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Hommage de la Société Française d’Immunologie, à son Président ... Maxime SELIGMANN 1927 - 2010

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Hommage de la Société Française d’Immunologie,

à son Président ...

Maxime SELIGMANN1927 - 2010

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Le Président de La sFi

Maxime SELIGMANN fut élu Président de la SFI le 31 mai 1985, succédant à

André CAPRON

A ses cotés furent élus aux Conseils d’Administration :

Le 8 avril 1988 Michel FOUGEREAU lui succéda à la Présidence de la SFI

P. Bardos

M.C. Béné

J. Clot

A. Cambron-Thomsen

P. Debré

L. Degos

J.F. Delfraissy

A. Fisher

M. Fougereau

B. Genetet

S. Hauptmann

J. Kanelopoulos

M. Kazatchkine

N. Le Douarin

G. Hauptmann

P Lagrange

P. Pery

M. Pierres

C. Rabourdin-Combe

C. Sautès

C. Stiffel

T. Ternynck

T. Tursz

F. Tron

JL Virelizier

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LES PRESIDENTS DE LA SOCIETE FRANCAIS D’IMMUNOLOGIE

De gauche à droite : André CAPRON, Maxime SELIGMANN, Michel FOUGEREAU, Alain BUSSARD, Guy VOISIN et Jean DAUSSET

25e anniversaire de la SFI (1991)

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MaxiMe seLigMann

Maxime Seligmann est né le 14 mars 1927 à Paris. Il commence ses études à Paris au lycée Janson-de-Sailly puis doit les

poursuivre à Orléans puis, en zone libre, à Aix-en-Provence et à Grenoble. Il entre dans un réseau de résistance en 1943. Il est

reçu au baccalauréat de mathématiques élémentaires en 1944. Dispensé de service militaire en raison de son activité dans

la Résistance, il mène ses études supérieures à la faculté de médecine Paris.

Interne des hôpitaux de Paris (1951-1955).

Docteur en médecine (1955).

Maxime Seligmann entre au CNRS en qualité de chercheur en immunologie à l’Institut Pasteur dans le laboratoire de Pierre Grabar.

En 1957, il est assistant du Professeur Jean Bernard à l’hôpital Saint-Louis.

En 1961, il est nommé professeur agrégé et commence un triple carrière de médecin, enseignant et chercheur : directeur du

laboratoire d’immunologie de l’Institut de recherches sur les maladies du sang puis de l’UER d’hématologie de l’université

Paris VII (1961-1973) ; médecin chef de service à l’hôpital Saint-Louis (1963-1993) ; professeur d’immunologie à la

faculté de médecine de Lariboisière-Saint Louis (1971) ; directeur de l’unité de recherche Inserm 108 « Immunochimie et

immunopathologie » (1974 -1981, 1983 -1987). Jean-Claude Brouet lui succèdera.

Il a pris sa retraite pour ses activités de recherche à l’Inserm, au CNRS et à l’université Paris VII en 1988, pour sa fonction

hospitalière à l’hôpital Saint-Louis en 1993 et pour ses fonctions universitaires à Paris VII en 1996.

Professeur émérite de l’université Paris VII (1996).

Maxime Seligmann est décédé le 26 avril 2010 à Paris.

Instances scientifiques et d’administration de la rechercheMembre (1964-1967), puis président » (1968-1974) de la commission scientifique spécialisée (CSS) de l’Inserm « Génétique,

immunologie et pathologie moléculaire », président de la CSS « Biologie et pathologie moléculaire générale, immunologie

générale, génétique, virologie générale, bactériologie, parasitologie » (1979-1982).

Membre du comité consultatif des universités (1973-1975), président de la sous-section d’immunologie (1978-1982 et

1987-1995).

Chargé de mission auprès du ministre dans le cabinet d’Alain Savary, ministre de l’Education nationale (1981-1983).

Président de diverses commissions et conseils scientifiques français et internationaux de soins et recherches sur le sida et

sur les essais thérapeutiques dans le sida.

Président du conseil scientifique de l’Anrs (1989-1993) et du réseau européen des essais thérapeutiques dans l’infection par le VIH

(1996). Il conçoit et coordonne le premier réseau franco-britannique Concorde sur l’utilisation précoce de l’AZT en ce domaine.

Expert auprès de l’OMS et de l’Agence du médicament.

Membre de l’Organisation européenne de biologie moléculaire (EMBO).

Membre du comité consultatif national d’éthique en sciences de la vie et de la santé (2001).

Sociétés savantes - AcadémiesPrésident de la Société française d’immunologie (1984-1988) et du Comité international d’immunologie clinique (1987).

Membre de l’Organisation européenne de biologie moléculaire (EMBO).

Membre d’honneur de l’American Association of Physicians et du Royal College of Pathologists.

Distinctions – PrixOfficier dans l’ordre de la Légion d’honneur.

Croix de Guerre 1939-1945.

Commandeur dans l’Ordre national du mérite.

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Travaux scientifiquesLes travaux de Maxime Seligmann ont porté sur l’immunologie

humaine et l’immunopathologie, avec un aller-retour

constant entre le laboratoire et le service clinique.

Maxime Seligmann et ses collaborateurs ont travaillé

sur plusieurs thématiques, notamment celles des

immunoglobulines monoclonales humaines et des syndromes

immunoprolifératifs. Ils ont fait la première description de la

maladie des chaînes et caractérisé, sur les plans moléculaire

et génomique, la protéine pathologique. Ils ont déterminé

l’histoire naturelle de la maladie, qui constitue un modèle

essentiel pour comprendre la pathogénie des lymphomes. Ils

ont réalisé des études clinique, immunologique et génomique

des maladies des chaînes lourdes, et , des études cliniques sur

la macroglobulinémie de Waldenström, avec démonstration

d’une prédisposition génétique. Ils ont caractérisé des

produits de dégradation enzymatique de l’immunoglobuline

M (IgM) menant à un modèle structural de la molécule

d’IgM. Ils ont caractérisé les déterminants idiotypiques et les

antigènes conformationnels des protéines myélomateuses,

ainsi que leurs activités auto-anticorps.

Dans le domaine des marqueurs de membranes des cellules

leucémiques et lymphomateuses, Maxime Seligmann et

ses collaborateurs ont fait la première démonstration de

l’importance des immunoglobulines de membrane pour

classifier et comprendre les maladies lymphoprolifératives :

macroglobulinémie de Waldenström, leucémies lymphoïdes

chroniques, correspondant habituellement à une prolifération

monoclonale de lymphocytes B dont la différentiation est

bloquée. Ils ont décrit certaines leucémies lymphoïdes

chroniques représentant une prolifération de lymphocytes T

et démontré en premier la nature T du syndrome de Sezary.

Ils ont caractérisé la leucémie aiguë lymphoblastique de type

pré-B, établi une nouvelle classification immunologique des

lymphomes non-hodgkiniens et décrit diverses activités

anticorps des immunoglobulines monoclonales de membrane.

Maxime Seligmann a également travaillé sur le thème de

l’auto-immunité et décrit pour la première fois les anticorps

anti-DNA du lupus érythématéux disséminé. Il a donné

une signification clinique des diverses variétés d’anticorps

antinucléaires et élaboré de nouveaux concepts sur l’origine

et la nature des auto-anticorps.

L’équipe de Maxime Seligmann a démontré que le fibrinogène

humain était un constituant majeur des plaquettes et

caractérisé ses produits de dégradation par la plasmine.

Dans le domaine des déficits immunitaires primitifs, Maxime

Seligmann et ses collaborateurs ont établi des classifications

successives de ces maladies, en particulier dans le cadre de

l’OMS. Ils ont Identifié un nouveau syndrome caractérisé,

chez des malades avec infections opportunistes, par une

profonde dépression des lymphocytes T CD4, en l’absence

de toute infection par le VIH.

Enfin, dans le champ du sida, Maxime Seligmann a démontré

la présence d’auto-anticorps et d’immunoglobulines

oligoclonales chez les malades infectés par le VIH et montré

l’efficacité d’un traitement par la zidovudine. Il a conçu et

coordonné le premier réseau franco-britannique Concorde

sur l’utilisation précoce de l’AZT/zidovudine.

Maxime Seligmann : Six grands axes de rechercheLes travaux de Maxime Seligmann sur l’immunologie

humaine et l’immunopathologie se sont déclinés selon six

grands axes de recherche.

1) Immunoglobulines monoclonales humaines et syndromes

immunoprolifératifs

Première description de la maladie des chaînes :

caractérisation moléculaire et génomique de la protéine

pathologique et étude de l’histoire naturelle de la maladie,

qui constitue un modèle essentiel pour comprendre la

pathogénie des lymphomes.

Etudes clinique, immunologique et génomique des maladies

des chaînes lourdes, et

Etudes cliniques sur la macroglobulinémie de Waldenström,

avec démonstration d’une prédisposition génétique.

Caractérisation des produits de dégradation enzymatique de

l’IgM menant à un modèle structural de la molécule d’IgM.

Etudes sur les protéines myélomateuses : déterminants

idiotypiques et antigènes conformationnels ; caractérisation

de plusieurs nouvelles activités auto-anticorps.

Etudes sur le traitement des myélomes graves par forte

chimiothérapie et greffe autologue de cellules souches sanguines.

Etude des cryoglobulines, avec première démonstration de

leur classification immunochimique et de ses corrélations

avec les manifestations cliniques.

Description d’un nouveau syndrome, caractérisé par le dépôt

rénal de chaînes d’immunoglobulines.

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2) Marqueurs de membranes des cellules leucémiques et lymphomateuses

Première démonstration de l’importance des Immunoglobulines de membrane pour classifier et comprendre les maladies

lymphoprolifératives : macroglobulinémie de Waldenström, leucémies lymphoïdes chroniques, correspondant habituellement

à une prolifération monoclonale de lymphocytes B dont la différentiation est bloquée.

Description de certaines leucémies lymphoïdes chroniques, représentant une prolifération de lymphocytes T, et première

démonstration de la nature T du syndrome de Sezary.

Première caractérisation de la leucémie aiguë lymphoblastique de type pré-B.

Nouvelle classification immunologique des lymphomes non hodgkiniens.

Première description de diverses activités anticorps des immunoglobulines monoclonales de membrane.

3) Auto-immunité

Première description des anticorps anti-ADN du lupus érythémateux disséminé ; signification clinique des diverses variétés

d’anticorps antinucléaires.

Caractérisation d’anticorps antinucléaires spécifiques pour la lamine et démonstration d’auto-anticorps antivimentine.

Etude des auto-anticorps associés à des IgM monoclonales, avec neuropathie périphérique.

Elaboration de nouveaux concepts sur l’origine et la nature des auto-anticorps.

4) Fibrinogène humain

Première démonstration par immunochimie que le fibrinogène est un constituant majeur des plaquettes.

Première caractérisation des produits de dégradation du fibrinogène par la plasmine.

5) Déficits immunitaires primitifs

Classifications successives de ces maladies, en particulier dans le cadre de l’OMS.

Démonstration d’anticorps lympho-cytotoxiques anti-B dans certaines hypo-gammaglobulinémies.

Description de modifications spontanées des immunoglobulines dans les déficits « communs variables ».

Identification d’un nouveau syndrome caractérisé, chez des malades avec infections opportunistes, d’une profonde dépression

des lymphocytes T CD4, en l’absence de toute infection par le VIH.

6) VIH - Sida

Etudes immunologiques, démonstration d’auto-anticorps et d’immunoglobulines oligoclonales.

Etudes des thrombopénies : caractéristiques immunologiques, première démonstration de l’efficacité d’un traitement par la

zidovudine et études sur l’effet de la splénectomie.

Conception et coordination du premier essai clinique franco-britannique Concorde, sur les effets de la zidovudine dans

l’infection par le VIH.

Coordination de multiples essais thérapeutiques majeurs français et européens.

Reproduit avec la permission de Mme Susy Mouchet et Hélène Chambefort

Archives Inserm : http://infodoc.inserm.fr/histoire

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Reproduit avec la permission de Science

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MaxiMe seLigMann et L’inFection au ViH

« 1983 – 1994 : La migration d’un médecin chercheur spécialiste

des immunoglobulines vers la médecine translationnelle et les

essais thérapeutiques internationaux. »

Pour un chercheur aussi curieux, ouvert et rigoureux

que Maxime Séligmann, l’émergence en 1981 d’un déficit

immunitaire acquis, dont l’agent étiologique sera identifié

sous la forme d’un unique et nouveau retrovirus humain,

ne pouvait que l’entraîner dans une nouvelle aventure

intellectuelle et humaine. Pour ce médecin qui faisait

quotidiennement l’aller et retour entre la recherche et la

clinique, entre la paillasse et le lit du malade, comment ne pas

être parmi les tout premiers à s’engager dans ce processus,

dont le rythme rapide était d’emblée donné par le délai

incroyablement court, tout juste 2 ans, entre l’identification

clinique du SIDA et celle de son agent causal, le VIH, par

l’équipe de l’Institut Pasteur.

En 1984, quelques mois après l’identification du VIH, Maxime

Séligmann réévaluait déjà l’immunologie du SIDA dans un

article du NEJM co-signé avec les membres d’un groupe

de travail du Comité d’Immunologie Clinique de l’Union

Internationale des Sociétés d’Immunologie dont il était

le président à l’OMS. Cette mise en perspective identifiait

des pistes de recherche fondamentale, parmi lesquelles

la recherche des facteurs, y compris immunogénétiques,

de sensibilité et de résistance à l’infection, ou l’étude des

relations virus-hôte et de l’évasion immune du virus qui se

sont avérées très fructueuses et qui auraient justifié qu’il

s’y engage personnellement comme chercheur. Mais il y

avait aussi dans cette réévaluation le constat de la portée

limitée de tous les traitements empiriques tentés jusque

là et de la nécessité du développement d’un traitement

rationnel reposant sur une compréhension plus précise des

déterminants de la maladie.

Si Maxime Séligmann et son équipe identifiaient dès 1987

dans un essai non randomisé de la zidovudine (AZT) le

rôle du VIH dans la thrombopénie caractéristique de cette

infection, ce n’est qu’en 1988 avec l’essai Concorde (ANRS

002) qu’il franchissait véritablement le pas de la recherche

clinique et qu’il abordait un domaine nouveau pour lui : celui

de l’essai randomisé muticentrique de phase 3, c’est-à-dire

de grande envergure.

L’autorisation de mise sur le marché de la zidovudine en

1987 pour le traitement des patients à un stade SIDA, au

terme d’un des développements les plus courts, précipité

dirent certains, de l’histoire moderne des médicaments, a

rapidement montré les limites d’un tel traitement donné

tardivement. Une utilisation plus précoce de cet antiviral

dans la phase asymptomatique de l’infection pouvait elle

ralentir l’évolution vers le SIDA et prolonger la survie des

patients dans des proportions plus convaincantes que

dans la phase des complications cliniques. En France, dans

le groupe de travail sur le traitement de l’infection à VIH

mis en place par l’Inserm, groupe qui deviendra l’action

coordonnée n°5 de l’ANRS et qui réunissait notamment

Daniel Schwartz, Jean Dormont, Jean-Louis Vildé, Evelyne

Eschwège, Jean-Paul Aboulker, Françoise Brun-Vézinet,

Maxime Séligmann se fait le plus ardent défenseur d’un

essai de la zidovudine dans cette indication. Aux USA, les

ACTG du NIAID mettaient en place l’essai ACTG 019 sur

ce même objectif. Le projet du groupe français présidé

et animé par Maxime Séligmann se heurta à celui du

laboratoire Wellcome, détenteur de l’autorisation de mise

sur le marché de la zidovudine, consistant à mener en

Europe et en Australie un essai de firme pour enregistrer la

zidovudine dans la phase asymptomatique de l’infection.

Il aura fallu toute la notoriété internationale de Maxime

Séligmann et ses liens académiques pour découvrir que le

MRC britannique (Richard Peto) préparait de son côté le même

essai que celui du groupe français et le rallier, dans une entente

cordiale, à un essai franco-britannique, l’essai Concorde.

La détermination de Maxime Séligmann et les liens du MRC

avec Wellcome auront été décisifs pour obtenir l’accord et

la coopération de cette firme pour la réalisation d’un essai

académique avec le premier et seul antiviral alors disponible

dans un domaine par ailleurs extrêmement sensible.

L’essai Concorde, lancé fin 1988, permettait pour la première

fois de structurer un réseau de recherche pour les essais

cliniques dans le VIH en France et en Grande-Bretagne.

L’autorité scientifique internationale de Maxime Séligmann

et son indépendance intellectuelle serviront l’essai Concorde

en de multiples occasions, notamment pour en défendre la

poursuite en 1989 au moment de l’arrêt prématuré sur

résultats positifs de l’essai américain ACTG 019 conduisant

à des recommandations de traitement aux USA que les pays

européens purent nuancer dans l’attente qu’ils étaient du

résultat de l’essai mené sous l’égide de l’ANRS et du MRC.

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Initialement fort d’une quarantaine de sites hospitaliers dans chaque pays pour l’essai Concorde, le réseau s’agrandit très

rapidement dès l’année suivante avec l’intégration de nouveaux centres en France (mis en place par l’ANRS) et en GB dans

l’essai Alpha de la didanosine(ANRS 006), puis en 1992 avec l’élargissement à de nouveaux pays européens et l’Australie à

l’occasion de l’essai Delta (ANRS 017).

En 1990, la conception et la mise en œuvre d’essais de combinaisons d’antirétroviraux se heurta en Europe à la difficulté

d’obtenir dans le même projet le partenariat de plusieurs firmes pharmaceutiques aux intérêts commerciaux divergents.

Dans le cadre de l’essai Delta évaluant la combinaison de deux molécules, il aura fallu près de 18 mois de négociations avec

les 3 firmes pharmaceutiques concernées, menées pour le comité de coordination franco-britannique par Maxime Séligmann

avec une volonté inflexible, et une mobilisation du mouvement associatif et de l’opinion publique, pour que celles-ci finissent

par accepter de collaborer dans le premier essai d’envergure de combinaisons d’antirétroviraux, l’essai Delta (ANRS 017).

Après 9 ans de marasme thérapeutique dans les essais d’antirétroviraux (1986–1995), l’essai Delta et son homologue

américain, l’ACTG 175, montraient, pour la première fois depuis l’essai initial de la zidovudine dans les phases avancées de

l’infection à VIH, une amélioration de la survie des patients. Si d’autres essais de combinaisons antivirales confirmèrent dans

les mois et années qui suivirent Delta, la supériorité et la nécessité d’une telle approche, l’essai Delta aura constitué une

étape essentielle et irréversible dans la validation du concept de multithérapie.

Muni, grâce aux essais menés sous l’égide du couple ANRS/MRC, d’un réseau de recherche clinique compétent et compétitif

dans le VIH, la France se trouva dans une situation favorable pour mener des essais VIH innovants. Maxime Séligmann, qui

anima pendant des années la réflexion scientifique à l’Action Coordonnée 5 (AC5) de l’ANRS et dans son groupe d’immunologie

qu’il présidait, joua un rôle décisif dans l’initiation des essais de l’IL-2 de l’Agence dont il suivit attentivement les résultats.

Bien que concentrée sur la conception et la conduite de ces grands essais cliniques internationaux dans un réseau européen

dont il était un bâtisseur essentiel, l’activité scientifique de Maxime Séligmann dans le VIH a largement débordé ce cadre

avec sa participation aux instances de l’ANRS (Conseil Scientifique, Action Coordonnée 5 (Essais thérapeutiques), Comité

d’Evaluation Scientifique en recherche clinique (CSS3).

Sa rigueur légendaire, sa vision européenne et internationale ont largement contribué à la formation de nombreux leaders

français actuels et à la visibilité de la Communauté française au niveau international dans le domaine du VIH-SIDA.

Jean François Delfraissy, Jean-Pierre Aboulker le Kremlin-Bicêtre, Villejuif, 11 novembre 2010

gitanes et LaVande ...

Comme pour beaucoup de jeunes chercheurs de la fin des années 1970, nos premiers contacts avec l’immunologie eurent

lieu dans le clair obscur du bureau de Maxime Seligmann au Centre Hayem puis au troisième étage du bâtiment Inserm de

l’Hôpital Saint Louis. Nos premières sensations sont olfactives, mêlant la fumée des gitanes sans filtre et une entêtante odeur

d’alcoolat de lavande. Au milieu d’un désordre indescriptible le Professeur apparaît, sévère et impressionnant. A plusieurs

reprises des appels téléphoniques vont interrompre l’entretien. L’étudiant devine aisément les scientifiques de renom dont

les travaux ont nourri ses cours et qui, par Maxime Seligmann interposé, passent du mythe à la réalité.

Le Professeur tient d’abord un discours sans complaisance, pointant les exigences d’une carrière dans la recherche, les

contraintes qu’il faudra accepter, y compris au niveau familial, l’importance de l’investissement nécessaire. Il prévient ensuite :

à l’hôpital Saint Louis, les conditions d’accueil du jeune chercheur dans les laboratoires sont dures. Il devra compter sur lui

avant tout. Rétrospectivement, pensant à la valeur de l’encadrement fourni par Jean Louis Preud’homme, Jean Claude Brouet

et toutes les équipes de l’hôpital Saint Louis et à la qualité de l’organisation des laboratoires on ne peut que s’interroger sur

la nature de ces propos : modestie ou ruse pour sonder les motivations de l’impétrant …

Puis, Maxime Seligmann expose avec conviction les lignes directrices des recherches menées dans son laboratoire et de façon

générale sur le site : les méthodes, les buts…, étourdissant définitivement le jeune étudiant déjà passablement déstabilisé.

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Heureusement, à l’issue de l’entretien Marie Thérèse la secrétaire

du l’unité Inserm et Thérèse Jond la secrétaire de l’enseignement

sont là pour apaiser les doutes et les appréhensions. Quelques

minutes permettent d’apprécier les qualités humaines qui

caractérisent l’ensemble des collaborateurs que Maxime

Seligmann a su réunir autour de lui.

Viennent ensuite les premiers jours de travail à l’hôpital

Saint Louis. Très vite apparaît une caractéristique rare

à cette époque : une véritable possibilité de recherche

translationnelle. Les problèmes posés par les malades

sont clairement identifiés, les méthodes pour les aborder

définies avec précision. Les avancées sans complaisance.

Les discussions au sein de son laboratoire ou au cours de

« son » enseignement (DERBH) au sous-sol du bâtiment

Inserm étaient permanentes, parfois vives mais toujours

intéressantes ; Maxime Seligmann y tenait sa place, souvent

ironique, parfois même mordant, mais sachant toujours

reconnaître la valeur du raisonnement.

Le prestige international de Maxime Seligmann était grand. Il savait

aussi en faire bénéficier, lors des rencontres et des séminaires qu’il

organisait, l’ensemble des chercheurs qui le côtoyaient.

Parmi ses élèves, nombreux en France mais aussi à l’étranger,

sont ceux qui ont participé de manière significative aux

avancées de l’immunologie moderne et à sa reconnaissance

en tant que discipline majeure. Il a marqué notre génération

nous lui devons beaucoup.

Paul Guglielmi,

Armand Bensussan Paris, 19 octobre 2010

MaxiMe seLigMann : queLques souVenirs de sa «FiLLeuLe»

J’ai connu Maxime Seligmann au Centre Hayem, à l’hôpital

Saint Louis lorsque je faisais ma thèse sous la direction de

François Kourilsky. Sa grande silhouette blanche à lunettes

sombres et sa voix rauque hantaient les couloirs jusqu’à

une heure tardive de la soirée. Il aimait alors vous arrêter

et vous entraîner dans de longues discussions de politique

scientifique. Son apport a été majeur pour notre discipline.

C’est grâce à lui qu’une filière « Immunologie » a été créée en

faculté de médecine.

Lorsque je fus recrutée « attachée de recherche » (aujourd’hui

CR2) à l’Inserm il devint mon « parrain » et suivit toute ma

carrière de sa position de membre puis de président de

commission Inserm. Gravir les échelons de la carrière Inserm

n’était pas toujours facile, la compétition était rude. Il prenait

plaisir à me taquiner et à me pousser à m’opposer à mon

rival le plus proche lorsqu’il n’y avait qu’un ou deux postes

pour toute l’immunologie ! … Il me demanda de rejoindre le

conseil d’administration de la SFI lorsqu’il devint président

en 1985 pour y exercer les fonctions de vice-présidente. Nous

avons mis ensemble sur pied le premier congrès conjoint

des Sociétés Britanniques et Françaises d’Immunologie en

avril 1988 qui fut un grand succès : pour la première fois un

congrès annuel a réuni 1500 participants !!

J’ai également connu Maxime Seligmann au comité de

direction du DEA d’immunologie Approfondie, auquel

participaient notamment Donny Strosberg et son fondateur

Pierre André Cazenave. Maxime Seligmann défendait l’idée

que la formation des étudiants en médecine à la recherche

devait s’effectuer comme celle des scientifiques, avec

eux et être évaluée de la même façon. Il a fallu apprendre

à nous connaître, trouver un dialogue commun entre les

immunologistes scientifiques et médicaux, « ajuster »

les calendriers universitaires afin de tenir compte des

impératifs du cursus médical. Ces séances de travail étaient

toujours très animées. En effet, c’est grâce à cette équipe que

cette formation qui a ensuite intégré le DEA dirigé par Jean-

François Bach est une formation mixte science-médecine très

prisée par les étudiants. L’ensemble est devenu aujourd’hui

le M2 d’immunologie des universités de Paris 5, 6 et 7 qui

accueille chaque année une cinquantaine d’étudiants.

Enfin, il est essentiel de parler de la carrière scientifique

de Maxime Seligmann, de ses découvertes basées sur une

analyse originale et rigoureuse dont le point de départ

était toujours l’observation médicale, qu’il s’agisse de la

maladie des chaînes lourdes ou de la macroglobulinémie

de Waldenström. Je pense qu’il représente l’immunologiste

clinicien par excellence et qu’il a porté cette discipline au

premier rang international.

Catherine Fridman Paris, 8 décembre 2010

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Extrait du bulletin N°46b de la SFI - Juin 1988

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MaxiMe seLigMann

Dans les années 60-70 travailler dans le service d’hématologie

de l’hôpital Saint Louis était une tâche passionnante, mais

difficile. De nombreuses personnalités s’opposaient au sein

du service que dirigeait le Pr Jean Bernard. J’y fus deux fois

interne, puis chef de clinique dans la salle Hayem. Le Pr

Maxime Seligman était l’adjoint de ce secteur dont le véritable

maître d’œuvre était le docteur Jacques Chassigneux. Les

discussions des principaux problèmes avaient lieu le samedi

matin dans la bibliothèque, réunissant, avec un cérémonial

immuable, l’ensemble des médecins du service d’hématologie.

L’interne lisait un dossier et Jean Bernard dirigeait les débats.

Le Pr Seligman siégeait à côté du Pr J Bernard, tous deux en

blouse avec le tablier de rigueur à cette époque. MS, comme

on l’appelait, intervenait surtout dans les observations de

myélome, de maladies infantiles, car il avait une formation

de pédiatre et dans celles de maladies auto immunes, après

sa remarquable découverte des anticorps antiDNA.

Les liens des cliniciens avec les chercheurs de son

laboratoire étaient très étroits. MS dirigeait, au 2e étage du

centre Hayem, une équipe très performante avec Françoise

Danon, Arlette Cannat, Daniel Hurez, bientôt rejoints par

d’autres. Chaque semaine une réunion de travail, souvent

difficile à suivre, réunissait les membres de l’équipe :

l’interprétation des tracés d’immunoélectrophorèse, les

hypothèses physiopathologiques y tenaient une grande

place. MS incarnait au mieux la possibilité d’être à la fois

un médecin et un chercheur. C’est ce qui a permis, dans les

années 70-80, l’étude de la maladie de Waldenström, des

immunoglobulines monoclonales en dehors de la maladie

de Kahler, des maladies associées à la présence d’une

immunoglobuline monoclonale : affections cutanées, maladie

des dépôts, neuropathies périphériques (associées aux Ig M

ou au cours du POEMS), cryoglobulines, et avec l’équipe du

Pr Rambaud de la maladie des chaînes alpha.

Durant toutes ces années, il travaillait avec de nombreux

collègues étrangers comme S Salmon pour le myélome ou B

Benacerraf… Je me souviens avoir assisté dans son bureau

à des discussions avec F Rappaport, un célèbre anatomo-

pathologiste à propos de la lymphadénopathie angio

immunoblastique, avec H Kunkel, DT Purtilo ou d’autres.…

Les recherches s’orientèrent ensuite vers les marqueurs

de membrane ce qui permit le démembrement des

hémopathies lymphoides ; cependant, qu’il continuait à

HoMMage à MaxiMe seLigMann

D’autres décriront mieux que moi l’importance des

contributions scientifiques de Maxime SELIGMANN

notamment dans les domaines de l’autoimmunité, de

l’identification de syndromes lymphoprolifératifs ou

encore de la recherche thérapeutique à l’égard du virus de

l’immunodéficience humaine. Ils pourront aussi évoquer

le rôle de Maxime SELIGMANN dans les activités d’intérêt

général à l’Agence Nationale de Recherche sur le SIDA

ou comme Conseiller auprès du Ministre de l’Education

Nationale au début des années 1980. Chacun mentionnera

sa grande intelligence, le fait que Maxime SELIGMANN

fut un brillant débateur ; nous retiendrons tous qu’il a été

l’instigateur principal du développement de l’immunologie

clinique en France.

Je voudrais rappeler quelques souvenirs personnels de mon

contact avec Maxime SELIGMANN. Je fus interne dans son

service en 1979, ce service d’Immunopathologie, salle Lugol

à l’Hôpital Saint-Louis était « la Mecque « de l’immunologie

clinique. Entouré de médecins remarquables : Jean-Claude

BROUET, Jean-Pierre CLAUVEL et d’un chercheur hors du

commun Jean-Louis PREUD’HOMME, Maxime SELIGMANN

avait privilégié l’alliance d’une médecine de soins de

haut niveau à une approche scientifique de ces questions

médicales. Cette démarche était fort innovante à la fin des

années 1970 et tranchait avec des pratiques encore trop

répandues dans un grand nombre de services hospitaliers.

diriger la consultation d’hématologie et d’immunologie.

Une consultation là aussi multidisciplinaire, enrichie par les

apports d’une rhumatologue et d’un dermatologue. Il eut

beaucoup de difficultés à obtenir un service hospitalier à la

mesure de ses compétences ; longtemps il fallut se contenter

d’une petite salle de 16 lits avant d’obtenir un véritable

service dans le nouveau St Louis.

Les dernières années d’activité furent surtout consacrées

au SIDA : étude détaillée des thrombopénies avec E

Oksenhendler, essai concorde et aux questions éthiques.

Jean-Pierre Clauvel Paris, le 10 novembre 2010

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14

Chaque consultation, chaque « staff » étaient le lieu de discussions stimulantes. Maxime SELIGMANN pouvait y apparaître comme

un personnage redoutable parfois déroutant et provocateur maniant une ironie mordante dont on peut soupçonner qu’elle pouvait

cacher aussi quelque faiblesse. Le défi était de tenir tête, ce débat un vrai « pilpoul », un plaisir intellectuel mais surtout une

formidable école dont a bénéficié un très grand nombre de médecins universitaires aujourd’hui en charge de services hospitaliers

dans les domaines de l’immunologie et de l’hématologie, de la rhumatologie et de la médecine interne à Paris et en province. Nous

apprenions à confronter les idées, à savoir élaborer des questions sous le feu d’un raisonnement rigoureux.

J’ai eu la chance de poursuivre au décours de ces six mois d’internat, mes discussions avec Maxime SELIGMANN à l’occasion

de très nombreuses rencontres marquées de sa part par une attention amicale à mes propres travaux. Il su toujours être un

conseiller attentif, un soutien et se montrer volontiers généreux. Je pense que beaucoup d’entre nous gardons le souvenir de

la balance entre tutoiement et vouvoiement si significatif de Maxime. De Maxime SELIGMANN irriguait un irrespect salutaire

tant à l’égard de vérités scientifiques parfois mal établies, qu’à l’égard de positions de pouvoir pas forcément toujours

légitimes dans le milieu médical (et ailleurs). Même s’il lui arriva aussi d’être un homme de pouvoir, cette attitude lui coûta

aussi beaucoup.

Ces dernières années, j’ai eu la chance de siéger avec lui au sein du Comité Consultatif National d’Ethique où il apportait un

regard lucide et critique notamment sur l’amorce de la dérive à laquelle nous assistons aujourd’hui quant au rôle devenu

prédominant des données économiques et de la gestion comptable de l’Hôpital public. Il exerçait aussi une vigilance aiguë

à l’égard d’une certaine attitude de retrait de l’approche scientifique, socle indispensable à la réflexion sur les grandes

questions de la bioéthique. Je fus souvent impressionné par la finesse de ses analyses tant dans le jugement des hommes que

des organisations.

Maxime SELIGMANN fut un homme dévoué au service public. Il fut un des premiers à développer effectivement une vision

scientifique de la médecine, il fut un grand inspirateur pour un grand nombre de médecins et de chercheurs. Cet intellectuel

rigoureux était un homme courageux, il fut résistant à l’âge de 16 ans et il s’est toujours engagé pour ses convictions sans se

soucier des conséquences possibles pour sa carrière. Maxime SELIGMANN était un homme dur au mal, pudique et attachant.

Alain Fischer Paris, le 15 juillet 2010

Jeune interne

Jeune interne, j’entre dans le bureau de Maxime Seligmann. Je viens solliciter des conseils et possiblement un

semestre d’internat dans son service. Dans la pénombre, la silhouette derrière un bureau métallique débordant de chemises,

de revues, de courrier, de parapheurs, de téléphones, est impressionnante. Une odeur d’alcoolat de lavande « assistance

publique » flotte dans l’air. Très vite je suis entraîné dans l’aventure de la maladie des chaînes lourdes alpha qui est en train

de naître dans le laboratoire.

Sans tout comprendre, je saisis que l’idée est née d’une malade venue du Moyen-Orient, que l’immunochimie a rendu son

verdict, qu’il convient d’achever une démonstration rigoureuse, tout Seligmann est resumé en quelques instants… Je ressors

du bureau un peu éberlué, avec en guise de conseils un volume des « Annual rewiews of immunology » traitant de la génération

de la diversité des anticorps (en 1967…) et un autre sur le symposium Nobel d’immunopathologie. Comment imaginer que

les maladies des chaînes lourdes et la structure des anticorps allaient m’accompagner pendant plus de trente ans.

J’avais aussi acquis le privilège d’assister aux séances de discussion du laboratoire le lundi après-midi. Avec notamment F.

Danon, A. Cannat, D. Hurez, JL. Preud’homme et JP. Clauvel les dossiers de malades relevant de l’immunopathologie étaient

analysés. Progressivement je m’imprégnais d’une démarche clinique et biologique innovante à l’époque. Les anomalies

biologiques sous-tendant les maladies devaient être interprétés , leur signification dans la maladie décryptée ; l’intérêt de ces

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confrontations était de décider les analyses supplémentaires

qui pouvaient être réalisées dans le cadre de l’unité Inserm

108, de déduire si possible un traitement adapté. L’intuition, la

rigueur, le désir raisonné de comprendre qui caractérisaient

Maxime Seligmann faisaient merveille. L’atmosphère était

décontractée, toute idée bienvenue. J’ai autant appris en

quelques après-midi que durant tout mon internat.

Maxime Seligmann voyageait beaucoup, de

congrès en symposiums ; ces périodes d’échange lui étaient

indispensables intellectuellement. Il savait au mieux bonifier

les résultats obtenus dans son laboratoire, confronter

les données immunopathologiques et celles issues de

l’immunologie fondamentale, utiliser les maladies pour la

compréhension des processus de régulation immunologique.

Il était toujours à l’affût d’idées nouvelles, de réactifs

précieux. En 1970, de retour de Gênes dans le laboratoire

de B. Pernis, il lance JL. Preud’homme et son laboratoire sur

les immunoglobulines de membrane. Pernis imaginait les

retombées fondamentales de l’identification du récepteur

pour l’antigène des cellules B, Seligmann la caractérisation

des hémopathies lymphoïdes : origine B ou T, clonalité, stade

de différenciation, diversification intra clonale, précurseurs

etc... Il lança son équipe Inserm dans cette voie en définissant

les priorités, les étapes, aplanissant les obstacles, recrutant

les malades. Aux yeux de tous, il était le chef d’orchestre de

cette aventure.

Le nom de Seligmann reste attaché à la description

des maladies des chaîne lourdes. Elle associait l’intuition

clinique, les subtilités du diagnostic biologique avec la mise

au point de l’immuno-selection (toujours la technique de

référence), la mise en place avec C. et E. Mihaesco des moyens

nécessaires au séquençage de ces protéines anormales, la mise

en œuvre avec P. Guglielmi et A. Tsapis des ressources de la

biologie moléculaire. Seligmann gardait un domaine réservé,

celui de l’épidémiologie puisqu’il tenait à jour le registre des

centaines de cas de maladie des chaînes lourdes alpha dont le

sérum était adressé fréquemment à son laboratoire. Le rôle de

micro-organismes dans la genèse de cette maladie immuno-

proliférative de l’intestin lui parut évident et effectivement

les antibiotiques entraînent régression de l’infiltration

lympho-plasmocytaire et disparition de la protéine anormale

dans près de la moitié des cas. Cette implication de germes

intestinaux dans la maladie des chaînes lourdes alpha lui a

permis d’envisager que les parasites des régions tropicales

pourraient entraîner le développement de maladies des

chaînes lourdes mu. Effectivement deux cas furent observés

dès l’arrivée de J.Bonhomme dans son service d’hématologie

à Abidjan !

Maxime Seligmann a très tôt été chef de service à la

consultation d’hématologie de l’hôpital Saint Louis. À cette

époque, la consultation était quelque peu cour des miracles,

avec malades débarquant sans rendez vous, brancards dans

les couloirs, prélèvements incertains. Là encore, les talents

d’organisateur de Seligmann, son souhait d’un accueil plus

humain, des horaires respectés, la possibilité de traitements

externes ont rapidement amélioré le fonctionnement de cette

consultation. Les internes appréciaient les matinées passées

avec Seligmann ou chaque malade offrait la possibilité

de disserter sur l’immunologie. Avec ses collaborateurs

Seligmann était ouvert, critique, incisif, caustique, parfois

blessant, toujours indulgent s’il n’en pensait pas moins…

Seligmann était, on ne peut plus, attentif à son

service ; l’ouverture d’une salle dédiée pour la première fois à

l’immunopathologie fut la reconnaissance de ses efforts pour

individualiser cette discipline parmi les spécialités médicales.

Il était disponible pour ses surveillantes toujours soutenues

dans leurs démarches auprès de la direction de l’hôpital tant

pour les questions de personnel que d’infrastructure.

C’est fort logiquement que l’AP-HP fit appel à lui pour diriger

le CITRAS qui devait organiser la prise en charge de la

pathologie VIH à Paris.

Seligmann souhaitait et exigeait le meilleur

pour ses collaborateurs dont les derniers, JP. Fermand

et E. Oksenhendler sont aujourd’hui responsables du

département d’immunologie de l’hôpital Saint Louis. Il

veillait à leur proposer une double formation médicale et

scientifique. La création du DESC d’immunologie, décidée

alors qu’il était conseiller au ministère de l’Education

Nationale, fut l’occasion d’offrir à tous les jeunes médecins,

quelle que fut leur orientation médicale, une confrontation

avec les meilleurs immunologistes français. Nombreux sont

les médecins hospitaliers de Paris comme de province qui

gardent cette « empreinte » immunologique.

Jean-Claude Brouet Paris, le 7 septembre 2010

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C’est dans ces termes que Maxime Seligmann s’adressait en sa qualité de Président aux membres de la SFI dans le bulletin N°

39 de mai 1986. Succéder dans cette fonction à Jean Dausset – et son « trésor de guerre » acquis grâce au succès du congrès

mondial de 1980 à Paris – et à André Capron, n’était pas une mince affaire. Brillamment secondé par Michel Kazatchkine,

secrétaire général, il allait impulser un dynamisme et une ouverture remarquables à notre société. Ouverture sur l’Europe

tout d’abord et surtout, avec l’organisation au cours des trois années de son mandat de trois réunions conjointes successives

avec d’autres sociétés d’immunologie européennes : en 1986 avec la société allemande à Strasbourg, en 1987 à Genève

avec nos collègues suisses, et, last not the least, la très grande réussite de la réunion conjointe avec la British Society à

La Villette en 1988, qui allait conclure sa présidence en véritable apothéose, avec une participation et une qualité sans

précédent. L’autre souci d’ouverture fut dirigé vers divers aspects de l’immunologie clinique, un pont qui fut pour Maxime

une préoccupation constante de sa carrière, bien au-delà de la SFI, et en particulier dans tous ses efforts pour attirer des

jeunes médecins de talent vers notre discipline, mais plus généralement vers la recherche médicale. Se profilait derrière ce

souci, toujours d’actualité du reste, une réforme des études médicales, et en particulier de l’internat, qu’il tenta, lorsqu’il était

conseiller auprès d’Alain Savary de mener à son terme, sans y parvenir vraiment, en butte à des oppositions souvent vives.

Je me souviens d’une conversation téléphonique avec Jean Dausset, me disant dans ce contexte : « mais Seligmann va faire

vaciller la République !... ». Lorsque Maxime prit la présidence de la SFI, Pierre Grabar, fondateur et premier président de

notre société venait de disparaître. C’est à sa mémoire que furent instaurées les « conférences Pierre Grabar » qui continuent

d’être honorées par des immunologistes de haut niveau et de toutes nationalités. La première de ces conférences fut donnée

en 1986 par Elvin Kabat, suivie en 1987 par Jan Klein, et en 1988 par Avrion Mitchison (invité à la suite du décès subit de

John Humphrey, préalablement pressenti).

A l’issue de son mandat, Maxime m’avait demandé de prendre la suite, ce qui fut fait, précisément lors de la réunion franco-

britannique de La Villette, me donnant comme cadeau de « joyeux avènement » - sans vraiment me demander mon avis ! - le

soin de préparer la réunion suivante à Marseille. Personnellement, mes rapports avec Maxime ont toujours été très cordiaux.

Je me souviens de la première visite que je lui fis à Saint-Louis, à mon retour du labo d’Edelman. Passé la première surprise

de l’auto-ablution à l’eau de lavande, le contact fut très vite établi, avec une visite rapide du labo et la présentation des

Mihaesco, pilier structurel et structural del’unité. Compte tenu de nos intérêts thématiques proches, nos relations devaient

rester régulières, sans pour autant que des travaux collaboratifs aient été engagés, nos sujets à l’époque se référant à des

modèles différents. Je n’ai toutefois pas échappé à une volée de bois vert lorsque la Société britannique a rendu sa politesse

à la SFI pour une réunion conjointe à Londres. J’avais – à ma grande honte – oublié d’inviter formellement le Maître à y

participer…Ce qui fut néanmoins, je dois le reconnaître, rapidement pardonné.

Michel Fougereau Marseille, 27 septembre 2010

Extrait du bulletin N°39 de la SFI - Mai 1986

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an aPPointMent witH MaxiMe seLigMann

During the latter half of the 20th Century, Maxime Seligmann

was a towering figure in the burgeoning field of clinical

immunology, bringing a rigorous Cartesian style to the

analysis of immune system disorders in his patients at

Hôpital Saint Louis. Early in the 1970s, I wrote to Professor

Seligmann to ask if I could visit his laboratory to discuss

our common interest in immunodeficiency diseases and

lymphoid malignancies. From reading many of his papers

and observing his presentations at international meetings,

I had been impressed with his scientific savvy and rather

precise manner. Therefore I was not surprised to receive his

cryptic letter offering a 5:30 appointment in his Paris office

on a Tuesday afternoon. My bemused colleague noted this

was rather like getting an appointment with the Queen, and I

approached the meeting with considerable trepidation. While

I found that Maxine was indeed a formal and formidable

man, to my great delight, hidden beneath his stern exterior

and wry humor resided a warm and generous character.

That afternoon appointment began an enduring friendship

marked by scientific exchange, collaborative endeavors

and the pleasure of an ongoing discourse with a highly

intelligent and wise mentor in immunobiology and French

culture. Maxine accepted me into his scientific family, which

included Jean-Louis Preud’homme, Jean-Claude Brouet,

and Daniel Hurez, who would also become life-long friends

and colleagues. Maxime and his wife Françoise welcomed

Rosalie and me into their Paris apartment and vacation

homes many times over the years. During shared dinners,

scientific meetings and exchange visits, we enjoyed vigorous

discussions of scientific issues and life in general.

These were early days in the struggle to understand the

different lymphocyte differentiation pathways and how they

might be arrested or variously diverted to account for the

different types of immunodeficiency diseases and lymphoid

malignancies. Maxime and his scientific team contributed

many insightful pathophysiological analyses of these disorders.

In those days Maxime made regular visits with Henry Kunkel

at the Rockefeller, perhaps his closest American counterpart,

and also maintained close affiliations with Bob Good, with

whom I worked at Minnesota, and Fred Rosen at Harvard, who

shared his deep interest in immunodeficiency diseases.

While always open to different views, Maxime demanded

that precise supporting data and cohesive supportive logic

be brought to the debate; indeed he was a model for the

integrity of scientific inquiry. Maxime was an internationalist,

but he was foremost a French patriot who took national

responsibilities very seriously. When he was 16, he joined

the Resistance network, but never discussed this later, at

least with me. In career midstream, when invited by his

friend Alain Savary, then Minister of National Education,

to serve as a Special Adviser, Maxime took leave from his

clinical and laboratory research activities at Hôpital Saint

Louis and plunged into this endeavor with his characteristic

determination, discipline and dedication. However, he soon

learned the hard way that making changes in the system

of medical education in France was not to be done easily.

Although frustrated by the disorderly business of politics and

his defeats in this arena, Maxime managed to retain his sense

of humor. Once on an official visit to Guadeloupe during

his governmental service, Maxime was captured and held

hostage for a couple of days by university students. This of

course threw him off of his carefully planned travel schedule,

but I think he relished the experience with the students. At

least, he certainly enjoyed telling friends about it.

Maxime Seligmann was a complex and forceful individual

who profoundly influenced his many friends, colleagues,

trainees and the emerging field of clinical immunology. His

unique character and professional skills in turn were shaped

by influential role models, some of whom included Maxime’s

father, the famous physician Robert Debre, a family friend

who steered him toward medical education, the innovative

immunochemist and founding president of the French Society

of Immunology Pierre Grabar, who guided his development

of experimental immunology research prowess, and the

hematologist Jean Bernard who honed his development as

a skillful physician. Maxime represented this strong legacy

of French medicine, biomedical science and culture in a

manner that faithfully influenced his contemporaries in

many positive ways. As one of the beneficiaries of Maxime

Seligmann’s mentorship, I shall always treasure memories of

our life-long friendship.

Max Cooper Emeryville, August 31 2010

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reMercieMents

Nos remerciements à Suzy Mouchy et Hélène Chambefort pour la permission de reproduire leur document faisant partie

de l’Histoire de l’Inserm et à tous ceux et celles qui ont contribué par leur aide et leur témoignage à l’élaboration de cet

Hommage au professeur Maxime Seligmann.

Crédit Photos : Société Française d’Immunologie, Photo de la première page : François Seligmann

Hans YSSEL, Florence JAMBOU

Inauguration des locaux de la SFI à l’Institut Pasteur (26 novembre 1987)

MaxiMe seLigMann

Maxime Seligmann est sans doute l’une des personnalités

qui m’a le plus marqué dans mon itinéraire en immunologie

clinique. Je retiens ici cinq traits/engagements qui m’ont

frappé:

1. La place et la force de la vision clinique dans une discipline

souvent perçue dans les années 80 et 90 comme plutôt

«fondamentale» ; il est aussi devenu l’un des avocats les plus

déterminés de la rigueur dans les essais cliniques. J’ai moi-

même beaucoup appris de lui au moment et dans la suite de

l’essai Concorde

2. L’engagement résolu d’appréhender le sida comme une

maladie du système immunitaire, plutôt qu’une maladie

infectieuse. Cela a pu donner lieu à quelques confrontations

anecdotiques, mais cela a également marqué les orientations

de la recherche dans notre pays

3. La sincérité sans faille de son engagement dans la médecine

et une médecine qui ne concède en rien à la rigueur de la

connaissance scientifique.

4. Une sincère capacité d’écoute, ce que certains qui ne

l’auraient peut-être pas bien connu n’auraient pas perçu

derrière sa façade quelque peu autoritaire

5. Enfin, et surtout, je peux en témoigner à titre personnel,

un homme généreux et attachant, attentif aux problèmes des

autres et source de soutien dans les moments difficiles. Les

immunologistes ont perdu un maître et un Grand ami.

Michel Kazatchkine Paris, le 8 novembre 2010

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