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15 euros Volume 02 // Numéro 03 Juillet / Août / Septembre 2012 Trimestriel * * Périodique de formation médicale Dossier : Allogreffe et GHV Focus sur ALTE-SMP Focus sur le FIM Zoom congrès : EHA 2012 Épidémiologie – Diagnostic – SMD/SMP Syndrome hyperéosinophiliques – Néoplasies – SMP non LMC – Modèles animaux Facteurs pronostics – Thromboses – Transformation leucémique – SMP et Grossesse – Recommandations ELN – Inhibiteurs des JAKs Essais thérapeutiques – Nouvelles cibles Dès le 31 octobre prochain… Horizons Hémato ... Télécharger l'application

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15 euros

Volume 02 // Numéro 03 Juillet / Août / Septembre 2012

Trimestriel

*

* Périodique de formation médicale

Dossier : Allogreffe et GHV

Focus sur ALTE-SMP

Focus sur le FIM

Zoom congrès : EHA 2012

épidémiologie – Diagnostic – SMD/SMP – Syndrome hyperéosinophiliques – Néoplasies – SMP non LMC – Modèles animaux –

Facteurs pronostics – Thromboses – Transformation leucémique – SMP et Grossesse – Recommandations ELN – Inhibiteurs des JAKs – Essais thérapeutiques – Nouvelles cibles

Dès le 31

octobre

prochain…

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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03

Sommaire

■ Comités

Directeur de la publication : Pascale Raoul

Directeur de la rédaction : Stéphane Chèze (Caen)

Rédacteurs en chef : Frédéric Bauduer (Bordeaux)Ismaïl Elalamy (Paris)Ollivier Legrand (Paris)

Directeur scientifique :Frédéric Maloisel (Strasbourg)

Responsable relations associations :Ghislaine Lasseron

Comité de rédaction :Philippe Beurrier (Angers)Nicole Casadevall (Paris)Joël Cucherousset (Montfermeil)Olivier Fitoussi (Bordeaux)Grigoris Gerotziafas (Paris)Pierre Hirsch (Paris)Didier Kamioner (Trappes)Vincent Lévy (Avicenne)Christophe Marac (Paris)Pierre-Emmanuel Morange (Marseille)Mohamad Mothy (Nantes)Brigitte Pan-Petesh (Brest)Guillaume Robert (Nice)

Comité scientifique :Emmanuel Andres (Strasbourg)Carole Beaumont (Paris)Jean-Michel Cayuela (Paris)Bertrand Coiffier (Lyon)Florence Cymbalista (Bobigny)Jean-Loup Demory (Lille)François Dreyfus (Paris)Pierre Fenaux (Paris)François Guilhot (Poitiers)Norbert Ifrah (Angers)Jean-Jacques Kiladjan (Paris)Judith Landman-Parker (Paris)Véronique Leblond (Paris)Guy Leverger (Paris)François-Xavier Mahon (Bordeaux)Philippe Moreau (Nantes)Jean-François Schved (Montpellier)Luc Sensebe (Tours)Gérard Socié (Paris)Xavier Troussard (Caen)Xavier Thomas (Lyon)Norbert Vey (Marseille)

Comité de lecture : Publication annuelle

Publié par INTERCOM Santé64, rue Anatole France92300 Levallois-Perret01 56 76 63 [email protected]

Maquette : Célia SchwabImprimeur : Imprimerie Vincent, Tours

Abonnement : [email protected]

N° CPPAP : 1213 T 91158N° ISSN : 2119-1859Dépôt légal : à parution

Les articles publiés dans Horizons Hémato le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en aucune façon la société éditrice. Les droits de reproduction et de traduction sont réservés pour tous pays.

■ éditorial Willian Vainchenker, Nicole Casadevall p. 117 ■ Focus sur les Sociétés/Associations p. 119

■ FIM et registre du FIM Jean-Jacques Kiladjian, Président p. 119

■ ALTE Serge Giraudier, Président p. 121

■ Grand Angle : SyNDROMES MyéLOPROLIFéRATIFS Dossier coordonné par Nicole Casadevall p. 123

■ épidémiologie des Syndromes Myéloprolifératifs (SMP) sans chromosome Philadelphie François Girodon, Björn Andreasson p. 123

■ Diagnostic des syndromes myéloprolifératifs : critères et arbres diagnostiques Christophe Marzac, Valérie Ugo, Aude Aline-Fardin p. 125

■ Les syndromes myélodysplasiques/myéloprolifératifs Raphaël Itzykson, éric Solary p. 127

■ Syndromes hyperéosinophiliques Jean-Emmanuel Kahn p. 129

■ Néoplasies myéloprolifératives et néoplasies myélodysplasiques/myéloprolifératives de l’enfant Arnaud Petit p. 131

■ Syndromes myéloprolifératifs non LMC : mutations géniques et architecture clonale Anne Murati, François Delhommeau p. 133

■ Les syndromes myéloprolifératifs familiaux Christine Bellanné-Chantelot p. 135

■ Modèles animaux de SMP Jean-Luc Villeval, Stéphane Giraudier p. 137

■ Facteurs pronostiques des SMPs Brigitte Dupriez, Nathalie Cambier, Mathieu Wémeau p. 139

■ Complications thrombotiques de la thrombocytémie essentielle Jean-François Viallard, Ismaïl Elalamy p. 141

■ Thromboses vasculaires hépato-splanchniques et syndromes myéloprolifératifs Carine Chagneau-Derrode, Aurélie Plessier, Lydia Roy p. 143

■ Transformation leucémique : rôle du traitement ou évolution naturelle ? Jean-Jacques Kiladjian, Annalisa Andreoli p. 145

■ Prise en charge des syndromes myéloprolifératifs au cours de la grossesse Laurence Legros, Agnès Guerci, Cynthia Trastour p. 147

■ Recommandations de l'ELN : Interféron-alpha Annalisa Andreoli, Jean-Jacques Kiladjian p. 149

■ Que peut-on attendre des inhibiteurs des JAKs ? Laurent Knoops p. 151

■ Les essais thérapeutiques des SMPs non LMC en France Jérôme Rey, Vincent Ribrag p. 153

■ Nouvelles cibles thérapeutiques dans les néoplasmes myéloprolifératifs (SMPs) Willian Vainchenker, Stefan N. Constantinescu p. 155

■ Dossier : ALLOGREFFE ET GHV Dossier coordonné par Mohamad Mohty p. 158

■ Inhibiteurs de tyrosine kinase et GVH chronique Ibrahim Yakoub-Agha p. 158

■ Rituximab et maladie du greffon contre l’hôte chronique Frédéric Baron, Sophie Servais p. 161

■ La photophérèse extra-corporelle dans le traitement de la réaction du greffon contre l’hôte Bilal Mohty p. 164

■ Zoom congrès : ACTuALITéS à L’EHA/AIH Dossier coordonné par Tereza Coman et Frédéric Maloisel p. 167

■ éditorial Thomas Cluzeau, Président de l’AIH p. 167

■ Leucémie Lymphoïde chronique (LLC) : quand un monde de cibles se déploie Tereza Coman p. 168

■ Myélome multiple Gabriel Brisou p. 169

■ Avancées dans les myélodysplasies Marion Loirat p. 170

■ Lymphome de Hodgkin à l’EHA : stades avancées, réfractaires et rechutes Magalie Joris p. 171

■ L’allogreffe de CSH Maud D'Aveni p. 172

■ Nouvelles thérapeutiques dans les LAL de l’adulte Florence Rabian p. 173

■ Avancées sur l’aplasie médullaire Gabrielle Roth-Guepin p. 174

■ Bulletin d'abonnement p. 167 &175

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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03

Grand Angle ■ DOSSIER : SyNDROMES MyéLOPROLIFéRATIFS

éditorial

C’est en 1951 que, William Dameshek, émet l’hypothèse que la polyglobulie de Vaquez (PV), la thrombocytémie

essentielle (TE) et la myélofibrose primaire (MFP) sont des hémopathies étroitement apparentées avec à leur origine un stimulus commun. à l'origine appelées Syndromes Myéloprolifératifs (SMPs), elles ont été renommées Néoplasmes Myéloprolifératifs (NMPs) mais cette terminologie n'est pas adaptée à la modélisation et aux formes familiales. Pour ces raisons, cette nomenclature n'est pas adoptée de façon universelle.La description en 2005 de la mutation activatrice V617F du gène codant pour JAK2 (Janus Kinase 2), une tyrosine kinase impliquée dans la signalisation de nombreux récepteurs de cytokines dont ceux de l’érythropoïétine de la thrombopoïétine et des cytokines de la lignée granuleuse, a fourni une explication aux similitudes cliniques et évolutives de ces 3 hémopathies. En effet au moins 95 % des PV, 50 à 60 % des TE et des MFP présentent la mutation V617F. D’autres mutations plus rares ont été décrites et toutes induisent une dérégulation du signal induit par les récepteurs aux cytokines avec une activation constitutive de JAK2 et un rôle important de l’activation des STAT, dont STAT5, dans leur pathogénie. Cependant il reste à démontrer que ceci est également vrai dans les TE et les MFP sans mutation de signalisation identifiée.Cette découverte a ouvert le champ à une recherche très active, aussi bien fondamentale que clinique. Une première conséquence a été en 2008 la modification des algorithmes diagnostiques recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé et l’intégration de la mutation V617F de JAK2 dans les critères majeurs.Un autre aspect encore incomplètement compris est comment une mutation unique (V617F) peut donner trois pathologies différentes. Il existe trois grandes hypothèses qui ne sont pas antinomiques. Dans la première c’est le niveau de signalisation voire son type qui définit la maladie. L’un des déterminants majeurs est la présence ou non d’un clone homozygote survenu à la suite d’une recombinaison mitotique du clone hétérozygote et qui entraîne une dominance clonale. Cet aspect du point de vue pratique se traduit par la charge allélique plus forte dans les MF secondaires que dans les PV et plus forte dans les PV que dans les TE. La seconde hypothèse souligne l’importance

de déterminants génétiques constitutionnels qui vont intervenir dans la signalisation de V617F. Enfin ces dernières années de nombreux arguments ont été apportés en faveur de l’existence d’autres mutations acquises portant soit sur des régulateurs de l’épigénétique, soit sur des gènes impliqués dans l’épissage qui seraient responsables de l’hétérogénéité des néoplasmes myéloprolifératifs. Ceci est particulièrement bien démontré dans les myélofibroses primaires, mais beaucoup moins évident dans les PV, les TE et les myélofibroses secondaires. La découverte de ces nombreuses autres mutations non impliquées dans la signalisation a mis en évidence une plus grande complexité dans la physiopathologie des NPMs qu’attendue et en font des maladies beaucoup plus complexes que la LMC. Surtout ces données font que la théorie initiale de W. Dameshek ne représente qu’une partie de la réalité et que les NPMs doivent être plus vus comme une continuité avec les autres hémopathies malignes comme les SMPs/SMD, les SMD voire les LAM. Cette continuité en fait donc des maladies particulièrement attractives pour comprendre l’oncogenèse des hémopathies malignes et également pour développer de nouveaux traitements. Ces cinq dernières années ont vu des changements thérapeutiques profonds basés sur l’utilisation de l’Interféron-alpha et sur des inhibiteurs de JAK2. On peut penser que ces nouvelles approches thérapeutiques n’en sont qu’à leur début et évolueront lorsqu’on progressera à la fois dans la compréhension des modifications engendrées dans la structure de JAK2 par les mutations et dans le rôle des autres mutations dans la physiopathologie de ces maladies. Nous avons essayé, dans ce numéro d’Horizons Hémato consacré aux SMPs, d’aller des aspects fondamentaux à la pratique. Merci à toutes celles et ceux qui ont participé à la rédaction de ces articles très riches et nous espérons que les lecteurs prendront conscience du vaste champ de recherche qui s’ouvre dans ces pathologiesCe numéro de la revue coïncide avec le lancement de l’application Horizons Hémato.L’ampleur des informations apportées par la totalité des articles va permettre une publication papier synthétique, enrichie par les divers compléments postés sur l’application.

Nous vous souhaitons une très bonne lecture,

William VAINCHENKER Nicole CASADEVALL Président du conseil scientifique du FIM Coordinatrice du dossier [email protected] [email protected]

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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03

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Focus Sociétés savantes/Groupes coopérateurs/Intergroupe

France Intergroupe des syndromes Myéloprolifératifs (FIM)

La découverte de la mutation JAK2V617F a tota-lement changé la perspective de la communauté médicale et scientifique sur les SMPs. Ces maladies sont alors entrées dans l’ère moléculaire, où seule la leucémie myéloïde chronique (LMC) évoluait déjà depuis de nombreuses années. La mutation de JAK2 et les multiples autres anomalies moléculaires décou-vertes par la suite dans les SMPs a permis l’éclosion d’un nombre impressionnant d’études cliniques ou biologiques dans le monde et en France. Il est donc rapidement apparu que l’absence de coordination nationale serait nécessairement un handicap majeur pour valoriser la recherche des investigateurs français sur le plan international. Il fallait donc proposer de réunir les excellences individuelles qui avaient permis de maintenir une recherche de pointe dans les SMPs jusqu’alors, au sein d’une structure collégiale de coordination permettant de rassembler l’ensemble des centres intéressés dans la prise en charge et la recherche dans les SMPs.

Historique

C’est ainsi qu’est né à partir de 2008 le FIM, France Intergroupe des syndromes Myéloprolifératifs. Les groupes fondateurs en étaient le groupe PV-Nord, le Groupe d’études des Myélofibroses (GEM), le comité «  syndromes myéloprolifératifs  » du GOELAMS, le Groupe d’études Multicentriques des SMPs (GEMSMP), le groupe de recherche sur les syndromes myéloprolifératifs familiaux, et le groupe réuni autour du premier PHRC dédié à l’étude de la mutation de JAK2 coordonné par William Vainchenker et Nicole Casadevall. La structure choisie était celle d’un inter-groupe piloté par un conseil d’administration compor-tant le même nombre de représentants de chacun de ces groupes fondateurs, aidée par un conseil scienti-fique et fonctionnant autour d’une chartre définissant les objectifs, les moyens, et les règles de fonctionne-ment du FIM.Au-delà de ses groupes fondateurs, le FIM a toujours eu pour vocation de réunir l’ensemble des personnes et des centres intéressés par les SMPs hors LMC. Ainsi, au total plus de 70 centres en France ont manifesté

leur volonté de participer aux activités du FIM. Ces centres regroupent aussi bien des centres purement cliniques, des services de biologie hospitalière, que des unités de recherche fondamentale. Le FIM a égale-ment été heureux d’accueillir une équipe belge (coor-donnée par le Docteur Laurent Knoops à Bruxelles) et a également vocation à s’enrichir de l’apport de tous nos collègues francophones qui souhaiteront participer à ses activités.

Les objectifs du FIM…

…Tels que définis lors de sa création étaient les suivants : • Réunir les différents spécialistes concernés par la

■ Le Mot du Président

Depuis la première description de la polyglobulie par le Docteur Louis-Henri Vaquez en 1892, les syndromes myéloprolifératifs (SMPs), ont eu une place particulière dans le champ de l’hématologie en France. Bien qu’à une échelle de santé publique ces maladies soient considérées comme « orphelines », elles font partie du quotidien de consultation de tous les hématologues. Jusqu’au début des années 2000, la recherche sur les SMPs en France était limitée à quelques centres mais a toujours été dynamique et compétitive sur le plan international, avec un certain nombre d’experts reconnus mondialement aussi bien en biologie qu’en clinique. Néanmoins, il n’existait pas à proprement parler de structuration à l’échelle nationale de cette recherche sur les SMPs, ce qui a limité la possibilité de réaliser de grands essais ou de grandes études rétrospectives à l’image par exemple des groupes italiens.

Jean-Jacques KILADJIAN

Figure 1 : Le site internet du FIM, fim-asso.org

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Focus Sociétés savantes/Groupes coopérateurs/Intergroupe

prise en charge clinique et le traitement des SMPs.• Favoriser la recherche fondamentale.• Aider les différents centres de traitement à participer à des protocoles thérapeutiques et biologiques nationaux ou internationaux.• Encourager la création de banques de données cliniques et biologiques sur les SMPs non LMC.

Depuis 2009, les membres du FIM ont pu partager leur expérience au cours de réunions régulières, proposer et discuter des études communes, faire appel aux ressources disponibles sur l’ensemble du territoire pour leur recherche. Néanmoins, l’année 2012 va être marquée par le lancement des premiers projets créés entièrement grâce au FIM. Le premier d’entre eux est la création d’un registre national des SMPs non LMC. Ce registre académique va être ouvert à la rentrée 2012 et sera soutenu par du personnel de recherche clinique destiné à aider à la collection des données dans les différents centres. L’ambition de ce registre est de pouvoir recueillir l’ensemble des patients porteurs de myélofibrose, de polyglobulie de Vaquez et de throm-bocytémie essentielle en France, avec des données les plus complètes possibles au diagnostic, mais aussi des données évolutives recueillies au cours du suivi. Le FIM a également pu répondre collectivement à deux appels à projet, le premier concernant la création d’une base clinico-biologique multicentrique nationale sur les SMPs (appel à projet de l’INCA). Cette base, appelée « FIMBank », sera adossée au registre du FIM cité plus haut. Le FIM a également répondu à un appel à projet de l’ANSM concernant l’utilisation hors AMM des médi-caments, sur le thème de l’utilisation de l’Interféron-alpha dans les syndromes myéloprolifératifs. Au-delà de l’obtention d’un soutien financier (les résultats de ces 2 appels à projets ne sont pas encore connus au moment de la rédaction de ce document), ces deux grands projets ont montré que les membres du FIM étaient mainte-nant capables de proposer collectivement des études nationales où tous ceux qui sont prêts à s’investir seront porteurs de projets au nom du groupe.

Les projets

Enfin, alors que le FIM a permis à quelques centres français d’être mieux représentés dans les essais cliniques internationaux de nouvelles molécules dans les SMPs hors LMC, et faciliter le recrutement dans ces études par une meilleure information et commu-nication de l’état d’avancée des protocoles cliniques ouverts et des lieux où cette recherche est effectuée, l’année 2012 va être marquée par le lancement d’un premier essai clinique conçu par le FIM en collabo-ration avec la Société Française de Greffe de Moelle et de Thérapie Cellulaire. Cet essai concernera les patients porteurs de myélofibrose de risque intermé-diaire-2 ou de risque élevé et donc potentiellement éligible pour une allogreffe des cellules souches hématopoïétiques, et posera la question de l’intérêt d’un traitement par ruxolitinib pendant quelques mois avant l’allogreffe. Il faut souligner que toutes ces activités du FIM, qui est un intergroupe acadé-mique sans existence « juridique » (ni association, ni fondation…), ne sont possibles que grâce à l’accord des associations fondatrices du FIM pour recueillir les fonds, assurer le financement et le recrutement de personnel ainsi que la logistique de ces diverses études. Le GOELAMS notamment, en offrant au FIM l’accès à son infrastructure de recherche clinique, les associations PV-Nord et GEM en permettant la collecte de fond, ont été déterminants pour la réalisation de tous ces projets et sont ici remerciés. Alors que la recherche française a toujours été à l’hon-neur dans le domaine des SMPs, nous espérons que le FIM permet et permettra d’amplifier encore cette expertise et de continuer de lui assurer une reconnais-sance au niveau international. Nous remercions toutes celles et ceux qui depuis trois ans font vivre ce groupe, travaillent ensemble à des projets communs, ainsi qu’à tous ceux qui soutiennent les activités du FIM et participent à ces projets. Nous espérons enfin que l’année 2012 verra les premières études entièrement conçues par le FIM couronnées de succès !

■ La structure

■ Agenda

Président : Pr. Jean-Jacques KILADJIAN (Paris)

Vice-président : Pr. Jean-Loup DEMORy (Lille)

Président du Conseil Scientifique : Dr. William VAINCHENKER (Villejuif)

Vice-président du Conseil Scientifique :Dr. Marie-Caroline LE BOuSSE KERDILES (Villejuif)

Secrétaire : Pr. Nicole CASADEVALL (Paris)

Trésorière : Pr. Valérie uGO (Brest)

■ Assemblée générale du FIM23 novembre 2012

■ Journée patient Contact : Serge Giraudier, Président de [email protected]

■ FIM

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Focus sur associations

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ALTE-SMP

Quelle est l’action de ALTE-SMP ?

L’action de ALTE-SMP se décline à deux niveaux sur tous les pays et tous les continents.

• Au niveau individuel : la disponibilité 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, par internet ou par téléphone, offre au malade réconfort, explications, orientation, aide à la résolution des problèmes personnels résultant de la maladie. Les forums du site alte-asso.org, déclinés par maladie, offrent à chacun la possibilité de converser et d’échanger avec tous les malades, d’où qu’ils soient. C’est un lieu unique d’échanges et d’informations. Pour tous les adhérents, ALTE-SMP, c’est avant tout une seconde famille. ALTE-SMP aide les malades, et pas seulement les membres, bien sûr, à constituer les dossiers administratifs tels que reconnaissance de handicap ou demande d’allocation adulte handicapé ; dossiers de crédits immobiliers, etc.Le malade restera le cœur de cible de l’action de ALTE-SMP. La prise en charge individuelle sera toujours plus importante que les actions collectives, bien que celles-ci restent essentielles. L’acteur prin-cipal de la maladie demeure le médecin, mais en collaboration avec lui, ALTE-SMP complète son action en intégrant la dimension familiale et environnemen-tale. Le suivi rapproché, la réponse au jour le jour permettent au malade de mieux vivre en comprenant sa maladie et en devenant acteur de sa maladie. Le travail du médecin en est facilité car il est mieux compris.

• Au niveau collectif : Par la diffusion des progrès thérapeutiques ; par l’information relative à l’arrivée de nouvelles molécules, par le suivi de l’avancement des essais cliniques, les membres et les visiteurs d’ALTE reçoivent une information régulière sur les progrès en cours dans le domaine de leur propre pathologie. Le congrès annuel de l’association vient en complément de l’information papier périodique (bulletins d’infor-mation) ou informatique journalière. Les différentes manifestations confortent le lien.

Les manifestations de ALTE-SMP

• Un congrès annuel est organisé le dernier vendredi du mois de mars. Des médecins spécialisés viennent

apporter des informations et les dernières nouveautés de leur profession. Le thème est chaque année diffé-rent. Cette manifestation, très conviviale, est parti-culièrement appréciée parce qu’elle permet des échanges directs entre médecins et patients, mais aussi parce qu’elle permet aux malades de tisser des liens entre eux ; les anciens membres ont pour habi-tude d’accueillir et de mettre à l’aise les nouveaux arrivants. Pour beaucoup de malades, ALTE-SMP est leur seconde famille.

• Des rencontres régionales, dans les villes de moyenne importance, généralement sous la houlette d’un médecin local, permettent à des malades qui n’ont pas envie ou pas les moyens de se déplacer d’être écoutés et d’entrer dans le groupe.

• En 2011, le concours artistique lancé par ALTE

■ Le Mot du Président

120 ans déjà qu’Henri Vaquez décrivait pour la première fois la maladie qui porte son nom. Pourtant il a fallu attendre la dernière décennie pour voir apparaître quelques progrès. Alors que les pathologies tumorales faisaient l’objet d’intenses recherches et de budgets colossaux, les syndromes myéloprolifératifs furent longtemps considérés comme secondaires. Si une timide évolution se dessine dans le bon sens, le rôle de ALTE-SMP demeure majeur pour beaucoup de malades.

Serge GIRAuDIER

Figure 1 : Site de ALTE-SMP alte-asso.org

 

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Focus sur associations

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auprès des malades a remporté un vif succès. Trois prix ont été attribués pour des œuvres de peinture et de sculpture : un par la Société Française d’hémato-logie, un par le Groupement des hématologues et un par l’association ALTE-SMP.

• Une journée nationale des SMPs verra prochai-nement le jour en partenariat entre ALTE-SMP et le groupement FIM des hématologues ; en principe le 26 Janvier 2013.

Nos publications

• Deux modèles de dépliants sont à la disposition du public :– L’un permet une découverte rapide de la maladie et de l’association ALTE-SMP.– L’autre explique le besoin de recherche dans le domaine des SMPs.• Un livre très complet viendra bientôt en complément. • Un bulletin bimensuel, par internet ou par la poste, permet à tous les membres d’être informés des nouveautés aussi bien sur le plan médical que sur le plan des actions de ALTE-SMP.

Les projets de ALTE-SMP

Les projets en cours de réalisation• Un livre complet sur les syndromes myéloproliféra-tifs qui apportera des informations essentielles sur ces pathologies encore mal connues. Les meilleurs spécia-listes français participent à sa rédaction. Il comportera pour chaque maladie un volet de description biolo-gique et clinique de la maladie et un volet important destiné essentiellement aux malades au moyen de

témoignages. Ces témoignages aborderont aussi bien l’évolution des pathologies que les problèmes de vie au quotidien, famille, emploi, etc. Cet ouvrage devrait être disponible courant 2013.

• à la demande des personnes qui découvrent ces maladies, nous allons produire une vidéo d’explication des bases biologiques des SMPs en remplacement de nos DVD intéressants mais qui datent un peu. Une version plus courte sera mise en ligne sur les réseaux sociaux.

Les projets à venir• Nous avons la ferme intention de lancer un programme de recherche axé essentiellement sur les SMPs JAK2 négatifs, mais qui pourrait débou-cher sur l’ensemble des SMPs. Les médecins du FIM soutiennent ce projet. Il démarrera dès que nous aurons obtenu le financement, mais aucune date ne peut être avancée pour l’instant.

• Une vidéo sera prochainement mise en ligne à la fois sur le site de ALTE-SMP, mais aussi sur les réseaux sociaux afin de permettre aux nouveaux malades de comprendre ce qu’est un syndrome myéloprolifératif.

• En parallèle, une rénovation du site alte-asso.org est prévue afin de rendre l’accueil plus au goût du jour ; mais les forums seront inchangés.

Nous tenons à rendre un hommage posthume au Professeur Jean Brière qui nous a apporté toute son aide.

■ La structure

Notre comité exécutif est composé des membres suivants :

Président : Serge GIRAuDIER [email protected]

Vice-présidente : Marie-France ESPOuLLIER [email protected]

Vice-président : Patrick FREBOuRG [email protected]

Secrétaire/webmaster : Jean-Luc TAILLANDIEr  [email protected]

Trésorière : Anne-Laurence [email protected]

Notre Conseil d’administration réunit dix membres.

Contacts :Nous sommes joignables 7j/7 – 24h/24.tél. : +33(0)482533574 ou +33(0)620682021mail : [email protected] ou individuellement par les adresses ci-dessus, ou directement par la rubrique « contacts » du site alte-asso.org.

■ ALTE-SMP

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Grand Angle

Parmi les syndromes myéloprolifératifs sans chromosome Philadelphie, la classification de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) 2008 décrit plusieurs entités distinctes : la Leucémie Chronique à Polynucléaires Neutrophiles, la Maladie de Vaquez ou Polyglobulie Primitive (PV), la Thrombocytémie Essentielle (TE), la Myélofibrose Primaire ou Splénomégalie myéloïde (MFP), la Leucémie Chronique à éosinophiles, la Mastocytose et les syndromes myéloprolifératifs inclassables.Compte tenu de la faible fréquence de certaines pathologies, seule l’épidémiologie des trois principales formes à savoir la PV, la TE et MFP sera abordée.

épidémiologie des Syndromes Myéloprolifératifs (SMPs) sans chromosome Philadelphie

Ces 3 maladies sont des hémopathies malignes d’ori-gine clonale relativement rares puisque l’incidence pour l’ensemble de ces trois pathologies représente moins de 5 nouveaux cas pour 100 000 habitants par an (1, 2). Afin d’établir au mieux les indices épidé-miologiques que sont l’incidence, la prévalence, la survie… il est nécessaire d’avoir recourt à des popu-lations bien définies, de manière à refléter la réalité telle qu’elle se présente dans la population générale : cela permet ainsi d’éviter les biais de recrutement qui peuvent apparaître en particulier dans les cohortes hospitalières. C’est donc tout l’intérêt des registres spécialisés de population qui colligent des données épidémiologiques exhaustives à partir de populations bien définies (d’une ville, d’un département, d’une région ou d’un pays), en s’appuyant sur diverses sources médicales qui se complètent et se confirment. Ainsi en 1980, Madame le Professeur Paule-Marie Carli a créé le premier registre au monde spécialisé en hématologie dans le département de la Côte d’Or et qui recouvre une population d’environ 500 000 habitants (3).De manière à faciliter les comparaisons et à minimiser les différences en particulier d’âge dans la distribu-tion au sein de différentes ethnies ou populations, les données d’incidence sont ajustées à une population standardisée de référence, le plus souvent la popu-lation mondiale, parfois la population européenne.

Données épidémiologiques de la maladie de Vaquez

La PV est une maladie exceptionnelle chez l’enfant et en tout état de cause très rare chez les moins de 30 ans (moins de 1 % des patients (4)) car l’âge médian au diagnostic est le plus souvent compris entre 68 et 72 ans (1, 5, 6). Environ 10 % des patients ont moins de 50 ans au moment du diagnostic. L’incidence annuelle standardisée à la population européenne varie entre 0,9 et 1,97 nouveaux cas pour 100 000 habitants selon les études avec un sex ratio proche de 1 (1, 5, 6), et cette incidence semble stable au cours des 25 dernières années (1). Néanmoins, du fait d’une méconnaissance possible d’une authentique PV en l’absence de réali-sation d’une mesure du volume globulaire total (7), il est licite de penser que l’incidence des PV est parfois sous évaluée. La prévalence quant à elle est estimée à 30-35/100 000 habitants (5). Enfin, cette maladie plutôt indolente d’évolution chronique est associée à une surmortalité par rapport à la population générale,

en particulier du fait de transformations en leucémie aiguë myéloblastique (LAM) ou en myélofibrose, et de complications thrombotiques fatales (8). En effet, la survie relative des patients avec une PV (c’est-à-dire la survie comparée à une population de référence de même âge et de sexe mais sans PV, et qui permet d’évaluer la mortalité directement attribuée à la PV) est respectivement de 93 %, 72 % et 46 % après 5, 10 et 20 ans d’évolution (4). Le risque cumulé de LAM est estimé à 15 % après 15 ans d’évolution (4, 9), avec néanmoins un risque plus grand chez les femmes (4, 10), alors que le risque cumulé de transformation en myélo-fibrose se situe entre 10 et 15 % à 15 ans (4, 9).

Données épidémiologiques de la thrombocytémie essentielle

La TE est plus fréquente que la PV, puisque l’incidence annuelle standardisée à la population européenne se situe entre 1,55 et 2 pour 100 000 habitants (1, 5, 6), avec une fréquente et discrète prédominance fémi-nine ; bien que les formes infantiles soient possibles, la TE touche essentiellement les adultes à partir de 20 ans et surtout les sujets âgés puisque l’âge médian au diagnostic est proche de 70 ans (de 68 à 73 ans selon les études). La proportion de patients < 50 ans au moment du diagnostic est de l’ordre de 17 % (11). L’incidence de la TE a augmenté régu-lièrement au cours des 30 dernières années, en grande partie du fait d’un meilleur diagnostic et d’un recours plus large et systématique à la numération sanguine dans la pratique médicale (12). De plus, un accroissement plus important de l’incidence de la TE a été observé à partir de 2005 en raison non seule-ment de la découverte de la mutation JAK2V617F (présente dans environ 70 % des TE), mais aussi par l’abaissement du seuil de plaquettes de 600 G/L à 400 G/L comme critère diagnostique dans la nouvelle classification de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) 2008 (1). La prévalence de la TE est évaluée à 39 cas/100 000 habitants, chiffre qui, confronté à l’incidence, traduit une excellente survie proche de celle de la population générale pour certains (8), mais moindre pour d’autres auteurs (11) : en effet, l’étude au long cours de la survie relative montre un affaissement de la survie après 10 ans (83 %) et 20 ans (47 %) d’évolution (11).Le risque de transformation en LAM est similaire à celui des PV, bien que les données soient très dispa-rates selon les sources : de 2,6 à 14 % après 10 ans

François GIRODONHémato-biologiste, Professeur d’hématologie à l’uFR Pharmacie de Dijon.

Expertise :Anomalies du globule rouge, syndromes myéloprolifératifs.Post-doc au Cancer Center de l’université du Nouveau Mexique, Albuquerque, uSA.Membre de la SFH, GFHC, GOELAMS et du conseil d’administration du FIM. Co-chair du WG4 du programme européen COST MPN Euronet.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : Laboratoire d’Hématologie, PTB 2 rue Angélique Ducoudray, CHu de Dijon 21079 Dijon [email protected]

Coécrit avec : Björn ANDREASSONHematology and Coagulation Section, Department of Medicine, Gothenburg, Sweden.

■ Auteur

IncIdence, prévalence, survIe,

syndromes myéloprolIfératIfs.

Mots clés

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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d’évolution, et de 15 à 18 % après 15 ans d’évolu-tion, les meilleurs résultats étant observés chez des cohortes de patients plus jeunes (13, 14). Dans tous les cas de figure, à l’instar des LAM post-PV, les trans-formations en LAM des TE sont de très mauvais pronostic, avec une survie médiane comprise entre 3 et 6 mois (10, 11, 15). Pour ce qui est du risque de transformation des TE en myélofibrose, il se situe aux alentours de 3 % et 10 % à 10 et 15 ans d’évolution, avec cependant des grandes disparités selon que les éventuelles formes pré-fibrotiques de TE soient sépa-rées ou analysées avec les TE (14).

Données épidémiologiques de la myélofibrose primaire

La MFP est l’entité la plus rare mais aussi la plus agressive. L’incidence annuelle standardisée à la

population européenne est comprise entre 0,3 et 0,5/100 000 habitants, avec une nette prépondé-rance masculine mise en évidence par un sex ratio souvent > 2 (1, 5, 6). Cette incidence semble stable au cours du temps (1), mais devrait augmenter si l’on se réfère aux critères diagnostiques de l’OMS qui prennent en compte les éventuelles formes pré-fibrotiques. L’âge médian au diagnostic est proche de 70 ans (1, 6), avec 10 et 40 % des patients âgés de < 45 ans et < 65 ans respectivement. Le pronostic est péjoratif puisque tous stades confondus, la médiane de survie est de 69 mois responsable d’une prévalence abaissée par rapport aux PV et TE, évaluée à 3,39/100 000 habitants. Ce pronostic est étroitement lié à l’âge, la présence d’une anémie, d’une hyperleucocytose, de blastes circulants ou de symptômes généraux puisque la survie médiane varie de 27 à 135 mois selon la présence ou non de ces critères (16).

• Les SMPs sont des pathologies des sujets essentiellement > 40 ans.• La TE est la plus fréquente, et de meilleur pronostic.• La MFP est la plus rare et de mauvais pronostic, avec une prédominance masculine.• Environ 15 % des TE et PV évoluent en LAM après 15 ans d’évolution.

■ Ce qu’il faut retenir

1. Girodon F, Bonicelli G, Schaeffer C, Mounier M, Carillo S, Lafon I, et al. Significant increase in the apparent incidence of essential thrombocythemia related to new WHO diagnostic criteria: a population-based study. Haematologica. 2009; 94(6): 865-9.2. Maynadie M, Girodon F, Manivet-Janoray I, Mounier M, Mugneret F, Bailly F, et al. Twenty-five years of epidemiological recording on myeloid malignancies: data from the specialized registry of hematologic malignancies of Cote d’Or (Burgundy, France). Haematologica. 96(1): 55-61.3. Carli PM, Milan C, Lange A, Devilliers E, Guy H, Faivre J. Haematopoietic malignancies in Cote d’Or (France): a population based study. Br J Cancer. 1986; 53(6): 811-5.4. Girodon F, Bonicelli G, Johansson P, Jooste V, Andreasson B, Mounier M, Maynadié M. Leukocytosis and Thrombosis at Diagnosis Are Associated with Poor Survival in Polycythemia Vera: a Population-Based Study on 327 Patients. In: ASH meeting 2011; San Diego. Blood. 2011. p. 1215.5. Johansson P. Epidemiology of the myeloproliferative disorders polycythemia vera and essential thrombocythemia. Semin Thromb Hemost. 2006; 32(3): 171-3.6. Phekoo KJ, Richards MA, Moller H, Schey SA. The incidence and outcome of myeloid malignancies in 2,112 adult patients in southeast England. Haematologica. 2006; 91(10): 1400-4.7. Cassinat B, Laguillier C, Gardin C, de Beco V, Burcheri S, Fenaux P, et al. Classification of myeloproliferative disorders in the JAK2 era: is there a role for red cell mass? Leukemia. 2008; 22(2): 452-3.8. Abdulkarim K, Ridell B, Johansson P, Kutti J, Safai-Kutti S, Andreasson B. The impact of peripheral blood values and bone marrow findings on prognosis for patients with essential thrombocythemia and polycythemia vera. Eur J Haematol; 86(2): 148-55.9. Kiladjian JJ, Chevret S, Dosquet C, Chomienne C, Rain JD. Treatment of polycythemia vera with hydroxyurea and pipobroman: final results of a randomized trial initiated in 1980. J Clin Oncol; 29(29): 3907-13.10. Bjorkholm M, Derolf AR, Hultcrantz M, Kristinsson SY, Ekstrand C, Goldin LR, et al. Treatment-related risk factors for transformation to acute myeloid leukemia and myelodysplastic syndromes in myeloproliferative neoplasms. J Clin Oncol; 29(17): 2410-5.11. Girodon F, Dutrillaux F, Broseus J, Mounier M, Goussot V, Bardonnaud P, et al. Leukocytosis is associated with poor survival but not with increased risk of thrombosis in essential thrombocythemia: a population-based study of 311 patients. Leukemia; 24(4): 900-3.12. Girodon F, Jooste V, Maynadie M, Favre B, Schaeffer C, Carli P. Incidence of chronic Philadelphia chromosome negative (Ph-) myeloproliferative disorders in the Cote d’Or area, France, during 1980-99. J Intern Med. 2005; 258(1): 90-1.13. Kiladjian JJ, Rain JD, Bernard JF, Briere J, Chomienne C, Fenaux P. Long-term incidence of hematological evolution in three French prospective studies of hydroxyurea and pipobroman in polycythemia vera and essential thrombocythemia. Semin Thromb Hemost. 2006; 32(4 Pt 2): 417-21.14. Passamonti F, Rumi E, Arcaini L, Boveri E, Elena C, Pietra D, et al. Prognostic factors for thrombosis, myelofibrosis, and leukemia in essential thrombocythemia: a study of 605 patients. Haematologica. 2008; 93(11): 1645-51.15. Abdulkarim K, Girodon F, Johansson P, Maynadie M, Kutti J, Carli PM, et al. AML transformation in 56 patients with Ph- MPD in two well defined populations. Eur J Haematol. 2009; 82(2): 106-11.16. Cervantes F, Dupriez B, Pereira A, Passamonti F, Reilly JT, Morra E, et al. New prognostic scoring system for primary myelofibrosis based on a study of the International Working Group for Myelofibrosis Research and Treatment. Blood. 2009; 113(13): 2895-901.

■ Références

■ épidémiologie des SMP sans chromosome Philadelphie

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Figure 1 : Comparaison des survies observées et survies relatives dans la thrombocytémie essentielle

Survie (%)

Temps en années

Survie observéeSurvie relative

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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03

Grand Angle

Avec un âge médian au diagnostic proche de 60 ans, les syndromes myéloprolifératifs (SMPs) non LMC sont des pathologies touchant les adultes dans la deuxième moitié de la vie. Les critères diagnostiques ont été revus depuis la découverte en 2005 de la mutation JAK2V617F, retrouvée dans 95 % des cas de polyglobulie de Vaquez (PV), dans environ la moitié des cas de thrombocytémie essentielle (TE) et de myélofibrose primaire (MFP) (1). La classification OMS 2008 des syndromes myéloprolifératifs intègre les critères classiques du diagnostic et les avancées plus récentes de la biologie moléculaire (2).

Diagnostic des syndromes myéloprolifératifs : critères et arbres diagnostiques

Circonstances de découverte

Le diagnostic de SMP est suspecté devant un hémogramme qui montre, selon les cas, une augmentation de l’hémoglo-bine, de l’hématocrite, des plaquettes, des leucocytes, une myélémie, des érythroblastes circulants. Souvent réalisé à titre systématique, l’hémogramme peut avoir été réalisé après un événement vasculaire, une crise de goutte, ou la découverte d’une splénomégalie, qui dans ce contexte est un argument clinique fort en faveur d’un SMP. Plus spéci-fiquement, les patients polyglobuliques peuvent présenter une érythrose faciale, un prurit provoqué par l’eau (prurit aquagénique), ou des signes neurosensoriels d’hypervisco-sité sanguine (céphalées, acouphènes, vertiges) notamment lorsque l’hématocrite dépasse 60 %, seuil à partir duquel la viscosité sanguine augmente de façon exponentielle. Une thrombose veineuse inaugurant la maladie est fréquente, elle peut concerner des sites inhabituels tels les gros troncs veineux du système splanchnique ou encore le système cave inférieur réalisant le syndrome de Budd-Chiari. Des embolies pulmonaires, des thromboses artérielles, des acci-dents vasculaires cérébraux thrombotiques sont également possibles. Le risque hémorragique est moins important et se résume souvent à de petites hémorragies muqueuses parfois responsables d’une carence martiale pouvant masquer partiellement une polyglobulie. Des crises d’érythroméla-gies, douleurs paroxystiques avec gonflement des extrémités (mains, pieds) le plus souvent déclenchées par le chaud, sont associées aux thrombocytoses.

Diagnostic d’une maladie de Vaquez

1re étape : suspecter puis affirmer la polyglobulieL’hémogramme montre par définition une élévation de l’hémoglobine supérieure au 99e percentile des valeurs spécifiques de référence en fonction de l’âge, du sexe, de l’altitude de résidence. Les valeurs retenues sont celles de 16,5 g/dL chez la femme et 18,5 g/dL chez l’homme. (tableau 1). Cette définition ne permet pas d’écarter une hémoconcentration. Seule la mesure isotopique du volume globulaire total (VGT) ou « masse sanguine » permet d’af-firmer une « polyglobulie vraie ». Elle est définie par un VGT supérieur à 125 % de la normale. à l’ère des classifi-cations moléculaires, la masse sanguine est de moins en moins réalisée et la disponibilité – ou pas – de l’examen est aujourd’hui un critère important influant sur la pratique clinique (3). Le seul point consensuel reste que la mesure du VGT n’est pas utile si l’hématocrite est supérieur à 56 % chez une femme ou à 60 % chez un homme car la polyglo-bulie est alors certaine. à noter que l’hématocrite (> 47 % chez la femme ; > 54 % chez l’homme) a longtemps été

le critère principal de diagnostic d’une polyglobulie au lieu de l’hémoglobine : les 2 paramètres sont le plus souvent corrélés, et l’hématocrite reste très utilisé pour le suivi thérapeutique.

2e étape : affirmer son caractère primitifDans la maladie de Vaquez, il existe fréquemment une thrombocytose et parfois une hyperleucocytose modérée. Le dosage plasmatique d’érythropoïétine (EPO) est majeur pour différencier polyglobulie primitive (EPO basse) et secondaire (EPO élevée), il est donc à réaliser d’emblée, avant toute saignée (4). Après une première saignée le taux d’EPO reste interprétable s’il est bas ou subnormal mais il perd toute signification s’il est élevé. La mise en évidence de la mutation JAK2V617F est devenu un critère majeur (tableau 1). L’OMS recommande de vérifier la présence d’au moins 1 critère mineur associé. Il faut donc réaliser d’emblée le dosage d’EPO en même temps que la recherche de la mutation JAK2V617F, ce qui évitera une explora-tion médullaire. Au total, le diagnostic de polyglobulie de Vaquez est simple dans 95 % des cas : il faut éliminer une polyglobulie secondaire et mettre en évidence la mutation JAK2V617F, qui dans ce contexte signe le diagnostic.

Comment affirmer une maladie de Vaquez si la mutation de JAK2V617F n’est pas détectée ?Cette situation concerne environ 5 % des patients atteints de polyglobulie primitive. Il est important de commencer par confirmer la réalité de la polyglobulie (mesure du VGT) afin de ne pas entreprendre une démarche diagnostique complexe et coûteuse. Le diagnostic différentiel avec une polyglobulie secondaire requiert alors la même démarche rigoureuse que celle qui était appliquée avant la découverte de la mutation JAK2V617F :• Dosage de l’érythropoïétine : c’est l’élément clé car l’asso-ciation polyglobulie et taux d’EPO bas est un argument très fort en faveur d’une maladie de Vaquez.• Rechercher la présence de l’ensemble des autres critères mineurs, ce qui implique un prélèvement de moelle osseuse comprenant une biopsie médullaire et une aspiration pour mise en culture.• Compléter le bilan moléculaire à la recherche d’une mutation fonctionnellement équivalente : recherche des mutations de l’exon 12 de JAK2 identifiées en 2007 (5) qui seront détectées chez 2 à 3 % voire d’autres mutations exceptionnelles (exons 13-17 de JAK2, LNK, EZH2...). (6) Lorsque les critères de PV ne sont pas réunis il faut alors rechercher une polyglobulie secondaire. Le diagnostic étiologique repose sur l’analyse du taux d’EPO et des paramètres des gaz du sang (GDS) à la recherche d’une anomalie des mécanismes senseurs de l’oxygène, d’une

Christophe MARZACHémato-biologiste.

Expertise :Outils de diagnostic et de suivi des hémopathies myéloïdes.Membre du Groupe Français des Biologistes Moléculaires des Hémopathies Malignes (GBMHM) et de l’équipe INSErM UMrs 872 (université Pierre et Marie Curie.Membredu CS du FIM.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : [email protected]

Coécrit avec : Valérie UGOPu-PH au Laboratoire d’Hématologie du CHRu de Brest et membre de l’unité INSErM [email protected]

Aude ALINE-FARDINAHu au laboratoire d'anatomie et cytologiepathologiques, Hôpital Saint-Antoine, Paris.

■ Auteur

polyglobulIe de vaquez,

thrombocytémIe essentIelle,

myélofIbrose, JAK2v617f.

Mots clés

■ épidémiologie des SMP sans chromosome Philadelphie ■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03

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Grand Angle ■ Diagnostic des syndromes myéloprolifératifs : critères et arbres diagnostiques

hémoglobine hyperaffine pour l’oxygène (carboxyhémoglo-bine, methémoglobine, déficit en 2,3 BPG) d’une patho-logie pulmonaire ou cardiaque cyanogène. Finalement, lorsqu’aucune anomalie n’est retrouvée, l’existence d’une polyglobulie vraie isolée est appelée érythrocytose pure (6). Il faut noter que la classification OMS 2008 ne prend plus directement en compte certains critères mineurs de la clas-sification OMS 2001 (caryotype, splénomégalie, thombo-cytose, hyperleucocytose). Or la présence d’un caryotype anormal ou d’une splénomégalie reste un argument majeur en faveur d’une hémopathie qu’il ne permet pas cependant toujours de classer.

Diagnostic d’une thrombocytémie essentielle

Il se pose devant une thrombocytose chronique, définie par un chiffre de plaquettes supérieur à 400 G/L et vérifié à quelques semaines d’intervalle, sans étiologie évidente (principalement syndrome inflammatoire chronique, carence martiale et splénectomie). En l’absence de signe clinique ou biologique accompagnateur évocateur de SMP comme une hyperleucocytose avec ou sans myélémie ou une splénomégalie, ou de complication vasculaire, les explorations hématologiques ne seront en pratique débu-tées qu’au delà de 450 G/L. Le diagnostic de TE reste un diagnostic d’élimination, que JAK2 soit muté ou non (tableau 1). En effet, quand la recherche de mutation JAK2 V617F est positive, le diagnostic de SMP est hautement probable, mais il peut s’agir d’une polyglobulie masquée ou d’une myélofibrose primaire débutante. Selon les séries publiées, 30 à 50 % des cas de TE ne sont pas mutés pour

JAK2. Il peut alors être utile de rechercher une mutation de MPL, retrouvée dans 2 à 5 % des cas (7).

Diagnostic de myélofibrose

Dans la myélofibrose primaire, les anomalies initiales de l’hémogramme sont variables. L’anémie est fréquente, mais il existe des formes hyperleucocytaires ou leucopé-niques. Les plaquettes peuvent être élevées, normales ou diminuées. L’élément le plus caractéristique de l’hémo-gramme est la présence d’une érythromyélémie associée à des déformations des globules rouges, les dacryocytes ou hématies en larmes. L’examen de référence est la biopsie ostéomédullaire. La moitié seulement des cas de myélofi-brose primaire sont mutés JAK2V617F. Les mutations de MPL sont retrouvées dans 10 % des MFPV617F négatives, mais aussi dans environ 5 % des TE. Le diagnostic des formes débutantes ou préfibrotiques peut être difficile. Le caryotype n’est pas utile au diagnostic mais à l’évaluation pronostique de la MFP.

Conclusion

Devant un hémogramme suspect de SMP, la recherche de mutation JAK2V617F est l’examen clé. Lorsque JAK2V617F est positif, le diagnostic d’hémopathie maligne myéloïde chronique est certain, il reste ensuite à classer l’hémopathie. Si JAK2V617F est négatif, la question est d’abord celle de l’existence ou pas d’une hémopathie, et le bilan recherchera selon la présentation initiale à la fois une cause secondaire et l’ensemble des critères de SMP.

• La recherche de mutation JAK2V617F à partir d’un échantillon sanguin fait partie du bilan initial de toute suspicion de syndrome myéloprolifératif. L’apport diagnostique de la quantification de l’allèle muté est discuté. • Devant une polyglobulie, le dosage d’EPO doit être réalisé avant toute saignée et tout traitement pour être interprétable.• La recherche d’une mutation de l’exon 12 de JAK2 doit être réservée aux cas de polyglobulies JAK2V617F négatives avec taux sérique d’EPO abaissé et/ou autre critère mineur positif.• Lorsque JAK2 n’est pas muté, le bilan hématologique doit d’abord affirmer le diagnostic de SMP avant d’en préciser le type. La TE reste un diagnostic d’élimination et la réalisation d’une biopsie médullaire est fortement recommandée. • Les mutations de MPL sont peu fréquentes, mais leur recherche peut être utile au cours du bilan diagnostique d’une thrombocytose ou d’une myélofibrose JAK2V617F négative. La recherche des mutations de CBL, LNK, TET2, ASXL1, EZH2 (etc.) n’est pas (encore) réalisée en routine.

■ Ce qu’il faut retenir

1. James C, Ugo V, Le Couedic JP, et al. A unique clonal JAK2 mutation leading to constitutive signalling causes polycythaemia vera. Nature. 2005; 434 :1144-1148.2. Tefferi A and Vardiman JW. Classification and diagnosis of myeloproliferative neoplasms: The 2008 World Health Organization criteria and point-of-care diagnostic algorithms. Leukemia Leukemia. 2008; 22(1): 14-22.3. Cassinat B, Laguillier C, Gardin C, de Beco V, Burcheri S, Fenaux P, et al. Classification of myeloproliferative disorders in the JAK2 era: is there a role for red cell mass? Leukemia. 2008; 22(2): 452-3.4. Girodon F, Lippert E, Mossuz P, Dobo I, Boiret-Dupre N, Lesesve JF, Hermouet S, Praloran V. JAK2V617F detection and dosage of serum erythropoietin: first steps of the diagnostic work-up for patients consulting for elevated hematocrit. Haematologica. 2007; 92 (3): 431-2.5. Scott LM, Tong W, Levine RL, Scott MA, Beer PA, Stratton MR, et al. JAK2 exon 12 mutations in polycythemia vera and idiopathic erythrocytosis. N Engl J Med. 2007; 356(5): 459-68.6. Vainchenker W, Delhommeau F, Constantinescu SN, Bernard OA. New mutations and pathogenesis of myeloproliferative neoplasms. Blood. 2011; 118(7): 1723-35.7. Patnaik MM, Tefferi A. The complete evaluation of erythrocytosis: congenital and acquired. Leukemia. 2009; 23(5): 834-44.8. Pardanani AD, Levine RL, Lasho T, Pikman Y, Mesa RA, Wadleigh M, et al. MPL515 mutations in myeloproliferative and other myeloid disorders: a study of 1182 patients. Blood. 2006; 108(10): 3472-6.

■ Références

Tableau 1 : Critères diagnostiques de polyglobulie de Vaquez, de thrombocytémie essentielle et de myélofibrose primaire (OMS 2008) (2)

PV TE MFP

Critères majeurs

• Polyglobulie définie par↑Hb > 18,5 g/dl (homme)

ou > 16,5 g/ dl (femme) ou ↑Ht* ou ↑VGI > à 125 %

de la valeur théorique• Mutation JAK2V617F ou similaire (mutation de

l’exon 12 de JAK2)

• Plaquettes ≥ 450 G/l• Prolifération mégacaryocytaire avec une morphologie de grands

mégacaryocytes matures• Absence de critères OMS

diagnostiques de LMC, de PV, de MFP, de SMD ou de tout autre hémopathie

• Présence de la mutation JAK2V617F ou d’un autre marqueur

de clonalité ou absence de cause de thrombocytose réactionnelle

• Prolifération et atypies mégacaryocytaires avec fibrose réticulinique et/ou collagène

• Ou, en l’absence de fibrose, les changements morphologiques des mégacaryocytes doivent être accompagnés d’une augmentation de la cellularité

médullaire et d’une prolifération granuleuse (définition d’un stade pré-fibrotique de la MFP)

• Absence de critères OMS diagnostiques de LMC, de PV, de SMD ou de toute autre hémopathie

• Présence de la mutation JAK2V617F ou d’un autre marqueur de clonalité ou absence de cause de fibrose médullaire secondaire

Critères mineurs

• Myéloprolifération des 3 lignées sur la biopsie

médullaire (panmyélose)• EPO sérique basse

• Pousse spontanée de colonies érythroblastiques

in vitro

• érythromyélémie• LDH augmentées

• Anémie• Splénomégalie palpable

Le diagnostic requiert :

Les 2 critères majeurs + 1 critère mineur

ouLe premier critère majeur

et 2 critères mineurs

Les 4 critères sont nécessaires. Les 3 critères majeurs + 2 critères mineurs

* L’augmentation de l’hémoglobine (Hb) et de l’hématocrite (Ht) sont aussi définis ainsi  : Hb ou Ht > 99e percentile des valeurs théoriques pour l’âge, le sexe, et l’altitude de résidence. à défaut les seuils respectifs de 15 g/dL et 17 g/dL peuvent être utilisés s’il peut être démontré que le patient présentait antérieurement un taux basal d’Hb inférieur d’au moins 2 g/dL en l’absence de carence martiale. VGI : volume globulaire isotopique. BOM : biopsie ostéomédullaire. PNN : polynucléaires neutrophiles. EPO : érythropoïétine. LMC : Leucémie myéloïde chronique. SMD : syndrome myélodysplasique. OMS : Organisation Mondiale de la Santé.

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Grand Angle

Les syndromes myéloprolifératifs/myélodysplasiques (SMPs/SMDs) sont un ensemble hétérogène d’hémopathies myéloïdes clonales rares proposé par l’OMS en 1999, dont l’entité la plus fréquente est la leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC). Leur pronostic demeure péjoratif, mais les progrès récents de leur analyse moléculaire ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques.

Les syndromes myélodysplasiques/myéloprolifératifs

Introduction

La catégorie des SMPs/SMDs proposée par l’OMS comporte la LMMC, la leucémie myélomonocytaire juvé-nile (LMMJ), la leucémie myéloïde chronique atypique (LMCa) et les SMPs/SMDs inclassables (SMDs/ SMPs-U). En 2008, les anémies réfractaires sidéroblastiques avec thrombocytose (RARS-T) leur ont été associées. Toutes ces maladies sont des maladies rares associant une compo-sante proliférative portant sur les globules blancs ou les plaquettes, et une composante dysplasique plus ou moins marquée, responsable d’une ou plusieurs cytopénies. Par définition, elles sont caractérisées par l’absence de chro-mosome Philadelphie et de réarrangement BCR-ABL (1).

Leucémies myélomonocytaires juvéniles (LMMJ)

Seule entité pédiatrique au sein des SMPs/SMDs, les LMMJ ne représentent que 2 à 3 % des leucémies de l’enfant. Elles surviennent le plus souvent avant 5 ans, dans 70 % des cas un garçon et dans 10 % des cas dans un contexte d’anomalie constitutionnelle d’un gène de la voie de signalisation des Ras/ MAPK (neurofibromatose de type 1 ou de syndrome de Noonan). Dans les autres cas, une anomalie acquise peut être identifiée dans cette voie, de sorte que les LMMJ sont considérées comme des « Rasopathies » (2). Il s’agit de mutations activatrices de NRAS ou de KRAS, ou de mutations inactivatrices des régulateurs négatifs NF1 ou PTPN11, ces dernières étant les plus fréquentes (35 % des cas). Des mutations constitutives ou acquises de CBL, une protéine régulant les récepteurs de cytokines en amont de la voie Ras, sont aussi possible. Les LMMJ sans marqueur moléculaire identifié sont désormais très minoritaires (10 %). L’expression clinique de la maladie est aiguë, associant fièvre, asthénie et hépatosplénomégalie, et peut évoquer d’abord une infection virale notamment à CMV. Les critères biologiques sont ceux de la LMMC (cf. infra), notamment l’hyperplasie granulo-monocytaire médullaire (figure 1) et la dysplasie monocytaire (figure 2). Dans la moitié des cas, le taux d’hémoglobine fœtale est élevé. Une pousse spontanée de colonies granulo-monocytaires (CFU-GM) et une hypersensibilité au GM-CSF sont caractéristiques (figure 3). Le traitement de référence demeure l’allogreffe de cellule souches hématopoïétiques.

Leucémies myélomonocytaires chroniques

La LMMC est une maladie rare du sujet âgé (âge médian au diagnostic : 70 ans) à prédominance masculine. Le diagnostic repose sur 4 critères : monocytose sanguine (> 1 x 109/L) persistante, absence de chromosome Philadelphie et de gène de fusion BCR-ABL, blastose

sanguine et médullaire inférieure à 20 %, et/ou dysplasie cellulaire ou anomalie cytogénétique ou moléculaire clonale. Le principal diagnostic différentiel est une mono-cytose réactionnelle dans un contexte inflammatoire ou tumoral, parfois difficile lorsque la LMMC est associée à des manifestations dysimmunitaires (3). La distinction proposée par le groupe FAB entre LMMC dysplasiques et prolifératives selon la leucocytose (< ou > ou 13 x 109/L), garde sa pertinence clinique. L’OMS classe les LMMC en fonction du pourcentage de blastes dans la moelle : les LMMC-1 (< 5 % dans le sang et < 10 % dans la moelle) ayant un meilleur pronostic que les LMMC-2 (5-19 % dans le sang, et/ ou 10-19 % dans la moelle). Les LMMC avec éosinophilie et réarrangement du gène PDGFRB sont regroupées avec les hémopathies myéloides comportant des anomalies de PDGFRA ou de FGFR1 dans une catégorie indépendante (1).Le diagnostic est souvent fortuit. Les symptômes sont la conséquence des cytopénies, parfois accompagnés de signes généraux. Une hématopoïèse extra-médullaire est présente chez un tiers des patients : le plus souvent splénomégalie, plus rarement atteinte cutanée ou des séreuses (épanchement pleural). Outre la monocytose, l’hémogramme révèle souvent une polynucléose neutrophile, voire une myélémie. Les cellules d’aspect monocytaire comportent fréquemment un contingent de cellules granuleuses immatures et dysplasiques douées de propriétés immunosuppres-sives (5). Une anémie ou une thrombopénie modérées sont fréquentes. On peut observer une élévation du lyso-zyme et des lactactes déshydrogénase (LDH) sériques ou une hypergammaglobulinémie polyclonale. La moelle est le plus souvent riche, marquée par une hyperplasie granuleuse, tandis que la prolifération monocytaire, bien que toujours présente, reste modérée (10 à 15 % des cellules nucléées). Les monocytes d’aspect immatures (« promonocytes ») doivent être inclus dans le décompte des blastes. Les signes de dysplasie sont inconstants. La biopsie médullaire, non indispensable, montre une myélofibrose de degré variable chez 30 % des patients. Le caryotype médullaire n’est anormal que dans un tiers des cas. Il s’agit d’anomalies déséquilibrées (-7, +8, -Y, del20q…) non spécifiques. La médiane de survie avoisine 3 ans. Le décès résulte d’une transformation en leucémie aiguë dans un quart des cas. Plusieurs scores pronostiques ont été proposés, reposant sur les paramètres de l’hémogramme, la blas-tose médullaire, voire le taux de LDH (6). Aucun ne fait consensus. Une classification pronostique des anomalies cytogénétiques propre aux LMMC a été proposée (7), et les anomalies moléculaires joueront à l’avenir un important rôle pronostique. Il n’y a toujours aucun traitement consensuel de la LMMC. L’abstention est habituelle dans les formes peu symptoma-

Raphaël ITZYKSONInterne en hématologie clinique, doctorant à l’INSERM uMR 1009.

Expertise :Hémopathies myéloïdes. Membre du Groupe Francophone des Myélodysplasies et de l’ALFA.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : Inserm uMR1009Institut Gustave Roussy114, rue édouard Vaillant94805 Villejuif [email protected]

Coécrit avec : éric SOLARYPu-PH en Hématologie Clinique à l’Université Paris-Sud [email protected]

■ Auteur

syndromes myélodysplasIques,

syndromes myéloprolIfératIfs,

tet2, JAK2, sf3b1,

azacItIdIne.

Mots clés

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Grand Angle ■ Les syndromes myélodysplasiques/myéloprolifératifs

tiques. Les agents stimulants l’érythropoïèse améliorent l’anémie tandis que l’hydroxyurée reste le traitement de choix des formes prolifératives (8). Les agents hypométhy-lants azacytidine et décitabine peuvent être actifs dans les formes avancées (9). à ce jour, seule l’azacytidine a reçu l’AMM, à la dose de 75 mg/m²/jour par cycles de 7 jours mensuels dans les formes comportant <12 x 109/L leucocytes et >10 % de blastes médullaires. Chez les sujets les plus jeunes, le seul traitement potentiellement curatif demeure l’allogreffe de cellules souches héma-topoïétiques, dont la faisabilité s’est accrue grâce aux conditionnements à intensité réduite. La morbi/morta-lité de cette procédure et les taux de rechute demeurent néanmoins élevés. Contrairement aux LMMJ, les mutations de la voie Ras/ MAPK ne sont retrouvées que dans un tiers des cas. Les anomalies génétiques les plus fréquentes affectent la machinerie épigénétique, notamment TET2 (55 %) et ASXL1 (35 %), et la machinerie d’épissage, notamment SRSF2 (45 %). Ces mutations semblent responsables de la dominance du clone leucémique et de l’hyperplasie granulomonocytaire.

Anémies réfractaires sidéroblastiques avec thrombocytose (ARSI-T)

Ce syndrome rare associe les caractéristiques d’une anémie réfractaire sidéroblastique (ARSI, >15 % de sidé-roblastes en couronne, figure 4) à celles d’un syndrome myéloprolifératif avec thrombocytose franche. Il existe dans presque tous les cas au moins une mutation de l’un

des 2 gènes suivants : JAK2 à l’instar des thrombocyté-mies essentielles dont les ARSI-T partagent le pronostic favorable, et SF3B1, également muté dans la majorité des ARSI10. Les 2 gènes sont fréquemment mutés simultané-ment. Des mutations de MPL sont possibles en l’absence de mutation de JAK2.

Leucémies myéloïdes chroniques atypiques (LMCa)

Il s’agit d’une leucémie très rare (son incidence exacte est inconnue, probablement < 1 % des LMC) qui se distingue par la dysplasie de la lignée granuleuse et l’absence de BCR-ABL. Elle correspond à une LMMC sans monocytose. La maladie est agressive et son évolution spontanée se fait vers la transformation blastique en 1 à 2 ans, le seul trai-tement potentiellement curatif étant, là encore, la greffe de cellules souches allogéniques.

Conclusion

La classification des SMPs/SMDs repose sur des critères clinico-biologiques et cytologiques. Elle est appelée à inté-grer les très nombreuses anomalies génétiques en cours de démembrement. Ces anomalies devraient contribuer à la meilleure compréhension des mécanismes conduisant à l’émergence du clone leucémique, étape nécessaire à l’élaboration de stratégies thérapeutiques plus efficaces. Dans cette attente, les agents hypométhylants sont une piste thérapeutique encourageante dans les formes avan-cées de LMMC.

• une mutation récurrente est identifiable dans plus de 90 % des LMMC, affectant notamment les machineries épigénétiques et d’épissage.• Les leucémies myélomonocytaires juvéniles (LMMJ) sont des « rasopathies » : elles résultent d’une mutation constitutionnelle ou acquise de la voie Ras.• Les agents hypométhylants sont actifs dans les formes graves de LMMC. Seule l’azacitidine dispose d’une AMM.• L’allogreffe de moelle reste le seul traitement potentiellement curatif des formes graves de SMD/SMP.

■ Ce qu’il faut retenir

1. Vardiman JW, Thiele J, Arber DA, et al. The 2008 revision of the World Health Organization (WHO) classification of myeloid neoplasms and acute leukemia: rationale and important changes. Blood. 2009; 114(5): 937-951.2. Loh ML. Recent advances in the pathogenesis and treatment of juvenile myelomonocytic leukaemia. Br J Haematol. 2011; 152(6): 677-687.3. Fain O, Fenaux P. Maladies systémiques et manifestations auto-immunes au cours des hémopathies myéloïdes. Hématologie. 2007; 13(1): 36-42.4. Itzykson R, Droin N, Solary E. Les progrès récents dans la leucémie myélomonocytaire chronique. Hématologie. 2012; 18(1): 24-36.5. Droin N, Jacquel A, Hendra JB, et al. Alpha-defensins secreted by dysplastic granulocytes inhibit the differentiation of monocytes in chronic myelomonocytic leukemia. Blood. 2010; 115(1): 78-88.6. Germing U, Kundgen A, Gattermann N. Risk assessment in chronic myelomonocytic leukemia (CMML). Leuk Lymphoma. 2004; 45(7): 1311-1318.7. Such E, Cervera J, Costa D, et al. Cytogenetic risk stratification in chronic myelomonocytic leukemia. Haematologica. 2011; 96(3): 375-383.8. Wattel E, Guerci A, Hecquet B, et al. A randomized trial of hydroxyurea versus VP16 in adult chronic myelomonocytic leukemia. Groupe Francais des Myelodysplasies and European CMML Group. Blood. 1996; 88(7): 2480-2487.9. Braun T, Itzykson R, Renneville A, et al. Molecular predictors of response to decitabine in advanced chronic myelomonocytic leukemia: a phase 2 trial. Blood. 2011; 118(14): 3824-3831.10. Papaemmanuil E, Cazzola M, Boultwood J, et al. Somatic SF3B1 mutation in myelodysplasia with ring sideroblasts. N Engl J Med. 2011; 365(15): 1384-1395.

■ Références

Figure 1 : hyperplasie granulomonocytaire (frottis médullaire, May-Grunwald Giemsa, x400, crédit : O. Fenneteau, Laboratoire d’Hématologie, Hôpital Robert-Debré, Paris)

Figure 2 : monocyte dysplasique (frottis sanguin, May-Grunwald Giemsa, x1000, crédit : O. Fenneteau, Laboratoire d’Hématologie, Hôpital Robert-Debré, Paris)

Figure 3 : pousse spontanée de CFu-GM, CFu-GEMM et CFu-M en méthylcellulose (x30, crédit : Pr. C. Chomienne, Laboratoire de Biologie Cellulaire, Hôpital Saint-Louis, Paris)

Figure 4 : sidéroblastes en couronnes (frottis médullaire, Perls, x100, crédit : H. roudot, Laboratoire d’Hématologie, Hôpital Avicenne, Bobigny)

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Grand Angle

Trop souvent négligée, toute hyperéosinophilie (HE), symptomatique ou non, impose une enquête étiologique approfondie. La découverte d’anomalies génétiques récurrentes de la lignée éosinophile ou de la lignée lymphoïde dans des HE jusque-là inexpliquées a permis le développement de thérapies ciblées, dont certaines ont révolutionné le pronostic, autrefois péjoratif, de ces maladies.

Syndromes hyperéosinophiliques

Généralités

La découverte d’une HE sanguine requiert une démarche systématique et méthodique d’investigation. Même modérée (< 1,5 x 109/l), elle peut être le signe d’appel de maladies graves associées (maladies systémiques, tumeurs malignes …). Qu’elle soit aiguë ou persistante, toute HE peut, indépendamment de la maladie causale, être à l’origine de lésions viscérales directement liées aux PNE. Cette toxicité propre aux PNE est en partie liée à leur capacité de sécréter des protéines cationiques hautement toxiques dans les tissus qu’ils auront infiltré (figure 1). Il arrive toutefois qu’après des investigations rigoureuses et répétées, l’enquête étiologique demeure infructueuse. Devant toute HE chronique inexpliquée, on évoque alors le syndrome hyperéosinophilique (SHE).Le caractère « d’entité pathologique » des SHE est maintenant légitimement contesté, en raison d’une expression clinico-biologique très hétérogène. Une meilleure connaissance des éléments de régulation centrale et périphérique de l’éosinophilie sanguine et tissulaire permet de proposer aujourd’hui une nouvelle classification des syndromes hyperéosinophiliques (1). Ainsi, il a été mis en évidence des anomalies génétiques et/ ou chromosomiques (dont le gène de fusion FIP1L1-PDGFRA, F/P) récurrentes affectant la lignée éosinophile, autorisant ainsi le diagnostic de leucémie chronique à éosinophile (LCE). Dans d’autres situations, il s’agit de dérèglements de la lignée lymphoïde, capables de produire des facteurs de croissance ou des cytokines actifs sur la lignée éosinophile comme l’interleukine-5, et définissant alors les SHE lymphoïdes (SHE-L).

Manifestations cliniques des SHE

La présence de manifestations cliniques est directement liée à la capacité des PNE à infiltrer tissus et organes. Dans de nombreux cas, une HE sanguine ne s’accom-pagne d’aucune infiltration tissulaire, et donc d’aucune manifestation cliniques. Les cibles tissulaires privilé-giées sont la peau (69 %), les poumons (44 %) et le tube digestif (38 %) (tableau 1), alors que l’atteinte cardiaque ne concerne que 5% des patients au diagnostic et 20 % au cours de l’évolution de la maladie (2). Il est important de rappeler que la sévérité des manifestations n’est pas proportionnelle à l’importance de l’HE. à la différence des atteintes dermatologiques, pulmonaires et diges-tives, les cardiopathies à éosinophiles sont souvent pauci-symptomatiques, et doivent être systématique-ment dépistées, même en l’absence de signes cliniques. Il s’agit de myocardite, de thombus intraventriculaire sur l’endocarde du ventricule gauche (à haut potentiel embo-lique), et susceptible d’évoluer vers une fibrose avec cardiopathie restrictive : la fibrose endomyocardique. L’ECG, l’échocardiographie et surtout l’IRM sont les

examens de choix. Enfin, l’expression clinique du SHE est très hétérogène, et dépend en partie du mécanisme causal : atteinte cutanée dans les SHE-L, prédominance masculine (moins de 10 cas féminins de LCE F/P+ ont été rapportés) et atteinte cardiaque au cours des LCE, notamment celles associées à F/P.

Leucémies chroniques à éosinophiles

La présence d’une HE était, depuis de nombreuses années, connue dans un certain nombre de syndromes myéloprolifératifs (SMPs) dont la plupart sont mainte-nant bien caractérisés au plan cytogénétique et/ou molé-culaire : LMC et BCR-ABL, SMPs associés à la mutation V617F de JAK2, anomalies chromosomiques en 8p11 (impliquant FRGR1), LCE avec une t(5-12), impliquant PDGFRB et enfin certaines mastocytose systémique avec mutation D816V de KIT. L’identification en 2003 du gène de fusion FIP1L1-PDGFRA, non détectable sur un caryotype conventionnel, a définitivement permis d’asseoir le concept de LCE, jusque là débattu (3). Le gène PDGFRA code pour le récep-teur α au PDGFR, appartenant à la classe des récepteurs à activité tyrosine kinase (TK). Le point de cassure sur PDGFRA entraîne invariablement la perte d’une région auto-inhibitrice, aboutissant à une activation constitu-tionnelle de la fonction TK. La prévalence de la LCE F/ P+ reste mal connue, probablement proche de 10 % des SHE. L’élévation de la tryptase et de la vitamine B12 sont quasi constantes (tableau 2). Les autres éléments évocateurs sont une myélofibrose, une myélémie, une thrombopénie. Ce gène de fusion F/P a été identifié dans d’autres hémopathies associées à une HE : lymphomes T non Hodgkiniens, leucémies aiguës myéloblastiques (4). Sa recherche est donc indispensable devant toute hémo-pathie avec HE.On signalera enfin l’existence d’HE chroniques associées à des éléments cliniques et/ou biologiques évocateur de SMP (hépatosplénomégalie, myélémie, cytopénie, élévation de la vitamine B12, fibrose réticulinique

Jean-Emmanuel KAHNPraticien dans le Service de Médecine Interne de l’Hôpital Foch.

Expertise :Membre actif du Réseau éosinophile Français, il prend en charge particulièrement les patients ayant une hyperéosinophilie chronique inexpliquée et un syndrome hyperéosinophilique. Il participe à des travaux de recherche fondamentale et de recherche clinique au sein du Réseau éosinophile. Membre de l’International Eosinophilic Society.

Déclaration publique d’intérêts :Consultant pourGSK et participation aux protocoles sur le mépolizumab sponsorisés parGSK.

Correspondance : Hôpital Foch, service de Médecine Interne,40 rue Worth92151 Suresnes [email protected]

■ Auteur

syndromes hyperéosInophIlIques, leucémIes chronIques

à éosInophIles, ImatInIb.

Mots clés

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

Figure 1 : Polynucléaire éosinophile, cellule au noyau

bilobé, caractérisée par un aspect rouge-orangé des granules cytoplasmiques (renfermant les protéines

cationiques) en présence d’un colorant acide telle l’éosine

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Grand Angle ■ Syndromes hyperéosinophiliques

médullaire et résistance à la corticothérapie) mais sans anomalie clonale retrouvée. La réponse hématologique sous imatinib observée chez certains de ces patients suggère l’existence d’anomalies encore non identifiées de TK.

SHE lymphoïdes

Ce variant « lymphoïde » des SHE témoigne d’une déré-gulation de l’homéostasie lymphocytaire avec une sécré-tion accrue de facteurs de croissance des éosinophiles (IL-5 principalement) par des cellules T de polarité Th2. Différentes études ont permis la mise en évidence, par cytométrie en flux, de phénotypes T aberrants (5,6). Il s’agit principalement de lymphocytes T CD3-CD4+. L’origine de ces dérèglements n’est pas connue. L’élévation poly-clonale des gammaglobulines, des IgE totales (dont la production est favorisée par l’IL-4) sont des marqueurs biologiques évocateurs, mais peu spécifiques. Le nombre total de lymphocytes ainsi que leur aspect morpholo-gique sont normaux, et aucun lymphome n’est habituel-lement identifiable. Un phénotypage des lymphocytes sanguins et/ou la recherche d’une clonalité T circulante sont nécessaires au diagnostic. La fréquence des SHE-L est variable de 8 à 33 % selon les critères retenus. La réponse aux corticoïdes est habituelle, avec un degré variable de corticodépendance.

Traitement des SHE

Un traitement est indispensable dans les SHE symp-tomatiques en raison du risque d’atteinte viscérale irréversible, ainsi que dans les LCE du fait du risque

d’acutisation. En revanche, certains patients gardent des HE parfois importantes pendant des années en l’absence de tout retentissement viscéral, et une simple surveillance peut alors être proposée. L’importance de l’HE ne doit pas être un critère de début d’un traitement chez les patients asymptomatiques.En cas de LCE F/P+, l’imatinib est bien évidemment la première ligne thérapeutique, avec une efficacité initiale constante, et ce à des posologies très inférieures à celles de la LMC (habituellement 100 mg/j). Moins de 10 cas de résistance ont été rapportés, principalement liés à l’apparition d’une mutation T674I, analogue à la mutation T315I de la protéine BCR-ABL. L’imatinib est par ailleurs indiqué dans les autres formes de LCE F/P- impliquant une TK sensible à l’imatinib (transloca-tions impliquant PDGFRB ou PDGFRA). La prescription d’imatinib se justifie aussi dans les SHE sans anomalie cytogénétique mais avec des arguments indirects de SMP. Son utilisation n’apparaît pas justifiée dans les SHE-L ou les SHE idiopathiques en première intention. Dans les autres situations (SHE-L et SHE idiopa-thiques), on recommande initialement un traite-ment corticoïdes (prednisone 0,5 à 1mg/kg/jour). L’interféron-α et l’hydroxyurée, seuls ou en association, restent les traitements de 2e lignes de choix. En cas d’inefficacité ou de corticodépendance à un niveau élevé, les anticorps monoclonaux anti-IL-5 (mepoli-zumab, reslizumab) pourraient être une alternative en raison de leur efficacité et de leur tolérance (7). Dans les situations réfractaires, la ciclosporine, l’étoposide, la cladribine, l’alemtuzumab (anticorps monoclonal anti CD52, exprimé sur les PNE) et l’allogreffe de moelle seront à envisager.

1. Valent P, Klion AD, Horny HP, et al. Contemporary consensus proposal on criteria and classification of eosinophilic disorders and related syndromes. J Allergy Clin Immunol. 2012; 130: 607-12 e9.2. Ogbogu PU, Bochner BS, Butterfield JH, et al. Hypereosinophilic syndrome: a multicenter, retrospective analysis of clinical characteristics and response to therapy. J Allergy Clin Immunol. 2009; 124: 1319-25 e3.3. Cools J, DeAngelo DJ, Gotlib J, et al. A tyrosine kinase created by fusion of the PDGFRA and FIP1L1 genes as a therapeutic target of imatinib in idiopathic hypereo-sinophilic syndrome. N Engl J Med. 2003; 348: 1201-14.4. Metzgeroth G, Walz C, Score J, et al. Recurrent finding of the FIP1L1-PDGFRA fusion gene in eosinophilia-associated acute myeloid leukemia and lymphoblastic T-cell lymphoma. Leukemia 2007; 21: 1183-8.5. Simon HU, Plotz SG, Dummer R, Blaser K. Abnormal clones of T cells producing interleukin-5 in idiopathic eosinophilia. N Engl J Med. 1999; 341: 1112-20.6. Cogan E, Schandene L, Crusiaux A, Cochaux P, Velu T, Goldman M. Brief report: clonal proliferation of type 2 helper T cells in a man with the hypereosinophilic syndrome. N Engl J Med. 1994; 330: 535-8.7. Rothenberg ME, Klion AD, Roufosse FE, et al. Treatment of patients with the hypereosinophilic syndrome with mepolizumab. N Engl J Med. 2008; 358: 1215-28.

■ Références

• Toute HE, symptomatique ou non, necessite un bilan étiologique.• Le pronostic est lié à l'infiltration tissulaire des PNE, notamment cardiaque.• L'imatinib a bouleversé le pronostic des LCE liées à FIP1L1-PDGFrA.• Les corticoïdes restent le traitement de 1re ligne dans les autres situations.

■ Ce qu’il faut retenir

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Tableau 1 : Principales manifestations cliniques des SHE

Cutanées : éruption cutanée, prurit, angio-œdème, ulcérations muqueuses, nodules

Cardiaques : Myocardite, thrombus intraVG, fibrose endomyocardique

Neurologiques : Accident vasculaire, confusion, neuropathies

Digestives : douleurs, diarrhée, ascite, hépatomégalie, splénomégalie

Pulmonaires : asthme, infiltrats labiles

Variant lymphoïde SHE myéloprolifératifs et LCE

Phénotypage des lymphocytes T sanguins Frottis sanguin, recherche myélémie

Recherche d’un clone T circulant Myélogramme avec caryotype

IgE totales échographie abdominale et ou scanner thoraco-abdominal

Vitamine B12, tryptase

FIP1L1-PDGFRA (sur sang, en RT-PCR et/ou FISH)

Autres : BCr-ABL, V617F JAK2, D816V KIT

Tableau 2 : Examens biologiques utiles à la caractérisation d’un SHE

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Grand Angle

Néoplasies myéloprolifératives et néoplasies myélodysplasiques/myéloprolifératives de l’enfant

Néoplasies myéloprolifératives

La leucémie myéloïde chronique(LMC), BCR-ABL positiveElle concerne annuellement en France une dizaine d’enfants de 0 à 14 ans. Il existe une prédominance masculine. L’incidence augmente avec l’âge. La LMC survient principalement au-delà de 10 ans, exceptionnellement avant l’âge de 1 an (1, 2). L’asthénie, la perte de poids et les douleurs de l’hypochondre gauche sont les principaux symptômes de révélation. Les caractéristiques cytogénétiques et moléculaires sont assez superposables à celles de l’adulte. L’imatinib est le traitement de 1re ligne en phase chronique (2, 3). Sa tolérance est bonne en dehors de son impact négatif sur la croissance. Les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) de 2e génération sont en phase de développement chez l’enfant et administrés en cas d’échec à l’imatinib. Le suivi biologique et les critères de réponse aux traitements suivent les recommanda-tions de l’adulte. L’exposition à long terme des ITK chez l’enfant n’est pas connue. La durée du traitement n’est pas définie mais elle nécessitera d’être précisée dans les années à venir. La greffe de moelle osseuse reste indiquée en cas d’échec aux ITK.

La polyglobulie de Vaquez (PV) et la thrombocytémie essentielle (TE) Ce sont des maladies exceptionnelles chez l’enfant. Les publications sont limitées à des cas cliniques ou à de petites séries s’étendant sur plusieurs années, avec des critères diagnostiques variables et des résul-tats parfois contradictoires (4, 5). Le mode de révélation est souvent fortuit. La démarche diagnostique doit toujours chercher à éliminer une cause familiale ou secondaire (figure 1), ou un diagnostic différentiel. Les critères diagnostiques actuels sont les mêmes que chez l’adulte. L’âge médian au diagnostic se situe en général au-delà de 10 ans (4, 5). Des complications thromboemboliques ou hémorragiques sévères inaugu-rales sont rapportées dans les PV, notamment lorsque les leucocytes sont supérieurs à 15 G/L, mais elles sont rares dans les TE (4, 5). Comparativement à l’adulte, la mutation JAK2 V617F est moins souvent retrouvée dans les polyglobulies sporadiques de l’enfant, alors que sa fréquence est superposable dans les thrombocytoses sporadiques (5). Les traitements rapportés sont variés et non consensuels. Dans la PV, des saignées itératives sont proposées pour obtenir un taux d’hématocrite infé-rieur à 48 %. Un traitement par faible dose d’aspirine est proposé en cas de complications thrombotiques ou de troubles de la microcirculation. En cas de maladie progressive, un traitement cytoréducteur par interféron-alpha ou hydoxyurée est indiqué, ou par anagrélide dans

la TE (5). L’évolution à long terme vers la myélofibrose ou la transformation leucémique est mal connue.

La myélofibrose primaireElle est exceptionnelle chez l’enfant. Une série rapporte 19 cas, dont 3 familiaux, avec un âge médian de 14 mois. Aucune mutation JAK2V617F ou MPL W515K/L n’a été identifiée dans cette série. Des évolutions spon-tanément résolutives sont décrites pour 5 patients, 9 patients ont été greffés, 8 sont décédés dont 4 post-greffes. Aucune transformation leucémique n’est rapportée (6).

Les mastocytoses de l’enfantLes mastocytoses de l’enfant sont le plus souvent loca-lisées à la peau, de bons pronostics, transitoires et régressives avant la puberté. De rares formes cutanées diffuses néonatales et systémiques sévères existent. Les formes cutanées de l’enfant, comme les formes systémiques de l’adulte, sont des maladies clonales, mais qui sont capables de régresser spontanément. Une mutation activatrice de c-KIT est retrouvée dans 88 % d’une série de biopsies cutanées, dont 35 % de type c-KIT D16V. Les traitements sont réservés aux formes graves. Une éducation et des recommandations préventives sont nécessaires pour éviter les réactions systémiques anaphylactoïdes (7).

MDS/MPN

Le syndrome myéloprolifératif transitoire (SMT) Il est caractérisé par une hyperleucocytose avec mégacaryoblastes circulants, souvent accompagné d’une anémie et d’une thrombopénie. Il survient dans les 2 premiers mois de vie chez 3 à 10 % des nouveaux-nés avec trisomie 21. Cette prolifération n’est pas différenciable d’une leucémie. La présenta-tion clinique est variable. Parfois asymptomatique, elle peut être sévère avec une mortalité précoce. Souvent, le SMP ne requière pas de traitement. Une rémission complète survient spontanément en 3 mois chez 60 % des patients. 20 % vont développer secondairement, une leucémie aiguë myéloblastique, le plus souvent à mégacaryocytes (LAM7), dans les 1 à 3 années suivantes. Les cellules leucémiques présentent quasi-ment toujours une mutation acquise de GATA1. Le pronostic des LAM7 de l’enfant avec trisomie 21 est bon. Les rechutes sont rares avec un taux de guérison d’environ 80 % (8).

La leucémie myélomonocytaire chronique juvénile (LMMJ)C'est une maladie rare dont l’incidence est légèrement supérieure à celle de la LMC. Il existe une prédomi-

Arnaud PETITPédiatre oncologue.

Expertise :Leucémies de l'enfant.Membre de la SFH (société françaised'hématologie), SHIP (société d'hématologie et d'immunologiepédiatrique), SFCE (société française de lutte contre les Cancers etleucémies de l'enfant et de l'adolescent), SFP (société françaisede pédiatrie).

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : Service d’Hématologie et d’Oncologie Pédiatrique Hôpital TrousseauAPHP, uPMC Paris 626 avenue Arnold Netter75012 Paris. [email protected]

■ Auteur

néoplasIes myéloprolIfératIves,

néoplasIes myélodysplasIques/myéloprolIfératIves,

enfant.

Mots clés

Les néoplasies myéloprolifératives (SMPs) et les néoplasies myélodysplasiques/ myéloprolifératives (MDS/SMPs) sont rares en pédiatrie, où elles représentent (hors mastocytoses) moins de 10 % des hémopathies malignes (1).

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Grand Angle ■ SMPs et MSD/SMPs de l'enfant

nance masculine. L’âge médian au diagnostic est de 1,8 an. L’enfant présente une pâleur, de la fièvre, une infection, un saignement ou des symptômes en rapport avec l’organomégalie. Les leucocytes sont élevés avec une monocy-tose absolue, une anémie et une thrombopénie. L’hémoglobine fœtale est élevée sauf s'il existe une monosomie 7 associée. Dans 85 % des cas, une muta-tion codant pour une protéine impliquée dans la voie Ras est identifiée : mutations somatiques de PTPN11 (35 %), RAS (25 %), CBL (10-15 %), ou mutation germinale de NF1 (10-15 %). L’évolution blastique est rare, néanmoins en l’absence de traitement, cette maladie est rapidement mortelle par insuffisance orga-nique liée à l’infiltration leucémique. Les nourrissons avec syndrome de Noonan présentent une forme proche, qui régresse spontanément dans un délai de plusieurs mois à plusieurs années. Les chimiothérapies intensives sont peu efficaces. L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) avec conditionnement myéloablatif par busulfan permet une survie d’environ 50 %. Les rechutes post-transplantations surviennent précoce-ment durant la 1re année, mais restent parfois curables par une nouvelle allogreffe de CSH (9).

• Les SMPs et MSD/SMPs sont rares chez l’enfant. • Le traitement de la LMC est l’imatinib et suit les mêmes recommandations que chez l’adulte.• La polyglobulie de Vaquez, la thrombocytémie essentielle et la myélofibrose primaire sont exceptionnelles.• Certaines formes (SMT, mastocytoses) peuvent régresser spontanément.• Le syndrome myéloprolifératif transitoire de l’enfant avec trisomie 21 et la leucémie myélo-monocytaire chronique juvénile sont deux MDS/SMPs spécifiquement pédiatriques.

■ Ce qu’il faut retenir

1. Lacour B, Guyot-Goubin A, Guissou S, Bellec S, Desandes E, Clavel J. Incidence of childhood cancer in France: National Children Cancer Registries, 2000-2004. Eur J Cancer Prev. 2010; 19(3): 173-81.2. Millot F, Baruchel A, Guilhot J, et al. Imatinib is effective in children with previously untreated chronic myelogenous leukemia in early chronic phase: results of the French national phase IV trial. J Clin Oncol. 2011; 29(20): 2827-32.3. Suttorp M, Eckardt L, Tauer JT, Millot F. Management of chronic myeloid leukemia in childhood. Curr Hematol Malig Rep. 2012; 7(2): 116-24.4. Cario H, McMullin MF, Pahl HL. Clinical and hematological presentation of children and adolescents with polycythemia vera. Ann Hematol. 2009; 88(8): 713-9.5. Giona F, Teofili L, Moleti ML, et al. Thrombocythemia and polycythemia in patients younger than 20 years at diagnosis: clinical and biologic features, treatment, and long-term outcome. Blood. 2012; 119(10): 2219-27.6. DeLario MR, Sheehan AM, Ataya R, et al. Clinical, histopathologic, and genetic features of pediatric primary myelofibrosis--an entity different from adults. Am J Hematol. 2012; 87(5): 461-4.7. Bodemer C, Hermine O, Palmerini F, et al. Pediatric mastocytosis is a clonal disease associated with D816V and other activating c-KIT mutations. J Invest Dermatol. 2010; 130(3): 804-15.8. Bruwier A, Chantrain CF. Hematological disorders and leukemia in children with Down syndrome. Eur J Pediatr. 2011.9. Hasles H. Diagnostis and management of childhood myelodysplastic syndrome and juvenile myelomonocytic leukemia. In: Haematologica, editor. 16th Congress of the European Hematology Association, London, United Kingdom, June 9–12, 2011; 2011; London: Ferrata Storti Foundation; 2011. p. 294-301.10. McKenna RW. Myelodysplasia and myeloproliferative disorders in children. Am J Clin Pathol. 2004; 122 Suppl: S58-69.11. Braconnier O, Monpoux F, Affanetti M, Berard E, Sirvent N. [Polycythemia vera and JAK-2 mutation in childhood: a case report]. Arch Pediatr. 2007; 14(10): 1202-5.

■ Références

Figure 1 : Causes des polyglobulies familiales et secondaires, d’après (11)

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POLYGLOBULIES FAMILIALES

EPO élevée

– Affinité de l’Hb augmentée pour O2 (p50 basse) Hb hyperaffine

Déficit en 2,3-DPG

Méthémoglobinémie

– Défaut du signal O2 (p50 normale) Mutation homozygote VHL (Chuvash)

Autres mutations VHL

EPO normale ou diminuée

– Mutations du récepteur à l’EPO

– Polyglobulies congénitales ou familiales primaires

POLYGLOBULIES SECONDAIRES

Réponse physiologique appropriée à l’hypoxie

– Taux abaissé de la paO2 Pathologie pulmonaire chronique

Syndrome de Picwick

Syndrome d’apnée du sommeil

Altitude élevée

Pathologies cardiaques cyanogènes

– Taux normal de paO2 Tabagisme

Intoxication au CO

Réponse physiologiquement inappropriée

– Tumeurs malignes Tumeurs rénales (carcinomes)

Tumeur de Wilms (néphroblastome)

Tumeurs hépatiques

Fibrome utérin

Hémangioblastome cérébelleux

Myxome atrial

– Tumeurs bénignes rénales Polykystose rénale

Hydronéphrose

Sténose de l’artère rénale

– Polyglobulie posttransplantation rénale

– Pathologies endocriniennes Phéochromocytome

Aldostéronisme primaire

Syndrome de Bartter

Syndrome de Cushing

Administration d’hormones

stimulant l’érythropoïèse

– Érythropoïétine exogène

– Androgènes

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Grand Angle

Les principaux syndromes myéloprolifératifs (SMPs), hors leucémie myéloïde chronique, sont la polyglobulie de Vaquez, la thrombocytémie essentielle et la myélofibrose primaire. Après la découverte de la mutation JAK2V617F en 2005, de nombreuses mutations ont été décrites dans ces hémopathies. Ces nouvelles mutations affectent divers processus cellulaires tels que signalisation, régulation épigénétique ou transcriptionnelle, et maturation de l’ARN. Elles témoignent de l’accumulation progressive par le clone malin d’événements susceptibles de participer à l’évolution des SMPs vers la myélofibrose ou la leucémie aiguë myéloïde.

Syndromes myéloprolifératifs non LMC : mutations géniques et architecture clonale

Mutations affectant la signalisation des facteurs de croissance hématopoïétiques (figure 1)

Mutations de JAK2 et MPLLa mutation acquise c.1849G>T ( JAK2V617F) touche le domaine pseudo-kinase de la tyrosine kinase Janus Kinase 2 ( JAK2), une tyrosine kinase intermédiaire de la signalisation des récepteurs de facteurs de croissance hématopoïétiques auxquels elle est liée, comme ceux de l’érythropoïétine, de la thrombopoïétine et du granulocyte-colony stimulating factor. La mutation induit une activation constitutive de la kinase, avec en aval une activation des voies STAT, PI3K/AKT, MAPK. JAK2V617F est présente dans plus de 95 % des polyglobulies de Vaquez (PV) et plus de 50 % des thrombocytémies essentielles (TE) et des myélofibroses primaires (MFP) (1). Certaines conséquences biologiques de la mutation, comme l’hypersensibilité des progéniteurs à l’érythropoïétine et à la thrombopoïétine, avaient été utilisées en pratique diagnostique depuis plus de deux décennies via la recherche de pousse spontanée de colonies érythroblastiques ou mégacaryocytaires. Une série d’études fonctionnelles de cellules primaires de patients et de modèles murins, notamment les knock-in de JAK2V617F, ont par la suite permis de démontrer que la mutation était à l’origine de l’ensemble des caractéris-tiques phénotypiques de ces SMPs. Rapidement après la découverte de JAK2V617F, des travaux ont permis d’identifier des mutations acquises touchant d’une part d’autres acides aminés de JAK2 (principalement les muta-tions de l’exon 12) dans moins de 1 % des PV, et d’autre part le domaine juxta-membranaire du récepteur de la thrombopoïétine MPL dans environ 5 % des TE et des MFP (2). Ces deux groupes de mutations aboutissent à une activation constitutive de la signalisation du récepteur de l’érythropoïétine pour les premières, et de la thrombopoïé-tine pour les secondes (figure 1). Il est à noter que dans la mastocytose systémique, classée par l’OMS depuis 2008 dans les SMPs (3), des mutations activatrices du récepteur du Stem Cell Factor KIT sont retrouvées, la plus fréquente étant D816V.

Mutations de LNK et CBLRécemment, des mutations de deux régulateurs négatifs de la signalisation des récepteurs de facteurs de croissance hématopoïétiques, LNK (lymphocyte adaptor protein) et CBL (casitas B-lineage lymphoma protooncogene), ont été décrites (2). Le gène LNK (ou SH2B3, SH2B adaptor protein 3) code pour une protéine adaptatrice qui se lie au récepteur MPL par son domaine SH2 et exerce un rétrocontrôle négatif.

Les mutations décrites sont des mutations qui altèrent la fonction régulatrice de LNK et aboutissent à une activation aberrante de la voie JAK/STAT. Les mutations de LNK ont été décrites dans un faible pourcentage de TE et MFP, et dans de rares de polyglobulies. Le gène CBL code pour une ubiquitine ligase dont le rôle est de réguler négativement des tyrosines kinases activées. Les mutations identifiées dans moins de 5 % des SMPs sont principalement des mutations faux-sens. Elles sont le plus souvent associées à la perte de l’allèle non muté de CBL, le plus généralement par recombinaison mitotique. La conséquence de ces muta-tions est un défaut de régulation et une activation aberrante de la signalisation des récepteurs de croissance hémato-poïétiques, en particulier de MPL, de c-KIT et de FLT3.

Mutations somatiques affectant d’autres fonctions cellulaires (régulation épigénétique, épissage de l’ARN…)

Fréquence de ces mutations dans les SMPsAprès JAK2V617F, de nouvelles altérations génomiques ont été identifiées par des approches pangénomiques (CGH array et SNP array). Les techniques classiques de séquençage (Sanger) et plus récemment le séquençage de nouvelle génération (NGS) ont mis en évidence de nouvelles mutations qui affectent des gènes codant pour des protéines groupées en quatre catégories différentes selon leur fonction cellulaire :• Des régulateurs épigénetiques impliqués dans la méthy-lation de l’ADN, DNMT3A (DNA cytosine methyl transfe-rase 3), IDH1, IDH2 (Isocitrate dehydrogenase 1 et 2) et TET2 (Ten-Eleven Translocation oncogene family member 2) (2,4).• Des régulateurs épigénetiques impliqués dans la méthy-lation des histones,  ASXL1 (Additional sex combs-like 1) (5), EZH2 (Enhancer of zeste homolog 2), SUZ12 (Suppressor of zeste 2 homolog) (2).• Des composants du splicéosome impliqués dans la matu-ration de l’ARN, SF3B1 (RNA splicing factor 3B, subunit 1), SRSF2 (serine/arginine-rich splicing factor 2) (6,7).• Des gènes suppresseurs de tumeur (TP53) (2).à la différence des mutations de JAK2, MPL et LNK, ces mutations ne sont pas spécifiques des SMPs puisqu’elles sont retrouvées dans les autres hémopathies myéloïdes (leucémie aiguë myéloïde (LAM) et syndromes myélodys-plasiques) (8). Les mutations de DNMT3A, IDH1/2, TP53 et SRSF2 sont rares dans les formes chroniques de SMP (< 5 %) et plus fréquentes dans les transformations en LAM (17 %, 8 à 31 %, 27 % et 19 %, respectivement). Les mutations de SF3B1 sont relativement peu fréquentes en

mutatIons, sIgnalIsatIon,

JAK2, MPL, TET2, ASXL1.

Mots clés

Anne MURATIPraticien spécialiste des CLCC dans l’unité d’Hématologie cellulaire du Département de Biopathologie.Elle exerce une activité de recherche au sein du Département d’Oncologie moléculaire (CRCM UMr1068 Inserm) de l’Institut Paoli-Calmettes à Marseille.

Expertise :Membre du conseil scientifique du FIM (France Intergroupe Syndromes Myéloprolifératifs), elle exerce la cytologie et l’immunophénotypage des hémopathies lymphoïdes et myéloïdes et est spécialisée dans l’analyse moléculaire et cellulaire des syndromes myéloprolifératifs.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : Département de Biopathologie, unité d’Hématologie cellulaireInstitut Paoli-Calmettes 232 Boulevard Sainte Marguerite 13009 [email protected]

Coécrit avec :François DELHOMMEAUMCu-PH dans le service d’hématologie biologique de l’hôpital [email protected]

■ Auteur

■ SMPs et MSD/SMPs de l'enfant ■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Grand Angle ■ Mutations géniques et architecture clonale

phase chronique et aiguë (3 à 6 %). Après JAK2, les gènes les plus fréquemment mutés dans les SMPs en phase chronique sont TET2 et ASXL1 (10 à 20 % et 2 à 23 % respectivement selon les études). Les mutations de TET2 ont une répartition homogène quel que soit le sous type de SMP (PV, TE et myélofibrose : environ 10 %, 8 % et 20 % respectivement) alors que les mutations d’ASXL1 sont plus fréquentes dans les myélofibroses que dans les PV et TE (20 à 40 % selon les séries pour les myélofibroses contre 7 % et 4 % pour les PV et TE respectivement). Pour un même patient atteint de SMP, plusieurs mutations peuvent coexister hormis les mutations de TET2 et IDH1/2 qui sont mutuellement exclusives et les mutations des composants du splicéosome qui sont également mutuellement exclu-sives (8). à ce jour, la grande majorité des PV présente une mutation alors qu’il reste près de 30 % des TE et 21 % des myélofibroses pour lesquelles aucune anomalie molé-culaire n’a été mise en évidence (9).

Conséquence des mutations de TET2 et ASXL1TET2 est une dioxygénase qui catalyse l’hydroxylation de la 5-méthylcytosine (5-mC) en 5-hydroxyméthylcytosine (5-hmC) conduisant à une déméthylation de l’ADN après conversion de la 5-hmC en cytosine. Pour agir, TET2 néces-site un co-facteur, l’alpha-cétoglutarate, produit lors du cycle de Krebs grâce à IDH1/2. Les mutations de TET2 sont pour la plupart inactivatrices et induisent une diminu-tion du taux de 5-hmC dans les cellules hématopoïétiques des patients. Les conséquences sur la transcription de gènes clés de l’hématopoïèse et l’oncogenèse ne sont pas encore élucidées. Néanmoins, des modèles murins ont montré que l’invalidation de Tet2 aboutit à des anomalies de l’hématopoïèse et à la survenue d’hémopathies non seulement myéloïdes mais aussi lymphoïdes. ASXL1 régule les modifications épigénétiques telle que la méthylation des histones et interagit avec divers répresseurs et activateurs de la transcription. Son rôle dans la leucé-mogenèse est mal connu toutefois de récentes données ont montré que ASXL1 interagit avec deux composants du complexe polycomb 2 (PRC2), EZH2 et SUZ12 qui sont des protéines impliquées dans la répression de la trans-cription via la méthylation de l’histone 3 sur la lysine 27 (H3K27). Ces deux protéines sont également mutées dans les SMPs avec une fréquence de 3 à 13 % de mutations d’EZH2 dans les myélofibroses et de très rares mutations de SUZ12. Le rôle d’ASXL1 pourrait être de favoriser le

recrutement du complexe PRC2 au niveau des gènes HOXA impliqués dans la prolifération cellulaire. Les mutations d’ASXL1 sont inactivatrices et l’inhibition de la fonction d’ASXL1 pourrait alors conduire à une activation aberrante de la transcription de ces gènes.

Architecture clonale des SMPs

L’étude de l’architecture clonale de ces maladies a débuté dès la découverte de la mutation JAK2V617F. C’est en étudiant les colonies issues de progéniteurs médullaires ou sanguins qu’il a été démontré que les cellules porteuses de deux allèles JAK2 mutés constituaient un sous-clone des cellules mutées sur un seul allèle ayant subi une recom-binaison mitotique du bras court du chromosome 9 géné-rant une disomie uniparentale. En associant une approche cytogénétique à cette analyse, sur la base de l’observation de délétions en 20q (del(20q)) et en 13q, la survenue de plusieurs mutations de JAK2 dans des clones différents a été démontrée. Après la découverte des autres muta-tions, l’étude de l’architecture clonale a été focalisée sur des patients porteurs de mutations de TET2 et JAK2. Ces travaux ont permis de démontrer que les mutations de TET2 pouvaient survenir avant ou après les mutations de JAK2 dans le même clone, mais également dans un clone différent. L’étude des transformations de SMP en LAM a ensuite mis en évidence des situations où de multiples clones pouvaient être détectés soit à la phase chronique, soit au moment de l’acutisation en fonction de la présence de mutations de JAK2, TET2, ASXL1, RUNX1, TP53, ou de del(20q). Ces travaux ont ainsi démontré que l’acquisition des lésions moléculaires au cours de l’évolution des SMPs pouvait se faire sur un mode linéaire (un clone acquiert successivement plusieurs mutations), sur un mode indé-pendant (deux ou plusieurs clones acquièrent des muta-tions indépendamment), ou bien selon les deux modes. Au total, certaines lésions (en particulier les mutations de TET2 et ASXL1, et del(20q)) surviennent volontiers plus précocement que les mutations de JAK2. Le clone porteur de cette première mutation subirait alors des mutations plus tardives, (JAK2 ou MPL par exemple) qui déclencherait le SMP du point de vue phénotypique.

Conclusion

Les SMPs hors LMC sont caractérisés par l’existence, souvent concomitante, de mutations touchant des voies aussi distinctes que la signalisation des récepteurs, l’épigénétique, l’épissage des ARN. L’identification des mutations de signalisation a eu un impact majeur dans la démarche diagnostique initiale des SMPs. Elle a aussi permis le développement de stratégies de thérapeutique ciblée, en particulier dans la MFP, avec les inhibiteurs de JAK2. La découverte récente des mutations des acteurs épigénétiques ou du splicéosome pose la question de leur impact pronostique. L’évaluation de l’impact des mutations de TET2 et ASXL1 sur les SMPs est aujourd’hui en cours mais reste difficile compte tenu de ce contexte de maladies hétérogènes porteuses de multiples mutations.

• Les SMPs sont caractérisés par des mutations acquises touchant la signalisation de récepteurs de facteurs de croissance hématopoïétiques. La principale mutation, retrouvée dans la majorité des PV et la moitié des TE et MFP, est JAK2V617F.• D’autres anomalies moléculaires, non restreintes aux SMPs et moins fréquentes, touchent des fonctions cellulaires comme la régulation transcriptionnelle ou épigénétique et l’épissage des ARN.• La multiplicité et l’accumulation des mutations rendent l’architecture clonale des SMPs complexe et dynamique au cours de leur évolution.

■ Ce qu’il faut retenir

1. James C et al. A unique clonal JAK2 mutation leading to constitutive signalling causes polycythaemia vera. Nature. 2005; 434(7037): 1144-8.2. Vainchenker W et al. New mutations and pathogenesis of myeloproliferative neoplasms. Blood. 2011; 118(7): 1723-35.3. Vardiman JW et al. The 2008 revision of the World Health Organization (WHO) classification of myeloid neoplasms and acute leukemia: rationale and important changes. Blood. 2009 ; 114(5):937-51.4. Delhommeau F et al. Mutation in TET2 in myeloid cancers. N Engl J Med; 360(22): 2289-301.5. Carbuccia N et al. Mutations of ASXL1 gene in myeloproliferative neoplasms. Leukemia. 2009; 23(11): 2183-6.6. Abdel-Wahab O, Levine R. The spliceosome as an indicted conspirator in myeloid malignancies. Cancer Cell. 2011; 20(4): 420-3.7. Zhang SJ et al. Genetic analysis of patients with leukemic transformation of myeloproliferative neoplasms shows recurrent SRSF2 mutations that are associated with adverse outcome. Blood. 2012; 119(19): 4480-5.8. Murati A et al. Myeloid malignancies: mutations, models and management. BMC Cancer. 2012; 12(1): 304.9. Brecqueville M et al. Mutation analysis of ASXL1, CBL, DNMT3A, IDH1, IDH2, JAK2, MPL, NF1, SF3B1, SUZ12, and TET2 in myeloproliferative neoplasms. Genes Chromosomes Cancer. 2012; 51(8): 743-55.

■ Références

Figure 1 : Représentation schématique des principales voies de signalisation touchées par des mutations acquises dans les SMPs. Les étoiles indiquent les mutations affectant JAK2, MPL, KIT, LNK, CBL. Les flèches et les lignes barrées indiquent des fonctions activatrices et inhibitrices

R-EPO MPL GCSF-R c-KIT

Membranecytoplasmique

Cytoplasme

ProliférationDifférenciationSurvie

TranscriptionNoyau

MAPK

C-CBL

LNK

?AKT

P13K

PIP2PIP3

JAK

2

JAK

2

JAK

2

JAK

2

JAK

2

JAK

2

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Grand Angle

Les SMPs familiaux ne se distinguent pas des SMPs sporadiques sur le plan clinique et en termes d’anomalies moléculaires acquises. Ils se caractérisent par une grande hétérogénéité génétique. Les gènes et/ou allèles de susceptibilité impliqués dans la survenue de ces formes familiales restent inconnus.

Les syndromes myéloprolifératifs familiaux

Les SMPs familiaux sont des entités rares et certainement sous-estimées

Les agrégations familiales de SMP ne doivent pas être considérées comme des faits exceptionnels. Leur fréquence est difficile à déterminer et varie, selon les études, entre 0,9 % et 7,4 % des cas de SMP. Plusieurs données suggèrent que les SMPs fami-liaux sont sous-estimés.Tout d’abord, les SMPs sont des pathologies d’appari-tion tardive, diagnostiqués en moyenne après 55 ans. Par conséquent, il est fréquent qu’aucune informa-tion ne soit disponible sur les générations antérieures. L’histoire familiale est le plus souvent compatible avec une transmission autosomique dominante mais pour environ un tiers des familles, une pénétrance incom-plète est observée, se traduisant par des sauts de géné-ration dans les familles (par exemple, les parents du cas index ne présentent aucune symptomatologie alors que des oncles/tantes ou cousins germains sont suivis pour un SMP). Repérer les formes familiales de SMP requiert de dessiner un arbre détaillé de la famille et de ne pas se limiter dans l’interrogatoire aux apparentés au 1er degré. Enfin, l’expression hématologique peut être très modérée, s’accompagnant d’aucune symp-tomatologie et conduisant à l’absence de diagnostic, en particulier pour les thrombocytémies essentielles. Les SMPs familiaux sont à distinguer des érythrocy-toses familiales et des thrombocytoses héréditaires caractérisées par une transmission mendélienne à pénétrance complète, une hématopoïèse polyclo-nale, l’absence d’évènements moléculaires acquis et d’évolution vers des complications malignes. Dans ce sous-groupe sont classées les érythrocytoses asso-ciées à des mutations constitutionnelles du récepteur à l’érythropoïétine (EPOR) ou des gènes impliqués dans la réponse à l’hypoxie tissulaire (VHL, PHD2, HIF2A) et les thrombocytoses liées à des mutations de la throm-bopoïétine (THPO) ou de son récepteur (MPL) et très récemment de JAK2 (1,2).

Caractéristiques cliniques, hématologiques et moléculaires des SMPs familiaux

Les formes familiales de SMPs se caractérisent par une agrégation d’une ou plusieurs entités de SMP. Ainsi, sur les 135 familles de la cohorte française (tableau 1), le phénotype est homogène dans 56 % des cas. Une variabilité d’expression clinique tant dans la présentation initiale que dans l’évolution du SMP est souvent observée chez les sujets atteints d’une même famille. Dans les familles avec plusieurs entités cliniques, l’association la plus fréquente est celle de polyglobulie de Vaquez (PV) et de la thrombocytémie essentielle (TE) (73 %). Plus rarement, des agrégations

familiales incluent des SMPs divers (LMC, mastocytose systémique…) et des leucémies aiguës (3). La comparaison des cas familiaux et des cas spora-diques de SMP ne fait ressortir aucune différence significative sur le sexe, l’âge médian de survenue, les principales variables hématologiques (hémoglobine, globules blancs et plaquettes) et les risques de compli-cations vasculaires, de progression vers la myélofibrose et de survenue d’une leucémie aiguë (3,4). Le spectre moléculaire des anomalies acquises (5) est analogue à celui observé dans les cas sporadiques. La mutation récurrente JAK2V617F est présente dans 90 % des PV et dans environ 60 % des TE et myélo-fibroses primaires. En revanche, au sein d’une même famille, le niveau d’expression de JAK2V617F peut être variable pour une même entité clinique et l’absence de la mutation JAK2V617F peut s’expliquer par la coexis-tence d’autres mutations oncogéniques plus rares telles que les mutations de l’exon 12 de JAK2 ou la mutation MPLW515. Dans aucun cas, il n’y a de transmis-sion germinale de JAK2V617F ou d’autres mutations oncogéniques suggérant dans ces familles l’existence d’évènements génétiques précédent la survenue des mutations affectant la voie de signalisation JAK/STAT cytokine-dépendante (3). L’hypothèse d’évènements pré-JAK2 a été confirmée dans les cas sporadiques par l’identification de muta-tions acquises affectant les gènes TET2 et ASXL1 impli-qués dans la régulation de la transcription de gènes via des mécanismes épigénétiques (5). à l’exception d’une mutation constitutionnelle de TET2 identifiée chez deux sœurs, l’une ayant une PV et la seconde étant porteuse asymptomatique, les mutations du gène TET2 et autres anomalies plus rares sont également acquises dans les cas familiaux (6,7).

Facteurs génétiques de prédisposition aux SMPs familiaux

L’implication de facteurs constitutionnels dans la survenue des SMPs familiaux a été suggérée par les observations suivantes : la description d’agrégations familiales de SMP alors que la fréquence des SMPs dans la population générale est très rare, de l’ordre de 2 à 3 cas pour 100 000 ; l’estimation, à partir des registres nationaux de cancers en Suède (période 1958-2005), d’un risque 5 à 7 fois plus élevé de survenue d’un SMP chez les apparentés au premier degré d’un cas atteint (8) ; et la survenue de plusieurs évènements mutationnels indépendants chez un même patient suggérant en amont l’existence de facteurs de prédisposition.Les premières recherches de facteurs de prédisposition se sont basées sur l’hypothèse que les SMPs familiaux étaient des entités mendéliennes avec une transmis-

Christine BELLANNé-CHANTELOTMCu-PH dans le Département de Génétique des Hôpitaux universitaires La Pitié-Salpêtrière Charles Foix et rattachée à l’unité INSERM uMR1009 à l’Institut Gustave roussy.

Expertise :Responsable d’une unité fonctionnelle sur le diagnostic génétique de maladies rares (maladies métaboliques, neutropénies congénitales), elle a pour projet de recherche l’identification de facteurs de prédisposition dans les syndromes myéloprolifératifs et thrombocytoses héréditaires.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : Département de Génétique Hôpital La Pitié Salpétrière 47/83 Bd de L’hôpital 75651 Paris Cedex [email protected]

■ Auteur

polyglobulIe de vaquez,

thrombocytémIe essentIelle,

myélofIbrose prImaIre, prédIsposItIon

génétIque, haplotype 46/1.

Mots clés

■ Mutations géniques et architecture clonale ■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Grand Angle ■ Les syndromes myéloprolifératifs familiaux

sion autosomique dominante, une pénétrance incom-plète et étaient associés à quelques gènes majeurs responsables de ces agrégations familiales. Plusieurs études d’analyses de liaison ont été réalisées mais aucune n’a conduit à l’identification d’un gène de prédisposition. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces résultats : l’analyse de liaison nécessite d’étudier des grandes familles avec au moins 4 cas atteints, cette situation est exceptionnelle; cette approche nécessite de poser des hypothèses sur le modèle héréditaire le plus probable. Un mode de transmission autosomique dominant est le plus souvent compatible mais dans environ 40 % des familles, un mode de transmission autosomique récessif ne peut pas être exclu ; la péné-trance incomplète observée dans un tiers des familles montre que le facteur génétique de prédisposition seul n’est probablement pas responsable du développement de la pathologie, celle-ci survenant après une succes-sion d’évènements mutationnels acquis ; enfin, les résultats d’analyse de liaison sont en faveur d’une hété-rogénéité génétique, chaque gène de prédisposition étant lié à quelques familles. Une seconde hypothèse pour expliquer les agréga-tions familiales est l’existence d’allèles de suscepti-bilité présents dans la lignée germinale et favorisant la survenue d’évènements mutationnels acquis. En 2009, un haplotype de susceptibilité dénommé 46/1

a été identifié au locus JAK2. Cet haplotype confère un risque 3 à 4 fois plus élevé de survenue de la muta-tion JAK2V617F. L’analyse de l’haplotype 46/1 dans une cohorte de 52 familles italiennes a montré que sa fréquence était significativement supérieure à celle de la population générale (42 % vs 27 %) mais compa-rable à celle des cas sporadiques (7). Dans cette cohorte, un tiers des cas familiaux n’étaient pas porteurs de l’haplotype 46/1. L’haplotype 46/1 ne permet donc pas d’expliquer les agrégations familiales de SMP. Il confère une susceptibilité à la survenue de muta-tions oncogéniques au locus JAK2 aussi bien dans les cas sporadiques que familiaux, 80 % des allèles JAK2V617F survenant sur cet haplotype.

Conclusion

Aucun gène majeur de prédisposition n’a été identifié parmi les gènes impliqués dans les différentes étapes de développement et d’évolution des SMPs. Plusieurs projets internationaux basés sur le séquençage ciblé de l’ensemble des régions codantes du génome (Whole Exome Sequencing) ou sur le séquençage du génome total, permettant d’analyser indépendamment chaque famille et se soustraire ainsi du problème d’hétéro-généité génétique, devraient prochainement apporter des résultats.

• Les SMPs familiaux sont des entités rares, fréquence moyenne estimée à 2 % des cas de SMP.• Ils sont associés à une transmission autosomique dominante avec pour 1/3 des familles, une pénétrance incomplète (importance de l’enquête familiale jusqu’au 2nd degré).• L’atteinte hématologique et le spectre des anomalies acquises sont analogues à ceux observés dans les SMPs sporadiques.• Aucun gène majeur de prédisposition identifié à ce jour.

■ Ce qu’il faut retenir

1. Lee FS et al. The HIF pathway and erythrocytosis. Annu Rev Pathol. 2011; 6: 165-92.

2. Teofili L et al. Advances in understanding the pathogenesis of familial thrombocythaemia. Br J Haematol. 2011; 152(6): 701-12.

3. Bellanne-Chantelot C et al. Genetic and clinical implications of the Val617Phe JAK2 mutation in 72 families with myeloproliferative disorders. Blood. 2006; 108(1): 346-52.

4. Malak S et al. Long-term follow-up of 93 families with myeloproliferative neoplasms: life expectancy and implications of the JAK2V617F in the occurrence of compli-

cations. Blood Cells, Molecules, and Diseases. 2012, August 18 [Epub ahead of print].

5. Vainchenker W et al. New mutations and pathogenesis of myeloproliferative neoplasms. Blood. 2011; 118(7): 1723-35.

6. Saint-Martin C et al. Analysis of the ten-eleven translocation 2 (TET2) gene in familial myeloproliferative neoplasms. Blood. 2009; 114(8): 1628-32.

7. Olcaydu D et al. The role of the JAK2 GGCC haplotype and the TET2 gene in familial myeloproliferative neoplasms. Haematologica. 2011; 96(3): 367-74.

8. Landgren O et al. Increased risks of polycythemia vera, essential thrombocythemia, and myelofibrosis among 24,577 first-degree relatives of 11,039 patients with

myeloproliferative neoplasms in Sweden. Blood. 2008; 112(6): 2199-204.

■ Références

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Nb de familles ( %) ■ Familles avec une seule entité de SMP 76 (56 %)

PV 34 (25,2 %)

TE 35 (25,9 %)

MFP 3 (2,2 %)

LMC 4 (3 %)

■ Familles avec 2 entités de SMP 59 (44 %)

PV et TE 43 (31,9 %)

PV et MFP 3 (2,2 %)

PV et LMC 2 (1,5 %)

TE et MFP 5 (3,7 %)

TE et LMC 4 (3,0 %)

■ Familles avec ≥ 3 entités de SMP 2 (1,5 %)

PV,TE et LMC 1

PV,TE, MFP, LMC et mastocyose systémique 1

Tableau 1 : Spectre clinique de la cohorte française incluant 135 familles

PV : polyglobulie de VaquezTE : thrombocytémie essentielleMFP : myélofibrose primaireLMC : leucémie myéloïde chronique

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Grand Angle

Les modèles de SMP sont développés par expression de cytokines, récepteurs de cytokines, facteurs de signalisation ou de transcription modifiés. Ils ne correspondent pas toujours à des anomalies trouvées chez le patient mais apportent des informations essentielles sur la physiopathologie et la thérapie des SMPs.

Modèles animaux de SMP

De nombreux modèles de SMP sont décrits. Nous exclu-rons ici les modèles de leucémie myéloïde chronique (BCR-ABL) ou myélo-monocytaire chronique (invalida-tion de TET2 ou TIF1γ et expression de RAS activé par exemple). Nous centrerons cette revue sur les modèles de polyglobulie, thrombocytose ou myélofibrose (MF) (tableau I).

SMP par surexpression de cytokines

Plusieurs modèles de surexpression rétrovirale (RV) de cytokines dans les cellules souches hématopoïétiques ont été décrits, dont celui de l’Epo mimant une poly-globulie secondaire. Cependant le plus étudié et le seul concernant les trois lignées granuleuse, érythroïde et plaquettaire est celui de la thrombopoïétine (TPO). Ce modèle mime la MF primaire (MFP) avec une phase initiale d’hyperprolifération des 3 lignées myéloïdes puis une phase terminale de pancytopénie létale due à une fibrose et ostéosclérose. Dans plusieurs études, nous avons détaillé les médiateurs de la réaction stro-male (figure 1) et deux approches thérapeutiques ciblant le TGFβ par son récepteur soluble (réduction seule de la fibrose) ou NF-κB par un inhibiteur du protéasone (réduction de fibrose, myéloprolifération et létalité) (1).

SMP par récepteurs aux cytokines modifiés

Le modèle RV MPL W515L induit une MFP rapidement létale associé à une polyglobulie, contrairement à la maladie MPL W515L humaine. Ceci est lié à l’expression ectopique RV de ce récepteur activé. Dans ce modèle, R.L. Levine a montré l'inefficacité sur le clone MPLW515L des inhibiteurs de JAK2 au contraire d'un inhibiteur de HSP90 (2). Un autre modèle s’est attaché à étudier le phénotype induit par une diminution de MPL.

L’expression du seul MPL normal à un niveau faible et tardif aboutit à une maladie de type TE, possible-ment par défaut de clearance de la TPO. Ce travail montre que des thrombocytoses peuvent provenir du défaut extracellulaire de MPL comme observé chez les patients présentant la thrombocytose familiale de type « Baltimore » (MPLK39N).

SMP par facteurs de transcription modifiés

L’un des modèles les plus étudié de MF est le modèle GATA-1Low lié à une invalidation spécifique de GATA1 dans les mégacaryocytes. Ces souris développent des MFs tardives dues à une hyperplasie mégacaryocytaire dysplasique et des modifications du microenvironne-ment. A contrario, l’hyper-expression du facteur STAT5 activé produit un SMP létal. Ce phénotype est égale-ment retrouvé par sur-expression de l’oncostatine M, une cible de STAT5. De façon intéressante, l’inacti-vation de STAT5 bloque le développement des SMPs induits par Tel- JAK2, JAK2V617F ou ETV6-LYN et BCR-ABL, sans conséquence majeure sur l’hémato-poïèse normale, faisant de STAT5 une cible idéale dans les SMPs (3). Les mutations perte de fonction de c-Myb, semblent favoriser la différenciation mégaca-ryocytaire et entrainent chez la souris des MF avec anémie et thrombocytose. De même, l’invalidation du facteur répresseur de transcription BACH1 induit une prolifération mégacaryocytaire anormale associé à une MF. Cependant, la pertinence de ces modèles chez l’homme, exceptée l’association dysplasie mégacaryo-cytaire/MF, reste à démontrer.

SMP par facteurs de transduction modifiés

Plus près de la physiopathologie des SMPs, plusieurs

Jean-Luc VILLEVALDirecteur INSERM.

Expertise :Développe des modèles de SMP murine (EPOHigh, TPOHigh et JAK2V617F) et utilise ces modèles pour comprendre la physiopathologie des SMPs et pour développer de nouvelles approches thérapeutiques.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : INSERM uMR 1009 (Normal and pathological Hematopoiesis)Institut Gustave Roussy PR-1114 rue édouard Vaillant94805 Villejuif [email protected]

Coécrit avec :Stéphane GIRAUDIERProfesseur H. Mondor-Créteil et u.1009, Institut Gustave Roussy, [email protected]

■ Auteur

smp murIne,tpo,

JAK2v617f,mpl.

Mots clés

Tableau 1 : Principaux modèles murins de

SMP

rV : rétroviral TG : transgénique

KI : Knock-In KO : Knock-Out

MF : myélofibrose * proche de la mutation

familiale « Baltimore » MPLK39N

■ Les syndromes myéloprolifératifs familiaux ■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Modèle murin(stratégie expérimentale)

Anomalie retrouvée chez l’homme Caractéristique du SMP murin Références

JAK2V617F

(RV, TG, KI) Oui PV + MF secondaire, (TE)MF 1-6 mois

Werning. & Lacout. Blood 2006 Tiedt .Blood 2008

Akada & Marty. Blood 2010 Mullally. Cancer Cell 2010

TPOHigh

(RV, Ad, TG) Non MFP(4-7 mois de survie)

yan. Blood 1996 Villeval. Blood 1997

MPL W515L

(RV) Oui rapide MFP (+ polyglobulie)(< 2 mois de survie)

Pikman. PLoS Med. 2006

GATAlow

(KO) Non MFP(souris CD1, MF à >1 an) Vannucci. Blood 2002

LNK-/- (KO) Oui SMP + lymphoïde + MF Velazquez J. Exp. Med. 2004

MPLlow

TG (Oui)* TE Tiedt. Blood 2009

Mut-Stat5a activéRV Non SMP avec fibrose Schwaller. Mol. Cell 2000,

Kato. JEM 2005

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Grand Angle ■ Modèles animaux de SMP

modèles JAK2V617F ont été développés. Les modèles rétroviraux (4) et transgéniques aboutissent en général à des phénotypes de type PV suivi de MF secondaire (figure 2). Les travaux de R. Skoda ont révélé que le rapport JAK2V617F/ JAK2WT était essentiel au phéno-type : un rapport VF/WT ≤ 40% aboutit à une throm-bocytémie sans polyglobulie alors que la surexpression RV de JAK2V617F aboutit à une polyglobulie sans thrombocytémie (5). Ces résultats corroborent l’hypo-thèse du dosage génique (l’homozygotie JAK2V617F est rarement retrouvé dans les TE mais fréquemment dans les PV). Les modèles KI JAK2V617F avec expres-sion physiologique ont cependant montré que l’expres-sion hétérozygote de JAK2V617F aboutit aussi à un phénotype PV (6), sauf dans le cas d’un JAK2V617F humain suggérant une différence d’espèce. De plus, ils tendent à montrer que le JAK2V617F murin donne en greffe compétitive un avantage prolifératif aux cellules souches et suggère que cette mutation est

responsable de l’émergence clonale des SMPs. Cependant, d’autres mutations de type « épigéné-tiques » comme celles inactivant Tet2 ou Dnmt3a donnent aussi cet avantage prolifératif et pourraient aussi contribuer à cette émergence. D’un point de vue thérapeutique, le modèle KI a montré l’inefficacité des inhibiteurs de JAK2 mais l’efficacité de l’IFNα sur les cellules initiatrices de la maladie, corroborant les études chez l’homme. Un modèle RV de mutations de l’exon12 de JAK2 génère uniquement une érythrocytose, comme chez l’homme, montrant la spécificité érythroïde de ce type de mutation. L’activation de la voix JAK2 par invalidation de LNK, un régulateur négatif de JAK2, induit une SMP avec leucocytose, thrombocytose et splénomégalie accompagnées de MF mais aussi de lymphoprolifération B. Un autre modèle en rapport avec un patient MFP avec ins(12;8)(p13;q11q21) (ETV6-LYN) génère également un SMP avec MF. Il semble pourtant que le blocage des protéines de la famille SRC dans un modèle RV n’interfère pas avec le développement des SMPs JAK2V617F. En conclusion, il existe aujourd’hui de nombreux modèles murins mimant bien les SMPs humains. Ils permettent de mieux comprendre les événements induisant ces maladies et les protocoles thérapeu-tiques pouvant les guérir. Ils montrent que la seule mutation JAK2V617F reproduit bien la PV suivie de MF secondaire et le modèle TPOHigh la MFP de type MPL W515L. Des modèles associant plusieurs événements moléculaires seront nécessaires pour comprendre le rôle des mutations additionnelles à JAK2V617F et le développement des nombreuses TE et MFP qui restent à ce jour sans étiologie connue.

• Il existe de nombreux modèles de SMP qui miment les maladies humaines avec des anomalies qui ont parfois précédé leur découverte chez l’homme (LNK-/-, activation constitutive de MPL). • Leur utilité est prouvée dans la compréhension des mécanismes de développement de la myélofibrose et des nouvelles thérapies (inhibiteur de JAK2, HSP90 ou HDAC).

■ Ce qu’il faut retenir

1. Wagner-Ballon O, Pisani DF, Gastinne T, et al. Proteasome inhibitor bortezomib impairs both myelofibrosis and osteosclerosis induced by high thrombopoietin levels in mice. Blood. 2007; 110: 345-353.2. Marubayashi S, Koppikar P, Taldone T, et al. HSP90 is a therapeutic target in JAK2-dependent myeloproliferative neoplasms in mice and humans. J Clin Invest. 2010; 120: 3578-3593.3. Yan D, Hutchison RE, Mohi G. Critical requirement for Stat5 in a mouse model of polycythemia vera. Blood. 2012; 119: 3539-3549.4. Lacout C, Pisani DF, Tulliez M, Gachelin FM, Vainchenker W, Villeval JL. JAK2V617F expression in murine hematopoietic cells leads to MPD mimicking human PV with secondary myelofibrosis. Blood. 2006; 108: 1652-1660.5. Tiedt R, Hao-Shen H, Sobas MA, et al. Ratio of mutant JAK2-V617F to wild-type JAK2 determines the MPD phenotypes in transgenic mice. Blood. 2008; 111: 3931-3940.6. Marty C, Lacout C, Martin A, et al. Myeloproliferative neoplasm induced by constitutive expression of JAK2V617F in knock-in mice. Blood. 2010; 116: 783-787.

■ Références

Figure 1 : Médiateurs de la fibrose et de l’ostéosclérose identifiés dans le modèle TPOHigh. L’hyperplasie de mégacaryocytes (MKC) dysplasiques induite par la surexpression rétrovirale de thrombopoïétine (TPO) entraîne chez la souris une maladie similaire à la MFP humaine. Nous avons pu montrer que la surexpression de TGFβ est primordiale au développement de la fibrose et en partie l’ostéosclérose et que la surexpression d’ostéoprotégérine (OPG) l'est à celui de l’ostéosclérose qui résulte du blocage de l’ostéoclastogénèse. Les monocytes jouent un rôle mineur par rapport aux MKC de type dysplasique et la molécule responsable de l’activation du TGFβ, qui n’est pas la thrombospondine (TSP), reste encore à découvrir. La production d’IL1α témoigne aussi de l’activation de la voie NF-κB. Chagraoui H.Blood 2002 & 2003, Wagner-Ballon O. J.I. 2006 & Blood 2007

Figure 2 : Anomalies des souris JAK2V617F

Figure 2: Anomalies des souris JAK2V617F : Sang: (A) Globules rouges de forme, couleur et taille anormale, (B) plaquettes géantes et (C) leucocytose (>108 GB/mL); Moelle: (D) hyperplasie initiale des 3 lignées myéloïdes avec clusters de MKC, (E) hypoplasie terminale avec MKC dysplasique et (F) accumulation de fibres de réticuline (coloration argent) montrant la fibrose terminale. (Lacout et al. Blood 2005)

A B C

D E F

A Sang : A globules rouges de forme, couleur et taille anormale, B plaquettes géantes et C leucocytose (> 105 GB/mm3) ;

Moelle : D hyperplasie initiale des 3 lignées myéloïdes avec clusters de MKC, E hypoplasie terminale avec

MKC dysplasique et F accumulation de fibres de

réticuline (coloration argent) montrant la fibrose terminale (Lacout et al. Blood 2005)

B C

FED

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Grand Angle

Le pronostic des TE et des PV est dominé par le risque de thrombose. La MFP est beaucoup plus grave, avec une survie très variable et une médiane autour de 5 ans, justifiant la recherche de facteurs pronostiques pouvant aider aux décisions thérapeutiques, notamment de l’allogreffe médullaire, seul traitement curateur.

Facteurs pronostiques des SMPs

Dans la TE et la PV

Les facteurs pronostiques dans la TE et la PV concernent d’une part le risque thrombotique et d’autre part le risque de transformation en myélofibrose et/ou en leucémie aiguë (1). Les facteurs de risque thrombotiques majeurs, reconnus pour les 2 pathologies, sont l’âge (> 60 ans) et les antécédents personnels de thrombose. Les facteurs de risque cardiovasculaire intercurrents (hypertension artérielle, tabagisme, diabète) sont une cause aggra-vante justifiant une prise en charge spécifique. D’autres facteurs de risque thrombotique, directement liés à ces 2 SMPs, ont été plus récemment décrits, au premier rang desquels l’hyperleucocytose.Dans la TE, la transformation aiguë est très rare, favorisée par la présence d’anomalies cytogénétiques, l’existence d’une myélofibrose, et probablement l’utilisation d’agents cytotoxiques. La survie des patients atteints de TE n’est classiquement pas modifiée par rapport à celle de la population générale, notamment dans la première décade après le diagnostic (2). Les états préfibrotiques, dont l’indi-vidualisation est controversée, ont cependant une survie diminuée et un risque accru d’évolution vers la myélofi-brose (3). Un score pronostique vient d’être établi par le IWG-MRT sur 891 patients atteints de TE (4). Il est basé sur l’âge (> 60 ans), l’hyperleucocytose (> 11 x 109/L), les antécédents thrombotiques au diagnostic et iden-tifie 3 groupes dont la survie médiane est proche de 14 ans pour les patients à haut risque, de 24 ans pour les patients à risque intermédiaire et non atteinte pour les patients à faible risque. Par ailleurs, la présence de la mutation de JAK2V617F ne semble pas influencer l’évolution fibrotique ni leucémique mais est nettement corrélée à un risque accru de thrombose.Dans la PV, les risques majeurs sont également les thromboses et à plus long terme la transformation vers la myélofibrose ou la leucémie aiguë, ces 2 dernières plus fréquentes que dans la TE. L’hyperviscosité, liée à l’augmentation de l’hématocrite, est un facteur de risque thrombotique supplémentaire. L’hyperleucocytose, à côté du risque thrombotique, est un facteur prédictif de l’évo-lution vers la myélofibrose, avec un seuil à 15x109/l au diagnostic (5). Une étude rétrospective du PVSG, publiée récemment, met en évidence une survie diminuée par rapport à la population générale chez les patients traités par agents cytotoxiques, pipobroman surtout (6). Ainsi chez les patients âgés de moins de 65 ans, traités, la première cause de mortalité est la transformation aiguë, devant les évènements vasculaires. Par ailleurs, la charge allélique JAK2V617F influencerait le risque de transformation vers la MF mais pas le risque de transformation en leucémie aiguë (5).

Dans la MF, primaire ou secondaire

Des facteurs pronostiques sur la survie à partir du diagnostic ont été décrits de longue date, au premier

rang desquels l’anémie. Le traitement est resté longtemps décevant et purement palliatif en dehors de l’allogreffe de moelle osseuse, seule possibilité curatrice réservée à une minorité de patients jeunes. L’avancée des connais-sances physiopathologiques (mutation de JAK2V617F notamment) et les progrès thérapeutiques (extension de l’âge de la greffe, nouvelles molécules ciblées) ont favorisé la création de groupes coopérateurs et l’affinage des données pronostiques sur de grandes séries : scores pronostiques sur la survie à partir du diagnostic puis scores « dynamiques », le but essentiel étant de poser au mieux les indications thérapeutiques.Les facteurs pronostiques principaux sur la survie à partir du diagnostic sont : l’anémie (Hb < 10 g/dl), paramètre ancien le plus puissant, l’âge (> 65 ans), les signes évolutifs, les extrèmes de la leucocytose (GB < 4.109/l et surtout > 25 ou 30.109/l) et la présence de blastes circulants (7,8). Ni la taille de la rate ni le grade de la fibrose n’ont d’impact. Le score pronostique de Lille (7), utilisé depuis 1996, basé sur 2 paramètres (Hb < 10 ; GB < 4 ou > 30) discriminant 3 groupes (médianes 13, 26 et 93 mois) a été remplacé en 2009 par le score international (IPSS) établi à partir de l’étude rétrospective de plus de 1000 patients : 5 facteurs( Hb < 10, âge > 65, présence de signes évolutifs, GB > 25, présence de blastes circu-lants) discriminent 4 groupes (0, 1, 2 et > 3 facteurs) avec une médiane proche de 2, 4, 8 et 11 ans (figure 1).Il a pu être démontré plus récemment la valeur péjorative de ces mêmes paramètres durant l’évolution, permettant de définir un score « dynamique » international (DIPSS) (9). D’autres facteurs ont été décrits, au premier rang desquels les anomalies cytogénétiques, considérées initialement comme péjoratives dans leur ensemble (7). Avec l’augmentation de taille des séries étudiées, des détails ont ensuite été progressivement apportés, avec la description d’anomalies « favorables » (survie équivalente au caryotype normal : 20q- ;13q- ;+9 ;anomalie du 1 ; autre anomalie simple ou double sauf défavorable) et d’anomalies défavorables (+8 ; -7/7q- ; -5/5q- ; i17q ; 12p- ; 11q23 ; inv3 ; complexe).Leur signification pronostique, de complexité croissante, est parfois discutable au vu de la fréquence limitée de certaines anomalies (10). La valeur péjorative indépendante de la thrombopénie est reconnue durant l’évolution (avec une limite allant de 50 à 150.109/l suivant les séries) mais pas au diagnostic (sans doute car corrélée aux autres facteurs et notamment à l’anémie) (7-11). Le besoin transfusionnel est également un élément défavorable. Le score DIPPS Plus adjoint au DIPPS les 3 paramètres précités : besoin transfusionnel ; thrombopénie < 100 ; caryotype défavorable (10).La valeur pronostique des nombreuses anomalies moléculaires décrites depuis 2005 est en cours d’étude : si la présence de la mutation de JAK2V617F, de MPL et de TET2 n’est pas défavorable, plusieurs anomalies sont péjoratives : haplotype JAK2 46/1  ; faible charge allélique JAK2V617F ; mutation IDH et EZH2 (12).

Brigitte DUPRIEZPH en hématologie Clinique.

Expertise :SMP Phi nég et surtout MFP : membre du FIM (CA et CS) et de l’IWG-MRT.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : Service d’Hématologie Clinique Centre Hospitalier, Route de La Bassée 62300 [email protected].

Coécrit avec : Nathalie CAMBIERHématologue, PH.Hôpital Saint Vincent de Paul, [email protected]

Mathieu WéMEAUHématologue, chef de clinique.CHu [email protected]

■ Auteur

pronostIc, rIsque thrombotIque,

rIsque leucémIque, score pronostIque,

Ipss.

Mots clés

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Grand Angle ■ Facteurs pronostiques des SMPs

Les causes de décès sont multiples, comportant 10 à 20 % de transformation en leucémie aiguë, par évolu-tion naturelle de la maladie, possiblement favorisée par certains traitements. Quelques facteurs prédictifs d’acutisation, importants à considérer pour l’indication optimale de greffe, ont été retrouvés : les anomalies du caryotype, essentiellement au diagnostic, l’hyperleuco-cytose (en risque compétitif) et la thrombopénie durant l’évolution (7,10,11). Le taux de cellules CD34+ circulantes a été décrit comme corrélé au pronostic, avec un plus grand nombre de transformations aiguës au-delà d’une limite de 300.106 /l (13).L’influence du traitement sur le pronostic est une nouvelle source d’étude. Le devenir post greffe (survie, rechute, mortalité) est corrélé au score DIPSS avant greffe, ce qui se traduit malheureusement par des résultats d’autant moins bons que le score pronostique

avant greffe est élevé, témoignant de la difficulté de poser les indications (14). En dehors de la greffe, il était admis jusqu’à présent l’absence d’impact du traitement sur la survie. Plusieurs séries récentes, dans la limite de leur caractère rétrospectif, retrouvent néanmoins une amélioration de la survie globale avec le temps, soulevant plusieurs hypothèses : patients moins graves, diagnostic plus précoce, réel impact des traitements. La dernière, multicentrique sur 800 patients avec étude de la survie relative, décrit ainsi une médiane de 6,5 ans entre 1996 et 2007 contre 4,6 ans de 1980 à 1995 avec une différence prédominant chez les jeunes et dans les scores les moins élevés (15). Les rares études publiées, rétrospectives, portant sur les patients atteints de myélofibrose secondaire à la TE (16) ou à la PV (17) laissent évoquer une évolution et des facteurs pronostiques comparables à la MFP.

• Les facteurs de risque thrombotiques reconnus dans la TE et la PV sont l’âge et les antécédents de thrombose, ainsi que l’hyperleucocytose. • La survie est longue dans les TE et les PV, avec un risque faible d’évolution vers la myélofibrose ou la leucémie aiguë, probablement favorisé par certains traitements.• Dans la MFP, les principaux facteurs pronostiques sur la survie (anémie, hyperleucocytose, âge élevé, signes évolutifs et blastose circulante) définissent le score IPSS établi au diagnostic  et restent valables durant l’évolution.• La constatation d’une amélioration de la survie avec le temps, constatée récemment dans la MFP, pose l’hypothèse de l’influence positive des traitements actuels.

■ Ce qu’il faut retenir

1. Passamonti F. Myeloproliferative disorder : Prognostic factors and Models in Polycythemia Vera, Essential Thrombocythemia, and Primary Myelofibrosis. Clinical Lymphoma, Myeloma, Leukemia 2011; S1, S25-7.2. Wolanskyj AP, Schwager SM, McClure RF et al. Essential thrombocythemia beyond the first decade: life expectancy, long-term complication rates, and prognosis factors. MayoClin proc. 2006; 81: 159-66.3. Barbui T, Thiele J, Passamonti F et al. Survival and disease progression in essential thrombocythemia are significantly influenced by accurate morphologic diagnosis: an inter-national study of 1,104 patients. J Clin Oncol. 2011; 29: 3179–84.4. Passamonti F, Thiele J, Girodon F et al. A prognosis model to predict survival in 867 WHO-defined essentieal thrombocythemia at diagnosis: a study of the IWG-MRT. Blood. 2012; prepublished online.5. Passamonti F, Rumi E, Pietra D et al. A prospective study of 338 patients with polycythemia vera: the impact of JAK2 allele burden and leukocytosis on fibrotic or leukemic disease transformation and vascular complications. Leukemia. 2010; 24: 1574-79.6. Kiladjian JJ, Chevret S, Dosquet C et al. Treatment of Polycythemia Vera with Hydroxyurea and Pipobroman: final results of a randomized trial initiated in 1980. J Clin Oncol. 2011; 29: 3907-13.7. Dupriez B, Morel P, Demory JL et al. Prognostic factors in agnogenic myeloid metaplasia: a report on 195 cases with a new scoring system. Blood. 1996; 88: 1013-8.8. Cervantes F, Dupriez B, Pereira A et al. New prognostic scoring system for primary myelofibrosis based on a study of the International Working Group for Myelofibrosis Research and Treatment.Blood. 2009; 113: 2895-901.9. Passamonti F, Cervantes F, Vannucchi AM et al. A dynamic prognostic model to predict survival in primary myelofibrosis: a study by the IWG-MRT (International Working Group for Myeloproliferative Neoplasms Research and Treatment). Blood. 2010; 115: 1703-8.10. Gangat N, Caramazza D, Vaidya R et al. DIPSS plus: a refined Dynamic International Prognostic Scoring System for primary myelofibrosis that incorporates prognostic information from karyotype, platelet count, and transfusion status. J Clin Oncol. 2011; 29: 392-7.11. Morel P, Duhamel A, Hivert B et al. Identification during the follow-up of time-dependent prognostic factors for the competing risks of death and blast phase in primary myelo-fibrosis: a study of 172 patients. Blood. 2010; 115: 4350-5.12. Guglielmelli P, Biamonte F, Score J et al. EZH2 mutational status predicts poor survival in myelofibrosis. Blood. 2011; 118: 5227-34.13. Barosi G, Viarengo G, Pecci A et al. Diagnostic and clinical relevance of the number of circulating CD34(+) cells in myelofibrosis with myeloid metaplasia. Blood. 2001; 98: 3249-55.14. Scott BL, Gooley TA, Sorror ML et al. The Dynamic International Prognostic Scoring System for myelofibrosis predicts outcomes after hematopoietic cell transplantation. Blood. 2012; 19: 2657-64.15. Francisco Cervantes, Brigitte Dupriez, Francesco Passamonti et al. Improving Survival Trends In Primary Myelofibrosis: An International Study. J Clin Oncol prepublished online. 16. Cervantes F, Alvarez-Larrán A, Talarn C et al. Myelofibrosis with myeloid metaplasia following essential thrombocythaemia: actuarial probability, presenting characteristics and evolution in a series of 195 patients. Br J Haematol. 2002; 118: 786-90.17. Passamonti F, Rumi E, Caramella M et al. A dynamic prognostic model to predict survival in post-polycythemia vera myelofibrosis. Blood 2008; 111: 3383-7.

■ Références

Figure 1: Courbes de survie actuarielle des 4 groupes de risque selon le nouveau score IPSS

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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03

Grand Angle

La thrombocytémie essentielle (TE) appartient au groupe des syndromes myéloprolifératifs non porteurs du chromosome de Philadelphie (SMPs-Ph-) qui sont désormais classés par l'OMS comme des néoplasies. Elle expose les patients qui en sont atteints à des complications dont certaines sont la conséquence du risque vasculaire : thromboses artérielles ou veineuses, manifestations ischémiques ou accidents thrombotiques mineurs par occlusion réversible de la microcirculation. Cet article est une mise au point sur les données épidémiologiques et cliniques des complications thrombotiques au cours de la TE.

Complications thrombotiques de la thrombocytémie essentielle

Thromboses des gros vaisseaux

Près de la moitié des patients ayant une TE reste asymp-tomatique. Pour les autres, une thrombose peut survenir au diagnostic dans environ 20 % des cas, ou au cours de l’évolution. La fréquence globale des thromboses au cours de l’évolution d’une TE est évaluée, dans une étude remontant aux années 1990, à 6,6 incidents thrombotiques pour 100 patients/ année (6,6 % de patients/ année) à comparer à une incidence évaluée à 1,2 % de patients/année pour les témoins (1). Cette étude a permis une stratification du risque de thrombose globalement confirmée par les travaux ultérieurs. L’âge augmente significativement le risque de thromboses qui progresse de 1,7 % de patients/ année avant 40 ans à 6,3 % de patients/ année entre 40 et 60 ans et 15,1 % de patients/année après 60 ans, avec une différence significative pour cette dernière tranche d’âge seulement. L’existence d’antécédents thrombotiques ou ischémiques majeurs fait, de même, passer ce risque de 3,4 % à 31,4 % de patients/année. Les thromboses artérielles sont plus fréquentes que les thromboses veineuses (globalement, 2/3 de thromboses artérielles versus 1/3 de thromboses veineuses), que ce soit au diagnostic ou au cours de l’évolution. Dans l’étude de Wolanskyj et al., le risque de thrombose est évalué à 31,8 %, 42,1 % et 52 % après respectivement 5, 10 et 20 ans d’évolution (2). Les thromboses artérielles concernent en priorité les territoires cérébraux, les coronaires et ensuite les artères périphériques. Les thromboses veineuses sont, par ordre de fréquence, les phlébites, les embolies pulmonaires puis les thromboses du réseau splanchnique. Chez le sujet jeune, les accidents vasculaires cérébraux et les thromboses veineuses sont les accidents thrombotiques les plus fréquents. Aucune étude n’a jamais démontré de corrélation entre le nombre de plaquettes et le risque de thrombose. à l’inverse, 10 à 20 % des complica-tions thrombotiques sévères surviennent alors que les valeurs de plaquettes sont inférieures à 600 G/L (3). Certaines études récentes suggèrent même qu’un taux de plaquettes > 1000 G/L au diagnostic serait associé à un taux de thrombose plus faible. Cependant chez les patients chez qui le risque thrombotique est élevé (antécédents de thrombose ou âge > 60 ans), la réduction du nombre des plaquettes au dessous de 600 G/L par l’Hydroxyurée prévient efficacement et durablement le risque de thrombose (4). Ces résultats ont été confirmés dans d’autres études sur des périodes de surveillance plus longues. D’autres paramètres peuvent compléter cette stratification du risque thrombotique. Le rôle de l’hyperleucocytose dans l’augmentation du risque

thrombotique par le biais d’une activation de l’hémos-tase et la création de dommages de l’endothélium est démontré in vitro. Le lien entre hyperleucocytose et risque thrombotique semble émerger même s’il n’est pas encore validé (5). Le fait d’être porteur de la muta-tion JAK2V617F multiplie par 2 le risque thrombotique d’après la méta-analyse de Lussana et al. (6). Le rôle des facteurs de risque d’athérosclérose dans l’aggravation du risque thrombotique est controversé car non retrouvé dans toutes les études en raison de leur caractère rétros-pectif et de leurs faibles effectifs. Cependant, une étude internationale récente, menée chez 891 patients TE, confirme le rôle aggravant des facteurs de risque cardio-vasculaires traditionnels (tabac, HTA et diabète) pour les thromboses artérielles, y compris chez les patients porteurs de la mutation JAK2V617F, mais pas pour les thromboses veineuses (7). L’accumulation de réticuline dans la moelle serait également un facteur de risque thrombotique, le grade de réticuline étant corrélé à la survenue d’accidents thrombotiques artériels dans l’étude de Campbell et al. (8). Enfin, plusieurs études se sont attachées à rechercher des liens entre les facteurs thrombophiliques classiques et le risque thrombotique dans la TE, sans réel succès. Il semble que la préva-lence des anticorps antiphospholipides et des déficits en protéines anticoagulantes (Antithrombine et proteine S surtout) soit plus fréquente chez les patients qui ont fait un accident thrombotique. Les conclusions de ces études ne sont sans doute pas définitives.

Cas particulier des thromboses splanchniques

Les SMPs-Ph- représentent la cause la plus fréquente de thrombose veineuse splanchnique, que ce soit au cours des thromboses des veines sus-hépatiques [syndrome de Budd-Chiari (SBC)] ou dans les thromboses de la veine porte (TVP). L’incidence de ces thromboses dans la TE est évaluée à 4 %. L’hypertension portale (hypersplénisme, hémodilution, hémorragies digestives), modifie la présen-tation clinico-biologique initiale, si bien que dans 40 à 50 % l’hémogramme reste dans des valeurs normales alors qu’il existe des signes histologiques suggérant la présence d’un SMP-Ph- sous-jacent, aboutissant au concept de syndrome myéloprolifératif latent. L’apport diagnostique de la recherche de la mutation JAK2V617F d’une part, et de la BOM d’autre part (en montrant les anomalies des mégacaryocytes caractéristiques des SMPs-Ph-), est majeur dans ces types de thromboses. En effet, comme le montre le travail de J.J. Kiladjian et al. qui ont rapporté l’étude de 241 thromboses splanch-

Jean-François VIALLARD

Expertise :Médecine Interne, responsable du Centre de Compétence des cytopénies auto-immunes.Membre du Centre de Référence des Pathologies Plaquettaires Constitutionnelles.Membre du FIM.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : Hôpital Haut-Lévêque Service de Médecine Interne, 5 avenue de Magellan 33604 [email protected]

Coécrit avec : Ismaïl ELALAMYHématologue,Hôpital Tenon (Paris)[email protected]

■ Auteur

thrombocytémIe essentIelle,

thromboses artérIelles et veIneuses,thrombose

splanchnIque, érythermalgIe.

Mots clés

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Grand Angle ■ Complications thrombotiques de la thrombocytémie essentielle

niques (43 % de SBC et 57 % de TVP), en combinant la recherche de la mutation JAK2V617F et la BOM, la prévalence des SMPs-Ph- est alors de 44 % (53 % de SBC et 37 % de TVP) (9). La mutation JAK2V617F est présente chez 39 % des patients. Quand on compare les patients ayant un SBC versus les patients porteurs d’une TVP, les premiers sont plus jeunes (36 ans vs 42 ans), plutôt des femmes (66 % vs 43 %) et ont une positivité de la mutation JAK2V617F plus fréquente (45 % vs 34 %). Ainsi, toute thrombose du réseau splanchnique doit être explorée à la recherche d’un SMP-Ph- même si l’hémogramme est normal.

Manifestations ischémiques par atteinte de la microcirculation

Les manifestations ischémiques ou accidents throm-botiques mineurs par occlusion réversible de la micro-circulation sont à l’origine de manifestations atypiques transitoires à expression neurologique, oculaire ou coro-narienne. De même, elles peuvent toucher les extré-mités des membres, on parle alors d’érythromélalgies (erythros = rouge, melos = extrêmités, algos = douleur) ou d’érythermalgies (thermé = chaleur). Il s’agit de crises érythromélalgiques (phénomène paroxystique) parfois très intenses (brûlures), intéressant surtout la pulpe des orteils, souvent précédées par des acroparesthésies. Elles sont souvent asymétriques, d’aspect inflammatoire (et/ou

marbrures). Les pouls sont conservés mais le phénomène peut parfois se compliquer de nécroses. Ces manifesta-tions ischémiques apparaissent parfois dès que le nombre de plaquettes dépasse 400 G/L. Elles sont dues à une activation des plaquettes, mais aussi à une inflammation de la paroi des petits vaisseaux associée à une proliféra-tion fibromusculaire qui peuvent aboutir à la formation de thrombus plaquettaires dans la micro circulation déter-minant la zone douloureuse (10). Leur physiopathologie explique que l’aspirine à faible dose, et plus généralement les traitements antiagrégants plaquettaires, ont une effi-cacité élective pour leur traitement et leur prévention. Dans la mesure où il s’agit souvent de manifestations purement fonctionnelles leur fréquence n’est pas connue avec précision mais l’incidence semble proche de 32 % des patients. Il est aussi assez plausible qu’une partie de ces manifestations ischémiques dont l’expression est particulièrement bruyante (AIT atypique par exemple) soit comptabilisée avec les manifestations thrombotiques.

Conclusion

Au total, les complications thrombotiques sont fréquentes et diverses au cours de la TE et conditionnent la prise en charge thérapeutique. De nouveaux facteurs de risque thrombotique (hyperleucocytose, positivité ou non de la mutation JAK2V617F, présence de réticuline notam-ment) semblent émerger et attendent d’être validés.

• Il n’y a pas de corrélation entre le risque thrombotique et le taux de plaquettes.• une thrombose survenant dans le réseau splanchnique doit faire l’objet d’une recherche de syndrome myéloprolifératif même si l’hémogramme est normal.• L’érythermalgie de la thrombocytémie essentielle est extrêmement sensible à l’aspirine.• Les seuls facteurs de risque de thrombose clairement identifiés dans la thrombocytémie essentielle sont l’âge > 60 ans et le fait d’avoir déjà thrombosé.

■ Ce qu’il faut retenir

1. Cortelazzo S, Viero P, Finazzi G, D’Emilio A, Rodeghiero F, Barbui T. Incidence and risk factors for thrombotic complications in a historical cohort of 100 patients with essential thrombocythemia. J Clin Oncol. 1990; 8: 556-62.2. Wolanskyjj AP, Schwager SM, McClure RF, Larson DR, Tefferi A. Essential thrombocythemia beyond the first decade: life expectancy, long-term complication rates, and prognostic factors. Mayo Clin Proc. 2006; 81: 159-66.3. Regev A, Stark P, Blickstein D, Lahav M. Thrombotic complications in essential thrombocythemia with relatively low platelet counts. Am J Hematol 1997; 56: 168-72.4. Cortelazzo S, Finazzi G, Ruggeri M, Vestri O, Galli M, Rodeghiero F, Barbui T. Hydroxyurea for patients with essential thrombocythemia and a high risk of thrombosis. N Engl J Med. 1995; 332: 1132-6.5. Barbui T, Carobbio A, Rambaldi A, Finazzi G. Perspectives on thrombosis in essential thrombocythemia and polycythemia vera: is leukocytosis a causative factor? Blood. 2009; 114: 759-63.6. Lussana F, Caberlon S, Pagani C, Kamphuisen PW, Büller HR, Cattaneo M. Association of V617F JAK2 mutation with the risk of thrombosis among patients with essential thrombocythaemia or idiopathic myelofibrosis: a systematic review. Thromb Res. 2009; 124: 409-17.7. Carobbio A, Thiele J, Passamonti F, Rumi E, Ruggeri M, Rodeghiero F, et al. Risk factors for arterial and venous thrombosis in WHO-defined essential thrombocythemia: an international study of 891 patients.Blood. 2011; 117: 5857-9. 8. Campbell PJ, Bareford D, Erber WN, Wilkins BS, Wright P, Buck G, Wheatley K, Harrison CN, Green AR. Reticulin accumulation in essential thrombocythemia: prognostic significance and relationship to therapy. J Clin Oncol. 2009; 27: 2991-9.9. Kiladjian JJ, Cervantes F, Leebeek FW, Marzac C, Cassinat B, Chevret S, et al. The impact of JAK2 and MPL mutations on diagnosis and prognosis of splanchnic vein thrombosis: a report on 241 cases. Blood. 2008; 111: 4922-9.10. Michiels JJ. Platelet-mediated microvascular inflammation and thrombosis in thrombocythemia vera: a distinct aspirin-responsive arterial thrombophilia, which transforms into a bleeding diathesis at increasing platelet counts. Pathol Biol (Paris). 2003; 51: 167-75.

■ Références

■ Info Labo

Paris, le 11 septembre 2012 Bayer HealthCare Pharmaceuticals met à disposition l’anticoagulant Xarelto® (rivaroxaban), 1er anti-Xa par voie orale disponible et remboursé dans deux nouvelles indications en France :

■ la prévention des AVC et embolies systémiques pour les patients atteints de fibrillation atriale non valvulaire,

■ le traitement des thromboses veineuses profondes et la prévention de leurs récidives sous forme de TVP ou d’EP.

Xarelto® a été spécifiquement développé pour être administré en 1 seule prise par jour, dans le contexte d’une médication destinée à une utilisation chronique par les patients.

Ce schéma d’administration pourrait favoriser l’adhésion au traitement et améliorer l’observance.

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Grand Angle

Le terme de thrombose veineuse hépato-splanchnique regroupe différentes entités que sont le syndrome de Budd-Chiari (SBC) les thromboses portales (TP) aiguës et chroniques et la veinopathie portale oblitérante (VPO). Les syndromes myéloprolifératifs (SMPs) sont la principale étiologie de ces thromboses rares dont le diagnostic est désormais facilité par la mise en évidence de la mutation JAK2V617F

surtout en cas de forme latente ou masquée. Si la prise en charge hépatique est bien établie avec généralement la nécessité d’un traitement anticoagulant au long cours, il n’y a pas de recommandation de traitement hématologique en particulier pour les formes latentes. Une prise en charge systématique bi-disciplinaire en hépatologie et en hématologie ainsi que le registre établi dans le cadre du réseau national des thromboses hépato-splanchniques (THS) devraient contribuer à optimiser la stratégie thérapeutique pour ce groupe de patients.

Thromboses vasculaires hépato-splanchniques et syndromes myéloprolifératifs

Diagnostic et incidence des thromboses veineuses hépato-splanchniques

Le syndrome de Budd-Chiari Le SBC est une maladie rare secondaire à une obstruc-tion des veines sus-hépatiques ou de la portion rétro-hépatique de la veine cave inférieure. Son incidence est de l’ordre de 0,2 à 0,9 par million d’habitants par an (tableau 1).Le tableau clinique le plus fréquent est l’apparition chez une femme jeune, de douleurs abdominales associées à une ascite, une hépatomégalie et une insuffisance hépatocellulaire. La gravité du tableau clinique est très variable, de formes asymptomatiques, à des tableaux d’insuffisance hépatique aiguë sévère. Un écho-doppler hépatique, réalisé par un radiologue informé, recher-chera soit l’obstruction veineuse, soit un réseau colla-téral veineux sus-hépatique ou sus-hépatico-cave. Un scanner injecté au temps veineux ou une IRM permettra aussi de confirmer ce diagnostic. D’autres signes plus indirects comme les troubles de perfusion ou l’hyper-trophie du I sont en faveur du diagnostic. L’âge médian de survenue du SBC associé à un SMP est de 46 ans avec une prédominance féminine (75 % des patients).

La thrombose portale aiguë et chronique (cavernome)La TP aiguë est définie par l’apparition récente d’un thrombus dans le tronc porte ou ses branches droite ou gauche. L’extension aux veines mésentériques peut entrainer un infarctus mésentérique qui est une compli-cation grave avec une mortalité de 50 %. En l’absence de reperméabilisation, la TP aiguë évolue dans 80 % des cas vers un cavernome portal (réseau de collatérales porto-portes) responsable d’hypertension portale sévère et de splénomégalie. Les principales complications du cavernome portal sont la rupture de varices œsopha-giennes, la récidive de thrombose ou plus rarement la cholangiopathie portale (compression de la voie biliaire principale par le cavernome avec ictère rétentionnel). La TP aiguë est le plus souvent révélée par des douleurs abdominales épigastriques en barre pouvant avoir une irradiation postérieure, associées à un syndrome inflam-matoire souvent marqué. Il ne s’y associe pas de signes

de souffrance hépatocytaire. Il est important de rechercher une thrombose vasculaire hépatique devant toute douleur abdominale chez un patient suivi pour un SMP. Le scanner sans et avec injection (temps artériel et veineux) permet de faire le diagnostic et d’évaluer l’extension de la thrombose aux vaisseaux mésentériques. à l’imagerie, un thrombus récent est hyperdense en l’absence d’opacification et l’aspect est hypodense au temps portal. L’incidence des TP est un peu plus fréquente que celle des SBC (tableau 1). L’âge médian de survenue de la TP associée à un SMP est de 53 ans avec une répartition équilibrée entre les 2 sexes.

La veinopathie portale oblitérante La VPO est définie à l’histologie par la présence d’une obstruction des veinules portales en l’absence de cirrhose. Le calibre des veinules est réduit, la paroi musculaire lisse est épaissie, scléreuse. La princi-pale manifestation sera une hypertension portale sans cirrhose, souvent à un âge jeune. Les principales complications sont l’hémorragie digestive, l’hypers-plénisme, l’encéphalopathie hépatique, l’apparition d’une thrombose portale dans 40 % des cas à 3 ans. Le diagnostic est histologique : absence de cirrhose, veinules portales raréfiées ou obstruées dans l’espace porte, aspect de néo-vaisseaux péri portaux, lésions d’hyperplasie nodulaire régénérative diffuse ou de dila-tation sinusoïdale associées.

Syndrome myéloprolifératif (SMP) et autres étiologies associées aux thromboses hépato-splanchniques

Les syndromes myéloprolifératifs constituent la première cause de THS initialement décrits dans 50 % des SBC et 25 % des TP. Les patients atteints de SMP associé à une THS sont souvent jeunes avec une prédominance du sexe féminin. L’hémogramme est souvent normal ou avec des valeurs d’hématocrite ou de plaquettes en deçà des critères retenus pour évoquer un SMP (actuellement selon la classification OMS 2008). Les anomalies peuvent être notamment masquées par une hypertension portale ou un hypersplénisme, une

Carine CHAGNEAU-DERRODEHépatologue.

Expertise :Hépatologue spécialisée en hypertension portale ; membre du bureau du CHTP, membre de l’AFEF.Responsable du centre de compétence des maladies vasculaires du foie du Poitou-Charentes.Consultation pluridisciplinaire de prise en charge des thromboses vasculaires hépato-splanchniques et syndromes myéloprolifératifs.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : CHu de Poitiers, service d'hé[email protected]

Coécrit avec : Aurélie PLESSIERHépatologue,Hôpital Beaujon, [email protected]

Lydia ROYHématologue,CHu de [email protected]

■ Auteur

thrombose, veInes sus-hépatIques,

veIne porte, cavernome,

varIces œsophagIennes, InsuffIsance hépatIque,

ascIte, antI-coagulatIon.

Mots clés

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Grand Angle ■ Thromboses vasculaires hépato-splanchniques et syndromes myéloprolifératifs

carence martiale sur un saignement digestif occulte. Des SMPs dits latents ont été ainsi initialement décrits sur la base de la biopsie ostéo-médullaire (BOM) ou des cultures de progéniteurs érythrocytaires médul-laires (5). La découverte de la mutation JAK2V617F a grandement facilité le diagnostic précoce de SMPs BCR-ABL négatifs notamment dans ce contexte où les investigations médullaires ne sont pas toujours réalisables à la phase aiguë de THS. Dans l’étude du registre européen EN-Vie réalisée sur 241 cas de THS (104 SBC et 137 TP), la mutation JAK2V617F était présente dans 45 % des SBC et 34 % des TP, alors que l’hémogramme était peu modifié dans près de la moitié des cas. Le volume globulaire total était à supé-rieur à 125 % pour 38 patients sur 62 évaluables, confirmant le diagnostic de polyglobulie primitive. Il n’a pas été décrit de mutation de MPL ni de l’exon12 de JAK2. 10/144 patients n’ayant pas la mutation JAK2V617F avaient un SMP seulement révélé par la BOM. Couplés à d’autres études, ces résultats donnent globalement une prévalence des SMPs dans 50 % des SBC et environ 40 % des TP. La mutation JAK2V617F fait donc partie du diagnostic étiologique devant toute THS quelles que soient les valeurs de l’hémogramme, si possible avec une BOM. La BOM éventuellement couplée aux cultures de progéniteurs s’impose lorsqu’il n’a pas été mis en évidence d’autre étiologie à la THS. (4) Les raisons de l’association entre SMP et THS ne sont pas connues. De façon récente, l’haplotype JAK2 46/1 a été impliqué dans le développement de SMP JAK2 compliqués d’une THS mais est non confirmé dans une autre large série (6, 7). Il est important de noter que les facteurs de thrombophilie sont multiples dans 46 % des SBC et 52 % des TP et 55 % des VPO. Les autres causes de thrombophilie héréditaires ou acquises doivent donc également être recherchées au diagnostic de THS. La fréquence est variable selon la localisation du vaisseau. Une cause locale est plus fréquente dans la thrombose porte.

Prise en charge et pronostic

Le traitement repose surtout sur l’anticoagulation efficace en urgence et le traitement symptomatique des complications de l’hypertension portale. Au cours du SBC, un traitement par étapes, en fonction de la

réponse au traitement précédent est proposé, avec un taux de survie à 3 ans de 75 %. Dans la thrombose portale aiguë récente, une anticoa-gulation rapidement débutée permet une recanalisa-tion dans 75 % des cas et prévient l’apparition d’un infarctus mésentérique. La recanalisation peut être observée uniquement après 4 à 6 mois de traitement anticoagulant. Il faudra préférer les héparines de bas poids moléculaire à l’héparine fractionnée afin d’éviter la thrombopénie induite à l’héparine qui peut entraîner une aggravation du tableau clinique par extension de thrombose vasculaire. Dans tous les cas, le traitement hormonal à base d’œstrogènes sera contre-indiqué. L’anticoagulation est recommandée au long cours chez les patients ayant une affection pro-thrombotique comme le SMP. Dès que les procédures thérapeutiques invasives ne sont plus nécessaires, l’HBPM sera relayée par des antivitamines K. Au cours de la thrombose porte chronique et de la VPO, le traitement anticoagulant est pour l’instant discuté en cas de facteur de risque majeur de thrombose. Le SMP relève d’un traitement cytoréducteur initiale-ment par hydroxyurée lorsqu’il est évident à l’hémo-gramme ou en cas de thrombocytose avec pour objectif d’obtenir rapidement une réponse hématologique complète avec plaquettes inférieures à 400x109/L (10). Il n’y a pas pour l'instant de recommandation formelle lorsque le SMP est latent. La présence d’une hyper-tension portale et d’un hypersplénisme doivent être cependant pris en compte dans l’interprétation de l’hémogramme pour discuter un traitement cytoréduc-teur dans ces cas. Le pronostic à long terme repose sur les complications de l’hypertension portale, rares lorsque le traitement prophylactique est en place, le risque de récidive de thrombose, l’apparition d’un carcinome hépato-cellu-laire (10 % à 5 ans au cours du SBC) et le pronostic de la maladie causale. La maladie hépatique serait plus sévère chez les patients avec un SBC associé à un SMP par rapport aux SBC d’autres causes (1). Il ne semble pas que le SMP joue un rôle pronostique sur la gravité des malades avec TP (4). Dans un travail récent non encore publié dans le cadre du réseau français des THS, nous avons montré que l’absence d’hypertension portale est un facteur prédictif de survie sans complication hépa-tique à 2 ans. (11)

• Le syndrome de Budd-Chiari et la thrombose portale aiguë sont des urgences diagnostiques et thérapeutiques. un traitement anticoagulant par HBPM doit être administré en urgence en l’absence de contre indication hémorragique (l’hypertension portale n’est pas une contre indication). • Le syndrome de Budd-Chiari repose sur un traitement par étapes en fonction de la réponse au traitement précédent. • Au cours de la thrombose porte chronique et de la veinopathie portale oblitérante, le traitement anticoagulant est proposé en cas de facteur de risque majeur de thrombose. Le syndrome myéloprolifératif est une cause majeure. (recommandations d’expert).• Les SMPs représentent la principale étiologie des thromboses hépato-splanchniques, mais plusieurs facteurs de risque de thrombophilie sont souvent associés et doivent être systématiquement recherchés au diagnostic de THS. • une prise en charge rapide multidisciplinaire de ces patients est donc indispensable (hématologique, hépatologique, interniste…)

■ Ce qu’il faut retenir

1. Plessier A. Le syndrome de Budd Chiari. Gastroenterol Clin Biol 2006; 30 : 1162-1169.2. Murad SD, Plessier A, Hernandez-Guerra M, Abris F, Eapen CE, Bahr MJ et al. Etiology, management, and outcome of the Budd-chiari syndrome. Ann Intern Med. 2009; 151: 167-175.3. Plessier A, Murad SD, Hernandez-Guerra M, Consigny Y, Abris F, Eapen CE et al. Acute portal vein thrombosis unrelated to cirrhosis: a prospective multicenter follow-up study. Hepatology. 2010; 51: 210-218.4. Kiladjian JJ, Cervantes F, Leebeek FW G, Marsac CC, Cassinat B, Chevret S et al. The impact of JAK2 and MPL mutations on diagnosis and prognosis of splanchnic vein thrombosis: a report on 241 cases. Blood. 2008; 111: 4922-4929.5. Valla D, Casadevall N, Huisse MG, Tulliez M, Grange JD, Muller O, Binda T, Varet B, Rueff B, Benhamou JP. Etiology of portal vein thrombosis in adults. A prospective evaluation of primary myeloproliferative disorders. Gastroenterology. 1988; 94(4): 1063-9.6. Smalberg JH, Koehler E, Darwish Murad S, Plessier A, Seijo S, Trebicka J, Primignani M, de Maat MP, Garcia-Pagan JC, Valla DC, Janssen HL, Leebeek FW. European Network for Vascular Disorders of the Liver (EN-Vie). The JAK2 46/1 haplotype in Budd-Chiari syndrome and portal vein thrombosis. Blood. 2011; 117(15): 3968-73. Epub 2011 Mar 1.7. Kouroupi E, Kiladjian JJ, Chomienne C, Dosquet C, Bellucci S, Valla D, Cassinat B. The JAK2 46/1 haplotype in splanchnic vein thrombosis. Blood. 2011; 117(21): 5777-8.8. Mentha G, Giostra E, Majno PE, Bechstein WO, Neuhaus P, O’Grady et al. J,Liver transplantation for Budd-Chiari syndrome: A European study on 248 patients from 51 centers. J Hepatol. 2006; 44(3): 520-8.9. Plessier A, Rautou PE, Valla DC. Management of hepatic vascular diseases. J Hepatol. 2012; S25-S38.10. Barbui T, Barosi G, Birgegard G, Cervantes F, Finazzi G, Griesshammer M, Harrison C, Hasselbalch HC, Hehlmann R, Hoffman R, Kiladjian JJ, Kröger N, Mesa R, McMullin MF, Pardanani A, Passamonti F, Vannucchi AM, Reiter A, Silver RT, Verstovsek S, Tefferi A. European LeukemiaNet. Philadelphia-negative classical myeloprolife-rative neoplasms: critical concepts and management recommendations from European LeukemiaNet. J Clin Oncol. 2011; 29: 761-70. 11. Chagneau-Derrode C, Roy L, Goria O, Ollivier-hourmand I, Christol C, Guilhot J et al. Predictive factors of complications in patients with splanchnic vein thrombosis associated with myeloproliferative disease : a french retrospective multicentric study. Hepatology. 2011; A1923.

■ Références

Tableau 1: Incidence et prévalence du syndrome de Budd Chiari, de la thrombose porte et de la VPO

SBC TP VPOIncidence/million/an 0,9 2 0,8 à 2

Prévalence/million 3 10 ?

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Grand Angle

Les syndromes myéloprolifératifs (SMPs) Philadelphie négatifs sont des hémopathies myéloïdes malignes, mais d’évolution chronique réputées indolentes, notamment la Polyglobulie de Vaquez (PV) et la thrombocytémie essentielle (TE). En effet, le principal risque associé à ces maladies est vasculaire, avec une incidence élevée de thromboses au cours des premières années d’évolution. Un risque d’évolution vers la leucémie aiguë existe, mais dans les études rétrospectives, ce risque semble limité (moins de 5 %) et très tardif (apparaissant après 8 à 10 ans d’évolution). Les résultats de la seule étude randomisée ayant comparé l’hydroxyurée au pipobroman, les deux médicaments cytoréducteurs classique les plus utilisés en France, viennent néanmoins de montrer que ce risque était clairement plus élevé (24 % après 15 ans de suivi) et représentait la première cause de décès chez les patients porteurs de PV au long cours. L’existence d’évolution leucémiques « spontanées » (chez des patients n’ayant reçu aucun traitement cytoréducteur) pose la question de savoir si ces leucémies secondaires sont liées à l’histoire naturelle des SMPs, ou si elles sont induites par les traitement reçus pendant leur phase chronique.

Transformation leucémique : rôle du traitement ou évolution naturelle ?

La leucémie aiguë, une évolution naturelle des SMPs Philadelphie négatifs

L’évolution vers la leucémie aiguë fait clairement partie de l’histoire naturelle des syndromes myéloprolifératifs Philadelphie négatifs. De telles évolutions ont été rapportées dans quelques observations (« case reports ») publiées il y a de nombreuses années, et plus récemment, grâce à l’étude du registre des cancers suédois. (1) Cette étude a inclus plus de 11 000 cas de syndromes myéloprolifératifs recueillis en Suède sur une longue période. Parmi eux, 292 patients ont été déclarés comme ayant évolué vers un syndrome myélodysplasique ou une leucémie aiguë secondaire. Cette population a servi de base à une analyse des facteurs associés à la transformation, par une étude les appariant à un ou plusieurs patients n’ayant pas présenté d’évolution leucémique. Néanmoins, 14 cas ont du être écartés car ils avaient reçus précédemment de la chimiothérapie et/ ou de la radiothérapie, 51 cas du fait de l’absence de données hématologiques précises, et enfin 65 observations ont dû être écartées car il n’a pas été trouvé de sujet « contrôle » apparié. Au total donc 162 parmi ces 292 cas ont donc pu être analysés. Le suivi médian était inconnu dans la publi-cation. En ce qui concerne les traitements cytoréducteurs reçus, seul le phosphore 32 et les associations de deux trai-tements cytoréducteurs ou plus au cours du temps étaient significativement associés avec un risque accru de transfor-mation leucémique. Le principal point intéressant de cette étude reste que 41 patients sur 162 (25 %) avaient présenté une évolution vers la leucémie aiguë sans qu’ils aient été exposés au préalable à un traitement cytoréducteur. Cette étude permet donc de montrer clairement que le risque de transformation leucémique fait partie de l’histoire naturelle des syndromes myéloprolifératifs et Philadelphie négatif. Ce qu’il faut garder en mémoire également est que ce risque de transformation aiguë est un risque tardif, apparaissant essentiellement après huit à dix ans de suivi, les premières années de l’évolution des syndromes myéloprolifératifs étant plus particulièrement marquées par le risque vasculaire, notamment de thrombose. (2) La question qui reste soulevée dans la littérature est de savoir si ce risque leucémique au long cours est important et s’il doit donc être pris en compte dans la prise en charge de ces patients.

Quelle est la fréquence réelle de ces évolutions leucémiques ?

De nombreuses études rétrospectives ou prospectives mais avec un suivi médian court pour ces maladies chroniques (inférieur à dix ans) ont montré que ce risque de trans-formation leucémique pouvait être évalué entre 3 à 5 % dans la polyglobulie de Vaquez (PV) et la thrombocytémie essentielle (TE). Aucune étude n’a par ailleurs pu mettre en évidence que l’hydroxyurée, traitement le plus large-ment employé dans ces maladies, était leucémogène. à l’inverse, le phosphore radioactif et les agents alkylants ont été montrés dès les premières études du Polycythemia Vera Study Group (PVSG), comme augmentant le risque de transformation leucémique. (3) Une étude clinique majeure en termes de nombre de patients (plus de 1600 patients inclus) est l’étude européenne « ECLAP », qui testait le rôle de l’aspirine dans la PV. (4) Une analyse du risque leucé-mique de la cohorte de patients de cette étude a été effec-tuée en 2005, avec un suivi médian après inclusion court, d’environ trois ans. (5) à cette date, 22 patients seulement avaient présenté une évolution vers la leucémie (1,34 % de la cohorte). Les facteurs significativement associés avec un risque de leucémie dans cette étude étaient l’âge des patients à l’inclusion et le fait d’avoir reçu plus d’un traite-ment cytoréducteur pour le traitement de la PV. à nouveau, cette étude ne montrait aucun rôle leucémogène pour l’hy-droxyurée. Le groupe français sous l’égide de Yves Najean et Jean-Didier Rain, avait effectué la seule étude ayant rando-misé l’hydroxyurée contre le pipobroman dans la PV. (6) Les premiers résultats de cette étude avaient été publiés en 1997 après un suivi médian d’environ neuf ans. à l’époque, l’incidence cumulative de leucémie aiguë dans cette popu-lation de 292 patients âgés de moins de 65 ans à l’inclu-sion étaient d’environ 10 % à 13 ans (13 transformations leucémiques avaient été observées). Jean-Didier Rain a pu mettre à jour le suivi de cette cohorte de patients, ce qui a permis d’analyser leur survie et les évènements leucé-miques après un suivi médian de 16,3 ans, ce qui est la plus longue étude prospective jamais publiée dans la PV. (7) Avec cette nouvelle analyse, le nombre d’évènements leucé-miques était passé de 13 à 51. L’incidence cumulative de leucémies aiguës dans cette cohorte était donc d’environ

Jean-Jacques KILADJIANHématologue, Professeur de pharmocologie clinique.

Expertise :Syndromes myéloprolifératifs, essais thérapeutiques précoces.

Déclaration publique d’intérêts :Participation à des groupes d'experts pour Novartis et Shire.

Correspondance : Centre d’Investigations Cliniques, Hôpital Saint-Louis et Université Paris Diderot, Paris. [email protected]

Coécrit avec : Annalisa ANDRéOLIHématologue,Hôpital [email protected]

■ Auteur

leucémIe, myélodysplasIe, hydroxyurée, polyglobulIe.

Mots clés

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Grand Angle ■ Transformation leucémique : rôle du traitement ou évolution naturelle ?

10 % après dix ans, 24 % à 15 ans et 34 % à 20 ans. Alors qu’il n’y avait pas de différence significative entre les deux bras de traitement dans l’analyse initiale, cette mise à jour au long cours a permis de montrer clairement que le pipobroman était plus leucémogène que l’hydroxyurée, avec une incidence cumulative d’évolution leucémique à 15 ans de 34 % dans le bras pipobroman contre 16,5 % dans le bras hydroxyurée en intention de traitement. Ces résultats et cette différence restaient significativement différents lorsque les analyses ont été faites en fonction du traite-ment effectivement reçu (37 % dans le bras Pipobroman à 15 ans contre 14 % dans le bras Hydroxyurée), ou pour les patients ayant reçu uniquement l’un des deux médicaments tout au long de leur suivi. 94 patients n’avaient reçu que de l’hydroxyurée tout au long de leur suivi et l’incidence cumulative de leucémies était de 11 % à 15 ans et 17 % à 20 ans. Les patients traités par pipobroman seulement, au nombre de 130, présentaient une incidence cumulative de transformation de 34 % à 15 ans et 49 % après 20 ans de suivi. Cette étude française est également la première à montrer de manière prospective que la survie médiane des patients porteurs de PV est significativement réduite par rapport à la population générale appariée. La survie médiane de l’ensemble des patients inclus dans l’étude étaient de 17 ans, de 20 ans pour les patients traités dans le bras hydroxyurée et de 15 ans pour ceux traités dans le bras pipobroman, la différence étant significative entre les deux traitements (P = 0,008). L’analyse des causes de décès (95 patients étaient morts au moment de la mise à jour) a montré que la première cause de décès de ces patients porteurs de PV traités par chimiothérapie conventionnelle était l’évolution leucémique : 54 % des décès étaient dus à une évolution leucémique, 19 % à des évènements vascu-laires et 12 % à un cancer secondaire. (7) Ces données sont à comparer avec les causes de décès rapportées dans l’étude ECLAP citée précédemment. Dans cette étude, avec trois ans de suivi médian, la première cause de décès était les évènements cardiovasculaires (45 %), suivie par les cancers (19 %). (8) La transformation hématologique ne représentait que 13 % des causes de décès. Cette différence souligne bien que l’histoire naturelle de la polyglobulie de Vaquez est marquée initialement par un risque vasculaire, mais qu’au long cours le risque de transformation leucémique semble être la principale cause de mortalité. Ces résultats sont à rapprocher de ceux notés dans une autre étude prospective française qui avait étudié le pipobroman de manière multi-centrique dans un essai de phase II dans les années 70. Cette étude avait montré un risque de transformation aiguë de 14 % à 10 ans, et de 19 % à 15 ans dans cette cohorte de 164 patients porteurs de PV traités uniquement par pipo-broman avec un suivi médian de 12 ans. (9) Dans cette étude également, l’évolution leucémique représentait la première cause de décès au long cours (29 % au total, et 51 % chez les patients de moins de 60 ans à l’inclusion), devant les évènements cardio-vasculaires (21 % des décès). Ces

deux études prospectives avec un suivi médian supérieur à 10 ans montrent donc clairement que le pipobroman est associé à une augmentation du risque de transformation leucémique et ne doit donc plus être utilisé en première intention dans la PV ou dans la TE. Le pipobroman reste néanmoins un médicament utile dans certaines situations notamment chez les patients très âgés ou porteurs de comor-bidité sévère. En effet, ce médicament est généralement très efficace pour contrôler la thrombocytose et la polyglobulie, et remarquablement bien toléré à court terme notamment sur le plan cutané, facteur parfois limitant de l’utilisation de l’hydroxyurée chez les patients âgés développant des ulcères ou des cancers cutanés. (10)

Rôle des médicaments cytoréducteurs

En revanche, ces études ne montrent pas de manière formelle que l’hydroxyurée est associée à une augmenta-tion du risque de transformation leucémique. Néanmoins, l’incidence cumulative de transformation leucémique chez les patients traités par hydroxyurée dans l’étude randomisée prospective française est clairement plus élevée que celles rapportées dans la littérature à partir d’études rétrospectives ou prospectives avec un suivi court. Ceci pourrait être dû à un potentiel leucémogène de l’hydroxyurée, mais aussi plus simplement au fait que ce traitement purement palliatif n’est pas capable de modifier l’évolution naturelle des syndromes myéloprolifératifs au long cours. Il n’est également pas exclu que tous les patients ne soient pas exposés de manière égale à un risque de transformation aiguë sous hydroxyurée. à ce titre, une étude espagnole a montré récemment qu’un poly-morphisme dans le gène XPD, impliqué dans la réparation de l’ADN, était associé avec un risque significativement plus élevé de transformation aiguë. (11) Il est donc très possible qu’à l’avenir, des facteurs de prédisposition constitutionnels dans des gènes régulant le métabolisme des médicaments et la réparation de l’ADN puissent être mis en évidence comme favorisant une éventuelle génotoxicité de l’hy-droxyurée comme d’autres médicament cytoréducteurs. En conclusion, la transformation leucémique est un évènement tardif pouvant survenir spontanément dans les syndromes myéloprolifératifs Philadelphie négatifs. à l’inverse, certains médicaments sont clairement leucémogènes, augmentent ce risque, et doivent être évités en première intention dans la prise en charge des patients porteurs de syndromes myélo-prolifératifs. Enfin, certains médicaments en améliorant la survie des patients (notamment en évitant la mortalité précoce liée aux évènements vasculaires) pourraient simple-ment permettre l’apparition de ces évolutions tardives sans nécessairement en augmenter l’incidence « spontanée ». Dans tous les cas, des traitements clairement non leucé-mogènes doivent être préférés pour traiter les patients les plus jeunes, cette catégorie d’âge s’étendant probablement jusqu’à 60 ans en ce qui concerne les syndromes myélopro-lifératifs chroniques, notamment la PV et la TE.

• La transformation en leucémie aiguë fait partie de l’histoire naturelle des syndromes myéloprolifératifs.• Ces transformations sont tardives, apparaissant après 8 à 10 ans d’évolution, et leur incidence augmente au cours du temps sans atteindre de plateau. • La transformation aiguë pourrait être la principale cause de décès des patients au très long cours.• L’utilisation de traitements non leucémogène doit être privilégiée chez les patients les plus jeunes.

■ Ce qu’il faut retenir

1. Björkholm M, Derolf AR, Hultcrantz M, et al. Treatment-related risk factors for transformation to acute myeloid leukemia and myelodysplastic syndromes in myeloproliferative neoplasms. J Clin Oncol. 2011; 29(17): 2410-2415.2. Passamonti F, Malabarba L, Orlandi E, et al. Polycythemia vera in young patients: a study on the long-term risk of thrombosis, myelofibrosis and leukemia. Haematologica. 2003; 88(1): 13-18.3. McMullin MF. A review of the therapeutic agents used in the management of polycythaemia vera. Hematol Oncol. 2007; 25(2): 58-65.4. Landolfi R, Marchioli R, Kutti J, et al. Efficacy and safety of low-dose aspirin in polycythemia vera. N Engl J Med. 2004; 350(2): 114-124.5. Finazzi G, Caruso V, Marchioli R, et al. Acute leukemia in polycythemia vera: an analysis of 1638 patients enrolled in a prospective observational study. Blood. 2005; 105(7): 2664-2670.6. Najean Y, Rain JD. Treatment of polycythemia vera: the use of hydroxyurea and pipobroman in 292 patients under the age of 65 years. Blood. 1997; 90(9): 3370-3377.7. Kiladjian JJ, Chevret S, Dosquet C, Chomienne C, Rain JD. Treatment of polycythemia vera with hydroxyurea and pipobroman: final results of a randomized trial initiated in 1980. J Clin Oncol. 2011; 29(29): 3907-3913.8. Marchioli R, Finazzi G, Landolfi R, et al. Vascular and neoplastic risk in a large cohort of patients with polycythemia vera. J Clin Oncol. 2005; 23(10): 2224-2232.9. Kiladjian JJ, Gardin C, Renoux M, Bruno F, Bernard JF. Long-term outcomes of polycythemia vera patients treated with pipobroman as initial therapy. Hematol J. 2003; 4(3): 198-207.10. Barbui T, Barosi G, Birgegard G, et al. Philadelphia-negative classical myeloproliferative neoplasms: critical concepts and management recommendations from European LeukemiaNet. J Clin Oncol. 2011; 29(6): 761-770.11. Hernández-Boluda JC, Pereira A, Cervantes F, et al. A polymorphism in the XPD gene predisposes to leukemic transformation and new nonmyeloid malignancies in essential thrombocythemia and polycythemia vera. Blood. 2012; 119(22): 5221-5228.

■ Références

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Grand Angle

Compte tenu de l’épidémiologie des syndromes myéloprolifératifs Ph négatifs, la question de leur prise en charge thérapeutique chez la femme enceinte ou en désir de grossesse doit être posée. La problématique est d’arriver à concilier le développement harmonieux du bébé tout en contrôlant les risques de complications liées à l’hémopathie de la mère. Nous présentons un état de lieu des connaissances actuelles sur cette situation particulière ainsi que les recommandations de l’ELN pour sa prise en charge.

Prise en charge des syndromes myéloprolifératifs au cours de la grossesse

Compte tenu de la prédominance féminine des syndromes myéloprolifératifs Ph négatifs (SMP), la question de leur prise en charge thérapeutique chez la femme enceinte ou en désir de grossesse est posée. Elle s’avère d’autant plus fondamentale que la grossesse, elle-même, représente une situation prothrombotique. Ces complications vont concerner aussi bien la patiente que l’enfant à venir. Quelque soit le type de compli-cation, les études rétrospectives n’ont pas permis de relier leur risque d’apparition au chiffre de plaquettes et aucun cytoréducteur n’a montré d’efficacité dans la prévention de leur survenue (1). Seul le caractère muté JAK2 semble ressortir comme facteur de risque dans les thrombocytémie essentielles (TE) (2).

Complications fœtales

Le risque de fausse couche spontanée est supérieur au risque habituellement rencontré dans la popula-tion générale. à l'heure actuelle, les publications ne concernent que de petites cohortes de patientes. Les chiffres avancés sont d’environ 30 % de fausses couches (FC) pendant le 1er trimestre tout particulière-ment chez les patientes pour lesquelles une mutation de JAK2 est retrouvée (3, 4). Ce risque est minoré dans les polyglobulies de Vaquez (PV) (environ 20 %). Des retards de croissance in-utero et des accouchements prématurés ont également été observés mais avec une fréquence moindre que les FC (5).

Complications maternelles

Selon les études, il a été rapporté jusqu'à 10 % de grossesses s'accompagnant de complications mater-nelles (3,4). Ces complications sont plus fréquentes dans les PV que dans les TE. Sont principalement observés des accidents thromboemboliques, hémorragiques et des états pré-éclamptiques (5). Après 35 ans, le risque thrombo-embolique est encore majoré. La possibilité d’accidents thrombotiques graves persiste en post-partum et nécessite une prise en charge spécifique (tableau 1). Le risque hémorragique quant à lui, peut être possiblement expliqué ou majoré par la présence d’un syndrome de Willebrand acquis observé en cas de chiffres de plaquettes très élevés (6).

Thérapeutiques habituelles des SMPs et grossesse.

Prévention des risques thromboemboliquesLa prévention des risques thromboembolique dans

les SMPs est habituellement assurée par l’aspirine à faible dose (7). De nombreuses études montrent son innocuité chez la femme enceinte dont certaines ont été menées chez les femmes traitées pour une TE (3). Il faut cependant rester prudent en cas de chiffre de plaquettes très élevé car il peut être associé un syndrome de Willebrand acquis. En cas de contre-indication à l’aspirine, seul le traitement par héparine est alors possible chez la femme enceinte (8).

Traitements cytoréducteursL’hydroxyurée appartient à la classe des antimito-tiques inhibiteurs de la synthèse de l’ADN. Il a un effet tératogène chez l’animal en provoquant des malfor-mations cardiaques, squelettiques, génito-urinaires, cérébrales et oculaires. Il est donc formellement contre-indiqué chez la femme enceinte. Cependant, aucune malformation majeure n’a été rapportée lors de l’analyse d’une série de 58 patientes traitées en dehors du 1er trimestre par hydroxyurée (9). Son utili-sation doit cependant être discutée au cas par cas lorsqu’il existe une nécessité absolue à une cytoré-duction (intolérance ou contre-indication à l’interféron par exemple). L’anagrelide n’a pas de risque de mutagénicité connu mais du fait de son faible poids moléculaire passe la barrière fœto-placentaire et comporte donc un risque de thrombopénie chez le fœtus. Une dizaine de grossesses sous anagrelide ont été rapportées dans la littérature sans anomalie particulière (1,4). Certains auteurs cependant ne recommandent pas son utili-sation pendant la grossesse (10).L’interféron n’est ni tératogène ni mutagène chez l’animal et ne passe pas la barrière foeto-placentaire. Son emploi n’est donc pas contre-indiqué pendant la grossesse. Seul, le peg-interferonα-2a est contre-indiqué chez le nouveau-né et l’enfant de moins de 3 ans du fait de la présence d’alcool benzylique dans ses excipients. De nombreuses études confirment l'in-nocuité de l'interféron voire montrent une amélioration du risque évolutif de la grossesse (4,11). Il reste donc le traitement de choix chez la femme enceinte en cas d’indication d’une cytoréduction.Le ruxolitinib est un inhibiteur sélectif des tyrosines kinases de type JAK1 et 2. Les études effectuées chez l’animal ont mis en évidence une toxicité sur la repro-duction. Il n’existe à l’heure actuelle aucune donnée dans la littérature quant à son usage chez la femme enceinte et son utilisation est donc contre-indiquée pendant la grossesse. Il est à noter qu'actuellement sa prescription est soumise à l’utilisation d’une contra-

Laurence LEGROSHématologue.

Expertise :Maître de conférences à l’Université de Nice Sophia-Antipolis et praticien hospitalier dans le service d’hématologie clinique du CHu de Nice, Laurence Legros consacre pleinement son activité notamment aux patients atteints de syndromes myéloprolifératifs ainsi qu’à la recherche clinique ou appliquée. Membre du conseil d’administration du FI-LMC et du FIM.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : Service d’hématologie clinique du CHu de [email protected]

Coécrit avec :Agnès GUERCI-BRESLERPraticien Hospitalier, Service d'hématologie CHU Brabois, Vandœuvre.

Cynthia TRASTOURPraticien Hospitalier, Service de gynéco-obstétrique reproductionmedecine fœtale, CHu de Nice.

■ Auteur

thrombocytémIe essentIelle,

polyglobulIe de vaquez, grossesse, aspIrIne,

Interféron.

Mots clés

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03

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Grand Angle ■ Prise en charge des syndromes myéloprolifératifs au cours de la grossesse

ception chez les femmes en âge de procréer.

Recommandations ELN

La problématique du traitement chez la femme enceinte est de concilier le développement harmonieux du bébé tout en contrôlant les risques complications liés à l’hémopathie de la mère. Bien qu’il n’existe pas de grandes études prospectives dans la littérature, l’ELN a émis récemment des recommandations selon le caractère faible risque ou haut risque de la grossesse (tableau 1) (12). La grossesse à haut risque est définie par un antécédent de thrombose veineuse ou artérielle, d’hémorragie liée au SMP, de grossesse pathologique (fausse couche, retard de croissance, accouche-ment prématuré, hémorragie ante/post partum, pré-

éclampsie…) et par une thrombocytose supérieure à 1500 G/L.

Conclusion

Une grossesse chez une patiente traitée pour un SMP reste une situation à risque et quand cela est possible, elle doit être anticipée et préparée. Une information des femmes en âge de procréer est indispensable. Une prise en charge par des équipes spécialisées doit être discutée et le choix de sa modalité pourra s’appuyer sur les recommandations ELN. Enfin, une étude observa-tionnelle européenne dans le cadre du projet n°9 de l’ELN est toujours en cours collectant les cas de gros-sesse (http://www.leukemia-net.org/content/leukemias/cmpd/pregnancy/).

1. Wright CA, Tefferi A. A single institutional experience with 43 pregnancies in essential thrombocythemia. Eur J Haematol. 2001; 66: 152-159.

2. Passamonti F, Randi ML, Rumi E, et al. Increased risk of pregnancy complications in patients with essential thrombocythemia carrying the JAK2 (617V>F) mutation. Blood. 2007; 110: 485–9.

3. Passamonti F, Rumi E, Randi ML, Morra E, Cazzola M. Aspirin in pregnant patients with essential thrombocythemia: a retrospective analysis of 129 pregnancies. J Thromb Haemost. 2010; 8: 411–3.

4. Melillo L, Tieghi A, Candoni A, et al. Outcome of 122 pregnancies in essential thrombocythemia patients: a report from the Italian registry. Am J Hematol. 2009; 84: 636–40.

5. Valera MC, Parant O, Vayssiere C, Arnal JF, Payrastre B. Essential thrombocythemia and pregnancy. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2011; 158(2): 141-7.

6. Budde U, van Genderen PJ. Acquired von Willebrand disease in patients with high platelet counts. Semin Thromb Hemost. 1997; 23: 425-431.

7. Landolfi R, Marchioli R, Kutti J, Gisslinger H, Tognoni G, Patrono C, Barbui T; European Collaboration on Low-Dose Aspirin in Polycythemia Vera Investigators. Efficacy and safety of low-dose aspirin in polycythemia vera. N Engl J Med. 2004; 8: 114-24.

8. Carlier P, Eftekhari P. Médicaments utilisés parallèlement aux anticancéreux en onco-hématologie : quels risques pour la grossesse ? Correspondances en Onco-Hématologie. 2 : 78-82.

9. Liebelt EL, Balk SJ, Faber W, et al. NTP-CERHR expert panel report on the reproductive and developmental toxicity of hydroxyurea. Birth Defects Res B Dev Reprod Toxicol. 2007; 80: 259–366.

10. Beer PA, Erber WN, Campbell PJ, Green AR. How I treat essential thrombocythemia. Blood. 2011; 3; 117(5): 1472-82.

11. Vantroyen B, Vanstraelen D. Management of essential thrombocythemia during pregnancy with aspirin, interferon alpha-2a and no treatment. A comparative analysis of the literature. Acta Haematol. 2002; 107(3): 158-69. Review.

12. Barbui T, Barosi G, Birgegard G, Cervantes F, Finazzi G, Griesshammer M, Harrison C, Hasselbalch HC, Hehlmann R, Hoffman R, Kiladjian JJ, Kröger N, Mesa R, McMullin MF, Pardanani A, Passamonti F, Vannucchi AM, Reiter A, Silver RT, Verstovsek S, Tefferi A. Philadelphia-negative classical myeloproliferative neoplasms: critical concepts and management recommendations from European LeukemiaNet. European LeukemiaNet. J Clin Oncol. 2011; 20; 29(6): 761-70.

■ Références

• La grossesse au cours d’un SMP est une situation à risque maternel et fœtal.• La prévention des risques thromboemboliques est assurée par l’aspirine faible dose.• En cas d’indication d’une cytoréduction, seul l’interféron-α est recommandé.• Il existe un registre européen des grossesses au cours des SMPs.

■ Ce qu’il faut retenir

Retrouvez cet article sur notre application Horizons Hémato

Tableau 1 : Abréviations : PV Polyglobulie de Vaquez, HBPM: héparine de bas poids moléculaire, ATCD: antécédent, IFN: Interféron

Grossesses de faible risque Grossesse de risque élevé

Aspirine faible doseHBPM à dose prophylactique après l’accouchement pendant 6 semaines

Dans les PV : maintien d’un hématocrite < 45 %

+

-HBPM en cas d’ATCD d’accident thrombo-

hémorragique ou grossesse compliquéeIFNα si plaquettes > 1500 G/L

Si ATCD d’hémorragie arrêter aspirine et discuter IFN

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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03

Grand Angle

Le groupe d’experts internationaux réunit sous l’égide de l’European LeukemiaNet (ELN) a publié en 2011 des recommandations concernant la prise en charge des SMPs Philadelphie négatifs, notamment leur traitement. (1) Cet article s’intéressera plus particulièrement à la place de l’Interféron-alpha (IFNα) dans la stratégie thérapeutique des SMPs.

Recommandations de l’ELN : Interféron-alpha

Pourquoi l’Interféron-alpha ?

L’IFNα a été montré comme efficace pour le traite-ment de la PV et de la TE depuis plus de 20 ans. (2)

De nombreux articles ont rapporté des expériences sur de petites séries de patients. Globalement toutes ces études indiquent que l’IFNα est efficace pour contrôler la thrombocytose dans la thrombocytémie essentielle (TE), réduire ou supprimer le besoin de saignées dans la polyglobulie de Vaquez (PV), réduire la splénomégalie de ces deux SMP, et être efficace sur le prurit de la PV. En revanche, toutes ces études relativement anciennes ont montré un assez fort taux d’arrêt de traitement lié à des effets indésirables bien connus : syndrome pseudo-grippal, fatigue, troubles de l’humeur et syndrome dépressif, myalgies, céphalées, arthralgies, manifes-tations dysimmunitaires. Pourquoi donc s’acharner à utiliser ce médicament qui semble mal toléré alors que nous avons d’autres alternatives thérapeutiques ?

Un traitement non leucémogène pour les patients plus jeunes : l'IFN avant l'ELN 2011

Les précédentes recommandations des sociétés savantes au sujet de l’IFNα proposaient ce traitement comme traitement de choix chez les patients les plus jeunes, notamment ceux de moins de 40 ans. (3,4) La raison évoquée dans ces articles en est simple : ce médi-cament n’a pas de potentiel leucémogène. L’ambiguïté de ces recommandations résidait dans le fait qu’elles soulignaient par ailleurs que le traitement « de réfé-rence » (hydroxyurée) n’avait pas d’effet leucémogène prouvé. Cette recommandation a été modifiée de manière importante dans les recommandations 2011 de l’ELN. En effet, deux études de phase II ont récemment remis en avant les avantages de l’IFNα dans la PV et aussi la TE. (5,6) Ces deux études ont utilisé une forme d’IFNα qui n’avait pas encore été testée dans les syndromes myéloprolifératifs, l’IFNα-2a pégylé (peg-IFNα-2a).

IFNα et PV : une réponse complète et durable chez la majorité des patients

La première de ces études est l’étude française PVN1, qui a montré, uniquement chez des patients porteurs de PV qu’un traitement par peg-IFNα-2a pouvait entraîner un taux très élevé de réponse hématologique. En effet, tous les patients traités ont présenté une réponse hématologique, avec une grande majorité de réponses hématologiques complètes selon les critères de l’ELN (numération entièrement normale, absence de spléno-mégalie, absence de symptômes et de complications vasculaires), et avec une toxicité très inférieure à celle décrite avec les autres formes d’interféron dans la PV. Moins de 10 % des patients ont dû interrompre leur

traitement au cours des 12 premiers mois du fait d’un effet indésirable. De plus, cette étude a été la première à tester la quantification de la mutation JAK2V617F comme marqueur de maladie résiduelle dans la PV. (5) L’étude PVN1 a ainsi pu montrer que le peg-IFNα-2a était susceptible de réduire de manière importante la quantité d’allèles JAK2 mutés détectables dans le sang chez une grande proportion de patients. Une récente mise à jour des résultats de cette étude après 75 mois de suivi médian a ainsi montré que l’incidence cumulative de réponses moléculaires complètes (c’est-à-dire que la mutation de JAK2V617F n’était plus détectable dans le sang par PCR) atteignait 14 % à deux ans et 30 % à quatre ans. (7) Cette actualisation des résultats a égale-ment montré que les réponses hématologiques et obser-vées initialement étaient durables, 78 % des patients restant en réponse hématologique complète selon les critères ELN après 75 mois de suivi. De manière impor-tante, cette étude a également montré qu’au total 27 % des patients ont pu arrêter le traitement par peg-IFNα-2a et sont restés en rémission hématologique complète sans aucun traitement cytoréducteur pour une durée médiane de plus de 31 mois après arrêt du peg-IFNα-2a (jusqu’à 66 mois pour la plus longue de ces rémis-sions complètes persistantes). Enfin, l’étude séquen-tielle de biopsies médullaires chez quelques patients a également permis de montrer que le traitement par peg-IFNα-2a avait permis de restaurer une histologie médullaire normale chez certains patients. Les résultats de l’étude PVN1 ont globalement été confirmés par une étude équivalente menée aux états-Unis qui a inclus des patients porteurs de PV mais également des patients porteurs de TE. (6) Dans cette étude de phase II du MD Anderson, des taux élevés de réponse hématologique et de réponse moléculaire ont également été observés, y compris des réponses moléculaires complètes. Les données de ces deux études chez les patients porteurs de PV associées à l’ensemble des essais disponibles dans la littérature d’IFNα dans la PV ont conduit les experts de l’ELN à proposer que le traitement de première ligne des PV de haut risque (c’est-à-dire nécessitant un traitement cytoréducteur) pouvait utiliser soit l’hydroxyurée, soit l’IFNα, cette fois sans restriction d’âge ni d’indication particulière pour l’une ou l’autre de ces deux molécules (en dehors de contre-indications éventuelles). (1) Il s’agit donc d’une modification impor-tante des recommandations, donnant pour la première fois une justification académique à l’utilisation hors AMM de l’IFNα dans les PV en première intention.

IFNα dans TE et MF : des résultats intéressants à confirmer

Dans la TE, les données de la littérature n’ont pas été jugées suffisamment importantes pour proposer la même attitude. L’IFNα reste donc un traitement de

Annalisa ANDRéOLIHématologue.

Expertise :syndromes myéloprolifératifs, essais cliniques précoces

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : Centre d’Investigations Cliniques, Hôpital Saint-Louis et Université Paris Diderot, Paris. [email protected]

Coécrit avec : Jean-Jacques KILADJIANHématologue,Hôpital Saint-Louis et Université Paris Diderot, Paris. [email protected]

■ Auteur

syndromes myéloprolIfératIfs, Interféron alpha, recommandatIons

eln 2011.

Mots clés

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

Retrouvez cet article sur notre application Horizons Hémato

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Grand Angle ■ Recommandations de l’ELN : Interféron-alpha

deuxième intention, chez les patients intolérants à l’hydroxyurée ou à l’anagrélide.Dans la myélofibrose primaire les données de la littérature semblant indiquer une très mauvaise tolé-rance (2), l’IFNα n’est pas recommandé par les experts de l’ELN pour traiter la splénomégalie de ces patients. Néanmoins, l’expérience française rapportée par J.-C. Ianotto semble indiquer que le peg-IFNα-2a pourrait donner des bons résultats avec une tolérance nettement meilleure que celle précédemment décrite avec l’interféron standard. (8)

Recommandations PV et TE : la place de l'IFNα en 2012

Au total, les recommandations de l’ELN concernant l’utilisation de l’Interféron-alpha peuvent être résumées de la façon suivante :• Dans la PV, l’IFNα peut être le traitement de première ligne au même titre que l’hydroxyurée chez les patients de haut risque (plus de 60 ans, et/ou antécédent de thrombose).• Dans la TE, l’IFNα reste un traitement de seconde intention.

L'avenir : essais en cours

Il faut noter que deux grands essais internatio-naux académiques, conduits par le MPD-Research Consortium vont pour la première fois étudier sur une grande échelle l’utilité du traitement de l’Interféron

par peg-IFNα-2a dans la PV et la TE, en comparant directement ce médicament à l’hydroxyurée en première intention chez les patients de haut risque. Cet essai randomisé a prévu d’inclure plus de 650 patients dans le monde avec un objectif principal à court terme de réponse hématologique et de tolérance. Cet essai ne pourra probablement pas conclure sur l’évolution au long cours de ces maladies, notamment les transformations leucémiques, du fait de leur délai très tardif d’appari-tion (9) mais, s’il est positif, permettra de confirmer que le peg-IFNα-2a est un traitement aussi efficace et bien toléré que l’hydroxyurée contrairement à l’image que l’on peut en avoir actuellement. Si tel est le cas, les béné-fices supplémentaires en terme de réponse moléculaire (non clairement démontrés avec des données contradic-toires dans la littérature pour l’hydroxyurée (10,11)), et les réponses histologiques décrites avec l’IFNα (7,12) seraient des raisons supplémentaires de proposer ce traitement aux patients porteurs de PV et TE. à ce jour, aucune forme d’IFNα n’a l’autorisation de mise sur le marché dans la PV et la TE. Cette situation pourrait changer dans les prochaines années. D’une part, les essais du MPD-Research consortium pourraient pousser le labora-toire commercialisant le peg-IFNα-2a a enfin demander une extension d’AMM. Mais peut-être de manière plus vraisemblable, une nouvelle forme d’IFNα pégylée en cours de développement pourrait être le premier IFNα enregistré dans un SMP Philadelphie négatif. (13) Cette molécule est en effet en cours d’essai de phase 2 dans la PV, et un essai de phase 3 d’enregistrement devrait débuter fin 2012.

• L'IFNα a été demontré efficace dans le traitement de la PV et de la TE depuis plus de 20 ans, mais pas toujours bien toléré. Son principal atout : l'absence de leucemogénicité, qui le rendait particulièrement intéressant chez les patients d'âge de moins de 40 ans.• Deux grandes études multicentriques (PVN1, MD Anderson) ont testé l'utilisation de peg-IFNα-2a dans la PV, concluant à de taux élevés de réponse complète hématologique durable et à une régression histologique et moléculaire de la maladie, permettant chez une partie des patients l'arrêt du traitement. Peu d'effets secondaires notables ont été décrits.• De résultats prometteurs ont été retrouvés dans la TE, à confirmer ultérieurement.• Les recommandations de l'ELN 2011 proposent l'utilisation de l'IFNα (en alternative à l'hydroxyurée) chez les patients atteints de PV à haut risque, et en deuxième ligne pour les patients atteints de TE• Plusieurs études internationales de phase II/III testant l'utilisation de l'IFNα-2a sont en cours, d'autres vont démarrer prochainement et pourraient permettre l'enregistrement d'une nouvelle forme de IFNα pegylé dans les SMPs.

■ Ce qu’il faut retenir

1. Barbui T, Barosi G, Birgegard G, et al. Philadelphia-negative classical myeloproliferative neoplasms: critical concepts and management recommendations from European LeukemiaNet. J Clin Oncol. 2011; 29(6): 761-770.2. Kiladjian JJ, Mesa RA, Hoffman R. The renaissance of interferon therapy for the treatment of myeloid malignancies. Blood. 2011; 117(18): 4706-4715.3. Barbui T, Barosi G, Grossi A, et al. Practice guidelines for the therapy of essential thrombocythemia. A statement from the Italian Society of Hematology, the Italian Society of Experimental Hematology and the Italian Group for Bone Marrow Transplantation. Haematologica. 2004; 89(2): 215-232.4. McMullin MF, Bareford D, Campbell P, et al. Guidelines for the diagnosis, investigation and management of polycythaemia/erythrocytosis. Br J Haematol. 2005; 130(2): 174-195.5. Kiladjian JJ, Cassinat B, Chevret S, et al. Pegylated interferon-alfa-2a induces complete hematologic and molecular responses with low toxicity in polycythemia vera. Blood. 2008; 112(8): 3065-3072.6. Quintás-Cardama A, Kantarjian H, Manshouri T, et al. Pegylated interferon alfa-2a yields high rates of hematologic and molecular response in patients with advanced essential thrombocythemia and polycythemia vera. J Clin Oncol. 2009; 27(32): 5418-5424.7. Turlure P, Cambier N, Roussel M, et al. Complete Hematological, Molecular and Histological Remissions without Cytoreductive Treatment Lasting After Pegylated-Interferon {alpha}-2a (peg-IFN{alpha}-2a) Therapy in Polycythemia Vera (PV): Long Term Results of a Phase 2 Trial. ASH Annual Meeting Abstracts. 2011; 118(21): 280-.8. Ianotto JC, Kiladjian JJ, Demory JL, et al. PEG-IFN-alpha-2a therapy in patients with myelofibrosis: a study of the French Groupe d’Etudes des Myelofibroses (GEM) and France Intergroupe des syndromes Myéloprolifératifs (FIM). Br J Haematol. 2009; 146(2): 223-225.9. Kiladjian JJ, Chevret S, Dosquet C, Chomienne C, Rain JD. Treatment of polycythemia vera with hydroxyurea and pipobroman: final results of a randomized trial initiated in 1980. J Clin Oncol. 2011; 29(29): 3907-3913.10. Antonioli E, Carobbio A, Pieri L, et al. Hydroxyurea does not appreciably reduce JAK2V617F allele burden in patients with polycythemia vera or essential thrombo-cythemia. Haematologica. 2010; 95(8): 1435-1438.11. Girodon F, Schaeffer C, Cleyrat C, et al. Frequent reduction or absence of detection of the JAK2-mutated clone in JAK2V617F-positive patients within the first years of hydroxyurea therapy. Haematologica. 2008; 93(11): 1723-1727.12. Silver RT, Vandris K, Goldman JJ. Recombinant interferon-α may retard progression of early primary myelofibrosis: a preliminary report. Blood. 2011; 117(24): 6669-6672.13. Gisslinger H, Kralovics R, Schoder R, et al. Open-Label, Prospective, Multicentre, Phase I/II Study of AOP2014, a Novel PEG-Proline-Interferon Alpha-2b in Patients with Polycythemia Vera: Update from an Ongoing Study. ASH Annual Meeting Abstracts. 2011; 118(21): 1747-.

■ Références

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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03

Grand Angle

Suite à la découverte de la mutation JAK2V617F, présente dans une large proportion de patients atteints de syndromes myéloprolifératifs BCR-ABL négatifs, différents inhibiteurs des JAKS ont été développés pour être testés en clinique. Ces médicaments constituent une avancée significative pour le traitement des patients atteints de myélofibrose avancée en diminuant la splénomégalie et les symptômes systémiques. Cependant, leur incapacité à faire disparaître le clone néoplasique ou à diminuer la fibrose médullaire suggère qu’ils ne constituent pas la solution définitive pour le traitement de la myélofibrose, de la maladie de Vaquez ou de la thrombocytémie essentielle.

Que peut-on attendre des inhibiteurs des JAKS ?

Développement et caractéristiques des inhibiteurs des JAKS

Suite à la découverte en 2004 de la mutation V617F de la tyrosine kinase JAK2 par le groupe de William Vainchenker (1), différents inhibiteurs de JAK2 ont été déve-loppés dans l’espoir de traiter spécifiquement les patients atteints de syndrome myéloprolifératif BCR-ABL négatifs. La myélofibrose (MF) avancée a constitué leur principale indication étant donné la survie limitée de ces patients, l’importance des symptômes généraux et l’absence de trai-tement efficace. Dès 2007, les premiers patients atteints de MF ont été inclus dans des études cliniques utilisant le Ruxolitinib, le plus avancé des inhibiteurs des JAKS. Depuis lors, plus de 8 molécules sont en développement clinique dans la MF, et certaines d’entre elles sont égale-ment testées dans la maladie de Vaquez (PV) ou la throm-bocytémie essentielle (TE). Toutes ces molécules sont des inhibiteurs compétitifs de l’ATP, mais leur spécificité varie : certaines inhibent spécifiquement JAK2, alors que d’autres inhibent également JAK1 ou d’autre kinases (tableau 1) (2,3). Aucune molécule n’est spécifique pour la mutation V617F. Cette importante caractéristique explique que les effets bénéfiques sont observés chez les patients porteurs ou non de la mutation JAK2V617F, mais démontre que les inhibiteurs des JAKS ne peuvent pas être considérés stricto sensu comme une thérapie ciblée des cellules tumorales, contrairement aux inhibiteurs de BCR-ABL par exemple.

Quels effets bénéfiques peut-on attendre des inhibiteurs des JAKS ?

Effet sur la splénomégalie dans la MF Lorsque vous prescrivez un anti-JAK2, vous pouvez vous attendre à une diminution significative de la splénomégalie chez votre patient. Cette diminution sera rapide, maximale après quelques semaines, et sera durable. Cet effet béné-fique est clairement démontré par les études COMFORT-I et -II (4,5), qui comparaient l’effet du Ruxolitnib à un placebo ou au meilleur traitement disponible chez des patients avec une MF avancée. Dans ces études, alors que le placebo ou tout autre traitement disponible n’avait aucun effet, 30 à 40 % des patients ont présenté une diminution de plus de 33 % du volume splénique mesuré par résonance magnétique (objectif primaire de l’étude), ce qui correspond une diminution de moitié de la taille de la rate mesurée cliniquement sous le rebord costal. La majorité des autres patients ont également présenté une diminution plus légère du volume de la rate. Cet effet permet d’améliorer les symp-tômes liés à la splénomégalie, comme la satiété précoce ou les douleurs abdominales. La réponse sur la splénomé-

galie semble durable et se poursuivre pendant plus d’un an. Cet effet sur la splénomégalie est dose-dépendant et sera rapidement réversible à l’arrêt des traitements. Cet effet bénéfique est partagé par tous les inhibiteurs de JAK2.

Effet sur les symptômes systémiques dans la MF La qualité de vie des patients atteints de MF est profon-dément altérée par l’existence de symptômes systémiques invalidants tels que des sueurs nocturnes, une inappétence avec cachectie et de la fatigue. Lorsque vous prescrivez un anti-JAK2, vous pouvez vous attendre à une amélioration rapide et importante de ces symptômes chez une majorité des patients. Leur état général va s’améliorer et ils vont prendre du poids. Cet effet a été objectivé par l’améliora-tion significative de scores de qualité de vie sur différentes échelles utilisées dans les études COMFORT-I et -II (4,5), et ne semble pas être dose dépendant.

Effet sur les valeurs sanguines dans la MF, la PV et la TE La MF peut être accompagnée d’une hyperleucocytose ou d’une thrombocytose importante. Par définition, la PV s’accompagne d’une polyglobulie et la TE d’une throm-bocytose. En prescrivant un anti-JAK2, vous pouvez vous attendre à une diminution des valeurs sanguines anormales. Cette diminution sera dose-dépendante et démontre l’effet anti-myéloprolifératif des anti-JAK2.

Quels effets secondaires peut-on attendre des inhibiteurs des JAKS ?

AnémieL’anémie est un des symptômes cardinaux de la MF. La pres-cription d’anti-JAK2 s’accompagnera souvent d’une majora-tion de cette anémie, effet secondaire attendu étant donné que JAK2 est essentiel pour la transduction du signal par le récepteur de l’érythropoïétine. L’anémie augmentera essen-tiellement durant les premières semaines de traitement, pour diminuer plus tard et se stabiliser à un nouvel état de base. Dans les études COMFORT-I et -II (4,5), l’anémie posait peu de problèmes et était contrôlée par une modification de la dose de Ruxolitinib ou par des transfusions sanguines. De plus, sur toute la durée de l’étude COMFORT-II (1 an) (5), les patients traités dans le bras Ruxolitinib n’ont pas reçu plus de transfusions sanguines que les autres patients. étonnamment, certains patients voient leur taux d’hémo-globine augmenter grâce aux anti-JAK2, particulièrement pour le CYT387. Ces résultats doivent être confirmés à plus grande échelle.

ThrombopénieLa thrombopénie est un effet secondaire attendu des anti-

Laurent KNOOPSHématologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc, à Bruxelles, chargé de cours à l’Université catholique de Louvain où il enseigne l’hématologie générale, et chercheur à l’Institut de Duve.

Expertise :Recherche clinique sur les hémopathies myéloïdes chroniques, recherche fondamentale sur la dérégulation des récepteurs de cytokines et de la voie JAK-STAT dans les hémopathies malignes. Il est membre actif du FIM.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : université catholique de LouvainAvenue Hippocrate 101200 Bruxelles [email protected]

■ Auteur

syndromes myéloprolIfératIfs,

myélofIbrose,InhIbIteur de

tyrosIne kInase,Janus kInase.

Mots clés

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Grand Angle ■ Que peut-on attendre des inhibiteurs des JAKS ?

JAK2 vu le rôle essentiel de JAK2 dans la transduction du signal par le récepteur de la thrombopoïétine. Cette thrombopénie explique que les études COMFORT (4,5) étaient réservées aux patients avec un taux de plaquettes supérieur à 100 000/mm3. La thrombopénie sera maxi-male au début du traitement, et sera la principale cause des modifications de dose, comme démontré dans les études COMFORT. L’effet thrombopéniant semble être moindre pour le pacratinib, ce qui reste à confirmer dans des études à plus grande échelle.

Nausées, Vomissements, diarrhéeIl semble exister un effet de classe gastro-intestinal pour les molécules inhibant également FLT3 (SAR302503 Lestaurtinib, Pacritinib).

Symptômes systémiques à l’arrêt des anti-JAK2L’équipe de la Mayo Clinic a décrit d’importants symptômes systémiques chez des patients ayant arrêté le traitement par Ruxolitinib, s’apparentant à un syndrome de relargage des cytokines (6). Dans les études COMFORT (4,5), les arrêts thérapeutiques se sont accompagnés d’une réapparition rapide des symptômes liés à la MF ou parfois d’effets secondaires variales modérés. L’absence de pattern symptomatique spéci-fique ne permet pas de conclure à syndrome de relar-gage des cytokines. Cependant, par prudence, il faut conseiller au patient de diminuer progressivement la dose d’anti-JAK2.

Que doit-on encore apprendre sur les inhibiteurs de JAK2 ?

Effet sur la survie dans la MFLes résultats sur la survie des patients traités dans l’étude COMFORT-I sont encourageants, puisque les patients traités par Ruxolitinib ont une survie légère-ment mais significativement augmentée par rapport aux patients traités par placebo (4). Ces résultats devront être confirmés à plus long terme. Malheureusement, l’étude COMFORT-II, de par son design et son cross-over, ne permettra pas de confirmer ces résultats.

Modification de l’histoire naturelle de la maladieLes inhibiteurs des JAKS n’ont pas (encore) démontré d’effet sur l’histoire naturelle de la MF. Bien que le taux d’allèle muté JAK2V617F ait diminué chez certains patients, cette diminution n’est pas spectaculaire. De même, certains para-mètres intrinsèques à la maladie, tels que le taux de LDH, l’histologie médullaire ou le taux de blastes circulants n’ont pas été modifiés par ces traitements. Cette absence d’effet peut être expliquée d’une part par le manque de spécificité des anti-JAK2, ne permettant pas d’administrer une dose suffisante pour éradiquer le clone anormal sans être toxique, et d’autre part par la génétique complexe de la MF rendant peu probable l’addiction totale du clone anormal à la voie JAK-STAT.

Effet sur le système immunitaireLes JAKS sont des constituants essentiels des récepteurs de cytokines et sont essentielles au bon fonctionnement du système immunitaire. Les inhibiteurs des JAKS n’ont provoqué jusqu’à présent que peu d’effets secondaires de type infectieux ou auto-immuns, mais leur émergence devra être surveillée pour prouver l’innocuité dans anti- JAKs au long terme.

Traitement de la PV et de la TELa PV et la TE sont des pathologies chroniques qui peuvent être adéquatement traitées par des saignées, de l’aspirine ou une prescription d’hydroxyurée. La survie des patients atteints de TE semble comparable à la population normale, et elle n’en est pas très éloignée pour les patients atteints de PV. Bien que l’effet anti-prolifératif des anti-JAK2 permettra probablement de contrôler les valeurs sanguines de ces patients, il est essentiel d’objectiver leur innocuité à long terme avant de les utiliser à grande échelle. Dans le cadre d’études cliniques, les anti-JAK2 peuvent être utiles pour des patients résistants aux mesures thérapeutiques classiques.

Résistance aux inhibiteursEn cancérologie, l’utilisation d’inhibiteurs de tyrosine kinase s’est invariablement accompagnée par l’apparition, chez certains patients, de clones résistants. In vitro, nous avons montré que des mutations du domaine kinase des JAKS pouvaient s’accompagner d’une résistance aux inhibiteurs des JAKS (7). Bien qu’aucun de ces phénomènes n’ait encore été décrit en clinique, ils sera important de comprendre les mécanismes par lesquels les patients pourront devenir résistants aux anti-JAK2.

Conclusions

Les inhibiteurs des JAKS sont extrêmement efficaces pour contrôler les symptômes des patients avec une MF, et consti-tuent dès lors le premier traitement réellement actif dans cette maladie. Ils n’ont cependant pas encore démontré d’effet sur l’histoire naturelle des syndromes myéloprolifé-ratifs, effets qui ne pourraient être observés qu’après leur association à d’autre molécules capables de cibler plus spécifiquement le clone anormal.

• Plusieurs inhibiteurs des JAKS sont en développement pour le traitement de la myélofibrose.• Ces inhibiteurs diminuent la splénomégalie et les symptômes systémiques.• Ils sont efficaces chez les patients porteurs ou non de la mutation JAK2V617F.• Ils ont comme effets secondaires principaux une majoration de l’anémie et une thrombopénie dépendant de la dose.• Ils ne semblent pas modifier de manière significative l’histoire naturelle de la maladie.

■ Ce qu’il faut retenir

1. James C et al. A unique clonal JAK2 mutation leading to constitutive signalling causes polycythaemia vera. Nature. 2005; 434: 1144-1148. doi:10.1038/nature03546.2. Harrison C, Verstovsek S, McMullin M F & Mesa R. Janus kinase inhibition and its effect upon the therapeutic landscape for myelofibrosis: from palliation to cure? Br J Haematol. 2012; 157: 426-437. doi:10.1111/j.1365-2141.2012.09108.x.3. Pardanani A. JAK2 inhibitor therapy in myeloproliferative disorders: rationale, preclinical studies and ongoing clinical trials. Leukemia. 2008; 22: 23-30. doi:10.1038/sj.leu.2404948.4. Verstovsek S et al. A double-blind, placebo-controlled trial of ruxolitinib for myelofibrosis. N Engl J Med. 2012; 366: 799-807. doi:10.1056/NEJMoa1110557.5. Harrison, C et al. JAK inhibition with ruxolitinib versus best available therapy for myelofibrosis. N Engl J Med 366, 787-798, doi:10.1056/NEJMoa1110556 (2012).6. Tefferi A & Pardanani A. Serious adverse events during ruxolitinib treatment discontinuation in patients with myelofibrosis. Mayo Clin Proc. 2011; 86: 1188-1191. doi:10.4065/mcp.2011.0518.7. Hornakova T et al. Oncogenic JAK1 and JAK2-activating mutations resistant to ATP-competitive inhibitors. Haematologica. 2011, 96: 845-853. doi:10.3324/haematol.2010.036350.

■ Références

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Agent CiblesPhase d’étude clinique

Effets cliniquesEffets secondaires

principaux – Toxicité limitante

Ruxolitinib(INCB018424) JAK1, JAK2 III, publié

Splénomégalie, symptômes systémiques

Thrombopénie, anémie

SAR302503TG101348

JAK2, FLT3, RET

III, en cours

Splénomégalie, symptômes systémiques

Thrombopénie, anémie hyperamylasémie, nausées, diarrhées

CYT387

JAK1, JAK2, CDK2, JNK1, PKD3,

PKCmu, TBK1

IISplénomégalie,

symptômes systémiques, anémie

Thrombopénie, céphalées

hyperamylasémie, neuropathie périphérique

CEP-701 (Lestaurtinib) JAK2,

FLT3, TRKA, VEGFR

II Splénomégalie, Nausées/diarrhées, anémie, thrombopénie

SB1518(Pacritinib) JAK2, FLT3 II

Splénomégalie, symptômes systémiques

Nausées, diarrhées

Tableau 1 : Liste des principales médications inhibant les JAKS en étude clinique pour le traitement des syndromes myéloprolifératifs

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Grand Angle

Les essais thérapeutiques concernant les SMPs non LMC ont connu un essor important ces dernières années, suite en 2005 à la publication de l’essai britannique PT1 et surtout à la découverte de la mutation V617F de JAK2. L’essai PT1 a démontré qu’une étude de grande ampleur était réalisable dans ces maladies rares (809 patients atteints de TE). Depuis la description de ces maladies il y a plus d’un siècle, peu d’études de phase III randomisées ont été réalisées dans les SMPs non LMC. La mise en évidence de la mutation V617F de JAK2 a ouvert les portes au développement de molécules ciblant JAK2. Cet article fait le point sur les essais ouverts à l’heure actuelle en France. Il est très probable que la liste de ces essais ne cesse d’augmenter dans les années qui viennent.

Les essais thérapeutiques des SMPs non LMC en France

Thrombocytémie essentielle

études observationnelles• Rétrospective : le FIM coordonne une étude rétrospective des patients atteints de TE traités par interféron, en particulier pegylé.

• Prospective : l’étude faible risque du protocole britannique PT1 est ouverte en France et inclut les patients TE à faible risque (< 40 ans, plaquettes < 1 500 000, sans facteurs de risque cardiovasculaires), au diagnostic ou non. Les patients sont suivis mais traités par aspirine faible dose. L’objectif est d’évaluer la fréquence de thrombose et d’hémor-ragie. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (hôpital Saint-Louis).

Essais thérapeutiques• Essai clinique de Phase III : – Protocole PT1 bras intermédiaire : le dernier bras de l’essai PT1 est encore ouvert en France pour quelques semaines. Les patients à risque intermédiaire selon la définition britannique (TE de 40 à 59 ans, sans ATCD de thrombose, sans facteurs de risque cardio-vasculaires, avec des plaquettes < 1 500 000), au diagnostic ou non, sont randomisés entre de l’aspirine avec de l’hydroxyurée versus aspirine seule. L’objectif est le pourcentage de thrombose et d’hémorragie. Le nombre de patients à inclure au total est de 500 à 600. Ce chiffre sera bientôt atteint. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (Hôpital Saint-Louis).– Protocole MPD-RC 112 (consortium international) : cet essai international devrait ouvrir en 2012 en France. Il s’agit d’un essai randomisé de 12 mois comparant l’interféron pegylé alpha-2a à l’hydroxyurée dans les TE à haut risque (et les PV) au diagnostic (< 3 ans du diagnostic, < 3 mois d’hydroxyurée). L’objectif principal est le pourcentage de RC. Cet essai devrait inclure 306 TE. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (Hôpital Saint-Louis).

• Essai clinique de Phase II :– Protocole MPD-RC 111 (consortium international): cet essai international devrait ouvrir en 2012 en France. Il s’agit d’un essai de 12 mois testant l’interféron pegylé alpha-2a dans les TE à haut risque (et les PV et les thromboses splanchniques) résis-tantes ou intolérantes à l’hydroxyurée. L’objectif principal est le pourcentage de RC et de RP. Cet essai devrait inclure 84 TE. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (Hôpital Saint Louis). – Essai ARD12042 (Sanofi) : cet essai international teste l’utilisation d’un inhibiteur JAK2 de Sanofi, le SAR302503, dans les TE (et les PV) résistantes ou intolérantes à l’hydroxyurée. Les patients sont randomisés entre 3 posologies de la molécule (200, 300, 400 mg/j). L’objectif principal est le taux de réponse hématologique. Cet essai doit inclure 30 TE pour la partie de l’essai avec randomisation visant à identifier le dose recommandée puis 15 TE avec la dose recommandée. L’investigateur principal est le

Jérôme REYPraticien spécialiste dans le département d’onco-hématologie de l’Institut Paoli-Calmettes à Marseille.

Expertise :Membre actif du FIM et secrétaire du conseil scientifique du FIM, il est référent des SMPs non LMC dans l’unité des hémopathies myéloïdes de l’institut Paoli-Calmettes. Il s’occupe des essais thérapeutiques dans les SMPs non LMC. Membre de la SFH, du GOELAMS, du FIM, de l’EHA.

Déclaration publique d’intérêts :Consultant Novartis, Shire.

Correspondance : Service d’Hématologie 2 Département d’onco-hématologie Institut Paoli-Calmettes, 232 boulevard Sainte Marguerite, 13273 Marseille cedex [email protected]

Vincent RIBRAGVincent Ribrag est chef du comité hématologie de l’Institut de cancérologie Gustave Roussy.

Expertise :Membre du conseil scientifique du FIM, du conseil d’administration du Lysa, il est plus particulièrement impliqué dans les essais précoces (phase I) dans le cadre du SITEP de l’IGR où il est responsable des essais hématologie.Il est impliqué plus directement dans la prise en charge des SMPs non LMC et des lymphomes à l’IGr.Membre du LySA, du FIM.

Déclaration publique d’intérêts :Subvention de recherche Bayer, Sanofi Board : Takeda.

Correspondance : Service d’Hématologie Institut de cancérologie Gustave Roussy, 114 rue E. Vaillant, 94805 [email protected]

■ Auteur ■ Auteur

smp non lmc, essaIs thérapeutIques,

antI JAK2, Interféron pegylé.

Mots clés

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Grand AngleGrand Angle

Pr. Jean-Jacques Kiladjian (hôpital Saint-Louis).– Protocole I3X-MC-JTHB (Lilly) : cet essai international teste l’anti JAK2 de Lilly, le LY2784544, dans les TE (et les PV et les MF) résistantes ou intolérantes à l’hydroxyurée. Trois doses seront testées. L’objectif principal est le taux de réponse hématologique. Cet essai doit inclure 40 TE dont 10 JAK2 négatives. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (hôpital Saint-Louis).

Polyglobulie primitive

études observationnellesRétrospective : le FIM coordonne une étude rétrospective des patients atteints de PV traités par interféron, en parti-culier pegylé.

Essais thérapeutiques• Essai clinique de Phase III : – Protocole RESPONSE (promoteur de l’essai : Novartis) : cet essai international randomisé compare l’inhibiteur de JAK2 développé par Novartis, le Ruxolitinib, au meilleur traitement disponible (interféron, pipobroman…) dans la PV résistante ou intolérante à l’hydroxyurée. Un cross over est possible. L’objectif principal est le nombre de saignées et la taille de la rate. Cet essai devrait inclure 300 PV. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (Hôpital Saint-Louis).– Protocole MPD-RC 112 (consortium international): cet essai international devrait ouvrir dans les mois qui viennent en France. Il s’agit d’un essai randomisé de 12 mois comparant l’interféron pegylé alpha-2a à l’hydroxyurée dans les PV à haut risque (et les TE) au diagnostic (< 3 ans du diagnostic, < 3 mois d’hydroxyurée). L’objectif principal est le pourcentage de RC. Cet essai devrait inclure 306 PV. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (Hôpital Saint-Louis).

Essai clinique de Phase II :– Protocole MPD-RC 111 (consortium international) : cet essai international devrait ouvrir dans les mois qui viennent en France. Il s’agit d’un essai de 12 mois testant l’inter-féron pegylé alpha-2a dans les PV à haut risque (et les TE et les thromboses splanchniques) résistantes ou intolé-rantes à l’hydroxyurée. L’objectif principal est le pourcen-tage de RC et de RP. Cet essai devrait inclure 84 PV et 20 thromboses splanchniques. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (Hôpital Saint-Louis).– Essai ARD12042 (Sanofi) : cet essai international teste l’anti JAK2 de Sanofi, le SAR302503, dans les PV (et les TE) résistantes ou intolérantes à l’hydroxyurée. Les patients sont randomisés entre 3 posologies du médica-ment (200, 300, 400 mg). L’objectif principal est le taux de réponse hématologique. Cet essai doit inclure 30 PV pour la randomisation puis 15 PV avec la dose définie. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (hôpital Saint-Louis).– Protocole I3X-MC-JTHB (Lilly): cet essai international teste l’anti JAK2 de Lilly, le LY2784544, dans les PV (et les TE et les MF) résistantes ou intolérantes à l’hydroxyurée. Trois doses seront testées. L’objectif principal est le taux de réponse hématologique. Cet essai doit inclure 30 PV. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (Hôpital Saint-Louis).

Myélofibrose primaire ou secondaire

études observationnellesRétrospective : le FIM coordonne une étude rétrospective des patients atteints de MF traités par interféron pegylé.

Essais thérapeutiques• Essai clinique de Phase III : Essai EFC12153- JAKARTA (Sanofi) : cet essai inter-national teste l’inhibiteur de JAK2 de Sanofi, le SAR302503, dans les MF de risque intermédiaire 2 ou élevé. Les patients sont randomisés en double aveugle entre soit le médicament (400 ou 500 mg) soit le placebo. L’objectif principal est la réduction de la taille de la rate. Un cross over est possible après 6 cycles ou en cas de progression. Cet essai doit inclure 225 patients. L’investigateur principal est le Dr. Vincent Ribrag (IGR).

• Essai clinique de Phase II :– Essai ARD12181 (Sanofi) : cet essai international teste l’inhibiteur de JAK2 de Sanofi, le SAR302503, dans les MF de risque intermédiaire 2 ou élevé résistantes ou intolérantes au Ruxolitinib. Les plaquettes doivent être supérieures à 50 G/L. Les patients sont traités par le médicament à la posologie de 400 mg. L’objectif prin-cipal est la réduction de la taille de la rate. Cet essai doit inclure 41 patients. L’investigateur principal est le Dr. Jérôme Rey (IPC, Marseille).– Protocole I3X-MC-JTHB (Lilly): cet essai international teste l’anti JAK2 de Lilly, le LY2784544, dans les MF (et les TE et les PV) de risque intermédiaire 1, 2 ou élevé. Les plaquettes doivent être supérieures à 25 G/L. Trois doses seront testées. L’objectif principal est le taux de réponse hématologique. Cet essai doit inclure 55 MF dont 10 JAK2 négatives. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (hôpital Saint-Louis).– étude JAK ALLO (FIM-GOELAMS) : cet essai est la première étude promue par le FIM lui-même. Il s’agit d’une étude nationale, multicentrique. Environ 25 centres seront ouverts. Les patients pourront être inclus dès qu’une indication d’allogreffe sera posée. Les patients seront traités préalablement par du Ruxolitinib pendant au moins 4 mois. Les patients n’ayant pas de donneur ou ayant développé des contre-indications à la greffe poursuivront le ruxolitinib. L’objectif principal est la survie sans rechute à 12 mois de l’allogreffe. Cet essai doit inclure 53 MF greffées et environ 25 MF non greffées. L’investigateur principal est le Dr. Marie Robin (hôpital Saint-Louis).

• Essai clinique de Phase Ib :– étude CINC4242A2201 (Novartis) : cet essai inter-national de phase 1b est une étude de recherche de dose de l’inhibiteur de JAK2 de Novartis, le Ruxolitinib, dans la MF primitive ou secondaire avec une numé-ration plaquettaire entre 50 G/L et 99 G/L. L’objectif principal est la DLT. Cet essai devrait inclure 42 MF. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (hôpital Saint-Louis).– étude CLBH589X2106 (Novartis) : cet essai interna-tional de phase 1b est une étude de recherche de dose de l’association de l’anti JAK2 de Novartis, le Ruxolitinib, et de l’inhibiteur HDAC, le panobinostat, dans la MF primi-tive ou secondaire. L’objectif principal est la tolérance et la pharmacocinétique. L’investigateur principal est le Dr. Vincent Ribrag (IGR).

Les essais thérapeutiques concernant les SMPs non LMC sont en pleine révolution. Le développement d’inhibiteurs de JAK2 va encore élargir cette liste, soit en monothé-rapie soit dans des associations. Le FIM a pour objectif de développer ces futurs essais dans le plus de centres en France et si possible de les promouvoir (retrouver ces essais sur le site du FIM, http://www.fim-asso.org/index.php).

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Grand Angle

Des mutations de gènes codant pour des protéines de signalisation sont responsables de la myéloprolifération des NMPs et aboutissent jusqu’à présent toutes à une activation de JAK2 et des voies de signalisation en aval des récepteurs de cytokines. Pour ces raisons les nouvelles thérapeutiques ciblent en priorité JAK2 directement ou indirectement. Cependant aucun des inhibiteurs actuels n’est spécifique des formes mutées de JAK2 et ils agissent à la fois sur l’hématopoïèse normale et pathologique. L’objectif actuel est d’augmenter cette spécificité avec le doute que l’émergence des NMPs nécessite même en dehors des myélofibroses plusieurs événements génétiques et dans ce cas le ciblage purement des voies de signalisation pourrait être insuffisant pour obtenir une guérison.

Nouvelles cibles thérapeutiques dans les néoplasmes myéloprolifératifs (NMPs)

Les nouvelles cibles thérapeutiques des NMPs sont essentiellement les conséquences de la physiopathologie moléculaire. Le rôle majeur de JAK2 dans la physio-pathologie des NMPs en fait une cible privilégiée des nouvelles approches thérapeutiques (1).

JAK2

L’effort majeur de l’industrie pharmaceutique s’est porté sur le développement d’inhibiteurs de JAK2 dirigés contre la poche de fixation de l’ATP alors que les muta-tions activatrices ne touchent pas le domaine kinase. Tous les inhibiteurs actuels sont de type I, c’est-à-dire qu’ils se lient sur la molécule phosphorylée et stabi-lisent cette conformation activée tout en bloquant la fonction kinase (2). Dans des lignées transformées par JAK2V617F, ce type d’inhibition aboutit à une résistance aux inhibiteurs via une surexpression de JAK2V617F

avec une réactivation en trans par JAK1 ou TYK2 (2). Pour ces raisons, des inhibiteurs de type II se fixant comme pour BCR-ABL sur la molécule non activée seraient vrai-semblablement plus intéressants (3). Cependant aucun des inhibiteurs n’est spécifique de JAK2V617F ou des autres mutants, ce qui a l’avantage de pouvoir les utiliser dans les NMPs indépendamment des mutations de JAK2 et dans les maladies inflammatoires ; inversement ceci a le désavantage d’inhiber également l’hématopoïèse normale pour laquelle JAK2 est une molécule indispen-sable avec la toxicité attendue c’est-à-dire des anémies et des thrombopénies. La limite de cet abord est donc que, pour éviter une toxicité, les doses utilisées n’inhibent que partiellement JAK2. Ceci pourrait expliquer l’effet jusqu’à présent très faible ou modéré des inhibiteurs de JAK2 sur la maladie elle même, du moins dans les MF, mais un effet majeur sur les symptômes associés, eux liés à « l’orage » cytokinique et à l’activation des JAKS non mutés dans les cellules immunes (4). Par ailleurs aucun de ces inhibiteurs n’est réellement spécifique de JAK2 et bloquent d’autres kinases comme JAK1 ou FLT3 ou le FGFR, etc., ce qui peut expliquer des différences entre chacune de ces molécules. Pour ces raisons, il existe une nécessité pour développer d’autres inhibiteurs de JAK2. Une des approches actuelles est de cibler les protéines qui régulent la stabilité de JAK2. Différents types d’approche sont en cours de réalisation

Ciblage d’HSP90, molécule chaperonne de JAK2 Il s’est avéré que l’inhibition d’HSP90 était très effi-cace pour inhiber JAK2V617F et les autres mutants

y compris ceux qui présentent des mutations dans le domaine ATP qui les rendent résistants aux inhibiteurs de JAK2. La limite est en clinique la toxicité des inhi-biteurs d’HSP90.

Les inhibiteurs d’HDAC (HDACi)Une dernière approche serait de ne pas cibler JAK2, mais JAK1 spécifiquement, ou d’alterner des inhibi-teurs JAK2 et JAK1. Il semble qu’une grande partie des effets des inhibiteurs de JAK2 sur les signes géné-raux et le syndrome inflammatoire soit liée au niveau élevé de cytokines inflammatoires dans les NMPs. Le blocage de JAK1 pourrait également avoir ces mêmes effets sans entraîner d’anémie ou de thrombopénie alors que plusieurs inhibiteurs de JAK2 comme le Ruxolitinib agissent sur JAK2 et JAK1.

Autres molécules de signalisation

Les autres cibles de signalisation peuvent être soit en amont de JAK2 comme les récepteurs de cytokine soit en aval de JAK2, soit encore indépendantes pour les cytokines responsables de la fibrose.

Molécules en amont de JAK2La principale cible potentielle est le récepteur de la TPO, MPL, qui peut être muté dans 5 à 10 % des TE et MFP (1), en outre dans les autres NMPs la signali-sation via MPL est probablement impliquée dans le développement de la myélofibrose, comme le montrent les modèles murins surexprimant la TPO (5). Les formes mutées correspondent toutes quasiment à des mutations en W515, un résidu clé du domaine amphipathique qui empêche l’activation spontanée du récepteur (figure 1) . Les modèles murins rétroviraux avec ce récepteur muté aboutissent à un NMP avec une myélofibrose. En fait le phénotype myélofibrose est dépendant de la tyrosine 626 qui phosphorylée permet la fixation des Stats, de shc et des MAPK (6). Une molécule ciblant cette tyrosine serait donc intéressante car ce résidu n’est pas indispensable au récepteur sauvage.

Molécules en aval de JAK2Les STATs sont certainement les molécules les plus importantes à cibler. Il a été montré que STAT5 et STAT3 étaient activés dans les PV et que par contre l‘activation de STAT1 et STAT3 était très importante dans les TE (7). Les souris double KO pour STAT5 (a et b) ne développent pas de NMP en présence de JAK2V617F alors qu’elles

JAK2, épIgénétIque,

stat, sIgnalIsatIon,

Interféron.

Mots clés

William VAINCHENKERMD, PhD.

Expertise :Directeur de recherche INSERM, Mégacaryopoïèse normale et pathologique, Syndromes Myéloprolifératifs, Président du Conseil Scientifique du FIM.

Déclaration publique d’intérêts :Contrat de recherche avec Celgene, Participation à des comités ad hoc sur les inhibiteurs de JAK2 en 2012 (Novartis, Sanofi).

Correspondance : [email protected]

Coécrit avec :Stefan N. CONSTANTINESCUMD, PhD.Institut de Duve, [email protected]

■ Auteur

■ DOSSIER : SyndromeS myéloprolifératifS

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Grand Angle ■ Nouvelles cibles thérapeutiques dans les NMPs

ont peu de modification de l’hématopoïèse normale . Une autre cible plus indirecte de STAT5 pourrait être l’accumulation des ROS qui semble impliquée dans le phénotype et la progression de la maladie. La cascade des sérine/thréonine kinases est une autre cible potentielle.

Autres molécules de signalisation « indépendantes » de JAK2Le TGF-b1 est une molécule indispensable au dévelop-pement de la myélofibrose dans les modèles murins. Il est actuellement possible de cibler le TGF beta avec différentes petites molécules dont certaines sont en essais cliniques ou avec des anticorps neutralisants humanisés ou encore avec un récepteur soluble. Les autres approches seraient de cibler son activation dans la moelle, mais le mécanisme en reste grandement inconnu, son récepteur ou encore sa signalisation via les protéines Smad. D’autres cytokines pro-fibrotiques comme le PDGF pourraient également ciblées.

Cellules souches hématopoïétiques

Dans les NMPs la CSH « leucémique » est certaine-ment au début de l’évolution le talon d’Achille de la maladie dans la mesure où dans les TE et les PV les CSH JAK2V617F sont très minoritaires (8). Dans les modèles murins, l’effet de JAK2V617F sur les CSH est controversé. Dans les modèles KI avec un JAK2V617F murin, JAK2V617F donne un léger avantage aux CSH

sur les CSH JAK2WT alors que dans le modèle KI avec un JAK2V617F humain, les CSH JAK2V617F ont un désavantage suggérant la nécessité absolue d’une autre élément génétique pour le développement de la maladie humaine. L’Interféron-alpha en particulier pégylé est le seul agent thérapeutique qui ait été montré avoir un effet majeur sur la charge allélique en JAK2V617F dans les PV avec parfois l’induction d’une rémission complète y compris moléculaire.

épigénétiques et épissageDes mutations dans des gènes impliqués dans la régu-lation épigénétique, soit au niveau de la méthylation de l'ADN (TET2, DNMT3A), soit des histones (complexe PRC2) soit des deux (IDH1/IDH2) et dans l’épissage (SRSF2) sont impliqués dans la pathogénie des NMPs. En outre, JAK2V617F par des voies non canoniques pourrait également modifier la régulation épigénétique. Parmi les molécules importantes dans la physiopathologie des NMPs, il a été rapporté des extinctions d’expression de CXCR4 et des SOCS via des méthylations de leurs promoteurs (9). De nombreuses petites molécules sont en cours de développement ciblant des méthyltransférases, mais les mutations des NMPs seront difficiles à cibler car elles correspondent à des pertes de fonction. L’abord le plus prometteur concerne les mutations d’IDH1/ IDH2 car les mutants peuvent être ciblés spécifiquement par de petites molécules en cours de développement, ceci est d’autant plus important que dans les MF les mutations d’IDH1/2 sont associées à un très mauvais pronostic. Actuellement des molécules dirigées contre la machinerie d’épissage sont en cours de développement mais il est encore trop tôt pour savoir si elles seront des thérapeu-tiques intéressantes dans les hémopathies associées à des mutations dans les gènes d’épissage.

Conclusion

De nombreuses approches thérapeutiques semblent possibles ; ces nouvelles thérapeutiques bénéficieront d’une meilleure compréhension de la pathogénie des NMPs, en particulier d’une meilleure connaissance de leur architecture clonale. Il est possible mais non démontré que des abords visant des voies de signalisation puissent être suffisants dans la majorité des TE et des PV comme semble le démontrer l’effet de l’interféron alpha alors que dans les MF des abords thérapeutiques ciblant simulta-nément plusieurs voies de signalisation et l’épigénétique pourront être importants, spécialement pour les MFP.

1. Vainchenker W, Delhommeau F, Constantinescu SN, Bernard OA. New mutations and pathogenesis of myeloproliferative neoplasms. Blood. 2011; 118: 1723-17352.2. Koppikar P, Bhagwat N, Kilpivaara O, et al. Heterodimeric JAK-STAT activation as a mechanism of persistence to JAK2 inhibitor therapy. Nature. 2012; sous presse.3. Andraos R, Qian Z, Boenfant D et al. Modulation of Activation-Loop Phosphorylation by JAK Inhibitors Is Binding Mode Dependent. Cancer Discovery, 2012; sous presse.4. Tefferi A. JAK inhibitors for myeloproliferative neoplasms: clarifying facts from myths. Blood. 2012; 119: 2721-2730.5. Villeval JL, Cohen-Solal K, Tulliez M, et al. High thrombopoietin production by hematopoietic cells induces a fatal myeloproliferative syndrome in mice. Blood. 1997; 90: 4369-4383.6. Pecquet C, Staerk J, Chaligne R, et al. Induction of myeloproliferative disorder and myelofibrosis by thrombopoietin receptor W515 mutants is mediated by cytosolic tyrosine 112 of the receptor. Blood. 2010; 115: 1037-1048.7. Chen E, Beer PA, Godfrey AL, et al. Distinct clinical phenotypes associated with JAK2V617F reflect differential STAT1 signaling. Cancer Cell. 2010; 18: 524-535. 8. James C, Mazurier F, Dupont S, Chaligne R, Lamrissi-Garcia I, Tulliez M, Lippert E, Mahon FX, Pasquet JM, Etienne G, Delhommeau F, Giraudier S, Vainchenker W, de Verneuil H. The hematopoietic stem cell compartment of JAK2V617F-positive myeloproliferative disorders is a reflection of disease heterogeneity. Blood. 2008; 112: 2429-38.9. Bogani C, Ponziani V, Guglielmelli P, et al. Hypermethylation of CXCR4 promoter in CD34+ cells from patients with primary myelofibrosis. Stem cells. 2008; 26: 1920-1930.

■ Références

• Les nouvelles cibles thérapeutiques des SMPs sont essentiellement dictées par leur physiopathologie moléculaire de ces hémopathies.• Les inhibiteurs de JAK2 actuellement disponibles ne sont pas spécifiques de la mutation V617F de JAK2 et inhibent l'hématopoïèse normale. Par contre ils peuvent donc être utilisés quelque soit le statut mutationnel des patients.• Dans l'avenir le seul ciblage des voies de signalisation sera-t-il suffisant ?

■ Ce qu’il faut retenir

Figure 1 : Les voies de signalisation dérégulées par JAK2 activé dans les MPNLa signalisation par le récepteur à la thrombopoïétine (Tpor) est normalement déclenchée par la liaison de la Tpo. Dans les MPNs le récepteur est constitutivement actif conséquence soit du mutant JAK2V617F (complexes Tpor – JAK2V617F) soit des mutants TpoR W515L/K/A.

A Cette signalisation indépendante du ligand entraine l’activation des STAT5/3 des MAP-Kinases et de la PI-3-Kinase. un anticorps dirigé contre le domaine extracellulaire du TpoR pourrait bloquer cette signalisation constitutive. Des inhibiteurs de JAK2, des STATs des MAP-Kinases et de PI3-Kinase sont actuellement testés seuls ou en combinaison dans différents essais cliniques.

B La structure cristalline du domaine pseudokinase JH2 de JAK2V617F a été récemment établie . Elle montre une interaction aromatique entre F617 et les résidus F595 et F594 de l’hélice C de JH2. Cette interaction est essentielle pour l’activation constitutive de JAK2, mais n’est pas nécessaire à l’activation de JAK2 médiée par les cytokines . La structure de l'hélice C et de la boucle contenant la mutation V617F a été dérivée de par PyMol (PDB 4FVR).

A

B

Mutated P617

JAK2 JAK2

P

P

P

P P

P P

P P

P P

P JAK2 JAK2

TPO

W515L/K/A

W515L/K/A

Anti-PO-R antibody

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Dossier spécial

Si la corticothérapie constitue le traitement de première ligne des formes symptomatiques de la réaction chronique du greffon contre l’hôte (GVHc), il n’y a pas de consensus sur le traitement des formes résistantes en deuxième ligne et au-delà.Des résultats très encourageants, en termes d’efficacité et de tolérance, ont été observés après l’utilisation de l’Imatinib mesylate (IM) chez des patients atteints de maladies auto-immunes ou de GVHc corticorésistante.Bien que le mécanisme exact responsable de l’efficacité des inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK) dans cette pathologie ne soit pas parfaitement connu, l’inclusion des patients dans des protocoles prospectifs cliniques doit être encouragée. Actuellement différents essais thérapeutiques testant les ITK de 1re et 2e génération (réputés mieux tolérés) sont en cours. Leur objectif est d’évaluer l’efficacité à long terme dans la GVHc mais également, les modifications biologiques engendrées in vivo par les ITK.

■ Allogreffe et « greffe versus hôte » (gVh)

Inhibiteurs de tyrosine kinase et GVH chronique

La maladie du greffon contre l’hôte chronique (GVHc) extensive constitue une cause majeure de morbidité et de mortalité chez les patients, survivants à long terme, ayant fait l’objet d’une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (allo-CSH). Cette complication a les caractéristiques des colla-génoses auto-immunes, avec des manifestations cliniques similaires à celles des maladies auto-immunes telles que le syndrome de Sjögren, la sclé-rose systémique, le lupus érythémateux disséminé, la cirrhose biliaire primitive, la bronchiolite oblitérante, les cytopénie auto-immunes, la maladie de Crohn, etc.L’aspect clinique des lésions est typique et suffit généralement à porter le diagnostic d’une GVHc. Toutefois, une confirmation anatomo-pathologique ou par d’autres examens complémentaires, est parfois nécessaire devant une association de symptômes non spécifiques.On a longtemps distingué la GVHc de la GVH aiguë par la survenue tardive des manifestations au-delà de 100 jours après l’allo-CSH. Récemment, la conférence de consensus du NIH (National Institut of Health), a mis l’accent sur l’importance des caractères et l’as-pect clinique des lésions plutôt que sur le moment de survenue des symptômes pour distinguer les deux types de GVH. (1)

Physiopathologie de la GVHc

Alors qu’il est généralement accepté que la pathogé-nèse de la GVH aiguë repose sur la reconnaissance des antigènes mineurs d’histocompatibilité par les lymphocytes T du donneur après présentation par les cellules présentatrices d’antigènes du receveur, celle de la GVHc reste encore controversée. Les difficultés dans la compréhension de la physiopathologie de la GVHc sont principalement liées à la présentation pléo-morphe de la GVHc et aux effets variables que peuvent avoir les différents traitements immunosuppresseurs.

Ces derniers peuvent être donnés soit en prophylaxie soit pour le traitement d’une GVH aiguë préalable.Néanmoins, trois acteurs principaux ont, à présent, été identifiés comme jouant un rôle dans la pathogénèse de la GVHc à savoir les lymphocytes T, les lympho-cytes B et les cytokines inflammatoires profibosantes. Si les lymphocytes T du donneur ont été longtemps considérés comme les acteurs principaux de la GVHc, le rôle des lymphocytes B dans la physiopathologie de la GVHc est de plus en plus important. (2) Le rôle des sous-populations lymphocytaires régulatrices est quelquefois avancé mais reste, à ce jour, controversé.Une activation anormale des voies de signalisation impliquant le TGF-β (transforming growth factor-β) et le PDGF-R (platelet-derived growth factor receptor) a été observée au cours de certaines maladies inflam-matoires fibrosantes et de certaines formes scléroder-miques de la GVHc. Par ailleurs, dans le sérum des malades atteints de sclérose systémique, des auto-anticorps anti-PDGF-R responsables de l’activation des fibroblastes de la peau ont été identifiés. (3) Ces mêmes anticorps ont été retrouvés dans le sérum de 22 patients atteints de GVHc avec des taux très élevés chez ceux présentant une atteinte cutanée généralisée et/ou une fibrose pulmonaire. (4)

Traitement de la GVHc

Le traitement de la GVHc repose sur des données principalement issues de l’expérience des greffes à conditionnement myéloablatif utilisant notamment la moelle osseuse comme source de greffon.Un traitement par voie générale est indiqué en cas d’atteinte d’au moins trois organes ou lorsque l’atteinte est sévère même si elle n’intéresse qu’un seul organe. Le traitement de première ligne est basé sur la corti-cothérapie à la dose de 1 mg/kg/jour (équivalent de prednisone). Le rôle des inhibiteurs de la calcineu-rine demeure controversé, particulièrement chez les

Ibrahim YAKOUB-AGHAPu-PH, responsable de l’unité d’allogreffe des cellules souches hématopoïétiques au CHRu de Lille.

Expertise :En dehors de l’allogreffe, le myélome multiple et les syndromes myélodysplasiques constituent ses principaux champs de recherche clinique. Il est membre des conseils d’administration de la SFGM-TC et de l’IFM.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : Maladies du Sang Hôpital Huriez CHRu, 59037 LILLE [email protected]

■ Auteur

gvh chronIque, InhIbIteurs de la tyrosIne kInase,

sclérodermIe.

Mots clés

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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 03 // Numéro 01

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■ Inhibiteurs de tyrosine kinase et GVH chronique

patients ne présentant pas de critères de mauvais pronostic tels qu’une survenue progressive de la GVHc et/ ou un taux de plaquettes < 100 000/mm². Par contre, les patients présentant une thrombopénie au diagnostic de la GVHc et ceux pouvant présenter une toxicité importante aux corticoïdes pourraient béné-ficier de la combinaison prednisone et inhibiteur de la calcineurine.Des lignes de traitement ultérieures seront nécessaires pour les formes de GVHc résistantes à la première ligne (GVHc réfractaire ou corticorésistante).Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de critères uniformes ou formels pour définir la GVHc réfractaire mais, en général, trois cas de figure sont admis à savoir : une progression après 14 jours de prednisone ≥ 1 mg/ kg/ jour ou une stabilité après 4 à 8 semaines de prednisone ou une incapacité à diminuer la cortico-thérapie en dessous de 0,5 mg/kg/jour.Même si différentes options thérapeutiques existent au-delà de la première ligne, il n’existe pas de trai-tement validé par des essais cliniques contrôlés. Les recommandations actuelles reposent sur les données empiriques de la littérature.En règle générale et compte tenu du poids de l’immu-nosuppression dans la mortalité liée à la GVHc, le traitement de rattrapage doit avoir un profil de sécurité acceptable et une efficacité prouvée dans la GVH au sens large permettant une épargne cortisonique rela-tivement rapide. Toutefois, il n’est pas recommandé d’arrêter les corticoïdes au moment de l’initiation d’un traitement de deuxième ligne ou au-delà.

Les ITK

Les ITK appartiennent à une classe thérapeutique comprenant des petites molécules inhibitrices de la tyrosine kinase oncogénique. Ils sont efficaces chez les patients atteints de leucémie myéloïde chronique (LMC) et les patients présentant des tumeurs stro-males gastro-intestinales (GIST). (5-7)

Ils sont cliniquement bien tolérés. Leurs effets secon-daires le plus fréquents sont : céphalées, œdème des paupières, secrétions lacrymales augmentées, nausées, diarrhée, vomissements, dyspepsie, douleur abdominale, œdème périorbitaire, crampes et spasmes musculaires, douleurs musculo-squelettiques incluant les myalgies, arthralgies, douleurs osseuses, rétention hydrique et œdème, fatigue, prise de poids, et sur le plan biologique : cytopénies et élévation des enzymes hépatiques.

Rationnel à l’utilisation des ITK dans la GVHc

Il existe un rationnel à l’utilisation des ITK chez les patients atteints d’une GVHc notamment réfractaire ou corticorésistante :• Les ITK exercent une double inhibition sélective sur les voies impliquant le TGF-β et le PDGF. (8,9) Récemment, il a été décrit des effets de l’imatinib mésilate (IM) sur les fibroblastes dans des études in vitro et in vivo. L’inhibition de la croissance des fibro-blastes et la diminution de la production de collagène dans les fibroblastes dermiques constituent donc une approche thérapeutique logique. En plus, les inhibiteurs de la TK auraient des propriétés immunomodulatrices, justifiant leur utilisation dans le traitement de la GVHc non seulement sclérodermiforme• Les ITK ne sont pas des immunosuppresseurs à

proprement parler. Bien que des cytopénies puissent être observées après utilisation des ITK, les malades ne requièrent pas de traitement anti-infectieux prophy-lactique particulier. Les ITK ont été utilisés en toute sécurité après allo-CSH dans d’autres indications que la GVHc, notamment en prophylaxie ou en rattrapage de la rechute post-allogreffe dans les hémopathies chromosome Philadelphie positives.• Les options thérapeutiques pour la GVHc réfractaire restent tout de même limitées.

IM dans le traitement de la GVHc

L’impact de l’IM sur le développement de la GVH a été rapporté dans quelques études rétrospectives ayant utilisé l’IM en post-greffe pour la LMC. Certains auteurs ont observé une augmentation de l’incidence de GVH aiguë de grade 3-4, alors que d’autres ont observé une diminution de l’incidence de la GVHc. Les premiers rapports supportant un possible rôle des ITK dans le traitement de la GVHc, proviennent d’observations anecdotiques. Nous avons rapporté le premier cas de réponse complète d’une GVHc sclérodermiforme après un traitement par IM. Il s’agissait d’une patiente âgée de 49 ans, qui avait fait l’objet en 1996 d’une allo-CSH pour une LMC. En 2000, elle recevait une injection de lymphocytes du donneur pour une rechute moléculaire de sa LMC. Malgré le développement d’une GVHc, aucun traite-ment immunosuppresseur n’a été donné en raison de la rechute de la LMC mais la patiente a été mise sous IM. Actuellement, la patiente est toujours vivante en rémission complète de sa LMC et de sa GVHc. (10) (figure 1) Un cas similaire a été rapporté par Majhail et al. en 2006. (11)

Nous avons publié notre expérience rétrospective sur les 14 premiers patients atteints de GVHc scléroder-miforme et traités par IM. (12) Tous les patients ont reçu l’IM à la dose maximale tolérée avec une dose médiane de 400 mg/jour. Dans cette étude, nous avons observé que l’IM est un traitement de rattrapage efficace chez les patients présentant une GVHc sclérodermique réfractaire avec une réponse (> 90 %) chez 50 % des patients. En plus de l’atteinte cutanée scléro-dermique, l’IM s’est avéré efficace contre d’autres atteintes liées à la GVHc avec des degrés variables

Figure 1 : La patiente avant l’initiation de l’IM (gauche) et

8 ans plus tard (droite)

 

   

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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03

Dossier spécial

de réponse, ce qui justifie son utilisation chez les patients présentant une GVHc extensive au sens large. Cependant, environ 30 % des patients ont abandonné rapidement le traitement en raison d’une intolérance, principalement pour des crampes musculaires.Une étude italienne menée chez 19 patients a montré des résultats comparables à nos données avec là aussi une efficacité observée sur plusieurs organes. (13)

Une seconde étude a été présentée lors du congrès de l’European Group for Blood & Marrow Transplantation (EBMT) à Genève en avril 2012. L’étude a été conduite chez 34 patients présentant une GVHc réfractaire à au moins deux lignes de traitement (dont 19 avec photo-chimiothérapie extracorporelle et/ou rituximab). Ils ont reçu de l’IM à faible dose (100-200 mg/kg/jour). La durée médiane de traitement s’est élevée à 16 mois et 17 patients étaient toujours sous traitement. Les auteurs ont observé une réponse chez 45 % des patients à six mois et 48 % à un an selon les critères du NIH. Concernant les différents sites de l’organisme touchés par cette réaction, la surface corporelle cutanée impliquée a diminué de 43 %, le score fonctionnel pulmonaire s’est amélioré de 47 % et le score gastro-intestinal de 63 %. Parmi 15 patients recevant des corticoïdes, 11 ont pu arrêter ou significativement dimi-nuer ce traitement. Après un suivi médian de 31 mois, 27 patients sont toujours vivants. 4 sont décédés de la progression de la GVHc et deux d’infection. 17 patients étaient toujours en réponse prolongée sans autre trai-tement que l’IM. La survie globale et la survie sans événement étaient respectivement de 79 % et 50 %. Les résultats de ces deux études sont prometteurs dans

cette population « très difficile à traiter ». à noter que la durée nécessaire pour obtenir une réponse était plus courte dans l’étude française (2 mois) que dans l’étude italienne (6 mois). Cette différence est probablement liée à la dose utilisée dans chaque étude. Compte tenu de l’effet-dose observé par Distler et al. (14) en ex-vivo, nous avons débuté l’IM à une dose initiale de 100 mg/ jour avec augmentation de 100 mg/jour toutes les deux semaines jusqu’à la dose maximale tolérée ou 400 mg/jour, contrairement aux études italiennes où les patients ont souvent reçu l’IM à la dose de 100 mg/jour tout au long de l’étude.Depuis ces deux études, des centaines de malades sont traités par IM à travers le monde.

Conclusion et perspectives

L’IM est une alternative thérapeutique pertinente dans le traitement de la GVHc réfractaire ou corti-corésistante. Les données biologiques et les résul-tats cliniques obtenus avec l’IM, nous encouragent à évaluer l’utilisation des ITK de deuxième génération chez les patients avec une GVHc réfractaire ou intolé-rant à l’IM. En effet, le Nilotinib, inhibiteur de tyrosine kinase de deuxième génération, généralement utilisé chez les patients présentant une LMC réfractaire ou une intolérance à l’IM, est cliniquement mieux toléré que l’IM. Un protocole prospectif multicentrique de la SFGM-TC est actuellement en préparation, dont l’objectif est d’évaluer l’efficacité et la tolérance du Nilotinib chez des patients présentant une GVHc extensive résistante ou intolérante à l’IM.

■ Ce qu’il faut retenir

• Les résultats encourageants observés après l’utilisation de l’Imatinib mesylate chez des patients atteints de GVHc réfractaire justifient l’utilisation des inhibiteurs de la tyrosine kinase dès la deuxième ligne thérapeutique dans cette pathologie notamment en cas de sclérodermie associée. • L’inclusion des patients dans des protocoles prospectifs cliniques doit être privilégiée.

1. Filipovich AH, Weisdorf D, Pavletic S, et al. National Institutes of Health consensus development project on criteria for clinical trials in chronic graft-versus-host disease: I. Diagnosis and staging working group report. Biol Blood Marrow Transplant. 2005;11:945-956.

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3. Baroni SS, Santillo M, Bevilacqua F, et al. Stimulatory autoantibodies to the PDGF receptor in systemic sclerosis. N Engl J Med. 2006;354:2667-2676.

4. Svegliati S, Olivieri A, Campelli N, et al. Stimulatory autoantibodies to PDGF receptor in patients with extensive chronic graft-versus-host disease. Blood. 2007;110:237-241.

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9. Akhmetshina A, Dees C, Pileckyte M, et al. Dual inhibition of c-abl and PDGF receptor signaling by dasatinib and nilotinib for the treatment of dermal fibrosis. FASEB J. 2008;22:2214-2222.

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12. Magro L, Mohty M, Catteau B, et al. Imatinib mesylate as salvage therapy for refractory sclerotic chronic graft-versus-host disease. Blood. 2009.

13. Olivieri A, Locatelli F, Zecca M, et al. Imatinib for refractory chronic graft-versus-host-disease with fibrotic features. Blood. 2009.

14. Distler JH, Jungel A, Huber LC, et al. Imatinib mesylate reduces production of extracellular matrix and prevents development of experimental dermal fibrosis. Arthritis Rheum. 2007;56:311-322.

■ Références

■ Inhibiteurs de tyrosine kinase et GVH chronique

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Dossier spécial ■ Allogreffe et « greffe versus hôte » (gVh)

La maladie du greffon contre l’hôte (« greffe versus hôte » – GVH) chronique (GVHc) est une complication fréquente des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques (CSH). à l’heure actuelle, à l’exception des corticostéroïdes, peu de traitements se sont avérés réellement efficaces pour la prise en charge de la GVHc. Des données récentes suggèrent un rôle important des lymphocytes B (LB) dans la physiopathologie de la GVHc. Elles constituent le rationnel scientifique à une série d’études évaluant l’efficacité du rituximab, un anticorps monoclonal dirigé contre l’antigène CD20 exprimé à la surface des LB, dans la prévention ou le traitement de la GVHc.

Rituximab et maladie du greffon contre l’hôte chronique

Rituximab : un anticorps anti-lymphocyte B (LB)

Le rituximab est un anticorps monoclonal IgG1 kappa, chimérique murin et humain, dirigé contre l’antigène CD20 exprimé à la surface des LB, depuis le stade pré-B jusqu’au stade B mature (1). Par son action ciblée contre les LB, cette molécule a révolutionné le traitement de nombreuses hémopathies lymphoïdes malignes de type B. Elle a également démontré son efficacité dans le traitement de certaines pathologies auto-immunitaires telles que les cytopénies auto-immunitaires, la polyarth-rite rhumatoïde, ou le lupus érythémateux disséminé, ainsi que dans le traitement des rejets de greffes d’or-ganes solides causés par des anticorps (1).Les mécanismes d’action du rituximab sont multiples (figure 1). Le principal d’entre eux est la déplétion cellu-laire B. En effet, la liaison du rituximab à l’antigène CD20 à la surface des LB est capable d’induire la destruction de ceux-ci selon différentes voies de mort cellulaire : cyto-toxicité cellulaire dépendant des anticorps, cytotoxicité dépendant du complément et induction directe de l’apop-tose (1). Certaines études ont également démontré une amélioration de la fonction des lymphocytes T régulateurs (Treg) après un traitement par rituximab (2). D’autres ont mis en évidence une diminution de l’expression des molé-cules de costimulation des lymphocytes T à la surface des LB, après un traitement par rituximab (1).

Rôle émergent des lymphocytes B dans l’immunobiologie de la GVHc

Initialement considérée comme toute manifestation de la maladie du greffon survenant plus de 100 jours après la greffe de CSH, la GVHc est actuellement définie sur base de manifestations cliniques et biologiques spéci-fiques, souvent semblables aux manifestations obser-vées lors de certaines pathologies auto-immunes telles que la sclérodermie, le syndrome de Sjögren, le lupus érythémateux disséminé, la cirrhose biliaire primitive ou la bronchiolite oblitérante (3). Elle touche jusque 60 % des survivants à long terme des allogreffes de CSH, et est responsable d’une morbi/mortalité tardive importante. De plus, elle peut considérablement affecter la qualité de vie des patients lorsqu’elle est sévère. Par contre, la GVHc est associée à l’effet bénéfique de la greffe contre la tumeur (4).

La physiopathologie de la GVHc n’est que partiellement élucidée (3). L’implication possible des LB a été proposée la première fois dans les années 1970 sur la base des similitudes cliniques entre la GVHc et certaines maladies auto-immunes, et sur la démonstration de la présence de dépôts d’anticorps IgM et de complément dans la jonc-tion dermo-épidermique de patients atteints de GVHc cutanée (5). Depuis lors, différents groupes ont rapporté des nombreuses autres observations soutenant l’hypo-thèse d’un rôle important des LB dans la GVHc (3, 6, 7). Parmi celles-ci, citons la corrélation entre le nombre de LB greffés et l’incidence de GVHc, l’identification de titres élevés d’auto-anticorps chez certains patients atteints de GVHc, la forte corrélation entre la détection d’allo-anticorps dirigés contre des antigènes encodés sur le chromosome Y (H-Y) et l’incidence de GVHc post-greffe lors d’allogreffes entre receveur masculin et donneur féminin, et la démonstration d’une perturbation de l’homéostasie des LB chez les patients souffrant de GVHc.Les cibles antigéniques des auto-/allo-anticorps présents dans la GVHc sont multiples et différentes d’un patient à l’autre (3). Spécifiquement, on peut retrouver des allo-anticorps dirigés contre des antigènes majeurs ou mineurs d’histocompatibilité différents entre le donneur et le receveur, ou des auto-anticorps dirigés contre des motifs antigéniques non polymorphiques (anticorps anti-nucléaires, anticorps anti-cytosquelettes, anticorps anti-neutrophiles, anticorps anti-récepteurs au PDGF), communs au donneur et au receveur. Ces anticorps pour-raient être directement impliqués dans les manifesta-tions de GVHc en induisant des lésions tissulaires via l’activation du complément et/ou l’activation d’effecteurs cellulaires ou en favorisant les phénomènes fibrotiques dans le cas d’auto-anticorps agonistes dirigés contre le récepteur du PDGF, ou ne représenter que des biomar-queurs non pathogènes. Leur rôle physiopathologique dans la GVHc reste actuellement encore controversé.Il est probable que les LB contribuent à la physiopa-thologie de la GVHc d’avantage via des mécanismes indépendants de la production d’anticorps tels que la présentation d’auto-/allo-antigènes aux lymphocytes T du donneur, et la production de certaines cytokines activa-trices (3, 8) (tableau 1). L’homéostasie des LB semble être perturbée lors de la GVHc. à l’instar des patients souffrant de pathologies auto-immunes, les patients atteints de GVHc ont une

Frédéric BARONHématologue.

Expertise :Chercheur au FNrS Belgique, spécialisé dans les allogreffes de cellules souches hématopoïétiques. Secrétaire de la section leucémie de l’EORTC.Membre de l’ASH, l’ASBMT, l’EBMT et l’EHA.Groupe Interdisciplinaire de Génoprotéomique Appliquée (GIGA)-I³, Section Hématologie, université de Liège.

Correspondance : Université de Liège Département d’hématologie CHu Sart-Tilman 4000 Liège, Belgique [email protected]

Coécrit avec :Sophie SERVAISMédecin en cours de spécialisation en hématologie, et aspirant de recherche « Télévie » au FNRS Belgique. CHu Sart-Tilman, Liège.Groupe Interdisciplinaire de Génoprotéomique Appliquée (GIGA)-I³, Section Hématologie, université de Liège.

Déclaration publique d’intérêts :Les auteurs n’ont pas de conflit d’intérêt.

■ Auteur

maladIe du greffon contre l’hôte, lymphocytes b,

rItuxImab.

Mots clés

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Dossier spécial

proportion plus faible de LB naïfs et une proportion plus importante de LB mémoires activés (3). Des études récentes ont montré que les taux sanguins de BAFF (B cell activating factor of TNF family), une cytokine essentielle pour la survie et l’homéostasie des LB, étaient plus élevés chez les patients allogreffés atteints de GVHc que chez les patients greffés indemnes de GVHc (3). La persistance d’un taux élevé de BAFF associé à un nombre faible de LB naïfs en post-greffe pourrait être un élément initiateur de la perte de tolérance des LB et de l’appa-rition de LB auto-réactifs par inhibition de l’apoptose. Par ailleurs, certaines sous-population de LB exercent, en conditions physiologiques, une fonction immunomo-dulatrice et participent au maintient de la tolérance T périphérique (3). Des études sont actuellement en cours afin d’évaluer si ces sous-populations sont affectées lors de la GVHc.

Rituximab comme traitement de la GVHc

Rituximab comme traitement de la GVHc cortico-résistanteà l’heure actuelle, la corticothérapie systémique asso-ciée ou non à un inhibiteur de calcineurine (ciclosporine ou tacrolimus) reste le traitement standard de première ligne de la GVHc. Il n’existe malheureusement aucun consensus thérapeutique concernant le traitement des GVHc cortico-résistantes. L’utilisation du rituximab comme traitement de la GVHc cortico-résistante a débuté après le rapport d’un cas de résolution d’une GVHc extensive après l’administration de rituximab chez une patiente souffrant d’une thrombocy-topénie immune après une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (9). Après cette observation originale, plusieurs études cliniques ont évalué l’efficacité du rituximab dans cette indication. Récemment, Kharfan-Dabaja et coll. ont synthétisé les résultats de celles-ci dans une méta-analyse (3 études prospectives, 4 rétrospectives, incluant les données de 108 patients) (10). Pour la plupart d’entre elles, le schéma thérapeutique comprenait 4 semaines de traitement par rituximab avec une dose hebdomadaire de 375 mg/m². Le taux de réponse global de la GVHc au traitement par rituximab était de 66 % (intervalle de confiance (IC) à 95 %, 57-74 %), avec essentiellement des réponses

partielles. Les taux de réponses étaient variables selon l’organe cible atteint de GVHc, avec un meilleur taux de réponse pour les manifestations cutanées [60 %, (IC 95 %, 41-78 %)], et un taux de réponse plus modeste pour les autres organes : muqueuse buccale 36 % (IC 95 %, 12-65 %), foie 29 % (IC 95 %, 12-51 %), tube digestif 31 % (IC 95 %, 7-62 %), et poumons 30 %, (IC 95 %, 11-53 %). Le traitement par rituximab permet-tait également la diminution des doses des corticoïdes systémiques, avec une réduction médiane de 75-86 % de celles-ci. La tolérance du traitement était globalement bonne avec une morbidité liée au traitement modérée: quelques cas rapportés de réaction lors de la première perfusion (5-11 %) et de complications infectieuses (3-33 % de sepsis, 8-33 % de pneumonies, 33 % de réactivations herpétiques). De façon intéressante, Von Bonin et coll. ont également rapporté, dans une série de 13 patients, un taux de réponse globale de 69 % en utilisant des doses hebdomadaires plus faibles de rituximab (50 mg/ m²) (11). D’autres groupes d’études ont également récemment tenté d’identifier les facteurs prédictifs de réponse au traitement par rituximab au sein de la population des patients souffrant de GVHc cortico-résistante. Ainsi, Van Dorp et coll. ont démontré un taux de réponse 10 fois supérieur chez les patients ayant un taux de LB circu-lant > 400/µL avant traitement par rituximab par rapport aux autres patients (LB qui avaient un phénotype naïf par ailleurs), et une récupération d’une homéostasie des LB un an après traitement chez les patients ayant répondu au rituximab (12).Bien qu’une interprétation fiable des résultats de ces études préliminaires soit difficile compte tenu de popu-lations de patients hétérogènes et de l’absence de critères d’évaluation de la réponse au traitement identiques d’une étude à l’autre, ces premières études suggèrent une certaine efficacité du rituximab comme traitement de la GVHc cortico-résistante, en particulier des formes cutanées. Des études prospectives de phase II et III, larges et multicentriques sont nécessaires pour confirmer ces résultats préliminaires.

Rituximab comme traitement de première ligne de la GVHc

Conceptuellement, une intervention précoce avec un agent responsable d’une déplétion cellulaire B tel que le rituximab, en combinaison avec la corticothérapie systémique, semble une approche logique qui pour-rait améliorer le traitement de la GVHc. Une étude de phase II, menée par le groupe de l’Université de Stanford, est actuellement en cours et évalue l’administration hebdomadaire de 375 mg/m² de rituximab pendant deux cycles de 4 semaines en association à la corticothérapie systémique (prednisone 1 mg/kg/j PO) comme traitement de première ligne des GVHc (ClinicalTrials.gov – NCT 00350545). Une autre étude est également en cours à l’Université de Nantes, évaluant l’association corti-coïdes systémiques – ciclosporine – rituximab comme traitement de première ligne de la GVHc (ClinicalTrials.gov – NCT01135641).

Rituximab comme prophylaxie de la GVHc

Au travers d’une analyse de registre reprenant les données des patients atteints de lymphomes non Hodgkiniens B greffés entre 1999 et 2004 (N=435), le CIBMTR (« Center for International Blood and Marrow Transplant Research ») a comparé récemment l’incidence

Figure 1 : Effets thérapeutiques du rituximab Le traitement par rituximab induit la déplétion cellulaire B via différents mécanismes : cytotoxicité cellulaire dépendant des anticorps, cytotoxicité dépendant du complément et induction directe de l’apoptose. Il entraîne ainsi la destruction des clones B auto- / alloréactifs responsable de la production d’auto-/ allo-anticorps et/ ou de l’activation de lymphocytes T réactifs. Le traitement par rituximab entraîne également une diminution de l’expression des molécules de costimulation des lymphocytes T à la surface des LB et l’expansion des lymphocytes T régulateurs. LB : lymphocyte B ; LT : lymphocyte T ; NK : cellule natural killer ; M : macrophage ; PN : polynucléaire neutrophile ; Treg : lymphocyte T régulateur.

■ Rituximab et maladie du greffon contre l’hôte chronique

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de GVH entre les patients ayant reçu du rituximab lors du conditionnement ou au cours des 6 mois précédant la greffe et ceux n’ayant pas reçu de rituximab à ces périodes (13). L’incidence cumulative de GVH aiguë grave (de grade III-IV) était significativement plus faible pour la cohorte ayant reçu du rituximab en pré-greffe que pour la cohorte n’en ayant pas reçu (12 % versus 23 % respecti-vement, p=  0,002). Par contre, aucune différence n’avait été observée concernant l’incidence cumulative à 3 ans de GVHc entre les deux groupes (56 % pour les patients ayant reçu du rituximab et 53 % pour les patients n’en ayant pas reçu).

Le groupe de l’Université de Stanford a mené récemment une étude prospective de phase II évaluant le bénéfice de l’administration prophylactique de rituximab délivré aux J+56, +63, +70 et +77 après une allogreffe avec conditionnement réduit (minigreffe) chez des patients traités pour une leucémie lymphoïde chronique (n=22) ou un lymphome du manteau (n=13) (14). Les résultats de celle-ci viennent d’être publiés. L’incidence de GVH aiguë de stade II-IV était de 6 % et l’incidence cumulative de GVHc à 4 ans était de 20 % (95 % CI : 6-34 %), proche de ce qui est observé avec ce type de minigreffe sans administration de rituximab.

Tableau 1 : Mécanismes possibles d’implication

des LB dans la physiopathologie

de la GVHc

1. Borker A, Choudhary N. Rituximab. Indian Pediatr. 2011; 48(8): 627-32. Epub 2011/09/16.2. Stasi R, Cooper N, Del Poeta G, Stipa E, Laura Evangelista M, Abruzzese E, et al. Analysis of regulatory T-cell changes in patients with idiopathic thrombocytopenic purpura receiving B cell-depleting therapy with rituximab. Blood. 2008; 112(4): 1147-50. Epub 2008/04/01.3. Shimabukuro-Vornhagen A, Hallek MJ, Storb RF, von Bergwelt-Baildon MS. The role of B cells in the pathogenesis of graft-versus-host disease. Blood. 2009; 114(24): 4919-27. Epub 2009/09/15.4. Baron F, Maris MB, Sandmaier BM, Storer BE, Sorror M, Diaconescu R, et al. Graft-versus-tumor effects after allogeneic hematopoietic cell transplantation with nonmyeloablative conditioning. Journal of Clinical Oncology. 2005; 23(9): 1993-2003.5. Tsoi MS, Storb R, Jones E, Weiden PL, Shulman H, Witherspoon R, et al. Deposition of IgM and complement at the dermo-epidermal junction in acute and chronic cutaneous graft-vs-host disease in man. Journal of Immunology. 1978; 120: 1485-92.6. Socie G. Chronic GVHD: B cells come of age. Blood. 2011; 117(7): 2086-7.7. Jacobson CA, Ritz J. B-cell-directed therapy for chronic graft-versus-host disease. Haematologica. 2010; 95(11): 1811-3. Epub 2010/11/03.8. Zhang C, Todorov I, Zhang Z, Liu Y, Kandeel F, Forman S, et al. Donor CD4+ T and B cells in transplants induce chronic graft-versus-host disease with autoimmune manifestations. Blood. 2006; 107(7): 2993-3001. Epub 2005/12/15.9. Ratanatharathorn V, Carson E, Reynolds C, Ayash LJ, Levine J, Yanik G, et al. Anti-CD20 chimeric monoclonal antibody treatment of refractory immune-mediated thrombocytopenia in a patient with chronic graft-versus-host disease. Ann Intern Med. 2000; 133(4): 275-9. Epub 2000/08/06.10. Kharfan-Dabaja MA, Mhaskar AR, Djulbegovic B, Cutler C, Mohty M, Kumar A. Efficacy of rituximab in the setting of steroid-refractory chronic graft-versus-host disease: a systematic review and meta-analysis. Biology of Blood and Marrow Transplantation. 2009; 15(9): 1005-13.11. Von Bonin M, Stolzel F, Goedecke A, Richter K, Wuschek N, Holig K, et al. Treatment of refractory acute GVHD with third-party MSC expanded in platelet lysate-containing medium. Bone Marrow Transplantation. 2009; 43(3): 245-51.12. Van Dorp S, Resemann H, te Boome L, Pietersma F, van Baarle D, Gmelig-Meyling F, et al. The immunological phenotype of rituximab-sensitive chronic graft-versus-host disease: a phase II study. Haematologica. 2011; 96(9): 1380-4. Epub 2011/05/07.13. Ratanatharathorn V, Logan B, Wang D, Horowitz M, Uberti JP, Ringden O, et al. Prior rituximab correlates with less acute graft-versus-host disease and better survival in B-cell lymphoma patients who received allogeneic peripheral blood stem cell transplantation. Br J Haematol. 2009; 145(6): 816-24. Epub 2009/04/07.14. Arai S, Sahaf B, Narasimhan B, Chen GL, Jones CD, Lowsky R, et al. Prophylactic rituximab after allogeneic transplantation decreases B cell alloimmunity with low chronic GVHD incidence. Blood. 2012. Epub 2012/05/09.

■ Références

■ Rituximab et maladie du greffon contre l’hôte chronique

• Il n’existe pas de consensus thérapeutique concernant le traitement des GVHc cortico-résistantes. • Les premières études ont rapporté des résultats encourageants concernant l’usage du rituximab pour les GVHc cortico-résistantes, en particulier pour les formes cutanées. Des études prospectives de phase III sont cependant nécessaires pour confirmer son efficacité dans cette indication. • Le rituximab dans les schémas de traitements prophylactiques et curatifs de première ligne de la GVHc est actuellement à l’étude.

■ Ce qu’il faut retenir

Rôles physiologique des LB Implications possibles des LB lors de la GVHc

Mécanismes lésionnels effecteurs possibles lors de la GVHc

Production d’anticorpsProduction d’anticorps auto-/alloréactifs

Cytotoxicité médiée par le complémentCytotoxicité cellulaire dépendant des anticorps

Cross-présentation de complexes immuns

Production d’anticorps agonistes du récepteur au PDGF Production tissulaire accrue de collagène

Présentation d’antigènes Présentation d’auto-/d’allo-antigènes Activation de lymphocytes T auto-/alloréactifs

Production de cyto-/ chemokines

Production de cyto-/chemokines pro-inflammatoires(IL2,TNFα, IL6, IL12,MIF,IFNγ)

Recrutement et activation de différents types cellulaires :

lymphocytes T, macrophages et cellules natural killer

Régulation immunitaireDiminution des LB immunorégulateurs

Diminution de cytokines immunomodulatrices (IL10,TGFβ)

Perte de la tolérance T périphériqueActivation des cellules dendritiques

Diminution du nombre et de la fonctionnalité des Treg

Homéostasie B

Perturbation de l’homéostasie B :• Augmentation du ratio BAFF/LB

• Diminution du nombre des LN naïfs• Augmentation du nombre de LB mémoires activés

Survie et inhibition de l’apoptose des LB auto-/alloréactifs

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Dossier spécial

La photophérèse extracorporelle (PEC) ou photochimiothérapie extracorporelle est une thérapie immunomodulatrice qui consiste à ré-infuser au patient ses propres cellules mononuclées (MNC) après traitement ex-vivo par un agent intercalant de l’ADN, le 8-methoxypsoralène (8-MOP), et photo-activation par des UV-A. Même si le premier cas d’utilisation de la PEC a été rapporté en 1987 dans le Traitement des lymphomes T cutanés érythrodermiques (1), il a fallu attendre 1994 pour voir publier le premier cas dans le Traitement de la GVH chronique (2). Bien que l’indication première de la PEC reste aujourd’hui le traitement des lymphomes T cutanés, cette technique est de plus en plus utilisée dans les pathologies dysimmunitaires, notamment pour le traitement du rejet aigu des greffes d’organe solide et la réaction du greffon contre l’hôte (GVH). L’objectif de cette mini-synthèse est de faire le point sur la place actuelle et les perspectives de développement de la PEC dans le traitement de la GVH chronique et aiguë.

■ Allogreffe et « greffe versus hôte » (gVh)

La photophérèse extra-corporelle dans le traitement de la réaction du greffon contre l’hôte

Concepts généraux

Technique de la PECLa procédure de PEC comprend une étape initiale de cyta-phérèse consistant à collecter des globules blancs chez le patient (leucaphérèse) qui sont ensuite traités ex-vivo par le 8-MOP suivie d’une étape de photo-activation par une source d’UV-A. Après irradiation, les leucocytes sont réinjectés au patient. Actuellement, 2 approches sont possibles : la première technique, développée par la compa-gnie Therakos, utilise un seul appareil (Cellex® étant l’appa-reil de 3e génération) qui assure de manière automatisée en circuit fermé l’ensemble des étapes ci-dessus mentionnées. La 2e technique requiert quant à elle plusieurs manipula-tions en circuit ouvert : une cytaphérèse classique permet dans un premier temps la collection des MNC qui sont ensuite traités par le 8-MOP et exposés aux UV-A dans un appareil indépendant. Cette dernière approche présente l’avantage de pouvoir collecter plus de MNC, de pouvoir moduler l’intensité de l’irradiation et un coût relativement modéré comparée au système de Therakos. Cependant, elle présente l’inconvénient de la durée de la procédure et de la nécessité de multiples manipulations en circuit ouvert, majorant le risque infectieux. De ce fait, le système développé par Therakos est actuellement la seule technique approuvée par les autorités sanitaires.

Mécanismes d’action de la PECLe traitement des leucocytes par le 8-MOP suivi de leur photo-activation déclenche l’entrée en apoptose. Il apparaît de plus en plus évident que l’injection de cellules apop-totiques induit un état de tolérance immunitaire dans des situations cliniques telles que celles de la GVH. Les cellules apoptotiques injectées sont alors phagocytées par les cellules présentatrices d’antigènes du patient entraînant plusieurs changements fonctionnels : • Diminution de la production de cytokines pro-inflamma-toires (par ex. l’IL-2, l’IL-12 et le TNF-α).• Augmentation de la production de cytokines anti-inflam-matoires (particulièrement l’IL-10 et le TGF-β).• Baisse de la capacité d’activation des réponses des cellules T.• Suppression des cellules effectrices T CD8.• Stimulation des cellules T régulatrices (3).

Toxicité et effets secondairesEn comparaison avec les autres agents immunosuppresseurs utilisés actuellement pour le traitement de la GVH (MMF, thalidomide, sérum anti-lymphocytaire, rapamycine, rituximab…), l’ensemble de la littérature traitant de la PEC s’accorde à considérer cette thérapeutique comme dénuée d’effets secondaires significatifs, y compris l’absence d’infection sur cathéter. Si on combine l’expérience de la PEC dans les lymphomes T cutanés et dans la GVH depuis 1987, l’incidence des évènements indésirables reste inférieure à 0,005 %. Les effets indésirables les plus courants sont ceux inhérents à toute procédure de cytaphérèse (problèmes d’accès veineux, paresthésies transitoires liées à l’hypocalcémie, épisodes d’hypotension…). Rarement, quand les procédures de PEC sont rapprochées, il peut apparaître une anémie ou une thrombopénie modérée nécessitant le recours à une transfusion sanguine.

Place actuelle de la PEC dans le traitement de la GVH

Dans la GVH chroniqueLa littérature actuelle sur la PEC est principalement docu-mentée pour le traitement de la GVH chronique chez des patients réfractaires ou dépendants des stéroïdes, et chez qui aucune autre thérapeutique standard n’est disponible. La majorité des études étant rétrospectives avec un nombre limité de patients, et en l’absence de paramètres d’évalua-tion objective de la réponse thérapeutique, la comparaison entre ces différentes études reste difficile. Le tableau 1 résume les principales données de la littérature sur l’expé-rience de la PEC dans le traitement de la GVH chronique. L’analyse de la littérature suggère que l’atteinte cutanée qu’elle soit lichénoïde ou sclérodermiforme, ainsi que l’atteinte muqueuse sont les localisations qui répondent le mieux avec des réponses généralement autour de 70 % (29 à 100 % selon les séries, y compris des réponses complètes pour un nombre substantiel de malades) (4-9). L’atteinte hépa-tique semble également être une cible sensible à cette thérapeutique avec des taux de réponse autour de 60 %. L’expérience dans d’autres manifestations de GVH chro-nique, telles que l’atteinte pulmonaire, ostéo-musculaire ou occulaire est plus restreinte même si certains investigateurs ont suggéré un bénéfice potentiel (4-8).

Bilal MOHTYChef de clinique, service d’hématologie, hôpital universitaire de Genève.

Déclaration publique d’intérêts :Aucun.

Correspondance : Service d’Hématologie Hôpital universitaire de Genève rue Gabrielle-Perret-Gentil 4 CH-1211 Genève 14, [email protected]

■ Auteur

photophérèse extra-corporelle,

réactIon du greffon contre l’hôte, allogreffe de

cellules souches hématopoïétIques,

cIrculatIon extra-corporelle,

ImmunomodulatIon.

Mots clés

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Bien qu’il n’existe pas de définition uniforme de la GVH chronique réfractaire, il est généralement admis qu’une GVH chronique réfractaire ou résistante aux stéroïdes est caractérisée par :• une progression sous prednisone à 1 mg/kg/j pendant 2 semaines,• une maladie stable sous prednisone ≥ 0,5 mg/ kg/j pendant 4-8 semaines ou • une impossibilité à sevrer la prednisone sous 0,5 mg/kg/j (10). Dans ce contexte, la littérature actuelle montre largement que la PEC permet une épargne des stéroïdes et des immunosuppresseurs, limitant ainsi de manière notable les complications liées à l’utilisation de corticoïdes et d’immunosuppresseurs au long cours (infections, diabète, ostéoporose, myopathies, cataractes…), principaux facteurs de morbi-mortalité chez ces patients. Dans une étude ayant inclus 25 patients, Foss et coll. montrent que la mortalité à 72 mois était favorablement influencée avec un taux de 35 % chez les répondeurs versus 55 % chez les non-répondeurs à la PEC. La survie globale quant à elle était de 55 mois chez les répondeurs contre 39 mois chez les non-répondeurs (p=0,3) (6). La capacité de la PEC à réduire les stéroïdes et les immunosuppresseurs rend compte égale-ment pour plusieurs autres investigateurs de l’amélioration de la mortalité non liée à la rechute, de la survie globale ainsi que de la qualité de vie chez les patients répondeurs par rapport aux non-répondeurs (5, 7-9, 11).

Dans la GVH aiguëPeu d’études ont analysé l’efficacité de la PEC dans la GVH aiguë réfractaire aux corticoïdes. La plus large série publiée par Greinix et coll. rapporte 59 patients réfractaires ou dépendants aux corticoïdes inclus dans un programme de PEC intensif. Le taux de réponse pour l’atteinte cutanée était particulièrement favorable autour de 80 %, avec parfois des réponses complètes. Les atteintes hépatique et digestive semblaient moins bien répondre à la PEC avec au mieux des réponses partielles d’environ 60 %. Globalement, les auteurs ont montré une amélioration significative de la mortalité non liée à la rechute et de la survie globale chez les patients répondeurs à la PEC (59 % de survie à 4 ans chez les patients présentant une réponse complète contre 11 % chez les non-répondeurs, p<0.0001) (12). Cette étude a également montré que la PEC permettait un sevrage plus rapide des corticoïdes et qu’une interruption brutale du programme de PEC n’était pas grevée d’un rebond de la GVH.

Considérations pratiques

Il n’existe à ce jour aucun consensus quant aux indications et critères de sélection des patients, aux modalités de traite-ment ou aux critères d’évaluation de la réponse au décours du traitement par PEC.

Indications et critères de sélectionActuellement, les données de la littérature ne permettent pas de recommander la PEC dans le traitement de 1re ligne des GVH aiguës ou chroniques. Cette thérapeutique doit par contre être proposée en 2e ou 3e ligne chez des patients atteints de GVH chronique extensive réfractaire à un trai-tement de corticoïdes bien conduit, ou bien encore à des patients sensibles à la corticothérapie mais présentant des effets secondaires importants. Actuellement, il n’y a pas de critère objectif fiable permettant d’identifier les meilleurs candidats à la PEC. Chez un malade présentant une GVH (aiguë ou chronique) et candidat à un traitement par PEC, le type d’organe atteint demeure le principal paramètre objectif permettant de prédire la réponse. De ce fait, en se basant sur les réponses rapportées dans la littérature au niveau des sites cutanés, muqueux et hépatiques, ces trois atteintes doivent être privilégiées. L’utilisation de la PEC dans les autres atteintes de la GVH chronique comme l’atteinte pulmonaire, ostéo-musculaire, oculaire ou héma-topoïétique n’est pas recommandée en routine et doit être évaluée au cas par cas. Par ailleurs, il a été montré que les meilleures réponses à la PEC sont observées chez les patients ayant le moins de dommages tissulaires, laissant penser qu’il ne faut pas hésiter à proposer cette thérapeu-tique de manière précoce dans l’histoire de la GVH en échec aux corticoïdes (9). Le nombre de traitements immu-nosuppresseurs préalablement administrés pourrait être prédictif de la réponse, les patients ayant reçu le moins de lignes d’immunosuppresseurs semblant être les meilleurs répondeurs. Toutefois, malgré l’importance de l’utilisation précoce de la PEC, cette thérapeutique peut également être efficace chez des patients résistants à de multiples lignes de traitement et devrait donc leur être proposée.

Fréquence et durée optimales de traitementDevant la multitude de schémas thérapeutiques employés dans la littérature, il est difficile actuellement d’évaluer l’impact précis de la dose-intensité (nombre de cycles par mois) et la durée optimal du traitement (nombre de cycles au total). à ce jour, aucun schéma thérapeutique ne s’est révélé plus efficace qu’un autre. Pour la GVH aiguë, un

Tableau 1 : résultats de la PEC dans le traitement de la

GVH chronique de l’adulte

Abréviations : CR : réponse complete ; PR : réponse partielle ;

IS : immuno-suppresseurs ; pts : patients ;

sem : semaines ; ttt : traitement

■ Ce qu’il faut retenir

• La photophérèse extra-corporelle est une thérapie immunomodulatrice qui se compose de 3 étapes : – leucaphérèse, – traitement par un agent photosensibilisant (8-MOP) et photo-activation par les uV-A, – réinfusion des leucocytes au patient.• Bien que les mécanismes d’action de la PEC ne soient pas bien élucidés, les données actuelles suggèrent que la PEC induit un profil immunitaire tolérogénique chez l’hôte, notamment par l’induction de lymphocytes T régulateurs.• La PEC a montré des résultats particulièrement intéressants dans le traitement de la GVH chronique cortico-réfractaire pour les localisations cutanées, muqueuses et dans une moindre mesure hépatiques. Les autres atteintes de la GVH chronique (oculaire, pulmonaire…) semblent peu ou pas répondre. Dans la GVH aiguë cortico-réfractaire, bien que très peu d’études aient évalué cette technique, les résultats préliminaires semblent assez prometteurs.• Actuellement, il n’existe pas de consensus sur les indications et critères de sélection des patients, les modalités de traitement et les critères d’évaluation de la réponse à la PEC.

■ La photophérèse extra-corporelle

Auteur PtsTaux de réponse globale

(%)

Survie globaleN(%)

Peau Muqueuse Foie Poumon Intestin épargne des stéroïdes Remarques

Greinix et al. (Blood 1998) 15 93 14/15

(93 %) Cr : 80 % 11/11 (100%)

7/10 (70%) - - Oui

Messina et al. (BJH 2003) 44 88

34/44 (77 %)

Amélioration : 55 %

Stabilité : 29 %

-Cr : 40 %Pr : 20 %

Cr : 30 %(Pr : 14 %)

Cr : 33 %(Pr : 14 %)

-

Apisarnthanarax et al. (BMT 2003) 32 56 19/32

(59 %)Cr : 22 %

(Pr : 34 %) - -

Cr : 20 %(Pr : 14 %)

- Oui Arrêt des stéroïdes chez 64 % des pts

Foss et al. (BMT 2005) 25 64 %

15/25 (60 %)

80 % 24 % - - - Oui Arrêt des stéroïdes et d’au moins 1 IS chez 52 % et 44 % des pts respectivement

Rubegni et al. (BJH 2005) 32 69 % - 82 % 92 % 77 % 40 % - - réponse yeux : 94 %

Couriel et al. (BBMT 2006) 63

59 %(Cr : 21%)

- 56 % 71 % 67 % 54 % - - réponse yeux : 67 %

Couriel et al. (Blood 2006) 71 61%

(Cr 20 %)13/71 (18 %) 59 % 77 % 71 % 54 % - Oui

réponse yeux : 67 % Arrêt des stéroïdes et des IS chez 22 % et 10 % des pts

respectivment à 1 an de la PEC

Flowers et al. (Blood 2008) 95 - - Cr+Pr :

40 % 53 % - - - Oui

étude comparant la réponse aux IS + PEC vs IS seul

réponse yeux : 30 % Amélioration significative de la GVH cutanée et de la qualité

de vie dans le bras PEC

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166

Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03

Dossier spécial

grand nombre d’investigateurs proposent 2 à 5 séances par semaine pour les 2 à 4 premières semaines avec en principe une réponse rapide attendue durant cette période, si le patient doit être considéré comme répondeur à la PEC. Dans la GVH chronique, la majorité des investigateurs proposent 2 séances sur 2 jours consécutifs toutes les 2 semaines pendant 3 mois, avec une diminution progressive de cette fréquence à 2 séances par mois chez les patients répon-deurs. Il n’y a pas réellement d’argument qui laisse penser que l’augmentation de la dose-intensité des séances de PEC pourrait augmenter l’efficacité thérapeutique. En ce qui concerne la durée totale du traitement, il n’existe pas de consensus non plus, et il est recommandé de poursuivre le traitement pendant plusieurs mois ou années jusqu’à obten-tion de la réponse maximale. On ne connaît pas encore les conséquences d’une baisse rapide du rythme des PEC, notamment en terme de risque de rebond, bien que les données préliminaires soient rassurantes (12).

Critères d’évaluation de la réponseIl n’existe actuellement aucun paramètre histologique ou biologique objectif permettant de mesurer la réponse à la PEC. Le principal critère permettant de juger de l’opportu-nité ou non de poursuivre la PEC reste la réponse clinique au traitement. Dans la GVH aiguë, une réponse précoce est en général observée au cours des deux premiers cycles hebdomadaires de traitement, avec une réponse maxi-male obtenue habituellement au bout de 6 à 8 cycles. Ceci suggère que si une amélioration n’est pas observée précocement, il est fort probable que la PEC sera inefficace. Dans la GVH chronique, même si des réponses tardives ont pu être rapportées, la littérature s’accorde à considérer que les réponses sont souvent observées dans les 3 à 4 premiers mois du traitement, et si le malade n’est pas répondeur à la PEC dans ce délai, il faut envisager des traitements alternatifs. De ce fait, il est recommandé qu’un patient reçoive un traitement initial de 3 mois avant une évaluation clinique. Si on prend l’exemple de l’atteinte cutanée, une amélioration touchant 25 à 50 % de la surface cutanée est considérée par la majorité des auteurs comme suffisante pour justifier la poursuite du traitement. Une décroissance progressive des séances est en générale proposée par la majorité des investigateurs chez les patients répondeurs.

Les patients présentant une amélioration des signes de leur GVH cutanée, hépatique ou muqueuse ou encore bénéficiant d’une réduction de leur traitement immuno-suppresseur systémique sans effet rebond des signes de la GVH peuvent continuer le programme à un rythme plus espacé (un cycle toutes les 3 ou 4 semaines). Dans le cas de plusieurs traitements immunosuppresseurs concomi-tants, la diminution de la corticothérapie doit toujours être proposée en premier au vu de ses effets secondaires au long cours. Les autres traitements pourront être diminués quand la dose quotidienne des corticoïdes devient inférieure à 10 mg par jour. Il est évident qu’une progression des signes de la GVH par rapport aux signes initiaux doit être considérée comme un échec thérapeutique et pousser à proposer rapidement des thérapeutiques alternatives. En cas de rebond des signes cliniques après diminution ou arrêt de la PEC, un redémarrage du traitement peut être envisagé. En outre, une réponse dissociée peut survenir, comme par exemple une amélioration cutanée mais une dégradation hépatique. Dans ce genre de situation, l’opportunité ou non de poursuivre un traitement par PEC doit être appréciée au cas par cas.

Conclusion

La PEC est une thérapie immunomodulatrice qui présente un excellent profil de sécurité et dont l’efficacité pour la prise en charge de la GVH chronique a été démontré dans de nombreuses études (13). Il est largement admis aujourd’hui que dans les GVH chroniques cortico-réfractaires ou –dépendantes, la PEC permet une épargne des stéroïdes et des immunosuppresseurs, contribuant ainsi à diminuer la mortalité non liée à la rechute et à améliorer la qualité de vie et la survie globale. De ce fait son utilisation ne cesse de se développer, et elle est incluse maintenant dans les recommandations de la conférence de consensus sur le trai-tement de 2e ligne de la GVH chronique (10). La généralisation de l’utilisation des critères du NIH pour la classification et l’évaluation de la réponse de la GVH chronique devrait permettre progressivement une meilleure standardisation et une optimisation de l’utilisation de la PEC, notamment dans de nouvelles perspectives comme le traitement préventif ou de première ligne de la GVH.

■ Références

1. Edelson R, Berger C, Gasparro F, Jegasothy B, Heald P, Wintroub B et al. Treatment of cutaneous T-cell lymphoma by extracorporeal photochemotherapy. Preliminary results. N Engl J Med. 1987; 316(6): 297-303.2. Owsianowski M, Gollnick H, Siegert W, Schwerdtfeger R, Orfanos CE. Successful treatment of chronic graft-versus-host disease with extracorporeal photo-pheresis. Bone Marrow Transplant 1994; 14(5): 845-8.3. Peritt D. Potential mechanisms of photopheresis in hematopoietic stem cell transplantation. Biol Blood Marrow Transplant. 2006; 12(1 Suppl 2): 7-12.4. Apisarnthanarax N, Donato M, Korbling M, Couriel D, Gajewski J, Giralt S et al. Extracorporeal photopheresis therapy in the management of steroid-refractory or steroid-dependent cutaneous chronic graft-versus-host disease after allogeneic stem cell transplantation: feasibility and results. Bone Marrow Transplant. 2003; 31(6): 459-65.5. Couriel DR, Hosing C, Saliba R, Shpall EJ, Anderlini P, Rhodes B et al. Extracorporeal photochemotherapy for the treatment of steroid-resistant chronic GVHD. Blood. 2006; 107(8): 3074-80.6. Foss FM, DiVenuti GM, Chin K, Sprague K, Grodman H, Klein A et al. Prospective study of extracorporeal photopheresis in steroid-refractory or steroid-resistant extensive chronic graft-versus-host disease: analysis of response and survival incorporating prognostic factors. Bone Marrow Transplant. 2005; 35(12): 1187-93.7. Greinix HT, Socie G, Bacigalupo A, Holler E, Edinger MG, Apperley JF et al. Assessing the potential role of photopheresis in hematopoietic stem cell transplant. Bone Marrow Transplant. 2006; 38(4): 265-73.8. Greinix HT, Volc-Platzer B, Rabitsch W, Gmeinhart B, Guevara-Pineda C, Kalhs P et al. Successful use of extracorporeal photochemotherapy in the treatment of severe acute and chronic graft-versus-host disease. Blood. 1998; 92(9): 3098-104.9. Messina C, Locatelli F, Lanino E, Uderzo C, Zacchello G, Cesaro S et al. Extracorporeal photochemotherapy for paediatric patients with graft-versus-host disease after haematopoietic stem cell transplantation. Br J Haematol. 2003; 122(1): 118-27.10. Wolff D, Schleuning M, von Harsdorf S, Bacher U, Gerbitz A, Stadler M et al. Consensus Conference on Clinical Practice in Chronic GVHD: Second-Line Treatment of Chronic Graft-versus-Host Disease. Biol Blood Marrow Transplant. 2011; 17(1): 1-17.11. Flowers ME, Apperley JF, van Besien K, Elmaagacli A, Grigg A, Reddy V et al. A multicenter prospective phase 2 randomized study of extracorporeal photo-pheresis for treatment of chronic graft-versus-host disease. Blood. 2008; 112(7): 2667-74.12. Greinix HT, Knobler RM, Worel N, Schneider B, Schneeberger A, Hoecker P et al. The effect of intensified extracorporeal photochemotherapy on long-term survival in patients with severe acute graft-versus-host disease. Haematologica. 2006; 91(3): 405-8.13. Scarisbrick JJ, Taylor P, Holtick U, Makar Y, Douglas K, Berlin G et al. U.K. consensus statement on the use of extracorporeal photopheresis for treatment of cutaneous T-cell lymphoma and chronic graft-versus-host disease. Br J Dermatol. 2008; 158(4): 659-78.

■ La photophérèse extra-corporelle

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Zoom congrès

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■ EHA 2012

Les temps forts de l'European Hematology Association (EHA) Amsterdam, 14-17 juin 2012Avec la participation de

L’association des internes en Hématologie (AIH) a été fondée en 1998. En 2006, sous l’initiative du Dr. Peffault de la Tour (alors président de l’AIH) a été créé un groupe

d’internes partant au congrès de l’European Hematology Association (EHA) grâce au soutien du laboratoire Amgen. La formation de ce groupe a pour but d’aider les internes en Hématologie dans leur apprentissage. La participation des internes à des congrès internationaux tels que le congrès de l’EHA fait partie intégrante du cursus d’hématologie clinique. Depuis six années consécutives, le laboratoire Amgen soutient ce projet et permet à des internes ayant soumis un résumé au congrès de l’EHA de pouvoir assister au congrès et de pouvoir y présenter leurs travaux. Pour la deuxième année consécutive, l’AIH s’associe à la revue Horizons Hémato pour que les internes participant à ce groupe puissent rédiger un résumé des points forts de l’EHA en collaboration avec des référents dans chaque thématique hématologique. Cette initiative permet ainsi à des internes venant de toute la France d’assister à des communications d’excellente qualité scientifique, de rencontrer des référents nationaux et internationaux dans toutes les thématiques de l’hématologie et de mieux se connaître entre internes. La rédaction d’un résumé post congrès permet aux internes de commencer à rédiger des documents scientifiques ce qui en fait une excellente expérience et formation pour le futur. Compte tenu du caractère extrêmement formateur de la participation à ce groupe d’internes, l’AIH souhaite voir perdurer ces soutiens encore plusieurs années.

Thomas CLUZEAU Président de l'AIH,Service d'hématologie clinique, Hôpital Archet, CHu NiceINSERM u1065, équipe 2, Centre Méditerranéen de Médecine Moléculaire.

 

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Zoom congrès ■ EHA 2012

Leucémie Lymphoïde chronique (LLC) : quand un monde de cibles se déploieEn ce congrès EHA 2012, les sessions orales ont été marquées par les résultats spectaculaires des molécules ciblant les mécanismes du développement et de la persis-tance de la maladie.

BCR (B cell receptor) et voies de signalisation

L’ibrutinib, l’inhibiteur sélectif de BTK (Bruton’s Tyrosine Kinase), avait déjà attiré l’attention à l’ASH 2011 et l’ASCO 2012. Les résultats très prometteurs obtenus dans 2 études de phase IB/II on été ici actualisés (1,2). En mono-thérapie, à 420 mg/j per os, dans les LLC réfractaires/ en rechute, la survie sans progression (PFS) est de 87,7 % à 17,7 mois de suivi médian et n’est pas impactée par le statut mutationnel ou la del 17p (figure 1). Toujours en monothérapie, mais en première ligne chez le sujet âgé (> 65 ans), la PFS est de 96 % à 14,4 mois de suivi médian, surtout avec une très bonne tolérance.

Le taux de réponse globale peut atteindre 93 % en asso-ciant l’ibrutinib à la bendamutine et au rituximab (BR) y compris chez les patients précédemment réfractaires à la fludarabine ou à la bendamustine et sans être impacté par les facteurs pronostiques dont la del 17p. Bien qu’un suivi plus long soit nécessaire pour confirmer ces résul-tats, l’efficacité constatée chez ces patients à haut risque et l’absence de toxicité majeure sont autant d’éléments encourageants orientant la molécule vers une phase III.

Cycle cellulaire et apoptose

L’ABT-199 est un inhibiteur plus sélectif de Bcl-2 qui remplacera désormais le développement du précédent ABT-263 (navitoclax) inhibant également Bcl-xL et Bcl-w et connu pour sa toxicité plaquettaire limitante. A. Roberts a présenté les résultats préliminaires (phase I) de ce nouveau composé oral administré chez des malades en rechute ou réfractaires (3). La tolérance est significativement améliorée (1 thrombopénie) et l’effica-cité préservée avec plus de 65 % de réponses partielles, indépendamment du statut del 17p et notamment avec une diminution rapide de la lymphocytose sanguine et une réponse ganglionnaire dès la 6e semaine.Une étude de phase I testant l’association ABT-199 et BR est prévue. Le dinaciclib (SCH 727965) est un inhibiteur des cyclin-dependent kinases – cdk (cdk1/2, cdk5 et cdk9), administré en phase I chez 52 patients en rechute ou réfractaires (4). Le taux de réponses partielles peut atteindre jusqu’à 70 % y compris en cas de del 17p. L’induction de syndromes de lyse tumorale reste néan-moins un facteur d’administration limitant de cette molécule.

Tereza COMAN DES HématologieCNrS UMr 8147, Hôpital universitaire Necker Enfants MaladesAP-HP [email protected]

■ Auteur

1. O’Brien S, Furman R, Coutre S, Burger J, Blum K, Sharman J, Flinn I, Grant B, Heerema N, Johnson A, Navarro T, James D, Hedrick E, Byrd J. The Bruton’s Tyrosine Kinase inhibitor ibrutinib is highly active and tolerable in relapsed or refractory (r/r) and treatment naïve (tn) Cll patients, updated results of a phase IB/II study. #0542.2. Brown J, Barrientos J, Flinn I, Barr P, Burger J, Navarro T, D James, Hedrick E, Friedberg J, O’Brien S. The Bruton’s Tyrosine Kinase (BTK) inhibitor ibrutinib combined with bendamustine and rituximab is active and tolerable in patients with relapsed/refractory Cll, interim results of a phase IB/II study. #0543.3. Roberts A, Davids M, Mahadevan D, M Anderson, Kipps T, Pagel J, Kahl B, Wierda W, Darden D, Nolan C, Xiong H, Huang D, Chyla B, Busman T, Cerri E, Enschede S, Humerickhouse R, Seymour J. Selective inhibition of bcl-2 is active against chronic lymphocytic leukemia (CLL): first clinical experience with the bh3-mimetic abt-199. #0546. 4. Jones J, Flynn J, Andritsos L, Johnson A, Blum K, Wiley E, Small K, Grever M, Graef T, Bannerji R, Byrd J.Phase I study of the cyclin-dependent kinase (CDK) inhibitor dinaciclib (sch 727965) in patients (pts) with relapsed or refractory chronic lymphocytic leukemia (Cll). #0544.

■ Références

Dans le domaine de la leucémie lymphoïde chronique (LLC), l’EHA 2012 a mis en exergue les résultats préliminaires de nouveaux traitements, principalement l’ibrutinib (PCI-32765) (#0542). Ce dernier, administré oralement, est un inhibiteur sélectif et irréversible de la Bruton Tyrosine Kinase.L’actualisation des résultats de la phase Ib/II de l’ibrutinib en monothérapie dans les LLC en rechute/réfractaires (R/R, n=61) ou en première ligne chez les patients > 65 ans (n=31), peut être résumée ainsi :• Le très bon profil de tolérance de l’ibrutinib, en particulier sur le plan hématologique. • Le taux de réponse globale (rC+rP) selon les critères de l’IWCLL 2008 chez les patients r/r tout comme chez les patients en première ligne est d’environ 70 % à 1 an, auquel il faut ajouter 20 % de patients ayant une réponse ganglionnaire avec lymphocytose résiduelle (l’ibrutinib entraine précocement une augmentation de la lymphocytose pouvant persister plusieurs mois). • Le taux de réponse n’est pas influencé par les facteurs de mauvais pronostic habituels. • La survie sans progression à 1 an est proche de 90 % pour les patients r/r et en première ligne.Ainsi, l’ibrutinib est un agent efficace et bien toléré dans la LLC. Ce profil favorable a logiquement conduit à initier des études en combinaison avec d’autres molécules (rituximab et bendamustine) ainsi qu’une phase III randomisant ibrutinib vs ofatumumab, dans les LLC R/R.

■ Le point de vue de l’expert

David SIBON Hématologue.

Expertise :Hémopathies Lymphoïdes,Hématologie Adulte,Hôpital universitaire Necker Enfants MaladesAP-HPCNrS UMr 8147,université Paris Descartes.

[email protected]

Figure 1 : Survie sans progression (PFS) sous ibrutinib selon le statut del 17p chez les patients réfractaires ou en rechute

1,0

0,8

0,6

0,4

0,2

0,0

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20

Del 17p-Non (n=36)

Surv

ie s

ans

prog

ress

ion

(%)

Mois

Del 17p-Oui (n=20)

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Zoom congrès ■ EHA 2012

Myélome multipleMalgré l’hétérogénéité clinique et biologique que l’on observe dans le myélome, les stratégies thérapeutiques actuelles reposent essentiellement sur l’âge du patient et ses comorbidités. Les technologies de biologie molé-culaire utilisées jusqu’à présent permettaient d’analyser le clone tumoral prédominant sans prendre en compte l’hétérogénéité intra-clonale ce qui peut expliquer les difficultés rencontrées dans la caractérisation molécu-laire des myélomes (1). Les données récentes obtenues par des méthodes de séquençage haut débit illustrent bien cette hétérogénéité intra-clonale qui semble être un mécanisme essentiel de l’évolution tumorale sous-tendant la progression et la rechute de la maladie.Le travail présenté par N. Bolli – Whole exome sequencing defines clonal architecture and genomic evolution in multiple myeloma (abstract 0571) – en est un bel exemple. Dans le but de décrire les évènements moléculaires impliqués dans la survenue et l’évolution du myélome multiple, les auteurs ont séquencé l’exome de cellules plasmo-cytaires purifiées issues de 68 patients atteints de myélome multiple. Pour 17 patients ils disposaient de plusieurs prélèvements réalisés au cours de l’évolution de la maladie. Ils ont utilisé le taux de mutations afin d’estimer l’architecture clonale de chaque échantillon. Les résultats les plus frappants ont concerné l’analyse de la structure clonale. En effet, au diagnostic, il a été mis en évidence la présence d’au moins 2 sous-clones chez 66/68 (97 %) patients, illustrant bien le concept d’hétérogénéité intra-clonale. Enfin le taux de muta-tions a changé chez 12/15 (80 %) patients au cours du temps révélant l’évolution clonale ayant lieu lors de la progression de la maladie. Ces résultats rejoignent les conclusions d’autres travaux récents (2–5) qui remettent en question le modèle d’une tumeur issue d’une cellule accumulant des anomalies moléculaires au cours du temps de façon linéaire. Le modèle qui ressort est celui d’une architecture clonale complexe avec une évolu-tion tumorale de type Darwinienne (figure 1) qui se

ferait de manière ramifiée, ce qui explique la présence de différents sous-clones coexistant chez un même patient et par conséquent l’hétérogénéité des anoma-lies moléculaires observées, avec différentes popula-tions sous-clonales plus ou moins représentés au cours de la progression de la maladie (1,6). La compréhension des processus d’évolution clonale et la caractérisation de l’impact des traitements sur celle-ci (sélection de clones minoritaires résistants) permettra probablement d’optimiser les approches thérapeutiques actuelles et d’affiner les régimes d’induction, de consolidation et de maintenance afin d’éradiquer tous les « sous-clones » et d’éviter l’émergence d’un clone résistant ou plus agressif et ainsi d’améliorer le pronostic global de nos malades (1).

Gabriel BRISOU Interne des Hospices Civils de [email protected]

■ Auteur

1. Morgan, GJ, Walker, B A & Davies, F E. The genetic architecture of multiple myeloma. Nature Reviews Cancer. 2012; 12: 335–348.2. Chapman, MA et al. Initial genome sequencing and analysis of multiple myeloma. Nature. 2011; 471: 467–472.3. Egan, JB et al. Whole Genome Sequencing of Multiple Myeloma from Diagnosis to Plasma Cell Leukemia Reveals Genomic Initiating Events, Evolution and Clonal Tides. Blood. 2012. doi:10.1182/blood-2012-01-405977.4. Keats, JJ et al. Clonal competition with alternating dominance in multiple myeloma. Blood. 2012; 120: 1067–1076.5. Walker, BA et al. Intraclonal heterogeneity and distinct molecular mechanisms characterize the development of t(4;14) and t(11;14) myeloma. Blood. 2012. doi:10.1182/blood-2012-03-412981.6. Bahlis, NJ. Darwinian evolution and tiding clones in multiple myeloma. Blood. 2012; 120: 927–928.

■ Références

Figure 1 : Initiation et progression du myélome,

adapté à partir de la figure 2 de la référence 1: illustration du

concept d’hétérogénéité intra-clonale avec évolution de type Darwinienne sous-tendant la

progression entre les différentes phases évolutives de la maladie

Le traitement du myélome s’est considérablement amélioré ces dernières années. Cependant, l’objectif de transformer le myélome en une maladie chronique pour la majorité des patients n’est pas atteint. Le myélome demeure une maladie mortelle à plus ou moins longue échéance.Les résultats de cette étude permettent de mieux comprendre la physiopathologie du myélome. D’une part, ils apportent un élément d’explication à la grande hétérogénéité du myélome et d’autre part, ils ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques. Ils suggèrent en effet qu’il faut s’attaquer non pas à un seul clone mais aux différents clones tumoraux qui existent simultanément et par conséquent utiliser des combinaisons de traitements plutôt qu’une monothérapie. Or nous disposons de plus en plus de nouvelles molécules. Non seulement, nous disposons de nouveaux inhibiteurs du protéasome (le carfilzomib) mais également un imunomodulateur de 3e génération (le pomalidomide) et, pour ne citer que ceux actuellement en phase III, seront bientôt disponible trois nouvelles classes médicamenteuses : les inhibiteurs de HDAC, les inhibiteurs de la PI3 Kinase et des anticorps monoclonaux. Il faut donc maintenant trouver la meilleure combinaison avec la séquence la plus appropriée.

■ Le point de vue de l’expert

Laurent GARDERET Hématologue.

Expertise :Traitement du myélome.

[email protected] cet article

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Lésions génétiques

Diversité des cellules tumorales

Initiation

Cellule B post centre germinatif

Anomalies héréditaires

évènements génétiques primaires :• Translocations touchant l’IGH@ • Hyperdiploïdie

évènements génétiques secondaires :

• Anomalies chromosomiques• Hypométhylation de l’ADN

• Mutations somatiques

MGUS Myélome « smouldering » Myélome Leucémie à

plasmocytes

Centre germinatif Moelle osseuse Sang périphérique

Progression

Migration

Sélection compétitive pour les niches médullairesAvantage clonal

MGUS : Monoclonal gammopathy of undetermined significance. IGH@: locus codant la chaine lourde de l’immunoglobuline.

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Zoom congrès ■ EHA 2012

Avancées dans les myélodysplasiesDepuis plusieurs années de nombreux progrès on été réalisés dans la mise en évidence de mutations somatiques chez les patients atteints de myélodysplasie permettant ainsi de mieux comprendre leur physiopathologie.

Implication des mutations des gènes d’épissage

Si la notion de mutation de gènes d’épissage est déjà connue, il est plus difficile de définir actuellement sa consé-quence dans la prise en charge clinique des patients. La mutation est responsable de la modification de la fonction de la protéine codée sans pour autant bloquer sa traduction. F. Damm a étudié la séquence des gènes les plus fréquem-ment mutés au diagnostic chez 221 patients atteints de myélodysplasie (SF3B1, SRSF2, ZRSR2 et U2AF35) (1). L’incidence globale de ces mutations est de 45 % dans la population étudiée et elles sont pour la plupart exclu-sives entre elles. L’analyse univariée montre que la survie globale est moindre et la fréquence des transformations leucémiques plus importante chez les patients porteurs du génotype ZRSR2mut/TET2wt. Ces mutations pourraient ainsi définir de nouveaux facteurs pronostics cliniques. M. Ambaglio a rapporté son travail portant sur les consé-quences cliniques de la mutation de SF3B1, gène codant pour l’épissage de l’ARN dans les myélodysplasies et en particulier dans les anémies sidéroblastiques (2). Sur une population de 76 patients, la mutation a été retrouvée dans près de 28 % des cas. Sa présence étant corrélée à la fois à une diminution de la proportion d’érythroblaste dans la moelle osseuse (p=0.009), une diminution du taux du récepteur soluble à la transferrine (p=0.039) et une dimi-

nution du taux d’hepcidine. L’importance de la diminution de ces paramètres étant directement en relation avec la proportion d’allèle muté. La conséquence de ces transfor-mations est une érythropoièse inefficace et une redistribu-tion pathologique du fer apporté par les transfusions vers les cellules parenchymateuses de l’organisme.

La chélation martiale : oui !

A. Guerci-Bresker dans son étude observationnelle prospec-tive multicentrique française analyse la conséquence de la surcharge martiale chez 247 patients porteurs d’une myélo-dysplasie de bas et haut risque (3). La surcharge étant définie par une férritinémie supérieure ou égale à 800 ng/mL ou un besoin transfusionnel de plus de 15 culots globulaires. Il en ressort qu’après traitement chélateur près de la moitié des patients obtient une réduction de la férritinémie, avec un taux médian passant de 1 493 ng/ ml à 1 274 ng/ml, et ceci associé à une diminution des besoins transfusionnels. Cette analyse est confirmée par l’étude rétrospective espagnole de R. Garcia chez 240 patients traités par Azacitidine (4). Une ferritinémie basse (inférieure à 500 ng/mL) pré-Azacitidine permet d’augmenter la réponse globale au traitement de manière significative (p<0.0001) et donc d’augmenter la survie globale (figure 1).

Limiter les complications hémorragiques

L’étude randomisée, d’E. Olivia analyse en prospectif 69 patients traités par Eltrombopag versus Placebo (2:1) chez des patients porteurs d’une myélodysplasie de bas risque ou de risque intermédiaire-1 et d’une thrombo-pénie (inférieure ou égale à 30 000) (5). L’Eltrombopag est donné à la dose de 50 mg/j, augmentée de 50 mg toutes les 2 semaines jusqu’à obtenir un taux de plaquettes a 100 G/L. 12 patients sont inclus à ce jour. Il en ressort une augmentation significative du chiffre de plaquettes chez les patients bénéficiant de la molécule avec l’obtention d’un taux de plaquette supérieur à 100 G/L chez 3 d’entre eux après 14 jours de traitement, ceci corrélé à l’absence de complications hémorragiques associées. Par ailleurs, 4 patients sur 5 notent une amélioration de leur qualité de vie. Des résultats prometteurs qui méritent confirmation sur une cohorte plus importante.

Marion LOIRAT Interne, CHu [email protected]

■ Auteur

1. Damm F et al. Mutations affecting mrna splicing define distinct clinical Phenotypes and correlate with patient outcome in myelodysplastic Syndromes (abstract o0547).2. Ambaglio M et al. Effect of sf3b1 mutation on erythroid marrow activity, transfusion iron overload, and hepcidin levels in patients with myelodysplastic syndrome (abstract o0550).3. Guerci-breslet A et al. Management under real conditions of iron overload in Patients with mds. Follow up at six month of a french observational Study (abstract p0890).4. Garcia R et al. Impact of pre-azacitidine serum ferritin on response and Overall survival on patients with myelodysplastic syndromes (abstract p0882).5. Olivia E et al. Efficacy and safety of eltrombopag for the treatment of Thrombocytopenia of low and int-1 risk mds: preliminary results of a Prospective, randomized, single-blind placebo-controlled trial (abstract o1138).

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■ Références

Figure 1 : Survie globale corrélée à la férritinémie

■ Ferritin Leval 500-1000

■ Ferritin Level >1000

■ Ferritin Level < 500

1,O

0,8

0,6

0,4

0,2

0,0123

454995

413952

252834

151812

584

180

03

0 250 500 750 1000 1250

Surv

ival

pro

babi

lity

T Survival

Product limit Survival EstimatesWith Number of Subjects of Risk

L’approfondissement des connaissances biologiques dans le domaines des myélodysplasies a permis ces dernières années de mieux comprendre les différents mécanismes physiopathologiques qui conduisent à l’hétérogénéité des différentes formes cliniques. Ainsi plusieurs fonctions cellulaires sont atteintes tel que la régulation épigénétique via les mutations de TET2, ASXL1, EZH1, DNMT3a. Les mécanismes de résistances au traitement en particulier dans les syndromes 5q- peuvent être en partie expliqués par la présence d’une mutation TP53. Plus récemment, ce sont les anomalies de l’épissage de l’ARN qui ont été décrites avec en particulier les mutations du gène SF3B1 plus fréquemment observées dans les anémies sidéroblastiques et dont les conséquences moléculaires expliquent en partie la présentation cytologique de ce sous-groupe. Ces nouvelles mutations ont pour la plupart une valeur pronostique indépendante ou non de la classification IPSS modifiée (IPSS). L’enjeu des années à venir passe donc à la fois par des outils biologiques intégratifs capable de détecter l’ensemble de ces anomalies au diagnostic et par l’innovation thérapeutique orientée plus spécifiquement vers leurs différents mécanismes d’action.

■ Le point de vue de l’expert

Jacques DELAUNAY PH hématologie CHu Nantes.

Expertise :Leucémies aiguës, myé[email protected]

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171

Zoom congrès ■ EHA 2012

Lymphome de Hodgkin à l’EHA : stades avancées, réfractaires et rechutesLes chimiothérapies « intensives » de type BEACOPP escaladés améliorent les réponses dans les stades avancés mais la morbi-mortalité liée aux traitements reste un challenge, la place de la radiothérapie demeure controversée dans ce contexte. Par ailleurs la prise en charge des patients réfractaires ou en rechute reste difficile avec une médiane de survie inférieure à 3 ans.

La radiothérapie guidée par le PET scan dans les stades avancés

Les résultats de l’étude HD15 du GHSG qui ont déjà fait l’objet d’un abstract à l’ASH 2011 et d’une publication dans le Lancet ont été rappelés ici (abstract 01108) (1). 2182 patients de stade IIB défavorable, III et IV ont été inclus et randomisés entre 8 ou 6 BEACOPP escaladés ou 8 BEACOPP14. Les patients en rémission partielle avec une masse résiduelle ≥ 2,5 cm positifs au PET scan ont bénéficié d’une irradiation à 30 Gy. La PFS est comparable entre les patients en RC et ceux en RP avec PET négatif et on constate que 6 cycles avec RT 30Gy sont plus efficaces et moins toxiques que 8 cycles. L’actuel protocole HD18 est basé sur la même stratégie avec 4 cycles de BEACOPP escaladé et IFRT si PET positif. Il ne faut néanmoins pas négliger les résultats de l’EORTC présentés à l’ASCO (abstract 8002) par

P. Carde mais non abordés à l’EHA qui montrent une EFS comparable entre 8 ABVD et BEACOPP 4+4 avec une PFS un peu moins bonne mais pas de différence significative en OS à 4 ans. L’association Rituximab-ABVD semble par ailleurs intéressante dans ces formes disséminées.

Nouveaux traitements des patients réfractaires et en rechute

Plusieurs molécules ont fait l’objet d’études dans ces indications : les inhibiteurs des histones déacétylases (Panabinostat® notamment) et inhibiteurs de mTOR (rapalogues, Everolimus®), leur efficacité est promet-teuse mais seulement en association à la chimiothé-rapie. En revanche le Brentuximab Vedotin® en phase II dans les HL réfractaires ou en rechute post autogreffe (abstract 01109) montre une ORR de 75 % dont 33 % de RC, une OS à 24 mois de 65 % avec une PFS médiane des patients en RC de 29 mois, 5,1 mois en RP et 3,5 mois pour les SD. Les effets indésirables principaux sont les neuropathies périphériques, nausées, fatigue, neutropénie et diarrhée. Ces résultats avec un follow-up plus long renforcent ceux publiés par A. Younes dans JCO (2). Son association avec la chimiothérapie est en cours d’évaluation en 1re ligne.

Magalie JORIS DES hématologie cliniqueCHu AMIENS.

1. Engert A et al. Reduced-intensity chemotherapy and PET-guided radiotherapy in patients with advanced stage Hodgkin’s lymphoma (HD15 trial): a randomised, open-

label, phase 3 non-inferiority trial. Lancet. 2012; 379(9828): 1791-9.

2. Younes A et al. Results of a Pivotal Phase II Study of Brentuximab Vedotin for Patients With Relapsed or Refractory Hodgkin’s Lymphoma. JCO. 2012; 30(18): 2183-9.

■ Auteur

■ Références

Tableau 1 : Définition des stades et facteurs de risque (FDR) selon

l’EORTC et le GHSG

Source: Hematology Education: the

education program for the annual congress

of the European Hematology Association

2012; 6:175-180. Radiotherapy in Hodgkin

Lymphoma: witch dose and for whom, B. Böll,

A. Engert

Définition EORTC GHSG

Stades précoces favorables Sus-diaphragmatiqueStades I et II sans FDR Stades I et II sans FDR

Stades précoces défavorables

Sus-diaphragmatiqueStades I et II + ≥ 1 FDr

Stades I et IIAvec ≥ 1 FDr n°1 et/ou n°2

Mais sans FDR n° 3 ou 4

FDR

1 : bulky médiastinal (IMT ≥ 0,35)

2 : âge ≥ 50 ans3 : ≥ 4 sites ganglionnaires

atteints4 : présence de signes B

1 : ESr augmenté2 : ≥ 3 sites ganglionnaires atteints

3 : bulky médiastinal4 : atteintes extraganglionnaires

Stades avancés Stades III et IV Stades II b avec FDR n°3 et/ou n°4Stades III et IV

• Comment améliorer le pronostic des Hodgkin disséminés tout en diminuant la toxicité ?Probablement une place pour la radiothérapie en cas de RP avec PET positif, tout en diminuant le nombre de cycles de chimiothérapie.

• Nouvelles avancées ?Les anticorps monoclonaux anti-CD30 donnent des résultats intéressants en rechute, à évaluer en première ligne.

■ Le point de vue de l’expertBruno ROYER Hématologue, CHu AMIENS.

Expertise :Myélome- amylose ; lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens, Waldenström, déficits immunitaires primitifs.

[email protected]

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Zoom congrès ■ EHA 2012

L’allogreffe de CSHL’allogreffe de CSH est le traitement curatif de nombreuses hémopathies malignes. Les principaux enjeux dans ce domaine consistent en :• Prédire au mieux le devenir (survie et TRM) des patients avant la greffe.• Développer des thérapies cellulaires capables de traiter la GVH tout en maintenant l’effet GVL.

Prédire le devenir des patients

La splénomégalie dans la LMMC est un facteur prédictif de survie globale (abstract 0558)Une étude rétrospective réalisée sur 73 patients avant l’arrivée des agents hypométhylants a mis en évidence la splénomégalie comme seul facteur péjoratif indépen-dant de l’OS. En effet, indépendamment du statut de la maladie (stratification WHO ou scores IPSS ou GFM), des traitements préalables et de l’intervalle entre diagnostic et allogreffe, la survie à 2 ans des patients avec une spléno-mégalie palpable au moment de la greffe (36 %) était de 28 % vs 52 % (p=0,03).

Le phénotype des LT circulants chez le receveur est un facteur prédictif de la GVH (abstract 0560)Les cellules T alloréactives peuvent être identifiées précocément dans le sang périphérique selon leur profil d’expression de récepteurs aux chimiokines (CCR5) et de marqueurs de migration faiblement exprimés à l’état basal

(α4β7 intégrine, αEβ7 intégrine, P-et E-sélectine-ligand). L’identification d’une augmentation en pourcentage et en valeur absolue d’un contingent lymphocytaire T, P et E-SélectinL+ α4β7 intégrine+ et CCR5fort est prédictif de la GVH 6 à 10 jours avant le début des symptômes.

Le pourcentage de cellules myéloïdes suppressives immatures ou MDSC dans les greffons est prédictif de la GVH (posters 1008 et 1009)Connues depuis longtemps dans le microenvironnement tumoral, les MDSC ont montré leurs propriétés immuno-régulatrices dans la prévention de la survenue de la GVH aiguë dans les modèles murins. La proportion de MDSC présentes dans le greffon mobilisé par G-CSF et leur recons-titution en post-greffe précoce sont négativement corré-lées à l’incidence de la GVH aiguë. Cette reconstitution se normalise lorsque la GVH est contrôlée par le traitement immunosuppresseur.

La thérapie cellulaire par les cellules mésenchymateuses (MSC) – session éducationnelle

Les MSC sont capables d’inhiber la prolifération allogé-nique des cellules vectrices de la GVH aiguë (notamment les LT) par différents mécanismes. Elles peuvent aussi interférer in vitro avec la maturation et la différenciation des cellules présentatrices d’antigènes en induisant des cellules dendritiques immatures incapables d’éduquer des LT vers l’alloréactivité. Dans les études résumées dans le tableau 1, l’administration par voie intraveineuse de MSC allogéniques a été évaluée en phase I et II et doit être main-tenant prouvée dans une étude prospective randomisée pour évaluer leur effet sur la reconstitution immunitaire et la rechute de la maladie.

Maud D’AVENI Interne hématologie Thèse de sciences à l’Hôpital Necker, service du Pr. [email protected]

■ Auteur

1. Paczesny S et al. Blood. 2009; 113: 273.2. Mohty M et al. Blood. 2005; 106: 4407.3. Yakoub-Agha I et al. Leukemia 20, 1557 (Sep, 2006).4. Magenau JM et al. Biol Blood Marrow Transplant. 2010; 16: 907.5. Ukena SN et al. Ann Hematol. 2011; 90: 213.6. Di Ianni M et al. Blood. 2011; 117: 3921.7. Brunstein CG et al. Blood. 2011; 117: 1061.8. Chaidos A et al. Blood. 2012; 119: 5030.9. Rubio MT et al. Blood. 2012 (Jun 22).10. Le Blanc K et al. Lancet. 2008; 371: 1579.11. Le Blanc K et al. Lancet. 2004; 363: 1439.

■ Références

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Tableau 1 : Études de phase I et II sur l’injection IV systémique de MSC en préventif ou curatif de GVH aiguë sévère

Références Contexte clinique DevenirLe Blanc et al.

lancet 2004;363:1439-41GVHa grade IV digestive et

hépatique (1er patient décrit)Rémission complète

de la GVH

Le Blanc et al. lancet 2008;371:1579-86

GVHa grade II-IV (55 patients)Phase II multicentrique

69 % de réponse

Ball et al. BMT 2011;46:56GVHa grade III-IV corticorésistante

(37 enfants)59 % rC, diminution

TrM de 14 % vs 60 %

Malgré les progrès indéniables obtenus dans le domaine de l’allogreffe de CSH du fait de l’amélioration des soins de support et d’une diminution de la toxicité d’organe suite au développement des conditionnement atténués, la morbi-mortalité liée à la GVH et le risque de rechute (par inhibition de l’effet GVL) demeurent problématiques. La plupart des travaux de recherche actuellement menés dans ce domaine concernent la recherche de facteurs biologiques qui permettraient de prédire le risque de GVH et faire l’objet d’une immunointervention afin de séparer les effets GVH et GVL. Outre le contexte protéique inflammatoire post-greffe (1, 2), ou le contenu du greffon en certains sous-types de lymphocytes T (selon leur état de maturation ou d’expression de marqueurs de migration aux sites d’allo-priming) (3) qui peuvent prédire la survenue de GVH aiguë, un intérêt particulier est actuellement porté sur les cellules immunorégulatrices. Ainsi, les lymphocytes T régulateurs, qui diminuent au moment de la GVH (4, 5), ont déjà fait l’objet de protocoles d’immunointervention dans des greffes haploidentiques (6) ou de sang placentaire (7). Le contenu du greffon ou la reconstitution post-greffe en lymphocytes NKT invariants sont inversement corrélés au risque de GVH aiguë (8, 9). Comme présenté au congrès de l’EHA, certaines cellules souches mésenchymateuses semblent pouvoir contrôler des GVH aiguës sévères (10, 11). une autre présentation du congrès suggère que les cellules myéloïdes suppressives (MDSC) mobilisées par le G-SCF pourraient également être intéressantes. La manipulation d’un ou de plusieurs de ces acteurs de la réponse allogénique pourrait permettre à l’avenir de développer des approches d’immunomodulation « à la carte ».

■ Le point de vue de l’expert

Marie-Thérèse RUBIO Praticien Hospitalier, service d’hématologie et de thérapie cellulaireHôpital Saint-Antoine, Paris.

Expertise :Hématologie clinique,allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH),immunobiologie de la greffe de CSH.

[email protected]

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Zoom congrès ■ EHA 2012

Nouvelles thérapeutiques dans les LAL de l’adulteMalgré l’amélioration des schémas d’induction sur le modèle des protocoles pédiatriques, on observe dans les LAL de l’adulte 40-50 % de rechutes et < 5 % de LAL réfractaires. Ces patients ont une survie globale infé-rieure à 10 %. De nouvelles options thérapeutiques sont donc nécessaires afin d’obtenir une RC2 et d’amener les patients éligibles à une allogreffe de moelle mais également afin d’améliorer le pronostic des patients âgés ou ayant rechuté post allogreffe.

Les attentes se tournent aujourd’hui principalement vers les nouveaux anticorps monoclonaux

• Blinatumomab : anticorps bispécifique de type Bite, anti-CD19 et anti-CD3 qui dirige les lymphocytes T cyto-toxiques du patient contre les cellules CD19+ (figure 1). Une étude de phase II chez les patients ayant une LAL B en rechute ou réfractaire montre, après administration du traitement ivse pendant 2 cycles (cycle de 28 jours), une RC/RCh de 68 % sur les 25 patients traités. Tous les répondeurs obtenaient une MRD négative à la fin du premier cycle. 6 patients étaient allogreffés. Le syndrome de relargage cytokinique et les troubles du système nerveux central étaient les 2 effets secondaires majeurs notés. Les troubles du SNC étaient tous réversibles à l’arrêt du traitement. Deux études de phase 2 sont en cours : une pour les LAL B ayant une MRD positive,

l’autre pour les rechutes cytologiques et LAL réfractaires.• Inotuzumab Ozogamicine : anticorps monoclonal anti CD22 couplé à la calicheamicine (même design que le gemtuzumab ozogamicine anti-CD33 des LAM). 49 patients (adultes et enfants) atteints de LAL en rechute ou réfractaire ont reçu l’IO intraveineux, 1 h toutes les 3-4 semaines, au cours d’une étude de phase 2. 57 % des inclus obtenaient une RC/RCh après une médiane de 2 cycles. Les principaux effets secondaires observés étaient : fièvre, hypotension et hépatotoxicité.

Autres anticorps et cibles thérapeutiques

D’autres anticorps monoclonaux comme le veltuzumab (anti-CD20 humanisé) ou l’épratuzumab (anti-CD22) sont en cours de développement.De nouvelles cibles thérapeutiques sont également recherchées notamment au sein des voies d’activation de Hedgehog ou de signalisation de Notch1 et de PI3k/PkB.

Conclusion

Ces nouveaux traitements sont prometteurs et permet-tront probablement d’améliorer dans les années futures le pronostic des patients ayant des LAL en rechute ou réfractaire voire le pronostic des patients en 1re ligne, reposant la question des indications d’allogreffe.

Florence RABIAN Interne, hôpital Saint-Louis, [email protected]

■ Auteur

1. Gökbuget N. Outcome of relapsed adult lymphoblastic leukemia depends on response to salvage chemotherapy, prognostic factors and realization of stem cell trans-plantation. Blood. 2012; Apr 4.2. Topp MS.Targeted therapy with the T-cell-engaging antibody blinatumomab of chemotherapy-refractory minimal residual disease in B-lineage acute lymphoblastic leukemia patients results in high response rate and prolonged leukemia-free survival. J Clin Oncol. 2011; 29(18): 2493-8. 3. Kantarjian H. Inotuzumab ozogamicin, an anti-CD22-calecheamicin conjugate, for refractory and relapsed acute lymphocytic leukaemia: a phase 2 study. Lancet Oncol. 2012; 13(4): 403-11.

■ Références

Figure 1 : Blinatumomab, anticorps bispécifique de

type Bite

Ces résultats de phase II sont prometteurs et intéressants, d’une part par le bénéfice qu’ils donnent potentiellement chez des patients en rechute ou réfractaires, mais surtout pour intervenir précocement chez des patients mauvais répondeurs.Dans l’étude blinitunomab, les taux de réponse clinique sont importants, mais les taux de réponse moléculaires (MRD) sont tout aussi impressionnants.L’impact pronostique de la maladie résiduelle dans la LAL est majeur, et l’utilisation de l’outil MrD permet clairement d’identifier les patients mauvais répondeurs. La possibilité d’intervenir précocement avec de nouveaux médicaments ciblés, pour diminuer rapidement la masse tumorale (MRD) permet d’espérer encore une amélioration du pronostic dans ces maladies.Les anticorps monoclonaux, après nous avoir permis de mieux comprendre la physiopathologie de ces maladies (démembrement des LAL B/T et leur stade de différenciation), sont aujourd’hui des armes thérapeutiques importantes permettant de cibler la population tumorale et, via des constructions ingénieuses, de neutraliser la population tumorale.

■ Le point de vue de l’expert

Emmanuel RAFFOUX Hématologue, PH,Hôpital Saint-Louis, Paris.

Expertise :Leucémie aiguë de l’adulte.

[email protected]

(A) Anti-CD19 Antibody (B) Apoptotic Cell deathProliferation

BITE® MT103

Activation

Anti-CD3 Antibody Redirected Cell LysisB Cell Cytotoxic T Cell

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Zoom congrès ■ EHA 2012

Avancées sur l’aplasie médullaire

Communication sur la physiopathologie de l’aplasie de Fanconi

Chez les Fanconi (F), lors de l’hématopoïèse fœtale hépatique, une augmentation de l’expression de p21 liée au stress réplicatif a été constatée induisant une atteinte du pool de cellules souches hématopoïétiques (CSH).L’équipe montre que les CD34+ de F ont une activité clonogénique moindre que les témoins, même chez les jeunes patients F non en aplasie. (1)

Après la naissance, le stress cellulaire et les anomalies constitutionnelles de réparation de l’ADN entraînent une augmentation de l’expression de p53/ p21 condui-sant à un arrêt du cycle cellulaire en G0/G1 avec une diminution majorée du pool de CSH (apparition de la

défaillance médullaire, figure 1). En effet, chez les F, un shRNA inhibant l’expression de p53 ou de p21 restaure la clonogénicité. Dans un modèle humain de F conçu en inhibant l’expression de FANCD2 par un lentivirus dans des CD34+ de cordons puis xénogreffé à une souris NSG, l’inhibition de p53 par shRNA améliore la prise de greffe.Ceci pourrait aussi expliquer les anomalies de l’héma-topoïèse observées dans d’autres pathologies (anémies de Blackfan-Diamond et Dyskératoses congénitales).

Autogreffe de sang placentaire

Un poster sud-coréen relance la polémique sur les banques privées de sang placentaire (SP). (2) Ils ont autogreffé 2 enfants atteints d’aplasie médullaire sévère idiopathique (AMSI) avec leur propre sang placentaire. 6 ans après, ces enfants sont toujours en rémission hématologique. Ces cas remettent en question la physiopathologie de l’AMSI en plaidant ici plus pour une défaillance du système immunitaire que pour une anomalie intrinsèque de la cellule souche hématopoïétique (CSH). D’autre part, ils interrogent sur l’intérêt des banques privées de SP puisque la probabilité d’utilisation auto-logue est de moins de 1 enfant sur 50 000. Ceux-ci soulèvent aussi des considérations éthiques liées à une sollicitation des parents par ces banques lors d’une vulnérabilité émotionnelle (naissance de leur enfant), avec un risque d’inégalité d’accès aux CSH (différence économique). En effet, le but des banques de SP publiques est d’élargir l’éventail des typages HLA rares parmi les donneurs volontaires.

Gabrielle ROTH-GUEPIN Interne en hématologie clinique, [email protected]

■ Auteur

1. Ceccaldi et al. Bone marrow failure in Fanconi anemia is triggered by an exacerbated P53/P21 damage response that impairs hematopoietic stem cells (communi-

cation orale 00570).

2. Park et al . The successful transplantation of severe aplastic anemia with autologous cord blood (poster P1001).

■ Références

• Bien que l’anémie de F soit la plus fréquente cause héréditaire de défaillance médullaire, la physiopathologie reste obscure. Ces travaux ouvrent des pistes intéressantes dans la prise en charge de ces patients. En effet, la limitation du stress oxydatif (amélioration de la détoxification des aldéhydes liés au métabolisme cellulaire) et l’inhibition de p53 (sans majorer le risque d’anomalies clonales et donc de leucémies et/ou myélodysplasies) permettraient de diminuer la défaillance médullaire à terme.Si une thérapie génique est envisagée, le traitement devra être initié au plus vite, avant l’apparition de la défaillance médullaire, les anomalies hématopoïétiques étant présentes dès la naissance. Enfin, il parait intéressant de cibler les voies de réparation de l’ADN pour les myélodysplasies dans les F et en général.

• Les indications d’autogreffe de SP sont très rares en pédiatrie (100 réalisées) contrairement aux allogreffes de SP dont les indications sont variées en l’absence de donneur volontaire (hémopathies malignes, déficits immunitaires…). Ces autogreffes soulèvent plusieurs polémiques (sociales, éthiques, morales et économiques) du fait des différences d’accès aux banques privées. Elles pourraient être envisagées dans l’AMSI après réalisation d’un traitement immunosuppresseur afin de limiter les complications post greffe (maladie du greffon contre l’hôte) mais la physiopathologie de l’AMSI reste à confirmer afin d’assurer le bénéfice de ces greffes au long court.

■ Le point de vue de l’expert

élodie COLOMB Hématologue, Chef de clinique.

Expertise :Hématologie pédiatrique, service de transplantation médullaire, CHu Nancy.

[email protected]

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Figure 1 : Modèle de défaillance médullaire dans l’aplasie de Fanconi Foie fœtal

Diminution de l’expansion du pool de CSH

Stress réplicatif pendant l’expansion des CSH

Stress cellulaire et atteinte de l’ADN

(TNFα, ROS, ICL...)

Enfance

Défaillance médullaire

Faible pool CSHNaissance

Début de la vie

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