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E41SLMC - TD radio 1 I. Plan du Chapitre I 1. La radio, de l’invention aux propriétés du dispositif médiatique 1. De la diffusion à l’interactivité 1. L’invention : une vieille dame d’avant‐garde 2. Un enjeu de pouvoir 3. Les mutations du numérique 2. Propriétés différentielles et définitoires du dispositif radiophonique 2.1 Le son radio et l’oralité 2.2 La technologie 2. Les genres radiophoniques 2.1. Contraintes et évolution des formes radiophoniques 1. Média et demande sociale 2. Spécificités du formatage 3. Radio et foyer d’attention 2.2 Des genres ou des formats ? 1. Genres de discours et types de texte 2. Catégorisation et formations discursives 3. Formats et paradigmes journalistiques 4. Un exemple de paradigme journalistique : le cas de l’information radiophonique. 5. Typologie des séquences discursives radiophoniques 6. Attentes et anticipations 3. Parole radiophonique et infrastructure conversationnelle 3.2 Les entretiens publics radiodiffusés 1. Les formats institutionnels d’échange 2. Le public comme tiers 3.3 Typologie des entretiens publics 1. Les différentes formes d’interview 2. La forme débat

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I. Plan du Chapitre I  

1. La radio, de l’invention aux propriétés du dispositif médiatique 1. De la diffusion à l’interactivité 1. L’invention : une vieille dame d’avant‐garde 2. Un enjeu de pouvoir 3. Les mutations du numérique  2. Propriétés différentielles et définitoires du dispositif radiophonique 2.1 Le son radio et l’oralité 2.2 La technologie  

2. Les genres radiophoniques 2.1. Contraintes et évolution des formes radiophoniques 1. Média et demande sociale 2. Spécificités du formatage 3. Radio et foyer d’attention  

2.2 Des genres ou des formats ? 1. Genres de discours et types de texte 2. Catégorisation et formations discursives 3. Formats et paradigmes journalistiques 4. Un exemple de paradigme journalistique : le cas de l’information radiophonique.  5. Typologie des séquences discursives radiophoniques 6. Attentes et anticipations  

3. Parole radiophonique et infrastructure conversationnelle 3.2 Les entretiens publics radiodiffusés 1. Les formats institutionnels d’échange 2. Le public comme tiers 

3.3 Typologie des entretiens publics  1. Les différentes formes d’interview 2. La forme débat 

 

 

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I  La radio, de l’invention aux propriétés du dispositif médiatique 

 

Introduction Avec les supports graphiques, la radio‐diffusion constitue l’un des plus anciens médias de 

masse,  remarquable  par  ses  facultés  d’adaptation,  en  dépit  du  parfum  de  désuétude  et d’obsolescence qui l’accompagne parfois. De fait, la radio se caractérise jusqu’à ces dernières années  tant  par  la  mobilité  de  ses  usagers  que  par  l’évolution  de  ses  usages.  C’est  qu’au regard  des  autres  formes  d’expression  et  de  communication  médiatique,  le  discours radiophonique présente d’indéniables  spécificités qui  répondent  aux mutations  sociales  et culturelles. On avancera que ces propriétés reposent d’une part sur  la créativité historique d’un support  technique qui  tient  lieu de  canal de diffusion et, d’autre part,  sur  son  format proprement sonore. Le fait est que l’évolution technique des procédés de diffusion est allée de pair avec la modification des formes d’expression et de communication radiophoniques, toutes  deux  étant  indissociablement  reliées  aux  pratiques  et  aux  espaces  sociaux  de l’information, de la culture et du divertissement. Étudier les discours radiophoniques dans leurs manifestations récentes – ce qui constitue 

le  cœur  de  cet  enseignement –  invite  de  la  sorte  à  envisager  les  formes  de  production radiophoniques  (typologie  et  étude  de  certains  genres)  à  l’aide  des  outils  théoriques  de l’analyse  du  discours  (AD)  et  de  la  conversation  (AC) mais  également  en  relation  avec  un certain nombre de considérants socio‐techniques (analyse des usages) et les intentions plus ou moins explicitement affichées des acteurs médiatiques (formats de programmation, des cibles d’audience…).  

1. De la diffusion à l’interactivité Rappelons  tout  d’abord  que  la  radio  constitue  le  premier  vecteur  historique  de 

télédiffusion  de  masse.  Il  repose  sur  une  technologie  dont  l’évolution  récente  dans  les domaines numériques, de l’internet et de la mobilité semble pour l’heure relativement peu altérer  les  pratiques  et  la  fidélité  d’un  public  massivement  acquis  et  développé  quelques décennies  après  l’invention  elle‐même.  Nous  aurons  à  revenir  sur  ces  pratiques traditionnelles : non seulement elles procèdent du média lui‐même mais encore en jouent.  

Nous n’insisterons pas longuement sur l’origine et  l’histoire de la radio‐diffusion afin de ne pas alourdir les séances de td. Toutefois, un certain nombre de connaissances d’arrière‐plan sont utiles pour appréhender les productions de ce média1.  

1. L’invention : une vieille dame d’avant­garde La  radiodiffusion  (émission  d'informations  parlées  par  le  canal  d'ondes 

électromagnétiques) est  issue des découvertes  composites à quelques années d’intervalles de  plusieurs  physiciens  (Maxwell  pour  les  lois  sur  l’électromagnétisme  et  Hertz  pour  la transmission  des  ondes  radiolélectriques)  et  ingénieurs :  Ducretet  et  surtout Marconi,  qui réussit  en  1899  l’exploit  de  la  première  diffusion  de  messages  sonores  au‐dessus  de  la 

                                                        

1  Certains  documents  explicitatifs  sont  accessibles  en  annexe  sur  la  page  web  du  cours.  Les  références bibliographiques figurant sur le site et en fin de chaque volet apportent les compléments utiles.  

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Manche  par  ondes  hertziennes2.  La  technique  de  l’émission  radiodiffusée  est  ainsi contemporaine  du  téléphone  dont  on  pense  encore  à  l’époque  qu’il  n’est  destiné  qu’à l’écoute, à domicile, de pièces de théâtre ou d’œuvres d’opéra. La technique de radiodiffusion n’est, de son côté, absolument pas destinée au public mais  réservée à  l’émission réception alternée dans le cadre d’échanges institutionnels d’Etat (des armées, notamment).   

 

Evolution de la technologie [cf. séquence transparent 01 p. 2] ‐ des lois sur l’électromagnétisme (Maxwell) découverte        ‐ de la transmission des ondes radio électriques (Hertz) années 1890 

premières transmissions (Marconi, Ducretet) 

années 1920 premières stations commerciales 

 

à partir de 1945 développement de la FM   

 miniaturisation des récepteurs 1947 

invention du transistor    extension de la diffusion radio ‐ digital radio mondiale (DMD),  ‐ digital audio broadcasting (DAB), années 1990 

nouveaux modes numériques de diffusion radiophonique  ‐ internet 

En  novembre  1917,  survient  un  événement  qui  permet  de  dater  historiquement  la transformation de la technique de radiodiffusion sonore en média. Au cours de la Première Guerre Mondiale, la radio sert déjà en effet aux armées et à leur commandement de moyen de communication stratégique, donc marqué par la confidentialité et le secret militaires. Or, au début de la révolution russe, le gouvernement légal interrompt les liaisons téléphoniques et  fait détruire  les presses des  journaux – même de ceux qui  lui restent  fidèles pour éviter que  les  révolutionnaires  ne  s’en  emparent.  Du  coup,  le  croiseur Aurora,  unité  de  combat insurgée devient aussi une station radio, à partir de laquelle est lancé sur les ondes un appel massif à la contre‐offensive sous la direction du soviet de Petrograd.  

Cet épisode historique ouvre très vite à un rôle prééminant de média sonore, à  l’opposé de  sa destination  initiale : 1920 voit  la première  radiodiffusion d’une  campagne électorale présidentielle nord‐américaine (auprès de 50000 récepteurs), l’année suivante connaît celle d’un premier journal, depuis l’émetteur de la Tour Eiffel et la création de la BBC en Grande‐Bretagne. Cette place ne lui sera contestée par la télévision que dans les années 50.  

2. Un enjeu de pouvoir On peut dire que la radio a présidé aux grands événements des deux tiers du XXème s. Des 

appels  célèbres  y  ont  été  lancés  (De  Gaulle  en  juin  1940),  des  discours  fameux  y  ont  été tenus  (Malraux  au  Panthéon  sur  les  cendres  de  Jean  Moulin :  cf.  infra  en  annexe)  et l’idéologie des régimes de tous poils a pu y être distillée (Goebbels, le responsable nazi des affaires  culturelles,  appelait  les  Allemands  ne  disposant  pas  de  récepteur  à  ouvrir  les fenêtres pour mieux  s’imprégner de  la doxa hitlérienne diffusée par haut‐parleurs). On  se souvient de  l’antinomie célèbre Radio‐Paris VS Radio Londres dont  les  slogans sont  restés dans la mémoire collective (« Radio Paris ment, Radio Paris est Allemand », « ici Londres, les Français parlent aux Français »). On sait quel rôle fut le sien en 1968 : la radio privée Europe 1 n’a‐t‐elle pas été surnommée « radio Barricades », au motif qu’elle transmettait en direct les manifestations,  ce que ne goûtait guère  le pouvoir de  l’époque ? Ce dernier a d’ailleurs 

                                                        

2 En  réalité,  le véritable découvreur de  la  radiodiffusion est  l’infatigable et prolifique  ingénieur  serbe Nikola Tesla, véritable génie de l’électricité.   

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fait interdire l’usage des radios émettrices durant les événements de mai, jugeant les radios périphériques dangereuses pour l’ordre public avant de faire couper les fréquences des dites stations.  

Les  pouvoirs  politiques  comprennent  rapidement  l’enjeu  de  la  domestication  du média radiophonique : l’ubiquité de la réception et de la diffusion le rend comparable au téléphone, la diffusion auprès d’un vaste public de  récepteurs potentiels qui  choisissent  librement de devenir destinataires égale au moins l’offre éditoriale massive de l’écrit imprimé. De fait, la combinaison de l’instantanéité et de la diffusion, à domicile ou pas, auprès d’individus et/ou de  groupes  rassemblés  ou  dispersés  de  la  population  doit  permettre  à  la  propagande d’atteindre  une  audience  populaire  sans  précédent.  L’apparence  immatérielle  des  ondes hertziennes ajoute à la performance de la diffusion en direct.  

En France, dès  le départ,  les relations entre média et pouvoir vont se cristalliser autour d’une  longue  chaîne  de  décisions  liant  plus  ou moins  directement  la  radio  à  l’Etat  ou,  au contraire, la dissociant relativement de lui. Du statut de « liberté contrôlée » (1923) pour les chaînes  privées  à  la  tutelle  sous  l’ORTF,  puis  aux  organes  plus  récents  de  régulation,  les responsables politiques ont entretenu avec  la radio un rapport complexe pour y  imprimer leur  marque  ou  pour  se  soumettre  aux  formatages  de  sa  télé‐communication  publique. Certains modèles en sont  issus,  tels  le débat de confrontation ou  le  journal d’informations parlées : diffusé depuis l’émetteur de la Tour Eiffel à partir de 1925, ce dernier proposait en une dizaine de minutes le tour des événements de la semaine… sous la houlette du Ministère des PTT de l’époque, en charge de la radiodiffusion !  

Ce n’est que très tardivement, à partir de la deuxième moitié du XXème s. que la télévision commencera à concurrencer, pour le détrôner en termes d’audience, ce media princeps.  

3. Les mutations du numérique L’issue de ce rapport de défiance/méfiance a été relativement trouvée dans la multiplicité 

des acteurs. La diversité des formats et des agrégats a permis un redéploiement de l’activité radiophonique,  en  sortant  d’une  politique  de  programmation  « tout  généraliste »  par adaptation  à  la  diversité  des  publics  (c’est  le  cas  notamment  des  chaînes  à  vocation thématique et communautaires).   cf. fiche de travail annexe et transparent 01 diapos 3‐5 

La même souplesse paraît  s’être vérifiée également à  l’arrivée de  l’ère numérique et du web.  

Dès 1945,  la découverte des  transistors3  (qui,  par métonymie,  donneront  leur nom aux nouveaux postes de  réception) avait permis une miniaturisation des plus  rapides,  laquelle avait  à  son  tour  autorisé  en  quelques  décennies,  la  portabilité  des  récepteurs  et  donc  la mobilité des usagers. Depuis une décennie, des auditeurs en nombre croissant sont devenus des radionautes ou cyberauditeurs. Ces webauditeurs qui écoutent la radio par internet (dont beaucoup, dans un premier temps, sur leur lieu de travail) ont fleuri avec l’arrivée de l’ADSL dans les foyers. Il va de soi que, plus récemment, le podcasting, a encore accentué les usages d’écoute à la carte (principe sur lequel a été fondée Arte Radio en 2002). Comme l’indique le vocable  français  qui  désigne  cette  pratique,  la  baladodiffusion  permet  une  plus  grande mobilité  encore  des  auditeurs  qu’au  volant  de  leur  véhicule  par  exemple.  L’estimation Médiamétrie®  2007  évalue  les  webauditeurs  à  un  taux  de  13%.  Ces  nouveaux  publics induisent  naturellement  de  repenser  les  formats  traditionnels.  Nous  y  reviendrons  plus amplement.  Quoi  qu’il  en  soit,  on  ne  peut  que  constater  pour  ce média  déjà  relativement ancien, un succès qui ne se dément pas. Cela tient peut‐être à sa particularité fondamentale                                                         

3  Ces  composants  électroniques  sont  à  l’origine  des  micro‐processeurs  actuels :  sans  leur  invention, l’informatique n’aurait pas vu le jour. (cf. transparent p. 2).  

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qui reste de pouvoir s’adresser à chacun individuellement (la radiodiffusion dans des lieux publics devient assez peu fréquente : grande surface, animation promotionnelle sur un site, retransmission  sportive  en  l’absence  de  télédiffusion…)  tout  en  le  libérant  pour  d’autres activités (ce que la lecture ne permet guère !). De ce point de vue, les usages par rapport à la télévision se sont alignés sur ceux de la radio et non l’inverse. Le trop grand succès du média audiovisuel  et  de  l’image  trouve  du  reste  une  certaine  limite  que  les  plans  médias  des politiques et de leur conseillers en communication permettent de déceler : à trop banaliser leur  image et ne pas permettre une expression suffisamment développée dans  le  temps, si précieux à la télé, celle‐ci pousse ceux‐là, quand ils veulent faire l’événement à commencer leur parcours à la radio, dans le cadre d’un entretien plus fouillé, par exemple. Si elle reste le média de la réactivité et de l’urgence événementielle, la radio est aussi assurément celui du temps choisi, sinon, dans l’absolu, d’une décentration réflexive (assignée préférentiellement à l’écrit).  

2. Propriétés différentielles et définitoires du dispositif radiophonique 2.1 Le son radio et l’oralité À la fois matériau et support du dispositif radiophonique, le son (voix, musique, bruitage…) constitue  une  propriété  du média  lui‐même.  Inscrite  dans  une  tradition  orale,  dépourvue d’incarnation  (celle  des  corps  parlants),  la  radio  a  longtemps  été  délimitée  par  la construction d’univers strictement sonores. L’essor du numérique et d’internet présente de multiples  critères  d’une  profonde  altération  de  cette  réalité  qui  n’en  demeure  pas moins essentielle (Charaudeau 2005 : 87). En dépit du renvoi à la page de l’émission concernée sur le  site  web  de  la  chaîne  pour  accéder  à  des  documents  d’éclairage,  de  complément d’information,  des  coordonnées,  des  blogs,  des  forums,  chats  podcasts  et  autres téléchargements… l’attractivité pour le grain de la voix – et sans doute ce qu’elle représente d’intimiste et de sensuel– tient. On reste sensible, en effet, comme le souligne Charaudeau, à la « magie de la voix » liée à son omniprésence aux vertus fantasmatiques et des autres effets de  construction  sonores  radiophoniques. Ce qui  fait dire  à Mac Luhan  (1964 :  251) que  la radio  

« touche les gens dans leur intimité. C’est une relation de personne à personne, qui ouvre tout un monde de communication tacite entre l’auteur‐speaker et  l’auditeur. C’est  là  le côté direct de la radio. […] Des profondeurs  subliminales  de  la  radio  surgit  l’écho  résonnant  des  trompes  tribales  et  des  tambours antiques ». 

La voix (timbre, registre tonal, mélodie, intensité, attaque, accentuation, débit) procède de l’instauration et du maintien (ou non) d’une ambiance sonore. Celle‐ci porte d’autant plus directement sur la relation et la dimension affective via le canal auditif que les autres sens ne sont  pas  sollicités  au  sens  traditionnel  sauf,  évidemment  (et  c’est  ce  qui  continue  à  les animer) par le biais d’avatars stimulants. 

L’étude du discours radiophonique offre d’évidence à approfondir ces aspects vocaux, rapportés  à  la  dimension  interactionnelle  de  ce  dispositif  médiatique,  dimension  dont nous présenterons les attendus théoriques de façon détaillée à partir de la troisième section de cette partie du cours.  

2.2 La technologie Troisième  élément  du  dispositif  médiatique  selon  Charaudeau,  on  la  définira  comme organisatrice  de  l’interrelation  entre  les  composantes  du  matériau  et  du  support.  La technologie  de  la  prise  et  de  la  diffusion  du  son  repose  sur  des  principes  simples  et parfaitement  maîtrisés  au  fil  des  décennies.  Son  développement  n’a  fait  que  renforcer l’aptitude de la radio à la mobilité (micro et enregistreur suffisent à se rendre n’importe où) et toutes les facilités qu’offre le support (à une captation du signal aisée se sont adjoints les progrès  de  la  miniaturisation  puis,  assez  naturellement,  du  numérique,  comme  rappelé supra).  Comparée  à  la  presse  et  à  la  télévision,  la  radio  est  sans  doute  le  média  de  la 

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meilleure coïncidence des temps de l’événement et de l’écoute. Cela explique sans doute en grande partie son aptitude à relayer les grands événements du siècle passé4. On comprendra par  conséquent  qu’il  faille  constamment  garder  en  perspective  de  nos  analyses  la technologie comme une composante essentielle de ce média et notamment en relation avec les autres types de dispositifs médiatiques. Nous nous y efforcerons au fil du semestre.  

ACTIVITÉ : Écoute et examen d’extraits de discours radiodiffusés de Blum et de Malraux 

On peut accéder à l’intégralité des discours dont sont sont extraits les passages considérés sur le site de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Voici les liens correspondants : ‐ Léon Blum http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&from=tl__ogp_int_parcours&num_notice=1&id_notice=PHD85007846  

‐ André Malraux http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&from=collections&cs_page=0&cs_order=0&code=OGPPROG000201&num_notice=1&total_notices=7  

Extrait n° 1 : Blum_Luna Park_péroraison‐amplification 

Extrait n° 2 : Blum_Luna Park_péroraison‐récapitulation 

Extrait n°  3 : Malraux_Panthéon‐1 

Extrait n°  4 : Malraux_Panthéon‐2 

On  notera  en  particulier  le  format  d’allocution  avec  un  format  de  réception  à  la  fois  en présence du public et à distance des auditeurs derrière  leur poste. La solennité du propos souligne non seulement son caractère officiel mais encore sa gravité.  

a) LEON BLUM : Discours à Luna­Park (6 septembre 1936) Léon  Blum  s’adresse  à  ses  camarades  du  parti  socialiste  présents  lors  d’un  important meeting  syndical  mais  ses  propos  sont  aussi  destinés  à  l’ensemble  des  sympathisants  du Front  populaire,  et,  au‐delà,  au  peuple  français,  par  l’entremise  de  la  radio  des  PTT  (en charge  alors  de  ce  média).  On  relèvera  le  jeu  des  mouvements  d’approbation  par  huées, applaudissements,  slogans  (« Vive  Blum »),  réponses  projetées  et  attendues  (« OUI », « NON »,  « SI »)  amenés  par  les  mouvements  du  discours.  La  voix  tour  à  tour  assurée  ou chevrotante joue sur les vibratos et le marquage des jeux intonatifs en passant par la gamme des  accents  expressifs.  L’ethos  de  l’orateur  est  distinctement  campé  et  assumé  (il  en  joue explicitement)  au  compte  d’un message  politique  qui  se  veut  d’élucidation  d’une  prise  de position  ambiguë.  Il  passe  de  la  figure  d’un  camp  bien  déterminé  « président  de  la République  et  militant  socialiste »  s’adressant  à  ses  camarades,  à  celui  du  défenseur  de « l’intérêt  direct  et  national  de  la  France ».  « ce  que  je  vous  demande  ce  n’est  pas  votre attention du moment, ce que je vous demande, c’est tout à l’heure, ce soir ou demain votre réflexion  grave »  « en  cette  circonstance  grave  je  ne  demande  d’applaudissements  de personne  et  je  revendique  comme  un  droit  l’attention  de  tous ».  En  appui  sur  le  genre délibératif5,  l’orateur  met  en  balance  deux  positions :  celle  du  militant  socialiste  pressé d’aider  le peuple espagnol dans sa  lutte contre  le  franquisme et celle du responsable de  la 

                                                        

4 Et peut‐être, en partie,  la confiance qu’une majorité du public conserve à  l’information radiophonique, bien mieux évaluée que celle divulguée par les autres médias, y compris la presse écrite et internet. Cf. sur ce point, les dernières éditions du baromètre annuel de confiance dans les médias TNS Sofres‐Logica pour La Croix.  5  Il  s’agit,  depuis  la  typologie  d’Aristote,  d’une  forme  oratoire  qui  repose  sur  le  questionnement  d’un  thème  proposé  à l’auditoire, afin de permettre à l’orateur de mieux conseiller ce dernier. 

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Nation française, soucieux, au nom du pacifisme, de ne pas rompre un équilibre délicat dans le concert des nations, en cas d’intervention. Blum joue sur l’émotion tout en en appelant à la froideur du raisonnement, pour faire valoir l’argumentation en faveur d’un intérêt supérieur. Toutefois, il ne néglige pas de s’attirer les faveurs de la salle, en jouant sur l’axiologie et les valeurs  communes  « ah  j’ai  tout  ça  en moi  pour  l’oublier  jamais »  ou  encore  le  clin  d’œil malicieux « je suis un Français / car je suis un Français (rires) » [43:58]. Dans la péroraison, il  souligne verbalement une  image de soi qu’il  a  cherché à déployer  le  long de son exposé politique :  il  s’agit,  pour  asseoir  le  propos,  de  prendre  le  contrepied  d’un  reproche  ad hominem : manque de courage et manque de fidélité aux valeurs partagées avec la salle (celle du socialisme, en l’occurrence). Prenant sur sa personne la charge de l’argumentation, il en résume l’essentiel autour de l’image d’un chef politique qui vient reconquérir une confiance émiettée.  Cette  clôture  récapitulative  passe  par  l’affectif  et  le  doute  raisonnable.  La concession,  tout  classiquement,  annonce  l’expression  de  la  conviction.  En  dépit  d’une posture  difficile  à  tenir  et  du  chahut  qu’elle  suscite  dans  une  salle  de  militants  dont  le soutien  inconditionnel est acquis à  la  jeune république espagnole, Léon Blum prononce un discours  à  double  adresse  dont  le  salut  par  les  ovations  de  la  salle  et  le  chant  de l’Internationale en conclusion (ce qui peut sembler un comble dans un tel contexte) organise sa réception plus intime via  la radiodiffusion : entre harangue et simple allocution, il est en fin de compte destiné à rassurer un électorat populaire qu’il sait des plus réticents quant au contenu.  b) ANDRE MALRAUX : Discours au Panthéon pour le transfert des cendres de Jean Moulin (19 décembre 1964) André  Malraux,  au  nom  de  la  République  et  comme  ancien  compagnon  de  la  Libération accueille les cendres de Jean Moulin au Panthéon. S’adressant formellement au Président de la République (et  la symbolique est grande, au regard de  la personnalité de ce dernier) sa portée solennelle couvre la Nation tout entière pour ne pas dire l’humanité, pour mémoire, à travers les jeunes générations (« jeunesse de France »). Le ton édifiant se coule assurément dans un genre d’apparat,  réservé aux occasions solennelles depuis  l’Antiquité gréco‐latine. Le lyrisme classique du discours épidictique (en l’occurrence en hommage au héros martyr) prend  appui  sur  les  formes  de  l’oraison  funèbre :  l’amplification,  le  recours  à  l’exemple biographique et les formules ternaires traditionnelles (« C'est la marche funèbre des cendres que voici. A côté de celles de Carnot avec les soldats de l'an II, de celles de Victor Hugo avec Les Misérables,  de  celles  de  Jaurès  veillées  par  la  Justice,  qu'elles  reposent  avec  leur  long cortège d'ombres défigurées. ») servies par la voix si mémorable de l’écrivain qui livre là l’un des  discours  les  plus  enlevés  du  genre.  Le  bien‐dire  est,  en  l’occurrence,  sa  propre destination au service d’une exhortation patriotique.  

Au‐delà du  spectacle du  corps parlant de  l’orateur,  dont  la mise  en  scène vocale participe assurément,  c’est  le  pathos  suscité  qui  construit  en  retour  la  réponse  à  la  sollicitation unificatrice  (fédérer  les  consciences). Dans  les deux cas,  il  s’agit d’user de  la  radio comme simple  relais  de  la  tribune  publique  classique,  dont  le  format  rhétorico‐discursif  apparaît inchangé. Les lieux d’exercice de l’éloquence ne sont certes plus guère « la chaire, la tribune, le  barreau »6,  même  si  elle  s’y  éploie  encore.  Du  coup,  le  format  du  message  est  devenu relatif à l’évolution culturelle et sociale des mentalités. Il reste que le canal de la vocalité et du format allocutif massivement monologal (restreint, dans le cas du discours de Luna Park  aux auditeurs à distance : les spectateurs, eux manifestent leur comportement rétroactif).  

                                                        

6 J. Starobinski, Les lieux de mémoire, in P. Nora (dir.), La Nation, t. 2, Gallimard, 1986, p. 426 sqq. 

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Notices du site de l’INA  LEON BLUM : Discours à Luna­Park (6 septembre 1936) Grands discours historiques PTT ­ ­ 00h51m30s 6 septembre 1936 :  le gouvernement du Front Populaire a trois mois... Léon Blum est venu tout spécialement à Luna Park pour dissiper nombre de malentendu devant ses camarades de la Fédération de la Seine, et pour faire le bilan de son action depuis la victoire du Front Populaire aux élections législatives du mois de mai, ainsi que de son rôle de Président du Conseil au sein de ce gouvernement de coalition. Mais l'essentiel de ses explications portera sur l'attitude de son gouvernement en face d'une intervention possible de la France en faveur du gouvernement espagnol : "Camarades, je vous parle gravement, je le sais, je suis venu ici pour cela. Je sais bien ce que chacun de vous souhaite au fond de lui‐même. Je le sais très bien. Je le comprends très bien. Vous voudriez qu'on arrivât à une  situation  telle  que  les  livraisons  d'armes  puissent  être  faites  au  profit  du  gouvernement  régulier  et  ne puissent pas  l'être au profit des forces rebelles. Naturellement, vous désirez cela. Dans d'autres pays, on désire exactement  l'inverse.  Je  vous  le  répète,  c'est  bien  ce  que  vous  pensez,  j'ai  traduit  votre  pensée!  Mais,  vous comprenez  également  qu'ailleurs  on  veuille  agir  de  telle  sorte  que  les  rebelles  soient  munis  sans  que  le gouvernement régulier reçoive quelque chose. Alors, à moins de faire triompher la rigueur du droit international par  la  force  et  à  moins  aussi  que  l'égalité  même  sur  le  plan  du  droit  international  ne  soit  réétablie  par  la reconnaissance  de  fait,  alors?  Devant  quelle  situation  se  trouve‐t‐on?  N'espérez  dans  la  possibilité  d'aucune combinaison  qui,  sur  le  plan  européen,  permette  d'assister  les  uns,  sans  qu'on  assiste  par  contre  les  autres..." (51'30")   ANDRE MALRAUX :  Discours au Panthéon pour le transfert des cendres de Jean Moulin (19 décembre 1964) Grands discours historiques ORTF ­ 19/12/1964 ­ 00h44m54s  Cérémonie du transfert des cendres de Jean MOULIN au Panthéon. Emission spéciale de l'ORTF, retransmise sur France Inter le 19 décembre 1964. Reportage de Robert PIETRI au Panthéon où Charles De GAULLE vient d'arriver, accueilli par Jacques CHABAN DELMAS; André MALRAUX, ministre d'Etat, chargé des affaires culturelles, prend la parole,  et  retrace  le  long parcours de  Jean MOULIN au  sein de  la Résistance...(...)  (  à 20'50  :)  " Comme Leclerc entra aux Invalides avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi, et même, ce qui est peut‐être plus atroce, en ayant parlé, avec tous  les rayés et tous  les tondus des camps de concentration, avec  le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses; avec les huit mille françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres; entre avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elles, nos frères dans l'ordre de la Nuit. Commémorant l'anniversaire de la Libération de Paris, je disais, écoute ce soir, jeunesse de mon pays, ces cloches d'anniversaire qui sonneront comme celles d'il y a quatorze ans. Puisses‐tu cette fois les entendre, elles vont sonner pour toi." "L'hommage  d'aujourd'hui  n'appelle  que  le  chant  qui  va  s'élever  maintenant,  ce  chant  des  partisans  que  j'ai entendu murmurer  comme  un  chant  de  complicité,  puis  psalmodier  dans  le  brouillard  des  Vosges  et  des  bois d'Alsace, mêlé au cri perdu des moutons des tabors, quand les bazookas de Corrèze avançaient à la rencontre des chars de Rundstedt lancés de nouveau contre Strasbourg. Ecoute aujourd'hui, jeunesse de France ce qui fut pour nous  le  chant  du malheur.  C'est  la marche  funèbre  des  cendres  que  voici.  A  côté  de  celles  de  Carnot  avec  les soldats de l'an II, de celles de Victor Hugo avec Les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu'elles reposent  avec  leur  long  cortège  d'ombres  défigurées.  Aujourd'hui,  jeunesse,  puisses‐tu  penser  à  cet  homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face  informe du dernier  jour, de ses  lèvres qui n'avaient pas parlé; ce jour là, elle était le visage de la France"...(45')     

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 2. Les genres radiophoniques 

Introduction Jusqu’à  ces  dernières  années,  la  radio  a  sans  doute  constitué  le  moyen  technologique  de diffusion  le  plus  répandu  et  le  plus  populaire  dans  le monde  depuis  son  développement, dans les années 1920. Son statut présente toutefois des aspects disparates, d’un continent et d’un  pays  à  l’autre,  selon  les  rapports  historiques  de  préséance  et  d’antériorité7  de développement  de  masse  entretenu  avec  les  autres  médias :  presse  écrite,  télévision, internet…  

D’abord  instrumentalisée  directement  par  les  pouvoirs  politiques,  selon  des  formes  très traditionnelles,  comme on vient de  le voir,  la  radio n’a cessé d’être un organe de diffusion associé  à  toutes  formes  d’intervention  sociale  et  politique.  Ses  propriétés  mêmes  en  ont toutefois fait aussi un média de contre‐pouvoir, ou en cas de changement de gouvernement, de régime, voire de mouvements révolutionnaires, un enjeu dans la marche pour la prise du pouvoir.  Elle  s’est  donc  assez  naturellement  coulée  dans  les  mutations  collectives,  les anticipant parfois.  

2.1. Contraintes et évolution des formes radiophoniques 1. Média et demande sociale Comme on l’a souligné précédemment, le média radio a constitué un laboratoire permanent de recyclage de formes traditionnelles pérennisées et d’innovation dans des formes inédites. Ainsi,  la  demande  sociale  a  sans  doute  ainsi  été  largement  amplifiée  dans  le  cas  des émissions‐confidences inaugurée en France par Ménie Grégoire et dont le succès populaire ne s’est jamais démenti par la suite. Appuyée sur l’introduction du téléphone et du lien avec l’auditeur dans les studios de diffusion8, ce type d’émission joue, d’emblée, sur l’interactivité et  la  dimension  affective  du média  évoquée  dans  le  précédent  chapitre.  Le mélange  peut paraître détonnant : d’un côté, le bricolage par addition des technologies de communication à  distance  (« filistes »  et  « sans‐filistes »,  disait‐on  aux  débuts  de  ces  deux  médias concurrents  pour  en  qualifier  les  utilisateurs  respectifs)  et  de,  l’autre,  le  rapprochement consensuel  des  ressentis  dans  une  oscillation  jamais  résolue  entre  chaleur  humaine  et mièvrerie.  C’est  pourtant  sur  des  paradoxes  de  ce  type  que  repose  la  rencontre  avec  une audience massive.  

– Avec  les  jeux  vocaux,  sur  lesquels  nous  reviendrons,  la  programmation  de  telles émissions  la  nuit,  favorise  évidemment  l’expression  de  la  sensualité  et  du  discours intimiste : le public concerné est marqué par la solitude, rompue par le poste de radio et  le  téléphone.  Cette  première  publicisation  des  affects  conduira  plus  ou  moins directement  aux  avatars  de  la  télé‐réalité  et  participe  déjà  de  l’illusion  de  la transparence (Charaudeau). Elle tient cependant sa force de la garantie de l’anonymat par l’absence d’image, là où le floutage télévisuel demeure contre‐nature, pour ne pas dire contre‐productif.  

– Le risque du direct :  tous  les dérapages sont possibles et cette seule tension suffit à assurer une empathie  (ce  suspens  implique,  il  engage  l’auditeur  comme participant), garant de la fidélisation du public. Indéniablement, l’animatrice doit faire preuve d’un certain  talent  de  communication :  sous  les  stéréotypes  psychologisants  mais 

                                                        

7 La situation est contrastée, en effet dans la mesure où certains pays n’ont eu accès, par exemple, à une véritable presse écrite de masse qu’après avoir connu le stade de la radiodiffusion. 

8 Association utilisée au départ pour les jeux radio‐diffusés. 

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fédérateurs,  la  suavité  rassurante  de  la  voix  féminine  porte  rien  moins  que  la médiation affective d’une époque et d’une culture.  

Ce type d’émission a véritablement contribué à faire du média radiophonique un important vecteur de communication. Il en illustre assurément à la fois la créativité et les limites. On ne saurait, dans ce cadre, nier l’impact social et culturel9 de la radio, au‐delà de sa contribution à  la  vie  politique  déjà  observé.  Elle montre  en  tout  cas  à  quel  point  ce média  excède  les catégories  traditionnelles  de  l’information  et  du  divertissement,  tout  en  les  recyclant  en partie.  Elle  ouvre  aussi  à  un  univers  de  prestation  de  service  qui  combine  fidélisation  de l’audience  et  recherche  de  clientèle  pour  des  groupes  économiques  dont  la  stratégie commerciale passe par l’occupation des ondes et d’internet.  

Exemple : cf. extrait de la page web de RMC : http://www.rmc.fr/  

[cf. transparent séance 2, pages 1 et 2] 

 

 

 

 

 

 

   http://www.rmc.fr/systemeBourdin/  

2. Spécificités du formatage Si  l’on  compare  donc  aux  autres  médias  d’information  (notion  à  laquelle  est  liée historiquement  la  radio), des contraintes universelles,  relevant de sa  technologie – comme nous  l’avons  relevé  lors  de  la  dernière  séance –,  en  font  toutefois,  au  départ,  un  média spécifique. Ces spécificités ont, petit à petit, développé un véritable reformatage à la fois de la réception et de la production du discours d’information médiatique. Ainsi, entre la lecture qui procède  soit  séquentiellement  soit  par  sélection des  titres  sur  la page d’un  journal  ou d’un magazine, et l’audition d’un bulletin radiophonique, l’introduction de la programmation par flux a été introduite. Reprise et amplifiée par la télévision, ce principe de fonctionnement strictement  séquentiel  de  l’information  est  certes  largement  amendé  par  la  survenue  des nouvelles technologies et des formes interactives de navigation dans les données supportées par  le  numérique  (cas  de  la  télévision  thématique  ou  des  dvd)  et  internet  (possibilité  de réécoute à  la demande ou de baladodiffusion). En son principe,  la programmation par  flux n’en a pas moins profondément conditionné  les  comportements en amont et en aval de  la diffusion.  

Exercice :  Dans  les  quelques  exemples  à  écouter,  situez  l’émission  tendanciellement  dans  la  grille typologique de Charaudeau [cf. transparent : pages 3 et 4] :  ‐Les  Rendez‐Vous d'Europe 1  soir  ‐  12_12 :  « les mots  de  la  crise »  (cf.  comparaison  avec  le  site  de médiascopie) [analyse de la gestion du problème] 

                                                        

9 Au reste, émissions littéraires (comme Le masque et la plume, musicales (Carrefour de l’Odéon) ou historiques (Les  jeudis de  l’Histoire) ont connu et connaissent encore parfois de  francs succès, quelque peu dilués par  les ciblages plus fins de chaînes thématiques. 

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http://mediascopie.fr/article/67 ‐ le système Bourdin (01‐12‐2008) :  ‐ entretien Albanel (rythmicité) ‐ l’introduction d’un cours du collège de France : Roger Chartier : « circulation textuelles et pratiques culturelles dans l’Europe moderne (XVIème‐XVIIème siècles) ‐ Cardenio »‐ 1er cours – partie 1 ‐ un journal incluant reportage, etc.  

3. Radio et foyer d’attention  Les  tendances  se  distribuent  entre  l’insistance  sur  le  flux  et  sur  les  points  réguliers  de rendez‐vous d’une part,  et  entre des  formats de programmation  à  vocation  généraliste  ou thématique  plus  ou  moins  marqués.  Cette  répartition  procède  consubstantiellement  de l’histoire de la technologie et des usages sociaux en matière de ce qu’il faut bien appeler la consommation médiatique.  

Nous avons rappelé que le succès de la radio avait tenu d’abord à sa souplesse, sa portabilité, sa  facilité  d’utilisation.  Ces  qualité  permettent  concrètement  à  un  auditeur  de  se  livrer  à d’autres activités  tout  en écoutant  son poste  (ou  son ordinateur) ou  son baladeur.  Il  a  été observé  que  la  multiplication  de  l’activité  favorisait  la  dispersion  de  l’attention,  pour l’éloigner  presque  intégralement,  passée  la  dizaine  de  minutes.  Pour  compenser  cette dernière,  les  opérateurs  de  radio  ont  proposé  (puis,  de  fait,  imposé)  une  structuration rythmique de la programmation que l’on retrouvera à divers niveaux : 

‐ de  la  cible  (programme  dit  de  flux,  de  rendez‐vous,  programme  généraliste  ou thématique) ; 

‐ de  la  grille  (chroniques,  magazines,  journaux,  talk­shows,  phone­in,  interviews  et entretiens…) 

‐ de  l’émission  (séquences  titres,  reportage,  interview,  etc.  dans  un  journal,  de  la chronique  ciné  ou  du  découpage  dans  le  traitement  d’un  dossier  dans  les  diverses émissions du type magazine…) ; 

‐ de la ponctuation sonore (alternance musique, voix, jingle10)  ‐ de l’alternance de tour dans les interactions verbales (on annonce toute personne qui 

prend  la  parole :  animateurs  et  journalistes,  experts  et  autres  invités  ou  encore auditeurs par téléphone. 

‐ dans l’alternance de rôle énonciatif à l’intérieur d’un même tour de parole (tonalités formalisation  stylistiques  de  l’expression,  discours  rapporté,  système  d’adressage, etc.). 

Enfin des minutages stricts sont afférents à ces pratiques. Bien qu’initialement  induits à  la gestion des bandes de fréquence et aux autorisations d’émettre sur des plages horaires bien déterminées, ils doivent être reliés aux autres contraintes de l’offre globale : 

‐ d’un côté,  les mécanismes de concurrence économique (en relation, pour  l’essentiel, aux  parts  d’audience  corrélées  aux  tarifs  publicitaires)  contraignent  la  gestion  de l’offre simultanée de chaque chaîne. Le développement des programmes thématiques puis  la mise à disposition des données à  la demande  induit peu à peu de nouvelles tendances  en  ce  domaine.  Les  zappettes  télévisuelles  ou  les  boutons  de préprogrammation  ont  pris  en  charge  technologiquement  l’activité  pratique  des auditeurs‐consommateurs de programme. 

‐ D’autre part, la gestion publique et institutionnelle des domaines de l’information, de la  culture  et  de  la  communication  impose,  via  des  instances  de  régulation  des programmes,  un  certain  nombre  de  critères  en  vue  du  contrôle  des  droits  et  des 

                                                        

10  On  notera  que  la  relation  entre  musique  et  parole  radiodiffusées  s’est  modifiée  au  fil  de  l’évolution  de l’industrie  du  disque.  D’un  autre  côté,  ce  rapport  n’est  pas  universel,  l’intrication  entre  les  deux    est,  par exemple, moins marqué pour les radios françaises que pour celles du continent africain (cf. Tudesq 1984 : 14).  

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devoirs  de  chaque  opérateur  d’un  pays  donné  ou  d’un  regroupement  international (cas de l’Union européenne, par exemple). De l’autorisation d’émettre à la charte des programmes  en  passant  par  l’allocation  d’une  bande  de  fréquence,  un  jeu d’obligations réglementaires contribue donc à organiser par voie de conséquence  le formatage de la réception.  

2.2 Des genres ou des formats ? 1. Genres de discours et types de texte La  question  des  genres  est  récurrente  en  analyse  du  discours.  Due  à  Aristote  et  à  sa circulation  en  poétique,  en  rhétorique  puis  dans  les  études  littéraires  et  folkloriques,  la notion de genre connaît une bonne fortune culturelle depuis près de 2400 ans. Le délibératif, le  judiciaire  et  l’épidictique  (discours  de  démonstration)  sont  les  trois  genres  oratoires antiques11. Avant d’être proprement liée à l’écrit littéraire, la notion concerne donc d’abord, centralement,  l’oralité.  Ce  n’est  qu’édulcorée  au  fil  de  la  tradition  critique  qui  a  porté massivement et préférentiellement sur l’écrit, qu’elle a nécessité une subdivision en types de textes.  C’est  au  linguiste  russe  Bakhtine  que  l’on  doit  l’introduction  de  la  notion  en linguistique : 

Les formes de  langue et  formes types d’énoncé, c’est‐à‐dire  les genres du discours, s’introduisent dans notre  expérience  et  dans  notre  conscience  conjointement  et  sans  que  leur  corrélation  étroite  soit rompue.  Apprendre  à  parler  c’est  apprendre  à  structurer  des  énoncés  (parce  que  nous  parlons  par énoncés  et  non  propositions  isolées  et,  encore moins,  bien  entendu,  par mots  isolées).  Les  genres  du discours  organisent  notre  parole  de  la  même  façon  que  l’organisent  les  formes  grammaticales (syntaxiques). (Bakhtine 1953/1984 : 285) 

Les  genres  de  discours  s’adaptent  par  ailleurs  à  l’évolution  des  formes  sociales  et communicationnelles.  Ils  relèvent  à  ce  titre  d’horizons  et  de  compétences  partagées.  Cela vaut  pour  la  représentation  des  connaissances  et  leurs  formes  ainsi  que  pour  les  règles permettant de les interpréter. C’est ce que l’on appelle la catégorisation.  

Dans un sens  large,  la notion de genre discursif  recouvre des catégorisations communes à l’ensemble des médias (on pourrait en dire autant des domaines artistiques et littéraires). À un échelon inférieur, les supports médiatiques respécifient les genres en autant de formats discursifs. Même si l’entreprise s’avère ardue et relativement stérile, on peut chercher, dans un  premier  temps,  à  dégager  de  tels  invariants  afin  de  comprendre  les  tendances.  Dans l’esprit de la démarche annoncée plus haut on rapprochera pour cela l’idée de genre de deux notions proches : celles de formations discursives et de paradigmes journalistiques. 

2. Catégorisation et formations discursives La notion de formation discursive peut‐être ici appliquée à la production médiatique. On doit ce concept (sous la forme d’une hypothèse de travail) au philosophe Michel Foucault (1963) qui y voit un ensemble de régularités formelles dans l’énonciation (type, ordre, corrélations, fonctionnements,  transformations  de  structures…)  et  de  récurrences  de  contenu  dans  ces familles d’énoncés  formellement  repérées  (choix de  thèmes,  objets,  usages de  concepts…). Ces  régularités  répondent  à  la  multiplicité  des  possibles  quand  on  constate  de  tels fonctionnements  structurant,  formant  les  discours  selon  certaines  modalités.  Les  formes médiatiques semblent particulièrement s’offrir à de telles formations discursives. C’est que la souplesse du concept se prête notablement à la très grande variété des fonctionnements du  discours  journalistique,  au  sein  d’un  ensemble  plus  complexe  encore  de  formes médiatiques. Celles‐ci combinent en effet la diversité des valeurs qui traversent la société à travers, notamment (mais non seulement)  les énoncés médiatiques  . En d’autres termes,  le 

                                                        11 Cf. Aristote, Rhétorique, Livre I, III, 1358b, : La délibération comprend l'exhortation et la dissuasion. (…) La cause  judiciaire  comprend  l'accusation  et  la  défense  :  (…)  Quant  au  démonstratif,  il  comprend  l'éloge  et  le blâme ». 

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journalisme, par ce qu’il dit, rend compte à la fois en partie du monde « extérieur » (on parle à  ce  titre de « miroir »  social)  et de  ses propres procédures pour dire  ce monde  (dont,  en particulier,  sa  propre  vision).  Ainsi,  si  une  certaine  hiérarchie  intervient,  au  titre, notamment, de méthode pratique pour égrener le fil des informations (le plus souvent dans l’urgence,  au  reste),  celles‐ci  n’en  demeurent  pas moins  d’une  très  grande  diversité,  dans leur teneur, même si tout l’effort journalistique réside dans cette tentative de classement et de rubriquage (brève, scoop, marronnier, etc.). Avec  les sociologues des médias Ringoot et Utard, 

«  On  définira  donc  la  formation  discursive  journalistique  comme  un  foyer  de  tension  entre  ordre  et dispersion.  Ordre  et  dispersion  des  informations,  des  énonciations  et  des  stratégies.  Cette  notion  de dispersion permet de penser l'hétéronomie du journalisme comme constitutive et intrinsèque. (...) Si l'on reconnaît un ordre de discours journalistique, on reconnaît aussi une dispersion extra‐discursive. (...) » ((2005, 42‐43)) 

3. Formats et paradigmes journalistiques Si l’on essaie d’observer les catégories du point de vue des acteurs sociaux engagés dans les mécanismes  de  production  médiatique  (en  d’autres  termes,  journalistes,  animateurs, producteurs,  etc.),  on  s’aperçoit  qu’elles  correspondent  à  la  fois  à  des  pratiques  établies selon  les  critères  professionnels  et  à  des  visées  spécifiques  aux  divers  agents  concernés selon  leur  rôle  au  sein  de  l’instance  médiatique  elle‐même.  Ainsi,  un  réalisateur,  un journaliste,  un  artiste  invité,  un  expert,  un  responsable  de  service,  etc.  n’accorde  pas  la même signification à une émission donnée, comme le souligne Tudesq (1984 : 12)12. C’est à ce  titre  qu’on  peut  parler  avec  les  sociologues  des médias,  de paradigme  journalistique.  Il s’agit  là,  du  point  de  vue  des  agents  sociaux  de  l’univers  médiatique  d’un  ensemble  de méthodes  ordonnées  plus  ou  moins  implicitement,  éprouvées  par  l’expérience  des  pairs, transmises  par  eux  soit  empiriquement  soit  dans  les  écoles  de  journalisme.  Pour  les spécialistes du travail journalistique Charron et de Bonville, on peut y voir, proprement :  

«  un  système  normatif  engendré  par  une  pratique  fondée  sur  l'exemple  et  l'imitation,  constitué  de postulats, de schémas d'interprétation, de valeurs et de modèles exemplaires auxquels s'identifient et se réfèrent  les  membres  d'une  communauté  journalistique  dans  un  cadre  spatio‐temporel  donné,  qui soudent  l'appartenance  à  la  communauté  et  servent  à  légitimer  la pratique  »  (Charron  et  de Bonville, 2004, 36) 

On peut ainsi tenir ce paradigme journalistique pour un ensemble de formations discursives médiatiques  reposant  sur  des modèles  plus  ou moins  empiriques,  leur  reproduction,  leur rattachement  à  un  système  de  valeurs  et  à  la  reconnaissance  professionnelle  du milieu  y afférant. 

4. Un exemple de paradigme journalistique : le cas de l’information radiophonique.  Les  genres  et  le  paradigme  journalistique  sont  intrinsèquement  liés.  Au  principe  de l’information  journalistique, émergent deux grandes catégories d’activité professionnelles : d’une  part  la  quête  de  l’information  pertinente,  d’autre  part  son  traitement  qui  inclut  un certain nombre d’opérations de manipulation des données recueillies de transformation, de mise en scène, d’écriture, de mise en lisibilité en vue de la diffusion. La radio fonctionne sur les  mêmes  standards.  Selon  la  teneur  des  traitements  opérés  aux  fins  décidées,  la compétence professionnelle (du paradigme médiatique) reposera sur la maîtrise à la fois des formats à produire et des sources. Or les modalités d’obtention des informations à restituer dans  les  genres  discursifs  correspondants  se  déploient  elles‐mêmes  dans  le  cadre  des méthodes permettant de les mettre au jour : en d’autres termes, en tant que genres­produits plus ou moins stabilisés et  formalisés,  l’interview,  le reportage,  le compte‐rendu ou encore                                                         

12 Lequel ajoute, à juste titre : « pour le producteur, l’émission répond à une intention dotée d’une forme et d’un contenu ; pour l’auditeur, elle est perçue, « ressentie ». 

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l’enquête  constituent  aussi  des  formats  de  production  de  l’information  radiophonique13. Nous y reviendrons au cours d’une prochaine séance.  

5. Typologie des séquences discursives radiophoniques Comme on voit, il est assez complexe de parler de genre de discours si l’on entend y associer des  formes  bien  définies.  Nous  parlerons  plutôt  de  séquentialité  discursive,  c’est‐à‐dire incluant  des  séquences  orales,  pour  le  cas  qui  nous  occupe,  composantes  ou  unités  de  la production de types plus larges. Il sera ainsi possible de dégager quelques structures de base dont  le  figement  par  sédimentation  (usage  historique  banalisé)  procède  de  la  notion  de « style ». Il est, par ailleurs, des cadres, plus essentiels, mais dont l’usage plus souple relève des pratiques situées, à toutes fins pratiques. Les uns et les autres seront à relier aux formats de production auxquels ils sont contextuellement associés. On peut d’ailleurs s’appuyer en ce domaine  sur  la  double  face  de  la  notion  de  discours :  activité  sociale  (niveau macro)  et phénomène linguistique (micro). 

La typologie des genres radiophoniques même envisagée dans un sens large, repose, donc à la  fois  sur  ce  double  critère  de  pratique  sociale  située  et  de  formes  énonciatives.  Cela explique  que  des  « styles »,  notamment  liés  à  la  gestion  de  la  voix,  puissent  se  retrouver comme  invariants  correspondant  à  certains  formats  d’émission.  Mais  ces  récurrences  en croisent d’autres : nous verrons qu’au‐delà des apparences ou de fausses évidences, il peut y avoir des types réguliers sous des formats radiophoniques divers.  

Les  genres  du  discours  sont,  de  fait,  évolutifs  et  adaptatifs,  aspects  qui  s’avère particulièrement  pertinent  dans  le  cas  du  paradigme  journalistique.  L’écoute  du  fichier sonore des discours de « Blum » et de « Malraux », montre bien que  le  format  traditionnel très  ancien  de  la  parole  publique  a  d’abord  été  strictement  transposé  aux  médias contemporains. Ceux‐ci ont supporté, du fait de leurs potentialités techniques, également de nouvelles  formes  et  l’évolution  des  usages  a  ensuite  produit  des  standards  imposant  de nouvelles  pratiques  discursives  à  la  vie  publique  (cf.,  par  exemple  les  clips  de  campagne électorale).  

Rappelons  que  nous  nous  assignons  aussi  d’aborder  les  points  de  convergence  entre  un paramétrage  « objectif »  ou,  plus  exactement  bâti  sur  des  critères  externes,  des  formats discursifs considérés et la réalité institutionnelle vécue au sein du processus de production de ces derniers. En d’autres termes, on croisera les points de vue professionnel (du côté de la production/  formatage  de  la  réception)  et  analytique  (formation  discursive,  séquentialité discursive,  format  de  production).  Ainsi,  le  découpage  imposé  par  le  médium  et  ses catégories économiques et culturelles a sa logique propre, dont les réalités constitutives sont relativement indépendantes. En conséquence, c’est à deux taxinomies et non à une seule que nous  serons  confrontés.  Plus  précisément,  nous  ne  manquerons  pas  en  particulier d’observer  d’éventuelles  zones  de  discordance  et  de  congruence  des  deux  modes  de classement.  

6. Attentes et anticipations Les  échanges  institutionnels  en  public  dont  relèvent  les  interactions  radiophoniques  sont bâties  sur  des  attentes  qu’elles  projettent  par  anticipation,  dans  une  dialectique  qui  allie préparation et improvisation des productions discursives.  

La sphère de l’événementialité publique amène à construire des formats dont la construction correspond à des attentes réelles et/ou supposée des récepteurs visée comme destinataires. On  rejoint  par  là  la  notion  de  contrat  de  communication  médiatique  développé  par  P.                                                         

13 L’étymologie ne nous rappelle‐t‐elle pas qu’informer signifie proprement mettre en forme en latin ? 

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Charaudeau  que  vous  connaissez  déjà  et  que  nous  aurons  l’occasion  d’expliciter.  En  voici, pour mémoire une figuration : 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le contrat d’information médiatique (d’après Charaudeau 2005 : 94) 

Précisons  toutefois  qu’il  faudra  se  garder  d’une  trop  grande  rigidité  dans  l’usage  d’un  tel modèle,  sous  peine  de  se  trouver  soumis  à  d’importants  contresens.  Analyser  ces productions  en  termes  de  discours  et  de  rencontres  sociales  suppose  en  effet  de  les appréhender  à  la  fois  comme  activités  sociales  orientées  à  des  fins  plus  ou  moins explicitement  définies  et  assumées  et  comme manifestations  communicatives  spécifiques, faisant  recours  au(x)  langage(s)  et  aux  codes  y  afférant.  En d’autres  termes  on  évoque  ici l’usage des formes verbales et non‐verbales qui supportent la production de sens (lesquelles délimitent  l’énoncé,  et  non  seulement  au  sens  purement  linguistique)  au  cours  de  leur accomplissement  et  non  en  tant  que  simples  produits  réifiés,  rigidifiés.  C’est  à  cette « infrastructure  conversationnelle  de  la  parole  publique »  radiophonique  (Brock  et  Relieu 1993) que nous consacrerons le prochain volet du cours.  

3. Parole radiophonique et infrastructure conversationnelle 

Introduction On  ne  saurait  penser  l’information  ou,  plus  simplement,  le  discours  médiatique  sans envisager  d’emblée  leur  dimension  communicationnelle.  D’abord  parce  que  si  les  médias existent  et  produisent  une  telle  offre  quotidienne  d’informations  cela  correspond évidemment  à  l’expression  voire  à  la  satisfaction de  besoins  sociaux  fondamentaux.  En  ce domaine,  on  sait  bien  que  d’importantes  dimensions  politiques,  économiques,  voire culturelles  traversent  la  vie  et  l’activité  des  divers  agrégats.  Laissons  cependant  pour l’instant  en  suspens  la  redoutable  question  de  savoir  si  l’offre  en  ce  domaine  crée  la demande ou est suscitée par elle. Parler d’intention de communication, que ce soit en termes de  contenus  ou  de  formes  produites  est  sans  doute  à  ce  stade  un  peu  imprudent  et manquerait  d’assises14.  Or  le  pilier  majeur  de  toute  communication  est  constitué  des fonctionnements réguliers mêmes qui régissent toute rencontre sociale. La communication médiatique met donc en relation une instance productrice (portée par les agents sociaux qui 

                                                        

14  Pour  ne  pas  évacuer  toute  idée  de  motivation,  on  préférera  opter  pour  la  notion  de  pulsion communicationnelle :  issue  de  l’école montpelliéraine  de  praxématique,  elle  repose  fondamentalement  sur  la conception psychanalytique du désir qui nous conduit à entrer en contact avec nos semblables… mais la notion pourrait  être  rapprochée  aussi  du  fameux  « on  ne  peut  pas  ne  pas  communiquer »  de Watzlawick  et  de  la pragmatique de la communication, bien éloignée de la précédente approche ! 

Contrat de communication (contrat de situation / contrat discursif)

Espace de stratégies Evénement Instance Nouvelle Instance Evénement brut interprété médiatique Evénement réceptrice interprété

construit

Processus de transformation

Processus de transaction

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proposent l’offre de diffusion) et un public récepteur. Bien entendu, au‐delà de l’apparence monologale – aspect sur lequel nous allons revenir infra – que revêt, la plupart du temps, la mise en relation considérée, il faut faire un effort de décentration théorique pour accepter de voir au fondement de toute activité médiatique, un phénomène foncièrement intersubjectif et  interactionnel.  Outre  que  cela  induise  que  la  délivrance  du  message  procède  d’un formatage  du  destinataire,  on  peut  également  en  inférer  toute  une  série  de  conséquences quant  à  l’activité  pratique  du  récepteur. D’un  côté,  donc,  les  intentions  de  l’émetteur  sont sans doute pour une part coulées dans les nécessités de l’image qu’il se fait de son audience et,  de  l’autre,  le  public,  à  commencer  par  les  entités  qui,  individuellement,  le  constituent, façonne sa réception du message médiatique, sur fond à la fois de référentialité mais encore de  ritualités  et  de  pratiques  sociales  situées  qui  criblent  quelque  peu  les  tensions  qui s’opèrent du côté de chacun des pôles de l’émission et de la réception.  

3.1 Le discours radiophonique : entre dimension monologale et dialogale Le premier postulat  sur  lequel  nous nous  arrêterons  est  que  cette  dimension proprement interactionnelle  (et  non  seulement  « interactive » :  au  fond,  au  sens  le  plus  répandu,  les médias  en  général  et  internet  en  particulier  le  sont  très  peu)  des  médias  audio‐visuels repose sur une modification des règles en vigueur au plan conversationnel.  

Prenons d’entrée le problème du caractère monologal du discours médiatique : on constate que  la  prise  de  parole  est  toujours  portée  par  une  justification  qui  commence  par l’identification  de  la  voix  du  parleur.  Elle  se  poursuit  par  des  indications  notamment  de l’animateur qui pourvoit la parole sur le statut de l’invité, du collègue journaliste, de l’expert ou encore de l’auditeur. La reproduction du mode conversation ou du débat atteste encore de  cette  vaste  opération  de mimésis  ou  de  simulacre  interactionnel.  La  distribution  ou  la prise de tour sont d’abord réalisées selon une planification exigée par le dispositif éditorial : enchaînement  des  programmes,  séquentialisation  par  rubriques  ou  par  construction  de l’entretien,  tour de  table,  etc.,  soit autant de manifestations qui  rendent publics un certain nombre  de  phénomènes  dont  l’ordonnancement  a  été  plus  ou  moins  programmé.  Cette gestion  se distingue évidemment des  fonctionnements usuels de  la  conversation  courante, dont  le  traitement  est  temporellement  situé  (les  décisions  s’adaptent  peu  ou  prou  à  la séquence  en  cours  d’accomplissement.).  La  diffusion  publique  par  un  média  audiovisuel n’est,  de  ce  point  de  vue,  qu’un  cas  particulier  (même  s’il  est  devenu  massif)  d’activités interactionnelles  plus  traditionnelles,  menées  en  présence  d’un  auditoire,  par  exemple. Certes  l’animateur ou  le  journaliste ont une position de dominance  sans partage. Mais,  du coup, tout leur problème réside dans le fait d’en conserver l’usufruit. C’est qu’à tout instant, des millions  d’auditeurs  ou  de  téléspectateurs  peuvent  interrompre  leur  activité  d’écoute (ou  relâcher  leur  attention)…  sans  que  le  locuteur  puisse  s’en  rendre  compte.  Il  convient donc, pour le professionnel d’anticiper cela, sans qu’il puisse disposer des ressources de la régulation  verbale.  La  scansion  du  discours  médiatique  procède  de  cette  respiration naturelle, taillée dans la rythmicité du modèle. L’interaction sur le plateau est ainsi à double détente parce qu’elle s’avère plus  fondamentalement à double adresse. Sauf dans  le cas du mode  conférence  ou  du  cours  radiophonique  (cf.  Collège  de  France,  notamment),  mais  il s’agit d’options cadrées par l’activité thématique de la chaîne de diffusion. On n’imagine pas – depuis longtemps déjà ! – qu’un orateur s’autorise un long monologue ou des tunnels d’une heure sur l’actualité ou dans une émission de divertissement…  

Nous avons vu, par ailleurs, en écoutant les discours historiques radiodiffusés de Blum ou de Malraux  que  suivant  le  genre  oratoire,  la  manifestation  des  réactions  du  public,  au  sens collectif du terme peut être sollicitée. Ce mode d’interaction (applaudissements, rires, huées, hourras,  etc.)  a  évidemment  sa  fonction  sociale  puisqu’il  s’agit  de  focaliser  l’attention collective  sur  une  séquence  donnée  au  sein  du  discours  de  l’orateur  pour  en  baliser  la thématique. Ce premier stade de publicisation est, de fait reporté sur les ondes, et participe 

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de l’édification d’un auditoire plus distant. La représentation de cette interactivité sociale a été  développée  dans  le  cadre  des  talks‐shows  et  autres  émissions  de  plateau  en  présence d’un  certain  public.  On  peut  tracer  à  partir  de  là  une  sorte  de  ligne  continue  des manifestations médiatiques qui font intervenir la représentation du public, notamment pour alléguer indirectement de la naturalité et de la transparence souvent battues en brèche des médias.  A  la  radio,  ce  continuum va  de  la  pratique  du phone  in  (échange  téléphonique  an direct avec un ou plusieurs auditeurs) à la prise en compte de l’auditeur lambda au sein de la production énonciative en passant par les pratiques de médiation, les émissions en présence du  public  ou  les  micro‐trottoirs  au  sein  de  reportages.  Dans  tous  les  cas,  même  s’il  faut distinguer entre présence d’un public dans le studio ou non, et sa participation aux échanges ou pas (au téléphone, par exemple) on observera  le  formatage du message émis en vue de son destinataire principal, c’est à dire le public de masse à qui le média s’adresse en priorité. Cette orientation vers le destinataire principal auquel on s’adresse à la fois collectivement et individuellement  constituera  une  constante  de  base  du  point  de  vue  de  l’analyste  de  la production médiatique. On voit combien elle recoupe ici une catégorie pertinente essentielle aussi pour l’instance émettrice. 

3.2 Les entretiens publics radiodiffusés L’analyse du discours permet de replacer la catégorie journalistique de l’interview au cœur de  celle,  plus  générique,  des  entretiens  publics  (que  les  travaux  interactionnistes  et conversationnalistes anglo‐américains (Goffman 1981/1987, Heritage 1985) traitent dans le cadre  des  news  interviews).  Plus  précisément,  on  peut  définir  ces  derniers  en  termes  de format institutionnel (institutional setting).  

1. Les formats institutionnels d’échange Comme indiqué précédemment, il existe effectivement deux grandes séries de formats : ceux qui  relèvent  de  l’ensemble  des  échanges  conversationnels  ordinaires  et  de  leurs fonctionnements  et  ceux  qui  appartiennent  à  la  classe  spécifique  des  échanges institutionnels.  On  peut  tenir  les  seconds  pour  des  « transformées »15  des  premiers.  Les formats  institutionnels  adaptent  en  effet  les  règles  culturelles  (et  définies  au  plan  socio‐historique) de  la machinerie  interactionnelle des séquences conversationnelles et des  tour de parole de la conversation courante. 

Ce  type  d’interactions  institutionnelles  repose  sur  le  mode  question‐réponse  de personnalités  de  la  sphère  publique  (en  particulier  issues  des  univers  politique,  culturel, artistique,  associatif  ou  du  divertissement).  Généralement,  ces  dernières  sont  interrogées par un professionnel des médias (un journaliste dans la plupart des cas) (Léon 1999 : 27).  

On  oubliera  pas  ici  qu’au  principe même  de  l’interview  il  y  a,  avant  tout,  la  catégorie  de l’émission et d’un formatage ad hoc de la réception. L’absence du public sur le plateau ou le site  d’enregistrement  et/ou  de  diffusion  n’en  fait  pas  moins  un  tiers  symbolisant,  ce  qui justifie  d’appliquer  à  l’interview  radiophonique  la  notion  de  position  au  sens  de  Goffman (1981).  Cette  notion  propre  à  rendre  compte  des  interactions  en  public  en  raison  de l’asymétrie  intrinsèque  de  leurs  interactants  serait  sans  objet  dans  un  format conversationnel ordinaire.  

2. Le public comme tiers Le premier allocuté est, en effet, le destinataire même de l’interaction sociale qui se joue sur le plateau et/ ou sur les ondes de la chaîne. De sorte que le tiers symbolisant constitué par le public constitue le premier protagoniste (et non l’ultime maillon d’un échange dont il serait le spectateur). La principale preuve réside dans la manière même dont les énonciations sont                                                         

15 C’est‐à‐dire au sens mathématique de variation issue d’une équation fondamentale.  

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formatées  verbalement,  vocalement  et  en  quoi  elles  se  distinguent  des  rencontres quotidiennes.  On  peut  aller  plus  loin  en  insistant  sur  le  fait  que  cette  présence  n’est  pas supposée mais qu’au contraire elle s’éprouve : il n’est pas trivial de rappeler qu’une émission n’a  pas  d’existence  sans  audience  et  sans  le  dégagement  de  la  figure  énoncive  du média‐consommateur.  C’est  du  reste  ce  qui  la  distingue  du  niveau  de  l’activité  pratique  de production,  tout  entière  tournée vers  l’objectif  de  la  réception,  qu’on  le  veuille ou non.  Le matérialisme de  la démarche analytique retrouve par  là  les obsessions pragmatiques de  la (souvent mal‐)mesure médiamétrique.  

Dans ce cadre, on peut voir comme une forme de construction factice de la distance, la mise en scène d’un délocuté ou d’un participant non ratifié (le public) et, en retour, comme autant de  formes  de  la  distanciation  pratique,  les  formes  d’allocution  directement  adressées  au public.  La  fabrique  de  l’intime  participe  du  spectacle  global.  En  la  circonstance,  ce  qu’on cherche  « à  cacher  en  montrant »,  pour  paraphraser  Bourdieu  par  extrapolation,  c’est  la teneur réelle du lien entre auditeur et instance émettrice, dans le cadre d’une co‐production généralisée.   

Toutefois, comme le souligne J. Léon (1999 : 29)  « la  position  du  public,  bien  qu’essentielle  dans  la  structuration  des  échanges  institutionnels,  doit cependant  être  relativisée.  Il  convient  de  ne  pas  l’ériger  en  principe  d’explication  externe  qui  se substituerait à une analyse précise de l’organisation de ces échanges. »  

Cette mise en garde salutaire permet de préciser la méthodologie. D’une part, la production radiophonique  s’appuie  sur des  genres discursifs  et  des  catégories d’activité  traditionnels, non  seulement  généraux mais  encore  liés  plus  précisément  à  l’univers  journalistique.  Les propriétés externes issues de l’histoire et du rapport à la société et à la culture s’associent de la sorte à des propriétés internes, liées à l’évolution même du média radio. Du coup, on peut observer les fonctionnements médiatiques à la fois en tant que tels (propriétés distinctes de celle de la conversation courante, par exemple) et en tant qu’ils manifestent les tendances au formatage  de  la  réception  de  point  de  vue  de  l’instance  émettrice.  Cette  démarche  qui permet de distinguer  la production discursive  radiophonique pourra prendre  appui  sur  la notion goffmanienne de position énonciative – déjà évoquée supra – à relier à celle de format d’échange  institutionnel.  On  y  verra  en  effet  la  variation  des  modes  de  participation  des locuteurs au cours d’une interaction en public. Nous y reviendrons ultérieurement.  

3. Propriétés de l’oral radiophonique Le formatage oral et interactionnel des émissions de radio est donc spécifique et ne devrait pas  se  laisser  analyser  dans  l’absolu  selon  des  catégories  préétablies  pour  d’autres fonctionnements et activités médiatiques. La comparaison s’impose ici avec l’écrit.  

« La radio, pour sa part, en  jouant, on vient de  le voir, avec  les caractéristiques propres à  l’oralité, à  la sonorité  et  à  la  prise  en  direct,  crée  deux  scènes  de  parole :  l’une  de  description  et  d’explication  des évènements,  l’auditeur,  qui  ne  dispose  pas  d’images,  entre  dans  celle‐ci  grâce  à  son  pouvoir  de suggestion, d’évocation et donc de reconstruction imaginée libre à l’aide d’associations personnelles (ce qui n’est pas le cas de la télévision qui montre et donc impose) ». 

(Charaudeau 2005 : 89) 

Ainsi,  comme  le  souligne  P.  Charaudeau  les  formulations  explicatives  régies  par  la successivité propre à  l’oral ne peuvent accueillir  les  formes  complexes de  la phrase ou du texte  écrit  (construction  par  subordination  et/  ou  par  enchâssement,  notamment).  L’oral spontané du débat ajouté à l’immédiateté du direct et de ses divers degrés d’improvisation (cas du reportage  in média res ou de la prise de parole d’un auditeur ou d’un interlocuteur sollicité  par  téléphone)  repose  évidemment  sur  cette  réalité.  Plus  fondamentalement, l’énoncé  oral  s’inscrit  dans  l’élaboration  progressive  de  tour  de  parole  et  par  blocs  qui représentent  autant  d’unités  de  construction  de  tour  (UCT).  Cette  notion  interactionnelle issue  des  travaux  en  AC  repose  sur  l’idée  d’une  programmation  par  étapes  à  travers  des 

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modules  successifs.  Mais  du  coup,  elle  ouvre  aussi  à  la  compréhension  en  termes  de ressources  permettant  en  fait  cette  élaboration  du  discours  de  toute  une  série  de phénomènes oraux que  l’on a  l’habitude de  traiter comme autant de « ratés » de  la parole. Interruptions, retour en arrière, marques d’insistance, répétitions, redondances et reprises diverses, marques d’hésitation et autres bégaiements d’actualisation constituent  la matière de  ce  fonctionnement  de  la  parole  vive.  Nous  rencontrerons  évidemment  cette  classe  de phénomènes  mais  relativement  au  type  de  séquence  radiophonique  impliquée.  En  effet, parallèlement  à  cela,  l’oralisation  d’un  texte  écrit  (même  modulé  pour  donner  une impression naturelle) est monnaie courante à la radio. L’oral y est donc aussi soigneusement préparé qu’il peut s’y présenter sous les auspices de l’improvisation et de la spontanéité…  

Avec  J.  Léon,  on  retiendra  par  conséquent  que,  comme  la  conversation  courante,  les échanges  institutionnels connaissent des variations culturelles et  sociales dans  le cadre de leur  soumission  à  des  formes  conventionnelles.  L’organisation  des  tours  de  parole  est cependant astreinte à une plus forte normalisation dans les échanges institutionnalisés. On y sanctionne en particulier de façon plus restrictive les manquements aux normes attendues.  

3.3 Typologie des entretiens publics  Dans les prochaines sections, nous étudierons sous cet aspect dynamique les sous‐catégories suivantes. 

3. Les différentes formes d’interview Elles  se distinguent parfois mal entre elles :  leurs propriétés définitoires  sont assez mal  distribuées  (notamment  selon  les  critères  de  l’instance  médiatique  qui  les produit)  et  leurs  frontières  se  recouvrent  souvent.  D’autre  part,  nos  choix méthodologiques  invitent  à  observer  ces  divers  formats  comme  des  supports d’activités dont le cours d’installation repose largement sur la négociation des rôles, des thèmes et des types  

a. l'interview politique ou la news interview ; b. l'interview portrait (parfois dite culturelle), (cf. le modèle historique du genre à la

radio : radioscopie de J. Chancel) ; c. Interview-confidence : elle ne relève pas d’un genre proprement journalistique mais

se déploie dans le cadre d’émissions à caractère psychologisant et / ou intimiste (initiée en France par Ménie Grégoire) ; 

d. l'interview de fond (elle relève soit de l’éclairage explicatif, soit sur la recherche d’une opinion) ; 

e. l'interview témoignage : elle varie spécialement en longueur et surtout en fonction du type d’interviewé. Les deux types suivants peuvent, dans certains cas, relever de cette forme générique ; 

f. Interview express ; g. Micro­trottoir. 

 4. La forme débat 

a. Le débat culturel ; b. Le débat politique  

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Exercice – dans l’extrait suivant du début d’une émission diffusée sur la station Europe 1, et sur  la  base  de  la  rencontre  entre  le  journaliste‐animateur  Frédéric  Taddéi  et  l’humoriste Florence Foresti, on s’efforcera de dégager : 

(a) les marques de prise en compte du public (comme tiers symbolisant) dans l’entretien et l’installation de l’interaction 

(b) les  indices  de  construction  du  cadre  proprement  interactionnel  de  l’échange  sur  le plateau ; 

(c) la sous‐catégorie d’entretien public dont relève l’échange radiodiffusé.  

Europe 1 – Regarde les hommes changer – 30 août 2008 – Animateur F. Taddéi – invitée : F. Foresti 

Jingle chanté « europe 1 »

vm parlons-nous

vf parlons-nous

jingle musical de l’émission

FT Frédéric Taddéi

FF Florence Foresti

FT regarde les hommes changer

Jingle

FT bonjour Florence Foresti: vous êtes humoriste vous êtes ma première invitée de la saison

FF bonjour ah

FT une nouvelle saison donc le samedi mati::n=vous avez débuté à Lyon en 1998 avec les Tops-modèles 5 ans plus tard vous / étiez au Point virgule et puis encore 5 ans plus tard vous voilà au Palais des Sports de Paris pour quatre soirs du 24 au 27 septembre alors euh je sais > qu’on a l’habitude de vous dire que vous avez fait une carrière fulgurante < moi j’ai envie de vous demander si vous_avez pas trouvé ça long

FF (rire) ben presque (rire)

FT c’est vrai ? dix ans pour passer du cabaret du café théâtre lyonnais au Palais des Sports de Paris c’est long ?

FF mais oui:

FF c’est raisonnable c’est raisonnable c’est le cours naturel des choses c’est vrai que pour les gens ça peut sembler fulgurant parce qu’évidemment pour eux on débarque dans leur salon euh à la télé comme ça du jour au lendemain

FT parce que vous êtes vraiment devenue célèbre au bout de cinq ans en fait

Légende

FT : F. Taddéi (animateur)

FF : F. Foresti (invitée)

jingle musical de l’émission