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1 HEIDEGGER L’environnement d’un philosophe Ouiza Gallèze Chercheure CNRPAH INTRODUCTION La philosophie est comme un arbre dont on connait le fruit, on voit le feuillage, les branches et parfois les épines mais on soupçonne rarement dans quel humus il a puisé sa saveur et la consistance de sa chair. Le terreau du philosophe, c’est son environnement, ceux dont il tire son inspiration, ceux à qui il transmet son enseignement mais aussi les découvertes scientifiques et technologiques de son époque qui influe directement sur le changement des mentalités, l’histoire politique du pays et des pays voisins qui agit sur la stratégie globale, en plus des différentes pratiques locales auxquelles il est généralement très sensible. Heidegger est un philosophe du XX ème siècle qui a entrepris d’expliquer « l’être », la condition humaine ou le phénomène de l’existence dans un langage particulièrement complexe. Pour asseoir son propre système de penser, il a pris connaissance de toute l’histoire de la philosophie, des présocratiques à nos jours. Il a eu des maitres et des disciples, a été influencé par des courants de pensées et a été à l’origine de création de plusieurs écoles. Il a pris des positions, des risques, a eu des préférences et a rejeté les modèles qui ne conviennent pas à sa façon de voir les choses. Ainsi, il a largement influencé la philosophie contemporaine enrichissant des courants de penser, philosophies et sciences humaines. Ce qui nous ramène à dire que la philosophie est une dynamique continue où le philosophe ne cesse de se positionner par rapport à un monde fluctueux. Issu d’une famille très catholique, Martin Heidegger (1889-1976) est l’enfant d’un père sacristain. Il a fait toutes ses études dans des établissements religieux et se voyait naturellement destiné à la prêtrise. A l’université de Freiburg-en-Brisgau, il reçoit un enseignement soutenu en théologie Mais il manque vite de conviction, ce qui le pousse à suivre en parallèle des cours de philosophie, de mathématiques et de sciences. Adulte, il abandonne la théologie pour s’adonner à la philosophie tout en restant en dialogue permanent avec les religieux en général et les protestants en particulier comme Martin Luther et Søren Kierkegaard. Il reconnait d’ailleurs l’importance de la source théologique sur son évolution : « Sans cette provenance théologique, je ne serais jamais parvenu sur mon chemin de pensée », écrit-il dans l’Entretien sur la parole avec un Japonais 1 . Malgré ces profonds échanges, la religion reste pour lui radicalement incompatible avec la philosophie. Il a vécu dans une Allemagne foisonnante de nouveautés philosophiques, de questionnement économique et de polémique politique, baignant dans une mer de notions et concepts mis en place par les différentes théories scientifiques, ce qui l’aidera à créer à son tour son propre langage particulièrement compliqué. Ses efforts principaux portent sur la critique de la métaphysique traditionnelle. En voulant répondre à la question sur le sens de « l’être », il constate que celle-ci a été victime d’un

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1

HEIDEGGER

L’environnement d’un philosophe

Ouiza Gallèze

Chercheure – CNRPAH

INTRODUCTION

La philosophie est comme un arbre dont on connait le fruit, on voit le feuillage, les branches

et parfois les épines mais on soupçonne rarement dans quel humus il a puisé sa saveur et la

consistance de sa chair. Le terreau du philosophe, c’est son environnement, ceux dont il tire

son inspiration, ceux à qui il transmet son enseignement mais aussi les découvertes

scientifiques et technologiques de son époque qui influe directement sur le changement des

mentalités, l’histoire politique du pays et des pays voisins qui agit sur la stratégie globale, en

plus des différentes pratiques locales auxquelles il est généralement très sensible.

Heidegger est un philosophe du XXème

siècle qui a entrepris d’expliquer « l’être », la

condition humaine ou le phénomène de l’existence dans un langage particulièrement

complexe. Pour asseoir son propre système de penser, il a pris connaissance de toute l’histoire

de la philosophie, des présocratiques à nos jours. Il a eu des maitres et des disciples, a été

influencé par des courants de pensées et a été à l’origine de création de plusieurs écoles. Il a

pris des positions, des risques, a eu des préférences et a rejeté les modèles qui ne conviennent

pas à sa façon de voir les choses. Ainsi, il a largement influencé la philosophie contemporaine

enrichissant des courants de penser, philosophies et sciences humaines. Ce qui nous ramène à

dire que la philosophie est une dynamique continue où le philosophe ne cesse de se

positionner par rapport à un monde fluctueux.

Issu d’une famille très catholique, Martin Heidegger (1889-1976) est l’enfant d’un père

sacristain. Il a fait toutes ses études dans des établissements religieux et se voyait

naturellement destiné à la prêtrise. A l’université de Freiburg-en-Brisgau, il reçoit un

enseignement soutenu en théologie Mais il manque vite de conviction, ce qui le pousse à

suivre en parallèle des cours de philosophie, de mathématiques et de sciences. Adulte, il

abandonne la théologie pour s’adonner à la philosophie tout en restant en dialogue permanent

avec les religieux en général et les protestants en particulier comme Martin Luther et Søren

Kierkegaard. Il reconnait d’ailleurs l’importance de la source théologique sur son évolution :

« Sans cette provenance théologique, je ne serais jamais parvenu sur mon chemin de pensée »,

écrit-il dans l’Entretien sur la parole avec un Japonais1. Malgré ces profonds échanges, la

religion reste pour lui radicalement incompatible avec la philosophie.

Il a vécu dans une Allemagne foisonnante de nouveautés philosophiques, de questionnement

économique et de polémique politique, baignant dans une mer de notions et concepts mis en

place par les différentes théories scientifiques, ce qui l’aidera à créer à son tour son propre

langage particulièrement compliqué.

Ses efforts principaux portent sur la critique de la métaphysique traditionnelle. En voulant

répondre à la question sur le sens de « l’être », il constate que celle-ci a été victime d’un

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couvrement, d’un voilement, d’un éloignement et s’est perdue dans les dédales de la

philosophie à travers les siècles. Il faudrait retourner aux Grecs anciens notamment les

présocratiques pour la retrouver dans son ensemble. D’après lui, les penseurs du moyen-âge

ont contribué à des niveaux variés à ce voilement. Malgré ça, il fait référence à une multitude

de penseurs, philosophes et théologiens de cette époque qui ont été pour lui une source

profonde, voire la raison principale qui l’a conduit à la philosophie comme Duns Scot ou

Saint Augustin, notamment parce qu’eux aussi expriment une inquiétude vis-à-vis de ce

voilement.

HEIDEGGER ENTRE MAITRE ET DISCIPLES

Ses disciples

Heidegger est un des plus grands philosophes du XXème

siècle même si son espace

géographique fut très restreint : Constance, Freiburg et Marbourg dans le sud-ouest de

l’Allemagne auront été le théâtre de sa vie et quelques voyages par-ci par-là, notamment en

France. L'importance qui lui est consacrée dans les courants de la phénoménologie et de la

philosophie postmoderne est très grande. Emmanuel Levinas parle de « la dette [que] tout

chercheur contemporain [doit] à Heidegger2». C’est, à lui-seul, une école philosophique qui a

eu des disciples, des clubs et des cercles d’excellence qui continuent de fonctionner et de

produire à ce jour. Il a su pousser ses élèves au bout de leur compétitivité et tirer le meilleur

d’eux. Même si d’aucuns considèrent que son influence ait pu être critique pour certains qui

n’osaient point écrire de peur de paraitre ridicule devant leur maitre. Gadamer disait : « écrire

représenta pour longtemps un véritable tourment, j’avais toujours la damnée sensation que

Heidegger regardait par-dessus mon épaule3.»

Gadamer est un de ses admirateurs invétérés. Il raconte sa première rencontre avec le

philosophe en disant : « la première rencontre avec son regard montrait tout de suite qui il

était : quelqu’un qui voit, un penseur qui a des yeux4 ». C’était en 1923. C’est cela qui fait

toute sa singularité parmi les maitres philosophes de notre temps, ce don qu’il avait de

toujours rendre si intuitives les choses. Pour lui, la connaissance est intuition, elle ne trouve

son accomplissement que dans le regard qui parvient à embrasser la chose d’un seul coup

d’œil, c’est la doctrine fondamentale de la phénoménologie de Husserl. « Quant à sa voix- dit

encore Gadamer-, quand elle est dans les tons graves, elle s’entend vigoureuse et mélodieuse,

alors que dans les tons aigus elle donne l’impression d’être un peu gênée et à la limite un peu

surmenée voire angoissée5.»

Heidegger a influencé bon nombre de personnes qui ont su, en même temps ou par la suite,

marquer l’histoire. En plus de son maitre Edmond Husserl avec qui il était très intime,

Heidegger avait des amis de tous âges : Jean Beaufret, Max Scheller, Nicolai Hartmann,

Rudolf Bultmann, Werner Jaeger, Paul Natorp et d’autres non moins connus. Il a rencontré

Karl Jaspers à Freiburg en 1920 à l’occasion du soixantième anniversaire d’Husserl mais leur

relation était limitée car leurs philosophies notamment existentielles n’allaient pas dans le

même sens. Enfin, lorsque Max Scheller décède en 1927, Heidegger prononce son éloge dans

un cours en disant : « un chemin de la philosophie vient à nouveau de sombrer dans

l’obscurité». Il a eu aussi des élèves qui sont devenus ses amis comme Hannah Arendt, Leo

Strauss, Emmanuel Lévinas, Jean Wahl, Hans Jonas, Herbert Marcuse, Max Horkheimer,

Oscar Becker, Walter Biemel, Karl Löwith, Hans-Georg Gadamer, Eugen Fink, Jan Patočka,

Peter Sloterdijk, Ernst Tugendhat et Blankenburg. On peut ajouter, au niveau européen,

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nombre de philosophes de renom qui ont été, soit formés à sa pensée soit, largement

influencés par son œuvre. En Italie, on parle de Giorgio Agamben, Massimo Cacciari, Ernesto

Grassi, Gianni Vattimo… ; en Espagne José Ortega y Gasset, Xavier Zubiri et Julián Marías ;

en Grèce Kostas Axelos ; en Roumanie Alexandru Dragomir… Aux États-Unis et au Canada

également, nombreux sont les penseurs qui se réfèrent à lui ou ont reçu son influence, tels que

Hubert Dreyfus, Stanley Cavell, Richard Rorty, Charles Taylor. Il a eu aussi une énorme

influence au Japon, notamment à l’université de Kyoto où on étudie encore ses œuvres.

Dans la lignée de la phénoménologie et des philosophies de l'existence notamment

l’existentialisme athée, Heidegger est un penseur de référence pour une pléiade d'auteurs tels

Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty, Alexandre Kojève, Paul Ricœur, Emmanuel

Lévinas, Michel Henry, Jean-Luc Marion, Claude Romano ; et pour de grands noms du

structuralisme comme George Lacan, Michel Foucault, Louis Althusser ; et enfin pour des

écrivains comme Maurice Blanchot, Georges Bataille, René Char, Roger Munier, Michel

Deguy. Dans la lignée de la psychiatrie phénoménologique nommée « Daseinsanalyse », on

peut citer Ludwig Binswanger, Medard Boss ou Henri Maldiney. Quant à la philosophie pure,

Heidegger inspire, par son idée de retour aux Grecs anciens, ce qui donnera des aristotéliciens

des temps postmodernes comme Pierre Aubenque et Rémi Brague ou des platoniciens comme

Jean-François Mattéi, pour qui Heidegger était un modèle. Dans la perspective de la

déconstruction de la métaphysique on peut citer Jacques Derrida et ses propres élèves tels

Jean-Luc Nancy, Philippe Lacoue-Labarthe et Barbara Cassin dans une perspective de

philosophie de la rhétorique ainsi que Jean Beaufret, son interprète attitré en France, suivi de

François Fédier. Il a influencé également Gérard Granel et l’anthropologue Remo Guidieri.

En dehors de l’Allemagne, c'est en France que l'influence de Heidegger a été la plus

prégnante. La parution en 2001 de "Heidegger en France" de Dominique Janicaud en est la

consécration. Alors que dès 1943 Jean Paul Sartre va vouloir montrer les liens solides qui le

lient à Heidegger par la publication de L’Etre et le Néant et en 1946 la célèbre conférence

L’Existentialisme est un humanisme. Mais dès cette année, Heidegger prend ses distances par

rapport à l’existentialisme sartrien, en faisant paraitre Lettre sur l’humanisme pour signifier

leurs différences. Et même si chacun veut marquer son territoire, les deux hommes finissent

par se rencontrer en 1952 pour ouvrir le débat sur leurs convergences.

Invité en France en 1955, par Maurice de Gandillac et Jean Beaufret, il rencontre Jacques

Lacan chez qui il séjourne. Il est ensuite régulièrement convié par le poète René Char en

Provence pour tenir des séminaires retranscrits dans Questions IV.

Gadamer raconte avoir côtoyé les premiers interlocuteurs du philosophe, comme Edmond

Husserl, Hannah Arendt et même Paul Natorp mort très tôt (1924) et beaucoup d’autres

encore. D’après lui, on ne peut lire – et critiquer - Heidegger sans penser par soi-même, mais

pour penser par soi-même il faut avoir eu un grand maitre. Il explique alors que le disciple

allemand se distingue du disciple français, dans le sens où le premier essaie de répondre,

critiquer et même dépasser la pensée du maitre, alors que l’école française tente juste de

comprendre et de traduire la pensée des prédécesseurs, comme c’est le cas de Jean Beaufret,

Maurice Merleau-Ponty, ou Michel Foucault qui ont certes construit à partir de matériaux

qu’offre Heidegger, mais sans offrir une interprétation structurée et un complément

philosophique cohérent6. Et le maitre lui-même (Heidegger) a besoin d’un maitre. Même s’il

critique rudement Husserl dans ses cours, il lui a emprunté un large éventail de son

vocabulaire dans l’écriture de « Etre et Temps » et d’autres ouvrages.

Ses maitres d’influence, ses enseignements et ses écrits

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On ne peut distinguer les sources qui ont influencé le philosophe de ses écrits majeurs car ses

grandes lectures se transforment en cours qui se transforment en livres. Et dans le cas de

Martin Heidegger les sources sont diverses, elles découlent des présocratiques et traversent

les siècles, regroupant géographiquement l’Europe, l’Amérique et l’Afrique (puisqu’il cite

savoureusement Saint Augustin). De la tradition philosophique, sa préférence va aux Grecs où

la question du sens de l'être est posée en entier et où la pensée humaine caractérisée par la

liberté de l’esprit philosophique est grande productrice de vérité de l’être.

Dès 1907, il lit le livre de Franz Brentano, De la signification multiple de l'étant chez Aristote

(écrit en 1862). A partir de là, il se consacre à Aristote et passe plusieurs années de cours dans

l'interprétation phénoménologique des textes Aristotéliciens. II commence très jeune des

publications de pure philosophie : en 1912, il publie son premier article Le Problème de la

réalité dans la philosophie moderne; l'année suivante, dans un juste milieu entre la

philosophie et la religion, il prépare sa thèse sur La Doctrine des catégories et de la

signification chez Jean Duns Scot (1265-1308), ce penseur franciscain du moyen âge qui a

fondé son œuvre sur la philosophie volontariste. D’après Duns Scot, « la raison humaine est

servante de la foi. Même si Dieu est seul détenteur des secrets des miracles, il a néanmoins

créé un ordre naturel et attribué à l’homme une liberté individuelle qui lui permet d’agir

volontairement, de commettre ou de ne pas commettre le pécher, d’aimer ou de ne pas aimer

Dieu et son prochain7». Donc, dans un cadre limité fixé par Dieu, l’homme est libre de

déterminer son propre droit. Ce discours, qui parait aujourd’hui en dessous des aspirations

philosophiques de l’homme en matière de libertés individuelles est un bouleversement de

l’ordre établi et un considérable avancement de la pensée philosophique à l’époque de Duns

Scot.

Et le moyen-âge continue d’intéresser Heidegger : il élabore en 1918-1919 un cours sur « Les

fondements philosophiques du mysticisme médiéval8». Puis il se consacre à une

phénoménologie de la vie religieuse, en se référant à Maître Eckhart, Saint Bernard, Sainte

Thérèse d'Avila. Son cours de l'hiver 1920 aborde la pensée de Saint Paul, celui de l'été 1921

Saint Augustin, en 1924, il prononce une conférence sur « Le péché chez Luther » et en 1927

un autre cours sous le titre de « Phénoménologie et théologie.». Il trouve chez eux les

expériences fondamentales de la vie qui le conduiront à l'élaboration de l'analytique du

Dasein humain.

Ses écrits, même les plus tardifs, restent marqués par le moyen-âge : Le principe de

Raison (1955) analyse longuement les vers du mystique Angelus Silesius et aborde la notion

de sérénité héritée de Maître Eckhart. Au milieu des années 1920, il met en avant la question

du temps dans le cours « Prolégomène à une histoire du concept de temps » et consacre une

bonne partie de ses interventions à Emmanuel Kant (1724-1804). Au semestre d'hiver 1927-

1928, il fait une interprétation phénoménologique de la Critique de la raison pure qui aboutit

en 1929 à la publication de Kant et le problème de la métaphysique. Dans la même année, il a

une importante confrontation avec Cassirer lors du deuxième cours universitaire de Davos.

La référence à Leibniz est moins présente, mais Heidegger lui consacre quelques séances de

son séminaire de 1928 car il trouve chez lui la question fondamentale de la métaphysique:

« Pourquoi il y a l'étant et non pas plutôt rien ? » Déjà fort connu grâce à la parution de Sein

und Zeit, il attaque les géants de l'idéalisme allemand avec la Phénoménologie de l'Esprit de

Hegel en 1930 et Schelling en 1936. Il engage aussi une réflexion de fond sur la

métaphysique, le premier volume débute en 1929 Was ist Metaphysik, suivi en 1943 par

Nachwort et en 1949 par Einleitung.

Parmi ses contemporains, il s’attarde sur la phénoménologie husserlienne, suit les cours

d’Husserl, lit les Recherches logiques (écrit en 1901) et y découvre avec admiration ses trois

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données fondamentales: l'intentionnalité, le sens phénoménologique de l'à-priori et l'intuition

catégoriale qu’il intègre aussitôt dans son cours des Prolégomènes à l'histoire du concept de

temps.

Il est habilité à enseigner la philosophie à Freiburg en 1915, où il est nommé privatdozent et

l’assistant d’Husserl avec qui il partage un bon nombre de points-de-vue sur la

phénoménologie, des affinités philosophiques et plusieurs réflexions leur sont communes, ce

qui fera dire à Husserl, questionné sur la définition de la phénoménologie : « la

phénoménologie, c’est moi, et Heidegger9». A tel point que des lecteurs non avertis ont

attribué Sein und Zeit à Husserl. En 1923, il est appelé à l'Université de Marbourg pour un

titre de professeur mais non titulaire. C’est là qu’il fera la connaissance de Hannah Arendt10

.

L’œuvre de Heidegger comporte plus d’une centaine de titres, plusieurs à titre posthume. Le

plus important Sein und Zeit a été offert sous forme de manuscrit à d’Husserl à l'occasion

d'une réception organisée pour ses 67 ans le 12 mars 192611

. Il y définit son style de

littérature, son orientation philosophique, son vocabulaire et bien sûr son thème majeur : « le

Dasein, sous-entendu l’homme dans son espace, à un moment donné, conscient des différents

paramètres qui peuplent sa vie, dans sa relation avec les autres en dépassement du « on »

quotidien, face à la mort ». Marqué au niveau philosophique par la phénoménologie

d’Husserl12

, il repart aux origines grecques où la vérité sur l’être fut dite. Il met en cause la

métaphysique qui, prônée par les philosophies et grandes religions monothéistes au fil des

siècles, voile la vérité de l’être et empêche l’homme de bien penser en le menant dans

l’impasse de l’impensé13

», mieux il entend « débusquer l'impensé singulier dû à l'oubli de

l'Être14

» en faisant la promotion d’une métaphysique de la volonté15

. C’est une des plus belles

œuvres philosophiques du XXème

siècle. A sa lecture le doyen de l'Université de Marbourg

ordonne sa publication immédiate.

Suite à cette publication, le nom de Heidegger commence à se faire connaitre dans les milieux

philosophiques allemands. En 1928, il prend la suite de son maître Husserl parti à la retraite, à

l'Université de Freiburg. Et un peu plus tard, en 1931, il décline même la proposition d’un

poste à l'Université de Berlin. Dans la même année, Georges Gurvitch fait état de Sein und

Zeit dans un cours à la Sorbonne.

Dans les années 1930, il marque ce qu’il appelle le tournant ontologique par rapport à la

phénoménologie qu’il exprime dans une lettre adressée à Husserl en lui disant: « Nous

sommes d'accord sur le point suivant que l'étant, au sens de ce que vous nommez "monde" ne

saurait être éclairé dans sa constitution transcendantale par retour à un étant du même mode

d'être. Mais cela ne signifie pas que ce qui constitue le lieu du transcendantal n'est absolument

rien d'étant - au contraire le problème qui se pose immédiatement est de savoir quel est le

mode d'être de l'étant dans lequel le "monde" se constitue. Tel est le problème central de Sein

und Zeit - à savoir une ontologie fondamentale du Dasein16

Puis Heidegger suit son chemin ou ses chemins de pensée qui convergent tous vers une œuvre

maitresse qui l’immortalisera. Les hommes qui l’ont marqué, il les appelle « des compagnons

pour un temps ». Dans sa conférence Ontologie, herméneutique de la facticité, il dit : « mon

compagnon de route dans la recherche fut le jeune Luther et mon modèle Aristote, que le

premier haïssait. Les coups, c'est Kierkegaard qui me les a portés, et les yeux, c'est Husserl

qui me les a implantés17

».

Après le tournant, et jusqu’à la fin de sa vie, Heidegger consacre de nombreuses études à la

poésie. Son cours de 1934-1935 est une lecture des hymnes « La Germanie » et « Le Rhin »

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de Hölderlin. D'autres séminaires suivront, consacrés à « Souvenir » (1941-42) et à « L'Ister »

(1942). En 1946, il prononce la célèbre conférence « Pourquoi des poètes ? », visant

l’interprétation de Hölderlin et Rilke18

reprise dans Chemins qui ne mènent nulle part. En

1951, il prononce une conférence méditant les mots d'Hölderlin « L'homme habite en poète »,

reprise dans Essais et conférence. En 1958, il prononce une conférence sur Johann Peter

Hebel19

. Puis en 1959, il publie Acheminement vers la parole, qu’il dédie au poète français

René Char, un recueil de conférences méditant la Parole à partir de Hölderlin, Georg Trakl,

Stefan George et Novalis. Enfin, en 1967, puis en 1970, il assiste à Freiburg aux lectures de

Paul Celan20

.

A la fin de la guerre mondiale, Heidegger est interdit d’enseigner pour ses positions nazies de

1933 qui ont duré à peine 10 mois. Il prend cependant le temps de proposer à sa succession

son ami et disciple Hans Georg Gadamer. Il sera réintégré en 1950 sur insistante

recommandation de Karl Jaspers et passe au grade de professeur émérite en 1951, jusqu'à son

départ en retraite en 1958. Il continue d'animer des séminaires et de participer à des colloques

jusqu'en 1973. Il meurt à Freiburg le 26 mai 1976. Enterré selon le rite catholique, il fait écrire

sur sa tombe des poèmes de Hölderlin et y fait graver non pas une croix comme pour sa

femme mais une étoile.

AU CŒUR DES COURANTS DE PENSEES DU XXème

SIECLE

Même si revisiter la philosophie suppose un certain nombre de démarches intellectuelles, ceci

ne peut être une difficulté qui éparpillerait la réflexion de celui qui travaille sur Heidegger,

dans le sens où parler de l’histoire de la philosophie représente la « ligne directrice » de sa

pensée alors que la présentation des courants du XXème

siècle le place au cœur de sa propre

maison, sa philosophie, qui est une lignée de courants et de maitres attestés qui ont pu

influencer d’une façon ou d’une autre tout le processus de son évolution. Sont souvent tenues

sous silence les auteurs et écoles arabes et extrême-orientaux pour diverses raisons

notamment parce que ceux-là (à l’exception du Japon) ont peu adopté la pensée

phénoménologique dans sa transversalité, la pensée existentialiste dans sa généralité et la

pensée heideggérienne dans ses spécificités et ce pour des raisons historiques, mais aussi le

peu d’influence que leurs anciens respectifs ont pu avoir sur Heidegger qui reste le pur fruit

de la raison occidentale classique à partir des présocratiques.

Le vingtième siècle est une période charnière pour la philosophie. L’autonomie des sciences a

permis une grande liberté de divergence de points de vue mais elle a, en même temps,

morcelé la pensée, en favorisant la naissance de plusieurs écoles et courants nouveaux ou

l’épanouissement de ceux qui existaient déjà.

Heidegger est très concerné par ce morcellement. Lui-même a été inspiré par plusieurs

courants et a façonné sa pensée dans une évolution originale en passant d’un courant à l’autre

tout en sachant garder ce qu’il trouve de singulier dans chacun. Il s’interroge sur l’existence

tout en n’étant pas tout à fait existentialiste, commence par une admiration profonde de la

phénoménologie mais s’en écarte pour se tourner vers l’herméneutique, faisant grandement

appel à l’ontologie, avec une timide utilisation de l’anthropologie et finit par user de la poésie

pour approcher l’être dans son ensemble ; alors que la psychanalyse va puiser dans le concept

du Dasein pour un regard nouveau sur l’homme au cœur des difficultés du monde

contemporain.

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Tous ses concepts ne sont pas si éloignés l’un de l’autre. Nous ne pouvons tous les exposer

mais la présence de certains est prépondérante parce qu’elle a donné sens à la pensée

heideggérienne. Parmi eux, l’existentialisme, plus un mode de vie qu’un courant

philosophique et littéraire qui a marqué tous les penseurs du siècle parce qu’il se veut être un

courant de liberté, même si Heidegger s’en démarque pour cette raison même, s’empêchant

d’utiliser la pensée comme un moyen d’hisser toutes les populations vers un point

philosophique culminant probablement réservé à une élite. Il reste néanmoins sous son

influence au moins linguistique. Ce courant stipule que l'être humain forme l'essence de sa vie

par ses propres actions, considérant chaque personne comme un être unique qui est maître de

ses actes, de son destin et des valeurs qu'il décide d'adopter. Or, l’existence humaine

individuelle et l'histoire en devenir d'un peuple, d'une communauté, Heidegger la nomme

"destin"21

. Cette appartenance historique de même que l'existence individuelle peut être vécue

de manière authentique ou inauthentique, selon que l’humain (Dasein) reconnaît le destin de

son peuple, s'en soucie et assume ses responsabilités.

Il est commun de dire que l’existentialisme allemand en particulier a été marqué par l’école de

Karl Jaspers, existentialiste chrétien et l’école de Heidegger. Entre les années 1920 et 1930,

des courants divergents se sont côtoyés comme l’empirisme logique de Rudolf Carnap22

,

l’anthropologie philosophique23

et la théorie critique de la société marquée notamment par

Horkheimer un des fondateurs de la théorie critique, devenu directeur de l'Institut de

recherche sociale qui donnera la célèbre École de Francfort24

de 1930 à 1969. Enfin la

philosophie de l’existence marquée notamment par la parution de Sein und Zeit de Heidegger

et la Philosophie de Karl Jaspers, alors que L’Existentialisme est un humanisme de Sartre

verra le jour en France en 1946 après l’Etre et le néant paru en 1943.

A l’origine, l'existentialisme exprimait, en signe de liberté, « le refus d'appartenir à une

quelconque école de pensée, la répudiation de l'adéquation d'une quelconque croyance, en

particulier des systèmes et une insatisfaction de la philosophie traditionnelle considérée

comme superficielle, académique et éloignée de la vie25

». Certes, des auteurs tels que Søren

Kierkegaard, Friedrich Nietzsche, Fiodor Dostoïevski, Franz Kafka et Léon Chestov ont

implicitement évoqué les thèmes existentiels dans leurs œuvres dès le XIXème

siècle, mais

c’est au XXème

que des penseurs comme Jaspers ou Heidegger vont exprimer de façon très

explicite leur inquiétude sur la peur, l'ennui, l’angoisse, le souci, la mort, le monde,

l'aliénation, la responsabilité, l'absurde, la liberté, l'engagement, le temps, le néant, l’être… et

tous les fondamentaux de l'existence humaine.

Les tendances existentialistes sont nombreuses, avec parfois de grandes différences et des

désaccords majeurs : les existentialistes athées, les théistes, les déistes… et des philosophes

de l’existence non étiqueté comme Heidegger. « L’existentialisme devient rapidement le

courant dominant des intellectuels. L’avant-garde voit en lui la promesse d’une renaissance de

la philosophie et l’expression adéquate de l’idéologie de notre époque26

. Sa marche

triomphale n’emprunte pas seulement les voies de la philosophie, elle constitue une trame de

fond de toute la culture politique et s’exprime aussi dans les romans et les pièces de théâtre.

L’existentialiste s’inquiète du destin politique des peuples et prend position dans des

situations historiques contre des états qui entravent la liberté de peuples en lutte pour leur

identité comme le peuple algérien en lutte contre le colonialisme français. Ce qui posait un

réel problème à Heidegger qui a pris parti pour le troisième Reich, même si rapidement, il

s’est désolidarisé de la lutte armée et a démissionné de son poste pour s’isoler jusqu’à la fin

de la guerre. Il est donc difficile pour lui de s’exprimer sur les destins individuels, concrets et

préfère rester dans les termes génériques, abstraits de destin universel des hommes. Puis il se

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tourne vers les rapports de l’homme à la technique et enfin se réfugie dans le silence du poète

érigeant en modèle le message de Hölderlin27

.

Dès la première partie de sa philosophie, Heidegger donne au Dasein le sens même de

l’existence, terme que Sartre traduira par « réalité-humaine ». Il déclare que l’homme est un

être qui ne peut être défini avant son existence. Le Dasein, qui signifie l'expérience vécue est

l’être-dans-le-monde, ce qui veut dire que l'homme apparaît dans le monde, existe, et se

définit après pour construire son propre destin.

L’existentialisme connait un grand essor et devient presque un mode de vie notamment pour

les intellectuels des années 1960. Mais il emprunte beaucoup à la méthode phénoménologique

qui décrit la façon dont les choses se donnent à la conscience. La description des choses

permet de découvrir leur essence ainsi que la conscience qui les pense.

Plus que toutes les sciences humaines et philosophies contemporaines, la phénoménologie

constitue un des principaux fondements de la pensée de Heidegger. Le concept est récent,

mais le terme en soi renvoie à des origines grecques. Issu de phainomenon (ce qui apparaît) et

logos, c’est l’étude de ce qui apparait et de l'expérience vécue.

En tant que telle, elle essaie de répondre à la crise des sciences notamment les mathématiques

par un « retour aux choses mêmes ». Il s'agit en fait de ne pas se prononcer sur le monde et

son existence, suspendre toutes ses croyances pour se concentrer sur l'apparaître, sur ce qui se

présente à la conscience.

L'inventeur présumé de l'expression est Jean-Henri Lambert28

qui la traduit par la « doctrine

de l'apparence ». Mais c’est Edmund Husserl (1858-1938) qui en sera le fondateur officiel.

Son but est d’échapper à la crise des sciences qui caractérise le XXème

siècle. D’après lui, on

peut éviter la crise des sciences si l’on réunit la philosophie et les mathématiques.

Mathématicien de formation, il s’intéresse à la philosophie des sciences à partir de la question

des objets mathématiques. Puis, frappé par les rapports entre la logique et la mathématique, il

en vient à étudier leur fondement commun. Enfin, à la manière de René Descartes, dont il

revendique le projet, il cherche à refonder la totalité des sciences et la philosophie à partir

d'une expérience indubitable : reconstruire la philosophie comme science rigoureuse en y

mettant un fondement absolu et une méthode d'investigation technique permettant d'avancer

dans ses recherches.

Il fait intervenir une paire de concepts : «intentionnalité» et « conscience » qui sont

des fondamentaux de la phénoménologie très chers à Heidegger. La structure

d'intentionnalité distingue ce qui est physique de ce qui est psychique, être conscient de

quelque chose n'a pas le même mode d'être que les objets physiques, mais la conscience est

orientée vers un objet. Cette idée sera développée par Husserl dans son cours sur

L'intentionnalité chez Thomas d'Aquin, personnage très présent chez Heidegger, avec la

volonté de systématiser l'étude et l'analyse des structures des actes de conscience.

La phénoménologie s'étend au sein d'un cercle de disciples dont Martin Heidegger, dans les

universités de Göttingen et Munich en Allemagne. Elle se propage aussi rapidement à

l'étranger, en particulier en France, grâce aux traductions et travaux d'Emmanuel Levinas,

Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty et Paul Ricœur; et aux États-Unis grâce à Alfred

Schütz et Eric Voegelin, souvent avec une très large prise de distance critique par rapport aux

premiers travaux d’Husserl. Ils sont d’ailleurs parfois si différents que le contexte seul

détermine si l'on parle de la phénoménologie au sens fichtéen, hégélien ou husserlien, de la

phénoménologie allemande, française ou américaine. On peut aller jusqu’à dire qu’il y a

autant de phénoménologies qu’il y a de phénoménologues. Plus encore, la conception de

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certains phénoménologues varie tout au long de leur recherche, se modifiant aux tournants de

leurs chemins de pensée. Pour eux, la phénoménologie, comme toute méthode scientifique, se

développe et se transforme en fonction du progrès qu’elle permet d’accomplir dans l’accès

aux choses. Mais tous maintiennent la volonté fondamentale de s'en tenir à l'expérience du

vécu.

Kant (1724-1804), déjà, a préparé à la matière phénoménologique. Une section de la Critique

de la raison pure devait s'appeler Phénoménologie. Mais il la remplace finalement par

Esthétique transcendantale. Il y opère la séparation entre la chose en soi29

et le phénomène.

Mais elle occupe aussi une part importante dans la pensée de Fichte (1762-1814), chez qui

elle désigne la partie de la doctrine de la science qui développe les aspects externes du

fondement et du principe du savoir ; comme elle était présente chez Schopenhauer pour qui le

monde est représentation, ce qui signifie que « être » c’est « être représenté ». Mais c’est à

Hegel (1770-1831) que nous devons un pas de géant dans le développement du concept grâce

à la Phénoménologie de l’Esprit parue en 1807, une des plus importantes œuvres de la

philosophie, tant par sa densité théorique que par son influence sur des écoles de pensées du

XIXème

siècle et du XXème

siècle à travers le monde.

La phénoménologie a fait un long chemin pour parvenir au XXème

siècle. Husserl fait de

l’intention30

, la conscience et l’intuition les mots-clef de la phénoménologie. Toute

conscience est conscience de quelque chose : « je vois un arbre »; «je me souviens de l'époque

où j'allais à l'école »…, tout est « conscience de... » L'intuition fondamentale consiste à

dégager ce que Husserl appelle l'à priori universel de corrélation qui désigne le fait que le

phénomène dans son apparaître est constitué par le sujet. Cette corrélation va lui permettre

d’aborder la possibilité d'une scientificité propre à la philosophie. La phénoménologie est

donc réellement une science des phénomènes, à condition de voir en elle une vocation

descriptive des vécus et de l'expérience subjective31

, mais ce n’est pas un pur subjectivisme

parce qu’elle veut mettre au jour les structures universelles de l'objectivité32

, qui propose une

appréhension nouvelle du monde dont le leitmotiv est le retour aux choses mêmes.

Devant plusieurs obstacles à sa recherche d’une science philosophique ou une science de

l’absolu, Husserl va emprunter tantôt aux grecs tantôt à Descartes des issues pour en venir à

bout de ses impasses. Il parle de la réduction phénoménologique pour sortir l'universel du

particulier sans sombrer dans l'arbitraire car il est difficile d’aller vers l’universel si toutes les

expériences sont particulières. Il avance aussi la notion d'épochè qu'il emprunte à la tradition

philosophique grecque qui signifie « suspension du jugement33

». Elle consiste à « mettre

entre parenthèses » tout acquis préalable (jugement, opinion, croyance, hypothèse, etc.) sur un

vécu de conscience quel qu'il soit, ou mieux encore, tout ce qui ne se donne pas dans

l'expérience, révélant ainsi, par cette « pureté analytique » radicale, sa seule structure

universelle. Cette notion d'épochè est définie dans les Méditations cartésiennes34

comme une

méthode universelle, par sa présence chez tous les êtres pensants.

Husserl utilise aussi les termes de réduction et construction phénoménologiques que

Heidegger empruntera pour monter un système d’analyse en trois phases : la réduction, la

construction et la déconstruction.

La réduction est un fondamental de la phénoménologie35

qui suppose un regard dirigé vers un

phénomène qui est l'étant, de telle sorte que l'être de cet étant ressorte et parvienne à une

possible thématisation. C’est une reconduction du regard que Heidegger, tout comme Husserl,

appelle la « réduction phénoménologique » qui est d’ailleurs déjà citée dans « Sein und

Zeit »36

.

Quant à la construction phénoménologique, Heidegger n’en parle pas dans « Sein und Zeit ».

Il attendra deux ans plus tard37

pour expliquer que la réduction, qui est appréhension, est

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suivie de la construction qui n’est accessible que dans un projet de compréhension. La

construction est le projet de mettre au jour l’être à partir de l’étant. N’étant jamais accessible

de lui-même - nous ne le trouvons jamais simplement là-devant- mis en évidence, ce projet

doit être porté au regard par le Dasein et induit à partir de l’étant. C’est là que commence

réellement chez Heidegger le projet d’une phénoménologie herméneutique de l’existence qui

suppose que le Dasein doit être construit dans sa finitude et à partir de ce qui rend

intrinsèquement possible la compréhension de l'être. Cette construction phénoménologique

répond au souci d’une construction ontologique qui possède un sol et une pré-esquisse

élémentaire38

.» Il précise alors la valeur et l’importance du concept « temps » en disant :

« Notre but prochain est de trouver le point d’amorçage pour la question originaire de

l’essence de l’histoire, c’est-à-dire pour la construction existentiale de l’historialité39

Mais la réduction et la construction ne sont complètes qu’avec la phase de

« Destruktion »/« Abbau », littéralement « destruction » ou « dé-construction » comme le

veut la traduction d’usage ; un terme que Heidegger prononce à peine à la fin de l'Introduction

de Sein und Zeit40

, mais très présent dans Kant et le problème de la métaphysique, publié en

1929.

La déconstruction est un terme de la phénoménologie paru chez Jaques Derrida, élève

d’Husserl, qui a traduit Martin Heidegger de façon très implicite. Il estime que le terme

déconstruction est une traduction plus pertinente que la destruction41

dans la mesure où il ne

s'agit pas tant, dans la « déconstruction de la métaphysique » de la réduire à néant, que de

montrer comment elle s'est bâtie. Chez Heidegger, la Destruktion porte sur le concept de

temps, elle doit révéler par quelles étapes successives l'expérience du temps a recouvert la

métaphysique, faisant oublier le sens originaire de l'être comme être temporel42

. Derrida

ajoute que la déconstruction pourrait avoir une origine luthérienne. On trouve en effet chez

Luther, l’idée de « dé-sédimentation, ou dé-constitution d’une théologie tard-venue qui aurait

occulté le message évangélique originel43

.» Heidegger de son côté disait dès les années 1918-

1919, que Luther aurait saisi l’essence du christianisme plus originellement encore que les

mystiques médiévaux44

.» C’est également Luther qui a pu conduire Heidegger à retrouver

l’Aristote originel en se détournant de la scolastique médiévale45

. Ainsi, la seule façon de

construire un accès à l’être est de détruire l’histoire de la métaphysique et pulvériser la gangue

de sédiments qui obstrue l’accès aux concepts authentiques et originaires. Cette

déconstruction appartient elle-même au processus de construction phénoménologique en tant

qu’elle est une appropriation positive de la tradition. C'est seulement par cette déconstruction

que l'ontologie peut phénoménologiquement s'assurer pleinement de l'authenticité de ses

concepts46

C’est pour cela que Heidegger, grand husserlien s’écarte de la phénoménologie marquant un

tournant qu’il justifie dans sa « Lettre à Husserl » du 22 octobre 1927 en disant que le

problème qui se pose est de savoir quel est le mode d'être de l'étant dans lequel le "monde" se

constitue. Il nous faut faire appel à une ontologie fondamentale du Dasein47

.» Déjà à

l’élaboration de « Sein und Zeit », le philosophe a engagé un dialogue continu avec la

phénoménologie transcendantale d’Husserl, en parsemant par-ci par-là des critiques sur le

doute de continuer dans la même voie. Ces critiques et hésitations ont été regroupées par

Jean-François Courtine dans « Heidegger et la phénoménologie48

».

Heidegger adopte alors l’ontologie, comme mode d’approche pour parvenir à son intention de

déconstruire la métaphysique occidentale, dépasser la phénoménologie et entreprendre un

travail avec l’herméneutique et l’anthropologie, afin de parvenir à la vérité de l'Être. Une

autre nouveauté qui rompt avec la tradition philosophique.

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L'ontologie, dont le but ultime est de définir les rapports et les priorités entre l’essence et

l’existence, est l'étude de l'être en tant qu'être, c'est-à-dire l'étude des propriétés générales de

tout ce qui est. Cette démarche s'articule en deux phases : d'une part, la question du sens de

l'Être dont Sein und Zeit est l'œuvre maîtresse et d'autre part, celle des conditions d'une

manifestation de la vérité, notamment au travers du langage poétique où il voit un accès à

l'Être lui-même.

Le terme, bien que grec, a été tardivement mis en circulation, sans doute au XVIIème

siècle, en

imitant les thèmes anciens de la théologie, avec lesquels Heidegger garde un rapport de

voisinage privilégié. Pour les scolastiques, l’ontologie est une partie de la métaphysique, en

tant qu'elle définit les transcendentia, les déterminations communes à tous les êtres (ce qu'on

appellera plus tard métaphysique générale, par opposition à la théologie, dite métaphysique

spéciale).

Historiquement la paternité du concept est attribuée à Parménide (Vème

siècle A.J). C’est lui

qui pose comme vérité première le fait que ce qui est -l'être- est, et qu'il est sans négation et

sans altération. Seule la doxa49

, l'opinion changeante ou confuse, qui nous écarte de la vérité,

nous fait croire à ce qui n'est pas.

Contre la thèse de Parménide, Platon pose dans le Sophiste le problème du non-être. L'être

n'est pas un et unique et les grands genres de l'être doivent aussi inclure l'altération et la

négation. Aristote définit l'être avant tout comme substance et de manière secondaire comme

accidents de la substance. Alors que les Stoïciens distinguent ce qui existe (les corps) du

quelque chose en général (qui comprend donc aussi ce qui n'est pas, le vide, le temps et

l'inexprimable).

Dans l'interprétation latine au Moyen Âge, notamment chez Avicenne, l'être est univoque

entre l'être divin et l'étant créé et l'essence est indifférente à l'existence (ce qui n'était pas le

cas chez Aristote). Dès le XIème

siècle, Anselme de Cantorbéry introduit son argument

ontologique qui est censé démontrer l'existence d'un étant nécessaire à partir de son essence.

Et c'est Gilles de Rome (1247-1316) qui distinguera plus tard de manière explicite les termes

d'essence et d'existence.

Thomas d'Aquin s'oppose à cette théorie de l'univocité de l'être et rejette aussi une équivocité

totale. Il introduit un moyen terme avec celui d'analogie. Il existe une analogie de

proportionnalité (analogia entis) entre l'être de Dieu (car Dieu est l'Acte d'Être) et des

substances créées qui reçoivent l'être. Mais il s'agit surtout d'une analogie de nomination. Par

exemple, on peut dire que Dieu possède l'intelligence en ce qu'Il possède au degré infini

l'intelligence humaine. Les Thomistes50

comme Suarez51

étendront cette théorie de l'analogie

à l'être tout entier en tant qu'analogie de l'être. Les étants seront tous hiérarchisés

intrinsèquement vers l'Être ultime, sommet de l'analogie, qui est Dieu.

C'est ainsi que, devenue principe, l'analogie de l'être issue de Thomas d'Aquin et reprise par la

scolastique tardive mènera à la naissance du terme disciplinaire "ontologie", désormais

incontournable en tant que spécialité ou metaphysica generalis. Jacob Lorhard (1561-1609)

l'utilise dès 1606 dans son Ogdoas Scholastica comme synonyme de la métaphysique et

Johannes Clauberg (1622-1665) le reprend dans Elementa philosophiae sive Ontosophiae

(1647), pour le retrouver ensuite chez Leibniz (1646-1716) dans une seule utilisation. Dans la

Métaphysique de Christian Wolff (1679-1764), l'ontologie est définie comme une sous-partie

de la métaphysique, la partie la plus générale par opposition aux trois disciplines de la

métaphysique spéciale, la théologie (Dieu), la psychologie (l'Âme) et la cosmologie (le

Monde)52

. Descartes le reprendra souvent dans « Les Méditations métaphysiques » pour

argumenter l'existence de Dieu. Kant en fait aussi usage et invente le terme « onto-théologie »

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pour l'existence n'est pas un prédicat qu'on ajouterait à un sujet, mais la position du sujet lui-

même.

C’est sur ce terrain qu’Edmund Husserl distinguera une ontologie purement formelle et des

ontologies liées à chaque discipline, soit des ontologies régionales. On peut ainsi parler de

l'ontologie dialectique spécialement représentée par Louis Lavelle un métaphysicien français

du début du XXème

siècle qui décide en 1912 de relancer le problème de l'être. Il parle d’une

ontologie de la présence totale de l'Être conçu comme Acte, c'est-à-dire comme une liberté

pure : c'est l'intuition participative de l'Être "partout présent tout entier" en chaque point de

l'univers. Cet être n’est pas un étant mais la totalité à partir de laquelle tout étant prend son

sens. Par conséquent, Lavelle échappe à la critique heideggérienne de l'oubli de l'Être. A l'aide

d'une méthode qu’il dénomme dialectique réflexive, Lavelle analyse la relation de l’homme à

l'Être d'abord à travers l'analyse déductive du sensible, puis dans la Dialectique de l'éternel

présent (1928-1951) et enfin dans le deuxième volume De l'acte (1937), sa synthèse majeure.

Martin Heidegger arrive dans ce chantier effervescent. Selon lui, l'histoire de la métaphysique

depuis l'interrogation sur l'être n'est que l'histoire de l'oubli de la question de l'être et on a

oublié cet oubli même. Il sépare alors entre l’ontique qui se restreint à l'étant et l’ontologique

qui a trait à l'être. La question de l'être est tellement oubliée qu'on ne pense plus la différence

entre l’ontique et l’ontologique et l'être n'est plus qu'un concept creux. Penser la Différence

entre l'être et l'étant permet d'éviter de revenir à une onto-théologie où l'être est toujours pensé

via un étant suprême auquel il est identifié.

Penser cette différence ontologique permet au Dasein de se distinguer : il est le seul étant qui

se pose la question de l'être, même si cette responsabilité est évacuée par les distractions et

l'oubli de l'être qui sont essentiellement les conséquences du constat angoissant de la finitude

de l'être du Dasein. Le Dasein est un être fini qui n'a d'autre destination que la mort. Mais

celle-ci ne signifie en aucun cas le développement d'un nihilisme simpliste. Au contraire, c’est

une finitude qui l’appelle à remettre en question son être.

Pour compléter son système de pensée dans le but de déconstruire la métaphysique,

Heidegger fait intervenir la méthode herméneutique qui consiste à faire apparaître le sens

caché d’un texte de la tradition métaphysique ou, plus précisément, les présupposés de cette

tradition et de ses manières de penser53

.

L'herméneutique (Peri hermeneia), l’art de lire et d’expliquer des textes, découle du nom du

dieu grec Hermès, le messager des dieux et interprète de leurs ordres. A l’origine, elle

réunissait la logique d’Aristote et l'interprétation des textes religieux. D’ailleurs dans son

traité De l'interprétation (Organon II), Aristote définit des règles essentiellement logiques

d'interprétation des textes où il développe notamment sa théorie du jugement (affirmatif et

négatif), de la contradiction et de la contrariété. Il aboutit ainsi à une métaphysique qui

hiérarchise les degrés d'être, influençant les débats médiévaux sur le problème théologique de

la prédestination. Ce traité sera abondamment commenté par les philosophes médiévaux

(Averroès54

, Thomas d'Aquin55

, Jean Duns Scot, Guillaume d'Ockham56

), et fixera pour

longtemps la norme de lecture des textes (philosophiques, mais pas seulement).

L'interprétation des Écritures saintes comme la Bible ou le Coran s'appelle « l'herméneutique

sacrée », elle interprète les symboles divinatoires, les mythes et les légendes. En fait, la

méthode herméneutique est plus ancienne que les religions, les spiritualités et la philosophie,

mais le terme est récent. D'époque moderne, il a apparu sous la plume de Friedrich

Schleiermacher57

et Wilhelm Dilthey. De même, la Renaissance reconnait son champ

herméneutique notamment pour donner un nouvel élan aux interprétations du christianisme

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avec ses différentes réformes, en accord avec les sciences, la technique et la vie au quotidien.

C’est là que Martin Luther et Jean Calvin appellent pour une Réforme protestante58

, à relire

les textes religieux littéralement, par-delà les interprétations canoniques de l'Église catholique

romaine en but de détruire les couches sédimentées de conciles et de doctrines59

(la tradition)

surajoutées aux textes et retrouver le texte biblique en sa pureté. Cette idée de revenir à une

interprétation saine attire l’attention de Heidegger.

La médecine de la Renaissance et la pharmacopée ont aussi été marquées par l'herméneutique,

construites dans un rapport étroit à la nature et l’univers.

Les herméneutes contemporains tels Umberto Eco60

ou Paul Ricœur61

se réclament également

de la philosophie aristotélicienne, mais davantage de la Poétique et de la Rhétorique que de

l'Organon à proprement parler, ce dernier étant plutôt vu comme un outil pour l'élaboration de

la logique et du discours scientifique en général.

L'herméneutique moderne se décline en plusieurs disciplines : herméneutique littéraire

(interprétation des textes littéraires et poétiques), juridique (interprétation des textes de lois),

théologique (interprétation des textes sacrés ou l'exégèse), historique et philosophique. Paul

Ricœur considère la psychanalyse (interprétation des symptômes du malade) comme un

exemple d'herméneutique62

alors que Michel Foucault voit dans la généalogie nietzschéenne

une herméneutique qui interprète les jugements de valeur à partir de l'histoire et de la

physiologie63

. On peut expliquer les choses ainsi : le changement de paradigme de l'époque

médiévale à l'époque contemporaine a été favorisé par la naissance des sciences humaines qui

ont permis à l’herméneutique de se diversifier. La logique (Herméneutique de l'Organon) a été

absorbée par la science (mathématiques, physique), tandis que l’herméneutique poétique ou

philosophique explore des champs d'interprétation plus larges comme la poétique, la

rhétorique, la littérature, la sociologie, la psychologie, l’histoire, l’anthropologie. Entre les

deux, quelques penseurs de la fin du XXème

siècle, comme Paul Feyerabend, soutiennent que

le discours herméneutique ne change pas. Il est dans tous les cas une interprétation du

monde64

. En ce sens, aucun champ n'échapperait à l'herméneutique, ni la science rigoureuse ni

celle de la contingence et de la polémique. L’herméneutique interprète tout, et va au-delà de la

simple interprétation même pour ce qui semble de nos jours insensé.

En philosophie, l'herméneutique contemporaine se conçoit comme une théorie de

l'interprétation et de la réception de l'œuvre littéraire ou artistique. Elle questionne la

textualité en elle-même, son rapport à l'auteur (processus d'explication) et son rapport au

lecteur (processus de compréhension). Elle cherche à analyser ce qui est manifeste, ce qui se

présente de soi dans l'œuvre d'art et pose de manière originale le problème de la

représentation et de la phénoménalisation. Le langage de l'art représente pour les herméneutes

le lieu où la vérité de l'Être se déploie, au-delà de la description scientifique des étants

particuliers, en se fondant sur une nouvelle interrogation du verbe « être », à la fois

grammaticale, ontologique et esthétique. En cela, Sein und Zeit est un travail significatif

complet65

.

CONCLUSION

Outre la phénoménologie, l’herméneutique et l’ontologie, d’autres systèmes et méthodes de

pensées et philosophies ont marqué les écrits de Heidegger, qui a aussi fait appel à

l’épistémologie, l'anthropologie ou la poétique. C’est ce qui fait de lui un être universel aux

facettes multiples dont l’impulsion de la pensée est partout reconnue, en Extrême-Orient, en

Inde, en Afrique, en Amérique du nord et en Amérique latine. Ce qu’il faut retenir, c’est que

le cheminement de sa pensée a pu suivre le développement humain dans son évolution et se

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projeter dans l’avenir de l’humanité. Alors, il ne s’agit pas de retenir de Heidegger « le

philosophe de l’existence », mais l’instigateur du dialogue de l’humain avec son propre

destin. Un dialogue universel66

.

Les théories philosophiques naissent d'un regard critique sur les prédécesseurs et leurs

environnements, d’une remise en cause des choses établies et d'un « émerveillement » pour

reprendre le terme de Schopenhauer et Aristote. Or Heidegger se plaignait de la désintégration

du concept de l’humain entre sciences et philosophies. Comme la délimitation des méthodes

de la philosophie est de son domaine de compétence, Heidegger a d’emblée défini son champ

d’intervention dès les premières lignes de Sein und Zeit. Et malgré moult bouleversements, il

lui restera fidèle jusqu’à la fin. Son intérêt est de reposer la « question de l’être » qui a été

posée depuis les Grecs anciens et a été déviée de sa trajectoire à un moment donné. Sa

méthode consiste à revoir dans le détail l’histoire de la philosophie pour déterminer le lieu, le

moment et le responsable de cette déviation.

Heidegger a construit une méthode d’approche qui se traduit par trois phases : la réduction, la

reconstruction et la déconstruction. Cette méthode a pour ambition de redonner sa

souveraineté à la philosophie et se rapprocher de l’homme contemporain tel qu’il est et non

tel qu’il devrait être. C’est pour ça que son influence dépasse le cadre de la philosophie pour

marquer les sciences modernes et les questions d’actualité comme le développement durable,

le patrimoine si l’on considère son point de vue sur l’histoire et l’historialité du Dasein. Il se

méfie de la technique. En disant dans Essais et conférences « la technique ne pense pas », il

expose très clairement la question de l’industrialisation et la responsabilité de l’homme de

science. Il pense qu’il est aberrant de laisser des technicistes influencer l’avenir ou prendre

des décisions De même, le dialogue mondial a trouvé dans la diversité de sa pensée des

réponses aux questions qui se posent avec insistance sur le sort du monde comme l’écologie

ou le développement durable. On retrouve dans le management une approche équivalente de

la déconstruction qu’on nomme « diagnostic », un outil d’investigation qui permet de mettre à

plat un sujet pour l’analyser dans ses moindres détails sans porter atteinte à son intégrité, alors

que Sein und Zeit fait état des bienfaits de la communication67

. La psychologie s’est aussi

inspirée de la méthode heideggérienne tant dans le traitement du sujet particulier que dans la

psychothérapie institutionnelle. Certes, un article de la revue américaine « Political

Psychology » intitulé « Heidegger and Freud » oppose les deux hommes dans un

affrontement montrant un Heidegger qui reproche aux psychologues leur vision positiviste et

mécaniciste de l’homme. Mais le psychanalyste suisse Ludwig Binswanger (1881 - 1966)

s’éloigne de la psychanalyse classique sous l’influence de Heidegger pour développer la

Daseinsanalyse (l’analyse existentielle). Il traite le positivisme scientiste de Freud (qui repose

sur la scission sujet-objet) de « cancer de la psychiatrie ».

Par cette approche, Heidegger veut redonner à l’homme une nouvelle chance d’habiter un

environnement humain. L’homme a besoin de respecter ses racines et de se fixer un idéal, il a

besoin de créer ou de se sacrifier jusqu’à l’héroïsme si les circonstances l’exigent. C’est alors

qu’il est vraiment un homme ! Sinon, il régresse vers une condition proche de l’animalité où il

ne peut trouver aucun bonheur, aucune sérénité.

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1 - Acheminement vers la parole comporte un entretien entre Heidegger et un interlocuteur japonais, premier

dialogue avec « l’autre » qui date de 1953-1954. Dans Le déploiement de la parole, ce texte regroupe trois conférences prononcées les 4 et 18 décembre 1957 et le 7 février 1958, l’auteur se livre à une longue méditation sur ce qu’il en est du «chemin». Il y exprime la proximité entre son propre cheminement et la parole de Lao-tseu. 2 - http://espacethique.free.fr/articles.php?lng=fr&pg=133

3 - Gadamer (Georg Hans): autoreprésentation, in la Philosophie herméneutique, PUF, 1966, p. 29.

4 - Gadamer : Chemins de Heidegger, trad. Jean Grondin, édition Vrin (version électronique); p. 28.

5 - Idem.

6 - Gadamer : Chemins de Heidegger, p. 10.

7 - Jean Duns Scot : http.www. Denistouret.fr/ideologues/Duns_Scot.html

8 - Gadamer : chemins de Heidegger, p. 60.

9 -Gadamer : Chemins de Heidegger, p. 29.

10 - Hannah Arendt a été élève de Heidegger et sa maitresse pour un court moment. Le fait qu’elle soit juive a

donné lieu à une littérature philosophique et politique prépondérante et disproportionnée à la relation. 11

- Martin Heidegger : Sein und Zeit : traduit en français pour la première fois en 1964 par Rudolf Boehm &

Alphonse Waelhens. Il est réédité en 1986 en l’état. Emmanuel Martineau en fait une version électronique en

2006. 12

- Edmund Husserl (1859 - 1938), philosophe, logicien et mathématicien allemand, fondateur de la phénoménologie, eut une influence considérable sur l'ensemble de la philosophie du XX

e siècle. Né à Prostějov

en Moravie (actuelle République Tchèque), il fait d'abord des études en mathématiques, puis il se consacre à la philosophie dès lors qu'il veut réfléchir sur les fondements et le sens de la science. Ses recherches le mèneront au-delà de la mathématique en voulant faire de la philosophie une science rigoureuse. Il suit le cours de Franz Brentano sur « L'intentionnalité chez Thomas d'Aquin », personnage qui le marquera et sera à la base du développement de la phénoménologie. 13

- C’est le résumé de sa pensée et le contenu essentiel de Sein und Zeit. Heidegger lui sera fidèle toute son

œuvre, même si, probablement pour des raisons de compréhension, il échangera peu à peu le concept de

Dasein contre le concept de l’humain. 14

- Balazut Joël : L’impensé de la philosophie heideggérienne, L’Harmattan, 2006. Texte en ligne, www.librairieharmattan.com, L’Harmattan, 2006. 15

- http/www. Martin Heidegger, par Herr Benoit.htm 16

- M. Heidegger : Lettre à Husserl, du 22 octobre 1927, trad. J.-F. Courtine in Michel Haar : Martin Heidegger,

Paris, Editions de l'Herne, coll. «Cahier de l'Herne», 1983, pp. 67-68. 17

- Gadamer : Chemins de Heidegger, p. 5-6. 18

- Heidegger Martin : Les chemins qui ne mènent nulle part, trad. Wolfgang Brokmeier, Paris, Gallimard, nouvelle édition 1980, p.45. 19

- Hebel : théologiens, il est auteur de deux chefs-d’œuvre, les Poèmes alémaniques de 1803 et L’Écrin de l’ami rhénan qui appartiennent à la littérature universelle. Martin Heidegger a dit à ce sujet : «Quels trésors sont cachés dans L’Écrin de Hebel, très peu nombreux sont ceux qui, jusqu’à nos jours, l’ont pleinement mesuré». 20

- H. France-Lanord : Paul Celan et Martin Heidegger, Paris, Fayard, 2004. 21

- Martin heidegger : Sein und Zeit : p. 86. 22

- Publication du Manifeste du cercle de Vienne en 1929. 23

- Parution simultanée de la Situation de l’homme dans le cosmos de Max Scheler et les Degrés de l’organique

de l’homme de Plessner.

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24

- L’École de Francfort : nom donné à un groupe d'intellectuels allemands réunis autour de l'Institut de

Recherche sociale et soutenu par le mécène Felix Weil ; Jürgen Habermas et Axel Honneth en constituent les

figures principales. 25

- Walter Kaufmann (1921 - 1980): Existentialism from Dostoevsky to Sartre, London, New American Library,

1975, p. 12. Il a écrit sur « l'authenticité de la mort », la « philosophie morale » et « l'existentialisme », le

« théisme et athéisme », le « christianisme » et le « judaïsme »… Il est spécialiste et traducteur de Nietzsche et

a publié une traduction partielle du Faust de Goethe. 26

- George Lukacs : Existentialisme ou marxisme ? Paris, Nagel, 1960, p. 69. 27

- Gérard Raulet : la philosophie allemande depuis 1945, Paris, Armand Colin, 2006, p. 23. 28

- Jean-Henri Lambert (1728 - 1777) mathématicien, physicien et astronome suisse-allemand. Il travaille sur la

géométrie euclidienne, l’astronomie et la logique symbolique. Il est notamment l'auteur d'un traité de logique

Neues Organon traduit en français par Nouvel Organon. 29

- Le noumène désignait déjà chez Platon la réalité intelligible dans le sens originel utilisé. Le sens est détourné à dessein par Emmanuel Kant pour signifier «ce qui est au-delà de l'expérience qui en est faite». 30

- C’est un concept qu’il emprunte à son professeur Franz Clemens Brentano (1838 - 1917) philosophe et psychologue catholique allemand et auteur De la signification multiple de l'étant chez Aristote. Brentano a remis au premier plan le concept médiéval d'intentionnalité qu'il a tiré de l'interprétation d'Aristote par Thomas d'Aquin et les philosophes médiévaux. 31

- J.-H. Lambert, Nouvel Organon, 1764, dernière section ; trad. fr. G. Fanfalone : Phénoménologie, Paris, Vrin,

1980, p. 183. 32

- Edmond Husserl : Ideen I, Préface, traduction P. Ricœur ; Idées directrices pour une phénoménologie, Paris,

Gallimard, 1950, p. 7. 33

- René Descartes: Discours de la méthode, Paris, Bréal, 2003, p. 57/58. 34

- Les « Méditations cartésiennes » sous-titrées aussi « Introduction à la phénoménologie » regroupe deux

conférences d'introduction à la phénoménologie qu’Edmund Husserl prononce à Paris, à la Sorbonne, les 23 et

25 février 1929. 35

- Cours de 1927 où Heidegger a donné deux conférences prolongées : « Le péché chez Luther » et « Phénoménologie et théologie.» 36

- Martin Heidegger : Sein und Zeit ; p. 199/206. 37

- Martin Heidegger : Kant et le problème de la métaphysique, trad. Alphonse de Waelhens, Paris, Gallimard, 1963, p. 288. 38

- Martin Heidegger : Sein und Zeit, 150/ 191/ 260 trad (Emmanuel Martineau, Édition hors-commerce.) 39

- Claude Piché : Max Weber et Heidegger, L'historiographie comme liquidation méthodique de l'histoire, Critique, Paris, 1985, p. 261. 40

- Martin Heidegger : Sein und Zeit, p. 40. 41

- Gérard Granel a aussi choisi ce terme dans Contributions à la question de l'être pour traduire le mot

allemand Abbau. 42

- Jacques Derrida : Heidegger et la question de l’esprit et autres essais, coll. Champs, Flammarion, 1990, p. 182. 43

- Danielle Janicaud, Heidegger en France- II - Entretiens, Paris, Albin Michel, 2001, p. 104. 44

- Matthias Fritsch & Jennifer Anna Gosetti-Ferencei : Martin Heidegger: The Phenomenology of Religious Life, Indiana University Press, Bloomington, 2004, p. 236. 45

- Martin Heidegger : Les problèmes fondamentaux de la phénoménologie, traduction Jean-François Courtine, Paris, Gallimard, 1985, p. 41. 46

- Ibid. 47

- Michel Haar : Martin Heidegger, Paris, Editions de l'Herne, coll. « Cahier de l'Herne », 1983, pp. 67-68.

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48

- Courtine Jean-François : Heidegger et la phénoménologie, Vrin, Paris, 1990. 49

- La doxa : ensemble d’opinions, de préjugés populaires et de présuppositions admis, sur lesquels se fonde

toute forme de communication au quotidien, c’est ce que Heidegger appelle le « on quotidien ». Elle s’oppose

à la communication scientifiques et tout particulièrement le langage mathématique. 50

- Le thomisme est un courant philosophico-théologique qui fait référence à Thomas d'Aquin (1224/1274). S'éloignant plus ou moins des véritables thèses du docteur de l'Église selon les types de formes, il a pris de nombreuses formes dans l’interprétation à la lettre de la Somme théologique selon les périodes et les circonstances, allant de l’interprétation extrêmement libre au rigide conservatisme. La plupart des philosophes de l'époque moderne, tels que Descartes, Locke, Leibniz et plus tard Kant, dialoguent directement ou indirectement avec les formes de thomisme de leur temps. 51

- Francisco Suárez (1548- 1617) était un philosophe et théologien jésuite espagnol, considéré comme l'un des plus grands scolastiques après Thomas d'Aquin. Il fit partie de la célèbre École de Salamanque. 52

- Jean École : La métaphysique de Christian Wolff, Hildesheim, Georg Olms Verlag, 1990, p. 22-46. 53

- Signalé au chapitre sept de Sein und Zeit, Heidegger prévoyait de l’appliquer comme méthode d’approche à

la seconde partie qui ne verra pas le jour. 54

-Ibn Ruchd : Commentaire moyen sur le « De interpretatione » d'Aristote, éd. Vrin, Sic et Non, 2000. 55

- Thomas d'Aquin : Commentaire du Traité de l'Interprétation d'Aristote, éd. Belles Lettres, 2004. 56

- Guillaume d'Ockham (v.1285 - 1347), dit le « Docteur invincible » et le « Vénérable initiateur ». 57

- Friedrich Schleiermacher (1768-1834) : Herméneutique, pour une logique du discours individuel, éd. Le Cerf, 1989. 58

- http://www.akadem.org/medias/documents/1-Calvin-Luther-bio.pdf / «Historiquement, la Réforme est le nom donné à la remise en cause de l'Église catholique romaine par de nombreux théologiens. Celle-ci a donné naissance au protestantisme.» 59

- Auparavant, la majorité du peuple n'avait pas accès au texte biblique mais se suffisaient aux interprétations des autorités religieuses. Avec les mouvements intellectuels de la Réforme et de l'Humanisme, conjoints à l'invention de l'imprimerie et la popularisation de l’enseignement qui fera reculer l'illettrisme, le texte biblique devient accessible, alors que l'autorité religieuse est remise en cause quant à la lecture des textes sacrés. 60

- Umberto Eco : Sémiotique ou philosophie du langage, 1984, disponible aux éditions PUF. 61

- Paul Ricœur : La métaphore vive, Seuil, Points-Essais, 1975. 62

- Paul Ricœur : De l'interprétation, Essai sur Sigmund Freud, Seuil, 1965. 63

- Michel Foucault : Nietzsche, la généalogie, l'histoire, article dans Lectures de Nietzsche, LGF, 2000. 64

- Paul Feyerabend, Contre la méthode, Seuil, Points Sciences, 1975. Même si on trouve cette idée chez Nietzsche dans son livre « Par-delà bien et mal » au chapitre 22 « Des préjugés des philosophes ». 65

- Heidegger s’exprime sur cela dans sa conférence : Herméneutique de la facticité (1923). 66

- Idem, p. 25. 67

- Martin heidegger : Sein und Zeit , p. 448.

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