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Travail & Sécurité 05 - 07 21
Les 500 000 salariés de l’activité
« cuisine » sont exposés à des
risques professionnels nombreux.
Dans un secteur qui connaît
de réelles difficultés de
recrutement, la qualité
de l’emploi devient un enjeu.
Ces dernières années, l’idée
d’une « démarche ergonomique »
pour l’hôtellerie-restauration
s’est frayé un chemin entre
les fourneaux. Avec l’appui
des syndicats professionnels
et d’un cabinet conseil
spécialisé, la CRAM Aquitaine
a fait du concept l’un de ses
chevaux de bataille.
Son principal enjeu – adapter
les lieux de travail aux pratiques –
est repris au niveau national.
HÔTELLERIE-RESTAURATION
Les ergonomes en cuisine
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■ Travail et Sécurité : Comment
la CRAM Aquitaine s’est-elle
intéressée aux restaurateurs ?
Serge Coubes, ingénieur-
conseil : Le premier constat est
celui des chiff res. L’indice de
fréquence (1) dans la profession
est de 44 pour les hôtels-res-
taurants et de 47 pour les res-
taurants et cafés-restaurants
alors qu’au niveau national,
toutes activités confondues,
il est de 39. En 1989, une pre-
mière convention régionale
est signée avec un syndicat de
l’hôtellerie de l’Aquitaine pour
une période de trois ans. Un
avenant la prolonge de douze
mois. Ce sont les premiers
balbutiements… La CRAM est
alors perçue comme un nou-
vel organe de contrôle par une
profession déjà fortement sur-
veillée par les services vétéri-
naires, l’hygiène, les fraudes,
le fi sc. Le terrain préparé, une
seconde convention régio-
nale, signée en 1995, connaît
un meilleur impact, notam-
ment auprès des entreprises
de petite taille. Elle s’inscrit
dans une démarche en amont
de la rénovation globale ou de
la conception. Les conditions
de travail dans les cuisines et
la formation sont abordées.
À l’époque, nous interpellons
des organismes spécialisés
dans l’hygiène alimentaire et
leur demandons d’assurer leur
démarche qualité en appli-
quant les règles de sécurité
au travail. En 1996 à Talence,
sur la plate-forme agroalimen-
taire AGIR, des rencontres avec
les consultants hygiénistes les
sensibilisent à la sécurité du
personnel. Il apparaît qu’en
dépit de nos différences de
langage, les approches conver-
gent. Cette convention nous
permet de fi nancer aussi des
diagnostics.
■ Cette émulation a-t-elle été
suivie à l’échelle nationale ?
S.C. : En tant que correspon-
dant national Service com-
merce alimentaire et industrie
de l’alimentation (Scial), j’ai
souhaité faire connaître cette
démarche. En 2001, la Caisse
nationale de l’assurance mala-
die des travailleurs salariés
(CNAMTS) signe une charte de
partenariat avec l’Union des
métiers de l’industrie hôtelière
(UMIH), concrétisée par une
convention nationale d’objec-
tifs pour quatre ans. Dès lors,
toutes les CRAM commencent
à établir des contrats de préven-
tion avec l’hôtellerie-restaura-
tion. Les partenariats avec les
professionnels se multiplient,
ainsi que le travail en pluridis-
ciplinarité avec des services de
santé au travail, des cabinets
d’ergonomes, des consultants
spécialisés ou même des écoles
de management dans l’hôtel-
L’Aquitaine met les pieds dans le platDepuis plus de
quinze ans, la CRAM
Aquitaine observe
l’activité « cuisine »
et sa « casserole » de
risques : glissades,
chutes de plain-pied,
manutentions, coupures,
brûlures, bruit…
Un long partenariat
avec la branche
professionnelle a
permis de promouvoir
une « démarche
ergonomique pour
l’hôtellerie-restauration »
qui depuis fait recette.
Ingénieur-conseil en
prévention des risques
professionnels, Serge
Coubes s’en explique.
La CRAM Aquitaine s’est très
tôt penchée sur les risques
professionnels des restaurateurs.
Depuis 2001, c’est devenu un enjeu
national avec la signature d’une
convention nationale d’objectifs.© V
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t
lerie et la restauration. Cette
convention, reconduite début
2007, intègre la prévention du
tabagisme passif. Les contrats
de prévention ne pourront
être signés qu’avec des établis-
sements non-fumeurs.
■ Le regard de la profession
sur vos services a-t-il changé ?
S. C. : Complètement. Nous
sommes désormais perçus
comme des partenaires. Aux
assemblées générales de
l’UMIH, la CRAM intervient au
même titre que les hygiénistes
et autres spécialistes. Comme
en Aquitaine, les CRAM de
Nord-Picardie, du Sud-Est, de
l’Ile-de-France, de la région
Rhône-Alpes, de l’Auvergne
ont multiplié les opérations
avec la profession. La restau-
ration n’est plus considérée
comme une activité exempte
de risques. Un CDRom (2), réa-
lisé avec le service de santé au
travail de Périgueux et les res-
taurateurs de Dordogne, a été
présenté et diff usé au salon
Équip’hôtel l’an dernier : il est
constitué de témoi gnages de
chefs d’entreprise, qui sont
les plus à même de diffu-
ser le mes sage. Un guide (3)
édité en 5 000 exemplaires a
été envoyé aux médecins et
inspecteurs du travail d’Aqui-
taine, aux enseignants de la
restauration, ainsi qu’à toutes
les CRAM et CGSS. Il est pré-
senté et distribué aux diff é-
rentes assemblées générales
de l’UMIH dans tous les dépar-
tements de l’Aquitaine. Enfi n,
nous intervenons à l’École de
management hôtelier interna-
tional de Savignac-les-Églises
pour sensibiliser les étudiants
à la sécurité dès la conception
des locaux. Ces principes fon-
damentaux, intégrés lors de
la formation initiale, doivent
ensuite être repris régulière-
ment dans la formation conti-
nue du métier. ■
1. Nombre d’accidents avec arrêt pour
1 000 salariés.
2. « Démarche ergonomique dans
l’hôtellerie-restauration. Une nouvelle clé
de progrès ».
3. « Guide pratique de l’ergonomie dans
l’hôtellerie et la restauration » produit
en collaboration avec l’UMIH, la DRTEFP,
la CRAM Aquitaine et le cabinet François
Tourisme Consultants (se renseigner auprès
de l’UMIH).
Pour en savoir plus…
• « Santé et sécurité dans les métiers de la restauration », DVD vidéo (DV 1575) de l’INRS qui illustre les problématiques santé et sécurité du secteur par un ensemble de bonnes pratiques de travail.
• « Conception des cuisines de restauration collective - repères en hygiène et prévention des risques professionnels », INRS, ED 6007.
CDRom, guide, formation... de nombreux moyens ont été mis en place
pour sensibiliser les personnes travaillant dans la restauration.
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L’amélioration passe par
l’observation. À Berenx,
alors que sa cuisine a
besoin d’un coup de neuf,
l’Auberge du Relais (1) fait appel
au cabinet François-Tourisme
Consultants pour un audit
d’établissement. À son arrivée,
Delphine Vilatte, consultante
en tourisme et ergonomie-
sécurité, doit très vite s’inté-
grer au personnel, assimiler les
méthodes de travail et déni-
cher les failles et dysfonc-
tionnements. Une expérience
nouvelle dans le secteur, plus
souvent audité sur sa qualité
de service que sur ses pratiques
professionnelles. S’engageant
dans cette démarche, Yves
Larrouture, chef d’établis-
sement et président de l’UMIH
du Béarn et de la Soule, n’ima-
gine d’ailleurs pas mettre en
route un tel projet d’entreprise
monté autour de l’ergonomie.
En 2005, l’auberge rejoint un
groupe pilote de quinze restau-
rants audités. « Ce travail devait
servir à la rédaction d’un guide
pratique de l’ergonomie diff usé
par l’UMIH régio nale », témoi-
gne Serge Coubes, ingénieur-
conseil prévention. L’analyse
du cabinet, pilote du projet
régional, doit couvrir toutes les
dimensions de l’ergonomie :
port de charges, postures, ges-
tes, architecture des postes de
travail, environnement sonore,
thermique et lumineux, com-
munication, circulations… À
son terme, des solutions sont
suggérées. « Il ne s’agit pas de
remettre en cause les savoir-
faire, explique Delphine Vilatte.
En arrivant dans l’établissement,
j’ai informé les salariés des objec-
tifs de ma mission : les aider à
améliorer leurs conditions de
vie au travail, leur organisation,
réduire les pertes de temps, les
contraintes de fonctionnement...
La démarche ergonomique est
participative, les meilleures pré-
conisations et améliorations
ayant été for mulées par les
salariés eux-mêmes. Une rela-
tion de confi ance s’est instau-
rée. » Certains salariés, comme
le chef, travaillent ici depuis
plus de 30 ans. Leur demander
de réfl échir à leur métier peut
être perturbant. Pourtant, cha-
cun y trouve vite son intérêt.
L’établissement voit également
dans ce projet une aide à la
mise en œuvre de son docu-
ment unique.
Le nécessaire
et le possible
Dans le même temps, un
contrat de prévention est
signé avec la CRAM Aquitaine.
La demande initiale de l’as-
sureur vise les sols, avec un
projet de décaissement pour
RÉNOVATION
L’ergonomie prend le RelaisÀ Berenx (64), l’Auberge
du Relais a bénéficié
pour la réfection
de sa cuisine d’un
contrat de prévention
avec la CRAM Aquitaine
et de l’intervention
du premier cabinet
d’ergonomie spécialisé
dans l’hôtellerie-
restauration.
Les aménagements,
pensés en fonction
des méthodes de travail,
y sont résolument
tournés vers le
personnel.
L’Auberge du Relais a fait appel à un cabinet d’ergonomie
qui a analysé toutes les situations. Ici, la desserte mobile est adaptée
au plan de travail. Le chef fait glisser sa marmite sans eff ort.©
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une meilleure accessibilité et
la mise en place d’un carre-
lage anti-dérapant homologué
selon une liste CNAMTS/DGAL.
« La rénovation soulève des
problèmes différents de la
conception. Pour autant, régler
la question des niveaux au
sol était impératif », précise
Raymond Payneau, contrô-
leur de sécurité à la CRAM
Aquitaine. D’autres aména-
gements sont également pré-
vus : une tourelle d’extraction
et d’induction d’air sur le piano
de cuisson, des formations SST
et affilage des couteaux, un
éclairage naturel et une vue sur
l’extérieur, des plans de travail
en inox réglables en hauteur,
des laveuses à brosses tour-
nantes et le traitement pho-
nique des plafonds, les deux
derniers points ayant provisoi-
rement été mis de côté. « On
ne peut pas tout exiger trop
vite. L’hygiène alimentaire est
déjà une contrainte forte. Il faut
trouver des compromis », recon-
naît Serge Coubes. Au total, la
CRAM a fourni une aide d’envi-
ron 30 000 € pour un investis-
sement en prévention de plus
de 140 000 €. « Techniquement,
il a fallu trouver le juste milieu
entre le nécessaire et le possi-
ble, poursuit Delphine Vilatte,
l’entre prise ayant une archi-
tecture destructurée due aux
modifi cations apportées au fi l
des ans. » Le changement s’est
révélé brutal. « On a cassé les
murs et les habitudes, explique
Véronique Larrouture. Mais
le manque de repères ne dure
qu’un temps. » Très vite, la cui-
sine adopte une « marche en
avant » qui lui permet de tenir
une progression continue et
rationnelle dans l’espace des
diff érentes opérations d’élabo-
ration des plats.
Cloisonner les activités
Comme beaucoup d’établisse-
ments, les zones de stockage
étant éloignées du pôle de
production principal, l’Auberge
du Relais souff rait de problè-
mes chroniques de circulation.
« Les postes du chaud et du
froid n’étaient pas séparés. Il n’y
avait pas de lieu défi ni pour la
pâtisserie », reprend Delphine
Vilatte. La plonge, initiale-
ment située dans un couloir
majeur de circulation et d’ac-
cès aux zones de sto ckage,
est maintenant isolée. Les
diff érents secteurs sont cloi-
sonnés. L’acquisition de frigos
indépendants et de chambres
froides par produits réduit les
croisements parasites et amé-
liore l’hygiène. La construction
d’un accès livraison couvert et
indépendant va aussi dans ce
sens. « Avec l’offi ce et le passe-
plats, on ne fait plus de kilomè-
tres inutiles », ajoute Véronique
Larrouture. « Les conditions
actuelles sont nettement plus
satisfaisantes, se réjouit Jean-
Charles Garaté, chef cuisi-
nier. Ce sont des petites choses
qui, cumulées, diminuent les
contraintes et le mal de dos. On
travaille avec le même type de
matériel, mais les postes sont à
hauteur, les branchements élec-
triques accessibles, les surfaces
planes et faciles à nettoyer. » Un
projet ambitieux auquel a par-
ticipé toute l’équipe. La clé de
son succès ? Sans doute… ■
1. L’Auberge du Relais emploie 8 ou 9
salariés. L’établissement compte 2 étoiles
et deux cheminées aux Logis de France.
Une dynamique régionale
Le cas de l’Auberge du Relais illustre le projet régional de sensibilisation à l’ergonomie conduit en 2005-2006 avec
l’UMIH, la direction régionale de l’emploi et de la formation professionnelle et de la CRAM. Dans l’hôtellerie, la thématique est plus que nouvelle. À la suite d’une large action de communication, les établissements ont envoyé leur candidature pour participer au projet. Quinze entreprises pilotes représentatives (hôtels, restaurants, brasseries, bars…) ont été auditées. Objectif : mutualiser l’ensemble des bonnes pratiques et des dysfonctionnements pour créer le guide pratique de l’ergonomie dans l’hôtellerie-restauration. Loin d’être dupe, la profession a compris que ce type de démarche aidait à diminuer les accidents du travail et permettait de fidéliser les salariés et de les impliquer dans l’entreprise. En outre, un salarié bien dans son poste assure un service de qualité. À la grande satisfaction du client... ©
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À présent, les zones de préparation
chaudes et froides sont séparées.
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La plonge est isolée
et l’évier équipé
d’un jet amovible.
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■ Travail et Sécurité : L’Auberge
de la Truff e a connu des pha-
ses successives de rénovation,
dans le cadre d’un grand pro-
jet de restaurant. Comment en
êtes-vous arrivés là ?
Jacqueline Leymarie, pa tronne
de l’Auberge de la Truffe :
L’établissement a ouvert ses
portes en 1983. Au début, il a
fallu fonctionner « en l’état »,
avec des locaux qui n’étaient
pas vraiment adaptés. J’ai com-
mencé par interroger les clients
sur ce qu’ils jugeaient bon de
faire pour s’améliorer. En 1985,
nous installons la télévision
et le téléphone direct dans les
chambres, ce qui est novateur
pour l’époque. La réfection de
la cuisine est envisagée après.
Plusieurs plans sont étudiés,
mais il se posait des problèmes
d’adéquation avec le lieu. Dans
le projet retenu, la création
d’une entrée et sortie pour le
personnel permet de simpli-
fi er l’organisation globale des
coulisses pour travailler sans
gêner l’autre. Dans le même
temps, nous interrogeons les
salariés sur leurs besoins. Lors
des concertations collectives
avec le personnel et la méde-
cine du travail, il est question
d’ergonomie. Un mot nou-
veau. La CRAM nous conseille
et fi nancera (3) une partie du
projet à travers un contrat de
prévention. Plusieurs architec-
tes sont alors mis en concur-
rence et la démolition débute
en 2003.
■ Quels sont les principaux
eff ets de cette remise à neuf ?
J. L. : Moins de stress, pratique-
ment plus d’absentéisme et
un travail plus serein dans l’en-
semble… La cuisine béné fi cie
d’un éclairage naturel, le sol
est antidérapant, les plafonds
sont insonorisés, les tables à
hauteur, des points d’eau pré-
sents à chaque poste, la cen-
trale de nettoyage accessible…
Nous avons veillé à limiter le
bruit. Par ailleurs, un travail
Berceau des saveurs,
la Dordogne regroupe
plus de 700 entreprises
de l’hôtellerie-
restauration.
Un secteur qui évolue
sur le terrain des
risques professionnels
et de l’amélioration
des conditions de
travail. Rencontre avec
Jacqueline Leymarie (1),
patronne de l’« Auberge
de la Truffe » (2) à Sorges
(24).
AUBERGE DE LA TRUFFE« Travailler sans gêner l’autre »
Des stages
de formation ont
eu lieu pour affi ler
et aff ûter les
couteaux et objets
tranchants.
Les améliorations
sont permanentes,
avec toujours
le souci d’optimiser
les fl ux et
les déplacements.
« Tout a été refait à
l’envers et pourtant,
j’ai vite vu le côté pratique.
Notamment, le fait de ne
plus avoir à bouger pendant
le service. L’été, on travaille
à la lumière du jour, ce qui
n’a l’air de rien mais joue
sur le moral. Quant
au fourneau central,
c’est une révolution !
Chacun tourne autour sans
jamais se gêner. »
(Pierre Corre, cuisinier
depuis 1983)
« C’est deux fois plus grand et on a tout à portée
de main ! Une fois que la mise en place est faite,
on travaille exclusivement avec ce dont on a besoin,
sans avoir à courir chercher nos produits dans
une chambre froide. Les frigos sont associés
aux différents postes. Pour le nettoyage,
il n’y a ni recoin ni angle dans lesquels la crasse
pourrait s’incruster. »(Nicolas Rousseau, cuisinier)
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plus global a été entrepris sur
la sécurité routière (ho raires
d’approvisionnement), les
formations SST et les for-
mations affilage et affûtage
du couteau. Il a fallu faire des
compromis et les expliquer.
Le chef demandait par exem-
ple à avoir plus d’éléments à
vue, mais ça compliquait le
nettoyage. Ce dialogue est
primordial et on le maintient.
Chaque semaine, je continue
à faire le tour et je note ce qui
ne me plaît pas et doit être
amélioré, avec le même souci
apporté à l’optimisation des
flux et déplacements. Cette
cuisine est conçue pour per-
mettre de travailler ensemble
sans se rencontrer. Sa gestion
est à l’image du restaurant. ■
« Les risques sont limités.
On ne croise plus quelqu’un
avec une poêle, une casserole.
Psychologiquement,
on est moins stressé :
on ne se heurte pas,
on ne crie pas… » (Sophie Bastide,
directeur de salle)
Pour éviter les blessures, les angles
du fourneau central sont équipés
de coins arrondis.
1. Jacqueline Leymarie exerce depuis 1976
un métier où elle met en œuvre
« toutes ses possibilités de femme
orchestre ». Elle est présidente
de la branche hôtellerie de l’UMIH
et des Logis de France de la Dordogne,
ainsi que de l’association Dordogne
Formation, chargée d’intervenir auprès
des écoles hôtelières. Elle a fait partie
du groupe de pilotage qui a travaillé
sur le CDRom « Démarche ergonomique
dans l’hôtellerie-restauration.
Une nouvelle clé de progrès ».
2. L’établissement emploie 17 personnes.
Il sert 80 couverts par jour et
affiche 75% de remplissage annuel
de ses 26 chambres.
3. Investissement de l’entreprise :
195 000 €, participation de la CRAM :
29 400 €.
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Faites marcher les patien-
ces. » À peine enregistré
sur la console par le per-
sonnel de salle, le message
parvient aux fourneaux. Les
mises-en-bouche peuvent être
servies. À Coly (24), le restau-
rant gastronomique du Manoir
d’Hautegente – qui propose
aussi des chambres – accueille
les gourmets en escale entre
la vallée de la Vézère et la
vallée de la Dordogne. En se
dotant d’un système informa-
tisé de commande, l’établis-
sement s’est facilité la tâche.
« Table 6, attention : allergie
aux noix. » De la préparation
des hors-d’œuvre à la pâtis-
serie, tous les cuisiniers reçoi-
vent l’avertis sement. Un plus
pour la communication, mais
pas seulement… L’ensemble de
l’organisation en profi te pour
une sérieuse réduction du cré-
dit fatigue. Un bilan fortement
apprécié, dans un secteur où
les manutentions et les sta-
tions debout prolongées sont
nombreuses et peuvent géné-
rer l’apparition d’atteintes à
la santé telles que lombalgies
et dorsalgies. L’impact sur le
stress, qu’il s’agisse de celui du
coup de feu ou de la course à
la satisfaction du client, est lui
aussi bien réel.
Avant d’en arriver là, Patrick
Hamelin, directeur de l’établis-
sement, évoque un projet de
réaménagement et de mise
aux normes de sa cuisine en
matière d’hygiène et de sécu-
rité. La maison est alors visitée
par un ergonome du service de
santé au travail de Périgueux
qui interroge les salariés, ana-
HAUTEGENTE
Faciliter les échanges, réduire la fatigueNiché au cœur
d’un vaste domaine
du Périgord noir,
le Manoir d’Hautegente
a profité d’un projet
de réaménagement
de sa cuisine pour
revoir son organisation
globale. L’installation
d’un réseau
informatique facilite
désormais les échanges
entre la salle
et la cuisine.
Au cœur du Périgord noir,
le Manoir d’Hautegente
dresse 20 tables chaque soir.
La mise en œuvre d’un outil informatique a réduit la circulation...
Dès que l’assiette est prête, le chef bipe le serveur.
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ue
lyse les postes et habitudes de
travail et établit des proposi-
tions. Un contrat de prévention
sur la rénovation du site, signé
avec la CRAM Aquitaine, fi xe
les objectifs : mise en place de
sols antidérapants, effi cacité
des aspirations, accès à la for-
mation et à l’information et
surtout mise en œuvre d’un
outil informatique visant à
réduire la circulation. La cui-
sine est totalement détruite
et un architecte travaille sur
un nouvel espace pour les 9
salariés qui l’occupent. Le chef
cuisinier, Ludovic Lavaud, suit
le projet de A à Z. « J’ai fait
connaître mes souhaits avec
en tête la double problémati-
que hygiène et sécurité, expli-
que-t-il. Le piano était vieux de
trente ans, étroit, diffi cile à net-
toyer, avec des coins saillants.
Il était impossible de se croi-
ser et d’avoir une progression
de type “marche en avant”.
L’installation d’un piano central
avec multiplication des arrivées
d’eau à une distance minimale
de 80 cm des postes froids
libère véritablement l’espace et
facilite la coactivité. »
Une économie de pas
À partir de là, le regard se
porte sur les interactions cui-
sine/salle. C’est là qu’inter-
vient le réseau informatique.
« Le personnel de salle prend les
commandes sur papier, puis les
transfère sur un ordinateur tac-
tile. L’information est transmise
à la réception et en cuisine, à
un interlocuteur choisi. On se
parle sans se voir. Du coup, on
court moins. L’ambiance est
plus calme », explique Marie-
José Hamelin, responsable de
salle. Deux consoles sont éga-
lement installées sur la ter-
rasse. En cuisine, on attend le
feu vert avant de lancer la pré-
paration. Dès que l’assiette est
prête, le chef bipe le serveur.
Pour le personnel, c’est une
économie de pas considéra-
ble, car si la demeure off re de
beaux volumes, cela se payait
parfois en termes de fatigue.
« Le service est plus efficace.
Nous commettons moins d’er-
reurs et le temps gagné est mis
au service du client », témoigne
Franck Guinez, maître d’hôtel
depuis quatre ans. « Après une
saison de mise en place, pen-
dant laquelle la direction essuie
quelques regards noirs, ce sont
fi nalement les salariés qui en
parlent le mieux », témoigne
Patrick Hamelin.
Sans regret donc, même si ce
petit plus pour les conditions
de travail a un coût. « Il ne faut
pas se mentir, sans la participa-
tion de la CRAM (21 000 € pour
69 000 € d’investis sement)
nous n’en aurions pas fait
autant. Qu’il s’agisse du maté-
riel informatique comme de
notre nouvelle centrale d’aspi-
ration. » ■
Pour en savoir plus…
Ancienne forge du XIIIe siècle
transformée en hôtel-restaurant d’avril à octobre, le Manoir d’Hautegente se consacre, le reste de l’an-née, à la préparation de plats cuisinés à base de foie gras d’oie et de canard. Au cœur du Périgord noir, l’établissement dresse 15 à 20 tables chaque soir dans ses salles à manger et une vingtaine en terrasse, au pied de l’ancien moulin à draps. 15 chambres tournées vers le parc et la rivière offrent à la clientèle la possibilité d’une halte alliant charme et confort dans la région.
« On communique sans se voir,
du coup on court moins... »
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30 Travail & Sécurité 05 - 07
Son restaurant, Patrick
Gullenmuller l’a long-
temps rêvé. Plombier
de métier, il repère début
1999 l’emplacement idéal. Un
ancien hangar municipal, à
proximité d’un bassin d’entre-
prises à Artix. Rapidement, la
CRAM Aquitaine le conseille
dans son projet. Il est formé au
risque routier, suit un stage de
sauveteur secouriste du travail
(SST). Sensibilisé aux risques
côtoyés dans le secteur de la
restau ration, il se forge une
idée assez précise de sa cui-
sine « idéale ». Un contrat de
prévention lui permet d’ob-
tenir une aide fi nancière à la
conception de son établisse-
ment. Le Kitch – ce sera son
nom – verra le jour au terme
d’aména gements faciles à
intégrer et pris en compte dès
la conception, qui bénéfi cient
en premier lieu aux salariés.
Le contrat insiste sur la prise
en charge des risques liés à la
circulation des personnes (glis-
sades, chutes de plain-pied,
fatigue…) grâce à la mise en
place d’un carrelage anti-déra-
pant. Des systèmes d’extraction
adaptés, un éclairage naturel
et artifi ciel de plus de 400 lux
sur tous les postes de travail et
l’instal lation de cinq Velux de
toit et trois portes vitrées sont
prévus. Côté machines et équi-
pements, l’établissement mise
sur l’ergonomie des postes en
se fournissant en matériel de
préparation et rangements
en inox et investit dans une
centrale de nettoyage et de
désinfection et deux lavabos à
commande optique.
Une affaire de famille
Enfin, le contrat précise les
impératifs de formation :
deux sauveteurs SST et l’en-
semble du personnel formé à
l’hygiène alimentaire et aux
risques professionnels avec
l’Abioc, organisme d’hygiène
alimentaire sensibilisé à la
sécurité et conventionné par
la CNAMTS pour la démar-
che du « couteau qui coupe ».
« On s’y est tous mis », commen-
te le restaurateur. Le Kitch est
une petite entreprise familiale.
Père et fi ls sont aux fourneaux,
tandis que la mère, la tante, le
neveu offi cient en salle ou en
cuisine. L’établissement sert en
moyenne 100 couverts par jour,
essentiellement le midi, du fait
de la proximité du pôle indus-
triel. « Je voulais conserver un
caractère artisanal. Je vais tout
chercher moi-même au mar-
ché, en dehors de la viande qui
me vient directement des abat-
toirs d’Oloron-Sainte-Marie.
Notre canard est acheté à un
petit producteur des Landes. »
À ses débuts, le restaurant
embauche un jeune cuisinier
de 21 ans qui communique à
tous le b.a.-ba de l’hôtellerie.
Aujourd’hui, le fi ls, Brice, fraî-
chement sorti de l’école hôte-
lière de Biarritz, a pris le relais.
« L’établissement a mis tous les
atouts de son côté au départ.
Sept ans après, ça reste impec-
cable », estime Serge Coubes,
ingénieur-conseil prévention
à la CRAM Aquitaine. Aucun
accident n’est venu ternir le
tableau. « On nous a appris
que, si on se dote d’un outil de
travail performant, de bonne
qualité et en bon état, le retour
sur investissement est là, expli-
que le patron. Pour quelqu’un
qui n’est pas du métier, c’est la
meilleure école. »
En bordure
du pôle industriel
d’Artix (64), le Kitch
sert depuis sept ans
une cuisine
traditionnelle et
simple à une clientèle
d’habitués. Ancien
plombier reconverti
à sa passion, le patron
a conçu la cuisine
qu’il avait imaginée,
avec pour seul précepte
que chaque problème
trouve sa solution
ergonomique.
CONCEPTION
Se doter d’un outil performant
Aux postes de travail, des Velux ont
été installés, ainsi que trois portes
vitrées.
Un carrelage antidérapant
permet de limiter les risques
liés à la circulation des personnes.
Le nettoyage est facilité.
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