i. ex. 4 groupes c marchands & innovations...

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ltures de l’Europe médiévale (XI e – XIIIe s.) 2 nde SÉQUENCE 1 - La chrétienté médiévale (XI e – XIIIe s.) FICHE TRAVAUX DE GROUPE N° - UNE FIGURE URBAINE : LE MARCHAND PRÉNOMS & NOMS : CLASSE : Dénué d’une identité propre avant le XII e s., « vers 1180, le temps des hommes d’affaires commence » (Duby) qui rompt avec la figure du petit marchand de village. Ce groupe social émergent se constitue en corporation et tend à développer une base culturelle commune de par leur formation (école d’abaque, apprentissage, connaissances géographiques), leur relation étroite à l’écrit (correspondance d’affaires, actes notariés, constitution de bibliothèques privées etc.) et leurs valeurs (fortuna, prudenza, ragione 1 ). Ils partagent aussi le même problème de conscience quant à la légitimité de leurs gains, et à la pratique de l’usure, car le marchand est aussi banquieri, banquier. Or cette pratique est condamnée depuis le concile de Nicée, (IV e siècle) par l’Église : le temps est à la disposition de Dieu et pratiquer l’usure c’est faire payer Dieu. Ce groupe, qui anime les réseaux aux échelles européennes, voire mondiale, parcoure le monde (cf. Marco Polo, fin XIII e s.) et est à l’origine de nombreuses innovations. Afin de ne pas finir comme dans les exempla des moines mendiants, les marchands consacrent souvent des sommes considérables en donation pieuses, notamment à destination des ordres mendiants. Ce n’est qu’au milieu du XIV e s. que les marchands s’émancipent de ces problèmes éthiques en légitimant leurs profits par l’investissement en travail 3 . 1. soit : contingence (qui légitime le gain), prudence, rasion ; 2. historiettes illustrant un sermon ; 3. Paolo da Cetaldo, Traité de la vie honnête , v. 1360 I. EX. 4 GROUPES C Marchands & Innovations commerciales d é t a i l t y m p a n d e Conques Vie S. L’ usurier qui convoite la bourse de la coupelle est pendu par les pieds. L'usure, qui consiste à vendre du temps est à nouveau condamnée lors du II ème concile du Latran en 1139 1

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  • ltures de l’Europe médiévale (XI e – XIIIe s.) 2nde SÉQUENCE 1 - La chrétienté médiévale (XI e – XIIIe s.)

    FICHE TRAVAUX DE GROUPE N° - UNE FIGURE URBAINE : LE MARCHAND

    PRÉNOMS & NOMS : CLASSE :

    Dénué d’une identité propre avant le XIIe s., « vers 1180, le temps des hommes d’affaires commence » (Duby) qui rompt avec la figure du petit marchand de village. Ce groupe social émergent se constitue en corporation et tend à développer une base culturelle commune de par leur formation (école d’abaque, apprentissage, connaissances géographiques), leur relation étroite à l’écrit (correspondance d’affaires, actes notariés, constitution de bibliothèques privées etc.) et leurs valeurs (fortuna, prudenza, ragione 1). Ils partagent aussi le même problème de conscience quant à la légitimité de leurs gains, et à la pratique de l’usure, car le marchand est aussi banquieri, banquier. Or cette pratique est condamnée depuis le concile de Nicée, (IVe siècle) par l’Église : le temps est à la disposition de Dieu et pratiquer l’usure c’est faire payer Dieu. Ce groupe, qui anime les réseaux aux échelles européennes, voire mondiale, parcoure le monde (cf. Marco Polo, fin XIIIe s.) et est à l’origine de nombreuses innovations. Afin de ne pas finir comme dans les exempla des moines mendiants, les marchands consacrent souvent des sommes considérables en donation pieuses, notamment à destination des ordres mendiants. Ce n’est qu’au milieu du XIVes. que les marchands s’émancipent de ces problèmes éthiques en légitimant leurs profits par l’investissement en travail 3 . 1. soit : contingence (qui légitime le gain), prudence, rasion ; 2. historiettes illustrant un sermon ; 3. Paolo da Cetaldo, Traité de la vie honnête , v. 1360

    I. EX. 4 GROUPES C Marchands & Innovations commerciales

    d é t a i l t y m p a n d e Conques Vie S. L’ usurier qui convoite la bourse de la coupelle est pendu par les pieds. L'usure, qui consiste à vendre du temps est à nouveau condamnée lors du IIème concile du Latran en 1139

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  • UNE COLLEGANZA VÉNITIENNE (1073) Pour réduire les risques du grand commerce maritime, les marchands vénitiens forment des « sociétés de mer » ou colleganza. Ces associations unissent un marchand à un homme qui se contente de participer au financement en prenant des parts sur un bateau.

    « Au nom de notre seigneur Dieu et de notre notre sauveur Jésus-Christ, l’an de l’incarnation dudit Rédempteur 1073, au mois d’août, au Rialto, moi, Giovanni Lissado de Luprio, ensemble avec mes héritiers, ai reçu en colleganza de toi, Sevasto, orfèvre, fils de Ser Trudimondo, et de vos héritiers 200 livres. Et moi-même y ai investi 100 livres. Avec cet avoir, nous avons pris deux parts dans le bateau dont est capitaine Gosmiro da Molino. Et je me suis engagé à porter le tout avec moi en taxegium1 à Thèbes 2[…]. J’ai promis de faire fructifier tout cet avoir et d’en tirer le plus que je peux. Puis, capital mis à part, nous aurons à partager le profit que le Seigneur peut nous accorder en deux moitiés exactes sans fraude et sans malhonnêteté. Et tout ce que je peux gagner avec ces biens par ailleurs, je suis obligé de l’investir dans la colleganza. Et si tous ces biens sont perdus par suite de la mer ou des hommes et qu’on ne peut le prouver, ce qu’à Dieu ne plaise, aucune des parties n’a à demander quelque chose à l’autre […]. Cette colleganza existe entre nous aussi longtemps que nos volontés sont entièrement d’accord. »

    1. Voyage commercial (terme byzantin) ; 2. Ville Grecque

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    ACTE NOTARIÉ CONCERNANT UN PRÊT MARITIME (1167)

    « Au nom du Seigneur […] (en l’an) 1167, en juillet […] à Constantinople. Moi, Romano Mairano […], je fais savoir que […] j’ai reçu de toi, Domenico Dalondo […] 88 hyperpères1 d’or, vieilles et pesantes, que maintenant j’ai investi dans le commerce dans un navire dont Bartolomeo Juliano est le capitaine […]. Le navire doit se rendre en Crète puis à Alexandrie avec la mude2. Dans les vingt jours suivant le retour du navire à Constantinople, je devrai […] te donner […] en capital comme en profit, 129 hyperpères d’or vieilles et pesantes. Etant entendu que ton avoir devra voyager au péril de la mer et des hommes. Si je n’observe pas toutes choses comme il est prescrit ci-dessus, je

    devrai, et mes héritiers avec moi, te restituer […] toutes choses en double sur mes terres et maisons. Moi, Romano Mairano, j’ai souscrit de ma main […] Moi, Giliano Damiano, notaire, j’ai complété et corroboré 3»

    1. monnaie byzantine ; 2.Convoi de bateaux protégé par des navires de guerre ; 3. Confirmé Source : Extrait de Lombardo & Morozzo della Rocca, Documents du commerce vénitien des XIè-XIIè siècles, 1940 (traduit du latin)

    Les marchands animent les échanges sur des routes protégées par des gens d’armes.

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  • CONTRAT DE RÉEXPORTATION DE MARSEILLE À CEUTA CONCLU ENTRE BERNARD DE MANDUEL, MARCHAND DE MARSEILLE ET ALFAQUIN, MARCHAND

    D’ALEXANDRIE, LE 2 AVRIL 1227

    « Au nom du seigneur, amen. L’an de l’incarnation 1227, 15e indiction, le 4 des nones d’avril. Sachant tous que moi, Alfaquin, sarrasin d’Alexandrie, confesse et reconnais que j’ai reçu à titre d’achat à crédit de toi, Bernard de Manduel, 2 quintaux d’aloès et 1 quintal et 80 livres de casse [écorce decannelle] et 2 centeniers de corail, pour lesquels je te dois 135 besants de bonne monnaie vieille et de juste poids, renonçant en toute connaissance de cause à toutes réclamations pour biens non reçus. Ces 135 besants de bonne monnaie vieille et de juste poids, libres de douane et de toutes charges, je promets par contrat de les remettre à toi Bernard ou à ton représentant qualifié à Ceuta, dans le délai de 20 jours après que la nef “Le Faucon” ait accosté en ce port. Pour cette dette, je mets en gage toutes les marchandises énumérées supra que j’ai reçues de vous pour la valeur de 135 besants, de sorte que si au terme du délai prévu, je ne les paye pas, qu’il te soit permis, de ta seule initiative, de mettre en vente ledit gage en sa totalité et d’en faire ce qu’il te plaira jusqu’à ce qu’il te soit donné satisfaction au sujet des 135 besants, selon ce qui est dit plus haut. De mon côté, je promets de bonne foi et sous la garantie de tous mes biens, de respecter ces engagements, renonçant aux contestations des 20 jours et des 4 mois et à toute forme de réclamation. Fait en la maison qui fut à feu Anselme, en laquelle habite Janvier, notaire. Les témoins pour cela requis et convoqués furent Gui d’Aix, Pierre de Cardelhac, Guillaume des Conches, Hermengaud de Narbonne, Guidolin Beguin et moi, Janvier, notaire public de Marseille qui sur la demande des deux parties, écrivis cela. » Au verso : Alfaquin, Bernard de Manduel BLANCARD, Louis, Documents inédits sur le commerce de Marseille au Moyen Âge, Marseille, 1884, Tome 1, n° 14, p. 18-19. Cité dans : Pays d’islam et monde latin Xe-XIIIe siècles. Textes et documents, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2000, p. 234-235. Fin du XIIIe siècle, Biblioteca Marciana, Venise.

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    5. Lettres de changes

    Le t t re de change , monnaie fiduciaire (de fidus , confiance ) es t inventé au XIIe s. par l’ordre des Templiers. Elle comporte ne signature et un sceau et remplace la monnaie métallique.

  • S ’INTERROGER :

    > L’essor du commerce dans la Chrétienté: 1. Quels sont les grands pôles et lieux commerciaux au XIII e s. ? 2. Quels liens entre villes et échanges commerciaux ? > La colleganza : 3. En quoi consiste la colleganza ? Quels avantages ? > L’acte notarié : 2. 4. Qui est Romano Mairano ? 5. Dans quel but emprunte-t-il de l’argent ? 6. Pourquoi Dalondo lui en prête-t-il ? (donnée chiffrée attendue). 7. Quels risques et précautions Dalondo prend-il ? 8. Expliquer l’opération du doc. 4. > La lettre de change 9. En quoi consiste la lettre de change ? Quels avantages ? ————————-

    COMPOSITION : Au cours du Moyen Âge, un renversement s’opère dans l’espace commercial méditerranéen. Après avoir été dominé par les Byzantins et les musulmans jusqu’au XIe siècle, cet espace passe sous la domination des Occidentaux, notamment Italiens.

    A l’aide des documents, de vos connaissances et de vos recherches autonomes, vous présenterez le marchand, nouvelle figure urbaine, puis vous caractériserez l’essor des échanges dans la Chrétienté occidentale, et enfin vous expliquerez quelles innovations commerciales accompagnent cet essor.

    Place du marché Thomas III de Saluces, Le Chevalier errant, France (Paris), vers 1400-1405 Paris, BnF, département des Manuscrits, Français 12559, fol. 167