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Jean-François Blondel Guide des GRANDS SITES SACRÉS en France

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Jean-François Blondel

Guide des

GRANDS SITES SACRÉSen France

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Q u’est-ce que le sacré ? Le mot qui le définit nerévèle-t-il pas l’idée d’une « séparation » entre

les différents éléments constituant le monde qui nousentoure ? Le sacré caractérise alors ce qui est séparédu monde dans lequel nous vivons, et représente cequi est inaccessible. C’est quelque chose qui est endehors…

Mais qu’est-ce qui est séparé du créé, du manifesté,si ce n’est le monde de l’Esprit, en un mot : le Divin ?Un lieu sacré devient alors un lieu où souffle l’Esprit,un lieu de la manifestation de la Parole. C’est ainsique dans les temps bibliques, l’Éternel se manifesta àMoïse dans le buisson ardent, en lui disant : « Retiretes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens estune terre sainte » (Exode, 3, 2).

Mais comment atteindre le sacré ? Depuis l’originedes temps, les sociétés initiatiques traditionnelles ontdonné différents moyens d’y accéder : par l’initiationaux mystères, mais aussi par la compréhension dumythe, et du monde des symboles. La mythologiedans l’Antiquité, mais aussi les religions, de religareen latin, nous « relient » avec les entités célestes, an-géliques, divines.

Depuis quand le sacré ? Peut-être depuis le jour oùl’homme prit conscience de l’existence d’une dimen-sion qui dépasse son entendement. Une dimensionavec laquelle il lui est néanmoins possible de com-muniquer. Ce jour-là est né ce que l’on nomme le sacré.

Qu’ils soient d’origine païenne ou christianisés parl’Église, il existe un peu partout dans notre pays, deslieux où cette rencontre fut possible, lieux prédestinés,peut-être, ou lieux choisis par des « puissances invisi-bles ». Nous découvrons alors, en ces endroits, unesource d’eau vive, une forêt profonde, une caverneou grotte obscure, où il se passe « quelque chose »…Mais il peut s’agir aussi d’une construction humaine,qui deviendra un site sacré, un temple bâti quelquepart où, un jour, il s’est déroulé un phénomène inex-

pliqué : une apparition, une manifestation du divin.En ces lieux de « mystère », baignés très certainementde courants énergétiques inconnus, se sont vus asso-ciés des cultes traditionnels et des croyances ances-trales.

Mais dès qu’un lieu sera reconnu comme sacré,c’est-à-dire comme manifestation du divin, leshommes voudront lui rendre un culte particulier – leculte étant un moyen d’adoration et de communica-tion avec le sacré. L’homme y élèvera une pierre, quideviendra un autel où l’on offrira peut-être un sacri-fice (= « créer du sacré ») à une entité transcendantalequi sera interprétée alors comme une divinité.

Quels sont, en France, les lieux de ces différentesmanifestations du sacré ? Les dolmens et enclos pa-roissiaux de Bretagne ; les arbres sacrés de la forêt deBrocéliande ; les grottes et cavernes préhistoriquesde la Dordogne ou de l’Ardèche, et leurs peinturesrupestres ; les églises où l’on découvre ces mystérieusesVierges noires ; la pierre noire « des fièvres » de la ca-thédrale du Puy ; la cathédrale de Chartres et son la-byrinthe ou le « puits des Saints-Forts » ; les curieuseslanternes des morts de la Haute-Vienne ou de laCreuse ; l’église de La Chaise-Dieu avec sa Danse ma-cabre et son étrange sarabande ; les étapes de Saint-Jacques sur les chemins de Compostelle, où l’on dé-couvre une géographie sacrée parsemée de lieux sacrésconservant des reliques de saints ; la figure de prouedu Mont-Saint-Michel, surgissant de la mer ; etc. Telssont les lieux sacrés, innombrables lieux de mystèresque recèle notre pays…

Un monde, que l’on croyait disparu, semble resurgirsous nos yeux d’un univers parallèle au pays de Des-cartes et d’Auguste Comte… Un monde qui auraitdonc subsisté à l’ombre du rationalisme ?

Au début de notre ère, l’Église, ne pouvant triom-pher complètement du paganisme, essaya bien decontrôler les pratiques superstitieuses des populations,

Avant-propos

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Guide des grands sites sacrés en France

en assimilant et christianisant, petit à petit, les cultespaïens du feu, de l’eau ou des pierres. Une chapellesera bâtie et l’on mettra une croix près d’un lieu deculte druidique, près d’une source miraculeuse, oud’une divinité du panthéon celte ou romain. Les feuxde la Saint-Jean remplaceront l’adoration de l’astredu jour et le vieux culte solaire du dieu Janus des Ro-mains, au jour des solstices. Mais cela n’empêcherapas ces anciens rites païens de continuer d’exister,d’une manière souterraine, en marge du christianisme.

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Nous avons voulu présenter notre Guide des sites sacrés de la France région parrégion, c’est-à-dire selon les vingt-deux régionsadministratives qui découpent notre pays :Alsace – Aquitaine – Auvergne – Bourgogne –Bretagne – Région Centre – Champagne-Ardenne – Corse – Franche-Comté– Île-de-France – Languedoc-Roussillon –Limousin – Lorraine – Midi-Pyrénées – Basse-Normandie – Haute-Normandie – Nord-Pas-de-Calais – Pays de la Loire –Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) – Picardie – Poitou-Charentes – Rhône-Alpes.

C omme en France tout commence à Paris, ettout y aboutit, ce guide s’ouvre sur la région

Paris-Île-de-France. Les autres régions sont rassemblées par secteurs géographiques. Le Centreregroupe : Région Centre, Auvergne, Limousin. –L’Ouest : Bretagne, Basse et Haute-Normandie, Paysde la Loire. – L’Est : Champagne-Ardenne, Lorraine,Alsace, Bourgogne, Franche-Comté. – Le Nord : Picardie et Nord-Pas-de-Calais. – Le Sud-Ouest :Poitou-Charentes, Aquitaine, Midi-Pyrénées. – Le Sud-Est : Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes,Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse. C’est danscet ordre que vous les trouverez présentées.

Pour chacune de ces régions, nous avons décritun certain nombre de sites sacrés particuliers, quel’on peut ranger sous les catégories suivantes :

Cathédrales, abbayes, monastères et églises re-marquables. – Lieux de culte des saints et de pèle-rinage. – Cloîtres. – Calvaires. – Labyrinthes. –Pierres levées (menhirs et dolmens), grottes pré-historiques. – Sources, fontaines et forêts sacrées.– Vierges noires. – Lanternes des morts. – Dansesmacabres.

Tous les types de sites ne sont pas obligatoirementprésents dans une région donnée. Nous pouvons,dans une région, en rencontrer quelques-uns, maisrarement la totalité.

Un index par type de sites (ex. : les lanternes desmorts, les Vierges noires, la Danse macabre, etc.)est placé en fin d’ouvrage. Cet index étant classépar thème, le lecteur pourra facilement orienter sarecherche en fonction d’une thématique qui l’in-téresse en particulier. Par exemple, s’il veut ensavoir plus sur les « Vierges noires », il trouveradans l’index toutes les églises et tous les lieux oùl’on a rencontré ces vénérées madones. Mais, unproblème se posait : ces Vierges noires se rencon-trent en des lieux forts divers, en Auvergne, essen-tiellement, mais aussi à Chartres (Eure-et-Loir), àRocamadour (Lot), à Guingamp (Côtes-d’Armor), etc. Il eût été peu pratique de répéterchaque fois ce que nous savons sur elles, sur leurorigine possible, leur sens symbolique, ce qu’ellesreprésentent, leur histoire… Aussi avons-nous réunices généralités avant chaque index thématique(pierres levées, Danse macabre, labyrinthes, etc.) ;le lecteur pourra facilement s’y reporter et trouveradans le cours de l’ouvrage les descriptions particu-lières de chaque site.

Ce « tour de France » des lieux du sacré, régionpar région1, auquel nous invitons le lecteur, nousfera découvrir des constructions dédiées au sacré :temples chrétiens (églises, abbayes, cathédrales,basiliques), mais aussi appartenant à d’autres reli-gions ; mosquées, synagogues, temples bouddhistes.Au fil des pages, nous découvrirons aussi d’ancienscultes populaires toujours bien vivants, en des lieuxenvironnés de mystère, véritables réceptacles dusacré, tels que les sources, les pierres levées (oumégalithes), que le christianisme n’a pas réussi àéclipser. Et l’on pourra finalement se demander sil’homme, depuis la nuit des temps, ne cultiveraitpas un jardin secret lui permettant de communiqueravec les puissances célestes, en des lieux mystérieuxreliant le Ciel et la Terre.

Introduction

1 Il y a vingt-deux régions métropolitaines.

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La région Île-de-France regroupe huitdépartements : l’Essonne, les Hauts-de-Seine,Paris, la Seine-Saint-Denis, la Seine-et-Marne,le Val-de-Marne, le Val-d’Oise, les Yvelines.

Cette région est surtout dominée par la présencede Paris, la Ville lumière, capitale historique de la

France, et trésor de sites religieux de toutes confes-sions, dont certains étaient déjà présents au débutde notre ère. C’est en Île-de-France que virent le jourles premières voûtes d’ogives, qui sortirent des chan-tiers « gothiques » dans les premières décennies duXIIe siècle. N’oublions pas que c’est à Saint-Denis, labasilique du premier évêque (martyr) de Lutèce, queSuger avait fait bâtir en 1144 le tout premier édificeconçu selon « l’art nouveau » de l’époque, c’est-à-dire « l’art gothique », qui fera école par la suite. Labasilique de Saint-Denis deviendra plus tard la « né-cropole des rois de France ». Mais Paris recèle biendes sites sacrés apparus à différentes époques de sonhistoire.

On ne peut manquer d’évoquer le Sacré-Cœur deMontmartre, le monument le plus visité par les tou-ristes, après le Louvre et la tour Eiffel ; la cathédraled’Évry, construite selon des conceptions futuristes,abandonnant la croix latine pour le cercle, imagesymbolique des premiers chrétiens ; la grande syna-gogue de Paris ; la grande mosquée de Paris, et celled’Évry-Courcouronnes, une des plus grandes d’Europe,mais aussi la grande pagode de Vincennes, etc. Unetelle concentration de lieux de culte si différents faitde Paris et de la région Île-de-France, un regroupe-ment exceptionnel de sites sacrés.

La « géographie sacrée » de Paris

« La prédestination géographique d’un lieu – avaitécrit Jean Phaure2 – semble souvent n’être que le vi-sage visible d’une intention plus secrète et plus divine,que les hommes sont par la suite, et presque toujours

inconsciemment, amenés à accomplir. »En effet, d’après les spécialistes de l’ésotérisme, la

capitale française serait bâtie selon une « géographiesacrée », un ordre architectural parfait3. Reproduitsiècle après siècle, cet ordonnancement semble au-jourd’hui être brisé !

Au-delà de la simple orientation géographique, lesaxes de la ville recouvrent chacun une fonction par-ticulière. L’axe est-ouest aurait, dès l’Antiquité, tracéune séparation géographique entre les institutionssacrées et profanes de la ville, tandis que l’axe nord-sud aurait pour fonction de différencier le pôle éco-nomique et social (au nord) et le pôle du savoir (ausud). Ces axes ne seraient donc pas le fruit du hasard,mais seraient le résultat de la « conjugaison de la vo-lonté humaine avec l’inspiration spirituelle de ses bâ-tisseurs tout au long des siècles »…

La cathédrale Notre-Dame de Paris (classée au patrimoine mondial par l’Unesco)

Notre-Dame de Paris4 est l’un des sites qui symbo-lisent le mieux cette notion de « géographie sacrée »,que nous venons de rappeler. Elle n’a pas été bâtien’importe où, mais sur l’île de la Cité, en sa pointeorientale, c’est-à-dire sur le lieu prédestiné à porterdes monuments religieux, qui se sont succédé depuisl’occupation romaine et le paganisme. Sa nef a étéconstruite selon l’orientation de l’axe est-ouest, dusoleil levant au soleil couchant. Tout cela n’est pas lefait du hasard ! Prise a contrario, cette orientationouest-est, comme celle de toutes les églises chré-tiennes, peut être considérée comme le parcoursobligé du croyant, s’acheminant des Ténèbres (ported’occident) vers la Lumière (l’orient représenté par lechœur).

Paul Claudel avait écrit : « Paris est une grande ruequi descend vers Notre-Dame. » C’est résumer en unesimple phrase toute l’importance qu’a pu revêtir la

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2 Jean Phaure, Introduction à la géographie sacrée de Paris – Barque d’Isis, Éd. duBorrego, 1993.

3 Voir à ce sujet notre Guide des monuments mystérieux de Paris, paru auxéditions Trajectoire en avril 2009.4 Consulter notre ouvrage Le Moyen Âge des cathédrales (Trajectoire, 2007) pourplus de renseignements sur Notre-Dame de Paris.

I – PARIS-ÎLE-DE-FRANCE

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cathédrale parisienne. Elle est le centre névralgiquede la France : toutes les routes nationales en partent,toutes nous y reconduisent.

Quelle est donc son histoire ?

Une première église fut bâtie à l’emplacement d’untemple païen dès le début du christianisme en Gaule(IVe siècle). Ceci est attesté par des autels de pierre,retrouvés lors de fouilles, sur lesquels étaient repré-sentées des effigies de Jupiter, Vulcain et diverses di-vinités païennes. D’autres églises furent bâties là aucours des temps, avant d’arriver à celle que l’on voitaujourd’hui, dont la première pierre fut posée en 1163par le pape Alexandre III, Maurice de Sully étant alorsévêque de Paris. Ce dernier eut une responsabilitéimportante dans cette construction. Toutefois, morten 1196, il ne verra pas l’achèvement de sa cathédrale,qui se fera dans les années 1200 pour arriver jusqu’àla façade, et en 1250 pour l’édification des tours etl’achèvement des sculptures de la façade et des por-tails. Il faudra encore un bon siècle pour édifier leschapelles, qui forment une sorte de cordon autourde la cathédrale, et voir ériger les grandioses arcs-boutants du chevet.

Notre-Dame connut bien des vicissitudes au coursdes siècles. Les XVIIe et XVIIIe siècles la maltraitèrent envoulant la mettre au (mauvais) goût du jour : on sup-prima le jubé, les stalles médiévales, les vitraux duXIIIe siècle, sous prétexte d’y faire entrer la lumière, onl’affubla d’une Pietà entre les statues agenouillées deLouis XIII et de Louis XIV, etc. La Révolution la dédia

au culte de la Raison, et Robespierre au culte de l’Êtresuprême. Il fallut attendre le XIXe siècle et Viollet-le-Duc pour que soit restauré l’édifice alors en ruines, etqui faillit en outre disparaître complètement sous laCommune.

Description de Notre-Dame

Le visiteur qui contemple la façade de Notre-Damede Paris est d’abord frappé par l’harmonie qui s’endégage. Cette façade est sensiblement carrée, tandisque deux hautes tours l’encadrent sur les côtés. Entreles deux tours s’élève dans le ciel de la capitale lamagnifique flèche de la croisée de la nef et du tran-sept. Cette dernière, de construction récente, en char-pente métallique, est l’œuvre de Viollet-le-Duc etdate du XIXe siècle.

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Les Arènes de Lutèce.

Notre-Dame de Paris (vue du chevet et des arcs-boutantsdu XIVe siècle).

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Au rez-de-chaussée s’ouvrent trois magnifiquesportails. Au-dessus de ces derniers se déroule la galeriedes rois. Ces rois sont ceux de Judée, mentionnés parsaint Mathieu comme descendant de Jessé et ancêtresde Jésus-Christ. Ils sont au nombre de vingt-huit etse détachent d’une arcature ou galerie horizontale.Puis, on voit la magnifique rose occidentale, devantlaquelle nous pouvons apercevoir la Vierge, entouréede deux anges. Une seconde galerie se détache au-dessus de la rose, très haute et entièrement ajourée.Enfin, on aperçoit le sommet des tours qui culminentà soixante-trois mètres. Le visiteur courageux quivoudrait y accéder peut gravir les trois cent soixante-seize marches d’un escalier à vis, logé dans une destours !

Quel visiteur de Notre-Dame n’a pas été surpris devoir, perchées sur les rampes de la balustrade de lacathédrale, d’étranges chimères qui semblent être lesreprésentantes de mondes infernaux, et qui seraient

arrivées en cet endroit pour ne point en repartir. Enfait, elles ne sont pas toutes, comme on le pense àtort, sorties de l’imagination de Viollet-le-Duc. Le gé-nial architecte dit s’être inspiré des statues originales,rongées par le temps, et dont les restes sont encorevisibles au musée de Cluny.

Les trois portails sont tous différents. Le portail degauche, ou « portail de la Vierge », est le plus ancien ;puis fut édifié le portail central, ou « portail du Juge-ment dernier » ; enfin, ce fut le tour du « portail deSainte-Anne » ou « de Saint-Marcel ». Dans chacund’eux s’ouvrent deux entrées équipées de magnifiquesportes, couvertes de splendides pentures ou ferrures,fixées sur les portes pour renforcer leur rigidité. Enfin,chacune des deux entrées est séparée par une ma-çonnerie appelée trumeau, supportant une statue.

Le portail de Sainte-Anne présente au tympan Marieassise avec l’Enfant sur ses genoux. En dessous figurentdeux linteaux présentant différentes scènes de la viede Marie et de Jésus. Au trumeau, on peut voirl’évêque saint Marcel enfonçant sa crosse dans lagueule d’un monstre sortant d’un tombeau ouvert,allégorie qui a fait l’objet d’interprétations diverses.

Le portail de la Vierge est entièrement consacré àMarie. Il met en scène les derniers moments de sa vieterrestre : sa mort, sa résurrection et son couronne-ment au ciel.

Le portail du Jugement nous montre la scène duJugement dernier où le Christ, au sommet du tympan,apparaît en juge, le regard sévère, présidant à la peséedes âmes séparant les élus des damnés. Le trumeaunous montre le Christ tenant de la main gauche unlivre fermé, et bénissant de la droite. Le socle qui sup-porte Jésus au trumeau est orné des Arts libéraux(trivium et quadrivium). En bas du socle, on peut voirun petit médaillon universellement connu, où figureune femme assise : c’est Cybèle ou la Philosophie(voir page 15).

Cet immense livre de pierre qu’est Notre-Dame deParis est susceptible de différents niveaux d’interpré-tation. Des mystères hermétiques se cachent-ils dansles diverses sculptures et médaillons du portail central

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Région Île-de-France

Viollet-le-Duc (dedos) au pied de laflèche de Notre-Dame de Paris.

Cybèle de Notre-Dame de Paris, figure

emblématique de la cathédrale.

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ou du portail du Jugement ? Oui, répondent les al-chimistes, qui montrent en particulier que les mé-daillons des vices et des vertus, situés de part etd’autre du Christ au trumeau, dévoilent, à ceux quisavent les lire, les différentes étapes du Grand Œuvrealchimique. Oui, répondent-ils encore lorsque l’onconsidère le portail de Sainte-Anne, où l’évêque (saintMarcel) terrassant le dragon représente une étapeimportante de l’œuvre alchimique, celle où la matièrese trouve séparée en ses divers éléments, celle où lemercure philosophique se forme dans les flammessous les traits du grand dragon babylonien de NicolasFlamel.

L’abside de Notre-Dame fut bâtie avant l’inventiondes arcs-boutants. La cathédrale n’était alors épauléeque par ses tribunes internes, qui servaient à équilibrerles poussées des voûtes.

On décida de reconstruire la nef en 1230 et d’y éri-ger des arcs-boutants (technique inventée à la fin duXIIe siècle). Puis, on décidera d’entourer la cathédraled’une ceinture de chapelles, qui seront terminées en1330. En 1344, l’architecte Jean Ravy construira lesarcs-boutants du chevet (absolument uniques : 15 mde volée !) qui donnent à Notre-Dame l’allure d’unecoque de navire renversée.

Notre-Dame de Paris est construite sur un plan trèssimple, celui d’une croix latine. Elle a été en son tempsla plus vaste cathédrale de France, surtout grâce àses tribunes qui pouvaient accueillir beaucoup demonde. Ses dimensions et surtout la hauteur de sesvoûtes faisaient l’admiration de ses contemporains.Seules les cathédrales qui furent édifiées à partir duXIIIe siècle la dépassèrent.

Le chœur est la partie la plus ancienne. On peutpartir de cet endroit et cheminer ainsi jusqu’à la partiela plus récente, c’est-à-dire le bout de la nef vers l’in-térieur de la façade ouest, et voir ainsi l’évolution del’art religieux au cours des ans. Le chœur est entourépar une clôture ornée sur sa face extérieure par destableaux sculptés qui représentent, au nord, des scènesrappelant l’enfance de Jésus, tandis qu’au sud sontreprésentées les apparitions de Jésus à ses disciples.Toutes ces scènes sont polychromes. Les deux bras du

transept sont admirables. Ils sont l’un et l’autre mag-nifiés par une rosace. Nous avons ici les plus grandesqui ont été faites à cette époque (13 m de diamètre).La rose nord est aujourd’hui telle qu’elle fut taillée etmise en place au XIIIe siècle. La rose sud a beaucoupplus souffert du temps, et doit sa survie à la restau-ration de Viollet-le-Duc au XIXe siècle.

Avant de quitter la cathédrale, le visiteur devrajeter un œil sur une sculpture de la Vierge, dite « Viergede Notre-Dame » : elle provient d’une chapelle qui setrouvait dans l’île de la Cité, la chapelle Saint-Aignan.

Un édifice aussi sublime que Notre-Dame a faitl’objet de nombreuses légendes. Le peuple du MoyenÂge faisait souvent appel au merveilleux pour justifierles prouesses techniques des bâtisseurs des cathédralesgothiques. Ainsi les Anges de Notre-Dame qui seraientvenus en aide au bon Maurice de Sully, alors que lesouvriers du chantier se seraient arrêtés de travailler ;

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Rosace occidentale de Notre-Dame de Paris (La Vierge etles Anges).

Notre-Dame de Paris (Chevet de nuit).

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ainsi le serrurier Biscornet qui aurait fait appel audémon pour l’aider à ferrer les fameuses pentures desportails ; ainsi la légende de saint Marcel qui auraitterrassé un dragon qui troublait le calme de la paisibleLutèce, et l’aurait obligé à retourner dans la Seine.Ainsi, enfin, la légende de Guillaume de Paris, qui au-rait enfermé la pierre philosophale dans un des piliersde la nef de la cathédrale, et dont un corbeau duportail de la Vierge, aujourd’hui disparu, indiquait duregard l’endroit de la nef où était caché ce fabuleuxtrésor…

La cathédrale est un « miroir du monde ». Miroirde l’histoire. L’histoire biblique d’abord, l’histoire pro-fane ensuite. Miroir de la nature avec une représen-tation du zodiaque et des travaux des champs, de lafaune et de la flore, ainsi que des animaux fantas-tiques nés de l’imaginaire médiéval. Miroir dessciences, enfin, que le Moyen Âge avait scindées endisciplines de l’esprit (trivium), représentées par larhétorique, la dialectique et la grammaire, et disci-plines de la matière (quadrivium), avec l’arithmétique,la géométrie, l’astronomie et la musique. Toutes cessciences étant couronnées par la philosophie. Cettedernière apparaissant sous la forme d’un petit mé-daillon sculpté au pied du trumeau du portail du Ju-gement. On lui a donné différents noms : Cybèle,l’Alchimie, la Philosophie. C’est une femme assise surun trône, tenant un sceptre de la main gauche etdeux livres dans la main droite, l’un ouvert et l’autrefermé. Sa tête est dans les nuées tandis que ses piedssont solidement campés sur le sol. Devant elle, figureune échelle à neuf barreaux – l’échelle philosophique– symbolisant, peut-être, les neuf degrés de l’initia-tion d’une société hermétique aujourd’hui disparue.

La tour Saint-Jacques de ParisLa tour Saint-Jacques est ce qui reste d’une église

démolie à la Révolution : l’église Saint-Jacques-de-la-Boucherie. Ce nom vient de la corporation desbouchers, qui ont constitué pendant tout le MoyenÂge la majeure partie des paroissiens de cette église.Mais, à partir du XIVe siècle, cette église eut un pa-roissien dont le nom est devenu célèbre : NicolasFlamel, le plus connu des alchimistes parisiens, donton peut voir l’étrange pierre tombale au musée de

Cluny à Paris. Saint-Jacques-de-la-Boucherie, et,plus précisément sa tour, était aussi au Moyen Âgele lieu de rassemblement des pèlerins venus desprovinces du Nord, de la Bretagne et de la Nor-mandie, qui convergeaient vers Paris pour se rendreau-delà des Pyrénées à Saint-Jacques-de-Compos-telle. Le départ avait lieu le dimanche des Rameaux,après la messe matinale, tandis que dehors, du hautde l’immense tour, la statue de saint Jacques le Ma-jeur semblait donner la bénédiction aux milliers de« jacquaires ».

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Région Île-de-France

La Tour Saint-Jacques.

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Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg (Région Alsace)

Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg (Région Alsace)

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Abbatiale Saint-Sernin de Toulouse (Région Midi-Pyrénées)

Cathédrale Saint-Lazare d’Autun (Région Bourgogne)

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