herve di rosa et l’azt modeste - …...dessin d’alf ed kubin, de zobet c umb, de gary panter...

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1 HERVE DI ROSA et L’ART MODESTE Introduction au travail de l’artiste suivie de quelques pistes pour la réalisation d’affiches et l’écriture de poèmes Au départ, l’art est modeste. Ce point aura, semble-t-il, souvent échappé à la critique ; mais il n’empêche : l’art, ars, équivalent latin du grec technè - qui nous donnera « technique » - est étymologiquement populaire. Historiquement, le mot désigne d’abord l’artisanat, le savoir-faire, et le français s’en souvient quand il parle des règles de l’art : les règles du métier. L’art est donc fondamentalement populaire au sens où il ne s’exerce à l’origine ni pour ni par les élites : dans les civilisations archaïques, tout entières baignées de sacralité, la dimension « artistique » 1 reliait le moindre objet au champ mythique et transcendantal. Elle concernait chacun. L’art ne devient intellectuel et, partant, élitiste, qu’avec la Renaissance. La peinture veut se hisser au rang des arts libéraux 2 : elle prétend au statut d’activité intellectuelle, supérieur à celui qui était le sien jusqu’alors - une activité d’imitation de la nature : le peintre n’est plus le pâle copiste de l’œuvre du Démiurge, il devient lui-même créateur. C’est dans ces conditions que naîtra le mythe de l’artiste-génie- créateur avec pour figures paradigmatiques Léonard de Vinci et Michel-Ange. Codifié par l’Académie au XVIIe siècle, sanctifié au XVIIIe (derrière Boileau qui réactualisa l’antique notion de « sublime »), dilaté à l’extrême par le Romantisme au XIXe, enflé par le marché au XXe, un certain mythe de l’art, qui n’est pas l’art mais un discours sur l’art un brin schizophrénique, s’adapte et se modèle aux évolutions des sociétés et des mentalités ; à tel point que l’image de l’art et le mythe de l’artiste deviennent un produit sociétal éminemment modulable et, aujourd’hui, consommable, valorisable, « investissable ». Ce qui ne pouvait convenir à tous les artistes : 1 Le mot est aujourd’hui si connoté qu’il nous impose des guillemets pour parler d’art archaïque. 2 L’expression désigne au départ les activités intellectuelles, des hommes libres, par opposition à celles des hommes de condition sociale servile. La peinture et la sculpture n’en font originellement pas partie, elles sont alors des activités artisanales.

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HERVE DI ROSA et L’ART MODESTE

Introduction au travail de l’artiste

suivie de quelques pistes pour la réalisation d’affiches et l’écriture de poèmes

Au départ, l’art est modeste. Ce point aura, semble-t-il, souvent échappé à la critique ; mais il

n’empêche : l’art, ars, équivalent latin du grec technè - qui nous donnera « technique » - est

étymologiquement populaire. Historiquement, le mot désigne d’abord l’artisanat, le savoir-faire, et le

français s’en souvient quand il parle des règles de l’art : les règles du métier. L’art est donc

fondamentalement populaire au sens où il ne s’exerce à l’origine ni pour ni par les élites : dans les

civilisations archaïques, tout entières baignées de sacralité, la dimension « artistique »1 reliait le moindre

objet au champ mythique et transcendantal. Elle concernait chacun.

L’art ne devient intellectuel et, partant, élitiste, qu’avec la Renaissance. La peinture veut se hisser

au rang des arts libéraux2 : elle prétend au statut d’activité intellectuelle, supérieur à celui qui était le sien

jusqu’alors - une activité d’imitation de la nature : le peintre n’est plus le pâle copiste de l’œuvre du

Démiurge, il devient lui-même créateur. C’est dans ces conditions que naîtra le mythe de l’artiste-génie-

créateur avec pour figures paradigmatiques Léonard de Vinci et Michel-Ange. Codifié par l’Académie au

XVIIe siècle, sanctifié au XVIIIe (derrière Boileau qui réactualisa l’antique notion de « sublime »), dilaté à

l’extrême par le Romantisme au XIXe, enflé par le marché au XXe, un certain mythe de l’art, qui n’est pas

l’art mais un discours sur l’art un brin schizophrénique, s’adapte et se modèle aux évolutions des sociétés

et des mentalités ; à tel point que l’image de l’art et le mythe de l’artiste deviennent un produit sociétal

éminemment modulable et, aujourd’hui, consommable, valorisable, « investissable ».

Ce qui ne pouvait convenir à tous les artistes :

1 Le mot est aujourd’hui si connoté qu’il nous impose des guillemets pour parler d’art archaïque.

2 L’expression désigne au départ les activités intellectuelles, des hommes libres, par opposition à celles des hommes de

condition sociale servile. La peinture et la sculpture n’en font originellement pas partie, elles sont alors des activités artisanales.

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Il faut bien comprendre ce qu’est l’académisme pour se faire une idée du travail de Di Rosa car

c’est précisément son contre-pied : un pied-de-nez amusé, une contre-épreuve facétieuse, voire parfois, de

façon plus radicale, un oubli.

Dès le XVIIe siècle, l’Académie royale de peinture et de sculpture avait ciblé les points nodaux de

l’art figuratif : le sujet et le style. A propos du sujet, elle établit une hiérarchie des genres, plaçant tout en

bas les natures mortes et représentations d’objets inertes, et tout en haut la « peinture d’Histoire »,

relatant des évènements historiques, mythologiques ou bibliques en principe porteurs de vertus

moralisatrices, et les allégories – destinées, faut-il le préciser, à un public suffisamment instruit pour les

décrypter.

Que fait Hervé Di Rosa ? Il choisit ses sujets dans des quotidiens culturels divers et populaires,

éventuellement découverts lors de ses multiples voyages, évoque les aventures d’explorateurs tout droit

sortis des albums de notre enfance ; à son Théâtre d’ombres, point d’Œdipe, d’Oreste ou d’Iphigénie,

point de sublime sacrifice, mais des ombres goguenardes qui semblent prêtes à nous accrocher dans le

dos, fussions-nous en janvier ou en septembre, un gros poisson d’avril. Le spectateur n’assiste plus ici à

cette contestation récurrente et multiforme du sujet académique noble, vertueux et sublime : il assiste à

son « plasticage » !

Le sujet académique explose parce que Di Rosa demeure figuratif : s’il reste bien un sujet, l’artiste

impose ses figures avec une énergie telle que la question de l’académisme du sujet n’y apparaît même plus

en filigrane ; il n’est même plus ce fantôme traînant ses chaînes dans les expos et auquel il faudrait

répondre. L’académisme du sujet, désintégré, a tout simplement disparu sans laisser de traces.

Ce « Plasticage » concerne d’autre part la dimension… plastique. La question du style.

L’académisme impose des règles formelles harmoniques censées assurer la « convenance » de l’œuvre au

sublime sujet qui l’occupe. Ainsi l’artiste académique doit-il imiter la nature de façon idéale, c’est-à-dire,

selon le précepte d’Aristote3, non pas telle qu’elle est mais telle qu’elle devrait être, l’imiter en ses parties

les plus parfaites ; de la sorte, l’art poursuivrait par l’exercice de la beauté et du sublime son projet

d’édification de la vertu.

Que fait Hervé Di Rosa ? Ayant oublié les sujets sublimes, l’Art modeste d’Hervé Di Rosa a oublié au

passage la manière vertueuse et noble qui les accompagne et retrouve le contact avec la simplicité

originelle de l’art lorsqu’il concernait chaque être humain. Quand les formes de son Théâtre d’ombres

empruntent à la BD ou aux arts premiers, quand son Panorama grotesque est l’extrapolation informatique

imprimée d’un travail réalisé sur le logiciel « Illustrator », quand sont exposées des estampes

reproductibles et non des originaux, c’est l’opération de destruction du mythe de l’œuvre d’art qui devient

œuvre d’art. Sur le fond comme dans la forme, le message est adressé à tous. Il se veut lisible par tous :

nous, nos élèves… A notre seul plaisir4,

3 Aristote, Poétique, 1454 a, 15 sq.

4 Cf. Gérard Fromanger : « A mon seul désir, ».

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Hervé Di Rosa - éléments biographiques

Né à Sète en 1959 dans le sud de la France.

Vit et travaille à Paris, Mexico et dans le monde entier au fil de ses étapes"Autour du monde" .

1978 Formation à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs.

Acteur majeur de la figuration libre, compagnon de route du groupe Bazooka.

Influencé par la bande dessinée (dont les codes, l’imagerie, le goût de la narration ou l’humour n’ont cessé

de nourrir son propre imaginaire), le rock et le graphisme.

Son activité est multiforme et il pratique de multiples techniques: peinture, dessin-animé, fresque,

sculpture, dessin, décor, objets, tapisserie, terre cuite et céramique …..

Sa démarche est caractérisée par une recherche perpétuelle et une stratification d’expériences issues

« d’accidents » ou l’intervention d’autres mains. L’artiste doit être le premier surpris par le résultat final.

Son œuvre questionne notre société de consommation et établit un constat sociologique et politique sur le

monde mais cherche à donner de l’espoir, une énergie particulière à celui qui regarde, à s’éloigner de

l’histoire personnelle pour parler de celle de tous. Il se définit : « fils de Spirou et de Matisse » et se dit

« faiseur d’images » plutôt que peintre, il travaille sur des « visuels » avec légèreté et modestie pour

remettre en cause la séparation entre l’art et la vie et toucher d’autres gens que ceux concernés

habituellement par l’art contemporain.

Il est avec Bernard Belluc, le fondateur du MIAM (Musée International des Arts Modestes) à Sète.

Cette notion d’art modeste révélée par Hervé Di Rosa, exprime une critique de l’élitisme artistique soumis

aux seules règles du marché. Selon cette conception peut revendiquer le statut d'« artiste modeste » tout

créateur, œuvrant de façon artisanale ou industrielle, d'objets suscitant des émotions et ayant une valeur

affective. Il s'agit de mettre en valeur les choses les plus banales, les plus quotidiennes, de ne pas établir de

hiérarchie entre les différentes formes d'art, chacune ayant sa valeur, d'où la diversité des « créations

modestes ». Rien n’est méprisable, tout est respectable dans l’image, dans l’objet, dans l’écriture parce

qu'issu du travail humain. L’art modeste peut être compris de tous, chacun pouvant s'approprier l'œuvre

modeste, autant intellectuellement que matériellement. Selon Di Rosa, « la notion d'art modeste peut se

définir par le rapport relationnel d'une personne avec les objets. L'absence de regard critique, d'esprit de

dérision, d'effort culturel, donne au regard " art modeste " son originalité, sa simplicité, son authenticité.

Il permet ainsi d'aimer des objets ridicules et dérisoires sans honte. Il privilégie nettement le plaisir sur la

culture »

Animé par la volonté de découvrir d’autres cultures, d’autres techniques artistiques et artisanales, d’autres

modes formels d’expression, Hervé Di Rosa entame en 1992 son tour du monde qui compte aujourd’hui

dix-huit étapes, de la Bulgarie à Israël en passant par le Vietnam ou Miami. Partir à travers le monde pour

« fabriquer de nouvelles images avec de nouvelles personnes. »

http://www.dirosa.org/

http://www.miam.org/

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REFERENCES/INFLUENCES La Musique, Rock, Punk, franck Zappa

Le Pop Art, Andy Warhol

La BD

Les Graffitis

Les comics américains

L’Art Brut, Dubuffet

Le Bauhaus

Enrico Baj, Asger Johns

Le Mouvement Panique, fondé en 1962 par Fernando Arrabal, Alejandro Jodorowsky, Olivier O. Olivier,

Francesco Clemente

Les Gravures de William Hogarth

Dessin d’Alfred Kubin, de Robert Crumb, de Gary Panter

L’Histoire de L’Art

L’Art modeste : les jouets, les fanzines, les revues, les objets…..

Les Voyages à l’étranger au cours desquels il s’approprie divers moyens d'expression (peintures sur peaux

de zébu ou d'agneau tendues en 1995 en Ethiopie, travail de la technique de la laque et de la nacre au

Viêt-Nam en 1995 dans l'atelier du maître laqueur Lê Nghiê à Binh Dùong…)

LA FIGURATION LIBRE

Le courant de La figuration libre est un renouveau de la peinture en France dans les années 1980, porté par

de très jeunes artistes tels Hervé et Richard Di Rosa, Rémi Blanchard, François Boisrond et Robert Combas:

Figure un monde stéréotypé et emprunte ses modèles à la BD, la publicité, les mass média la musique rock

et punk, les graffitis, la presse enfantine…

Repose sur une double idéologie : idéologie de la spontanéité et idéologie du tout le monde est artiste.

Revendique son appartenance à une culture urbaine et de masse.

A été très médiatisé dès son apparition.

Se rapproche de la jeune Figuration américaine (Jean-Michel Basquiat, crash, Keith Haring, Kenny Sharf)

par le goût des images colorées, la rapidité d’exécution, la spontanéité d’expression… Mais les Américains

partis d’une révolte réelle tendent vers une implication sociale ou politique de leur travail, tandis que

les français s’orientent plus vers l’expression de leur monde imaginaire intérieur.

Cf : http://www.dailymotion.com/video/xrj41q_un-jour-une-oeuvre-herve-di-rosa-

diropolis_creation#.UO3PlKxst_Q

(collection « un jour, une œuvre » du centre Pompidou dans laquelle H.Di Rosa parle de sa démarche)

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AUTOUR DE L’EXPOSITION « LE TOUR DES MONDES D’HERVE DI ROSA »

à LA VILLA TAMARIS CENTRE D’ART

Le tour des mondes à la villa Tamaris a été conçu in situ, les trois étages présentent des univers différents,

escales sur les territoires et l’imaginaire des multiples « hétéronymes » de l’artiste. Patrick Amine,

commissaire de l’exposition, a voulu donner à l’artiste la possibilité et la liberté d’exprimer plusieurs “moi”

comme le poète Fernando Pessoa.

Le rez-de-chaussée est la première étape avec le théâtre d’ombre, personnages et ombres chinoises peints

dans les années 1990 et aujourd’hui découpés au laser dans le métal (technique de découpe assistée par ordinateur). Ces ombres prennent une matérialité conséquente et évoluent dans un décor informel constitué par des pendrillons, rideaux dont l’impression est issue de l’expérience des laques arrachées. La mise en scène incite le spectateur à se déplacer pour percevoir les œuvres. Au premier étage on peut parcourir le deuxième monde, la première partie du panorama grotesque : un grand dessin panoramique (dessin vectoriel avec logiciel Illustrator et impression sur lés de papier) issu des territoires du monde grotesque et de sa carte détaillée « non finissant » sur le mur pour être poursuivi ailleurs. Une narration foisonnante et dense, des images qui ne racontent pas une histoire unique afin que chacun puisse trouver matière à se raconter la sienne. Le spectateur se déplace devant la succession d’images comme les vagabonds aventuriers.

La troisième étape est constituée par un choix d’estampes dont certaines ont été réalisées pendant le projet « autour du monde ».

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NOTIONS plastiques pouvant être exploitées, de façon croisée ou en particulier :

In situ (Hervé Di Rosa et Patrick Amine, commissaire de l’exposition, l’ont conçue pour ce lieu précisément) Présentation (Manière de donner à voir une œuvre, qui implique des choix techniques lors de la réalisation et des choix de mise en espace ou mise en scène pour l’exposition ou la diffusion. Question devenue fondamentale dans l’art des XXe et XXIe siècles) Installation (disposition des divers éléments dans l’espace qui forme une œuvre globale, par exemple le théâtre d’ombre) Espace (Lieu d'investigation de l'artiste, espace bidimensionnel, espace tridimensionnel ou encore un espace social ou culturel. Par ex. comme matériau de la sculpture au RC, comme dimension "de l’interaction entre l’œuvre et le spectateur" dans le parcours proposé, comme espace figuré et narratif dans le panorama grotesque…)

Figuration Ecart (Différence, distance entre un objet, un personnage, une scène, un paysage, etc… réel et sa

représentation, par ex. pour les personnages du théâtre d’ombre, l’écart peut être induit par la simplification, l’exagération, la déformation)

Couleur (théâtre d’ombre : sculptures monochromes sombres devant des rideaux colorés dans la grande pièce et sculptures monochromes colorées dans l’entrée, noir et blanc au premier pour le dessin et

polychromie pour les sculptures, couleur dans les estampes, couleurs franches vives, peu de dégradés) Image Sculpture Dessin Genre Format Gravure Sujet Accumulation

Motif Mouvement/ Parcours (celui représenté des personnages et celui réel des spectateurs)

Signalétique (les flèches qui viendraient plutôt du monde de la communication) Reproduction

Et en particulier …..

Pour le Théâtre d’ombres :

Transparence opacité

Vide/plein Silhouette

Mise en scène Immatériel/matériel

Lumière/ombre Limite

Surface/écran

Photographie Pierre Schwartz

Pour le panorama grotesque :

Narration

Agrandissement Fragment Contraste Graphisme

Signes Itinérances

Non fini (en devenir)

Photographie Pierre Schwartz

Pour les estampes :

Unique/multiple

(Les estampes ont la particularité d’être des

originaux multiples) Matrice Gravure

Empreinte Composite

Photographie Pierre Schwartz

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PISTES DE TRAVAIL

En préambule, une requête d’Hervé di Rosa :

Elle est relative à l’exposition que vous pourrez visiter à la Villa Tamaris, intitulée « Le Tour des mondes » :

chacun des trois étages de l’exposition expose un monde ; au rez-de-chaussée, le Théâtre d’ombres, au

premier étage le Panorama grotesque, au deuxième étage des estampes, traces du vrai « tour du monde »

de l’artiste. Ce dernier nous demande de ne pas mélanger ces 3 mondes dans nos travaux plastiques ou

littéraires, mais de les travailler séparément.

et une consigne de travail :

Insistons comme chaque année sur l’inutilité d’une démarche qui chercherait à faire « comme », à

travailler « à la manière de » Di Rosa, ou à « décrire » ses œuvres dans nos poèmes. Faire du « sous-Di

Rosa » n’apporterait rien ni sur le plan artistique ni sur le plan pédagogique, et décrire – transposer le

visuel dans le langage - n’est pas une activité poétique mais une activité de codage.

L’activité poétique procède au contraire de l’écart, d’une rupture imaginaire qui permet de passer

de l’anecdote à l’universel. Repérons donc ensemble les écarts, les ruptures imaginaires de l’artiste, et

empruntons-les l’une après l’autre, non pas toutes à la fois, comme des portes ouvertes derrière lesquelles

chaque élève tracera son propre chemin, découvrira un monde qui n’est qu’à lui ; ces ouvertures sont des

tremplins, non des modèles. Mais voyons cela d’un peu plus près :

Photographie Pierre Schwartz

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Colérique, 2012, fer découpé peint, 200x70cm Photographie Pierre Schwartz

Timorée, 2012, fer découpé peint, 200x50cm

Photographie Pierre Schwartz

Rayonnante, 2012, fer découpé peint, 200x87cm Photographie Pierre Schwartz

EN ARTS PLASTIQUES NB : les affiches que vous produirez doivent être en 2D.

Les collages ne sont pas interdits (ils peuvent permettre le travail en infographie par ex.) mais ils doivent

adhérer parfaitement au support.

Pistes à compléter, décliner…….. mélanger au travail d’écriture.

Pour les plus petits :

« Les archétypes »

Monsieur en colère, madame ronchon, dynamique, gourmande ….

Une forme et une seule couleur….

En mettant à disposition des papiers colorés (choix de la couleur / à l’expression recherchée) puis dessin

par découpage. Les vides forment le dessin comme dans les sculptures du théâtre d’ombre.

Projeter à l’aide d’une source de lumière les personnages obtenus qui peuvent être reproduits en

silhouette sur les affiches et peints….etc.

« Portrait de mon doudou »

Le doudou pouvant être considéré comme un objet modeste

Techniques à adapter au niveau ou aux envies

Puis agrandir au carreau ou Réunir tous les portraits sur une affiche.

« A pied à cheval en voiture et en bateau à voiles.…. »

(cf. En sortant de l’école de Jacques Prévert)

Travailler à partir de moyens de locomotion jouets (petite voiture, locomotive, bateau, hélicoptère,

avion…..) imaginer les emprunter pour un voyage, représenter les étapes et les contrées imaginaire.

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« Empreintes du monde/images du monde »

Passer du champ du réel (empreintes d’objets) à celui de la représentation (estampes)

Par exemple un bout de dentelle devient une robe…etc…..

Les empreintes peuvent être réalisées avec de la

peinture acrylique.

« Ça commence par un accident »

(travail à plusieurs mains, Hervé Di Rosa recherche sans cesse la surprise)

Provoquer un « accident plastique », tache pliure, lacération….

Exploiter et imaginer la suite

Pour les « un peu » plus grands :

« Une classe, une collection »

Chacun apporte son objet « modeste » puis création de petites scènes imaginaires incluant ces objet/et ou

des images (+ des fabrications d’autres objets si nécessaire)

Mise en scène et photographie numérique

Impression des photographies et assemblage sur les affiches ou peinture à partir des photographies

obtenues.

« Le super héros de ma ville, de mon quartier, de mon école »

Détournement de l’iconographie, de la panoplie et des caractéristiques du super-héros réinterprété et

adapté à l’environnement proche.

Raconter ses aventures en images et les mettre en scène au moyen de techniques variées.

Possibilité : Réunir plusieurs épisodes sur une affiche.

« Images de cartes, carte imaginaire »

Construire un monde à partir de carte à jouer ou routière…..

Détourner les codes des cartes qui sont connus du grand public pour signifier des

mondes poétiques.

Variantes : une carte individuelle ou une carte par classe et ensuite chacun

produit son effet de zoom et propose son monde.

Inventer le personnage d’Hervé Di Rosa par rapport à son œuvre: imaginer son caractère, ses

caractéristiques physiques et psychiques. Etablir des correspondances formelles (réf : BD, caricature,

dessin de presse, dessin animé…)

Mise en scène de ses aventures artistiques.

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PISTES DE TRAVAIL EN ECRITURE POETIQUE

DU CÔTÉ DU SUJET

L’expression « art modeste » qui s’applique aux Arts visuels est d’Hervé di Rosa, mais il tombe bien,

dans le cadre de notre projet, que ce soit un poète qui le premier ait simultanément dépoussiéré la

littérature ampoulée, les sujets académiques, la rime jolie, l’alexandrin bien léché en même temps

que l’esthétique musicale et visuelle : nous sommes en août 1873, Rimbaud vient d’écrire- en

prose ! - Une saison en enfer. Relisons notamment la troisième phrase de son Alchimie du verbe :

« J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes,

enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe,

romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais,

rythmes naïfs. »

La première piste d’écriture stimulée par Hervé di Rosa vaut aussi pour la réalisation des affiches :

imaginons ce que sont ces peintures idiotes, (…), ces toiles de saltimbanques, (…), ces refrains niais

et ces rythmes naïfs. (NB : la description d’un objet imaginé procède de l’écart, non pas du codage.)

Prenons comme lui pour sujets des objets, des actions du quotidien, cherchons même, afin de

creuser l’écart poétique, les plus dérisoirement quotidiens, les plus éloignés des thématiques

classiques et traitons-les en style classique (c’est ce qu’avait fait Baudelaire avec Une Charogne,

poème emblématique des Fleurs du mal – option accessible à partir du collège), voire pompeux ou

au contraire dans un registre outrageusement bas ou banal… qu’il faudra peaufiner : chercher le

terme le plus bas ou le plus banal, c’est un exercice portant sur les niveaux de langue.

Le voyage est une grande thématique de la littérature et de la poésie. Le Panorama grotesque

d’Hervé di Rosa n’ôte rien à la dimension onirique du voyage, il le dépouille par contre de tout le

lyrisme habituellement associé. Inventons des voyages grotesques, des itinéraires absurdes, des

pays amusants, …

Faisons de même avec d’autres thématiques classiques : le paysage, la fleur, l’oiseau, l’amour, la

belle, la gloire, la guerre, le temps, et toute la palette des bons sentiments dont regorge le

classicisme.

Pour les plus grands, revisitons le plus éminent des genres selon la classification classique,

l’allégorie, sur le mode modeste…, ou grotesque. Voir pour pastiche écrit ou plastique, définition et

exemples à la page : http://fr.wikipedia.org/wiki/All%C3%A9gorie_%28repr%C3%A9sentation%29,

ainsi que les descriptions écrites des différentes allégories par Cesare Ripa sur le site de la BNF :

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-8505 ,

Revisitons la tradition récurrente du poème intitulé L’Art poétique, et qui est en fait un « poème

décrivant les recettes du bon poème » : cf. entre autres L’Art poétique d’Horace (1er siècle av. J.-C.),

de Boileau (XVIIe), déjà pastiché par Verlaine (XIXe), disponibles en ligne ; et inventons un nouvel

« Art poétique », sous forme d’un poème grossièrement didactique indiquant les secrets d’un bon

poème modeste, ou grotesque, ou d’un vrai faux poème classique (dont il aura fallu auparavant

étudier un peu les codes).

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Nous avons vu que, se revendiquant du précepte d’Aristote dans sa Poétique, l’artiste académique

idéalisait la nature (corps, paysages) en la représentant exclusivement dans ses parties les plus

parfaites. L’anti-académisme d’Hervé di Rosa nous invite gaiement au contre-pied : la nature n’a-t-

elle produit que du grandiose ?

Hervé di Rosa emprunte au Pop Art, à Andy Warhol =>

o Imaginer les aventures d’une boîte de soupe Campbell ou d’un billet de deux dollars

(Warhol), d’un hamburger ou d’un gâteau en plastique (Wayne Thiebaud, Claes Oldenburg),

d’un homme ayant perdu toutes ses couleurs (George Segal), d’une actrice ayant perdu la

mémoire (James Rosenquist), d’un enfant enfermé par erreur dans une BD (Roy

Lichtenstein).

o Imaginer des personnages fabriqués en série, à l’usine (the Factory) comme Warhol fabrique

des centaines de Mao, de Marilyn Monroe ou de Joconde. Imaginer leurs rencontres avec

leurs clones, situations, anecdotes, aventures…

Photographie Pierre Schwartz

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DU CÔTÉ DE LA FORME

Recherche d’une expressivité plutôt que d’une esthétique, usage de couleurs primaires =>

o A l’écrit, refus du terme raffiné, du niveau de langue élevé, auxquels on préfèrera le terme

cru, jargonneux, voire argotique (nous n’avons pas dit « vulgaire » ni « grossier » Di Rosa ne

l’est pas), le comparatif énergique.

association de couleurs complémentaires (ex : le jaune et le violet dans l’estampe « l’étoile ») =>

o usage de l’oxymore, figure de style qui réunit en une expression deux éléments

opposés. La poésie baroque en use à foison, mais aussi, pour exemples, Corneille dans le

Cid, (« Cette obscure clarté qui tombe des étoiles »), Baudelaire dans l’Invitation au voyage

(« Soleils mouillés de ces ciels brouillés »), Nerval dans El Desdichado (« Ma seule Étoile est

morte, et mon luth constellé/porte le soleil noir de la Mélancolie »), etc. On peut suggérer

aux élèves de chercher des oxymores dont les deux termes empruntent au quotidien, ou

bien un terme emprunte au quotidien, l’autre à un registre différent afin de les opposer, ou

tout simplement des oxymores qui leur plaisent, qu’ils trouvent expressifs, claquants .

Hervé di Rosa emprunte aux artisanats des pays qu’il visite. =>

o Empruntons des mots à l’étranger ; inventons des mots étrangers, des mots de pays

imaginaires, des mots grotesques, mais la consigne est que le lecteur doit pouvoir en saisir

le sens.

Hervé di Rosa, à la façon des dessinateurs de BD, simplifie la ligne et la couleur pour mieux servir

l’expressivité.

o Simplifions la langue : quels mots puis-je enlever pour qu’on me comprenne encore ? Pour

mettre en valeur les mots importants ?

o Usons – abusons (pas systématiquement quand même) – de l’onomatopée expressive.

Création de mots, de vers, de poèmes « onoma-topiques ».

Hervé di Rosa emprunte à la culture rock. =>

o Utilisons les répétitions de sons, d’expressions, les onomatopées, pour créer des rythmes :

« Ta boum, Tata, ta boum c’est chic »… « T’es chou mon pote, t’es chou, t’es chou et pis t’es

chouette »… Jouer de la ponctuation, des retours à la ligne, des retraits, des sauts de ligne,

pour marquer le rythme. Identifier différents types de sons de la langue, selon qu’ils sont

sonores, sifflants, claquants, longs, brefs ,… pour les mettre en œuvre.

Les pistes ci-dessus sont proposées à simple titre de possibilités d’exploitation. Il y en a bien

d’autres que vous saurez inventer. De façon générale et pour éviter d’être trop long, nous vous

suggérons d’utiliser pour les transposer dans l’usage de la langue toutes les informations contenues

dans la partie de ce document consacrée à l’analyse plastique et à la création d’affiches (p.6 à 9):

partez d’une notion, d’une référence, d’une influence revendiquée par l’artiste, et cherchez avec

vos élèves les pistes qu’elle ouvre en écriture.

Enfin, réalisant les affiches ou écrivant les poèmes, n’oublions pas que « la poésie est une peinture

sonore, la peinture une poésie muette ».

Document réalisé par Sylvie MATHIESEN et Thierry LE GALL