hiroshima mon aour
TRANSCRIPT
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7/25/2019 Hiroshima mon aour
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UNIVERSIT DU QUBEC MONTRAL
POTIQUE DE LA MMOIRE DANS HIROSHIMA MON MOUR
MMOIRE
PRSENT
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE
LA MATRISE EN TUDES LITTRAIRES
PAR
MAGALI BLEIN
Juin
2007
-
7/25/2019 Hiroshima mon aour
2/110
UNIVERSIT DU QUBEC
MONTRAL
Service des bibliothques
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REMERCIEMENTS
Au terme du prsent mmoire,
j
dsire tmoigner toute ma gratitude ma directrice
de recherches, ille Johanne Villeneuve, pour ses conseils judicieux, sa disponibilit, sa
rigueur et sa patience. La pertinence et la qualit de ses corrections auront permis de
rehausser la valeur de ce travail.
Je tiens
exprimer ma reconnaissance aux trois plus proches membres de ma famille
qUI m ont soutenue tout au long de mes tudes, et particulirement lors des travaux de
rdaction.
Je remercie galement mes fidles amis Sylvie, Gatan, Danielle, Ginette, Louise,
Jean, Marie, Alexandra, Walter et Jean-Franois R. dont les tmoignages d amiti, le
dynamisme et les connaissances ont su maintenir
mon
enthousiasme son meilleur.
Enfin,
un
merci tout spcial Franoise et Alain pour leur gnrosit et leur
inbranlable confiance mon gard.
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TABLE DES
MATIRES
RSUM : VI
INTRODUCTION 7
PREMIER CHAPITRE
PRSENTATION DU CORPUS ET DFINITIONS GNRALES
10
1.
La
prsentation
du
corpus:deuxmatrialitsl'tude
10
1 1 Lajustificationde
la
divisionselondeuxmatrialits........................................ I l
1.2
La
matrialitetla forme textuelles 11
1.3
La
matrialitet laformefilmiques 13
2. Les dfnitionsgnrales
14
2.\ La mmoire 14
2.2 Le
souveniret la remmoration 17
2.3
La notionde traceetl'oubli................................................................................ 18
3. Freud
et la
mmoire
19
3.1 Refoulementetrefoul 20
3.2 Rsistanceetrptition 21
3.3 Le travail du deul...............................................................................................
22
3.4
Le
bloc-notesmagique........................................................................................ 23
4. La dialectiquede
la
mmoireetde l'oublidans
Hiroshima
mon
amour
24
4.1 L'imagecinmatographiqueetla mmoire 24
4.2 L'tudede la mmoiredans
Hiroshima mon
amour 29
DEUXIME CHAPITRE
L M TRI LIT
DU
TEXTE
DE
M RGUERITE
DURAS
31
1.
La reconstitutiondessouvenirsintimes......................................................................... 31
1.1
La figurerhtorique
de la
rptition 32
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\.2 L'vnementtraumatiqueoriginel...................................................................... 34
1.2.1 Le deuil mlancolique 35
\.3 La luttecontre l'oubli 36
\.3.\
La
lutte par
le
cri...................................................................................... 37
1.3.2 La
lutte par l'tatd'veil 39
lA
La sujtionl'oubli 41
IA \
Lacave
41
1.5
Le retour
de
l'oubli 43
1.5.\
La
rsistance
au
retourde l'oubli 44
1.5.2
Le
travail
du
deuil
non
achevNevers
45
1.6
Le retour
de
l'oubli 48
1.6.\ Le travail
du
deuil inachev
Hiroshima 48
\.6.2 Une histoirebanale,
non
mmorable 52
2. La
reconstitution historique 54
2.1 Le tmoignage impossible 54
2.1.1
Une problmatisation
du
sujet.................................................................
55
2.1.2 L'impossibilit
de
parlerd'Hiroshima :
..
56
2.\.3 L'entiret
du
tout 58
2.IA
Le
regard remis
en
question
58
2.\.5 Une prise
tmoin 59
2.2
La partplus positivede l'oubli
61
TROISIMECHAPITRE
LA
MATRIALIT
DU FILM
D'ALAIN RESNAiS
63
1
La
reconstitutiondessouvenirsintimes......................................................................... 64
1.1
Le procdstylistique
du
montageparenchanements....................................... 64
1.2
La reprsentationd'unemmoirefragmente 67
1.3 Leslmentscorporelsfavorisantle rappel.......
69
1.3.1 La
fonction des mains...................... 70
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1.3.2
La reprsentation
du
regard intrieur.......................................................
74
1.3.3 La position des acteurs 78
1
Le rappolt
au
temps 82
IA.I L absence
de
flash-back 82
IA 2
L image-temps
85
1.5
La notion de trace: la reprsentation de l absence.... 88
2. La reconstitution historique........................................................................................... 89
2.1
U
ne
mmoire poussireuse
89
2.2
La
mmoire archive 94
2.2.1 Le
traitement
de la
voix: une impossible objectivit
95
2.2.2
Le
montage clat
et
subjectif.................................................................
97
2.2.3 Le regard remis en question
100
CONCLUSION 103
RFRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
106
Corpus
106
tudes sur Hiroshima on amour 106
tudes sur
la
mmoire
et
sur l oubli
107
tudes sur le cinma 107
tudes sur l uvre d Alain Resnais 108
tudes sur l uvre
de
Marguerite Duras
108
Autres rfrences ,
109
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RSUM
uvre cinmatographique ralise par Alain Resnais en
1959 iroshima mon amour
est galement reconnue pour sa valeur scnaristique, autrement dit littraire,
que
l on doit
au
travail de Marguerite Duras, et qui a d ailleurs fait l objet d une publication distincte aprs la
sortie
du film.
L originalit
de la
prsente recherche repose sur
la
distinction des deux
mdiums coexistants, une division qui
non
seulement oriente mais enrichit
la
rflexion sur
une
dialectique
de la
mmoire et
de
l oubli.
Si
la matrialit filmique et la matrialit
textuelle, chacune l aide des procds
qui lui
sont propres, interrogent le devoir de mmoire
et
la
fonction
de
l oubli,
l
appert que
le
texte oriente davantage
la
question
de
l oubli, alors
que le
film
fait voir plus positivement
le
travail de la mmoire.
L criture
de
Marguerite Duras se voit marque par
un
style pur
o
la
figure
rhtorique de
la
rptition prdomine et propose une vision du monde o l oubli, au mme
titre
que
la guerre, est invitable et rcurrent.
Le
traitement
de
l image cinmatographique
d Alain Resnais permet de confrer aux images mentales une matrialit
au
sein d un
montage clat.
Ce
dernier participe d une reprsentation directe
du
temps et
du
processus
psychique
de la
remmoration, de mme qu il donne voir l histoire d un monde devenu
impossible
apprhender objectivement sans
en
voquer
la
fragmentation.
De
surcrot,
la
structure de l uvre contenant l apposition d une tragd
ie
personnelle
et d une catastrophe historique, l tude de
la
mmoire tient compte de cette distinction entre
les
dimensions intime et historique. L analyse
de la
partie intime envisage
la
remmoration
comme un effort de rappel qui repose sur l mergence de la trace mnsique caractrise par
sa persistance. En parallle,
la
partie
plus
historique convie penser la trace documentaire
selon son caractre prissable et ses limites
servir la mmoire historique.
MOTS
CLS: MARGUERITE DURAS/
ALAIN
RESNAIS/ HIROSHIMA
MON
AMOUR/
LITTRATURE
ET
CINMA/ MMOIRE/ OUBLI/ RPTITION/ IMAGE-TEMPS
/TRACE
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INTRODUCTION
La
musicalit et l oxymore
du
titre
Hiroshima mon amour
prludent
la
posie
comme la complexit
de
l uvre annonce,
qui
plus
de
quarante ans aprs sa cration,
suscite toujours autant d adm iration et d interrogations. Ds sa prem ire projection publ ique
au
Festival
de
Cannes
en
1959 ce
film
est prsent comme
le
fruit d une troite collaboration
entre Alain Resnais, le ralisateur, et Marguerite Duras
qui
est confi le travail d criture
du scnario et des dialogues. Quelques mois aprs
sa
sortie
en
salles,
les
ditions Gallimard
en publient une version texte, dans
un
recueil qui rassemble le synopsis et le script original de
Marguerite Duras, enrichis
des
commentaires de l crivaine. Cette initiative ditoriale vient
ainsi matrialiser
la part textuelle de l uvre cinmatographique.
Brivement, l histoire d Hiroshima mon amour se droule
en 1957
Hiroshima, o
une actrice franaise est venue tourner
un film
sur
la
paix. La nuit prcdant
son
dpart, elle
rencontre
un
architecte japonais avec lequel elle a
une
aventure amoureuse. Cette brve liai
son donne lieu l vocation trs personnelle des circonstances historiques du bombardement
atomique d Hiroshima ainsi qu la remmoration de l amour de jeunesse de la jeune femme.
Hiroshima, mon amour s inscrit dans une dialectique
de
la mmoire et de l oubli ll
les deux phnomnes
ne
s opposent pas mais sont traits en troite relation l un avec l autre.
S il est un al1 de la mmoire, Hiroshima mon amour prsente un art de l oubli impossible
saisir sans voquer la mmoire.
De
ce fait, le film et le texte, chacun l aide des procds
qui
lui sont propres, interrogent le devoir de mmoire et la fonction de l oubli. Dans le cadre
de
la prsente recherche, nous posons comme hypothse que
le
texte oriente davantage
la
question de l oubli, alors
que le
film fait voir plus positivement
le
travail
de la
mmoire. Afin
de
respecter
la
structure
de
l uvre,
qui
contient
en
elle-mme l apposition - voire l opposi
tion - d une tragdie personnelle et d une catastrophe historique, l tude de
la
potique de
la
mmoire dans
le
corpus se concentrera d abord sur
la
dimension intime de celle-ci, puis sur
sa dimension historique. Pour ce faire, la dmarche analytique interrogera l uvre de
la
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8
manire suivante: Quels sont les procds employs par chacun des mdiums? Comment ces
stratgies sont-elles exploites en lien avec le travail
de
la mmoire qui traverse l uvre?
Quelles en sont les vises narratives et esthtiques?
Le
1en amoureux
tabl
i
H
irosh ima
permet,
non
sans rsistance, la reconstitution
d un pisode pass et oubli de la vie de la jeune
femme
alors
que
celle-ci vivait
Nevers.
Or,
il
ne s agit
pas de
faire appel la mmoire pour narrer, de
faon
organise,
des
vne
ments anciens, mais plutt
de
raviver, comme s il s agissait de faire renatre
la conscience,
des lments oublis, comme autant
de
fragments pars qui semblaient
jamais perdus. Dans
cette perspective, la reconstitution des vnements intimes repose sur un vritable travail de
remmoration, redevable
au
statut et
au
traitement
de
l image cinmatographique, tout autant
que sur
une
lutte contre l oubli,
w
laquelle
le
texte n a de cesse d insister. La remmoration,
considre dans
ce
cas prcis comme un effort de rappel, repose sur l mergence de la trace
mnsique, savoir une trace psychique caractrise
par sa
persistance.
En
parallle, la tentative
de
reconstitution des vnements historiques est amorce
par la voix hors champ et
se
poursuit dans
un
dialogue dualiste
au
cur duquel l objectivit
et la fonction du regard se trouvent remises en question. Si le propos oscille entre Tu n as
rien vu Hiroshima et J ai tout vu Hiroshima c est qu il interroge la possibilit de
tmoigner d un
tel
vnement.
Le
texte fait alors cho
l image documentaire
qui
convie
penser la trace selon son caractre prissable et ses limites servir la mmoire historique.
D un point de vue socio-historique, la cration de l uvre s accomplit une poque
d aprs-guerre marque par le souci, voire la ncessit, de rinvention des formes artistiques.
En effet, aprs Auschwitz et Hiroshima, comment crire et dire l indicible, comment filmer et
montrer l irreprsentable sinon
par un
renouvellement
des
fonnes propre donner
une
vision
juste d un monde dsormais
rompu la
destruction?
Pour sa
part, l criture
de
Marguerite
Duras
se voit marque par un style pur o la figure de la rptition est employe pour dire,
re-dire, tenter
de
dire autrement tout
en
insistant sur l impossibilit
de
l acte.
Les
ellipses
comme la dmesure
des
redites proposent une vision du monde o l oubli, au
mme
titre
que
la guerre, est invitable et rcurrent. Avec le cinma d Alain Resnais, on assiste la
matrialisation l cran d images mentales
qui
s animent au sein d un montage clat,
caractris par l enchalnement par similitude.
Ce
type de montage participe d une
reprsentation directe du temps et du processus psychique de la remmoration, de mme qu il
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9
donne voir l histoire d un monde devenu impossible apprhender objectivement sans en
voquer la fragmentation.
e faon plus formelle,
le
premIer chapitre prsente le corpus,
les
matrialits
textuelle et filmique, ainsi que la justification d une telle division.
l
s agit ensuite de
circonscrire les principaux concepts qui serviront l analyse, savoir la mmoire, le souvenir,
la remmoration, la notion de trace et l oubli, ainsi que les lments thoriques relatifs la
psychanalyse. Enfin, le chapitre se clt sur la relation entretenue entre la mmoire et le
cinma, puis, dans une moindre mesure, entre ce mdium et la mmoire historique.
Le deuxime chapitre repose sur la matrial
it
et la forme du texte de Marguerite
Duras. En premier lieu, l a pour objet d tude la reconstitution des souvenirs intimes. C est
la figure de la rptition sous ses diverses formes directes et indirectes qui sert, d une palt,
mettre
en
lumire les diffrentes causes qui ont men l oubli de l histoire d amour de
Nevers et, d autre part, dmontrer que le travail du deuil de l amant allemand reste
inachev. Puis, en ce qui concerne la reconstitution valeur historique, une tude sur le
tmoignage tend faire ressortir l impossibilit plurielle de parler des vnements survenus
Hiroshima. Que le phnomne de l oubli soit envisag l chelle individuelle ou collective,
le texte
en
propose une conception douloureuse, invitable et rcursive.
Le troisime chapitre a trait la matrialit du film d Alain Resnais. La
reconstitution des souvenirs intimes prcde, ici aussi, celle des vnements historiques. Il
s agit d abord d analyser comment la matrialit filmique s emploie reprsenter le travail
de remmoration tout en dmontrant que l image cinmatographique est une image-temps,
telle que dfinie par Gilles Deleuze. Ce chapitre prend la forme d une analyse des
associations, inhrentes au montage, entre des lments comme
les
mains,
le
regard, qui
servent
de
fil conducteur au jaillissement des traces mnsiques. e plus, une tude de
la
reprsentation du temps s attarde mettre
en
vidence que le prsent, dans
Hiroshima mon
amour est en coalescence avec
le
pass et contient dj l avenir. Enfin, l examen des
squences relatives la reconstitution dite historique tend dmontrer qu i1existe aussi une
impossibilit de montrer ce qui est arriv Hiroshima. Une importance prpondrante est
accorde
au
traitement
de
la voix hors cham p et la fonction de l image documentaire quant
sa possibilit de tmoigner du pass et, particulirement, de la destruction atomique
d Hiroshima.
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PREMIER CHAPITRE
PRSENTATION DU
CORPUS
ET DFINITIONS GNRALES
J
est absurde de parler
ufilm
de Resnais: il
est absurde de parler du texte de Marguerite
Duras.
Le
texte n aurait pas t
le
mme s il
n avait attendu l image et l image n aurait
pus
t la mme si elle n avaiL rpondu au texte.
(Marguerite Duras)
l, La prsentation du corpus: deux matrialits l tude
En
s entretenant de
la
sorte
propos d Hiroshima mon amour avec Michel
Delahaye, Marguerite Duras explique clairement l apport complmentaire
des
deux
m-
diums, tout
en
voquant paradoxalement leur existence distincte.
Une
existence qui, pour
la
part textuelle,
va
se matrialiser
en un livre,
pour reprendre
une
expression chre
l cri-
vaine, quelques mois aprs la sortie du film, et publi comme un roman (Ropars-
Wuilleumier, 1970, p,
148 ,
En effet, en 1960, le livre intitul Hiroshima mon umour,
Scnario et dialogue est publi par les ditions Gallimard, dans
la
collection Folio, sous
la
forme d un ouvrage reprenant
les
travaux d criture tels qu ils ont t produits
la
demande
d Alain Resnais, sans coupure, et auquel sont ajouts
des
appendices.
On
apprend que Duras
a
eu le
dsir
de se
dmarquer, produisant
un
texte
en
continuit,
ou
plutt
en
contigut, avec
le
film, et qui, davantage qu un simple complment
ou
commentaire, ralise une reprise de
l ensemble
en son
nom et
ton
propres, prenant
la
valeur
de ce
que l on peut appeler
un sc-
nario littraire,
La
palt textuelle
de
l crivaine ainsi matrialise traduit
de
surcrot
la
volont
de conserver
la
trace crite, voire documentaire, d une uvre
l origine strictement filmique.
La
rfrence
au
titre de l uvre
se fera
dsormais selon l abrviation HAJA.
-
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l
1 1 La justification
de
la division selon deux matrial its
Contrairement
la
plupart des critiques tels Carlier, Leutrat, Pingaud, nous avons
choisi de traiter individuellement l apport de la part textuelle de celui
de
la part filmique.
propos de la collaboration de Resnais avec Robbe-Grillet l occasion
de la
cration de
L Anne dernire Marienbad, Gilles Deleuze souligne qu il semble extraordinaire [quel
cette collaboration ait produit une uvre
aussi
consistante alors que
les
deux artistes
l ont
conue de manire si diffrente, presque oppose. Peut-tre rvlent-ils par
l la
vrit de
toute collaboration vritable, o l uvre est non seulement vue, mais fabrique suivant des
processus de cration tout fait diffrents qui s pousent dans une russite renouvelable,
mais chaque fois
unique
(Deleuze, 1999,
p
135). Le rapprochement
est
invitable entre
cette premire association et celle qui a men l laboration d HMA, convoquant cette fois
Marguer ite Duras.
Le passage de l criture cinmatographique, savoir celle
du
scnario et des
dialogues
d un
film, la ralisation filmique est toujours passage d un langage un autre. Or,
le
travail d criture
de
Marguerite Duras, en plus
de
son incontestable valeur scnaristique, se
distingue par
le
recours
des
procds 1ttraires. Ce sont donc
ces
processus de cration
diffrents
d un
mdium l autre que nous proposons d observer isolment.
la lumire du
commentaire
de
Deleuze,
il ne
s agit nullement
de les
opposer
dans le
but
de
dmontrer
l existence de deux uvres Bien
au
contraire, il importe de
les
discerner afin d en montrer la
complmentarit, riche
de
sens et d inventivit.
1 2
La matrialit et
la
forme textuelles
La matrialit textuelle, dans
le
cas d
HMA,
se
dfinit
bien entendu par
la
disponibilit de
l objet
- le l ivre - mais aussi par son contenu en tant que trace crite et
langage verbal. Le livre de Marguerite Duras prsente
le
scnario - dialogues et didascalies-
d HMA divis en cinq parties, prcd d un avant-propos et suivi
de
quatre textes sis en
appendice. Le scnario s apparente
la
composition de la tragdie classique, dont il
emprunte
la
division en cinq actes et l unit
de
temps de 24 heures. Malgr le traitement
de
thmes classiques comme l amour et
la
guerre,
on
verra que le scnario
se
distingue de
ce
genre littraire.
Sa
segmentation
en
tant que telle s est vue maintes fois discute par
les
-
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12
critiques, tant
il
est difficile d en rendre compte. Irrductible
toute forme de rsum,
l uvre rvle sa complexit mme sa construction.
Il Y a trs tt chez [Duras] - au moins depuis
HM
- comme une influence de
la
pratique du thtre et du cinma sur l criture romanesque crit Noguez (200 1
p.
24) Entre
autres, les didascalies, c est--dire
les
indications de mise
en
scne, de mouvements propres
au script et qui se prsentent comme une criture dpouille l extrme (Noguez, 2001,
p.
25) parce qu elles ne sont gnralement
pas
destines tre lues prennent dans HM plus
d importance
que
dans tout autre texte du genre. D un point de vue stylistique, elles
appartiennent la potique durassienne et en sont, en quelque sorte, une bauche de
ce
qui va
s affirmer aprs
les
annes
1960.
Noguez rapporte justement
que
l usage
de
cette criture
pauvre, utilitaire, presque tlgraphique, va
quitter, chez Duras,
les
coulisses de l crit
thtral ou
de l crit cinmatographique prparatoire
pour
gagner le devant
de
la scne, tous
les
textes (Noguez, 200 l,
p.
25). C est dire que ce style pur, qu i va par
la
su ite contribuer
se distinguer
de
la nonne, lve HM au rang
de
texte littraire, c est--dire au-del
du
simple script. Qui plus est,
en ce qui
concerne la matrialit, les didascalies sont videmment
une tentative de retenir, d inscrire en tant que traces, ce qui est occult par la matrialit
filmique, savoir ce qui ne
peut
tre vu l cran tout autant
que
ce qui n a
pas
t retenu par
Alain Resnais. Cette volont de prservation des traces crites est, comme il sera dmontr,
troitement lie la dialectique de la mmoire et de l oubli dans l uvre.
L existence des appendices relve elle aussi de cette intention de conservation,
mais selon une forme plus documentaire. En fait, l origine, c est une demande
de
Resnais
qui voulait que l crivaine rdige des textes faonnant la continuit souterraine
2 du
tilm,
compose d une srie de donnes sur l histoire et sur les personnages. Duras a trac,
en
marge
du
scnario, un rseau de pistes romanesques dont le film ne s inspire qu en les
effaant (Ropars-Wuilleumier, 1990, p.35).
Ces
supplments appartiennent donc la
gense de l uvre.
Ils
ont, habituellement,
un
caractre transitoire - fantomatique - et
ne
sont
destins qu contribuer au dveloppement
du
film. Or puisque
le
film est
une
uvre
acheve au moment
de
la
publ
ication
du
1vre la prsence de ces textes prend une valeur de
trace documentaire
non
ngligeable relativement la potique de la mmoire et qui, tout
comme
les
didascalies, confirme la singularit matrielle
du
texte de
Duras.
Selon l expression
mme du
ralisateur
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3
1 3 La matrialit et la forme filmiques
En ce qui concerne la matrialit filmique, elle est dtermine avant tout par
la
prsence
de
l image, au cur
du
dispositif propre au cinma et de l archives. L image
cinmatographique se dfinit,
en
gnral, comme
une
reprsentation visuelle et sonore
caractrise par
le
mouvement. Elle relve de
la
reproduction et s inscrit dans une dure, de
mme que dans
un
cadre spatial et temporel. L image,
en
tant que prsence
de
l absence,
donc en tant que matrialit au prsent de
ce
qui a t, est apprhender comme
une
trace.
Dans HMA
le
style d Alain Resnais repose,
en
partie, sur cette notion de trace.
En
effet, l image cinmatographique devient image mentale et rappelle alors
la
trace mnsique.
Lorsque l image se fait archive, c est--dire trace documentaire, elle
pose
la question de la
reprsentation de l irreprsentable, savoir sa capacit - en tant qu elle rend visible le rel
tmoigner non seulement de
ce
qui
fut
en tant qu absolu,
mais
de ce qui reste. Comme le
rappelle Niney, l indicible, le fragmentaire comme la re-prsentation de l inimaginable sont
des sujets qui ont tourment Resnais ainsi que
les
autres jeunes cinastes franais de
l aprs-guerre conscients
de
devoir rinventer
le
cinma,
commencer par
le
documentaire
(2000, p 95).
HA1A
constitue
non
seulement
le
prem ier
long-mtrage
de
Resnais, mais
son prem
ier
film de fiction. En effet, les dix annes prcdant cette ralisation ont t employes la
conception de documentaires plaant la double problmatique de l archive et de la mmoire
l avant-scne de ses proccupations. Or, s il est indniable qu HMA appartient au registre de
la fiction, l insertion d images d archives et leur traitement tmoignent d un flottement entre
les
genres qui est envisager non pas comme une imprcision involontaire, mais bien comme
une intention ouverte deflirter avec
le
documentaire et d en clairer les 1
m
ites
Le montage, c est--dire l enchanement des images et le rythme qui en dcoule,
appartient
lui
aussi
la
matrialit filmique. Resnais se prsente lui-mme plus volontiers
comme monteur, mtier qu il a pratiqu plusieurs annes. De fait, sa conception
du
montage
s est rapidement distingue et demeure une caractristique essentielle de son style, dans
HA1A
comme dans l ensemble
de
son uvre.
Le
montage chez Resnais se traduit par une alternance
de
plans fixes et courts, et
de
travell ings par dfinition beaucoup plus longs Il se caractrise
par
la
rupture,
la
collision,
de
mme que par l association des thmes. Dans HMA,
la
-
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14
prsence du montage - au sens o celui-ci se veut souvent apparent - joue
un
rle primordial
non dans
la
comprhension de l intrigue -
le
montage, au contraire, participerait plutt
embrouiller la narration - mais dans le traitement imitatif du processus psychique
de
la
remmoration et
le
rapport au temps.
2.
Les
dfin itions gnrales
Avant d entreprendre l analyse proprement dite du corpus, l est ncessaire de dfinir
les concepts cls constituant les assises mthodologiques du propos, tels la mmoire, le
souvenir,
la
remmoration et la notion de trace.
2. \ La mmoire
Dans son acception
la
plus courante, la mmoire (du latin
memoria)
est
la
facult de
conserver et de restituer des informations, plus prcisment
de
rappeler des tats de
conscience passs et ce
qui s y
trouve associ. Le substantif fminin dsigne galement
l esprit,
en
tant qu il garde le souvenir du pass, puis, en troisime entre, la mmoire est
dfinie comme tant
la
facult collective
de se
souvenir (Dictionnaire Le petit Robert,
1993, p. 1551). Selon
le
sens individuel qui lui est attribu,
l
s agit donc d une double
proprit d emmagasinage et
de
reprsentation
qui
ncessitent des oprations mentales. Ces
dern ires permettent de se reprsenter les objets ou les vnements en leur absence et les
principaux modes sont
le
langage et l image mentale. Enfin,
la
mmoire fait appel une autre
facult essentielle, celle d valuer
le
temps, sans laquelle la rfrence
au
pass dans les
souvenirs serait impossible.
Dans L art de la mmoire
qui
se prsente comme une vaste fresque historique,
Frances A. Yates rappelle, entre autres, l troit
lien
entretenu depuis l Antiquit entre
la
mmoire et l image.
En
effet, Cicron, dj, accordait l image ainsi qu au lieu une grande
importance dans
le
processus
de
mmorisation: les 1
ieux
sont les tablettes
de
cire sur
lesquelles on crit;
les
images sont les lettres qu on y trace (Cicron n Yates, 1975, p. 16 .
Les
ars memoraliva,
en tant que mnmotechniques (techniques
de
mmorisation et
de
restitution des ides, des souvenirs), devaient alors serY ir l orateur dans l organ isation de sa
pense et s offraient lui sous la forme d une visite virtuelle d un difice l instar d un
-
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5
muse dans lequel seraient classes
les
ides
en
tant qu images. Comme l crit Cicron, il
s agit de choisir
en
pense des emplacements distincts,
se
former
les
images
des
choses
qu on veut retenir, puis ranger ces images dans
les
divers emplacements. Alors l ordre des
lieux conserve l ordre des choses, tandis que
les
images rappellent
les
choses elles-mmes
(Cicron in Yates,
1975, p. 14 .
C est donc
un
art
de la
mmoire fond sur une conception
associative des images qui,
ce
faisant,
ignore la contrainte des traces (Ricur, 2000,
p.
79), soit celle de l oubli.
Pour sa part, Platon a
mis
en lumire
le
problme
de la
frontire entre
la
mmoire,
particulirement
le
souvenir, et l imagination.
Le
souvenir est alors pos comme l eikon
(image symbolique) prsente d une chose absente ayant exist auparavant. Ainsi, cette
conception est articule autour d un axe
qui lie
la prsence, l absence et l antriorit.
La
prsence est la trace de l image, l empreinte (le tupos), comme une marque mallable dans
la
cire, qui reste d une chose qui a disparu. Cette conception permet de penser non seulement la
question de l imagination comme modification de la trace, mais galement celle de l oubli en
tant qu effacement
de
la trace.
La croyance selon laquelle
la
mmoire tait conue comme un rservoir d images a
ensuite t dmentie par Aristote, pour qui
la
mmoire se caractrisait plutt par
une
sorte de
recherche apparente
au
syllogisme et par une rfrence
au
pass. Contrairement Platon
pour
qu
i
la
mmoire est
la
reprsentation prsente d une chose absente, selon Aristote
la
mmoire est
la
reprsentation d une chose antrieurement perue. Ainsi,
la
mmoire (...] a
rapport au pass (1951,
p.
57) et la relation d association entre les images,
les
ides, existe
en tant que mtaphore ou mtonymie,
savoir une copie de l image, qu Aristote dtinit
plutt comme une marque mnmonique. articule le concept de mmoire et de rminiscence
autour d un axe
qui lie le
temps, l image
et la
perception. Dans l article intitul
e la
mmoire et de la rminiscence, l
affirme:
la
mmoire ne se confond ni avec
la
sensation ni
avec
la
conception intellectuelle; mais elle est ou
la
possession ou
la
modification de l une
des deux, avec la condition d un temps coul. Il n y a
pas de
mmoire
du
moment prsent
dans le moment mme (...]
l
n y a que sensation pour le prsent, esprance pour l avenir, et
memoire pour le pass (1951,
p.
65). De ce fait, la notion de distance temporelle est
inhrente
l essence
de la
mmoire et assure
la
distinction
de
principe entre mmoire et
imagination (Ricur, 2000,
p.
23).
La
mmoire est encore concevable sur
le
modle de
-
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16
l'empreinte:
la
perception ralise comme
une
peinture dans l'me,
la
mmoire est
la
permanence
de
cette peinture. Cependant, Aristote disjoint
la
mmoire
de la
rminiscence
(acte de
remmoration) et remarque que cette dernire est un processus psychologique
qui
se
distingue du simple procd de l'emmagasinage dans la mmoire. Cette distinction entre
mnm et onomnsis peut, selon RicUl , se traduire par la diffrence entre
l'vocation
simple [du souvenir] et l'effort de rappel (2000, p. 23) tablie plus tard par Bergson
J
.
Dans l'essai Malire el Mmoire, Henri Bergson (1939) tablit le rapport entre
l'esprit et la matire partir de l'exemple de la mmoire, en plaant le souvenir
au
point
d'intersection. l distingue alors la mmoire-habitude et la mmoire pure.
La
mmoire-habitude est
de
nature essentiellement
sensori-motrice,
bien
situe dans
le
corps;
c'est une mmoire de conservation des impressions passes
qui
influent sur notre
comportement sous forme d'automatismes (par exemple, rouler bicyclette).
La
mmoire
pure, par ailleurs, est d'essence spirituelle, situe plutt dans
la
conscience, et donc autonome
du corps. Elle est seule capable
de
restituer
les
tats
de
notre pass sous forme de souvenirs
prcis et situs.
La
mmoire pure est elle-mme compose
cie
trois lments:
le
souvenir
pur,
le
souvenir-image et
la
perception
Le
souvenir-image sert relier
le
souvenir
pur et
la
perception qui sont
de
nature oppose.
Bergson s'est videmment intress
la
problmatique
du
temps, particulirement
celle de la dure. Suivant l'exemple de la leon apprise par cur
qui
relve de la mmoire
habitude, Bergson observe qu'elle
fait partie [du] prsent au mme titre que l' habitude 'de
marcher
ou
d crire; elle est vcue, elle est agie , plutt qu'elle n'est reprsente (1939,
p. 227). Alors que
le
souvenir d'une leon en paliiculier relevant de
la
mmoire pure est
une reprsentation, et une reprsentation seulement (1939, p.226) puisque, en tant
qu'vnement dat
et
forcment pass,
l ne
peut que se rpter. Ainsi,
la
mmoire
qui
rpte, s'oppose une mmoire qui imagine.: Pour voquer le pass sous forme d'images, l
faut pouvoir s'abstraire
de
l'action prsente [
...
]
l
faut vouloir rver (1939,
p.
228).
Par ailleurs, selon la lecture de Gilles Deleuze des principales thses bergsoniennes
sur
le
temps,
le
pass coexiste avec
le
prsent qu'il a
t; le
pass se conserve en soi,
L emploi
du
terme
rminiscence
dans
le
prsent mmoirc s cntendra surtout
dans son
sens
le
plus usuel d un
souvenir vague. imprcis.
o
domine la tonalit affective)}
Dictionnaire
e
petit Robert,
1993. p 2155).
c est--dire comme synonyme dc trace mnsique.
-
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17
comme pass en gnral (non-chronologique);
le
temps se ddouble
chaque instant en
pl sent et pass,
pl sent qui
passe et pass
qui
se conserve (1985, p. 1
10). En
outre, si
Bergson a considr la dure comme tant subjective et constituante de la vie intrieure, ses
rflexions l ont ensuite amen poser le temps comme ce dans quoi nous vivons. C es t
paltir de ces travaux, eux-mmes hritiers de la tl adition aristotlicienne, que Deleuze a par
la suite labor ses thories SUI l image cristalline et l image-temps, prcisant qu il y a dans
l image-temps coexistence du pass, du prsent et mme du futul . l s agit d un pass qui
n est pas saisi par rappolt
au
prsent en fonction duquel il est pass, mais qui est saisi par
rapport au
prsent qu il a t.
2.2
Le
souvenir et
la
remmoration
En ce qui concerne la restitution des informations ou autrement appele remmo
ration, celle-ci est facilite par des indices de rcupration externes verbaux, visuels et des
repres chronologiques.
Le
processus
de
rappel inclut
le
souvenir comme objet (substantif) et
comme action (verbe pronominal)
au
caractre toujours objectal, puisque l on se souvient de
quelque chose
ou de
quelqu un. Bergson, dans L nergie spirituelle (1959), fait
la
distinction
entre deux formes de rappel, soit
le
rappel instantan (vocation simple, spontane) et
le
rappel laborieux (effort de rappel). Dans
le
prem
ier
cas,
le
travai 1 de recherche du
souvenir est nul, au
sens
o
le
souvenir-image est immdiat et relve plutt de
la
mmoire
habitude, alors que dans
le
second,
le
travail
de
recherche requiert
un
effort d ordre
intellectuel. Bergson propose un modle partir
de la
notion de plans
de
conscience et de
l image,
qui
vise dpartager
la
part d automatisme et celle
de
rflexion, entendue comme
une reconstitution intelligente. Bergson affirme que
le
sentiment de l effort d intellection se
produit sur
le
trajet
du
schma
l image (1959, p. 95).
Ce
schma consiste en
une
attente
d images, en une attitude intellectuelle destine [
...
]
prparer l arrive d une certaine image
prcise, comme dans le cas de la mmoire (1959, p. 101).
Par ailleurs, il est un autre type de remmoration, que Marcel Proust a qualifi de
mmoire involontaire. L crivain affirme que son uvre est domine par la distinction entre
la mmoire involontaire et la mmoire volontaire. l ajoute que cette distinction ne figure pas
dans la philosophie de Henri Bergson et que, de surcrot, elle serait mme contredite par
celle-ci. Quoi qu elle ne soit pas aussi pleinement loigne du rappel instantan que
-
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8
l envisage j crivain, l exprience d une opration involontaire de la mmoire se caractrise
par
une
image-souvenir dclenche subitement par
un
lment sensitif.
Ainsi
troitement
associe
la
sensation, la mmoire involontaire chappe l intention comme la raison.
C est pourquoi Proust l oppose radicalement la mmoire de l intelligence qui, selon lui ne
peut rien conserver du pass.
Enfin, la recherche du souvenir conue comme un effort peut aussi supposer une lutte
contre l oubli. une chelle collective, elle est associe au devoir de mmoire.
2.3 La notion de trace et l oubli
Comme plusieurs thoriciens, Paul Ricur distingue le souvenir
de
la trace.
Son
essai intitul Mmoire histoire oubli (2000)
se
prsente comme une imposante rflexion tout
la fois phnomnologique, pistmologique et hermneutique sur la mmoire et son rapport
l Histoire, autrement dit sur l homme et son rappoli au pass. Divis
en
trois grands
thmes, cet ouvrage passe chaque fois
en
revue
les
grands penseurs des sujets traits tout en
tayant ses propres hypothses.
La prem ire
partie met
en lum ire la
mmoire et
les
diffrents phnomnes mnmoniques, et s labore partir
de
la notion
de
la trace,
de
l empreinte hrite de la tradition grecque,
en
passant par le travail de rappel et le deuil. La
deuxime paliie est consacre
l aspect historique,
au
devoir de mmoire, et traite, entre
autres choses, de la problmatique
de
la mmoire archive,
de la
trace documentaire et
du
tmoignage. Enfin,
la
dernire partie se prsente comme une mditation sur l oubli et
le
pardon dans
une
perspective historique.
Ricur recense trois sortes de traces et deux fonnes principales d oubli:
premirement {
la
trace crite,
qui
est devenue au plan de l opration historiographique trace
documentaire (2000,
p.
539), laquelle est
en
fait matrielle et forcment externe. celle-ci
nous adjoignons l ide
de la
trace filmique (image d archive).
Sa
nature tangible l expose
l altration, voire la destruction qui peut s apparenter un oubli profond par effacement
de
traces - correspondant l une des deux formes d oubli. Paradoxalement, { c est, entre autres
finalits, pour conjurer cette menace de l effacement que l archive est institue (2000,
p.539). Deuximement, il y a { la trace psychique, qu on peut appeler impression plutt
qu empreinte, impression au sens d affection, laisse en
nous
par un vnement marquant
-
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19
(2000,
p
539), galement appele
trace mnsique
4
en
psychanalyse.
Ce
type
de
trace
intime, contrairement
au
prcdent, n est thoriquement jamais appel
disparatre
totalement,
mais
devient plutt provisoirement inaccessible.
Mme
lorsque
la
trace semble
perdue, elle est susceptible
de se
manifester
nouveau
la
conscience
tout moment par jeu
d association
ou par
reconnaissance sensitive d
ind ices du
pass. Ricur parle alors de
persistance des traces (2000,
p
554),
ce qui
est,
par
consquent,
rapprocher d un oubli
de
rserve, correspondant
la
seconde forme d oubli. Troisimement, Ricur mentionne
la
trace crbrale, corticale, dont traitent
les
neurosciences (2000.
p
539), mais
qui
sera de
peu
d utilit dans le cadre
de
notre tude. Comme Bergson, Ricur n oppose pas
radicalement
la
mmoire l oubli, mais envisage l oubli comme une des conditions
de
la
mmoir:e: l oubli dfinitif [
] est
vcu
comme
une
menace [
] c est contre cet oubli-l
que nous faisons uvre
de
mmoire (2000,
p
552).
La fine distinction existant entre
le
souvenir
et la
trace se rvle probante dans
le
cas
de la
trace mnsique, dans
son
acception psychanalytique.
Dans la vie
psychique, l oubli
dfinitif est tlne thse rfute: mme lorsqu il y a oubli,
il
y a persistance de traces. Pontalis
(2001) dmontre que, dans
le
cadre d une cure psychanalytique
o la
remmoration tient
une
place prpondrante,
ce
n est
pas
sur
le
souvenir que porte
le
refoulement, mais sur la trace.
ou
plus prcisment, comme l explique ensuite Aug, le
trac trac secret, inconscient, [et
donc] refoul (1998,
p
32). Ainsi, la trace est ce
qui
reste dissimul
derrire le souvenir
et
ce qui
est marquant, signifiant, car elle est signe
de
l absence.
3 Freud
et
la
mmoire
On trouve, dans la psychanalyse freudienne, plusieurs lments susceptibles
de
servir
l analyse des thmes
de la
mmoire et de l oubli dans
le
cadre
du
prsent mmoire. Prcisons
d emble que Sigmund Freud
ne
s est
pas
attard analyser
le
processus
de la
mmoire, mais
qu il s est plutt intress
la
remmoration d vnements maintenus hors
du
champ de
la
conscience comme technique employe au cours des sances d analyse.
l
a
de
plus t
amen tudier
le
phnomne de l oubli en tant que symptme
lors de
ses observations sur
les
actes manqus, comme
les
lapsus
ou le
fait d garer frquemment
un
mme objet. En
Cette expression est employe dans son acception psychanalytique. et
ce
en opposition Ricur qui
l emploie dans in contexte neuroscientifiquc.
-
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20
3.1
s interrogeant sur les motivations psychiques de ces erl eul s
, appal emment
anodines, il a
saisi qu elles taient fondes sur ( oubli. Non un simple oubli
,
comme on le suppose
gnralement,
mais un
oubli rvlateur et qui a
bel
et bien une cause qui
cherche
s exprimer
, si
l on ose dire.
Refoulement et refoul
Selon Freud,
l essence
du
refoulement ne consiste qu en ceci: mettre l cart et
tenir distance du conscient (1968, p.
47).
Le refoulement - l un
des
concepts cls
de
la
thorie freudienne, est donc
un
processus grce auquel
un
acte susceptible de devenir
conscient [
...
] devient inconscient.
Et
il
Y a encore refoulement lorsque l acte psychique
inconscient n est
mme
pas admis dans le systme prconscient voisin, la censure l arrtant
au passage et lui faisant rebrousser chemin. (Freud, 1989, p. 321)
Plus
prcisment, le
refoulement serait le fait qu une reprsentation - un souvenir, une impression - inconciliable
avec le Moi parce que trop dsagrable, rejoigne le systme inconscient. Devenue alors
inaccessible - oublie - elle cesse toute volution, mais continue nanmoins dterminer le
comportement du sujet, influencer
ses
penses.
son
discours. Maintes causes peuvent tre
l origine d un refoulement.
Parmi
les exemples tudis pal Freud, deux ont retenu notre
attention: la nvrose de guerre et le deuil.
Le
retour du refoul, pour sa
part,
se prsente comme l opration contigu au
refoulement,
en
ce sens que la reprsentation
qui
est maintenue distance de la conscience
tend, en dpit du dplaisir gnr, ressurgir sous forme symbolique par le rve, l acte
manqu, le
lapsus,
le
symptme, etc.
En
d autres termes,
la
reprsentation refoule ne l est
jamais compltement.
Dans
Lth - Art et critique de l ouNi, Weinrich (1999,
p. 188)
assimile volontiers l oubli l inconscient freudien, justifiant sa comparaison par
le
fait que
les
deux notions - oubli/ et inconscient- appartiennent respectivement la terminologie
secondaire et principale de
la
thorie psychanalytique.
Ce mme
rapprochement contribue
comprendre
que
l oubli, ou plus exactement l oubli, puisse tre associ au refoul.
-
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2
3.2 Rs istance et rptition
En gnral,
le
terme
rsistance
traduit l action d une force
qui
s oppose
une
autre,
que celle-ci soit physique
ou
morale.
Si ce
terme s est enrichi de nombreux sens techniques,
en psychanalyse
on
peut
le
dfinir comme tant tout ce qui fait obstacle au travail de
la
cure,
qui entrave l accs du sujet sa dtermination inconsciente. Dans
tudes sur l hystrie
(1956), Freud relie J origine
de
la rsistance l approche de l inconscient lui-mme: les
souvenirs que la cure rvle sont groups concentriquement autour d un noyau central dit
pathogne. Au il des sances, lors de l vocation de ses souvenirs, plus le sujet s approche
de ce noyau, plus la rsistance s intensifie; tout comme si
une
force
de
rpulsion intervenait
pour contrarier
la
remmoration et rfuter toute interprtation.
Dans Psychopathologie de la vie quotidienne,
Freud (1967)
fait tat de ses dcou
vertes sur
la
rptition
de
certains mots pouvant tre interprte comme la manifestation d un
refoulement.
Parmi
les exemples qu il donne,
on
trouve celui
de
l crivain qui rpte
un
mot qu il a dj crit, [qui] montre par
l
mme qu il
lui
est difficile de se sparer de ce mot,
que dans
la phrase
o
figure ce mot
il
aurait
pu
dire davantage, mais qu il a omis de le faire
(Freud, 1967, p. 103 . Freud classe un tel fait sous l appellation cas de persvration , tra
duisant en cela l existence d une insistance signifiante, volontaire ou non, dans
la
rptition.
Dans Au-del du principe de plaisir, Freud
(1989)
se penche sur
le
phnomne de la
rptition partir
de
sujets nvross de guerre. Ces derniers, par l entremise de cauchemars
ou d actes manqus, rptent une scne traumatisante dont ils souffrent pourtant. Freud
observe l une insistance
du
refoul et sa mise
en
acte au-del du principe de plaisir, comme
si
les sujets y trouvaient quelque chose de plus fort que le plaisir. Succinctement, le
principe de plaisir a t dfini par son auteur comme
un
principe selon lequel l activit psy
chique tend viter le dplaisir et procurer le plaisir.
Il
relve des pulsions dites
d autoconservation - que Freud divisera plus tard entre pulsions de vie et pulsions de mort-
mais doit
se
plier aux rgulations du principe de ralit.
Enfin, dans l article intitul
Remmoration, rptition
t
perlaboration,
Freud (1953)
attribue une remarquable importance aux trois facteurs ponymes en faisant de la
remmoration le vritable but du travail analytique et en considrant le dsir de rptition,
au
lieu de
la
remmoration, comme un symptme de rsistance qu il faut, comme tel, viter.
-
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3.3 Le travai 1du deu i1
La notion de travail
du
deui 1est introduite pour la premire fois en 1915 par Freud
dans
un
article intitul
Deuil et mlancolie
Aprs l laboration de
sa
thorie sur le rve,
le
deuil constitue pour Freud une voie suivre dans le but de comprendre l essence de
la
m-
lancolie
en
la comparant avec l affect normal
du
deuil (1968, p. 145 .
Le
deuil y est
compris comme
un
phnomne normal qui survient la suite de la disparition d un objet
d amour, qu il s agisse d un individu ou d une abstraction mise sa place,
la
patrie, la
libert,
un
idal, etc. (1968, p. 146 . Freud tablit une gradation entre
le
deuil normal,
le
deuil pathologique et
la
mlancolie.
rebours, en tant que pathologie grave,
la
mlancolie est caractrise par
une
dpression profondment douloureuse, une suspension de l intrt pour le monde extrieur,
la
perte
de
la capacit d aimer, l inhibition
de
toute activit et la diminution du sentiment
d estime qui
se
manifeste
en
des auto-reproches et des auto-injures et va
jusqu
l attente
dlirante du chtiment (1968, p. 146), et mme la tentative de suicide. Lorsque le deuil
conduit
un
tat de dpression grave, les caractristiques, une fois compares, ressemblent
point par point celles de
la
mlancolie; la diffrence relevant alors du fait que, dans
le
cas
du deuil pathologique (ou mlancolique),
la
perte originelle est relle alors qu elle ne l est
pas
en
ce qui concerne
la
mlancolie.
En
outre, dans
le
cas d un deuil normal, certains des
symptmes sont observables l exception de l autodprciation, des penses punitives et
suicidaires.
En
d autres termes,
il
n y a alors
pas
d appauvrissement du
Moi,
ce qui permet au
travail
du
deuil de s accomplir progressivement, aprs
un
dlai relativement raisonnable.
L essentiel
du
travail du deuil est reprsent par
le
dtachement douloureux des liens
avec le dfunt. Selon Freud,
le
Moi sert de mdiateur entre les pulsions internes du sujet et la
ralit du monde extrieur; il est
le
sige des mcanismes de dfense inconscients labors
pour se protger contre l angoisse. Ainsi, c est
son niveau que s opre
le
travail du deuil,
pendant lequel le Moi est totalement absorb. Les tapes du travail d un deuil normal peuvent
se schmatiser ainsi : choc - dni: rbellion, rsistance - dpression - adaptation. Il y a
achvement du travail du deuil lorsque Le Moi [...] redevient libre et sans inhibitions
(1968, p. 148), c est--dire lorsqu il y a nouveau investissement
de
la libido dans un objet
une personne
ou
une activit - signifiant que le sujet se tourne dsonnais vers l avenir.
-
7/25/2019 Hiroshima mon aour
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23
Toutefois, lors d un deuil pathologique, l ambivalence du sujet l gard de l objet
d amour perdu le fait se sentir coupable de sa disparition et modifie le deuil en le diffrant
ou
en allongeant sa dure. Lorsque le sujet vit la phase
de
rbellion si intensment qu il en vient
se dtourner de la ralit et maintenir l objet par une psychose hallucinatoire de dsir [si
bien que] l existence de l objet perdu se poursuit psychiquement (1968, p. 148 - malgr le
dplaisir et la douleur engendrs - les tapes de dni et de dpression sont alors beaucoup
plus longues et intenses. Le dsinvestissement
de
l objet perdu semble impossible, car le
sujet ne parvient pas, aprs une priode raisonnable, confronter
ses
souvenirs au dcret de
la ral
it.
Le sujet reste,
au
contraire, dans la remmoration, accordant ainsi une manire de
survie
son
objet d amour. De plus, comme dans le cas
de
la mlancolie,
on
observe une
nette diminution
du
sentiment d estime
de soi qui se
traduit souvent par
une
insomnie, un
refus de nourriture et [...]
la
dfaite de la pulsion
qui
oblige tout vivant tenir bon la vie
(1968,
p. 150 .
Le
rapport 1iant
deu
1et mmoire
se
caractrise par la remmoration. La remmora
tion seule n est toutefois pas suffisante, puisqu elle ne vise qu faire revivre le pass, en
maintenant psychiquement prsent l objet perdu. Pour que le travail du deuil puisse s ac
complir, l est ncessaire que chaque souvenir soit associ l ide de la disparition. Ainsi, la
fin du travail du deuil normal n aboutit pas
un
oubli total, mais plutt un oubli affectif. Ce
qui
est oubli, attnu,
ce
n est
pas
l objet, autrement dit les souvenirs, mais la douleur
qui
lui
est associe,
bien
qu 1subsistera toujours une trace des
bou
leversements vcus lors du
deu
i
1
3.4
Le bloc-notes magique
En
1925,
Freud tablit une analogie entre l appareil perceptif psychique et un jouet
appel le bloc notes magique. Il s agit d un petit instrument compos
de
trois feuillets sur
lequel on trace les notes l aide d un style, notes que l on peut effacer simplement
en
soulevant
la
couche
de
cellulod suprieure.
Or, en
sparant cette couche
du
feuillet cir,
on
s aperoit que, la faveur d un clairage particulier, les notes y sont encore visibles. Partant
du principe que l appareil psychique
a une capacit indfinie de recevoir des perceptions
toujours nouvelles et pourtant [qu ]il en fournit des traces mnsiques durables, mme si elles
ne
sont
pas
inaltrables (1985,
p.
120 ,
Freud
constate que
ni
la feuille de papier
ni
le
tableau d ardoise
ne
constituent des dispositifs aptes rellement aider notre mmoire, la
-
7/25/2019 Hiroshima mon aour
25/110
24
4.1
surface du premier puisant
bientt sa capacit de rception , alors que si
la
surface du
second
reste indfiniment capable
de
rception (1985,
p. J
21)
L ne
fois
les
donnes
effaces, il prsente l inconvnient d une destruction totale de la trace. Par contre, le bloc
notes magique s apparente
la
double fonction de l appareil psychique puisque non
seulement il fournit une surface rceptrice toujours rutilisable [
...
] mais aussi des traces
durables de l inscription (1985, p. 121 .
4. La dialectique de la mmoire et
de
l oubli dans Hiroshima mon amour
L une des vises
du
prsent mmoire tant de mettre
en
lumire
les
procds
cinmatographiques aptes reprsenter
le
processus de remmoration et, dans une moindre
mesure,
la
transmission de la mmoire, nous aborderons maintenant plusieurs lments
thoriques retraant le parcours de l image cinmatographique eu gard
au
devoir de
mmoire en gnral, suivis d un rsum de quelques tudes sur Hiroshima mon amour qui
ont galement mis en valeur la dialectique de
la
mmoire et de l oubli.
L image cinmatographique et la mmoire
Depuis
les dbuts du cinma et surtout depuis Citizen Kane d Orson Wells (1940), on
a constat que
le
cinma entretenait
un
rapport privilgi avec
la
mmoire:
L histoire et la remmoration des vnements allaient ainsi dlaisser l ordre exclusif
du langage qui leur servait jusque-l d unique vhicule pour s instrumentaliser et
devenir une ralit optique [... ]
la
bibliothque,
o
toute
la
mmoire
du mondeS
se
concentre, allait voir
son
empire archivistique morcel par
les
photothques,
cinmathques, vidothques. (Bdard)
Alexandre Tylski en precIse mme l origine plus lointaine: Au commencement
tait l ombre. L imago princeps. Une jeune femme veut garder en mmoire son amoureux et
dessine alors
la
silhouette
de
celui-ci grce
son
ombre. [... ]
De
ce subjectile marqu
la
craie dcoulerait l art de la reprsentation,
la
peinture, le cinma. (2001) Dj avec
l invention de la photograph
ie,
l image avait rompu avec son statut exclusi f de reprsentation
pour devenir, dans sa fixit, miroir mmoire , comme
on
se plaisait qualifier les
daguerrotypes
au
dbut du XIX
e
sicle. Andr Bazin, dans Ontologie
de
l image
Taule a mmoire du monde
est galement le titre d un documentaire
d Alain
Resnais et Chris Marker datant
de
1956
et portant sur la Bibliothque Nationale, Paris
-
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2S
photographique
fait tat d une comparaison entre
les
arts visuels que sont
la
peinture, la
photographie et
le
cinma et dmontre que ces deux derniers sont des dcouvertes qu i
satisfont dfinitivement et dans son essence mme l obsession du ralisme (1987, p. 12).
En effet, contrairement la peinture
o
le travail de l homme est ncessaire pour reprsenter
la ral it,
avec
la
photographie et plus tard
le
cinma,
on
assiste
une
reproduction
mcanique
o
l intervention crative
de
l homme est, pour
la
premire fois dans l histoire de
l art, exclue.
En
effet,
si
l homme intervient dans
le
choix, l orientation et
la
pdagogie du
sujet photographi
ou
film,
il ne lui
appartient pas
de
produire l image.
Il
en dcoule
un
bouleversement de
la
psychologie de l image et
de
sa crdibilit
:
Quelles que soient les
objections de notre esprit critique nous sommes obligs
de
croire l existence de l objet
reprsent [
...
] c est--dire rendu prsent dans
le
temps et dans l espace (1987, p.
13 .
De
surcrot, l image cinmatographique, caractrise par
le
mouvement,
ne
se contente plus
d tre prsence de vies arrtes comme la photographie, mais devient aussi image de leur
dure. Poursuivant l analogie, Bazin crit:
La
photographie
[00 ] n a
pas
le
pouvoir
du
film,
elle
ne
peut reprsenter qu un agonisant
ou un
condamn,
non
point
le
passage insaisissable
de l un l autre (1987, p. 69-70).
La
photographie et
le
cinma se sont donc imposs comme deux techniques d enre
gistrement qui, en apparence, recrent
les
conditions d une nouvelle mmoire arpentant
le
monde par
le
regard, supplant aux visions vagues et incertaines des images mentales qui se
fonnent dans
le
souvenir, celles des images prleves directement sur
le
rel. Ces instants
fixs sont ds lors perus comme autant de moments rescaps
de
l oubli. (Bdard)
Toutefois, grce
cette caractristique propre qui
lui
permet de saisir
la
vie
en
mouvement,
dans son immdiatet,
le
cinma matrialise
en
quelque sorte
le
passage
du
temps. Non
seulement permet-il de se faire mmoire du monde en montrant
les
changements
qui
animent
le
monde
au
lieu
de
n en montrer que
[es
tats - comme
la
photographie -, mais
il
donne
voir les traces
du
pass dans
un
prsent apparemment permanent.
Le
document [cinmato
graphique] est une trace laisse par
le
pass dans
le
prsent. Sa dimension est donc double:
il
est
effet
produit par ce
qui
s est pass et il devient
signe
d un pass absent. (Osterero,
1991, p. 93) Dans
un
esprit de continuit faisant cho
au
mythe d immortalisation,
le
cinma
a donc subverti l image ptrifie qu tait la photographie en un souvenir vivant,
dynamique et constamment actualis
du
simple fait que l image - mme tmoin
du
pass
est toujours le prsent du spectateur.
-
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27/110
26
Le
film peut donc apprhender le monde
en
l enregistrant, l archiver
en
conservant
des
traces visuelles et sonores et organiser celles-ci
pour
les restituer ultrieurement aux
spectateurs. Ces proprits rappellent la dfinition qui a t donne de la mmoire. Cette
analogie, mettant l accent sur les processus
de
mmorisation et
de
remmoration par les
codes sensitifs visuels et sonores, induit l ide selon laquelle le cinma est le mdium ayant
le mieux pris
en
charge la mmoire. Et parce
que
ses fonctions le rendent apte transmettre
des souvenirs d vnements passs, le film pourrait aussi prtendre devenir un lieu de
mmoire, comparable d autres lieux commmoratifs comme les monuments historiques, les
muses, etc. Toutefois, si la fonction rfrentielle l Histoire inhrente aux lieux
commmoratifs traditionnels est strictement symbolique, la reprsentation de la mmoire
dans
le
cinma est toujours concrte (Weber).
Pour sa part, dans Le signifiant imaginaire, Christian Metz dmontre que
si
l activit
de
perception est
plus
relle
au
cinma que dans beaucoup d autres moyens d expression
artistique, ce qui est
peru
n est pas l objet lui-mme,
mais
une rplique. Ainsi, le signifiant
du cinma est avant tout imaginaire.
l instar d Andr Bazin, Jacques Aumont, Jean-Pierre
Esquenazi et Edgar Morin, Metz s est attard tudier l art cinmatographique du point de
vue
du
spectateur, donc
en
termes de rception. On
lui
doit, entre autres, la notion d identi
fication qui, emprunte l tude psychanalytique du stade du miroir, permet d expliquer
pourquoi et comment
un
spectateur parvient
suivre un
film projet sur
un
cran. Metz
compare l cran, et mme
le film
un miroir qui rflchit
une
rplique du
rel
sans pourtant
jamais renvoyer le double du corps du spectateur. D emble, il conoit donc la place
qu occupe le spectateur du film non seulement par rapport au reflet d une image Sur un cran,
mais par rapport
au
regard. C est--dire l aptitude d un spectateur voir u film, acte plus
complexe qu il n y parat, car il induit les notions d imaginaire,
de
rel et
de
symbolique.
Succinctement, deux types d identifications spectatorielles entrent
en
jeu lors d une projec
tion
filmique: l identification primaire qui concerne l incorporation
du
point de vue visuel et
met
le
spectateur
en lieu et
place
de
la
camra, et l identification secondaire
qui
a
lieu par
rapport aux personnages.
Le
spectateur, en somme, s identifie lui-mme
[...]
comme
pur
acte de perception: comme condition de possibilit du peru et donc comme une sorte de
sujet transcendantal. (Metz,
1984 p.
69)
-
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28/110
27
Pour comprendre le film,
le
spectateur doit avoir vcu l exprience
du
miroir;
l lui
faut percevoir l image projete (mise
en
reflet) comme absente, sa reprsentation comme
prsente et la prsence de cette absence comme signifiante}) (Metz, 1972, p. 80). Le spec
tateur doit symboliquement se prendre pour
le
personnage. L image cinmatographique
relve ainsi de
la
projection
du
rel, dgageant une impression
de
ralit}) (Metz, 1972,
p.
13
laquelle le spectateur peut se rfrer plutt que la ralit elle-mme. Cette action
rfrentielle est commune avec l acte
de
remmoration, justement parce que, mme
SI
l image
du
souvenir est rellement perue dans l instant, tout sujet est conscient
de
la
distance avec
la
ralit.
Dans
un
chapitre intitul
L esprit du spectateur et son corps,
Esquenazi (1994)
poursuit
la
rflexion sur
la
perception du cinma par
le
spectateur amorce par Andr Bazin.
Il labore l analogie entre mmoire et cinma en prcisant l importance du cadre-espace et du
cadre-temps, et en introduisant
les
notions de corps imaginaire et
de
dure. L image
cinmatographique, projete sur
un
cran, se caractrise par le
mouvement
de la
matire
lumire sonore (1994,
p.
97 : elle est,
en
outre, l empreinte d une certaine dure et se
trouve isole par
les
limites
de son
cadre. Selon Esquenazi,
le
cadre se dfinit comme ce
qui
tablit et ce qui circonscrit la perception du spectateur. Autrement dit, l image-mouvement
du film est toujours cadre la
fois
spatialement et temporellement (1994, p. 100).
Si
le spectateur,
il
va sans dire, se situe toujours l extrieur
du
film,
l
s agit pour
Esquenazi de prciser
la
position qu il occupe rellement afin que l adhsion au systme
perceptif
du
film ait
lieu.
Si, tout comme Christian Metz,
l
situe
le
spectateur hors-cadre,
il
prcise qu il
ne
s agit que
de
sa corporit et
de
son aptitude intervenir dans
le
film, alors
que
le
spectateur en tant que systme percevant et interprtatif
est
l intrieur de l horizon
perceptif}) (1994,
p.
102 du film. Esquenazi va plus loin que Christian Metz et propose que
le spectateur doit alors oubl ier son propre corps et adopter un corps imaginaire, celui que
le
film propose. En effet, sa thorie se construit non plus partir de l identification, mais sur la
notion de reconnaissance corporelle et attentive emprunte aux travaux de Henri Bergson. La
reconnaissance corporelle consiste
s adapter, dans l instant,
la proposition corporelle faite
par
le
film. Le corps bascule pour devenir
le
corps qu exige
la
situation. Quant au deuxime
type de reconnaissance, il s agit d laborer
le
sens,
de
construire
la
srie mmorielle.
Comprendre un film, c est donc explorer le corps imaginaire que le film offre.
-
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28
Si
le
lien qui
unit spectateur et
film
peut tre constituant d une mmoire dans le sens
o
le
film
propose
au
spectateur la possibilit
de se
rappeler, lorsque l image
se fait
archive,
l
s agit toujours
de
souvenirs emprunts,
de
perceptions d vnements
qui
n ont
pas
t
vcus par
les spectateurs. Devant les films documentaires
de
cet ordre, les spectateurs
deviennent tmoins oculaires [d images] filmes par un tmoin oculaire (Balazs, 1977,
p.
197).
C est gnralement ce que les historiens reprochent au cinma, et l une des raisons
pour lesquelles
ils
se mfient de son utilisation des fins historiographiques.
En
ce sens, les
actualits sont l indice des limites
du
cinma. [00 ] ces images n auront aucune valeur
documentaire pour les historiens (Balazs,
1977,
p.
197)
puisque, d une part, elles
ne
leur
apprendront
rien
sur les vnements historiquement dcisifs (Balazs,
1977, p. 197)
et,
d autre part, parce qu elles relvent d une construction absolument subjective: celle de
l individu qui filme (Balazs, 1977,
p.
203). De plus,
la
distanciation temporelle ncessaire
l existence
de
la trace mmorielle comme telle fait dfaut au spectateur qui, comme il a t
expliqu, fait l exprience
du
visionnage filmique dans l instantanit. En effet, Ricur
(2000) explique que pour qu une trace mmorielle puisse se constituer
l
faut que sa
substance appartienne
au
pass, que
du
temps puisse s couler entre
le
moment
o le
processus
de
mmorisation s effectue et celui
o
aura lieu
la
remmoration.
En
outre, comme l voque Marie-France Osterero dans son analyse du
film
Shoah de
Claude Lanzmann,
la
trace est toujours un
reste
et son image l cran,
une
prsence. Ce
que toute trace montre, c est ce
qui
n a
pas
disparu.
Le
problme
de la
trace rejoint celui de
l image;
ni
l une,
ni
l autre
ne
peuvent signifier ce
qui
n est
pas.
(1991,
p.
95) Ainsi, selon
l auteure,
si l image cinmatographique est toute dsigne pour montrer
le
processus et
le
rsultat
de
l acte
de
remmoration, elle n est
pas
apte,
de
par sa nature mme,
reprsenter
une manifestation concrte de l oubli, puisque celui-ci est justement caractris par
l effacement
de la
trace. Seuls le silence
et
l abolition
de
toute trace peuvent tmoigner de
la dimension
de
l effacement. (1991,
p.
96) Ainsi, quelques rares procds cinmatogra
phiques, comme une totale suppression de bruits et
les
fondus
au
noir, parviennent exprimer
par l absence un
tel
tat vid
de
sa substance - expression emprunte Carlier (1994)
dans
un
autre contexte -
qui
suggre l oubli.
Le
recours
de tels procds,
on le
comprend
aisment,
ne
peut tre que parcimonieux; et l
o, en
quelque sorte, le cinma fait
face
un
cueil,
la
littrature en tant que matrialisation d une pense toute langagire parvient
djouer la difficult que suppose
la
reprsentation par l crit.
-
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29
Enfin, en ce qui concerne
la
capacit du cinma tmoigner, dans son article intitul
L uvre d art l poque de sa reproduction mcanise
,
Walter Benjamin (1970) explique
que
le
dveloppement technique des nouvelles formes d art comme
la
photographie et le
cinma permet la reproduction infinie de l art qui perd ainsi
son
caractre sacr,
son
aura
,
le hic et nunc de l original
se
trouvant dprcis. Cette notion d aura comprend l authenticit,
la
dure matrielle tout autant que
son
pouvoir de tmoignage historique. Ce tmoignage,
reposant sur la matrialit, se voit remis
en
question par
la
reproduction, d o toute
matrialit s est retire. Sans doute seul ce tmoignage est-il atteint, mais
en lui
l autorit de
la chose et son poids traditionnel. (1970, p 711) En revanche, l art ainsi reproductible
devient plus accessible.
son importance esthtique s ajoute une dimension politique, une
fonction sociale; l art peut devenir proprit des masses, ce qui octroie au spectateur une
nouvelle responsabilit, celle
de juger
titre individuel de l authenticit d une uvre.
4.2 L tude de la mmoire dans iroshima mon amour
Si
le
Comit du Festival de Cannes
de
1959 refuse
de
prsenter HMA pour des
raisons diplomatiques
6
, la Commission de slection accepte cependant d en faire la projection
hors comptition.
Et
ds
sa
sortie en salles,
le
film connat
un
succs commercial immdiat,
de mme qu il provoque de vives ractions souvent polmiques de
la
part de la presse crite.
Pourtant, quatre dcennies plus tard,
HMA
suscite encore l admiration du public et est devenu
une uvre tudie
l chelle internationale.
Parmi les nombreuses tudes consacres la dialectique de
la
mmoire et de l oubli
dans HMA celle de Christophe Carlier (1994) propose que le thme de la mmoire est
le
fil
conducteur reliant les cinq parties du scnario. La premire partie serait domine par
un
chec de la mmoire historique au sens o celle-ci relve de souvenirs appris et fabriqus; la
deuxime partie met l accent sur
la
mmoire individuelle et sur la rminiscence involontaire;
dans la troisime partie,
il
y aurait une fois encore dnonciation
du
mensonge de la mmoire
historique qui s effacerait dfinitivement
au
profit de
la
mmoire intime, mise nue dans
la
quatrime partie sous la forme d un entretien psychanalytique, au cours duquel le pass
ar crainte que les tats-Unis n en soit choque. Il
est
noler que trois
ans
auparavant, le documentaire
de
Resnais Nuit et brouillardavait essuy un refus similaire par crainte
de
protestation
de
la part
de
l Allemagne.
-
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31/110
30
effacerait le prsent; la cinquime partie serait marque par le souvenir prenant la place du
prsent comme celle de l avenir, traduisant une impossibilit d chapper au pass.
Auparavant, Jean-Louis
Bory
(1963) a prsent HMA comme
une
uvre en rsis
tance la dsintgration matrielle et l oubli, ce dernier tant considr comme le pendant
psychologique
de
la destruction physique. Marie-Claire Ropars-Wuilleumier a rdig
plusieurs articles et essais sur HMA Selon celle-ci, la rptition y fait figure de chant,
d incantation qui rend compte d une obsession du temps, celui
qui
mne au
souvenir comme
l oubli. Elle singularise les noncs visuels de l nonciation vocale ainsi: l image comme
la parole ou plutt la voix constituent deux variations sur un
mme
thme (1970,
p.
20). De
son
analyse ressort galement
une
critique
de
l acte
de
voir;
si
par
la
voix
le
sujet affirme
avoir
vu
le travail de l image dnie l nonc en plus d insrer la ngation dans la v s o -
de
la vision (1990,
p.
39).
Bernard Pingaud (1962) a
lui
aussi labor une tude
du
temps dans HMA et
mis
en
vidence
une
confusion temporelle base sur l entremlement de deux prsents, l un objectif
et l autre subjectif. Le temps objectif serait celui du pass dont on a connaissance et qui est
explicatif, alors
que
le temps subjectif serait celui du prsent dont on a conscience relevant
de
la perception, donc de la mmoire. Enfin, l essai de Jean-Louis Leutrat (1994) se prsente
comme
une
synthse
des
analyses de l uvre.
Sa
propre critique porte davantage sur
les
procds filmiques et dgage la thmatique dominante comme tant, l encore, une
interpntration
des
temporalits. S il y a remonte
des
souvenirs, celle-ci ne vise aucune
explication ni
mme
une rsolution en finale.
Malgr
que
certaines conclusions issues
de ces
tudes
se
trouveront infirmes
au
cours de notre analyse, la plupart ont, bien entendu, permis d enrichir celle-ci. Ainsi, la
thmatique d une mmoire rompue l oubli, la problmatique de la subjectivit et de l acte de
voir, tout comme la question de l interpntration
des
temporalits seront amplement reprises
et discutes
en lien
avec notre propre hypothse.
-
7/25/2019 Hiroshima mon aour
32/110
DEUXIME CHAPITRE
LA MATRIALIT DU TEXTE DE MARGUERITE DURAS
Nous commenons
par
l tude
de
la
matrialit
du
texte
de
Marguerite Duras.
Deux
raisons prsident
ce
choix,
ce qui
ne
constitue
en rien une
prise de position quant
la
prpondrance d une matrialit sur l autre. D une part, l criture
du
scnario prexiste
sa
ralisation cinmatographique; d autre part, l oubli devance naturellement
la
remmoration,
car afin d tre retrouve,
une
impression doit d abord avoir t
perdue
. l
est donc indiqu
d aborder
la
question
de
l oubli avant d entreprendre l examen
du
travail
de
rappel. Selon
notre hypothse,
si
le texte d
HM
peut aussi
se
prsenter comme une narration de souvenirs
faite par
la
protagoniste (et, travers ceux-ci, l histoire
de son
amour
de
jeunesse), c est
la
matrialit filmique
qui
s emploie principalement
les
reprsenter sous
la
forme
de
traces
mnsiques visuelles, alors que
la
matrialit textuelle fait constamment rfrence l oubli,
et plus prcisment
une
exprience intime de j oubli.
1
La
reconstitution des souvenirs intimes
J ai mis face au chiffre norme des morts
d Hiroshima l histoire
de
la mort d un seul
amour invent par moi.
(Marguerite Duras)
Interroge sur sa conception de
la
mmoire, Duras explique:
La
mmoire, c est
toujours pareil:
une
sorte de tentative, de tentation d chapper l horreur de l oubli. [
...
] La
mmoire,
de
toute faon, est
un
chec. Vous savez, ce dont
je
traite, c est toujours
la
mmoire
de
l oubli.
On
sait qu on a oubli, c est a
la
mmoire,
je la
rduis
a (Duras Montral,
1981
p. 41) Ainsi,
la
mmoire est envisage comme
une
lutte contre l oubli, ce dernier tant
-
7/25/2019 Hiroshima mon aour
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non
seulement invitable, voire fatal, mais considr la plupart du temps de faon ngative
puisqu il est le plus souvent associ la douleur. Dans ses uvres, Duras propose un
mouvement circulaire pouvant se schmatiser de
l