hghjkdftr

Upload: 2amurai

Post on 08-Jan-2016

213 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

rtrbndsfg

TRANSCRIPT

  • La bouillotte : pome encinq parties / par

    Barthlemy

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Barthlemy, Auguste (1796-1867). La bouillotte : pome en cinq parties / par Barthlemy. 1839.

    1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitslabors ou de fourniture de service.

    Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence

    2/ Les contenus de Gallica sont la proprit de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code gnral de la proprit des personnes publiques.

    3/ Quelques contenus sont soumis un rgime de rutilisation particulier. Il s'agit :

    *des reproductions de documents protgs par un droit d'auteur appartenant un tiers. Ces documents ne peuvent tre rutiliss, sauf dans le cadre de la copie prive, sansl'autorisation pralable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservs dans les bibliothques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signals par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invit s'informer auprs de ces bibliothques de leurs conditions de rutilisation.

    4/ Gallica constitue une base de donnes, dont la BnF est le producteur, protge au sens des articles L341-1 et suivants du code de la proprit intellectuelle.

    5/ Les prsentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont rgies par la loi franaise. En cas de rutilisation prvue dans un autre pays, il appartient chaque utilisateurde vrifier la conformit de son projet avec le droit de ce pays.

    6/ L'utilisateur s'engage respecter les prsentes conditions d'utilisation ainsi que la lgislation en vigueur, notamment en matire de proprit intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prvue par la loi du 17 juillet 1978.

    7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute dfinition, contacter [email protected].

  • *--.-'

    >,)

    ;#

  • LA

    BOUILLOTTEPOEME,

  • LABOUILLOTTEjpimiu'

    EN CINQ PARTIES

    mu

    BARTHLMY.AVinningis tlie gratestpleasure ; next to it losing

    Aprs le plaisir de gagner, le plusgrand est celui de perdre.Paiioi.es he Fox.

    c'est un malheur de perdre, il faut l'avouer,Mais le plus grand malheur c'est de ne plusjouer.

    Extrait nu Tome.

    PARIS,IMPRIMERIE VERA ET COMPAGNIE,

    14 ET 16, BUE DU CADRAN.

    MARS 1859.

  • PREMIRE PARTIE.HISTORIQUE.

  • Puisqu'aprs quarante ans, ce monstre alatoire,2Que Paris engraissait depuis le Directoire,Ne reoit plus enfin l'effroyable tributDe nos chairs qu'il mangea, de notre sang qu'il but,Et que, libre d'effroi, le Ponte se restaureDes prsents qu'ilportait l'impur Minotaure,

  • 12

    Respirons ; rendons grce la puissante mainQui ferma l'abattoir rouge de sang humain ;Bnissons le snat, dont la loi populaire,Pour nous et pour nos fils fondant la nouvelle re,Voulut, aprs le cours de ces temps orageux,Prescrire nos loisirs de plus tranquilles jeux ;Et puisque dsormais la Bouillotte enivranteRemplace la Roulette et le Trente-et-Quaranle,Moi qui fus si longtemps entam jusqu'aux osPar les doubles refaits et les doubles zros,Et qui, de tant de biens jets la tempteN'ai sauv que ma voix, fortune du pote,

    Je veux que cette voix, fidle mon penchant,

    Consacre la Bouillotte un didactique chant.

    Ah! parmi tant de jeux que pour charmer nos heuresLe bienfaisant hasard glissa dans nos demeures,Quel autre appelait mieux mon potique choix?Quel autre notre culte eut de plus justes droits?

  • 15

    Est-ce le vieux Piquet, idole de nos pres,

    Qu'on relgue aujourd'hui dans les vineux repaires;Ou qui, pour prolonger leurs billements unis,S'installe entre monsieur et madame Denis?

    Est-ce VImpriale, tique douairire,

    Qui lasse la fin de marcher en arrire,Pour se crer encor quelques ans d'avenir.

    Avec ses douze points a cru se rajeunir? "'Est-ce \eReversi, morose et pituitaire,

    Le Boston d'Amrique ou le Whist d'Angleterre,

    Trio de corbillards qui s'en vont lentement,Entre quatre pleureurs, vers un enterrement?Est-ce enfin Y Ecart, ce rebut des casernes,Qu'on festoya quinze ans dans nos salons modernes,Pour le fade plaisir d'entendre autour de soiSon ternel refrain

    :Coupe, atout, et mon roi F

    Non, tous ces jeux divers, pars dans notre arne,Cdent la Bouillotte et la nomment leur reine :Chacun d'eux auprs d'elle est insipide et lourd ;Ils sont froids, elle brle; ils rampent, elle court,

  • Elle vole, et jamais ne fatigue son aile ;Vouloir les comparer, c'est mettre en parallle

    Le wagon que la flamme emporte Saint-Germain

    Avec le tombereau qui s'embourbe en chemin ;C'est donner pour mule l'A qui ptille

    L'affadissantcoco qu'on vend la Courtille.

    Mme ds le prlude, au moment solennel

    O les quatre rivaux, debout devant l'autel,Du terrible Destin vontsonder les mystres,

    Chacun sent palpiter le pouls dans ses artres;Sitt que du combat sonne l'instant prcis,Ce fauteuil, cette chaise, o nous sommes assis,C'est le trpied sublime o l'ardente prtresseExhalait, en hurlant, sa prophtique ivresse,Et la bouche entr'ouverte, avec des yeux hagards

    Interrogeait le sort sur des feuillets pars.Dans les coeurs gnreux, comme au fond d'une cuve,Trop longtemps comprim, gronde enfin le Vsuve;Il clate, il vomit la flamme par torrents ;Tout s'agite, tout roule en cercles dlirants ;

  • Plus le branle se meut, plus la fivre redouble ;La sueur coule au front, la prunelle se trouble

    A suivre dans son vol, voir passer dans l'airL'effrayant dvidoir qui fuit comme l'clair.

    Contre le tourbillon vainement on se cabre,C'est la ronde d'enfer, c'est la danse macabre,C'est un spasme qui meurt et renat tour tour,Aussi vif et plus long que le spasme d'amour.

    Puisse donc la Bouillotte exciter mon haleine

    Et me sauver l'affront d'une muse en dveine !Je prendrai son histoire ses premiers dbuts,

    Je dirai ses progrs, ses rgles, ses abus,Les changements divers de sa structure antique;Puis je dvoilerai sa profonde tactique,Et comment on oppose, coup moins incertain,L'intelligent calcul l'aveugle destin.

    Depuis un sicle et plus, matre sans concurrence,Le Brelan monotone asservissait la France,

  • 10

    Quand,, pour la dlivrer de ce joug oppresseur,Le Hasard enfanta la Bouillotte, sa soeur.Bientt, par le secours de la mode arbitraire,De son trne gothique elle chassa son frre,

    Et le temps convertit, par son autorit,Cette usurpation en lgitimit.D'abord, sans rien changer ses lois primitives,De rigueur, sa table elle avait cinq convives;Qui nourrissaient leur faim de fiches, de jetons,Et de deux jeux forms de trente-deux cartons.La table tait alors de forme circulaire;Au centre, la Cagnotte avait son sanctuaire,Et les cinq commensaux s'battaient FentourD'un flambeau que coiffait un verdtre abat-jour.Enfin de ce systme on reconnut le vice :Tantt, faute d'avoir la table de service,Meuble qui d'un salon dparait le bon got,11 fallait s'abstenir ou demeurer debout;Tantt il arrivait qu'au moment de combattre,Au lieu de cinq joueurs on n'en trouvait que quatre,

  • 17

  • 18

    Pour signaler sa lance ses nobles tournois,Il suffit d'tre quatre, il suffit d'tre trois;Que dis-je? de ces trois, quand il n'en reste encore,Pour dbris d'un combat pouss jusqu' l'aurore,Que deux, dignes enfants du dmon hasardeux,Dans une lutte mort ils s'acharnent tous deux.

    Fortuns bouillotteurs ! vous marchez sur des roses :Pourquoi rver encor d'autres mtamorphoses?

    N'tes-vous pas heureux sous l'empire sacr

    Du brelan ordinaire et du brelan carr?

    Pourquoi quitter les bras de votre vieille mre?Hlas ! tout ici-bas n'a qu'un rgne phmre :Au peuple des joueurs, ainsi qu'aux nations,Il faut des changements, des rvolutions;

    Le dogme du brelan, attaqu sur sa base,

    Ne voit plus devant lui l'univers en extase ;Ses vieux adorateurs le contestent en vain,La Bouillotte a trouv ses Luther, ses Calvin ;Du centre de Paris, sige de leur empire,Jusqu'aux dpartements leur parole transpire,

  • 19

    Et la terre est promise la nouvelle foi.S'il faut vous raconter en quels lieux, et pourquoi,Et par qui fut cre, et comment prit racine,Et comment s'tendit la nouvelle doctrine,Souffrez que je m'arrte et respire un moment,Avant de drouler ce grand vnement.

  • DEUXIME PARTIE.LE MESTI.

  • .%.-.

    M*M~

  • Aux confins de ce bois qui dans les jours de fteOffre au joyeux Paris l'ombrage et la retraite;Entre cette avenue o Madrid chaque jourAttend des rendez-vous de vengeance et d'amour,Et les tranquilles bords o la foltre SeineVers le pont de Neuilly court du pied de Surne,

  • 24

    Et par iille circuits dessine en voyageantUn mobile arabesque avec ses flots d'argent ;Enfin prs d'un manoir assis devant le fleuve.O le modeste Appert nous fournit une preuveQue la philanthropie, aptre de trteaux,En courant les prisons peut gagner des chteaux ;S'lve une villa qu'aux jours de la RgenceUn riche financier btit pour rsidence.L, des bois, des ruisseaux, des gazons, des vergers,Des jardins exhalant des parfums trangers,Des rochers o le temps a grav ses empreintes,

    Des ponts chinois perdus au fond des labyrinthes,Saint-James cra tout, en fit un rianon,L'appela sa folie, et lui donna son nom.3

    Depuis son fondateur, ce Luxembourg champtre

    En conservant son nom changea vingt fois de matre,

    Et plus d'un hte illustre en ces lieux abritY trouva le repos, la douce obscurit.

    L, dans un des recoins de ce riant domaine,Quelques fils d'picure, une fois par semaine,

  • 25

    vitant de Paris le fracas importun,,Venaient se runir en mil huit cent trente-un.Tous ces sages, experts clans l'art du confortable,Installaient la Bouillotte au sortir de la table,

    De Champagne et de jeu s'enivraient nuit et jour,Et d'une cave l'autre ils passaient tour tour.Et pourtant leurs ardeurs n'taient pas satisfaites,La rage d'innover fermentait dans leurs ttes;Jugeant avec douleur que la peur du BrelanDes plus hardis d'entre eux paralysait l'lan,11 fut destitu

    :mais que mettre sa place

    Pour rprimer l'abus d'une excessive audace?Comment indemniser le jeu trop amaigri?Alors, on se souvint de l'ancien Mistigri,Qu'on voyait autrefois, par frquents intervalles,Apparatre au milieu de deux cartes gales,

    Et qui disgraci par la nouvelle loi,Avec les quatre dix vgtait sans emploi.Le conseil, attendu sa vieille renomme,Rintgra son nom dans les rangs de l'arme,

  • 26

    Et la Dame, pleurant son titre mconnu,Vit monter sa place un Valet parvenu.Voil donc Mistigri qui sige au rang suprme

    Des Brelans dtrns et de la Dame mme,A son vaste pouvoir ne trouvant d'autre freinQue le Brelan carr, dictateur souverain.Toutefois, dans la peur qu'en tyran de la table11 n'ust trop souvent de son droit redoutable,

    Et ne tnt chaque fois sur les fronts en pril

    Le fer de Damocls suspendu par un fil ;Pour contre-balancer son nouveau privilge,On lui signifia de choisir pour cortgeDeux cartes en tout point pareilles de valeur,

    De qualit, de nom, et surtout de couleur.Enfin pour conserver quelques rares aubaines,

    Aux Brelans attrists comme des ombres vaines,

    Dans leurs divers degrs toujours les maintenant,On les dclara bons, Mistigri retournant;Oui, comme un enchanteur, d'un coup de sa baguetteFait parler et mouvoir la nature muette,

  • 27

    Ou, comme de Volta l'lectrique vertuRedresse sur ses pieds un cadavre abattu,

    Tels, de leur froid cercueil, quand Misti le dclare,

    Les Brelans trpasss sortent comme Lazare.

    Misti, c'est le levier, c'est l'axe, le ressortQui dirige et soutient la machine du sort.Ainsi que le soleil, centre unique des mondes,Voit tourner devant lui leurs sphres vagabondes,

    Le sublime Valet occupe le milieuDe l'espace qu'il livre aux plantes du jeu,Asservit et maintient sous son ordre suprmeLes as, les neuf, les huit, les valets, les rois mme,Et pour les ranimer de ses feux bienfaisantsParfois laisse approcherces ples courtisans.

    Sans lui, sans les rayons de ce dieu tutlaire,Tout est sombre et glac comme au cercle polaire.Oh ! trois lois bienheureux, celui qui dans Son lotVoit briller tout coup l'astre de Lancelot!Aprs cent tours passs dans une attente vaine,Cent coups marqus au coin d'une horrible dreine,

  • 28

    Sitt qu'il aperoit ce prsage vainqueur,11 sent un doux espoir serpenter dans son coeur,Et s'apprte combattre avec plus d'nergie

    Sous son cusson d'or timbr de la rgie.Comme un Palladium, dans les plus grands hasards,

    Misti donne aux poltrons la valeur des Csars,Il bannit de nos coeurs toute mortelle transe,Il cloue notre jeu la plaque d'assurance ;C'est un phare sauveur qui s'allume pour nous,Un messie incarn qu'on adore genoux,C'est un ange assidu qui garde notre tte,C'est l'arc-en-ciel qui luit aprs une tempte;Mme quand il est faux il vaut son pesant d'or,Mme quand il nous trompe il nous rassure encor.

    Mais autant que misti mrite notre hommage,.

    Autant que notre culte encense son image,D'une implacable haine, autant nous dtestons

    Le dsastreux Hogier, effroi de nos jetons :.Dans l'histoire d'un jeu fertile en pisodesCes deux valets rivaux sont les deux antipodes;

  • 29

    Si l'un est le messie appel par nos voeux,L'autre est cet antechrist promis nos neveux;L'un est un tre saint, l'autre un tre profane;Le premier est Wishnou, le second Arimane;Et quand cet ennemi vient croiser son chemin,Misli tombe en syncope et meurt dans notre main,Tandis que l'assassin fuit ce lieu funraire,Comme Can charg du meurtre de son frre.En vain de son rival il a pris les dehors,Sa hache, ses cheveux, la pose de son corps,En vain pour nous tromper par sa forme illusoire,Le Tartufe du trfle a pris la couleur noire,Chaque fois qu'il surgit nos yeux attrists,Par les pieds, par la tte, ou par les deux cts,De quelque angle cach que sa face se montre,Le joueur constern tressaille sa rencontre,L'insulte du regard, et, le front interdit,Lui dit entre ses dents : Retire-toi, maudit!Dans ce groupe de soeurs qui courent ple-mle,

    Lui seul ne trouve pas une carte jumelle ;

  • 50

    C'est la brebis galeuse au milieu du bercail,C'est l'eunuque qui sert d'pouvante au srail.Sa prsence est pour nous comme le voisinageD'un lpreux sans asile aux jours du moyen ge ;Et dans toute sa troupe on le connat si bien,Qu'il n'y peut rencontrer d'autre ami que son chien.Ah ! puisque ton service est jug ncessaire,Infme ! sois trait comme un bouc missaire,Anathme sur toi ! paria rprouv,Sinistre compagnon du joueur dcav!.Mme quand tu me sers, si ma main te caresse,Puiss-je voir ma main tomber en scheresse ;Dusses-tu m'octroyer la faveur d'un trente-un,Ne souille plus mes doigts d'un contact importun ;Fuis, tratre va porter, s'ils sont plus dbonnaires,Va porter tes poisons mes trois partenaires,Ou, pour cacher tous ton visage flon,Demeure enseveli dans la nuit du talon !

  • TROISIME PARTIE.RGLES.

  • m

  • J'ai chant du Misti l'origine et la rgle ;A peine il fut clos qu'il prit le vol de l'aigle,Et comme chaque jour il l'agrandit encor,Vous le verrez bientt, prenant tout son essor,Comme la libert faire le tour du monde.

    Mais soit que saluant son rgne qui se fonde,\

  • 54

    Sur la jeune Bouillotte on transporte son choix,Soit qu'on reste fidle celle d'autrefois ;Pour l'heure, pour le rang, la relance, la miseA de communes lois l'une et l'autre est soumise,Et, le cas except des mistis ou brelans,

    Ces deux soeurs en tout point ont les traits ressemblants.Gardez-vous de penser qu'abusant de mon rle,Je veuille en lourd rgent vous remettre l'cole,

    Et, comme si jamais vous n'eussiez rien appris,A l'alphabet du jeu ramener vos esprits :Non, vous avez tous fait vos tudes premires;Pourtant, sans faire insulte vos hautes lumires,Permettez que ma muse en potiques sonsTrace quelques conseils dfaut de leons.

    Et d'abord, avant tout, pour base de doctrine,Infaillible axiome et boussole marine,Pntrez votre esprit de cette vrit,Qu'il n'est pas de beau jeu contre la primaut.Bien que la table entre eux mette peu de distance,

    \)x\ premier au dernier l'intervalle est immense,

  • oo

    Et trente dans vos mains, quand il est en dessous,

    Ne vaut pas un vingt-un s'il a le pas sur vous.Que le destin vous soit ou propice ou contraire,

    Dans vos graves travaux rien ne doit vous distraire ;Ecoutez, recueillez dans un calme profond,Ce que disent les uns, ce que les autres font ;Avant que dans un coup le sort ne vous enfourne,Mme avant votre jeu regardez la retourne,Car souvent l'ennemi, tant son coup d'oeil est prompt,Verrait votre couleur au pli de votre front.Qu'importe auprs de vous qu'on chuholte, qu'on rie,Evitez tous dbats avec la galerieyPoint de discours oiseux; bornez vos entretiensAux mots sacramentels

    :Passe, jeu, reste, liens ;

    Et conservant toujours une tenue austre,Jouez, gagnez, perdez, payez sans commentaire.Que chacun d'entre vous, exact au rglement,Ne parle qu' son tour et parle posment.Bien qu'on vous ait 'tenu, songez avant d'abattreQue vous n'tes pas seul, mais deux, mais trois, mais qualre ;

  • 56

    Qu'il est un temps moral, un honnte sursis,Accord par l'usage au joueur indcis;Que, bien que le premier ait gard le silence11 n'a pas abdiqu son droit la relance,Et que mme souvent, aprs un non sournois,

    Le second rentre au coup d'une tonnante voix.Fuyons donc ce joueur mal instruit de son rle,Qui, tour tour pressant ou tranant la parole,Sme dans la partie un chaos ternel,

    Et fait de la Bouillotte une tour de Babel.

    Mais fuyons encor plus que le brouillon noviceCes routiers de tripots, gangrens dans le vice,Qui, le stylet en main, feignent d'tre en suspens,Afin de mieux dresser leurs lches guet-apens.

    La Bouillotte dfend d'assassiner en tratre :Quand un jeu n'est pas sr, quelque beau qu'il puisse tre,Fusse mme un quarante avec la primaut,

    Si pour gagner le coup il doit tre compt,On permet celui qui va. pousser son resteD'hsiter un moment de la voix ou du geste;

  • 57

    Mais, lorsque invulnrable, il se trouve nantiD'une bombe appele ou brelan ou misti,

    Monte et malheur lui s'il tremble ou s'il hsite !La loyaut fltrit ce mange hypocrite,Et, dans tout cercle pur, l'inexorable loiAnnule ce jeu fourbe et de mauvais aloi.

    Revenons au prcepte : en bataille ordinaireVas est jug sans doute un fort auxiliaire,Et quiconque en a deux, peut d'un pas affermiMarcher rsolument contre un seul ennemi ;Mais si, dans le duel un troisime s'engage,Pour les deux compagnons c'est un mauvais prsage ;Et quoique bien souvent dans ce combat de troisL'un d'eux ait pu compter sur le coup des deux rois,Dans la peur du brelan que nul effort n'arrteLa prudence aux deux as commande la retraite.

    Me prserve le ciel, de glisser la terreurDans l'me de celui qui combat en sabreur,

  • 58

    Qui, pourvu que tout seul Lancelot le seconde,Prcipite au galop sa charge furibonde !Oui, quand dans la mle on n'a que des poltronsQui devant tout danger piquent des perons,On peut impunment sur ces joueurs CosaquesPousser comme Murt d'hroques attaques ;Mais si vos ennemis sont de ces vieux grognardsQui ne sourcillent pas dans les plus grands hasards,Sedes du Misti! modrez vos paroles,Ne vous prodiguez pas en aventures folles,Usez de Lancelot, mais n'en abusez point ;Trop souvent d'un rival il va grossir le point,Et, loin d'tre pour vous un utile refuge,Dans les rangs ennemis passe comme un transfuge.

    A l'usage du Flux avant de recourirSongez qu'avec cette arme il faut vaincre ou mourir :Devant elle souvent tout s'incline, tout rampe,C'est un acier tranchant, mais trop aigre de trempe,

    Qui malgr sa vigueur se brise en mille clatsQuand frappant en aveugle il tombe sur son as.

  • 59

    Il en est qui, trouvant la fournaise peu vive,

    Se carrent chaque fois, ds que leur tour arrive,

    Infaillible moyen qui rallume le jeuComme de l'alcool qu'on verse dans le feu ;D'autres, pour stimuler ces flammes du Tartare,Doublent le double enjeu par une contre-carre;Enfin on se rachte, on se surcarre encorEt d'un jeton d'ivoire on fait un monceau d'or;Le sage ne court pas cette chance, il la laisse

    Pour l'extrme opulence ou l'extrme dtresse,

    Et croit, qu' moins d'avoir peu d'argent ou beaucoup,Il ne doit pas tenter le hasard d'un tel coup.

    ' Que chacun et surtout quand il rompt une lance,Etale aux yeux de tous sa cave en vidence,

    Et n'en prsente pas un aperu menteurSoit comme crancier, soit comme dbiteur;L'habitude contraire est une grave faute.

    Ds qu'un joueur se carre et l'annonce voix haute,Si vos fonds runis s'lvent si peuQu'ils n'offrent mme pas l'quivalent du jeu,

  • 40

    Si vous tes rduits au sort de Blisaire,

    Avouez, sans rougir, votre noble misre;,

    Prvenez le joueur dont l'oeil inattentifN'a pas bien mesur l'tat de votre actif,Loin de vous prvaloir de son insouciance,Jugez toute surprise un cas de conscience,

    Jouez en gentilhomme, et montrez qu'entre amisCe que le droit permet n'est pas toujours permis.

    Terminons, en fixant un coup que l'on conteste :Quand trois joueurs ensemble ont engag, leur reste,Si celui qui l'emporte est cave le plus bas,Entre les deux vaincus tranchez de vains dbats ;Car si le dernier porte une carte accessoireQui du jeu triomphant assura la victoire,Ce dernier gagnera malgr le point gal,Malgr la primaut qu'invoqueson rival ;L'avantage du rang cde la loi rgnante :// ne peut exister r/inme couleur gagnante.

  • QUATRIME PARTIE.LES ABUS.

  • Suivons donc cette loi; dans ce temps de progrsRougissons de jouer comme on joue au Marais ;Demandons des conseils, des rgles, des programmes,Aux salons de Paris, aux lus de Saint-James;

    Dans les cas pineux invoquons leur secours.Il tait autrefois, et mme de nos jours

  • 44

    Il est encor des lieux o le joueur qui gagneA le droit odieux de faire un Charlemagne,Et laissant les vaincus le dpit dans le coeurPeut s'loigner sans honte en superbe vainqueur ;Mais dans tout digne cercle un usage quitableD'une telle avanie a protg la table,Et veut que nul convive, hormis le dcav.Ne quitte le festin encore inachev.Donc, pour qu' l'imprvu personne ne dserte;Avant de s'installer devant la table verte,On arrte, on convient par un accord amiD'y siger un temps fixe, ou l'heure ou la demi ;Et tant que le cadran tmoin de cette lutteN'en a pas proclam la dernire minute,Nul, mme pour sauver une parcelle d'or,Ne peut en se levant rompre le quatuor;Rien ne peut abrger ses mortelles alarmes;Mais sitt que le timbre, ainsi qu'un hraut-d'armes,Annonce aux quatre preux, d'une clatante voix,Que le combat finit, tout s'arrte la fois

    :

  • ;
  • 46

    Jamais la ple faim qui crie notre oreille

    Pour mendier un sou n'eut une voix pareille ;Jamais amant novice avec pins de ferveur

    D'un baiser virginal n'invoqua la faveur.

    Il suffit qu'une fois leur tenace prireDe vos farouches coeurs ait amolli la pierre,

    Que vous ayez lch les rnes de la main ;Ds que le premier pas est fait dans ce chemin,

    Le sursis d'un quart d'heure est suivi de cinquante ;La Bouillotte sans frein court comme une bacchante ;Et souvent, tels joueurs que nous voyons s'asseoirAu sortir d'un dner, sept heures du soir,Jurant de se lever, quel que soit leur pcule,

    Tout juste la demi sonnant la pendule,Sous l'aiguillon du jeu qui les tient en veil,Passent de la bougie"aux rayons du soleil.

    Ah ! repoussez bien loin toute instance importune

    Vous que pendant une heure a choys la fortune;

    Aux cris, la menace, au sarcasme moqueur,Soyez froids, soyez sourds, cuirassez-vous le coeur;

  • 47

    Sans gard pour le sexe ou l'ge de personne,Liquidez, liquidez, ds que le timbre sonne ;Ne sacrifiez plus des hasards nouveauxLe prissable fruit de vos heureux travaux :Les succs du joueur ne sont que transitoires;Peut-tre, aprs le cours de vos longues victoires,Aprs vos Austerlitz, vos Wagram, vos Eylau,L'ironique destin vous garde un Waterloo.0 combien d'entre vous, imprudents que vous tes!Qui gorgs de butin, assouvis de conqutes,Pour avoir aux vaincus donn trop de rpits,Ont vu raser leur cave au niveau du tapis!C'est alors le moment des regrets, des reproches ;C'est alors votre tour de ramollir les roches,D'implorer humblement le quart d'heure sans plus;Inutile recours! espoir, mots superflus!L'un consulte sa montre, ciel! l'heure le presse,11 court au rendez-vous o l'attend sa matresse;L'autre de grand matin doit se rendre au palais;Le dernier, qui de vous obtint tant de dlais,

  • 48

    Dclare, en affectant une toux hypocrite,

    Qu' trop veiller la nuit sa sant priclite,Ou, grave moraliste, allgue pour raisonLe scandale public qu'il craint clans sa maison.

    Tous s'loignent enfin de la table dserte ;Vous les voyez partir, l'oeil vitr par la perte,Et seul, sur le tapis tmoin de votre affront,Vous restez accoud les deux mains sur le front.

    Voil par quel moyen, jaloux de notre reste,L'enfer veut nous pousser jusqu'aux fureurs d'Oreste :Hlas ! ce n'est pas tout; la colre des dieux

    Laissa natre un abus encor plus odieux;C'est ce trsor d'emprunt valeur quivoque,Ce fatal pavillon que le malheur invoque,L'assignat qui, d'abord imposteur genoux,Finit par s'installer table parmi nous.Ah ! je mentirais bien au devoir du pote,Si pour tonner sur lui ma voix restait muette,

  • 49

    Et si je ne tournais mon vers flagellateurSur ce Prote impur flau du bouillotteur !

    Sans doute il doit son nom ces peuples sauvagesQui consacrent leur culte d'ignobles images,Et souponnant peine un tre au-dessus d'eux,Adorent vaguement des symboles hideux;

    L,

    dit-on, chaque jour en sortant de sa hutte,L'homme, presque rduit l'instinct de la brute,Pour son dieu tutlaire improvise au hasard

    Le premier des objets qui s'offre son regard,N'importe sa valeur, son espce, sa taille,Une plante, une pierre, une plume, une caille,Un ver, une tortue, un ossement, un clou;Voil son talisman, voil son manitou !C'est son Ftiche enfin; et ce dieu qu'il ramasseDoit combler de bonheur ou sa pche ou sa chasse.Ainsi quand un joueur que la perte morfondDe sa bourse ride a dessch le fond,

    Au lieu d'or et d'argent, divinits suprmes,Trop souvent il recourt de grossiers emblmes;

  • 30

    Son fertile gnie entasse devant lui

    Un portefeuille vide, un binocle, un tui,Un canif et des clefs, des jetons et des fiches,Simulacres divers qu'il nomme ses ftiches ;Et de ces nouveaux dieux, ports dans son avoir,

    Son crdule malheur invoque le pouvoir.Maudit soit le premier, dont l'espoir chimriqueImita parmi nous les barbares d'Afrique,

    Quand il introduisit, pour extrme soutien,Leur idole bizarre en un salon chrtien !

    Sitt qu'un imprudent ose invoquer son aide,Un esprit de vertige l'instant le possde,

    11 boit larges traits l'oubli de sa raison,Et dans sa propre coupe il trouve le poison.L'me entire livre au dmon qui l'gar,11 fait tout, il tient tout, se carre, se surcarre,Cherche avec frnsie ou la vie ou la mort,Et vingt fois dcav se recave au plus fort.

    N'allguez pas ici votre froide sagesse :Le plus sage succombe en ces moments d'ivresse,

  • TA

    Mille exemples fameux sont l pour l'attester;Il en est un surtout que je veux rapporter :Une nuit, car le jour ne voit pas ces prodiges,Quatre dignes rivaux en proie ces vertiges,Tous quatre ensanglants par des coups prcdents.,

    Eternisaient leur cave en tourbillons ardents;L'or tait disparu

    ,

    tous s'armaient de ftiches ;A force de dtresse ils s'taient faits tous riches,Et le plus modr, fort d'tre sans tmoins,Etalait devant lui six mille francs au moins.Us poursuivaient ainsi leur lutte opinitre,Quand un coup fulminant dcave l'un des quatre;Mais l'me d'un hros grandit clans le pril;Il se tait un moment, puis fronant le sourcil,

    Vers ses heureux rivaux il se tourne, il les toise,Jette un oeil de ddain sur leur cave bourgeoise,

    Et montrant un ftiche ses trois concurrents :

    Messieurs! dit-il, ceci va pour cent mille francs! "

    Ce mot seul termina la scne de carnage ;On feignit de n'y voir qu'un simple badinage;

  • 52

    Pourtant son dfi si l'on et fait accueil,L'imprudent, j'en suis sr, l'et tenu par orgueil,Et s'il et succomb, sans rabattre une obole,

    On et contraint sa caisse solder sa parole.Voil clans quels carts nous pousse le torrent !

    Convenons toutefois, tout en le dplorant,Quelque frmissementqu'on sente en ses entrailles,Qu'il est beau d'tre acteur dans ces grandes batailles,De promener sa faux dans de riches sillons-,

    De planter devant soi de hardispavillons ;Surtout si ce n'est point une joute foltre,Une guerre d'enfant, un vain jeu de thtre,Si tout en lingots d'or a droit d'tre escompt,Si le ftiche enfin est une vrit.

    Mais, hlas ! que de fois en des combats frivoles

    Circulent hardiment de mensongers symboles!Que de fois voyons-nous, en ces terribles jeux,Que le plus insolvable est le plus courageux,Certain qu'en succombant dans sa lutte illusoire,Ses prtendus lingots ne sont que de l'ivoire !

  • o5

    Promplement dpouill de son rare mtal,Il a d'abord recours l'emblme fatal.

    Avec ce balancier il n'est rien qu'il n'essaie,

    Sur la table l'instant il peut battre monnaie ;Sa fortune croule il la construit encor:envahissez d'un coup son factice trsor,Qu'importe ! entre ses mains jamais l'argent ne manque,.Et souvent au lieu d'or et de billets de banque,

    Autour du tapis vert o nous nous asseyons,On ne rencontre plus que des porte-crayons.

    Que faire,

    lorsqu'aprs une horrible sance,Arrive jour prcis l'inflexible chance?Celui-ci, tout broy sous le choc d'un brelan.,Vient son crancier soumettre son bilan ;Celui-l, rpulsif au plus lger -compte,

    Dans un quartier lointain va remiser sa honte;

    Cet autre, s'imposant un volontaire exil,

    Court s'embarquer au Havre et part pour le Brsil.

    Allez donc vous frotter avec ces camarades, "'

    Allez mler votre or entre leurs mascarades,

  • 54

    Vous qui, ds le matin, et toujours au comptant,Des dettes de la veille acquittez le montant,

    Bonnes gens, qui croyez valable toute sommeQue vous a garantie une parole d'homme;Joueurs de l'ge d'or, allez le lendemainChez tous vos dbiteurs leurs ftiches en main,Et puisque, rehaussant leur valeur intrinsque,

    Vous avez sur ces riens fond votre hypothque,A dfaut d'un billet, arms d'un cure-dent,Allez domicile assigner le perdant.

  • CINQUIME PARTIE.CARACTRES ET PORTRAITS.

  • Quelque ardeur qui vous pousse au champ de la fortune,Avant de vous lancer dans la lice commune,Parmi les combattants qui s'offrent vos yeuxAppliquez-vous faire un choix judicieux.Dans cette immense foule autour de vous groupe,

    Tous ne mritentpas l'honneur de votre pe ;

  • 58

    Bien qu'au mme salon nous soyons tous admis,Mme au nombre de ceux que je traite d'amis,Il s'en trouve plus d'un que je vois avec peinePour combattre avec moi s'avancer dans l'arne.Je ne vous parle pas de ces nouveaux venus,Prvts trois chevrons masqus en ingnus,Qui fondent sur le jeu l'existence prcaireD'un baron de Wormspire et d'un Robert-Macaire ;Ceux-l, malgr les plis de leur pais manteau,Sont bientt reconnus et frapps du veto.Mais il en est beaucoup dont l'troite routine,Le ton soporifique ou l'allure mesquine,Font que, tenus d'ailleurs pour fort honntes gens,On ne doit les souffrir que dans les cas urgents.Les uns, cachant leur gain comme un fruit de maraude,Dans le chiffre accus glissent toujours la fraude.Ceux-l, sitt qu'ils ont quelques cus de moins,Prennent le ciel, la terre et l'enfer tmoins.D'autres, au dtriment du trio partenaire,Coupables chaque fois d'un oubli volontaire,

  • 59

    D'esquiver le jeton font leur unique but,Et jamais du brelan n'acquittent le tribut.Plus criminel encor est ce joueur harpie,Qui d'une main furtive alimente la pie,Et de ses propres fonds, cornifleur adroit,

    Frustre le bien public d'un lgitime droit.

    Cette classe est funeste; en est-il une pire?Oui, sans doute : il en est d'une race vampire

    Qui, cherchant la pture et craignant le danger,Se cuirassent trois fois avant de s'engager;

    Tartuffes de brelans singeant la bonhommie,Ecumeurs assidus de toute acadmie,

    Ignobles Harpagons, sournois spculateurs,

    Que le monde a fltris du nom de carotleurs!Affams chaque fois du jeton de la passe,Plus ils ont rprim leur apptit rapace,Plus terribles ils sont s'ils se montrent nu;On est mort avec eux ds qu'ils vous ont tenu.Voulez-vous admirer les lchets sans nombre

    De ces Machiavels qui travaillent dans l'ombre,

  • 60

    Glissez-vous auprs d'eux, observez en dessous

    Leur systme honteux, grapillage de sous;Grand Dieu ! que de vingt-un, de trente-un, de quarante,touffe sourdement leur peur dshonorante !Que de brelans de neuf billonns en chemin !Que de trsors perdus dans leur indigne main !Quelquefois cependant rehaussant l'encolure,Leur courage se risque faire une doublure;

    Mais qu'un homme de coeur, pour les pousser bout,D'une intrpide voix riposte par son tout,Us filent en silence, et plus prompts que le livre

    ,

    Cachent dans le talon leur doublure et leur fivre.A ce commerce infme il faut mettre une fin :Traquons le carolteur, prenons-le par la faim;Puisque le temps qu'il passe l'afft des victimesLui cote ses jetons de cinquante centimes,Doublons, triplons l'enjeu pour le mettre aux abois ;Et si pareil au brave embusqu dans un bois,

    Epiant de son coin l'honnte homme qui joue,Il attend un coup sr pour le coucher enjou,

  • 61

    Avant d'avoir trouv son infaillible point,Qu'il meure par lui-mme en se rongeant le poing.

    J'aime le prsumer : de vos tables actives,

    Vous avez exil tous ces tristes convives,Qui, mouls plus ou moins sur le plat carotteur,Jamais de vos exploits n'atteindront la hauteur;Et libres dsormais d'un voisin parasite,Vous n'avez devant vous qu'une troupe d'lite,

    Que de dignes rivaux d'un courage viril,Tous bien disciplins et froids dans le pril.

    Que nous sommes petits en l'ace de ces matres !Pauvres nains, respectons leur taille de trois mtres !Ils savent mieux que nous, par un calcul savant,

    S'il faut battre en retraite ou marcher en avant,

    Comment de l'ennemi, djouant les amorces,Au ton seul de sa voix on devine ses forces ;Comment tel qui d'abord rpondit par un nonVa d'un rempart couvert dmasquer le canon;

  • 62

    Comment tout est science au mtier de la guerre;Comment ce tapis vert qui pour l'homme vulgaireN'est qu'un lambeau de drap o court l'or et l'argent,Devient un chiquier pour l'homme intelligent.

    0 vous donc qui, lasss d'avoir pour apanageLa bouillotte cent sous, que l'on joue en mnage,Et sortant la fin des rangs o vous serviez,Osez entrer en lice avec les loups-cerviers !Vous mourrez sous leur dent, je vous le prophtise;Je pourrais mme dire quelle heure prcise.

    Pourtant si vous voulez, entre leurs griffes d'ours,Prolonger plus longtemps vos misrables jours,Quoique de leur savoir j'ignore le mystre,Je puis des plus saillants tracer le caractre,Et sans mettre le nom au bas de leurs portraits,Vous en fournir du moins une esquisse grands traits :

    Le premier qui toujours se bouffit et se hausseBien souvent de son jeu veut dguiser la fausse;Ne le redoutez pas ; sa voix de fanfaron,Ses airs de grand seigneur, ne cherchent qu'un poltron.

  • 65

    Cet autre veut aussi rgner par l'pouvante,C'est le Danton du jeu : pour manoeuvre savante,Sur quiconque rsiste il dcrte la mort ;Il se cave en entrant de tout son coffre-fort,

    Lance inopinment sa parole hardie,

    Et promenant partout des lueurs d'incendie,

    Ds qu'il trouve, en premier, vingt-un et Lancelot,Il attache vos flancs son immense brlot.Laissons ce hros jouer ses premiers actes ;Laissons ce torrent franchir ses cataractes,La digue du sang-froid, devant qui tout mollit,Le forcera bientt rentrer dans son lit.Vous en verrez plus d'un qui jamais ne recule, tel point qu'on ne peut le gagner sans scrupule ;Cet homme, direz-vous, est vraiment insens

    ,

    11 fait ou tient son reste avec un as perc...Ne vous y trompez pas; ds que l'oeuvre commence,Il prodigue propos une utile semence,Certain qu'un peu plus tard, l'abri du soupon,Il viendra recueillir une large moisson.

  • 64

    Je signale surtout comme digne d'tudeUn saint homme empourpr de sa batitude,Tout franc, tout rond, tout plein de joie et de sant ;Examinez-le bien la table post,O sans doute il s'assied par pure sympathie,Et pour ne pas dplaire au voeu d'une partie :Savez-vous ce qu'il fait, pendant qu' pleine voixIl entonne une antienne ou des couplets grivois?Savez-vous ce qu'il fait? la bouillotte

    oui sans doute,Mais il saigne, il ressaigne, et non pas goutte goutte;Mais par large palette, au pieds, aux bras, au sein ;Comme il le dit lui-mme il fait le mdecin;Quand il porte son coup, dans la peur qu'on ne crieIl lche en mme temps un trait de raillerie,Et par sa bonne humeur adoucissant nos mauxCe qu'il prend en argent il le rend en bons mots;Nul homme ne rsiste ce cruel topique.Telle est, dans les climats brls par le tropique,Cette chauve-souris grande comme un vautourQui vole dans l'espace la chute du jour

    :

  • 6r

    Malheur qui s'endort sous un bois solitaire !

    Le subtil mdecin vient lui piquer l'artre;Mais pour que la douleur de son dard ennemi

    N'veille pas trop tt l'imprudent endormi,Fertile par instinct en ruses criminelles,

    Il agite sur lui ses deux immenses ailes,

    Et fouettant sur sa plaie un air rafrachissant

    Sans troubler son repos il lui suce le sang.A la chauve-souris que mon doigt vous indique

    Vous pourrez accoupler cet acteur mtho'diquc,

    Qui, soumettant le sort aux rgles du compas,Sans sonder le terrain ne fait jamais un pas.Il attend pour venir que le combat fermente,

    Que dans tous les cerveaux bouillonne la tourmente,Que la raison s'gare... alors comme Athar-GullIl se montre, en tirant le poignard du calcul.Habile praticien tant que l'instance dure,Il dirige son jeu comme une procdure,Et pour les grands arrts trane un long appareil

    Comme s'il consultait la chambre du conseil.

  • 66

    Jamais homme plus loin ne porta la prudence :Sitt qu'auprs de lui la foule se condenseDans la peur qu'un ami;, fixant sur lui les yeux,N'apprenne de son art les coups mystrieux,Il dit qu'en travaillant il veut avoir ses aises,S'entoure d'un rempart de fauteuils et de chaises,Et pour que nuls tmoins ne s'y puissentasseoir,Met sa bote sur l'un, sur l'autre son mouchoir;Enfin pour viter ce tourment de ProcusteQui vient d'une cravate ou d'un habit trop juste,D'un appareil ad hoc dployant l'attirail,Il revt avant tout son habit de travail.

    Je voudrais jusqu'au bout poursuivre la srieDe vingt autres portraits, vivante galerie,Ou du moins clbrer, entre les grands acteurs,Le phnix des salons, prince des Bouillotteurs,

  • 67

    Toujours calme, toujours ferme dans sa pratiqueDe marchersur l'appui d'un jeu mathmatique,Epargnantau vaincu le sarcasme moqueur,L'insulte ou la menace l'insolent vainqueur;Philosophe profond qui, d'une me sereine,Brave le prjug de veine et de dveine ;Qui, plus cribl de coups que la plaque d'un tir,Sourit sans affecter la pose du martyr,Et quand le dernier coup l'atteint et le terrasse,Comme un gladiateur sait mourir avec grce.

    Mais o m'entraneraient tant de tableaux divers?Il faut mettre une cluse ce torrent de vers;Ma muse trop longtemps tint votre oreille esclave ;L'heure qu'elle drobe appartient la cave.Je ne vous retiens plus; allez, formez vos rangs,De la grande Bouillotle illustres vtrans !

    Vous qui par thorie et par exprienceQuoique instruits ds longtemps dans sa haute science,tudiez encore et lisez mot motLes oeuvres de Testu, successeur de Minot; s

  • 68

    Allez ! dans le manoir qui vous sert de redouteDe grands coups de canon vont clater sans doute,

    Des coups o le vaincu, d'un regard effar,Voit tomber un misti sous un brelan carr;Peut-tre on entendra devant la table verteQuelques cris dchirants arrachs par la perte,Quelques serments sacrs de n'y plus revenir...Des serments ! loin de nous leur lche souvenir !En sortant du salon si quelqu'un les emporte,Demain, en y rentrant, qu'il les laisse la porte;C'est un malheur de perdre, il faut bien l'avouer;Mais un plus grand malheur, c'est de ne plus jouer.

  • NOTES.

  • Puisque vous avez fail la ruine de l'auteur.

    Il existe, soit dans Richelet, soit dans je ne sais quels traits deversification, certaines rgles tablies par de prtendus lgislateurs duParnasse, d'aprs lesquelles on a dtermin la quantit ou le nombrede syllabes de plusieurs mots douteux. Ces dcisions sont, pour la plu-part, arbitraires et ne reposent sur aucun fondement : ainsi l'on fait.troisime de trois syllabes, et quatrime de quatre; si vous en demandezla raison

    ,on vous rpond que c'est cause de IV qui rend la syllabe

    forte; on donne la mme raison pour le mot ruine, que nous avons,

    sans hsiter, employpour deux pieds, nonobstant IV, qui le commence.II est vraiment absurde de se laisser intimider par une pareille lgisla-tion

    ,

    bonne tout au plus pour gouverner des lves de rhtorique.Dj de bons esprits se sont dlivrs de.ces sottes entraves en donnant

  • 72

    deux syllabes au mot ancien, qui en comptait trois, depuis plusieurssicles; esprons que nous marcherons l'avenir dans les voies de cetaffranchissement, et qu'au lieu de conserver les lisires de Richelet,

    nous ne prendrons plus conseil pour notre prosodie que de l'oreille etdu got; esprons que nous arriverons au point raisonnable de dtruireaussi l'absurde rgle de ['hiatus, qui prive la posie d'une infinit demots, sous prtexte de lui donner de la douceur, comme s'il existait desmois plus doux que ceux o se trouve ce heurtement de voyelles, tels

    que Diane, Lia, Pygmalion, hine, lion, chaos, etc., etc., etc., et lemot hiatus lui-mme; comme s'il n'y avait pas draison dfendreVhiatus l'hmistiche, en le permettant d'un vers un autre

    ,ce qui

    forme aussi un vritable hmistiche, dont le repos est souvent moinssensible que celui qui spare les grands vers en deux parties. Ce n'est

    pas malheureusement ici le lieu d'tendre une pareille dissertation ;l'auteur se propose de traiter fond la matire, quand il abordera unsujet d'une nature purement littraire.

    Ce monstre alatoire.

    Quoique bien avant'le directoire, sous les anciens lieutenants-gn-raux de police, il existt dans Paris des maisons de tolrance pour lesjeux de hasard

    ,ce n'est vritablement qu' l'poque dont on parle

    que cette branche de perception d'impt fut tablie en administrationrgulire. Le premier fermier fut, je crois, Bazoin, qui, pour exercerexclusivement ce privilge, payait la police une redevance assez mi-nime, si on la compare au prix d'adjudication de ces derniers temps.

  • 75-

    A Bazoin succda Perrin ; Perrin, Bernard; Bernard, M; de Cha-labre; ce dernier, M. Benazet

    ,

    qui, pendant dix ans et jusqu' lasuppression des jeux, a gr cette perception difficile avec la sagesse etla haute capacit' qu'il porte dans toutes les entreprises industrielles.

    C'est sous lui.que le prix de la ferme fut port au taux le plus levdepuis la cration, puisqu'il atteignit le chiffre de 6,660,000 francs

    par an ; ce qui, en :dduisant quelques jours de relche, constituait l'administration, de la Seine: un pour-boire d'environ 4 8,347 ff. parjour. D'aprs le cahier des charges; outre cette norme redevance des6,666,000 fr.,, tout ce qui excdait cette somme dans les bnfices,appartenait pour les trois quarts la caisse adjudicatrice, l'autre quartau fermier.

    .

    : -.; \ 'C'est donc tort que le pote a dit que Paris engraissait le Mino-

    taure; il et parl plus vridiquement s'il et dit que c'tait le'Mino-

    tuure lui-mme qui engraissait la bonne ville de Paris.

    3 Avec ses douze points a cru se rajeunir.

    L'impriale tombant compltement en dsutude, on a imagin dans

    quelques acadmies de la jouer dsormais tout d'un trait, sans descendreou dmarquer comme autrefois; ce qu'on appelait une impriale necompt plus, et celui des deux joueurs qui marque le plus tt douzepoints gagne la partie.

    Ce jeu, dpouill ainsi d'une partie de sa science et de ses combi-naisons, est principalement en vogue dans l'ancien cercle Franais, rueVivienne, n. 48.

  • 7 A

    '' Le misli.

    Le mistigri d'autrefois tait le valet de trfle, au milieu de deux au-tres cartes de mme nom et de mme rang ; le mistigri actuel exige deplus que ces deux cartes soient de mme couleur, comme les deux rois

    rouges,

    les deux as noirs, etc., etc. Tout cela est assez indiqu dans le

    texte sans qu'il soit ncessaire de le rpter en prose dans ces notes. Il

    est galement inutile de rappeler aux lecteurs que les noms des quatrevalets sont Lahire pour le coeur, Hector pour le carreau, Hogier pour lepique, et Lancelot pour le trfle; ce sont ces deux derniers qui jouent leplus grand rle la bouillotte Saint-James, et qui, par consquent, de-vaient tre choisis pour les hros de cette partie du pome. Le lecteur( bouillotteur) est familier avec la figure de ces deux personnages; ilsait que Lancelot porte un bouclier ou cusson jaune avec ces mots :administration des contributions indirectes ; qu'Hogier est caress par unpetit chien dress sur ses pattes de derrire et grimpant son genougauche; quel'un et l'autre sont coiffs d'une toque, arms d'une hache,et ports firement sur leurs jambes cartes

    ,

    et les pieds en dehors

    comme des matres de danse.Quant au mot de misli, c'est tout simplement une abrviation que

    l'usage commun se permet dans l'appellation des noms propres : ainsil'on a dit misli pour mistigri, comme Babet pour Elisabeth, Fifine pourJosphine,, Adle pour Adlade, et mme Jupin pour Jupiter. Il y ad'ailleurs, ce nous semble, quelque chose de plus cabalistique

    ,

    de plusalatoire, de plus mystrieux dans ce nom de misli, qui semble mieux

  • convenir a l'influence et aux terribles fonctions de ce personnage mo-derne.

    5 I,'appela sa folie el lui donna son nom.

    A la mode des petites-maisons, qui faisaient fureur sous la rgence,succda le caprice des folies, qui, sous Louis XV, se propagea chez lesgrands seigneurs et les hauts financiers. Ces folies taient tout bonne-

    ment de mystrieuses habitations aux environs de Paris, que le pro-pritaire meublait et embellissait sa fantaisie moyennant quelquescentaines de mille francs. On citait entre autres la Folie-Genlis, la Folie-Chartres-Monceaux, la Folie-Mricourt. Mais la plus folle de toutes cesfolies, celle qui se signala le plus par l'extravagante prodigalit dumatre, fut celle que fonda M. Sainte-James, ou Saint-James, trsorierde la marine. On prtend que, soit pour la construction et l'intrieurdu btiment, soit pour les plantations des jardins et des bosquets, l'-rection des statues, la cration des votes, l'architecture des petitstemples, il enlerra dans celle dlicieuse fantaisie une somme de quatreou cinq millions. Pour se former une ide de ces dpenses, il suffira desavoir que cette immense quantit de rochers qu'on y voit encore au-jourd'hui, formant des grottes, ou des souterrains, fut tout entiretire des carrires de Fontainebleau et transporte Saint-James surde gigantesques fardiers. On raconte mme ce sujet que, dans letemps o cinq cents ouvriers taient occups a fabriquer ces jardins duLticullus moderne, Louis XV, se rendant Fontainebleau

    ,

    fut contraintde s'arrter nu milieu de la route par un embarras de voitures et char-

  • 70

    relies de transport dont il voulut connatre la cause; on. lui rpondit

    que tout ce charroi se faisait pour le compte et par les ordres de Saint-James ; en mme temps on fit remarquer sa majest une roche mon-strueuse, un bloc d'une dimension effrayante, tels qu'en soulevaient

    avec peine les Titans quand ils voulurent escalader le ciel ; c'est cellenorme niasse qu'on voit encore Saint-James, et qui probablementbravera l'gratignure des sicles, comme les Pyramides. Le roi, sur-pris qu'un de ses sujets, quoique financier, et la puissance de pousser ce point la frnsie de la prodigalit, ordonna, dit-on, un examensvre des comptes de cet administrateur, et probablement c'est parsuite de cette rigoureuse vrification que le malheureuxSaint-James,dsespr

    ,se coupa la gorge.

    Cette magnifique villa, autour de laquelle se groupe gracieusementle village naissant de Saint-James, avec ses maisons toutes neuves

    ,

    avec

    ses larges rues plantes d'arbres et claires par des rverbres,

    appar-tient aujourd'hui M. Benazet ; elle a t occupe dernirement parle ministre Thiers et par la duchesse d'Albufra.

    5 Messieurs, dit-il, ceci va pour cent, mille francs!

    Le fait est historique, il est rapport ici dans toute sa vrit,

    et sans

    user du privilge hyperbolique du vers pour hausser la somme; c'estbien rellement de cent mille francs qu'on s'est cave, et l'annonce enfut faite dans les mmes termes que nous citons. Si nous n'avions pris

    pour rgle d'viter dans ce pome toute indication expresse de person-nes, nous citerions le nom de ce terrible champion

    ,

    et le lecteur com-prendrait mieux la valeur du mot badinage, qui est crit en caractre

  • 77

    italique; nous citerions aussi celui de ses trois adversaires; ils sont lousquntre vivants, avec la' ferme rsolution djouer le Brelan-Saint-Jamesjusqu' la mort.

    7 Allez donc vous frotter avec ces camarades.

    Ce vers n'appartient pas l'auteur, c'est un vrai plagiat. Il a tdrob un des acteurs mis en scne dans ces portraits, un desbouillotteurs clbres qui emploie frquemment cette locution, toutnaturellement et sans prtendre le moins du monde faire de la posie.La rigueur grammaticale exigerait

    :Allez donc vous frotter ces cama-

    rades, au lieu de avec, mais nous avons prfr commettre un barba-'risme plutt que d'altrer d'une seule lettre l'nergique et nave im-provisation de notre collgue.

    8 Les oeuvres de Testa, successeur de Mnot.

    Les cartes qui sortent de la fabrique de Minot sont infiniment sup-rieures pour la blancheur, la finesse et l'absence de macules, toutescelles qu'on vend dans Paris, sans exception ; c'est l que s'approvi-sionnent les premiers cercles et les meilleures maisons. Son adresse estrue Croix-des-Petits-Champs, 26.

  • *-;B

    flff| ftl

  • ;is5ffiS!*'

  • yf1'-*:.

    .*- te$

    i

    %

    *.. : >*

    *-#'&

    ,#:.t#f

    ;#M:-

    ^i

    -mm-^w^