ici retenues, qui formeront le cœur du cadre conceptuel de ce travail. Afin de mieux

comprendre le terrain et d‟ainsi être à même de saisir avec plus d‟acuité la question de recherche

qui suivra, je parlerai brièvement de la situation biculturelle de la Nouvelle-Zélande. La seconde

section de notre chapitre sera consacrée aux considérations méthodologiques, où il sera question de

la nature exploratoire de cette recherche, des préoccupations éthiques, de même que de la cueillette

des données. J‟expliquerai dans cette dernière ma relation antérieure avec mon terrain, pour en venir

à présenter les écoles qui firent partie de mes observations et à discuter ensuite plus en détail de

celles où j‟ai assisté aux réunions de comité d‟administration. Observations qui me furent, avec mes

27 entrevues dont je présenterai ici les participants, essentielles à la compréhension des

changements qui ont actuellement cours dans le monde de l‟éducation publique. J‟exposerai aussi

mes autres sources d‟information et leurs différents apports à ma recherche, pour terminer ce

chapitre avec mon processus d‟analyse.

Cadre conceptuel : Les fonctions de l’éducation

Mon attention portera ici sur les différentes fonctions de l‟éducation publique et leur évolution dans

le cadre de leur entrée dans la sphère du commerce mondial. J‟entends ici par fonction les multiples

rôles qui reviennent à l‟éducation, ses utilités et ses fins, autant au point de vue individuel que

collectif. Comme ces fonctions sont nombreuses et diverses, il est nécessaire de n‟en sélectionner

ici que quelques-unes. Mon choix, guidé par la littérature portant sur le sujet, s‟est donc arrêté sur

trois d‟entre elles qui semblent être les plus sensibles aux pressions exercées par l‟économie

mondiale. Il sera premièrement question de la fonction économique qui formera notre contexte.

Puisque celle-ci, bien qu‟elle tienne depuis toujours un rôle d‟une grande importance dans

l‟éducation, occupe une place croissante dans les changements actuels comme plusieurs spécialistes

le démontrent (Apple 2005 ; Lewis, 2005 ; Martens et Starke 2008 ; Doerr 2008). Viendra ensuite la

fonction de légitimation et le maintien de l’ordre social, où je discuterai des effets de cette

monétarisation des services d‟enseignement via la décentralisation du système scolaire publique.

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Décentralisation accompagnée par un choix toujours plus grand pour le consommateur, ce qui

engendre comme nous le verrons de forts impacts sur le concept de la méritocratie. Notre troisième

point portera sur la fonction citoyenne, en fonction duquel j‟analyserai le poids que fait porter ce

tournant idéologique sur le lien existant entre démocratie et éducation, de même que sur le rôle de

cohésion sociale qu‟y joue l‟école.

Fonction économique

L’éducation au service de l’industrie : Former des travailleurs performants

L‟éducation publique est un élément de la société moderne qui fait son apparition en Occident en

même temps que les premières démocraties au cours du XVIIIe et du XIX

e siècle (Bergen

1986 : 275). Ayant renversé la monarchie ou substantiellement réduit son influence, la bourgeoisie

qui détient désormais le pouvoir n‟a, selon Marx, que remplacé lors de la révolution industrielle

l‟ancienne hégémonie féodale, basée sur la religion et la politique, par l‟exploitation nue et brutale.

Exploitation visant exclusivement à assouvir l‟intérêt personnel et la soif incessante de profit d‟une

petite minorité (Marx 2006 : 74). Dans ce changement de paradigme l‟élite, contrairement à

l‟ancien régime, n‟a plus de responsabilité envers les classes inférieures (Foucault 1978 : 646).

Forte de ces nouvelles règles et institutions, la bourgeoisie montante ne se contente plus dès lors,

comme c‟était le cas avec la noblesse d‟avant, de tirer un certain nombre de biens et d‟avantages de

ses vassaux. Elle tente désormais d‟en maximiser l‟exploitation de manière de plus en plus totale à

l‟aide des nouvelles découvertes techniques que la science enfante (Foucault 1976 : 180-184 ; Marx

2006 : 74). Bien qu‟elle serve aussi à former la mentalité citoyenne et contribue ainsi à la cohésion

nationale de même qu‟à l‟exercice de la démocratie (Hillygus 2005 : 25), l‟école publique a comme

finalité de fournir une main-d‟œuvre compétente, obéissante et disciplinée (Foucault 1975 : 149).

Elle doit donc produire des travailleurs efficaces qui sauront répondre aux demandes du marché en

plein essor. L‟enseignement public occupe donc dans la logique moderne, comme nous le rappellent

Robertson, Bonal, Dale et bien d‟autres, un rôle de vecteur économique. « Supported by human

capital theory, education has played a central role in the process of capital accumulation and

economic development. That is, education has been understood by states as a key investment to

improve labor productivity and economic growth » (Robertson et al. 2006 : 240).

Stratégie du capitalisme global

Les impacts de la mondialisation des marchés se sont fait durement sentir dans bon nombre de pays

industrialisés au cours des dernières décennies. Recul de la syndicalisation, plus grande précarité

des emplois, compétition croissante accompagnée d‟une exigence d‟autonomie quasi complète de la

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part des travailleurs. Le capitalisme tente ainsi d‟imposer à toutes les nations une idéologie

essentiellement basée sur la réussite individuelle (Lewis 2005 : 17). Dans un système qui a fait

fondre comme peau de chagrin le filet social depuis les années 1980 (Saltman 2003 : 3), le

travailleur se retrouve démuni et isolé face à un marché de plus en plus planétaire. Celui qui veut

réussir dans un tel environnement doit, selon Lauder, apprendre à se considérer non plus comme un

travailleur mais plutôt comme un produit dont il doit lui-même faire la promotion. « […]

individuals also have to turn themselves into commodities that they can sell to employers, whatever

their character and sensibility » (Lauder et al. 2006 : 50). Margaret Thatcher, première ministre

britannique de 1979 à 1990 célèbre pour ses politiques de droite décapantes, résuma d‟ailleurs fort

bien cette pensée : « I think we have gone through a period when too many children and people

have been given to understand “I have a problem, it is the Government‟s job to cope with it!” […]

and so they are casting their problems on society and who is society? There is no such thing! There

are individual men and women and, there are families […] » (Margaret Thatcher Foundation 1987).

Selon l‟idéologie capitaliste et ses défenseurs, la société en tant que telle n‟existe pas, la seule

réalité étant l‟individu, ce qui permet d‟évacuer du coup tous les problèmes d‟ordre collectif. « La

mise en avant de l‟individu est pour le capitalisme l‟enjeu idéologique central : présenter l‟individu

comme totalement responsable de sa condition permet de gommer la responsabilité de

l‟organisation sociale, et donc de ne pas la remettre en cause » (Kempf 2009 : 42). Procédé

idéologique qui s‟avérera comme nous le verrons bien pratique pour effacer les inégalités causées

par la marchandisation de l‟enseignement public.

Ce monde où la population est de plus en plus atomisée favorise un système oligarchique où le

pouvoir est contrôlé par le petit nombre des puissants (Kempf 2011 : 35). Groupe restreint, qui est

arrivé à concentrer au cours des trente dernières années pouvoir, richesse et outils financier entre ses

mains pour atteindre aujourd‟hui une influence mondiale jamais égalée (Kempf 2009 : 28). Ses

membres sont ainsi parvenus à élaborer et à orienter selon leurs intérêts des structures

supranationales telles la BM, le FMI, l‟OMC et l‟OCDE. Leur pouvoir se situe au-dessus des

démocraties et dicte aux états les politiques les plus à même de servir l‟économie globale.

L‟éducation suscite l‟intérêt de ces sphères supérieures puisqu‟elle est, comme la majorité des

services publics en Occident, un des rares territoires dont certains éléments demeurent hors de

l‟emprise du marché. Tout est cependant mis en œuvre via l‟Accord général sur le commerce des

services (AGCS), mené sous l‟égide de l‟OMC pour coloniser ce dernier bastion de résistance. Car

privatiser ce qui relève du collectif représente un profit substantiel pour les défenseurs du

néolibéralisme qui tentent de convaincre les populations, par l‟entremise de leurs gouvernements

sur lesquels ils font pressions, que l‟État n‟a plus les moyens de payer pour les services publics

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(Singh et al. 2005 : 19-20). C‟est ainsi qu‟au cours des 20 dernières années, on a assisté dans bon

nombre de pays membres de l‟OCDE à d‟importantes et nombreuses restructurations des systèmes

scolaires.

The direction of restructuring has been to pressure education systems to increase fees

as a result of shortfalls in government expenditures on public education over the past

2 decades; others have sought to implement a system of fees in line with public

choice theory – a line pushed strongly by the World Bank in the 1990s. In this case,

education becomes a potentially private and therefore commercial activity rather than

an exclusively public one, bringing it inside the ambit of a tradable service […].

(Robertson et al. 2006 : 235)

Malgré les sommes publiques qui sont engouffrées dans ces réformes de l‟enseignement opérées à

répétition et les promesses des décideurs, celles-ci ne semblent aucunement améliorer le niveau de

connaissance des élèves. La raison en est simple : ce n‟est pas le but visé. Comme nous le verrons,

ces politiques dictées par les instances du capitalisme global servent plutôt à faciliter l‟entrée de

l‟éducation publique dans l‟économie pour en faire un produit de consommation comme un autre.

Adapter le contenu pédagogique afin qu‟il réponde mieux aux exigences du marché, faire entrer

l‟éducation publique dans le moule de la mondialisation, voilà les motivations des réformes

entreprises au cours des dernières décennies. « Les marchands ont pris d‟assaut l‟école. Les

concepts de concurrence, productivité, performance, clients, consommateurs remplacent

progressivement le discours humaniste caractéristique de l‟éducation » (Berthelot 2006 : 58). Pour

comprendre comment ces instances supranationales et leurs politiques, qui forment notre contexte,

se répercutent au niveau du système d‟éducation néo-zélandais, il faut tout d‟abord en saisir les

grandes lignes. C‟est pourquoi je m‟arrêterai brièvement dans un premier temps sur la relation qui

existe entre l‟OMC et l‟OCDE et sur leur rôle respectif, pour m‟attarder ensuite aux mécanismes

mis de l‟avant par cette dernière pour instaurer les politiques qui guident les réformes de l‟éducation

publique. Il sera ici question de capital humain, accompagné d‟outils tel PISA et DeSeCo, et surtout

du dispositif de surveillance à deux têtes qui s‟incarne dans la formation continue et les

compétences clés.

Formation continue et compétences clés : Deux facettes d’un dispositif de surveillance-

monde

Les politiques fortement proposées (pour ne pas dire imposées) aux principaux pays de l‟Occident

et qui servent de cadre aux réformes des systèmes d‟éducation s‟articulent en deux volets mis de

l‟avant par l‟OCDE. La formation continue (lifelong learning) et les compétences clés (key

competencies) représentent les deux éléments complémentaires d‟un même dispositif, qui a comme

finalité de faciliter l‟intégration de l‟éducation au système économique-monde et de mieux évaluer

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et contrôler l‟évolution du capital humain global, national et individuel. Par leur élaboration

institutionnalisée, leurs visées de contrôle disciplinaire atomisant, portant autant sur la manière

d‟acquérir les compétences et de les évaluer que sur la perception que doivent en avoir les

individus, ces deux éléments s‟apparentent à la vision du dispositif avancé par le philosophe Michel

Foucault : « […] le dispositif foucaldien est souvent apparu comme le lieu de l‟inscription

technique d‟un projet social total, agissant par la contrainte, et visant le contrôle aussi bien des

corps que des esprits » (Beuscart 2006 : 2). Ce changement de paradigme s‟effectue comme nous le

verrons par le remplacement des connaissances, trop ancrées dans leur milieu national, par

l‟acquisition de certaines compétences clés jugées les plus rentables pour l‟économie. Non pas

rattachées à des savoirs mais à des tâches, elles ont pour effet de réduire les programmes scolaires à

des modèles d‟apprentissage sans contenu particulier, ce qui en facilite l‟ouverture au marché global

(Ziguras 2005 : 108). L‟apparition de ces compétences exige l‟utile remplacement des anciens

systèmes d‟évaluation par de nouveaux, capables de les mesurer. La formation continue fait alors

son entrée. Discrète, elle se présente tout d‟abord comme une démarche qui cherche à adapter

l‟éducation aux attentes et besoins particuliers de chaque élève, s‟inscrivant ainsi dans l‟approche

atomisante préconisée par le capitalisme. Pour ce faire, ce cheminement sera suivi par de nombreux

examens et tests de tout genre afin d‟évaluer avec plus de détails le capital humain de chaque

apprenant, en mesurant les compétences qu‟il aura acquises. La formation continue est ainsi un

procédé individualisant qui, grâce à la batterie d‟évaluations toujours plus complexe, permet

d‟élaborer un contrôle plus serré du cheminement scolaire de chaque élève et de recueillir plus de

données, élément indispensable à la compétition de marché.

Si le suivi est de plus en plus ciblé et pointu, les changements apportés au système pour arriver à

une telle évaluation s‟opèrent quant à eux de façon concertée dans la majorité des 34 pays

membres2 de l‟OCDE, qui y sont fortement « encouragés ». Ce qui permet d‟uniformiser les

procédés d‟évaluation en vue de faciliter la mondialisation des services, qui passe obligatoirement

par la mobilité de la main-d‟œuvre de même que par l‟équivalence des diplômes (Lewis 2005 : 15).

La majorité des dirigeants des pays occidentaux ont depuis deux décennies adhéré à l‟idée

promulguée par l‟OCDE, via des tests tels ceux de PISA, que cette standardisation des diplômes

permet d‟améliorer la qualité de l‟enseignement (Berthelot 2006 : 85). Elle permet plutôt une

ouverture à la compétition des produits éducatifs au niveau mondial et dégrade l‟enseignement

public, malgré les prédictions des tenants du choix du consommateur. « Market optimists believe

2 Pays membres de l‟OCDE : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Chili, Corée, Danemark, Espagne, Estonie, États-Unis,

Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Israël, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas,

Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Royaume-Uni, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie.

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that the self-regulating mechanism of supply and demand will lead to an increase in efficiency,

since only high-quality education products will survive in the consumer market. Coming along with

marketisation is thus a gain in quality, which is argued to enhance both the educational outcomes of

individuals as well as country‟s competitiveness on the world market » (Martens et Starke 2008 : 7).

Pour saisir comment se concrétise la mise en place de ces politiques économiques dictées par les

instances mondiales sur le terrain, nous nous arrêterons d‟abord à la réforme du système de

qualification néo-zélandais, qui favorise la formation continue tout en laissant une grande place au

privé. Processus qui, comme nous le constaterons, n‟est pas sans effet sur la population étudiante.

Les compétences clés font quant à elles leur apparition grâce à l‟implantation du nouveau

curriculum qui donne plus de liberté aux écoles tout en leur imposant encore davantage de

responsabilités. Comment ce changement est-il perçu et accepté par les professionnels de

l‟éducation et pourquoi l‟est-il sont des questions auxquelles je tenterai de répondre. Si la fonction

économique est principalement élaborée dans le second chapitre, elle teintera l‟ensemble de ce

travail où elle tient lieu de contexte vu l‟influence qu‟elle exerce actuellement sur l‟ensemble du

système d‟éducation public et sur les changements qui y ont court.

Fonction du maintien et de la légitimation de l’ordre social

Décentralisation

L‟économie qui sous-tend tout les aspects de la réforme du système scolaire recèle plusieurs

procédés qui s‟avèrent d‟efficaces outils de clivage social. La fonction du maintien et de la

légitimation de l‟ordre social est un élément indissociable de l‟instruction publique, dont les buts à

atteindre et les procédés mis en place pour y arriver favorisent toujours les classes dominantes

évoluant au cœur de nos sociétés (Bartlett et al. 2002 : 6). Groupe qui fixe les règles pour maintenir

sa suprématie, au détriment de ceux de la marge, qui écopent le plus en ces temps de

décentralisation. C‟est ainsi que dans un grand nombre de pays industrialisés, on voit l‟État se

dégager progressivement de sa responsabilité de fournir à tous les enfants un enseignement adéquat

en la remettant de plus en plus aux parents, qui sont pourtant loin d‟être également outillés pour

faire face à cette tâche. Si les établissements scolaires se trouvant dans les milieux mieux nantis

parviennent à relever le défi, ceux des zones défavorisées sont les premières victimes de ces

restructurations néolibérales (Caccioppoli et Cullen 2006 : 82). On assiste de fait à la dégradation

d‟écoles qui se situaient auparavant dans la moyenne et qui se vident de leurs élèves plus fortunés,

qui migrent vers des établissements mieux cotés (Lauder et al. 1999 : 87). Ces élèves amènent avec

eux la contribution monétaire de leurs parents de même que leur expertise. Souvent plus éduqués,

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ces derniers sont mieux équipés pour siéger dans les comités d‟administration qui gèrent désormais

les écoles de la Nouvelle-Zélande.

Le classement par déciles aussi utilisé dans ce pays pour pallier à la disparité économique entre

écoles, les plus pauvres recevant un financement supérieur de la part de l‟État, ne suffit pas à régler

l‟écart. Il augmente au contraire la stigmatisation des établissements de bas déciles, qui sont jugés

comme de moins bonne qualité (Lauder et al. 1999 : 87). Élément qui combiné à un dézonage

sélectif de certaines écoles qui peuvent accueillir des élèves vivant en dehors du quartier desservi

accroît la polarité socio-économique entre les institutions d‟enseignement (Codd 1999). Si les

écoles doivent déterminer quels élèves ils peuvent accueillir en surplus via un tirage au sort, la

réalité du terrain nous démontre plutôt que ces heureux élus sont sélectionnés à partir d‟entrevues.

Favoritisme social et souvent racial qui, en conjugaison avec la participation financière attendue de

la part des parents, restreint le plus souvent les enfants des milieux prolétaires aux écoles de bas

déciles. Ce qui crée des écoles dites « poubelles », reconnues comme moins performantes et plus

difficiles, réservées aux enfants dont les parents n‟ont pas la capacité économique d‟exercer leur

choix du consommateur (Berthelot 2006 : 71).

Le choix du consommateur

Le choix du consommateur, théorie développée aux États-Unis dans les années 1960, repose sur

l‟idée que chaque individu agit toujours selon son propre intérêt, qu‟il cherchera à faire profiter au

maximum, ce qui sert le développement économique. Ce concept remonte à Hobbes, qui élabora au

17e siècle les bases de l‟économie classique (Codd 1999 : 45). Les valeurs et la morale deviennent

dans cette vision des choses, qui guide de plus en plus de politiques gouvernementales en Occident,

comme des questions de choix personnel (Fitzsimons et al. 1999 : 35). « Les défenseurs du libre

choix invoquent le fait qu‟il s‟agit là d‟un droit fondamental, que les parents et les élèves ont des

préférences qu‟ils devraient pouvoir exprimer […] » (Berthelot 2006 : 64). D‟autre part, la

compétition doit toujours être présente dans l‟ensemble des domaines pour assurer au

consommateur la liberté de choisir (Middleton 1992 : 302). L‟entrée des institutions scolaires dans

le monde de l‟économie, si elle permet la diversification des produits d‟enseignement tout en

subissant une homogénéisation au niveau des évaluations et des diplômes, exige des parents une

participation financière croissante. Car cette éducation toujours plus ajustée aux besoins de leur

progéniture n‟est pas gratuite. Dans la perspective de la décentralisation, l‟enseignement public

n‟est plus perçu en tant qu‟investissement collectif, mais plutôt comme une dépense (Martens et

Starke 2008 : 9), dont une partie substantielle doit être acquittée par ceux qui reçoivent le service.

L‟État soutenu par l‟OCDE encourage dorénavant les écoles à trouver elles-mêmes les fonds

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nécessaires au maintien de leurs activités, puisque les budgets qu‟elles leur octroient sont le plus

souvent insuffisants pour couvrir ne serait-ce que le strict nécessaire. C‟est ainsi que l‟on voit

apparaître la publicité utilisée par les institutions d‟enseignement afin d‟attirer une clientèle

suffisante, de même que la participation des entreprises privées sous forme de don, matériel ou

autre.

Le choix du consommateur assume que tous les parents ont la même capacité d‟opérer un choix

éclairé en ce qui a trait à l‟école que devraient fréquenter leurs enfants (Lauder et al. 1999 : 89).

Système ajusté aux besoins et aux attentes des mieux nantis, il n‟y est aucunement question des

obstacles qui réduisent l‟accès à cette liberté aux parents qui disposent de moins de moyens

financiers ou sociaux. « Les opposants ont vite fait de rétorquer que l‟éducation n‟est pas un simple

bien de consommation, mais un bien commun; que le choix des uns a des conséquences négatives

sur la vie scolaire des autres; que ce seront les mieux nantis et les mieux informés qui seront

véritablement en mesure de choisir; que cela conduira à un renforcement de la ségrégation scolaire

et des inégalités » (Berthelot 2006 : 64-65). Pourtant, malgré les opposants et les inégalités

croissantes qu‟entraîne ce système, la vision du consommateur-payeur semble gagner du terrain en

Nouvelle-Zélande, comme dans plusieurs nations touchées par de pareilles réformes. Pourquoi en

arrive-t-on à une telle situation? Quelles sont les mécanismes mis en action pour convaincre les

gens du milieu de l‟enseignement et les parents du bien-fondé d‟une telle approche? Ce sont là

quelques-unes des questions auxquelles je tâcherai de répondre.

Méritocratie

D‟autre part, il devient aujourd‟hui justifié de se questionner sur les impacts potentiels que peut

avoir le choix du consommateur sur la méritocratie. Celle-ci suppose que l‟école devrait être

l‟endroit où une personne peut atteindre par ses talents des sphères de connaissances supérieures qui

lui donneront accès à une position sociale enviable. La méritocratie avance donc que le pouvoir

revient à ceux qui détiennent les meilleurs aptitudes et talents pour l‟exercer, donc à ceux qui le

méritent. « En principe, l‟accès aux positions sociales différenciées qui caractérisent toujours les

sociétés démocratiques ne devrait dépendre ni de la fortune ni du statut social. C‟est ainsi que s‟est

imposé, dans sa version initiale, le concept d‟égalité des chances. L‟éducation étant accessible à

tous, le mérite scolaire devrait seul permettre de distinguer les “gagnants” des “perdants” »

(Berthelot 2006 : 129). Cependant comme plusieurs recherches le démontrent, de nombreux

éléments entrent en jeu et favorisent les mieux nantis au détriment des plus démunis (Bourdieu et

Passeron 1964 ; Bergen 1986 : 272 ; Berthelot 1987 : 61 ; Mclaren 2003 : 240). Les travaux de

Pierre Bourdieu soulignent dès les années 1960 les limites de la méritocratie en apportant les

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notions de capitaux (Bourdieu et Passeron 1964). Le capital social, culturel et symbolique que

cumule l‟individu bien né représente effectivement un avantage quasi inatteignable pour la personne

issue du commun. L‟inégalité des chances n‟est donc pas due à la distribution naturelle et arbitraire

des talents et des dons, mais plutôt au fait que l‟école privilégie les attitudes et les manières propres

aux classes supérieures. Ces habitus, comme Bourdieu les appelle, sont donc la somme des capitaux

qu‟un individu acquiert dans le milieu où il grandit (Bourdieu 1979 : 113). Le choix du vocabulaire

lors d‟interventions en classe, l‟attitude envers le travail et l‟autorité de même que les connaissances

générales et les aspirations qu‟elles portent sont autant de bagages qui favorisent selon lui les

enfants de milieux aisés et handicapent ceux issus des classes modestes (Bourdieu 1979 : 116). «

The real issue is that the educational system gives those who begin with certain advantages (the

right economic status, the right values, the right mannerisms, the right behaviour) a better chance to

retain those advantages all through school, and ensures that minority and economically

disadvantaged students will remain at the bottom rung of the meritocratic ladder » (Mclaren

2003 : 240).

Même si le mythe de la méritocratie a pris du plomb dans l‟aile depuis que Bourdieu et bien

d‟autres ont critiqué sa validité, il n‟en demeure pas moins tenace car ardemment défendu par les

puissants, qu‟il sert indéniablement. Toutefois, les réformes de l‟éducation opérées en vue de se

conformer au marché mondial rendent cette égalité des chances de moins en moins crédible

(Mclaren 2003 : 240). Vu le pouvoir stabilisateur d‟outils comme la démocratie et la méritocratie, il

peut s‟avérer dangereux pour l‟État de cesser de s‟en servir pour justifier la hiérarchie sociale

actuelle. À plus forte raison que cette hiérarchie semble se polariser encore davantage sous l‟impact

des nouvelles politiques capitalistes émises par l‟OMC et reprises par l‟OCDE, qui creusent un

fossé toujours plus important entre les possédants et les dépossédés (Lauder et al. 2006). De plus, le

système exige désormais une très grande implication de la part des parents dans le cheminement

scolaire de leurs enfants, sans égard à leur niveau d‟éducation, à leur différence culturelle et

identitaire ou à leur charge de travail extra-familiale. Le concept d‟égalité des chances semble dans

de telles circonstances se fragiliser encore d‟avantage. « Discursive resources about meritocracy

may lose their rhetorical power in a global educational marketplace where the purchasing power of

individuals becomes a legitimate means of acquiring a high-quality education » (Robertson et al.

2006 : 240). C‟est pourquoi je me questionnerai sur les perceptions entretenues par les parents issus

de différents milieux socio-économiques à l‟égard de la méritocratie, dont le rôle semble de plus en

plus ambigu, voir compromis.

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Fonction citoyenne

L’école et la démocratie

De l‟avis de plusieurs spécialistes, le lien entre l‟éducation et la démocratie n‟est plus à faire

(Bergen 1986 ; Reid 2005 : 282). « Education has consistently been found to increase political

participation, electoral turnout, civic engagement, political knowledge, and democratic attitudes and

opinions » (Hillygus 2005 : 25). L‟école est le lieu où doivent se transmettre les valeurs

démocratiques, étant donné le rôle capital que joue l‟engagement des citoyens dans la sphère

politique et civile. C‟est pourquoi la République française, créée en réaction au pouvoir de la

noblesse, fut parmi les premiers pays démocratiques à se doter d‟un système d‟enseignement public.

Le but officiel étant de former des citoyens éclairés, capables d‟exercer leurs droits. « […] thus the

creation of a national system of public primary education constituted a means for creating not

merely a literate electorate, but an electorate steeped in republican principles » (Bergen 1986 : 275).

Comme nous le mentionne Bergen, l‟école publique n‟est pas là pour faire de tout citoyen un

intellectuel émérite. Elle a plutôt comme mission de fournir une base à tous, pour équiper

l‟ensemble de la population des notions nécessaires à la vie en société. L‟éducation publique est

donc en lien direct avec la démocratie (Hillygus 2005 : 26), outil imparfait mais pourtant primordial

puisqu‟il est le seul capable d‟assurer un pouvoir, bien que restreint, à l‟ensemble de la population.

L‟école est idéalement l‟endroit où on développe l‟envie de savoir et de comprendre, qui favorise

l‟éveil de l‟esprit critique. Esprit qu‟il faut cultiver pour éviter le piège du totalitarisme et de la

pensée dogmatique. L‟éducation tente ainsi de développer la rationalité, la tolérance, l‟empathie.

Elle appelle de ces qualités pour solidifier les liens citoyens (Reid 2005 : 282) et faire en sorte que

les nations demeurent stables (Lauder et al. 2006 : 3).

Il semble que l‟on assiste cependant depuis les trois dernières décennies à un changement de

perception face à la nature même de la démocratie. Elle serait d‟après certains spécialistes de plus

en plus envisagée en tant que protection de la liberté individuelle et non plus comme un vecteur

d‟égalité sociale (Wells et al. 2002 : 338, 357 ; Apple 2005 : 219 ; Giroux, 2006 : 43). Liberté qui

devrait s‟exercer sans aucune contrainte dans le nouveau marché global. « Democracy is no longer a

political concept; rather, it is wholly an economic concept in which unattached individuals –

supposedly making rational choices in an unfettered market – will ultimately lead to a better

society » (Apple 2005 : 211). Ce changement de paradigme, implanté en éducation par le choix du

consommateur, gagne du terrain à mesure que la mondialisation impose sa logique économique aux

nations (Codd 1999 : 46).

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Indeed, for the last 10 years, an increasingly popular connotation of democracy in the

United States is that it represents the freedom to consume and own within a capitalist

society. In education, the implication was freedom to choose schools and freedom

from state regulation. To the extent that the so-called democratic dilemma has always

been about the conflict between liberty and equality, we argue that in the current

social and political context, liberty is clearly the victor. (Wells et al. 2002 : 338)

Cette liberté réservée au consommateur capable de se la payer est d‟autant plus restrictive qu‟elle

est contrôlée par le dispositif de la formation continue, qui avance que chaque enfant doit recevoir

une éducation adaptée à ses besoins personnels que peut désormais lui offrir le marché. La récente

implantation de standards nationaux établis suite aux recommandations de l‟OCDE est le dernier-né

d‟une panoplie d‟outils de mesure qui accompagnent ce dispositif individualisant de la formation

continue. Produit adapté, mais évaluations homogènes et de plus en plus nombreuses, toute

acquisition de compétences sera dorénavant mesurée à l‟aune de standards pan-nationaux afin

d‟harmoniser le contrôle de la performance des enfants dès les premières années du primaire.

Procédé qui en plus de demander beaucoup plus d‟examens et de comptes-rendus afin de suivre

dans le détail la progression de chaque pupille fournira les données si précieuses au marché.

Données qui facilitent l‟évaluation de la rentabilité, la comparaison entre élèves et écoles et la

compétition.

Quel accueil réservent les différents acteurs touchés par l‟implantation de ces standards nationaux

où la compétition devient de plus en plus présente, et ce dès la petite enfance? L‟école est-elle

encore en mesure, dans la situation actuelle, de former des citoyens libres et égaux capables d‟agir

pour le bien commun? C‟est-à-dire des individus conscients de leur responsabilité et de la portée de

leurs actes, capables de s‟acquitter de la lourde charge qui revient à chacun dans une démocratie

fonctionnelle? Mais pour former ce citoyen, l‟école doit aussi, comme l‟a si bien expliqué

Durkheim, inculquer à ses pupilles l‟attachement au groupe.

Transmettre les normes et des valeurs communes

Toutes les collectivités se déterminent un modèle de ce que doit être idéalement un individu, le but

de l‟enseignement étant d‟amener les élèves vers cet idéal. La société ne peut d‟ailleurs que

difficilement survivre sans ce modèle commun sur lequel on se base pour tenter de façonner les

générations de demain (Durkheim 2006 : 58). Si l‟éducation consiste en une socialisation

méthodique de la jeune génération (Durkheim 1922 : 51), ce processus permet alors d‟assurer les

bases des « conditions d‟existence » essentielles à la continuité de la nation, et bien qu‟il commence

dès le plus jeune âge au sein de la famille, c‟est à l‟école qu‟il se systématise. Cela en fait donc le

principal outil de la reproduction sociale, car c‟est par l‟éducation que se transmettent les normes et

les savoirs (Durkheim 1922 : 52). Les valeurs, la langue, la culture et l‟histoire participent ainsi à

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l‟élaboration d‟une vision commune qui forme les piliers des nations. Elles se doivent donc d‟être

connues et partagées par l‟ensemble des citoyens afin d‟assurer une certaine stabilité et continuité

sociale (Filloux 1994 : 66). L‟école, comme l‟ont illustré Durkheim et bien d‟autres à sa suite, est

l‟endroit où cette cohésion doit se faire. L‟éducation publique répond donc à une nécessité d‟ordre

social (Levasseur 2006 : 615). « La société ne peut vivre “que s‟il existe entre ses membres une

suffisante homogénéité”. L‟éducation perpétue et renforce cette homogénéité en fixant à l‟avance

dans l‟âme de l‟enfant les apparentements fondamentaux qu‟exige la vie collective » (Filloux

1993 : 4).

Le remplacement de l‟apprentissage des connaissances, qui formait jusqu‟à récemment le corps de

la tâche éducative, par l‟acquisition de compétences clés essentiellement sélectionnées pour

desservir le marché global remet fortement en question cette mission de cohésion sociale. Les

nouveaux programmes scolaires que l‟on voit apparaître dans bon nombre de pays d‟Occident sont

ainsi de plus en plus détachés de leur réalité nationale suite à ce changement de paradigme,

réduisant ceux-ci à de simples feuilles de route. Des modèles à suivre dépourvus de tout contenu, où

le seul but visé est d‟acquérir les compétences sélectionnées par l‟OCDE. Approche qui crée la

disparité de la matière vue en classe au niveau national puisque celle-ci doit correspondre aux

besoins de la clientèle que reçoit chaque école, et est de fait laissée aux soins du comité

d‟administration scolaire. Si le contenu sélectionné varie énormément, les compétences qui

favorisent l‟ouverture des marchés promulguée par l‟Accord général sur le commerce des services

(AGCS) sont quant à elles toujours les mêmes, et ce pour l‟ensemble des 34 pays membres de

l‟OCDE. L‟histoire, la géographie, la culture, les arts ou tout autre élément relevant de l‟identité

nationale s‟avèrent dans cette perspective inutiles, voire néfastes à l‟instauration de la

mondialisation. La place qui leur est réservée dans l‟enseignement public est ainsi fortement

encouragée à être réduite au minimum, voire à en être totalement éradiquée. Ce détachement

culturel et territorial, en plus de mieux desservir les étudiants internationaux partis acquérir leur

savoir à l‟étranger, vise aussi à former une main-d‟œuvre interchangeable, flexible et adaptable

(Martens et Starke 2008 : 5). État de fait qui peut mener vers une situation critique puisque ces

connaissances en lien direct avec l‟identité s‟avèrent essentielles à la création d‟un certain niveau de

cohésion sociale nécessaire au maintien de l‟équilibre national.

[…] what is important to register is that because of GATS constraints, nation-states

will lose a considerable capacity to direct these outcomes (building national identity,

the use and development of national language, production and reproduction of

specific forms of cultural capital) in ways that they might previously have done.

Language and national identity are vulnerable social functions in a global

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marketplace dominated by multinational educational corporation. (Robertson et al.

2006 : 241)

Le nouveau curriculum qui remplace les connaissances par des compétences clés utiles à

l‟économie-monde et qui crée ainsi un détachement national peut-il avoir un impact à long terme

sur la cohésion sociale du pays? Est-ce que le statut biculturel de la Nouvelle-Zélande peut jouer un

rôle modérateur dans la tentative d‟imposition d‟un éthos global, fortement poussé par l‟OCDE et

les organisations mondiales qu‟elle sert? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles je

tenterai de répondre.

Précisions sur l’état biculturel du pays

Pour bien comprendre les enjeux qui ont cours sur le terrain ici retenu, j‟estime utile de présenter un

court résumé de la situation biculturelle de la Nouvelle Zélande. Aotearoa ayant été annexé par

l‟Empire britannique il y a seulement 172 ans, il fut l‟un des derniers territoires conquis par la

Couronne. Même si plusieurs colons s‟y étaient déjà établis, l‟autorité de la jeune reine Victoria n‟y

fut officialisée qu‟en 1840 grâce au Traité de Waitangi, une entente signée entre la Couronne et 540

chefs maori qui assurait à eux et à leur peuple la protection et le respect de leurs droits ancestraux

en échange de l‟assurance d‟un commerce exclusif avec le Royaume-Uni. Ce contrat qui mettait les

ambitions françaises hors-jeu consistait en quelque sorte en un partenariat économique entre deux

nations (Middleton 1992 : 306). Le Traité ne fut cependant aucunement respecté par les

envahisseurs, qui réservèrent le même traitement aux premiers habitants d‟Aotearoa qu‟aux autres

peuples qu‟ils avaient conquis avant eux, et il fallut beaucoup de détermination et de protestations

de la part des Maori pour n‟obtenir que récemment et bien partiellement gain de cause (Walker

2004 ; Orange 2004).

Si la minorité nationale3 ne connut jamais le système des réserves, elle fut quand même restreinte à

vivre durant plus de cent ans sur des territoires éloignés, arides et exigus, les colons britanniques

ayant pris possession des meilleures terres avec l‟aide du gouvernement. Ce n‟est pas avant les

années 1950 et 1960 que s‟amorça leur migration vers les grands centres en vue d‟y occuper les

emplois manuels d‟une économie en plein essor (Walker 2004 : 197). Le monde autochtone néo-

zélandais était alors en ébullition; c‟est l‟époque que l‟on nomme maoritanga, ou la renaissance

maorie. La vie en milieu urbain, en plus d‟offrir travail et meilleur accès aux études supérieures,

permis aux membres de différents hapu de se rencontrer. Nouveaux contacts qui encouragèrent

l‟éveil d‟une identité intertribale, plus apte à parler d‟une seule voix au nom de tous les Maori et

3 Minorité nationale : Telle que décrite par Éric Schwimmer, où un groupe partageant une langue, une culture, des institutions et un passé

historique lié au territoire, et qui dépend pour sa survie collective d‟un fragile équilibre avec une majorité nationale qui lui est supérieure

en nombre et en pouvoir (Schwimmer 1995).

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d‟ainsi représenter une plus grande force de négociation face à l‟État (Walker 2004 : 209). Vent de

changement qui aboutira dans les années 1970 à plusieurs revendications autochtones qui placèrent

le Traité de Waitangi, longtemps oublié, au cœur de l‟actualité (Orange 2004 : 144). En effet, ce

n‟est qu‟en 1975 que l‟on vit apparaître le Tribunal de Waitangi (King 2003 : 164-167), dont la

principale fonction consiste à entendre les doléances des différents iwi et à tenter de réparer les

injustices du passé, de même que celles du présent. C‟est dans cette foulée que la Nouvelle-Zélande

devint en 1982 officiellement biculturelle afin de respecter les principes énoncés dans le Traité de

Waitangi, que le pays était désormais tenu d‟honorer (Doerr 2008 : 418).

En 1987, toujours grâce au Tribunal de Waitangi, te reo devint la seconde langue officielle de la

nation par le biais du Maori Language Act (Doerr 2008 : 418). Toutefois, dès 1981, le te kohanga

reo dont le but est de proposer un environnement whanau aux enfants d‟âge préscolaire (de 0 à 6

ans) fait son apparition (Middleton 1992 : 309). Si les parents le désirent, leur progéniture peut

poursuivre son éducation au primaire en te reo au kura kaupapa maori, qui voit le jour en 1985.

Vient ensuite le whare kura, ou le secondaire, et finalement le wananga, pour ceux qui souhaitent

approfondir leur connaissance de la tradition, des coutumes et du protocole maoris au niveau

universitaire (Macfarlane 2008 : 107). En 2003, le rapport annuel du ministère de l‟Éducation

répertoriait 90 écoles d‟immersion en te reo et 340 comme étant bilingues, ce qui fait un total de

21 520 étudiants qui reçoivent au moins 30 % de leur scolarité en maori. Cela ne représente que

14 % de l‟ensemble des élèves issus de cette minorité (Harrison et Papa 2005 : 61). Néanmoins ce

système d‟éducation parallèle réussit à augmenter le nombre de jeunes autochtones capables de

parler leur langue maternelle, de même qu‟à améliorer leur rendement académique. Il leur permet

aussi d‟acquérir une instruction dans un cadre beaucoup plus holistique que ce qui se trouve dans

l‟éducation proposée à la majorité. Dans le modèle whanau, mis de l‟avant dans les classes en te reo

de même que dans certaines écoles qui ont adopté une approche plus biculturelle via le comité de

parents, la réussite individuelle de l‟élève passe par celle du groupe (Harrison et Papa 2005 : 63).

L‟entraide et le respect des autres sont au cœur de cette façon de faire, qui n‟est pas sans contraster

avec la logique de compétition individuelle mise de l‟avant par les réformes du système d‟éducation

(Jenkins et al. 2004 : 65).

Réformes qui changèrent définitivement le paysage scolaire du pays dès les années 1990

(Macpherson 1999 : 223) en remettant entre autre la gestion des écoles directement aux parents,

sans égard à leurs ressources ou qualifications. Les structures régionales qui recevaient les fonds et

les directives du gouvernement pour gérer les écoles sont alors abolies et remplacées par des

comités scolaires élus, principalement composés de parents bénévoles, qui héritent de l‟ensemble

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des responsabilités, et même davantage (Mckenzie 1999 : 10). Car en plus d‟être tenus d‟équilibrer

les budgets, d‟embaucher les professeurs et de régler les nombreux problèmes internes, ces comités

doivent aussi se plier aux demandes et aux objectifs dictés par le ministère de l‟Éducation, sans

pour autant disposer des fonds et de l‟expertise des anciennes structures (Openshaw 2003 : 144).

Paradoxalement, la réforme a permis aux Maori d‟obtenir un meilleur financement pour les classes

en te reo via le choix du consommateur.

En vue d‟offrir aux parents des produits alternatifs en éducation, l‟État mit sur pied des mesures

visant à financer des services spécifiques si 21 élèves ou plus y étaient intéressés (Mckenzie 1999).

Grâce à cette formule, les programmes bilingues ou d‟immersion permirent à certaines écoles de

maintenir et d‟attirer une clientèle maori, ce qui amoindrit un peu le déclin causé par l‟exil des

élèves blancs plus aisés vers les écoles jugées plus performantes (Middleton 1992 : 312). Ces

programmes sont cependant soumis aux même règles et standards que ceux suivis par la majorité

(Harrison et Papa 2005). De plus, les classes en te reo, qui se trouvent la plupart du temps dans des

établissements où bon nombre d‟élèves étudient en anglais, sont fréquemment victimes des préjugés

de la majorité Pakeha, qui les considère comme des nids d‟extrémistes séparatistes (Doerr

2004 : 241). Si, grâce à la reconnaissance du Traité de Waitangi, il est désormais obligatoire

d‟exposer tous les élèves du pays à certains aspects de la culture maori, la mise en place de ce

contenu est toutefois laissé sous la responsabilité du comité scolaire majoritairement composé de

parents. Ce qui fait en sorte que la place qui lui est accordée varie énormément d‟un établissement à

l‟autre. Si la vision du monde de la minorité nationale est extrêmement présente dans les institutions

où le comité est composé en majorité de Maori, elle est quasi inexistante dans les endroits où ce

sont surtout des parents Pakeha qui siègent.

Question de recherche

En tenant compte des variables géographiques, culturelles et socio-économiques, nous pouvons

nous demander :

Après deux décennies de réforme scolaire néo-zélandaise guidée par les impératifs du marché

global, quels propos tiennent les parents d‟élèves de même que les intervenants du milieu de

l‟enseignement à l‟égard des différentes fonctions de l‟éducation publique?

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Considérations méthodologiques

Recherche exploratoire

Étant donné la nature de ma question, j‟ai opté pour une approche qualitative et

exploratoire, puisqu‟une telle façon de faire me permet de mieux saisir des processus et des

phénomènes complexes, de même que de parer aux imprévus. La flexibilité qu‟octroie cette

démarche m‟a donné la possibilité d‟ajuster ma recherche à la réalité du terrain. J‟ai donc pu opérer

des mises au point afin que mes interrogations de départ de même que mon guide d‟entrevue

demeurent cohérents et pertinents par rapport aux faits que j‟ai eu la possibilité d‟observer.

Bien que la littérature portant sur les réformes de l‟éducation en Occident, et plus précisément en

Nouvelle-Zélande, ait grandement servi à préparer ma question, ma recherche demeure

essentiellement basée sur les informations recueillies auprès des participants. Le but étant de

travailler avec des données contextualisées pour découvrir si les politiques instaurées par les

structures œuvrant à la mondialisation ont un impact sur les idées qu‟entretiennent les acteurs

locaux à l‟endroit des différentes fonctions de l‟éducation. De plus, puisque mes pistes de

questionnement, bien que solidement ancrées dans la littérature, dépendaient aussi et surtout de mon

expérience de terrain, j‟ai opté par conséquent pour une méthode empirico-inductive. Ce genre

d‟approche, en plus de faire écho aux éléments mentionnés ci-haut, est aussi étroitement lié au

positionnement de l‟auteur qui n‟est jamais neutre et qui tente de comprendre un phénomène social

par une investigation minutieuse sur le terrain. Car comme Mucchielli l‟explique dans son ouvrage,

une telle méthode ne part pas d‟une théorie, mais plutôt d‟une problématique. Soit une question que

l‟on pose à un ensemble de phénomènes. Pour ce faire, il faut premièrement aller sur le terrain et y

recueillir de nombreuses données, les catégoriser, les organiser. « Le chercheur va ensuite essayer

de formuler un schéma de compréhension organisant la compréhension du fonctionnement global

des phénomènes (c‟est là l‟effort d‟induction de la méthode). Dans cette manière de procéder, on dit

que l‟on est dans une approche de “découverte” » (Mucchielli 2006 : 263).

Questions éthiques

La présente recherche a préalablement reçu l‟aval du Comité d‟éthique de la recherche de

l‟Université Laval (CÉRUL). Mes entrevues se sont toutes déroulées auprès d‟adultes majeurs et

consentants, informés de la nature de ma recherche. Avant que ne débute tout entretien, je

m‟assurais que mes interlocuteurs avaient bien compris les objectifs de ma recherche, de même que

la nature de leur engagement. Leur participation et l‟enregistrement de ces échanges se sont faits sur

une base totalement volontaire. Mes informateurs étaient avisés qu‟ils pouvaient mettre fin à

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l‟entrevue à tout moment, et ce sans avoir à fournir d‟explication et sans que ce retrait n‟ait un

quelconque impact pour eux. D‟autre part, les entretiens de même que leur transcription ont été

identifiés au moyen de la date où ils se sont tenus, ainsi que par un pseudonyme qui remplaça le

nom du participant afin de protéger son identité. De plus, lorsque le poste ou la fonction exacte

qu‟occupe le participant à son emploi risquait de fournir trop de détails et de permettre d‟identifier

la personne, ces informations ont été remplacées par un titre plus vague. Dans le même souci de

discrétion, les 26 écoles dont il est question dans cette recherche n‟ont pas été nommées, ou dans

quelques cas, leur nom à été remplacé par un pseudonyme. Car si elles accueillaient les enfants des

parents interviewés, ces établissements étaient aussi l‟endroit où œuvraient les membres de comités

scolaires, ou le lieu de travail des directrices et professeures avec qui je me suis entretenue.

Nommer ces écoles ou même les situer sur une carte aurait ainsi mis en péril l‟anonymat de ces

participants. Finalement, un résumé des résultats de la recherche préalablement traduit en anglais

sera envoyé aux personnes interviewées qui se sont montrées intéressées à le recevoir.

Cueillette des données

Lieu de la recherche : La Nouvelle-Zélande, terrain connu

Si la Nouvelle-Zélande, et plus encore la région de la capitale, est l‟endroit tout indiqué pour mener

une recherche sur les impacts des réformes de l‟enseignement compte tenu de la diversité sociale et

économique qu‟on y rencontre de même que du grand nombre d‟écoles qui s‟y trouve, j‟ai aussi

retenu ce terrain pour des raisons personnelles. C‟est en 1990, à l‟âge de 16 ans, que j‟ai eu la

chance de vivre une année à Wellington4 en y poursuivant mes études de niveau secondaire dans le

cadre d‟un échange linguistique international régit par AFS. Cette expérience m‟a permis de me

familiariser avec cette société, son système d‟éducation, de même qu‟avec sa minorité nationale, les

Maori. J‟y suis retournée en 2001 pour une période de sept mois, avec mon conjoint originaire de la

région. Puis c‟est en tant qu‟apprentie anthropologue que je revins de nouveau en 2007 pour cinq

semaines, cette fois accompagnée de ma fille alors âgée d‟un an et demi en plus de mon conjoint,

afin d‟y mener mon terrain de formation pratique qui se déroula cette fois-ci sur le vaste territoire

de l‟Île du Nord. Ce projet portait sur le biculturalisme en vue d‟approfondir la question des

relations de pouvoir entre minorité conquise et majorité conquérante vivant à l‟intérieur d‟un même

pays. J‟ai alors effectué une douzaine d‟entrevues avec des Pakeha et des Maori, dont bon nombre

avaient des liens avec le milieu de l‟éducation. C‟est ainsi que j‟ai pu visiter quelques écoles qui, en

plus de donner des cours en anglais à des élèves majoritairement polynésiens, offraient aussi des

4 Capitale de la Nouvelle-Zélande, 400 000 habitants, voir Annexe B.

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classes d‟immersion en te reo. Le centre Awataha, en banlieue d‟Auckland5, qui est entièrement

dédié à recréer l‟approche holistique maori, a aussi fait partie de mes visites de même que la

Faculty of Maori Development, Te ara poutama, dédiée à l‟approfondissement de la culture maori

et située dans un département de l‟AUT (Auckland University of Technology).

Toutes ces rencontres et ces visites m‟ont fait réaliser que si la survie d‟une minorité nationale

dépend en grande partie du maintien de sa langue, cette survie repose donc essentiellement sur

l‟apprentissage de cette dernière. Puisque les Maori sont urbanisés à 85 % (Tolron 2000 : 202) et

que le lien avec le hapu d‟origine est souvent rompu, la plupart des parents autochtones ne parlent

plus leur langue ancestrale. Le principal lieu de transmission de la culture devient alors l‟école

(Hazehurst 1993 : 20). Dans une telle situation, il me parut donc approprié de concentrer mon

attention sur le système d‟enseignement, qui semblait être le lieu de haute lutte identitaire. À la

lumière des informations recueillies, je réalisai aussi que beaucoup de parents et de professeurs se

disaient mécontents du système scolaire dans lequel eux et leurs enfants se devaient d‟évoluer. Ce

n‟est que lors de travaux portant sur l‟éducation produits dans le cadre d‟une lecture dirigée,

supervisée par Marie-Andrée Couillard, que je réalisai à quel point ce pays était engagé dans

l‟Accord général sur le commerce des services, (Codd 1999 : 49 ; Locke 2001 : 7 ; Martens et

Starke 2008). Cette découverte, combinée à mon information recueillie lors de mon terrain de 2007,

m‟a ouvert la voie vers un nouvel aspect de la réalité néo-zélandaise qui m‟avait jusqu‟alors

échappé. Situation qui me permet d‟étudier un sujet de manière plus complète en prenant en

compte, en plus de la situation locale, les aspects mondiaux qui opèrent une pression sur celle-ci et

qui l‟influencent.

Milieu géographique et socio-économique

Ma recherche s‟est principalement faite à partir d‟écoles de niveaux primaire et secondaire situées

en zone urbaine et semi-urbaine, pour mettre de côté la situation vécue en campagne. Situation qui

dû à une autre réalité socio-démographique génère probablement des phénomènes distincts. Bien

que cette recherche demeure exploratoire, j‟ai tenté de représenter autant qu‟il me l‟était possible

les différences sociales et économiques de la région en contactant des établissements scolaires de

même que des parents appartenant à des milieux variés. La répartition des écoles en déciles, fixée

selon le niveau économique du quartier où elles se trouvent, 1 étant celui des écoles les plus

défavorisées et 10 celui des mieux nanties, m‟a fourni un bon indicateur. Il a cependant été

généralement plus facile d‟entrer en contact avec les établissements de haut décile, où le personnel

5 Métropole de la Nouvelle-Zélande, 1,4 million d‟habitants, voir Annexe B.

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semblait plus confiant d‟être à même de présenter leur institution sous un jour favorable, et il en alla

grosso modo de même pour les parents. Ceux dont les enfants étaient inscrits dans des écoles plus

favorisées étant davantage familiers avec les études universitaires, ils se montraient souvent plus à

l‟aise avec l‟idée de participer à une recherche que les parents dont les petits fréquentaient des

écoles de bas déciles. État de fait qui explique d‟ailleurs en partie le haut niveau de scolarité de la

plupart de mes intervenants. Car si je parvins à interviewer huit parents dont les petits étaient

inscrits dans des écoles de décile 2 à 5, ceux-ci étaient majoritairement plus éduqués que l‟ensemble

des gens qui envoyaient leurs enfants dans ces mêmes établissements.

Système publique et écoles

Si la majorité des petits Néo-Zélandais font leur entrée dans le système d‟éducation publique le jour

même de leur cinquième anniversaire, l‟école n‟est obligatoire qu‟à partir de l‟âge de 6 ans. Le

primaire s‟étend sur huit années et se répartit en deux paliers, soit le primaire en tant que tel, qui

comprend les six premières années de la scolarité, puis l‟intermédiaire, qui couvre la septième et la

huitième année. Bien qu‟elles fassent officiellement partie du cycle primaire, ces classes qui sont la

plupart du temps regroupées en de petites écoles qui se trouvent sur le même lieu qu‟un

établissement de niveau primaire peuvent aussi être érigées seules sur leur propre site ou être

adjacentes à une institution secondaire. Dans le dernier cas, elles en partagent souvent le décile et le

zonage, même si elles appartiennent au premier cycle du système d‟éducation. Le secondaire

s‟échelonne quant à lui sur une période de cinq ans, soit de la neuvième à la treizième année, mais

n‟est obligatoire que jusqu‟à ce que les adolescents aient atteint l‟âge de 16 ans, ce qui correspond

généralement à la douzième année (Ministry of Education 2011).

Des 26 écoles dont il est question dans cette recherche et dont certaines se situent au cœur de

Wellington alors que d‟autres appartiennent à ses lointaines banlieues : trois sont de décile 2 (deux

de niveau primaire et une secondaire), deux écoles primaires de décile 3 et six de décile 4 (cinq au

niveau primaire dont une intermédiaire, et une au niveau secondaire), une école primaire de décile 5

et une école primaire de décile 6, de même qu‟une école secondaire de décile 7, cinq écoles de

décile 9 (trois au primaire et deux au secondaire), et finalement sept écoles de décile 106 (trois au

primaire et quatre de niveau secondaire). Cela représente un total de dix-sept écoles primaires et

neuf de niveau secondaire, ce nombre inégal reflétant le fait que les écoles primaires sont plus

nombreuses que celles du secondaire, puisqu‟elles reçoivent habituellement moins d‟élèves.

6 Liste des écoles, voir Annexe C.

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Observation des réunions de comités

Puisque les comités scolaires, majoritairement composés de parents élus, sont depuis deux

décennies responsables de la gestion des établissements, ce qui leur confère un grand pouvoir et

beaucoup de responsabilités, j‟ai entrepris d‟assister à quelques-unes de leurs réunions. J‟ai ainsi été

admise à six d‟entre elles, dont trois de niveau primaire (deux écoles de décile 2 et une de décile 10)

et trois au secondaire (une de décile 2 et deux de décile 10) 7. Cette grande polarité entre les déciles

m‟a permis d‟observer des situations très différentes, surtout au point de vue des ressources

humaines et des moyens financiers dont disposaient ces comités. Même si ces réunions mensuelles

sont ouvertes au public, j‟ai toujours contacté les établissements au préalable, par téléphone ou en

m‟y rendant en personne, afin d‟expliquer les raisons qui motivaient mon intérêt et de demander la

permission d‟y assister. Si j‟ai dû essuyer quelques refus, il arriva que le personnel des écoles

contactées me dirige plutôt vers le président de comité ou vers la directrice, qui m‟accordèrent à

l‟occasion des entrevues. Les comités qui acceptèrent de m‟ouvrir leurs portes le firent de bonne foi

et l‟observation que j‟y ai menée m‟aida grandement à approfondir ma compréhension du système

de gouvernance de même que la répartition des pouvoirs entre parents, directeur et professeurs. Ces

expériences me permirent aussi de mieux saisir l‟ampleur de la tâche qui revient aux membres et

surtout au président. Informations qui me furent aussi fort utiles lors de mes entrevues puisqu‟elles

m‟aidèrent à rendre mes questions plus pertinentes et à mieux comprendre la situation vécue par

mes interlocuteurs, dont dix faisaient partie de comités, soit à titre de membre, de président ou de

directrice d‟école. De plus, ma présence aux comités me donna l‟occasion d‟échanger avec des

parents membres dont quelques-uns, intéressés à ma recherche, m‟accordèrent des entrevues par la

suite.

Participants et entrevues

Étant donné que la recherche ici entreprise est de nature exploratoire, j‟ai décidé de consulter une

assez grande variété de personnes impliquées dans le monde de l‟éducation néo-zélandais afin de

saisir la situation actuelle avec le plus d‟acuité possible. C‟est dans cette optique que je n‟ai pas

restreint mes travaux au niveau primaire ou secondaire, puisque les réformes de l‟enseignement

public touchent ces deux paliers. D‟autre part, l‟implantation à la rentrée 2010 des standards

nationaux dans les écoles primaires prenait alors une grande place dans l‟actualité et puisque ce

nouvel élément de la réforme se loge directement dans le sujet de ma recherche, il fit partie de la

plupart de mes entrevues. L‟arrivée des standards motiva d‟ailleurs dans un premier temps mon

désir de rencontrer une représentante de NZEI, mais mon entretien avec Catherine ne se restreignit

7 Liste des personnes interviewées et des réunions de comités, voir Annexe D.

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cependant aucunement à ce seul sujet. J‟ai donc opté pour une recherche large, sensible aux

événements qui avaient cours sur le terrain et où il m‟est apparu essentiel d‟obtenir autant le point

de vue des parents siégeant aux comités scolaires que celui de ceux qui n‟y étaient pas, de même

que celui des professeurs, directeurs et autres spécialistes impliqués de près dans ces réformes.

C‟est ainsi qu‟au cours de mon terrain qui débuta à la fin janvier 2010 pour se terminer le 9 avril de

la même année, soit un peu plus de deux mois, j‟effectuai 27 entrevues8.

Si mes appels téléphoniques aux écoles et surtout les visites que j‟y fis en personne me permirent,

en plus d‟assister à six réunions de comités, d‟obtenir des entrevues, plusieurs autres rencontres

émanèrent des premières par un effet boule de neige. J‟ai donc eu la chance de voir certains de mes

interlocuteurs me proposer d‟interviewer un de leurs collègues de travail ou un membre de leur

famille dont l‟expertise ou l‟expérience pouvait contribuer à ma recherche. Mes amis vivant dans la

région m‟aidèrent aussi à entrer en contact avec des parents d‟élèves, des professeurs et d‟autres

professionnels liés au milieu de l‟éducation. Cet effet d‟entraînement explique en partie pourquoi

j‟ai mené un si grand nombre d‟entrevues. Il m‟était en effet difficile, une fois le processus engagé,

de refuser la contribution des gens enclins à participer à ma recherche! J‟estime par ailleurs que ces

nombreux entretiens ont été déterminants et que mon analyse n‟aurait jamais été aussi poussée sans

la généreuse contribution de tous mes interlocuteurs.

Groupe représentés : Genre, immigrants, minorité nationale et type de famille

J‟aurais souhaité avoir des répondants mieux répartis selon le sexe, mais seulement sept hommes

ont participé à ma recherche. Il semble que l‟éducation soit encore perçue par plusieurs comme une

tâche qui revient « naturellement » à la femme dans la famille néo-zélandaise, malgré le fait que

l‟on retrouve bon nombre d‟hommes dans les comités d‟administration scolaire. Ceux-ci étaient

toutefois moins enclins à participer à une entrevue, à moins d‟avoir été préalablement sollicités par

un ami ou un collègue de travail, soit une tierce personne au courant de mon terrain et qui cherchait

à m‟aider. D‟autre part, je suis arrivée à interviewer deux femmes immigrantes : Nora, originaire du

Maghreb, et Jeanne, de l‟Angleterre. Cinq de mes participants étaient Maori (Hine, Aronui, Tina,

Mark et Nani Marama), ce qui, sur vingt-sept entrevues, correspond grosso modo à leur

représentation nationale de 15 %. Trois d‟entre eux, Hine, Aronui et Mark, formaient des familles

monoparentales; à ce nombre s‟ajoutait Nathalie et Julie, aussi uniques chefs de famille de leur

petite troupe. Puisqu‟un quart des enfants néo-zélandais évoluent dans des familles monoparentales,

cette situation est loin d‟être marginale et mérite donc d‟être prise en note. Je ne suis cependant pas

8 Liste des personnes interviewées et des réunions de comités, voir Annexe D.

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parvenue à m‟entretenir avec des personnes issues des îles du Pacifique ou de l‟Asie. Comme il a

été mentionné plus avant, malgré mes tentatives d‟interviewer des gens provenant de tous les

milieux socio-économiques, il apparaît que la majorité de mes interlocuteurs étaient titulaires de

diplômes d‟études supérieures, donc beaucoup plus instruits que la moyenne de la population.

NZQA et le ministère de l‟Éducation

En vue de mieux comprendre les changements apportés au système de qualification, j‟ai cru bon

d‟interviewer des membres de la NZQA (New Zealand Qualification Authority). Les entretiens que

j‟obtins avec Patrick et Nick furent forts éclairants et me permirent par la suite de faire le lien entre

ces réformes et le dispositif de la formation continue mis de l‟avant par l‟OCDE. Ma rencontre avec

John, un des principaux responsables pour le nouveau curriculum au ministère de l‟Éducation,

s‟avéra quant à elle capitale. Elle me donna l‟occasion d‟avoir le point de vue officiel sur les

motivations, ambitions et préoccupations de l‟État à l‟égard de l‟éducation publique actuelle et

future. Ce qui contribua grandement à ma recherche, puisque les politiques adoptées par le

ministère de l‟Éducation, spécialement en ce qui concerne le nouveau curriculum, reflètent

clairement celles préconisées par l‟OCDE. Ce fut toutefois grâce à Elisabeth que je contactai le

ministère de l‟Éducation. Maintenant directrice d‟école primaire, cette dernière avait auparavant

travaillé au sein d‟une équipe vouée à la création du nouveau curriculum aux côtés de John. Elle me

conseilla donc de parler aux gens du ministère qui pourraient sans doute m‟être utiles dans ma

recherche. Mon entretien avec Elisabeth s‟est avéré des plus profitables car en plus de me parler de

son point de vue de directrice, elle m‟a aussi fourni des informations extrêmement pertinentes sur la

manière dont fut élaboré l‟actuel curriculum, sur les personnes qui participèrent à ce processus et

sur les orientations qui devaient y prévaloir.

Représentante syndicale (NZEI)

L‟entretien avec Catherine, représentante de haut degré au New Zealand Educational Institute

(NZEI), le plus important syndicat d‟enseignants du pays au niveau primaire, fut aussi l‟un des

points forts de mon terrain. À l‟hiver 2010, la relation entre le gouvernement et ce syndicat était très

tendue puisque cette association s‟opposait, et s‟oppose toujours, à l‟implantation des standards

nationaux dans les écoles primaires publiques du pays. Il me fallut faire preuve de patience pour

obtenir cette entrevue et plusieurs courriels où j‟expliquais le pourquoi de ma recherche furent donc

nécessaires avant que Catherine me rencontre. Ces efforts n‟ont cependant pas été vains puisque sa

perception des choses m‟offrit un salutaire contrepoids aux opinions émises par John et Elisabeth et

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ouvrit ma réflexion sur une autre dimension du problème, ce qui me permit d‟opérer une analyse

plus complète.

Directrices

Malgré que je ne sois pas parvenue à interviewer un directeur d‟école secondaire, j‟ai tout de même

réussi à m‟entretenir (en plus d‟Elisabeth) avec deux autres directrices d‟établissement primaire.

Barbara, mère d‟une amie de longue date, m‟accorda avec courtoisie ma première entrevue le 18

février. Directrice d‟une école de décile 2 accueillant 109 enfants dont les trois-quarts sont issus de

l‟immigration, la réalité dont elle me fit part s‟afficha en contraste avec celle d‟Alice, en charge

d‟une des plus importantes écoles primaires de toute la région de la capitale. De décile 10, on y

reçoit plus de 700 enfants dont l‟imposante majorité est Pakeha. Situation bien différente de celle de

l‟école où Elisabeth travaille en cumulant les tâches de directrice et d‟enseignante, afin d‟offrir aux

vingt-huit pupilles qu‟accueille l‟établissement de décile 9 le meilleure service possible. Ce petit

nombre d‟élèves s‟explique par la confessionnalité religieuse peu répandue à laquelle est rattaché

l‟établissement. Ces écoles religieuses ont, comme nous le verrons, été intégrées au système public

dans les années 1980 pour éviter leur fermeture en masse puisqu‟elles étaient devenues incapables

de s‟auto-rentabiliser sans l‟aide de l‟État.

Professeures

Mary, mon amie depuis mon premier séjour en Nouvelle-Zélande en 1990, est professeure au

primaire depuis une douzaine d‟années et maman d‟une petite fille de 6 ans. Ce fut donc tout

naturellement que je l‟ai interviewée puisqu‟elle connaît bien le milieu. Sa perspective face aux

changements encourus au cours des dernières années et à l‟impact que cela a en classe m‟a

beaucoup servie, de même que sa connaissance de la réalité avec laquelle doivent composer les

professeurs d‟écoles de décile 2 comme celle où elle travaille. C‟est pourquoi j‟ai saisi la chance de

m‟entretenir avec d‟autres professeures lorsque j‟en ai eu l‟occasion. Spécialement lorsqu‟un parent

interviewé me mis en contact avec Rebecca, sa belle-mère qui enseigne toujours au primaire après

45 ans de carrière professorale! Ayant connu l‟avant et l‟après-réforme et été témoin de toutes ses

restructurations et de leurs impacts tout en œuvrant dans différents milieux socio-économiques de

même qu‟aux États-Unis, cette dame me fit part de sa riche expérience, me permettant ainsi de voir

la situation actuelle avec plus de perspective.

Après avoir assisté à une réunion de comité à une école primaire de décile 2, la directrice, que je

n‟ai pas interviewée puisqu‟elle occupait le poste par intérim, me réorienta vers la doyenne de son

personnel enseignant afin de répondre à mes questions. La rencontre avec Nani Marama fait partie

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de celles qu‟on n‟oublie pas de sitôt. Accueillante et chaleureuse la septuagénaire enseigne depuis

le début des années 1980 aux petits Maori dans les classes d‟immersion en te reo. Possédant le

maori comme langue maternelle, on fit appel à elle à l‟époque où le premier peuple d‟Aotearoa

décida de faire revivre sa langue alors en perte de terrain suite à la grande migration vers les villes

qui coupa pour la plupart d‟entre eux leur lien avec leur hapu d‟origine et leur culture. Bien qu‟il

m‟avait été donné de visiter des classes de te reo lors de mon travail sur le biculturalisme en 2007,

la rencontre avec cette enseignante dévouée me permit de mieux comprendre l‟ampleur de leurs

tâches. Les nombreuses difficultés que doivent résoudre ces professeurs maori, et qui sont souvent

liées aux différences culturelles et socio-économiques existant entre la minorité nationale et le

monde de la majorité Pakeha auquel ils doivent continuellement s‟ajuster, représentent souvent un

défi titanesque. Cet entretien s‟avéra fort utile lorsque vint le temps d‟évaluer les impacts de la

réforme sous un autre jour et de pousser mon analyse pour obtenir un résultat plus complet et

proche de la réalité.

Parents impliqués dans les comités scolaires

Parmi les dix-sept parents interviewés, sept faisaient partie du comité scolaire de l‟école de leurs

enfants. Les entretiens avec ces derniers me permirent de mieux comprendre leur travail de

bénévoles, et les différentes réalités auxquelles ils doivent faire face selon le décile de

l‟établissement où ils œuvrent, même si cet élément n‟est pas le seul à avoir une influence sur leur

tâche. Sarah, suite à ma présence à la réunion de comité de l‟école où elle siège, fut la première

présidente à m‟accorder une entrevue. Mère à la maison, seul le cadet de ses quatre fils fréquente

toujours cette école de décile 2 qui reçoit une grande majorité de Polynésiens et où les Pakeha

forment à peine 15 % de la cohorte étudiante. Titulaire d‟un baccalauréat en affaires industrielles,

Sarah s‟implique dans différents comités scolaires depuis une vingtaine d‟années. Son soutien

s‟avère précieux pour cette institution secondaire intégrée de confession catholique où elle travaille

gratuitement jusqu‟à 30 heures par semaines! La seconde présidente de comité avec qui je me suis

entretenue était elle aussi une mère au foyer titulaire d‟un baccalauréat. Sonia a un adolescent qui

va au privé et un fils plus jeune qui est inscrit à l‟école intégrée de décile 9 où elle siège et dont

Elisabeth est directrice. Elle fut l‟une des participantes les plus enthousiastes vis-à-vis ma

recherche, vraisemblablement heureuse de pouvoir donner son point de vue sur la situation de

l‟éducation publique dans son pays. Nancy, qui est quant a elle une grand-mère dans la soixantaine,

a récemment terminé un baccalauréat en sciences sociales afin de mieux relever les défis liés à ses

responsabilités de présidente de comité. Elle occupe ce poste depuis déjà quelques années à l‟école

secondaire de décile 4 qui vit passer ses cinq enfants, aujourd‟hui sur le marché du travail ou aux

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études supérieures. En effet, si la candidature des parents ayant un enfant qui fréquente

l‟établissement est favorisée, il arrive que des gens de la communauté ou d‟anciens parents d‟élèves

soient aussi membres de comité et parfois présidents.

Quatre parents étaient pour leur part engagés dans les comités d‟administration scolaire à titre de

simples membres, dont Brian, qui fut aussi président de comité à l‟école secondaire de son fils lors

du précédent mandat. C‟est grâce à ce haut fonctionnaire dans la quarantaine que je pus d‟ailleurs

assister à la rencontre de comité de cet établissement de décile 10. Hine, mère maori de quatre

enfants dont seul le cadet fréquente toujours le secondaire, siégeait quant à elle au même comité où

Sarah occupait le rôle de présidente. Hine a généreusement accepté de participer à ma recherche

après m‟avoir rencontrée lors de la réunion mensuelle à laquelle j‟avais assisté. Femme déterminée

elle terminait à l‟époque de notre entretien, bien qu‟elle soit dans la quarantaine avancée, une

formation d‟infirmière. Faisant partie du comité de l‟école primaire catholique de décile 6 de sa

fille, Andrew, qui occupe la fonction de chef de département dans une importante entreprise, est un

quadragénaire habitué aux responsabilités et au rôle de preneur de décisions. Julie, docteure en

linguistique, occupe pour sa part un poste de responsabilité dans la fonction publique. Elle tenait

malgré son récent divorce et ses deux enfants dont elle a la garde à suivre de près l‟éducation de son

aînée de 6 ans, inscrite à l‟école de quartier de décile 4 majoritairement fréquentée par des petits

polynésiens.

Parents non impliqués dans les comités scolaires

Je vais ici présenter succinctement par ordre chronologique les entrevues que j‟ai menées avec les

dix parents ne faisant pas partie des comités d‟administration scolaire.

Parmi mes vingt-sept entretiens, un seul s‟est déroulé en français : ce fut celui avec Nora, une

immigrante du Maghreb polyglotte qui maîtrise aussi bien l‟arabe que la langue de Molière ou celle

de Shakespeare. Jeune mère dans la trentaine, elle occupe depuis quelques années un poste de

responsabilité au gouvernement. Elle a choisi d‟inscrire ses deux filles dans une école catholique

intégrée de décile 5 située dans la proche banlieue de Wellington et fréquentée par une cohorte très

multiethnique. Jeanne, elle aussi immigrante, est arrivée de l‟Angleterre avec toute sa famille il y a

cinq ans. Même si elle n‟adhère pas à l‟idéologie du choix du consommateur, cette fonctionnaire de

haut niveau est tout de même heureuse que ses deux enfants puissent fréquenter des écoles de décile

10. Le garçon étant toujours au primaire alors que son adolescente est inscrite dans un établissement

situé en zone urbaine réservé à la gente féminine. Zoé, mère dans la quarantaine et titulaire d‟un

baccalauréat en mathématique, a décidé de rester à la maison pour élever ses trois enfants, dont les

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deux aînées sont inscrites dans une école primaire alternative de décile 9. Très impliquée dans

l‟éducation de ses filles, elle a beaucoup insisté sur l‟importance de pouvoir choisir une éducation

qui correspond, selon elle, davantage au processus de développement des enfants.

Mère monoparentale et infirmière de métier, Nathalie a à cœur l‟éducation de son fils unique allant

dans une école secondaire de décile 9 dans une petite ville-satellite de la capitale. Essentiellement

fréquenté par des adolescents Pakeha issus de la classe moyenne, cet établissement est fort bien vu.

Aronui, aussi mère monoparentale, a pour sa part effectué un choix bien différent pour sa petite de 6

ans. Astrophysicienne maori, cette jeune scientifique très impliquée dans la défense de sa culture a

décidé malgré les embûches d‟envoyer sa fille unique dans une école d‟immersion en te reo. De

décile 3, cet établissement à majorité Maori bien que comprenant plusieurs classes d‟immersion

conserve aussi une section où les enfants reçoivent une éducation dans la langue de la majorité si les

parents le désirent. Comptable de métier, Mark a déménagé dans la région de la capitale en 2009

avec ses deux cadets, laissant son aînée qui voulait y compléter ses études secondaires dans leur

région natale de Hawke‟s Bay. Père Maori monoparental dans la trentaine, la transition vers

Wellington représenta pour lui un véritable défi. Surtout lorsque vint le temps de trouver une école

adéquate pour ses deux fils, celle de leur nouveau quartier ne correspondant aucunement aux

aspirations de ce père attentif. Il dut ainsi utiliser la ruse pour arriver à les inscrire dans un

établissement de décile 3 multiethnique mais à prédominance maori, qui avait l‟avantage de réunir

école primaire et intermédiaire sur le même site, faisant ainsi en sorte que ses fils puissent se rendre

ensemble à l‟école.

Paul, aussi comptable et collègue de travail de Mark, est un père dans la soixantaine. Ses deux aînés

ayant terminé leur scolarité, la cadette est actuellement au secondaire dans une école de décile 9 au

cœur de Wellington. Ayant siégé comme membre de comité dans une institution située en région

durant plus de six ans, il m‟a aussi fait part de cette expérience. Laura est une jeune mère au foyer

mariée à un professionnel qui avait lors de notre entrevue l‟ambition de se porter candidate à la

prochaine élection de comité scolaire de l‟école de leurs enfants, prévue pour mai 2010.

Répartissant son temps entre l‟éducation de ses trois petits âgés de 3, 7 et 9 ans, son bénévolat à

l‟église de même que sa participation aux activités de lecture organisées à l‟école de décile 10 à

majorité Pakeha où les deux aînés sont inscrit, Laura est une femme impliquée dans sa

communauté. Tina a quant à elle moins de temps à consacrer aux activités scolaires de ses garçons

puisqu‟elle travaille à temps plein et ne revient à la maison que vers 18 heures. Elle trouve

d‟ailleurs que la corvée des devoirs est souvent bien lourde à porter. Mère Maori de cinq garçons,

ses deux aînés sont demeurés avec le whanau dans sa région natale tandis que ses trois cadets les

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ont suivis, elle et son mari, lors de leur déménagement dans une banlieue prolétaire de Wellington.

Les trois garçons fréquentent des établissements différents dus à leur âge : le cadet est au primaire,

le second dans une intermédiaire non-affiliée et l‟aîné de la maisonnée au secondaire. Leurs écoles

sont néanmoins toutes de décile 4 puisqu‟elles se situent dans le même quartier. La sœur d‟un de

mes amis de longue date et elle aussi mère de cinq enfants m‟a accordé une entrevue. Mariée

comme Laura à un professionnel qui connaît une carrière à succès, Nadia est une mère à la maison

qui se consacre corps et âme au bien-être de sa petite troupe, dont le cadet est âgé de 4 ans et l‟aîné

de 16 ans. Deux petits sont ainsi inscrit à l‟école primaire de décile 9 du quartier, tandis que les

grandes filles vont dans une institution presbytérienne intégrée de décile 10 réservée à la gente

féminine.

Schémas d’entretien

Étant donné la nature de ma recherche exploratoire et le riche éventail des participants qu‟il m‟a été

donné d‟interviewer, de même que le statut distinct que plusieurs d‟entre eux occupaient dans le

monde de l‟éducation, j‟ai dû recourir à différente grilles d‟entrevues. Grilles qui se sont d‟ailleurs

étoffées au gré de l‟expérience et des informations recueillies lors de mes entretiens et qui m‟ont

permis d‟améliorer mes questions en les rendant plus pertinentes au fur et à mesure que mon terrain

avançait. Les exemples que vous trouverez ici en annexe9 ne sont donc que des schémas sommaires

qui servaient à guider mes entrevues ouvertes où beaucoup de liberté était laissée à l‟interlocuteur.

Puisque je souhaitais que mon travail ne soit pas dirigé par des idées préconçues mais bien par la

réalité du terrain, il était donc primordial de laisser à mes intervenants la latitude nécessaire pour

exprimer leurs point de vue sur l‟éducation publique.

Autres informations

Lecture des principaux quotidiens du pays et journal de bord

Afin d‟enrichir et de diversifier mes sources d‟informations, j‟ai aussi observé ce qui se disait sur le

monde de l‟éducation dans la société néo-zélandaise en général. Si j‟écoutais quelques fois par

semaine les bulletins télévisés, je me suis surtout concentrée sur la presse écrite, en m‟adonnant à la

lecture quotidienne des deux principaux journaux du pays, soit le Dominion Post et le New Zealand

Herald. J‟y ai d‟ailleurs trouvé bon nombre d‟articles concernant l‟éducation publique, et plus

précisément les réformes qui y ont cours. Pour compléter mes observations, j‟ai aussi rédigé un

journal de bord où je pris note de la progression de mon terrain au quotidien de même que des

événements connexes à ma recherches et autres commentaires, conversations à bâton rompu ou

9 Schémas d‟entretiens, voir Annexe E.

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réflexions qui pouvaient m‟êtres utiles. J‟y inscrivais aussi les détails verbaux et visuels à la suite de

mes entrevues (attitude, langage corporel, environnement physique, etc.) en plus de mes

impressions personnelles et nouvelles pistes qui sont parfois apparues à la lumière de ces

observations.

Kermesses et manifestation anti-standards

J‟ai assisté à deux school fairs, ces activités organisées une fois l‟an par les membres du comité

scolaire et qui consistent en une petite kermesse ouverte à tous et visant à amasser des fonds pour

l‟école. Le 20 mars, je me rendis donc à la Karori Primary School, de décile 8, et le 21 mars, à la

Seatoun School, école primaire de décile 10 située dans un quartier de bord de mer. Même si ces

activités se tenaient toutes deux dans des milieux favorisés, leur observation m‟a quand même

permis de constater comment de tels événements se déroulaient et d‟ainsi mieux comprendre de

quoi il s‟agissait lorsque mes interlocuteurs y faisait allusion. D‟autre part, puisque j‟avais suivi

avec attention dans l‟actualité la progression de la forte opposition que menait le NZEI à l‟égard de

l‟implantation des standards nationaux au niveau primaire, j‟ai cru bon d‟assister à la manifestation

organisée par cet organisme qui prit place devant le parlement à Wellington le 31 mars 2010. Cette

opération soulignait la fin de la tournée d‟information effectuée par des membres de ce syndicat

dans toute l‟Île du Nord et dont la dernière escale était la capitale. Plusieurs professeurs, directeurs

et parents assistèrent à cette manifestation durant laquelle des professionnels de l‟éducation prirent

la parole pour expliquer leur inquiétude face à l‟implantation des standards. Il est à noter qu‟aucun

élu du gouvernement au pouvoir et responsable de cette nouvelle mesure instaurée au primaire ne

prit la peine de venir s‟adresser à la foule.

Sites Internet de l‟OMC, de l‟OCDE, du ministère de l‟Éducation néo-zélandais, etc.

Afin de soutenir mes propos, surtout dans le chapitre 2 où je présente le contexte de la recherche qui

se situe au niveau des instances économiques internationales qui influencent les politiques de

l‟éducation adoptées par les nations, j‟ai abondamment recouru aux sites Internet de ces

organisations. Portails qui m‟ont amenée vers plusieurs rapports et autres documents qui m‟ont

permis de faire la démonstration des liens existant entre le dispositif mis en place par l‟OCDE en ce

qui concerne l‟éducation et dont les ambitions sont planétaires et la restructuration du système

d‟enseignement néo-zélandais. J‟ai aussi eu recours à de nombreux extraits tirés du site Internet du

ministère de l‟Éducation d‟Aotearoa, qui met en ligne ces règles, politiques, rapports divers de

même que le nouveau curriculum et toute l‟information qui l‟entoure. Ces informations me furent

extrêmement utiles pour vérifier, appuyer et mieux comprendre les dires de mes intervenants, mais

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aussi pour établir les nombreuses connexions existantes entre l‟évolution des politiques d‟éducation

nationales et les recommandations émisses par l‟OCDE et fortement appuyées par l‟OMC. Si ces

sources tirées de la toile sont les principales qui furent utilisées dans ce mémoire, plusieurs autres

me fournirent aussi une information de qualité qui éclaira à maintes reprises ma recherche.

Méthode d’analyse

La base des données utilisée dans cette recherche se présente en deux groupes : les données de

première main, soit les vingt-sept entrevues menées sur le terrain, ainsi que les données de sources

secondaires majoritairement recueillies sur les sites de l‟OCDE et du ministère de l‟Éducation néo-

zélandais. Si de leur côté les donnés tirées des sites de l‟OMC et de l‟OCDE servent à définir

comment le contexte de la mondialisation influence les réformes scolaires menées au niveau

national par le ministère de l‟Éducation, les commentaires des participants ont, quant à eux le

potentiel de nous éclairer sur les impacts que peuvent produire de tels changements sur la

perception qu‟entretiennent ces derniers face aux fonctions de l‟éducation publique.

Pour étudier mes entretiens mis sous forme de verbatim de même que les informations prélevées sur

les sites l‟OCDE et du ministère de l‟Éducation, j‟ai retenu l‟analyse de contenu, qui est l‟approche

la plus commune lorsqu‟il s‟agit d‟examiner des communications en sciences sociales. Elle se

présente comme « […] une technique permettant l‟examen méthodique, systématique, objectif et, à

l‟occasion, quantitatif, du contenu de certains textes en vue d‟en classer et d‟en interpréter les

éléments constitutifs qui ne sont pas totalement accessibles à une lecture naïve » (Robert et

Bouillaguet 1997 : 4). Cet examen systématique d‟un contenu écrit donne ainsi à atteindre un degré

de signification qui restait autrement opaque à la suite d‟une simple lecture sommaire. En

demeurant dans l‟approche qualitative, les données recueillies sur le terrain ont donc été traitées par

le biais d‟une analyse de contenu de type catégoriel thématique (Bardin 1993 : 251). Mes entrevues

furent donc dans un premier temps transcrites sous forme de verbatim pour ensuite être examinées

afin d‟en dégager les principaux thèmes par un processus inductif. Le contenu de l‟ensemble des

données fut analysé en respectant les quatre principales étapes de la méthode d‟analyse de contenu,

soit la préanalyse, la catégorisation, le codage et l‟interprétation (Robert et Bouillaguet 1997). Le

fait d‟avoir transcrit moi-même directement en anglais mes vingt-sept entrevues m‟a permis

d‟apprivoiser leur contenu dans le détail et a énormément facilité les quatre étapes de mon analyse.

La grille d‟analyse se trouve en annexe10

.

10 Grille d‟analyse, voir Annexe F.

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Récapitulation

Le cadre conceptuel qui a été présenté au début de ce chapitre concerne les trois fonctions de

l‟éducation qui structureront cette recherche, soit : la fonction économique, le maintien et la

légitimation des classes sociales et la fonction citoyenne. Celles-ci ont été retenues pour la grande

importance qu‟elles revêtent dans nos sociétés et pour le rôle capital qu‟elles jouent dans la

restructuration de l‟enseignement public actuellement en cours. Ces fonctions servent aussi d‟épine

dorsale à ce mémoire, qui se divise en trois parties : « Les fonctions de l‟éducation et la démarche

de recherche », « Reproduire et légitimer un ordre social » et « La nécessaire appartenance ». Si la

fonction économique forme le contexte qui englobe ce travail pour les raisons avancées plus haut,

les deux autres parties sont principalement orchestrées autour des fonctions de légitimation des

classes et citoyenne, au cœur desquelles le facteur économique demeure omniprésent.

D‟autre part, j‟ai décidé de donner d‟entrée de jeu des précisions sur la situation biculturelle de la

Nouvelle-Zélande puisque cette réalité assume un rôle indéniable sur le terrain et a donc un impact

sur la question de recherche. Question qui vise à saisir quels sont les propos tenus par les différents

acteurs du milieu de même que par les parents à l‟égard des fonctions de l‟éducation. Les

considérations méthodologiques qui nous éclairent sur le genre de recherche qui est ici menée de

même que la façon et l‟endroit où l‟information à été recueillie puis analysée fournissent les

éléments nécessaires pour comprendre le travail exposé dans les chapitres à venir. Mais la table

n‟est pas encore tout à fait mise, et pour bien saisir la teneur des propos avancés par les acteurs du

milieu de l‟enseignement de même que par les parents, encore faut-il comprendre dans quel

contexte s‟opèrent les changements actuels qui touchent si profondément le monde de l‟éducation

publique. C‟est ce que nous verrons dans le prochain chapitre, où il sera question du rôle des

grandes structures économiques dans les réformes de l‟enseignement.

Chapitre 2 : Contexte de la recherche, le diktat de l’économie

Introduction

L‟école publique est un produit de la société moderne et elle est de par sa nature universelle un des

piliers de la démocratie. Les idées et les perceptions des différentes fonctions qu‟on lui rattache sont

le fruit de l‟environnement dans laquelle elle évolue. La langue, la culture, le milieu social et

économique, géographique, de même que plusieurs aspects politiques et idéologiques viennent

influencer ces perspectives. En notre époque de mondialisation, plusieurs transformations

structurelles sont menées afin d‟adapter ce bien commun au marché. Dans les prochaines pages,

nous allons succinctement regarder l‟articulation qui existe entre la progression de la restructuration

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du système d‟enseignement néo-zélandais et les propositions émises par l‟OCDE. Organisme très

proche de l‟OMC, elle présente par des rapports et des recommandations des façons concrètes

d‟exécuter les engagements pris par les pays membres via les accords de l‟AGCS.

L‟Organisation (l‟OCDE) offre aux gouvernements un cadre leur permettant de

comparer leurs expériences en matière d‟action publique, de chercher des réponses à

des problèmes communs, d‟identifier les bonnes pratiques et de coordonner leurs

politiques nationales et internationales. Les échanges entre les pouvoirs publics des

pays membres s‟appuient sur les informations et les analyses fournies par le

Secrétariat de l‟Organisation, situé à Paris. Le Secrétariat collecte des données, suit

les tendances, mène des analyses et fournit des prévisions sur le développement

économique, les échanges, l‟environnement, l‟éducation, l‟agriculture, les

technologies, la fiscalité, etc. Au sein de l‟économie mondialisée actuelle,

l‟éducation représente un moteur de croissance et de développement. (OCDE 2010a)

Certains mécanismes tels la formation continue et les compétences clés, dont il sera ici question,

nous laissent entrevoir que ces réformes ne visent pas seulement les institutions, mais aussi les

populations. Changer le « comment » de l‟enseignement pour en venir à changer le « pourquoi »

apparaît comme le processus mis en œuvre par le système capitaliste afin de totaliser sa colonisation

de l‟enseignement public. Nous tenterons ainsi de comprendre cette démarche qui aspire à

réorienter les fonctions historiquement imputées à l‟éducation pour mieux servir le marché qui

souhaite des travailleurs/consommateurs plus efficaces, autonomes et flexibles et prêts à relever les

défis économiques du 21e siècle. Ce qui nous permettra de mieux saisir par la suite l‟impact que

peut avoir une semblable démarche sur le point de vue qu‟entretiennent parents, professeurs et

autres intervenants du milieu à l‟égard des différentes fonctions de l‟éducation publique.

Aujourd‟hui, même si l‟éducation demeure un domaine où les États peuvent encore

affirmer leur souveraineté, les politiques éducatives sont de plus en plus élaborées à

partir de travaux internationaux et mises en œuvre de façon concertée. Les

organismes économiques internationaux coordonnent l‟implantation des réformes,

quand elles ne les imposent pas carrément. […] Dans le cas des pays développés,

c‟est principalement l‟Organisation de coopération et de développement

économiques (OCDE) qui coordonne l‟implantation de politiques qui visent les

mêmes objectifs tout en favorisant le développement de « l‟industrie de

l‟éducation ». (Berthelot 2006 : 60)

Pour mieux saisir les idées qui orientent de semblables transformations, de même que les

mécanismes mis de l‟avant pour les concrétiser, il sera premièrement question du lien existant entre

l‟OCDE et l‟OMC, sous lequel sont orchestrés les accords de l‟AGCS.

OMC et OCDE

Si mon attention portera dans ce mémoire davantage sur l‟OCDE, qui opérationnalise grâce à une

panoplie de politiques proposées à ses pays membres la libéralisation des systèmes d‟enseignement

public, il est aussi essentiel de comprendre le rôle de l‟OMC dans cette course à la privatisation.

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L‟AGCS, ou GATS en anglais, est l‟outil légal mis de l‟avant par les intérêts multinationaux réunis

sous la bannière de l‟OMC qui vise la commercialisation de l‟ensemble des services en y appliquant

les mêmes disciplines que celles en vigueur pour les marchandises. C‟est un défi de taille que relève

l‟OMC, puisque les services ont une nature locale et immédiate, qu‟ils sont donnés et reçus de façon

simultanée et qu‟ils impliquent non pas des biens mais des personnes. L‟OMC n‟étant qu‟une

organisation strictement économique qui regroupe 153 pays de par le monde (OMC 2008), soit

l‟écrasante majorité des États actuels, elle n‟est donc aucunement outillée pour prendre en compte

les impacts sociaux que causent ces nouveaux échanges (Robertson et al. 2006 : 239). Ceci a

comme effet d‟évacuer les questions politiques et sociales de tous les domaines qui sont englobés

par cette logique qui tente de coloniser progressivement l‟ensemble des sphères de la vie, en ne

reconnaissant que les éléments propres aux marchés (Martens et Starke 2008 : 4). Sous la pression

des puissances néolibérales, on assiste depuis les années 1980 à un mouvement qui veut imposer

aux nations une idéologie essentiellement basée sur la réussite individuelle au détriment du bien

collectif, où la société telle qu‟on la connaît n‟a plus sa place (Lewis 2005 : 17). Des domaines aussi

vitaux que l‟agriculture, la santé, la culture de même que l‟éducation sont ainsi entraînés dans la

dynamique de la compétition mondiale, au détriment de la cohésion citoyenne et de la démocratie.

Car bien que les accords découlant de l‟Accord général sur le commerce des services aient de lourds

impacts sur la vie des citoyens, ils sont contractés loin du regard public, derrière des portes closes,

par des dirigeants de structures supranationales aucunement élus par le peuple. De plus, les

engagements pris dans le cadre de l‟AGCS sont définitifs puisqu‟une fois conclus, il devient

presqu‟impossible aux pays signataires de s‟en retirer (Robertson et al. 2006 : 233).

Le rôle de l‟OCDE est, bien que moins autoritaire, tout aussi primordial. Cette organisation a

comme principale fonction de faire des études auprès de ses pays membres afin de produire des

rapports qui servent par la suite à déterminer les politiques qui seront les plus à même de desservir

le marché global. Malgré ses vœux pieux, où l‟organisme se décrit comme étant aussi soucieux du

bien-être social que de la libéralisation des économies nationales, les approches qu‟il préconise

démontrent clairement que c‟est cette dernière préoccupation qui l‟emporte.

La mission de l‟Organisation de Coopération et de Développement Économiques

(OCDE) est de promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et

social partout dans le monde. […] Nous établissons des normes internationales dans

toutes sortes de domaines, […]. Nous comparons la façon dont les systèmes éducatifs

préparent les jeunes à la vie moderne et la façon dont les systèmes de retraite

protègeront les citoyens plus âgés. En nous appuyant sur les faits et l‟expérience

concrète, nous recommandons des politiques dont le but est d‟améliorer la vie de

l‟homme de la rue. (OCDE 2011)

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Il sera démontré tout au long de ce travail, et plus spécifiquement au cours de ce second chapitre qui

se penche sur le diktat qu‟opère l‟économie sur l‟éducation, que le souci fondamental de l‟OCDE

est de guider ses pays membres vers l‟ouverture de leur enseignement public à la libéralisation.

Comme nous le souligne l‟extrait suivant, les études produites par l‟OCDE aident l‟OMC à mener à

bien ses rondes de négociation qui visent à entraîner l‟ensemble des économies nationales dans la

compétition globale. Les deux institutions entretiennent ainsi d‟étroits rapports de collaboration en

vue de mener un travail coordonné et efficace au service de la mondialisation.

Le Secrétariat de l‟OMC entretient d‟étroites relations de travail avec le personnel du

Secrétariat de l‟OCDE. […] Les recherches et les études de l‟OCDE sont

régulièrement utilisées par le personnel du Secrétariat de l‟OMC pour s‟acquitter de

ses tâches (par exemple, pour rédiger les rapports d‟examen des politiques

commerciales). Très souvent, les travaux et les discussions menés à l‟OCDE ont

facilité la préparation des futures négociations à l‟OMC. (OMC 2011)

On pourrait ainsi considérer l‟OCDE comme l‟outil qui sert à donner le ton sur le terrain afin de

mettre en œuvre la manière la plus efficace de concrétiser les ententes économiques prises au

niveau de l‟OMC. Puisque les 34 pays membres de l‟OCDE, qui font tous partie du monde

occidental, représentent un échantillon beaucoup plus restreint et homogène que les 153 États

compris dans l‟OMC, ils semblent êtres un champ d‟essai tout indiqué pour donner l‟exemple en y

implantant les « bonnes politiques ». C‟est à tout le moins ce qui paraît se tramer dans le cas qui

nous intéresse puisqu‟on peut observer une étroite corrélation depuis la fin des années 1980 entre

l‟engagement de la Nouvelle-Zélande en matière d‟éducation dans les accords de l‟AGCS et les

recommandations de l‟OCDE dans ce même domaine. Il faut dire que ce petit pays s‟est lancé dans

l‟AGCS dès les premières rondes de négociation tenues en 1986, en même temps que quelques

autres gros joueurs anglo-saxons beaucoup plus puissants que lui (Fitzsimons et al. 1999 : 35).

L‟éducation, incontournable instrument de la promotion de l‟égalité sociale et du maintien de la

démocratie, fut l‟un des principaux domaines visés (Priestley et al. 2000 : 63 ; Martens et Starke

2008 : 16). Le gouvernement de l‟époque avait alors assuré à la population que de tels engagements

permettraient une plus grande mixité sociale grâce au dézonage des écoles, de même qu‟une

meilleure qualité de l‟enseignement via la concurrence entre établissements d‟enseignements

garantie par le libre choix des parents. On assista toutefois au phénomène contraire, comme nous le

prouve la littérature portant sur le sujet (Lauder et al. 1999 ; Openshaw 2003 ; Doerr, 2008 ;

Martens et Starke 2008).

La Nouvelle-Zélande, par son niveau d‟engagement envers les accords de l‟AGCS de même que

son empressement à répondre aux appels à la décentralisation émis par l‟OCDE, représente ainsi un

exemple de choix. Ce qui justifie cette courte introduction où il me semblait incontournable

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d‟exposer ce lien existant entre ces deux instances supranationales. Comme nous l‟avons vu plus

haut, l‟OMC étant une organisation strictement économique, elle n‟a ni le mandat ni les

infrastructures pour veiller à ce que les pays signataires opèrent les changements de la manière

jugée la plus souhaitable en vue d‟atteindre efficacement les buts escomptés. Dans cette situation,

l‟OCDE devient un outil fort utile pour concrétiser correctement les ambitions néolibérales et

élaborer la marche à suivre pour l‟ensemble des pays impliqués dans l‟AGCS. C‟est ainsi que les

recommandations de l‟OCDE servent, en accord avec les ententes signées avec l‟OMC, de base à la

réorientation de tout le système d‟éducation publique néo-zélandais vers la logique de l‟économie

de marché depuis les vingt dernières années. Voyons maintenant quels sont les principaux outils

mis de l‟avant par l‟OCDE afin de pleinement opérationnaliser la libéralisation de l‟enseignement

public en commençant par le concept du capital humain.

Capital humain

Le capital humain est une théorie dont les racines remontent à l‟économiste écossais Adam Smith,

mais il faut attendre le début des années 1960 pour qu‟elle prenne réellement de l‟importance dans

les milieux financiers (OCDE 2007a). Cette approche fonctionne par analogie avec celle du capital

économique ou physique, mais elle donne accès à une information beaucoup plus complète et

individualisée de la force de travail. L‟idée du capital humain rejette la prémisse de l‟homogénéité

du travail et concentre son attention sur les capacités individuelles et plus générales de la personne

afin que celles-ci soit aussi mises au service du marché. En s‟attardant de manière plus élargie au

développement des habilités de la main-d‟œuvre, l‟industrie doit aussi agrandir son champ

d‟intervention afin d‟obtenir un travailleur plus performant, plus complet. Conséquemment, une

telle approche a pour effet d‟incorporer de plus en plus d‟institutions publiques ou sociales, telle

que la famille et l‟école, sous le joug de la logique économique. Le travailleur disparaît alors peu à

peu en tant que catégorie fondamentale pour être absorbé par le marché comme nous le mentionnent

Bowles et Ginti dans leur ouvrage sur le capital humain. « Human capital theory is the most recent,

and perhaps ultimate step in the elimination of class as a central economic concept » (Bowles et

Gintis 1975 : 2). Si ce capital humain paraît à première vue n‟être qu‟une nouvelle appellation

remplaçant celle de la force de travail, il est bien plus insidieux que cette dernière car il atomise les

travailleurs en les cataloguant selon leurs capacités individuelles. Capacités qui entrent désormais

dans la ronde de l‟économie en tant que nouvelle ressource exploitable.

Typically, then, human capital is broadly defined as a combination of individuals‟

own innate talents and abilities and the skills and learning they acquire through

education and training. It is worth noting that the business world, which has eagerly

embraced the concept of human capital, tends to define it more narrowly as

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workforce skills and talents directly relevant to the success of a company or specific

industry. (OCDE 2007a)

Le capital humain est formé de trois éléments, soit les compétences, les expériences et les savoirs.

L‟accumulation de ce bagage représente l‟ensemble des ressources dont l‟individu dispose et qui

doivent être mises au profit de l‟employeur pour se concrétiser par un bénéfice financier, seul but

visé par le marché. Cette plus value que l‟individu façonne, via les habilités qu‟il développe dans

son quotidien de même que durant son parcours éducatif, devient l‟une des principales

préoccupations de l‟OCDE en ce qui a trait à la formation. Si le nombre d‟années passées sur les

bancs d‟école est un indicateur de ce capital humain, il est loin de répondre au souci de précision

que souhaite atteindre cette organisation. C‟est pourquoi l‟OCDE met sur pied PISA, un programme

international pour le suivi des compétences des élèves (OCDE 2007a). Comme nous le verrons, le

développement au niveau international et national d‟outils de mesure variés et multiples et toujours

plus performants permet déjà à l‟OCDE, dans l‟optique de la formation continue, de quantifier le

capital humain de chaque pays participant. La soif d‟information est cependant loin d‟être satisfaite

et laisse entendre qu‟il faudra recueillir bien davantage de données sur les futurs travailleurs pour

accroître l‟efficacité des marchés dans l‟avenir.

PISA et DeSeCo : Outils de mesures

Né des pressions des gros joueurs anglo-saxons fortement impliqués dans l‟AGCS, le projet PISA

vise à chiffrer le niveau d‟acquisition des compétences jugées les plus utiles au marché global à des

fins comparatives chez les élèves âgés de 15 ans dans l‟ensemble des pays de l‟OCDE. « La

création du PISA découle de pressions des États-Unis et de la Grande-Bretagne pour que soient

élaborées des mesures permettant de comparer les systèmes éducatifs. L‟UNESCO refusant de

s‟engager dans un tel processus, on se tourna donc vers l‟OCDE » (Berthelot 2006 : 85). PISA

(Programme international pour le suivi des acquis des élèves) orchestre son évaluation en différents

cycles. Le premier s‟est tenu en 2000 et se concentrait sur la compréhension de l‟écrit; le second, en

2003, portait sur la culture mathématique; en 2006, le troisième cycle du PISA se penchait sur la

culture scientifique; enfin, en 2009, pour le quatrième cycle, un retour sur la compréhension de

l‟écrit fut opéré (Gouvernement du Canada 2009). Pour ce faire PISA fait un prélèvement

d‟échantillon d‟étudiants pris au hasard afin de fournir une image plus juste de la force de travail de

chaque pays membre. Ce procédé, s‟il s‟avère utile pour comparer l‟efficacité à s‟adapter au marché

global des systèmes d‟éducation des différents pays, demeure toutefois trop général et imprécis pour

évaluer dans le détail le capital humain des États membres. L‟OCDE encourage donc les différentes

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nations à mettre elles-mêmes sur pied des tests plus détaillés pour éventuellement arriver à fournir

des données plus complètes qui parviendront à évaluer les sphères personnelles du futur travailleur.

The diverse elements that make up human capital – personal attributes, skills,

education, talents and even health – make it a difficult concept to measure accurately.

[…]. However useful, such tests (PISA) can only measure a limited range of skills

and competencies and are open to the drawbacks of any survey, such as inadequate

sample size. Such limitations only underline the difficulties inherent in measuring

human capital and the benefits of relying on multiple, rather than single, measures.

(OCDE 2007a)

Mais faut-il encore que ces évaluations portent sur des choses pertinentes, c‟est-à-dire utiles à la

mondialisation. Afin de s‟en assurer, l‟OCDE met sur pied DeSeCo qui a pour mission d‟élaborer

un cadre conceptuel permettant d‟identifier les compétences jugées comme étant les plus utiles au

développement du marché-monde. Mesure nécessaire puisque ce qui peut-être considéré comme

une compétence primordiale dans une nation donnée ne l‟est pas obligatoirement pour une autre.

Cette homogénéisation des compétences à acquérir permettra aussi de mieux comparer le capital

humain dont chaque contrée dispose, ne serait-ce que via les évaluations internationales de PISA, en

espérant que d‟autres tests plus détaillés viendront bientôt compléter les données. De plus,

l‟implantation de compétences quasi reconnues mondialement dans les systèmes de qualification

qui vont en s‟harmonisant dans de nombreux pays permet une meilleure équivalence des diplômes

et facilitera de fait la mobilité de la main-d‟œuvre. Afin d‟établir ces fameuses compétences,

DeSeCo a réuni plusieurs spécialistes qui ont déterminé des « valeurs » communes à l‟ensemble des

pays participants. Exclusivement créées pour favoriser le développement du libre marché global,

ces compétences semblent, comme il en sera question plus avant, difficilement réconciliables avec

le respect des différences culturelles, historiques et idéologiques des nations impliquées.

Combiné aux efforts de DeSeCo, PISA est plus qu‟un test purement académique cherchant à

évaluer les acquis des adolescents, il fait partie d‟un dispositif plus large dont il sera question dans

la prochaine section et qui porte en lui un potentiel d‟envahissement. En effet, on peut lire dans un

texte publié par l‟OCDE que les évaluations de PISA souhaitent aller au-delà des simples

compétences clés pour s‟intéresser de plus en plus à l‟être qui les détient. « […] l‟enquête PISA ne

se limite pas à évaluer les compétences spécifiques et transversales des élèves, elle se penche

également sur leur motivation d‟apprendre, leur perception d‟eux-mêmes et leurs stratégies

d‟apprentissage » (OCDE 2005a). Pour y arriver, l‟OCDE aura recours à un dispositif bicéphale,

orchestrant l‟ensemble des modifications apportées aux systèmes d‟enseignement dans l‟écrasante

majorité des pays industrialisés.

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Formation continue, compétences clés, dispositif bicéphale au service du marché

Les véritables enjeux en éducation du point de vue de l‟OCDE s‟articulent principalement en deux

volets d‟un même dispositif, soit la formation continue (lifelong learning) et les compétences clés

(key competencies). À la première est liée une approche individualisante, qui vise à adapter

l‟éducation reçue aux attentes et besoins particuliers de l‟étudiant. Cheminement qui sera suivi par

des examens et tests de tout genre en vue d‟être à même de mesurer avec plus de détails le capital

humain de chaque élève en évaluant les compétences qu‟il aura acquises. Compétences qui peuvent

s‟avérer évasives et difficilement chiffrables puisqu‟elles ne sont pas rattachées à des savoirs mais à

des tâches, ce qui a pour effet de réduire plusieurs programmes scolaires de par le monde à des

modèles d‟apprentissage sans contenu particulier, ce qui est d‟ailleurs le cas pour la Nouvelle-

Zélande.

The New Zealand Curriculum is expressed through Curriculum Statements in each

learning area which include detailed achievement aims by level. The Statements also

describe approaches to teaching and assessment. They do not specify the content of

instruction. The content of instruction is determined within the school, and the

process by which it is determined will vary. […] School leaders will be responsible

for the process and its outcome. (OCDE 2006)

Alliées à l‟approche de la formation continue, les compétences clés ont comme effet de faire

disparaître le contenu scolaire commun dans les écoles publiques. Cette diversification permet ainsi

d‟offrir aux parents encore plus de choix, puisqu‟ils peuvent dorénavant sélectionner l‟école de

leurs enfants à la faveur du curriculum qui leur convient davantage. Les connaissances communes

apprises via l‟enseignement public par la majorité des élèves d‟une nation et qui servent

historiquement à la coalition sociale sont par ce processus évacuées pour faire place à une multitude

de programmes élaborés en vue de séduire une certaine clientèle. Seules les compétences clés

déterminées par le marché demeurent universelles, mais leur cadre n‟est plus national. L‟éducation

se retrouve de fait de plus en plus déterminée au niveau global et échappe progressivement au

pouvoir des États, pour qui elle est pourtant depuis un siècle un de ces outil essentiels. Pour mieux

saisir l‟ampleur de ce transfert de pouvoir, nous allons maintenant nous arrêter dans le détail à ces

deux mécanismes qui sont au cœur de ce nouveau dispositif de contrôle dans lequel le

néolibéralisme tente d‟harnacher l‟éducation publique.

Formation continue (lifelong learner)

Mesurer et comptabiliser pour mieux servir l’économie-monde

Dans un marché de l‟emploi plus compétitif, ou relocalisation et flexibilité de la main-d‟œuvre font

déjà partie du commun des affaires, l‟individu doit se plier à la nouvelle situation et devenir

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davantage versatile, créatif et autonome. De plus, l‟arrivée incessante de nouvelles technologies le

pousse à continuellement poursuivre et parfaire sa formation s‟il veut demeurer performant. « […]

the evolution of the OECD economies and societies, in particular the advent of information

technologies, has made lifelong learning a key goal for education and training policy. Progress in

technology and international economic integration is rapidly changing the economic landscape and

putting an ever greater premium on the need to innovate, improve productivity and to adjust to

structural changes painlessly » (OCDE 2007b). Qualifications Systems : Bridges to Lifelong

Learning publié par l‟OCDE en 2007 et dont nous pouvons lire la présentation ci-haut a pour but

d‟aider les pays à mieux orienter la restructuration de leur système de qualification. Cette

publication s‟appuie d‟ailleurs sur une étude portant sur l‟expérience accumulée au cours des dix

dernières années dans quinze pays engagés sur la voie de la formation continue, dont la Nouvelle-

Zélande. Si ce premier extrait nous explique l‟importance d‟intensifier notre conversion à la

formation continue, le suivant nous dit que pour y arriver, les systèmes d‟évaluation doivent être

refaits, ce qui représente des changements colossaux pour les États.

Countries are now interested in developing broad systemic approaches to

qualifications. […] After reviewing the policies and practice in fifteen countries, the

authors present nine broad policy responses to the lifelong learning agenda that

countries have adopted and that relate directly to their national qualifications system.

They also identify twenty mechanisms, or concrete linkages, between national

qualifications systems and lifelong learning goals. The overall aim of this book is to

provide these mechanisms as a tool for governments to use in reviewing their policy

responses to lifelong learning. (OCDE 2007b)

Bien que le concept de la formation continue ne soit pas nouveau puisqu‟il a été introduit en

Nouvelle-Zélande par l‟UNESCO dès les années 1970, l‟approche reprise par l‟OCDE vingt ans

plus tard est, comme nous le verrons plus avant, bien différente de la précédente. Le gouvernement

néo-zélandais a tout de même répondu énergiquement à cette nouvelle politique qui vise à faire de

la formation continue le nouveau fer de lance de l‟économie des pays développés. Émise par

l‟OCDE en 1996, Lifelong Learning for All (OCDE 2007b) est dès 1997 suivie par la mise en œuvre

de changements structuraux du système de qualification d‟Aotearoa comme nous laisse voir cette

extrait pris sur le site Web de NZQA. « Late 1997, the New Zealand Government announced a

policy called „Achievement 2001‟, involving a complete overhaul of the secondary school

qualifications system. Under the new system, students would be assessed at three, or possibly four,

levels of the same qualification […] » (NZQA 2010a).

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Réforme du système de qualification, NZQA et NZCE

La formation continue, contrairement à ce que l‟on pourrait croire, ne concerne pas seulement les

gens sur le marché du travail qui cherchent à être plus performants, ou ceux qui veulent regagner

une situation après une mise à pied. Elle touche aussi la cohorte d‟âge scolaire puisque ce dispositif

vise à fournir des données comptabilisables en vue d‟évaluer avec toujours plus de détail le capital

humain dont dispose chaque pays et, progressivement, chaque individu, et ce idéalement tout au

long de leur vie active. Pour ce faire, les États doivent adapter leur façon d‟opérer et renoncer à

leurs anciennes méthodes d‟examen beaucoup trop limitatives. D‟autant plus que le remplacement

des connaissances par celui des compétences change énormément la façon dont on doit mesurer la

performance des étudiants, comme nous le démontre cet extrait de l‟histoire de NZQA (New

Zealand Qualifications Authority) pris sur le site Web de l‟organisme.

The National Qualifications Framework was based on „units of learning‟, a term that

evolved into „unit standards‟ with a standard format, and a National catalogue. This

shift to unit standards was seen as a key change to the existing qualifications system

and aimed to increase the responsiveness of the education system to industry needs

by focusing less on inputs, and more on learner competencies. NZQA maintained a

record of learning for all learners in a central computer database.[…]The record of

learning has since been changed to the Record of Achievement. (NZQA 2010a)

En vue de s‟ajuster aux exigences du marché-monde, la Nouvelle-Zélande entreprend donc à la fin

des années 1980, en même temps qu‟elle opère la décentralisation de l‟enseignement public, un

remaniement quasi total de son système de qualification.

In the 1980s, the political, economic and social reforms highlighted the need for

significant changes to the education sector, which was increasingly characterised

by : a lack of comparability in educational programmes, […] the recognition of the

skill and education levels needed to compete effectively in an international

marketplace. There was also a shift in attitude from „one qualification for life‟ to „a

common system of credit gained over a lifetime of learning‟. (NZQA 2010a)

C‟est dans cette foulée qu‟arrivèrent progressivement NZQA, NZQF et finalement NCEA, soient

les principales structures qui organisent dorénavant les qualifications nationales. Chapeautée par

NZQF (New Zealand Qualifications Framework), NCEA (National Certificate of Educational

Achievement), cette subdivision de NZQA (New Zealand Qualifications Authority), a comme rôle

de gérer les examens pour les trois dernières années du secondaire. NZQA a quant à elle la

responsabilité du système de qualification national de même que des fournisseurs de formation

indépendants, étrangers ou autres, de niveau non universitaire (NZQA 2010b). NZQA est aussi

responsable de la gestion de la banque de données ou Record of Learning (ROL) dans lequel doit

être conservé le cheminement détaillé de chaque personne (OCDE 2004).

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La réforme des qualifications menée par NCEA a pleinement pris son envol avec la concrétisation

complète des trois nouveaux niveaux de qualification introduits au secondaire en 2004. Soit les

niveaux 1, 2, et 3, qui sont en fait l‟équivalent des trois dernières années du secondaire : la 11e, la

12e et la 13

e années. « In 2003, New Zealand started progressively to implement a new national

assessment system for senior secondary students, coordinated by the New Zealand Qualifications

Authority. The National Certificate of Educational Achievement (NCEA) is a standards based

assessment system within the New Zealand Qualifications Framework » (OCDE 2006). On voit

aussi se dessiner le même scénario au niveau primaire avec l‟arrivée à la rentrée scolaire 2010 des

National Standards, dont il sera question plus avant. Les matières scolaires se fractionnent ainsi en

différentes compétences, que l‟on nomme ici standards, parmi lesquelles l‟étudiant de niveau

secondaire doit choisir et qui devraient le mener à l‟obtention d‟une certaine qualification s‟il en

accumule suffisamment, comme nous l‟explique Patrick travaillant pour NZQA.

But the NCEA specifically, which is about assessment, that‟s been around since

about 2004. […] And a particular subject such as mathematics or physics or English,

instead of being set as a discrete subject which is what students use to take in the old

system, now the individual subject areas are actually comprised of many, many

different standards. And so, if you take the subject English, you could take 5 or 6

different standards in English, and I as a student in the same year could take a

different combination of standards but still call them English. And the same with

every other subject. So when you take 5 or 6 standards, each standard is actually a

document, […] it‟s a document that specifies what a student should learn or be

capable of or be aware of. A skill a student should have in order to gain credit.

(Patrick)

Ces changements structuraux ne se font pas sans peine et sont loin d‟être gratuits, même si leur

efficacité reste à prouver. Efficacité qui se veut de toute manière exclusivement soumise au service

de l‟économie.

Restructurer les systèmes de qualification pour favoriser la formation continue

L‟acquisition de compétences qui mènent normalement à un certain standard d‟habilité et

permettent théoriquement de mieux mesurer le capital humain ne se comptabilise pas aisément. Car

comme nous le souligne Patrick, un élève peut pour chaque sujet sélectionné devoir se soumettre à

cinq, voir à dix standards différents, ce qui fait seulement pour les étudiants des trois derniers

niveaux du secondaire deux millions de notes! Cela représente évidemment beaucoup plus de

travail que l‟ancien système, non seulement pour des structures telles que NZQA et NCEA

d‟ailleurs établies à cet effet, mais aussi pour les professeurs puisqu‟un très grand nombre de ces

tests sont faits à l‟interne. NZQA emploie actuellement à elle seule environ 300 personnes, ce qui

représente une importante cohorte de fonctionnaires pour un pays de quatre millions d‟habitants.

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Selon Patrick, ils fournissent toutefois à peine à remplir cette tâche titanesque tant les données sont

devenues volumineuses!

Yes, it is a headache, it‟s a major logistics exercise. […] I‟m going to give you round

numbers here, something like 55,000 level 1 students and something like 45,000 or

50,000 level 2 students, and something like 35,000 or 40,000 level 3 students all

taking different subjects. You might think that you‟d get a few hundred thousand

grades, you don‟t, you get something like 2 million grades, because each student is

taking so many different standards. Not just a single mark for English, but there‟s a

grade awarded for every standard taken in English, and another grade awarded for

every one of 7 or 8 or 10 standards awarded in maths, or any of these other subjects.

So it‟s a lot more work, and a lot more administration. (Patrick)

Cette réorganisation des qualifications est donc coûteuse pour les États puisqu‟elle est opérée au

dépend des citoyens qui en paient doublement la note. Monétairement mais aussi socialement, car

ces nouvelles façons de faire semblent lancées de manière expérimentale sans trop savoir quels en

seront les impacts sur le long terme pour les millions d‟enfants à travers le monde qui en sont

depuis près d‟une décennie les cobayes. Compartimentation et découpage des matières de bases par

standards à atteindre et abolition de certaines matières jugées inutiles par le marché, l‟éducation

publique subit déjà fortement les assauts du néolibéralisme. Mais restructurer le système ne paraît

pas suffisant et un changement beaucoup plus profond est souhaité par les tenants du marché global.

If countries are to see lifelong learning develop further, then everyone‟s pattern of

behaviour needs to change – individuals, employers, and the providers of learning

and qualifications. Changing qualification systems may play a role in the process of

changing behaviour. But we need to know what factors might influence behaviour,

and to look at the barriers to lifelong learning faced by individuals, employers and

those providing qualifications and learning. (OCDE 2007a)

Employeurs, pourvoyeurs de qualifications autant publiques que privées et surtout étudiants, tous

doivent s‟adapter à la formation continue et aux nouvelles méthodes de qualification qui pourront

progressivement mesurer l‟ensemble des capacités de chacun. C‟est en fait leur attitude, leur façon

d‟agir qu‟il faut changer. Le travailleur de demain doit désormais comprendre que sa réalité n‟est

plus la même, qu‟elle est progressivement transformée par la mondialisation des marchés que ses

tenants disent irrévocable et qu‟il se doit donc d‟accepter.

Pour l‟OCDE, certaines approches de diplomation favorisent la formation continue, mais selon cet

organisme, il est nécessaire d‟aller plus loin et de dégager quels aspects de ces systèmes

fonctionnent le mieux pour « enable governments to fine-tune their qualifications systems and

policies » (OCDE 2007a). Ce souci du détail exige par contre plus de données, ce qui mène, comme

Patrick nous l‟a décrit plus haut, à beaucoup plus de travail. Car qui dit plus de données dit plus de

tests, d‟examens, de rapports, de comptes rendus, de mesures et de surveillances de toute sorte.

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Cette nouvelle façon de faire peut ainsi éventuellement mener à la surévaluation des élèves et au

surmenage des professeurs en laissant de moins en moins de temps pour enseigner, comme le

craignent déjà plusieurs d‟entre eux. Sans parler des importantes ressources qui doivent être

déployées pour comptabiliser le tout. Mais qu‟à cela ne tienne, il faut tout traduire en chiffre pour

pouvoir calculer la progression de la formation continue de chaque pays afin qu‟ils puissent ajuster

leurs politiques et devenir plus compétitifs dans la nouvelle économie du savoir.

[…] if qualifications systems are to be effective in delivering lifelong learning we

need more evidence about what works and what does not. And for that we need to

develop ways to measure the lifelong learning results of different aspects of

qualifications systems, and to compare the results of these measurements. Experience

suggests that the relationship between different aspects of qualifications systems is

also important in determining how far they translate into lifelong learning results, but

again we need to develop methods and measures to provide concrete evidence to

enable governments to fine-tune their qualifications systems and policies. (OCDE

2007a)

Implication de l’entreprise privée dans la restructuration des diplômes

Les réformes des systèmes de qualification néo-zélandais vont de l‟avant malgré l‟impopularité

qu‟elles récoltent, comme ce fut le cas lors de l‟établissement des évaluations par standards au

secondaire. « The new qualification has been the subject of substantial debate among

educationalists, students and parents. There were some widespread concerns about implementation

of a standards based assessment system but these appear to be reducing as NCEA becomes

embedded » (OCDE 2006). Si la grogne populaire paraît s‟être calmée selon l‟OCDE à la suite de

cette première implantation des standards, la même opération qui est tentée depuis 2010 au primaire

engendre un mécontentement qui semble pour sa part ne point s‟essouffler comme nous le verrons

au chapitre 6. L‟État néo-zélandais, précurseur dans l‟adoption des restructurations, a déjà depuis un

moment, sans égards aux opposants, aménagé une place de plus en plus importante pour l‟entreprise

privée dans le système scolaire public. Les employeurs, en vue d‟obtenir des travailleurs mieux

équipés pour répondre à leurs besoins, ont été invités par le gouvernement à déterminer eux-mêmes

les standards à atteindre et les qualifications sur lesquelles ils débouchent, comme nous en témoigne

Nick, employé à NZQA.

There are about, I think, somewhere between 1,500 and 1,700 qualifications

registered on the framework, and it excludes university qualifications. Those are

designed by industry groups, so they have a strong input into the development of the

standards. For instance, the Hotel and Catering standards will be developed by

people in the industry and they will be submitted to the authority for registration. So

many of the standards and qualifications are industry-designed. Under those

circumstances you will expect them to meet the employer‟s needs! […] And some

[employers] are more interested in the market and their profits, than in the quality of

what‟s there to learn. (Nick)

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Durant mon séjour, il a d‟ailleurs souvent été question dans les journaux de certains établissements

où les standards n‟étaient pas à la hauteur des normes dictées par NZQA. De plus, le grands nombre

de qualifications existantes et la complexité du système de standards rendent le tout opaque, autant

pour les étudiants que pour les employeurs qui ont du mal à s‟y retrouver, comme nous le

mentionne un représentant du secteur privé. « I am an office manager, not an education policy-

maker! (rire) […] I find NZQA very difficult. You know it‟s not something which is easy as an

employer to look at and understand whether or not that person is going to be any good, or have the

skills we need » (Andrew). Nick adhère à ce point de vue, car malgré le fait qu‟ils aient fortement

participé et parfois complètement décidé des compétences requises et des standards à atteindre pour

y arriver, les employeurs comprennent mal ce système trop complexe. « The employers back in

1991 were asking for standards-based qualifications and it would be a big exaggeration to say that

all employers understand the qualifications which come out now » (Nick).

Standards, cul-de-sac pour les Maori et les élèves issus des îles du Pacifique

Professeurs et parents sont d‟après le ministère de l‟Éducation les mieux placés pour guider les

étudiants du niveau secondaire lorsque vient le temps de sélectionner les standards qui les mèneront

à l‟obtention des qualifications de leurs choix. Mais dans la réalité, ce processus connaît bien des

ratés qui conduisent certains élèves à un cul-de-sac académique lorsque ceux-ci ne reçoivent pas

l‟aide nécessaire. Le système de standards étant complexe, peu de parents, même éduqués, sont en

mesure de soutenir leurs enfants quand vient le temps de faire leur choix et lors de mes entrevues,

aucun d‟entre eux n‟était d‟ailleurs au courant de leur fonctionnement. Selon Nick, le problème

trouverait son origine dans le manque de soutien, qui était pourtant prévu lorsque la réforme fut

lancée mais qui semble avoir été victime d‟un sous-financement aux conséquences désastreuses.

In the early days of the qualifications framework it was recognised that guidance was

going to be a really important part of the framework, for what standards students

should take. It was not as well-resourced as I think it should have been and the lesson

has been learnt I think the hard way. For instance, we found some years ago that a

number of students could not get university entrance because the school had put them

in a particular set of standards they thought suitable for them, but those were not

standards which lead to university entrance. (Nick)

Problème substantiel, d‟autant plus que d‟après Patrick, l‟aide que les élèves reçoivent pour bien

choisir leurs standards dépend surtout du milieu économique de l‟établissement où ils étudient.

« But in a top-decile 10 school, you can imagine that the teachers want their students to do well and

to get into the university subjects of their choice, and so typically you‟re employing good teachers

who know their subject area and can provide the courses and the standards that are necessary to get

into law and medicine and engineering and so forth » (Patrick). De plus, mal conseillés et non

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informés sur les conséquences de leurs choix, les Maori et les jeunes issus des îles du Pacifique

optent davantage pour les standards qui sont orientés vers une formation pratique et qui ne

permettent pas d‟accéder aux études supérieures. Directement évaluée par l‟établissement qui les

enseigne, la poursuite de tels standards écarte trop souvent ces jeunes issus des classes les plus

défavorisées de nombreux champs d‟études.

But there are other standards, called “unit standards”, and many of these are

internally-assessed, and although the subject is the same, they‟re more vocational in

nature and more applied and less theoretical, […] a lot of Maori and Pacifica students

are taking these combinations of courses, usually involving larger numbers of

internally-assessed standards, which actually won‟t allow them to progress. They

might finish secondary school but then find that they can‟t get into the subject areas

that they‟d like to in tertiary. Certainly they might find that they can‟t get into

medicine, or couldn‟t get into engineering, or couldn‟t get into law […]. (Patrick)

La performance académique des élèves Maori et de ceux des îles du Pacifique étant nettement

inférieure à celle du reste des étudiants du pays, elle représente un problème économique pour le

futur et doit donc être, selon l‟OCDE, corrigée le plus rapidement possible (OCDE 2006). C‟est

pour répondre à cette directive que le gouvernement néo-zélandais exigea de ses spécialistes lors de

l‟élaboration des standards que ceux-ci les construisent pour permettre à un plus grand nombre

d‟étudiants issus de ces groupes d‟atteindre un certain niveau de qualification. « […] and we made

what I consider to be an error on focussing those standards more toward the lower decil than the

upper decil schools. That was a political decision that the authorities were required to follow, but it

had a number of unfortunate consequences further down the track… » (Nick). Ces standards qui

devaient théoriquement aider à améliorer les résultats scolaires des Maori et autres Polynésiens

concentrés dans les établissement de bas déciles11

ont plutôt amené plusieurs d‟entre eux vers un

cul-de-sac, ou les ont tout au moins cantonnés dans un cheminement académique peu prometteur.

Hélas, en plus d‟un manque de ressources pour conseiller les adolescents, plusieurs de ces écoles

secondaires situées en milieux moins bien nantis n‟offrent même pas l‟ensemble des standards et se

concentrent plutôt, dans la logique de la formation continue, sur ceux qui correspondent à leur

« clientèle ».

Même si le problème d‟échec scolaire chez les Maori est connu par l‟État depuis des lustres et

relevé par la Currie Commission dès 1962 (Ewing et Shallcrass 1970 : 78), c‟est une donnée

nouvelle pour l‟OCDE qui incite le pays à y remédier. Peu éduqués et occupant souvent des emplois

mal rémunérés, Maori et autres Polynésiens représentent un handicap dans la nouvelle économie du

savoir. De plus, leur augmentation démographique toujours croissante (Statistics New Zealand

11 Répartition ethnique selon les déciles pour l‟ensemble du pays, voir Annexe H.

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2010b : 1) risque de mettre davantage de pression sur l‟État dans le cadre de la mondialisation qui

entraîne inéluctablement les emplois manuels vers les pays en voie de développement.

There is a tendency to value lifelong learning because of the potential economic

return from developing human capital so that New Zealand can be transformed into a

modern „knowledge society‟.[…] One concern in New Zealand is over how the „tail‟

of educational achievement can be improved. The best achievers in New Zealand are

equal to the best in the world, but the large number of low achievers is a problem.

(OCDE 2004)

Pourtant, comme nous le constatons ici et comme nous en aurons d‟autres exemples plus avant,

l‟ensemble des politiques conseillées par l‟OCDE et adoptées par la Nouvelle-Zélande

désavantagent inéluctablement ces deux groupes tout en donnant une longueur d‟avance aux classes

moyennes et dominantes.

La nouvelle économie du savoir

Il fut une époque où l‟Occident avait besoin de travailleurs peu spécialisés qui pouvaient pour un

faible coût se charger de la production de biens qui assurait alors l‟expansion économique et la

richesse de l‟État, mais il en va aujourd‟hui bien différemment. L‟idée de l‟économie du savoir

avance que dans un marché toujours plus planétaire, il est normal que la grande majorité des

emplois manuels soient relocalisés dans des contrées qui disposent d‟une grande force de travail

bon marché, par exemple, l‟Inde ou la Chine. Il revient donc aux nations industrialisées de se

tourner vers une économie qui exige des travailleurs beaucoup plus formés, qui seront capables de

se servir efficacement des nouvelles technologies. Technologies qui ont connu un progrès effréné

depuis la fin de la dernière guerre mondiale et dont le domaine de la communication a sans doute

été celui qui a subi les avancées les plus déterminantes. Afin de s‟ajuster à cette nouvelle réalité, les

individus doivent maîtriser les outils de communications tels Internet, BlackBerry, Skype et bien

d‟autres de façon efficace pour être le plus rentable possible (OCDE 2001). L‟OCDE, par

l‟entremise de son Centre de recherche et d‟innovation en éducation, lança d‟ailleurs en 2007 le

projet New Millennium Learners (NML). Le voici tel que décrit par ses promoteurs :

The concept of New Millennium Learners suggests that technology uptake,

particularly by younger generations, has an effect on the way people build their

identities, communicate socially, and manage information and knowledge. However,

the fact that young people are increasingly attached to and knowledgeable in terms of

technology does not necessarily mean that they develop by themselves the range of

skills and competencies that a knowledge economy requires. These so-called 21st

Century Competencies, […] cover the range of skills and competencies that young

people will be required to have in order to be effective workers and responsible

citizens in the knowledge society of the 21st century. (NML 2009)

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Ce n‟est pas tout que la jeune génération soit en mesure d‟utiliser la nouvelle technologie, encore

faut-il que son savoir serve l‟économie. Pour y arriver, l‟OCDE recommande qu‟une place de plus

en plus grande soit faite en classe aux nouvelles technologies afin que les élèves y développent les

compétences clés utiles au marché. Dans la logique de la formation continue, l‟apprentissage ne doit

cependant pas se limiter à l‟école, il faut qu‟il se poursuive toute la vie durant. Car pour demeurer à

la fine pointe et mieux servir son employeur, le travailleur doit désormais être capable de s‟adapter

aux continuels changements technologiques. Débrouillards, indépendants et efficaces, voilà les

employés que souhaite l‟industrie. Bien qu‟il faille convaincre la population de la justesse d‟une

telle réorientation, la rhétorique officielle se veut rassurante et rassembleuse. Ces idées paraissent

d‟ailleurs être bien reçues par plusieurs personnes impliquées dans le domaine de l‟éducation,

comme l‟illustre les commentaires de Barbara et Elisabeth, toutes deux directrices d‟école primaire.

So that‟s the aim of the school, « where everybody is somebody ». And school

strategy is for children to get a passion for learning for life. Our main whole object is

to teach children how to learn, so when they leave us, or when they are out in the

community they learn how to ask questions, and how to learn so it‟s ongoing true

life. […] They become independent. And we do a lot of things on computer, we don‟t

have any idea in the 21st century what children need to know, but we can teach them

to learn, then they will be able to access what they need to know. So that‟s the whole

idea about it. (Barbara)

Elisabeth a pour sa part été étroitement impliquée dans le développement du nouveau curriculum

puisqu‟elle a fait partie de l‟équipe responsable de l‟élaboration des compétences clés au ministère

de l‟Éducation avant d‟occuper son poste de directrice. Elle partage l‟approche de Barbara de

manière très similaire, puisque l‟idée d‟apprendre comment apprendre, directement issue du

concept de la formation continue, est au cœur des réformes et donc fortement encouragée par les

instances gouvernementales.

One of the things we talk about when we were writing the curriculum document is

that… For the majority of the children here today, the jobs that they will apply for

once they leave university, a lot of those jobs haven‟t actually be invented yet

because technology is changing so much and society is changing so fast, so how do

you prepare them? You prepare them knowing how to learn. Content is very

important, but ability to learn, adapt and change is more important. So I think that‟s

the key focus. (Elisabeth)

Apprendre aux enfants à apprendre par eux-mêmes, à devenir autonomes et capables de se servir

des nouvelles technologies afin d‟être prêts à affronter les défis que réserve le future et dont nous

ignorons encore les possibilités, voilà de beaux concepts qui trouvent facilement écho dans le

milieu de l‟enseignement. Il est pourtant légitime de se demander si l‟économie du savoir pourra

tenir ses promesses de meilleurs débouchés et de salaires plus avantageux pour ceux qui accepteront

de continuellement se former. Bien que la majorité des citoyens puissent théoriquement atteindre un

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certain niveau de qualification, il est douteux que tous y accèdent dans la réalité. Et même si ce

projet s‟avérait réalisable, il serait naïf de croire que des pays tels l‟Inde et la Chine se tiendront à

l‟écart de ce marché lucratif pour lequel ils sont d‟ailleurs déjà en compétition et où ils peuvent

fournir une main-d‟œuvre qualifiée pour une fraction du salaire versé à un Occidental détenant une

formation et une expérience égale. Néanmoins, face à une situation économique devenue toujours

plus précaire pour les jeunes néo-zélandais au cours des vingt dernières années, plusieurs d‟entre

eux décident de poursuivre leur scolarité. Toutefois, une étude de Statistics New Zealand parue en

mai 2010 et portant sur l‟évolution de la situation des jeunes adultes entre 1986 et 2006 en dit long

sur la réalité des 18 à 24 ans de ce pays. Même s‟ils étudient plus longtemps, les jeunes adultes

gagnent moins cher qu‟il y a vingt ans et ils ont aussi plus de chance d‟avoir un emploi à temps

partiel qu‟auparavant (Statistics New Zealand 2010c).

Avec de tels résultats, il est à craindre qu‟il faille bien plus que les vœux pieux de l‟économie du

savoir pour mettre à l‟abri les populations des pays développés qui se trouvent toujours plus

vulnérables face à un marché de l‟emploi qui se mondialise. Ce semble pourtant être là le principal

plan mis de l‟avant par la Nouvelle-Zélande pour adapter sa main-d‟œuvre au marché global. « A

high performing education system is essential to the Government‟s broad goal of creating a society

where all New Zealanders have the opportunity to succeed. In particular, a high performing system

will ensure that New Zealanders have the skills that employers demand, leading to successful, well-

paying jobs and a better quality of life for individuals and families » (Ministry of Education 2010a).

La formation continue, un concept dénaturé

Toutefois, malgré la présentation que nous en fait l‟OCDE, la formation continue est loin d‟être une

idée nouvelle et apprendre tout au long de sa vie tout en tenant compte des savoirs acquis dans le

quotidien n‟est aucunement une approche étrangère au domaine de l‟enseignement puisque dès les

années 20, des pionniers tels Basil Yeaxlee et Eduard Lindeman avancent l‟idée que l‟éducation

doit déborder les limites de l‟école pour faire partie de la vie de tous les jours (Smith 2001). Cette

démarche prit de la visibilité en 1970 lorsque l‟UNESCO en fit un de ses chevaux de bataille (Faure

1972 : 182), soutenue par le rapport le plus connu sur le sujet, soit celui préparé par Edgar Faure et

ses collègues en 1972. Tout au long des années 1970, l‟UNESCO peaufine sa méthode, qu‟elle

nomme Learning To Be et qui défend une perspective plus ouverte et moins institutionnalisée de

l‟apprentissage (Smith 2001), tandis que l‟OCDE avance celle du Recurent Education, où la

formation continue sert exclusivement à soutenir le marché. Cependant, l‟OCDE décide en 1996 de

faire de la formation continue un pilier du développement économique mondial, abandonnant ainsi

son approche de Recurent Education pour celle de l‟UNESCO. Il est toutefois à propos de noter que

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ce changement correspond davantage à l‟accaparation d‟un terme qu‟à une réorientation

idéologique, comme l‟illustre monsieur Bosheir, co-auteur d‟un important ouvrage portant sur les

impacts de la formation continue.

The OECD renunciation of recurrent educational in favor of lifelong learning was

nothing less than stunning. The OECD blueprint was fuelled by concern about the

global economy, workplace and individual learning. In the OECD work there was

barely a hint of democratic vision proposed by Learning To Be and not much that

will help developing countries. Faure had a collectivist and anarchist-utopian vision,

wanted to legitimize learning in non-formal settings and increase respect for organic

intellectuals and learning from life. OECD ministers foregrounded school and school

like-settings. Secondly, their version of lifelong education is firmly wedded to the

world of work, competition and exigencies of global competitiveness. Thirdly, the

discussion on partners contains a threat to erode public education. […] If the desire

to secure partners for lifelong learning had emanated from Faure an emancipatory

perspective could be assumed. But when issuing from OECD ministers it means

abandoning what have been state responsibilities to those of the free market. (Bosheir

1998 : 15)

La façon dont est de nos jours considérée la formation continue dans la société apparaît comme un

étrange amalgame des idées avancées par Faure et celles de l‟OCDE. Ce qui n‟est pas sans servir

cette dernière puisque plusieurs personnes perçoivent toujours la formation continue comme elle a

été tout d‟abord introduite par l‟UNESCO. Le gouvernement travailliste élu en Nouvelle-Zélande

en 1972 avait d‟ailleurs répondu favorablement à cette nouvelle approche en décidant de rendre

l‟éducation plus accessible à tous, et ce tout au long de la vie active des citoyens (Law 1998 : 170).

L‟emphase mise par Faure sur l‟importance de répondre aux besoins particuliers et de s‟ajuster au

rythme de chaque individu dans la formation continue a servie de pont à l‟OCDE pour opérer une

transition vers une éducation qui relève de moins en moins de l‟exercice collectif et davantage d‟un

processus personnel, voir individuel. Approche dont s‟inspire désormais le ministère de l‟Éducation

néo-zélandais avec le nouveau curriculum qui laisse la liberté aux écoles, grâce à l‟implantation des

compétences, de déterminer le contenu scolaire qui sera le mieux adapté à leurs élèves/clients,

comme nous en témoigne John. « So that‟s very much a school responsibility to develop a

curriculum because how can someone like me in Wellington know what someone in Auckland

needs there in their school? I don‟t know those children, I don‟t know that community. We know

nationally what direction we want education to go, but we certainly don‟t know the details of the

individual learning needs » (John).

Ce glissement renforcé par le gouvernement de droite actuellement au pouvoir semble déjà intégré

dans bon nombre d‟établissements scolaires, comme l‟illustrent les propos d‟Alice, directrice d‟une

école primaire. « Students are at the heart of everything we do and it‟s trying to encourage them to

become a full person in every aspect of what it might be : values, key competencies, what you feel

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inside… as well as everything in the curriculum. And it‟s trying to get the best potential for each

and every child individually, not collectively, individually » (Alice). Cette démarche personnalisée

dans laquelle chacun devrait avoir accès à une formation à sa portée et tenant compte de ses besoins

et de ses particularités se transforme sous l‟influence de l‟OCDE en un droit de choisir le produit

éducatif qui répond le plus à ses désirs. C‟est donc la loi de l‟offre et de la demande qui s‟immisce

grâce au concept dénaturé de la formation continue, secondée par l‟implantation des compétences

clés qui, en vidant de son contenu le curriculum national, ouvre la porte à la variété qui encourage la

compétition. Car pour faire entrer l‟éducation dans le marché, il faut faire miroiter la liberté

qu‟apporte le choix, privilège réservé au consommateur et non pas à l‟ensemble des citoyens. On

n‟enseigne de fait de moins en moins à une classe et de plus en plus à un groupe d‟individus qui ont

des caractères, des attentes et des buts particuliers auxquels l‟école s‟applique à répondre pour

conserver sa clientèle. Façon de faire qui paraît assez bien reçue par bon nombre de parents et

d‟intervenants du milieu, probablement aidée par la perception altérée de l‟UNESCO. Mais

certains, comme Nadia, demeurent néanmoins sceptiques.

I think the government sometimes, they‟re just changing things for the sake of

changing. It‟s a lot of things going on at the moment; the latest thing is they want the

parents to speak to the teacher and tell them what they want for their children. They

want the parents to think about their children‟s character, anything in their character

that the teacher should know about, and what the parents desire for their children this

year in primary school. […] But basically I don‟t think it has that much worth in it

and it puts more pressure on the teacher. (Nadia)

Les compétences clés (key competencies)

L‟apprentissage de connaissances telles la table de multiplication, le nom des continents ou des

principales capitales du monde, les rudiments de la géométrie comme le théorème de Pythagore,

etc., est aujourd‟hui remplacé par l‟apprentissage des compétences. Celles-ci n‟ont pas comme but

d‟inculquer aux élèves les notions de base sur lesquelles ils pourront construire un savoir plus

complexe puisqu‟elles sont purement orientées vers les besoins immédiats des employeurs.

Les entreprises investissent l‟éducation et dans l‟éducation. Elles pèsent sur la

mission de l‟éducation. Et prônent une vision utilitariste centrée sur la “production

d‟un capitale humain” utile dans le jeu de la compétition mondiale. Elles cherchent à

intervenir sur les contenus, sur l‟offre de formation et tentent d‟ouvrir une brèche

dans ce dernier bastion de la puissance publique en “exploitant” de nouveaux

marchés. (Berthelot 2006 : 60)

Développer les capacités et les valeurs qui sauront optimiser l‟efficacité du travailleur du 21e siècle

est au cœur des préoccupations des oligarques. Il ne s‟agit plus ici d‟accomplir son métier de

manière professionnelle et diligente, il faut dorénavant aller plus loin et incorporer dans tous les

aspects de son existence les éléments utiles au marché afin de gouverner sa personne et même sa vie

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tout entière en fonction de servir l‟économie globale. L‟implantation des compétences clés dans

l‟ensemble des programmes scolaires de ses pays membres est ainsi devenue un impératif pour

l‟OCDE, fortement poussé par ses partenaires néolibéraux.

To date, the major impetus in OECD countries for efforts in the area of key

competencies has come from the business sector and from employers. From a purely

economic viewpoint, competencies of individuals are seen as important because they

contribute to : boosting productivity and market competitiveness; minimizing

unemployment through developing an adaptive and qualified labor force; and

creating an environment for innovation in a world dominated by global competition.

(OCDE 2010b)

Si DeSeCo est un programme qui porte sur la définition et la sélection des compétences clés, son

mandat va plus loin car il doit aussi fournir un cadre conceptuel pour orienter le développement à

long terme des évaluations et de l‟exploration des nouveaux domaines de compétences. Cela afin

d‟obtenir une plus grande cohésion de la formation dans l‟ensemble des pays membres. Pour s‟y

retrouver, DeSeCo a procédé au classement des compétences clés dans trois grandes catégories qui

se retrouvent au cœur du nouveau programme scolaire public néo-zélandais en vigueur depuis 2007

et officiellement lancé en février 2010 pour les enfants du primaire. Comme en témoigne Elisabeth,

c‟est désormais autour de ces compétences que s‟articule tout l‟apprentissage qui est acquis en

classe. « And here are the key competencies, these are the mains areas that everybody needs to be

able to do successfully in order to do anything, no matter what task it is, if you know how to think,

how to use language, how to manage yourself, how to interact with others, you will be successful.

So these things need to be integrated in every school programme » (Elisabeth). La formation

continue et les compétences clés forment désormais l‟essentiel du curriculum national afin de mieux

répondre aux demandes d‟un marché du travail toujours plus complexe et de préparer les jeunes à la

société multiculturelle et à la communauté globale qui les attend!

Our population has become increasingly diverse, technologies are more

sophisticated, and the demands of the workplace are more complex. Our education

system must respond to these and the other challenges of our times. For this reason, a

review of the curriculum was undertaken in the years 2000–02. […] It defines five

key competencies that are critical to sustained learning and effective participation in

society and that underline the emphasis on lifelong learning.[…] to encourage

students to participate more actively in New Zealand‟s diverse, multicultural society

and in the global community. (New Zealand Curriculum Online 2007a)

La première catégorie de compétences établie par DeSeCo nous rappelle les grandes lignes de

l‟économie du savoir et veut que les individus puissent se servir d‟outils de manière interactive et

efficace, tels le langage et la communication écrite via les technologies de communication, Internet

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et autres. Cela se traduit dans le nouveau curriculum néo-zélandais12

par les deux compétences

suivantes : « Thinking » et « Using language, symbols, and text ». En deuxième lieu, en ces temps

de mondialisation, de mouvement de population et de mobilité de la main-d‟œuvre, l‟OCDE

souhaite que les individus soient en mesure d‟interagir avec autrui nonobstant la culture ou le

groupe ethnique de leur interlocuteur. On retrouve donc les deux champs de compétences

suivants dans les priorités du nouveau programme : « Relation to others » et « Participating and

contributing. ». Troisièmement, le travailleur de demain doit pouvoir prendre des responsabilités

pour gérer sa vie, se situer dans un contexte social plus vaste et agir de façon autonome (OCDE

2005a), ce que les fonctionnaires du ministère de l‟Éducation ont résumé par « Managing self »13

.

Dans le schème de pensée néolibéral, l‟individu est seul responsable de son existence. Comme nous

le rappelle la troisième catégorie de compétences déterminée par DeSeCo, il doit-être capable de

gérer sa vie de manière autonome et de se situer dans un contexte social plus vaste, qui semble être

celui de la mondialisation. Perspective qui tente de désagréger le filet social établi dans la plupart

des États occidentaux depuis 50 ans en remettant tout le fardeau sur les épaules des individus,

dorénavant seuls responsables de leur échec ou de leur réussite.

La plupart des pays de l‟OCDE accordent une grande importance à la flexibilité, à

l‟esprit d‟entreprise et à la responsabilité personnelle. On attend non seulement des

individus qu‟ils aient des facultés d‟adaptation, mais également qu‟ils soient

novateurs, créatifs, autonomes et capables de se motiver eux-mêmes. De nombreux

chercheurs et experts s‟accordent à reconnaître que les défis d‟aujourd‟hui imposent

un meilleur développement des capacités des individus à mener à bien des tâches

mentales complexes, ce qui demande bien plus que la simple reproduction de

connaissances acquises. Les compétences clés impliquent la mobilisation de savoir-

faire cognitifs et pratiques, de capacités de création et d‟autres attributs

psychosociaux, tels que les attitudes, la motivation et les valeurs. (OCDE 2005a)

Le marché nous parle désormais d‟attitude, de motivation, et de valeurs propres à développer les

habilités nécessaires pour affronter les défis du 21e siècle. Ces mots paraissent rassurants et humains

au cœur d‟un langage technique et rigide que l‟on retrouve habituellement dans le monde

économique. Pourtant, son but premier est de faire des profits et non de créer une société plus

démocratique. La logique capitaliste ne va pas de pair avec la vision citoyenne de l‟éducation. Le

Nouveau Curriculum est d‟ailleurs un exemple où, comme le remarque Catherine, on peut constater

la tension qui existe entre la société civile qui veut conserver ses droits collectifs et le marché qui

tente de la coloniser afin d‟accroître ses bénéfices.

And if you go through this whole document [new curriculum] I think you will find

tension all the way through it, and the tensions have to do with the economy. The

economy is trying to make it, trying to wrap itself around things, like being self-

12 New Zealand Curriculum, voir Annexe G. 13 New Zealand Curriculum, voir Annexe G.

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educated, democratic and how learning operates. Looking at how learning operates,

and its nature. All those best learning theories are all wrapped around an uneasy

companion : the economy. (Catherine)

Le Nouveau Curriculum : Juridiction, histoire et description

Le programme scolaire national néo-zélandais s‟applique à toutes les écoles publiques, ce qui

comprend aussi les integrated schools. Ces écoles, en majorité religieuses, furent absorbées par le

système public en 1975 afin de leur éviter une faillite généralisée puisque leur clientèle n‟avait plus

les moyens de se payer leurs services alors privés et coûteux. Il est ainsi devenu abordable pour les

parents d‟envoyer leurs petits dans des écoles religieuses qui représentent environ 10 % de

l‟ensemble des institutions et qui sont depuis plus de trois décennies financées au même titre que les

établissements publics. Si les bâtiments demeurent le bien de l‟Église ou de d‟autres propriétaires,

ces institutions sont cependant tenues de se plier aux mêmes curriculums et régulations que les

autres écoles publiques (Morphis 2009 : 4). Il est à noter que certains établissements privés dits

indépendants subsistent, mais leur marché est restreint à environ 5 % et leur comité est nommé et

non pas formé par des parents élus. Ces écoles sont tout de même en partie subventionnées par

l‟État, même si elles ne sont point tenues de se plier au programme national (Ministry of Education

2009a). Le curriculum national couvre pour sa part tout le cheminement général qui s‟étend de la

première à la treizième année. Comme brièvement mentionné au chapitre 1, l‟école est obligatoire

de l‟âge de 6 à 16 ans, ce qui correspond généralement de la deuxième à la douzième année, même

si la majorité des enfants débutent le jour même de leur cinquième anniversaire et poursuivent pour

la plupart leur secondaire jusqu‟en treizième année (Ministry of Education 2011). La totalité du

curriculum a été revisitée au cours des dernières années afin de mettre les compétences clés au

centre de l‟apprentissage.

John, qui a occupé un poste important dans le développement du nouveau programme, nous

confirme que son élaboration a suivi les recommandations de l‟OCDE en ce qui concerne les

compétences. « We also drew extensively on the OECD work around Key Competencies because

we have a section in here about key competencies, so we drew on that work. We did not invite

OECD and United Nations to provide formal comments to our developing draft that I am aware of,

but certainly we used what had been published by those organisations » (John). Elisabeth, qui faisait

pour sa part partie de l‟équipe responsable de la mise sur pied des compétences clés, se souvient

qu‟un très grand nombre de personnes furent impliquées dans la création du nouveau programme,

dont un groupe d‟experts internationaux de même que plusieurs intervenants issus du privé. Ces

derniers ayant été invités afin de rendre l‟enseignement mieux adapté aux demandes du marché du

travail, et ce dès le primaire.

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There was an international group of advisers and underneath that there was a national

group who oversaw the whole project, and then underneath that was a group for each

curriculum area. So technology had a group, maths had a group […] and I work on

this group, the Key Competencies. And then each of those groups was made of

academics, university researchers, teachers, principals and also sector

representatives. So people from that area are workers. We‟re also thinking about you

know […] this is designed to help the children to get to an employment stage so

employers were involved in those things as well. (Elisabeth)

Les cinq compétences qui on été nommées ci-haut orientent les huit champs d‟apprentissage du

curriculum14

: « English; The arts; Health and physical education; Learning languages; Mathematics

and statistics; Science; Social Sciences; Technology ». On y retrouve aussi des valeurs qui ont pour

fonction de guider l‟acquisition des compétences : « Excellence ; Innovation, inquiry, and curiosity;

Diversity; Equity; Community and participation; Ecological sustainability; Integrity; Respect ». Le

tout étant encadré par les principes suivants : « High expectations; Treaty of Waitangi; Cultural

diversity; Inclusion; Learning to learn; Community engagement; Coherence; Future Focus ». Parti

de documents assez volumineux pour chaque matière, le programme tient aujourd‟hui, autant pour

le secondaire que pour le primaire, dans un petit livret ou sont réunis les huit champs

d‟apprentissages, le tout n‟atteignant pas 100 pages. Il faut dire que cet effort de synthèse a de toute

évidence été aidé par l‟adoption des compétences clés qui, contrairement à l‟apprentissage de

connaissances, n‟offrent qu‟une base de départ et non plus un programme scolaire en tant que

tel. « The curriculum describes the key competencies and learning outcomes people need in order to

live, learn, work and contribute as active members of their communities, rather than prescribing

what school students must learn or what teachers must teach » (Ministry of Education 2010b).

Plus de liberté et de responsabilité pour les écoles

Le nouveau programme n‟est de fait, selon John, qu‟un guide qui donne les grandes lignes

directrices afin d‟aider les professeurs à amener les jeunes à maîtriser les compétences : « And

professional teachers need to draw on their own experiences, their own resources, and resources

provided by the ministry to develop the full program. Very much this curriculum sets the directions,

provides guidelines for schools and they develop their own curriculum » (John). On utilisera ainsi

de plus en plus l‟apprentissage par projet qui met l‟accent non plus sur une matière de base en

particulier, mais plutôt sur un thème dans lequel on peut les intégrer. Cette méthode a l‟avantage de

positionner les compétences clés au centre de l‟enseignement puisqu‟elle fournit l‟espace nécessaire

à leur développement.

Imagine we are learning about interdependence, in science it‟s a key concept, a

powerful concept. We can learn it through a biological community of the New

14 New Zealand Curriculum, voir Annexe G.

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Zealand bush, or biological community of the coral reef in Australia, or we can even

learn about it in the weather system. So interdependency, is a key science concept

and we learn it in a range of different ways. So you might be an expert in New

Zealand bush, I might be an expert in Australian coral reef, someone else might be an

expert on the weather, but we all learn about the same science principle which is

interdependence. And so the key leaning is identified in here, big topics. (John)

Si le retrait progressif de l‟État du milieu de l‟enseignement obligatoire visait tout d‟abord dans les

années 1990 l‟administration et la gouvernance, comme nous le verrons dans la seconde partie de ce

mémoire, le gouvernement néo-zélandais s‟attaque désormais au contenu scolaire. John affirmait

qu‟un des points majeurs du nouveau curriculum est de donner plus de responsabilités aux écoles. À

ma question « And were those changes to the curriculum made to give more freedom to schools? »,

il répondit sans hésitation « Yes, yes, and that was a non-negotiable when the cabinet signed off the

directives for the ministry to do this way, an outcome focus will give responsibility to schools, it

was a non-negotiable, that was a requirement of the cabinet paper » (John). Il apparaît ainsi que le

nouveau programme, via son approche par compétences, vient renforcer cette tendance de réduction

du rôle de l‟État. Désormais, les écoles seront plus libres que jamais de déterminer leur propre

programme pour mieux répondre aux besoins de leur clientèle dans la logique de la formation

continue, mais elles porteront seules le fardeau d‟inculquer les compétences aux élèves. « The board

of trustees and the principal together should design what‟s called a “school curriculum”. So that

should tell how, as a whole, how we are going to make this curriculum work in our school, so over

the long period, how it‟s all going to fit together. And then the teacher in the class needs to work out

on a daily basis how to make sure they are doing what the school curriculum says » (Elisabeth).

Pour Sarah, présidente de comité dans une école secondaire de décile 2, l‟approche par compétences

clés représente un fardeau supplémentaire. « The new curriculum all the subjects fit in that little

book, everything in one little book. It focuses on key competencies, making kids competent, and in

those area, like self managing, you know, they can manage themselves […] you know, they‟re

looking for them to have key abilities, and how the schools manage to get there is kind of a their

problem » (Sarah). Il est de fait pertinent de se demander si le grand nombre d‟établissements

scolaires situés en zone défavorisés et qui connaissent déjà de multiples problèmes disposeront des

ressources matérielles et humaines nécessaires pour implanter adéquatement ce nouveau

programme. Mais nous reviendrons sur cette question au chapitre 7.

Les compétences clés bien acceptées par l’élite

Si les compétences clés représentent une nouveauté au primaire, elles sont instaurées au secondaire

depuis quelques années, et on constate que les résultats académiques des étudiants ne s‟améliorent

pas pour autant (OCDE 2006). Paradoxalement, l‟OCDE avance que ces compétences semblent

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61

pourtant bien acceptées par une certaine élite dans l‟ensemble des pays participants. « The

importance of knowledge, skills, and competencies to individuals and society is widely accepted

among policymakers in OECD countries. At least at the discourse level, a well-educated,

knowledgeable, highly qualified citizenry is seen as playing an eminent role in facing the challenges

of the present and the future » (OCDE 2010b).

D‟après mes observations et les commentaires recueillis, c‟est le nouveau programme en son entier

qui est très bien reçu par la majorité des professionnels de l‟éducation à travers le pays. Durant mon

séjour, j‟ai en effet souvent entendu lors de mes entrevues ou lu dans les journaux ou des revues

spécialisées des commentaires positifs sur le nouveau curriculum. Professeurs, directeurs et

membres de comités paraissent heureux de disposer d‟une plus grande liberté, même si cela signifie

davantage de travail comme le soutient Elisabeth. « It‟s more work, and it‟s definitely more

thinking but I still think it‟s what our job is. Yes, we have to do a bit more thinking than we used to

do before, but tough, if you want a good education system it‟s what you have to do. And eventually,

over time boards and parents will get used to it and adjust to it » (Elisabeth). Elisabeth, aujourd‟hui

directrice d‟école primaire, est un bel exemple de cet enthousiasme démontré par plusieurs

professionnels envers l‟approche par compétences. On constate en lisant ses propos l‟importance

qu‟elle accorde à la formation continue, à la capacité de gérer l‟information et à être autonome.

Compétences qui semblent même prévaloir sur les connaissances de bases.

The vision of our curriculum statement at the moment, which talks about creating

confident lifelong learners, it‟s the type of person we are shaping for the future of

New Zealand. It‟s not about “you must read and write, you must know your time-

tables” or whatever, it‟s about “you must be able to access information, use

information, judge information and turn it into something else that contributes to the

rest of society”. (Elisabeth)

John, du ministère de l‟Éducation, abonde dans le même sens qu‟Elisabeth. « The key learnings are

identified in big topics, but what we want is our young people to engage with those in a context

where it‟s meaningful to them. So that requires the teacher to identify what is the big lesson that has

been taught in this learning experience. Not the details, but what is the big lesson. Because I learnt

the periodic table at school by heart, I don‟t use that, I never use that in my daily life » (John).

Catherine, employée de NZEI qui a participé aux consultations lors de la création du nouveau

curriculum, appuie elle aussi l‟approche par compétences. « Maths is no longer seen as a way to just

knowing 2+2= 4, it‟s how you think about math, how do you approach your problems, the whole

notion. Not to say you don‟t need to have some basics skills, but what‟s more important is you see

numbers and they mean something to you. You have to have context knowledge, you need to have

skill knowledge, […] » (Catherine).

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L’acceptation passe par la consultation

La popularité du nouveau curriculum auprès des gens impliqués dans le milieu s‟explique

probablement en partie par la grande consultation qui a été menée à travers tout le pays lors de son

élaboration. En effet, en plus des professionnels de l‟enseignement et des gens du milieu des

affaires, plusieurs groupes sociaux de même que des écoles ont été invités par le ministère de

l‟Éducation à émettre leurs points de vue. Catherine, qui travaille pour l‟un des syndicats de

professeurs le plus important du pays, affirme que la majorité des enseignants appuient le nouveau

programme : « In general, primary school teachers love the New Curriculum and they want to

implement it. They‟ve been consulted, it took a long time to come and they felt they can put trust in

it » (Catherine). Ce grand mouvement de participation collective tel qu‟il est décrit par John et qui

s‟est échelonné sur quelques années paraît avoir renforcé l‟adhésion au projet.

A wide range of groups, teachers unions, employers, independent schools, academics

… very wide range of people involved in that. […] So that was another part of it, we

developed a draft curriculum, about the same size as this, and we put that out for

consultation, and we received 10 000 submissions and replies. And each submission

would be more than one person; many came from schools. And we also received 250

long submissions, that‟s anything from 3 pages to 300 pages long from individuals or

organisations. And we sent the draft to overseas organisations for comments as well.

(John)

John nous dit que certains changements furent apportés suite à ces consultations, notamment l‟ajout

du respect du Traité de Waitangi dans la section des Principles15

où celui-ci fait un peu cavalier seul

entre High expectation et Cultural diversity! En prenant exemple sur le programme en te reo maori,

le ministère jugea bon d‟ajouter lui aussi une vision qui couvre le tout et qui va comme

suit : « Young people who will be confident, connected, actively involved, lifelong learners ». En

réaction aux consultations, on a aussi enrichi la liste des valeurs déjà avancée par l‟OCDE

(excellence, innovation, investigation, diversité) de celles d‟intégrité, d‟équité et de développement

durable. Toutefois, les compétences clés recommandées par cette organisation mondiale demeurent

au centre du nouveau curriculum : « Thinking; Using language, symbols and texts; Managing self;

Participating and contributing »16

. Il est alors permis de se demander si les ajustements opérés suite

aux consultations ont vraiment un impact sur le nouveau programme ou s‟ils ne sont pas

simplement cosmétiques? Il semble du moins que le ministère de l‟Éducation soit parvenu par cet

exercice à faire accepter la réforme à bras ouverts.

Il faut par ailleurs se rappeler que la formation continue, telle que premièrement posée par

l‟UNESCO, donnait une importance capitale aux besoins particuliers de l‟individu pour permettre

15 New Zealand Curriculum, voir Annexe G. 16 New Zealand Curriculum, voir Annexe G.

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au plus grand nombre d‟acquérir des connaissances. On a vue que cet aspect a été repris par

l‟OCDE pour se transformer en obligation de répondre aux besoins d‟une clientèle qui peut de plus

en plus choisir le produit éducatif qu‟elle désire. Pour plusieurs, cette approche personnalisée est

cependant toujours perçue sous l‟ancienne perspective véhiculée dans les années 1970 et le nouveau

curriculum semble enfin leur laisser l‟espace pour réaliser cet objectif, comme l‟avance Barbara.

« The new curriculum has room for schools like ours to move and to show progress for our children

and to teach things that our children will really engage with, because you are not tied to teaching

specific things, so I think it‟s very, very good » (Barbara).

Il est à noter que tout comme dans le cas de la formation continue, ce sont les gens intimement liés

au système d‟éducation et qui y occupent même des postes décisionnels qui appuient le plus ces

transformations. Des dix-huit parents que j‟ai interviewés, seules les professionnelles de

l‟enseignement et les directrices de comités administratifs avaient une bonne compréhension de

l‟apprentissage par compétences. Les autres semblaient pour leur part peu informés et peu savaient

en quoi consiste le nouveau curriculum. Il serait donc permis de croire, comme le souligne l‟OCDE

ci-haut, que l‟approche par compétence est en effet bien acceptée dans les pays membres au niveau

de l‟élite, mais reste à voir si la majorité de la population y adhère aussi facilement.

Récapitulons

Les changements qui s‟imposent en éducation sont comme nous l‟avons vu directement commandés

par les impératifs économiques dont l‟OCDE dirige et comptabilise l‟implantation sur le terrain.

Ces transformations ont ainsi peu ou pas à voir avec la qualité de l‟enseignement puisque cela n‟est

pas le but visé. Il n‟est d‟autre part jamais fait mention sur la scène publique des accords de l‟AGCS

ou de l‟OCDE, dont les recommandations mènent pourtant à d‟importantes restructurations dans

plusieurs nations, tant au niveau des curriculums qu‟à celui des qualifications. Expériences qui

semblent servir de modèles pour le reste du monde afin de faire correspondre le système

d‟éducation des différents États aux exigences du marché global. Étroitement liées et

interdépendantes, la formation continue et les compétences clés représentent les deux côtés d‟une

même médaille, d‟un même dispositif de surveillance, qui visent à atomiser les populations des pays

dit développés afin de les rendre plus rentables.

Si la formation continue sert à faciliter un suivi plus serré du capital humain de chaque État, ce

contrôle est rendu possible grâce aux transformations effectuées dans le système de qualification

afin qu‟il s‟ajuste aux compétences clés. Ce n‟est néanmoins pas une mince tâche que de faire

accepter pareil changement à des populations entières. Surtout lorsqu‟il s‟agit de tout réorganiser et

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de se former sa vie durant pour répondre à des impératifs purement économiques qui ne profiteront

qu‟à une poignée d‟individus et mettront l‟ensemble de la société dans une situation de plus en plus

précaire. Nous avons commencé ci-haut à explorer quelques-uns des différents points de vue et

perceptions qu‟entretiennent les personnes face à l‟éducation et qui sont influencés par de

nombreux facteurs. Si ce second chapitre se concentrait sur le contexte de diktat économique que le

marché global impose au système d‟éducation national néo-zélandais, nous verrons dans la seconde

partie les impacts de ces pressions sur le maintien et la légitimation des classes sociales.

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Partie II : Reproduire et légitimer un ordre social

Chapitre 3 : Décentralisation

Introduction

Ce troisième chapitre traite de la décentralisation du système d‟éducation néo-zélandais, qui prit son

envol dans les années 1990 avec la réforme nommée Tomorrow‟s Schools. Afin de mieux nous

situer, je ferai tout d‟abord un bref historique de cette réforme pour ensuite me pencher avec plus de

détails sur les principaux changements que son implémentation imposa. Tout au long de ce chapitre,

il sera question des impacts de la décentralisation sur le système scolaire néo-zélandais, dont je

discuterai en m‟appuyant largement sur les commentaires recueillis lors de mes entrevues. Notre

attention portera donc sur les nouvelles structures créées à la suite de la décentralisation. Je ferai

premièrement une brève présentation d‟ERO, pour m‟arrêter ensuite sur les comités

d‟administration scolaire, leur fonctionnement et les gens qui y sont impliqués. Puis j‟exposerai

sommairement le système de déciles, qui organise les écoles selon leur environnement

socioéconomique, et celui du zonage, qui réserve l‟accès des établissements les plus riches à une

clientèle prédéterminée. Je terminerai ce chapitre avec le phénomène du White Fly qui entraîne,

comme nous le constaterons, une importante division ethnique.

Tomorrow’s Schools, bref historique de la réforme

La Nouvelle-Zélande connut au cours des années 1990 d‟importants changements idéologiques et

structuraux s‟inscrivant dans un mouvement mondial résolument orienté vers la droite et fortement

appuyé par les gros joueurs anglo-saxons que sont l‟Angleterre et les États-Unis. Le mot d‟ordre de

l‟époque, qui est toujours en vigueur et qui gagne même du terrain et dont l‟instauration est

promulguée par des structures supranationales telles l‟OMC et l‟OCDE, est celui de la

décentralisation. Le gouvernement néo-zélandais privatisa à cette période plusieurs secteurs du

domaine public et c‟est dans la même optique de réduction de l‟État qu‟il entreprend la réforme du

système d‟éducation, nommée Tomorrow‟s Schools, élaborée à la suite des recommandations du

rapport Administering for Excellence paru en 1988 (Openshaw 2003 : 135). Entériné en 1989 via

l‟Education Act par le parlement alors contrôlé par le quatrième gouvernement travailliste (1984-

1990), elle représente un changement structurel majeur pour l‟éducation publique du pays. « The

1989 Education Act was consistent with a widespread move to reduce the size and power of

centralized bureaucracy » (OCDE 2006).

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Les écoles allaient dès lors entrer dans un monde de responsabilité financière dans lequel la bonne

gestion et l‟administration deviennent les priorités portées par des efforts soutenus afin d‟atteindre

les objectifs de performance et d‟efficacité. Les tenants de ces changements assuraient alors que la

saine compétition introduite entre les établissements scolaires qui devaient désormais se débrouiller

pour conserver et attirer des élèves assurerait, grâce au choix du consommateur, une éducation de

meilleure qualité pour tous! Les écoles mal gérées, peu performantes et qui hébergeaient un

personnel incompétent seraient selon cette logique éliminées, puisque désertées par leur clientèle

étudiante qui pouvait dorénavant opter pour une autre école publique de son choix. Le discours tenu

par David Lange, alors premier ministre, en séduisit probablement plus d‟un. Il y promulguait que

la réforme allait redonner le contrôle des écoles aux parents pour en faire une responsabilité

communautaire. Ces établissements ne seraient ainsi plus dépendants des décisions d‟une

bureaucratie inefficace et centralisatrice, coupée de la réalité et des besoins du quotidien comme

plusieurs le croyaient alors. Les parents seraient enfin libres de gérer l‟éducation de leurs enfants

comme bon leur semble, selon leurs valeurs, leur religion, leurs priorités et leurs objectifs. Mais

comme cet extrait tiré d‟une conférence du syndicat PPTA (Post Primary Teachers‟ Association)

nous le rappelle, ces changements ont avant tout été opérés dans une perspective économique.

When Tomorrow‟s Schools was set up, 20 years ago, it was with the promise from

David Lange, then Prime Minister and Minister of Education, that it would result in

“more immediate delivery of resources to schools, more parental and community

involvement, and greater teacher responsibility”. He went on to promise that it would

“lead to improved learning opportunities for the children of this country”. While

David Lange may have been genuine in his intention to empower communities to run

schools, the evidence is that those charged with implementing and developing the

reforms were more interested in imposing “market discipline” on the school sector.

(PPTA 2009)

La décentralisation qui fut à l‟époque assez bien accueillie par la classe moyenne blanche et

instaurée avec succès dans bon nombre d‟écoles à majorité Pakeha se fit cependant au détriment des

milieux les plus pauvres que le système laissa tomber. Chargées de lourdes responsabilités sans

soutien professionnel, ces écoles se sont vite retrouvées en mauvaise posture sans que l‟on puisse

les fermer pour autant. Majoritairement fréquentées par des Maori et des immigrants provenant des

îles du Pacifique, ces établissements que l‟on qualifie en Nouvelle-Zélande de brown schools furent

les premières victimes, comme nous le résument Caccioppoli et Cullen.

Section 75 is the key section of the Education Act 1989 with respect to the

compulsory education sector. It is the major administrative change and was driven by

the belief that decisions should be made locally rather than centrally. For many

Pakeha schools this has been a liberation, and the school has flown. For many brown

schools, the removal of the Ministry from decision-making and planning has cast the

school adrift. The board does not have the skills to carry out its duties, and is

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captured by the principal or by whichever confident or domineering person sits on it.

(Caccioppoli et Cullen 2006 : 82)

Principaux changements structuraux

C‟est ainsi que l‟ensemble de l‟organisation structurelle du système d‟éducation publique national

subit une profonde métamorphose, qui s‟opéra tout d‟abord par l‟abolition du département de

l‟Éducation qui fut remplacé par le ministère de l‟Éducation, dont la principale fonction est d‟établir

différentes politiques. Il est appuyé par plusieurs agences de mesure et de surveillance qui feront

progressivement leur apparition, comme NZQA et NZCE qui fixent des barèmes de qualification et

des standards tout en s‟occupant des contrôles et des examens ou comme ERO, qui demeurent

toutefois hors de son autorité. Les comités régionaux qui soutenaient auparavant les écoles

primaires sont supprimés, de même que les postes d‟administration et de d‟autres professionnels qui

y étaient assignés. Ils furent remplacés, tout comme le personnel rémunéré des comités des écoles

secondaires, par des bénévoles élus. Ces responsabilités ont ainsi été redistribuées aux directeurs,

professeurs et parents via la mise sur pied d‟un comité d‟administration pour chaque école,

changements créant de petites entreprises qui se gèrent elles-mêmes. Réduire la grosseur et le

pouvoir de la bureaucratie de l‟État dans le milieu de l‟éducation publique semble donc avoir été le

but recherché par ces réformes, comme le souligne l‟OCDE.

The 1989 reforms eliminated all intermediate administrative and support structures

such as the regional education boards, and introduced a board of trustees for each

state school as the school‟s governance body. The school‟s principal is designated as

the chief executive of the board of trustees. […] There is no single framework for the

development of education policy. The Education Act (1989) established self-

managing schools and deliberately reduced the size and power of the central

bureaucracy. (OCDE 2006)

Ce modèle est unique en son genre selon Catherine, puisque plus aucun intermédiaire n‟existe entre

les écoles et le ministère, qui leur impose directement les tâches qu‟elles doivent effectuer. ERO a,

comme nous le verrons, remplacé les anciens inspecteurs mais cette organisation ne relève pas du

ministère puisqu‟elle agit indépendamment afin d‟assurer un jugement impartial.

So here we are in a situation in which the schools are turning now to the Minister,

and the inspectors are gone and the advisers have become emasculated. So there‟s

nothing between the ministry and schools, and schools have to support themselves.

They have to make the decision; they‟re given funding and that‟s something which

was an experiment really, that hasn‟t been replicated in quite that detail anywhere

else. (Catherine)

Les écoles recevront dorénavant un budget directement alloué par le gouvernement et qui dépendra

dans les premières années de la réforme essentiellement du nombre d‟élèves inscrits. Ce qui causera

une forte compétition entre les établissements (Doerr 2002 : 2) qui devaient dorénavant tout faire

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pour maintenir et idéalement augmenter leur clientèle, activité jugée propice par le gouvernement

au développement d‟un plus grand choix pour les parents. Un système de déciles octroyant

davantage de fonds aux écoles situées en milieu défavorisé sera cependant mis en place en 1995 en

vue d‟endiguer la disparité accentuée par cette nouvelle façon de faire. Car comme Brian, membre

de comité dans un établissement secondaire en milieu aisé nous le mentionne, la réussite de ce

transfert de responsabilités et de pouvoirs qui vise avant tout selon lui à réduire les dépenses de

l‟État dépend beaucoup du milieu socioéconomique dans lequel se situe l‟école.

You know, it was a big change which happened in New Zealand in the late 80s called

Tomorrow‟s Schools. It put back the schools in the hands of the community. In areas

like ours, we are decile 10, it‟s not a problem. We don‟t have too much of a problem

getting people who can govern the school adequately. But in some areas, it‟s difficult

for them to find parents who are willing to do it, or even able to do it. I think now it

works well, it‟s demanding, cost-cutting really because we do it virtually for free, but

I think it‟s good because it helps connecting with the community. I am just a parent,

and I know a lot of parents, and they can just talk to me. So instead of being distant

people, distant bureaucrats, we‟re just members of the community. (Brian)

Redonner le pouvoir à la communauté pour que les parents soient à même d‟avoir plus de contrôle

sur l‟éducation de leurs enfants était, comme vu ci-haut, l‟aspect sur lequel s‟appuyaient alors les

dirigeants politiques pour faciliter l‟acceptation d‟une décentralisation radicale du système

d‟éducation publique. Les budgets anciennement alloués aux nombreux postes qui furent abolis lors

de la réforme n‟ont toutefois pas été entièrement redistribués aux écoles, qui se sont alors fait

remettent l‟ensemble des responsabilités sans pour autant détenir l‟argent nécessaire pour s‟en

acquitter décemment. Car si le gouvernement octroie des fonds, ceux-ci n‟arrivent point à couvrir

les dépenses essentielles et il estime qu‟il revient aux écoles de trouver par leurs propres moyens

l‟argent pour boucler leur budget. Plusieurs stratégies sont, comme nous le verrons au chapitre 4,

mises de l‟avant par les institutions d‟enseignement pour tenter d‟équilibrer leur budget mais

l‟exercice s‟avère souvent des plus difficiles.

ERO pour faire respecter les règles

Dans la logique de la décentralisation, la liberté qui est octroyée aux établissements doit

obligatoirement être encadrée par un système de surveillance afin d‟assurer l‟efficacité de

l‟ensemble. C‟est ainsi que l‟on vit apparaître ERO, structure indépendante du ministère de

l‟Éducation qui relève directement du gouvernement et qui a comme fonction de veiller à la bonne

application des règles auxquelles sont tenues les écoles, comme nous le résume Elisabeth. « They

check the legal requirements, so they have to check if your building is safe, so the children are safe.

But they don‟t check in the detail, they check if you have checked » (Elisabeth). ERO doit s‟assurer

que chaque établissement agit efficacement afin que les élèves atteignent la meilleure performance

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possible. Pour ce faire, la majorité des écoles seront visitées à tous les trois ans; toutefois, lorsqu‟un

problème est soulevé, ERO peut décider de se rendre dans certaines institutions annuellement ou

semestriellement jusqu‟à ce que la situation se soit suffisamment redressée (ERO 2010). Lors de ces

visites, les représentants examinent une liste exhaustive portant sur une multitude d‟aspects, qui

vont de l‟état des bâtiments et la sécurité des élèves à la qualité de l‟enseignement, en passant par la

vérification des nombreux rapports de gérance interne que doit fournir l‟école, comme la loi l‟exige.

Ces comptes rendus et fiches à remplir, dont le volume a vertigineusement augmenté avec la

décentralisation, demandent beaucoup de temps et d‟énergie aux professeurs, comme en témoigne

Mary, enseignante au primaire.

Even if our school tries to fight that attitude of being over-particular with paperwork

there‟s still the pressure that comes from ERO. I can‟t accept that because it‟s just

doing 5 times more work than is needed. Because at the end what I care for, is, when

I come in my class room, is to know if my kids are learning what they should learn

and can I prove it to someone. But I don‟t need 20 bits of paper writing exactly how

they want to achieve that. (Mary)

Nani Marama, aussi enseignante au primaire, abonde dans le même sens que Mary, et estime même

que cette surcharge de travail nuit à l‟enseignement. « It‟s amazing how much paper work we need

to do, we have no time to teach at all! You know it‟s just paperwork after paperwork. And then

you‟ve got to record this, you‟ve got to do this, make sure you are OK. And then the ERO ask you;

“Why did you do this or that? What do you do after that?” And so on, and we have to put all that

together […] » (Nani Marama). Les exigences d‟ERO apparaissent donc comme une source de

frustration qui touche aussi les membres des comités d‟administration scolaire comme Sonia, qui

trouve difficile de répondre aux demandes d‟un tel système de surveillance. La liberté qui est

accordée aux écoles sur certains aspects est d‟autre part asservie à une batterie d‟impératifs, de

barèmes et de règles qui tentent d‟opérer une surveillance étroite tout en ne fournissant aucune

ressource supplémentaire pour répondre à ces exigences.

They try to find problems and it‟s what I resent! Does this door open well, does this

door close well, is this pane of glass loose, because we have a couple of panes of

glass which have cracks on them. So next step “Do you have glass panes with

cracks?” Yes. So you‟ve got to tick that. Is it a potential hazard? Yes it is.

Then : “Replace glass.” But we don‟t have the budget for it! If you look at this report

and you are at the Ministry of education you think; “Oh! That school is not very safe,

that‟s not good.” But really its minor stuff, I would have hardly noticed the crack in

the glass. And if one day we have an accident happening with that glass we will be

responsible for it. It‟s very bureaucratic. 12 pages long in a very fine print going box

after box, yes, no, yes, no, and they can come and make your life very miserable if

you don‟t do it, because they can come and do spot checks… ERO, it‟s almost like

having a pair of parents that always threatening you but doesn‟t help you! (Sonia)

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De plus, selon Elisabeth, directrice au primaire, il existe souvent un manque de cohérence entre les

recommandations d‟ERO et les exigences du ministère de l‟Éducation, ce qui peut mettre certaines

écoles en mauvaise posture, prises entre l‟arbre et l‟écorce. D‟autre part, les fonctionnaires œuvrant

pour ERO ont pour principale mission de juger des résultats et non de la manière qui est employée

pour y arriver, puisque cet élément relève de la responsabilité de l‟école. Ce critère est selon

l‟expérience d‟Elisabeth souvent peu respecté, ce qui mène à une ingérence dans les affaires

relevant de l‟interne.

ERO is an independent body, so they are directly related to the government, but they

do not have connection with the Ministry of Education. So that has positives and

negatives. It means, because they are independent, it‟s a perception that they might

make more reliable decisions, but some time there‟re some changes and they are not

always up to date with the Ministry of Education, particularly around approaches to

education. […] They are supposed to be there to check if students are achieving, and

if we are following the law, basically. However, in the practical sense, what I see

happen is … they are all ex-teachers and they come in with a mind-set to how things

should be done, and they tend to evaluate how things should be done, not the

outcome they are supposed to be evaluating. So the decision how to get there should

be a school decision made with its board, the outcome should be what ERO is

looking at. So that‟s were in a practical sense I think it‟s starting to not work.

(Elisabeth)

A l‟instar d‟Elisabeth, Sonia, Mary et Nani Marama, bon nombre de personnes impliquées dans

différents milieux scolaires ont émis des réserves face au mode de fonctionnement d‟ERO lors de

mes entrevues. Un membre de comité d‟administration d‟une école primaire en a même parlé en ces

mots : « Yes, ERO is much more like the secret police, you have to please them because they wield

so much power! ». Des exigences inflexibles qui s‟imposent à tous, indépendamment de la situation

de l‟école visitée, des étudiants qui la fréquente, de la composition de son comité d‟administration

ou de toute autre particularité qui rend la gouvernance plus difficile, ERO apparaît ainsi à plusieurs

comme un système intransigeant.

Many New Zealand academics do not trust the ERO. There is a shared feeling that

the ERO has little understanding of schools that are failing. The review office does

not seem to take into account the notion of the student body make-up or the

socioeconomic difficulties of the troubled schools surrounding community when

writing their reviews assuming that everyone should be able to meet the same criteria

for success, regardless of background. (Morphis 2009 : 9)

Lorsque Statistics New Zealand révise les données, certaines écoles peuvent changer de décile et se

retrouver avec un budget amputé de quelques milliers de dollars sans voir les exigences qu‟ERO a

envers elles diminuer pour autant. Hine nous témoigne de son expérience lorsque l‟établissement

secondaire dont elle est membre de comité est passé de décile 1 à 2. « And when that happens the

school just has to deal with it and get its budget reorganised, and that‟s really stressful! And

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Education Review Office, they don‟t want to know about that, they are only there to review

education, they not there to review the management or the money which goes to the school, they

just there to review the education delivery. That‟s where it becomes frustrating! » (Hine). ERO,

bien qu‟imparfait, est pourtant le seul système à veiller à l‟application des règles auxquelles les

établissements d‟enseignement sont soumis et le nouveau curriculum qui vient donner encore plus

de liberté exigera sans doute davantage de surveillance de leur part. Les écoles ont cependant le

pouvoir de demander à ERO de se concentrer sur un domaine particulier où elles éprouvent des

difficultés afin d‟y être soutenues. Cependant, d‟après l‟expérience vécue à l‟école primaire où

Andrew siège en tant que membre de comité, faire une telle requête peut parfois s‟avérer plus

néfaste que positif.

So we asked them to look at an area we are weak at, sometime it‟s a mistake to do

that! Yes we asked them to look at reading and writing achievement. The reason why

we did that is because our previous ERO report pointed out some weakness, so we

had some resources focus on mathematics and reading and we want to see if they

have an effect. So that‟s why we asked them to look at that. If we wanted to steer

them towards a good report we would have asked them to look at something we are

good at. (Andrew)

Nancy est présidente de comité d‟une école secondaire où on interprète différemment la fonction

des visites effectuées par ERO. Le but semblant porter davantage à orienter l‟attention vers les

points positifs plutôt que sur les choses à améliorer afin d‟obtenir un meilleur rapport et des

inspections moins fréquentes. « The government tells ERO to focus on some things, but the schools

are entitled to ask them to look at some areas of their choice. So we asked them to look at our self-

review, because we are really good at that. […] So really ERO are only doing what we do ourselves

but it‟s good to be validated by an outside organisation. They even think they will only come every

4 or 5 years now » (Nancy). Comme nous en témoigne l‟expérience d‟Andrew en comparaison de

celle de Nancy, les interprétations, motivations et autres soucis comme ceux liés à la performance

peuvent facilement falsifier un tel système. Car en plus de veiller à l‟application des règles de base

pour s‟assurer que l‟enfant évolue dans un environnement approprié dans lequel il acquerra les

compétences clés selon les règles prescrites par le curriculum, ERO classe les écoles selon leur

performance globale. Ces rapports qu‟ERO produit à la suite de ses visites sont ouverts au public17

,

comme nous le souligne Elisabeth. « Their reports go online and they are public documents, so they

are completely accessible across the world. You can find the report on every school » (Elisabeth).

Bien que ces comptes rendus puissent servir de guide aux parents qui magasinent le meilleur

établissement pour leurs enfants, ceux-ci portent sur une multitude de détails qui ont davantage à

voir avec la gouvernance que la performance des élèves, ce qui paraît en désintéresser plusieurs. De

17 Voir le site internet d‟ERO : http://www.ero.govt.nz/

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fait, les parents que j‟ai interviewés qui n‟étaient pas impliqués dans un comité scolaire ne

connaissaient pas l‟existence d‟ERO. Un pareil classement peut cependant s‟avérer très utile pour

une structure supranationale telle l‟OCDE, et les directeurs, professeurs et membres de comité

scolaire sont ainsi tenus de suivre les recommandations d‟ERO et de rajuster le tir lorsque

l‟organisme n‟est pas satisfait, comme nous le rapporte Elisabeth. « Like for us, ERO were not

happy with our maths so we‟ve got until next year. So they give us a bunch of recommendations

and we follow that and they come back next year to see if everything is OK » (Elisabeth). Les

écoles qui n‟y parviennent pas se verront ainsi surveillées de manière plus étroite et fréquente. Un

cas d‟insatisfaction qui perdure peut se terminer par la mise sous tutelle de l‟école par le ministère

de l‟Éducation. Car même si les parents ignorent généralement l‟existence d‟ERO, cette structure de

surveillance demeure le chien de garde du gouvernement qui tient à ce que le système soit le plus

efficace possible dans la logique du marché mondial.

Comité d’administration scolaire (Board of Trustees)

Membre et gouvernance

Les membres des comités scolaires sont généralement élus à tous les trois ans, bien que certaines

écoles décident de fonctionner par rotation et de tenir des élections à mi-mandat, soit aux 18 mois,

choisissant seulement une moitié de l‟exécutif. Un comité scolaire inclut normalement entre trois et

sept parents élu, le directeur de facto, un membre du personnel choisi par ses pairs et un

représentant étudiant, si l‟école a des élèves ayant atteint la dixième année. Le comité peut aussi

décider de nommer d‟autres membres si leur participation s‟avère profitable, mais ces derniers ne

pourront toutefois prendre la place d‟un élu. D‟autre part, dans le cas des écoles intégrées, jusqu‟à

quatre représentants assignés par les propriétaires en feront aussi partie (Ministry of Education

2010c).

Les comités scolaires sont devenus avec Tomorrow‟s Schools les représentants de la Couronne,

responsables de la gouvernance des écoles. C‟est à eux que reviennent la mise en place de la

direction stratégique de leur établissement de même que l‟élaboration d‟un programme spécifique

guidé par les grandes lignes du nouveau curriculum. Le comité a aussi la tâche d‟engager les

professeurs et le directeur, qui seront toutefois directement payés par l‟État. Tous les autres

membres du personnel comme les orthophonistes, psychologues ou autres, incluant les enseignants

engagés pour les sujets jugés hors curriculum tels que la musique, la danse, l‟apprentissage d‟une

langue étrangère au niveau primaire, etc., seront rémunérés par l‟établissement à moins de mesures

spéciales. Le budget nécessaire au fonctionnement de l‟école est ainsi directement attribué par le

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ministère au comité et sert à couvrir les frais d‟entretien, l‟achat de matériel pédagogique (livres,

ordinateurs, etc.) et toutes les autres dépenses encourues durant l‟année (Ministry of Education

2010c). Mais l‟expérience d‟Andrew, qui siège au comité d‟une école primaire de décile 6, nous

indique que cet argent ne suffit pas à boucler les budgets, situation extrêmement répandue, comme

nous le verront plus avant. « More money would be nice, well, enough money! The operation grant

gives us not enough to look after things. We would like to have enough money to run the school, we

are on the breaking point every year, there‟s so much stuff which needs to be done, so much stuff

that we can‟t do. If it was not for parents‟ donations and community fund raising we‟d never have

enough money » (Andrew).

La gestion quotidienne des affaires de l‟école relève de la responsabilité du directeur et il revient au

comité de s‟occuper de la gouvernance de l‟ensemble. Ces mots d‟ordre sont suivis à la lettre à

l‟école où siège Andrew. « The BOT does not get involved in the management of the school, we

leave that to the principal. We maintain a very strict governance view, so we only deal with policy

and with stationery reports, monitoring reports and that‟s all. We appoint the staff » (Andrew).

Elisabeth apprécie pour sa part de travailler avec le comité et de se savoir appuyée par les parents,

même si elle reconnaît qu‟en tant que directrice, elle doit être très ferme lorsque vient le temps de

respecter la division des responsabilités entre gestion et gouvernance.

I like the idea of the parents being involved in the governance of the school. It

depends on the capacity of the principal to separate governance and management and

being really strong about what is a management role and what is a governance role.

[…] I don‟t think it‟s an unrealistic expectation and I enjoy having the board of

parents that I can discuss things with. Because then I know that what I am doing here

is supported and I am not on my own. (Elisabeth)

Les aléas du quotidien rendent néanmoins ce procédé hasardeux et difficilement applicable comme

nous en témoigne Sarah, elle-même directrice de comité scolaire au niveau secondaire. « You want

your governance to be about governance and the management to deal with the everyday life at

school, but sometimes you can‟t help crossing over, it just happens, there are areas that are just not

black or white and so it crosses over » (Sarah). Les problèmes liés à la division du pouvoir sont

assez répandus et créent souvent des situations propices aux frictions entre les deux parties. Il m‟a

d‟ailleurs été donné de constater ce phénomène à quelques reprises lors de mon terrain, où j‟ai

assisté à trois réunions de comités d‟établissement de niveaux primaire et secondaire. Tout comme

Rebecca, j‟ai pu remarquer, surtout dans les écoles situées en milieu mieux nanti, que les parents

faisant partie des comités tentaient parfois d‟étendre leur contrôle sur la juridiction du directeur. Ce

dernier étant engagé par le comité, il arrive qu‟il se retrouve coincé entre sa volonté et celle des

enseignants de faire leur travail par opposition à celle des parents qui souhaitent avoir leur mot à

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dire dans la gestion. « And this role of governance for the board and the management for the

principal, sometimes it‟s the board that arrives and tries to tell the principal how to run a school!

Which is not what they are there to do » (Rebecca). Rebecca, enseignante au primaire avec 40 ans

d‟expérience, a vu plus d‟un comité d‟administration scolaire dans sa carrière et sa remarque trouve

écho chez d‟autres, comme Sonia, elle-même présidente de comité dans une école primaire. « You

can have a board that has its hand on the day-to-day basics which will completely slow down the

whole process, and it‟s too messy, and a board doesn‟t have the right to have its hand on every little

thing which is going on in the school. That‟s why you pay and you have a senior manager

principal » (Sonia). La situation opposée peut aussi advenir et certaines écoles sont ainsi

essentiellement contrôlées par le directeur, comme nous en témoigne Paul, qui fut membre de

comité dans une institution secondaire durant six ans. « I don‟t think board of trustees are the ideal

way to run a school. Put it this way; the board than I was on did what the principal wanted. So in

simple words, the board was not running the school, the principal was » (Paul).

J‟ai posé la question suivante à Alice, directrice d‟une importante école primaire qui reçoit plus de

700 enfants : « Que pensez-vous du fonctionnement des comités d‟administration scolaire? ». Voici

sa réponse : « Depends on the people you have on your board. At the moment I am having a

difficult time with that board; we see things in a different way. The prior one, we had a wonderful

board of trustees, who I really enjoyed working with … um … so I have a mixed view of that

really » (Alice). En effet, la composition du comité demeure un aspect capital pour le bon

fonctionnement de l‟école. Car même avec de bons professeurs, un excellent directeur et un

président de comité consciencieux, il est parfois difficile de maintenir le cap si les autres membres

sèment la discorde, manquent de motivation, ne respectent pas les règles ou ne possèdent tout

simplement pas les connaissances suffisantes pour s‟acquitter adéquatement de leurs

responsabilités. Nancy, présidente de comité dans une école secondaire d‟un milieu prolétaire,

ressent souvent de la frustration à l‟égard de certains membres, qui manquent selon elle de rigueur

dans la façon dont ils s‟acquittent de leurs devoirs envers l‟école qu‟ils sont supposés servir.

For some of them they like the prestige of being able to be a trustee member within

the community and therefore they are happy to go to five meetings a year and the rest

they don‟t want to know, but there is responsibility […]. You know, you have to

answer email, you have to take part in others things, so that‟s the frustration, getting

people to answer email and things, just to get involved! Because in my way of

thinking, they got to the election, they got voted in, so that‟s the responsibility that

goes with the position. (Nancy)

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Pourquoi les parents s’impliquent-ils?

Depuis la réforme, ERO est le seul organisme qui surveille la qualité de l‟éducation et comme nous

l‟avons brièvement constaté, son fonctionnement n‟est pas infaillible, ce qui lui vaut de nombreuses

critiques. Dans de telles circonstances, où la qualité de l‟enseignement reçu varie énormément

d‟une école à l‟autre et dépend grandement de l‟efficacité du comité d‟administration scolaire,

plusieurs parents sentent le besoin de s‟impliquer afin de s‟assurer que leurs enfants ont accès aux

meilleurs services possibles. Ce fut le cas pour Nancy, mère monoparentale vivant dans une

banlieue ouvrière.

Because I did not stay in this town for very long and I had five children and I

thought; “What can I do which will make me understand what is out there for my

kids. Are they going to get the best education?” Because if I don‟t understand it, they

are not going to understand it. I need, as their mum, to be able to help them, guide

them, use those resources, use those teachers to help set them up. […] Then I

separated from my husband so I had to work harder to try to support the children

with their education. I couldn‟t do much else so … so anyway I was on the board and

I started learning new things. (Nancy)

Tout comme Nancy, Hine s‟est engagée dans le comité pour savoir ce qui se passe à l‟école

secondaire de son fils et s‟assurer que le nécessaire est fait pour qu‟il reçoive une bonne éducation.

Elle est d‟ailleurs concernée par le bien-être de tous les étudiants et celui des professeurs qui

doivent se sentir écoutés et appréciés. Il apparaît que ce soit le succès de l‟école comme un tout qui

lui tient à cœur.

My children being at the school, I want to know what‟s going on. To know the things

which need to be done are done. […] For a parent on the board I think you‟ve got to

be passionate, open-minded and committed! You have to be committed because it‟s a

big responsibility, it‟s not just about collecting $55. It‟s time-management as well,

but you want to make a difference for your children, not just your children but the

other children at the school. And you have to be sure your teachers are happy, that

they are being heard and valued. I guess it‟s about community. Finding what‟s going

on, bringing new ideas, being part of it. (Hine)

Sarah, qui est directrice du comité dont Hine fait partie, abonde dans le même sens et souligne

l‟impératif de s‟impliquer du fait qu‟il y a des inégalités à corriger. Elle participe aussi par

reconnaissance envers l‟école qui a beaucoup fait pour son fils. « I feel really passionate about

education, particularly about the students, to see the inequality of what‟s going on. My elder child

been in the school for five years before I went on the board, and just seeing what the school has

done for him was amazing, such a good job. So I sort of thought, better to help, but I did not want to

be chairperson! (rire) But I get a lot of satisfaction out of it » (Sarah). Nancy va plus loin en faisant

référence à sa position de présidente comme quelque chose qui demande le même genre d‟amour et

d‟attention que celui que démontre une mère ou une grand-mère pour ses enfants. En accord avec

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Hine, elle croit qu‟il est important que les enseignants se sentent appréciés et qu‟ils entretiennent

une bonne relation avec le comité. Le but ultime étant de fournir la meilleure éducation possible à

chaque enfant.

For me, it‟s an absolute passion. In my role as a chairperson I also try to do some

extra little things, like perhaps only a mother or a grandmother, a female will think of

things like; at the end of term sending all of the staff, the teaching staff, the support

staff, sending them an email just to say; “A thanks for all the work that you‟ve done”

… You know? Just that sort of thing, that the staff don‟t feel the board are just some

group of people who just show up and make decisions. They have to know that we

do listen to them, we do care about their opinion, that they are very important to us,

as important as the kids. But we‟ve got a united focus. The focus is to give our kids

the best education that each of them can get, and they are all different so… (Nancy)

À l‟instar de Sarah, Sonia semble avoir été poussée par la volonté de venir en aide à l‟école. « I

wanted to be on the BOT because I wanted to help our principal, Elisabeth, to run the school, and I

was interested to help manage it just the best I could » (Sonia). Les motivations de Brian, membre

de comité à l‟école secondaire de son fils, vont dans le même sens que celles de Sonia, mais aussi

de Hine et Nancy : venir en aide, apprendre le fonctionnement du comité et développer un

sentiment d‟appartenance envers cette institution et sa communauté. « Ha… I suppose when I first

stood I wanted to help, but I was also interested in what they did, I‟d never been on a board before.

But since then, I have been there for six years now, I really feel connected to the school, I have a

sense of ownership and I really want to, you know, make the school better and see things through »

(Brian). Steve, le mari de Laura, a décidé de tenter sa chance aux prochaines élections de comité

tenues en mai 2010. Son épouse estime que ses qualifications seront utiles à leur école primaire de

quartier de décile 10 et qu‟il pourra y seconder le directeur, qui en a selon elle bien besoin, afin de

s‟assurer que leurs enfants reçoivent la meilleure éducation possible.

Steve can be involved in the process of managing the school, which is an area which

he is really strong in because he works in management. […] The board influences the

school and it‟s good to be involved, making sure our kids get the best from their

school! So he is quite keen to do that. I am sure a lot of parents think like that. And

you know it‟s been a couple of minor accidents at the school and I think the principal

really needs a good support network behind him, not just teachers, he needs some

parents who are really going to stand behind him, when there are significant issues

they can help him deal with those. (Laura)

S‟assurer du bon fonctionnement de l‟école en appuyant les professeurs et le directeur afin que les

élèves reçoivent la meilleure éducation possible apparaît donc comme la principale motivation des

parents siégeant dans les comités. Nancy, Hine et Sarah ont quant à elles affirmé qu‟au-delà du

devoir, c‟était la passion qu‟elles avaient envers leur tâche qui les poussait à s‟impliquer. L‟idée

d‟une communauté unie qui se préoccupe du bien-être de ses enfants est aussi très présente et a été

avancée par plusieurs, dont Hine, Brian et Laura. Bon nombre de parents qui ne font pas partie du

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comité apprécient et admirent ce dévouement. « I think they do a pretty good job on the whole. […]

I think in general it gives the parents the chance to have some say on what goes on at school, which

is a good thing. At some point I‟d like to go on a school board to have a more accurate view of what

they do » (Nadia). Tina partage elle aussi cette opinion et estime que c‟est une bonne chose que des

parents puissent s‟investir pour veiller au bon fonctionnement de l‟école. « I think it‟s a good idea

to have a board of trustees, and I always read what they do and also what their commitment is to the

school. It‟s something I would not mind to do but it takes so much time. Yes but its great people can

do that, just to be part of the school, you know, just for the well-being and to make it grow » (Tina).

Chose certaine, l‟établissement de ces comités a radicalement transformé la façon d‟opérer des

écoles, comme nous le rapporte Rebecca. « Now parents are very vocal, as far as board of trustees,

they come and say their piece. Much more vocal, that‟s good, we want their opinion but not in a

negative way, which is going to undermine what you are trying to do [as teachers]. So the board

were a huge change and a society change, it‟s just so different » (Rebecca).

Travail bénévole

Malgré une charge de travail qui peut être par moment très importante, les membres de comité ne

sont pour ainsi dire pas rémunérés. Il est vrai que 55 $ sont accordés pour chacune des réunions, qui

se tiennent habituellement sur une base mensuelle, et que les présidents reçoivent un montant de

quelques centaines de dollars, ce qui s‟avère somme toute dérisoire pour la tâche qui leur incombe.

Situation qui en plus d‟être extrêmement exigeante peut aussi devenir propice à la création de

tensions entre les membres du comité et le personnel scolaire, ce qui fait dire à Sarah que ce n‟est

pas là une manière responsable de gérer le système. « It‟s not a very responsible way to run a

system in some ways […] when you rely on capable volunteers to lead such a big part of it. Like

me, I have a really good relationship with the principal, we work really well together. We both work

hard, but it‟s not always like that in schools, and it‟s a very uneven relationship. One being paid

$100,000 or whatever and one person is not » (Sarah). Les présidents de comité (chairperson) ont

pour leur part encore plus de responsabilités que les autres parents élus. Ils doivent investir

davantage de temps et faire preuve de multiples capacités dans plusieurs domaines afin d‟être en

mesure d‟épauler le directeur et d‟orchestrer de façon harmonieuse l‟ensemble des tâches. Nancy

souligne que même si le montant versé par le gouvernement est plus substantiel pour eux que pour

le reste du comité, il demeure bien petit pour toute la charge de travail dont ils sont responsables.

We don‟t get paid a lot I have to say. It‟s up to a maximum of $800 a year for a

chairperson. Or $600? Because we have to set the agenda, before we have a meeting.

Well we have eight main meetings in a year, but there are others along the way. I

spend a morning with the secretary and we set the agenda and go through the

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document and in the mean time I prepare for that. I set up documentation that needs

to go to people; people giving me stuff […]. So there‟s three or four hours to do that

for every meeting. (Nancy)

Brian, qui occupe pourtant un emploi de professionnel au gouvernement, jugea son expérience à ce

poste des plus accaparantes. « The chairperson has to coordinate everything, and the responsibilities

are theirs. Many of the ultimate responsibilities rest with the chairperson and it‟s very, very

demanding, it‟s why I only did it for a year. And the chairperson last year just stayed for a year

because it‟s so much time » (Brian). En plus des réunions mensuelles, plusieurs autres rencontres

ont lieu, surtout au niveau secondaire, comme nous en fait part Hine.

At primary you have one meeting a month, but at college-level you have four

meetings a month, those meetings are three or four hours long […] and you have

curriculum meetings, you also have curriculum reviews, when the head of the

department, a teacher, will present back what they are delivering in the class, and we

book them in because they need to be prepared as well. We also have finance

meetings. Sometimes we have meetings because we‟re going over budget and how

are we going to manipulate the budget to make the money spread out? (Hine)

Si quelques cours sont disponibles sur la toile en vue d‟aider les membres dans leurs tâches, ceux-ci

ne reçoivent que peu de formation. Ce manque de connaissances parfois combiné à des carences

financières ou autres peut dans certains cas mener une école au bord du gouffre, comme nous le

souligne Sarah. « A lot of schools get financially into trouble, and that sometimes does not show up,

but some do get [are assigned] commissioners. And there‟s a debate around how BOT are trained,

we used to have better training until last year, we had a lot of courses we could go on, but now it‟s

all on the web » (Sarah). Le ministère de l‟Éducation intervient alors et nomme un commissaire qui

veillera pour un moment au bon fonctionnement de l‟établissement le temps que les choses se

redressent. Car comme nous l‟avoue John du ministère de l‟Éducation, une telle approche qui

repose essentiellement sur un comité bénévole se révèle être bien exigeante et tous n‟arrivent pas à

livrer la marchandise. « I think a percentage of our schools, at all times, are under a certain statutory

intervention. So there‟s always some schools that have an expert in there because they need it. […]

Yes, it‟s a big challenge in certain areas; our system does demand a lot of boards and principals, and

many of them are able to fulfil that function, but other do struggle a little » (John). Il existe

cependant une association dont la fonction est de fournir un soutien aux membres de comité, surtout

lorsque des questions légales sont en cause, comme nous l‟explique Sarah. « So we have the

government funds, New Zealand School Trustee Association to provide us with advice. So if you‟ve

got an industrial problem, you know, with employment then you need to take their advice, you need

to listen to what they say » (Sarah). La NZSTA (New Zealand School Trustee Association) existe

depuis 1989 et fourni aux 14 000 membres de comités à travers le pays conseils, services de soutien

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et formation en ligne. Si une telle association s‟avère utile quand vient le temps de prendre

d‟importantes décisions, il demeure toutefois selon Sonia bien plus commode de disposer de

ressources suffisantes à même son comité.

We have the NZSTA, but it‟s very, very different not having someone immediate to

turn to at a meeting to go [say] : “What do you think of that situation? What‟s the

legal issue? What can we do?” And then we can make a decision at the meeting. […]

When you have to look outside for the information it‟s a lot of time and effort

consuming, and things which should get done get put back. When you have in your

pool of resources people who understand strategic things and have the useful

knowledge to run the school, things are easier. It‟s assumed you will find those

people in a cookie jar? It‟s not the case! (Sonia)

Responsabilités exigeantes qui nécessitent temps et connaissances

Trouver des gens disposés à investir temps et énergie afin de saisir dans le détail le fonctionnement

du système scolaire, voilà ce qu‟exige désormais le ministère de l‟Éducation de la part de toutes les

communautés du pays. Si par chance il est aussi possible de dénicher des parents qui détiennent des

connaissances fiscales, de gestion ou juridiques, c‟est encore mieux! Car comme nous le résume

Elisabeth, le système est plus efficace quand les ressources humaines sont abondantes, formées et

capables de fournir gratuitement temps et efforts.

I think the board of trustee system as a whole relies a lot on the community. So it

works better in places where you are fortunate enough to have a good body of

parents with enough to chose from, who have the expertise and the time and the

commitment to be able to put into the board of trustees. Because it does take a lot of

time and you have to know a lot, it requires parents to know a lot about the education

system, the school system, that they‟ve never been required to know before. So it

often takes time to be familiar with that. (Elisabeth)

Les importantes sommes à gérer, particulièrement dans le cas des écoles secondaires, de même que

l‟ampleur et la diversité des multiples tâches dont il faut s‟acquitter et les notions qu‟on doit

acquérir pour y arriver demandent beaucoup d‟efforts, surtout pour les nouveaux membres. Nancy,

présidente de comité au secondaire depuis deux ans, a aussi cinq ans d‟expérience en tant que

membre et estime que cet apprentissage est long et complexe. Le vocabulaire étant davantage celui

du marché que de l‟enseignement, il n‟est pas facile de s‟adapter et de comprendre comment opérer

une école dans cette logique, ce qui ajoute probablement à la difficulté du travail à accomplir. « Ha!

I believe now, looking back, that the first three years that you are on the board all you‟re learning

basically is how to speak the language, because there is a certain business kind of language you

know? And it‟s hard to get around it you know! It‟s in your second term or the third year than you

start to flourish and be really effective and be able to look at things across the board » (Nancy).

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Nancy n‟est pas la seule à trouver difficile de saisir et de maîtriser cette approche résolument

tournée vers le marché. Hine perçoit désormais l‟école de son fils comme une entreprise qu‟elle et

ses collègues du comité doivent gérer gratuitement même s‟ils ne sont pas des professionnels versés

dans ces sujets. « You know it‟s like a business, it‟s like you have to be a lawyer, and I am only a

mother! » (Hine). Les attentes élevées qu‟a le ministère de l‟Éducation envers les parents semblent

en démotiver plusieurs qui ne possèdent pas de qualifications dans la sphère administrative ou

légale et qui ne s‟estiment souvent pas à la hauteur pour assumer un tel poste. Nathalie, mère

monoparentale d‟un garçon de 13 ans, exprime très bien cette perspective. « I‟ve never been to the

board of trustees or anything like that. I always think you have to be so clever to be on the board of

trustees. You know you need good business sense or political skills, like you need to know the

different school politics and all » (Nathalie). Il arrive par contre que certaines personnes

particulièrement motivées comme Nancy décident de s‟investir totalement et prennent à leur charge

personnelle une formation qui les aidera à mieux exécuter leur devoir de membre. « Because I want

to be better at it, because I want to know we are doing the right thing, that‟s what sent me to

university. I‟d never been to university until a couple of years ago. I did university through Massey,

a certificate in social and community work and I graduated last year, and now I am half-way

through a BA in social sciences. Because it helps me know if I am doing my job the right way »

(Nancy).

L‟histoire de Nancy n‟est pas monnaie courante et plusieurs parents même très instruits comme

Julie, membre de comité au primaire et titulaire d‟un doctorat, sont estomaqués devant l‟ampleur de

la tâche qui leur est demandée. « Well I think it‟s kind of tricky, the government counts on parents

and expects them to be able to do everything, and they take that for granted, you know? » (Julie).

C‟est ainsi que les écoles qui n‟ont pas de comptables ou d‟autres professionnels capables de

s‟occuper des livres dans leur comité d‟administration doivent souvent piger dans leur mince budget

pour se payer des consultants extérieurs. « […] sometimes we engage consultants, help from

outside, especially for things like finance. Because finance is really hard, because we don‟t have

enough money, it‟s a pain. Principals are educationalists, they are not finance people. So you‟re

expecting them to lead the organisation but they often don‟t have the time, the skill, or the

inclination to do it. So I find the finance quite hard » (Sarah).

La charge de travail du président de comité administratif est lourde et complexe et les candidats se

font rarissimes dans les secteurs moins fortunés. Sarah, qui œuvre dans une école secondaire

intégrée de décile 2, occupe un poste qu‟elle sait que peu de personne de sa communauté seraient en

mesure de combler. « So to volunteer to be the chairperson, there are not many people who have the

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skill to do it. I did my degree in economics and industrial law. So I have that background and I try

to keep it. […] Besides the priest, I am probably the only person on the board who has a degree. I

still think they can govern, that doesn‟t mean they are not capable of doing the job » (Sarah). Les

membres de comité que j‟ai interviewés disaient consacrer environ de dix à trente heures par mois à

leur fonction, le rôle de président pouvant quant à lui atteindre dix à trente heures de bénévolat par

semaine. Les rencontres mensuelles auxquelles j‟ai assisté en tant qu‟observatrice duraient à elles

seules au moins deux heures au primaire et quatre au secondaire. À cela vient s‟ajouter une kyrielle

d‟autres tâches : préparation pour les rencontres, embauche de personnel, planification de budget,

correspondance. Sans oublier les nombreuses exigences du ministère de l‟Éducation et d‟ERO, dont

il faut prendre connaissance afin d‟être à même de les appliquer pour ensuite les évaluer et en

rapporter les résultats. Travail qui semble des plus laborieux même pour Sonia, qui a pourtant fait

des études supérieures et qui souhaiterait que les tâches les plus pointues soient confiées à des

spécialistes, comme c‟est le cas dans les écoles privées.

From the Ministry of Education we get bombarded with paperwork, with stuff to

write and read the whole time. […] I switch off from it because I find a lot of

bureaucrat-speak just irrelevant to me. I don‟t understand it, I am an educated person

but a lot of that blubber, psycho-speak, I just find it very, very hard going. The

problem is, we‟ve got a lot of legal obligations as board of trustees … you know! No

I would love some people at the administration to do it for us, like they do at the

private schools, to give that job to people who are specialised in that. (Sonia)

Implication dans un comité scolaire, une tâche trop lourde pour certains parents

Le travail des simples membres de comité, s‟il est moins exigeant que celui du président, n‟est pas

léger pour autant. Julie, récemment divorcée et mère de deux enfants en bas âge, n‟est dorénavant

plus certaine d‟être capable de bien faire son travail de membre à l‟école primaire que fréquente sa

fille. « The way they organise the board of trustees has kind of portfolios of responsibility for each

person, and I know which portfolio I would like to do, I am just not sure I will manage to find the

time to do it. As a solo mum my schedule got a lot tighter » (Julie). Hine, veuve et mère de quatre

enfants, trouve pour sa part désormais trop difficile de conjuguer ses responsabilités familiales, son

retour aux études et son implication dans le comité d‟administration à l‟école secondaire de son fils.

At the moment, being a parent and a student it‟s complicated because of time, and

giving good commitment. I am not staying for the next election because my

commitment now is to my further education. […] Because you usually do 20 to 30

hours a month, it‟s a lot. You have to travel too, to get from home to school, and then

home again, it‟s petrol money… We get $55 a month and it‟s been that price since

my 16 year old son was a little boy, that hasn‟t gone up. Because I am a single

parent, because my husband passed away, I have to make sure I don‟t over-commit

myself to things. (Hine)

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Aronui, qui élève seule sa fille de 6 ans, s‟impliquait au kohanga reo, un service de maternelle

d‟immersion maori, lorsque sa petite y était inscrite, mais elle considère aujourd‟hui trop difficile de

concilier sa carrière d‟astrophysicienne avec les responsabilités d‟un comité d‟administration

scolaire : « I used to be involved at kohanga reo, now I am working and I can‟t do it. I find it a

struggle to do the homework, […]. If I drive it costs me $10 to go to the school and back, so that

adds up. And time, it‟s just time really. […] I do understand the importance of being involved, but I

am a single mother… If I was married it would probably be different » (Aronui). Les parents qui

élèvent leurs enfants en solo sont ainsi moins disponibles que les autres puisque le manque de temps

et de ressources deviennent vite une barrière à leur implication, comme nous en témoigne Nathalie.

« For me, I‟ve always been by myself up till three years ago, I always had to call mum if I wanted

to do something without my son, so for the meetings and all I don‟t think I could have done it,

because it‟s too hard. Or paying a babysitter so that I could go to the board meeting? It s not worth

the money! » (Nathalie). Il est à noter, selon Statistics New Zealand, qu‟un quart des enfants du

pays vivaient déjà avec un seul parent en 1996 et que ce nombre grimpait chez les petits Maori et

les immigrants issus des autres îles du Pacifique. « Some 41 percent of Māori children lived in sole-

parent families in 1996. This compares with 29 percent of Pacific Islands children, 17 percent of

European children and 12 percent of Asian children » (Statistics New Zealand 1999). Cette réalité,

combinée avec d‟autres faits, fournit probablement une piste d‟explication à la sous-représentation

de ces groupes dans la gouvernance des écoles, mais nous y reviendrons.

En Nouvelle-Zélande comme dans le reste du monde occidental, les familles monoparentales sont

deux fois plus susceptibles de se trouver en situation de pauvreté. Déjà en 1996, 56 % des enfants

élevés par un seul de leurs parents, en général la mère, se retrouvaient dans la tranche économique

la plus basse (Statistics New Zealand 1999). Ce qui touche un bon nombre de personne qui se

voient, en raison de leur situation familiale et économique, trop souvent exclues d‟un procédé qui

est pourtant théoriquement ouvert à tous les parents qui souhaitent s‟impliquer dans l‟éducation de

leurs enfants. Il n‟y a pas que les chefs de familles monoparentales qui trouvent la participation à un

comité d‟administration scolaire trop astreignante pour être incorporée dans leur quotidien, comme

nous l‟expose Tina, qui partage sa vie entre son travail, son conjoint et leurs trois fils. « I don‟t

involve myself like that because I just think it‟s a huge task. I know in high school they do four-

hour meetings, it‟s just too much, I could not cope, because I will be thinking “I‟ve got this to do, I

got this to do, this, and this…”. But I have a huge respect for the parents who do it and I would like

to encourage other parents, and myself to get involved » (Tina). Comme Sonia, Nancy, Sarah, Hine,

Brian et Elisabeth nous l‟ont exprimé, être membre d‟un comité n‟est pas une mince tâche. Temps,

générosité, implication et bon vouloir ne suffisent plus puisque le travail demandé est complexe et

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pointu. S‟il revient à la communauté de relever le défi de prendre l‟école de leurs enfants en main,

tous ne sont pas également équipés devant les exigences requises par le ministère de l‟Éducation.

Le comité scolaire, reflet de sa communauté

Le ministère de l‟Éducation ne reconnaît qu‟à contrecœur les difficultés auxquelles font face les

écoles de bas déciles lorsque vient le temps de trouver des parents compétents pour occuper les

postes dans les comités d‟administration scolaire, comme nous l‟illustre le commentaire de John.

Minimisant le problème, il estime que la situation socioéconomique ne détermine pas tout et que

certains comités situés en milieux défavorisés fonctionnent à merveille. Il est cependant évident que

ces comités ne peuvent en aucun cas disposer d‟autant de membres qualifiés que les établissements

de haut décile, comme en témoigne mes entrevues de même que mes observations de rencontres de

comités.

I know of a decile 10 school that is quiet dysfunctional and has difficulty with its

board and its principal. At the other end, there are some decile 1 schools where they

have an outstanding board who do a wonderful job. The socio-economic is there but

it‟s not absolute, there‟s always going to be exceptions. But in general, in some cases

yes I know schools do have difficulty recruiting board of trustees. We ask : “It will

be great if you have an accountant, and a lawyer, and a human resources person.” and

some communities have that. Like some farmer communities are used to running

their own business and they are really good at running school most of the time. We

do have training support for board of trustees, you know our small resources go into

that, and that will have an impact over time. New Zealand is being trained in

governance and management. (John)

Ayant assisté à une rencontre de comité à l‟école primaire de décile 10 où sont inscrits les enfants

de Laura, j‟ai été surprise d‟y voir une majorité de professionnels cravatés. Laura est fière de cette

situation qui lui assure que l‟école de ses enfants est administrée par des parents compétents. « Our

board has a lot members who have their own businesses, or parents who have high-level jobs in

business and good management skills » (Laura). L‟expérience fut encore plus frappante lors de la

rencontre observée à cet établissement public pour garçons fort réputé, où l‟écrasante majorité des

membres étaient constituée d‟hommes d‟affaires, et dont le président est un éminent professeur

d‟économie qui occupe un poste important dans une université de la capitale. Ce type de personnes

était toutefois totalement absent des réunions de comité des écoles primaires et secondaires de

décile 2 auxquelles j‟ai aussi assisté.

Le pouvoir que donne la décentralisation du système d‟éducation néo-zélandais aux parents via les

comités d‟administration, s‟il ouvre la porte à une autonomie salvatrice dans les milieux favorisés,

peut se transformer en un lourd fardeau pour ceux qui ne disposent pas des ressources ou de la

formation nécessaires. C‟est le cas à l‟institution que dirige Barbara, où plusieurs parents,

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majoritairement immigrants ou réfugiés, maîtrisent peu l‟anglais et dont le quotidien leur offre plus

que leur part de défis dans un pays d‟accueil où la situation économique est somme toute

chancelante. « They don‟t have the energy, they don‟t feel that they can have any effect. I mean,

they would like to make the school a decile 10 school, but they know they can‟t, because, no matter

what they do, they not going to be able to have that effect. So they get disillusioned quite easily »

(Barbara). Les parents membres de comité qui ont des situations professionnelles enviables et qui

maîtrisent la culture et l‟éthos national se sentiront sûrement plus à même d‟améliorer l‟éducation

de leurs enfants que ceux que les aléas de la vie ont poussés vers un nouveau pays d‟accueil. Car

comme le souligne Barbara, il serait irréaliste même avec toute la détermination du monde pour un

réfugié ou un immigrant qui maîtrise à peine la langue de la majorité et qui doit trouver du travail

d‟y participer efficacement. Leur manque de ressources et de compréhension de la nouvelle société

où ils s‟établissent réduisent leur pouvoir sans pour autant les soustraire aux responsabilités qui

demeurent quant à elles entières. Comme nous l‟explique Sonia, en plus des changements instaurés

par Tomorrow‟s Schools, le pays a subi au cours des vingt dernières années une importante

transformation de sa politique d‟immigration, qui s‟est soudainement ouverte sur le monde. Cet

élément semble cependant avoir été ignoré par les réformistes.

A fundamental change arrived in New Zealand about 20 years ago when Tomorrow‟s

Schools, which empowered parents to take over, to run their schools in 1989. There

was also a major change in New Zealand immigration policy, which went from

leaving the traditional Anglo-Saxon immigration, that has made New Zealand

essentially a very white, Anglo-Saxon country, along with some Maori, to opening

up the country to non-traditional sources. So that change in education was done at the

same time as the immigration change. People coming with different religions, not

speaking English, and often coming from third-world countries, arrive here. […] And

we had a structure that presupposed, before that immigration policy, that the majority

of New Zealanders were English-speaking, and had the ability to manage a school

and to run it. (Sonia)

Il arrive de fait que plusieurs écoles qui reçoivent un grand nombre d‟enfants immigrants

connaissent des problèmes de recrutement lorsque vient le temps d‟élire de nouveaux membres de

comités. Car comme poursuit Sonia, même quand les nouveaux arrivants sont éduqués, les barrières

de la langue et de la culture sont des éléments extrêmement difficiles à surmonter. « My school is

predominantly immigrant. People might be very well educated, but don‟t have a grasp on what New

Zealand demands, and the expectations around it. And for some of those immigrant families,

English is their second or their third language, and many are recent to New Zealand and they don‟t

understand how the mechanisms of running a school in New Zealand is different » (Sonia). Les

écoles à majorité maori connaissent elles aussi d‟importants problèmes lorsque vient le temps de

former un comité d‟administration scolaire adéquat, mais les raisons y sont plus complexes, comme

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nous en discuterons plus avant au chapitre 5. De plus, le comité scolaire se doit de refléter la

composition ethnique de ses élèves et pour les raisons énumérées jusqu‟ici, bon nombre

d‟établissements peinent à répondre à cet impératif. Si l‟école primaire dont Barbara est directrice

est composée à 80 % d‟enfants immigrants et réfugiés, seulement un parent représente cette

majorité dans le comité d‟administration.

Since New Zealand schools have become self-managing, your board of trustees are

meant to represent your community. But our BOT? We have a Pacific [Island] parent

who speaks very good English, but other than that, our BOT is made up of Pakeha

parents or outsiders who are not even parents. Our chairperson, he has one child who

went here, and now she would be … 28 now! We only have four Pakeha children in

the school! […] And we have had other parents on the board but they find it really

hard because they don‟t speak good English either, so they find it really hard to

follow what is going on in the meeting, or to be able to contribute in a meeting.

(Barbara)

Manque de connaissances, d‟expertise, de formation et de ressources sont autant de carences qui

condamnent, malgré la bonne volonté et les efforts des parents impliqués, bon nombre d‟écoles à

une gouvernance de second ordre. Avec le choix qui permet désormais d‟inscrire son enfant à une

autre école publique que celle de son quartier, les parents qui envoient tout de même leurs petits

dans les établissements de bas décile, qu‟ils soient Pakeha, Maori ou immigrants, y sont presque

toujours contraints par leur situation financière. Nonobstant leur origine ethnique, ils sont d‟après

l‟expérience de Barbara bien peu qualifiés pour occuper la fonction de membre de comité. « If you

are a Pakeha and you put your children at our school, then you are in this low socio-economic

bracket. The Pakeha who go to the school are in the same economic state as the Samoan immigrant

who goes to the school. So think about it, and you will know that those Pakeha parents are not

highly trained academically either » (Barbara). D‟autre part, l‟essentiel de l‟information émise par

le ministère de l‟Éducation se trouve dorénavant en ligne. L‟ordinateur devient ainsi un outil

incontournable pour les membres de comité, et pourtant il demeure pour plusieurs un produit de

luxe qu‟ils peinent à s‟offrir d‟après ce commentaire de Sarah : « This time is the first time that all

my board has access to email. The last one got email access this week » (Sarah).

Dans toute démocratie, l‟éducation publique se doit normalement d‟être un bien commun,

accessible à tous et de qualité constante. En remettant la majorité des pouvoirs aux écoles, l‟État

néo-zélandais met en danger ce droit universel, puisqu‟il est désormais principalement dépendant

du milieu. Des parents éduqués, qualifiés, disponibles et intéressés à s‟impliquer dans la vie scolaire

de leurs enfants se trouvent plus facilement dans certains quartiers que dans d‟autres. « I know it‟s

difficult for low decile schools to get people to do the job, they don‟t have the confidence, they

don‟t know about governance, they don‟t wear a suit like me, you know! (rire) They find it

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difficult » (Brian). Le comité étant responsable de la bonne gouvernance, voire de la bonne

performance de l‟école, le ministère de l‟Éducation se décharge ainsi d‟une part de ses obligations

en les remettant à de simples parents qui sont, selon Rebecca, loin d‟être également outillés pour

faire face à ce défi. « It‟s so dependent on the school situation, and if you are in an area where

you‟ve got business people who actually have the skills, or accounting and all those things,

everything is fine. But a lot of schools got boards of trustees who are ill-equipped to make the

decisions that the board have to make. Initially, they did not get the support they should have got

from the Ministry » (Rebecca). Sonia, qui trouve déjà bien ardu de gouverner la petite école

primaire de décile 9 où va son fils en raison du grand nombre d‟immigrants qui y envoient leurs

petits, ose pour sa part à peine imaginer la réalité des établissements de bas décile. « I can only

imagine what is going on in low decile schools, that have far more low-economic parents, or are on

benefits. And you know, being really “high needs” socially, medical needs, you know all that when

you trying to run a school with millions of dollars! That to me is a time-bomb » (Sonia).

Décile

Fonctionnement

En vue de compenser la disparité entre les écoles néo-zélandaises, un système de redistribution

financière qui alloue les fonds pour chaque enfant selon le milieu socioéconomique de l‟école où il

est inscrit fut mis en place par le gouvernement en 1995. « Targeted funding for educational

achievement (TFEA) was introduced in 1995. It was described as “a supplementary resource fund

that is delivered to schools to address barriers to learning”. The socioeconomic decile rankings were

designed to “assist in the allocation of this resource”, by ranking schools “according to the relative

socioeconomic disadvantage of the communities from which their students are drawn » (Wylie et

Baker 2002 : 1). Le décile d‟un établissement n‟indique cependant pas toute la variété des profils

socioéconomiques des étudiants qui le fréquente, il n‟en présente qu‟un portrait général. On peut

alors dire, comme Patrick nous le résume, que le décile est à l‟image du niveau socioéconomique de

la communauté qui entoure une école donnée. « A decile is basically a calculation of the socio-

economic status of the surrounding community. If you have lots and lots of very well-off parents in

that catchment for the school, it‟s a decile 10 school. A decile 1 school has lots of people on low

incomes, and there are other ways of calculating it too, there are several different things that go into

that calculation » (Patrick).

Toutes les écoles publiques et intégrées sont donc classées à l‟aide de critères précis basés sur des

données recueillies lors du recensement national qui se tient à tous les cinq ans. On s‟intéresse alors

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aux foyers qui comptent des enfants d‟âge scolaire situés à l‟intérieur de la zone couverte par

l‟école. Pour ce faire, chaque établissement d‟enseignement doit fournir toutes les adresses de ses

élèves au ministère de l‟Éducation, qui va étudier l‟indicateur socioéconomique de ces familles

selon les critères suivants : le revenu familial; l‟occupation des parents; le nombre de personnes

vivant dans la maison par rapport au nombre de chambres disponibles; le niveau d‟instruction des

adultes y résidant. Puis, les résultats propres à chaque école sont ensuite comparés avec ceux de

l‟ensemble des établissements du pays, ce qui permet d‟en arriver à les répartir en dix groupes

égaux de nombres, qu‟on appelle déciles. « The decile rating is the indicator used to measure the

extent to which schools draw pupils from low socio-economic communities. A decile is a 10%

grouping. Decile 1 schools are the 10% of schools with the highest proportion of students from low

socio-economic communities. Decile 10 schools are the 10% of schools with the lowest proportion

of these students » (Ministry of Education 2010d). Cette façon de faire apparaît toutefois causer des

problèmes dans certains cas, comme nous en témoigne Sonia, présidente de comité d‟une école

primaire de décile 9.

I know at our school at the moment we have some high income families and very low

income families so you then get this decile average which I don‟t think reflects the

average family, middle to lower income, that we‟ve got here. They only have to get

one or two families with big incomes to distort it. And that‟s our problem. But the

ministry looks at the average and goes “Ha, you are a well-off school!” We tried to

appeal to change it, but they‟ve been very… they make it very difficult for us.

(Sonia)

L‟école secondaire où Hine siège connaît elle aussi une situation similaire car quelques familles

plus fortunées font grimper le décile sans pour autant alléger les responsabilités financières. Cette

organisation essentiellement basée sur des données statistiques peut ainsi déformer la réalité du

terrain. « About two years ago we went up from decile 1 to 2 and it impacted on our school budget.

Because our role is small, it might just be a couple of families which moved from posh areas to

here. […] When we moved to decile 2 we lost $15,000 or $20,000 » (Hine). Il revient alors aux

membres de comité de même qu‟au personnel enseignant de composer avec ces rajustements qui les

privent parfois de milliers de dollars lorsque le décile est réévalué à la hausse, comme nous en

témoigne Hine. Andrew apporte quant à lui une autre perspective, celle de la classe moyenne qui au

final considère souvent qu‟elle est la grande perdante dans l‟ensemble de l‟organisation sociale.

Trop riche pour recevoir de l‟argent du gouvernement et trop pauvre pour s‟attendre à ce que les

parents contribuent financièrement avec autant de générosité que ceux des milieux aisés. « Our

school is decile 6, yes, so the middle of the range, one of the harder to deal with in many ways. Yes,

like if you‟re decile 10, parents have got plenty and you can ask a donation, if you‟re decile 1 you

get it from the government, but we are in the middle […] » (Andrew).

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Un peut plus d’argent pour beaucoup plus de responsabilités

Comme le révèle ce rapport rédigé dans le cadre des activités menées par l‟OCDE, le système de

déciles sert à mieux cibler la distribution des maigres budgets alloués aux écoles afin que celles où

on retrouve la plus grande concentration d‟enfants ayant des besoins particuliers soient en mesure

de leur donner un service adéquat. « Some components of public school funding are weighted in

recognition of the fact that schools in lower socioeconomic communities may have learners with a

wider range of special learning needs. This system is referred to as “decile ranking”. State and state

integrated schools are given a „decile‟ ranking which reflects the socio-economic background of the

students who attend » (OCDE 2006). Il est cependant pertinent de se demander si cet argent

supplémentaire suffit à répondre à toutes les responsabilités dont héritent les écoles situées en

milieu défavorisé. Après avoir constaté en quoi consiste le travail des comités scolaires et à quel

point leur bon fonctionnement dépend de la compétence de leurs membres, il est à craindre qu‟une

telle tâche dépasse de loin la capacité de plusieurs parents élus. Car plus bas sera le décile de

l‟école, plus lourd sera le travail de gouvernance puisque les problèmes principalement liés à la

pauvreté, notamment la concentration des déficiences d‟apprentissage et de comportement, s‟y

retrouvent en plus grand nombre. Un peu plus d‟argent pour beaucoup plus de responsabilités. Pour

Nancy, cette approche s‟avère totalement irréaliste et laisse bon nombre d‟étudiants aux prises avec

de criants besoins qui ne seront jamais comblés compte tenu de la rareté des ressources fournies par

le ministère de l‟Éducation.

I would love the government to be more realistic and understand that schools are

there to educate students; schools are not there to be social service agencies. See in

our school we‟re lucky we have a guidance counsellor and we also have a social

worker. Our social worker is paid for by us. There is a team of social workers at

school but they are at primary and intermediate level and there will be one social

worker for five or six primary schools. So you have a social worker for 3,000 kids…

I mean it‟s just… it‟s not going to work. (Nancy)

De plus, la présence d‟un grand nombre de familles monoparentales de même que celle de petits

immigrants qui ne maîtrisent souvent pas l‟anglais alourdit encore davantage le fonctionnement de

ces établissements. L‟école secondaire où Sarah siège compte, en plus d‟une majorité d‟élèves

originaires des îles du Pacifique, un bon nombre de réfugiés parmi ses rangs. « And you‟ve got to

be realistic, what we‟re dealing with, we‟re dealing with a lot of first-generation New Zealanders,

and almost 10% of our kids are refugees. So they are hard-core problems, they‟ve been in camps for

all of their childhood […] » (Sarah). Barbara, qui est rappelons-le la directrice d‟une école primaire

de décile 2, estime pour sa part que ce système ne suffit pas à compenser la disparité sociale qui

existe entre les différents établissements. « Children who come from low-decile areas are socially,

economically disadvantaged, so we get some extra funding from the government. So let‟s say we

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are going on a bus trip and the parents can‟t pay for it, then we can use some of our grant to pay for

that. But it‟s not sufficient, it is nowhere near the sort of education children in decile 10 schools

could get » (Barbara).

Si cet argent supplémentaire peut être utilisé pour faire une sortie scolaire, payer un psychologue ou

un intervenant social ou fournir du matériel d‟apprentissage de l‟anglais aux petits immigrants, il

arrive parfois que les écoles n‟aient pas beaucoup de choix. « We‟ve got large buildings and that

takes away a lot of our money and […] we also have to feed children who are hungry. We often

have to get clothing for kids who haven‟t got appropriate clothing for school. We have to buy

sneakers for sport » (Barbara). En effet, certaines écoles accueillent des étudiants si démunis qu‟il

leur est ardu de ne pas outrepasser leur mandat et d‟utiliser les fonds alloués par le ministère à

d‟autres fins. Si fournir nourriture et vêtements chauds aux enfants dans le besoin est une

responsabilité que plusieurs établissements de bas décile doivent assumer, le gouvernement ne

prend toutefois pas en compte que de telles dépenses sont souvent inévitables dans ces milieux

défavorisés. D‟autant plus qu‟une partie de la classe moyenne et de l‟élite paraît adhérer à l‟idée

qu‟une semblable générosité peut mener à la dépendance des parents à l‟égard de l‟État et ainsi les

déresponsabiliser, comme le soutient Sonia.

My mother is a teacher in a low decile school in Auckland and they actually have a

tough-love policy going on at their school because they realise that a lot of families

will take advantage of the fact they were getting a lot of extra funding and a lot of

donations from charitable groups : coats, socks, shoes, lunches, breakfast […]. And

parents give up doing things. They relied on the state, they relied on the school.

(Sonia)

Le point de vue de Sonia n‟est pas isolé et probablement entretenu par la disparité économique et

ethnique que l‟on retrouve entre les déciles et dont il sera fait mention dans les prochaines pages.

Elisabeth, qui a rappelons-le travaillé au développement du nouveau curriculum au ministère de

l‟Éducation et qui est maintenant directrice d‟une école primaire de décile 9, estime pour sa part que

ce système suffit amplement à assurer une bonne éducation à tous. Elle va plus loin et avance que

les écoles classées décile 1 reçoivent plus de ressources que ce qui leur est en fait nécessaire. « […]

the government funds decile 1 schools much higher, like significantly higher than it does for

schools in richer areas. So that‟s compensation I guess, like the parents will have to pay a lot less, or

even not at all in a decile 1 school compared to a high decile school where they have to pay a lot

more. And then the school will be given more resources than it needs » (Elisabeth). Patrick, qui

occupe un emploi de cadre à NZQA pense comme Elisabeth que les écoles de bas déciles reçoivent

des montants substantiellement supérieurs à ceux de haut décile. « So you get … I don‟t know … so

many hundreds of dollars per child if you are a decile 1 school. But by the time you get up to the

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decile 10 schools, I think that particular kind of contribution is nil, nothing » (Patrick). Cette

perception ne concorde toutefois aucunement avec l‟expérience vécue par Sarah au cours de ses

années passées dans plusieurs comités d‟administration scolaire d‟écoles de différents déciles.

You get high decile schools who think low decile schools get a lot of funding, but

really the difference is not that great. The way the funding works from what I can

see, because I‟ve been on a board in a high decile school […] my kid‟s primary

school was a decile 9 school. So I see the two sides of it, and I think people way

over-estimate how helpful this extra funding is. From what I can see, this extra

funding really only helps a bit toward what we normally get from our community.

(Sarah)

Les ressources demeurent supérieures dans les établissements à haut décile

Les écoles qui accueillent principalement des élèves des classes moyennes et supérieures dépensent

peu d‟argent pour l‟intégration des petits immigrants ou pour habiller et nourrir leurs pupilles

puisqu‟elles ne rencontrent pas de tels besoins. Elles peuvent ainsi, comme nous le souligne Sonia,

investir leurs budgets à d‟autres fins, par exemple, dans des sorties éducatives ou l‟acquisition de

meilleurs équipements. « Neighbourhoods who are predominantly high, white, middle class, they‟re

going to have less demands on education resources; they can have more trips away. They can have

more computers because they don‟t have to put money to get those children learning to speak

English in the first place! » (Sonia). Ce qui ne manque pas d‟attirer les parents, puisque comme

nous l‟explique Barbara, ceux qui magasinent regardent le matériel et les installations disponibles

avant de choisir où ils vont envoyer leurs enfants. « I think I‟ve got better quality teachers than the

decile 10 school down the road. […] but people will look at the high decile school, they have better

resources. Like I might have six computers in a classroom and they might have a laptop for each

student! Because of the money, the parents can afford to. So you end up where people come and

look and see the resources are better » (Barbara).

Puisque le gouvernement, bien qu‟il finance les écoles selon leur décile, attribue aussi les fonds

d‟après le nombre d‟élèves inscrits, celles de décile supérieur ne manquent de fait ni d‟élèves ni

d‟argent. Pour Hine, qui siège dans une école secondaire où presque les deux tiers des pupilles sont

issus de l‟immigration des îles du Pacifique, le manque de ressources est un problème criant. « The

big example is we don‟t have a gymnasium. We‟ve never had one and we‟re never likely to have

one because our school role is under 700. We have a fitness machine room and we asked for $5,000

for some fitness machines and the criteria just all changed and our formula went back refused

because they say it‟s not going to help our community! » (Hine). D‟après mes visites effectuées

dans de nombreuses écoles de différent déciles de la région de Wellington, il m‟a été donné de

constater que la majorité des écoles cotées 9 et 10 jouissent généralement de meilleurs équipements

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et installations que celles classées 1, 2, ou 3 malgré les fonds supplémentaires qui leur sont

concédés.

Une importante partie des budgets dépend désormais de la donation que l‟école propose aux parents

sur une base volontaire, de même que de différentes levées de fonds du genre kermesse ou vente de

garage, où la générosité de la collectivité est activement sollicitée. Car, comme l‟OCDE nous le

rappelle, l‟école demeure théoriquement gratuite et des frais directement liés à l‟éducation publique

ne peuvent donc pas être exigés des parents. « Equity funding provides extra money for schools

with higher proportions of students from a lower socio-economic base (low decile schools), and

increased funding for isolated schools. In addition to government funding, school boards are free to

raise their own funds, though they cannot charge fees » (OCDE 2006). Les écoles situées en milieu

favorisé ont dans cette situation une longueur d‟avance, car comme nous le confirme Sarah, il est

très difficile pour les établissements de bas décile d‟obtenir de l‟argent de la part de leur

communauté, où les familles peinent déjà à subvenir aux besoins les plus immédiats. « It‟s too hard

for us, we need to have some decile funding because we can‟t get money from our community »

(Sarah). De plus, les montants des donations suggérés aux parents afin de venir en aide à l‟école de

leurs enfants sont, comme nous le verrons au chapitre 4, souvent plus substantiels dans les

établissements de haut décile et aussi davantage payés. Malgré ce chapelet de complications qui

rend la gouvernance d‟une école de bas décile beaucoup plus ardue que celle d‟un établissement en

milieu favorisé, le comité et le personnel demeurent responsables de la bonne performance de leur

établissement devant le ministère de l‟Éducation.

Concentration ethnique selon les déciles

La cohorte d‟enfants fréquentant les écoles de décile 1 est majoritairement composée de Maori, soit

à 49,68 % au relevé de 2010. Ils sont suivis par les enfants d‟immigrants issus des différentes îles

du Pacifique, qui représentent 41,23 % de la clientèle, puis de bien loin par les Néo-Zélandais de

descendance européenne avec 5,73 % et par les Asiatiques avec 2,63 %. Les chiffres s‟inversent

lorsque vient le temps de regarder à l‟autre bout du spectre! Les écoles de décile 10 accueillent ainsi

5,87 % de Maori, 1,84 % d‟enfants du Pacifique et 13,32 % d‟Asiatiques pour laisser la place à une

écrasante majorité de 74,21 % de Pakeha!18

(Education Counts 2010) Maori et immigrants du

Pacifique forment ce que le ministère de l‟Éducation appelle « the tail of the academic

achievement ». Il n‟est donc pas surprenant que les résultats académiques suivent l‟échelle des

déciles. Patrick, qui travaille en statistique, est bien placé pour le savoir. « So what we find is a very

18 Répartition ethnique selon les déciles, voir Annexe H.

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definite difference in performance, the high decile schools have much better performances than the

low decile schools. Typically, some ethnic groups are performing better than others » (Patrick).

Minorités ethniques et nationales sont ainsi majoritairement présentes dans le bas de l‟échelle

socioéconomique et académique, comme nous le démontre ce rapport du ministère de l‟Éducation

datant de 2002. État de fait alimenté plutôt que découragé par le système de décile.

Results of assessments – Disparities of outcome : There are wide variations in

achievement within New Zealand schools and between groups of students in all

national and international studies.

Mäori and Pasifika students, on average, achieve significantly lower scores

than non-Mäori and non-Pasifika students.

Students in high decile schools achieve significantly higher scores than

those in low decile schools.

Students for whom English is a second language achieve lower scores than

first language speakers.

In addition, the disparity between the performance of students in low decile schools

and high decile schools generally increases as schooling progresses. That is, the

relative competence of students in low decile schools is weaker at school-leaving

than at entry. (Ministry of Education 2002)

Il se pourrait ainsi que les déciles, tout en accordant un supplément monétaire aux écoles les plus

défavorisées, assurent du même coup la chasse gardée des établissements bien cotés aux plus riches.

Car si les écoles publiques sont théoriquement gratuites, celles situées en milieu privilégié qui

reçoivent moins de fond de la part du gouvernement demandent généralement des donations de

même que des frais plus importants aux parents. Ces montants peuvent alors atteindre des milliers

de dollars, ce qui a comme effet, combiné avec d‟autres facteurs que nous verrons plus avant, de

cantonner bon nombre de Maori et d‟immigrants dans les écoles de bas déciles. « Furthermore, the

decile system has increased separation of ethnic groups. The poorer Pacific Islander and Maori

populations have been unable to afford the student fees associated with the higher ranked schools.

Therefore, a high percentage of these groups‟ children have fallen behind because they remain in

decile one and two schools » (Morphis 2009 : 19).

J‟ai d‟ailleurs constaté cette homogénéisation ethnique lors de mes entrevues où la totalité des

parents dont les enfants fréquentaient une école de décile 10 ont confirmé que très peu de Maori ou

d‟autre Polynésiens y étaient inscrits. Je leur ai posé cette question : « Do you have some

Polynesian or Maori people at your school? ». Voilà quelques réponses formulées par les parents de

milieux bien nantis, en commençant par Brian, dont l‟école secondaire fréquentée par son fils est

l‟une des plus en vue de toute la capitale : « No, we do have some but it‟s quite low. It‟s decile 10,

so that means that‟s the top 10% of the socio-economic… so, consequently… » (Brian). Nadia, dont

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les deux aînées sont inscrites à une école presbytérienne intégrée réservée aux jeunes filles,

reconnaît que l‟écrasante majorité des étudiantes y sont Pakeha, tandis que l‟école de quartier de

décile 9 où vont ses plus jeunes est quant à elle moins homogène. « The high school is probably

90% Pakeha and the primary is probably 2/3 Pakeha and 1/3 other ethnic groups » (Nadia).

Certaines écoles sont situées dans des quartiers ou des banlieues où la majorité Pakeha prédomine à

un tel point qu‟il est quasiment futile de demander s‟il y a un mélange ethnique. C‟est le cas pour

Jeanne, qui demeure dans une portion huppée de la capitale, et pour Zoé, qui habite dans une de ces

maisons de bord de mer en marge de la ville. « The primary school is decile 10 and it‟s 95%

Pakeha, we have a couple of Asians » (Jeanne). « It‟s a very high proportion of white children.

Kapiti doesn‟t have a high Maori or Polynesian population. So 90% white children at least » (Zoé).

Bien que plusieurs banlieues et quartiers de Wellington soient composés d‟une population beaucoup

plus mixte, la polarité raciale persiste tout de même au sein de nombreuses écoles, comme nous le

témoigne le commentaire de Laura, dont les enfants fréquentent un établissement primaire de décile

10. « There‟s not any Maori families at our children‟s school, there will be a couple of Asians and

some Indians. And you go around to Post Gate School; just 5 minutes drive and its 97% non-

European ethnicity. So they‟ll be Polynesians, you know they can be Samoan, Cook Islands, Tonga,

Niue island or whatever, Maori. There is a really small percentage of New Zealand Europeans »

(Laura). Mais comment une telle polarisation peut-elle avoir lieu dans un espace géographique si

restreint? Pourquoi n‟y a-t-il pas de mixité ethnique alors que les deux écoles dont Laura nous parle

sont à peine à 5 minutes de voiture l‟une de l‟autre ? Si comme nous venons de le constater le

système de décile semble ne pas suffire à pallier le manque de ressources autant humaines que

matérielles des milieux défavorisés, il pourrait plutôt, combiné à celui du zonage, servir d‟autre fins.

Zonage

En vue de contrôler l‟offre et la demande introduites par le choix du consommateur dans

l‟enseignement public, le gouvernement mit en place un système de zonage ajusté à cette nouvelle

réalité. Le ministère de l‟Éducation exige que les écoles qui connaissent une trop grande popularité

élaborent un plan d‟inscription qui devra déterminer une zone où les enfants qui y habitent auront

automatiquement accès à l‟école, les autres devant présenter une demande pour y être admis. Si le

nombre de demandes dépasse celui des places disponibles, le choix doit alors théoriquement se faire

sous forme de tirage au sort. La priorité est toutefois accordée aux enfants ou adolescents qui sont

intéressés par un programme spécifique que propose l‟école, qui y ont un frère ou une sœur déjà

inscrit ou dont l‟un des parents siège au comité d‟administration scolaire (Ministry of Education

2009b). Cette approche a donc comme but d‟assurer l‟accès à leurs écoles de quartier à tous les

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enfants du pays tout en laissant la porte ouverte à un certain choix pour les parents. Cependant, tout

comme celui des déciles, ce mécanisme entraîne d‟après Sonia et comme nous le verrons dans les

pages suivantes plusieurs problèmes pour certains et des avantages pour d‟autres.

In New Zealand we have zoning; it‟s a boundary that‟s set around schools to control

inflow of pupils. I think that was made on one hand to be sure the children have

access to their local school and to stop people coming from miles away and who

have no connection with the school or the neighbourhood; I think that was the

intention. What it‟s also done is to make artificial problems and seal those problems.

(Sonia)

Le système de zonage actuel n‟est pas apparu du jour au lendemain; plusieurs essais et erreurs

tentés au cours des années 1990 furent nécessaires pour en arriver au compromis d‟aujourd‟hui, qui

demeure somme toute une relique de l‟ancien modèle pré-réforme, mais avec plus d‟ouverture. Le

gouvernement tenta durant quelques années une période de complète dérèglementation où les écoles

étaient totalement libres de choisir leur clientèle étudiante, mais les choses changèrent en 1998 dû

aux nombreux problèmes rencontrés. « […] schools were empowered to determine their own

enrolment schemes, which in practice had them cherry-picking students according to academic,

cultural and sporting criteria. Zoning was abolished in 1991 but reinstated in 1998 and expanded in

2001 » (PPTA 2009). Brian, qui se souvient de cet époque, note que le problème le plus criant était

alors que plusieurs enfants se voyaient refuser l‟accès à leur propre école de quartier, leur place

étant prise par des enfants de l‟extérieur qu‟on avait jugés plus performants qu‟eux. « Yes that was

a period when schools could choose the students and so local kids sometimes could not get to their

local schools! So zoning guarantees your right to attend to your local school. So it changes along

with the enrolment and the ballot roll » (Brian). Assurer l‟accès des enfants du pays à leurs écoles

de quartier profite essentiellement à ceux qui résident près d‟un établissement recherché, le plus

souvent de décile élevé, puisque les autres ne sont que très rarement comblés à pleine capacité.

Situation résidentielle déterminante

Comme le ministère de l‟Éducation nous l‟indique, il est formellement interdit par la loi de tenter de

s‟infiltrer via certaines astuces dans la zone de l‟école convoitée. « […] If you don‟t live in the

school‟s home zone, there will be another school that‟s reasonably convenient to your home that

your child could attend. It‟s against the law to give a false address to try and get your child into a

school with a zone that does not include your home. You must give the address of the house you

actually live in » (Ministry of Education 2009b). Cependant, comme nous le mentionne Mary,

lorsque vient le temps d‟obtenir le meilleur pour leurs enfants, plusieurs parents décident tout de

même d‟aller de l‟avant. « But the parents learn to play the system as well. Like if the parents are

separated, or if the grandparents live over the hills, they will tell the school that the child lives at

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that address because then they are classed to that zone » (Mary). Mark a fait appel à un semblable

stratagème pour inscrire ses deux garçons à l‟école primaire située non loin de chez son cousin.

« You know what? I live in a house in Kelson, it‟s out of the zone, but for me to get my two boys

here I can use this place as a home residence and it‟s how I got into the zoning of the school here.

(rire) This is actually my cousin‟s place; we just use it now and then » (Mark). Tout comme Mark,

de nombreux parent n‟ont pas les moyens de s‟acheter une demeure dans la zone de l‟école

convoitée. D‟autant plus qu‟une spéculation s‟exerce autour des institutions scolaires recherchées,

ce qui fait monter les prix des résidences de certains quartiers. Les jeunes familles étant souvent

prêtes à débourser davantage pour avoir l‟assurance que leurs enfants auront leur place dans une

bonne école proche de la maison, comme nous en témoigne Laura. « We had the choice of schools,

but that was by far the closest, and it‟s a smaller school, so we were happy with that. That was one

of the reasons why we bought here, it was the school » (Laura). Le zonage devient ainsi, dans la

perspective de Sonia, une barrière au véritable libre marché et au choix des parents.

I meet many people who are very frustrated, they want to get their son to Wellington

College, which has got a zone around it, because it seems such a good quality school

for sport, for education, but they can‟t because they don‟t live in the zone, and they

can‟t afford to live in the zone because it has artificially raised up the house prices.

People want to live in the zone; you see the residential state agent advising with that

in mind as well. It pushes up the prices of houses in the area. If they did not have the

zone, boys will be able to come from different areas and the school would be able to

select the kids they want. (Sonia)

Sonia n‟est pas la seule à considérer le zonage comme un système qui garantit des privilèges aux

familles plus aisées. Rebecca, sans pour autant défendre avec une grande ferveur le libre choix,

désirerait toutefois que les écoles des quartiers favorisés soient elles aussi ouvertes à l‟ensemble des

enfants, et non pas réservées aux élèves habitant dans la zone. « We do have strata, different areas

will have the higher housing, better housing; the schools there are seen by a lot of parents as better,

so they will buy in the zone. That‟s something else they brought in, zoning. Saying that the children

out of the zone are not allowed to go to their school, they put a cap on it to favour the children who

are legitimately in the zone » (Rebecca). Seuls ceux qui ont les moyens de posséder une maison à

l‟intérieur de la zone sont assurés que leurs enfants auront toujours une place à l‟école de quartier

tant prisée. Il est vrai que quelques parents arrivent comme Mark à contourner le système, mais les

institutions les plus recherchées sont généralement très méfiantes et exigent plusieurs preuves de

résidence. Pourrait-on ainsi y voir une ouverture sélective du système scolaire public à l‟économie

de marché? Ouverture qui favoriserait en partant les classes aisées en leur assurant la chasse gardée

de leurs écoles de quartier grâce au système de zonage?

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Les écoles de haut décile plus zonées

Les écoles doivent se déterminer un système d‟inscription qui restreindra leur clientèle à une

certaine zone seulement quand elles sont sur le point d‟atteindre le maximum d‟élèves qu‟elles

peuvent recevoir. Comme Brian l‟exprime, il est parfois désolant de devoir refuser des enfants qui

souhaitent aller à l‟école secondaire où il siège, mais le zonage s‟avère souvent un mal nécessaire

pour ces établissements de haut décile. « But I think it is a shame that we have to turn children

down who want to come to our school, because it‟s actually good just to have children who want to

be here. But it‟s got to be a balance, because if we take anyone from anywhere we will have

problem with local kids. Local kids have to be able to go to their local school » (Brian). Si toutes les

écoles du pays ont un territoire donné, qui sert entre autres à établir leur décile, on dira seulement

qu‟elles sont zonées lorsque ce territoire sert à déterminer les enfants qui y auront accès. Ce sont

évidemment les établissements les plus renommés qui sont le plus souvent touchés par de pareilles

mesures (Morphis 2009 : 24).

J‟ai en effet pu constater que des vingt-six écoles dont il fut question lors de ma recherche, si sept

étaient de décile 10, une seule d‟entre elles n‟était pas zonée. Elles étaient suivies de cinq écoles de

décile 9, dont deux y était non zonées. Il est à noter que ces trois établissements d‟accès non

restreint sont des écoles primaires où on dispense une éducation alternative ou orientée vers une

religion spécifique et qui s‟adresse donc à une clientèle plus éparse, qui ne se trouve pas réunie dans

un quartier en particulier. Des douze écoles accueillant des élèves issus du 20 % des foyers les

mieux nantis du pays, neuf étaient zonées alors qu‟aucune des quatorze autres dont le décile

s‟échelonnait de 7 à 2 ne l‟était. Barbara donne un bon exemple de ce qui se passe sur le terrain

lorsqu‟elle nous parle de la situation de l‟école primaire de décile 10 située dans le même quartier

que celle de décile 2 où elle travaille.

You can only take children from certain areas. The ministry of education decided

how many kids a school can take. Look, I can take 200 children and I only have 93,

so I am not zoned. But the school at the top of the road can welcome 300 children

and they‟ve got them, so they are zoned, and the only children they can take are the

ones in the streets surrounding their school, which they put in a zone. (Barbara)

Lors de mes entrevues, le manque de place était souvent avancé par les parents dont les enfants

étaient inscrits dans des écoles de haut décile afin de souligner l‟importance du zonage. Car comme

l‟expose Brian, ces établissements doivent souvent gérer un grands nombre de demandes sans

toutefois pouvoir accueillir tout le monde. « Usually we have more demand than places, we have

many demands from people outside the zone, and we decide by a ballot who are the lucky ones.

And most years, not every year, we have to turn some down » (Brian). Les rares places encore

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disponibles sont ainsi théoriquement accordées par tirage au sort. « We‟ve got a pretty tight zone,

and we‟ve got a lot of children that come from within the zone, so we can accept very few out-of-

zone children and they go into a ballot, it‟s in the education legislation » (Alice). L‟école primaire

de décile 9 où Nadia envoie ses deux plus jeunes semble souffrir du même problème d‟une future

surpopulation. « Umm, you can‟t choose completely, it depends on the school […]. It depends if

they have space, because at our school they struggle to accommodate the children in the zone. And

anybody they take out of zone, if they‟ve got any space they can take children out of zone, but they

have to go on a ballot » (Nadia). L‟école primaire de décile 10 que fréquentent les deux aînés de

Laura souffre elle aussi des mêmes maux, ce qui est source de frustration.

I think it‟s good that parents can choose their school. Yes I do, but I have to say (rire)

I think it‟s quite frustrating when you are new in the zone and numbers are getting

tight, people out of zone push and push until you let them come. (rire) You know, it

was a reason for zoning and they need to respect that because we are now at a point

our school roll can‟t get any bigger, so people in the zone are actually going to have a

problem unless some others move away. You know we still have a little bit of room

to move but not a great deal. So I think the school has done a good job realising what

was going to happen, and the zone has gotten smaller. (Laura)

Sélection des élèves

Si c‟est par tirage au sort que l‟on détermine qui seront les heureux élus qui accèderont aux

quelques places restantes dans les écoles les plus recherchées, il semble par contre que cette façon

de faire tombe parfois dans l‟oubli au profit d‟une entrevue bien réussie. C‟est du moins ce qui est

arrivé à Paul, qui a inscrit sa fille dans une école secondaire publique de décile 9, et à Nadia, qui a

choisi un établissement intégré de décile 10 pour ses adolescentes, toutes deux étant en dehors de

leur zone. « They say it will be a ballot for those who are coming in, but we did not hear anything

more and we just got a letter saying she is in. But before that we had to go there for an interview

with one of the Deans. […] They just ask some questions, like why she wants to go there. I think

they‟re just more concerned to find out if she is going to be a problem-maker, if it had been the case

I don‟t think they would have took her » (Paul). Les deux dernières phrases de Paul concordent avec

l‟expérience de Nadia, où il n‟est ici plus question de tirage au sort mais uniquement d‟entrevues

qui déterminent si l‟enfant est accepté dans l‟établissement ou non. Nadia a de toute façon

l‟impression que les enfants qui pourraient éventuellement créer des problèmes ne se rendront

même pas à cette étape.

No it‟s not the school in the zone, it‟s a Presbyterian girl‟s college, and you have to

get interviewed to go in there. They interview you and then they decide if you are

going to be accepted or not. Different criteria, sometimes they like people to be

Christian, they like people to be involved in the church. The kids don‟t have to be

particularly good academically or sports-wise, but they like reasonable kids I guess.

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Kids have to be polite in the interview and things like that so you know if a girl is

rude at the interview she is not going to get in. So they can pick and choose the nice

kids. But probably you will not have problem children even making it for an

interview I expect. (Nadia)

Il apparaît de fait que certains établissements publics et intégrés qui connaissent une forte demande

choisissent les élèves hors zone qui combleront les places vacantes malgré le système de tirage au

sort exigé par le gouvernement. Si plusieurs facteurs contribuent au faible taux de Maori et

d‟immigrants des îles du Pacifique dans ces écoles de hauts déciles, l‟un d‟entre eux est sans doute

la discrimination qui leur est faite. Car comme nous le dit Nadia, ce n‟est pas vraiment les résultats

scolaires qui comptent le plus lorsque vient le temps de choisir les étudiantes de Saint Johns, mais

les habitudes socioreligieuse et le comportement de l‟adolescente. Il n‟est ici point question de

trouver un bon élève qui aidera l‟établissement à atteindre une meilleure performance académique,

mais bien de conserver une cohorte assez homogène, constituée de pupilles issus de la classe

supérieure. « The enrollment schemes of the higher-decile schools have tended to favor the upper

class. Research has shown that in circumstances where academic achievement may be similar,

higher decile schools still tend to admit the more privileged child. As a result, it is still difficult for

lower income children to enter higher ranked schools » (Morphis 2009 : 21).

Un système dont les failles encouragent l‟élitisme en mettant de côté pauvres, minorités visibles et

autres éléments perçus comme indésirables, réserve les écoles publiques de haut décile à une élite

majoritairement blanche. Les plus fortunés d‟entre eux enverront sans doute leur progéniture dans

des institutions privées, tandis que les autres concentreront leurs efforts dans les beaux quartiers où

on retrouvera la majorité des écoles de décile 10 et 9, protégées par une zone qui en réserve l‟accès

aux petits du voisinage. Tout comme Hine, Barbara et Rebecca, plusieurs voient dans le zonage un

système qui sert avant tout à favoriser les élèves dont les parents disposent déjà d‟un avantage

monétaire. « All that zoning and de-zoning and the choice the parents have is all about money!

They zone the school as it suits them! » (Hine).

Pour ceux qui ne peuvent se payer de résidence dans ces parages luxueux, il est toujours possible de

tenter leur chance en inscrivant leurs enfants dans une école hors de leur quartier. Mais ils auront

avantage à ne pas être Polynésiens et à s‟assurer que leurs petits maîtrisent le langage et les codes

culturels appropriés pour y être admis. Si les écoles de haut décile souffrent rarement de manque

d‟étudiants, rien ne prouve pourtant que cet achalandage soit dû à de meilleurs programmes ou à

des professeurs de qualité supérieure (Morphis 2009 : 24). On peut donc voir dans le système de

zonage, combiné à celui de décile, un mécanisme de stratification sociale basé sur les classes et

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l‟origine ethnique. Le phénomène est tellement répandu qu‟on lui a même donné un nom : White

Fly!

Phénomène du White Fly

Avant Tomorrow‟s Schools, chaque enfant se devait de fréquenter l‟école de son quartier et bien

que certains secteurs cossus affichaient déjà une clientèle majoritairement blanche, il en allait

différemment pour les écoles de la classe moyenne qui connaissaient alors un bon taux de mixité

ethnique et socioéconomique. Cette situation changea cependant rapidement au début des années

1990 avec la nouvelle possibilité d‟accéder à d‟autres écoles publiques. Si le zonage a aujourd‟hui

refait surface, son application s‟apparente désormais davantage à une chasse gardée pour les plus

riches qu‟à une approche qui encourage la mixité sociale. Rebecca note que le manque de soutien

aux membres de comités d‟administration, combiné avec le marquage des établissements par décile,

a eu raison de l‟esprit communautaire des écoles de quartier. « The lack of support for the BOT

ended up with a lot of white fly, which means that the white parents take their children to a school

which seems to be better in their eyes, probably because they were in a better area, and better

decile. This decile system that they brought in took away the community […]. A school in your

community is where you went when you were growing up » (Rebecca).

Rebecca, qui enseigne dans une école où seulement le quart des enfants sont blancs pour un tiers de

Maori et environ 50 % d‟immigrants issus des îles du Pacifique, note que les parents Pakeha

craignent que l‟éducation de leurs petits souffre de la présence de ces élèves polynésiens et

mélanésiens. Les enfants asiatiques et ceux issus de d‟autres contrées mais qui sont caucasiens ne

sont apparemment point touchés par la même stigmatisation19

. « White fly occurs with white

parents, particularly if you are a school who has children from the Pacific Islands, Maori children,

they don‟t want their white children to be disadvantaged by being with them. It‟s so unfair when

they say that, but they will go to a school which has a higher decile » (Rebecca). La situation que

Rebecca déplore est hélas extrêmement répandue et a été soulignée par plusieurs intervenants dont

Hine, qui rencontre le même phénomène à l‟école secondaire de décile deux où elle siège.

« Because our school has a majority of Pacific kids, that‟s my personal opinion, there‟s a lot of

white fly, do you know what I mean by white fly? White people who go to other schools because…

our school is too brown » (Hine). La majorité des parent Pakeha, même lorsqu‟ils disposent de

budgets restreints, ont tendance à ne pas inscrire leurs enfants à l‟école de leur quartier lorsque bon

nombre d‟élèves y sont Maori ou des immigrants de couleur. Un des parents interviewés qui

19 Répartition ethnique selon les déciles, voir Annexe H.

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enseigne dans une école primaire de décile 2 a choisi de ne pas y inscrire sa fille puisque l‟école ne

comptait que 27 Pakeha pour 233 Maori. Elle a aussi avancé que les petits y étaient difficiles et

batailleurs et souvent aux prises avec des problèmes familiaux qui débordaient sur leur vie scolaire.

Alcoolisme et violence conjugale sont selon elle le lot quotidien de plusieurs familles qui y envoient

leurs enfants et elle ne souhaitait point que sa fille se fasse des amis évoluant dans un tel

environnement. Elle a donc opter pour un établissement intégré catholique de décile 4 ou les blancs,

sans y être majoritaires, représentent tout de même le tiers de la clientèle.

Plusieurs raisons sont ainsi avancées par la majorité Pakeha pour expliquer leur désertion des

établissements moins bien cotés. Les problèmes de violence et de criminalité que vivent les Maori

et les immigrants des îles du Pacifique et dont on fait grand cas dans les journaux, accompagnés par

le faible taux de réussite scolaire que connaissent ces deux groupes (Ministry of Education 2002),

attirent la méfiance des Pakeha. Le tout, combiné aux complications liées à l‟apprentissage de

l‟anglais comme langue seconde pour plusieurs enfants d‟immigrants, arrive à convaincre les

parents de la classe moyenne blanche qu‟un tel environnement ne peut que nuire à leur progéniture.

A l‟image de Sonia, plusieurs pensent qu‟il serait bien injuste que leurs propres petits soient traités

de la même façon que les immigrants de couleur.

My local school, which I will be zoned for, has 60% of its children with English as a

second language. My own son has an education problem and I was told by the

principal, in a very nice way, that my child will be another one in the queue to get

help. So my white middle class child will be competing with children from Sub-

Saharan Muslim Africa who hardly speak a word of English. He will be going

backwards in that environment, not forwards, because there are other children who

have higher demands and needs. […] If you happen to be more well off like we are,

you actually get no benefit out of the school, all the resources are used to push those

immigrant children up. (Sonia)

Sonia et son époux ont donc décidé de débourser davantage et d‟envoyer leur petit dans une école

de décile 9 où les ressources pour lui venir en aide sont beaucoup plus disponibles. Plusieurs

parents dont les enfants n‟ont pourtant aucun problème d‟apprentissage préfèrent tout de même ne

pas les inscrire dans des écoles de bas déciles, comme nous le souligne Andrew. « There‟s a term

for it which is called white fly, […]. The families who have the resources to be able to choose… of

course parents want the best for their children and if they see lower ranking in the local school they

want to send their children further afield. The very top of the pyramid, they will send their children

to a private school, there will always be children in private schools! » (Andrew). Il y a toujours des

exceptions et il arrive parfois que certains parents Pakeha issus de la classe moyenne voient dans les

écoles moins cossues d‟autres avantages, qui relèvent de l‟esprit de communauté et de l‟empathie

de même que de la richesse que représente les différences. C‟est le cas pour Julie, qui a décidé

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malgré le choix disponible dans son voisinage et l‟attitude de plusieurs autres parents Pakeha,

d‟envoyer sa fille à l‟école de quartier de décile 4 où les deux tiers des enfants sont Maori ou

originaires des îles du Pacifique, soit une brown school.

Yes, it was a very definite choice where we decided to live, not far from here, just at

the end of this road there‟s a school, its decile 4. And up, in Red Hill, there‟s another

school and it‟s decile 9. So a lot of parents whose children went to kindergarten with

my daughter did not send their children to the decile 4 school down the road.

Because its low decile they send their kids to Red Hill. […] the thing I like about our

school is there‟s a real sense of community built into it. So when my husband and I

split up, I was able to have a conversation with the principal about it. I think because

it‟s a low decile school and they have more issues like that coming, they really

understand… I guess the importance of the whole picture. […] That‟s another thing

which attracted me, because Anna will grow up understanding about a lot of different

cultures, which I certainly grew up without understanding. I come from a very white

back ground and I don‟t want that for my children (rire). (Julie)

Il apparaît d‟après la répartition ethnique selon les déciles20

que la majorité des caucasiens ne

partagent aucunement l‟ouverture d‟esprit dont fait preuve Julie. Même à l‟intérieur du comité

d‟administration de l‟école de sa fille dont elle est membre, Julie a pu constater qu‟il demeure

difficile d‟y attirer les enfants issus de la majorité et que plusieurs pensent que la meilleure tactique

est encore de ne pas trop laisser transparaître la culture maori. « I was surprised how much it was an

issue to attract parents to send their kids to our school. When it was the time to repaint the school it

was the question of “street appeal” and somebody at the BOT even passed a comment about not

making it “too Maori” » (Julie). Il en ressort une polarisation raciale de plus en plus marquée qui

porte un dur coup aux établissements de bas décile. Car lorsque le parent Pakeha retire son enfant

d‟une école jugée trop brown, celle-ci se voit privée d‟une partie de son financement. « And some

schools have their budget varying a lot because the funding is also based on the number of pupils, it

can be thousands of dollars they lose if they lose kids » (Sonia). Le White Fly crée ainsi un cercle

vicieux dans lequel les écoles de bas déciles se retrouvent responsables de la majorité des cas les

plus lourds qu‟elles doivent gérer avec un budget réduit étant donné que presque toutes pourraient

recevoir plus d‟enfants que le nombre qu‟elles accueillent.

Our school‟s got a lot of buildings and it‟s expensive to run, but we only have 93

children when we could have 200, and about 96% of them which come from a

background where no English is spoken, and there‟s some white fly. So that means

people look around here with their children, they like what they see, but then they

will decide to take them to a school where it‟s largely Pakeha children instead of

putting them in a more multicultural setting. (Barbara)

Entretien des bâtiments, chauffage et autres dépenses demeurent cependant inchangées. Le collège

catholique qui accueille le fils d‟Hine et où on ne compte que 62 Pakeha sur 467 étudiants est

20 Répartition ethnique selon les déciles, voir Annexe H.

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durement touché par cette hémorragie. « It keeps going down and that‟s a difficulty. For me I learnt

that being on the board. You know, people make choices, if they don‟t want to be at your school

because you‟ve got too many Maori or Pacific people there, that‟s their choice. But that‟s so

narrow-minded » (Hine). Hine n‟est aucunement convaincue que la qualité de l‟éducation soit

l‟enjeu réel de ces désertions. Étant un collège catholique, l‟école où elle siège devrait être le

premier choix pour les parents des environs qui souhaitent une éducation de cette orientation

religieuse pour leurs enfants. Mais il apparaît que le mouvement des banlieues cossues situées à

proximité de Porirua, petite ville satellite à majorité polynésienne, s‟oriente plutôt vers la capitale

qui est pourtant beaucoup plus éloignée.

[…] because all the Catholics in Tawa, in Plimmerton, they don‟t send their kids to

our school, they send them to Wellington, or they send them to Tawa College.

Because that‟s what I think it is about, white fly! And Tawa, Paramata and

Plimmerton are predominantly white. Children are children, they don‟t bother with

those matters, they are not judgmental, but parents are, they make judgments about

others. Because we are a catholic school, we provide catholic education, so normally

we should have the catholic children from Tawa and Plimmerton, but we don‟t.

(Hine)

Les observations de Hine sur la préférence des habitants issus de certains bastions à prédominance

Pakeha s‟illustre aussi dans les propos de Nathalie, mère d‟un garçon de 13 ans qui fréquente une

école de décile 9 dans la blanche banlieue de Tawa. « If I lived in Porirua, even maybe Lower Hutt,

certain areas… I would not want my kids go to the school there » (Nathalie). L‟école secondaire de

décile 4 dans laquelle œuvre Nancy et où la majorité des élèves est constituée de « brown faces »

est elle aussi victime du White Fly. « But we get a bit of a drain from parents who can afford to send

their kids to the more private type of schools, or the church schools and so that‟s always a worry on

our school population. […] I hesitate to say it but over the years there‟s been what we call white fly,

and that had an impact in some areas, but it‟s the parents right! You know they are entitled to do

that » (Nancy). Comme nous le verrons plus en détail dans le prochain chapitre, le choix du

consommateur instauré par Tomorrow‟s Schools ignore la disparité des moyens pour s‟en remettre

exclusivement à la capacité économique individuelle. Il entre de fait en conflit avec le concept

d‟égalité sociale pour en venir à gravement nuire aux droits des minorités les plus démunies.

Récapitulons

L‟extrait ci-dessous, tiré d‟un rapport de l‟OCDE portant sur les impacts de la réforme scolaire néo-

zélandaise, nous indique qu‟aucune amélioration dans les résultats académiques des jeunes du pays

n‟a été notée entre la mise en place de Tomorrow‟s Schools et le début des années 2000. Malgré ces

constatations, le procédé de décentralisation ne s‟est pas ralenti pour autant, il paraît au contraire

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prendre de la vigueur avec le gouvernement conservateur actuel. « In theory, self-management

offers schools enormous flexibility […]. The flexibility offered does not seem by itself to result in

improvements in student outcomes. A review in 2000 suggested that there has been no

improvement in student achievement as a result of the Tomorrow‟s Schools administration

reforms » (OCDE 2006).

Instaurée en 1989 via Tomorow‟s School, la décentralisation du système scolaire néo-zélandais a été

menée à des fins strictement économiques et la majorité des responsabilités qui furent remises

directement aux écoles occasionna des résultats très inégaux. Si cette nouvelle liberté permit à

plusieurs établissements de haut décile de prendre leur envol, car les parents y possèdent

généralement des formations qui les rendent plus aptes à relever le défi de la gérance, elle

handicapa sérieusement ceux qui ne disposaient pas dans leur communauté de telles ressources.

Ainsi, malgré la bonne volonté et les efforts soutenus de milliers de parents bénévoles qui œuvrent

au sein des comités d‟administration scolaire, les écoles situées en zone défavorisée n‟arrivent pas à

offrir aux élèves des milieux d‟apprentissage aussi bien pourvus en matériel pédagogique ou

récréatif que ceux de hauts déciles. Ordinateurs, équipement sportif, sorties et professeurs

spécialisés y sont souvent plus rares, comme nous le soulignaient Hine, Sonia et Barbara, et ce

malgré l‟organisation par décile pourtant instaurée afin de pallier les disparités socioéconomiques

qui existent entre les différentes écoles publiques. Combiné au zonage qui assure une place dans les

meilleures écoles aux petits habitants des quartiers les plus cossus, le classement par déciles

accentue le phénomène du White Fly, comme nous l‟ont entre autres expliqué Barbara, Andrew et

Julie.

La décentralisation mise de l‟avant par l‟État dans le but de réduire la bureaucratie et de rendre le

système scolaire public plus efficace et plus conforme à la logique de l‟économie de marché s‟est

donc faite au détriment des groupes de la marge. Une majorité de Maori, immigrants provenant des

îles du Pacifique ou de d‟autres horizons tels l‟Afrique subsaharienne se voient de fait confinés,

avec une minorité d‟enfants Pakeha issus de la tranche sociale la plus pauvre, dans des écoles de bas

déciles. Cette polarisation ethnique freine l‟intégration des enfants d‟immigrants et isole le peuple

Maori dans des écoles-ghetto, ce qui n‟augure rien de bon pour la stabilité sociale de ce petit pays.

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Chapitre 4 : Le choix du consommateur

Introduction

Choisir le produit qui répond le plus à ses désirs et à ses attentes représente dans la logique

économique la principale liberté qui s‟offre à l‟individu-consommateur, comme nous le verrons

dans la première section où je présenterai succinctement les écoles à chartes. Élevé au rang d‟un

droit pour les parents dans le système d‟enseignement actuel qui fait siennes les idées promulguées

par le néocapitalisme qui envahit progressivement toutes les sphères de la vie publique et privé, ce

choix produit d‟importants impacts sur l‟éducation néo-zélandaise. Car qui dit choix dit

compétition, élément essentiel au développement du marché et qui ouvre grande la porte à la

concurrence entre les écoles, car pour attirer des élèves et s‟autofinancer, elles recourent désormais

à la publicité et à l‟aide octroyée par les entreprises privées. D‟autres moyens sont aussi mis de

l‟avant afin d‟amasser l‟argent nécessaire pour boucler les budgets que l‟État refuse désormais

d‟assumer dans leur totalité. Il sera ainsi question des levées de fonds de même que des donations

volontaires et des frais obligatoires demandés aux parents, qui malgré la gratuité de l‟enseignement

public se font de plus en plus solliciter pour contribuer financièrement à l‟éducation de leurs

enfants. J‟aborderai par la suite la question de la limitation de l‟accès au choix d‟une école pour les

gens issus des milieux moins fortunés, contraints par différents obstacles, qui cantonnent souvent

leurs enfants dans les institutions de bas déciles. Nous examinerons ensuite comment ce système

s‟ajuste aux besoins des mieux nantis et pourquoi il gagne du terrain malgré la désapprobation de

plusieurs.

Écoles à chartes, l’éducation un produit comme un autre

Un droit que l‟on doit se payer est-il toujours un droit, ou devient-il un privilège? Un produit qui se

vend et s‟achète, qui se juge à sa performance ou à l‟adaptation boutique avec laquelle il répond à

nos besoins spécifiques. Une telle vision de l‟éducation s‟éloigne de toute apparence de plus en plus

de l‟approche égalitaire qu‟avaient la majorité des pays industrialisés à l‟époque de l‟après-guerre et

au cours des quelques décennies qui suivirent. L‟heure est maintenant à la décentralisation et les

écoles qui parviendront à tirer leur épingle du jeu sauront attirer une clientèle satisfaite du produit

éducatif qui leur est offert. D‟après Sonia, ce mécanisme permettra aux établissements moins

performants de corriger leurs lacunes et à ceux qui manquent de ressources de trouver les moyens

d‟en obtenir davantage. L‟enseignement public étant progressivement soumis aux lois de

l‟économie globale, il est toujours plus malaisé pour l‟État de jouer la carte de l‟universalité des

services puisqu‟on peut désormais difficilement affirmer qu‟une école en vaut une autre. Car

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comme Sonia l‟affirme, les besoins et les attentes de la clientèle étudiante et des parents ne sont pas

tous les mêmes dans le marché scolaire qui s‟ouvre au consommateur, certains se contentant du

McDonalds et d‟autres préférant opter pour le steak!

What I don‟t like is the idea that‟s sold by the government that all schools are equal;

all schools will suit your child. It‟s a nonsense; it‟s a bit like saying every restaurant

will suit you, it‟s not true. Some people like McDonalds, some people want fillet

steak for diner, it‟s a choice. Some people want to drive a Corolla, some want to

drive a Maserati. We give people choices, and the same should be for education.

(Sonia)

D‟autre part, la logique du choix du consommateur facilité par la décentralisation a ouvert la

possibilité, si les parents d‟au moins vingt-et-un élèves le désirent, de créer des classes ou même des

écoles d‟enseignement spécifiquement adaptées à leurs attentes (Mckenzie 1999). C‟est ainsi que

les Maori sont parvenus à obtenir le financement pour l‟enseignement en te reo. D‟autres

communautés se prévalent aussi de ces écoles ou classe à « charte », tels les établissements

d‟enseignement alternatif du genre Steiner. « […] a group of parents representing at least twenty-

one children could set up their own learning institution which would receive state funding and

operate under its own charter, possibly as a school within a school » (Caccioppoli et Cullen

2006 : 75). Cet enseignement à la carte, épaulé par le nouveau curriculum qui leur fournit encore

plus de flexibilité, donne la liberté de présenter à peu près ce qu‟on désire aux enfants pourvu qu‟ils

acquièrent les compétences clés sélectionnées par l‟OCDE. Ce choix laisse donc le champ libre à

plusieurs orientations diverses, voire divergentes, où les croyances religieuses de même que

certaines idéologies peuvent modeler le développement des enfants dès leur plus jeune âge.

« Designated character school is a state school that teaches the New Zealand Curriculum but has

developed their own sets of aims, purposes and objectives to reflect their own particular values. For

example religious beliefs or culture » (Ministry of Education 2009a).

Dans le cas de l‟éducation en te reo maori, il peut aussi représenter l‟espoir d‟un peuple de regagner

son identité et de voir ses enfants réussir davantage que dans le système de la majorité. Cette grande

disparité de contenu pédagogique qui existe entre ces écoles qui offrent une éducation adaptée aux

exigences de sa clientèle peut néanmoins comporter certains dangers pour la stabilité des États et

pour la démocratie en général, comme nous le verrons au chapitre 7. John, qui nous parle au nom du

ministère de l‟Éducation, nous vante pour sa part les écoles de la Nouvelle-Zélande comme ayant

leur saveur particulière. Petit plus qui parviendra avec un peu de chance à attirer les étudiants,

source de financement tant recherchée. « Schools have their particular flavours as well, their own

particular interest. And some of them are quite particular, some schools might have sport and

academia, or they might have a strong agriculture focus, or they might an environmental school

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were kids learn their environment. So there are all sorts of ways schools can become quite particular

in the style they develop » (John). Nous verrons dans ce chapitre avec plus de détail comment le

choix qui instaure la compétition dans le système public transforme le citoyen en consommateur,

l‟élève en client et rend de plus en plus fragile le droit universel à une éducation de qualité pour le

remplacer par des services éducationnels sur mesure. Procédé qui cherche, selon Catherine, à

réduire la société à de simples individus de plus en plus soumis aux lois du marché.

So ideas of accountability, transparency, minimalist state, the state can‟t afford things

so the entry of the privatisation, privatisation is the key of a free market. The notion

of competition, they call it CHOICE, but choice is depending on competition. It all

leads back to the economy. Underline that, it‟s all the thinking which came with

Margaret Thatcher, that was the culture which came through. No such thing as a

community, just individuals. (Catherine)

Financement des écoles

Publicité, participation du privé et levées de fonds pour boucler les budgets

Dans la logique de décentralisation, les écoles sont désormais considérées par le gouvernement

comme de petites entreprises qui doivent se débrouiller pour proposer un produit assez attrayant

pour attirer la clientèle. Publicité s‟adressant aux élèves du pays et d‟outremer, financement tiré du

privé ou de la communauté via diverses levées de fonds, frais et donations demandés aux parents,

voilà quelques moyens mis de l‟avant par les institutions d‟enseignement afin de boucler leurs

budgets. Car comme nous l‟avons constaté dans le passage portant sur les comités d‟administration

scolaire, les sommes allouées par l‟État pour le fonctionnement des écoles ne suffisent plus à

couvrir les dépenses nécessaires à leur bon fonctionnement. Accordés selon le nombre d‟enfants

inscrits et le décile, les fonds qui sont versés relèvent davantage d‟un montant de survie que d‟un

budget réaliste, comme nous l‟illustre un rapport commandé par New Zealand Council for

Educational Research paru en 2009 sous le titre de School Resources, Culture and Connections.

« Most principals and trustees from primary and secondary schools felt that government funding

was insufficient for their school‟s needs » (Schagen et Wylie 2009). L‟OCDE de son côté présente

comme une amélioration le fait que plus d‟écoles publiques parviennent à être de moins en moins

dépendantes des deniers de l‟État pour opérer. Ce qui est probablement pour cette organisation un

bon indicateur de la progression qu‟effectue le pays dans la voie du néo-libéralisme. « State schools

raised money to supplement their government resourcing before 1989, but decentralisation has

increased the amount of income raised by schools. […] This is largely because of the efforts schools

put into gaining other revenue, particularly from the fees of international students, and community

funds » (OCDE 2006).

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La publicité qui était absente avant la réforme est aujourd‟hui devenue un élément incontournable

pour un grand nombre d‟écoles. « There‟s a lot of publicity now to sell your school and that did not

happen with the board of education we used to have before Tomorrow‟s Schools » (Rebecca). Car

qui dit décentralisation dit compétition et qui dit compétition dit publicité! Et voilà que le service de

l‟éducation entre dans le bal de la pub au même titre que le savon à lessive ou les meuble de jardins.

Des pages entières de journaux sont consacrées à vanter les mérites de telle ou telle école publique,

des pancartes d‟abribus, des panneaux routiers, etc., tout est bon pour donner de la visibilité. Dans

le cadre de mes observations de réunions de comités d‟administration scolaire, j‟ai assisté à une

discussion portant sur le budget alloué à la publicité à la City Boys School, une école secondaire

publique pour garçons des plus réputées et bien sûr de décile 10. Les intervenants en ont conclu

qu‟ils n‟allaient pas renouveler leur contrat s‟élevant à quelques milliers de dollars avec le journal

de la capitale puisque leur quota d‟étudiants était déjà atteint. Ils souhaitaient tout de même

poursuivre la publicité en dehors du pays étant donné qu‟il s‟avère très lucratif d‟attirer des

étudiants étrangers. Brian témoigne qu‟il en va de même à l‟école secondaire de décile 10 où il

siège. « Quite a few, foreign pupils as we call them. Year four to seven, it has tended to drop a bit

recently, it must be around 40. We market, we go overseas, we actually market actively for foreign

students, for those foreign pupils » (Brian). Ce phénomène se retrouve même au primaire, comme

nous en témoigne Alice, étant donné que les petits élèves étrangers sont acceptés dès l‟âge de 11

ans. Ils sont toutefois plus nombreux au secondaire, car la plupart de ces étudiants viennent au pays

seuls et vivent dans des familles d‟accueil durant leur séjour. Il demeure que leur présence est

beaucoup plus lucrative que celle des étudiants néo-zélandais, mais faut-il encore être en mesure

d‟en attirer un nombre suffisant. « We never have many; we‟ve never had more than four I think.

[…] They have to pay $10,000 for a year, but it‟s $2,500 for a term, and sometimes they just come

around for 2 terms. So we don‟t make a big amount of money out of the international students,

because we don‟t have many » (Alice).

Si la grande majorité des étudiants étrangers proviennent de l‟Asie (Taylor 2000 : 311), bien peu se

retrouvent dans les écoles de bas décile comme nous l‟indique un rapport rédigé en 2009 par le New

Zealand Council for Educational Research. « Income from international fee-paying students was

another source of income, which mainly benefited high-decile secondary schools » (Schagen et

Wylie 2009). En effet, seuls les établissements qui ont les moyens de faire de la publicité et de se

présenter sous un jour attrayant parviennent généralement à atteindre cette clientèle. Des vingt-six

écoles qui font partie de ma recherche, celles qui obtiennent plus d‟un ou deux étudiants d‟outremer

sont toutes classées décile 9 ou 10. Comme nous l‟avons observé, une école de haut décile connaîtra

rarement des problèmes de manque d‟élèves; ce sont plutôt celles de bas déciles qui sont aux prises

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avec ces ennuis. Problème d‟autant plus complexe que ces établissements sont souvent précisément

ceux qui n‟ont pas les moyens de faire de la publicité puisque le gouvernement ne fournit aucun

fonds à cet effet, comme nous le confirme Hine. « No, no, there‟s no money involved, nothing!

Because you do your own marketing as well, and we haven‟t got the budget for marketing and those

sorts of things » (Hine). Ce système crée ainsi un effet de boule de neige. Dans un premier temps,

les écoles déjà bien cotées attirent plus d‟élèves, ce qui leur vaut davantage de fonds de la part du

gouvernement, ce qui leur permet d‟investir cet argent dans la publicité et dans des équipements

sportifs ou autres, et d‟ainsi attirer plus d‟étudiants. Phénomène qui se fait au détriment des écoles

moins riches qui vivent alors le mouvement opposé comme nous le souligne Hine. « You could be

doing everything perfectly but when your number of students is dropping, ours went from 500 to

480 students […] every time you lose a student it‟s a lot of money, you lose money which goes with

it » (Hine). Cette compétition entre les écoles, contrairement à ce que le gouvernement avait assuré

en reprenant l‟idéologie du libre marché, n‟améliore en rien la qualité de l‟enseignement reçu.

Comme le rapporte Morphis dans sa recherche, des directeurs inquiets avancent même le contraire.

L‟obsession qu‟a développée l‟État pour la décentralisation et la performance se ferait plutôt au

détriment de la majorité des élèves du pays, qui même inscrits dans les établissements les plus

recherchés ne recevraient pas pour autant un meilleur service.

Successful schools have an established enrollment scheme and a list of families

waiting for their children to be granted admission. Though these schools have

achieved success in the educational marketplace. There is only limited correlation

with operating efficiently because some of these schools do not always have the best

educational programs, nor do they necessarily spend their resources in the best

manner. Many principals have expressed concern that the Ministry‟s objective

focuses solely on increasing enrollment and not necessarily doing what is in the

children‟s best interest. (Morphis 2009 : 24)

Dans cette course au financement, les écoles peuvent aussi se tourner vers les entreprises privées et

tenter de trouver celle qui acceptera de jouer au bon samaritain et de leur donner un peu de cet

argent tant recherché. Il y a cependant un prix à payer, car comme nous le rappelle Catherine, le

privé ne pose jamais d‟actions désintéressées. La publicité que peuvent obtenir les entreprises grâce

au financement d‟écoles de bas décile s‟avère souvent être un placement favorable. Car si certaines

compagnies donnent des montants en argent, plusieurs en profitent pour placer leurs propres

produits. Céréales pour les petits déjeuners, vêtements ou sacs, le don de toute autre marchandise

peut se transformer en une publicité de grande visibilité et donner une bonne image de l‟entreprise.

Entreprise qui peut même voir une école changer son nom pour sa marque de commerce!

The partnership of schools like in South Auckland where Mainfreight are supporting

a school and pouring money into the school, and you know schools are blind when it

comes time for money, and they changed their name to “BN Mainfreight”. You know

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the dangers? I mean the bottom line to any private industry is to make a profit. So

you always have to think : “What‟s in it?” You always have to be cynical about

what‟s in it. (Catherine)

Un autre moyen pour trouver l‟argent manquant consiste en l‟organisation de levées de fonds qui se

présentent le plus souvent sous forme de kermesses où objets et nourriture seront vendus au profit

de l‟école. On y retrouve aussi des jeux pour les enfants et des concours d‟habilité et autres

compétitions amicales y sont généralement organisés (concours d‟animaux domestiques ou de

ferme, course en sac, tir à l‟arc, etc.). J‟ai au cours de mon terrain assisté à deux de ces événements

tenus par des écoles primaires de décile 8 et 10. La fête populaire organisée par l‟école de décile 10

était d‟importance : on y retrouvait plusieurs jeux gonflables et manèges de même qu‟une mise aux

enchères d‟objets d‟art et une impressionnante diversité de créations artisanales et de nourritures

vendues par les parents. Il était évident que tous y participaient avec cœur pour créer un événement

attirant pour toute la communauté entourant l‟école. Efforts qui leur assurent probablement le

succès financier d‟une telle démarche. Laura, dont deux des trois enfants fréquentent une école

primaire de décile 10, témoigne de la popularité que peut avoir ce genre de fête.

Like our school, the country fair day raised, well its changing from year to year, but

last year it raised $42,000 in a four-hours fair. And we had a plant sale the following

weekend, and that raised about… I think the combination of the two was something

like $50,000. So we have really good fund-raisers, and the Lamb and Cows [name of

the annual fair], it has been running for more than 60 years so it‟s established in the

community, people just come from everywhere to go to it. And the year before they

raised $40,000 so it‟s still increasing, so we don‟t have to do a big amount of fund-

raising other than that, that‟s all we do. So the kids actually benefit because the

school can wear the cost of a few things if necessary. (Laura)

Bien entendu, ce ne sont pas toutes les écoles qui bénéficient d‟un événement aussi lucratif si bien

établi et disposant d‟une telle notoriété. D‟autres kermesses s‟avèrent beaucoup plus modestes

malgré les efforts que peuvent déployer leurs organisateurs. En effets, les écoles de hauts déciles

situées dans les beaux quartiers sont plus à même d‟attirer une assistance nombreuse, diversifiée et

mieux nantie que celle des banlieues défavorisées où bien des gens n‟osent même pas s‟aventurer!

La kermesse qu‟on organise annuellement à l‟établissement primaire de décile 6 où siège Andrew

n‟est en rien aussi profitable que celle tenue à l‟école des enfants de Laura, même si les deux

établissements reçoivent à peu près le même nombre d‟élèves. « Umm… how much depends from

year to year… a significant amount I think… $10,000, $15,000, around that sort of level. So it‟s not

a great deal of money, but it‟s enough to pull us to the right point. You need people who are

involved with the school to give goods or services, give stuff at reduced prices. If you‟ve got a

parent who owns a super-market it‟s a lot easier! (rire) » (Andrew). Comme dans le cas du

recrutement des membres de comités d‟administration, le milieu socioéconomique dans lequel se

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situe l‟école est déterminant, que ce soit au point de vue de la gouvernance ou de l‟obtention des

ressources.

Schools‟ ability to raise money is linked to their socio-economic status. A recent

study of the financial management of New Zealand schools showed that sampled

schools varied widely in the proportion of locally raised funds they collected. Some

schools raised less than 10% of locally managed expenditure (excludes teacher

salaries) themselves, while others supplemented their government funding by raising

up to almost 50% of locally managed expenditure. (OCDE 2006)

École gratuite?

Malgré l‟implication du privé, l‟attraction d‟étudiants étrangers et les levées de fonds, l‟argent ainsi

récolté ne suffit pas au roulement de la majorité des écoles néo-zélandaises, même quand celles-ci

disposent d‟un nombre d‟élèves adéquat. Dans de telles circonstances, il devient inévitable de faire

appel à la participation financière des parents, d‟autant plus que ce sont leurs enfants qui sont, dans

la logique néolibérale les principaux bénéficiaires de ce service. Les changements apportés par

Tomorrow‟s Schools ont comme nous l‟avons constaté fortement métamorphosé le paysage scolaire

néo-zélandais, mais le gouvernement de l‟époque de même que ceux qui le suivirent n‟osèrent pas

aller jusqu‟à complètement privatiser l‟éducation publique.

Section 3 of the Education Act 1989 states that every person who is not a foreign

student is entitled to free enrolment and free education at a State school from the

person‟s 5th

birthday until 1 January following the person‟s 19th

birthday. The right to

free enrolment and free education means that a board of trustees may not make

payment of a fee a prerequisite for enrolment or attendance of a domestic student.

The only exception to this rule is the provision for proprietors of integrated schools

to charge attendance dues. (Ministry of Education 1998)

Les établissements intégrés, aussi financés par le gouvernement et considérés comme des écoles

publiques, sont quant à eux en droit d‟exiger des frais pour l‟entretien de leurs immeubles et terrains

qui continuent d‟appartenir à des organismes privés, comme le diocèse dans le cas des écoles

catholiques. Cet argent doit néanmoins être exclusivement consacré à l‟entretien ou à l‟amélioration

des bâtiments et ne peut être amalgamé au montant de la donation. « Revenue from attendance dues

can be used only for the improvement of school buildings and facilities, as required by the school‟s

integration agreement or for meeting debts and other charges associated with the school land and

buildings. Attendance dues must be accounted for separately, since they are the income of the

proprietor, not the board of trustees » (Ministry of Education 2009a). Il en coûte ainsi parfois un

peu plus cher pour envoyer son enfant dans une école intégrée mais ce n‟est cependant pas toujours

le cas puisque certains de ces établissements sont de bas décile et que les parents n‟ont pas les

moyens de donner de grosses sommes.

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Les comités d‟administration scolaire des écoles intégrées et publiques ne sont pas en droit de

demander aux parents de payer pour l‟enseignement ou le matériel directement liés à

l‟apprentissage du curriculum national étant donné que cette partie est couverte par l‟État. On leur

demandera par contre de débourser les frais liés à toute activité que l‟on estime sortir de ce cadre et

pour tout cours qui nécessite un équipement ou matériel autre qu‟un pupitre et un crayon (Ministry

of Education 1998). Cette façon de faire rend très floue la zone de ce qui peut être facturé et ce qui

ne peut pas l‟être. Car comme nous l‟avons observé, bien que le ministère de l‟Éducation en trace

les grandes lignes, le curriculum est dorénavant principalement déterminé par les écoles. La

donation est quant à elle un montant acquitté sur une base purement volontaire et ne peut en théorie

impliquer de représailles de la part du comité d‟administration si elle n‟est pas réglée. À ces

montants s‟ajouteront aussi des dépenses diverses telles l‟uniforme, qui est de mise dans la majorité

des écoles du pays, le transport, la cantine, etc.

L‟école gratuite coûte de fait plutôt cher en Nouvelle-Zélande, comme nous le confirme une

recherche gouvernementale parue en 2009 relatée dans un article du journal national The Herald

News. On y demandait entre autres aux parents combien ils devaient débourser pour envoyer leurs

enfants à l‟école publique. La recherche révèle qu‟il en coûte en moyenne 794 $ par année au

primaire, ces montants pouvant varier de moins de 500 $ à plus de 5 000 $! Lorsque l‟on arrive au

secondaire, les coûts augmentent et on parle alors de 1 113 $ en moyenne, somme qui grimpe à

4 273 $ pour les écoles intégrées! Ces chiffres comprennent l‟ensemble des dépenses liées à la

fréquentation de l‟école par l‟étudiant, à savoir les donations, les frais d‟activités et autres (Segedin

2010). Le montant de la donation volontaire s‟élèvera en moyenne à lui seul à 12 000 $ pour le

passage d‟un enfant dans le système public néo-zélandais! « Parents can expect to spend on average

nearly $12,000 on voluntary donations as their child goes through the state school system »

(Segedin 2010). Ces montants semblent d‟ailleurs s‟accorder avec la réalité que j‟ai pu observer sur

le terrain, comme nous l‟illustre la situation de l‟école primaire intégrée où siège Sonia, où une

année scolaire coûte aux parents 1 400 $ s‟ils acceptent de payer la donation.

[…] its $350 a term, we have four terms. About half of that $350 is compulsory; you

have to pay to cover art, science, photocopies, books, etc. and the other half is

donation. And it‟s that donation part which you don‟t have to pay. Every year we

have to determine what will be in fees and what will be only a donation. So we make

it clear to the parents that they really have to pay the compulsory fee because it‟s for

the activities their kids are doing, for photocopies, science and art, etc. (Sonia)

Donations volontaires

Si cette décentralisation permet techniquement au gouvernement de sauver quelques deniers en

chargeant les parents et la communauté d‟une partie des responsabilités financières de l‟école, on

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pourrait cependant s‟interroger sur l‟impact que produit une telle approche sur la dimension

universelle de l‟éducation publique. Gymnase, ordinateur, équipement sportif et les arts en général

sont vus par l‟État comme du « surplus » à l‟enseignement de base. « Government provides

operational funding (including different types of supplementary funding) to State schools to enable

them to run the school and deliver the curriculum to their students. Most boards, however, annually

ask parents to pay a specified sum of money which will enable the board to provide additional

services which directly benefit students » (Ministry of Education 1998). Il apparaît qu‟on assiste

ainsi à l‟introduction d‟une éducation publique à deux vitesses, avec d‟une part les établissements

en milieu favorisé qui peuvent demander des donations substantielles aux parents, comme nous

l‟indique Zoé, qui envoie ses filles à une école primaire à charte de décile 9. « We pay roughly

$3,000 a year, but it‟s not a fee, it‟s a donation, if you can‟t afford it they won‟t kick you out of the

school » (Zoé). Ou Nadia, qui débourse environ 7 000 $ pour chacune de ses adolescentes inscrites

à une école intégrée. « Saint-Johns is 400 girls and I think its decile 9 or 10. We pay $6,000 or

$7,000 a year [each] for our girls to attend the school » (Nadia).

Toutes les écoles de haut décile ne demandent toutefois pas des sommes aussi astronomiques,

surtout au primaire où la donation proposée est souvent beaucoup plus raisonnable, comme c‟est le

cas pour l‟école primaire où Laura envoie ses deux aînés. « Yes the school donation, yes. It‟s

actually quite reasonable I think. We are a decile 10 school, so we are the type of school who

receives the least funding from the Ministry and our school donations are $120 for the first child

and $100 for each subsequent child » (Laura). Comme nous l‟avons vu dans la section précédente,

certaines écoles de haut décile, notamment celle où Laura envoie ses enfants, disposent de d‟autres

sources de financement qui peuvent leur fournir des montants substantiels, tels cette kermesse

annuelle qui apporta 42 000 $ en 2010. Ce qui permet de moins solliciter la contribution financière

des parents, même si celle-ci demeurent souvent une source de revenus non négligeable. Les

établissements de bas déciles, en plus de ne pas disposer de moyens de financement efficaces, ne

peuvent pour leur part aucunement demander d‟importantes donations et ne retirent donc que de

faibles montants. Exercice qui s‟avère peu lucratif pour une école de décile 3 comme celle où sont

inscrits les deux fils de Mark. « Yes, it was $50 for the school donation for both, together. For one it

was $30 I think » (Mark). On retrouve le même scénario dans les classes de Nani Marama situées

dans une école primaire de décile 2. « When their child starts school at the beginning of the year,

we give him a stationery list, and at the bottom there‟s the donation, but it‟s not a compulsory thing.

We accept any amount, normally it‟s a hard thing to get as well, especially if there‟s two or three

kids in the family. So we try to make it easier and if you have three kids to pay for, you will only

pay for two » (Nani Marama). L‟école primaire dont Barbara est directrice ne peut espérer elle aussi

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que bien peu d‟argent de la part des parents qui arrivent parfois à peine à fournir le strict nécessaire

à leur famille.

It‟s only a donation; we are not allowed to ask for it as if it was a fee. So it‟s $60 per

child or $100 for two or more, that‟s per year. We can‟t ask for much because the

parents don‟t have it. We will get about 70% of it, by little drops during the year,

parents will drop a $5 a week, and another $5 the week after, something like that.

They are very willing to try to give that money, but often they just don‟t have it.

They [parents] are having problems putting food on the table. So, that money adds to

the operation grant from the government, which is still insufficient to do a god job.

(Barbara)

On peut de fait envisager que les ressources disponibles dans ces différentes institutions seront

extrêmement variables et étroitement liées à la capacité financière des parents. Le directeur de

l‟école primaire de décile 10 où sont inscrits les enfants de Laura tente de convaincre les parents de

payer leur donation en suivant cette logique. « And the school system, the principal, keeps on

pushing that; “If you pay your donation, then we can do a better job. We can give the kids

resources.” » (Laura). Plus d‟argent égale plus de ressources et plus de chances d‟être à même de

fournir une éducation de qualité. D‟autre part, le tiers du montant des donations est récupérable en

déduction d‟impôt (Inland Revenue 2011). État de fait qui choque Hine qui y voit l‟élaboration d‟un

système qui favorise toujours ceux qui ont déjà beaucoup.

If it‟s a voluntary donation you can get it back in taxes, 33% can come back in taxes,

so you can claim it in your tax return. If it‟s made compulsory you can‟t claim it in

taxes. Many parents at our school don‟t know about it or just don‟t understand how it

works. Some people don‟t even do tax returns, they don‟t know how to do it. They

struggle to get money and they don‟t imagine they could get a tax refund. That‟s all

convenient for people in the know! (Hine)

Avantage peu lucratif pour les parents de bas décile à qui on ne demande généralement que peu

d‟argent, mais qui peut être un plus pour ceux qui déboursent des milliers de dollars pour le

« surplus » nécessaire à l‟éducation de leur enfants. La donation permet donc aux classes aisées de

financer leur choix plus coûteux à même les deniers publics. Car si Zoé et Mark sont tous deux en

droit de réclamer un tiers des montants donnés, l‟une recevra 1 000 $ en déduction d‟impôt tandis

que l‟autre n‟obtiendra qu‟une quinzaine de dollars! On comprend alors que les établissements

hésitent à retirer les services à un étudiant malgré une donation non versée. Comme le ministère en

avertit les comités d‟administration qui seraient tentés de sévir en pareille occasion, il serait

extrêmement impopulaire auprès des gros donateurs de voir cette contribution volontaire

transformée en frais. En plus d‟empêcher les parents bien nantis de jouir d‟une déduction d‟impôt

souvent substantielle, les écoles se verraient alors de fait obligées de payer des taxes sur leurs

revenus.

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Some boards have a policy of funding certain items or activities entirely from the

school donation, e.g. the school magazine, student identity cards, subsidised travel

for sports teams etc. In cases where parents decline to pay the school donation, a

board may wish to withhold from their children items such as those referred to

above, which are funded entirely from the school donation. While boards have an

undeniable right to do this, such an action may have serious implications because it

implies that the school donation is not a voluntary donation at all but, at least in part,

is a payment for goods and services. This may mean that all school parents would be

unable to claim an income tax rebate on their “donation” and the board would have

to pay GST on all the money it collected by way of school “donations”. (Ministry of

Education 1998)

En plus de favoriser les parents aisés, le statut purement volontaire de la donation a comme effet de

maintenir la gratuité, même théorique, de l‟école publique. Situation qui évite le débat social qui

pourrait avoir lieu si le gouvernement décidait de transformer cette donation volontaire en frais

obligatoire. Situation qui aggrave les finances des écoles de bas et moyens déciles où les parents,

pour des raisons principalement monétaires mais aussi éthiques et politiques, refusent parfois

carrément de s‟acquitter de cette somme, même si elle est le plus souvent minime. C‟est le cas pour

l‟école primaire où Andrew siège. « The answer is no, they [the parents] don‟t pay the donation.

(grand rire) It‟s 40% maybe, it‟s not very high. The activity fee is high, there‟s about 80% I think

who pay their activity fee » (Andrew). L‟école secondaire intégrée de décile 2 dont Sarah est la

présidente de comité n‟obtient quant à elle en moyenne que 6 $ en donation par élève! « So like, in

a decile 9 school, when you ask for a donation of $100 per student, or $150 per student, you get it!

In our school, when we ask from $30 to $100 per family per year, we get about $3000 in total, OK?

So out of 500 students, we get $3000, it‟s not a lot (rire) » (Sarah). Montant bien en deçà de ce qui

est recueilli dans la majorité des établissements de haut décile où, comme nous le mentionnent les

résultats d‟une recherche menée par l‟État, les donations sont réglées avec beaucoup plus

d‟assiduité.

As might be expected, there was also an association between school decile and

payment of the school donation. Just over a third of low-decile schools that requested

donations, compared with only 7 percent of high-decile schools, reported

nonpayment rates above 70 percent. Conversely, 56 percent of high-decile schools,

but only 15 percent of low-decile schools, reported nonpayment rates below 20

percent. (Schagen et Wylie 2009)

Si comme nous l‟avons vu plus avant le système de décile renforce la stratification sociale, les

ressources se retrouvent ainsi concentrées dans les hauts déciles où les parents fournissent librement

et en grand nombre d‟importantes donations. Laura affirme que 95 % des parents payent la donation

à l‟école de décile 10 que fréquentent ses deux enfants. Il en va de même pour l‟école primaire de

même décile dont Alice est la directrice. « The donation due is not compulsory, but the majority of

our parents pay it. It‟s $260 for one child and if you have more children in the school it reduces the

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total donation amount. There are a few families who will say to me they are in a hardship, and its

fine and we accept the children anyway » (Alice). La pression des pairs peut être un facteur

important dans le paiement de la donation dans certains milieux, comme nous le souligne Nadia.

« But I like to pay what I owe, so I don‟t feel comfortable not paying. That certainly is an option but

I don‟t think it‟s fair on the school, for the teachers, the other people who paid. At our school I think

it‟s at least a 60% or 70% who paid, which is pretty good. But that‟s probably a reflection of a

decile 9 school. I think people pay because they respect the school system, it‟s why I pay » (Nadia).

Nadia paie la donation parce qu‟elle respecte le système scolaire et elle croit que c‟est pour cette

même raison que les autres parents de leur école de quartier font de même. Il semble toutefois que

ce sentiment ne soit pas partagé par tous. Le fait que le gouvernement insiste sur la gratuité de

l‟enseignement public tout en permettant aux établissements de demander un certain montant aux

parents ébranle la foi de plus d‟un dans ce système. C‟est le cas de Tina, dont quatre de ces cinq

garçons fréquentent des écoles publiques de décile 4.

Because schools do get grants, they do get help from the government, so I think it‟s

silly to ask more from the parents. So I don‟t give the donation, because I give a lot

of money for other activities they do, and like if they do a fund-raiser, I give. When it

comes to tech fees, I pay those, when it comes to photocopy fees, I paid those. I paid

every other fee but I won‟t pay a donation fee. Because I have four children going to

different schools so it‟s a bit hard, because if your kids are at the same school they

give you a family price. But because they are all at different schools I have to pay the

full price for the donation. I can‟t afford that, and you have the uniform on top of that

and there are other things like books, stationery, trips, fund-raising, you know, and

you have your lunches. It all adds up! So that‟s my answer, no I don‟t pay the

donation. (Tina)

Point de vue qui donne du fil à retorde aux membres de comité comme Sonia, qui doivent parvenir

à convaincre les parents que leur contribution est désormais essentielle. « And now, it‟s trying to get

parents aware that schools have a fixed budget, a fixed income and we are relying on parents, it‟s a

moral obligation for parents to help. Everyone wants their children to have a good education, access

to a variety of activities. Sure, but for that you will have to pay above what the government gives

us » (Sonia). La situation économique que vivent les écoles exige donc que les parents aident à leur

financement et il devient alors paradoxal de continuer à parler de donation. À moins, comme nous

l‟avons vu plus haut, que ce procédé soit maintenu en place pour financer de manière détournée les

écoles de hauts déciles via le retour d‟impôt dont profitent largement les parents qui fournissent

d‟importantes donations. Le gouvernement, en reportant une partie des responsabilités financières à

la charge des parents, lie d‟autre part les mains du comité d‟administration pour qui il est illégal

d‟exiger ces sommes (Ministry of Education 1998). Après tout, si les parents refusent de payer pour

quelque raison que ce soit, ce n‟est que l‟éducation de leurs enfants et de ceux qui fréquentent la

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même école qu‟eux qui risque d‟en souffrir. Car comme nous le rapporte Hine, même si certains

parents s‟élèvent contre ces frais déguisés qui font de la gratuité de l‟éducation un mythe bien plus

qu‟une réalité, au bout du compte, lorsque le coût de la vie devient trop élevé, plusieurs n‟ont tout

simplement pas les moyens de payer. « Some people get so agitated by it : “It‟s supposed to be

free!” Education is supposed to be free and it‟s not. We ask for $100 a year per child and the more

you‟ve got the less you pay. When winter comes along and the electricity bill triples in price, they

used to double, they triple now, you know people can‟t afford it » (Hine).

Frais

Cours de musique, de danse ou de natation, matériel d‟art ou de menuiserie, en fait tous les

« extras » devront être défrayés par les parents, comme nous en témoigne Nathalie. « Last night I

was reading the letter the school sent to us and they say that when we sign the form to send our

child to their school we say we will help contribute to the school, so it‟s $127. […] for activity fees,

for the “spec”, the specialities, like woodwork, cooking, music, computers, everything which is

not… all the extras, they all cost money » (Nathalie). Lorsqu‟un enfant est inscrit dans une école

donnée, la direction invite alors son tuteur à signer une entente où les montants liés aux frais

optionnels lui sont indiqués. « An Optional Charge is a request for a payment for specific additional

features. Parents can choose whether or not to pay Optional Charges depending on whether they

want the additional feature. […] Such activities may include weekly visits by a dance or music

teacher, or excursions to the zoo » (Ministry of Education 2009c). Une institution n‟est cependant

pas en droit de refuser un élève dont les parents ne veulent pas des extras. « Optional Charges are

not compulsory. Agreement to pay an Optional Charge cannot be a condition of initial or continued

enrolment » (Ministry of Education 1998). Cette règle semble néanmoins fonctionner beaucoup

mieux en théorie que dans la réalité et les écoles, surtout de déciles plus élevés, trouvent bien

souvent le moyen de se débarrasser de cette clientèle réfractaire. D‟autre part, l‟éventuelle

stigmatisation qui peut être infligée à l‟élève qui se trouve exclu des activités couvertes par les

extras peut convaincre plus d‟un parent à s‟en acquitter, ainsi que l‟illustrent les propos de Laura.

« Well it kind of… well you could argue about it but you don‟t want your child to be the one… Not

going on the school trip because you haven‟t paid the activity fee » (Laura). D‟autre comme Mark

sont pour leur part soulagés que l‟école leur laisse le choix et que les étudiants qui ne prennent pas

part aux activités puissent malgré tout apprendre la même matière que le reste de la classe.

When they have activities they ask the parents first, and if you can‟t afford it they tell

you : “Its all right we have other alternatives.” For example, because we just turned

up August last year […] they had a school camp, because Paul doesn‟t know

anybody at school he did not want to go. They said : “Its all right, you don‟t have to

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go we will just put him in another class.” Which they did, so they accommodated us

that way, and there were a few other parents which did the same because they could

not afford the cost. So the things are not pushed on to you, the work they did on the

camp, it‟s the same work they did in the classroom as well. So they always treat

everyone the same. (Mark)

Les écoles sont en effet tenues par l‟État de dispenser le curriculum national à tous, et ce même

lorsque les parents ne s‟acquittent pas des charges optionnelles, mais ceux qui s‟engagent à payer

les frais seront cependant obligés par la loi de respecter leur contrat puisque l‟école aura le droit de

retirer l‟élève des activités jugées comme « extra » si l‟argent se fait attendre. Cette approche est

toutefois jugée trop drastique dans plusieurs établissements, dont celui où Andrew est membre de

comité. « The activity fee we can, we can with all the activity fees for the children, but we don‟t. As

a catholic school I think it‟s wrong to deny a child just because his parents don‟t pay. We are

entitled to, but we don‟t » (Andrew). Cette situation peut placer les directeurs et les comités

scolaires devant des problèmes éthiques qu‟ils doivent résoudre selon leur jugement. Ils sont donc

obligés de porter seuls le fardeau de la contradiction d‟avoir à demander la participation financière

des parents dans un système qui affirme pourtant que l‟éducation publique demeure gratuite.

Situation qui peut devenir lourde lorsque directeur et comité d‟administration tentent de proposer

des activités pédagogiques et sportives attrayantes sans avoir à mettre de côté certains enfants, car

comme l‟expérience de Laura le démontre, il s‟avère bien difficile d‟obtenir la satisfaction de tous.

I had an interesting conversation with the principal about it actually. They were

talking about swimming lessons for the kids at school and he said “What about the

parents who don‟t want to pay?” And we say “well your child will have to stay at

school; there will be someone here to look after them when we go swimming.” The

principal then says that parents‟ come-back will be; “But the government promised

me a free education for my child, why he should miss out just because I don‟t want to

pay a fee?” So the school just has to wear it I guess. (Laura)

Si certains ont des scrupules à appliquer la loi, d‟autre estiment qu‟il en va du bien de l‟école et

qu‟ils sont alors tenus de sévir, comme c‟est le cas à l‟école primaire où Sonia siège. Car selon elle,

lorsque des parents deviennent incapables de payer les frais suite à certains aléas de la vie, l‟école

ne peut pas continuer à donner les services à leurs enfants au détriment des autres élèves. « We try

to tell them [the parents] “if you can‟t pay you have to tell us because we have a budget as a school

for the year and we have to know if we can‟t rely on a certain percentage of that money coming in

to complete to pay for the activity”. So if they don‟t have the money we will simply not take their

child for swimming lessons. We cannot pull money out of somewhere to pay for something else »

(Sonia). Une fois que les parents ont accepté de débourser pour les frais, le pouvoir de l‟école va

plus loin et celle-ci peut même poursuivre ceux dont les enfants ont joui des services mais qui n‟ont

pas payé, comme nous l‟explique Sonia. « We can ask what we want for the fees, we are legally

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allowed to ask for the compulsory activity fee, we are allowed to enforce that, and we are allowed

under the law to get a debt collector as the last resort » (Sonia). Ce droit qu‟ont les comités

d‟administration scolaire comporte sa part de danger puisqu‟un flou, souvent entretenu, existe

comme nous le verrons entre la donation volontaire et les frais dit optionnels.

Frais et donations, propices à la confusion

D‟après les commentaires entendus lors d‟entrevues ou autres observations de terrain, il apparaît

que la situation mentionnée ci-haut crée beaucoup de confusion entre ce qui relève de la donation et

des frais nommés Optional Charges par le gouvernement. Les écoles ayant un urgent besoin

d‟argent, les comités d‟administration sont de fait souvent tentés de fortement insister sur

l‟importance de la donation comme s‟il s‟agissait d‟un frais. « […] the donation is just asked for at

our school, we‟re at Sacred Cross, where my daughter goes they have it as a line-item on the

invoice. Again it‟s still a donation, you don‟t have to pay, but it makes it appear like it is expected »

(Andrew). Lorsque j‟ai demandé à Nadia, mère de quatre enfants d‟âge scolaire, quels étaient les

montants des donations demandées à l‟école de ses petits, elle semblait un peu confuse. « No it‟s a

fee, because we chose to send the kids there, but now that we speak about it, I wonder if it‟s not a

donation. I know the primary school is a donation » (Nadia). Le commentaire de Jeanne allait aussi

dans le même sens. « Yeah, the donation you must pay! About $700 I think » (Jeanne). Le ministère

de l‟Éducation met pourtant en garde les comités scolaires qui pourraient être tentés d‟exiger le

montant de la donation au même titre que les frais, ou tout simplement de les présenter de manière à

confondre les parents.

While boards may specify a sum for the annual school donation, they should make it

clear to parents that this donation is voluntary and cannot be made a compulsory

charge. When referring to this general payment in the school prospectus and notices

to parents, boards should not use the word “fees” or “levy” or any other term which

implies that payment of the sum is compulsory. In particular, boards cannot demand

payment of the donation to confirm enrolment at the school. (Ministry of Education

1998)

Cette situation ouvre la porte à plusieurs cas d‟abus où des parents se sont vus présenter des factures

avec intérêts pour des donations non payées. Le ministère spécifie aux comités d‟administration

qu‟ils ne sont pas en droit d‟exiger le paiement d‟une donation et encore moins d‟envoyer les

huissiers réclamer ces montants. « Each board will decide for itself whether it is appropriate to

employ a debt collection agency to collect money owed to the school by parents. However, no

board should employ a debt collection agency in an attempt to force parents to pay the school

donation. This is not a debt, but simply a voluntary donation which parents cannot be compelled to

pay » (Ministry of Education 1998). Lors de mon terrain, un tel cas fut très médiatisé puisque

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d‟importantes sommes y étaient réclamées. Un article du Dominion Post paru le 26 janvier 2010

relate l‟histoire d‟une mère monoparentale qui s‟est vue proposer par l‟école secondaire de son fils

de vendre la demeure familiale afin de rembourser les donations non payées. « The investigation‟s

result is a relief to parent Karen Bock, who was in a battle with the school after it suggested she

secure $13,000 in unpaid donations against the future sale of her home. She paid about $2000 a year

in compulsory fees but could not afford to pay the extra voluntary fees » (Beaumont 2010).

L‟enquête en question ne fut cependant menée par le ministère de l‟Éducation qu‟à la suite d‟un

article paru précédemment dans le même journal. De plus, l‟établissement mis en cause appartient

au Trinity School Trust qui possède plusieurs autres écoles où on aurait aussi utilisé de pareilles

méthodes. Le problème est de fait assez répandu et facilité par la confusion qui existe entre les

différents termes employés par les comités scolaires pour référer aux donations.

One of the problems in discussing the legalities of boards‟ rights to seek payments

from parents is that different boards use different terms to describe the same thing.

[…] This general sum is most conveniently described as the “school donation” and

this is the term used in this circular. Some boards, however, describe it as “school

fees” and this is the term which the general public most commonly uses to describe

it. Other boards use the term “activity fees” to describe the same thing. Even more

confusingly, some boards use this latter term to describe payments for activities such

as school camps, concerts by visiting artists, class trips etc, while other boards use it

to describe payments associated with the cost of materials in particular subjects.

(Ministry of Education 1998)

Bien que le gouvernement soit au fait des problèmes encourus, rien ne parait être entrepris pour

imposer formellement une manière de procéder aux différentes écoles, qui sont dans la logique de

décentralisation libres d‟agir selon leur propre intérêt. Si, comme le ministère de l‟Éducation

l‟avance lui-même sur son site Internet (voir ci-haut), la majorité du public réfère aux donations

volontaires sous le terme de school fees, il n‟est guère surprenant qu‟une confusion règne. Vient

s‟ajouter à celle-ci une certaine pression sociale qui peut provenir de l‟école ou des pairs. Car

comme le souligne Nathalie, un parent qui paie frais et donations est souvent perçu comme un

parent qui a l‟éducation de ses enfants à cœur, soit un bon parent! « Well you don‟t have to pay,

your child still gets to do it. For me, I always pay my school fees, but my friend she is like; “No, I

never pay the school fees, school is free.” But I think; no, they ask you, and you look like a better

parent if you write the cheque, give the money and say : “Here is your money, I am a good parent, I

care for the school.” I think it‟s better » (Nathalie).

Une ambiguïté existe aussi au niveau de ce qui peut être considéré (matériel, activités, classe

spéciales, camps, visites, etc.) comme un frais, une donation et ce qui est couvert par l‟État. Le

directeur du comité d‟administration de Rathkeale College, celui qui a proposé à la mère d‟un de

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ses élèves de vendre sa demeure pour rembourser les donations non payées, adressait ce

commentaire au gouvernement : « The rules about what schools can charge for needs a lot more

clarity […]. They are open to interpretation » (Beaumont 2010). Cette opinion est d‟ailleurs

partagée par certains membres de comité d‟administration scolaire. « I think they should be clearer

by what they mean by free. There is no tuition fee for state schools in New Zealand, but there are

certainly a lot of other fees that you have to pay » (Andrew). Dans de telles circonstances, il devient

pertinent de se demander s‟il n‟est pas avantageux pour le gouvernement de tout simplement

conserver ce flou et de laisser l‟économie de marché faire le reste.

Les parents et le choix du consommateur

Transport et autres obstacles restreignant le choix des moins fortunés

Si le montant des frais optionnels et même de la donation peut influencer la décision d‟un parent

lorsque vient le temps de choisir l‟école de son enfant, bien d‟autres éléments peuvent peser dans la

balance. Car pour pleinement jouir de son droit de consommateur, il faut tout d‟abord des moyens.

Du temps pour chercher et analyser les options qui se présentent à nous. Nos relations, amis,

collègues de travail, familles, peuvent ici nous aider grâce à leurs points de vue et commentaires à

orienter notre choix. Un ordinateur sera aussi un outil fort utile puisque toute l‟information

distribuée par le ministère de l‟Éducation de même que par les écoles se retrouve désormais

principalement sur la toile. Une voiture facilitera d‟autre part les visites des écoles et par la suite le

transport si l‟établissement choisi est trop éloigné de la maison pour s‟y rendre à pied. Autant de

ressources qui sont évidemment plus disponibles pour les classes favorisées que pour les autres,

comme le soulignent Frankenberg et Siegel-Hawley dans leur rapport portant sur le droit civil et les

écoles à chartes aux États-Unis.

The ability to choose assumes ready exposure to available school options. Research

suggests that families‟ access to the educational marketplace is unequally constrained

by a number of factors, including contact with advantaged social networks through

which information regarding school quality is exchanged, language barriers,

socioeconomic status and the ability of parents to arrange transportation for their

school children. 12 education studies both in the U.S. context and abroad, from

England to New Zealand to Chile, all highlight a basic point. Unrestricted choice

results in stratification. (Frankenberg and Siegel-Hawley 2009 : 6)

Malgré plusieurs recherches qui mettent en lumière l‟inégalité des parents face au choix du

consommateur dans le système d‟éducation publique, le gouvernement néo-zélandais expose

pourtant sur son site Internet ce choix comme une opportunité ouverte à tous. « Choosing the right

school for your child or teen is important as it can have a big impact on their happiness and

wellbeing as well as how well they do at school. […] Your priorities may vary depending on your

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child or teen‟s talents and needs. What are you prepared to compromise on, and what are your „must

haves‟? » (Ministry of Education 2009d). Une telle approche ouvre ainsi un

questionnement : qu‟advient-il de ceux qui n‟ont pas de choix? Faut-il en conclure que cela aura un

impact négatif sur le bonheur et la réussite scolaire de leurs enfants? Bon nombre de parents comme

Tina se retrouvent de fait obligés par une situation géographique, monétaire ou autre d‟opter pour

l‟école la plus proche. « Where I am here in Wainui, we don‟t have choice. We‟ve got a convenient

school just down the road and somehow we just have to take it. But Dan my 14-year old, I would

rather like him to go out of Wainui, to a different high school, but that will be unlikely. Like if I was

living in Porirua, I would have the choice of at least three different colleges. So I feel restricted »

(Tina).

Les donations volontaires mais surtout les frais obligatoires que peuvent à toute fin pratique exiger

les écoles publiques pour tout service supplémentaire en découragent souvent plusieurs, même si

ceux-ci sont parfois couverts par certaines formes d‟aide gouvernementale pour les parents éligibles

qui en font la demande. Le transport représente toutefois, d‟après les commentaires recueillis sur le

terrain, un élément très restreignant et qui retire d‟emblée toute option à bon nombre d‟élèves.

Selon Statistics New Zealand, presque le quart des familles défavorisées n‟ont pas accès à un

véhicule, ce qui réduit énormément leur mobilité et donc la possibilité d‟amener leurs enfants à une

école qui serait plus éloignée.

The proportion of children in families with access to a car increases progressively

with income. Among children with family incomes in the lowest family income

quintile, nearly one-quarter (23 percent) did not have access to a motor vehicle

compared with less than 1 percent of children in the highest family income quintile.

European children were most likely to live with a parent who has access to a car and

Pacific Islands children the least likely. (Statistics New Zealand 1999)

Si les transports publics demeurent toujours une possibilité, leur utilisation reste, malgré les prix

étudiants, assez dispendieuse et peu efficace lorsque l‟on habite dans les banlieues un tant soit peu

éloignées du centre. Par ailleurs, même si la famille de Tina possède une voiture, cette dernière ne

voit pas comment elle pourrait conduire soir et matin son fils en dehors de la vallée qui enclave leur

banlieue prolétaire et où on ne retrouve qu‟une seule école secondaire. La situation devient d‟autant

plus complexe lorsqu‟il s‟agit de familles monoparentales comme celles d‟Aronui ou de Mark.

« Because I work full time I did not have the resources to get him to school, and be at work and do

the whole rotation again! » (Mark). Aronui, qui a décidé d‟envoyer sa fille dans une école

d‟immersion maori malgré l‟embûche que représente le transport, a cependant dû se faire à l‟idée de

la voir emprunter l‟autobus public seule malgré ses 6 ans. « And it‟s really hard work to put your

child in a Maori school, it‟s the travelling! If your work or your home is not near, you have to drive,

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drive and drive. There are only a few Maori schools, like there‟s no Maori school in my town. So

my daughters have to catch the bus to Otaki, which is just 20 minutes on the road, on the public

bus » (Aronui). Restriction de l‟accès à une voiture, difficulté à payer le transport en commun qui

vient s‟ajouter aux frais scolaires et à l‟horaire trop chargé des parents qui sont parfois seuls à

élever leurs enfants, voilà autant d‟embûches au libre choix d‟une école. Lors de mon entrevue avec

Laura, je lui ai demandé pourquoi il n‟y avait pas davantage de Maori ou de jeunes du Pacifique à

l‟école de décile 10 où vont ses enfants alors qu‟ils représentent pourtant la majorité dans plusieurs

autres établissements du voisinage. « Most of the people in low decile schools, they will send their

kids to the nearest school because they can‟t afford to bring their kids anywhere else, they can‟t

afford to drive them to school every day » (Laura). Ce que confirme Morphis dans sa recherche

portant sur la réforme du système scolaire néo-zélandais.

Transportation is another difficulty for lower income families. The government

provides little, if any, financial assistance for students in urban areas commuting to

schools outside their enrollment zone. The government assumes that families have

access to public transportation and does not take into consideration those families

with limited incomes. Many higher income families have vehicles at their disposal,

therefore, attending a school outside their neighborhood is not a concern. (Morphis

2009 : 21)

Un système ajusté aux besoins et aux attentes des mieux nantis

Si acheter une demeure dans un quartier huppé ou faire appel au système privé était auparavant les

moyens les plus sûrs de garantir une place dans une « bonne » école à son enfant, la décentralisation

ouvre depuis deux décennies de nouvelles options. Malgré le zonage qui sert souvent à restreindre

l‟arrivée d‟étudiants extérieurs dans certains établissements de haut décile, il demeure que la liberté

de choisir s‟est accrue. Brian et Laura, parents d‟enfants fréquentant des écoles primaires et

secondaires de décile 10, apprécient pour leur part cette nouvelle liberté. « I think it‟s good to give

people as much choice you can. I don‟t think the state should restrict that » (Brian). « I think it‟s

good that parents can choose their school » (Laura). Sans surprise, ce sont les habitants des quartiers

favorisés qui disposent de la plus grande variété de produits scolaires à proximité du lieu où ils

habitent. Cela leur permet de pleinement jouir de leur pouvoir de consommateur puisqu‟ils peuvent

rapidement remplacer un établissement qui ne répond pas à leurs attentes, ainsi que nous en fait part

Zoé, qui envoie ses enfants dans une école à charte. « Well, I pay a lot of money for it, so if I wasn‟t

satisfied (rire) I could go somewhere else. There is a private Christian school 5 or 10 minutes walk

from here. There‟s also a government-run school ten minutes from here, so we have those choices »

(Zoé).

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Dans la logique de la libre économie de marché, où une saine compétition assure théoriquement la

qualité des établissements scolaires, le choix se présente comme le droit fondamental du

consommateur. Les écoles deviennent ainsi, en suivant l‟approche de la formation continue avancée

par l‟OCDE, des structures offrant des services diversifiés en vue de répondre aux besoins

particuliers de leur clientèle, comme nous le résume Elisabeth, qui fut durant quelques années à

l‟emploi du ministère de l‟Éducation. « I definitely think it‟s important that parents are able to

choose the school where they send their children. I think schools have different types of cultures

and ways that they work, and parents know which one is going to serve their child better, or suit

their family better. So we should have the choice » (Elisabeth). Ce choix qui est toutefois loin d‟être

gratuit se retrouve souvent, malgré le désir des parents d‟offrir le meilleur à leur petit, déterminé par

leur situation économique. Car selon Sonia, présidente de comité à la même école de décile 9 où

Elisabeth est directrice et professeur, les établissements n‟ont pas les moyens de soutenir des

enfants dont les parents n‟arrivent pas à payer la note.

We have a family who dropped out because financially they could not afford it, and

they were a year behind in fees anyway, we realised they were going to be more and

more in debt and they were having more children coming in. We were sad about

doing it, but realistically we could not sustain having many families who for years

will not pay the fees. […] So you‟re torn between the ethos of them really wanting

the best for their child, and the reality that the school still had to be paid for and they

are not giving us the money. (Sonia)

Désaccord des tenants de l’égalité sociale

La Nouvelle-Zélande fut jusque dans les années 1970 l‟un des pays les plus sociaux-démocrates de

l‟Occident et un précurseur de l‟égalité sociale : elle accorda le droit de vote aux Maori dès 1879 et

aux femmes en 1893, rendit la scolarisation primaire obligatoire en 1877 et décréta la gratuité des

soins médicaux pour tous en 1935 et la semaine de 40 heures en 1936 (Tolron 2000 : 36). Les

immigrants, principalement originaires du Royaume-Uni, avaient d‟ailleurs souhaité faire de leur

nouvelle nation un lieu où la hiérarchie des classes telle qu‟ils l‟avaient connue dans leur contrée

natale n‟aurait jamais sa place. Malgré la pression qu‟exerce l‟économie mondiale sur ce petit pays

du bout du monde, une telle histoire ne s‟efface pas facilement selon Catherine et laisse des traces

dans l‟esprit populaire. « […] just under two generations have been raised under Thatcher right-

wing values, and who is holding on to those others values? Parents are holding on to them. They

grip on to values like tolerance, looking after your neighbour, fairness and things like that. Those

values are not ones that people are actively doing, but they are deeply embedded values. They‟re

values that come through from our history » (Catherine). Plusieurs parents tiennent énergiquement à

une éducation publique de qualité égale pour tous, et ce malgré la forte tendance décentralisatrice

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qui s‟abat comme un raz-de-marée sur la majorité des pays développés. Ceux-ci ne sont cependant

pas uniquement issus de la portion de la population qui est, pour des raisons économiques ou autres,

exclue de cette liberté de choisir. Comme Andrew et Jeanne, ils ont souvent obtenu des diplômes

universitaires et occupent des positions enviables.

Firstly I am a socialist so I think that all schools should be the same and teaching the

same, but reality is if you don‟t have much money and you live in Porirua, you don‟t

[have a choice]. I don‟t think people should be able to get the best school because of

the fact they have more money. […] But if every school could offer the same, the

same resources there would be no need to, unless you are desperate to send your

child to a private school, I think that all schools should have the same curriculum.

(Jeanne)

La dernière phrase de Jeanne illustre bien la différence de point de vue entre les défenseurs du libre

choix, qui souhaitent un milieu scolaire compétitif et donc diversifié, et les attentes des gens qui

aspirent à plus d‟égalité et qui souhaitent que toutes les écoles disposent d‟égales ressources et

enseignent le même curriculum. À l‟exemple d‟Hine, plusieurs dénoncent les préjudices que le

choix du consommateur inflige à leurs écoles de bas déciles où, comme nous l‟avons vue dans la

section portant sur le sujet, le phénomène du White Fly ne cesse de gruger le nombre d‟étudiants

inscrits. Andrew constate pour sa part que cette façon de faire s‟opère carrément au détriment du

bien commun que constitue le système scolaire public.

As far as the state school system goes I actually think that the ability to choose is

detrimental, not the other way around. […] I think that the ability to choose for some

schools is… is a very bad thing! And for a prime example, with the colleges in the

Hutt Valley, over the past 15 years maybe, there has been a major drift towards

parents choosing to send their children to Hutt Valley high school at the expense of

Tana college and Naenae college! And those two have got to the point where they are

very low decile, where their achievement at NCEA level is very poor and it has

started to turn bad since Hutt Valley high school put no zoning in and will accept

children from out of their home area. If people were forced to send their children to

their local school … (Andrew)

En plus d‟être réservé à certains, le choix du consommateur s‟avère néfaste pour ceux qui vivent

une situation financière qui ne leur permet pas d‟inscrire leurs enfants à une autre école que celle de

leur quartier. Mais quand le gouvernement présente le choix d‟une école publique comme une

option ouverte à tous les parents en ignorant la réalité, il parvient peut-être à convaincre ceux qui le

veulent, mais plusieurs autres s‟avèrent moins dupes et plus critiques, comme nous le démontrent

les commentaires d‟Aronui, Barbara et Nathalie. « Yes, but some people don‟t have choices they

are stuck in their zone » (Aronui). « Parents don‟t have a choice. Rich people have a choice, but

poor people don‟t have any choice, I don‟t think » (Barbara). « Well I don‟t know about the choice,

I think it all has to do with the money! » (Nathalie). Malgré l‟aide gouvernementale que certaines

familles défavorisées peuvent demander, le choix demeure généralement réservé à ceux qui

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disposent des ressources nécessaires pour se le payer. « […] poorer students and minority students,

whose families do not have the ability to move them to a new school, tend to be concentrated in

lower performing schools. Therefore while upper income New Zealanders have seen an increase in

their freedom of choice, that freedom has not trickled down to the lower income families »

(Morphis 2009 : 5). De plus, le montant déboursé, qui apparaît en quelque sorte assurer la qualité de

l‟enseignement dans l‟optique des parents qui envoient leurs enfants dans des écoles de haut décile,

est pour Hine une dépense injustifiée. « And some schools in town […] they have to pay $25,000 to

go to college, and with that did you get a 100% result with all your students? Did you get a score

with NZCA, how do you measure that, how can you justify such a price? Here we have some

students who perform extremely well even if we don‟t charge that type of money » (Hine).

Bon nombre de parents se questionnent face à cette liberté de choisir qui coûte toujours plus cher

sans pour autant améliorer la qualité de l‟éducation générale du pays. Si toutes les écoles étaient

semblables, comme Jeanne nous l‟exposait plus avant, il n‟y aurait aucune raison de choisir, on ne

ferait qu‟envoyer les enfants à la plus proche. Mais sans le choix qui entraîne la compétition, il

serait difficile de justifier les frais supplémentaires chargés pour les « extras » ou autres spécificités

offertes par l‟école. Le choix qui fait entrer l‟économie de marché dans le système d‟éducation

permet de fait d‟aller chercher bien davantage dans le porte-monnaie des parents. Surtout lorsque

ceux-ci sont convaincus du lien entre coût élevé et qualité du service obtenu. Pourtant, selon les

dires du gouvernement, l‟école publique demeure gratuite. Cette contradiction en choque d‟ailleurs

plus d‟un : « We‟re told education is free in New Zealand and we are asking for this voluntary

donation… I think it‟s a shame we have to do it. But schools always have difficulty with funding, so

you have the guilt thing » (Brian). « I think the government could be doing more to do better on the

free education thing, because that‟s what they‟ve been promising for years and there is not really

anything free » (Laura). « I think I pay my taxes and I should not have to pay again. In England you

don‟t have to pay a penny to go to school, unless you take private school, and I don‟t see why it

can‟t be the case here » (Jeanne). « Moi je pense que ça devrait-être gratuit à l‟école publique de

même qu‟au collège public. Jusqu‟à l‟université ça devrait-être gratuit » (Nora). « I think that‟s a

double standard, I think that‟s wrong. Like it‟s good for the government to say : “School is free.”

But then you get to school and they want more of you, and I think it‟s wrong » (Tina). Malgré le

mécontentement que l‟on retrouve chez de nombreux parents, il semble que la vision néolibérale

d‟une école qu‟il faut payer et où le service reçu dépend du montant des frais encourus gagne du

terrain. Changement que tente d‟implanter l‟OCDE et qui est vigoureusement encouragé par le

gouvernement en place qui souhaite se délester, selon Catherine, de la responsabilité d‟assurer une

éducation de qualité à tous.

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[…] and what comes along with choice is other things like venture and performance-

paid, it‟s all linked to that notion of privatisation, so it‟s always on a money

continuum. On the other end of the continuum is the frailty of the state to provide

wide and high quality public education for everybody, and we are getting closer and

closer, in this government, to a situation where those who can pay for education will

paid for it and those who can‟t will be looked after by the state. I mean it‟s pretty

frightening isn‟t it? But you never make that jump from one thing to another; they

bring people there step by step and they get there by getting people used to the idea.

(Catherine)

Consommateur payeur, une vision de plus en plus répandue

Toujours à l‟ombre de quelconques compressions budgétaires, les gouvernements prédisent

constamment aux citoyens des pays industrialisés qu‟ils n‟ont plus les moyens de conserver leurs

services et institutions publics. Trop coûteux, trop lents, mal gérés, etc., tout est bon pour

convaincre du bien-fondé d‟un remplacement du financement collectif des services par une

contribution individuelle directe. Ce qui entraîne inexorablement le tout vers une privatisation des

choses relevant de l‟État. Pour Nadia et pour bien d‟autres parents, il est ainsi préférable de payer

des frais scolaires que de voir ses taxes augmenter.

You can‟t do anything about it, you have to pay to send your children to school,

that‟s just a fact, you know? The health system is the same, you know, it‟s supposed

to be free, but you have to wait 6 months to a year to do the process, so you go to

private health. It‟s just a fact of life. You know the government, somewhere along

the line, they have to make a cut-off of what they can afford to pay. If the school

system was totally free then our taxes would have to go up, so… And it annoys me

terribly that some people don‟t pay. (Nadia)

Elisabeth, qui a rappelons-le travaillé à l‟élaboration du nouveau curriculum au ministère de

l‟Éducation, croit pour sa part que l‟école gratuite fait partie du passé de la Nouvelle-Zélande. Les

temps changent et les parents doivent selon elle se faire à l‟idée qu‟ils devront payer pour

l‟enseignement de leurs enfants, même si ce déplacement idéologique prend du temps à s‟opérer.

I am comfortable with what I pay. And I understand that if schools were completely

free that would rely a lot on other people who don‟t have children, so you have to

think about that as well. In New Zealand, culturally there‟s always been a really

strong social welfare system, so people are expecting a free education. I might feel

quite differently if I grew up somewhere else. […] So that‟s quite a different mindset

for New Zealanders just starting to think like that. So it will take a long time for New

Zealanders to be comfortable to pay for primary education I think. (Elisabeth)

Sonia fait partie de la cohorte des artisans qui travaillent, souvent sans le savoir, au grand projet de

la privatisation de l‟éducation publique en s‟évertuant à faire comprendre aux parents réfractaires

qui refusent de payer que l‟éducation n‟est plus comme avant. A l‟heure de l‟économie du savoir, il

faut plus qu‟un tableau noir et des craies pour donner un enseignement approprié aux enfants. Cette

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technologie coûte cher et elle ne sera accessible qu‟à ceux qui ont la volonté et les moyens de

l‟offrir à leur progéniture puisqu‟il ne faut plus compter sur l‟universalité du système.

That has been an ongoing issue, to explain to parents why they have to pay the fees.

By not paying them really what you‟re do is punishing the school and the children,

the government will not make up for the shortfall because you decided to not pay

your fees. […] And you have other parents saying; “Look the government should pay

for this, I pay my taxes!” That may have be true a generation ago, back then

education was basically free, but our class room did not have the technologies that

we have now; electronic black boards, computers, all those things have to be paid for

and they are not cheap. You want the good things for your children, you want the

technology, well, and you are going to have to pay for it, that‟s a fact of life! (Sonia)

Avec le phénomène du White Fly, les écoles les plus délaissées par la classe moyenne ne le sont

cependant le plus souvent aucunement pour des raisons qui ont à voir avec la qualité de

l‟enseignement ou du curriculum qu‟on y retrouve. Les raisons porteraient plutôt sur le manque de

ressources et les lourds besoins des élèves qui y sont concentrés quand la désertion des Pakeha n‟est

pas carrément due à leurs préjugés racistes envers les brown schools. Inégalité économique,

différences culturelles et sociales sont autant d‟obstacles qui désavantagent les classes les plus

défavorisées et qui se transforment dans la logique du marché en autant de problèmes personnels

qu‟il faut régler sur la base du particulier. L‟aspect politique et social de la question se trouve ignoré

par l‟État, qui tente de le gommer pour ne laisser place qu‟à l‟individu isolé. Individu dorénavant

chargé d‟assurer seul son propre succès et celui de sa progéniture dans une économie où ceux qui

trébuchent ne se relèvent que difficilement et avec de moins en moins d‟aide de la part de la

collectivité.

Récapitulons

Le choix du consommateur devient peu à peu la logique dominante que les grandes structures

internationales telles que l‟OCDE et l‟OMC, via l‟AGSC, tentent d‟imposer afin de mieux

soumettre l‟éducation aux lois du marché. Pour y arriver, il faut tout d‟abord détruire ce qui est

collectif et universel afin de pouvoir introduire une saine compétition qui sert, selon les tenants de

cette approche, à mieux répondre aux besoins des élèves en leur donnant un grand choix et

conséquemment, un accès à une meilleure qualité de produit éducatif. On voit ainsi apparaître les

écoles à charte de même que le nouveau curriculum, qui donne désormais encore plus de liberté aux

établissements d‟enseignement en vue de s‟ajuster aux attentes et aux besoins de leur clientèle.

Le gouvernement refusant désormais de financer adéquatement le système d‟enseignement public,

les institutions se retrouvent avec la responsabilité de trouver elles-mêmes l‟argent nécessaire pour

boucler leurs budgets. C‟est ainsi que la publicité fait son apparition et que les écoles vantent leur

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mérite auprès de leur potentielle clientèle nationale, mais aussi à l‟étranger. Toutefois, seules les

écoles de haut décile qui ont les moyens de faire une promotion adéquate parviennent à séduire un

nombre suffisant d‟élèves d‟outremer, clientèle beaucoup plus lucrative que les élèves néo-

zélandais. On invite aussi de plus en plus les entreprises privées à participer au financement, soit par

des dons en argent ou en produits. Aide qui demande le plus souvent un retour d‟ascenseur et

certaines écoles, comme nous en a fait part Catherine, vont ainsi jusqu‟à changer leur nom pour

celui de la compagnie bienfaitrice. Les levées de fonds du genre kermesses sont un autre moyen fort

populaire pour aider les établissements à joindre les deux bouts. Ce sont les écoles de haut décile

qui réussisent à récolter les sommes les plus importante lors de tels événements, ainsi qu‟en

témoigne la fête agricole qui se tient annuellement à l‟école primaire où Laura envoie ses enfants et

qui a permis d‟amasser 42 000 $ en un après-midi à l‟automne 2010.

Dans la logique du choix du consommateur, l‟école publique devient un produit comme un autre

pour lequel les utilisateurs doivent payer, et même si l‟enseignement public demeure théoriquement

gratuit, les parents se voient de plus en plus sollicités pour participer financièrement à l‟éducation

de leurs enfants. Une donation volontaire de même que des frais qui servent à couvrir tous les extras

qui ne touchent pas directement l‟enseignement du curriculum national sont alors demandés aux

parents. Bien que le refus de s‟engager à régler ces sommes ne doive en aucun cas restreindre

l‟accès à une quelconque école publique, il en va différemment dans la réalité. Puisqu‟un parent

peut récupérer le tiers de la donation accordée à l‟école publique que fréquente son enfant sous

forme de retour d‟impôt, ce système favorise indéniablement les écoles de haut décile et leur

clientèle qui se trouve davantage financée par l‟État puisque les sommes qu‟on y demande sont

beaucoup plus élevées. Par exemple, l‟établissement secondaire de décile 2 où Sarah occupe le

poste de présidente de comité demande 30 $ par étudiant pour la donation en comparaison de

3 000$ par enfant à l‟école à charte de niveau primaire de décile 9 où Zoé a inscrit ses deux filles.

Si l‟argument avancé par les promoteurs de la décentralisation fut d‟affirmer que la compétition

entre écoles éliminerait toutes celles de moins bonne qualité puisqu‟elles seraient abandonnées par

le consommateur qui trouverait, grâce à sa liberté de choix et à la multitude des options offertes,

mieux ailleurs, la réalité s‟avère tout autre. Car comme nous avons pu le constater, ce choix n‟est

pas accessible à tous malgré ce qu‟en dit le ministère de l‟Éducation qui fait la sourde oreille devant

les inégalités et le manque de moyens qui cantonnent une bonne partie des élèves dans les écoles de

bas décile. Accès au transport, disponibilité des parents et coût financier restreignent souvent les

petits issus des minorités ou de familles moins bien nanties à leurs écoles de quartiers. Cependant,

contrairement aux parents établis dans des banlieues prolétaires comme Tina, les gens qui résident

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dans des milieux aisés disposent pour leur part d‟un grand choix d‟écoles de haut décile et sont ainsi

généralement satisfaits du système en place puisqu‟il les avantage implicitement. Néanmoins,

certains tels Jeanne et Andrew, même si leur budget leur donne accès au choix, joignent leur voix à

celles de Hine et Barbara qui s‟élèvent contre cette liberté qu‟ils jugent néfaste et contraire à

l‟universalité que devrait normalement défendre l‟enseignement public. Malgré l‟opposition de

certains, il semble que l‟idée du consommateur payeur, libre d‟opérer ses choix dans le marché de

l‟éducation, gagne du terrain. Ainsi que l‟affirment Elisabeth, Nadia et Sonia, toutes trois ayant des

petits inscrits dans des écoles de haut décile : il est de nos jours inévitable de payer pour obtenir une

éducation de qualité pour ses propres enfants. Idée par ailleurs fortement défendue par le

gouvernement et portée par l‟idéologie néolibérale ambiante du chacun pour soi qui semble de plus

en plus acceptée.

Chapitre 5 : La méritocratie

Introduction

La méritocratie représente l‟un des piliers du système d‟éducation public, mais ce principe qui

garantit l‟égalité des chances pour tous sans égard aux origines ethniques et sociales se trouve de

plus en plus mis à mal par l‟idéologie néocapitaliste, qui connaît un essor sans précédant. La

méritocratie est ambiguë puisqu‟en affirmant que tous ont les mêmes chances d‟atteindre le succès

académique s‟ils y mettent efforts et talent, elle camoufle les inégalités sociales et économiques, ce

qui sert indéniablement les classes supérieures. Ambigüité que vient aviver l‟idéologie de la

décentralisation, qui pousse l‟État à se décharger de ses responsabilités collectives pour les remettre

de plus en plus aux individus. C‟est ainsi que le ministère de l‟Éducation charge désormais les

parents de la réussite scolaire de leurs enfants en faisant abstraction du fait que tous sont loin de

posséder les mêmes capacités pour s‟acquitter d‟une telle tâche. Maoris et immigrants provenant

des îles du Pacifique sont, comme nous le verrons, bien mal préparés à relever le défi. Minoritaire et

victime de la colonisation et d‟un racisme latent qui laisse des séquelles, leur expérience et leur

perception de l‟éducation publique diffèrent de celles de la majorité Pakeha, ce qui a pour effet de

les marginaliser encore davantage dans le monde scolaire. Mais arrêtons-nous premièrement aux

bases de la méritocratie, si chère au système d‟enseignement public.

La méritocratie, pilier de l’éducation publique?

La méritocratie est une notion qui défend que réussite, ascension sociale et pouvoir doivent être

obtenus par le mérite personnel des citoyens, sans égard à leur appartenance ethnique, sociale,

religieuse ou autre. Basée sur la reconnaissance de la réussite scolaire, de l‟expérience, des qualités

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et vertus propres à une personne, la méritocratie prône l‟égalité des chances. Plusieurs, à la suite de

Bourdieu et Passeron, ont cependant démontré au cours des quarante dernières années qu‟il

s‟agissait en fait bien davantage d‟un outil de maintien des classes sociales que d‟un réel moyen

d‟ascension. Néanmoins, en sanctionnant autant le « talent » et l‟effort des élèves que leur héritage

socioculturel, la méritocratie dans son application hybride, a su maintenir jusqu‟à récemment le

semblant d‟égalité nécessaire à la stabilité sociale. Si on reproche souvent dans les études qui en

font la critique le parti-pris qu‟ont les enseignants pour les habitus des classes supérieures, le

problème se double aujourd‟hui d‟un autre aspect. À l‟heure de la décentralisation, où les écoles

proposent différents services adaptés au portefeuille de chacun et où on compte de plus en plus sur

les compétences des parents pour participer à l‟éducation de leurs enfants, le principe de

méritocratie colle de moins en moins à la réalité. Tout comme celui de la gratuité de

l‟enseignement, il se fait progressivement miner par l‟économie de marché qui lui enlève ses

capacités de stabilisateur social. L‟approche de la nouvelle économie du savoir défendue par

l‟OCDE veut pourtant que les compétences clés soient acquises par le plus grand nombre, défi qui

ne peut être efficacement relevé que par l‟État. Cette incongruité, surtout lorsqu‟on sait que l‟OCDE

préconise elle-même la décentralisation des systèmes d‟éducation de par le monde, laisse songeur…

Le niveau socioéconomique des étudiants est une variable parmi d‟autres qui permet

de déterminer si les pays tirent pleinement parti de leur potentiel de développement

de capital humain. Donner la possibilité de faire des études à tous les membres de la

société, quel que soit leur milieu socioéconomique, est un objectif majeur des

systèmes d‟éducation. Placer les étudiants plus et moins aisés sur un même pied

d‟égalité n‟est pas qu‟une question d‟équité, c‟est aussi un moyen d‟élargir le

« vivier » de recrutement des emplois hautement qualifiés et d‟améliorer la

compétitivité globale de la main-d‟œuvre. (OCDE 2007c)

Les écoles de bas déciles sont aux prises avec des budgets déficitaires, une concentration d‟élèves à

problèmes (handicaps physiques, hyperactivité, problèmes familiaux et économiques, etc.) sans

oublier le manque de parents qualifiés dans les comités scolaires et le grand nombre d‟enfants issus

de l‟immigration. La méritocratie se réduit dans de telles circonstances à l‟enceinte de l‟école. On

tentera d‟offrir les mêmes chances à tous dans un établissement X, en sachant fort bien que les

élèves inscrits à l‟établissement Y auront une longueur d‟avance du fait qu‟ils disposent de

davantage de ressources, et ce malgré le statut public des deux institutions. État de fait qui laisse

bien peu de place à la logique de l‟égalité des chances sur le plan national, selon les auteures d‟une

étude portant sur l‟éducation des élèves Maori. « Maori receive a second-rate education. Too often

they are taught by second-rate teachers and led by second-rate principals in schools that are

governed by second-rate boards that provide second-rate resources » (Caccioppoli et Cullen

2006 : 32).

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La décentralisation ne fait pas que reporter le fardeau de la réussite scolaire des étudiants sur les

écoles sans égard aux moyens dont elles disposent, elle retourne aussi de plus en plus cette

responsabilité aux parents. Car il ne suffit pas de choisir la bonne école, il faut aussi être à même

d‟accompagner son enfant dans les détails de son cheminement académique. Participation qui est

d‟après plusieurs un ingrédient essentiel à la réussite des élèves mais qui est comme nous le verrons

éminemment dépendante de certains facteurs socioéconomiques et culturels.

Participation des parents, élément vital à la réussite scolaire

La responsabilité parentale remplace la responsabilité collective

Choisir la bonne école, payer la donation et les différents frais, s‟engager dans le comité

d‟administration scolaire ou participer aux levées de fonds en plus de l‟aide aux devoirs sont

dorénavant des tâches qui reviennent aux parents. Il semble que ces nouvelles responsabilités,

fortement promues par le ministère de l‟Éducation, soient bien acceptées par une portion de mes

répondants. À la question « Do you think that school is a place which provides the students with

equal chance to reach their potential in life? », plusieurs, comme Nadia, soulignèrent dans leur

réponse l‟importance de l‟implication parentale dans la réussite scolaire.

I think in general, the opportunity is there… Unfortunately, it‟s not always taken up

effectively. There are a lot of people in our society who‟re choosing not to have too

much input in their children‟s education, they won‟t push things in the schools; you

know they will not worry about whether they get homework…. I think it‟s not the

school system role, I think they do what they can and make sure the opportunity is

there for everybody. I think the government has to do more to encourage parents to

get their kids to school and keep their kids at school, and encourage their kids to

learn. So I don‟t think it‟s the school‟s responsibility, I think the teachers have got

enough on their plate. (Nadia)

Comme nous l‟illustre ce commentaire, le concept de la méritocratie glisse peu à peu vers une

question de responsabilité parentale. Nathalie, lorsqu‟elle répond à la même question, poursuit

d‟ailleurs dans le sens de Nadia et estime que le souci de la réussite scolaire de l‟enfant revient

plutôt aux parents qu‟à l‟école. « I think half the time it‟s not really the school… It‟s the parents

who have to do that. I think it‟s not the school‟s responsibility. The school has so much

responsibility already. If your child doesn‟t turn out that good, it‟s not the school‟s fault really;

they‟ve just got a set job to do. I think it‟s not really their responsibility; you would like it to be! »

(Nathalie). De fait, le manque de participation des parents semble être pour plusieurs, à l‟instar de

Nora, l‟une des principales causes d‟échec scolaire. « Il y a beaucoup d‟enfants qui échouent et sur

ce point, avoir des devoirs et avoir des parents qui interagissent avec leurs enfants après l‟école

c‟est très important je pense, dès le début » (Nora). Le ministère de l‟Éducation, comme nous le

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démontrent les commentaires de John, exhorte les parents à s‟impliquer davantage dans les études

de leurs enfants. « The research shows it, the more engaged the parents and the community are, the

better the kids do. That‟s not something for which you can hand the responsibility to the school and

wash your hands of it, no you have to be engaged » (John). Mot d‟ordre venant directement de

l‟OCDE, comme nous l‟illustre cette phrase tirée d‟un résumé de la rencontre officielle portant sur

l‟éducation tenue en novembre 2010 à Paris. « Parents, families and communities should be more

involved in everyday school life » (OCDE 2010c). Des parents apathiques, paresseux,

déresponsabilisés, indifférents, voilà selon le ministère de l‟Éducation néo-zélandais un grave

problème. Les professeurs tels Rebecca sont bien placés pour en témoigner. « In some places

parents are just not interested! Is it apathy or that they can‟t fit in with what is happening in the

school, or they don‟t want to be involved with day-to-day stuff? » (Rebecca). Laura avance même

que l‟école devient pour ces gens désengagés une sorte de garderie qui leur permet d‟avoir un peu

de tranquillité durant les heures de classe.

But being a parent I think it‟s important to show an interest and I think it‟s the only

way that you actually find out about the curriculum and everything. And I think

school should try to attract parents to participate and get involved, because too many

parents seem to show no interest at all. It‟s like; “Ah well, they go to the school and

it‟s to learn something, whatever it is, and at least they are out of my hair for the

day!” And it‟s really sad to think that happens but it does. (Laura)

Sonia abonde dans le même sens en soulignant l‟importance de la coopération entre l‟école et les

parents, qui sont en fait des partenaires. Il est intéressant de mentionner que Nadia, Nathalie, Laura

et Sonia, mamans qui tiennent toutes ici des propos assez similaires, ont toutes quatre des enfants

inscrits dans des établissements de décile 9 ou 10. « I believe a lot of motivation and ethics should

come from home and I think school is simply a reinforcement of that. I see school in a partnership

with the family. I don‟t think school is responsible for modelling a child. […] When my child

comes back home with homework, it‟s my job to spend that extra time for him to have that extra

learning » (Sonia).

Participation plus compliquée pour certains parents que pour d’autres

Tina et Hine, mères Maori ayant des enfants fréquentant respectivement des écoles de décile 4 et 2,

tiennent des propos divergents, ou qui sont tout au moins plus nuancés que ceux de nos quatre

premières intervenantes. Sur le sujet des devoirs, qui apparaît à bon nombre de parents comme une

partie importante de leur implication, Tina estime qu‟ils sont un exercice non nécessaire avant le

secondaire. Ayant eu elle-même du fil à retorde avec de telles besognes dans sa jeunesse, elle est

peu encline à imposer cet exercice à ses fils, surtout qu‟elle rentre à la maison assez tard à cause de

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son travail, contrairement à Sonia, Laura et Nadia, qui sont pour leur part toutes trois femmes au

foyer.

I think it‟s absolutely stupid (to give homework), I think when you‟ve been at school

6 hours a day […]. My middle child doesn‟t do homework because he is overloaded.

He is actually hard work, as far as school work goes anyway, so forcing him to do

more school work, it‟s a challenge every week, every day. Well I feel homework it‟s

a bit too much, at least at primary and intermediate. Myself I did struggle a lot doing

homework when I was young. And I can‟t make my kids do their homework straight

after school because I don‟t finish work before 6 : 00pm, so it has to be after supper

and then everybody is tired. (Tina)

La situation de Tina ne semble pas isolée puisque Nani Marama doit souvent faire face à des

parents qui ne considèrent pas les devoirs comme étant une chose prioritaire. « Because there‟s

nothing worse than having a child with achievement problems saying : “I don‟t know what to do.”

And you give them homework and nothing comes back. You ask : “What did mum do?” “Ha, she

did not have the time.” And all those sort of things. It‟s not good for the child » (Nani Marama).

Hine souligne elle aussi l‟importance de la participation des parents, mais son propos à leur égard

est toutefois moins dur et prend en compte les difficultés auxquelles plusieurs d‟entre eux se

retrouvent confrontés dans leur quotidien et qui contraignent leur actions.

I have been involved in sport in the school. Even if my son doesn‟t play rugby I like

to go there and support them and to show an interest in them. Because if there‟s one

thing I notice it‟s children aren‟t supported well by their parents, they don‟t come…

[…] I don‟t know if the parents are reluctant to come, but their non-presence is

noticed. Probably because they are low socio-economic so have transport issues, they

can be working in the evenings, and working in the weekends, probably both parents

are working. They are on $10,000 a year, and the wife is on $10,000 and they might

be working 40 hours a week! It‟s why I like to show an interest in the children.

(Hine)

Pour Barbara, il est évident que bon nombre d‟élèves fréquentant des établissements de bas décile

ne peuvent pas compter sur leurs parents pour leur venir en aide. La barrière de la langue chez les

familles d‟immigrants représente souvent un obstacle important et les enfants d‟âge scolaire y

jouent ainsi couramment le rôle d‟interprètes puisqu‟ils y sont les plus à l‟aise. À cette réalité

s‟ajoute le manque d‟espace pour faire les devoirs et les tracas qu‟apporte un quotidien ou les

préoccupations vitales telles l‟accès à des vêtements et à de la nourriture prennent le pas sur les

travaux scolaires. Réalité qui ne peut pas, selon Barbara, se comparer avec le soutien qu‟obtiennent

par ailleurs les enfants qui ont la chance d‟évoluer dans des milieux où les parents maîtrisent

l‟anglais et sont dans une situation qui leur permet de se concentrer sur l‟éducation de leur petits.

Also our parents can‟t help their children with their homework because they don‟t

understand English! […] But it‟s far different if a child takes a book to an English

speaking parent who thinks education is really important and who will sit down with

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him. You know, he will get the child to read it and help the child to comprehend it.

So it‟s a hugely different start! And if you don‟t have proper clothes to dress your

kids, or place to sleep, or food, you know! We have children sleeping on the couch of

someone‟s lounge, they don‟t even have a bedroom, somewhere to go, a quiet space

to do anything. (Barbara)

Si une situation économique précaire parfois doublée d‟une mauvaise compréhension de la langue

de la majorité représente une embûche de taille pour les parents lorsque vient le temps de

s‟impliquer dans l‟éducation de leurs enfants, d‟autres facteurs peuvent aussi influencer leur degré

de participation.

Maori et immigrants polynésiens, une autre vision de l’éducation

Colonialisme, différence culturelle et stigmatisation

Journaux, télé, radio et autres médias ne se privent pas pour relayer les statistiques qui reviennent

année après année et qui exposent invariablement les piètres performances des élèves Maoris et

Polynésiens, toujours coincés au bas de l‟échelle de la réussite académique. Données qui sont

immanquablement entendues par les élèves et les parents concernés, ce qui ne contribue en rien à

améliorer leur estime de soi ou leur motivation. Au grand dam des professeurs qui s‟évertuent,

selon Mary qui enseigne dans une école primaire à majorité maori, à donner le meilleur d‟eux-

mêmes à tous les élèves sans égard à leur origine ethnique.

Also the other day when they showed the statistics and they said that in every year

level the Maori were below the Pacific Islanders and the Pakeha, you can hear every

educator in Wainui going : “Ah no!” Because we don‟t look at it like that, every

individual kid in the class, everything is possible for them. We don‟t look at a child

and say : “They are Maori, or they‟re Pakeha.” You know, every kid deserves the

same effort. That doesn‟t mean you will get the same thing, all children are different,

but the effort and the passion we put on them is the same, and Maori are still under-

achievers. (Mary)

Nani Marama, une enseignante septuagénaire qui travaille depuis trente ans dans les classes

d‟immersion maori, rencontre des difficultés lorsque vient le temps de convoquer les parents. « The

participation of the parents is still an ongoing issue for us. We have been thinking of finding ways

to get parents coming to us. […] I have 28 children in my class and only eight have brought me

back an interview notice so far! And those children are the ones who do quite well in the class. So

they are not even the ones I want to see! » (Nani Marama). D‟après Mary, les difficultés qu‟ont les

professeurs à convaincre un parent de se rendre à l‟école quant il faut discuter d‟un problème

concernant leur enfant découlent des expériences négatives que ceux-ci ont eux-mêmes vécues lors

de leur scolarité et qui semblent trop souvent se répéter chez leurs petits. Sentiment d‟incompétence

et d‟échec entremêlé de mauvais souvenirs font alors surface et en démotivent plus d‟un.

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And they don‟t want to come to school to speak about their kid because they don‟t

want to be told : “You don‟t do enough for your kids, they are really low, or they

misbehave…” Why would you go to a place where you had a rather bad experience

as a child when you were yourself at school, and it brings out those horrible feelings

which made you feel useless, and then you‟re going to be told… Not that the school

will tell you that you‟re doing a bad job, but parents will feel like that. If they are

called into the school because their children are misbehaving, they have problems or

something, it‟s just reinforcing that feeling that they are just not good enough.

(Mary)

L‟expérience que chacun conserve de l‟école peut être des plus diverses : si elle laisse à certains de

doux souvenirs, elle peut être pour d‟autres qui furent moins chanceux une source d‟amertume

intense dont il est parfois ardu de se défaire. Il faut alors beaucoup d‟efforts et de confiance en soi

pour surmonter le désarroi, la colère, l‟inconfort, voire la peur que peuvent causer les souvenirs

d‟expériences pénibles et douloureuses. Nani Marama, comme elle le rappelle parfois à ses élèves,

n‟a hélas pas été la seule à souffrir de traitements racistes et violents durant ses années passées sur

les bancs d‟école. En effet, comme d‟autres Maori en ont témoigné lors de mes terrains antérieurs,

des générations d‟enfants issus de leur peuple et plus récemment de l‟immigration polynésienne

furent éconduits de la sorte lorsqu‟ils parlaient leur langue maternelle à l‟école.

I don‟t mind to say, when I was going to school, how me and my sister we used to be

punished if we were speaking Maori. […] There were spies in the class and if they

heard us speaking Maori – bang! – it was the strap! That‟s why when the kohanga

reo started in 1982, they came to get me because they knew I was one of the fluent

speakers, but I would not go because of that. And I thought : “If my children speak,

it‟s what is going to happen to them!” But over time, things have changed. But that‟s

one of the reasons why I am quite strong at what I am doing. Just making sure those

kids get more than what I got. Sometimes if I speak to them about what happened

when I was a child you can see the tears in their eyes. And then I tell them that I was

not the only one to suffer, there were many schools like that in New Zealand where it

was happening. I remember even at lunch time, if the teacher caught us speaking

Maori she would smack us hard on the hand with a strap, ha, that was bad! Now I am

thinking if I had those teachers in front of me, I‟d punch them. (Nani Marama)

Les traces de telles expériences ne s‟effacent pas facilement et les victimes, même une fois adultes,

auront tendance à éviter les établissements d‟enseignement qui leur rappellent de si mauvais

souvenirs. Le sentiment d‟infériorité que le colonialisme grave dans le cerveau des peuples conquis

participe à modeler l‟attitude que les Maori et les Polynésiens ont envers l‟école. Ils se voient pour

la plus part évoluer dans un système qui n‟est pas le leur et qui fut un outil de répression et

d‟assimilation brutale durant plusieurs décennies et dont les multiples ratés à leur égard sont encore

notoires. Car si les enseignants d‟aujourd‟hui ne lèvent plus la main sur leurs étudiants Maori et

Polynésiens de d‟autres horizons, ceux-ci demeurent tout de même stigmatisés. Le problème de

concentration ethnique dans les écoles les plus défavorisées engendré par le phénomène des White

Fly vient se doubler d‟une performance académique extrêmement basse et persistante (Caccioppoli

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et Cullen 2006 : 9). Lorsque la langue, la culture et les institutions d‟un peuple sont méprisées et

attaquées de toute part dans le but avoué de les anéantir durant plus d‟un siècle, cela produit un

profond traumatisme chez ceux qui subissent pareille médecine. Bien que le peuple Maori soit de

nos jours parvenu à reconquérir certains droits, le ressentiment qu‟ils ont envers les Pakeha

demeure souvent aussi sensible qu‟une plaie vive.

It‟s like you, you are a French Canadian, but imagine if all your life the other

Canadians had forbidden you to speak French and you had to speak English, and if

you speak French you‟re to be caned, it‟s what happened to my mother when she was

a child, they beat her up. And they say when you go to the marae it‟s all bullshit, all

our things have been put down to change our ways. But then, 20 years ago it changed

because Maori language has come back in. It‟s the Waitangi Tribunal, things have

changed, but change takes time. (Hine)

Malgré la surveillance d‟ERO qui tente d‟assurer la présence de la culture maori en classe afin de

faire respecter les principes du Traité de Waitangi, celle-ci n‟y a le plus souvent guère sa place et

demeure ignorée dans la majorité des établissements scolaires publics. L‟école reste donc pour un

bon nombre de Maori et de Polynésiens un endroit étranger, voire hostile, dans lequel leurs

références culturelles et sociales n‟ont pas leur place. Sentiment renforcé par presque deux siècles

de subordination où tout fut mis en place pour faire comprendre à ces peuples conquis qu‟aucune

« race » n‟était supérieure ni même égale à celle des représentants de la Couronne britannique. Il

n‟est ainsi pas surprenant, comme nous le rapporte Rebecca, que plusieurs d‟entre eux soient

touchés par un sentiment d‟inaptitude qui paralyse leurs actions lorsque vient le temps de

s‟impliquer dans le milieu scolaire.

And for them, Samoans particularly, and some of the Maori have a sense of

inadequacy, they don‟t feel they can make decisions for the white people. Now we

actually have that, I wanted a lovely Samoan lady to come and do something with the

children, but she just said : “I find it very hard to step inside the school, that‟s not

where I come from.” We could all go to a hall, or to meet somewhere else and it will

be fine, but to actually come into the building, were she did not feel she was part of.

She was quite nervous. (Rebecca)

Malaise qui peut aller jusqu‟à l‟anxiété et manque de confiance en soi sont des symptômes

d‟infériorité trop souvent infligés par le colonialisme. Rebecca, Mary et Nani Marama, toutes trois

enseignantes au primaire dans des établissements à majorité maori ou polynésienne, rapportent

d‟ailleurs des problèmes qui y sont étroitement liés. « Sometimes we have parents who will come

up and help at school, and we will tell them : “Come and have a cup of tea at the staff room.” But

they won‟t come in, and it‟s not necessarily because they‟re shy […]. They rather seem

intimidated » (Mary). Intimidation et ressentiment s‟entremêlent pour créer inconfort et méfiance

chez plusieurs Maori qui estiment avoir été floués et réprimés sans qu‟aucune excuse ne leur soit

pourtant parvenue de la part des Pakeha, comme nous l‟exprime Hine. « What it is to say I am sorry

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when you have been treating people like that! In Australia they had tried to put the Aborigines in a

white-people world, and it‟s the same here with the Maori, and that‟s actually called colonisation.

They tried to change all of our belief system, the way we live, and did everything to mould us to the

Pakeha way of life » (Hine).

Puisque Maori et Polynésiens forment la classe économique la plus défavorisée du pays, le peu de

ressources dont dispose le gouvernement en vue de répondre aux besoins des démunis leur est

majoritairement attribué. Ce qui fait ironiquement dire à plusieurs Pakeha que ceux-ci abusent de la

générosité de l‟État. « My mum is teaching in a school where it‟s only Maori and Pacific Islanders

and she is very cagey about those parents who do not take their responsibility and expect somebody

else to pay for their child. And she says they kept on having children, a lot of those families have

five or six children and they can‟t afford them, you know! » (Sonia). À ce problème s‟ajoute la

question liée aux revendications menées dans le cadre du Traité de Waitangi par le peuple Maori,

dont il fut brièvement question au chapitre 1, qui suscite la grogne de bon nombre de Pakeha.

Andrew, tout comme Sonia, avance de fait que les choses sont désormais allées trop loin et que ce

sont les victimes d‟hier qui finissent par être les abuseurs d‟aujourd‟hui. « So I really think the

balance has gone too far and now everything the white man‟s done was wrong and they were duped

all the way through the process and I am sure it‟s not the truth. […] The Maori are now doing the

getting. And I don‟t know if there‟s anybody in the public arena who is willing to stand up and say

so. But anybody who will do it will just get shouted down as a racist » (Andrew). Si le tableau

d‟ensemble peut paraître peu réjouissant, voire sans espoir, il n‟en demeure pas moins que certaines

approches arrivent à convaincre davantage de parents Maori et originaires des îles du Pacifique de

prendre part à la vie scolaire de leurs enfants. Des activités de groupes comme les karakia (hymne,

prière) et les BBQ parviennent à les mettre davantage en confiance, même si l‟exercice demeure

souvent complexe, comme nous le souligne Nani Marama.

On a fine day we have kaikia in the morning, and usually before they go home at

about 2 : 50pm, and we ask the parents to join in, but they‟re still not comfortable.

They are starting to come closer, we want them to sit with the children, but it‟s a

HARD thing. At the beginning of this term we had an evening where we invited all

the Pacific Islanders to a BBQ and many turned up! And they were asking the

teachers a lot of questions about their children. But when it comes to interviews, like

we will have in a couple of weeks, we don‟t see them! For some reason they like

large numbers, but they are not the kind of people who like to come on their own. So

we have to find out a way to get the parents to school so we can speak to them about

their child. (Nani Marama)

De plus, des activités qui s‟adressent spécifiquement aux jeunes Maori sont organisées dans les

écoles qui en comptent un nombre suffisant. Ces rencontres que l‟on nomme whanau hui (rencontre

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de famille) sont la plupart du temps l‟initiative d‟un professeur ou d‟un parent Maori. Hine a pour

sa part mis sur pied un tel groupe un peu avant notre entretien. Les gens furent nombreux à assister

à la première réunion, ce qui l‟encourage à croire qu‟une pareille initiative contribuera

éventuellement à développer l‟estime de soi chez les étudiants Maori. C‟est que ces derniers

semblent souffrir encore plus que leurs autres frères polynésiens et mélanésiens des séquelles de la

conquête britannique. Ayant subi l‟envahisseur de manière plus totale, les Maori sont souvent

considérés par les immigrants des autres îles du Pacifique comme étant un peuple dépossédé,

acculturé et soumis. On retrouve le premier peuple d‟Aotearoa davantage représenté dans les écoles

de décile 1 et 221

et bon dernier en ce qui a trait à la performance scolaire, bien que les Polynésiens

ne soient pas loin devant.

And just this week, Thursday, we had our first whanau hui for Maori students, and

we had a good turn up. […] Because when you‟re a Maori, when you come, you

bring everybody along, you bring your children, your family, your nana… it‟s for

everybody! […] So that night we spoke about our names, a karakia and art work. All

the kids got involved and had a task to do for the next meeting. That was really

positive, because our school is predominantly Pacific children, the Maori children

feel embarrassed to be Maori. It‟s about lifting their self-esteem and knowing who

they are, being proud of who they are. […] It‟s like at the whanau meeting, I say to

them : “It‟s yours, you own it, so take it and do what you want.” And they‟re writing

this song, and a prayer and doing the art work. So they are doing it, not me! (Hine)

Ces réunions qui interpellent les élèves et l‟ensemble de leur famille sont par ailleurs souvent les

seules activités auxquelles les parents Maori participeront, comme nous le démontre Mark. « I am

not involved with the board at all, but I did a couple of whanau activities, like we had sausage

sizzles at the end of last year just to be with the kids, and to met the kids‟ parents, to make my

network bigger I guess. That was good, but that‟s about my involvement so far! » (Mark). Plus

confortables au sein d‟un groupe que seuls, les membres de la minorité nationale préfèrent ce genre

de rencontre à celles plus formelles où les professeurs les convoquent lorsque vient le temps de

discuter du cas de leurs enfants sur une base individuelle. Cependant, selon Nani Marama, cela est

loin d‟être suffisant! « We did find ways, like BBQs and things like that, but you can‟t really speak

about a child‟s particular case while you play a game or cook a hot-dog! You need somewhere

where you can sit and have a good talk » (Nani Marama). Même si les réunions whanau, les BBQ et

autre activités ludiques et sociales arrivent à entraîner les parents jusqu‟à l‟école de leurs enfants, le

problème du manque de participation de ces deux groupes est généralisé (Caccioppoli et Cullen

2006 : 90). À défaut de mieux, à l‟école secondaire où siège Sarah, on mise sur une bonne

communication de groupe avec le iwi de l‟endroit et sur les rencontres whanau, ce qui combiné à

21 Répartition ethnique selon les déciles, voir Annexe H.

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bien d‟autres efforts paraît porter fruit puisque les adolescents Maori y réussissent au même niveau

que les élèves Pakeha, phénomène extrêmement rare.

We have meetings at school with the parents and we try at least once a year to meet

with our iwi or whanau. So we meet with them in December and we tell them what‟s

happening with student achievement, what‟s happening with standards, what they

want from us and what we want from them, just consult with them. But it goes

through cycles depending on how parents are involved, but that was very successful

this time in December. (Sarah)

Engagement des parents, deux mondes, deux points de vue

Comme nous l‟avons constaté plus avant, enseignants, directeurs et membre du ministère de

l‟Éducation ou d‟ERO s‟attendent à ce que les parents s‟investissent dans l‟éducation de leurs

enfants, pas seulement en les envoyant à l‟école mais en y participant eux aussi. Mais comme nous

venons de le constater, la colonisation a fait son œuvre et les parents Maori et ceux issus des îles du

Pacifique perçoivent souvent les professeurs comme des gens à part, voire supérieurs, comme nous

l‟illustre l‟expérience de Mary. « It‟s because they see teachers so much higher than they are. It‟s

like this lady, the one I taught her kids for years, she still won‟t call me Mary because she doesn‟t

see herself as important as me. I trained to be a teacher, that doesn‟t make me better than her, but in

her mind, she can‟t even call me Mary. She feels she doesn‟t have the right to call me by my first

name » (Mary). Ce sentiment d‟infériorité paraît encourager les gens issus de ces communautés à

estimer que le professeur est en meilleure position qu‟eux pour veiller à l‟éducation de leurs

enfants. Ce qui frustre énormément Nani Marama. « The difficulty is getting to those parents; to

make them participate in their child‟s education. They seem to think that the teachers know it all.

[…] I think we have to stop leaning on our teachers and stop making them the only ones responsible

for the instruction of our children » (Nani Marama). Ce point de vue est partagé par Sarah. « We try

to get the parents involved in the process as well, but what‟s hard is to make them understand their

importance in the education system. They think it‟s not important, they don‟t understand, they think

they just have to send the kids there and it will just happen » (Sarah). Tina, mère Maori de cinq

garçons, fait quant à elle confiance aux professeurs pour encourager ses fils à poursuivre leurs

études et pour leur donner un environnement solidement encadré afin de les guider dans leur

cheminement scolaire, ce dont elle estime avoir elle-même manqué dans sa jeunesse. Elle souligne

d‟ailleurs que les enseignants ont un fort impact sur ses enfants.

Those years are really important and I hope the school puts them on the right path

and give them boundaries to guide them, because I never had that myself. I left

school at 16 and I don‟t want that for my kids. But what I want the school to do is to

encourage them to pursue… […] I have my trust in school teachers because they

have a huge impact in the life of my kids, that‟s how I see it. They are with them 30

hours a week, that‟s huge. (Tina)

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Une telle perception est vraisemblablement bien ancrée et fait parfaitement sens pour de nombreux

Polynésiens et Maori dont le niveau d‟éducation est généralement bas et qui comptent ainsi sur

l‟école pour assurer une chance d‟ascension sociale à leurs petits. Ils adhèrent donc à l‟idée de la

méritocratie qui veut que réussite, reconnaissance et mobilité sociale soient à la portée de tous grâce

au système d‟éducation publique, en autant que l‟étudiant démontre les talents, les habilités et

surtout l‟effort nécessaires pour gravir les échelons du succès académique. Car comme Mark, père

Maori de deux jeunes garçons et d‟une adolescente de 16 ans, plusieurs souhaitent que l‟école

oriente leurs enfants vers un cheminement scolaire qui saura leur ouvrir de nouveaux horizons.

« For my daughter, I want the school to give her direction about what she wants to do. That‟s what I

want education to do; I want it to open her mind for her to see that there are other opportunities out

there » (Mark).

Méritocratie ambigüe

Une rationalité économique orientée vers l‟individu plutôt que la collectivité et où les ressources

doivent principalement provenir de la cellule familiale nucléaire et non plus de la communauté

désavantage inéluctablement Maori et autres Polynésiens. Puisque la réussite scolaire des élèves

dépend de plus en plus selon le système actuel du soutien des parents, il devient plus facile de leur

imputer la faute des échecs, comme le soulignent Caccioppoli et Cullen dans leur ouvrage portant

sur l‟éducation maori. « The problem is Maori kids, Maori families and their socio-economic

deprivation. According to this thinking, schools are doing as well as can be expected given the poor

material coming from Maori homes » (Caccioppoli et Cullen 2006 : 66). Les ratés académiques de

ces élèves deviennent ainsi un genre de tare socioculturelle avec laquelle le système d‟enseignement

public doit se débrouiller comme il peut. C‟est évidemment la vision du monde de la majorité qui

l‟emporte, laissant Maori et Polynésiens aux prises avec une méritocratie qui bat de l‟aile. Car

comme nous le témoigne Mary, malgré les efforts colossaux que déploient certains parents, ceux-ci

ne peuvent compenser à eux seuls l‟écart des chances dont souffrent leurs enfants dû à une situation

économique ou familiale difficile. Sans l‟aide de l‟État, ces parents n‟arrivent pas à assurer seuls le

succès de leur progéniture.

I taught a family, the older one will be about 17 now and they still have a 7 year old

at our school and the mother is just the sweetest lady. She was brought up in an

abusive home, and I think she‟s been in an abusive relationship but she is not in it

anymore. She always says, and she gets tears in her eyes : “I just want my children to

do better than I did.” Don‟t turn around and tell me those children are disadvantaged

because of their mother! Because their mother works way harder than most, and she

has to if she wants an income. Her kids got onto a rough road, but it‟s not her fault,

their mum is really doing her best. But it‟s very easy for people to sit on their high

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horses and to judge but I say to them; “Go and spend a month living in that

environment and we‟ll see if you say the same thing. (Mary)

La mission collective qu‟avait l‟école publique de tenter de donner une chance égale à tous les

élèves, sans égard à leur appartenance socioéconomique, raciale ou autre, apparaît de moins en

moins effective. Il est bien hasardeux d‟amplifier la responsabilité des parents puisque cette façon

de faire mine encore davantage le principe de méritocratie. Principe qui peut s‟avérer fort utile

lorsque vient le temps pour les gouvernements et autres instances de justifier l‟ordre établi. C‟est

que des phrases du genre « L‟éducation publique est gratuite et ouverte à tous, il n‟en tient donc

qu‟aux étudiants de fournir les efforts nécessaires pour réussir! » deviennent de moins en moins

crédibles puisqu‟elles entrent en contradiction avec les fondements même du libre marché. En effet,

si le talent, l‟assiduité au travail et la détermination étaient dans les faits les principaux éléments qui

mènent au succès académique, toutes les écoles publiques devraient être aussi similaires que

possible afin de garantir cette égalité des chances. Cependant, comme nous l‟avons observé, la

décentralisation opérée par Tomorrow‟s Schools va dans le sens contraire.

La perte progressive d‟un tel outil de justification de l‟ordre social ne se fait pas sans danger dans

une période où le pays connaît un mouvement d‟accroissement de l‟inégalité de la distribution des

richesses, comme en font foi les résultats d‟une enquête menée par le ministère du Développement

social et rapportée dans un grand quotidien du pays. « New Zealand‟s after-tax distribution is one of

the most unequal in the OECD, and child poverty rates are a national disgrace. The Ministry of

Social Development has just released a 2008 survey of living standards, reports 19 per cent of

children are experiencing serious hardship and unacceptably severe restriction on their living

standards » (St John 2010). Si les premiers à en souffrir sont les enfants, comme nous le souligne

l‟auteure de cet article, professeure d‟économie à l‟Université d‟Auckland, ceux-ci sont

principalement issus de la minorité nationale et des immigrants du Pacifique, qui forment la

majorité des classes démunies. L‟alignement de l‟État à une idéologie néolibérale creuse un gouffre

toujours plus important entre les possédants et les dépossédés, problème souvent doublé d‟une

dimension ethnique et culturelle directement héritée du colonialisme. La méritocratie, cette

responsabilité collective, enfant de la démocratie, glisse vers une responsabilité individuelle et

économique, ce qui rend son rôle de plus en plus ambigu.

Récapitulons

Plusieurs parents dont les enfants fréquentent des établissements situés dans des quartiers favorisés

semblent facilement adhérer à l‟idée promulguée par le ministère de l‟Éducation que le succès

académique des étudiants relève davantage de l‟implication parentale que de la mission de l‟école.

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Nadia, Nathalie, Laura et Sonia, dont les petits fréquentent des institutions publiques de hauts

déciles, nous ont d‟ailleurs fait part de propos allant en ce sens. Dans cette optique, les problèmes

d‟échec ne sont pas dus aux manquements du système mais plutôt à la faible participation de

certains parents qui ne prennent pas l‟éducation de leurs enfants au sérieux et qui ne sont donc pas

assez responsables. Ni le ministère de l‟Éducation ni les parents qui adhèrent à cette vision

individualiste ne prennent en considération les inégalités qui handicapent les gens issus des milieux

moins favorisés dans ce processus. Pourtant, comme nous l‟ont rapporté Barbara, Hine et Mary,

tous ne sont pas également outillés pour supporter leurs enfants dans leur cheminement académique.

Une mauvaise compréhension de la langue ou de la culture du pays d‟accueil combinée au chapelet

de problèmes qu‟occasionne une situation financière précaire font en sorte qu‟il est difficile, voire

quasi impossible, pour plusieurs parents immigrants de participer efficacement à la vie académique

de leurs enfants. De plus, la colonisation ayant fait ses ravages, l‟école demeure pour bon nombre

de Maori ou de gens issus des îles du Pacifique un endroit inhospitalier, source de mauvais

souvenirs et d‟expériences douloureuses, comme nous avons pu le constater grâce aux témoignages

de Nani Marama et d‟Hine. Ce qui éveille chez plusieurs d‟entre eux un sentiment d‟inaptitude et

d‟infériorité les incitant trop souvent à éviter ce lieu. Ce phénomène complique la participation de

ces minorités à la vie scolaire de leurs enfants, frustrant des professeurs comme Rebecca, Mary et

Nani Marama, qui ont bien de la difficulté à convaincre ces parents de se rendre à l‟école afin qu‟ils

puissent discuter ensemble de la situation académique de leurs petits.

Comme nous l‟indique leur opinion, les parents Maori tels Tina, Hine et Mark, dont les enfants

fréquentent des établissements de bas déciles, ont quant à eux une perception différente du rôle de

l‟école. Bien que Hine reconnaisse l‟importance capitale de l‟implication des parents dans la vie

scolaire des enfants, son point de vue est, comme nous avons pu le constater, beaucoup moins

tranché que celui de Nadia, Nathalie, Laura ou de Sonia. Tina et Mark partagent pour leur part

l‟idée, comme plusieurs autres Maori, que puisque les professeurs sont ceux qui détiennent les

connaissances, ils sont donc les plus à même de transmettre le goût d‟apprendre à leurs enfants afin

de leur ouvrir de nouveaux horizons qui les mèneront vers un cheminement académique prometteur.

Ils adhèrent ainsi au concept de la méritocratie, qui veut que l‟enseignement public assure une

chance égale à tous en autant que l‟élève fasse preuve d‟un minimum de talent et d‟une bonne dose

de motivation. Mais ce succès s‟avère de plus en plus difficile à atteindre dans un système qui

transforme progressivement une responsabilité collective en une responsabilité individuelle, ce qui

s‟accorde d‟autant plus laborieusement avec la vision du monde des Maori et des Polynésiens.

Souvent contraints de fréquenter des écoles de bas déciles qui souffrent d‟un manque criant de

ressources, leurs enfants sont les premières victimes de ce chacun pour soi.

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Cet individualisme de plus en plus répandu permet aux mieux nantis de conserver leurs richesses

entre eux au détriment des classes moyennes et défavorisées, qui glissent toujours davantage vers la

pauvreté. L‟éducation publique perd ainsi de son universalisme, ce qui risque d‟affecter son

efficacité en tant qu‟outil de maintien et de légitimation des classes sociales. Procédé qui ne fait

généralement qu‟assurer la part du lion aux plus riches, qui doivent néanmoins contrôler leur appétit

pour laisser au reste des citoyens ne serait-ce que l‟illusion que l‟égalité des chances subsiste s‟ils

souhaitent jouir de leurs avantages sans être inquiétés. Dans la situation actuelle, malgré la foi que

semblent conserver Maori et Polynésiens dans la méritocratie, il est à craindre que l‟évidence des

inégalités rende bientôt ce mécanisme caduque. Avec la décentralisation du système scolaire qui a

ouvert l‟école au marché et créé un choix pour les parents toujours plus responsables du succès

académique de leur enfant, c‟est le droit citoyen à l‟égalité des chances qui est progressivement

remplacé par le privilège du consommateur. Glissement idéologique qui peut avoir un impact

décisif sur les fondements mêmes de la démocratie, comme nous le verrons dans le dernier chapitre,

où nous nous arrêterons sur la place qui est de nos jours accordée aux concepts de citoyenneté,

d‟identité et de cohésion sociale.

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Partie III : La nécessaire appartenance

Chapitre 6 : L’école et la démocratie

Introduction

Malgré ses imperfections et ses ratés, la démocratie demeure la grande favorite de l‟Occident et

l‟éducation publique représente jusqu‟à ce jour un de ses meilleurs alliés. Éduquer les élèves à

propos de leurs droits et devoirs envers la nation afin qu‟ils détiennent les connaissances nécessaires

pour jouer adéquatement leur rôle dans la sphère politique et civile, voilà une des principales

missions d‟un système d‟enseignement collectif. Si tous n‟en sortiront pas avec un haut niveau de

qualification, l‟éducation publique doit au moins fournir à l‟ensemble du peuple les notions de base

nécessaires à la vie en société et au maintien de la démocratie. Il apparaît toutefois que cette mission

soit de plus en plus remise en question. Suivant un mouvement néolibéral qui s‟étend aux quatre

coins de la planète, la démocratie glisse progressivement d‟un droit et d‟un devoir collectifs vers

une notion qui défend la simple protection des libertés individuelles (Wells et al. 2002 : 338 ; Apple

2005 : 219). Comme nous le verrons ici, restructurer les systèmes d‟évaluation de tous les pays

membres de l‟OCDE afin que tous soient en mesure d‟évaluer selon des standards communs les

compétences clés jugées les plus utiles au développement du néolibéralisme planétaire semble être

le grand projet des réformes en éducation. Plus flexible que les connaissances, qui sont quant à elles

ancrées dans un certains éthos national, comme nous l‟approfondirons plus en détail au chapitre 7,

l‟implantation de ces compétences ouvre la porte à une homogénéisation sans précédent de la

matière enseignée de par le monde. Celles-ci seront dorénavant mesurées en Nouvelle-Zélande dès

l‟âge de 6 grâce à la récente implantation de standards nationaux. Standards dont nous étudierons le

fonctionnement et l‟implantation au niveau primaire, puisqu‟ils s‟inscrivent dans la suite logique de

la réforme des évaluations opérées au niveau secondaire, comme vu chapitre 2.

Bien que le gouvernement en place avance que le premier but de l‟instauration des standards est

d‟améliorer la performance des élèves en retraçant dès le départ ceux qui connaissent des

difficultés, Catherine y voit un outil de la mondialisation qui n‟améliorera en rien la performance

scolaire des petits. « So even if they say it‟s for under-achievement, even if they say that‟s the

purpose, the rhetoric is about others things, the rhetoric is part of these ideas which come right

down from Thatcher, right through this notion of globalisation » (Catherine). Si plusieurs

s‟interrogent sur le bien-fondé d‟une telle approche, d‟autres craignent carrément comme Catherine

qu‟elle soit néfaste pour les élève, surtout pour ceux qu‟elle doit théoriquement aider, soit les

enfants issus des classes défavorisées dont le taux d‟échec est fort élevé. D‟autant plus qu‟une telle

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démarche qui remet encore davantage le fardeau de la réussite aux parents et aux écoles favorise la

potentielle mise en place de palmarès scolaires, ce qui s‟avèrerait nuisible pour les écoles de bas

déciles. Je ferai donc brièvement état de l‟opposition croissante qui s‟installe, tout d‟abord chez les

professeurs et autres intervenants du milieu de l‟enseignement, de même que de la réaction du

gouvernement en place face à cette levée de boucliers qui s‟étend de plus en plus aux parents, dont

nous observerons les réactions. Dans de telles circonstances, on peut se questionner sur les impacts

que peuvent produire de pareils changements idéologiques sur le système public et ceux qui y sont

liés de près. Ce chapitre sera donc consacrés aux tenants et aboutissants de ces standards et de leur

influence sur le rôle que joue l‟école dans le maintien et l‟épanouissement de la démocratie.

Standards nationaux (National Standards)

OCDE, l’école publique prise en otage par le marché

Les connaissances qui serviront à guider les futurs citoyens leur vie durant sont progressivement

remplacées dans nos systèmes scolaires publics par des compétences clés utiles au développement

de la mondialisation. Phénomène qui touche aussi le Québec, comme nous l‟illustre cet extrait tiré

d‟une lettre conjointe signée par un grand nombre de spécialistes de l‟éducation et émise par la

Fédération autonome de l‟enseignement : « La pédagogie qu‟on nous impose se veut exercice de

développement d‟armes pour la vie et le sens de l‟humain à éduquer tend à devenir celui d‟un

homme sans qualités sur lequel l‟éducateur est convié à coller des « compétences clés » pour une

réussite dans la vie essentiellement définie par le critère de l‟employabilité. Dans cette « nouvelle »

école, on n‟enseigne plus à l‟être humain pour ce qu‟il est, mais pour ce qu‟il vaut » (Fédération

autonome de l‟enseignement 2011). C‟est d‟ailleurs pour mesurer ces compétences que l‟État néo-

zélandais a mis sur pied NZCA et NCEA. Processus fortement encouragé par l‟OCDE, qui soutient

l‟expansion du marché des services scolaires, marché qui a besoin pour s‟épanouir de données

fiables et comparables en provenance de ses pays membres. « We recognized the diversity of

education systems across the world while reaffirming the value of international policy dialogue and

reliable international comparative data on education systems and learning outcomes, such as those

provided by the OECD » (OCDE 2010c). On peut lire un peu plus loin dans le même

rapport : « Literacy and foundation skills should be reinforced ». C‟est exactement ce que le

gouvernement néo-zélandais a entrepris de faire via l‟imposition de standards dans les écoles

primaires publiques du pays.

Nearly one in five of our young people leave school without the skills and

qualifications they need to succeed. This has to change. That‟s why lifting student

achievement is a key priority. Students need good literacy and numeracy skills to

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participate in the curriculum, to stay engaged in learning, to leave school with good

options, and ultimately to succeed in the workforce. The National Standards will

enable us to improve student achievement by providing sound information about how

students are progressing. Early identification of students who are falling behind will

allow schools, teachers, and parents to make informed decisions about how to

improve the students‟ achievement and to provide additional support where

appropriate. (New Zealand Curriculum Online 2009)

Décentralisation oblige, le gouvernement remet la responsabilité de l‟atteinte des standards aux

acteurs de première ligne, soit au personnel enseignant et aux parents. Ces derniers seront désormais

informés deux fois l‟an de la situation académique de leurs enfants afin de rendre leur intervention

et celle de l‟école plus efficaces.

From 2010, schools will report to parents, family, and whānau (in writing and in

plain language) at least twice a year about their child‟s progress and achievement in

relation to the standards. The reports will also outline the measures the school is

taking to improve the student‟s achievement and what parents could do at home to

further support their child‟s learning. (New Zealand Curriculum Online 2009)

Procédé qui permettra éventuellement, d‟après l‟OCDE, d‟augmenter le taux de réussite des tests

nationaux au secondaire, comme nous le résume Catherine. « OECD said that, in order to have

functionality in the economy, New Zealand kids need to achieve NCEA level 2. So what the

standards have been doing is they‟ve been taking NCEA level 2, and they backwards-map. So they

say at year 8 you‟re going to be at this point, and the year 6 at this point, and like that right down to

school entrance » (Catherine). Les étudiants atteignent majoritairement le niveau 2 de leur

progression académique à 15 ans, soit l‟âge requis pour passer les évaluations de PISA, qui comme

nous l‟avons vu servent à brosser un portrait général du capital humain de chaque pays participant.

L‟une des fonctions de l‟imposition des standards est donc de mieux contrôler l‟acquisition des

compétences clés grâce à une compréhension plus détaillée de ce qui influence la formation des

élèves jusqu‟au moment où ceux-ci passent le test de PISA. Information qui pourra éventuellement

servir à augmenter l‟efficacité de l‟enseignement public. Cette efficacité est cependant

exclusivement orientée vers le marché et ne saurait développer des capacités qui ne lui sont pas

utiles, ce qui élimine comme nous le verrons bon nombre de matières et de sujets jusqu‟alors

estimés essentiels à l‟apprentissage de la vie en société.

Adding a younger target population […] would greatly help with understanding the

long-lasting impact of earlier education on achievement at the end of compulsory

schooling. In this respect, a younger cohort may contribute to the explanation of

PISA country level results. […] collecting information on the global characteristics

of the primary schools and primary school systems in each country would add

important dimensions to the description of factors that contributed to shaping the

achievement patterns observed at age 15. (OCDE 2005b)

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L‟implantation d‟évaluations standardisées dès le primaire servira principalement, malgré les

raisons avancées par le gouvernement néo-zélandais, à obtenir des données essentielles à

l‟établissement et au développement de l‟économie globale (OCDE 2010c).

Fonctionnement et implantation

Comme il a en été question au chapitre 2, l‟arrivée du nouveau curriculum au primaire, et au

secondaire quelques années plutôt, instaure l‟apprentissage par compétences clés. Compétences

choisies pour accentuer la performance des travailleurs dans le marché global, elles doivent être

mesurées selon des critères clairs, homogènes et constants afin de pouvoir être comparées entre

élèves, écoles et nations. C‟est ainsi qu‟à la suite de la réforme du système d‟évaluation au

secondaire, on assiste à l‟apparition en 2010 des standards nationaux au niveau primaire. Standards

qui détermineront quel niveau d‟acquis devra avoir atteint chaque enfant inscrit dans le système

public selon son âge. Les capacités de l‟élève en mathématique de base et en anglais seront donc

mesurées à l‟aune de ces standards et l‟enfant sera alors marqué comme étant clairement au dessus,

dans le standard, un peu en dessous ou très en dessous. Cette approche servira de guide pour mieux

amener l‟enfant vers les buts que l‟économie de marché a fixés pour lui. Toutes les écoles

primaires, soit de la première à la sixième année, de même que les intermédiaires, soit la septième et

huitième année, seront tenues d‟évaluer leurs élèves deux fois l‟an d‟après les nouveaux standards,

et ce dès juillet 2010. Procédé qui permettra selon Patrick, cadre à NZQA, de clarifier auprès des

enseignants, des parents et des élèves eux-mêmes ce que le ministère attend d‟eux en ce qui

concerne leur niveau de littératie et de numératie.

So in literacy and numeracy we feel that those two areas underpin so many other

things. In order to be successful in secondary education and tertiary education, you

have to be literate. But you also have to have some basic numeracy skills as well.

And so the idea is that kids are then clearer about what‟s expected of them. Parents

and teachers are clearer about what‟s expected of kids, and are clearer on how to

educate kids in order to develop these necessary skills. That‟s the whole idea of the

literacy and numeracy standards. It‟s really clarity about what‟s expected. (Patrick)

Bien que tous les élèves soient déjà évalués dans les matières de base d‟une manière ou d‟une autre

par différents tests directement choisis par le personnel enseignant et le comité scolaire, les données

ainsi obtenues ne peuvent être comparées entre écoles puisqu‟elles n‟évaluent pas des compétences

standardisées, comme nous le souligne John du ministère de l‟Éducation. « And schools already

have expectations of what their students need in numeracy and literacy, but those expectations

might vary a bit from school to school, so those Nationals Standards are designed to standardise

expectations across the country » (John). Le gouvernement désire donc harmoniser l‟information

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recueillie par rapport aux acquis de chaque élève, ce qui fournira un portrait plus complet de la

situation au niveau national, ainsi que nous le souligne Elisabeth.

Until National Standards, every school would use a different assessment system for

mathematics, for English, so you could not compare from school to school and that‟s

what National Standards is about. We can still use our own assessment system but in

the end we have to judge it against the same standards as every other school. And

that will help people like ERO to have an overview of the all schools in the country.

(Elisabeth)

Dans la poursuite de son commentaire, Elisabeth nous résume clairement que les standards ne

s‟intéressent pas à ce que l‟enfant devrait savoir, mais bien aux tâches qu‟il devrait être capable

d‟accomplir. Il ne s‟agit pas d‟un test mais d‟une mesure qui permet d‟évaluer le degré de

compétence acquise, ce qui implique que n‟importe quel matériel peut faire l‟affaire pourvu qu‟il

soit au bon niveau de difficulté. Les livres choisis, le sujet retenu et la méthode d‟évaluation sont

ainsi des éléments laissés à la discrétion de l‟école.

Because the standards don‟t say : “That is what they know.” The standards

say : “That is what they should be able to do.” So the standards are about reading and

writing and mathematics […]. So for example in reading, after a year at school they

have to be able to read a certain difficulty of book and the standard tells you how to

make sure the books that you are giving them are that type of difficulty. So the

difficulty of the books have to be the same, but which book is completely your

choice, and what that book is about is completely the teacher‟s choice. So it tells you

the skill level that the children have to be achieving at, but what topic you choose

and how you choose to get them to that skill is the choice of the school. (Elisabeth)

Cette liberté à l‟endroit du matériel et de la façon d‟évaluer les jeunes face aux standards semble en

inquiéter plus d‟un. Rebecca se demande d‟ailleurs comment on arrivera à gérer tout ces petits

détails qui peuvent influencer les évaluations et qui risquent de créer plusieurs distorsions dans les

données recueillies. Cela fait dire à une bonne partie du personnel enseignant qu‟il aurait été des

plus utiles de tester une telle approche avant de lancer le processus au niveau national, sans avoir

auparavant identifié les problèmes qui pourraient éventuellement être rencontrés.

The text they take to check on the children, the books they give them, some schools

will say : “We only take a text that has not been seen by the child.” Other children

use a text they‟ve already worked with. So all those little things have to be written

down so people know exactly what they are using. I have no idea if the Ministry of

Education will provide these resources, but these are the things where the teachers

are saying : “It would have been nice to have a trial to see which difficulties we are

going to run into.” (Rebecca)

Les standards nationaux exigeront donc beaucoup des professeurs, qui devront se servir des outils

déjà disponibles, tests ou autres, pour évaluer les compétences de chaque élève par rapport aux

standards retenus. « Teachers will use the overall teacher judgment to work out each child‟s next

learning steps and to set goals for their learning » (Ministry of Education 2010e). Même si la grande

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majorité des établissements font déjà des portait détaillés de la progression de leurs pupilles,

l‟arrivée de cette nouvelle forme de mesure, comme nous le rapporte cette directrice d‟école

primaire de décile 10, les prend tout de même au dépourvu. « Well we have a lot of assessments

going on at the moment, but we don‟t know how to adapt them to the standards at the moment. I

have been to one overview workshop, and there‟s going to be a lot more workshops, and a lot more

information given to us before I feel comfortable leading the school forward with the standards »

(Alice). Manque d‟information et de formation des enseignants, qui auront pourtant le dernier mot

lorsque viendra le temps de juger si un élève a atteint ou non les standards, ne rassure en rien le

grand nombre de sceptiques dont fait partie Sarah.

They‟re going to try and say : “Right, for each of these different tests, you can use

any one you like, and we‟re going to say that every 6 year-old should be at this point

(rire) on the graph.”, and then they‟re going to use teacher‟s judgment, so the teacher

is going to say whether you are good or not. The schools are really tempted to ignore

the whole thing [National Standards] and keep on doing what they been doing before.

(Sarah)

Le jugement des enseignants n‟étant point infaillible, il peut être sujet à certaine variable, voire à la

tentation de se montrer clément lorsque vient le moment de mesurer les compétences clés, surtout si

la comptabilisation de telles données mène à l‟apparition de palmarès scolaires. Mary, professeure

au primaire depuis plus de quinze ans, met en garde le gouvernement contre certaines pratiques qui

peuvent influencer les données sans pour autant aider les étudiants qui ont le plus besoin de soutien.

« And with the National Standards the problem is there‟s so much room for misinterpretation and

ways to turn the data, we already see that in high school. There are some high schools where they

tell the students who don‟t perform well to leave before sitting NZCA at year 11, so of course their

statistics look great! That school looks like they‟re achieving really well » (Mary). Bien

qu‟Elisabeth estime de telles craintes futiles, elle en présente tout de même un tableau clair et

concis.

It‟s why people have complained about the standards, it‟s because it‟s not a test, it‟s

a judgement, it still relies on teachers‟ judgement and so they worry that schools will

deliberately say that their children are above or at the standards, and so they will look

better than other schools. What one school calls “above” might be different to what

another school calls “above”, so… That‟s really distrustful of our teaching

profession. I don‟t think teachers are inclined to do that, but maybe I am wrong. Most

of New Zealand‟s education system relies on teacher‟s professionalism. (Elisabeth)

Le support d‟Elisabeth envers l‟implantation des standards nationaux n‟est cependant pas partagé

par Barbara et Alice, aussi directrices d‟école primaire. « We flutter, we don‟t know yet what they

[the Ministry of Education] really expect of us, and we will have to report on it [the National

Standards] and we will not be able to do it properly. It‟s unfortunate really » (Alice). « […] the

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National Standard are coming in with no training for teachers, it‟s just dumped on us, and you have

to meet the standards or our kids fail. That is a disaster » (Barbara). Si Alice et Barbara déplorent

toutes deux le peu d‟information et de temps alloués en vue de bien s‟acquitter de cette nouvelle

fonction, Barbara craint aussi que l‟évaluation standardisée des compétence clés monopolise temps

et énergie en classe. « I am quite anti-them [National Standards], because people, instead of

teaching the new curriculum, people are going to teach to those standards to try to get their children

past those standards » (Barbara). Nick partage les inquiétudes de Barbara et va plus loin en

remettant en question l‟utilité même d‟un tel procédé. « But are you sure you are going to find out

anything out of this, are you sure we are not going to constrain the learning in schools and are you

sure we are not going to repeat problems that Britain had, which they are now trying to fix! So there

is a debate there » (Nick). Sentiment qui semble répandu puisque le ministère de l‟Éducation

rencontre de plus en plus de difficultés à convaincre les acteurs du milieu de l‟enseignement du

bien-fondé des standards nationaux et de leur inclusion harmonieuse avec le nouveau curriculum,

comme nous le confirme John.

We are working very hard to help people realise that the National Standards are an

aide, they are benchmarks for this curriculum. To be able to do wonderful science

and mathematics and health and physics you need to have level of literacy and

numeracy. And so we‟re just presenting an indicator of what level of literacy is

required and what level of numeracy is required. The standards are not a curriculum

at all in themselves, the standards are assistance to the curriculum, and that is the

message we have to get across. We haven‟t totally got that message across yet.

(John)

Un sentiment d‟improvisation et de demi-vérité règne à l‟égard des standards nationaux, comme

nous le résume Nancy de son point de vue de directrice de comité scolaire. « Sometimes at the

Ministry you have those people who are probably very, very cleaver and they put up new things, but

they don‟t test it, they don‟t trial it, they just say; “Well we‟re doing it!” And then, when it‟s all

turned to custard, they say; “Ha, we don‟t know why?” You see what I mean? » (Nancy). Une

approche très ciblée, qui a l‟avantage d‟homogénéiser des données déjà connues mais jusqu‟alors

incomparables entre les différentes écoles et dont l‟évaluation semestrielle risque d‟orienter la

matière vue en classe et de mettre de côté d‟autres sujets, ne fait pas l‟unanimité. Mais puisque des

mesures similaires aux standards nationaux sont déjà établis dans plusieurs pays membres et donc

tracés d‟avance par l‟OCDE, leur pertinence ne souffre pas de remise en question. C‟est ainsi que le

gouvernement conservateur de John Key, dont la plateforme électorale de 2008 s‟appuyait entre

autres sur l‟implantation des standards, a refusé toutes les demandes de tester ceux-ci sur le terrain à

une plus petite échelle avant de les imposer aux 2 000 écoles primaires publiques du pays. Et ce

malgré les résultats désastreux qu‟une semblable façon de faire a connus en Angleterre et aux États-

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Unis (Education Aotearoa 2010). D‟autre part, le pouvoir en place ne fait jamais mention du rôle de

l‟OCDE dans ces changements. Convaincu, ce dernier a plutôt choisi d‟investir trente millions de

dollars pour soutenir son projet, dont le plus gros de la somme sera vraisemblablement consacré à la

gérance et autres dépenses, ne laissant pas suffisamment d‟argent pour vraiment venir en aide aux

enfants qui n‟atteindront pas les standards. « The government is also committing extra money to

teacher development and to help those students identified as failing, though as one academic has

already pointed out, at about $140 a student, it‟s hardly going to make a difference » (Misa 2010).

Décision difficilement acceptable pour les gens du milieu de l‟enseignement œuvrant dans des

écoles de bas déciles, qui auraient souhaité que cet argent soit plutôt investi dans des mesures d‟aide

tangibles pour ceux qu‟on sait déjà en situation d‟échec depuis longtemps. « But it‟s sad, it‟s a sad

fact. It‟s sad they are not trying to put on something to specifically help those kids. Our kids, Pacific

Islander and Maori kids are at the end of the tail, they are the ones who are failing » (Sarah).

Dans les circonstances actuelles, plusieurs craignent que ces standards ne fassent que souligner un

fait déjà connu sans pour autant y apporter de remède. « There‟s a Tongan proverb that‟s says; “A

pig doesn‟t grow faster because you weigh it more often.” I don‟t think that sort of assessment will

make people progress faster, I think what makes people progress faster is the quality of teaching,

the quality of resources and particularly the motivation of the students in what they can achieve »

(Nick). Nick, qui occupe pourtant un poste de responsabilité au NZQA, n‟appuis pas l‟apparition de

tests supplémentaires au primaire, qui n‟aideront selon lui en rien les enfants qui ont plus de

difficulté, sentiment partagé par Alice. « But I don‟t believe that National Standards will lift

achievement. It‟s the teachers who do that, and the child, and his parents, it‟s not National

Standards. I don‟t think that anybody could say that national standards will lift achievement […].

The government is, but… Yes it‟s not National Standards, it‟s actually teaching! » (Alice).

Palmarès des écoles primaires

Comme Catherine nous le souligne, l‟apparition de palmarès scolaires représente dans la logique

néolibérale un moyen de rendre le marché des services de l‟enseignement plus compétitif. « The

market only survives if you have competition and you have data in which they can compare two

things. You know, if you‟ve got two schools with data, you‟ve got a league table » (Catherine). De

fait, qui dit homogénéisation des données dit possibilité de comparaison, et c‟est bien ce

qu‟envisageait dès 2009 le gouvernement conservateur pour les écoles primaires du pays, comme le

confirme la ministre de l‟Éducation Anne Tolley, qui estime que l‟apparition des palmarès scolaires

est quasi inévitable.

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Education Minister Anne Tolley said that she favoured full information about

schools‟ performances being made available to parents. […] Tolley said individual

pupil achievement details probably would not go to the Ministry of Education, but

each school‟s performance would. The Government could not stop the media from

accessing the information and producing league tables, she said. “We have a society

that values freedom of information. Personally, I think the more information that‟s

out there the better.” Tolley said. (Hartevelt 2009)

Le principal syndicat représentant les enseignants du primaire, NZEI, appuyé par l‟association des

conseillers d‟administration scolaire NZSTA de même que par plusieurs parents mène depuis plus

d‟un an une forte opposition à l‟établissement d‟une pareille liste. Existant déjà au secondaire, ces

tables ne font qu‟accroître le phénomène du White Fly et exacerbent les disparités sociales et

économiques entre les différents établissements. Si Barbara considère que les professeurs ne

laisseront pas une telle chose arriver, la situation actuelle est un terreau fertile à l‟insécurité, au

doute et à la confrontation.

I think New Zealand teachers won‟t let it lead to that. Because I think they will report

their results so differently to each other... […], but they are scared that might happen.

Because it happens at secondary school already, they publish the percentage of the

children who pass NZEA level 2. So it makes the high decile schools look like they

are doing a great job and the low decile schools look like they are doing a terrible

job, but we know really it‟s a matter of where families live and what their

circumstances are. (Barbara)

Les palmarès scolaires pourraient de fait s‟avérer implacables pour les établissements de bas décile

qui souffrent déjà énormément de leur pauvre situation économique, comme nous le rapporte Julie.

« Is it going to turn into a league table for schools? If that happens it‟s going to screw up our school.

Low decile schools are going to look bad » (Julie). Rebecca abonde dans le même sens que Barbara

et affirme l‟inquiétude des professeurs devant l‟utilisation qui sera faite des données recueillies par

les standards nationaux et l‟attitude du gouvernement en place, qui ne laisse rien présager de bon.

« It will be the same thing as the white fly, if the marks are coming back and it seems the children

are better at that school than at this other one […] parents will move their kids. The NZEI [teachers

union], they don‟t want anything published as a league table but the government is not giving them

any assurance that won‟t happen » (Rebecca). Tout au long de mon séjour à Wellington, de

nombreux articles de journaux rapportaient aussi de semblables appréhensions provenant de divers

intervenants du milieu de l‟enseignement. « Principals are worried that primary schools in poor

areas will be made to look bad when National Standards in reading, writing and maths are

introduced next week. […] They questioned how the information would be presented when schools

sent it to the ministry and journalists compiled it to make league tables showing school rankings »

(Laxon 2010).

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La levée de boucliers paraît tellement répandue, autant au niveau syndical que parlementaire, que

contrairement à sa position de 2009, le Parti national de John Key semblait adopter un an plus tard

une approche plus conciliante, comme nous le rapporte cet article du Herald News datant du 2

février 2010. « Prime Minister John Key is trying to shut down concerns about national standards –

including those held by Maori Affairs Minister Pita Sharples – by saying decisions on how the data

will be publicly reported are too far away to worry about today » (Young 2010a). Ce qui ne paraît

pas persuader Hine, qui ne croit aucunement à la bonne foi du gouvernement de Monsieur Key.

« You can‟t measure children just by the level they are at. That‟s not a holistic overview of a child,

it‟s so wrong! I am scared they are going to label children. They say the statistics are not going to

be published, well… it‟s bullshit! Those statistics will get published, because why would they make

those changes without taking the statistics? » (Hine). Ce changement d‟attitude de la part du

pouvoir en place est en effet peu convaincant puisque l‟implantation des standards nationaux se

poursuit et qu‟un groupe de chercheurs, le National Standards Sector Advisory Group (NSSAG), a

même été formé. Sa fonction est de prêter main forte aux professionnels de l‟éducation afin d‟en

arriver à recueillir des données de plus en plus standardisées et cohérentes. « The Group will

discuss ways in which to support schools to relate National Standards to assessment data, use

standards to enhance student learning and to implement the national curriculum, and to share good

practice, wisdom and practices » (NSSAG 2010). Fait intéressant à souligner, le professeur Gary

Hawke, qui mène ce groupe, est aussi membre du New Zealand Institute of Economic Research.

L‟économie semble d‟ailleurs être ici la seule logique entendue, le pouvoir en place faisant tout

autant fi de l‟opinion des professionnels de l‟enseignement qui sont sur le terrain que des

expériences vécues dans les autres pays de l‟OCDE. Pour Jeanne, qui a quitté l‟Angleterre il y

quelques années pour venir s‟établir en Nouvelle-Zélande avec sa famille, la décision du Parti

national est complètement irrationnelle, inexplicable, voire dangereuse.

I don‟t believe in league tables at all, I think that‟s completely wrong. What

happened in England is that people who‟ve got money will move to be in that

catchment area, in the zone of the school who‟ve got the high marks, and it pushes

the price of the property up. So the poorer children‟s‟ parents have to leave, so you

get concentration of schools with a lot of resources, lots of well-off people, and

everything else gets to deteriorate. It‟s been proven to not work in England, so I

don‟t know why they want to apply it here. (Jeanne)

Les enseignants des établissements où l‟on retrouve un haut taux d‟échec, et qui devraient

normalement être ceux qui se réjouissent de l‟implantation des standards nationaux puisque ceux-ci

sont censés être créés pour venir spécialement en aide à leurs étudiants, sont cependant les plus

inquiets. « Those kids will be marked as failures, and the school as well, and parents will start

taking their kids out to different schools which have the good results. And we are not talking about

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10% of the children, we talking about a huge amount of the children! » (Mary). Une hiérarchisation

des écoles faite en fonction du pourcentage des élèves qui atteignent les standards pourrait s‟avérer

des plus trompeuses puisqu‟une telle mesure fait fi d‟éléments capitaux dans le cheminement

scolaire des enfants, comme nous le souligne Barbara. « For schools like ours, if the newspapers

take hold of our results, we‟re to fall. But we know we‟re really achieving. It takes a kid four years

to really learn a language properly, so for the first four years they‟re going to be total failures in our

school, and they going to get a report twice a year that says “not achieve”, “not achieve”, “not

achieve”. How do you feel when you get that four times? » (Barbara).

Des facteurs tels la langue utilisée à la maison, les circonstances économiques dans lesquelles

évolue la famille, les ressources dont dispose l‟école, sans compter les problèmes de comportement

et autres troubles de l‟apprentissage, deviennent invisibles dans une telle approche. Ce qui fait dire

à de nombreux acteurs du milieu que les enfants rencontrant davantage de problèmes connaîtront de

plus en plus de difficultés à se faire accepter dans une école, leur faible rendement risquant de ternir

l‟ensemble des résultats. Hine se demande ainsi ce qu‟il adviendra des élèves qui accusent

d‟importants retards. « Who is going to look after those children who are slower? Because if the

school says to those kids : “We won‟t take you in intermediate because you are a risk, because you

might always stay behind.” At least that‟s what I am thinking » (Hine). Comme Catherine nous le

souligne, la majorité des étudiants aux prises avec des problèmes physiques ou mentaux qui

requièrent une aide supplémentaire se sont vus intégrer aux classes normales au cours des vingt

dernières années. Même si certains de ces enfants n‟atteindront jamais les standards en raison de

leur état, leur performance sera dans bien des cas comptabilisée avec celle des autres élèves.

They haven‟t dispensed with all the special schools, but most special-needs kids are

in regular classes, what we call the mainstream schools. Unfortunately a lot of the

resources are going with it. Now those kids are expected to be measured too. Now if

you are a school, you are not going to be looking for a child that is coming with no

resources and which is going to make the school look bad for National Standards.

You are looking for children who are going to take your average up. So what you do

is you ignore the extremes. So you focus your teaching around the bubble that is the

kids which are around the standards to make sure they lift up and pass. So what you

get is a deeper division of segregation in the schools. (Catherine)

Enseigner afin que la majorité atteigne les standards en portant de moins en moins attention aux

enfants plus avancés ou à ceux qui accusent un retard trop considérable pour être récupérés semble

inévitable si le gouvernement poursuit son projet. De plus, les enseignants pourraient être tentés de

se concentrer uniquement sur les acquis mesurés par les standards en laissant de côté les autres

contenus, comme s‟en inquiète France Nelson, présidente du syndicat des professeurs (NZEI).

« “When you get a league table it makes schools focus just on the things that are going to appear in

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the league table, and that‟s what narrows the curriculum,” she said. “They are really

disadvantageous to kids and we will continue to lobby against them.” » (Hartevelt 2009). Plusieurs

comme Barbara craignent que l‟enseignement se réduise progressivement à une suite de tests

évaluant les acquis de base au détriment des autres matières. « The standards are only in literacy

and numeracy, but because they are going to be the measure, it will be what the government is

looking at. Why would teachers spend time on the arts, you know? Why teachers are going to spend

time on sport? » (Barbara). Julie estime que cette approche est rétrograde car elle dévalue les

matières qui ne sont pas jugées essentielles par le ministère de l‟Éducation. « The thing that worries

me about the national standards is the focus which the government puts on numeracy and literacy,

[…]. What concerns me about it, it kind of ignores or disregards any other sphere of learning, it‟s

kind of very Victorian, you know! » (Julie). Compte tenu de leur préparation insuffisante et de leur

potentiel réducteur et stigmatisant, l‟application des standards et la publication des résultats par

l‟entremise d‟un palmarès scolaire seraient, dans les circonstances actuelles, un acte précipité selon

Alice. Celle-ci n‟a pourtant rien à craindre d‟une telle mesure puisqu‟elle est directrice d‟une école

primaire de décile 10 fort prisée des parents. Que le gouvernement exige encore davantage des

établissements lorsque bon nombre d‟entre eux sont déjà dans une situation de criant besoin où ils

arrivent à peine à suffire à la tâche sans avoir préalablement vérifié le bien-fondé de ce qu‟il leur

demande apparaît comme une décision des plus inappropriées.

Without a trial, I think it‟s a very foolish move. It‟s all happening far too fast; the

resources have not been fully developed to assist schools implementing the National

Standards. And I think it‟s going to make life for schools quite difficult. I don‟t

believe it should be compared between schools because we will have parents who

will want to enrol their children in high decile school because that‟s where the good

achievement will be, and I just think it‟s a bit fraught. It disappoints me that the

government is not prepared to go for a trial, so all those things could be looked at.

(Alice)

Malgré les vœux pieux du gouvernement, les standards nationaux apparaissent à plusieurs comme

une autre façon de renforcer la ségrégation ethnique, économique et culturelle puisque c‟est sans

surprise que l‟on s‟attend à retrouver au bas de la liste les écoles de bas déciles, comme nous

l‟explique candidement Laura. « I don‟t think the league table is any different to the way they

organise schools by socioeconomic level, you know? A decile 1 school is in a low socioeconomic

area, and a decile 10 is in a high socioeconomic area, so it‟s kind of the same but it‟s just based

around learning » (Laura).

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Standards, réduire une question politique à un problème individuel

Si les standards nationaux peuvent être perçus comme un outil de marquage qui ne va que rendre

plus évident le lien entre l‟échec scolaire et l‟origine sociale, économique et culturelle des élèves,

comme nous l‟affirme Barbara, le système néocapitaliste produit ses propres solutions afin de

dissimuler de pareils états de fait. « My point of view is the National Standards are not going to

improve learning, but that is how they are presented. They‟re just going to be a benchmark, whether

children can make it or not. […] The only thing this measuring is going to measure is where people

live because of the socioeconomic thing, but we already know where people live » (Barbara).

Comme nous le verrons, mesurer, examiner et contrôler de manière plus étroite la progression de

chaque étudiant peut ainsi contribuer à réduire un problème collectif, exacerbé par la disparité des

richesses, à une question de responsabilité beaucoup plus ciblée et restreinte. Les Maori et autres

enfants polynésiens et mélanésiens issus des îles du Pacifique représentent la majorité des élèves en

situation d‟échec qui fréquentent le système public néo-zélandais (Ministry of Education 2002).

L‟État est d‟ailleurs au courant de cette situation depuis des lustres en ce qui concerne les élèves

Maori. Un rapport datant de 1962 et s‟intitulant Report of the Commission on Education in New

Zealand soulignait déjà la piètre performance de ceux-ci, que l‟on liait alors directement aux

conditions de pauvreté et de dénuement matériel dans lesquelles ces enfants évoluaient et qui les

handicapaient fortement (Ewing et Shallcrass 1970 : 78). État de fait qui ne c‟est pas amélioré en

presque cinquante ans puisque les enfants Maori représentent aujourd‟hui la majorité des élèves des

écoles de bas déciles22

.

Mal préparés à s‟intégrer dans un système scolaire qui est celui de la majorité blanche pour les

raisons énumérées au chapitre 5 lors de la discussion sur la méritocratie, ces enfants souffrent déjà

dès leur premier jour d‟école d‟un retard prononcé en comparaison des petits Pakeha. Un ouvrage

s‟intitulant Introduction to Maori Education paru en 1970 faisait déjà mention de ce retard.

« Through the first eight years of his schooling he [Maori student] is making up this deficiency but

by the end of the eighth year, when he leaves primary school, he has generally caught up on his

pakeha age-mates » (Ritchie 1970 : 87). Cette situation ne paraît pas avoir évolué d‟après

l‟expérience de Sarah, qui considère pour sa part qu‟effort et constance sont des moyens bien plus

efficaces pour venir en aide aux petits Maori et immigrants des îles du Pacifique que les standards

qui ne fourniront pas de nouvelles informations.

[…] the kids who come from the Pacific Islands, Maori, etc., they‟re already behind

when they start, when they come in to school at 6 they are even more than a year

22 Répartition ethnique selon les déciles pour l‟ensemble du pays, voir Annexe H.

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behind, probably two years. So we are a bit amused by this [National Standards]

because we already know what‟s wrong, and we‟ll be identified as a failing school,

but we‟ve already done all the work and we know the things that we need to do, and

it‟s not magic, it‟s hard work. (Sarah)

Il est ainsi peu convaincant d‟avancer le dépistage comme principale raison de l‟implantation des

standards! Le personnel enseignant de même que les membres des comités scolaires craignent donc

que les résultats apportés par cette nouvelle mesure ne viennent que confirmer quelque chose que

tous savent déjà, mais en y ajoutant la stigmatisation. Un enfant qui connaît des problèmes

d‟apprentissage durant plusieurs années se verra ainsi affubler de l‟étiquette de l‟échec de manière

redondante, ce qui peut devenir extrêmement démotivant, surtout que le processus débute à l‟âge de

6 ans à un rythme de deux rapports par ans. John affirme que le ministère de l‟Éducation est

sensible à la situation, mais que cette raison ne suffit pas à renoncer à retracer les élèves en

difficultés.

Yes there are lots of worries. Yes we don‟t want the kids to live with the feeling of

failure, it‟s totally disempowering and that‟s mentally very dangerous for them. But

we also don‟t want them to feel that they‟re failing and us not be able to identify it.

[…] And so it [National Standards] is about how to identify where students are not

doing well, and encourage us to do something about it. It‟s like saying : “Let‟s not

screen for breast cancer because we don‟t want people to know they are sick.” But

we do want people to know you‟re not well and there‟s something we can do about

it. (John)

Le gouvernement justifie malgré tout l‟implantation des standards comme un outil servant à

dépister les problèmes, les maux, voire les maladies qui empêchent les individus de progresser dans

le système scolaire actuel. L‟information devient ici plus homogène et régulière, mais aussi plus

fine et détaillée que celle recueillie auparavant par les écoles car dans la logique de la formation

continue, il faut suivre le cheminement de chaque élève, ces derniers ayant tous des besoins et

attentes particuliers. L‟individualisme que tente d‟imposer la pensée néolibérale comme unité de

base demeure pour les peuples polynésiens une manière de fonctionner étrangère qui entre en

conflit avec leur vision du monde. Ce qui, selon Catherine, vient encore porter un dur coup à

l‟égalité sociale.

The modus operandi of the National Standards is an idea that one size fits all. So

everybody will reach the standards determined by Pakeha middle class people. […]

Maori culture is a more sharing culture than Pakeha, so what happens when you give

them a test? The tests are individual! […] The National Standards want the kids to be

individualised, and I think it‟s another reason why it‟s undermining the social equity.

(Catherine)

Il devient des plus utiles pour les adeptes d‟une idéologie qui prône avant tout le droit et la liberté

individuels de faire disparaître par différents procédés la collectivité en la réduisant à sa plus simple

unité. Le ministère de l‟Éducation préfère gérer des individus en mesurant leur performance de

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façon régulière plutôt que de tenter de régler le lourd problème de l‟échec des enfants polynésiens et

mélanésiens. Cependant, les résultats, surtout s‟ils mènent à l‟élaboration de palmarès scolaires,

rendront le lien entre milieu défavorisé, origine ethnique et échec académique encore plus criant.

Situation qui risque d‟achever une méritocratie déjà bien mal en point mais qui est pourtant

essentielle au maintien de l‟illusion de l‟égalité des chances. L‟observation de Mary sur le sujet, que

j‟ai moi-même pu observer lors de mon entrevue avec John au ministère de l‟Éducation, est des plus

pertinente. « […] the results [National Standards] will only show that they are more about the area

the kids live in, their economic status. It‟s interesting because the Ministry of Education, they don‟t

want to hear that and it‟s what they‟re trying to make sure the education people don‟t say » (Mary).

Ce qui laisse croire que les standards visent à dissimuler un problème ethnique, social et

économique pour en faire un problème personnel en vue de masquer des enjeux politiques beaucoup

plus profonds et d‟éviter de les régler. Approche qui cherche, selon Catherine, à maintenir les

privilèges des classes dominantes en place, ce qui n‟est pas sans danger.

This is what the Nationals Standards will do as well, it will gate-keep, it will prevent

those who are not part of the main culture, those who don‟t have what Bourdieu

describes as cultural capital, those who don‟t have that are the ones who fail in the

system. You have to have that. […] Now National Standards are a way of

encouraging, making sure, that those who already have that cultural capital still

remain at the top! And what the government is saying is : “We want everybody to

succeed, we want Maori to not be disproportionately present in the tail of

underachievement anymore, blah, blah, blah, we want everybody to succeed.” The

outcome is that they‟ve got tools they‟re operating blindly. (Catherine)

Professeurs responsables de la réussite des élèves

Ayant déjà une importante charge de travail, les enseignants se voient confier, avec l‟aide des

parents et du comité d‟administration, la responsabilité d‟amener la majorité de leurs étudiants à

passer la barre des standards nationaux. « So that‟s an advantage of the standards; identifying which

children might need support. But the important thing is the professional skills of the teachers, to be

able to use that information to support kids in their literacy and numeracy. And that‟s a bigger

challenge because that‟s professional learning. So teachers know what to do when faced with a

particular identified problem » (John). Si John défend l‟utilité des standards, les professeurs

d‟expérience comme Nani Marama, Mary et Rebecca connaissent pour leur part fort bien les

problèmes qu‟ils rencontrent en classe et savent que si ceux-ci persistent, ce n‟est pas parce qu‟on

ne les a pas repéré mais plutôt parce que les ressources manquent cruellement. En effet, même avec

toute la volonté et le professionnalisme du monde, un enseignant ne peut pas pallier aux services

d‟un orthophoniste ou d‟un psychologue.

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I think National Standards just mean more work for the teachers and taking time

away from actually teaching the children. I think it‟s just the government wanting

figures and perhaps it‟s to the detriment of the children. And that is just adding stress

to the teachers who are already trying to help the kids the best than they can. And

most kids are achieving at a good level, and the children who aren‟t, it‟s for good

reasons, like they will be misbehaving, they won‟t be listening, they have ADHD or

are autistic or… You know, there will be some reason why they are not achieving to

the level they should be. (Nani Marama)

En plus de représenter plus de travail pour les professeurs qui devront consacrer temps et énergie

aux standards au détriment des autres sujets, rien ne semble prévu pour aider les écoles à opérer

cette nouvelle comptabilisation de données qu‟ils devront faire à même leurs maigres budgets.

« Teachers will have to do more analysis, enter more data, and someone‟s got to do that, where will

the resources for that come from? The school will be expected to find that in their budget which is

stretched already » (Alice). Cueillettes de données, analyses et comptes rendus sont déjà des

activités qui demandent énormément de temps aux enseignants dans la logique de décentralisation

où il faut toujours surveiller davantage pour s‟assurer de la performance de tous, comme nous avons

pu le constater au chapitre 3 dans la section portant sur ERO. Les standards nationaux pourraient

ainsi n‟être que la pointe de l‟iceberg dans une rationalité qui demande toujours plus de données, et

il semble bien que les professeurs n‟y échapperont pas. Afin de stopper l‟augmentation des

dépenses dans certains secteurs publics que le pays a connue au cours des dernières années, l‟OCDE

recommande fortement à la Nouvelle-Zélande de remédier à la situation en soumettant ses

employés à un régime d‟évaluation de la productivité au travail. Supportées par des données

élaborées et comptabilisables, des primes selon la performance sont un des moyens proposés par

l‟OCDE pour établir l‟efficacité économique dans le milieu de l‟éducation de même que dans

l‟ensemble du système public.

Public expenditures have risen disproportionately in three areas : education,

policing/corrections and health, driven largely by personnel increases and wage

settlements. […] Where possible, the government should also seek better information

on public-sector outputs to be able to tie future wage increases to measurable

productivity outcomes. The OECD has recommended giving government managers

stronger incentives to identify and implement efficiency improvements through well-

designed performance targets supported by robust information systems, especially in

health and education (OECD, 2007c). Some actions have been taken in both of these

sectors to develop performance measures. Still, the long-term drive to raise the

efficiency of government expenditures should be more ambitious and cover the

public sector as a whole. […] The new government has promised a comprehensive

spending review, a positive first step that should evolve to something more

systematic. (OCDE 2009)

Les propos du premier ministre John Key tenus lors d‟une conférence de presse en mars 2010 où il

défendait l‟implantation des standards reflètent les recommandations de l‟OCDE, qui avance que

l‟éducation n‟échappe pas aux principes du marché et doit de fait être soumise aux mêmes procédés.

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« “Unless you are prepared to measure, monitor and report on something, you will ultimately never

change. It shouldn‟t be any different in education.” Time to step up, Key tells teachers » (Hartevelt

2010a). Le but de l‟implantation est donc de toute évidence beaucoup plus lié à l‟élaboration d‟un

mécanisme de surveillance servant à accroître la rentabilité économique du système scolaire que de

veiller au bien-être des élèves. C‟est du moins le point de vue que défend Catherine de même que

NZEI, le syndicat des enseignants pour lequel elle travaille.

The National Standards would be alright if it was just a guide, but it‟s not just a guide

for school, it‟s a high-stakes mechanism. They say the purpose for it was

underachievement, those that are falling through the gaps. But the rhetoric is about

accountability, about schools which are not doing a good enough job, it‟s about

teachers not being effective. Yes the government wants to implement performance

pay because it‟s market stuff. Anything which works in the market they think about

doing at school, because they see it as competitive ways of paying less. The majority

see it as accountability; they don‟t really see teaching as a profession, and it‟s all

those things about the market – they see everything as indicators. (Catherine)

Les enseignants sont dans ce procédé de plus en plus pointés du doigt pour la sous-performance des

élèves en difficulté, sans égard à la situation sociale et économique dans laquelle leurs pupilles se

trouvent. Accusations qui sont jugées injustes par Mary, qui estime qu‟elle et ses collègues de

travaille fournissent plus d‟efforts pour amener leurs élèves vers la réussite, même si les résultats

demeurent inférieurs à ceux des enfants des écoles de haut décile. « So it‟s frustrating because we as

teachers do more work to bring them up but we will be judged as if we did not perform well

because the Maori and Pacific kids still underachieve » (Mary). Hine partage le même point de vue

tout en soulignant que les professeurs, en plus de travailler davantage pour n‟atteindre souvent que

de faibles résultats, doivent aussi y arriver avec des ressources extrêmement réduites.

I think it‟s where our school does a very good job because you‟ve got very bright

children, don‟t get me wrong, but you‟ve also got the not so… bright… the not so

clever ones who stay in the slow lane, and you‟ve got to work really hard to get them

up to the level they are supposed to be at for college. So for all that extra work, we

don‟t get extra funding to bring them up to that level. So the teachers have to work

harder to get those children up to those standards. (Hine)

Sarah considère que les professeurs de l‟école secondaire de son fils fournissent un enseignement

supérieur par rapport à ceux œuvrant dans des établissements de déciles plus élevés. « I think we

have better teachers than most of the higher-decile schools in our area, our teachers know how to

teach these kids » (Sarah). Rebecca avance quant à elle la difficulté de mesurer la performance d‟un

professeur puisque plusieurs éléments entrent en ligne de compte. Ayant travaillé quelques années

aux États-Unis, elle témoigne aussi qu‟une telle approche n‟y a pas donné les résultats escomptés.

« Sometimes, you don‟t see the whole picture, so how do you pay for that if we talk about

performance pay? And how will the government do the paying, you know? In a community like the

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teaching community, those sorts of things don‟t work, they haven‟t work in America » (Rebecca).

Mais il semble que les échecs d‟outremer importent peu au gouvernement actuel, qui apparaît plus

résolu que jamais à obéir aux recommandations de l‟OCDE.

Charge contre les professeurs et leurs syndicats

Frein au libre marché, les syndicats sont la cible des gouvernements qui adhèrent à une idéologie

néolibérale. Ils deviennent la source de tous les maux dans bon nombre de pays industrialisés où on

leur mène une guerre de front. « Les syndicats doivent donc faire face à une offensive concentrée et

soutenue des entreprises, des gouvernements et des penseurs néolibéraux. Ils sont considérés

comme des entraves au libre commerce de la force de travail. Leur situation est inquiétante dans

bon nombre de pays » (Berthelot 2006 : 46-47). L‟OCDE, qui influence les réformes scolaires de

plusieurs États de par le monde ne manque pas de souligner l‟effet contraignant des syndicats dans

un rapport de 2006 portant sur le cas de la Nouvelle-Zélande. « An alternative view holds that New

Zealand school leaders‟ ability to innovate is being increasingly constrained by a highly unionised

teaching profession and collective agreements that have prescriptive provisions regarding such

things as classroom release time, and the allocation of middle management allowances » (OCDE

2006).

Si les promoteurs de la mondialisation accusent les syndicats de ralentir la progression du libre

marché total dans lequel les travailleurs pourraient être plus mobiles, flexibles et rentables, sans

organisation collective pour les défendre, les arguments changent lorsqu‟ils sont avancés sur la

scène politique nationale. Non assuré de convaincre la majorité des citoyens avec une telle

approche, John Key, à l‟image de plusieurs autres dirigeants de pays membres de l‟OCDE, préfère

plutôt discréditer le travail des syndicats et de leurs membres sur la scène publique. « Prime

Minister John Key and Minister of Education Anne Tolley yesterday justified a $200,000 taxpayer-

funded public relations campaign to sell National Standards by accusing the teachers‟ union of

protecting poorly performing teachers » (Young 2010b). C‟est dans cet ordre d‟idées que les

syndicats des professeurs sont de plus en plus accusés de protéger des travailleurs incompétents qui

abusent du système et qui font passer leurs intérêts personnels avant ceux des citoyens qu‟ils

devraient servir. Afin que ces employés de l‟État cessent de dilapider les fonds publics en raison de

leur sous-performance, des mécanismes de surveillance tels les standards nationaux deviennent des

outils nécessaires pour mettre fin au gaspillage et accroître l‟efficacité.

“There will always be those that resist change, who fear increased accountability and

who put their own vested interests ahead of New Zealand‟s young people,” Mr Key

said. […] He said that inevitably National Standards would identify some teachers

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who needed to change their ways and step up. The New Zealand Educational

Institute (NZEI) was “a union protecting their members”. Parents should not “have to

put up with declining education standards, being kept in the dark about their

children‟s progress or creeping political correctness in our schools.” (Young 2010b)

Selon le premier ministre et la ministre de l‟Éducation, les syndicats critiquent l‟implantation des

standards nationaux parce qu‟ils craignent que trop d‟élèves échouent, prouvant de fait

l‟incompétence d‟une partie de leurs membres. Le gouvernement les accuse de vouloir cacher la

mauvaise performance que les standards pourraient mettre en lumière en refusant de fournir

l‟information aux parents qu‟ils désirent garder dans l‟ignorance, au détriment de leurs enfants. Ce

genre de propos véhiculés par les journaux et autres médias paraissent convaincre une partie de la

population, au grand désarroi des parents et du personnel travaillant dans les écoles de bas décile.

« Lots of parents don‟t understand it; the basic assumption in the whole system is that; schools like

ours, who‟ve got the failing students, are not doing their jobs, you know, our teachers are not doing

their job » (Sarah). Brandissant une étude menée par ERO, John Key affirmait en février 2010 que

30 % des enseignants travaillant dans le système public affichaient de piètres résultats et que ceux-

ci n‟auraient d‟autre choix, face aux standards nationaux, que d‟améliorer la qualité de leur travail.

Mr Key said the Education Review Office had found two-thirds of school leaders

were not properly managing assessment and 30 per cent of teachers were not doing a

good job of teaching reading and writing. “And many principals aren‟t adequately

sharing their school‟s achievement information with their communities,” he said. The

National Standards would identify poor performers and demand more from them.

(Hartevelt 2010a)

Le New Zealand Education Institute (NZEI), syndicat fondé à Christchurch en 1883 qui représente

90 % des professeurs et 97 % des directeurs au niveau primaire, s‟élève contre le rapport d‟ERO qui

est selon lui vague et propice à de fausses interprétations (Young 2010c). D‟autant plus que ces

chiffres firent surface à la suite du lancement d‟une campagne anti-standard nommée Campagne

orange organisée par ce syndicat. Une caravane sillonna l‟île du Nord du nord au sud durant plus

d‟un mois en février et mars 2010, s‟arrêtant dans les différentes écoles primaires et dans plusieurs

villes et villages afin d‟informer parents, personnel enseignant et grand public des dangers liés aux

standards nationaux. Leurs inquiétudes se résument comme suit : « Because we care about

children‟s learning, we are deeply concerned about the Government‟s National Standards policy.

We are concerned that : (a) The Standards are untested; (b) They could label children as young as

five as failures; (c) They could result in misleading and damaging school league tables; (d) They are

not the solution to under-achievement » (NZEI 2010). Pour avoir moi-même rencontré cette

caravane lors des célébrations commémorant la signature du Traité de Waitangi dans la Bay of

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Islands au début de sa tournée, soit le 6 février 2010, j‟ai pu observer que cette initiative semblait

être très bien accueillie par le public qui assistait à l‟événement.

Monsieur Key et Madame Tolley défendent pourtant bec et ongles cette cueillette de données

puisqu‟elle est le seul moyen reconnu par l‟OCDE pour prouver, chiffres à l‟appui, l‟augmentation

de l‟efficacité économique du système d‟éducation publique néo-zélandais. Diviser pour régner,

Tolley tente de ménager les enseignants en se disant prête à les convaincre du bienfait des standards

tout en accusant leur association collective de rendre la communication difficile. « Mrs Tolley said

she was keen to convince teachers but it was “very difficult to get over the heads of the unions to

teachers.” » (Young 2010b). De toute façon, « les bons professeurs » pourront éventuellement

profiter des primes à la rentabilité si le gouvernement va de l‟avant avec ses projets. Pour Catherine,

qui compare NZEI avec une grande famille qui décide d‟être solidaire pour faire face à l‟adversité

et éviter les abus, il ne fait aucun doute que leur association est dans la mire des forces économiques

qui veulent se défaire de cet obstacle à l‟avancement.

I remember when I was quite young my father took a match and he asked us, the

children, to break it. And then he said “break this.” And he gives us 5 matches, and

we couldn‟t break them and he said : “That‟s what you are like as a family.” He

said : “By yourself they can break you, but if you are with your family, they can‟t

break you.” And that‟s the same thing with the union isn‟t it? It‟s that individuals can

be picked on, but it‟s much harder to break a collective force. So it‟s why unions are

very dangerous. […] And they need to break it; they need to break it because it‟s the

only force that stops the worst excesses of some of those things. (Catherine)

Réaction des parents

Il semble que bon nombre de parents soient plutôt favorables à l‟implantation des standards sans

qu‟ils comprennent pour autant en détail leur fonctionnement et leurs possibles impacts. C‟est du

moins l‟impression générale qui est ressortie de mes entrevues sur le terrain, comme nous l‟illustre

cet extrait tiré de mon entretien avec Laura.

I don‟t really understand what the fuss is about, because officially they‟re making it

to try to standardize all the schools around the country […] because at the moment,

from what I understand from talking to some teacher friends, is that the way they

have been doing it up to now, for the testing, has been a bit wishy-washy. They could

test a child and they could prompt him in certain ways, they could do it to the

advantage of the child. And I think that will create guidelines for teachers because

they will lose the freedom to make the results look good for the parents. (Laura)

D‟autres sources dont cet article du Herald News, l‟un des deux principaux quotidiens du pays,

confirment cette tendance chez les parents : « Big support for new school regime but few fully

understand it ». Un petit sondage maison fait par le journal auprès de 545 lecteurs d‟Auckland ayant

des enfants d‟âge scolaire nous rapportait que 73 % d‟entre eux appuyaient les standards (Eames

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2010). Il faut dire que l‟opposition aux standards, bien qu‟elle soit principalement organisée par

NZEI, a été tout d‟abord soutenue dans les régions rurales à forte densité maori telles que

Northland, où on voit cette nouvelle mesure comme un autre outil de ségrégation. Les standards

sont par ailleurs mieux accueillis dans les grands centres comme Auckland, la métropole où s‟est

tenu le sondage mentionné ci-haut, ou à Wellington, capitale où se déroula mon terrain. Car comme

nous l‟expose Catherine, l‟accentuation de la compétition que peut engendrer l‟éventuelle

publication des résultats des standards peut être perçue comme un élément positif dans les villes où

certains établissements croient être en mesure de tirer profit de la situation en étalant leurs bons

résultats. « Urban areas like Auckland Central are much more commercial, are much more in the

market pool. They say : “What‟s it going to do for my school? And I want to be the best school, I

am trying to be the best school. So well, do I really want to worry too much about what is going on

in others schools?” » (Catherine). Sonia affirme d‟ailleurs, malgré ce que peut en penser le syndicat

des enseignants, que les standards sont les bienvenus dans sa petite école de décile 9 située au

centre-ville de Wellington où on entretient de grandes attentes envers les élèves, de qui on éprouve

aucun problème à exiger l‟excellence.

We have a lot of heat in the newspapers about it, especially from the teachers union.

Our feeling as a school, parents we talk to, from our principal, is that […] the union

should have nothing to hide. At our school we have high expectations on education,

so for us we don‟t have any ideological issues around demanding excellence. We

understand, we ourselves have in our school children from low socioeconomic

backgrounds, we have immigrant children, and all those families have universal

beliefs and want to do well, not making excuses. […] So for us we don‟t bite into the

ideologies which say : “Ho! You‟re putting pressure on teachers or you can‟t expect

these immigrant children to perform…” No sorry, in our school we very much

support the National Standards. (Sonia)

Rebecca pense quand à elle que bon nombre de parents souhaitent avoir à leur disposition des

données chiffrées pour éclairer leur choix. « And that‟s the way we think these days, the parent‟s

got the choice and they want what is best for their children. […] But how do you judge? For them,

something which has data they can see, that‟s a benchmark, where they can see what‟s going on and

help them to take decisions » (Rebecca). En ces temps économique difficiles où le pouvoir en place

avance que le système des standards est le meilleur moyen de maintenir la qualité de l‟éducation,

plusieurs parents sont, selon Catherine, divisés entre la fonction citoyenne de l‟école et celle

purement orientée vers le marché. Avide d‟assurer l‟avenir de leur progéniture et de plus en plus

habitués à baser leurs décisions sur des données chiffrées, les standards nationaux leur apparaissent

comme un outil sur lequel ils peuvent désormais compter.

So when everybody had wealth, like we had in the 50s and the 60s, there was

stability. Now it is not that and there‟s uncertainty and you‟ve got tension all the

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time. The tension of people knowing what they want for their child in order to

achieve well – balanced, independent, tolerant, able to get on with other people […].

But on the other hand, they‟re thinking that their child must also have to be able to

compete in the economy, in the market. And what do they need to achieve such a

thing? They need credentials and National Standards, it‟s the way to get them there.

(Catherine)

À l‟image de bon nombre de parents, Mark est content de savoir que les standards, bien qu‟il avoue

ne pas en saisir les détails, lui fourniront des indicateurs sur la situation académique de ses enfants,

sans pour autant être convaincu que cela accroît leur performance. « I am not too sure… I

understand why the government wants to do it, they want to give a positive feedback, I understand

that. […] So it‟s good for me because I can see where my kids are at, but for them, if it‟s really

helping them? I am not too sure, but I certainly like it » (Mark). Andrew pense que les parents n‟ont

pas une juste perception des standards et qu‟il faudra de toute manière attendre encore quelques

années avant d‟avoir l‟heure juste sur le sujet. « Ha, most people won‟t understand the details! I

think they think it‟s a lot more descriptive than it really is. Umm… it will be interesting to see it

after a couple of years, like in three years… » (Andrew). Le message du pouvoir en place semble

mieux passer auprès des parents interviewés tels Laura, Nadia, Mark et Nora qui ne sont pas

impliqués dans le comité scolaire. Moins au fait des détails, ils estiment que le gouvernement se

concentre pour une fois sur des choses importantes pour l‟avenir de leurs enfants.

Je me rappelle qu‟il a parlé (John Key) qu‟il allait mettre un budget spécifique pour

l‟éducation pour toutes les écoles, surtout pour numeracy et literacy et concentrer sur

ces deux choses. Parce qu‟apparemment y‟a beaucoup d‟étudiants, surtout au collège

qui, quand ils se présentent aux tests que font le gouvernement, les tests nationaux,

ils ne sont pas à leur portée, leur niveau n‟est pas bien. Alors il va mettre plus

d‟argent pour investir dans le système d‟éducation pour renforcer les étudiants, pour

qu‟il y ait moins d‟échec au collège. […] Moi je pense personnellement que c‟est

quelque chose de bien si ça les renforce et les habitue à travailler dès le début, dès les

premières années du primaire. (Nora)

Pour Nathalie, l‟arrivée des standards représente un souci supplémentaire, surtout si l‟enfant

échoue. « You have to hope that your child is doing the standards, it‟s good if your kid is above

standard, but not so good if you kid is below standard. And if you ask too many questions to the

teachers to know if your child will achieve well this year, he will just tell you to go and hire a tutor.

$450 for ten lessons! That‟s a lot! » (Nathalie). Car comme mentionné plus haut, avec un budget qui

allouera en moyenne 140 $ par élève en difficulté, les petits qui n‟atteignent pas les standards

devront probablement compter sur l‟aide financière de leurs parents pour leur fournir les services

supplémentaires dont ils auront besoin.

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Opposition croissante

Non testés, implantés rapidement et sans consultation, préparation ou soutien financier adéquats, les

standards recueillent de plus en plus de critiques de la part des parents membres des comités

scolaires qui viennent se joindre à celles du personnel enseignant dans un nombre croissant de

communautés. Cela amoindrit de jour en jour la validité des allégations d‟Anne Tolley et de John

Key contre les syndicats, comme nous le rapporte cet article du National.

Tolley has continually batted away criticism of the standards, arguing that it is

motivated by the vested, political, interests of teacher unions. The release of new

papers from the parents who run 50 of the nation‟s primary school boards appear to

challenge that notion, however. Among the correspondence, Dennis Matiu, chairman

of Horeke School in Northland wrote to advise that his school would not be

implementing the standards. “We, like many others in our region, are concerned that

National Standards have continued to be introduced despite overwhelming

opposition from educators. […]” And the chairman of Weston School in North

Otago, Russell Bryant, wrote of concerns about a lack of resources to get the

standards to work. (Hartevelt 2010b)

Suite à la pauvre expérience vécue en 2010, plusieurs établissements réalisent que l‟instauration des

standards n‟apportera rien aux élèves et qu‟elle peut même leur être nocive. Vagues et ambigües,

les données ainsi recueillies peuvent mener à des conclusions erronées. C‟est pourquoi l‟association

des directeurs demande au gouvernement de cesser l‟implantation des standards pour réviser de

fond en comble leur fonctionnement. « Principals‟ Federation president Peter Simpson said the

Government needed to “halt implementation and conduct a full review”, in partnership with the

sector. “The standards are vague and ambiguous and so is the data they produce for reporting. This

is not only unhelpful to parents but dangerous when applied to children‟s achievement.” » (Binning

2011). À la rentrée 2011, 300 écoles primaires publiques sur 2 000 ont choisi de défier le

gouvernement et de ne pas incorporer, comme celui-ci l‟exige, les standards nationaux dans leur

charte pour la nouvelle année scolaire. Ils refusent ainsi d‟utiliser les standards prescrits par l‟État

pour mesurer les compétences clés implantées par le nouveau curriculum.

Since the Standards were launched last year, growing numbers in school

communities have said they have no confidence in the Standards and they will do

nothing to raise student achievement. […] NZEI had repeatedly called on the

government to trial National Standards before rolling them out to schools nationwide.

It launched a petition in support of a trial which was signed by tens of thousands of

New Zealanders and thousands of school communities. The implementation of the

Standards and the way they are being interpreted varies wildly from school to school,

making any information completely meaningless. Already 300 school boards have

taken a public stand and said they will not use the Standards to set their student

achievement targets. (NZEI 2011)

L‟insatisfaction prend de l‟ampleur et malgré les menaces persistantes du gouvernement, plusieurs

comités d‟administration scolaire refusent de poursuive l‟implantation des standards dans leur

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école. « Some of the boards plan to take their protest a step further by refusing to implement any

part of the National Standards system. This stance has brought official warnings that boards which

refuse to follow the National Standard requirements are breaking the law and could be sacked and

replaced by a commissioner » (Binning 2010). Cet ultimatum qu‟émet le gouvernement de

remplacer par la tutelle les comités scolaires qui feront fi des standards est une chose surprenante

pour Barbara, qui considère que cette démarche va à l‟encontre de la liberté acquise par les écoles

depuis Tomorrow‟s Schools.

Yes, the government is threatening to fire. I was reading this morning from the board

of trustee association : “Boards of trustees who don‟t insist that the principal apply

the National Standards are likely to be overturned and have a commissioner who will

put the standards into place.” So the “self-managing schools” goes out the window.

The BOT are there since Tomorrow‟s Schools, and the schools have been self-

managing and the majority of schools have done very well, but you know…

(Barbara)

Les standards nationaux sont vus par plusieurs membres de comité comme une intrusion et une

restriction de leur capacité d‟agir. Encore plus de responsabilités pour moins de libertés, plusieurs

écoles ne sont donc pas convaincues d‟y gagner quoi que ce soit et lors de mon terrain, de

nombreuses voix s‟élevaient déjà pour dénoncer l‟imposition des standards, venant renforcer celles

des syndicats de professeurs. Il leur apparaît contradictoire que l‟État qui allègue depuis plus de

vingt ans, sans égard au parti qui le contrôle, que la liberté des écoles via la décentralisation est une

chose vitale au bon fonctionnement du système tente aujourd‟hui de diminuer leurs pouvoirs.

Depuis Tomorrow‟s Schools, les écoles sont munies de leur propre charte, élaborée par leur comité

d‟administration scolaire, qui détermine quelles sont les priorités et comment les atteindre; les

standards sont cependant parfois aux antipodes de ces choix, comme nous le rapporte Sarah. « You

see the problem with National Standards […]. John Key‟s got a problem because each school has a

charter. We consulted our community and talked to people. So the problem with it for me is, our

charter – which has our vision, our mission and our objectives – the National Standards actually

contradicts that » (Sarah). Sarah présume que dans les circonstances, les comités scolaires prendront

les décisions qui s‟imposent à la lumière de leur charte en ignorant les menaces du gouvernement.

« If you knew what the School Trustee Association sent to us : “You must, you have to do this.”

Well some of us think we don‟t have to do it! But I think what‟s going to happen will be the same

thing which happened in the last dispute. Boards will work out that the sensible thing to do is to

follow their charters, not follow the government line, so it‟s risky what they doing » (Sarah).

Malgré l‟implantation chaotique et les résultats douteux de cette première année, les standards

nationaux demeurent selon le gouvernement l‟outil privilégié pour donner la chance à l‟ensemble

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des Néo-Zélandais de jouir d‟une meilleure éducation. Suite à plusieurs complications, le premier

ministre dit désormais que l‟année 2010 a servi d‟essai puisque les résultats ne seront finalement

pas publiés pour cette fois. Celui-ci s‟est pourtant refusé durant toute cette période à soumettre les

standards à un tel exercice sur un échantillon réduit, malgré les demandes répétées de NZEI de

même que d‟un nombre grandissant de comités scolaires. « “It‟s one of the reasons why the first

year for all intents and purposes was a trial – because that data wasn‟t released publicly.” But there

was no backing away from the policy. Like any system, such as NCEA, it would take some time to

bed down “but we think the long-term gains will be that all New Zealanders have a greater

opportunity to enjoy a better education”, he [John Key] said » (Gillard 2011).

Récapitulons

L‟implantation des standards dès la première année du primaire, telle que proposée par l‟OCDE et

instaurée par le gouvernement néo-zélandais, a le potentiel de réduire l‟éducation publique à un

exercice exclusivement orienté vers les besoins immédiats du marché de l‟emploi. La formation

d‟un citoyen éveillé et responsable qui, grâce aux connaissances reçues, sera à même d‟orienter ses

choix personnels et collectifs de manière éclairée afin de perpétuer la démocratie perd ainsi du

terrain. Dans une société où l‟école publique devient l‟endroit où on acquiert les outils minimums

qui permettront de survivre dans la compétition globale, il apparaît bien difficile de prêter foi aux

propos avancés par Monsieur Key. « Mr Key called National Standards one of the fundamental

planks for delivering an egalitarian society where all New Zealanders have an opportunity to

succeed » (Young 2010d). Contrairement à l‟opinion officielle du pouvoir en place, Nick, qui

travaille à NZQA, estime comme plusieurs autres experts du milieu que les standards ne sont rien

de plus qu‟une décision politique. « As long as I am making this comment on a personal basis; it‟s

because the standards look good from a political point of view. There are a number of experts who

will take the same position as I and say : “This is not going to improve the quality of the education,

it might do the reverse.” » (Nick). Prophétie qui pourrait bien se matérialiser si les données

recueillies se voient comptabilisées et présentées au public sous forme de palmarès scolaire. Ce qui

comme nous l‟avons constaté risquerait de se faire au détriment des élèves fréquentant les écoles de

bas décile, comme le craignent Barbara, Mary, Rebecca, Julie, Jeanne et bien d‟autres.

Avec l‟arrivée des standards, la logique néocapitaliste tente de réduire l‟échec académique

disproportionnellement élevé chez les Maori et autres Polynésiens issus des îles du Pacifique à un

problème individuel. Procédé d‟autant plus efficace qu‟il sert, en plus de rassembler des données

utiles au marché et de surveiller de plus près le cheminement de chaque élève, à camoufler

l‟inégalité de la redistribution des richesses et de la ségrégation ethnique. Un problème de société se

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transforme ainsi en une question personnelle qui doit être réglée par les parents et enseignants

puisque ce sont eux qui ont la responsabilité d‟aider l‟étudiant à atteindre les standards. Situation

qui s‟avère fort avantageuse pour le gouvernement, puisqu‟en plus de se défaire du problème de

l‟échec scolaire de ses minorités les plus démunies dont les pistes de remède entrent en conflit avec

l‟idéologie capitaliste, il lui permet aussi d‟attaquer de plein fouet les syndicats. Association de

professeurs à qui il fait désormais porter le blâme de la piètre performance d‟un grand nombre

d‟élèves sans vouloir s‟attarder, comme Mary nous le soulignait plus avant, à leur origine ethnique

ou au milieu économique dans lequel ils sont contraints d‟évoluer. Alléguant qu‟il en va de la

qualité de l‟éducation de leurs enfants, le gouvernement assure aux parents que seuls la surveillance

serrée du personnel enseignant et un salaire lié au taux de réussite des élèves pourraient rétablir

l‟ordre et assurer l‟efficacité du système. Les standards nationaux serviront selon cette logique à

atteindre ces buts, car ils indiqueront clairement quels sont les élèves qui échouent et, par le fait

même, les enseignants qui font mal leur travail. Raisonnement repris par différents médias et qui

semble davantage convaincre les parents moins informés et qui ne sont pas impliqués dans les

comités d‟administration scolaire, tels Laura, Mark et Nora, mais qui trouve aussi des adeptes fort

engagés, comme Sonia.

Malgré les attaques menées par le Parti national pour discréditer les syndicats, en avançant que

ceux-ci ne font que dénoncer les standards parce qu‟ils permettront de mettre en lumière la piètre

performance de bon nombre de leurs membres, l‟opposition prend de l‟ampleur. Plus de 300

comités d‟administration scolaire ont de fait décidé de défier le gouvernement et de ne pas

appliquer les standards à la rentrée 2011. L‟inexistence de tests, le manque de clarté, l‟absence de

soutien budgétaire et les contradictions qui les opposent souvent aux chartes déjà adoptées par les

écoles ne sont que quelques-uns des éléments qui font croire à bon nombre de parents impliqués

dans les comités d‟administration scolaire que ces standards n‟apporteront rien de bon à leur petits.

Cependant, la lutte sera sans doute longue car le gouvernement en place, même au risque de perdre

de la popularité, semble difficilement en mesure de rebrousser chemin puisqu‟il est fortement

engagé dans le mécanisme de la mondialisation activement promu par l‟OCDE.

Chapitre 7 : Transmettre les normes et les valeurs

Introduction

L‟éducation doit assurer à la majorité des citoyens une communauté d‟idées et de sentiments

suffisamment partagés pour assurer une certaine cohésion sociale sans laquelle aucune société ne

peut survivre (Durkheim 2006) L‟école est ainsi un outil de reproduction sociale incontournable,

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c‟est principalement par elle que se transmettent les normes et les savoirs, les valeurs, la langue, la

culture et l‟histoire. Ces connaissances partagées participent à la construction d‟une vision

commune d‟où s‟érige l‟éthos des nations. Afin de favoriser la stabilité et la continuité sociales,

elles doivent donc êtres connues par le plus grand nombre. L‟éducation publique perpétue et

renforce cette cohésion en inculquant progressivement aux élèves les principes, connaissances et

visions du monde qui balisent la société où ils évoluent et qu‟exige la vie collective sans laquelle la

démocratie a bien du mal à survivre. Dans ce dernier chapitre, nous étudierons les impacts qu‟opère

le nouveau curriculum sur la mission de cohésion sociale, qui revient traditionnellement à

l‟éducation publique. Celui-ci, comme nous l‟avons vu au chapitre 2, laisse la liberté aux différentes

écoles du pays d‟élaborer elles-mêmes leur curriculum en autant qu‟il permette d‟inculquer aux

élèves les compétences clés prédéterminées par l‟OCDE et principalement retenues pour leur aspect

utilitaire dans l‟économie mondiale. Procédé qui en plus de créer une grande disparité entre la

matière vue dans les différents établissements d‟enseignement met progressivement de côté les

connaissances jugées non nécessaires au marché, telles l‟histoire, la géographie ou toute autre

matière liée à l‟identité nationale.

Néanmoins, malgré une volonté affichée par l‟OCDE et reprise par le ministère de l‟Éducation néo-

zélandais d‟inculquer aux jeunes du pays l‟idée d‟une identité supranationale, certains aspects de la

culture maorie demeurent obligatoires. Comme nous l‟avons vu d‟entrée, le Traité de Waitangi fait

désormais partie de la constitution de la Nouvelle-Zélande et impose donc le respect du statut

biculturel du pays dans l‟enseignement public. Toutefois, nous constaterons que les éléments de la

culture maori trouvent difficilement leur place dans le curriculum national, qui est d‟abord structuré

pour transmettre les compétences clés et non pas les connaissances liées au territoire et à son

histoire. Puis, j‟aborderai succinctement l‟avenue proposée par les classes d‟immersion en te reo

maori, où il sera question de leurs bienfaits sur les performances des élèves qui s‟y trouvent, malgré

qu‟une telle solution demeure quasi ignorée par l‟État. Je terminerai ce chapitre en discutant de

l‟importance de créer une collaboration forte entre Pakeha et Maori afin de construire une défense

identitaire capable de résister à l‟homogénéisation culturelle et à la disparité économique et sociale

qu‟entraîne la marchandisation de l‟éducation publique.

Désancrage national de la matière enseignée

Le nouveau programme, comme nous l‟avons observé au chapitre 2, remplace l‟apprentissage de

connaissances par des compétences clés qui offrent plusieurs avantages pour le marché global des

services. Les compétences sont en effet beaucoup moins ancrées dans les éthos nationaux

puisqu‟elles ont été sélectionnées par l‟OCDE et donc vidées de tout élément identitaire afin de

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pouvoir être utilisées dans différents pays, ne fournissant ainsi qu‟un modèle d‟apprentissage et non

pas un contenu. Les matières les plus touchées par ce glissement étant celles qui sont de par leur

nature même liées à une situation historique, culturelle ou géographique. Car dans un système

d‟éducation qui se plie aux exigences de la mondialisation des services, la notion d‟identité

nationale apparaît comme superflue, voire comme un frein à l‟expansion du libre marché.

L‟approche de la formation continue telle que présentée par l‟OCDE et reprise dans le nouveau

curriculum avance que la matière enseignée doit toujours être adaptée aux besoins particuliers de

l‟élève/client. Le fait que les écoles décident désormais elles-mêmes de ce qui est approprié pour

leurs pupilles entraînera immanquablement une grande diversité des contenus scolaires, ce qui

pourrait éventuellement faire disparaître les connaissances communes dans lesquelles une nation

peut se reconnaître et s‟identifier. Cependant, certains éléments identitaires parviennent tant bien

que mal à résister à l‟envahissement global.

Nouveau programme et compétences clés, du national au global

L‟histoire est désormais remplacée par des concepts historiques qui ont l‟avantage d‟être beaucoup

plus flexibles. Car, comme nous l‟illustrent les propos de John, il n‟est dorénavant plus nécessaire

dans la logique du nouveau curriculum d‟inculquer aux élèves des connaissances précises liées à

l‟histoire de l‟État qu‟ils habitent étant donné que n‟importe quel exemple peut servir à acquérir

lesdits concepts historiques.

My view of education and one of the curriculum inspirations is that there are some

central big concepts, big ideas, big principles, and we learn those through the details

of what we want to learn. Let‟s imagine, learning about history, a key historical

concept, we can approach that key historical concept by learning about the Treaty of

Waitangi or learning about the Stuarts in England, or learning about the colonisation

of Canada, but we‟re will still learning the same historical concept. (John)

On ne retrouve de fait dans le nouveau programme, tant au primaire qu‟au secondaire, aucun cours

obligatoire portant principalement sur l‟histoire ou la géographie. Si les étudiants du secondaire

désirent apprendre ces matières, elles leur sont parfois offertes, dépendamment des écoles, mais

seulement sur une base optionnelle. Quelques notions liées à ces deux sujets peuvent néanmoins

être vues dans le cadre des sciences sociales, comme nous le rapporte Sarah. « We do the rest of

New Zealand history at year 11 and 12, but it‟s not compulsory. But year 7 to 10 they do social

studies, so they do a lot of work on how they fit into society and there is some history stuff in it »

(Sarah). Sur le site Internet dédié au curriculum national, on peut lire ce commentaire qui nous

explique pourquoi il est nécessaire que les élèves étudient les siences sociales : « Through the social

sciences, students develop the knowledge and skills to enable them to : better understand,

participate in, and contribute to the local, national, and global communities in which they live and

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work; […] » (New Zealand Curriculum Online 2007b). Perspective qui se reflète dans les

observations de Barbara : « There is social studies, but it‟s more focussed on how people get on

with each other rather than about history. Very little about history in New Zealand, at least at the

primary school level » (Barbara). Développer des compétences qui permettent d‟interagir dans sa

société de même que dans un monde dont les frontières deviennent de plus en plus floues et mobiles

semble être le but visé bien davantage que celui d‟inculquer aux élèves les bases des connaissances

communes qui forment l‟éthos d‟une nation.

There‟s nowhere in the curriculum where it says you must know all the main places

of New Zealand and you must know about the history of the Treaty of Waitangi, but

you have to know how the people interact and why New Zealand looks like this

based on where it comes from in the past. So within that teachers can choose : “Do I

choose to teach them all the place-names or not?” So it depends on the school

entirely, in terms of content. (Elisabeth)

Une éducation adaptée au milieu, près des élèves et de la communauté dans laquelle ils évoluent,

apparaît comme une décision rationnelle puisqu‟elle reprend l‟approche de la formation continue

telle que présentée par l‟UNESCO, comme vu au chapitre 2. Cependant, une fois accaparé par

l‟OCDE, ce concept ouvre la voie à une importante variation entre les écoles, ce qui rend la

compétition et le choix possibles. Le nouveau curriculum vient accentuer cet état de fait en laissant

la responsabilité de déterminer le contenu du programme au comité d‟administration, au directeur et

aux professeurs afin que les compétences clés soient assimilées via des éléments liés à

l‟environnement immédiat de l‟enfant. « For example you should study about earthquakes if you

live in Wellington, but if you live around Auckland you should study about volcanoes. […] The

young people should learn because they can interact more confidently with the resources which are

available around them » (John). S‟il fait sens d‟apprendre des choses à propos des volcans lorsqu‟il

y en a dans la région, ou de dire que les élèves doivent comprendre le phénomène des tremblements

de terre à Wellington, ville fréquemment touchée, il devient par contre risqué d‟étendre cette

logique d‟adaptation au milieu à outrance. Car c‟est à l‟école que l‟on acquiert une bonne partie de

ce savoir propre à la nation qui nous sert plus tard à comprendre la société dans laquelle on vit, ses

références, sa culture. Cependant, si l‟ensemble d‟appartenance visé n‟est plus la nation mais bien

le marché global, il devient alors très utile d‟éliminer tout ce qui contribue à alimenter la cohésion

des États.

Lors de mon entrevue avec John, je lui ai demandé de me parler de la vision du nouveau curriculum

dont il a été l‟un des nombreux architectes. Voilà sa réponse : « That‟s what we were charged to do;

global citizen. Our “Vision” picture includes the globe, you see? So that‟s our young people, our

country and the globe ». John parle ainsi de la page 8 du nouveau programme (New Zealand

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Curriculum Online 2007d) dans lequel on retrouve la vision et les principes résumés à l‟annexe G23

.

Le citoyen du monde que souhaite forger le ministère de l‟Éducation n‟a plus besoin de savoir le

nom des principales rivières de son pays ou des plus hautes montagnes. Futur travailleur du marché

global, il doit plutôt acquérir des compétences utiles à l‟économie via l‟apprentissage par thèmes,

méthode mise de l‟avant dans le nouveau curriculum, comme nous l‟explique Rebecca.

In the older days we use to know all about the different lakes and the rivers in the

country. Now I don‟t think you have to learn that anymore. The curriculum is our

hand-book; we are looking at it, at our learning objectives. Like I know at our school

we have studied volcanoes and the next one will be moths and butterflies. The

curriculum is full, so we don‟t have time to learn all the names of the lakes and rivers

but we will learn the Maori name of significant places in our area. (Rebecca)

Lorsque le thème qui servira à l‟acquisition des compétences s‟y prête, on pourra peut-être faire une

sortie culturelle à la marae ou encore visiter un musée local, mais outre les rudiments de la culture

et de la langue maori, dont l‟apprentissage est théoriquement obligatoire pour toutes les écoles, bien

peu sera fait. « We have gone to the marae in the past, and sometimes they have an overnight stay

at the marae, but we don‟t anticipate that this year. Our theme for this year is a theme of change and

it‟s covering all sorts of things; science, we‟re looking… the younger children are looking at

tadpoles becoming frogs » (Alice).

Un programme scolaire qui varie selon le milieu socioéconomique

À l‟école primaire de Barbara, qui accueille majoritairement des enfants de réfugiés africains et

d‟immigrants polynésiens, les enseignants doivent faire face à un environnement beaucoup plus

exigeant que celui que l‟on peut trouver dans un établissement à majorité Pakeha. L‟arrivée des

standards au primaire n‟allégeant en rien la situation, ils leur est donc difficile de trouver du temps

pour enseigner ne serait-ce qu‟un minimum de l‟histoire de leur nouveau pays d‟accueil à ces élèves

venus d‟ailleurs, manque qui pourra potentiellement les handicaper plus tard. « There probably isn‟t

enough [history and geography], but because our government is focusing on numeracy and

literacy… and for our children it‟s a huge issue because they‟re not speaking English to start with

… then I think history and culture tend to get lost a bit. And certainly the Somali children and some

other children will know very little about New Zealand history » (Barbara). Dans l‟école primaire

de décile deux à majorité maori de Mary, où les petits accusent d‟importants retards scolaires

combinés à des problèmes économiques, l‟histoire et la géographie sont dans bien des cas mis de

côté.

23 New Zealand Curriculum, voir Annexe G.

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We try to teach the basic geography but … through the curriculum, which is very

crowded, it falls through the cracks a lot. I would say higher decile schools are

probably a lot better at that because they have more time to do that sort of stuff, they

are not dealing so much with social issues, feeding the children and all that. But also

at high decile schools you will have more experience, children will travel and they

come back and they will speak about it. You don‟t get that here. (Mary)

Pour Mary et Barbara, le milieu socioéconomique des élèves qui fréquentent les institutions dans

lesquelles elles travaillent a un fort impact sur le contenu du curriculum enseigné. En effet, si des

problèmes de discipline ou de manque de ressources financières doivent y être continuellement

adressés, comme en témoigne mon observation lors des rencontres de comités d‟administration

scolaire, il est évident que le temps manque pour certaines matières. Les enfants de ces mêmes

écoles profitent aussi généralement de moins de sorties culturelles, camps et autres exercices

propices au développement des connaissances communes. D‟autant plus que ces activités sont

désormais réservées aux enfants dont les parents ont accepté de payer les frais « optionnels », qu‟on

nomme « extras », comme nous l‟avons constaté au chapitre 4 dans la section portant sur le

financement des écoles. D‟après Mary, les élèves qui fréquentent des établissements de haut décile

disposent généralement d‟une meilleure connaissance du monde que les petits auxquels elle

enseigne. L‟expérience que vivent les enfants de Laura dans leur école primaire cossue à majorité

Pakeha corrobore les propos de Mary. « They just did some stuff about places around the world,

and it was about where the kids have been on holiday. Some went to Hong Kong, the South Island

or wherever, then they put where they‟ve been up on the wall, on a map in the classroom » (Laura).

Alice, directrice d‟une importante école primaire située dans l‟une des banlieues les plus riches de

la capitale, note que la communauté dans laquelle évoluent ces élèves est de plus en plus ouverte sur

le monde. « And let‟s face it education has become very global, it‟s not just New Zealand at the

bottom of the world anymore. We are much more aware of everything worldwide. Travel is much

more accessible, so countries are much more accessible and now in our community many children

are well-travelled » (Alice).

En plus d‟apprendre de leurs expéditions familiales, les étudiants des milieux favorisés peuvent

aussi davantage compter sur l‟implication de leurs parents pour parfaire leur savoir en géographie

ou en histoire, ainsi que nous le démontre l‟expérience de Nora avec ses filles fréquentant le

primaire. « L‟autre jour par exemple on est allées sur Google et on a commencé à lire sur l‟histoire

de la Nouvelle-Zélande avec l‟histoire de la découverte, les Maori et tout, et elles n‟avaient pas

appris ça à l‟école » (Nora). Laura mise pour sa part sur les jeux de société pour tenter de parfaire

les connaissances géographiques de ses enfants. « But us we try with games and things like that to

help the kids with their geography here at home, but I know a lot of families don‟t do that » (Laura).

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Il est évident, comme le souligne Laura, que tous les enfants n‟ont pas la chance d‟avoir des parents

qui tentent de pallier les manques du système d‟éducation via la recherche sur Internet, le jeu, les

voyages ou d‟autres moyens. Selon l‟expérience de Mary, bon nombre d‟élèves se retrouvent de fait

particulièrement démunis lorsque vient le temps de se situer dans un cadre plus vaste que celui que

leur environnement immédiat leur propose.

So you could do all your schooling and end up at university knowing very little about

it at all (geography and history)! […] One thing I think New Zealand schools are

very poor at is… even teaching geography… stuff like that. We will expose the

children to other cultures and tell them about how other cultures are cool! But the

children… like the children in Wainui, if you ask them where they went for their

holiday they might tell you they‟ve been to Australia when they actually just went

over the hills and stayed in Lower Hutt! A lot of them don‟t have any idea of the

world outside Wainuiomata. Or they will say : “We go up the line to see our family.”

But where is “up the line”? They might‟ve been to Auckland, Sydney, Lower Hutt,

who knows? I told some of the kids I‟d been to the South Island over the Christmas

period, but they did not seem to know anything about it. And how then can you

develop a sense of national pride if you don‟t even know about your nation! You

know? You don‟t have that sense of belonging to a greater thing. (Mary)

Faut-il en conclure que la compréhension de son environnement via la géographie et l‟histoire serait

devenue un sujet réservé à une certaine classe sociale? Car bien que ce soit une expérience des plus

enrichissantes que de comprendre le monde par les voyages, c‟est là un privilège réservé à une

certaine élite et qui ne peut aucunement pallier les cours d‟histoire ou de géographie qui sont des

matières primordiales dans le développement d‟un sentiment d‟appartenance. Cependant le nouveau

curriculum ne met pas l‟accent sur ces éléments puisqu‟il dessert d‟autres fins. Comme nous le

rapportent Mary et Alice, le peu qui est exigé à cet égard se concentre davantage sur l‟appréciation

des autres cultures que sur la reconnaissance des spécificités propres à la Nouvelle-Zélande. « We

do much more trying to ensure that their culture (immigrant children) is protected and preserved,

than making them know who New Zealanders are, or what New Zealand is as such » (Alice). À la

lumière de ces informations, on peut se demander comment l‟État parviendra à convaincre ces

citoyens de la marge – pauvres, minorité nationale, immigrants et réfugiés – de participer

pleinement à la vie politique, sociale, culturelle et économique du pays s‟ils en ignorent la nature et

les fondements. Avec le nouveau curriculum, où la matière doit obligatoirement correspondre à la

clientèle visée, le danger potentiel que le pays se retrouve avec un enseignement différent selon le

statut socioéconomique augmente.

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176

Biculturalisme, dernier rempart de l’identité nationale

Traité de Waitangi, principe guidant le curriculum de toutes les écoles publiques

Lorsque le ministère de l‟Éducation tenta de faire accepter un programme dépouillé de tout contenu

ancré dans le territoire, la culture et la réalité de la nation, des voix dissidentes le rappelèrent à

l‟ordre. C‟est que le concept du « citoyen du monde » ou du « village global » souvent avancé par

les tenants du néolibéralisme et repris par le gouvernement séduit facilement les strates les plus

aisées de la société (Friedman 2005 : 165) qui ont accès à plus de mobilité de même qu‟aux

technologies de communication. Le multiculturalisme peut aussi se présenter comme un remède à la

situation biculturelle nationale, qui cause souvent frustration et colère chez bon nombre de Pakeha

qui adhèreront ainsi volontiers à cette alternative globalisante. Mais ces perspectives ne sont par

contre aucunement convaincantes pour les membres de la communauté maori, qui rejetèrent dans un

premier temps ce programme qui faisait fi de la nature biculturelle du pays. C‟est donc sous le poids

de leurs revendications que le Traité de Waitangi, document fondateur de la Nouvelle-Zélande qui

scelle l‟entente contractée entre les deux peuples d‟Aotearoa, fut inclu au nouveau curriculum.

The earlier curriculum draft did not have a strong focus on the Treaty or te reo

maori, it was very poor, this page [the schematic view of the New Zealand

Curriculum] was very weak and a lot of feedback told us how weak it was, so we

changed it a lot. One of the main changes was to put in the Treaty of Waitangi front

and centre, so now the Treaty is now in the Vision page, in the “Principle” page. So

all the way through, the Treaty of Waitangi is the central part of that. (John)

Le Traité de Waitangi figure donc parmi les principes qui servent : « […] the principles guide

teachers as they design their school‟s curriculum, and it guides schools when they design school

programmes, it guides the Ministry when we prepare resource material and policy, and stuff like

that » (John). Les institutions scolaires sont ainsi tenues de s‟assurer que les bases du Traité de

Waitangi sont apprises et respectées et que leur programme tient compte des élèves Maori, de leurs

besoins et de leur vision du monde. Quand bien même une école ne recevrait aucun élève issu de la

minorité nationale, John nous confirme qu‟elle devrait quant même respecter l‟esprit du Traité

puisqu‟il est à l‟origine de la nation.

Just imagine for an instant, if we have schools which are 100% Pakeha, those schools

still have the responsibility to honour the Treaty. Because people like me, Pakeha,

my only permission to be here is through the Treaty, that‟s why I am allowed to be in

New Zealand. If you live in New Zealand you need to know about the Treaty because

it‟s a legal document. It‟s two things, we talk about the Treaty, the other one is to

give effect to the Treaty. Doing things in a way which are inclusive of Maori for

example. (John)

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Pourtant, même dans les écoles où les élèves Maori sont plus nombreux que les Pakeha, il demeure

difficile de suivre les impératifs que John nous expose ci-haut, comme nous le rapporte Hine; « We

should deliver education in partnership with the Treaty of Waitangi, but it‟s interpreted differently

in different schools […]. Does our board do that well? Sometimes, sometimes not… I don‟t think

they understand what the Treaty of Waitangi is and I think people get afraid you‟ve become a Maori

activist if you say anything about the Treaty » (Hine). Il est à craindre que des préjugés liés à

l‟origine ethnique ou à la situation économique ou sociale puissent avoir de forts impacts sur le

contenu proposé dans les établissements. D‟autant plus que les parents Maori sont, comme nous

l‟avons constaté au chapitre 5 dans la section portant sur la méritocratie, beaucoup moins enclins à

s‟impliquer dans le comité scolaire. De fait, même les brown schools se retrouvent souvent

gouvernées par des parents Pakeha qui sont parfois réfractaires au Traité de Waitangi et au

biculturalisme en général. Ce semble être le cas de l‟école fréquentée par les fils de Mark, où les

Maori représentent pourtant le groupe ethnique le plus important. « They came home from school

signing “Hey Jude” the other day! (rire) But I haven‟t heard them signing any Maori songs at this

school, they don‟t learn that. They did learn one song when they were at school in Palmerston

North, but nothing here » (Mark).

Ces manques à la règle paraissent extrêmement répandus et touchent davantage les écoles de haut

décile selon Sarah, qui affirme que plusieurs d‟entre elles vont même jusqu‟à écarter de leur

curriculum toute référence à la culture maori. « There are some schools who don‟t give any

exposure to their kids to the Maori culture, especially high decile schools, and it‟s really sad. It‟s the

parents who don‟t think it‟s a good thing to understand the others » (Sarah). Il est des plus facile de

contourner cette obligation du curriculum, ou du moins de s‟en tirer avec quelques performances

culturelles peu fréquentes et extrêmement superficielles, sans que les étudiants apprennent vraiment

quelque chose sur l‟Autre. C‟est du moins ce qui semble se dérouler à l‟école secondaire de décile

10 où siège Brian. « Our charter says we have to honour the Treaty of Waitangi, not to teach it. But

we have to honour the Treaty of Waitangi and we do that by… umm… in any public event there

will be a high Maori showing, Maori welcomes » (Brian). Affublées de comités récalcitrants ou ne

disposant pas de connaissances adéquates pour enseigner et faire respecter les principes du Traité de

Waitangi, la place réservée à la culture maori dans les écoles publiques est, selon Aronui, trop peu

soutenue par l‟État et en bien mauvaise posture.

I think the current state is shocking and quite disgusting. They don‟t have enough at

all of anything Maori, and a lot of the time I think it‟s kind of tokenistic. It‟s such a

variety, like some places are good, some places are really bad! But there doesn‟t

seem to be any reinforcement of how much you should teach at school, and it seems

to be really minimalistic and very tokenistic from what I‟ve seen. I think they need to

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do a lot of work. There‟s not enough specific stuff about what should be taught; the

schools need more guidelines. And there should be some funding specially dedicated

to that, to reinforce it. Identity issue are huge you know, when you‟re talking about

the sort of education we get, how much Maori is taught at schools, it has a huge

effect on issues which have to do with personnel identity, cultural identity when you

are growing up. If it‟s not given any weight at primary school or at college, your

culture, nobody bothers teaching it, teaching history, you don‟t have that cultural

identity reinforcement. So there is a lot and a lot of people who are Maori or part

Maori who have identity problems. They feel quite detached from Maori culture,

they feel inadequate, and don‟t know where they fit. It‟s sad. (Aronui)

Les directives fournies par le ministère de l‟Éducation aux écoles sont larges et aucunement

spécifiques. On n‟a qu‟à lire le principe portant sur le Traité dans le nouveau programme pour le

constater : « The curriculum acknowledges the principles of the Treaty of Waitangi, and the

bicultural foundations of Aotearoa New Zealand. All students have the opportunity to acquire

knowledge of te reo Māori me ōna tikanga » (New Zealand Curriculum Online 2007c). Une très

grande place est ainsi ouverte à l‟interprétation, ce qui laisse le champ libre à bon nombre d‟écoles

qui préfèrent alors se concentrer sur d‟autres sujets que celui portant sur la culture de la minorité

nationale. Flou qui laisse ainsi, malgré l‟intégration du Traité de Waitangi au curriculum, gagner du

terrain à une vision du monde globalisante où les cultures de chacun sont mises en vitrine de

manière superficielle pour finalement laisser le monopole à la majorité anglo-saxonne. « The

curriculum has the expectation that we teach the basics of te reo and the basics of Maori culture.

And that intercourse with what the Europeans have brought into the country. And our school here

has 39 different ethnicities, so it‟s not just European and Maori culture. Many different countries

from Asia, many different countries from Europe, so those children are here as well » (Alice).

Identité culturelle et territoriale en contradiction avec le marché global

Malgré les propos rassurants du représentant du ministère de l‟Éducation, s‟il est dorénavant

possible de parler du Traité de Waitangi sans avoir préalablement vu l‟histoire de l‟Angleterre, son

apprentissage n‟est pas pour autant obligatoire. Puisque le nouveau curriculum doit avant tout

répondre aux besoins de la clientèle, l‟imposition d‟une telle connaissance historique entrerait en

conflit avec la nature même du programme national.

I remember some history teacher being very excited when we brought this

curriculum out : “Do you mean we can teach about the Treaty now, we don‟t have to

teach about England history first?” “Yes you can, if that‟s important and relevant to

your community.” So that‟s the type of decision that people can make use of their

local resources, use what‟s important for local students. And typically if we can

interact closely with our learning resources we will be more engaged in our learning.

(John)

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Car même si le Traité figure parmi les principes qui doivent guider l‟approche pédagogique et le

contenu que présente chaque école, il apparaît à la lumière des explications fournies ici-bas par John

que cette règle soit des plus flexibles.

If the school chooses topics and all the topics are about 17th

century Britain, then I

don‟t think that addresses the Treaty principle. And I think ERO will go in and

say : “Tell me why you decided to only teach 17th

century Britain history and not

some other history?” They‟re better to have a very good reason for it, and they might

have a good reason, but they have to justify it, and they have to justify with reference

to this curriculum. And ERO may say to you : “Show me how your history

programme reflects the Treaty principles?” And if they can do it they are compliant

but if they can‟t do it they are not compliant. They might say : “Well if you look at

17th

century Britain you can see a parallel between that and that…” If they can do

that, WONDERFUL! If they can‟t do that, then they have to change their

programme. (John)

On peut donc en déduire qu‟un comité d‟administration déterminé et épaulé par un directeur et des

enseignants dégourdis peut probablement arriver à justifier devant ERO le curriculum qu‟il désire

appliquer dans son école sans avoir à s‟inquiéter outre mesure. Scénario que l‟on retrouve à

l‟établissement secondaire de décile 10 où Jeanne envoie sa fille et où est inscrite une écrasante

majorité de Pakeha. « They don‟t do any New Zealand history at school. My daughter chose history

and at the moment they are doing the assassination of John F. Kennedy, and they‟re going to go on

to the Greeks, ancient Greeks » (Jeanne). L‟introduction du Traité de Waitangi et l‟obligation

d‟enseigner les bases de la culture maori apparaissent comme des éléments purement cosmétiques,

ajoutés afin d‟endiguer le mécontentement de cette partie de la population qui ne se laisse pas

berner par les aspirations mondialisantes de ceux qui les gouvernent. Car comme nous l‟explique

John, le curriculum doit avant tout répondre aux besoins de la clientèle x que reçoit une école

donnée, ce qui fait qu‟il est impossible d‟imposer un contenu pédagogique quelconque. Le

curriculum national est ainsi une coquille vide, où seules les compétences clés doivent être

respectées, le contenu utilisé pour y parvenir étant laissé à la discrétion des établissements.

The diversity of our student population is recognised in the principles of this

curriculum, in that schools must trial their programme to suit the students that they

have. If you have a school with a whole lot of international students this programme

obliges you to integrate them, one of the principles of the curriculum is inclusion.

And if the curriculum is not good for the kids you have in front of you, then it‟s not a

good curriculum. So we could not specify, our curriculum is inclusive to allow

teachers to adapt to who they have in their class. So if we direct [towards] a

particular type of curriculum it will automatically exclude a lot of people. (John)

Dans la logique de la formation continue avancée par l‟OCDE, où le produit éducatif doit être ajusté

aux attentes du client, l‟obligation de faire une place à la culture maori fait figure de corps étranger.

Les autres principes qui y figurent en plus du Traité – High expectations, Cultural diversity,

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Inclusion, Learning to learn, Community engagement, Coherence, Future focus24

(New Zealand

Curriculum Online 2007c) – sont de fait tous des éléments liés aux trois champs de compétences

clés mis de l‟avant par l‟OCDE et énumérés au chapitre 2 (OCDE 2005a). Lorsque je demandai à

John comment la nature biculturelle du pays pouvait se refléter dans un curriculum qui préconise

aussi la diversité culturelle, voici ce qu‟il répondit.

And so… sure we have a human rights section as well which required all people,

irrespective of their race and their gender, their language and so on, to have

opportunity. So we did not need to separate or to prioritise the role of the tangata

whenua, the people of the land [Maori], the first people. But we also need to

recognise that all people who come to New Zealand can become citizens and schools

will have to manage that balance. I would not want to start prioritising one, but I

know the Treaty has a particular significance, but the right of other cultures in New

Zealand is pretty significant too, but I don‟t want to make a race of it, who comes

first. (John)

Pris entre l‟arbre et l‟écorce, le gouvernement néo-zélandais doit appliquer l‟approche globalisante

préconisée par l‟OCDE dans son programme scolaire tout en tentant de respecter les fondements

mêmes de la nation au risque d‟encourir d‟importantes réprimandes de la part des nombreux iwi du

pays. Exercice des plus complexes puisque les Maori, qui représentent 15 % de la population

(Statistics New Zealand 2010a), sont rappelons-le ceux dont les petits connaissent le plus de

problèmes de réussite académique. État de fait qui incite l‟OCDE à exercer une pression sur le

gouvernement d‟Aotearoa afin qu‟il remédie à cette situation et redresse sa performance aux

examens tels PISA. L‟économie du savoir dont il a été question au chapitre 2 exige d‟ailleurs que le

plus de jeunes possible acquièrent les compétences utiles au marché du 21e siècle.

The achievement of New Zealand students had not changed significantly between the

2000 and 2003 PISA assessments when policy-makers, school leaders and teachers

first became aware that while overall students were achieving well, there was a „tail‟

of underachievement in New Zealand schools. […] Concern for the „tail‟ of

underachieving students has driven much of schooling policy since it was first

identified. At the end of schooling there are key differences in learning outcomes for

Māori and non-Māori students. (OCDE 2006)

Cependant, comme nous l‟avons constaté tout au long de ce travail, les réformes opérées depuis

vingt ans dans le système d‟éducation, qu‟elles soient administratives ou pédagogiques, ne font

qu‟accroître les problèmes de réussite scolaire des petits Maori. Bien que John nous assure que le

ministère de l‟Éducation a comme objectif majeur de leur donner la chance d‟atteindre la réussite

dans leurs propres termes, ce souhait semble totalement reposer sur la capacité des établissements

scolaires de le réaliser. Mis à part ERO, qui porte une attention particulière à la place qui est

accordée à la culture de la minorité nationale dans les écoles de même qu‟aux efforts qui sont

24 New Zealand Curriculum, voir Annexe G.

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déployés pour venir particulièrement en aide à ces élèves, le gouvernement ne propose rien de

concret.

One of the Ministry‟s big challenges is to raise Maori achievement. So our approach

to one of our three big goals is to encourage Maori success as Maori. You know it‟s

not succeeding in a Pakeha way; it‟s succeeding in a Maori way within the education

system. Maori want the same advantages as everybody else in New Zealand, but they

do not want to lose being Maori in the process, and so that‟s a big challenge for us.

(John)

Pour certains spécialistes et intervenants du milieu de l‟enseignement, le problème de sous-

performance des Maori est principalement causé par la pauvreté et la ségrégation raciale dont ils

sont victimes. « We‟ve got to break down this racism. We have a national monitoring project and it

shows that if Maori are in a high socio-economic school area, they do just as well as the white

middle class children. So it has nothing to do with ethnicity! » (Catherine). Ce point de vue ne

correspond pas à la perception du gouvernement, qui refuse catégoriquement de voir la disparité

économique comme étant le frein à la réussite scolaire des jeunes Maori. Il faut dire que cela

l‟obligerait à revoir la base idéologique sur laquelle reposent les changements encourus en

éducation au pays durant les deux dernières décennies. Même s‟il est évident que plusieurs éléments

entrent en action pour créer une semblable situation, la pauvreté dans laquelle évolue la minorité

nationale est assurément une composante décisive du phénomène.

Classes d’immersion maori et la prévalence de l’identité, une solution ignorée

L‟ambition qu‟a théoriquement le gouvernement d‟élever la performance des étudiants Maori prend

ainsi davantage l‟aspect d‟un vœu pieux que d‟un plan réaliste et basé sur des actions de terrain. Il y

a pourtant de l‟espoir lorsque l‟on constate que davantage de petits Maori réussissent

académiquement lorsqu‟ils fréquentent les écoles primaires et secondaires d‟immersion en te reo,

comme le souligne cet extrait d‟un rapport de l‟OCDE.

However there have been some promising results coming out of kaupapa Māori

schooling, although the number of students at this time are small. In 2004 54% of

Year 11 Māori candidates in immersion schools achieved NCEA Level 1, compared

with 38% of Māori candidates in English medium schools. Immersion and bilingual

Year 12 and 13 Māori candidates were also more successful in achieving an NCEA

than their Māori counterparts in English medium schools. (OCDE 2006)

En effet, bien que leur nombre demeure faible, soit à peine 14 % des enfants Maori (Harrison et

Papa 2005 : 63), les élèves qui poursuivent leurs études en te reo réussissent davantage que ceux

instruits dans le système de la majorité anglophone. Malgré ce succès, le gouvernement néo-

zélandais n‟encourage que très modestement la création de ces classes ou écoles. Si un montant de

800 $ pour chaque nouvel élève qui entre dans ces unités est octroyé, cela est bien peu lorsque l‟on

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pense qu‟il faut acheter des volumes en langue maori, en plus de traduire la matière et de l‟adapter à

leur vision du monde. L‟éducation en te reo étant souvent donnée dans des groupes situés à

l‟intérieur d‟écoles publiques, leur administration doit s‟adapter au reste de l‟institution, ce qui peut

donner lieu à des abus comme nous le relate Nani Marama.

Every child who is learning our language, te reo, every child we teach generates

about $800, every new child who comes to the whanau, they bring that money, and

that is support for resources. It used to come to te whanau only, to pay for our library,

resources for us, but now it goes to a pool. So that money goes to a pool for the entire

school, it may be used for a trip or for new books and things like that. That $800 we

got for each new entrance used to be just for te whanau class, but somehow we lost

that, I don‟t know why, but we lost it. (Nani Marama)

Nani Marama, qui travaille dans un kura kaupapa depuis leurs débuts dans les années 1980, décrit

l‟insertion de ces classes dans le système général comme un processus douloureux, où racisme et

mauvaise volonté de la part du personnel Pakeha furent longtemps leur lot quotidien. « The school

was scared to take us and that was sad. They thought the mainstream teachers would have to learn

Maori as well. And on Friday we had the school newsletter, and instead of coming and giving it to

us they stick it in the window! Because they are too scared to come in! It took a lot of time to get

along a bit more, for them to not be so suspicious toward us. “We can speak English too you

know!” (rire) But it‟s ok now ». Le jeu en vaut toutefois la chandelle pour ce petit nombre d‟enfants

Maori qui choisissent de suivre le programme dans leur langue plutôt que dans celle de la majorité.

Ils profitent d‟une éducation plus collective et holistique dans laquelle te reo, leurs origines tribales

et leurs coutumes sont au cœur de l‟apprentissage. Ce qui n‟est pas sans afficher un fort contraste

avec la réalité de l‟éducation publique générale, d‟après Nani Marama.

So those three things, te reo, whakapapa and tikanga, are the main things for us in te

whanau class. And of course we want to make sure the child is holistically connected

with the Maori world. Not just study, but tikanga is well, all the rules you have to

know. The parents want that as well. And you know, I saw on the general side of the

school, when some kids want to hug the teacher, they push them away, but here we

embrace children. Here it‟s like if they were brought into their home, and in kohanga

they support each other. (Nani Marama)

Des quatre parents Maori interviewés, Aronui était la seule à avoir opté pour une école d‟immersion

te reo pour son enfant. L‟un des fils de Tina a bien tenté l‟expérience d‟une classe bilingue, mais

puisqu‟il était déjà à sa troisième année de primaire, il trouva l‟adaptation trop exigeante pour y

demeurer. Il faut dire que ces écoles sont plutôt rares : à preuve on en retrouve seulement trois dans

la région de la capitale. « In Wellington area there‟s three kura kaupapa or immersion places like

us, there‟s one in Lower Hutt, there‟s one in Wellington, in Seatoun, and there‟s one in Porirua »

(Nani Marama). Aronui, Tina, Hine et Mark étaient des plus favorables à ce qu‟une plus grande

place soit faite à leur culture et à leur langue dans le milieu de l‟enseignement public. Pour Tina,

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c‟est un moyen de faire en sorte que ses enfants sachent ce qu‟elle même n‟a pas eu l‟opportunité

d‟apprendre.

I went to a tangi two weeks ago, it was my cousin‟s, he died of a heart attack. When

you are at a marae you‟ve got different tribes, you get up and you have to do a song.

Well when it comes to us to be called up they think that we will just run up there… I

did not know any of them [songs]… and that‟s really sad! I could not sing a song.

But my family was there, but I could not get up because I did not know the song in

Maori, and I feel very bad about it. Because I thought “That is my heritage and I

don‟t know it”. So I find it really important that they have Maori language at school.

They can‟t learn it at home, I hope they can learn it at school. (Tina)

Mark a quant à lui eu plus de chance que Tina en ce qui concerne la connaissance de sa langue et de

son whakapapa. Issu d‟un iwi situé dans Hawke‟s Bay, où il a grandi, il est aujourd‟hui en mesure

de transmettre son savoir à ses trois enfants. Il s‟inquiète toutefois des autres petits Maori qui n‟ont

pas des parents capables de leur enseigner de tels savoirs et qui fréquentent la même école que ses

jeunes fils, où bien peu est fait pour les exposer à leur culture.

Me, I am trying to teach my culture to my children, but there are other Maori

students at their school, and they don‟t have parents who can teach them, so they will

never know. They will always have that feeling… I can‟t find the English word; it‟s

not belonging… but it‟s like they are missing something. So a lot of those young kids

here need to know about Maori culture at a young age. If they could get that in their

school… if someone could teach them that cultural stuff… Yes it would be good.

They wouldn‟t be so shy, they won‟t go and say; “Ha, not those Maori on TV again!”

when there‟s some protest about Maori rights. (Mark)

L‟importance de connaître ses origines est un élément capital de la culture maori qui cultive un

attachement viscéral au territoire et à la généalogie, ce qui la place aux antipodes de l‟approche

globalisante que tente d‟implanter la mondialisation des marchés. Mary affirme à preuve que les

petits Maori des classes d‟immersion en te reo qu‟on retrouve à l‟école primaire où elle enseigne

apprennent davantage l‟histoire et la géographie de la Nouvelle Zélande que ceux des classes

normales. « I would say te whanau, the Maori immersion unit, do a lot more than us about New

Zealand history through the tribal stuff and because all their history is about places and a sense of

belonging » (Mary). La question identitaire est, d‟après Aronui, beaucoup moins centrale pour les

Pakeha, qui se contentent de se décrire comme des « kiwis » sans savoir pour autant définir ce

terme. Attitude qui est probablement plus propice à l‟implantation d‟une identité qui se détache

progressivement de ses ancrages nationaux.

It‟s so important to people to know who they are. People spend so much time during

their grown-up life trying to find out who they are. So if you can have this cultural

context of who you are its really empowering. Mainstream school does mean

mainstream education, they won‟t teach you about who you are. And if they are not

Maori they often just don‟t care who they are. They just say : “Well I am a kiwi, and

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everyone knows what a kiwi is.” Or at least they think everybody knows, it‟s that

normalised identification about what a kiwi is. (Aronui)

En s‟affranchissant de l‟approche de plus en plus individualiste qu‟impose le système d‟éducation

actuel qui les maintient au bas de la hiérarchie sociale, les Maori arrivent progressivement à

atteindre de meilleurs résultats académiques. Les classes d‟immersion en te reo représentent donc

une solution bien plus prometteuse pour amener les élèves issus de la minorité nationale à régler

leurs problèmes d‟échec scolaire que l‟implantation des standards nationaux, qui ne proposent rien

de concret pour les aider. On peut ainsi en déduire que si le gouvernement avait une réelle volonté

de remédier à la situation, il encouragerait plutôt bien davantage l‟établissement d‟écoles et de

classes en langue maori, qui pourraient ainsi fleurir dans tout le pays.

Biculturalisme, ou la nécessité d’être ensemble pour résister

Le point de vue avancé par Andrew est monnaie courante chez bon nombre de Pakeha et fort

défendu dans les journaux et à la télévision. « I think there‟s far too much focus on the Treaty, and

the Maori interpretation of the Treaty. You know there were two sides. When I was a kid at school I

totally acknowledge that we were far too biased towards the English and European view, and now I

think we went too far the other way and it really needs to be in the middle, it could be more

balanced » (Andrew). De plus, l‟idée du multiculturalisme est souvent utilisée pour mettre à mal le

biculturalisme national et faire passer les gens qui y adhèrent pour des individus fermés sur le

monde et rétrogrades. Car comme nous le souligne John, l‟État souhaite avant tout de futurs

travailleurs qui seront à l‟aise dans le grand village global. « We want our young people to value the

small country we live in, but recognise we actually belong to the whole world. So we can commit to

the whole world, work around the world, communicate, not be insular, but out there, looking »

(John). La pensée d‟Elisabeth s‟accorde avec cette vision : « New Zealand never was a really

nationalist type of country. Some people complain we don‟t have a culture, which is of course

nonsense. I think we always considered ourselves as a nation of immigrants and we feel

comfortable with that » (Elisabeth). Néanmoins, seulement trois parents interviewés ont semblé

réfractaires à l‟idée d‟un enseignement qui respecte l‟état biculturel du pays au profit d‟une

approche plus multiculturelle. Alors que les autres adhéraient davantage au point de vue avancé par

Tina, Mark, Hine, Nani Marama et Aronui, comme nous l‟illustrent les propos de Nadia et Laura,

dont les enfants fréquentent pourtant des écoles de haut décile à majorité Pakeha. « It‟s good when

the children visit a marae at school and learn about Maori culture. It gives them good insight […] it

gives them a better understanding of other people‟s situation. What a certain part of the culture, of

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our population, has been through over the years, and where they come from, and I think it‟s very

important » (Nadia).

You have to learn about your own country, like about the Treaty of Waitangi, which

is really important, and most people will not have a clue about its meaning, the

significance of what it is. People will know only if they study history at school. And

once you get to college, studying history about New Zealand is not that exciting, you

actually need to know why before that, because otherwise you don‟t get the

significance of the cultural differences which are here in New Zealand either. (Laura)

Les commentaires de Laura concordent avec ceux de Nani Marama, qui estime elle aussi qu‟il est

important d‟acquérir les bases culturelles et historiques de la nation dans laquelle on vit avant

d‟apprendre celles des autres. « Before little children start to learn about other cultures it‟s

important they know about their own! It‟s important they learn about here first, before they start

branching out and learning about other places » (Nani Marama). Malgré ce chapelet de bonnes

intentions, le phénomène des White Fly subsiste et la place qui est accordée dans bon nombre

d‟écoles de haut décile à la culture maori et au respect du Traité de Waitangi est, d‟après mon

expérience et comme nous l‟avons constaté plus avant, généralement restreinte. À qui la faute? Aux

parents réfractaires, aux administrations scolaires fermées à l‟Autre ou qui favorisent le

multiculturalisme au détriment du biculturalisme d‟État, au laisser-faire du gouvernement, à la

tendance globalisante imposée par l‟OCDE qui encourage un système qui avantage toujours les

même? Probablement un peu de tout cela, puisque le racisme institutionnalisé dont parle Catherine

se construit progressivement, se renouvelle et se transforme dans le temps. La majorité des acteurs

impliqués dans le système sont conviés à y participer et le font souvent de manière inconsciente. « I

think that a lot of things which are going on at school are institutionalised racism, and it takes time,

and it takes money to change it, and it‟s not because teachers don‟t want to help everybody »

(Catherine). Pour Rebecca, ce ne sont pas seulement les élèves Maori qui souffrent de cet état de

fait, car les petits Pakeha qui fréquentent les écoles de haut décile ou le biculturalisme n‟a pas sa

place se retrouvent privés de l‟opportunité d‟apprendre à connaître l‟Autre.

My grandchildren came to the kapa haka show we organized at our school because I

told them they must come and see those children perform. My little five year-olds

who I teach are just so gorgeous when they do the haka! But my grandchildren knew

some of the songs because they learned it at preschool, but they don‟t get any of this

at their primary school now because it‟s a decile 10 and they don‟t have that. It sad

because my grandchildren don‟t get the opportunity to learn about the Maori culture

anymore, but the children at the school where I teach have a wonderful opportunity.

(Rebecca)

Malgré le manque d‟intérêt que prodigue trop souvent la majorité face à sa minorité nationale,

lorsque cela ne se transforme pas en racisme pur et simple, les parents interviewés semblaient

reconnaître dans l‟apprentissage de la culture maori plusieurs éléments positifs. À preuve, Nathalie,

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186

dont le garçon fréquente une école secondaire de décile 9, nous parle avec enthousiasme de

l‟intégration du Traité de Waitangi dans la classe de son fils.

In the class room this year they speak about the Treaty of Waitangi. “It‟s because

everybody needs a place.” It‟s what they teach you. So then they do a “class treaty”,

and they say : “That‟s our class‟s environment, that‟s how we want to treat each

other, that is how we want to be treated.” Which is good, because later, when they

will go to their workplace, they will remember : “Everybody in the room has a right.”

And they learn they have to treat other people with respect, so it‟s a good thing they

do that. And then they do a student council. You elect one person, and Paul says it

doesn‟t have to be a popular person, it has to be the person who can stand out and

speak to the adults. (Nathalie)

Utilisé et présenté à bon escient, avec intelligence et tact, le Traité de Waitangi de même que

l‟esprit de respect et d‟égalité entre deux peuples qu‟il défend peut être un atout pour tous les Néo-

Zélandais. D‟autant plus que cette ouverture sur une autre vision du monde aide selon Rebecca les

enfants qui la vivent à être plus tolérants et compréhensifs face à la différence de l‟Autre, comme

c‟est le cas à l‟école où elle enseigne et qui souffre moins de la polarité ethnique que l‟on rencontre

ailleurs.

The primary school I am teaching in now is different compared to Porirua, where you

have schools which are entirely Maori and Pacific Islanders. I just feel that the

children at our decile 4 school are probably better equipped than some of the decile

10 children. Academically the decile 10 children will be very well equipped, but they

will have some adaptation problems when they will go to university. So it‟s this

understanding of other cultures and tolerance, that if they don‟t get it at primary

school it‟s much, much harder when they get older I believe. (Rebecca)

Il est des plus dommage et inquiétant que la richesse que représente le Traité de Waitangi ne soit

pas davantage respectée dans les écoles publiques du pays, mais ce n‟est pas surprenant puisque

toutes les réformes qui ont été effectuées aux cours des vingt dernières années se sont faites au

détriment des Maori et des autres minorités de la marge. La polarisation sociale qu‟exacerbe la

décentralisation du système d‟éducation affecte, comme nous l‟illustre Rebecca, l‟ensemble des

élèves du pays. Car si les enfants Maori se retrouvent avec les petits immigrants des îles du

Pacifique confinés aux écoles de bas déciles suite au phénomène du White Fly, les élèves Pakeha

des institutions favorisées se voient condamnés à évoluer dans un environnement homogène, qui ne

reflète en rien la réalité nationale. Dans une situation comme celle de la Nouvelle Zélande, c‟est-à-

dire un pays abritant deux nations distinctes dont l‟une s‟y trouve minoritaire, il s‟avère bien

hasardeux de seulement s‟en remettre à la volonté populaire pour vaquer au rayonnement et au

respect de la culture de cette minorité. Bien que l‟État ait accordé de substantiels dédommagements

suite aux réclamations menées par différents iwi dans le contexte du Tribunal de Waitangi. Les

millions dont parle Catherine dans le commentaire qui suit reviennent au petit nombre de Maori qui

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ont su conserver leur lien avec leur iwi d‟origine ou aux 15 % de la minorité nationale demeurés sur

les terres de leurs ancêtres. Mais cet argent ne profite pas à la grande majorité de la minorité

nationale qui a dû s‟exiler en ville à partir des années 50, poussée par la situation de pauvreté vécue

dans les campagnes (Tolron 2000 : 202).

Maori are the first people of the land and they have a legislation, this Treaty of

Waitangi. And that document speaks about the spirit of partnership and the right of

the Maori. So it‟s part of our country, the other thing, which is purely pragmatic, is if

Pakeha want New Zealand to be very successful, if the Maori are alienated they

won‟t achieve that, it‟s when trouble starts. You say all the things about the recovery

of the land and Pakeha saying they are sorry, and all the grievances, and the millions

of dollars given away to Maori, which I support. All that is part of making sure

Maori don‟t feel alienated and that they are recognised as equal partners. Pakeha

have a moral obligation but it‟s also in their interest because it won‟t be any good if

we are not safe sleeping in our beds! I might have a very good lifestyle, but what

about my kids? I want them to be safe too. And any groups which are alienated from

the land, or the people, or the main things, are the one who will end up in prison and

things like that. So even if we don‟t believe or we don‟t think that it‟s our moral

duty, it‟s certainly in our interest and I think the government acts in our own interest.

(Catherine)

Est-ce que le gouvernement travaille vraiment dans l‟intérêt du peuple? Dans le cas qui nous

intéresse, il serait bien difficile d‟affirmer que les changements opérés en éducation depuis

Tomorrow‟s Schools ont été faits pour le bien de la majorité. Les classes les plus pauvres de la

société, qui bien qu‟elles englobent aussi des Pakeha et d‟autres immigrants d‟origines diverses,

regroupent un nombre important de Maori, qui sont pourtant les tangata whenua, les hôtes

d‟Aotearoa. Si, comme Catherine l‟avance, il vaut mieux respecter les minorités nationales pour

maintenir la paix sociale, il apparaît que l‟exacerbation de la division des classes causée par le

néolibéralisme croissant et dont l‟éducation publique n‟est qu‟un exemple, mette ce fragile équilibre

en péril.

L‟apprentissage du Traité de Waitangi et de la culture maori à l‟école représente l‟un des derniers

bastions de résistance de l‟enseignement public face à l‟acquisition des compétences clés et à la

formation continue initiée par l‟OCDE, où le programme doit toujours s‟ajuster aux besoins de

l‟élève/consommateur. C‟est d‟ailleurs souvent le seul moment où les étudiants ont l‟occasion

d‟apprendre quelques connaissances sur leur territoire, sur l‟histoire qui les rassemble, sur la culture

de leur hôte qu‟ils ont influencé mais qui les influence aussi beaucoup et avec qui ils doivent

partager une base de connaissances communes pour mieux vivre ensemble. Cet ancrage au territoire

et à l‟identité nationale est donc une richesse et un rempart contre l‟envahissement du

néolibéralisme, dont les règles ne peuvent qu‟affaiblir ce petit pays du bout du monde et mettre en

danger son équilibre social. Isolée et dotée d‟une population restreinte, la Nouvelle-Zélande ne

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pourra jamais, malgré les ambitions de ses dirigeants et les espoirs dont les nourrissent les

institutions supranationales, rivaliser avec les gros joueurs de la mondialisation.

Récapitulons

L‟implantation du nouveau curriculum qui prône la notion de la formation continue où le produit

éducatif doit être ajusté aux besoins de l‟élève entraîne une grande diversification de la matière

enseignée, puisque le contenu des programmes est désormais déterminé par les écoles mêmes.

Élément qui risque fort de stratifier la qualité et la pertinence des acquis selon la classe sociale et

d‟ainsi miner davantage l‟universalisme de l‟éducation publique. De plus, dans une réalité où les

impératifs du marché tentent d‟assoir leur pouvoir sur l‟ensemble du territoire planétaire, la

souveraineté des États devient gênante. C‟est pourquoi l‟acquisition des compétences clés, qui tend

à libérer le contenu scolaire de tout lien territorial ou identitaire pour favoriser la création d‟un

citoyen du monde flexible et ajusté aux impératifs du marché global, est fortement encouragée par

l‟OCDE. Pour arriver à construire cette population atomisée et sans grandes attaches, la

globalisation cherche à anéantir ce qui est collectif, qu‟il s‟agisse des syndicats des enseignants ou

encore de connaissances communes qui participent à l‟élaboration de l‟identité nationale, comme

l‟histoire, la géographie et la culture. Ce désancrage aurait été encore plus réussi via l‟adoption du

nouveau curriculum si ce n‟avait été de l‟intervention de la minorité nationale, beaucoup plus

réfractaire à l‟idée de « citoyen du monde » que la majorité Pakeha. Sur le terrain, l‟opinion des

parents Maori était des plus favorables à l‟apprentissage de la géographie, de l‟histoire et surtout de

leur culture à l‟école, point de vue qui est d‟ailleurs partagé par la majorité des autres parents

interviewés. La partie n‟est donc pas gagnée pour les adeptes de la globalisation. Le retrait de tout

élément identitaire du nouveau programme, exception faite des principes relevant du Traité de

Waitangi, a bien plus l‟apparence d‟un détournement de la vocation citoyenne de l‟éducation

publique que d‟un moyen d‟améliorer l‟enseignement fourni aux élèves. Car il est à craindre que le

remplacement des connaissances qui servent à l‟élaboration d‟une identité commune par

l‟acquisition des compétences clés dictées par l‟OCDE, s‟ajoutant à une disparité de ressources

toujours plus criante, entraîne dans un futur proche un profond déséquilibre social.

Des pistes de solutions s‟offrent toutefois pour redresser la situation. Les classes en te reo maori,

dans lesquelles les enfants issus de la minorité nationale réussissent davantage (OCDE 2006),

pourraient s‟avérer un moyen de contrer l‟échec scolaire qui est trop souvent leur lot dans le

système de la majorité. L‟accroissement du nombre de ces classes d‟immersion pour en faciliter

l‟accès ainsi qu‟une politique forte du ministère de l‟Éducation qui contraindrait par des mesures

claires et généralisées toutes les écoles à faire une place réelle à la culture maori pourraient

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éventuellement réduire le déséquilibre social qui semble s‟accentuer. Une meilleure reconnaissance

de la minorité nationale, en plus d‟améliorer l‟estime de soi des élèves Maori évoluant dans le

système de la majorité, serait sûrement des plus utiles pour contrer le racisme latent entretenu par

une division ethnique exacerbée entre autres par le phénomène du White Fly. De plus, la culture

maori offre, comme nous l‟avons vu ci-haut, un des derniers remparts contre une forte offensive

colonisatrice d‟une identité globale promue par l‟OCDE. Une volonté réelle d‟améliorer les choses

de la part du gouvernement serait cependant nécessaire pour parvenir à instaurer un meilleur

équilibre entre les deux principaux peuples d‟Aotearoa, ce qui ne semble aucunement être le cas

actuellement. Dirigé par des impératifs strictement économiques qui cherchent à faire des élèves de

futurs travailleurs mobiles et adaptés au marché global, le pouvoir en place obéit à une logique qui

s‟éloigne de plus en plus de son devoir démocratique de servir le bien commun.

Standardiser, individualiser, mesurer, surveiller, contrôler en vue d‟obtenir plus d‟efficacité au

profit de quelques-uns et au détriment de la majorité, cela semble être la principale fin de

l‟approche du libre marché qui a pris d‟assaut l‟école publique. Le rôle que jouent dans ces

changements les structures mondiales telles l‟OCDE, l‟OMC ou l‟UNESCO n‟est de fait jamais

exposé au grand jour. Le gouvernement ne mentionne aucunement leur participation et l‟écrasante

majorité des gens, parents en tête, ne sont pas informés du lien entre ces instances internationales et

les modifications apportées à l‟enseignement prodigué à leurs enfants. Ce qui est éminemment

antidémocratique. Parmi toutes les personnes interviewées, seulement trois étaient au courant de ces

liens, soit Nick, John et Catherine. Si les deux premiers intervenants furent étroitement impliqués

dans les modifications apportées au système public, Catherine se situe quant à elle dans le camp des

enseignants qui observent ces transformations d‟un autre angle. Mais pourquoi cacher ce rôle

d‟accompagnateur et de conseiller que joue principalement l‟OCDE dans la restructuration du

système d‟éducation publique néo-zélandais? Une telle omission ne peut être fortuite et donne à

penser que les gouvernements successifs qui ont mené l‟État depuis vingt ans n‟ont pas jugé bon de

dire aux citoyens que leur système scolaire se trouve de plus en plus contrôlé par une élite-monde,

qui se soucie bien davantage de ses propres intérêts que de ceux des élèves. Détachés de tout

ancrage national, ces hauts membres du village global se situent de toute apparence, comme nous le

souligne Friedman, au dessus des principes de la démocratie.

[…] international organs such as UNESCO and the World Bank, that a particular

pluralist notion of global governance has become increasingly dominant. […] The

function of respectability in this transition is that it fixes the status of political leaders

in an absolutistic way. They become independent of the usual democratic process,

embodying democracy in themselves. They embody as well the voie unique of the

new governance that is independent of any “people‟s will”. They are no longer

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representatives of people to themselves, but representatives of higher principles. This

new absolutism is cosmic insofar as it derives from a higher order and it is also

cosmopolitical insofar as it unites the rulers of the world in a potential network of

morally exemplary actors. The conjunction of power and morality in this concentric

order has, increasingly, the character of theocracy, of absolutist rule based on cosmic

principles of “the good”. (Friedman 2005 : 452)

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Conclusion

Après deux décennies de réforme scolaire néo-zélandaise guidée par les impératifs du marché

global, quels propos tiennent les parents d‟élèves de même que les intervenants du milieu de

l‟enseignement sur la place de l‟éducation publique dans la société néo-zélandaise actuelle? Vingt-

sept entrevues, six rencontres de comités d‟administration scolaire, des visites dans plusieurs écoles,

la lecture quotidienne des principaux journaux du pays de même que de nombreuses conversations à

bâtons rompus sur le sujet m‟ont permis de mieux cerner cette situation complexe et alarmante.

Premièrement, comme nous avons pu le constater dans le second chapitre dédié au diktat de

l‟économie de même que tout au long de ce travail, les impératifs économiques s‟imposent de plus

en plus, et ce dans toutes les facettes de l‟éducation. Sous l‟égide de l‟OCDE, dont les politiques

sont vraisemblablement le plus souvent en accord avec celles de l‟OMC, la volonté du marché-

monde prend d‟assaut les systèmes d‟éducation publique. C‟est ainsi que la majorité des pays

industrialisés sont conviés à entreprendre des restructurations majeures visant leurs systèmes

d‟éducation afin de les ajuster au nouveau dispositif de surveillance bicéphale incarné dans les

principes que sont la formation continue et les compétences clés. Accompagnés de notions comme

celles du capital humain et de l‟économie du savoir, ces mécanismes « disciplinaires » semblent

introduits dans l‟espoir de former une main-d‟œuvre adaptée aux conditions d‟un marché globalisé.

L‟apprentissage des connaissances, qui est depuis toujours au cœur du projet éducatif, est désormais

remplacé par l‟acquisition de compétences, elles-mêmes sélectionnées par l‟OCDE pour s‟ajuster

aux besoins de l‟économie du savoir. Sa sœur siamoise, la formation continue, vise à mesurer ces

compétences avec toujours plus de détails en vue de mieux évaluer le capital humain dont dispose

chaque nation dans le grand marché planétaire. D‟abord introduite par l‟UNESCO dans les années

1970, la formation continue, qui soutient l‟importance de suivre la progression individuelle de

l‟élève d‟après son propre rythme et ses attentes, se transforme, une fois reprise par l‟OCDE, en un

moyen de répondre aux besoins de la clientèle selon une logique de consommation. Ce qui

débouche sur la notion de choix du consommateur, où les parents sélectionnent l‟école de leurs

enfants en fonction de leurs besoins et de leurs attentes personnelles et, bien sûr, selon les moyens

dont ils disposent. L‟élite opérant dans les sphères décisionnelles et organisationnelles, notamment

les professionnels de l‟éducation et les directeurs d‟écoles, accepte fort bien le concept de la

formation continue que l‟on retrouve dans le nouveau curriculum comme en ont témoigné les points

de vue de John, Elisabeth, Catherine et Barbara. Cette approche n‟a cependant jusqu‟à présent

produit aucune amélioration en ce qui a trait à la performance scolaire des élèves. « Trend data from

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NEMP indicates that achievement in most of the essential learning areas has not improved over the

period of implementation [du nouveau curriculum], particularly for Mäori and Pasifika students »

(Ministry of Education 2002). Notons que l‟implantation des principes de la formation continue, qui

servent à évaluer l‟acquisition des compétences clés, demeure un processus opaque pour l‟ensemble

des parents qui en ignorent le plus souvent l‟existence et les effets.

Notre seconde partie a porté sur la fonction de maintien et de légitimation des classes sociales dont

l‟éducation publique est un vecteur essentiel. Nous y avons vu comment la réforme, qui s‟échelonne

sur les vingt dernières années, a transformé l‟école publique en un produit de consommation comme

les autres. La décentralisation imposée par Tomorrow‟s School présentée au chapitre 3 a transféré la

responsabilité de la gouvernance des établissements d‟enseignement aux communautés sans égard

aux ressources dont elles disposent, ce qui a entraîné une disparité grandissante selon les milieux

socioéconomiques. Cette décentralisation, combinée au système de décile et de zonage, constitue un

véritable mécanisme de stratification sociale basé sur les classes et l‟origine ethnique. Petits Maori

et élèves issus des îles du Pacifique se retrouvent de fait concentrés dans les écoles qui souffrent de

sous-financement chronique suite à la désertion de la majorité des élèves Pakeha, dont les parents

ont profité du principe du choix du consommateur discuté au chapitre 4 pour s‟assurer que leurs

petits caucasiens ne soient pas scolarisés avec trop de brown faces. Les élèves dont les parents n‟ont

pas les moyens de leur offrir une alternative se voient pour leur part restreints à des établissements

de bas déciles qui sont majoritairement victimes du phénomène du White Fly. Mais même lorsque

les parents peuvent accéder à un certain choix, nous avons vu que les écoles les plus renommées

sélectionnent, à rendement égal, les étudiants Pakeha plutôt que les petits Maori, Tongans, Samoans

ou Fidjiens. Déciles, zonage et choix individuel, des mécanismes qui théoriquement doivent donner

à tous des chances égales, sont autant de dispositifs de cloisonnement social qui assurent aux classes

supérieures le monopole des meilleures places. Cette polarisation ethnique, en plus de nuire à

l‟intégration des enfants d‟immigrants, forme aussi un obstacle pour la majorité à la compréhension

de la culture et des pratiques du peuple Maori; elle représente donc un danger potentiel pour la

stabilité et l‟harmonie nationales.

En poussant de l‟avant la logique de la décentralisation, le ministère de l‟Éducation insiste toujours

davantage pour que les parents jouent un rôle déterminant dans la vie scolaire de leurs enfants. Il

s‟agit en fait de transformer une responsabilité collective, qui est celle de s‟assurer que tous les

élèves du pays aient accès à une éducation de qualité, en une responsabilité individuelle qui dépend

de plus en plus des capacités et des ressources dont dispose chaque parent. Cette démarche porte

gravement atteinte à la méritocratie, principe important discuté au chapitre 5 de la seconde partie.

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Ce credo demeure pourtant effectif dans la perception des parents issus de groupes minorisés

comme les Maori et les immigrants des îles du Pacifique, qui sont pour la plupart rarement

impliqués dans les comités d‟administration scolaire ou dans toute autre facette de l‟éducation de

leurs enfants. Ces parents, comme me l‟ont appris mes entrevues, font confiance à l‟école de même

qu‟aux professeurs pour conduire leur progéniture vers la réussite académique. Il en va toutefois

différemment pour la plupart des Pakeha dont les petits sont inscrits dans des établissements de haut

décile et qui adhèrent à l‟idée que leur implication est un élément incontournable au succès de leurs

enfants.

Si, pour certains parents éduqués et occupant des emplois professionnels comme Nora, Jeanne,

Sarah, Aronui, Andrew ou Julie, l‟éducation publique est encore perçue comme un bien commun

qui devrait être gratuit et de qualité égale pour tous, la notion du consommateur-payeur gagne

néanmoins du terrain. Elle est souvent plus populaire chez ceux qui ont les moyens de profiter du

choix qui s‟ouvrent à eux et qui leur permet d‟envoyer leurs enfants dans des écoles de haut décile,

comme c‟est le cas pour Brian, Laura, Nadia ou Elisabeth. Promue par des membres de comités

d‟administration scolaire comme Sonia, qui tentent tant bien que mal de rassembler les fonds

nécessaires pour boucler leur budget, l‟idée demeure rejetée par plusieurs parents moins bien nantis.

À l‟exemple de Tina, ils estiment qu‟ils n‟ont pas à débourser davantage puisque l‟éducation

publique est gratuite, comme l‟affirme le gouvernement. En plus de recevoir bien peu de la part de

l‟État, les écoles de bas décile se voient ainsi privées de l‟aide des parents pour des raisons

monétaires ou idéologiques, tandis que ceux qui envoient leurs petits dans les écoles de haut décile

participent plus volontiers à leur financement. D‟autant plus qu‟un tiers de l‟argent qu‟ils

investissent sous forme de donation leur sera remboursé par un retour d‟impôt (Inland Revenue

2011), façon détournée de financer à même la collectivité les institutions fréquentées par l‟élite, où

les contributions atteignent souvent des milliers de dollars. Il en résulte une concentration des

richesses dans les écoles les plus favorisées au détriment des plus pauvres. Phénomène qui, combiné

au White Fly, porte une sérieuse atteinte à l‟universalisme de l‟éducation publique et expose au

grand jour les privilèges réservés aux mieux nantis que l‟on tentait traditionnellement de camoufler

par le biais de l‟idéologie de la méritocratie afin d‟éviter des conflits sociaux. Dans le contexte

étudié, la méritocratie devient ainsi de plus en plus ambigüe. Cette recherche montre que, comme

dans le cas de l‟adoption des compétences clés et de la formation continue, le rendement

académique des étudiants d‟Aotearoa ne s‟est pas amélioré à la suite de la décentralisation. Tout au

contraire, le problème d‟échec que connaissent les Maori et les enfants issus des îles du Pacifiques

demeure plus criant que jamais (OCDE 2006).

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La troisième partie du mémoire s‟est concentrée sur la fonction citoyenne de l‟école, qui vise à

inculquer aux enfants les bases communes des connaissances nécessaires à la vie en société et au

maintien de la démocratie. L‟école publique, comme nous l‟avons vu au chapitre 6, est dans la

démocratie moderne l‟endroit où les jeunes doivent développer leur esprit critique et leur curiosité

pour éviter de sombrer dans l‟obscurantisme des dogmes et du totalitarisme. Afin que l‟école soit en

mesure de développer cet esprit citoyen, les élèves doivent dès le départ être jugés égaux. Mais

l‟établissement des standards nationaux qui étiquettent dès leur arrivée au primaire les tout-petits

comme étant en situation de réussite ou d‟échec, en jugeant d‟entrée de jeu leur performance de

manière systématique et homogène, ne présume pas de l‟égalité de tous. Si l‟opposition à une telle

approche qui vise aussi à évaluer la compétence des enseignants et des écoles via le taux de réussite

des élèves qu‟elles accueillent prend de l‟ampleur parmi le personnel enseignant et les membres de

comités, certains parents qui ne font pas partie de ces cohortes y sont plutôt favorables. Laura, dont

les enfants fréquentent une école de haut décile, est pour sa part confiante, à l‟image de bon nombre

de parents Pakeha dans la même situation qu‟elle, que sa progéniture ne fera que briller davantage

en atteignant sans difficulté lesdits standards. Ils adhèrent aussi assez facilement à l‟idée qu‟un peu

plus de rigueur ne fera pas de mal aux professeurs et aux écoles qui connaissent des difficultés. Le

premier ministre du pays, John Key, résume cette vision : « Rien ne vaut la logique du marché pour

s‟assurer de l‟efficacité du système et l‟éducation, malgré les doléances des syndicats, n‟échappe

pas à cette logique » (Hartevelt 2010a). C‟est que le gouvernement en place, aidé des principaux

médias, travaille fort pour faire la promotion de ces standards en affirmant qu‟ils serviront à

améliorer l‟éducation des enfants en détectant les mauvais professeurs de même que les élèves qui

connaissent des problèmes. Le ministère de l‟Éducation a toutefois depuis longtemps identifié que

les Maori et les enfants issus des îles du Pacifique sont les groupes d‟étudiants qui sont le plus à

risque de se trouver en situation d‟échec scolaire. On peut ainsi en déduire que les standards

nationaux tentent de réduire à un niveau individuel afin de le camoufler un problème collectif qui

est principalement lié à l‟origine ethnique et socioéconomique des élèves.

Au cours du chapitre 7, nous avons observé le désancrage national opéré par l‟établissement du

nouveau curriculum dans lequel l‟histoire, la géographie, et les éléments culturels propres à la

Nouvelle-Zélande sont presqu‟entièrement évacués au profit de l‟acquisition des compétences

définies par l‟OCDE. Le programme national ne constitue dorénavant qu‟un canevas sur lequel les

écoles élaborent le contenu qui correspond à leur clientèle. Si professionnels de l‟enseignement,

directeurs et professeurs semblent satisfaits d‟une telle liberté qui leur permettra, comme le pense

Barbara, de mieux répondre aux besoins des élèves, les parents sont pour leur part peu ou pas du

tout informés sur l‟implantation de ce nouveau programme. Ils sont cependant majoritaires à

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considérer que les éléments liés au territoire et à l‟identité n‟ont pas assez de place dans le

curriculum et sont généralement d‟accord avec l‟idée que tous devraient apprendre les bases de la

culture maori puisqu‟elle représente une partie importante de l‟éthos néo-zélandais. La minorité

nationale s‟est d‟ailleurs élevée contre le désancrage du curriculum et a insisté auprès du ministère

de l‟Éducation pour que le Traité de Waitangi soit respecté et intégré à l‟enseignement public. Il est

d‟ailleurs le seul élément qui se rapporte à l‟identité néo-zélandaise à y subsister. Cependant,

l‟application des principes du Traité étant laissée à la discrétion des écoles, les Maoris interviewés –

Mark, Hine, Tina Nanie Marama et Aronui – estiment que leur culture demeure malgré tout le plus

souvent ignorée ou présentée de façon superficielle dans la majorité des écoles. Une meilleure

exposition à la culture de la minorité nationale dans le système d‟enseignement public pourrait

pourtant s‟avérer un outil fort utile pour lutter contre le racisme et éventuellement réduire l‟échec

scolaire des élèves Maori tout en offrant un rempart contre l‟envahissement d‟une identité

globalisante. Il semble toutefois que la volonté politique ne tende aucunement vers de telles

aspirations puisque le ministère de l‟Éducation, tout en clamant qu‟une de ses priorités est de

réduire l‟échec chez les petits Maori, n‟encourage aucunement les classes en te reo. Car même si

elles paraissent êtres une avenue prometteuse pour améliorer la performance scolaire du premier

peuple d‟Aotearoa, comme on a pu le constater au dernier chapitre, rien n‟est pourtant fait pour en

faciliter l‟accès ou y attirer davantage de pupilles.

Nous avons montré que les parents se sentent souvent dépassés par les événements et n‟ont pas le

temps ou l‟énergie de comprendre les enjeux de l‟éducation publique, saturés qu‟ils sont par la

désinformation, la fatalité et le sentiment d‟insécurité entretenu par la menace de crise économique.

Ils souhaitent que leurs petits deviennent de bons citoyens et qu‟ils arrivent à décrocher un emploi

convenable qui les rendra heureux. Pour y arriver, les mieux nantis n‟hésitent pas à utiliser leur

pouvoir de consommateur en se souciant fort peu du fait que cette option risque de miner la capacité

du système d‟éducation publique de répondre aux besoins du plus grand nombre. Ceux parmi les

Pakeha qui disposent de moins de moyens tentent pour leur part de pallier le pire, c‟est-à-dire de

tout faire en leur pouvoir pour que leurs enfants ne soit pas forcés de fréquenter des écoles à

majorité polynésienne. On compte bien peu de Pakeha, comme Julie, Sarah ou Andrew, pour qui la

sélection de l‟école n‟est pas déterminée par le pourcentage de brown faces qui s‟y trouve.

Finalement, malgré certains désaccord et soubresauts, il apparaît que le concept du consommateur-

payeur a fait son chemin dans l‟esprit de la plupart des parents qui ont les moyens de s‟offrir une

telle liberté. Pour les autres, il reste l‟espoir de l‟idéal de la méritocratie. L‟éducation à laquelle

auront droit les enfants dépend ainsi de plus en plus du portefeuille de leurs parents, et si cela en

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choque encore certains comme Hine, Jeanne, Andrew, Sarah, Barbara, Rebecca et Catherine, leur

voix est souvent étouffée par les défenseurs de l‟idéologie néolibérale. On peut se demander si la

globalisation a réussi à harnacher les esprits pour réduire l‟éducation publique à un simple produit

dans le grand marché-monde. L‟école qui défend le droit de chacun de réussir grâce à ses talents et

son mérite est-elle disparue? Cet endroit où l‟on apprend à vivre ensemble, où on acquiert les

connaissances qui nous permettent de former une société cohérente qui partage des valeurs et des

idéaux communs propres à une nation, semble profondément menacé. Qu‟en sera-t-il de ce qui nous

lie à un territoire donné, à une culture, à une identité qui rend le vivre ensemble possible?

Paradoxalement, ces valeurs semblent survivre davantage dans les écoles de bas déciles, qui sont les

plus touchées par ces transformations mais qui affrontent la tempête avec humanisme. Les membres

de comités et les professeurs qui y travaillent font preuve de courage, de générosité et d‟une

détermination sans borne afin que le principe de la méritocratie subsiste. Le principal syndicat des

enseignants est lui aussi de la bataille et, malgré les attaques du gouvernement, il est déterminé à

tenir tête aux gros joueurs et à plusieurs parents bien nantis qui considèrent les professeurs comme

de simples fournisseurs de services dont il vaut mieux surveiller la performance.

Tout n‟est donc pas joué d‟avance. Si une information claire et articulée parvenait aux oreilles des

parents, ceux-ci seraient probablement plus en mesure de saisir l‟ampleur des enjeux et de partager

leur richesse afin que l‟enseignement public soit un tremplin pour la réussite de tous, nonobstant la

couleur de la peau ou l‟épaisseur du portefeuille. Car comme Catherine nous le mentionnait, à quoi

bon avoir un niveau de vie des plus enviables si la disparité sociale fait en sorte que nos enfants ne

seront plus en sécurité demain? Les Maori et les Polynésiens formeront d‟ici 2026 26 % de la

société néo-zélandaise (Statistics New Zealand 2010b). Ce sont des gens fiers et peu enclins à la

soumission. Les Maori se sont déjà levés dans le passé pour faire valoir leurs droits et le

gouvernement d‟alors avait dû abdiquer devant leur détermination (Schwimmer 1995 : 77). Il serait

plus sage pour les décideurs de ne pas attendre que cette colère explose à nouveau avant de

remédier à une situation qui va générer un écart de richesses grandissant qui ne peut que mener à

des conflits. Fait à noter, les écoles privées de la Nouvelle-Zélande n‟ont pas à se soumettre aux

standards nationaux et au nouveau curriculum (Ministry of Education 2009a). Cette exception qui

concerne les plus fortunés laisse croire que la soif d‟efficacité vise les classes moyennes et

inférieures pour réserver à l‟élite l‟apprentissage des connaissances. C‟est ainsi que cette dernière

consolide sa position et s‟assure peut-être même d‟une avance encore plus considérable dans le

futur.

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L‟OCDE dirige ainsi en coulisse une réforme de l‟éducation quasi planétaire qui n‟a pas comme but

le bien-être et le développement général des jeunes, mais plutôt une maximisation de la productivité

de la force de travail mondiale. Les puissants de ce monde, soit le 1 % des 10 % des plus riches de

la planète, dont les fortunes ont augmentées de manière vertigineuse au cours des dernières

décennies (Kempf 2011 : 32), noyautent les grands organismes internationaux. Débarrassés du bloc

soviétique qui restreignait leurs ambitions jusqu‟à la fin des années 1980, ils se considèrent

désormais libres d‟entamer une autre étape dans leur colonisation néocapitaliste. Leur but est

simple : accumuler encore plus de richesses et de pouvoirs. Les assauts sur les systèmes publics

d‟éducation indiquent que tout peut être réduit à une comptabilité financière et tout peut contribuer

à retirer le plus de profit possible des travailleurs et à lutter contre les improductifs. Dans cette

logique, il faut que le capital humain soit bonifié et pour atteindre cet objectif, chaque individu

devra être étroitement surveillé dès les premières années de sa vie. Les standards nationaux en

éducation ne sont qu‟un mécanisme parmi d‟autres qui permettent de colliger les données

nécessaires à la gestion et d‟implanter la discipline à la force de travail.

Les États et leurs pouvoirs deviennent pour cette élite mondiale des structures désuètes et

contraignantes. D‟où le discours sur l‟importance d‟abolir les frontières, de favoriser la mobilité et

la circulation des biens et des travailleurs. Depuis quelques décennies, l‟idée du citoyen du monde

et du village global fait de plus en plus d‟adeptes, surtout chez l‟élite des grandes métropoles qui

considère souvent avec condescendance l‟attachement à l‟identité nationale. Comme nous le

démontre le nouveau curriculum, l‟implantation des compétences clés vient éradiquer toute

référence au territoire, à la culture et aux liens communs qui lient la population d‟Aotearoa,

seulement freinée par l‟imposition du Traité de Waitangi par les Maori. L‟importance accordée à

l‟espace global dans le programme public est d‟ailleurs un bon exemple de ce souci de

désenchâssement national. Si on suit la logique de ces réformes jusqu‟au bout, il semble que l‟idéal

est de fractionner les populations pour les réduire à une cohorte de travailleurs atomisés mais de

plus en plus disciplinés et mobiles dans l‟économie mondiale où les États n‟auraient qu‟un pouvoir

réduit. Tout regroupement, qu‟il soit national, syndical ou autre, est considéré comme une entrave

au développement des marchés globalisés. Les dirigeants de ces mégastructures ne sont pas élus par

des citoyens, pourtant leurs décisions ont des impacts déterminants sur la vie des habitants de la

planète. Le rôle que jouent de tels organismes demeure d‟ailleurs inconnu de la majorité de la

population et les gouvernements, peu importe leur allégeance politique, se gardent le plus souvent

de l‟éclairer sur le sujet. L‟OCDE, l‟OMC et le FMI s‟arrogent la production de la « vérité » et de

l‟expertise, un peu comme le font les religions avec la foi et les dogmes. Nous sommes ainsi bien

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loin d‟une conception politique de la vie sociale où les connaissances doivent servir à éclairer les

décisions prises par les citoyens pour les citoyens.

Ouverture sur de futures recherches

L‟emprise de la logique néolibérale sur le système d‟éducation publique néo-zélandais semble être

exemplaire, mais on peut trouver des situations similaires dans plusieurs autres pays membres de

l‟OCDE. Comme nous l‟avons vu au chapitre 2, la colonisation de l‟enseignement public par le

marché global ne se restreint pas à un État donné. Elle tente plutôt de s‟étendre sur l‟ensemble de la

planète en débutant par les nations les plus fortunées et structurées où elle a le plus de chances

d‟obtenir des résultats rapides et lucratifs qui peuvent ensuite être utilisés comme modèle à suivre.

Une recherche similaire pourrait ainsi être reproduite en Angleterre, en Allemagne, au Québec, etc.

Les résultats varieraient probablement, notamment selon qu‟il y ait ou non des minorités nationales

dont les droits sont protégés par la constitution. De plus, si l‟OCDE fournit dans le domaine de

l‟éducation les mêmes recommandations à tous ses pays membres, et bien que ceux-ci ne soient pas

obligés d‟y répondre, les engagements qu‟ils ont contractés vis-à-vis l‟AGCS peuvent quant à eux

les ramener brutalement à l‟ordre. Ce qui peut entre autres expliquer leur différent degré de

cheminement vers la libéralisation de leur système d‟éducation publique.

Il serait particulièrement intéressant d‟étudier les impacts de cette mondialisation sur

l‟enseignement public québécois à la suite, entre autres, du travail qui a déjà été entrepris par

Jocelyn Berthelot et publié dans un ouvrage paru en 2006 : Une école pour le monde, une école

pour tout le monde. Ne serait-ce que pour souligner davantage que la crise que nous vivons dans ce

domaine depuis près de vingt ans n‟a rien de particulier à notre petite nation et qu‟une importante

partie de la source de ces maux se trouve hors de nos frontières. D‟autant plus que certains

politiciens québécois reprennent aujourd‟hui les idées néolibérales les plus drastiques et veulent

nous convaincre de leur bien-fondé dans le domaine de l‟éducation, malgré les résultats mitigés que

connaît la Nouvelle-Zélande, comme nous l‟avons montré. Mais c‟est peut-être à la source même du

problème qu‟il faut remonter et démasquer les ingénieurs du social qui logent à l‟OCDE et à l‟OMC

et leur agenda politique. L‟anthropologie est d‟ailleurs bien placée pour mettre à jour les non-dits et

les rapports de pouvoir qui demeurent dans l‟ombre et on peut imaginer qu‟ils sont légion dans ces

organismes. À l‟heure ou la société civile perd de plus en plus de terrain au profit d‟une poignée

d‟oligarques qui prennent le monde pour un vaste marché ouvert à l‟exploitation totale, il serait

pour le moins utile de tenter de faire paraître au grand jour les jeux de pouvoirs qu‟ils mènent en

coulisse au détriment du plus grand nombre.

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208

Annexe A : Carte du monde

Annexe B : Carte de la Nouvelle-Zélande

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209

Annexe C : Liste des écoles

Interviewee Suburb School Type Integrated Gender Decile Roll Pākehā Māori Islanders Asian Other Foreign

Julie Wellington Primary No Co-Ed 4 124 36 34 37 13 4

Aronui Otaki Primary No Co-Ed 3 192 23 150 11 6 2

Tina Lower Hutt Primary No Co-Ed 4 301 113 97 50 35 6

Nadia Lower Hutt Primary No Co-Ed 9 505 338 70 16 71 10

Nora Wellington Full Primary Yes Co-Ed 5 257 65 35 73 37 45 2

Jeanne Wellington Full Primary No Co-Ed 10 319 300 3 11 4 1

Zoé Raumati South Full Primary Yes Co-Ed 9 205 171 30 2 2

Sonia,

Elisabeth Wellington Full Primary Yes Co-Ed 9 28 16 3 3 6

Mary,

Nani Marama Lower Hutt Full Primary No Co-Ed 2 303 27 233 37 4 2

Mary Lower Hutt Full Primary Yes Co-Ed 4 248 80 55 100 11 2

Mark Lower Hutt Full Primary No Co-Ed 3 196 29 74 53 40

Alice Wellington Full Primary No Co-Ed 10 712 515 35 13 92 54 3

Laura Porirua Full Primary No Co-Ed 10 232 203 17 1 10 1

Barbara Wellington Full Primary No Co-Ed 2 109 4 22 57 8 18

Rebecca Porirua Full Primary No Co-Ed 4 301 68 97 122 10 4

Andrew Lower Hutt Full Primary Yes Co-Ed 6 225 113 43 29 21 19

Tina Lower Hutt Intermediate No Co-Ed 4 363 169 141 38 15

Nadia Lower Hutt Secondary Yes Girls 10 412 336 32 14 28 2

Sarah,

Hine Porirua Secondary Yes Co-Ed 2 467 62 86 283 33 1 2

Tina Lower Hutt Secondary No Co-Ed 4 912 391 363 109 35 9 5

Jeanne Wellington Secondary No Girls 10 1291 833 118 67 192 26 55

Brian Wellington Secondary No Co-Ed 10 1231 903 86 39 151 20 32

Nathalie Wellington Secondary No Co-Ed 9 1431 914 167 146 163 23 18

Andrew Lower Hutt Secondary Yes Girls 7 795 491 90 115 72 21 6

Paul Wellington Secondary No Co-Ed 9 1035 678 187 43 47 43 37

Wellington Secondary No Boys 10 1527 1025 111 79 184 40 88

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210

Annexe D : Liste des personnes interviewées et des

réunions de comité

Répartition des vingt-sept entrevues

Dix entrevues avec des parents qui ne font pas partie des comités d‟administration scolaire

et qui ne sont pas professeurs.

Nora, mère immigrante de deux filles au primaire (décile 5, intégré).

Jeanne, mère immigrante d‟un garçon au primaire (décile 10) et d‟une fille au secondaire

(décile 10, zoné).

Zoé, mère de deux filles au primaire (décile 9, intégré).

Nathalie, mère d‟un garçon au secondaire (décile 9, zoné).

Aronui, mère Maori d‟une fille au primaire en immersion te reo (décile 3).

Mark, père Maori d‟un garçon au primaire (décile 3) et d‟un garçon à l‟intermédiaire

(décile 3).

Paul, ancien membre de comité, père d‟une fille au secondaire (décile 9, zoné).

Laura, mère d‟une fille et d‟un garçon au primaire (décile 10, zoné).

Tina, mère Maori d‟un garçon au primaire (décile 4), d‟un garçon à l‟intermédiaire (décile

4) et d‟un garçon au secondaire (décile 4).

Nadia, mère d‟une fille et d‟un garçon au primaire (décile 9, zoné) et deux filles au

secondaire (décile 10, intégré, zoné).

Sept entrevues avec des parents qui font partie des comités d‟administration scolaire.

Sarah, présidente de comité au secondaire (décile 2, intégré), mère d‟un fils inscrit à la

même école.

Sonia, présidente de comité au primaire (décile 9, intégré), mère d‟un fils inscrit à la même

école.

Nancy, présidente de comité au secondaire (décile 4), mère de cinq enfants ayant étudié à

cette école.

Hine, membre de comité au secondaire (décile 2, intégré), mère d‟un fils inscrit à la même

école.

Brian, membre de comité au secondaire (décile 10, zoné), père d‟un fils inscrit à la même

école.

Julie, membre de comité au primaire (décile 4), mère d‟une fille inscrite à la même école.

Andrew, membre de comité au primaire (décile 6, intégré), père d‟une fille inscrite à la

même école et d‟une autre fille inscrite au secondaire (décile 7, intégré).

Trois entrevues avec des professeures.

Mary, professeure au primaire (décile 2) et mère d‟une fille inscrite à une autre école

primaire (décile 4, intégré).

Page 221: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

211

Rebecca, professeure au primaire (décile 4).

Nani Marama, professeure Maori d‟immersion en te reo au primaire (décile 2).

Trois entrevues avec des directrices d‟écoles primaire.

Barbara, directrice au primaire (décile 2).

Alice, directrice au primaire (décile 10, zoné).

Elisabeth, directrice et professeure au primaire (décile 9, intégré) et mère d‟une fille

inscrite à la même école.

Quatre entrevues avec des membres de différentes associations gouvernementales et

syndicales.

Patrick, NZQA (New Zealand Qualification Authority).

Nick, NZQA (New Zealand Qualification Authority).

John, un des principaux responsables du nouveau curriculum au ministère de l‟Éducation.

Catherine, cadre au NZEI (New Zealand Education Institute).

Six réunions de comités scolaires.

22 février, réunion de comité d‟administration scolaire d‟une école secondaire (décile 2,

intégré). Sarah est la présidente de comité et Hine siège au même comité.

8 mars, réunion de comité d‟administration scolaire d‟une école primaire avec des classes

d‟immersion en te reo (décile 2). Nani Marama et Mary y enseignent.

15 mars, réunion de comité d‟administration scolaire d‟une école secondaire (décile 10,

zoné). Brian y est membre de comité.

17 mars, réunion de comité d‟administration scolaire d‟une école primaire (décile 2).

Barbara y est directrice.

22 mars, réunion de comité d‟administration scolaire d‟une école secondaire (décile 10,

zoné).

31 mars, réunion de comité d‟administration scolaire d‟une école primaire (décile 10,

zoné). Laura y envoie ses deux aînés.

Page 222: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

212

Annexe E : Schémas d’entretiens

Schéma d’entretien pour les parents

General questions

What is your profession?

Are you from the Wellington area?

How many children do you have and what are their ages?

Would you like to give me a general overview of the schools they go to?

What is the general makeup of the students there?

Are there children from overseas who study at your children‟s schools?

Board of trustees/school involvement

Have you been a board of trustees member?

What is the makeup of the board of trustees at the schools?

Do you think a board of trustees is an efficient way to run a school?

Are you involved in any extra curriculum activity?

What do you consider to be your most important contribution or involvement in your

children‟s education?

Zone/choice

Do your children attend their local schools?

Are the schools they attend zoned?

Do their schools have a lot of children from outside the zone?

Are your children attending the schools that were your first choice?

Are you satisfied with your children‟s schools?

Do you think it‟s important that parents be able to choose the schools where they send their

children?

Donations/fees

Can you tell me how much of a donation the school asks for, and do you have to pay a fee

as well?

What do you think of those donations and fees?

Do you know if most parents actually pay the donation?

Page 223: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

213

New national curriculum, school curriculum

What do you think of the new national curriculum?

How is the implementation of the new curriculum getting on so far at your children‟s

schools?

Are you happy with the curriculum your children follow at their schools?

Culture, identity, territory

Do your children learn some aspect of the Maori culture in class?

I would like to know what your children learn about New Zealand history, geography and

New Zealand culture in general at their schools?

Do you think New Zealand history and cultural studies have enough place at school?

National standards

What is your point of view about the implementation of national standards in primary

schools?

How is this implementation getting on at your children‟s schools?

Others

What, for you, is the main function of education?

How important do you consider the role of the school to be for children to establish and

maintain social skills?

Do you consider school to be the place for students to learn about their civic

responsibilities, their right to vote, and to learn about democracy and things like that?

Do you think that school is a place that provides students with equal chances to reach their

potential in life?

Is there anything we did not speak about that you would like to mention?

Page 224: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

214

Schéma d’entretien pour les simples membres de comité

General questions

What is your profession?

Are you from the Wellington area?

How many children do you have and what are their ages?

Do you have children attending this school?

What was your motivation to become a board of trustees member?

How long have you been a board of trustees member?

Have you been a board of trustees member at other schools?

Would you like to give me a general overview of your school?

What is the general makeup of your students?

How many hours a week do you consecrate to your board of trustees member work?

Do you need specific training to become a board of trustees member?

Board of trustees

What is the makeup of the board of trustees at this school?

Do you think a board of trustees is an efficient way to run a school?

Do you consider the directives you receive from the Ministry of Education to be clear most

of the time?

What happens if the board of trustees have too many problems running the school?

If you could change something in the way the BOT works, what would it be?

When is your next board of trustees meeting, and do you think I could attend?

ERO

What do you think of the ERO visits?

Does ERO visit this school very often?

Zone/choice

Is your school zoned?

Do you have a lot of children from outside the zone?

Do you think it‟s important that parents be able to choose the school where they send their

children?

Overseas students

Do you have children from overseas who study here this year?

Page 225: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

215

How much do those overseas children have to pay to study here?

Donations/fees

Can you tell me how much of a donation is proposed for parents to give to the school, and

do they have to pay a fee as well?

Do many parents actually pay this donation?

New national curriculum

What do you think of the new curriculum?

How is the implementation of the new curriculum getting on so far at your school?

Culture, identity, territory

Do you teach some aspect of the Maori culture in class?

I would like to know what the children learn about New Zealand history, geography and

New Zealand culture in general at your school?

Do you think New Zealand history and cultural studies have enough place at school?

National standards

What is your point of view about the implementation of national standards in primary

schools?

How is this implementation getting on at your school?

Others

What, for you, is the main function of education?

How important do you consider the role of the school to be for children to establish and

maintain social skills?

Do you consider school to be the place for students to learn about their civic

responsibilities, their right to vote, and to learn about democracy and things like that?

Do you think that school is a place that provides students with equal chances to reach their

potential in life?

Is there anything we did not speak about that you would like to mention?

Page 226: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

216

Schéma d’entretien pour les présidentes25

de comité

General questions

What is your profession?

Are you from the Wellington area?

How many children do you have and what are their ages?

Do you have children attending this school?

What was your motivation to become a chairperson?

How long have you been a chairperson for?

Have you been a chairperson or a board of trustees member at other schools?

Would you like to give me a general overview of your school?

What is the general makeup of your students?

How many hours a week do you consecrate to your chairperson work?

Do you need specific training to become a chairperson?

Board of trustees

What is the makeup of the board of trustees at this school?

Do you have a good relation with the teachers?

Do you think a board of trustees is an efficient way to run a school?

Do you consider the directives you receive from the Ministry of Education to be clear most

of the time?

What happens if the board of trustees have too many problems running the school?

If you could change something in the way the BOT works, what would it be?

When is your next board of trustees meeting, and do you think I could attend?

ERO

What do you think of the ERO visits?

Does ERO visit this school very often?

Zone/choice

Is your school zoned?

Do you have a lot of children from outside the zone?

Do you think it‟s important that parents be able to choose the school where they send their

children?

25

Le féminin est ici employé puisque les personnes interviewées dans cette catégorie sont toutes des femmes.

Page 227: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

217

Overseas students

Do you have children from overseas who study here this year?

How much do those overseas children have to pay to study here?

Donations/fees

Can you tell me how much of a donation is proposed for parents to give to the school, and

do they have to pay a fee as well?

Do many parents actually pay this donation?

New national curriculum

What do you think of the new curriculum?

How is the implementation of the new curriculum getting on so far at your school?

Culture, identity, territory

Do you teach some aspect of the Maori culture in class?

I would like to know what the children learn about New Zealand history, geography and

New Zealand culture in general at your school?

Do you think New Zealand history and cultural studies have enough place at school?

National standards

What is your point of view about the implementation of national standards in primary

schools?

How is this implementation getting on at your school?

Others

What, for you, is the main function of education?

How important do you consider the role of the school to be for children to establish and

maintain social skills?

Do you consider school to be the place for students to learn about their civic

responsibilities, their right to vote, and to learn about democracy and things like that?

Do you think that school is a place that provides students with equal chances to reach their

potential in life?

Is there anything we did not speak about which you would like to mention?

Page 228: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

218

Schéma d’entretien pour les professeures26

General questions

What was your motivation to become a teacher?

For how long have you been a teacher?

What has changed the most in the profession since you first started?

Have you been teaching elsewhere?

Would you like to give me a general overview of your school?

What‟s the general makeup of your students?

Board of trustees

Are you a member of the board of trustees at this school?

What is the makeup of the board of trustees at this school?

Do you think a board of trustees is an efficient way to run a school?

ERO

What do you think of the ERO visits?

Does ERO visit this school very often?

Zone/choice

Is your school zoned?

Do you have a lot of children from outside the zone?

Do you think it‟s important that parents be able to choose the school where they send their

children?

Overseas students

Do you have children from overseas who study here this year?

How much do those overseas children have to pay to study here?

Donations/fees

Can you tell me how much of a donation is proposed for parents to give to the school, and

do they have to pay a fee as well?

Do many parents actually pay this donation?

26

Le féminin est ici employé puisque les personnes interviewées dans cette catégorie sont toutes des femmes.

Page 229: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

219

New national curriculum

What do you think of the new curriculum?

How is the implementation of the new curriculum getting on so far at your school?

Have teachers been invited by the government to participate in the elaboration of the new

curriculum?

If you could change something in the curriculum, what would it be?

Culture, identity, territory

Do you teach some aspect of the Maori culture in class?

Do you feel comfortable teaching those subjects?

I would like to know what the children learn about New Zealand history, geography and

New Zealand culture in general at your school?

Do you think New Zealand history and cultural studies have enough place at school?

National standards

What is your point of view about the implementation of national standards in primary

schools?

How is this implementation getting on at your school?

Others

What, for you, is the main function of education?

Are you satisfied with the level of involvement of the majority of the parents?

How important do you consider the role of the school to be for children to establish and

maintain social skills?

Do you consider school to be the place for students to learn about their civic

responsibilities, their right to vote, and to learn about democracy and things like that?

Do you think the school is a place that provides students with equal chances to reach their

potential in life?

Is there anything we did not speak about that you would like to mention?

Page 230: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

220

Schéma d’entretien pour les directrices27

General questions

What was your motivation to become a principal?

How long have you been a principal for?

Have you been a principal elsewhere or have you always been a principal here?

Would you like to give me a general overview of your school?

What‟s the general makeup of your students?

Board of trustees

What is the makeup of the board of trustees at this school?

Do you think a board of trustees is an efficient way to run a school?

When is your next board of trustees meeting, and do you think I could attend?

ERO

What do you think of the ERO visits?

Does ERO visit this school very often?

Zone/choice

Is your school zoned?

Do you have a lot of children from outside the zone?

Do you think it‟s important that parents be able to choose the school where they send their

children?

Overseas students

Do you have children from overseas who study here this year?

How much do those overseas children have to pay to study here?

Donations/fees

Can you tell me how much of a donation is proposed for parents to give to the school, and

do they have to pay a fee as well?

Do many parents actually pay this donation?

New national curriculum

What do you think of the new curriculum?

27

Le féminin est ici employé puisque les personnes interviewées dans cette catégorie sont toutes des femmes.

Page 231: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

221

How is the implementation of the new curriculum getting on so far at your school?

Have teachers and principals been invited by the government to participate in the

elaboration of the new curriculum?

If you could change something in the curriculum, what would it be?

Culture, identity, territory

Do you teach some aspect of the Maori culture in class?

I would like to know what the children learn about New Zealand history, geography and

New Zealand culture in general at your school?

Do you think New Zealand history and cultural studies have enough place at school?

National standards

What is your point of view about the implementation of national standards in primary

schools?

How is this implementation getting on at your school?

Others

What, for you, is the main function of education?

Are you satisfied with the level of involvement of the majority of the parents?

How important do you consider the role of the school to be for children to establish and

maintain social skills?

Do you consider school to be the place for students to learn about their civic

responsibilities, their right to vote, and to learn about democracy and things like that?

Do you think the school is a place that provides students with equal chances to reach their

potential in life?

Is there anything we did not speak about that you would like to mention?

Page 232: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

222

Schéma d’entretien pour les employés de NZQA

General questions

What requirement/objective does NZQA fulfil?

How does NZQA fulfil that requirement/objective?

What methodologies are employed?

Are NZ qualifications/standards compared with overseas equivalents?

Does “qualifications” include all standards and testing, or does other assessment (nationally

or locally) occur inside NZ schools that is not overseen by NZQA?

What is NZQA‟s role in the evolution of NZ qualifications?

What is NZQA‟s role in the assessment of NZ qualifications? (Ie. how are examinations

managed, what controls are used to ensure consistency, etc?)

Do you know how many people work at NZQA?

Can you give me a resume of the more meaningful changes that have occurred in the

assessment in NZ public schools over the last 20 years?

Do you think the changes that have occurred in assessments over the last 20 years were

influenced by international structures like the OECD, WTO, UNESCO, etc.?

How well do you think New Zealand‟s education system is positioned relative to other

school systems around the world?

The design and the purpose of the standards system at high school

Why did the government decide to implement the standards system for high schools?

Did the NZQA look at what is done overseas when determining the standards here in New

Zealand?

Are the standards designed to meet the need of the overseas students?

Were teachers involved in the design of the standards?

Was the private sector involved in the design of the standards?

In general, do you think those qualifications meet the demands of the employment market?

The operation of the standards in high school

Is there anything to help students work out which standards to take in order to meet the

requirements for the academic path they wish to follow?

Do all high schools provide the opportunity to students to choose those standards which

lead to university?

Are standards assessed by national exams or internal ones?

How can teachers judge if the kids have achieved a standard when they are internally

assessed?

Do private schools follow the same standards?

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223

Since the implementation of the standards, are students who leave high school more

qualified now than before?

Has the standards approach to assess teenagers in high school managed to reduce in some

way the gaps between the achievement of students from low-income areas compared to

those of high-income areas?

The standards in primary school

Will the standards implemented in primary school be along the lines of the ones in high

school?

Do you think the implementation of the national standards at primary school will help more

students to achieve their level 1 at secondary school?

Is there anything we did not speak about which you would like to mention?

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224

Schéma d’entretien pour le représentant du curriculum au

ministère de l’Éducation

The curriculum design

Can you explain why the Ministry of Education decided to create a new curriculum?

Was the new curriculum designed to give more freedom to schools?

Was the new curriculum created to develop more diversity between school programs, and in

doing so, offer more choice for parents to decide which school their children should attend?

How many people were involved in the recent process of the development of the new

curriculum?

Was the private sector involved?

Did you have people from international organizations like UNESCO, OECD, or the WTO

involved in the process of the development of the new curriculum?

Was a special effort made in the design of the new curriculum to make it more flexible for

overseas students?

Do private schools have to follow the national curriculum?

The curriculum implementation

Who is responsible to determine the detail of the curriculum in each school?

Do those people receive help from the Ministry of education (in funds or training)?

The new curriculum and the question of identity

In the section about the “Vision” in the new curriculum document, under “Connected” you

mention “International citizens” (page 8). I was wondering what does that mean?

In the section about the “Principals” in the new curriculum document (page 9), it‟s written

that the new curriculum has to affirm the “NZ unique identity”, in practical terms how that

will be achieved?

In the section about the “Principals” in the new curriculum document (page 9) it‟s written;

“To acknowledge the Treaty of Waitangi.” And after that we have “cultural diversity”. Do

those two things have the same importance in the curriculum? Did you have comments

about that from any Maori groups?

Do you think with the way the curriculum has been designed, it‟s sufficient to be sure that

the principals of the Treaty will be applied at all schools?

Under the “Value” section in the new curriculum document (page 7), we find things like

“Equity”, “Excellence”, “Curiosity” but also “Diversity”. Can you explain to me how

diversity can be a value?

Do you think the new curriculum is better adapted to the reality of the increasingly global

world?

Do you think the new curriculum is sufficient to equip students with a good knowledge of

New Zealand history and geography?

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Do you think the flexibility the new curriculum offers could reduce in the long run what

New Zealand citizens share as common knowledge?

If you could change something in the curriculum, what would it be?

Implementation of the national standards in primary school

Did you know the national standards were going to be implemented in the near future when

you designed the new curriculum?

Do you think that national standards will help raise children‟s performance?

Others

What, for you, is the main function of education?

Do you think a board of trustees is an efficient way to run a school?

Do you think it‟s important that parents be able to choose the schools where they send their

children?

How important do you consider the role of the school to be for children to establish and

maintain social skills?

Do you consider school to be the place for students to learn about their civic

responsibilities, their right to vote, and to learn about democracy and things like that?

Do you think that school is a place that provides students with equal chances to reach their

potential in life?

Is there anything we did not speak about that you would like to mention?

Page 236: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

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Schéma d’entretien pour la représentante de NZEI

General questions

What was your motivation to work for NZEI?

Would you like to give me a general overview of your union?

New national curriculum

Did NZEI participate in the design of the new curriculum?

What do you think of the new curriculum?

Do teachers like to work with this new curriculum?

How is the implementation of the new curriculum getting on so far in schools?

Do you think the new curriculum is better adapted to the reality of the increasingly global

world?

Do you think the new curriculum is sufficient to equip students with a good knowledge of

New Zealand history and geography?

Do you think the flexibility the new curriculum offers could reduce in the long run what

New Zealand citizens share as common knowledge?

If you could change something in the curriculum, what would it be?

Maori culture

Do you think Maori culture has enough place in public education?

Do teachers have the right training, or a sufficient training, to correctly teach Maori culture?

ERO

What do you think of the ERO?

Do teachers seem to appreciate the ERO recommendations?

National standards

Can you explain to me why NZEI is against the implementation of the national standards in

primary school?

Are the majority of teachers and principals of your union against it as well?

What‟s happening now in the primary schools where your members work – are they

implementing the standards or not?

Do you think the present government is trying to attack teachers associations because they

would like to deunionise the profession?

Do you think the government will really implement a performance-pay system for teachers?

How are parents and teachers reacting to the NZEI campaign against the national standards,

are they interested?

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Others

What, for you, is the main function of education?

Do you think a board of trustees is an efficient way to run a school?

Do you think it‟s important that parents be able to choose the schools where they send their

children?

How important do you consider the role of the school to be for children to establish and

maintain social skills?

Do you consider school to be the place for students to learn about their civic

responsibilities, their right to vote, and to learn about democracy and things like that?

Do you think that school is a place that provides students with equal chances to reach their

potential in life?

Is there anything we did not speak about that you would like to mention?

Page 238: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

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Annexe F : Grille d’analyse

Fonction

économique

Formation continue

Éducation colonisée par l’économie : Remarque sur la place grandissante de

l‟économie dans le monde de l‟éducation. Commentaires portant sur la compétition,

l‟intervention du privé dans l‟orientation des qualifications, l‟ajustement du système

d‟éducation public aux exigences économiques.

Qualification, diplômes, examens : Concerne particulièrement les deux entrevues

menées avec les gens de NZQA sur le système de qualification néo-zélandais, regroupe

tout autre commentaire et point de vue portant sur le système de qualifications, les

diplômes et examens.

Les compétences clés

Nouveau curriculum national : Commentaires portant sur le développement, les

objectifs, l‟implantation, le fonctionnement et l‟acceptation des compétences clés.

Fonction de

maintien et de

légitimation de

l’ordre social

Décentralisation

ERO : Description du rôle d‟ERO et des visites de ses inspecteurs, opinion sur le

fonctionnement d‟ERO, ses plus et ses moins.

Comité d’administration scolaire : Descriptions et commentaires portant sur le

fonctionnement des comités, sur les problèmes et avantages qui y sont liés. Propos

portant sur les tâches qui reviennent aux membres, sur leur motivation et sur l‟influence

qu‟a la communauté sur ledit comité.

Décile : Ce qui concerne les déciles et les impacts que produit une telle organisation sur

les écoles. Les différents points de vue par rapport à ce système.

Zonage : Zone propre aux écoles des intervenants, questions relevant du zonage,

opinions, commentaires liés au zonage.

White Fly : Commentaire faisant référence à l‟exode des enfants blancs plus fortunés

vers les écoles de plus haut déciles, problèmes causés par ce phénomène.

Le choix du consommateur

Financement des écoles : Propos concernant la publicité que font les écoles pour attirer

la clientèle. Témoignages et commentaires portant sur les levées de fonds, les donations

et frais, leur nature obligatoire ou non, si les parents les payent ou les ignorent, de même

que leurs points de vue sur le sujet.

Choix du consommateur : Opinion sur l‟importance et la pertinence de pouvoir choisir

l‟école de son enfant. Perception face à l‟approche du consommateur-payeur.

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La méritocratie

Responsabilité face à la réussite scolaire/méritocratie : Points de vue des parents à

l‟égard de leur rôle dans l‟éducation de leurs enfants. Commentaires portant sur la

responsabilité parentale versus celle de l‟école et des professeurs en ce qui concerne la

réussite scolaire des élèves.

Maori et immigrants polynésiens, une autre vision de l’éducation : Opinions à

l‟endroit de l‟implication des parents d‟origine maori et polynésienne qui varient de

celle de la majorité. Commentaires portant sur le niveau de confiance envers le système

d‟enseignement et ceux qui y travaillent.

Fonction

citoyenne

L’école et la démocratie

Standards nationaux : Perceptions des parents et des différents acteurs du milieu sur le

sujet, satisfaction et optimisme, critiques et inquiétudes.

Transmettre les normes et des valeurs communes

Désencrage : Commentaires faisant état de la nouvelle réalité globale, citoyen du

monde, etc.

Géographie/histoire/identité nationales : Points de vue face à la place qu‟occupent à

l‟école les matières liées à l‟identité nationale et au territoire, questions faisant appel à

l‟éthos national.

Culture maori/biculturalisme : Commentaires portant sur la place qui est accordée à la

culture maori dans le système d‟enseignement de la majorité. Expériences vécues dans

les classes d‟immersion en te reo maori, commentaires témoignant de la difficulté de

cohabiter.

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Annexe G : New Zealand Curriculum

Page 241: IMPACTS DES RÉFORMES DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT NÉO ... · anthropologie puis de poursuivre celles-ci à la maîtrise puisque ce sont ses encouragements quotidiens de même que

231

Annexe H : Répartition ethnique selon les déciles pour

l’ensemble du pays

Réf : http://www.educationcounts.govt.nz/__data/assets/excel_doc/0011/71786/Roll-by-Decile-and-Ethnicity.xls

1

10

Decile

Number of students per ethnicity per decile