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CHAMBÉRY Appellations anciennes: Ca mef ria- cum, Cambariacum, Chambéricum, Chamberium. Depuis des siècles , l'on s'interroge sur le sens et l'origine de cette dénomination. Fodéré y vo it le souvenir du fondateur de la ville, Be- rius, paladin du roi Arthur. Rochet préf ère la référence à Caturige, 13 e roi des Allobroges. Ne serait-ce pas un dé- rivatif du latin Cammaro, Gamberi s i- gnifiant écrevi sse? mais dans ce cas, faut-il le relier aux marais de la ré- gion qui auraient été riches en crusta- cés ou faut -il se contenter du so uvenir d'un propriétaire gallo-romain affublé de ce surnom co mm e on en a ret rouvé un homonyme dans le Midi ? Certains enfin veulent tout simplement relier Chambéry à « Camera », la Chambre de Justi ce et de Co mm er ce ... Habitants .' les Chambériens. Population : 1335 : 435 feux (s oit 2 000 à 2 500 hab ,) - 1338 : 452 feux - 1431 : 570feux (e stimation de Gillio) - 1551 : 831 feux - 1605 : 520 feux - 1622 : 563 feux - 1730: 2 196 feux - 1776 : 9 755 hab. - 1787: II 621 hab. dont 10 656 pour la seule ville: 5 754 intra-muros et 4 894 dan s les fau- bourgs - 1 802: 11 9 11 hab. - 1 820: 13 225 hab. - 1 848: 16109 hab. - 1861: 19953 hab. (dont 1 5055 per- manents) - 1881 : 19622 hab. - 19 11 : 22958 hab. (dont 18535 permanents) -192 1 : 20617 hab. - 1936 : 28075 hab. - 1 954: 32 139 hab. - 1968: 5 1056 hab. (avec Bissy et Chambéry- le- Vi eux dorénavant) - 19 76: 56788 hab. Altitude : 270 m. étagement de 260 à 400 m. Superficie : 2 099 ha (la commun e a doublé sa sup erficie par l'annexion de Bissy et de Chambéry -Ie- Vieux en 1961). Armoiries: de gueule à la croix pleine d'argent à l'éto ile d 'or au côté dextre, blason de la Maison de Sa vo ie donn é par privilège à la ville capitale, augmenté de l'étoile d'or distincti ve (e t diminutive ?), des lévri ers (symbole de fidélit é) et de la devise « CuSTODI- BUS ISTlS » (( à ces gardiens » ou « de la part de ces gardi ens? ») . Au XVIIIe siècle, C hamb éry en tant que capitale du duché est la rési- dence du gouverneur et de l'inten- dant général de Savoie et de Savoie- Propre. Depuis 1559, elle est le siège du Sénat doublé pour le s juridictions infé ri eures d' un juge mage provinCial et d'un juge de mandement. Victor- Amédée Il lui a enlevé la Chambre d es Comptes, mais lui a attribué un Conse il de Réforme (pour l' in struc- tion publ ique): Chambéry est, bien sür, aussi le siège du Protomédicat (pour l'hygiène et la santé publique) et d'ull ill sinuate urdu tabellion (enre- gistrement) pour toute la région. Pendant la Révolution, C hambéry perd , au profit d'Annecy, son évê que pourt ant obtenu tardive ment en 1779. Elle n'est plus que le chef-lieu du partement du Mont-Blanc, dot é en 1797-99 d' une école centrale. Sou s le Co ns ulat et l'E mpire, la ville reste chef-lieu de d épa rtement avec une école seco nd ai re co mmu - nale, une agence forestière et deux brigades de gend armer ie (une à pied et l'au tre à cheval). En 1802, Cham- béry est de nouveau évêché. En 18 15, Cha mbéry retrouve ses institu ti ons d 'A ncien Rég im e: le gouverneur, l'intend ant général, le sous-intendant général, le Sénat, le Magistrat de Santé, le Co ns ul at (Tri- bunal de Commerce) et la Réform e. 19 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 1 sur 111

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Page 1: Histoire des communes complet - Département de la … · 19 . Rue de la Cité ou des Boursiers ( ac- ... Histoire des communes savoyardes Tome I : ... Villages anciens

CHAMBÉRY

Appellations anciennes: Camefria­cum, Cambariacum, Chambéricum, Chamberium. Depuis des siècles, l'on s'interroge sur le sens et l'origine de cette dénomination. Fodéré y voit le souvenir du fondateur de la ville, Be­rius, paladin du roi Arthur. Rochet préfère la référence à Caturige, 13e roi des Allobroges. Ne serait-ce pas un dé­rivatif du latin Cammaro, Gamberi si­gnifiant écrevisse? mais dans ce cas, faut-il le relier aux marais de la ré­gion qui auraient été riches en crusta­cés ou faut -il se contenter du souvenir d'un propriétaire gallo-romain affublé de ce surnom comme on en a retrouvé un homonyme dans le Midi ? Certains enfin veulent tout simplement relier Chambéry à « Camera », la Chambre de Justice et de Commerce ...

Habitants .' les Chambériens. Population : 1335 : 435 feux (soit

2 000 à 2 500 hab,) - 1338 : 452 feux -1431 : 570feux (estimation de Gillio) -1551 : 831 feux - 1605 : 520 feux -1622 : 563 feux - 1730: 2 196 feux -1776 : 9 755 hab. - 1787: II 621 hab. dont 10 656 pour la seule ville: 5 754 intra-muros et 4 894 dans les fau­bourgs - 1802: 11 911 hab. - 1820: 13 225 hab. - 1848: 16109 hab. -1861: 19953 hab. (dont 15055 per­manents) - 1881 : 19622 hab. - 1911 : 22958 hab. (dont 18535 permanents) - 192 1 : 20617 hab. - 1936 : 28075 hab. - 1954 : 32 139 hab. - 1968: 51056 hab. (avec Bissy et Chambéry­le- Vieux dorénavant) - 1976: 56788 hab.

Altitude : 270 m. étagement de 260 à 400 m.

Superficie : 2 099 ha (la commune a doublé sa superficie par l'annexion de Bissy et de Chambéry-Ie- Vieux en 1961).

Armoiries: de gueule à la croix pleine d'argent à l'étoile d 'or au côté dextre, blason de la Maison de Sa voie donn é par privilège à la ville capitale, augmenté de l'étoile d'or distinctive (et diminutive ?), des lévriers (symbole de fidélité) et de la devise « CuSTODI­BUS ISTlS » (( à ces gardiens » ou « de la part de ces gardiens? »).

Au XVIIIe siècle, Chambéry en tant que capitale du duché est la rési­dence du gouverneur et de l'inten­dant général de Savoie et de Savoie­Propre. Depuis 1559, elle est le siège du Sénat doublé pour les juridictions inféri eures d'un juge mage provinCial et d 'un juge de mandement. Victor­Amédée Il lui a enlevé la Chambre des Comptes, mais lui a attribué un Conse il de Réforme (pour l' instruc­tion publ ique): Chambéry est, bien sür, auss i le siège du Protomédicat (pour l'hygiène et la san té publique) et d'ull ills inuateurdu tabe llion (enre­g istrement) pour toute la région.

Pendant la Révolution , Chambéry perd, au profit d'Annecy, son évêque pourtant obtenu tardivement en 1779 . Elle n'est plus que le chef-lieu du département du Mont-Blanc, doté en 1797-99 d 'une école centrale.

Sous le Consulat et l'Empire, la ville reste chef-lieu de département avec une école secondai re commu­na le, une agence forestière et deux brigades de gendarmerie (une à pied et l'au tre à cheval). En 1802, Cham­béry est de nouveau évêché.

En 1815, Chambéry retrouve ses institu ti ons d 'Ancien Régime: le gouverneur, l' intendant généra l, le sous-intendant général , le Sénat, le Magistrat de Santé, le Co nsulat (Tri­bu nal de Commerce) et la Réforme.

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Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey

Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982

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Les armoiries de Chambéry

En 1842, Charles-Albert la dote d ' un congrès provincial (de notables) pour la Savoie-Propre, qui est absorbé en 1848 dans un conseil divisionnaire. A cette date fondamenta le, le gou­verneur général est remplacé par un commandant général de la division militaire de savoie et l'intendant gé­néral par un intendant divi sion­naire ; le Sénat est liquidé pour lais­ser la place à une cour d'appel et la judicature-mage disparaît, remplacée par un tribunal de première instance. En 1859, Chambéry retrouve un gou­verneu r divisionnaire assisté d'un vice-gouverneur et d'un conseil géné­ral provincial. Entre 1817 et 1823, l'évêque a dû renoncer à Genève, Annecy, Moutiers et Saint-Jean, mais il est promu archevèque métropoli­tain .

En 1860, Chambéry devient chef­lieu du département de la Savoie, subdivision de la 22e division mili-

20

taire, s iège de la 26e légion de gen­darmerie, d'une académie et d'une cour d'appel, direction régionale des tabacs, chef-lieu d'arrondissement forestier avec une école préparatoire à l'enseignement supérieur.

Hameaux et lieux-dits : Angleterre, Les Barandiers, Beauvoir, Bellevue, la Bionnaz, Biollay, le Petit-Biollay, La Boisse, Vieux-Capucins, Caramagne, la Cardinière, la Cassine, Chambéry, le Chaney, les Charmettes, la Chau­mière, les ChallX, Comba-Rochet, les Combes, Côte-Rousse, Croix-Rouge dessous et dessus, la favorite, Grabe­ra, Hauturin, Joppet , Lémenc, la Mar­tinière, Mérande, le Mollard, les Monts, Montjay, la Moutarde, Mon­traeul, Nezin, le Noyer, le Piochet, la Planté. le Plat. Pugnet. le Ravet. La Reveriaz. les Rochets, Saint-Georges. Saint-Martin. Saint-Saturnin, La Trouvière. La Truanderie, la Violette.

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o !

N

i

100 200 250 m

CHAMBERY AU DEBUT DU XI Ve SIECLE

1 . Porte Maché. 2. Porte Aec lu s. 3 . Fors Porte. 4. Poterne de la Cité. S . Poterne des Granges. 6. Poterne des Frères Mineurs. 7. Poterne des l>Jonnes ou des Mina-

rattes. 8. Poterne des Peyroliers. 9. Poterne des Filles. lO.Juiverie (actuelle rue Trésorerie), 11 . Eglise Saint-Léger (1250). 12. Hôpital des Bonivard. 13. Hôpital Sainte-Croix des Chabod. 14.Rue de Villeneuve (actuelle rue Bo-

nivard).

~ Salnto-Cl aire ~ Horslav lUe

15, Rue du Bourg Neuf (actuelle rue Juiverie) .

16. Rue sous le Château ou de Bellecom-bette (actuelle rue basse du Château).

17. Rue du four ou de Sainte Appolonnie, 18. Rue du Meysel (actuelle rue du Sénat). 19. Rue de la Cité ou des Boursiers (ac-

tuelle rue de Lans). 20, Grande Rue, 2 1 , Rue Grenaterie. 22. Aue Fortis Portam. Saint-Jean du temple et les Antonins datent du dobut du XIIe siècle, les Cor­deliers de et les Clarisses de 1230, Saint­Léger est construit en 1250 et Saint­Pierre-sous-C hâteau en 1318.

CHAMBERY AU XVe SIECLE

'00 200m

Chapelle Saint-Sébastien

, . HOtel·Dieu , vers 1350. 2. Eglise des Antonins . 1355-1372 . 3 . Hôpital des Pèlerins; vers 1400. 4 . Nouvelles Boucheries, vors 1401 . 5 . Les Domin icains. 1418. 6 , Eglise de Lémenc . 1445. 7 . Eglise des Franciscains. 1439-1488. 8 . Sainte-Marle l 'Egyptienne. 1453. 9. Sainte-Claire en Ville, 1771 . 10, Hôpital du Parad is, vers 1470, 11 ,Atelier de monnaie,

Vernoy

Sainte Marle

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CHAMBERY AUX XVlle - XVIIIe SlECLES

1. Maison de ville. 1605. (Place de Lans, 1615 ).

2. La Grenette. 1575. 3. Le Sénat ; cour de justice créée en

1535, confirmée et installée ici en 1559.

4. Le jeu de Paume. 1629. 5. L 'hôpita l de Paradis . 1649. 6. La Charité. 1656. 7. Les Incurables, hôpital fondé en

1630, installé au Reclus en 1742, dans le c los de!: Annonciades, trans­féré à Sainte-Marie en '777.

8. L 'Hôtel Dieu, fondé en 1647. ins­tallé ici en 1679, inauguré en 1713.

9. Les J ésuites, arrivés à Chambéry en 1564, installés ici en 1577 .

, O. Les Augustins. 1619. 11 . Les Carmélites, fondées en 1634.

Couvent de 1641. , 2 . Les Annonciades, arrivées au Reclus en

1641, puis au faubourg Mont-Mélian Quelques années plus tard .

22

13.Les Carmes, fo ndés en 1636 . Couvent de 1639.

14 . Les Ursulines. 1625. 15. La Visitation , au Reclus en 1624,

couvent co nstruit de 1640 à 1760. 16 . Les Bernardines, à Chambéry en 1644 ,

couvent à Maché en 1652. 17 .Saint-Pierre de Maché. 1721. 1B . Clos Regard de Vars. 19 . Clos de Lescheraine. 20.Clos Clermont de Mont-Saint-Jean . 21 . Clos Bracorand de Savoiroux. A. Les pénitents '"'blancs, fondés en 1594

à Saint-Jean du Temple, près de la porte du Reclus, installés près des Cordeliers en 1765.

B . Les pénitents noirs, eu x aussi fondés en 1594 .

C . En 1637, les Cisterciens feuillants remplacent les Bénédictins, à Lémenc.

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,. Halles. 1863. 2. HOtelde Ville . 1867 . 3. Théâtre. 1823 et 1864. 4 . Grene"e. 1843. Convertie en biblio·

thèque-musée en 1887-1889 . 5 . 20 grenette. 1887 . 5. Collège des Jésuites, 1827 , devenu

lycée et refait en 1890. 7. Lycée de filles. 1891 . B. Ecole normale. 1886. 9. Gare. 1856. 10. Cimetière de Paradis. 11. Caserne d 'I nfanterie. 1803-1815 . 12.Caserne de cavalerie. 1817-1830. 13. 10 gendarmerie. 1793 (chez les Ursu ·

lines). 14.20 gendarmerie . 1878. 15. Manège. 1846 . 16. HOpital milita ire dans Sainte·Claire

1830.

17 .Palais de justice. 1855-1859. 1 8 .Maison Saint-Benoit . 1820. 19.Ma ison Sainte-Hélène pour les indi ­

gents. 1830. 20. 0rphelines de la Providence, restau­

rées en 1823, installées aux Carmes en 1853.

21. Sacré·Cœu r . 1820 . 22. Calvaire. 1820. 23. Les Capucins instal1és dans le clos des

Annonciades en 1818. 24.Saint-Pler re de Maché. 1832 . 25 . Le Carmel. 1824. 26.La Visitation è Lémenc en 1799 . 27. Noviciat des frères des Ecoles Chré­

tiennes. 1844· 51. Converti en école primaire en 1878.

29. Le 80n Pasteur. 1839. 30. Rel igieuses de Saint-Joseph . 181 2.

31 . L es - Marcel lines de Saint-Ambroise. 1876.

32 . Ecole primaire publique de la place Porte- Reine . 1866.

34.Collège St· François fondé en 1878, installé dans le Clos Longe en 1882.

35.Le nouvel hôpital de Montjay. 1898-1910.

1. L a rue Favre (du prince impérial). 1863.

Il . Le Champ de Mars. 1793. III. La ruedeBoigne. 1830. IV. Rue et place Porte-Re ine. 1900. V . Route et avenue de Lyon . 1822. VI. Rue de la banque. 1861 . VII. Rue Sommeiller . 1847 . VIII. Avenue P. L anfrey. 1882 . IX. Avenue du Comte Vert . 1861 .

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Genève Annecy

Aix

o 2km

Montmélian ~,"".::::;;;:::~~;:;;-V Mont-Cenis

L'agglomération chambérienne à la fin du XXe siècle

• Chambéry à la fin du XIXe siècle

Il/lA Les nouveaux quartiers de 1890 à 1940

Quartiers industriels et commerçants contemporains

o Villages anciens

D Les nouveaux quartiers depuis 1950

~ Zones vertes l.±..!:-±.J

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CHRONOLOGIE DE L'HISTOIRE CHAMBÉRIENNE

Il e s. ap. J.c. : Lemencum appa­raît vraiment comme « statio » sur la grande route impériale reliant Vien­ne à Milan. Modeste bourg sur un carrefour routier, Lémenc n'a pas de rempart, pas de therme et pas de mo­nument sinon un temple à Mercure, dieu des voyageurs et des montagnes dont il reste le caducée et la main d 'une statue colossale. L'ensemble paraît avoir été détruit au Ille siècle.

l029. Fondation à Lémenc par le roi de Bourgogne Rodolphe III et sa femme Ermengarde d 'un prieuré bé­nédictin sous la dépendance de l'ab­baye lyonnaise d 'Ainay. En fait , il s'agirait plutôt d 'une restauration, d 'autres documents parlant de deux moines d'Ainay, Geoffroy et An­selme, fondant ici un prieuré au Vie

siècle. De toutes les façons , le baptis­tère confirme une implantation reli­gieuse au moins dès le Ville siècle.

1232. Le comte Thomas achète à Berlion de Chambéry ses droits sur la ville pour 32000 « sols forts de Suse» et accorde aussitôt des fran­chises aux habitants .

1295. Amédée V le Grand achète à François de la Rochette le château de C hambéry, dont il va faire sa rési­dence principale en Savoie.

1330. Un acte du 13 janvier crée deux syndics et deux économes pour gérer les affaires de la cité.

1376. Chambéry se dote d'une en­ceinte continue avec 14 tours contre les risques des grandes compagnies. Elle ne sera terminée qu'en 1444 et ne semble pas n 'avoir jamais servi .

Thomas I CI' remetlal1t les f ranchises à la commune de Chambéry - Mon.ument de Thomas l eI' à l' abbaye d' Hau.tecombe ( 1830)

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1416. Amédée VIII , qui a com­mencé depuis huit ans la construc­tion d 'une gra nde chapelle pour son château, reçoit magnifiquement à Chambéry l'empereur Sigismond qui lui confère le titre ducal.

1470. Les juifs sont expulsés de Sa­voie; cette mesure clôt un siècle de lois et décisions antisémites. Cham­béry perd les derniers éléments d'une communauté qui fut aussi nom­breuse qu 'acti ve pendant plus de deux siècles.

1483. Antoine Neyret install e à Maché la première imprimerie de Sa­vo ie, 13 ans après celle de son com­patriote Fichet à Paris.

1496. Philippe II , beau-frère du roi Louis XI, réorganise l'administration municipa le, supprimant de fait l'as­semblée générale des bourgeois et confiant le pouvoir à deux syndics aidés de deux conseils de 12 et 36 membres se recrutant par coopta­tion et élisant eux-mêmes les syndics . L'année suivante, le duc revient de Turin mourir à C hambéry dans la tour de Lémenc, dernier souverain à s'être considéré comme C hambérien.

1502. Le Saint-Suaire est définiti­vement insta llé à Chambéry. Il man­que dispa raître dans l' incendie de la Sainte-Chapelle en 1532.

1527. Le nombre des syndics passe de deux à quatre (deux nobles et deu x bourgeois) .

1536. Les Français entrent à C hambéry 04 il s installent un Parle­ment. Ils vont y rester 23 a ns.

1559. C hambéry est évacuée par les Français, mais si en 1560 Emma­nuel-Philibert y crée un Sénat rem­plaçant le Pa rlement de François 1er,

il s'étab lit dès 156 1 à Turin dont il fait sa capitale définitive et où il transfère le Saint-Suaire en 1578. « Les épidémies de peste sont telle­ment rapprochées que l'idée de peste

devient une constante de la mentali­té » (Gres lou). Le commerce décline des deux tie rs en une génération. Les Jésuites s' insta ll ent à Chambéry en 1564. On vient de terminer enfin la première grande digue le long de la Leysse, en amont de la ri vière pour éviter une inondation auss i catastro­phique que celle de 1551.

1600. Henri IV et Sully arri vent en août à Chambéry avant de mettre le siège à Montmélian. « Mme de Sully eut l'idée de faire chez son hôtesse une assemblée des principales dames de la ville où le bal fut tenu avec la même liberté et gaieté que s'i l y eut un an que le roi en fut maître .. . » An­toine Favre, sénateur depuis 1588, devient président du Sénat en 1610 jusqu 'à sa mort en 1624; il a fo ndé en 1594 la confrérie des Pénitents Noirs . 1625-50. C hambéry s'entoure d'une ceinture de clos monastiques. En mai 1630, Louis XIII entre à Cha mbéry ravagée depuis deux ans par la peste. Chri stine de France, régente de 1637 à 1663, donne une nouvelle façade à la Sainte-Chapelle pendant que les Jésuites achèvent celle de leur cha­pelle (Notre-Dame) en 1644. En 1633, Victor-Amédée 1er acco rde quatre foires franches à C hambéry. 1690. Les Français de Saint-Ruth en­trent à C hambéry, qui se ra occupée jusqu'en 1696. Ils y rev iennent de 1703 à 1713. En 1679, Mgr Le Ga­mus a fait échouer le projet des Jé­suites de créer une université à Chambéry.

1720. Victor-Amédée II supprime la Chambre des Comptes. En 1725, il enlève presque tous leurs pouvoirs aux syndics et aux consei llers de ville soumis à un vicaire de police. En 1730, le ro i se retire à Chambéry après son abdication, mais l'a nnée suivante, il est ramené en Piémont.

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Chambéry all XVII" siècle

En 1737, Charles-Emmanuel III sup­prime le vicaire de police. Rousseau séjourne à Chambéry chez Madame de Warens de 1732 à 1742. De 1742 à 1748, C hambéry est occupée par les Espagnols. L'ai le royale du château est ravagée par un incendie, mais Don Philippe fait découvrir aux Chambériens les charmes du théâtre.

1779. C hambéry obtient enfin un évêque qui s' insta lle chez les Francis­cains. La ville se dote d 'une trentaine de réverbères à huile. On termine le premier théâtre que la Société du Ca­sin a commencé en 1775. L'abbé Mellarede, recteur de l'université de Turin, se prépare à léguer sa biblio­thèque à la ville. La première société savante locale, la « Société d'agricul­ture », à peine créée depuis 1774 commence à décliner.

1792. Le 23 septembre, le général Montesquiou entre à Chambéry, qui va rester française jusqu'en décem­bre 1815. L'assemblée des Allo­broges vote l' annexion à la France en

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novembre. Chambéry devient chef­fieu du département du Mont-Blanc. Les biens et édifices religieux sont confisqués et pillés. Les couvents sont sécularisés, les remparts du xv- siècle abattus; la cathédrale convertie un temps en «Temple de la raison» ; les clochers « décapi­tés ». Le château est incendié en 1798.

1805 . Napoléon s'arrête à Cha m­béry ; il y vis ite l'école secondaire et la caserne (Curial) commencée de­puis peu pour consoler l'armée d'avoir été évincée du château acca­paré par le préfet. L'architecte Tri­velly élabore peu après le premier plan d 'urbanisme.

1824. Visite à Chambéry du roi Charles-Félix arrivé au pouvoir en 1821 et qui préfère la Savoie calme et conservatrice au Piémont trop agité . Il inaugure le nouveau théâtre, accé­lère les travaux de la n01,lvelle ca­serne de cavalerie, honore la Société Royale Académique tout juste créée

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LES PRINCES QUI ONT LE PLUS FAVORISE CHAMBERY

Thomas le,'. comte de Maurienne et de Savoie (1 189-1233). Il ac hète Cham'béry et co ncède à la vi lle ses ~ premières fran chi ses.

Amédée VI. leComte-VentI343- 1383l. Né à Cham­béry, il donne à la cour un faste inégalé j usqu'a lors. Il

.... amène à Chambé ry l'eau de la fo nt ai ne Saint-Manin , il commence la construct ion de nou veaux remparts, il fa it place r une horloge (la premièrel sur le clocher de Saint-Léger et cède à la ville la prome nade du Verney.

Amédée V II 1. comte pui s duc de Savoie ( 139 1- 145 1 l . Il reconstruit le c hâteau et éd ifie la chape lle. II insta lle les Dominicains à Chambéry, dont il renforce le rôlede cap itale. mais dont il expul se les juifs .

Charles- Fé li x, roi de Pié mont-Sardai gne ( 182 1- 1831 l. <d l suffit que je m'arrête à Chambéry, là au milieu de mes fidè les Savoyards, je ne c rains plus rien .. »

Le ro i vient trois foi s e n di x ans à Chambéry qu ïl préFère à Turin trop libéra le . Il réorganise le co nse il de ville, autorise la création de l'Académ ie de Savoie et la res taurat ion des Cheva liers tireurs. Il a ide à la cons­truction et à l 'embellissement du prem ier théâtre en pierres de la vi lle, il accélère la construction de la caserne de cava lerie, soutient l 'œuvre du généra l de Bligne e t installe les Jésuites au coll ège.

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L' el11rée des Frallçais à Chambéry en / 792 (gravure du X/Xc siècle)

et autorisée, nomme 32 conseillers à vie pour le conseil de ville; il inau­gure les travaux de la route du col du Chat et des digues de l'Isère. La fa­brique de gaze de soie de J.B. Fran­klin à la Calamine créée en 1820 commence à prospérer.

1838. Chambéry se remet des trou­bles anticléricaux et révolutionnaires de 1832-1834. On vient de terminer le nouveau bâtiment du collège des Jésuites, et Vicario achève ses pein­tures dans les principales églises chambériennes. On inaugure en grande pompe la colonne des Elé­phants élevée en hommage au richis­sime bienfaiteur de Boigne grâce auquel a été percée la grande rue des Portiques en 1827-31 , et l'on s'ap­prête à inaugurer la voie ferrée qui mène au port du Bourget et par là aux vapeurs faisant le service de Lyon. Stendhal, qui vient de quitter Chambéry, écrit: « Chambéry ne paye presque pas d' impôts et le gou­vernement y dépense beaucoup. Les

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affaires de la ville sont cent fois mieux menées que celles d'une com­mune française ... le soir, société et femmes fort aimables ... » .

1848. Depuis octobre 1847, Cham­béry vibre d'une fièvre révolution­naire intense à la nouvelle de la pro­mulgation du « Statuto » . Les Jé­suites sont expulsés mais en avril, la ville est envahie par les Voraces, ouvriers lyonnais, en partie d'origine savoyarde, venus proclamer la Répu­blique et, s'il le faut, l'annexion à la France en accélérant la Révolution. La bourgeoisie affolée se ressaisit au bout de 24 neures et rétablit l'ordre avec l'aide des habitants du fau­bourg Maché. Le gouvernement transforme le Sénat installé depuis peu à l'Hôtel d'Allinges en cour d'appel, mais en compensation lui concède enfin un Palais de Justice.

1860. Le Palais de Justice est juste terminé; on pense déjà à la statue du président Favre qui en ornera l'en­trée. Chambéry vote dans l'enthou-

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siasme en faveur de l'annexion et re­çoit dans l' all égresse le couple impé­ria l. Depuis quatre ans, la ville a le chemin de fer, et depuis trois ans elle est raccordée au réseau français. Le nouvea u régime se lance tout de suite dans de grands travaux, pour un nouvel Hôtel de Ville, pour une nouve ll e préfecture, pour un nou­veau théâtre, pour de nouvelles ha lles, pour de nouvelles rues (Favre et de la Banque) ; néanmoins, la ville vo it ses industries décliner et son rôle faiblir.

1890. La municipa lité « républi­ca ine » prépare dans la fi èvre les cé­rémonies du centenaire de l'an­nexion de 1792 et cherche un sculp­teur pour un monument digne de l'occasion. Ell e vient, en attendant, d'obteni r enfin l' install ation ici d'un bataillon de chasseurs alpins qu i sera logé à Joppet et non au faubourg Montmél ian comme on le pensait ; il

faut bien que Chambéry ait quelq ues avantages après le nouveau refus d u gouvernement d'y établir une manu­facture de tabac. La ba taille scolaire bat son plein, l' école publ ique Caffe s'oppose à l'école des frères du Ver­ney et la nouvelle école de fi ll es de la rue de la Banque à cell e des re li ­gieuses de Saint-Joseph de la p lace d' Itali e.

La grande affa ire est le remode­lage de tou t le quart ier entre la viei lle vi ll e et le Verney. On vient d'édifier somptueusement une no uve lle bi­bliothèque et l'on es t sur le point d'achever toute une ci té scola ire sur les ruines de l'ancien couvent de la Vi sitation et au-delà. Cependant il n'est pas question pour le moment d'envisager l'avenir des terra ins ma­récageux, de l'a utre côté du Verney. On pense néanmoins au transfert de l'H ôtel-Dieu et de la Charité décidé­ment bien incommodes dans leurs

Chambély se donne à /a'France en /860

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vieux bâtiments sur les boulevards. Les amateurs de nouveauté s'exta­sient sur les travaux de restauration et de modernisation de la cathédrale tandis que les partisans des vieilles pierres recomptent avec fièvre celles de l'ancien portail des dominicains que l'on va remonter au château. On travaille avec acharnement aux égouts, à l'approvisionnement en eau et à l'éclairage de Chambéry.

1914. Chambéry s'engage dans l'épreuve de la guerre; celle-ci va lui faire oublier une série d'autres acci­dents: la mort de son ancien maire et leader républicain Antoine Perrier (qui fut garde des Sceaux en 1911), et celle de son maire actuel Vey rat. Qui a déboulonné la statue de Rousseau au clos Savoiroux que le président Fallières avait inaugurée en grande pompe en 1910? En 1912, le congrès national des instituteurs a fait vibrer la grenette de slogans antimilita­ristes, mais les Chambériens appré-

cient peu le déclin de leur garnison du fait du rapprochement franco-ita­lien. Chauvinisme et nationalisme aidant, l'inauguration du monument « aux morts de 1870-71 » a été une belle cérémonie militaire et patrioti­que dont chacun se souvient avec émotion. Mgr Dubillard, champion du conservatisme, s'est réfugié dans une villa au Pont des Carmes et l'an­cien évêché vient d'être transformé en musée savoisien. Quant au grand séminaire dont on ne sait que faire, on y a logé... un garage. L'usine d'aluminium et la nouvelle banque de Savoie symbolisent le renouveau économique, la ville commence à es­calader les collines environnantes, les Chambériens découvrent le sport et le cinéma.

1928. L'ancien président Poincaré vient inaugurer le nouveau monu­ment aux morts. Chambéry a moins perdu d'hommes en proportion que bien d'autres communes rurales, elle

Les ruilles de Chambéry après le bombardement du 26 mai 1944 (Cliché Musée Savois ien)

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Chambéry,1

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'-------.

ue générale

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est même en pleine expansion; l'in­dustrie prospère maintenant et si l'on a perdu le recteur en fonction depuis 1860, on se console avec le succès de la foire créée depuis six ans. On finit de préparer les plans de la nouvelle cité de Bellevue. La municipalité cherche un terrain pour y transférer les vieilles prisons et s'inquiète de plus en plus de la vogue de Maché, de son intempérance et de ses excès de langage.

1945. Chambéry, libérée en août 1944, sort pétrifiée de la guerre. Le bombardement de mai 1944 a détruit irrémédiablement une bonne partie de la vieille ville entre le Verney , l'Hôtel de Ville, les boulevards et la Gare. Les dégâts sont immenses et si l'église Notre-Dame est sauvée, l'hô­tel Costa est détruit avec ses collec­tions et combien d'autres! Des mil­liers de sans-logis errent dans les ruines. La ville se couvre de bara­ques de bois pour les loger, on va

même édifier près du musée une rue couverte pour abriter les commerces sinistrés. La foule, qui a applaudi le général de Gaulle en novembre 1944, était sans doute composée des mêmes personnes qui accueillaient le maréchal Pétain en septembre 1941. Pour le moment, on acclame l'épura­tion et les libérateurs même si la guerre continue sur la frontière jus­qu'en mai 1945. La politique touche même les statues: le président Favre « neutre » est remonté sans difficulté sur son socle, la Jeanne-d'Arc érigée en grande pompe en 1942 est exilée au Verney et une souscription est lancée pour la réfection de la « Sas­son » déboulonnée en 1941 et main­tenant symbole du pillage allemand.

1960. Chambéry se délecte dans l'euphorie et le narcissisme histori­que en fêtant le centenaire de l'an­nexion. Cérémonies et célébrations se succèdent -pendant toute l'année pour la pl us grande joie des touristes

Chambéry en /960

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et des Chambériens et pour la plus grande gloire de la jeune muni cipali­té Dumas, qui symbolise le nouveau régime et le réve il de la ville après les années un peu ternes de la IVe Répu­blique. Le général de Gaulle vient d'ailleurs couronner par sa présence la fi èvre de la célébration historique et du renouveau politique. Les fêtes ont permis le rava lement des Porti ­ques et la restauration (très radica le) de la Sainte-Chapelle et de la Cathé­drale.

Mais pour l'heure, on préfère s'ex­tasier sur les blocs du centre-ville maintenant reconstruits, le goût est en effet au moderne ; on s'enthou­siasme pour la couverture de la Leysse et pour les nouveaux gratte­ciel (la tour du Centenaire n'est-e lle pas le phare de la croissance de la Savoie française ?) . Les habitants du quartier Nicolas-Parent ont peu ap­précié le transfert au Verney de la grande poste qui les coupe du cen­tre-ville et le nouveau palais de la foire ne saurait les calmer, mais ceci n'est que détail dans la sensation de bien-être du moment. Les Chambé­riens commencent à prendre goût aux sports d'hiver et à la télévision, mais personne ne voit là le germe d'un changement radical de vie qui va provoquer bientôt la fin des « vo­gues» et des cavalcades.

La satisfaction règne! Les ind us­tries se font de plus en plus nom­breuses, certes l'on regrette Gillette passée à Annecy, mais le « Verre Textile» est en pleine expansion tout comme Bailly et combien d'autres. Pour loger les ouvriers, on a construit la grande cité du Biollay, mais l'on pense déjà à d'autres grands projets: pourquoi pas un centre universitaire ? pourquoi pas une nouvelle cité vers la Croix­Rouge (si l'on peut mener à bien

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l'annexion de Chambéry- le-Vieux), une zone industrielle vers Bissy (s i l'on peut absorber cette dernière), une nouvelle cité hospitalière (si l'on peut fusionner avec Jacob) ? On se prépare à démolir le vieux Maché, à quoi bon tant de vieilleries! et pen­dant qu 'on y est, pourquoi ne pas « aérer » la vieille vill e par des per­cées modernes et efficaces pour la circulation automobile? cette der­nière en plein progrès pose la ques­tion des futures autoroutes. On pense déjà au Chambéry de l'an 2000.

1977. Chambéry découvre avec stupeur qu 'elle s'est donnée une mu­nicipa lité de gauche, ce que l'on n'avait pas vu ici depuis le début du siècle, terreur des uns, enthousiasme des autres. C'est que depuis quelque temps les polémiques n'ont cessé de croître en ville : que faire des ca­sernes rachetées par la muni cipa li ­té ? que dire du projet de silo à voi­tures sur l'emplacement des halles? que penser des projets de lotissement des Charmettes? La piétonnisation de la place Sai nt-Léger a beaucoup inquiété les commerçants et qui va payer le ravalement des façades et les futures restaurations? Certes Chambéry est une ville calme et les 2 000 étudiants du Centre Universi­tai re (qui désespère de passer Uni­versité) ne sont pas assez nombreux ni assez vifs pour créer ici de l'agita­tion (même .en 1968, ils ont été calmes), mais les habitants de la ZUP se plaignent d'être négligés par les autorités et depuis 1973 les af­faires vont moins bien. On a un nou­vel hôpita l fl ambant neu f à Maché, mais où mettre les vo itures si nom­breuses actuellement ? où faire pas­ser la circulation maintenant que la Savoie est devenue un haut-li eu tou­ri stique ? Faute de lia ison autorou-

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tière à Saint-Saturnin, on aura une voie rapide franchissant en tunnel la colline des Monts, mais qui paiera? l' Etat? la Société concessionnaire? ou les collectivités locales ? et où

mettra-t-on les péages ? Si encore en était sûre que l'agg lomération at­teigne ses 100000 hab itan ts, on pourra it espérer un geste de l'E tat, mais on peut en douter.

Les embarras de Chal11bél)' en 1979. alors que la Voie rapide urbaine n'avance pas. qlle des flots de touristes paralysel1/ la ville lors des vacances d' hiver. le présidelll

Giscard gagne Courchevel par voie aérienl/e IÉdil. Ville de Chambéryl

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L'ESPACE CHAMBÉRIEN

Que d'eau!

Si la situation de Chambéry au croissement des routes Lyon-Turin et Genève-Valence fut essentielle pour le développement de la vi lle, celle-ci resserrée entre les ultimes chaînons des Bauges et de la Chartreuse n'a qu 'un site médiocre peu propice à un épanouissement urbain d'envergure.

Non seulement la cluse est étroite, mais encore encombrée d'un marais, dernier vestige de l'extension du lac du Bourget au lendemain de la fonte des glaciers du Quaterna ire, zone amphibie perpétuellement « travail­lée » et inondée par les torrents de la Leysse, de l'Albanne - elle-même subdivisée en de multiple bras - et accessoirement de l' Hyère, d 'où un sol fragile, instable gorgé d'eaux. Pendant tout le premier milléna ire de l'ère chrétienne, les hommes rebu-

tés par ces conditions ont préféré s' installer sur les collines du pour­tour, se contentant sans doute de pistes remblayées pour traverser le marais.

Ce n'est pas avant le XIIIe siècle que les constructions apparaissent dans le marais lui-même, mais ce dernier n'a cessé jusqu'à nos jours de provoq uer de multiples contraintes, insurmontab les parfois, mais le plus souvent fort coûteuses: pil otis (la ca­thédrale ne repose-t-elle pas sur 30000 pieux ?), pompage, impossibi­lité pendant fort longtemps d' aména­ger des caves ou des sous-sols (ce qui oblige de les reporter au rez-de­chaussée), fragilité des constructions sans fondation , étayées par les édi­fices voisins d'où le ti ssu très serré et fragile de la vieille vi lle où tout se tient, ce qui rend difficile les perce­ments et remaniements intérieurs.

L ' inondation de Janv ier 19 10 rue Croix d 'or et rue d ' Italie (Cliché Musée Savoisien)

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Et tout cela sous la menace constante des inondations. Selon un journaliste du XIXe siècle, la Leysse « ne cesse d'être ridicule que pour être dangereuse » avec des variations extraordinaires de débit (pouvant at­teindre 2 000 %) et des crues en toutes saisons : en août 1530, les eaux envahirent toute la ville « et de telle raideur courait la dite eau, qu'un cheval ne pouvait marcher par la dite ville » ; en janvier 1875, toute la vieille ville fut encore submergée par près d'un mètre d'eau. Tous les 1 0 ans environ, la Leysse menaçait et si l'Albanne pourtant plus « docile » s'en mêlait, c'était la catastrophe. Dans ces conditions, l'éloignement naturel de la vi lle des rives de la Leysse paraît évident, tant la rivière était aussi inutile que dangereuse. Ce ne fut néanmoins qu'en 1552 que l'on aménagea au faubourg Montmé­lian une « grande muraille de pierres taillées carrément », mais l'on mit trois siècles encore pour la prolonger et régulariser définitivement le lit du torrent. Après la grande crue de 1875, l'on accélère la couverture des anciens bras de l'Albanne, gigantes­que chantier terminé seulement à la veille de la deuxième guerre . Doré­navant avec un réseau complet de di­gues, de biefs et d'égouts, Chambéry est à l'abri des excès de ses cours d'eau , mais sa it-on jamais avec la crue « centenaire »? La couverture de la Leysse ve rs 1960 ne doit, ni ne peut faire oublier aux Chambériens sa présence comme ils semblent avoir perdu le souvenir de celle de l'Albanne.

La ville médiévale

La ville s'étire entre ses deux pôles traditionnels, Lémenc, centre reli­gieux avec son prieuré bénédictin

(d'où s'amorça au XIII e siècle la ré­organisa tion paroiss iale de la vi lle) et le château, symbole du pouvoir poli­tique et de la sécurité . C'est à ses pieds que se niche le premier noyau urbain « infra castrum ». Les docu­ments et l'archéologie nous rensei­gnent fort peu sur C hambéry avant le XIVe siècle. Les quartiers de Bourg­Neuf et de Villeneuve témoignent d'un développement certain mais que l'on hésite à situer au XIIe ou au XIIIe siècle. La ville médiévale s'est développée le long des deux grands chemins fondamentaux, celui s'éti­rant de Maché «( Maraisetté »: le marais) vers Montniélian par les di­vers bras de l'Albanne et l'autre gref­fé sur le premier, reliant le château à Lémenc, Chambéry à Genève. Mais nous ne connaîtrons sans doute ja­mais les étapes et les modalités de cette croissance, tout comme reste mystérieux le tissu urbain de cette première cité. Même le point impor­tant de savoir si Chambéry était ou non fortifié avant le XIVe siècle ne peut être résolu.

Comment s'imaginer Chambéry à l'aube de son histoire? Une popula­tion réduite dépassant sans doute à peine le millier, des maisons basses recouvertes d'ancelles de bois domi­nées çà et là par les tours orgueil­leuses des demeures nobles (comme celle d'Etienne Vechi chez lequel est passé l'acte d'achat de la ville par le comte Thomas en 1232), le tout dans un lacis de ruelles et d'allées comme celles dites des Pierres- Plates, des Peyroliers (ou des chaudronniers). Seuls quelques « charrières» peu­vent prétendre à une largeur suffi­sante pour quelque trafic (celle de Belle-Combette, l'actuelle rue basse du Château, une des plus anciennes de la ville était d 'autant plus impor­tante qu'elle seule menait au château

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La plus vieille rue du vieux Chambéry

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et qu 'elle seule permettait de traver­ser efficacement la cité au moins en partie, on comprend qu 'ell e fut alors la plus aristocratiquement habitée). Partout, des bras de l'Albanne en­jambés par des passerelles de bois, mais dès le milieu du XIIIe siècle on n'avait pas hésité à en recouvrir un par l'égl ise paroissiale de Saint-Lé­ger, ce qui avait permis de dégager devant celle-ci la seule placette de la ville. Mais il fallait bien entendu dis­tinguer la « juiverie » (qui regroupait près du quart de la population sur l'actuelle rue Trésorerie), la « truan­derie » (de l'autre côté du château), les Lombards du Bourg-Neuf, les fïlles de mauvaise vie du quartier des « femmes» près de la rue Sainte-Ap­polonie, les bouchers du Meysel (autour de l'actuelle rue du Sénat).

Mais au-delà de ces quartiers den­sément peuplés dès les XIIe, XIII e siècles, donc hors de la première en­ceinte, s'établissent dans les espaces libres périphériques les premières congrégations religieuses, celle du Temp le près de la route de Lémenc (donc près de l' actue lle rue Saint-An­toine), celle des Antonins un peu plus à l'est et enfïn au-de là encore celle des Franciscains (établis ici peu de temps après la mort de leur saint fondateur vers 1250). Sur les trois di­rections principales de Lyon, Genève et l'Italie, s'étirent les trois faubourgs de Maché, du Reclus (du nom d'un ermitage ou Récluserie à cet endroit) et de Montmélian.

Le XVe siècle est le premier grand siècle pour Chambéry. La nouvelle enceinte édifïée de 1371 à 1444 fait plus que doubler la superfïcie de la ville, sans toutefois l'amener sur les rives de la Leysse jugée décidément trop dangereuse. Entre les clos mo­nastiques, l'espace libre se fait tou­jours plus rare : les Dominicains, ar-

rivés à Montmélian en 1318, s' instal­lent à Chambéry un siècle après à l'ouest du Bourg-Neuf et y édifïent un couvent monumental qui suscite sinon la jalousie: du moins la rivali­té, des Franciscains, qui ne voulant pas être en reste reconstruisent tout de suite leur église (l'actuelle cathé­drale) et leur couvent. La première congrégation féminine « intra mu­ros » apparaît avec les Clarisses de la stricte observance installées par la duchesse Yolande près des Anto­nins. Les bâtisses se font plus nom­breuses entre l' ancienne et la nou­velle porte de Montmélian (le long de ce qui va devenir la rue Croix­d'Or), entre l'ancienne et la nouvelle porte du Reclus tout au long de la rue de Saint-Antoine. La vi lle se dote enfïn d'hôpitaux, l'hôtel-Dieu appa­raît vers 1370, vis-à-vis les Frères Mi­neurs de Saint-François, mais il est utile de situer ces établissements hors des murailles: ainsi l'hôpital neuf dit des pèlerins près de la porte Maché dès 1455 et celui du Paradis fondé en 1472 près de la Leysse.

L'étouffement de la ville moderne

C'est dans ces limites que Cham­béry va demeurer pendant près de trois siècles. Plutôt que de s'étendre, la ville, qui passe de 4 à 9000 habi­tants pendant cette période, ne va cesser de se densifïer à l'abri de mu­rai lles et de fossés sans cesse plus inutiles et dépassés. Chambéry prend alors l'allure que nous lui connais­sons actuellement, des maisons tou­jours plus hautes, plus resserrées. Les rivières sont progressivement re­couvertes, les jardins intérieurs sup­primés, seules les plus puissantes congrégations des Frères Mineurs, des Dominicains et des Jésuites arri­vent à conserver précieusement leurs

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Le vieux Chambéry au XV/lIe siècle (Collect ion Bibliothèque Municipale)

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clos. Peu de place pour aérer la ville; celle de Lans ou des herbes en­tre les Antonins et les Dominicains, celle du château et celle de Saint-Lé­ger près de l'église du même nom qui est d'ailleurs si petite et si bruyante que les fidèles n'arrivent pas à suivre les offices. Partout ailleurs, des cours sombres, de grandes façades tristes et grises comme celle de la maison de Madame de Warens décrite avec réalisme par Rousseau: « (elle) était triste et sombre et ma chambre était la plus sombre, et la plus triste de la maison, un mur pour vue, un cul-de­sac pour rue, peu d'air, peu de jour, peu d'espace, des grillons, des rats, des planches pourries ... ». Joseph de Maistre dans son exil russe se rap­pelle avec émotion les allées de Chambéry: « elles me font peur, je tremble de trouver au milieu de ces formidables détroits des voleurs ou des spectres; lorsque j'ai pris enfin mon parti, nouvel embarras, je ne sais plus à quelle porte frapper... ». C'est ce monde pittoresque du vieux Chambéry qui va scandaliser les mé­decins et tous les gens épris de pro­grès depuis le docteur Daquin qui , à la fin du XVIIIe siècle, fut le premier à en dénoncer la saleté et l'incommo­dité, mais qui va enthousiasmer doré­navant tous les amateurs de mystère.

Le vieux problème de la circulation

Dans cette ville. resserrée et sans espace, la circulation va vite poser des problèmes insolubles au moment où le trafic transal pin ne cesse de se développer à partir du début du XVIe siècle. Où faire passer les cara­vanes de charrois et de voitures? D'autant que les deux seules rues vé­ritables, la rue Juiverie et la Croix­d'Or, sont encore réduites par les pi­liers des « dômes », c'est-à-dire des

grands auvents formant portiques sur le devant des maisons « en ma­nière que vous êtes à couvert et à sec en tout temps: il est vrai que les bou­tiques en sont plus obscures » notait Montaigne lors de son passage en 1581. Si l'on y ajoute les cabornes ou boutiques de bois qui se partageaient l'espace devant l'église Saint-Léger, on se rend compte qu 'il était impos­sible de faire passer le flu x des vo i­tures à l' intérieur même de la ville, d'où la tendance à les dévier au-de là

. du château sur l'actuelle avenue de Lyon, ce qui permettait d'éviter l'ét roite rue du Faubourg-Maché et surtout les difficultés pour franchir la porte au pied de la Tour Trésore­rie du Château . En suivant la rive de l'Albanne jusqu'au pont Morand, c'est-à-d ire sur l'actuelle rue de la République jusqu'à la place d' Italie, on pouvait ainsi s'affranchir des en­combrements du centre-vi ll e. Cette déviation explique la nécessité au XVIII e siècle d'aménager de nou­ve lles ouvertures dans le rempart pour relier la vi lle à cette nouvelle voie ; ainsi en 1737, les bourgeois imposent le maintien de la Porte­Reine, au pied de la tour des archi­ves du château, au lendemain de l'ar­rivée de la nouvelle reine, qui éta it à l'o rigine de cette ouverture.

A la périphérie ...

Le Verney

L'étouffement du centre-ville ré­vèle l'importance du Verney dont le nom remonte au Moyen-Age quand il poussait ici des vernes. Protégé des crues de la Leysse dès le X IVe siècle, cet espace plat, sûr et vaste devint très vite le poumon d'aération de Chambéry. Au Moyen-Age, les princes y organisent des tournois et

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les édiles des camps pour les pestifé­rés, mais bientôt le lieu de prome­nade et de détente de tous les Cham­bériens (qui n'avaient d'ailleurs pas le choi x) : on y tire les boîtes et des feux d 'artifice dans les grandes occa­sions. « Le beau monde vient y pren­dre le frais le soir et y vo ir la belle jeunesse qui y apparaît dans un ajus­tement des plus galants»; on y danse, on y passe les revues, on y fait aussi les exécutions capitales. Les spectacles y sont donc des pl us va­riés et expliquent l'attachement des Chambériens à ce complèment de Il verdure nécessaire à leur ville. i

Des couvents.

A partir du XVIIe siècle, les nom­breuses et nouvelles congrégations ne peuvent trouver place à l' intérieur des remparts et s'i nstallent donc au­delà. Certes, dès le XIIIe siècle, les Urbanistes de Sainte-Claire (appe­lées familièrement les Minorettes) s'étaient par pudeur et ostracisme installées sur la colline de la Ca la­mine, n'étaien t-elles pas la première congrégation féminine chambérienne et fort aristocratique de surcroît ? Au milieu du XVe siècle, les Cordeli ers de Myans les ava ient rejointes et avaient fixé, au pied de la falaise voi­sine, leur couvent de Sainte-Marie­l'Egyptien ne. Mais c'est surtout a u début du XVII e siècle, qu 'une Oorai­son d 'établissements religieux cein­ture l'ancienne ville: Madame de Chantal , la fondatrice de la Visita­tion , vient poser la première pierre d 'un nouveau couvent en 1624 entre Maché et le Verney; l'année sui­vante les Ursulines édifient leur mai­son et pensionnat entre Sainte-Claire et Sainte-Marie. Au même moment, le prince, Thomas de Savoie-Cari­gnan, introduit les religieux Augus-

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L'église Notre-Dame au débl/l du XX" siècle

(Cliché Musée Savoisien)

tins à l'entrée du Faubourg Montmé­li a n. Les Carmes et Carmélites, ame­nés ici en 1639 par la duchesse de Ventadour, les rejoignent bientôt et le faubourg est finalement saturé dès le milieu du siècle quand les reli­gieuses Annonciades s'insta llent près du pré du Co lombi er. A Maché plus peu plé, une seul e congréga tion ava it pu trouver place, celle des Bernar­dines, encore avait-elle dû se conten­ter de peu.

pes faubourgs

Le Faubourg Maché avait bien dé­cliné en effet depuis le Moyen-Age. Puisque le commerce et les voya­geurs l'évitaient de plus en plus, il s'était orienté vers l'a rtisanat, instal­lant ses tanneries sur les bords de l'Albanne et prenant une allure po­pulaire, qui fera dorénavant sa gloire et sa répulsion.

A l'inverse, durant le XVIe siècle, le Faubourg Montmélian ne cesse de

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se développer dans la plaine pour n'être bientôt qu'une suite ininter­rompue d'auberges et d'hôtelleries à l'arch itecture si caractéristique avec leurs grandes cours fermées, leurs re­mises au rez-de-chaussée et les chambres d'hôtes à l'étage desservies par de grands balcons circulaires. Au XVIe siècle, dans l'actuelle rue d'Ita­lie, les voyageurs descendaient ainsi au « Mulet Rouge », ou aux « Trois Pucelles », à moins que ce ne fut aux « Trois Rois» ou à « l'Hôtel de la Poste » où Rabelais logea (et dont il se souvint dans son Pantagruel en ci­tant l'hôtelier Vinet, qui guérit « Pan­tolfe de la Cassine» qui n'avait « pas été du corps » depuis Rome). En 1860, c'est encore à l'hôtel du « Petit Paris » que le sénateur Lait y s'installa pour organiser le plébiscite du rattachement, mais entre temps le flot des voyageurs avait suscité un prolongement du faubourg bien au­delà de l'actuelle place d ' Italie. « Ce

faubourg par sa longueur, le nombre de ses boutiques et de ses habitants ferait bien une ville à lui tout seul.. . » Ce succès fait alors d'autant plus re­gretter l'absence ici de paroisse pro­pre comme on l'espéra longtemps. Le Faubourg Reclu s était lui bien dé­chu depuis le X Ve siècle, lorsque le trafic ve rs Genève s'était ralenti. L'étroitesse de la rue faisait encore dire à l' intendant en 178 1 : « une personne à pied est dans la nécessité de rétrograder ou de se jeter dans la premi ère allée pour éviter la rencon­tre des voi tures qui remplissent tout le vide et dont les ess ieux portent quelquefois contre les murs ... » ; l'on n'eut cependant jamais les moyens de pallier ce t obstacle. En 1774, on avai t aménagé la rampe de Côte­Rousse pour resta urer le trafic ve rs Genève, mais il étai t trop tard ou trop tôt. Pendant longtemps, on conserva le goulot d 'étranglement de l'actuelle montée Hautebise et les ha-

Lefaubourg Montmélian cl lafin du XVII" siècle (Theatrum-Sabaudiae)

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bitants du faubourg trouvèrent plus d' intérêt à ex ploiter les carrières sur le flanc de la colline de Lémenc qu'à tirer profit .du trafic.

Quant au Faubourg Nezin, il avait été très tôt mis à l'écart des grandes routes . Ne menant qu'à Lémenc, pri­vé de pont le reliant directement à la ville, il ne pouvait être uti lisé qu 'ac­cessoirement par les maraîchers, les manœuvriers en mal de logement et bientôt par les artisans et les pre­miers manufacturiers heureux de trouver ici des terrains libres et faci­lement accessibles.

L'impasse du XVIII' siècle

Ainsi à la fin de l'Ancien Régime, Chambéry se trouve de nouveau dans une impasse, ceinturée non seu­lement de remparts et de fo ssés même inutiles, mais auss i d' une série ininterrompue de clos religieux et laïcs (avec les propriétés des Regard de Vars vers Bellevue, des Bracorand de Savoiroux vers Lémenc, des Les-

cheraine vers Maché, des Clermont­Mont-Saint-Jean vers le Verney, sa ns oublier les hôpitaux que l'on s'ar­range pour éloigner de la ville tout en les maintenant près des rivières sans grand souci pour la po ll ution et l'hygiène (sur la rive gauche de la Leysse, l'Hôtel-Dieu et la Charité fai saient face aux Incurables de la ri ve opposée). Chambéry étouffée dans sa vieille ville et dans son car­can géographique et social risque bien alors de périr asphyxiée ou au mieux de stagner; la municipalité n'a aucune force juridique et maté­rielle pour faire sauter ces obstacles et il ne fallait pas compter sur le gou­vernement turinois trop pauvre et trop accaparré par ailleurs pour faire évoluer la situation.

Les espoirs du XIX' siècle

L'annexion à la France en 1792 al­lait, contre toute attente, offrir enfin de nouvelles issues . La Révolution ne modifie guére le paysage chambé-

La caserne CURIAL

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rien traditionnel , mais suscite deux évolutions décisives: les murailles sont détruites et les fossés comblés. Sur leur emplacement, l'on trace de nouvelles rues: la rue Jean-Pierre­Veyrat, les boulevards, la place Caffe et la rue de la République. La place Maché aère la partie basse du fau­bourg et permet de relier celui-ci au château par une rampe doublant la viei lle montée de Bramafan . Sur l'an­cien fossé, à l'extrémité du Verney, on peut construire une nouvelle G re­nette, tout comme à l'autre bout de la vi ll e le comblement de l'Albanne donne à la municipalité le terrain né­cessaire pour le nouveau théâtre. En­fin, la liquidation des ordres reli­gieux et la confiscation de leurs biens procurent à la collectivité des ressources inespérées. Déjà à la vei lle de la Révolution, le déclin du clergé régu li er ava it permis de don­ner Sainte-Marie-l'Egyptienne à l'hô­pital des Incurables et les Augustins à la cavalerie militaire. Mais dès 1793, la guerre des Alpes fit attribuer tous les bâtiments vacants à l'armée: les Ursulines sont données à la gen­darmerie et à l'intendance militaire, les Annonciades sont reconverties en fonderie de canons, Sainte-Claire en hôpital , partout des magasins mili­tai res, partout des casernements. A courte ou à moyenne échéance, peu de ces bâtiments pourront survivre à une telle surcharge et à de tels traite­ments. L'armée, évincée du château au début du Consulat, se dédomma­gera en faisant constru ire dans la perspective de l'avenue de Lyon une gigantesque caserne massive et car­rée sur le clos des Ursulines. Cham­béry sur la route de l'Italie se doit d'avoir, maintenant, sinon une garni­son importante du moins des instal­lations d'étape pour les troupes se rendant en Italie ou en revenant. La

paix retrouvée, avec l'aménagement de la route du Mont-Cenis, Chambé­ry redevient et même plus que jamais une ci té de transit d'où le remanie­ment des routes de Lyon et de Mont­mél ian avec l'élargissement systéma­tique de la vo ie au sud de la ville .

La croisée de Chambéry

Cependant la grande affaire reste le remodelage de la vieille ville mé­diévale pour en faciliter la traversée, et si les caisses sont souvent vides, les projets ne manquent pas. La dé­molition pour insalubrité et décrépi­tude de la vénérable église Saint-Lé­ger en 1760 avait révélé l'intérêt de la place ainsi dégagée et le caractère ar­chaïque des cabornes qui l'encom­braient encore. Pour conci lier ce sou­ci de dégagement avec le goût des Chambériens pour une rue couverte ou abri tée, on pense profiter de la démolition de l'église des Domini­cains sous la Révolution, pour percer une grande rue à arcades, qui relie­rait le Verney, la Place de Lans et la Place Saint-Léger, et le fong de la­quelle on construirait un nouveau palais de justice (les juges déjà à l'étroit dans le couvent des Domini­cains ne cessaient de peser de toute leur influence pour obtenir un nou­veau bâtiment digne d 'eux), hélas! le projet n'ira pas plus loin que quel­ques arcades près de la rue Jean­Pierre Vey rat.

Seul le mécénat du richissime Comte de Boigne donna enfin ses chances à Chambéry après 18 15. Malheureux en ménage, soucieux de s'attribuer une légitimité, dont il dou­tait lui-même, l'ancien général des Mahrattes hindou x ne garda pas ran­cune à sa ville d'origine dont il avai t dû pourtant fuir la justice en 1768. En 15 ans, il consacre plus de trois

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Les poniqlles à la ruril/oise

millions de francs pour Chambéry: édification d'une monumentale ca­serne de cavalerie entre celle d'infan­terie et Sainte-Marie l'Egyptienne, construction d'un nouveau théâtre à l'emplacement de l'ancien décidé­ment trop insuffisant, agrandisse­ment du collège, aménagement d'un hospice chez les Antonins, projet de reconstruction de l'hôtel de ville et surtout reprise du projet de grande rue transversale à arcades comme à Turin.

Les temps avaient changé et de­puis la fin de l'Empire on s'intéres­sait maintenant à une nouvelle artère nord-sud pour doubler enfin effica­cement la rue Croix d'Or déjà bien encombrée et la rue Saint-Antoine trop tortueuse. Il fallait aussi relier les nouveaux boulevards au Châ­teau. Cette réalisation grandiose, doublée du dégagement complet de la place Saint-Léger, donna enfin à Chambéry la grande croisée dont elle manquait depuis son origine, même si l'on n'eut pas le temps de poursui-

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vre le plan initial de prolongement de la Place vers la Caserne et vers l'espace des Dominicains progressi­vement dégagé. La génération sui­vante se contente de poursuivre l'aménagement amorcé, mais sans plan d'ensemble préétabli et toujours sous l'influence des événements exté­rieurs. Chambéry avait constamment eu de gros problèmes pour ses cime­tières, il était loin le temps où l'on enterrait les défunts dans les églises. Sainte-Marie l'Egyptienne, qui abri­tait les tombeaux des grandes fa­milles, a été donnée à l'armée en 1816 et les cimetières de Lémenc (cé­lèbre autrefois par sa chapelle des « os rangés ») et de Maché (sur le flanc de la colline du Chanay) sont encombrés et sans possibilité d 'ex­tension. La ville aménage donc dans l'ancien enclos de l'hôpital du Para­dis un nouveau cimetière et bien sûr des avenues pour y accéder, d'où l'actuelle rue Sommeiller prolongée par l'avenue de la Boisse.

Le chemin de fer arrivant à Cham­bery, il faut entailler la colline de Lé­menc, mais où situer la gare ? à Ne­zin ? La place y est réduite et sans dégagement ; au Biollay ? C'est bien loin; au faubourg Montmélian ? Mais ici on n'y tient guère. La gare est donc fixée du côté d'Aix, au bout de la rue Sommeiller et de la nou­velle rue de la Gare, témoignage de la défiance. de l'opinion envers cette installation aussi envahissante que sale . Le chemin de fer ri squant de défavori ser le faubourg Montmé­han, on n'hésite pas il percer a tra­vers l'ancien couvent des Carmélites bien décrépi, une nouvelle rue (de la Banque) qui élimine le goulot d'étranglement du Larit et termine enfin la liaison sud de la ville com­mencée un siècle plus tôt.

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Les embellissements de la belle époque, Chambéry éclate

Les juges ayant obtenu à la veille de l'annexion un terrain suffisant au bout du Verney pour leur nouveau palais de justice, la municipalité peut construire un nouvel hôtel de ville monumental, symbole du nouveau régime français et le dégager digne­ment en perçant, d'un côté, la rue Fa­vre (dite alors du prince impérial) à travers l'ancien couvent des Anto­nins et en repoussant de l'autre le marché de la Place de Lans sur l'an­cien enclos des Dominicains définiti­vement libéré. On y édifie d'ailleurs rapidement une halle au goût du jour dans le style de celles de Baltard à Paris.

La vieille ville entre la stagnation et la modernisation

Les autorités locales et l'opinion acceptèrent lentement le principe d'une réelle extension de la ville, n'en voyant guère le besoin et le moyen de l'assurer. Le libéralisme ambiant faisant oublier l'idée d'un plan d'urbanisme, on se garda bien de suivre celui de l'architecte Trivel­Iy élaboré en 1810 et de respecter les promesses électorales après 1880. La municipalité ne commença à agir qu'après 1902: la liquidation des biens des congrégations, la sépara­tion de l'Eglise et de l'Etat, il n'en fallait pas plus pour libérer des ter­rains et des bâtiments. Qu'en faire ? les laisser à l'initiative individuelle ou en faire profiter la ville et la col­lectivité ? On hésita longtemps, on fit bien des erreurs, mais le profit en fut indéniable pour Chambéry, d'autant que les municipalités se devaient maintenant de réaliser des objectifs sociaux scolaires ou hospitaliers.

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En 1870, Chambéry est déjà entiè­rement éclairée au gaz, en 1896 le premier éclairage électrique appa­raît. Dès 1875 le réseau d'égoûts se met en place. L'alimentation en eau ne cesse de s'améliorer; c'est à cette époque que Chambéry se dote d'un réservoir à la Fontaine Saint-Martin près des Charmettes, et se couvre d'un dense équipement de bornes­fontaines. A défaut du confort indi­viduel, la ville jouit au moins du pre­mier confort collectif. Il y a trop d'in­térêts en jeu et trop de difficultés à vaincre pour que l'on touche aux vieux quartiers. On profite néan­moins de l'incendie de la place Saint-Léger en 1897, pour réaliser enfin le vieux projet de liaison entre la place et la Porte-Reine. Dix ans plus tard, c'est le percement de l'ave­nue de l'hôtel de ville à travers les jardins de l'ancien Grand Séminaire. La grande affaire est désormais le succès du Boulevard de la Colonne que l'on borde d'orgueilleux immeu­bles et sur lequel on installe la grande poste en 1898. Le transfert de l'hôtel-Dieu, de la Charité et de la Maternité permet l'aménagement de tout un nouveau quartier bourgeois autour de la maison Martin au début du xx- siècle: et les journaux célè­brent à l'envi « cette belle avenue faite pour le plaisir des yeux comme pour la rapidité des automobiles », et de s'extasier sur cette grande per­cée, qui aère la ville du théâtre au champ de Mars.

Les faubourgs stagnent, par contre, que ce soit le Reclus court­circuité par le nouveau «pont des amours », Nezin étouffé par son pas­sage à niveau, la Calamine abandon- . née aux ouvriers, aux soldats et à la prostitution. Maché avait espéré un moment le transfert du marché du bétail au Covet, mais il se fait au

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Chambéry à lafin du XVIIIe siècle (Peintre anonyme - Musée Savoisien) (C liché A. P, lluel-Guill ard)

La place de Lans en /8/5 par Nassoti (ClichéA . P, llue l-Guillard)

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Le chemin de Fer à cheval du Bourget en / 840 (Musée Savoisien) (C liché A. Palluel-Guillard)

Le Lac d'Aiguebelette (Nice et Savoie) (C liché A. Pallucl -Guillnrd)

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La Motte Servolex - Tableau de J. Communal (Cliché A. Palluel -Guillard )

Saint-Baldoph - Tableau de L. Laffont (C liché A. Palluel-Guill ard )

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Façade restaurée d' une maison moyenageuse de Yenne Rue Antoine-Laurent (Cliché L. Lagie r-Bruno)

Dernier puisage au puits séculaire à Ontex (Cliché L. Lagier-Bruno)

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champ de Mars; le trafic vers Bissy et la Motte utilise maintenant les nouvelles routes près de l'Albanne et de l' Hyère et le vieux faubourg condamné à la prolétarisation s'en­fonce dans la misère et le sous-équi­pement. Le Faubourg Montmélian avait lui aussi espéré en vain des ca­sernes ou un lycée de filles pour pal­li er le déclin où la disparition du roulage l'avait plongé. Il n'en sortit qu'au début du XX- siècle avec la re­naissance de l'a utomobile et le ré­équipement du quartier à la suite des laïcisations. Le clos des Capucins dé­mantelé permet la création de l'école primaire supérieure de filles Oules Ferry), la liquidation de l'hôpital Saint-François favorise la création d'une école professionnelle. Le Fau­bourg a eu des écoles, certes, mais il n'a pas été question que la bourgeoi­sie lui concédât un quelconque de ses étab li ssements, il ne peut, il ne doit posséder que des créations « po­pulaires ».

Les nouveaux quartiers de ceinture

La grande affaire après 1900, est l'extension de la ville d 'abord sur les pentes de Lémen'c, dans l'ancienne propriété de Savoiroux abandonnée par les religieuses sacramentines. Ici délibérément on choisit un habitat bourgeois « c'est là que demain se ra la vie oisive, élégante et riche, qui se­ra pour Chambéry une inépuisable source de prospérité », ( << L ' Indica­teur Savoisien, 1905 »), il en est de même pour Montjay et le Chanay, alors que la Moutarde et Joppet se couvrent de pavillons plus modestes, apanages des nouvelles classes moyennes, qui vont progressivement s'imposer.

Bien sûr la plaine humide de l' Hyère et de l'Albanne se prête

mieux à l'urbanisation et aux nou­veaux équ ipements. C'est en ces lieux que l'on aménage d'abord tout un quartier scolaire, à la fois près de la vi ll e mais auss i dans le calme et l'isolement près du Verney et du mo­numental musée-bibliothèque: les élèves des lycées de garçons et de filles , de l'école normale d ' institu­trices, les étudiants de l'école prépa­ratoire, les gamins des éco les pri­maires du Verney et de Picardie <Paul-Bert) pourront ainsi travailler dans les meilleures conditions selon les directives de la République et les souhaits de la municipalité, qui se préoccupe maintenant des esprits comme des corps. On transfère au­delà tout ce qui encombre et gêne la viei ll e ville de plus en plus à l'étroit : de 1980 à 1900, on y installe ains i le champ de Mars, le marché au bétail et bientôt les abattoirs . L'urbanisa­tion va se faire ici en fonction de la gare, qui attire une main-d'œuvre de

.plus en plus nombreuse, d'où le per­cement de l'actuelle rue Pierre Lan­frey reliant la gare à Maché et aux nouveaux hôpitaux de Montjay, et la création du quartier d'Angleterre, plus en aval de la Leysse près de son

confluent avec l'Hyère pour les 'ouvriers de la gare de triage et du dé­pôt, ensemble mal faroé et sale qui se voit bientôt qualifié de « village nè­gre ». L'urbanisation reste d'ailleurs limitée du fait des limites du cime­tière du Paradis, du Champ de Mars, du Verney et du Clos du Bon Pas­teur ; beaucoup d'anarchie aussi, car ici il ya assez d 'espace pour que cha­cun fasse selon son désir, beaucoup de variétés aussi bien dans les constructions que dans les classes so­ciales. La création de l'église Saint­Joseph en 1913 manifeste le dévelop­pement et finalement la maturité de tout ce quartier.

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Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982

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C'est dans la plaine que l'on ins­talle les nouvelles usines , qui exigent toujours plus de place et que l'on ac­cepte d'autant mieux qu'elles sont plus éloignées. De l'usine d'alumi­nium en 1912 jusqu'à l'Allobroge, Coppelia et Vallin après la première guerre et RIV à l'aube de la seconde, Chambéry se donne ainsi son pre­mier quartier industriel moderne.

En 1936, l'opposition des habi­tants de la Moutarde empêche le transfert des vieilles prisons dans ce quartier et provoque leur éloigne­ment le long de l'Hyère près du nou­veau cimetière de Charrière Neuve à la Folarière décidément vouée à tous les rebuts chambériens .

Mais où loger les nouveaux ouvriers de ces nouvelles usines ? La réponse est trouvée dès 1930 avec la création d'une première cité à Belle­vue. Les mélanges sociaux de l'habi­tat traditionnel sont bien loin, Cham­béry adopte de plus en plus le cloi­sonnement de son espace selon ses fonctions et la classe sociale de ses habitants.

L'expansion contemporaine

Les nouveaux quartiers anciens

Le bombardement américain du 26 mai 1944 fit 129 morts, 300 blessés et rasa quelque 300 immeubles avec un millier de logements. Avec celui de la gare, le quartier de l'hôtel de ville fut le plus atteint; là, sur quatre hectares environ les rues les pl us chères au cœur des Chambériens fu­rent en une heure un champ de ruines, la rue de Boigne, le boulevard de la Colonne, les places du Palais, de Genève et de l'Hôtel de ville.

La reconstruction dura plus de dix ans, c'est qu'en plus de la masse à

édifier (et ce non seu lement pour les Chambériens sinistrés mais aussi pour beaucoup de propriétaires mau­riennais, qui transférèrent ici leurs dommages de guerre), il fallut d'abord s'entendre sur le style et les modalités de l'opération. Plus du quart de la vieille vi lle avait di sparu ; l'on refusa de restaurer quoi que ce fût , l'époque en était au moderne, on écarta certes des remodelages « osés » qui niaient la rue de Boigne et qui profitaient de l'occasion pour bouleverser entièrement le vieux Chambéry, on refusa aussi des styles trop audacieux, des gratte-ciel ou des façades polychromes pour adopter le principe de blocs uniformes « à la romaine» se coupant à angle droit « exemples de sagesse, de prudence d'un modernisme infiniment raison­nable où ne se rencontrent ni une fantaisie dans l'esthétique ni une in­novation dans la technique» (revue « Bâtir », 1958). On en profita pour faire disparaître les édifices devenus inutiles, il ne resta rien des quartiers détruits dans le paysage comme dans l'habitat. Dans la foulée de ce remo­delage, on se décida aussi à faire dis­paraître le vieux Maché, démolition envisagée depuis près d'un siècle du fait du sous-équ ipement et de la vé­tusté du quartier. Le Reclus mourait lui aussi sous la pioche des démolis­seurs pour laisser place à l'orgueil­leu x gratte-ciel du Centenaire, « phare de la Savoie française ».

La vieille ville a llait -elle disparaî­tre ? La vogue du modernisme dans les années 50 et 60 pouvait le faire crai ndre. La bourgeoisie d'a illeurs, qui en avait été la principale habi ­tante, la déserte dorénavant soit pour les nouveaux blocs, soit pour les col­lines environnantes où l'on peut jouir enfin du soleil et du confort moderne. Les autres classes sociales

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suivent les mêmes tendances et s'éloignent à la périphérie, laissant au centre ville les commerces et les bureaux traditionnels mais abandon­nant les appartements aux travail­leurs immigrés de plus en plus nom­breux du fait de l'industrialisation. La ye République réhabilitant l'habi­tat ancien, les vieux quartiers sont classés en « secteur sauvegardé » en 1969, mais il faudra attendre plu­sieurs années pour que la vieille ville renaisse. Places et rues piétonnes, ré­fection des façades, qui pour la plu­part découvrent la peinture et les couleurs claires, restauration des ap­partements : tout ceci pose bien sûr de gros problèmes aussi bien aux en­trepreneurs qu'à l'opinion publique elle-même. Jusqu 'où doit aller la « réhabilitation » ? Nettoyer et aérer, certes, mais faut-i l « cureter » ? (d'ai lleurs est-ce possible ?), faut-il ne laisser que les façades, tellement les intérieurs anciens sont difficiles à

traiter ? Dans l'ensemble on resta prudent dans la conception et l'exé­cution de ces travaux, mais la viei lle vi lle risqu.e toujours en perdant son âme de perdre son corps. La place Saint-Léger, retrouvant sa primauté médiévale, a remplacé la rue de Boigne et les Boulevards comme cen­tre de la vie chambérienne, et la bourgeoisie réinvestit le centre ville, la variété sociale y gagne, même si les équilibres ne sont pas toujours fa ­ciles à régler.

Le grand Chambéry

La vieille vi ll e était incapable d'as­surer l'habitat de la masse de popula­tion arrivée ici depuis 1960, aussi les espaces li bres ne cessent de se ré­duire depuis une génération, provo­quant de plus en plus de spéculat ion et de polémiques. Si Montjay et Lé­menc conservent leurs vi llas bour­geoises, les classes moyen nes s'inté-

La place Saint- léger piétonne

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ressent aux derniers espaces plats de la commune: à Mérande, au Para­dis, au Colombier et à l'extrémité du Faubourg Montmélian. Quant aux éléments populaires, il s se vo ient re­foulés dans les années 55-60 dans la nouve lle cité du Bioll ay et dans la décennie suivante dans la Zup de Chambéry-le-Haut, tant il semblait alors évident que la ségrégation so­ciale se mesurait à l'éloignement du centre ville.

Dans l'ensemble, on adopta beau­coup dans ces nouvelles zones un style linéaire de construction. Face aux vieux quartiers toujours privés d'air et de soleil, on se prétend ici moderne et populaire, mais non sans complexe tant il fut difficile de don­ner vie à des ensembles sans passé et sans relation faci le avec le centre. Ci­tés dortoirs, elles mirent plus de 10 ans à se donner un embryon d'âme et des équipements suffisants sans pour

autant faire revenir l'opinion sur les ségrégations originelles.

Progressivement ainsi, l'agglomé­ration occupe toute la cluse, non seu­lement dans les parties basses, mais de plus en plus sur les pentes et les hauteurs, les premières étant réser­vées aux zones industrielles et artisa­nales et les secondes aux habitations. L'improvisation de cette extension se marque aussi bien dans la variété et l'incohérence des styles de construc­tion, que dans l'absence de vues à long terme en particulier pour les transports ou pour les réserves fon­cières. La colline des Monts a été épargn ée de la vague immobilière par son champ de manœuvres mili­taires, tout comme le va llon des Charmettes du fait de son souvenir rousseauiste, mais jusqu'à quand ? Chambéry est-ell e saturée? La Zup doit-elle s'étendre encore se lon le schéma initial, qui avait été limité par la suite ?

La ciré du Bio/lay en consrrucrion vers /959

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Chambéry-Ie-Vieux peut-il encore conserver son aspect rural et Bissy son style pav illonna ire? L'avenir de Chambéry est moins en elle-même dorénavant que dans son aggloméra­tion.

Le nouveau Chambéry

A la fin du xx- siècle, Chambéry se doit de faire un examen de conscience et de croissance. Certes l'exiguïté de la cluse, et la diffi culté du site n'ont jamais autant été res­senties qu 'aujourd 'hui . Les pro­blèmes de transit et de circulation qui ici ont été permanents, se renou­ve llent à chaque génération au mo­ment même où l'on croit que les so­lutions traditionnelles ont enfin tout résolu. Le passage autoroutier de Chambéry a mis plus de 10 ans pour être réglé, et l'on ne sa it s' il se ra suf­fisant, faut-il déjà en envisager un se-

cond avec une percée souterraine de la colline de Bel levue ? ou avec une nouvelle autoroute par le défilé de Saint-Saturnin? De toutes les fa­çons, le transit assuré, il faut encore faciliter la circulation interne de la vi ll e avec les problèmes inhérents, en particulier celui du stationnement, même s' il a fallu attend re les années 80 pour que l'on se dote de trans­ports en commun.

La viei ll e ville ne sert plus seu le­ment de centre à Chambéry, mais à toute l'agglomération, est-e lle alors suffi san te pour cette nouvelle fonc­tion ? D'où l'importance du quartier des casernes au bas de la Calam ine. La municipalité s'est enfin rendue maîtresse des bâtiments libérés par l'armée « ex ilée » à Barby, mais pour en faire quoi ? Un quartier auto­nome ou un ensemble récupérant les surplus des quart iers voisins ou leurs insuffisances?

La sauvegarde de la viei ll e vi lle a

Chambéry-le h.âu.1

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servi d'a libi pour permettre la dispa­

rition des quartiers et ensembles pé­

riphériques d'autrefois. Il ne reste

rien ainsi des anciens couvents des

XVIe et XVIIe siècles et presque rien

des anciennes grandes propriétés des

environs, le château du baron Blanc

au Chaney n'est plus qu'un souvenir,

tout comme le Mas-Barral à Bissy, le

reste est défiguré ou en voie de l'être

par les agressions du monde mo­

derne. Chambéry a trop sacrifié

d'une part à sa résignation de ne

pouvoir s'imposer comme centre tou­

ristique et d'autre part à la proximité

de la nature montagnarde pour ne

pas réfléchir maintenant sur son pa­

trimoine. Elle a trop peu de grands

monuments pour ne pas sauvegarder

son aspect général et ne pas risquer

de devenir progressivement une ville

anonyme et sans âme.

On avait, dans les années 50 et 60,

envisagé un Chambéry de 100 000

habitants, dont la conurbation irait

d'Aix-Ies-Bains à Montmélian et par

là se rattacherait à celle de Grenoble

bordant le Grésivaudan, le tout sil­

lonné d'autoroutes, couronné de

gratte-ciel, ceinturé d' industries , et ce

même au détriment d'une Savoie se

désertifiant de plus en plus. Ces illu­

sions sont passées et les années 70

ont ramené plus de réalisme et de

mesure. Il n'empêche que Chambéry

ne peut être que le reflet de ses fonc­

tions et de ses relations avec son ter­

roir et ses voisines.

Le château des ducs ( << Nice et Savoie » /86/)

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CHAMBÉRY, CAPITALE ... OUI, MAIS

Des Comtes et des Ducs,

une Capitale Politique

S' il Y a une prétention qui traverse

les siècles et qui fa it l' una nimité lo­

cale, c'est bien ce lle de Chambéry à

être capitale. De fait ce n'est que

dans la deu xième moitié du XIIIe

siècle que les Comtes de Savoie s'ins­

tall ent ici et ce n'est vraiment que

cent ans plus tard que la vi lle pourra

vraiment se prétendre leur capita le.

A noter que Turin passe aux mains

des Savoie en 1280, cinquante ans

après l'achat de Chambéry mais

quinze a ns avant celui du château.

Ce fut surtout le Comte Vert, Amé­

dée VI (1343-83), qui s'intéresse le

pl us à Chambéry. Ses prédécesseurs

y avaient déjà fixé en 1339 leur

conse il résident, organe politique,

administratif et judiciaire qui regrou­

pait chaque jour chez les Francis­

cains ses sept membres et leurs qua­

tre secrétaires. Amédée VI y installe

en 1351 sa Chambre des Comptes et

sa trésorerie généra le. Dorénavant,

c'est à Chambéry que l'on concentre

les impôts, que l'on rassemble les

troupes, qu e l'on réunit les Etats Gé­

néra ux. Certes le Prince circule beau­

coup entre le Bugey et le Piémont,

entre le Pays de Vaud et le Comté de

Nice, et ses résidences du Bourget ou

de Ripaille sont plus agréables que le

sombre château de Cha mbéry, mais

néanmoins le centre de l'administra­

tion et du gouvernement demeure ici ,

même si bi entôt Turin, Annecy et

Bourg possèdent des consei ls et des

institutions les affranchissant de la

tutelle chambérienne.

Et que dire des fastes de la Cour?

des cortèges incessants de princes et

de prélats d'autant plus nombreux

que l'on est sur la grande route trans­

alpine et que la diplomatie sa­

voyarde très active et très versati le

s'exerce dans toutes les directions?

On se rappelle à Chambéry avec

émotion les tournois fastueux du

Comte Vert (que d'aucuns situent à

Bourg-en-Bresse .. .>, les réceptions so­

lennelles du Roi de France en 1271,

du Pape Grégoire X deux ans plus

tard. L'Empereur Charles IV y est re­

çu en 1365 pour investir Amédée VI

des fonctions de Vicaire Impérial.

Durant le banquet, le Comte et ses

barons à cheval « portoyent les

viandes par la sa le »... « et entre

autres singularités y avoit une fon­

taine de vin blanc et clairet qui ne

cessoit ny nuict, ny jour de jecter

vin ... ». Plus extraordinaire encore la

réception de l'Empereur Sigismond

en 1416; pour le remercier de l'oc­

troi du titre ducal , Amédée VIII ne

dépensa pas moins de 6000 ducats.

A l'occasion du festin , après les

viandes dorées servies au milieu des

bannières, et dans la tradition de

Jean Belleville, qui du temps du

Comte Vert avait créé le fameux gâ­

teau de Savoie, le pâtissier Morel

confectionna une pâtisserie colossale

représentant la carte en relief des

Etats du nouveau Duc.

Mais combien d 'a utres cérémonies

avec les en trées so lennelles des

Princes! les baptèmes (comme celui

d'Amédée VI en 1334 ou d 'Amédée

VIII en 1384) ! les mariages (comme

celui d 'Anne de Chypre et du Prince

Louis en 1434 où l'on se surpassa en

divertissements et « entremets » ain­

si qu'en musique « tant mélodieuse­

ment que c'était belle chose à oyr»

ou en 1452 celui de la Princesse

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Charlotte avec le Dauphin Louis - le futur Louis XI) !

Les historiens sont partagés sur l'attitude des Chambériens face à la Cour, les uns insistant sur la misère provoquée par le gaspillage princier et les rudes obligations pour les auto­rités locales, les autres montrant combien l'artisanat de luxe a tiré profit de tout ceci et combien la bourgeoisie locale a su faire payer en titres, privilèges et hautes fonctions, les intelligences, compétences et ar­gen t qu'elle fournit aux Comtes et aux Ducs. C'est à Chambéry d'ail­leurs qu'en cas de crise grave, la Fa­mille de Savoie se regroupait der­rière les murailles « imprenab les » du château et la fidélité des habitants de leur « bonne ville ».

Une Capitale religieuse Le Saint Suaire

L'insigne relique, ramenée de Constantinople en 1204, avait été achetée par le Duc Louis à la franc­comtoise Marguerite de Charny de passage à Chambéry; ne disait-on pas que le convoi de cette dernière n'avait p·as voulu quiter la ville, signe de la volonté divine d'y voir laisser le précieux linceul du C hrist? Pendant longtemps, la famille ducale l'ava it­emmené dans tous ses déplacements, mais en 1502 il est enfin définitive­ment installé dans la grande (et doré­navant Sainte) Chapelle du château où quelques années plus tard il reçoit sur autorisation et recommandation pontificale un culte public, qui connaît un grand succès. Marguerite d'Autriche offre une magnifique chasse d'argent massif; un chap itre de douze chanoines dirigés par un doyen mitré en assure la garde et l'offre à la vénération des fidèles , parmi eux la Reine de France Anne

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Gmvure dll XVI" siècle slir le Sail1l-Sliaire

de Bretagne en 1511 avec son gendre François d 'Angoulême (petit-f~ls du Duc Philibert), qui devenu roi, re­vient ici en 1516 avec son épouse C laude de France et le Connétable de Boùrbon.

Même si depuis la fin du XVe siè­cle les ducs semblent préférer Bourg à Chambéry, jamais la vie du châ­teau ne fut auss i fastueuse qu 'à cette époque; le jeune Bayard ne pouvait, comme pag~ , être à meilleure éco le.

Le grand vide, Chambéry dépossédée

Les guerres d ' Italie avaient révélé la volonté de conquête des rois de France au moment même où les ducs s'affaibli ssa ient par d'incessantes querelles intestines et s'épuisaient en entreprises prestigieuses mais sté­riles. D'où la grande crise de la pre­mière moitié du XVI e siècle, pendant

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laquelle les Savo ie perdent toutes leurs possess ions occidenta les : Ge­nève se donne à la Réforme, les Ber­nois et les Va laisans s'empa rent de la Sui sse Romande et les França is oc­cupent Chambéry et la Savo ie jus­qu 'en 1559. Il s ne les rendent d 'a il­leurs que de fort ma uva ise grâce, ayant bien pensé les conserve r défi­nitivement. Cette grande épreuve passée, sitôt a près le traité de Câ­tea u-Cambrés is, le jeune duc Emma­nuel-Philibert va en tirer la conclu­sion, soit l'impossibilité d 'une politi­qu e valable du côté de la Fra nce, d 'où l'installation définitive de la Cour et des organismes de gouve rne­ment à Turin en 1562 à l' ab ri des Alpes. Désorma is les ducs vont tour­ner leur ambition ve rs l'Ita lie et jouer le rôle de po rti er des Alpes, en se tourna nt vers les Habsbourg et les Bourbon au gré de leurs intérêts, « conservant en deçà des Alpes, conquérant au del à ». Da ns ces conditions Chambéry perdait toute utilité. En 1536 le duc C ha rl es avait emporté le Saint Suaire da ns sa fuite devant les Français. Après 28 ans d'absence on l'avait juste ra mené au château, qua nd en 1578 Emma nuel­Philibert le fa it tra nsférer provisoire­ment à Turin pour épa rgner un pèle­rinage pénible a u vieu x et vénérable archevêque de Milan : (Saint) Charles Borromée. Cette relique n'en es t ja mais revenue au grand déses­poir des Cha mbériens, qui ne se re­mirent pas de tant de dés involture; le bâton de Sa int-Joseph, dont la Sainte Cha pelle devait se contenter dorénava nt, ne pouvait guère com­penser une perte auss i irrémédi able.

Chambéry n'est plus qu 'un centre local perpétuell ement menacé par des ennemis d 'auta nt plus puissants que les fronti ères sont proches, auss i bi en celle du Dauphiné que cell e du

Rhône après la cession à la France en 1600 de la Bresse et du Bugey. A Turin on s'est vite persuadé de l' im­poss ibilité de défendre la Savoie et surtout so n avant-pays; à quoi bon fortifi er Chambéry? Même après la di sparition de la forteresse de Mont­mélia n en 1705 on n'en fit ri en, refu­sa nt même l'impl antatio n ici d 'une fo rce armée suffisa nte. En cas de guerre, on préfère recul er devant celte « pui ssance grimpante » q u'est la France (Jose ph de Maistre) et dé­fendre effi cacement les co ls. D'ail ­leurs si la fid élité des Savoya rds es t toujours va ntée, il sembl e qu 'à Turin on ne se so it jamais fait bea ucoup d ' illusion sur leur ca pacité de résis­tance; bien au contrai re, on s'y éner­va de plus en plus face à l'opportu­ni sme de ceux, qu i étaient po urtant les « premi ers sujets de Sa Majesté », que ce fû t en 1600- 1601 , en 1630-163 1, en 1690-1 696, en 1 703-17 13, en 1742- 1749. La Cour ne re­vient à Cha mbéry q ue lorsqu ' il est nécessa ire de natter la France, d 'y chercher des souveni rs ou des pri n­cesses.

A chaque fois, la vieill e capita le émue croit ret rouve r les fastes d'an­tan, et curieusement li e ai nsi sa pros­périté à l'a ll ia nce française, d'où la popul arité de la fill e d' Henri IV, Christine de France, la cé lèbre « Ma­dame Royale », resta uratri ce du châ­tea u et de la Sainte Chapelle. C'est à Cha mbéry que l'on marie en grande pompe, en 1625, le prince Thomas de Savoie-Ca rignan, frère du duc Vic­to r-Amédée 1er, avec Ma ri e de Bour­bon-Soissons. En 1663 c'est au tour du jeune d uc Charl es-Emmanuel Il avec Françoise de France, sœur de la G rande- Mademoise ll e et cousine de Louis X IV, nouveaux fas tes en 1684 avec les noces de Victor-Amédée 1 l, âgé de 22 ans, et d 'Anne-Marie d'Or-

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Recollstruction de laj'açade

de la Saillie-Chapelle

détruite par lefeu depu is /532

léa ns, la ni èce du Roi Soleil , qui en

ava it tout juste quinze. La sen e

continue au XVII le siècl e avec

J' union de Charl es-Emm a nuel III et

d'Elisabe th de Lo rraine en 1737 et

s'achève avec ce ll e d u ma lingre

C harles-Em ma nu el (IV) et de la

plan tu re use C lotilde de Fra nce, pro­

pre sœur de Louis XV I, en 1775.

Tous ces fa stes ne sont que passa­

ge rs, sitô t la Cour pa rti e avec ses tré­

so rs (car on ne laisse rien ici), sitôt

les déco rs rentrés ou démontés (ca r

on ne co nstruit plus ri en en « dur •• ),

C hambéry se re trouve seule avec

ell e-même, avec sa médiocrit é, avec

son amertu me.

Du Sénat et de quelques autres

Institutions

En 1720 le roi Victor-Amédée II

suppri ma bru talement la vénérabl e

Chambre des Comptes et J'autono­

mie adm inistrat ive et fina ncière de la

60

Savoie; il ne resta ici que le Sénat,

remonta nt a u conse il rés ident du

X IVe siècl e, ma is do nt la vé ritabl e

naissa nce date d 'une initi a ti ve de

François le, de 1536. « Ce qui fit la

force du Sénat de Savoie, c'es t qu ' il

sut toujours être de son époque et la

devança quelquefois; ce fut auss i le

petit nombre de ses membres, qui

permit ra rement d 'y admettre des su­

jets inca pables» Œurni er 1864).

Cour modes te en effet qui n'es t com­

posée qu e de deux puis de trois

C ha mbres avec t rois prés idents et 16

sénateurs, tous ma l insta ll és dans le

couvent des Domini cains, co ur pres­

tigieuse cependant pa r la qua lité de

bien de ses membres, a insi l' illustre

prési dent Fav re, ami de Saint-Fra n­

çois de Sa les et père de l'é rud it Va u­

ge las, mais auss i juriste conscien­

cieux, cha mpi on de J' interpréta ti on

ratio nell e des tex tes, « le Luther de

la science légale» Œurnier) et com­

bi en d 'a utres encore 1

Le Sénat ne se voula it pas seule­

ment.être une ha ute cha mbre de jus­

ti ce mais auss i le ga rdien de la tradi ­

tion et de l'ordre mora l, compétent

pour to ut ce qui rega rda it l'o rdre pu­

blic, les droits du Duché, les mœurs

et la religio n, n'hés itant pas à en re­

montrer au du c, a u pape et a ux évê­

ques (il est à rema rquer néa nmoins

qu e le gouve rnement turinois accep­

tant de m 'ns en moins les criti ques,

le Sénat dut se ca ntonner, dès le

XVII le siècle, dans ses fo nctions ju­

di cia ires, tout au plus lui la issa-t'on

la santé publi que, la po lice rurale et

religieuse).

Face à ce pouvoir régi onal, le gou­

ve rneur était le représentant direct

du souve ra in dont il occupait le châ­

tea u et qu i fut aidé, dès la fin du

XV W sièc le , par un intendant géné­

ra I. Ce dernier était le maître direct

de l'administration du duché, super-

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visant les intendants locaux du Cha­

blais, du Faucigny, de Tarentaise, de

Maurienne et de Genevois, lui-même

assurant les fonctions d ' intendant de

la province de Chambéry ou Savoie­

propre. Depuis des siècles, Chambéry dé­

pendait de l'évêque de Grenoble, lui­

même doyen de Saint-André, situa­

tion humiliante pour les Savoyards

mais fort utile au Roi de France, qui

avait réussi à maintenir le statu-quo

lors des « représentations » des ducs,

aussi bien en 1474 qu 'en 1515. En

1775 enfin, l'a lliance franco-sarde

permettait la réalisation du vieux

rêve de l'érection d'un évêché cham­

bérien. Mais il n'en fallut pas moins

de cinq ans pour régler le conten­

tieux avec Grenoble et Belley, pour

fixer les limites du nouveau diocèse ,

pour assurer les nouvelles institu­

tions (le nouvel évêque se fixant chez

les Franciscains transférés , malgré

eux, dans le couvent des Jésuites dés­

affecté depuis l'expulsion de ceux-ci

en 1773, l'église Saint-François - la

plus vaste de Chambéry - devenant

Cathédrale et abritant dorénavant

l'ancien et vénérable chapitre de la

Sainte C hapelle).

Les aléas des XIX' et XX, siècles

La Révolution balaya tout ceci.

Certes, Chambéry put rester chef­

li eu de département , mais il n'était

plus question de rappeler les privi­

lèges d 'a ntan; d 'ailleurs le « Mont­

Blanc» était dépouill é en 1799 de

ses districts du Nord au profit du

nouvea u département du Léman

créé autour de Genève. Annecy avait

obtenu que l'unique évêque constitu­

tionnel laissé à la Savoie s ïnsta ll ât

chez elle. Cha mbéry prit sa revanche lors du

Concordat et récupéra l'évêché . en

180 1 avec le patronage de Saint-

François de Sales (ce qui permit à la

cathédrale de conserver son appella­

tion traditionnelle, tout en changeant

de Saint Patron). Mais le centra li sme

napo léonien mettait le « Léman »

. sous l'innuence juridique de Lyon et

le « Mont-Blanc» sous celle de Gre­

noble qui ava it le Lycée, l'Académie,

les Facultés, la Cour Impériale d 'Ap­

pel , le Tribunal de Commerce, la

Trésorerie Gén~rale, l'Enregistre­

ment, la Conservation des Forêts et

la Division Militaire.

L'on comprend l'enthousiasme

pour la Restauration , qui ramène à

Chambéry le Sénat, le gouverneur et

l'intendant général. En 1817 d'ail­

leurs, honneur suprême, le diocèse

était détaché de la circonscription

métropolitaine de Lyon et élevé lui ­

même à la dignité d'archidiocèse

avec juridiction sur le diocèse

d'Aoste et bientôt des autres diocèses

savoyards. Hélas, les rois de Pié­

mont-Sardaigne sont presque aussi

autoritaires que Bonaparte et les

principales initiatives appartiennent

toujours à Turin; d'ailleurs en 1843,

Annecy obtient une intendance géné­

rale l'affranchissant complètement

de Chambéry. Quant au sénat, il est

remplacé en 1848 par une cour d 'ap­

pel et le nouveau palais de justice,

octroyé in-extrémis à cette dernière

par le gouvernement piémontais, ne

pouvait lui faire oublier la dispari­

tion de ses droits politiques et mo­

raux. Cependant Chambéry se dé­

dommageait de son déclin par l'o r­

gueil d'être le berceau de la dynastie.

De 18 16 à 1857 ne reçut-elle pas

onze visites royales, ayant surtout les

faveurs de Charles-Félix (1821-1831)

et de Cha rl es-Albert (\ 831-1849) ?

d 'où l'inquiétude devant les ambi­

tions ita li ennes des Savoie et le dés­

arroi lorsqu 'ils sacrifièrent le Duché

à la satisfaction de celles-ci.

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Le palais de Juslice au lendemain de sa cOl1sIrucliol1 en 1860 rCollec' ion Musée Savoisien)

Une nouvelle foi s en 1860 Cham­béry redevenait un simple chef-lieu de département. Assujettie à une centralisa tion poussée, et à une his­toire qui lui éta it étrangère, la ville ne pouvait plus qu'être sur la défen­sive. Certes Paris lui laissa sa cour d'appel , un rectorat, un embryon d 'enseignement universItaIre avec une « école préparatoire à l'enseigne­ment supérieur des sciences et des lettres». Hélas! le rectorat est vic­time des économies budgétaires au lendemain de la première guerre mondiale. Quant à la cour d'appel, périodiquement, elle est menacée de disparition, n 'est-elle pas une des plus réduites de France avec ses deux seuls départements ? Chaque fois elle est sauvée par l'union des C hambériens rassemblés dans la même émotion et dans le même soin à faire appliquer le traité d 'annexion, qui garantit les institutions en place en 1860, mais jusqu'à quand ?

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L'école préparatoire est rattachée à l'université de Grenoble vers 1930, mais il faut attendre 1960 pour qu'elle soit transformée en collège puis en centre universitaire et 1979 pour que l'université de Savoie si at­tendue depuis le début du XIXe siè­cle soit enfin créée, tant il semblait difficilement justifiable à certains es­prits jacobins et technocratiques qu ' il y ait ici une université si petite, si réduite dans ses moyens et son in­fluence . •

Pouvoir s'imposer ...

Le grand problème de C hambéry est en effet de dépasser ses seules ré­férences historiques pour s'imposer comme capitale. Administrativement elle domine son département, mais son influence réelle pratique ne dé­passe pas Epierre en Maurienne, Frontenex vers la Tarentaise, et la

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chaîne du Chat et de l'Epine à l'Ouest. Le Petit-Bugey est tradition­nellement orienté vers Lyon, la Ta­rentaise n'hésite pas à avoir des rela­tions avec Annecy pour mieux sauve­garder son « originalité », quand aux Mauriennais ils peuvent facilement gagner Grenoble et ne s' en privent pas.

Le sentiment savoyard n'est pas assez fort pour donner à la province un centre incontesté. L'essor indus­triel puis touristique d 'Annecy en a fait une ville riche, jalouse de sa puissance. Dès la Révolution, on vit déjà la capitale du Genevois s'oppo­ser à Chambéry pour devenir le chef­li eu du nouveau département. En 1799 même manœuvre pour passer dans le nouveau département du Lé­man avec Genève, et · depuis 1815 toujours le même souci de s'affran­chir de Chambéry. Chacune jalouse

l'autre, Annecy prétend à l'égalité des services avec Chambéry et pré­fère dépendre des lointaines Greno­ble ou Lyon que de sa sœur sa­voyarde. Rivalités commerciales, in­dustrielles, universitaires, hospita­lières, militaires , tout est bon dans cette ancestrale 1 utte de clochers. Il est bien difficile dans ces conditions à Chambéry de s'imposer comme une capitale locale et pour la Savoie de prendre rang dans le découpage régional.

Chambéry capitale de la Savoie? tous l'admettent historiquement, mais actuellement faudrait-il encore que tous les Savoyards le veuillent, ce qui n'est pas le cas. Elle peut certes se consoler avec ses directions régionales des douanes et des che­mins de Fer, mais elle fut mieux et pouvait prétendre mieux.

LES ACTIVITÉS CHAMBÉRIENNES

Chambéry ne peut se comprendre qu'en fonction de son carrefour. Ici se croisent deux grandes routes natu­relles que les routes antiques et modernes, les voies ferrées et les autoroutes suivent et empruntent, amenant des nots réguliers et impor­tants de voyageurs et de marchan­dises: l'une Nord-Sud relie Greno­ble, Valence et le Midi à Genève, au Plateau Suisse et à la Rhénanie, tan­dis que l'a utre fait de Chambéry l'antichambre du Mont-Cenis pour le trafic franco-ital ien . Rares sont les périodes où ces deux routes équiva­lent en importance, le plus souvent ce fut la direction Est-Ouest , qui s' imposa, mais de toutes les façons ce commerce fit de Chambéry une place de négoce de premier choix

bien avant Grenoble et Annecy, ses deux voisines et rivales . Cependant ce commerce représente finalement un cadeau empoisonné pour Cham­béry qui, toujours trop confiante, dé­couvrit très tard , trop tard même, la possibi lité de devenir un centre in­dustriel.

Le grand commerce médiéval

Pendant tout le Moyen Age, C hambéry se fait plus remarquer par ses péages que par son artisanat. En 1232 ils rapportent la coquette somme de 400 norins et le commerce ne fit que progresser par la suite; en 1302 près de 5 000 mulets passent ici pour le seul commerce du drap entre

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la France et l'Italie. Les foires de Ge­nève et de Lyon empêchent par leur proximité que l'on puisse en tenir de semblables à Chambéry et celles, si­gnalées au début du XVe siècle, ne furent guère durables . Néanmoins l'importance de la communauté juive (87 feux juifs sur les 400 de la ville en 1411 soit près du quart de la popula­tion) atteste ce ll e des activités com­merciales et des sociétés de négoce sont signalées dès le milieu du XVIe siècle. Certes tout ne fut pas toujours favorable; la guerre de Cent Ans fut désastreuse pour les relations franco­italiennes et la persécution, puis l'ex­termination des Juifs par les princes jusqu'à leur expulsion générale de Savoie en 1470 n'arrangèrent rien. Les guerres d'Italie relancèrent le commerce, au moment même où le faste de la cour ducale pouvait facili­ter le développement d'un artisanat de luxe (encore faut-il souligner ici l'échec du Comte Vert pour créer ici une tuilerie au milieu du XIVe siècle et cinquante ans plus tard le même échec d'Amédée VII pour une fabri­que de draps). Les affaires aidant, la population double de 1430 à 1530, Chambéry était-elle en passe de de­venir une grande place économi­que?

La crise des XVI' et XVIIe siècles

L'histoire en décida autrement, hé­las. Dès la première moitié du XVIe siècle la conjoncture se renverse. Les guerres et les occupations françaises épuisent la ville, les ducs quittent dé­finitivement la Savoie: Chambéry, réduite au rôle modeste d'une petite capitale locale, voit la frontière se rapprocher dangereusement après la cession de la Bresse et du Bugey à la France, la privant ainsi d'une bonne partie de sa zone d'influence. Un

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malheur n'arrivant jamais seu l, une série de pestes ravage la vill e, et l'af­faiblissement de la Maison de Savoie aidant, le grand commerce interna­tional se détourne de la région, em­pruntant surtout le Simplon pour le plus grand profit de l'économie ge­nevoise. Pendant près d'un siècle il semble que Chambéry, repliée sur ell e-même, connaisse la plus tri ste stagnation, aucun progrès démogra­phique, aucune construction, aucune activité.

Aux XVIIe et XVIII' siècles, des voyageurs et des artisans

Le réveil s'amorce avec Charles­Emmanuel " 0638-1675) qui , reve­nant à l'alliance française, décide de restaurer le trafic du Mont-Cenis, dont il entend bien faire profiter les Savoyards et les Chambériens. En­core fallait-il que ceux-ci sachent trouver, en eux et hors d'eux, l'argent et les idées nécessaires, ce qui ne fut pas le cas. La route d'Italie ramène aux Echelles (dont le passage est ré­aménagé en 1670) et en Maurienne le flot des voyageurs, des pèlerins, des soldats et des diplomates, mais aussi les caravanes de soie, de laine, de draps et de mercerie. Dès 1633, le duc « pour chasser les vices que l'oisiveté pourrait faire glisser dans le cœur de nos sujets à leur grand dommage» ava it créé à Chambéry quatre foires franches, qui ne sem­blent pourtant guère avoir eu de suc­cès. Cependant les messageries se dé­veloppent et avec elles les relations régulières dorénavant avec Lyon, Tu­rin et Milan. Hospices et auberges regorgent de clients, les péages de Chambéry sont parmi les plus fruc­tueux du royaume, la population tri­ple en un siècle.

Encore une fois la chance passe à

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côté de la ville. La bourgeoisie locale préfère les charges judiciaires et la douce jouissance de ses propriétés Foncières aux aléas du commerce et de l'industrie. L'argent Fait d'ailleurs singulièrement défaut, mais l'on se contente de peu et l'emprise catholi­que est trop forte pour que l'on se risque ici à imiter, même de loin, les procédés capitalistes et usuraires des hérétiques genevois. D'ailleurs les occupations étrangères périodiques rendent les Chambériens prudents, il vaut mieux tenir des valeurs et des emplois sûrs que de tenter des opéra­tions hasardeuses.

« L'introduction de fabriques dans un pays de fainéants tel que la Sa­voie n'y peut être établie que par des gens d'esprit, de grande intelligence, laborieux et de grand crédit», note le Lyonnais Morel en 1701. Dès les années 1650-1660, souvent sur des initiatives étrangères, Chambéry se dote de quelques entreprises de den­telle, de draperies, de moulinage de la soie. Sept fabriques sont recensées à la fin du XVIIe siècle, une ving­taine cent ans après, des tanneries surtout (7 en 1759, 10 en 1789) et bien sû r des manufactures de textil e. Si l'atelier de soie du comte de Ro­chefort a échoué à Nezin et si l' Hôpi­tal Général n 'a pas pu profiter du privilège roya l pour développer son atelier de moulinage, il n'empêche que deux fabriques de gaze parais­sent prospérer à la fin de l'Ancien Régime (celle de Dupuis n'a-t-elle pas 36 métiers et 120 ouvriers ?), de­puis 1785 un Romanais ti ent un ate­lier de bonneterie. Près de 300 arti­sans, autant d'ouvriers, on est loin des chiffres de Grenoble, de Lyon, de Genève, mais l'on paraît s'en sa­ti sfaire.

Le grand essor du XIX e siècle

La Révolution ne facil ita point l'industrie et le commerce de C ham­béry. La guerre arrête les échanges. Lyon détruit et dévasté d 'un côté, Turin en pleine crise de l'autre, la route de la soie était bien compro­mise. Les nobles avaient Fuit ou avaient bien d'autres choses à faire ; quant aux bourgeois ils se lancèrent plutôt à corps perdu dans la spécula­tion sur les biens nationaux (ce qui correspondait à leur atavisme foncier traditionnel), dans les fournitures ali­mentaires aux troupes de passage, à moins qu'ils ne fussent tentés par les nouvelles administrations, qui com­blaient leur formation juridique et paperassière. Une nouvelle fois les élites locales refusaient l'orientation capitaliste pour satisfaire leurs pen­chants ancestraux. Il n'empêche que durant toute la première moitié du XIXe siècle, du Premier Empire à 1860, Chambéry semble prendre une direction nette et presque décisive vers l'industri e et cela sous l'in­fluence de deux éléments , qui pour lui être extérieurs n'en sont pas moins fondamentaux: le protection­nisme douanier et l'amélioration des voies de communication qui ne ces­sent de renforcer le rôle commercial de la ville .

Que ce fût le blocus continental ou le carcan douanier entourant les Etats Sardes après 18 15, Chambéry ne pouvait que s'en satisfaire car il s ass urèrent aux industriels locaux le monopole de la clientèle savoyarde à l'abri de toute concurrence, ce qui leur permettait des prix de revient in­téressants, en restant maîtres du marché.

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!) Le carrefour routier

Cette perspective était d 'autant plus tentante que Chambéry était de mieux en mieux reliée non seu lement aux métropoles voisines, mais aussi avec toute sa région. En 1805, l'ouverture de la route du Mont-Ce­nis assure de nouveau à Chambéry et à la Maurienne le monopole du tra­fic franco-italien et en particulier du grand commerce du coton oriental et ce au détriment des cols concurrents du Mont-Genèvre et du Simplon. Chambéry, aidé par le ministre sa­voyard Cretet et par les banquiers lyonnais, l'avait emporté sur Greno­ble et sur Genève (qui ne le lui par­donnèrent pas). En 1812 le perce­ment du tunnel des Echelles facilitait encore la circulation transalpine. L'amélioration ne fit que continuer par la suite. Charles-Félix puis Charles-Albert ne cessèrent en effet de renforcer cet axe surtout avec la construction de 1830 à 1848 d'une nouvelle vo ie moderne et rectiligne

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au-delà de Chambéry, à travers les marais de Challes puis de l'Isère. Pa­rallèlement on construisit aussi la route du Col du Chat, qui reliait en­fin valablement le Petit-Bugey à Chambéry et l'amélioration de la route de Genèv.e servit autant Anne­cy que Chambéry et Grenoble. Avec un tel réseau, la petite capitale sa­voyarde devient un grand centre de transit; en 1811 3 000 voitures de louage passèrent ici, en 1819 la mai­son Bonnafous, qui avait le mono­pole des diligences sur la route de l'Italie, assura le transport de 2000 personnes, qui firent étape à Cham­béry, en 1857 sept maisons prospé­raient dans le roulage et le « gros commerce ».

2) Le carrefour ferroviaire

L'arrivée du chemin de fer ne fit qu'accentuer cette évolution. Dès 1840 Chambéry s'était dotée d'une ligne vers le Bourget. Le tout n'alla

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Le pOnl du Reclus

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pas loin et après beaucoup d'hésita­tions, d'incertitudes et de spécu la­tions, c'est en 1856 que la ligne Vic­tor-Emmanuel, « Aix-Saint-Jean-de­Maurienne », donne à la vi lle gare, trains et cheminots. En 1858 Cham­béry était reliée à Culoz et par là à Paris (court-circuitant la métropole lyonnaise), en 1864 à Grenoble, en 1866 à Annecy, en 187 1 à Turin enfin après le percement du tunnel du Fré­jus, puis en dernier lieu à Albertvi lle en 1876. Certes on n'avait pu fa ire passer ici la vo ie Lyon-Genève, mais le nouveau réseau semblait assurer Chambéry d'un bel avenir (surtout pour le commerce transalpin).

3) L 'Industrialisation

Dans cette fièvre de transports, Chambéry améliore son potentiel in­dustriel. Le passé et le commerce aidant, c'est encore et to ujours le tex­tile qui prédomine, et si Annecy a choisi le coton, Chambéry reste à la soie et refu se même, en 18 10, l'im­plantation de l'Annécien Duport. La fabriq ue Chardon languissante dis­paraît avec l'Empire, mais Dupui s maintient sa soierie et la qua lité de sa production; l'essor n'a rri ve ra ce­pendant qu'après sa mort avec la re­prise de la fabrique par Franklin en 1833. Avec 200 ouvriers, l'usine de gaze de la Calamine éta it en 1860 le principal étab lissement de Chambé­ry. On se lança aussi dans la lai ne: en 1824 Tissot et Curtelin créaient à Mérande, une fabrique « de draps et d'étoffes pour gi lets en cachemire et tartan fabri qués avec les métiers à la Jacquart ». En 1841 Martin et Chap­peron reprirent l'affaire en la recon­ve rti ssant ve rs « la fabrication de draps grossiers pour impression à l'usage des gens à la campagne », vendant en Piémont, et pour ce fai re

n'employant pas moins de 80 per­sonnes.

Une autre spécialité chambérienne demeurait la tannerie, en 1813 la ville ne comptait pas moins d'une vingtaine d'ateliers travaillant les peaux (sur une centaine au total). Beaucoup se situaient dans le Bas­Maché, en particulier la vénérable maison Masson, mais c'est bientôt à la Revériaz, où le nouveau canal de l'Hyère attirait les industrie ls, que l'on retrouve les deux principales fa­briques: la très ancienne chamoise­rie Cha pot (qui travaillait pour la ganterie et les équipements militaires vendus en Italie et en Allemagne) et surtout l'étab lissement Bal créé en 1837 et transféré de Maché pour un bel avenir: ici on jouait sur la quali­té en ne travai llant que des peaux de veau qu 'une quarantaine d'ouvriers tannait et corroyait.

Dans la fi èvre du moment, on ne dédaignait pas de nouvelles produc­tions: en 1818 Dupuis-Fils s'éta it lancé dans la production de papiers peints ; en 1822 le sieur Gagniè re fondait à Mérande une fabrique de savon reprise ensu ite par Forest et Genoud et complétée par ces der­niers d'une usine de bougie à Nezin. En 1858 25 ouvriers, utilisant « un moteur hydraulique de la force de quatre chevaux, des générateurs à va­peur, des presses hydrauliques, des cuves et des chaudières », produi­saient 230 tonnes de bougie et 320 tonnes de savon. Moins durable quoique plus prestigieuse sur le mo­ment, la fabriq ue de chapeaux de paille (d'Ita lie) créée à Montgex en 1823 par MM . Dubois, qui n'em­ployaient pas moins de 500 ouvrières « âgées de pl us de 1 0 ans» sans compter les prisonniers.

Mais on ne serait pas complet .dans cette description de l'essor in-

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Le Vermout est une spécialité de Chambéry depuis un siècle et demi.

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dustriel de l'époque, si l'on omettait les ganteries, les fonderies de cuivre, les carrières de Lémenc, l'explo ita­tion de lignite de la Croix-Rouge, et surtout la brasserie Comoz-Perret re­montant à 1805 (et produisant an­nuellement plus de 5000 hl de bière à la veille de l'annexion), les maisons Chavasse-Dolin, Comoz et Lefèvre spécialisées depuis 1838 dans le ver­mouth (Turin n'est pas loin) et dans les liqueurs (imitation Chartreuse).

La persistance de beaucoup de pe­tits ateliers ne doit pas faire oublier les premières concentrations ouvrières et si 9 % de la popu lation active étaient formés de travailleurs industriels en 1787, le pourcentage s'élevait à 12 % dès 1830 et à 18 % en 1858 (1 300 personnes sans compter les artisans et les patrons).

L' image d 'une ville somnolente et morne au XIXe siècle do it être défi­nitivement écartée; s'il y eût un mo­ment où Chambéry fut vraiment ac­tive, ce fut bien à cette période.

La stagnation de la Belle Epoque

L'annexion, pourtant follement

populaire, devait compromettre cette bonne situation industrielle en jetant les fabriques savoyardes au grand vent de la concurrence française et bientôt européenne avec le dévelop­pement du libre-échangisme. Pen­dant quelques années on put faire il­lusion encore, mais il fallut bien se rendre compte de l'irréversibilité de la nouvelle conjoncture. On sauva bien de petits ateliers travaillant pour la clientèle locale, mais les vieilles entreprises s'effondrèrent ra­pidement pour la plus grande joie de la bourgeoisie locale, grande et pe­tite, qui rassurée sur la stabi lité poli­tique et sociale de Chambéry accepta de bon cœur ce déclin et la stagna­tion économique pendant près d'un demi-siècle.

Ce fut surtout l'i ndustrie textile qui pâtit le plus de la situation. Certes sous l'Empire on croit profiter un moment des fastes parisiens et de la fabrique lyonnaise ; c'est ainsi que se crée en 1862 une usine de tissage de taffetas à la Boisse avec 50 ouvrières, pourtant elle meurt vingt ans plus tard; la fabrique de la Cala­mine résiste mais avec seulement 77

La brasserie larcin. à la fin. du Xlxe siècle (Collec lion M usée Savoisien)

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ouvrières en 1863 et 18 en 188 1 pour s'éte indre définitivement en 1912 ; la fabrique de drap de Mérande avait quant à e lle d isparu dès 1874.

La métallurgie n'avait pas mieux rés isté: deux usines de fonte moul ée succombent en 1866-71.

En 189 1 tou t juste un cinqui ème de la population active chambé­rienne trava ille dans le secteur indus­triel en y comptant encore un lot d'artisans; on est loin des 30 % de 1858 et surtout des 46 % d'Annecy dont l'avance ne cesse de croître, et ce sous le regard indifférent des a utorités et des élus cha mbériens.

Il faut cependant nuancer ce dé­clin ; quelques branches industrielles se maintiennent parfois avec éclat. Le bâtiment tout d 'abord qui em­ploie sous la houlette d 'une douza ine d'entrepreneurs, tous d 'origine pié­montaise, près de la moiti é de la po­pulation ouvrière locale. C'est que l'on construit beaucoup à l'époque et pas seulement à C hambéry et quand le bâtiment va, tou t va, du moi ns le cro it-on. C hambéry qui n 'avait jus­qu'alors que quelques fours à chaux à Lemenc, se dote vers 1870 d 'une usine de ciment à La Revériaz so us l'impulsion de l'ancien minotier C hi­ron , qui va progressiveme nt s' impo­ser à toute la région, de Vimines à Montagnole. Les onze ta nneries chambériennes se portent bien aussi, leur effectif triple en trente a ns et la maison Bal, qui voisine Ch iron, avec 164 ouvriers en 189 1, représente la principale fabrique de la vi ll e, ayant parfaitement su s'imposer sur le mar­ché national et même étranger. L' im­primerie auss i prospère avec une centa ine d 'ouvriers tout comme l'in­dustrie alimentaire : quarante entre­prises font de C hambéry une capi­tale régionale pour les pâtes, les li­queu rs, la bière; six moulins tour-

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AU FIDÈLE BERGER

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nent à pl ein sur le cana l de Méra nde, deux sur ce lui de l' Hyère .

C hambéry reste fondamentale­ment une vil le de transport et de commerce. La ga re occupe 6 % des actifs au début de siècle, ma is le né­goce près de 50 %. Le désenclave­ment routioc des Bauges et de la C hartreuse, la ligne ferroviaire de l'Epine, tout accentue le rôle de C hambéry comme marché local. Le réseau bancaire s'affe rmit, six ban­ques (3 seulement en 1850) drainent les capitaux locaux mais sans cher­cher à les investir sur place, tout comme le marché chambérien draine les productions maraîchères de la ré­gion, sans chercher à se procurer l'équipement et les fournitures néces­sai res.

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Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982

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"Hl. - CHA~fBER Y. - La G:1TC

La gare de Chambél)' au début du XX siècle (Cliche Musée Savo isien)

Le Réveil du XX, Siècle

Ce n'est qu'à la vei lle de la Pre­mière Guerre que deux éléments viennent définitivement changer le climat économique chambérien. En 1912 le Groupe Français de l'Alumi­nium, consortium regroupant six so­ciétés, décide, sous l'impulsion de la municipalité sortie enfin de sa tor­peur, d'établir sur l'ancien Champ de Mars une usine moderne produisant des plaques et des fils d'aluminium car Chambéry offre le double avan­tage d'une gare facilement accessible et de la proximité de la houille blanche qui, depuis vingt ans déjà, a réveillé les grandes va llées voisines. En 1913 enfin, trois petites banques locales s'uni ssent pour former la Banque de Savoie. Certes le nouvel établissement n'a rien à voir avec le premier essai d'une Banque de Sa­voie disparue en 1864, victime de la crise industrielle et de la concurrence

entre Annecy et Chambéry; il s'agit maintenant d'une initiative purement chambérienne et d'une réelle ambi­tion économique à la différence des vi ll es vo isines .

En dépit du marasme de la guerre, Chambéry entre donc d'une manière décisive dans la vie moderne. Les an­ciennes « spécialités » demeurent et même se renforcent: les choco lats Coppelia, les quenelles Burne, les sa­laisons Lacroix accroissent les pro­ductions alim entaires loca les. Le cuir, l'imprimerie, le bâtiment pros­pèrent (la cimenterie Chiron fait tra­vai ller près de 100 personnes en 1930). Le textile refait son apparition avec la confection qui emploie, dans trois ateliers, 420 ouvrières en 1939, soit six fois plus qu'en 1914 (Chap­paz s'est monté en 1923 et Pilotaz en 1932). Le bois, les chaussures (Val­lin), la mécanique (Haulotte, Akros) sont tout aussi prometteurs. Bien en­tendu l'usine d'aluminium demeure en tête avec 150 ouvriers, augmentée

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~ . b,i<:!1lôt''t!u Centre de Recherche Mé­·· ··t·aIlui-gique de Péchiney transféré ici

depuis Saint-Jean-de-Maurienne. Est-ce enfin pour Chambéry le

« décollage» économique? On aurait pu le croire avant la crise de 1932 qui compromet l'expansion: en 1939 Chambéry compte 2000 ouvriers, soit le double de l'effectif de 1914, mais on est en deçà des 2 400 de 1930. La tension entre la France et l'Italie fasciste provoque les inquiétudes des industriels; l'usine d'aluminium ne reçoit pas les agrandissements prévus qui s'instal­lent finalement... à Issoire; on avait organisé, pour accélérer l'expansion, l'établissement à La Boisse d'une fi­liale de FIAT, RIV, spécialisée dans les roulements à bille, création éphé­mère qui laissa derrière elle beau­coup de déceptions et d'amertume.

Cependant on voyait Annecy maintenir son expansion mais l'on

ne voulait pas désespérer; Chambé­ry avait peut-être des chances touris­tiques entre Aix et Challes. Le com­merce continuait à prospérer, la créa­tion de la puissante société d'épicerie en gros de l'Allobroge maintenait le rang de la ville et depuis 1922 la foire d'automne attirait de plus en plus de monde: rurale et dispersée au départ, elle s'était peu à peu concentrée autour de la caserne Cu­rial, se voulant de plus en plus le ren­dez-vous et la façade de toute l'acti­vité économique du département. N'y avait-on pas vu en 1930 près de six cents exposants et plus de 120000 visiteurs? On restait donc optimiste et faute de devenir une grande ville industrielle on se vantait finalement d'une expansion « équili­brée » en bonne relation avec sa ré­gion, cherchant plus le qualitatif que le quantitatif.

Une des premières «Etoiles des Alpes » (PholO Soc. «L·allobroge»)

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L'expansion contemporaine

L'histoire en décida autrement. Une nouvelle fois , la deuxième guerre terminée, J'expansion et les espoirs reprennent. La reconstruc­tion procure la relance des travaux publics et des cimenteries et J'assu­rance revient avec la création à La Boisse, en 1950, d'une usine de verre texti le dont le Groupe Saint-Gobain à la recherche d ' industrie de pointe s'approprie J'exclusivité nationale: 1 000 ouvriers dès 1960, 1 200 en 1968, 1 600 en 1973.

Dès 1960, l' annexion de Bissy per­met à Chambéry de se doter d'une zone industri elle dans les marais de la Leysse; il est en effet de plus en plus difficile de se contenter des vieux quartiers industriels le long des canaux de Mérande et de l'Hyère. Le développement de C hambéry s' ins­crit dans celui de la Savoie, qui se

tourne alors pleinement ver~~~~~-':­tourisme, surtout hivernal , et vers l' industrie énergétique et électrique. En 1956 la seule ville de C hambéry compte 4 400 ouvriers , 6 000 en 1962, 7 500 en 1970, plus de 9 000 en 1976. Certes de nos jours Chambéry a son activité de plus en plus intégrée dans l' agglomération avec le risque et la conséquence inévitable de voir un certain nombre d'usines et d 'ateliers « émigrer» vers des secteurs plus li-bres et plus modernes en banlieue; il n'empêche que la ville, qui abrite 63 % de la population totale de J'ag­glomération, fourn it encore plus de 70 % de ses emplois.

C'est d'ailleurs dans le tertiaire que C hambéry s'impose, les 2/ 3 de ses actifs lui sont consacrés, ce qui bat tous les records régionaux . Les seuls transports en font vivre 8 % ; la ligne ferrovia ire de l' Italie est la plus fréquentée de France et le TGY va

La première gare de Chambéry à la veille de l'annexion (Co llection Musée Savois ie n]

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mettre bientôt Chambéry presque aux portes de Paris . Les années 60 avaient vu l'apparition des transports aériens, les années 70 celle des auto­routes vers Lyon, Grenoble puis Ge­nève. Pourtant les problèmes de péages, du contournement routier de la vill e et le retard du percement du tunnel routier du Fréjus par rapport à cel ui du Mont-Blanc n'ont pas en­core permis à la route de donner sa pleine mesure ici, mais de toutes les façons est-elle toujours facteur de développement ou seu lement un axe de transit? Néanmoins ces éléments ont grandement inOué sur le rayon­nement des commerces ou des ser­vices chambériens, au point que les autres villes voisines ont dû se défen­dre contre ce nouvel impérialisme. Les banques, les transports, les gros­sistes surtout alimentaires rayonnent sur tout le département et même au­delà; les camions Bourgey-Mon-

treuil n'avaient- il s pas une renom­mée presque nationale?

Chambéry est en relations cons­tantes et suivies avec Lyon, Grenoble et bien sûr Paris, Annecy restant en arrière avec Genève et Turin, les vieilles relations historiques ne jouent pl us guère.

crises et conjoncture

Jusqu 'en 1962 l'euphorie économi­que règne à Chambéry; on ne par­donne pas aux autorités d'avoir lais­sé passer l'occasion de voir s'installer ici Gillette (qu i finalement se fixe à Annecy), mais pour le moment Saint­Gobain puis Bally (de Zurich) appor­tent une impulsion décisive, la pre­mière par sa masse, la seconde par ses emplois féminins. Chez Cégédur­Aluminium le personnel passe en 10 ans de 350 à 450 personnes et les ar­rivées de la Satma (a lliages) et de la

L' a/elier de bobinage dufïl de verre à /' usine de Bissy 1 (PhOIO P. Beaume·VeIrOlex)

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Sisa (chaudronnerie) permettent les meilleurs espoirs.

De 1962 à 1968 l'expansion pla­fonne, la Satma et le Centre de Re­cherches Métallurgiques passent en Isère, la Sisa à Aix-les-Bains. L'im­pl antation des presses hydrauliques Cosmo, des filtres industriels Natio­nal Standard, de Placoplâtre, n'ap­porte pas les compensations néces­saires à ces pertes et la possibi lité de nouveaux grands espoirs.

Heureusement les années 1968 1975 révèlent une nette reprise . En 1970 Chambéry ne compte pas moins de 45 entreprises de plus de 10 employés (sur les 66 de l'aggloméra­tion) et les vie ill es spécialités (ver­

. mouth, pâtes, sala isons, conserves, chocolat, bois , cuir, confection, ci­ment>, prospèrent alors tout autant que les nouvelles (roulements à bille SKF, matières plastiques .. .). Avec le plein succès d u plan Neige, avec le

réaménagement de son carrefour, Chambéry obtient enfin le rythme de croissance économique dont elle rêve depuis près d'un siècle, ce qui rend pl us amers encore le renverse­ment de conjoncture après 1975 et l'aggravation constante de la crise par la suite. La confection est frap­pée de plein fouet, la fermeture de Pilotaz et de la Maroquinerie du Sud-Est, les baisses d'effectifs à l'Aluminium, dans les industries ali­mentaires et bientôt dans le colosse du Verre Textile, il n'en faut pas plus pour faire revenir les incertitudes et augmenter le chômage (5 % de la po­pulation active).

La crise révèle d'ailleurs les fai­blesses de l' industria li sation chambé­rienne: il n'y a pas assez d'entre­prises locales, l'industrie demeurée finalement « étrangère » à la ville dé­pend trop des centres ex térieurs de décision, on s'est contenté hâtive-

Vue partielle de la chaine defabrication des panneaux d'aluminium servant aux freezer des réfrigérateurs (Photo Fo rges de CRANS)

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ment de secteurs traditionnels, sans image de ma rque, sans spécialisation moderne et surtout sans souplesse. La région Rhône-Alpes déjà surin­dustriali sée ne s' intéresse guère à ce probl ème local. D'a illeurs C hambéry n'a pas déve loppé son industrie en relation avec la vocation électrique savoya rde, d 'où des révisions déch i­rantes au moment même où le grand touri sme marque le pas et où il n'es t plus si év ident de voir le carrefour co mmercia l susciter encore des acti­vités . Faut- il se reconvertir?

Longtemps on a cru ici qu'entre Aix- les-Ba ins et les Grandes Alpes,

C hambéry n'avait a ucune chance touri stique; les rivalités loca les em­pêchent l' agglomération et la région de pratiquer une politique économi­que commune.

Plus que jamais Chambéry a be­soin d'unité pour mieux redéfinir son rôle. Encore faut-il que ses élites et ses financiers s' intéressent enfin à son avenir, tant il semble constant dans leur histoire que les Chambé­riens , accaparés par des préoccu pa­tions abstraites ou paperassières, ont toujours trop considéré en specta­teurs les chances et les malchances économiques de leur cité.

La rotonde de la gare de Chambéry, un chef-d' œuvre de l'architecture métallique du début du siècle

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VIVRE A CHAMBÉRY

Deux caractères ont toujours frap­pé les «étrangers» de passage à Chambéry; la douceur de vivre dans une cité qui, en dépit de son climat et de son allure sévère, anticipe déjà sur l'Italie toute proche, et l'aspect bourgeois de la ville. Encore actuel­lement les mythes touristiques conti­nuent à véhiculer et à amplifier ces caractères: n'est-on pas ici à la porte du paradis de la neige et de la nature montagnarde? et ne cesse-t-on pas de comparer et d 'opposer Chambéry, ville fermée et austère (on n'ose pas dire triste) avec Annecy, vil le touris­tique, gaie, ouverte, moins compas­sée?

Une ville bourgeoise

Chambéry ne peut se comprendre sans ses notables. A la veille de la Révolution, la ville comptait plus de 150 familles nobles et trois fois plus de familles dites «bourgeoises» et chacun regrettait alors le déclin des bonnes familles, que dire donc des générations précédentes?

1. Une noblesse pléthorique

Chambéry-capitale ava it attiré à elle les nobles, les courtisans et les hauts fonctionnaires , elle conserva après 1560 son attrait sur la noblesse locale, qui s'accumu la ici en couches successives très réticentes à se mêler. Les vieilles familles féodales comme les Conzié, les Seyssel, les Allinges peu nombreuses, sont vite doublées par les bourgeois chambériens pro­mus par la faveur comtale, les Cha­bod, les Oddinet, les Noye!. Les chambres des Comptes et du Sénat furent des pépinières de robins ano-

blis par leurs charges (les Salteur, les Garnerin, les Morand, les Barral, les Charrost, etc.). Il fallut aussi comp­ter avec les nobles venus de l'étran­ger (les Clermont-Mont-Sai nt -Jean, les Comnène, les Piolenc), ceux ve­nus de Genève après la Réforme, ceux passés du Piémont (les Sarde, les Costa, les Sirace, les Care ll y, les Alexandry) . Chaque groupe entend se distinguer des autres et la fusion ne viendra que lentement au X Ville siècle surtout, accélérée par la Révo­lution et le conservatisme du XIXe siècle. C'est à partir du milieu du XVIIIe siècle que l'on voit ainsi la noblesse se fermer de plus en plus sur elle-même, avec ses propres so­ciétés (le Casin), ses cérémonies et ré­ceptions particulières et son obses­sion de se distinguer des bourgeois aussi bien dans les loges maçonni­ques (avec l'a rtistocratique loge des «Trois Mortiers ») qu'au théâtre, qu'au Verney (avec des allées sépa­rées) et même dans les églises. La surpopulation nobiliaire ne pouvait pas favoriser ici les fortunes ni les ambitions, d'où beaucoup de médio­crités, de rapacités et finalement de départs, auss i bien vers la cour de Turin que vers les cours étrangères d'Allemagne et d'Autriche surtout, émigration nécessaire, mais qui ne priva pas moins la ville de beaucoup de ses esprits les plus entreprenants.

2. Une bourgeoisie de robins

Si tous n'ont pu passer dans la no­blesse, les bourgeois chambériens se découvrent très tôt une passion pour le droit, qui leur permet de profiter de l'administration et des chambres souve raines. Formées à Valence. à

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Devant le palais cie justice Le monument cl' Antoine FA VRE.

présidel11 du SénaT

Louvai n, puis à Turin , des genera­tions de notaires, d 'avocats, de pro­cureurs, de légistes conci lient leurs in térêts propres et ceux de la loi, en­tretenant le goût procéduri er des paysans, accapara nt les charges judi­ciai res, ad mini strati ves et politiques de toute la région: en 1559, il y a 42 procureurs et avoca ts, il s passent à 80 en 1582, o n en retrouve encore 60 au XVIII e et 40 au X IXe siècle. Comm e chez les nobles, le surnom­bre engendre des excès d'intrigue, de mépris et de jalousies réciproques et bien sûr d'oisiveté (ce que nous ap­pe ll erions du chômage), au grand désespoir des jeunes sans avenir ou des esprits éclairés comme le révolu­tionna ire Voiron, qui écrit en 1788 : « Au lieu d'ateliers et de manufac­tures, l'on ne voit que des couvents ... des casernes, des études de gens d'a f­faires. Les vill es ne paraissent peu­plées que de moines, de soldats, de

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plaideurs, de désœ uvrés et de men-. diants .. . » On se veut néanmoins gé­néra lement sé ri eux, trava illeurs, hon­nêtes, âpres au ga in certes, mais aus­tères , simpl es et dévoués à la com­munauté ; tel s sont ainsi pendant des générations les Arminjon, les Dupas­quier, les Philippé, les Buttin, les Ri­chard , les Roch, etc. Eux auss i n'hé­sitent pas à s'expatri er car si la jus­tice est prédominan te à Chambéry, ell e est insuffisante pour entretenir tout ce monde, d'où une diaspora de fonctionnaires, de magistrats qui aère, illustre et enrichit la bourgeoi­sie chambéri enne.

3. Le pouvoir des notables « Une douceur de vivre dans

un commerce agréable et sûr» (Rousseau).

Ce sont ces notables, nobles et bourgeoi s, qui vo nt dès le XVe siècle avec l'appui duca l confisq uer le pou­voir muni cipal. Il est terminé, le temps des assemblées générales de bourgeois élisant démocrat iqu ement et bruyamment les deux syndics et les officiers municipaux, dorénavant seul un grand conseil de 42 membres se cooptant entre eux, a le monopole des affai res de la ville, il élit les syn­dics (4 dès 1527) et restreint l'acces­sion à la bourgeoisie en la soumet­tant à des conditions de plus en plus stri ctes et onéreuses, de sorte qu 'au XVIII e siècle quelques centaines de personnes seulement pouvaient se targuer du privilège de bourgeoisie, de fai t de plus en plus symbolique. Il n'est pas peu surprenant d'ailleurs de voi r le « corps de ville» se diviser symboliquement en quatre classes des gentilhommes, des avocats, des procureurs et des bourgeois « les plus apparents, nés de parents bour­geois, vivant de leurs rentes ou pro-

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fessant les arts les plus relevés », dis­tinctiol] significative du recul pro­gressif de la noblesse qui occupait initialem ent la moitié du conse il et de l'importance des juristes dans la vill e. Ce conse il , réduit à 32 membres aux XVIII e et XIXe siècles, se fige d 'a illeurs dans un conservatisme im­puissa nt tant il est difficile d'intéres­se r à la vie mun icipale des notables déjà très so ll icités par leurs affaires personnelles ou par des « affa ires su­péri eures» à Turin ou à l'étranger. C'es t que l'émigration empêche cons­tamment ces nobles et ces bourgeois de s'enfermer sur eux-mêmes, chance et malchance d'un groupe ouvert, toujours tenté par les aventures exté­ri eures et moins attaché à leur vill e qu'on aura it pu le penser, surtout après 1870, lorsque le suffrage uni­ve rse l fit passer (tomber) le pouvoir à la petite bourgeoisie locale radicale. La trad ition demeure puisqu 'au XXe siècle l'indifférence et la discrétion politique et publique sont encore de mise da ns les vénérables vieilles fa­milles chambériennes. Même divisés par une infinité de clivages familiaux et mentaux, les notables n'en présen­tent pas moins une certaine unité par leur genre de vie qui les a constam­ment di stingués de leurs concitoyens. On s'est toujours voulu pieux, les fa­milles sont nombreuses, les fils éle­vés chez les «bons pères» et les fill es chez les religieuses (surtout du Sacré-Cœur) et l'on se doit d 'a ider le cl ergé et d 'orner les égli ses. Le moins de scanda les possible, la vie est chose sérieuse et les divertissements doivent reste r « paisibles et hon­nêtes », même si la fin du XVIIIe siè­cle et celle du XIXe ont été des pé­riodes de franches distractions au grand désespoir des prêtres et des moral istes.

La grande affaire demeure la

terre: au XVII le siècle, le tiers de la province de Savoie-propre appa r­tient aux seuls notables chambériens, record régional souligné par G. Ar­mand, qui voit ici une grande origi­nalité de Chambéry. Chacun se doit d 'avoir sa vigne pour boire «son » vin, sa propriété où l'on se retire de Pâques à To ussai nt, ses fermiers qui assurent l'approvisionnement de la famille et ses terres acquises patiem­ment au fur et à mesure des crises agricoles et des prêts hypothéca ires non remboursés. Mélange d'âpreté, mais aussi de généros ité, la vie se dé­roule dans une relative austérité : le luxe et le train de vie demeurent ain­si toujours limités, peu de domestici­té, peu de fastes et de gaspillages (les riches collections artistiques des Costa demeurent ici l'exception). On loge dans les vieux hôtels du Cham­béry médiéval, dans de grands appar­tements aussi sombres qu'inconforta­bles, jalousant les nouveaux riches, qui à la fin du XIXe siècle s'étab li s­sent sur le boulevard ou dans des vi l­las à la banlieue. Si l'on sait bien par­Ier professionnellement, on se doit d'être discret, l'amour des arts est ré­duit et l'intérêt intellectuel souvent li­mité aux problèmes historiques, juri­diques ou religieux.

Charmes et limites de la vie pro­vinciale ? Classe dépassée ici par un capitalisme triomphant ailleurs ou seulement groupe vidé de ses meil­leurs éléments émigrés ~ Caste néanmoins maîtresse indiscutable de la ville pendant quatre siècles. La meilleure preuve de la force et de la valeur de ces « Monchus », réside fi­nalement dans l'absence complète d'opposition et de critiques à leur égard, même de la part d'éléments politiquement et socia lement hos­tiles, peu de villes peuvent se vanter d'une telle unanimité.

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Un intérieur « bourgeois » du Vieux Chambéry (Cliché CI collection Musée Savoisien)

4 La fin des no/ables

Pourtant la fin du XX- siècle voit la disparition de ces dynasties ances­trales. La Révolution avait accentué le déclin démographique de la no­blesse, le malthusianisme du XIX­siècle n'avait rien arrangé et l'héca­tombe des officiers tués pendant la première guerre acheva de rendre durable et décisive cette diminution numérique. Depuis 1880, les revenus de la terre diminuent et les notables chambériens réussissent peu dans les spéculations capitalistes; d'ailleurs beaucoup vont se ruiner au casino à Aix-les-Bains si proche et si tentant. Traditionnellement ouverts sur l'Ita­lie, ils ont du mal , en dépit de leurs espérances de 1860, à se réadapter dans un cadre uniquement français et s'ils le peuvent, ce sera au détri­ment de leurs racines chambé­riennes, d'autant que les municipali-

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tés radicales et républicaines de la Belle Epoque ne font rien pour les intéresser et les retenir ici. Survinrent le traumatisme de la guerre et les bouleversements de la deuxième moitié du XX- siècle, il n'en fallait pas plus pour accentuer le déclin et la disparition des notables tradition­nels, obligeant Chambéry à se trou­ver une nouvelle élite.

5. Le peuple

Dans cette ville bourgeoise, le peu­ple semble totalement exclu aussi bien dans les documents que dans la tradition et pourtant numériquement quelle primauté et quelle pauvreté!

Jusqu'en 1830, il Y a ces pauvres, vagabonds et miséreux, sans logis ni travail qui hantent la ville en perma­nence, assiégeant passants et voya­geurs, rejoints lors des crises par des

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Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982

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foules de malheureux venus de l'ex­térieur dans l'espoir impossible et fou d'obtenir des secours. Les autori­tés distinguent subtilement les « pau­vres » des « honteux » et en comp­tent en tout près de 600 dans la « bonne année », 1586, mais lors de la crise de 1741 il Y en a plus de 6 000, qui assiègent l'hôpital général pour y demander la soupe et le pain, en 1717 il Y en avait eu aussi un tel nombre à l'hôtel de ville « que l'on croyait à une infection ». PéFiodique­ment on les rassemble pour les enfer­mer dans les hosp ices, à moins que devant le nombre on ne se contente de les refouler au Verney ou plus simplement hors du territoire muni­cipal. 18 17 fut la dernière famine où l'on vit de telles scènes, l'industriali­sation, qui suivit, permit enfi n de donner du travail et des moyens d'existence, même réduits, à tous.

Des centaines d'ouvriers, manœu­vriers et domestiques, affluent ici au gré des aléas économiques et politi­ques, s'entassant surtout dans les faubourgs et accessoirement dans les rues Juiverie et Croix-d'Or. Ce sont eux qui, en temps de difficulté, rem­plissent la ville de « tumulte », comme en 1734 quand toute la livrée de Chambéry « tint une émeute» pour sauver de l'estrapade un por­teur réputé innocent du délit dont on l'accablait. On les revit vibrant aux passions politiques nouvelles en 1792, lorsqu 'ils prirent d'assaut le poste de la place Saint-Léger, ou en mars 1848, lorsqu'ils viennent de­mander à l'hôtel de ville « du travail ou du pain ». En temps normal ce­pendant, ils préfèrent aller se divertir dans les guinguettes des environs ou s'amuser « honnêtement et sans ta­page» au Verney ou au Champ de Mars.

Que fallait-il préférer? le sort de

la domestique, éterne lle mineure vi­vant dans l'ombre de ses patrons qui la chassent à leur gré à moins qu' ils ne la citent dans leur testament, ou celui de l'ouvrier abruti par 12 à 13 heures de travail par jour? En 1875 Barbier se montre confiant sur leur sort: « A l'usine de la Boisse, la durée du travail est de 14 heures, mais la durée effective est en réalité de 12 heures . On n'a point remarqué qu'une aussi grande assiduité fût de nature à altérer leur santé ... » N éan­moins « on trouve quelques exem­ples d'ouvriers ou plutôt d 'ouvrières désertant l'atelier sous prétexte que leur salaire n'est point en rapport avec leur capacité ou leur habileté, mais ce cas .. . tendra de plus en plus à disparaître au fur et à mesure que l'habitude de l'atelier se répandra dans la population ... ». Certes Chambéry, ville peu industrielle connaît peu de prolétariat surtout à la Belle Epoque et l'influence rurale aidant, la docilité et la modération prédominent. Même après l'appari­tion des premiers syndicats en 1890, la vague de grèves de 1905 touche peu Chambéry, il faudra attendre 1936 (et encore) pour que l'on s'aper­çût ici d'une prise de conscience de classe.

Au-dessus du peuple et de ses mi­sères quotidiennes mais rejeté encore par la bourgeoisie, se forme un em­bryon de classe moyenne avec ses quelques centaines d 'a rti sans plus ou moins aisés, beaucoup de cordon­niers, de savetiers caractéristiques des villes de passage, beaucoup auss i de métiers d'alimentation et de bois­sons. Un grand nombre vient de l'ex­térieur, comme ces Lyonnais du XVIe siècle apportant ici leurs tech­niques « que oncques n'avait veu ny praticqué en nostre pais de Savoye ... et qui trouvent sur le lieu a meilleur

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commodité et moinsdre coust et des­penses ... » (L.P. du 5 avril 1556). Ce sont eux, qui formeront les clubs et sociétés révol utionnaires de 1793-94 ; ils deviendront par la suite les ancêtres de cette tradition radi­ca le si puissante ici, gross is par le nombre grandissant des fonction­naires, employés et boutiquiers ve­nus des autres départements ou de la campagne savoyarde, mais tous nourris du même mépris des struc­tures traditionnelles surtout reli­gieuses et politiques. Très tôt dé­chri stianisé, ce groupe va s'imposer à C hambéry dès 1870, donnant à la ville une allure totalement distincte du reste du département, la coupant psychologiquement de celui-ci pour mieux la relier au régime français, signe de sa promotion .

La sociabilité chambérienne

On ai me se rencontrer et se di s­traire à Chambéry comme ailleurs , mais pas moins qu'ailleurs avec ce­pendant ici l'i nfluence conjointe de l'Eglise et des notables , avec pendant longtemps la proximité des princes et en permanence le diverti ssement occasionné par les voyageurs.

1. Fastes d·antan

Il y a tout d 'abord les grandes fêtes officielles religieuses, civiles ou politiques où toute la communauté se retrouve dans une célébration fas­tueuse d 'un événement ou de son so uvenir. Les fêtes religieuses ont été bien sûr les plus durables: pendant des siècles les process ions ont sillon-

. La procession de lafête-Dieu à Lémenc en 1955 (ColiCCIion M usée Savoisien)

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né la ville, précédant ou suivant l'of­fice solennel à Saint-Léger, Saint­François, plus loin à Sainte-Claire ou même jusqu 'à Myans. La princi­pal e est celle de la fête-Dieu, mais les plus prestigieuses furent bien sûr celles du Saint-Suaire au déb ut du XVI e siècle. Tout est d'ailleurs pré­texte à process ion dans la société d'Anci en Régime, l' a rri vée ou le dé­part du souverain, les gra ndes fêtes cari llonnées, les victoires, les catas­trophes, les anniversaires etc. : dans la seule année 1730, on n'en fit pas moins de 25 à Chambéry. A chaque fois les congrégations se regroupent derrière les moines de Lémenc, église primitive de la vi lle, le clergé séculier est quant à lui précédé du chapitre de la Sainte-Chapelle, pui s après 1779 de son évêque. Les paroisses et confréries suivent avec leurs ban­nières, leurs insignes et leurs cos­tumes propres; les grands officiers royaux cheminent avec les membres des cours souveraines en grande robe rouge, les syndics et conseillers de ville en robe noire, la noblesse en épée. Les corporations défilent elles aussi avec leurs insignes, enfin arrive la foule des fidèles et des badauds. On se « harangue », on chante, on sonne les cloches, les tro upes para­dent, dans aucune autre ville du Du­ché, on ne peut atteindre pareille so­lennité.

2. Les premières associations

Les corporations (il n'yen a pas moins d'une quinza ine) réglementent les métiers et les hiérarchies profes­sionnelles, mais elles fournissent aus­si aux travailleurs des occasions de rencontre autour des malades, des défunts , des saints patrons comme Saint-Crespin pour les tanneurs et cordonniers, Sainte-Anne pour les

menuisiers ou Notre-Dame pour les couturiers (qui , eux, se rencontrent d'autant plus facilement qu'ils sont tous regroupés aux XVIe et XVII e siècles autour de l'église Saint-Lé­ge r). Les confréries du Saint-Esprit et de la Trinité sont très actives au XVe siècle pour entretenir le zèle religieux et caritatif de leurs membres, très vite cependant deux d'entre elles vont réuss ir à ga rder leur prestige jusqu'à la Révolution et même au-de­là, les « Pénitents Blancs» et surtout les « Pénitents Noirs» créés en 1594 par le président Favre et sa int Fran­çois de Sales lui-même pour renfor­cer la foi des notab les loca ux, et aux­quels Joseph de Maistre se fit tou­jours gloire d'appartenir. Il faut aus­si se distra ire, dès le XVe siècle, « L'Abbaye de la jeunesse» dite aus­si Abbaye de Bazoche organise des ta­bl ea ux vivants, des cérémoni es bur­lesques et des charivaris, mais aussi des spectacles plus complets comme les histoires de sa int Sébastien ou de sainte Anastasie jouées en 1446. En 1516, elle monte même « la passion de Notre-Seigneur », mais elle ne semble pas cependant avo ir rés isté à l'épreuve des pestes et des luttes reli­gieuses du XVIe siècle et surto ut au moralisme de la contre-réforme ca­tholique. Finalement c'est la Société de tir, qui paraît avoir la pl us grande ancienneté et la plus grande perma­nence à Chambéry, car un « ro i des tireurs» est déjà signalé dans la Grande-rue en 1383. Au XVe siècle, les arbalétri ers et archers s'entraînent sous la tour du Bercel (synonyme de tir et dont l'expression sera reprise par le corps des Bersagl ierD, leur concours de tir à l'oiseau ou « pape­gai» attire un grand concours de peuple, mais ils peuvent être parfois d'une grande utilité comme en 149 1 en défendant Chambéry contre les

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menées du comte de la Chambre ou en 1690 en allant participer à la dé­fense de Montmélian contre les Français, puis en 1742 en organisant une dHense symbolique à Apremont contre les Espagnols. On comprend al or la faveur des princes, l'autorisa­tion orticielle de Charles II sanction­nant les statuts de 1509 et les privi­lèges de Charles-Emmanuel rer pour le « rois du tir » en 1626.

L'autorité grandissante des princes se lie avec l'inquiétude de l'Eglise of­ricielle, moralisa nte et orthodoxe contre de associa tions toujours dan­gereuses, ce qui ex plique la déca­dence de ce dernières aux XVIIe et XVIIIe siècles. Elles renaissent mais sous des forme nouvelles et encore bien fragiles et menacées. En 1749 la première loge apparaît à Chambéry, avec l'a ri sto ratique « Trois Mor­tier » fond ée pa r le marquis des Ma rches en 1790 il y en a quatre re­groupant plu- de 300 membres.

oin réu ie, plus éphémère avait ét la ( 0 iété d'Agriculture » créée en 177 , qui ne ré i ta pas à ses divi-ions internes et à sa faiblesse maté­

ri Il . En 17 4, la noble e e donne un a in, ciété de pla isi r regrou­pant pré d 80 per onnes des deu .

xes, fermée bien sû r aux bourgeois ui s'empr sent de 1 liquider en

17 _. régime po téri eur ont ommun la même méria nce

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« la Société d'Histoire Naturelle» en 1844, « la Société Médicale » en 1848, « la Société Savoisienne d 'Histoire et d 'Archéologie » en 1855.

3. Culture populaire et culture classique

Peuple et notables s'opposent à Chambéry surtout dans le domaine culturel , et dès le XVe siècle, il sem­ble bien que les occasions de réu­nions et de distractions en commun se fassent de plus en plus rares . Cha­cun reste chez soi , en parti culier le peuple qui prédomine dans les fau­bourgs, en fait son lieu exclusif de cadre de vie. L'esprit de quartier aidant, apparaissent ainsi des collec­ti vi tés, qui , pour n'être pas orti­cielles, n'en sont pas moins très vi­vantes, en insistant sur le vin, le sexe et la violence physique. Ces « contre­sociétés» de plaisir et de défoule­ments collectifs animent dès le XVIe siècle la lutte entre Maché et le faubourg Montmélian, sous les in­signes respectifs de la ronce et du laurier. La procession de la Saint-Va­lentin menant les jeunes de Maché au prieuré de Bissy, les vogues de quartier, les carnavals, les feux de la Saint-Jean, les charivaris sont autant d'occasions de se rencontrer, de boire, de « flirter » et de se battre au grand dam des autorités et des bonne familles. On a toujours beau­coup bu à hambér , en 1 47 le sub titut Le Pelletier se lamente « le

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Le Carmel sur la colline de Lémene

XX e siècle avec 367 cafés pour 20000 habitants. Et s' il n'y avait que la boisson ! mais que dire des règle­ments de police qui, pendant des siè­cles, essaient de réglementer les « filles» de la rue Sainte-Appollonie ou de la Truanderie au Moyen Age, de la rue Juiverie par la suite, et en­fin du quartier des casernes plus tard! Plus anodins, mais aussi dis­tinctifs, appara issent les cirques et salles de spectacles populaires dès le milieu du XIXe siècle, plus frondeur le réveil du folklore de Maché après 1919 avec ses nouvelles vogues, ses « reines», sa commune libre, sa presse indépendante: les autres quartiers essaient de faire de même. « L'échelle de Maché» perturbe les passants honnêtes, c'en est trop! La municipalité va « enterrer » tout cela dès 1930 et les remaniements urbains aidant, c'en est bien fini dès lors de la vieille culture populaire chambé-

rienne. En apparence tout au moins, les notables préfèrent les plaisirs plus calmes de la discussion et des « douces rencontres» « sans pose ni vaines grimaces » (Vicaire de Police, 1729). Déjà, après 1536, l'occupation française avait permis aux premiers sa lons chambériens de s'animer der­rière Honoré d' Urfé ou Clément Ma­rot et de s'enthousiasmer pour les parties de cartes au flux et au brelan, ce qui n'empêche pas bien sûr les jeunes de se défouler à la paume ou au tir. Si on ne se fréquente pas et même de moins en moins entre no­bles et bourgeois, on n'en découvre pas moins ensemble au XVIIIe siècle les charmes du chocolat, du thé, du café et de la musique, toutes les « bonnes familles » se doivent de donner des concerts (Rousseau en profite D, dès 1730 une société des concerts se monte pour harmoniser et aider ces créations. Entre-temps

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-on ava it appris le billard (dont la première sa lle est attestée à Chambé­ry en 1703) et le goût empoisonné du jeu. Depuis le milieu du XVIIe siècle, on profite au Verney de troupes de passage, la première sa lle publ ique de théâtre est ouverte au château par les Espagnols, mais il faut attendre 1775 pour que les Chambériens pos­sèdent enfin une sa lle de bois offi­cie llement reconnue et définitive, ce qui n'empêche pas le co llège et les grandes familles d'organiser des séances privées. Au X IXe siècle l'amour du théâtre va d'ail leurs deve­nir une vraie passion au désespoir des mora listes et des commissaires de police. Certes il ne faut pas être trop exigeant su r la qualité des repré­sentations, mais là plus qu'ailleurs encore, les notables peuvent se don­ner en spectacle, en goûtant comme dans les cercles, le plaisir d'être « en­tre soi », ce qui a des avantages et des inconvénients. Tous les voya-

Le plqfond du théâtre municipal.

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geurs soulignent bien jusqu'au Se­cond Empire le charme de la vie mondaine chambérienne, sa dignité, sa simplicité, son entrain. mais le genre des souvenirs et des récits ne doit pas cependant nous faire oublier les limites de cette sociabi li­té : l'étouffement d'un groupe finale­ment réduit, la pauvreté des moyens matériels, la petitesse des esprits. En 1672, le passage d' Hortense Mancini fera ici l'effet d'une tornade, et les Chambériens les plus brillants et les plus actifs ne pourront se contenter du petit « monde » local: la com­tesse de Boigne ne voudra jamais en entendre parler et combien d'a utres avec elle.

La nouvelle société chambérienne

Le XXe siècle amène des change­ments radica ux dans la société lo­cale. Le brassage socia l et géographi­que a ainsi profondément bouleve rsé un microcosme, qui n'a bientôt plus de savoyard que le nom. Les ressor­ti ssa nts étrangers n'étaient que 557 en 1866, 1 965 au début du siècle, 2582 à la ve ille de la deuxième guerre et 1 382 au lendemain de cell e-ci. Il s sont 8 842 en 1976, so it le septième de la population de la vill e, avec 2 820 Italiens et 3 307 Maghré­bins, ce qui n'est pas sa ns poser de sé ri eux problèmes d'intégration et de relations. Si on leur ajoute les natu­rali sés et les Français venus d'a utres régions, les Savoyards ne forment plus qu'une minorité et les « vieux» Chambériens un groupe minuscule, évolution inévitable dans le monde moderne et dans une vi lle-carrefour.

La composition professionnelle et sociale se modifie aussi profondé­ment. Les agriculteurs ont presque entièrement disparu, la bourgeoisie voit sa proportion diminuer face à la

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Une des dernières cava/cades en / 955 (Collection Musée Savoisien)

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La première cava /cade de Chambély en /885 (Dessin de I·albumde l. Desayci Pelaz)

montée des classes moyennes. Les quartiers eux-mêmes changent, tout en conservant de solides différences. En dépit d'un fort noyau d'immigrés étrangers, le centre-ville reste très « chic », très cultivé, très conserva­teur à l'intérieur des anciennes li­mites, en opposition à une Z.U.P. très prolétarienne et très « étran­gère ». Lémenc et Montjay ont main­tenu leurs allures bourgeoises tradi­tionnelles face aux classes moyennes du Biollay, de Bissy, du Stade et de Joppet.

La montée des classes moyennes, déjà sensible à la fin du XIXe siècle, avait suscité à Chambéry de nou­velles manifestations culturelles: les spectacles faciles d'opérettes et de variétés s'étaient imposés au théâtre, au Verney et dans de nouvelles salles, moins « selects ». Le carnaval se laïcise avec la « cavalcade », qui a la faveur de la foule , moins active ce-

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pendant et plus spectat rice . Les cir­ques remplacent les baladins et sal­timbanques. On découvre le sport et le chant dans de nouvelles sociétés de loisirs, d'inspiration chrétienne ou républicaine dont les rivalités pro­longent celle des deux écoles. A « l'Alerte » s'opposent les « Volon­taires des Alpes », aux « Gentianes bleues » les « Perce-Neige »; au « Cercle Choral » « l'Ophéon Cham­bérien ». Il faudra beaucoup de temps et d'efforts pour surmonter ces antagonismes à la fois stim ul an ts et paralysants et pour arriver à des as­sociations plus « neutres» comme « l'Union Sportive » ou « le Cercle Orphéonique ».

La vie associative loca le est donc ancienne et animée, même si l'évolu­tion contemporaine ne lui a pas été favorable . La grande vogue du Ver­ney et la Cavalcade ont disparu de l'univers festif des Chambériens vers

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1960, vict imes du nouvel urbanisme ma is auss i des nouvelles menta lités. Le libéra li sme et la spontanéité d'an­tan ont cédé devant la pass ivité, l'in­différence et les interventions offi­cie ll es. L'élargissement des horizons, l'agrandissement de la ville ne facili­tent guère les rencontres sur des thèmes trop étroits ou trop locaux. Depuis la guerre, on se cherche pour une nouvelle culture dont l'actuelle A.M.C.C. se veut l' initi atrice et la propagandiste. Non que l'époqu e ac­tuell e se manifeste par un vide cultu­rel , bien au contraire, il y a même surabondance de manifestations et de rencontres, même si tout cela ne touche souvent qu'une rela ti ve mino­rité de la population. La crise contemporaine des esprits n'a donc pas, et de loin, diminué la vitalité chambérienne.

Les divergences socia les et cu ltu­relles demeurent: s'il y a toujours des notables, il faut compter aussi maintenant avec les militants ; s'il n'y a plus de foules « tumul­tueuses», il y a des mouvements d'opinion; il n'y a plus de presse d 'opinion (où sont les diatribes de la très cléricale « Croi x de Savoie » et du virulent « Démocrate Savoisien »

au début du siècle ?), mais il y a les multiples bulletins d 'associations et de groupements. Tout s'es t uniformi­sé, mais le public des tournées Kar­sent y n'est pas celui du « théâtre de la G lèbe » ; tout le monde, ou pres­que, fréquente le conservato ire et les stades, mais il y a toujours des « mi­lieux fermés », des excl usives , des polémiques, des querelles de clo­chers. Comme dans son architecture,

Chambéry ne découvre pas sa vita lité au premi er abo rd: derrière le ca lm e apparent, la vie existe, signe d'une ville authentique, reflet d 'une his­toire avec ses continuités et ses rup­tures.

La population de Chambéry en 1976

56788 habitants dont 54415 pour la population municipal e.

Chambéry est partagée en trois cantons : Chambéry-Sud: 14438 habitants; Chambéry-Sud-Ouest: 17 195 habi­tants ; Chambéry-Nord : 25 155 ha­bitants (en a ugmentat ion de 33 % de­puis 1968).

Sur 37 690 adu ltes: 55,8 % ont, au plus, le niveau du C.E.P. ; 19 % ont un ni vea u égal o u supéri eur au bac­ca lauréat.

32 % des Chambériens ont moins de 19 ans, 56 % de 20 à 64 ans, et 12 % plus de 65 ans (en 1954 les pro­portions respecti ves étaient de 30, 60 et 10 %).

Sur les 23 320 actifs, 0,7 % re lèvent du secteur primaire , 32,7 % du secon­daire et 66,6 % du terti aire. (Po ur le département les proportions respec­ti ves sont de 8,7, 38,3 et 53 %)

Parmi les actifs, on compte 0,7 % d'agriculteurs, 16 % de patrons, ca­dres et profess ions libérales, 14,8 % de cadres moyens, 30 % d'employés, 35 % d'ouvriers. En 1954, les parts respectives des mêmes catégories étaient à Chambéry de 3,4, 22, Il , 26 et 34 % ; dans le département en 1976, elles étaient de 8,7, 15, 13 ,27 et 33 %.

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ÉLÉMENTS POUR UNE VISITE DE CHAMBÉRY

La vieille vi ll e de Chambéry forme un ensemble important, qui a survé­cu aux siècles et aux hommes et qui frappe plus par son homogénéité que par la qualité de ses constructions. Le tout remonte généralement au XV- siècle et semble avoir pris, sauf exceptions locales, son aspect défini­tif au XVII- siècle. On a moins ici une vi ll e médiévale, que la transfor­mation de cette dernière par les géné­rations postérieures, ce qui loin d 'en affad ir l'intérêt, l'augmente encore.

Un style chambérien ?

Il reste t rès peu de chose du Chambéry antérieur au XV- siècle, la poterne de la herse et le « donjon »

du château, quelques débri s d 'en­ceinte ici ou là ; la tour bossue de la rue Jean-Pierre-Veyrat et la tour de la Trésorerie au château ont été très remaniées, seul le vénérab le et énig­matique baptistère de Lémenc appa­raît « co mplet ».

C'est du XV- siècle que datent donc les premiers « monuments » chambériens, toute la partie orientale d u château aussi bien la tour dite des Archi ves que la grande chapelle d 'Amédée VII 1 (œuvre d 'artistes français , flam ands et bourguignons) et enfin la nouve lle ég lise de Lé­menc. On a beaucoup construit a lors à Chambéry. La rivalité trad ition­nell e entre les Franciscains et les Do­minicains les amène à édifier pres-

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Vue aérienne du Vieux Chambéry (Dessin Services techniques de la Mairie)

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que en même temps leurs églises respectives, émulation religieuse et artistique, mais aussi politique dont Chambéry bénéficie grandement et à tous les points de vue puisque cha­que congrégation, à une extrémité de la ville, s'a rrangeai t pour offrir ses service et ses bâtiments à une admi­nistration, Saint-François pour la municipalité et Saint-Dominique pour la justice. Mais c'est surtout de cette période que date le plus grand nombre d'hôtels particuliers avec cette architecture si caractéristique du vieux Chambéry: un passage voûté relie la rue à une cour inté­rieure sur laquelle débouche un esca­lier à vis abrité dans une tourelle gé­néralement polygonale et surmonté d'un toit en poivrière, des galeries ouvertes à arcades assurent la des­serte des appartements; structure qui eut assez de succès pour se re­trouver encore pendant longtemps dans les constructions chambé­riennes, si tant est qu ' ici on préfère conserver les solutions tradition­nelles même dépassées que se hasar­der dans les nouveaux styles.

Le XVIe siècle ne nous a laissé que l'hôtel Lambert, passage Henri-Mur­ger et quelques hôtels de la rue Saint-Réal où l'on ne décèle les nou­velles modes artistiques que dans les détails ; la difficulté des temps ne se prêtant guère aux constructions et aux innovations. Il faut donc atten­dre le siècle suivant pour assister à une nouvelle fièvre artistique et mo­numentale: certes les Franciscains reconstruisent leur cloître en s'obsti­nant dans le style gothique, mais c'est dorénavant partout le style « baroque» qui fleurit, comme dans la chapelle des Jésuites (l'actuelle église Notre-Dame), la première du genre ici et une des premières dans le genre, dont la façade austère s'op-

pose néanmoins à ce ll e plus libre et plus ornée de la Sainte-Chapelle et à ce lle plus élégante, plus légère et plus tardive des Visitandines (sur la place du Marché) . La floraison mo­nastique aboutit à une masse de bâti­ments conventuels dont il ne reste presque ri en, mais qui se remarquent par leur allure austère et très régu­li ère sous leurs grands toits d'ar­doises, qui les fait ressembler aux constructions laïques contempo­raines, ce qui n'est d'ai ll eurs pas le moindre intérêt de cette période. S'impose donc un sty le désormais classique dans la région , cel ui de ces maisons de campagne bourgeoises presque cubiques sans balcon, or­nées seulement d'un portail avec un toit à quatre pans généra lement in­curvés. En ville, sous l'impulsion d'architectes et d'arti stes transalpins (à l'exception du sculpteur Cuenot), on adopte le modèle italien de construction « noble », qui poursuit la tradition locale: un corps de bâti­ments mass if à cour centrale sans jar­din (la place manque) et ne présen­tant côté rue qu 'une grande façade plate, ouverte par un portail centra l donnant sur un couloir voûté, tels so nt les hôtels de Costa et de Châ­teauneuf rue Croix-d'Or, celui de la Val d' Isère place du Château et celui de Capris rue Saint-Réal. Les pro­priétaires ne reculant pas devant les profits, logent à l'étage noble en louant les rez-de-chaussée à des bou­tiquiers et les étages supérieurs à des occupants plus modestes.

Il était évident qu'à une telle pé­riode d'activité ne pouvait succéder qu'un grand calme, ce fut le cas du XVIIIe siècle, qui ne nous a laissé que quelques œuvres, l'hôtel de Roche élégant avec les premiers bal­cons chambériens et à la toute fin du siècle les grands ensembles des hô-

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Hôtel Chabod de Sain/-Maurice. rue .Iui\'erie

(dessin de J.P . Dehli 1941) (Cliché Musée Savoisien)

tels de Bellegarde rue Croix-d'Or et de Montfalcon place du Château, où une nouvelle fois on se con tente d'un décor moderne sur des st ructures d'allure traditionnelle. Seu l l'hôtel de Clermont-Mont-Saint-Jean près du Verney (l'actuelle direction des douanes) adopte franchement le style français d'un bâtiment noble entre cour et jardin, il faut dire qu'il fut construit par un architecte bison­tin en 1784 pour un propriétaire à moitié français. Le XV",, siècle est surtout une période de grands pro­jets aussi bien pour la reconstruction du château après son incendie, que pour la reconstruction de l'église Saint-Léger (par une église à cou­pole), que pour l' aménagement d'un nouvel évêché en palais classique. Rien ne se fit car la pauvreté locale

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se chargeait bien de laisser les plans dans les dossiers.

La première moitié du XIX- siècle par son néo-classicisme poursuit donc les traditions du XV"- siècle et ass ure, dans ses réalisations, une continuité presque parfaite avec les construct ions antérieures. La caserne Curial, reproduction des Invalides, s' intégra parfaitement par ses fa­çades, ses toits, et sa structure renfer­mée, dans le paysage chambérien, il en est de même pour la Grenette, l'école des Jésuites, l'école des Frères. Seule la caserne de cavalerie paraît innover, dans ses toits de tuile et dans ses murs de brique, les tra­va ux publics se liant de plus en plus à l'industrie. Le palais de justice in­troduit une nouvelle présentation avec son fronton à colonnes, mais par sa structure il rappelle encore C urial et les vieux hôtels chambé­ri ens.

Ce n'est qu 'après 1860 que l'on sen t les premières ruptures. L'hôte l de vill e se veut délibérement frança is et flamand, et l'hôte l Costa voisin (détruit en 1945) lui ressemble beau­coup. Les halles sont du type stan­dard industriel et métallique imposé par Baltard à Paris. La construction de la bibliothèque municipale révèle une volonté manifeste de grandeur dans le style des grands palais d 'ex­position parisiens, quant aux lycées et hôpitaux, ils imitent administrati­vement des modèles arch itecturaux préétablis.

Une ville sombre et discrète

Dorénavant donc, Chambéry suit les modes frança ises courantes. Après avo ir été aux temps modernes sinon une vi lle italienne, mais de conception italienne, elle est deve­nue après 1860 une vi lle banalement

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française, réussissant néanmoins jus­qu'à la deuxième guerre à tout inté­grer dans un même ensemble grisâtre les constructions de tous les genres et de toutes les époques. Chambéry a en effet toujours été d'allure sombre, les voyageurs le notaient depuis le XVIe siècle, sans s'en étonner d'ail­leurs. Genève, Grenoble et combien d'autres dans les environs ne sont­elles pas identiques? Le climat et le genre de vie prédisposent peu aux ébats extérieurs, les pièces et les toits comptent donc plus ici que les fa­çades. A la différence de l'Italie, on préfère les intérieurs ornés, cachés derrière d'austères façades; les élé­gantes grilles de l'hôtel de Château­neuf se trouvent au fond de la cour intérieure; place Saint-Léger le sé­vère hôtel du Bourget abrite une gra­cieuse montée d'escalier et les appar­tements sont à l'un isson. A l'époque sarde, la décoration en trompe l'œil

Les voûtes de la Sainte-Chapelle

et les grandes fresques de Vicario, dans la plupart des églises chambé­riennes, répondaient parfaitement à ce besoin de décors intérieurs que les retables baroques dépassés ne pou­vaient plus satisfaire. Ici tout doit se découvrir aussi bien dans les esprits que dans les édifices: Chambéry ville secrète! n'allons pas si loin, mais certainement ville discrète qui ne se livre point d'un premier abord.

Dès le XIXe siècle quelques-uns s'en émurent et s'enhardirent à pein­dre leurs bâtiments mais en teintes verdâtres ou brunes, tant l'atavisme restait fort. Le mode des grands pla­cards publicitaires de la « Belle Epo­que» vint compromettre ces velléi­tés, il fallut dès lors attendre la se­conde moitié du XXe siècle pour que l'on adoptât franchement des cou­leurs claires et gaies.

La vieille ville

Il reste peu de chose de la rési­dence des cornIes el des ducs de Sa­voie, l'aile princière occidentale dis­parut au XVIIIe siècle et même la re­construction de Victor-Amédée III fut anéantie avec le « pavillon» en 1798. La Sainte-Chapelle dévastée par l'incendie de 1532 en est sortie mutilée, et que dire des trésors et des décorations d'antan qui ont tous dis­paru, que ce soit le Saint-Suaire, mais aussi les fresques médiévales ou celles des Galliera à la veille de la Révolution. La herse intérieure, la tour Trésorerie et le « donjon » re­montent au XIIIe siècle alors que la façade principale, de la tour dite des Archives à la Sainte-Chapelle, date de la fin du XIVe et du XVe siècle. Au XVIIe siècle on se contente d'édi­fier une nouvelle façade à la chapelle et quelques bâtiments voisins en at­tendant la reconstruction de la

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grande ai le occidentale que l'on en­treprit à partir du sud en deux étapes de 1786 et 18 14 et de 1855 à 1870. Les innombrables visites princières n'ont guère la issé de souvenirs ta ngi­bles, à la différence de l'administra­tion qui a toujours occupé une bon ne partie de l'ensembl e. La C hambre des Comptes puis le gou­ve rneur furent installés dans les sa lles donnant sur la place du C hâ­teau, l' intenda nt étai t logé sur la cour, les archives ont donné leur nom à la tour sud et la trésorerie à ce lle du nord. Depuis le XIXe siècle les préfets et le conseil général se partagent l'aile occidentale. Cepen­dant le plus bel ensemble du château demeure sa chapelle, chef-d'œuvre a rchitectural aussi bien dans ses voûtes et son élévation que dans sa légèreté d 'ensemble. De sa décora­tion au XIXe siècle, il ne reste que les trompe-l'œil de la voûte, de sa

splendeur d 'antan que les beaux vi­traux du XVIe siècle et du Saint­Suaire qu 'une copie ...

Le monument aux ji-ères De Mais­tre fut élevé en 1899 par Dubois , un élève de Falguière, sur une initiative de l'Académie de Savoi e et à partir d'une souscription publique. Le mo­nument, démonté en 1944, put être reconstitué en 1952, mais l'on se contenta du groupe supérieur de Jo­seph s'a ppuyant sur Xavier, en re­nonçant à la « Savoie » qui leur of­frait la couronne de la reconnais­sa nce.

Le portail Saint-Dominique do­mine un grand esca li er du X IXe siè­cle. Rare exemple de sauvegarde archi tecturale à Chambéry, il s'éle­vait autrefo is au bout de l'actuelle rue du Sénat à l'entrée du couvent des Dominicains. Démonté en 185 1, il dut attendre plus de quarante ans pour être remonté . Il a perdu ses sta-

De la porte Maché cl la porte Reclus. la partie nord de Chambéry cl lafin du XVII" siècle (Th ea/l"Um Sabaudiae)

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tues et la mollasse conserve mal ses sculptures, mais il est devenu un des monuments les plus chéris des Chambériens, des photographes et des artistes .

La rue basse du Château, l' an­cienne « charrière de Bellecom­bette » est, avec la rue adjacente de Sainte-Appolonie, un des meilleurs ves tiges du Chambéry médiéval. « Rue sous le château » jusqu'au XIXe siècle, « rue du Niveau » sous la Révolution, elle s'enorgueillit d'avoir abrité de grandes familles, ce lle des Bonivard (dont est issu François, héros des libertés gene­voises et célèbre prisonnier de Chil­lon) et celle des Chabod, toutes deux bourgeoises, enrichies par le com­merce et les charges officielles et toutes deux fondatrices d'hôpitaux. Au XVIIIe siècle, on y trouve les Bal­land et surtout les Morand (dont une fi lle épouse Joseph de Maistre). C'est ici que sont nés, au XIXe siècle, l'his­torien Chapperon et le peintre Ca­choud. Le « pont des Soupirs » est le seul « passage » ancien à avoir résis­té aux démolitions.

La rue Juiverie n'a pris son nom que tardivement; appelée initi ale­ment du Bourgneuf, elle menai t au ghetto sur l'actuelle rue Trésorerie. Pendant longtemps la chaussée fran­chissait sur un pont (dit d' Enfer ou de Viviand- le-VieiD un bras de J'Al­banne maintenant recouvert, mais dont le souvenir se marque encore par un très net rennement. Ell e me­na it, par une rectitude dont chacun s'émervei llait, à la rue du Sénat (dite autrefo is du « Meysel » puis « des Vieilles-Boucheries» ou Saint-Do­mi nique) et à celle de Lans (d ite auparavant des « Boursiers »). Sa largeur, sa proximité du château et du Sénat en firent une rue bien fa ­mée, des magistrats célèbres y habitè-

rent, les De Ville, les More, Joseph de Maistre, mais surtout deux grandes familles de diplomates et de grands officiers, les Chabod de Saint-Maurice et surto ut les Coudrée d'Allinge dont l' immense richesse s'étendait du Chablais à Chambéry et à la Tarentaise. Leur hôtel était si prestigieu x et si grand que les autori­tés n'hésitaient pas à le réquisition­ner lorsque le château était inhabita­ble, c'est ainsi qu' il reçut Don Phi­lippe, infant d'Espagne en 1732, Jo­sephine et Mari e-Thérèse de Savoie en route pour Versailles en 1771 et 72, puis le général Montesquiou en 1792, et les premiers préfets napolé­oniens après 1799. La disparition du dernier marquis de Coud rée permit à J'Etat d'acheter le bâtiment pour y insta ller en 1845 le Sénat. Tant de bouleversements en avaient déjà bien altéré la splendeur d'antan , et il n'en resta rien après l'incend ie de 1887.

La place du Marché est une créa­tion très contemporaine. Elle re­monte à la démolition du couvent des Dominicains qui abritait le Sénat entre 1810 et 1845. On avait d 'abord pensé reconstruire ici le palais de justice ou percer une grande rue pro­longeant la place Saint-Léger, il ne se fit rien finalement et en 1863, pour faciliter le marché transféré de la place de J'Hôtel-de-ville, on installa un pavillon métallique « à la Bal­tard » comme à Paris pour servir de halles. Le tout était dominé au nord par la chapelle de l'ancien couvent de la Visitation étab li par Jeanne de Chantal, la fondatrice de J'ordre, et qui eut comme première supérieure, la propre fille du président Favre. Le couvent disparut en 1890, la chapel le avait déjà perdu son clocher en 1860 et sa façade du début du XVIIIe siè­cle est un peu écrasée et rejetée par le grand et sévère bâtiment des jé-

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suites édifié en 1825-1830. La place fut encore modifiée en 1936, lors de la démolition des vieilles prisons, qui remontaient au XVIIe siècle; la rue Bonivard, qui était la vénérable rue Villeneuve au XIVe siècle, a perdu sa raison d'être: simple partie de l'es­pace vide ainsi créé. Le dégagement permet néanmoins d'apprécier la « tour Bossue » (plutôt plate de ce côté), seul vestige de l'ancienne en­ceinte médiéva le, disparue sous la Révolution. La disparition des pri­sons avait aussi permis l'agrandisse­ment des halles avec l'édifice actuel en 1937, dont le style correspond fi­nalement assez bien à celui des im­meubles reconstruits en 1950-60. L'essentiel demeure ici le marché, institution économique et socia le, te llement populaire et fragile que toute modification de la place est de­venue difficile , comme on l'a vu en 1975-77 lors du projet de construc­tion à cet endroit d'un silo à voitures.

La rue Sain/-An/oine entièrement reconstruite en 1950, ne peut plus permettre d' imaginer ce qu'elle fut autrefois: sinueuse, bordée de véné­rables hôtels où logèrent le président Favre, saint François de Sales, La­martine et son ami Vignet. A travers la porte du Recl us elle menait à la Leysse, maintenant recouverte. La démolition des remparts et l'aména­gement des boulevards au début du XIXe siècle lui donnèrent le moyen de se doubler d'une place importante à son ex trémité, place qui fut ornée d 'une massive statue de la « Savoie Française» érigée ici par le sculp­teur Falguière en présence du prési­dent Sadi Carnot en 1892. L'opinion apprécia peu la lourde femme «( che Sasson ! »), d'autant qu'on apprit bientôt qu'elle devait initialement re­présenter une Lorraine. Elle n'acquit de réelle popularité que pendant la guerre où elle devint le symbole du pillage allemand. Déboulonnée et

Le marché de Chambéry au début du xxe siècle (Cliché Musée Savois ien)

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Le marché de Chambéry de nos jours

décapitée, elle dut attendre une géné­ration pour que l'on pensât enfin à la restaurer, non sans polémique, ni hé­sitation.

L'Eglise NOIre-Dame, miraculeuse­ment épargnée en 1944, rappelle seule le passé. Edifiée de 1599 à 1635, elle est une des premières œuvres du célèbre architecte jésuite, le frère Martellange, qui revenait de Rome où s' il était initié à l'art de Vi­gnale, auteur de la grande égl ise du Gesu . On ne parle plus de style « jé­suite », mais la spiritualité de l'ordre, fondée sur le culte des Saints et le culte eucharistique, a évidemment inspiré la nef unique et la primauté du maître-autel. La coupole est bien sûr dans le goût de la Renaissance et si l'on oppose la façade sévère à la ri­chesse de l' intérieur, il ne faut y voir que le résultat des aménagements ul­térieurs: la façade ne fut achevée qu 'en 1646 et ornée de statues seule-

ment en 1864; le relèvement du trot­toir en 1950 l'a privée de son perron et en la tassant, lui a enlevé sa digni­té originelle. Quant à l' intérieur, il est difficile d'en retrouver le décor ini­tiai , sinon dans les marbres du chœur et dans les stucs des voûtes, et seul le tableau du martyre de sain't François Xavier paraît contemporain de la construction. Charles-Emmanuel 1er, qui commença l'édifice, a ses armes sur la façade, et son petit-fi ls Charles-Emmanuel Il qui l'acheva, a les siennes au-dessus du maÎtre­autel, enfin C hristine de France qui s'y intéressa aussi , a mis les siennes dans les coquilles d 'angle de la croi­sée du transept.

L'égli se s'honore de quelques bons tableaux des XVIIe (une « incréd uli ­té de Saint-Thomas » et un « Christ en Croix» que l'on a attribué pen­dant lontemps à Van Dyck) et XIXe siècles. Elle ne fut église pa-

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La coupole de /' église Notre-Dame

roissia le qu'à partir de 1802, ce qui nécessita l'érecti on du clocher en 1822. Notre-Dame a perdu le bâti­ment voisin auquel elle fut long­temps liée comme chapelle; cons­truit en même temps qu 'elle, le co l­lège des Jésuites fut donné aux Fran­ciscains en 1777, puis à l'armée en 1793, au grand séminaire en 1802 et enfin à un garage en 1905 avant d'être démoli après la première guerre. La rue Favre, création du XIXe remaniée après 1950, nous rap­pelle de fort loin le souvenir des An­tonins et de l'hôtel Milliet où habitè­rent en dernier lieu les Costa pen­dant un siècle.

La place de /'Hôtel-de- Ville est une création du début du XVIIe siècle. Le gouverneur de la Savoie, le mar­quis de Lans, consei ll e a lors à la vi lle d'acheter le grand jardin des Anto­nins pour dégager la vieille maison à tourelles que les syndics venaient

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d'acquérir pour y recevoir leurs arch ives et leurs conseils. Sur la place ainsi formée, on installa le marché aux Herbes dont un bras voi­sin de l'Albane pouvait emmener les détritus, par la suite on la borda de cabornes et on l'orna en son centre d'une grande fontaine monumentale surmontée d'une statue de femme en marbre blanc à laquelle le sculpteur Cuenot donna une lance et une cou­ronne murale. Etait-ce une évocation d'Hortense Mancini, la bouillante nièce de Mazarin qui tournait alors la tête de bien des Chambériens ? ou n'éta it-ce pas plutôt Cybèle la déesse de la prospérité? ou la vi ll e même de Chambéry à la fois riche et forte? Par la suite la pauvre femme se vi t couverte d' un casque, d'un bonnet phrygien avant d'être laissée en « cheveux » ; on l'avait auss i se lon les époques, a ffublée de drapea ux aux couleurs françaises, savoyardes ou italiennes. En 1863, le marché éta it transféré sur la place vo isine et la construction du nouvel hôtel de ville fa isa it supprimer la fontaine et la statue que l'on ne sortit plus ja­mais du musée, en dépit des pro­messes, des demandes et des projets. La vie ille maison de vi ll e éta it trop ruinée pour qu 'on la regrettât, d'ail­leurs le nouvel édifice monumental et pompeux deva it signifi er la puis­sance et la prospérité du nouveau ré­gime. Sans référence aux traditions locales, dans la liesse de l'annexion, on mélangea sans aucune gêne les modèles français et flam ands (le pe­tit beffroi central ne rappelle-t-il pas les grandes communes flamandes avec lesquelles Chambéry n'eut ja­mais de relation ?). Ce n'est qu'en 1910, après le percement de l'avenue de l' Hôtel-de-Ville à travers les jar­dins du grand séminaire, que l'on s'aperçut bien vite de son insuffi-

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La place de LANS du XIx e siècle (Cliché Musée Savoisien)

sance pour l'administration munici­pale. C'est sur cette place qu 'habi­taient au XVIIIe siècle le docteur De­quin , un des premiers aliénistes et un des meilleurs esprits chambériens, ainsi que les parents de Joseph et Xavier de Maistre (dans l'hôtel de Salins disparu depuis la guerre).

La rue de Baigne percée de 1824 à 1830 correspondait à une idée re­montant au 1 er Empire et au plan du général de Boigne et de son beau­frère l'architecte Trivelly. Il s'agissait d 'aérer la vieille ville et de donner aux Chambériens une nouvelle pro­menade ouverte après la destruction des « couverts» de la place Saint-Lé­ger. On avait prévu grand avec deux grandes fontaines à ses extrémités, en fait on se contenta de plaquer des façades classiques et des portiques à la turinoise, sur les bâtiments an­ciens après avoir jeté à bas les de­meures des Buttet, des La Chavanne, des Lescheraine et des d 'Oncieu . Les

de Boigne y firent édifier près du château un gigantesque hôte l à la fois moderne et classique. La rue de­vint très vite le centre mondain et élé­gant de Chambéry et « fai re les porti­ques » la grande occupation de bien des Chambériens.

La colonne des Eléphants. témoi­gnage de la reconnaissance de Chambéry à son bienfaiteur De Boigne, fut édifiée en 1838 par le Grenoblois Sappey. Les éléphants, les trophées et la colonne « en pal­mier » rappellent la ca rri ère hindoue du général qui , en grand uniforme sarde surmonte fièrement l'ensemble et dont les bas-reliefs illustrent le courage et la générosité. Ce monu­ment déconcertant, qui fut fort dé­crié - « quatre moitiés d 'éléphants portant un tuyau de cheminée» (le « Siècle ») - est devenu néanmoins le plus célèbre de la ville où désor­mais tout est à « l'éléphant ».

Le théâtre actuel remonte à 1864,

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La place des Eléphanls all milieu du Xlxe siècle

mais il remplace déjà deux autres bâ­timents. Le premier, en bois , avait été édifi é à cet emplacement à J'instiga­tion de la société du Casin en 1775 sur le fossé en contrebas du rempart, ce qui en facilitait la construction (sur un terrain municipal) avec J'ob­servation des règlements de police. Par la suite, on hésita encore à le pla­cer près du château vers le passage Murger; finalement en 1821 avec l'aide du général de Boigne et du roi Charles-Félix, sur les plans des architectes Trivelly et Pregliasco, on le construisit en dur au même en­droit, la proximité de J'Albanne pou­vant être utile en cas d'i ncendie. Le tout fut néanmoins dévasté par le feu le 2 février 1864 (alors que le bâti­ment était envahi par la paperasserie de J'hôtel de ville en réfection). On refit donc le théâtre en respectant le plan du précédent, mais en s'inspi­rant bien sûr des opéras de Paris et de Bordeaux. La salle a conservé ain­si son allure à l'italienne, elle s'ho-

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nore toujours du grand rideau de scène offert par Charles-Fél ix repré­sentant J'œuvre des frères Vacca « la Descente d'Orphée aux Enfers ». Les loges particulières ont disparu, seules subsistent celles des autorités et de la famille de Boigne. On peut regretter l'orientation du bâtiment, mais ni J'évêque, ni le directeur du séminai re, ni celui de J'hôtel-Dieu n'avaient pu envisager de voir leurs fenêtres donner sur la porte du théâ­tre. S'il n'avait tenu qu'à eux on aurait suivi les journalistes, qui de­mandaient le transfert de la salle sur la place Caffe, ce qui eût permis le prolongement des boulevards jus- . qu'aux casernes; mais la mairie, par paresse et timidité, n'osa affronter de tels problèmes. D'ailleurs on recons­truisit en petit et à J'économie de sorte qu'actuellement le théâtre, quoique modernisé de 1958 à 1970, devient d'une insuffisance de plus en plus criante. Charles Dullin, le grand acteur d'origine savoyarde, a donné

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son patronage à une belle salle typi­que du XIXe siècle, mais qui, avec ses 800 places, est sans proportion avec les besoi ns actuels.

La rue Croix-d 'Or, fu t pendant longtemps la seule grande rue vérita­ble de Chambéry. Elle prenait son nom d'une fonta ine surmontée d'une croix d'o r aménagée ou refaite par Mgr Lambert, évêque de Maurienne en 1567, et en dépit de la disparition de cette de rni ère en 1794 et de sa dé­nomination révo lutionnaire de « rue Jean-Jacques », elle conserva tou­jours cette appell ation. Elle ava it d'abord été hors des premiers rem­parts et ne se trouva intégrée à la vi lle qu 'au XVe siècle, de rrière la porte Montmélian. Les auberges se reportant de l'autre côté de l'en­ceinte, la rue put devenir plus rési­dent ielle, sans jamais devenir néan­moins pleinement l'a rtère « chic » de la cité. On y vit donc du beau monde

dès le XVIIe siècle avec les Bertrand de la Pérouse et les Costa, tous de vieilles familles du Sénat et de la Chambre des Comptes et les Casta­gnery qui en plus jouaient les maîtres de forges en Maurienne, ce qui leur permit d'agrémenter leur cour de grilles magnifiques. Tous ava ient eu bien des problèmes de vois inage avec les Franciscains, qui les obligè­rent à aménager des passages trans­versaux vers la rue. En face, les Bel­legarde n'avaient pas connu de telles difficu ltés, mais ils avaient dû atten­dre leur enrichissement dans l'émi­gration en Angleterre et en Alle­magne pour refaire dignement leur hôtel en style Louis XVI à la vei ll e de la Révolution et dont ils profitè­rent finalement fort peu. Cette im­mense demeure put ainsi abriter le pape Pie VII et Napoléon lors de leurs passages à Chambéry en 1804 et 1805. Jean-Jacques Rousseau fré-

Les grilles de l' Hôtel de CHATEA UNEUF (Cliché Musée Savoisien)

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La rue couverle de la p lace Sail1l-Léger en 18 15

(g ravure de Massoli )

quenta la rue, comme professeur de musique auprès de Mademoiselle de Costa « malheureusement un peu rousse », comme élève auprès de Monsieur Roche - qui ne put jamais lui apprendre à danser le menuet ni à perdre l' habitude de « marcher du ta lon » - , enfin comme ami chez Monsieur de Conzié : « Nous déjeu­nions, nous causio ns, nous li sions quelque nouveauté et pas un mot de musique .. . »

La place Sail1l-Léger. centre de la ville, a évidemment beaucoup chan­gé. Elle a perdu en 1760 l'église, qui en occupait le centre depuis le XIVe siècle. L'Albanne et les ca­bornes qui l'encombraient, rédui­sa ient la perspective à une minuscule placette avec le poids public au-de­vant de l'égli se, elle-même bordée de deux rues passantes, la Grande-rue (aimable euphémisme) et la rue Gre-

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natterie devenue plus tard rue Tupin. En dépit de la couverture de la ri­vière et de la démolition de l'église, l'ensemble resta encore anarchique du fait des cabornes et des galeries couvertes: « Il y fait toujours net et propre et on y est à l'abri des injures du temps. » Oouvin, 1672,) Aussi la rue couverte demeura-t-elle à la mode jusqu'à la démolition du tout en 1826 et son remplacement par les portiques de la rue de Boigne. Ce grand espace ainsi libéré resta néan­moins le centre de la vie mondaine, c'est ici que l'on trouvait les grands cafés, dont la célèbre brasserie de la Perle, c'est ici que l'on donnait des concerts, que l'on rassemblait la foule pour la fête-Dieu ou pour la re­vue de l'armée. En 1897 un incendie permit le percement de la rue Porte­Reine et la réinstallation à son angle du clocheton de l'horloge qui rap­pelle le « gay te» et l'horloge de la vieille église. Périodiquement depuis deux siècles, des projets d'allonge­ment de la place vers les casernes ou vers le Verney ont été élaborés puis oubliés. En 1976 la place fut rendue piétonne, les façades, dont beaucoup n'en avaient jamais tant vu, furent re­peintes; on installa deux fontaines et faute d 'orner la principale avec la vénérable statue de Lans, on lui don­na un grou pe de Marmousets érigé autrefois sur le « pont des Amours ».

La rue Mélropole, qui a été rema­niée au XVIIIe siècle,- s'honore des souvenirs du poète Marc-Claude Buttet, qui eut son heure de gloire sous la Renaissance et de celui plus honorable encore de l'hôpital Saint­François ou hôtel-Dieu où l'on soi­gna pendant trois siècles les malades (avant de les transférer près de la Leysse et de donner le bâtiment au collège).

La rue menait autrefois à l'im-

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mense clos des Franciscains, qui s'ouvrait ici sur leur cimeti ère se r­vant accessoirement aussi de bourse a ux grains . Les Franciscains étab li s à Chambéry peu de temps après la mort de leu r saint fondateur, ouvraient en effet largement leur couvent soit pour les réunions du conseil résident du comte, so it pour les assemblées de bourgeois. Il s se souciaient peu du vo isinage nauséa­bond des grandes boucheries et « écorcheries », au nord, des bras de l'Albanne, au sud et à l'ouest, et des fossés croupissant de l'enceinte à l'est ; forts de leur puissance il s re­construisirent leur couvent du XVe au XVIIe siècle, ce qui ne manqua pas de leur attirer des jalousies et fi­nalement provoqua leur éloignement en 1777 et l'attribution du bâtiment à l'évêque. Faute de pouvoir refaire leur « palais » à leur goût, les prélats se contentèrent de remanier l' inté­ri eur. Leur expulsion en 1907 posa bien des problèmes aux autorités qui ne surent que fa ire du tout, on en fit donc un musée Savoisien, mais ce lui­ci ne put prendre d'expansion qu 'à partir de son réaménagement, cin­quante ans après ...

La cathédrale métropolitaine est en fait la grande ég li se que les Francis­

ca ins éd ifient a u XVe, deu x siècles après leur insta ll ation à C hambéry.

Coupe transversale de /a cathédrale (Cliché et collection Monumenls Historiques)

Sa grande taille (73 m de long et 34 m de large, comme à Sai nt-Jean de Lyon) en fait le plus grand édifice de la vi ll e, où l'on célèbre dès lors toutes les grandes cérémoni es et où l'on réuni t les assemblées générales des Chambéri ens. C'est sa taille qui la fait encore attribuer comme cathé­drale au nouvel évêque en 1779 . Elle perd it a lors le patronage de saint François d'Assise pour adopter ce lui de la Vierge auquel e ll e renonça en 1802 pour celui de sa int François de Sales. La façade de style go thique flamboyant avec ses ba ldaquins, ses statues (d isparues), sa ga lerie ajourée où se perd l'archivo lte du porta il contraste avec la nud ité de l' intéri eur sans transept, sans chapiteau, sans ve rri ère. Il ne reste de l'ancienne église que ses portes de style Louis XI II et la célèbre statue de Notre-Dame-du-Pilier, sauvée mira­culeusement de la Révolu tion qu i dé­trui sit tout le mobilier pour loger ici l'Assemblée des Allobroges en 1792, puis le culte de la Raison en 1793. La res tauration commença dès l'Empire, mais la plupart des peintures en trom pe l'œi l sont l'œuvre du Piémon­tais Vicario après 1833. Pour remeu­bler l'église, on lui att ribua du mobi­lier de Tamié (à la sacristie) et des boiseries de Ripaille (dispa rues). C'est le cardinal Billiet qu i, ap rès 1840, fit insta ll er les grandes orgues, les fonts baptismaux, les sta ll es et la chaire, et qui donna au trésor le fa­meux dyptique de Béatrix de Savoie. En 1819 la cathédrale avait reçu les restes d u président Favre, jusqu 'alors inhumé à Sainte-Marie-l 'Egyptienne et pour lequel Philippe Collet dit « Le Romain » édifia un nouveau tombeau en 1824. En 1887 Mgr Leuillieux entreprit (hélas!) de refaire « à la moderne » les peintures du chœur et du déambulatoire. En

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1892, la façade fut refaite en molasse et remaniée encore en 1960, à chaque fois elle perdit des ornements sous prétexte de purification. Monument fragile sans fondation, souvent muti­lé et critiqué, la cathédrale n'en de­meure pas moins le centre incontesté et vénérable de la vie religieuse chambérienne.

A la périphérie

Les casernes. Il ne reste rien du couvent de Sainte-Claire, favori des Comtes et des Ducs où l'on se ren­dait en procession devant un crucifix miraculeux en cas de graves séche­resses ; il fut converti en hôpita l et en cartoucherie au XIXe siècle et de ce fait bien mutilé déjà lors de sa dé­molition au XXe. Les Cordeliers éta­blis à Sainte-Marie-I'Egyptienne avaient l'ins igne honneur de recevoir les tombeaux des grandes familles chambériennes, ce qui ne les empê-

Façade de Saint-François

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cha pas de se faire expulser en 1777 et de voir leur couvent transformé en hôpital puis en magasins militaires. Le tout fut anéanti, il y a un siècle, sous les pics indifférents des démo­lisseurs. Quant aux Ursulines qu i avaient fondé ici un établissement d'éducation, elles disparurent elles aussi à la Révolution, mais il reste de leur couvent le «pavillon des ex­ternes» qu'elles construisirent au dé­but du XVIII e siècle et qui fut sauvé par la gendarmerie qui s'y installa. Tout le quartier fut progressivement affecté à l'armée au cours du XIXe siècle: évincée du château, celle-ci exigea une caserne modèle et obtint un gigantesque carré (Curial) de 100 mètres de côté, sur le modèle des Invalides, où dès 1815, l'on pou­vait loger trois mille hommes. Le gouvernement sarde ne voulut pas être en reste et édifia à côté pour la cavalerie une immense écurie <Bar­bot> capable de recevoir près de cinq cents chevaux sans compter les ré­serves à foin. On compléta le tout par un grand manège en 1845 et par une multitude de petits bâtiments se­condaires après 1870. L'armée partie, n'ayant plus d'âme, <injustement) méprisé et méconnu, le quartier ne pouvait pas ne pas être une nouvelle fois remanié : certains lieux n'ont dé­cidément pas de chance ...

Le Faubourg Montmélian, qui s'éti­rait originellement sous le signe du lau rier depuis la porte d'Italie (au ni­veau du théâtre) jusqu'au pont des Carmes, n'était qu'une suite d'hôtel­leries et d'auberges, et ce dès le XVIe siècle jusqu'à l'arrivée du che­min de fer en 1860. Il a conservé (pour combien de temps encore?) son habitat ancien. Les Augustins ont été transformés par le général de Boigne en maison de retraite « pour les personnes qui ayant appartenu à

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une classe bien née et aisée de la so­ciété seront mises par le malheur et le besoin dans le cas d'avoir recours à cet asi le ». Le même généra l trans­forma auss i l'a ncien couvent des Carmes en hospice pour indigents (l a maison Sai nte-Hélène, maintenant détruite et remplacée par la Maison des Jeunes et de la Cultu re) avec tout à côté, un orphelinat de jeunes filles

. «( La Providence ») . Les capucins étab li s au XIXe siècle dans l'ancien clos des Annonciades, ont dû laisser la place en 1905 à l'école supérieure de jeunes filles (l'actuel co ll ège Jules-Ferry); les Ca rmélites n'ont laissé d'autres souvenirs de leur im­plantation ici que les restes des caria­tides de leur portail dans une montée d'escalier de la Place d'Italie; cette dernière et la rue de la Banque fu­rent en effe t aménagées en 1865 sur l' empl acement du couvent pour ter­miner efficacement la « rocade ouest et sud » de Chambéry, dont on avait commencé le tracé au début du XVIII e siècle. Seu les les religieuses de Saint-Joseph sont restées dans leur domaine près de la Place d' Italie où ell es ava ient insta ll é autrefois une école de fill es et une « salle d'asile »

devenue bientôt école maternelle. Lémenc n'a rien gardé de la station

ga llo-romaine. Abritée derrière les grands murs de ses couvents du X IXe siècle, ell e n'a été accessib le que par la transformation en parc public de l'ancien domaine des Sa­voiroux passé un temps aux reli­gieuses sacramentines.

L'église actuelle fut reconstruite après un incendie en 1445. Elle avait d 'abord appartenu aux bénédictins puis aux cisterciens-feuillants et ne devint paroissiale qu 'après la Révo­luti on. Elle a perdu en 1794 son clo­cher et ses verrières du XVIe siècle, avant de voir disparaître au XXe, ses

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statues et ses trompe-l 'œil. Elle s'en­orgueillit cependant d'abriter les restes de Saint-Concord, archevêque irlandais d'Armagh mort ici de re­tour de Rome en 1176 et surtout le mauso lée du général de Boigne, œuvre du sculpteur Vallet en 183 1. Le principal intérêt de Lémenc de­meure sa crypte avec sa rotonde pré­romaine et son énigmatique monu­ment de six colonnes aux fûts galbés et aux chapiteaux frustes à feuilles d'acanthe reposant sur les angles d'une margelle hexagonale. Les ar­chéologues et historiens se sont divi­sés sur la date de l'ensemble, les uns le situent au VIle siècle (R. Ourse l), mais les au tres n'hésitent pas à le da­ter du IXe <Pérouse) ou du XIe (J .

Huber) . A quoi servait-il? édifice fu­néraire ? chapelle funéraire du cime­tière burgonde voisi n ? martyrium ré­ceptacle de reliques comme dans les rotondes bourguignonnes ? ou plutôt

Le «baprisrère » de Lémence (gravure de P. De/ni /94/)

(Cliché Musée Savois ien)

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La chapelle du ca/vaire de Lémenc vers /830 (gravu.re de Cou.r/ois)

cuve bapti smale utili sée à partir du moment où la célébration du bap­tème ne fut plus réservée aux seuls évêques? L'abside de la crypte date du XVe siècle et abrite maintenant une vigoureuse et théâtra le mise au tombeau provenant de l'ancien'ne église des Antonins , mutil ée hélas ! sous la Révolution ,

Tout à cô té de l'égli se, se trouve l'ancien co uvent qui , après avo ir été cédé en 1802 aux religieuses de la Vi­sitati on, appartient depuis une ving­taine d'années aux religieuses de Saint-Joseph. La tour carrée est sup­posée avoir abrité le duc Philippe Il mourant en 1497 , Quant au cimeti ère où l'on pense que Mme de Warens a été inhumée, il a perdu depuis long­temps son ossuaire médiéval et les tombes monumentales des grandes familles chambériennes, que rappelle seule la chapelle funéraire des Bra­corand de Savoiroux.

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Le Reclus n'a rien gardé bien sûr de sa reclu?érie du XIIIe siècle, milis

' rien non plus de ses anciennes auberges aux noms évocateurs de « l'oie dorée » ou des « Rissoles » ; il n'a pas eu de chance, n'ayant pas su s'adapter à la circulation « mo­derne » aux XVIIe - XVIIIe siècles, ni pu retenir les multiples congréga­tions et fondations qui s'installèrent ici provisoirement, et qui faute de place allèrent ailleurs. Le XIXe siècle avec la tranchée du chemin de fer n'arrangea rien et le bombardement de 1944 couronna cette suite de dés­agréments. Il ne reste de cette longue et triste histoire que des carrières do­minées par une petite chapelle néo­classique érigée ici en 1820 par Mgr Martinet en remplacement de la vieille chapelle du Golgotha. Un peu en contrebas, le hasard a amené, dans un petit clos, la Croix des péni­tents no irs, autrefois au Verney et or-

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née d'une « déposition », œuvre du sculpteur dauphinois Rostaing en 1865.

Le Verney. Sur un terrain jadis ra­vagé par les divagations de la Leysse, et qu 'Amédée VI donna à la ville à la fin du XIVe siècle, on aménagea un espace libre ouve rt à tous. Les princes y donnèrent des tournois, les tireurs s'y exercèrent d 'abord dans le cadre des « compagnies de l'a rc, de l'arbalète et de l'arquebuse » puis dans celui des « nobles tireurs de l'arquebuse» et enfin dans ce lui des « nobles chevaliers tireurs» . Aux XVIIIe et XIXe siècles, ces derniers abattaien t ici le « papegai », éli saient leurs rois et reines et tenaient leurs bals. On y tira auss i des feux d 'a rti­fice à partir du XVIIe siècle, pendant la Révolution on y fit des autodafés de « vestiges du despotisme » et on y célébra en grande pompe les so ldats morts pour la patrie et les victoires de la République, on y dansa et on y but « en bons citoyens». Les di­manches et jours de fêtes on s'y pro­menait en fami lle, on y jouait aux quilles sans vouloir se rappeler les sombres « chappis», où l'on ava it déporté les pestiférés aux XVIe et XVIIe siècles, ni les exécutions capi­tales que l'on pratiqua longtemps ici . C'est d'ailleurs pour les condamnés à mort que les pénitents noirs avaient construit leu r chapelle et édifi é leur grande croix près de la potence tout au fond du « grand jardin ». On y vit très tôt des prostituées, surtout après la disparition du quartier des fill es (près du château) et la duchesse Yolande 'dut les menacer, au XVe siè­cle, du pi lori (sa ns grand succès d 'a illeurs). On y rencontra aussi des so ldats surtout après la création du champ de Mars en 1793 près de la Leysse. Même après l'éloignement de ce dernier à la Favorite après 1860,

les orchestres militaires venaient y donner des concerts . Le jardin fut ré­duit au XIXe siècle par la construc­tion du noviciat des frères des écoles chrétiennes (l'actuelle école Waldeck Rousseau), pa r celle de la Grenette puis par celle du pala is de justice. En 1861, l'actuelle avenue du Comte Vert prolongeant le boulevard, coupa pour un bon siècle, le Verney de l'ancien champ de Mars, mais on continua longtemps à insta ll er sur ce dernier les cirques et les vogues, on y tint des meetings, on y mit la foire ... enfin on y édifia la poste. Le Verney, qui ava it été un des poumons d'air et de vitalité pour Chambéry, a pris le style calme des squares. Les Espa­gnols y avaient planté au XVII Ie siè­cle des tilleuls que les Autri chiens faillirent irrémédiablement saccager en 1814-1 815. En 186 1 la municipali­té supprima les parterres « à la fran­çaise» et transforma le tout en jar­din anglais dans le goût des parcs pa­risiens.

En 1860, les chevaliers tireurs s'exilèrent à la Folatière (d'où ils par­tirent un siècle après à ... Saint-Bal­doph), la ville racheta leur pavillon et leur clos pour faire du premier un café (l'actuel centre d'enfants ina­daptés) et du second des jardins (en attendant le lycée de fill es). De l'autre côté, près de la Leysse, l'an­cien jeu de paume construit ici par le prince Thomas de Savoie a u début du XVIIe siècle avait abri té les pre­mières séances théâtrales connues à C hambéry, mais au XIXe siècle il n'y ava it plus ici qu 'une guinguette et par derri ère l'imprimerie du vénéra­ble « Courrier des Alpes » ; au len­demain de la deuxième guerre, tout d isparut irrémédiablement au profit de l'automobile.

Le Sénat, dépossédé du couvent Saint-Dominique en 1830, cherchait

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un local digne de lui. Dès 1810, on avait pensé à un nouveau Palais de Justice. mais en fait il ne fut décidé qu'en 1848 et construit de 1850 à 1859 (ce qui l'empêcha d'être offi­ciellement inauguré). C'est un bel exemple de l'a rchitecture officielle sarde de l'époque, avec une ordon­nance fortement inspirée du style de Palladio ; on s'esl voulu austère et monumental , cadre digne de la jus­tice que l'on voulait donner. Le prin­cipal événement qui s'attache au bâ­timent, est la proclamation des résul ­tats du plébiscite le 29 avril 1860, mais son intérêt est bien sûr le souve­nir de l'ancien Sénat perpétué par la cour d'appel, qui en conserve les reli­ques . Depuis 1863, l'Etat et le dépar­tement s'en partagent non sans diffi­culté la propriété et pendant long­temps, surtout depuis 1920, de nom­IJfeuses administrations y ont logé jusqu'à nos jours où les magistrats cherchent de plus en plus à en rester les seuls usufruitiers. Jaune au dé­part, le Palais s'est retrouvé « rouge sarde» en 1976. En 1858, le marquis Pantaléon Costa avait fait décider par l'Académie de Savoie le principe d'un monument au président Favre. La réali sation , payée par souscrip­tion publique, fut confiée au sculp­teur Gumery né à Celliers en 1830, grand prix de Rome en 1850, qui s'était déjà fait connaître en travail­lant avec Garnier. On éleva la statue en 1865 devant le nouveau Palais de Justice : le président entouré de la science et de la jurisprudence fut sauvé de la destruction pendant la guerre.

On a peine à retrouver l'ancien champ de foire dans la place du Pa­lais bordée par l'élégant hôtel des douanes (J 'ancien hôtel de Clermont­Mont-Saint-Jean où Joseph de Mais­tre vint souvent) et où le Palais de

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Justice rivalise de majesté et de pré­tention avec le musée-bibliothèque (quel programme!) édifié en 1887 sur l'ancien ne grenette.

Maché avait connu son heure de gloire au Moyen-Age, mais les hôte l­leries du Griffon et de Sainte-Barbe disparurent dès le XVIe siècle avec le contournement de la circu lation sur l'actuelle avenue de Lyon ; ce déclin provoqua celui de l'hôpital du bas­Maché fondé pour les « pèlerins et pauvres voyageurs» et son transfert en hôpital de la charité près de la . Leysse au XVIII· siècle. Dès lors Maché ne fut plus qu 'un quartier po­pulaire de petits artisans et d'ouvriers, qui compensaient leurs misères et leur saleté par un esprit gouailleur et bon enfant. Le particu­la ri sme y était soigneusement entre­tenu par la procession annuelle du prieuré de Saint-Valentin à Bissy, puis dans des fêtes, vogues et ker­messes qui durèrent, en dépit des mé­fiances officielles, jusqu'en 1930. On buvait sec ici, même si l'on disait que l'eau de la fontaine des Deux-Bour­neaux (de la rue des Bernardines) rendait le « teint frais et beau ». Il se peut que Jean-J acques et Madame de Warens se soient arrêtés dans quelques cabarets et porte-pots alors si nombreux dans le faubourg , lors­qu ' il s se rendaient à leur petit jardin en haut de la colline où le jeune phi­losophe espérait bien retrouver la santé et le moral.

Tout n'es t pas qu e bons so uvenirs à Maché, la misère du faubourg en fa isait le lieu de prédilection des épi­démies et la mortalité y fut toujou rs très forte. La place Maché date de la Révolution, l'actuelle rue Sainte­Barbe a été percée en 1849 et la place aménagée en 1890 lors de l'installa­tion ici d'un~ nouvelle grenette avec le fronton de l'ancienne ; on en pro-

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Le Caver cl la veilLe de sa dél17olirion dans les années 1960

fita auss i pour recouvrir l'Albanne qui coulait par derrière et faire di s­paraître les abattoirs, les tanneries et les moulins de la Pichardiery, qu i la bordaient (par l'actuelle école Paul­Bert). En 196 1, on commençait la dé­molition du long faubourg; elle dura quinze ans et fut assez radica le pour qu'il n'en reste rien, sinon l'église. On en profita auss i pour abattre l'an­cien château de Lescheraine, qui avait abrité le pensionnat des dames du Sacré-Cœur puis l' hospice après 1905, à la place duquel on édifi a le nouveau centre hospita li er.

Sur le haut de la colline de Mont­jay trône, depuis le XVIe siècle, une maison forte, qui appartint success i­vement aux Rochefort, aux Vilcardel de Fleury, puis aux Saillet et aux d 'Oncieu . Son domaine fut néan­moins progressivement réduit par l'installation de grandes propriétés bourgeoises dès la fin du XIXe siè­cle, l'air des collines étant alors pré-

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féré à celui « pestilentiel » de la vi lle. C'est aussi pour cela que l'on y dé­ménagea en 1890 l'hôtel-Dieu, dou­blé dans l'entre-deux-guerres du pa­vi llon Sainte-Hélène. L'hôpital est passé un peu en contrebas, mais le quartier reste voué, avec une clinique et l'école d'infirmières, à une destina­tion hospitalière et sanitaire, ce qui compense peut-être le mauva is sou­venir des épidémies de Maché et des fourches patibul aires, qui s'élevèrent ici près de la croix dite des Brigands à la mauvaise réputation (injustifiée).

Au-delà des faubourgs

Dans la marée des cités, des lotis­sements et des pavillons, peu de sou­venirs historiques ont survécu, et ce­pendant il se rait injuste de ne pas les rappeler avec leurs ultimes vestiges.

La Cro ix-Rouge, qui tire son nom d 'un monument a ncien ma rquant la limite des franchises de C hambéry,

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Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey

Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982

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n'est qu'un ensemble de hameaux qui dépendaient autrefois de Lé­menc. Peu accessibles pendant long­temps, ils n'ont guère comme souve­nirs que de vieilles et vénérables fermes cachant parfois quelques do­maines des XVIIe-XVIIIe siècles. Ce n'est qu'en 1776 que la nouvelle route permit d'éviter de fâcheux dé­tours et débloqua enfin les vi llages; son auteur le Piémontais Bassa en profita pour se faire construire le charmant château de Côte-Rousse au pied de la falaise.

En redescendant dans la va ll ée, nous trouvons le hameau de Pugnet qui a pris le nom de Piochet en sou­venir de la famille Piochet de Salins. (Ce lle-ci avait transmis à son manoir de Cognin le rappel de son premier fief en Tarentaise et à son manoir de

. Pugnet, le nom de son domaine de Saint-Jean-d'ArveyJ S'il reste peu de choses de cette maison-forte, le quar­tier s'enorgueillit du château de Ca­ra magne, qui fut ains i baptisé au XVIe siècle par son fondateur, le Pié­montais Bacchi, en souvenir de son lieu d'origine; il appartint ensuite aux Bertrand de la Pérouse, puis après la Révolution, au commissaire Guillet. C'est néanmoins la locataire de celui-ci, la marquise de la Pierre qui fit la renommée du château en y recevant Lamartine (cf. « Chambéry dans la littérature »).

La Cassine s'appelait autrefois les « Vernettes sous Lémenc » et ne prit son nom actuel que par l'intermé­diaire d'une propriété locale (Rabe­lais cite un « Pantolfe de la Cas­si ne » guéri à Chambéry: hasard ou réminiscence ?). En tous les cas, les Antonins de Chambéry avaient à Beauvoir une commanderie et une tour dont les maigres souvenirs sont intégrés dans l'actuelle propriété An­gleys. A La Boisse, dans la

« plaine», plus rien ne rappelle le sentier des primevères conduisant à la porte de la source ferrugineuse, qui causa tant d'espoirs et tant de po­lémiques. Découverte au milieu du XVIIIe siècle, cette eau posa tout de suite le problème de sa vertu cura­tive ; le protomédecin Fleury la re­commanda « contre les humeurs qui se portent sur la peau et les maladies des voies urinaires » et l'abbé Panis­set lui consacra un poème « Boessia Salutifera» à la grande fureur du docteur Daquin, qui niait tout intérêt à cette « prétendue eau thermale ». L'affluence était néanmoins si grande que l'intendant décida d'une route carrossable pour en faciliter l'accès. Les polémiques durèrent en­core tout le XIXe siècle, on se pas­sionna pour l'analyse des eaux et sur l'impulsion du docteur Carret, la vi ll e en décida l'exploitation com­merciale en 1882. Hélas! les conces­sionnaires ne purent faire grand­chose et la ville encore moins. Déci­dément, Chambéry n'arrivait pas à retenir les étrangers qui la traver­saient... Les vest iges historiques sont encore moins nombreux à l'ouest et au sud de la ville: la colline de Bel­levue menait aux maisons fortes de Montgellaz et du Chanay à la limite de Jacob; ce n'est qu'au XIXe siècle que le baron Blanc, érudit et arché­ologue, y fit construire un grand châ­teau disparu de nos jours. Le châ­teau du Biollay a perdu sa grille et son parc, il appartint aux de Baigne vers 1870, mais son fondateur était-il un ancien cordonnier comme cer­tains l'ont cru du fait des écussons « en semelle » tenus par les lions du portail? Il était sur la route, qui me­nait au vieux pont de Cognin, près duquel Anne de Chypre avait construit une riche chapelle au XVe siècle où s'établirent les Capu­cins 150 ans plus tard.

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