hépatite fulminante à virus epstein-barr : évolution favorable après transplantation hépatique

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© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Gastroenterol Clin Biol 2007;31:725-728 725 Hépatite fulminante à virus Epstein-Barr : évolution favorable après transplantation hépatique SYNDROME DE BUDD-CHIARI Jérôme DUMORTIER (1), Yahia MEKKI (2), Thomas RIMMELÉ (3), Charles BER (3), Emmanuel MAILLARD (3), Samira FAFI-KREMER (2), Bruno LINA (2), Jean-Yves SCOAZEC (4), Bertrand DELAFOSSE (3), Olivier BOILLOT (1) (1) Unité de Transplantation Hépatique, Fédération des Spécialités Digestives ; (2) Laboratoire de Virologie ; (3) Département d’Anesthésie-Réanimation ; (4) Service Central d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, Hôpital Edouard Herriot, Lyon. RÉSUMÉ Les hépatites virales représentent la première cause d’hépatite fulmi- nante. Le virus Epstein-Barr (EBV), un virus à ADN, est responsable de la mononucléose infectieuse, maladie habituellement bénigne, mais qui s’accompagne souvent d’une hépatite aiguë, asymptoma- tique. Une insuffisance hépatique ne survient que dans des cas très exceptionnels. Les cas de mononucléose sévère sont habituellement observés chez des malades présentant un déficit immunitaire con- génital ou acquis : infection par le VIH, greffe de moelle, déficit en complément… Nous rapportons un cas d’hépatite fulminante à EBV, ayant nécessité le recours à une transplantation hépatique (TH), chez une jeune malade sans maladie sous-jacente. Cette observa- tion souligne que le diagnostic d’hépatite fulminante à EBV doit être systématiquement recherché en l’absence d’autre étiologie, même en l’absence de contexte clinique évocateur, afin de pouvoir procé- der rapidement à la TH, seul traitement permettant d’éviter une évo- lution spontanée presque toujours inéluctablement fatale. SUMMARY Jérôme DUMORTIER, Yahia MEKKI, Thomas RIMMELÉ, Charles BER, Emmanuel MAILLARD, Samira FAFI-KREMER, Bruno LINA, Jean-Yves SCOAZEC, Bertrand DELAFOSSE, Olivier BOILLOT Viral hepatitis are the leading cause of fulminant hepatitis. Epstein Barr virus is the viral agent involved in infectious mononucleosis, associated with a frequent and usually benign hepatitis, except in case of immunodeficiency, congenital or acquired. We report the case of an immunocompetent young woman who presented an EBV induced fulminant hepatic failure, requiring liver transplantation that was successful. This observation emphasizes that EBV must be known as a posssible cause of fulminant hepatitis and that liver transplantation is probably the unique therapeutic option to avoid a usually fatal course. Introduction Les hépatites virales représentent la première cause d’hépatite fulminante. Le virus Epstein-Barr (EBV), un virus à ADN, est res- ponsable de la mononucléose infectieuse, maladie habituellement bénigne [1]. Cette affection s’accompagne généralement d’une hépatite aiguë, avec élévation modérée de l’activité des transami- nases (80 % des malades), mais qui reste asymptomatique [2]. Une insuffisance hépatique ne survient que dans des cas très exceptionnels. Les cas de mononucléose sévère sont habituelle- ment observés chez des malades présentant un déficit immunitaire congénital ou acquis : infection par le VIH, greffe de moelle, déficit en complément… Nous rapportons un cas d’hépatite fulminante à EBV, ayant nécessité le recours à une transplantation hépatique (TH), chez une jeune malade sans maladie sous-jacente. Observation Une jeune fille de 18 ans, sans antécédent (index de masse corporelle : 21 kg/m 2 ), était hospitalisée le 22 mars 2005, dans les suites d’un épisode fébrile (38 à 40 °C) avec asthénie (évoluant depuis 7 jours), avec douleurs abdominales (depuis 2 jours) et ictère cutanéo-muqueux (depuis 24 heures). Elle avait reçu du paracétamol à dose thérapeutique (2 à 3 g/j) les 4 jours précédents. Il n’y avait pas d’antécédents chirurgicaux, de transfusion sanguine, de contact à risque, de voyage récent, d’absorp- tion de toxiques, de compléments alimentaires, de phytothérapie ou d’alcool. On ne notait pas d’antécédents familiaux de maladie du foie, ni de maladie métabolique. À l’examen clinique, la malade était ictérique et somnolente. La température était de 39 °C, la fréquence cardiaque de 110 pulsations/mn et la tension artérielle de 130/90 mmHg. Il n’y avait pas d’angine ou de pharyngite, ni d’adénomégalie cervicale. Il existait une distension abdominale et une hépatomégalie, sans ascite ni œdèmes, ni cyanose, ni angiome stellaire ou érythrose palmaire, ni splénomégalie. On notait un asterixis débutant. On ne disposait pas de tests hépatiques réalisés avant l’hospitalisation. La recherche d’Ag HBs, d’anticorps anti-HBc, d’IgM anti-VHA, d’anticorps anti-VHC, d’anticorps anti-VHE, d’anticorps anti-VIH était négative. La recherche d’ARN du VHC par PCR était négative. Le bilan biologique trouvait une élévation de l’activité séri- que l’alanine aminotransférase (ALAT) à 130 N, l’aspartate aminotrans- férase (ASAT) à 230 N, de la gammaglutamyltransférase (GGT) à 4 N, des phosphatases alcalines (PAL) à 10 N, et de la bilirubinémie à 186 μmol/L, avec prédominance de bilirubine conjuguée, sans anémie associée. Il existait également un effondrement du taux de prothrombine (< 10 %) et du facteur V (14 %). Il n’y avait pas d’anticorps antinucléaires, antimuscle lisse, antimitochondries ou antimicrosomes. La sérologie du cytomegalovirus était négative. Il n’existait pas d’hypergammaglobuliné- mie (12,5 g/L). La paracétamolémie à l’entrée était négative. L’échogra- phie abdominale avec doppler ne montrait qu’une hépatomégalie hétérogène. Une ponction biopsie hépatique par voie jugulaire était réali- sée le lendemain de l’admission. L’analyse histologique trouvait une nécrose hépatocellulaire massive associée à un infiltrat inflammatoire por- tal et périportal, constitué de lymphocytes et de nombreux plasmocytes. Le diagnostic d’hépatite fulminante à médiation immunitaire était pro- posé. La sérologie de l’EBV trouvait des IgM et des IgG anti-VCA et des IgG anti-EBNA. La recherche d’ADN de l’EBV par PCR était positive dans le sang avec une charge virale très élevée (263 000 copies/mL). L’évolu- tion était marquée par l’apparition d’une encéphalopathie hépatique confirmée par l’électroencéphalogramme, et la malade était inscrite en EBV-induced fulminant hepatic failure: favorable outcome after liver transplantation (Gastroenterol Clin Biol 2007;31:725-728) Tirés à part : J. DUMORTIER, Pavillons D et H, Hôpital Edouard Herriot, 69437 Lyon Cedex 3. E-mail : [email protected]

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Page 1: Hépatite fulminante à virus Epstein-Barr : évolution favorable après transplantation hépatique

© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Gastroenterol Clin Biol 2007;31:725-728

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Hépatite fulminante à virus Epstein-Barr : évolution favorable après transplantation hépatique

SYNDROME DE BUDD-CHIARI

Jérôme DUMORTIER (1), Yahia MEKKI (2), Thomas RIMMELÉ (3), Charles BER (3), Emmanuel MAILLARD (3), Samira FAFI-KREMER (2), Bruno LINA (2), Jean-Yves SCOAZEC (4), Bertrand DELAFOSSE (3), Olivier BOILLOT (1)

(1) Unité de Transplantation Hépatique, Fédération des Spécialités Digestives ; (2) Laboratoire de Virologie ;(3) Département d’Anesthésie-Réanimation ; (4) Service Central d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, Hôpital Edouard Herriot, Lyon.

RÉSUMÉ

Les hépatites virales représentent la première cause d’hépatite fulmi-nante. Le virus Epstein-Barr (EBV), un virus à ADN, est responsablede la mononucléose infectieuse, maladie habituellement bénigne,mais qui s’accompagne souvent d’une hépatite aiguë, asymptoma-tique. Une insuffisance hépatique ne survient que dans des cas trèsexceptionnels. Les cas de mononucléose sévère sont habituellementobservés chez des malades présentant un déficit immunitaire con-génital ou acquis : infection par le VIH, greffe de moelle, déficit encomplément… Nous rapportons un cas d’hépatite fulminante à EBV,ayant nécessité le recours à une transplantation hépatique (TH),chez une jeune malade sans maladie sous-jacente. Cette observa-tion souligne que le diagnostic d’hépatite fulminante à EBV doit êtresystématiquement recherché en l’absence d’autre étiologie, mêmeen l’absence de contexte clinique évocateur, afin de pouvoir procé-der rapidement à la TH, seul traitement permettant d’éviter une évo-lution spontanée presque toujours inéluctablement fatale.

SUMMARY

Jérôme DUMORTIER, Yahia MEKKI, Thomas RIMMELÉ, Charles BER, Emmanuel MAILLARD, Samira FAFI-KREMER, Bruno LINA, Jean-Yves SCOAZEC, Bertrand DELAFOSSE, Olivier BOILLOT

Viral hepatitis are the leading cause of fulminant hepatitis. EpsteinBarr virus is the viral agent involved in infectious mononucleosis,associated with a frequent and usually benign hepatitis, except incase of immunodeficiency, congenital or acquired. We report thecase of an immunocompetent young woman who presented an EBVinduced fulminant hepatic failure, requiring liver transplantationthat was successful. This observation emphasizes that EBV must beknown as a posssible cause of fulminant hepatitis and that livertransplantation is probably the unique therapeutic option to avoid ausually fatal course.

Introduction

Les hépatites virales représentent la première cause d’hépatitefulminante. Le virus Epstein-Barr (EBV), un virus à ADN, est res-ponsable de la mononucléose infectieuse, maladie habituellementbénigne [1]. Cette affection s’accompagne généralement d’unehépatite aiguë, avec élévation modérée de l’activité des transami-nases (80 % des malades), mais qui reste asymptomatique [2].Une insuffisance hépatique ne survient que dans des cas trèsexceptionnels. Les cas de mononucléose sévère sont habituelle-ment observés chez des malades présentant un déficit immunitairecongénital ou acquis : infection par le VIH, greffe de moelle, déficiten complément… Nous rapportons un cas d’hépatite fulminante àEBV, ayant nécessité le recours à une transplantation hépatique(TH), chez une jeune malade sans maladie sous-jacente.

Observation

Une jeune fille de 18 ans, sans antécédent (index de massecorporelle : 21 kg/m2), était hospitalisée le 22 mars 2005, dans les suitesd’un épisode fébrile (38 à 40 °C) avec asthénie (évoluant depuis 7 jours),avec douleurs abdominales (depuis 2 jours) et ictère cutanéo-muqueux(depuis 24 heures). Elle avait reçu du paracétamol à dose thérapeutique(2 à 3 g/j) les 4 jours précédents. Il n’y avait pas d’antécédents chirurgicaux,

de transfusion sanguine, de contact à risque, de voyage récent, d’absorp-tion de toxiques, de compléments alimentaires, de phytothérapie oud’alcool. On ne notait pas d’antécédents familiaux de maladie du foie, nide maladie métabolique. À l’examen clinique, la malade était ictérique etsomnolente. La température était de 39 °C, la fréquence cardiaque de110 pulsations/mn et la tension artérielle de 130/90 mmHg. Il n’y avaitpas d’angine ou de pharyngite, ni d’adénomégalie cervicale. Il existaitune distension abdominale et une hépatomégalie, sans ascite ni œdèmes,ni cyanose, ni angiome stellaire ou érythrose palmaire, ni splénomégalie.On notait un asterixis débutant. On ne disposait pas de tests hépatiquesréalisés avant l’hospitalisation. La recherche d’Ag HBs, d’anticorpsanti-HBc, d’IgM anti-VHA, d’anticorps anti-VHC, d’anticorps anti-VHE,d’anticorps anti-VIH était négative. La recherche d’ARN du VHC par PCRétait négative. Le bilan biologique trouvait une élévation de l’activité séri-que l’alanine aminotransférase (ALAT) à 130 N, l’aspartate aminotrans-férase (ASAT) à 230 N, de la gammaglutamyltransférase (GGT) à 4 N,des phosphatases alcalines (PAL) à 10 N, et de la bilirubinémie à186 μmol/L, avec prédominance de bilirubine conjuguée, sans anémieassociée. Il existait également un effondrement du taux de prothrombine(< 10 %) et du facteur V (14 %). Il n’y avait pas d’anticorps antinucléaires,antimuscle lisse, antimitochondries ou antimicrosomes. La sérologie ducytomegalovirus était négative. Il n’existait pas d’hypergammaglobuliné-mie (12,5 g/L). La paracétamolémie à l’entrée était négative. L’échogra-phie abdominale avec doppler ne montrait qu’une hépatomégaliehétérogène. Une ponction biopsie hépatique par voie jugulaire était réali-sée le lendemain de l’admission. L’analyse histologique trouvait unenécrose hépatocellulaire massive associée à un infiltrat inflammatoire por-tal et périportal, constitué de lymphocytes et de nombreux plasmocytes.Le diagnostic d’hépatite fulminante à médiation immunitaire était pro-posé. La sérologie de l’EBV trouvait des IgM et des IgG anti-VCA et desIgG anti-EBNA. La recherche d’ADN de l’EBV par PCR était positive dansle sang avec une charge virale très élevée (263 000 copies/mL). L’évolu-tion était marquée par l’apparition d’une encéphalopathie hépatiqueconfirmée par l’électroencéphalogramme, et la malade était inscrite en

EBV-induced fulminant hepatic failure: favorable outcome after liver transplantation

(Gastroenterol Clin Biol 2007;31:725-728)

Tirés à part : J. DUMORTIER, Pavillons D et H, Hôpital Edouard Herriot, 69437 Lyon Cedex 3.E-mail : [email protected]

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« super-urgence » en attente de TH le 24 mars. Un greffon était disponi-ble le jour même, permettant la transplantation de la malade. Les suitesopératoires étaient marquées par une correction rapide du TP et une amé-lioration rapide des tests hépatiques qui se normalisaient en 4 semaines.

L’examen histologique du foie explanté, qui pesait 1 820 g, montraitune nécrose quasi complète des hépatocytes. Dans quelques territoires, ilexistait des pseudo-abcès, centrés par des cellules nécrosées entouréesd’un infiltrat inflammatoire polymorphe, composé de polynucléaires, delymphocytes et de plasmocytes. Dans la majeure partie du foie, l’architec-ture lobulaire n’était plus reconnaissable ; il existait de nombreux groupesd’hépatocytes altérés, à noyau condensé et cytoplasme éosinophile, sanscontact avec les cellules adjacentes. De nombreux macrophages étaientmêlés aux cellules nécrosées (figure 1). Enfin, dans quelques rares terri-toires, il persistait quelques hépatocytes non nécrosés, mais présentant desévères altérations morphologiques telles que la ballonnisation, la clarifi-cation cytoplasmique, le spongiocytose et la dilatation canaliculaire.Il n’existait aucun aspect de régénération, en particulier aucun signe deprolifération néoductulaire. Les lésions hépatocytaires s’accompagnaientd’un infiltrat inflammatoire dense, prédominant dans les espaces porteset dans les zones périportales, constitué de lymphocytes, d’immunoblasteset de plasmocytes (figure 1). Un aspect de pyléphlébite était noté auniveau des veines centrolobulaires. Une recherche des EBER (EBV-encodedRNA) 1 et 2 par hybridation in situ non radioactive (Dako, Glostrup, DK)était réalisée sur tissu fixé et inclus en paraffine. De nombreuses celluleslymphoïdes étaient positives avec un fort marquage nucléaire (figure 2) ;les hépatocytes et les cellules épithéliales biliaires étaient négatives. Aprèsla TH, la malade recevait un traitement immunosuppresseur à base destéroïdes et de tacrolimus. Un traitement prophylactique d’une infectionpar le cytomégalovirus (ganciclovir) était administré pendant 10 jours.La malade pouvait quitter le service 18 jours après la TH. Un an plus tard,la malade était en bonne santé. Les résultats de examens virologiques sontindiqués dans les tableaux I et II. En décembre 2005, une probable réac-tivation de la réplication du virus était notée, sans aucun signe clinique oubiologique associé ; la posologie de tacrolimus était réduite, et par lasuite la charge virale devenait négative.

Discussion

Chez cette malade sans antécédent de maladie hépatique,ne consommant pas d’alcool, la responsabilité de l’EBV dans lasurvenue d’une hépatite aiguë fulminante a été retenue devant :

— l’absence d’autre cause d’hépatite aiguë ;— la mise en évidence directe du virus dans le sang par PCR,

associée à une sérologie témoignant d’une infection récente ;

— la mise en évidence directe des EBER dans les cellulesinflammatoires infiltrant le tissu hépatique ;

— les données de l’examen anatomopathologie de la biop-sie hépatique et de l’explant hépatique.

Les cas rapportés d’hépatite fulminante à EBV, en particulierchez l’immunocompétent, sont très rares (une vingtaine environ)[3, 4], surtout depuis que la détection directe du virus par PCRest possible et permet un diagnostic de certitude (dans le passé,le diagnostic reposait sur la sérologie et les données cliniques).Il n’existe pas de récepteur pour l’EBV sur les hépatocytes ; leslésions sont donc liées à la réaction immunitaire, comme l’illus-trent bien les données de l’examen histologique du foie dansnotre observation [2]. Toutefois, le diagnostic n’a pas été portépar l’étude histologique de la ponction biopsie, car les caractè-res de l’infiltrat inflammatoire ont fait évoquer en premier lieuune pathologie dysimmunitaire : notre observation soulignel’intérêt d’une recherche systématique des EBER, notammentdevant un tableau clinique évocateur (sujet jeune, épisodefébrile, atteinte ORL, adénopathies périphériques). Le diagnosticvirologique a été décisif dans la prise en charge de cettemalade (tableau I). Le MNI test de Clearview® IM a permis ladétection des anticorps hétérophiles de classe IgM spécifique dela mononucléose infectieuse à EBV ; ce test est sensible, pratiqueet rapide. La primo-infection à EBV a été confirmée par les testssérologiques spécifiques de type ELISA qui détectent les anti-corps de classe IgG et IgM anti-VCA (Viral Capsid Antigen) quisont produits au début de la phase aiguë de la primo-infection,et des IgG anti-EBNA (Epstein Barr Nuclear Antigen) qui appa-raissent plus tard et qui indiquent la phase de la convalescence.Enfin, la quantification de la charge virale par PCR (tableau II) apermis une confirmation diagnostique initiale, puis un suivi viro-logique, et ainsi de constater une réactivation de la réplicationdu virus (ou une improbable réinfection) mais sans aucun signeclinique et sans conséquence sur le greffon. L’ajustement du trai-tement immunosuppresseur a permis le contrôle immunologiquede cette réactivation, et par la suite la charge virale est devenuenégative.

Le pronostic des hépatites fulminantes à EBV est très péjora-tif, avec environ 90 % de mortalité. La charge virale serait liéeà la gravité de la maladie [5]. Il n’existe pas de traitement

Fig. 1 – Nécrose hépatocellulaire massive, confluente associée à un infiltrat inflammatoire portal dense, composé de lymphocytes et de plasmocytes (HES,grandissement x 340).Massive, confluent hepatocellular necrosis and dense portal inflammatory infiltrate, formed by lymphoid cells admixed with plasma cells (HES, originalmagnification x340).

Fig. 2 – Hybridation in situ des ARN ABER mettant en évidence un marquage positif nucléaire de nombreuses cellules lymphoïdes, confirmant l’infectionhépatique par l’EBV (ISH, grandissement x 180).In situ hybridization for EBER RNA results in a readily detectable nuclear staining in many lymphoid cells, confirming their EBV infection (ISH, originalmagnification x180).

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Tableau I. – Diagnostic et suivi de l’infection par EBV (données sérologiques).Diagnosis and follow-up of EBV infection (serological data).

EBV CMV

Date de sérum IgG VCA IgM VCA IgG EBNA MNI Test IgG IgM

22.03.2005 306 + 0,46 + 94 - + - -

24.03.2005 TRANSPLANTATION HÉPATIQUE

29.03.2005 673 + 0,31 + 1 510 + + - -

12.04.2005 532 + 0,2 + limite 1 690 + NR - -

20.04.2005 651 + 0,15 - 1 770 + NR - -

28.04.2005 723 + 0,14 - 1 780 + NR - -

22.06.2005 351 + 0,09 - 926 + limite NR - -

03.08.2005 473 + 0,02 - 419 - NR - -

01.12.2005 861 + 7,04 + 58 - NR - -

16.12.2005 972 + 7,2 + 186 - NR - -

20.03.2006 1010 + 5 + 701 - NR - -

22.06.2006 1200 + 5,1 + 41 - NR - -

Seuil de positivité :- IgG VCA > 200 UI/mL ; - IgM VCA > 1,1 Index ; - IgG EBNA > 1 000 UI/mL.+ : positif ; - : négatif, NR : non réalisé.

Tableau II. – Diagnostic et suivi de l’infection par EBV (données virologiques).Diagnosis and follow-up of EBV infection (virological data).

Datede prélèvement

Type de prélèvement

Charge Virale EBV (PCR) copies/1 mLa

Interprétation Charge Virale CMV (PCR) b

22.03.2005 plasma 263 000 positive négative

23.03.2005 biopsie foie 614 000 positive négative

24.03.2005 TRANSPLANTATION HEPATIQUE

30.03.2005 sang total 1 235 000 positive négative

06.04.2005 salive 85500 positive non réalisée

07.04.2005 sang total 615 000 positive négative

12.04.2005 sérum 100 positive négative

18.04.2005 sérum < 10 négative négative

20.04.2005 sérum 700 positive négative

28.04.2005 sérum < 10 négative négative

04.05.2005 sérum 1 150 positive négative

09.12.2005 sang total 30 200 positive négative

02.02.2006 sang total 16 350 positive négative

22.06.2006 sérum < 10 négative négative

a Technique de PCR QUANTITATIVE en temps réel (LightCycler).b Recherche de CMV par détection du gène HXFL4 par PCR en temps réel.Seuil de sensibilité :— Sang total : 200 copies/mL ;— Liquides biologiques : entre 200 et 1 000 copies/mL selon la nature du prélèvement ;— Biopsie, cellules : 5 copies/ g.

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médical efficace ; stéroïdes, immunoglobulines, interféron, aci-clovir n’ont montré aucune efficacité [6]. Notre cas est ledeuxième rapporté avec une évolution favorable après TH [3],qui représente donc la seule thérapeutique efficace possible. Lesuivi à long terme devra particulièrement s’attacher à dépisterla survenue d’un syndrome lymphoprolifératif, même si le ris-que encouru dans cette situation particulière est inconnu.

Conclusion

L’observation que nous rapportons montre que le diagnos-tic d’hépatite fulminante à EBV doit être systématiquementrecherché en l’absence d’autre étiologie, même en l’absencede contexte clinique évocateur, afin de pouvoir procéder rapi-dement à la TH, qui est le seul traitement permettant d’éviterune évolution spontanée presque toujours inéluctablementfatale.

RÉFÉRENCES

1. Cohen JI. Epstein-Barr virus infection. N Engl J Med 2000;343:481-92.

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6. Gershburg E, Pagano JS. Epstein-Barr virus infections: prospects fortreatment. J Antimicrob Chemother 2005;56:277-81.