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FRANCOPHONIE ENTRETIENS JACQUES-CARTIER CAHIER THÉMATIQUE G LE DEVOIR, LES SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 SEPTEMBRE 2014 L’Hôtel-Dieu de Lyon, une inspiration pour l’Hôtel-Dieu de Montréal ? Page G 2 Entrevue croisée avec les maires Gérard Collomb et Denis Coderre Page G 3 Les Entretiens du Centre Jacques-Cartier se tiennent cette année du 5 au 10 octobre dans la métropole québécoise. Cet espace d’échange, à la base entre Montréalais et Lyonnais puis internationalisé au fil des ans, présentera aussi des colloques à Québec, Sherbrooke et Ottawa. Un minimum de 3000 participants est attendu, dont 750 conféren- ciers provenant de 27 pays. MARTINE LETARTE L a programmation des Entretiens du Centre Jacques-Cartier, où des col- loques sont organisés sur de grands thèmes scientifiques, technologiques, sociaux, culturels, économiques et politiques, est grandement influencée cette année par l’ar- rivée de nouveaux partenaires. Les Fonds de recherche du Québec (FRQ) sont du lot. Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec, a signé avec le Centre Jacques- Cartier une convention de trois ans. Déjà, la collaboration est commencée.« Avec les FRQ, nous organisons le colloque Mobilisation des connaissances pour l’innovation sociale », in- dique Alain Bideau, délégué général du Centre Jacques-Cartier. De plus, deux colloques des 27 es Entretiens soulignent le 50 e anniversaire du FRQ – Santé et de l’Institut national de la santé et de la re- cherche médicale (Inserm). L’un porte sur les cellules souches et le cancer, l’autre sur la place de la recherche en santé publique. L’Inserm fait aussi partie des nouveaux par- tenaires du Centre Jacques-Cartier. Une convention sera également signée avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), assure Alain Bideau. « Déjà cette année, nous avons organisé deux colloques pointus avec les unités mixtes interna- tionales du CNRS en nanotechnologies et en ma- thématique, affirme-t-il. Nous organisons aussi le colloque en énergie sur la gestion des réseaux et l’électrification des transports avec le CNRS, Polytechnique Montréal et l’École de technologie supérieure (ÉTS). Pas moins de 40 chercheurs du CNRS prennent part à la programmation cette année. » Alors que les maires de Montréal et de Lyon profiteront de ces 27 es Entretiens pour redyna- miser leur collaboration, un colloque portera sur un enjeu qu’on retrouve dans les deux villes : le changement de vocation de l’Hôtel- Dieu. Lors du colloque Métropoles et patri- moine institutionnel : les enjeux de la reconver- sion, Albert Constantin, architecte lyonnais responsable de la reconversion de l’Hôtel-Dieu de Lyon, fera une présentation publique, le 6 octobre en soirée. Il sera suivi de Jacques La- chapelle, professeur à l’École d’architecture de l’Université de Montréal, pour une présenta- tion des enjeux de la conversion de l’Hôtel- Dieu de Montréal. « Ce colloque est organisé avec notre parte- naire la Fondation Stewart Macdonald », pré- cise Alain Bideau en soulignant le soutien fi- nancier des 27 es Entretiens par le gouverne- ment du Québec malgré un contexte budgé- taire difficile. Un autre colloque portera sur la persévé- rance scolaire. « Il est financé par la Fondation Lucie et An- dré Chagnon, et l’un des organisateurs est Mi- chel Janosz, directeur du Groupe de recherche sur les environnements scolaires de l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal (UdeM), indique Alain Bideau. Son approche de lutte contre le décrochage scolaire sera d’ail- leurs expérimentée par l’Académie de Rouen, dans la région de Haute-Normandie. Cette ini- tiative fait suite à un colloque sur le même thème l’an dernier.» Médias, droits et relève entrepreneuriale Le colloque Médias et francophonie : mo- dèles d’affaires et nouveaux publics présen- tera pour sa part, en conférence, des person- nalités importantes des médias québécois, comme Sylvain Lafrance, ancien vice-prési- dent principal des services français de Radio- Canada, aujourd’hui directeur du Pôle médias à HEC Montréal, Guy Crevier, président et éditeur de La Presse, et Bernard Descôteaux, directeur du Devoir. Toujours dans le domaine social, un col- loque organisé avec la Fondation Trudeau portera sur l’avenir des droits de la personne chez les lesbiennes, gais, bisexuels, trans- genres et queers. En économie maintenant, un colloque por- tera sur la relève dans les PME et la succession d’entreprises familiales à HEC Montréal avec comme partenaire la Caisse de dépôt et place- ment du Québec. Alain Bideau souligne que six ministres pro- vinciaux feront des interventions dans l’un ou l’autre des colloques. Au total, on attend 400 conférenciers québé- cois et 225 français, dont 75 de la région de Rhône-Alpes. Les autres proviendront du reste du Canada, de la Belgique, de la Suisse, du reste de l’Europe, du bassin du Mékong, d’Amérique latine et des États-Unis. Doctorat honoris causa à Jacques Parizeau La cérémonie d’ouverture se tiendra le 5 oc- tobre au Parquet CDP Capital, où Jacques Pa- rizeau, ex-premier ministre du Québec, rece- vra un doctorat honorifique de l’UdeM. L’Uni- versité du Québec à Montréal (UQAM) remet- tra un doctorat honoris causa à Bernard Ren- tier, recteur sortant de l’Université de Liège. La médaille du Centre Jacques-Cartier sera remise à Nathalie Bondil, directrice et conser- vatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal, à Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec, à Robert Proulx, recteur de l’UQAM, à Alan Shepard, recteur et vice-chan- celier de l’Université Concordia, puis à Jean Choquette, directeur à la planification straté- gique et aux relations gouvernementales à Po- lytechnique Montréal. Jean-William Pape, directeur du Groupe haï- tien d’étude du sarcome de Kaposi et des in- fections opportunistes, prendra la parole lors de la soirée sur le thème de la santé globale en Haïti. Il fait partie du comité scientifique du colloque présenté avec la Fondation Mérieux à Haïti en février. Une relève pour 2015 Les partenaires du Centre Jacques-Cartier travaillent cette année sur une grande réflexion stratégique qu’ils souhaitent mettre en place en 2015 pour pérenniser l’organisation. « Un élé- ment important sera de recruter un délégué gé- néral et un adjoint comme relève » , explique Alain Bideau. Il souhaite ainsi assurer une bonne transi- tion, puis s’affranchir de certaines responsabili- tés matérielles et financières du Centre afin de se concentrer sur les défis intellectuels et la re- cherche de nouveaux partenaires. Collaboratrice Le Devoir 27 E ANNIVERSAIRE DES ENTRETIENS DU CENTRE JACQUES-CARTIER Le regard tourné vers l’avenir JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le délégué général du Centre Jacques-Cartier, Alain Bideau, indique que six ministres provinciaux participeront à des colloques. JACQUES NADEAU LE DEVOIR Montréal accueillera les Entretiens du Centre Jacques-Cartier cette année. La cérémonie inaugurale aura lieu le dimanche 5 octobre 2014 à la Caisse de dépôt et placement du Québec.

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Page 1: FRANCOPHONIE - Le Devoir · ENTRETIENS JACQUES-CARTIER G 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 SEPTEMBRE 2014 PIERRE VALL E L e Grand H tel-Dieu de Lyon, un h pital dont lÕori-gine

FRANCOPHONIEENTRETIENS JACQUES-CARTIER

C A H I E R T H É M A T I Q U E G › L E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 7 E T D I M A N C H E 2 8 S E P T E M B R E 2 0 1 4

L’Hôtel-Dieu deLyon, une inspirationpour l’Hôtel-Dieude Montréal ?Page G 2

Entrevue croiséeavec les mairesGérard Collomb etDenis Coderre Page G 3

Les Entretiens du Centre Jacques-Cartier setiennent cette année du 5 au 10 octobre dansla métropole québécoise. Cet espaced’échange, à la base entre Montréalais etLyonnais puis internationalisé au fil des ans,présentera aussi des colloques à Québec,Sherbrooke et Ottawa. Un minimum de 3000participants est attendu, dont 750 conféren-ciers provenant de 27 pays.

M A R T I N E L E T A R T E

L a programmation des Entretiens duCentre Jacques-Car tier, où des col-loques sont organisés sur de grandsthèmes scientifiques, technologiques,

sociaux, culturels, économiques et politiques,est grandement influencée cette année par l’ar-rivée de nouveaux partenaires.

Les Fonds de recherche du Québec (FRQ)sont du lot. Rémi Quirion, scientifique en chefdu Québec, a signé avec le Centre Jacques-Cartier une convention de trois ans. Déjà, lacollaboration est commencée.« Avec les FRQ,nous organisons le colloque Mobilisation desconnaissances pour l’innovation sociale », in-dique Alain Bideau, délégué général du CentreJacques-Cartier.

De plus, deux colloques des 27es Entretienssoulignent le 50e anniversaire du FRQ – Santéet de l’Institut national de la santé et de la re-cherche médicale (Inserm). L’un porte sur lescellules souches et le cancer, l’autre sur la placede la recherche en santé publique.

L’Inserm fait aussi partie des nouveaux par-tenaires du Centre Jacques-Cartier.

Une convention sera également signée avecle Centre national de la recherche scientifique(CNRS), assure Alain Bideau.

« Déjà cette année, nous avons organisé deuxcolloques pointus avec les unités mixtes interna-tionales du CNRS en nanotechnologies et en ma-thématique, affirme-t-il. Nous organisons aussile colloque en énergie sur la gestion des réseauxet l’électrification des transports avec le CNRS,Polytechnique Montréal et l’École de technologiesupérieure (ÉTS). Pas moins de 40 chercheursdu CNRS prennent par t à la programmationcette année. »

Alors que les maires de Montréal et de Lyonprofiteront de ces 27es Entretiens pour redyna-miser leur collaboration, un colloque porterasur un enjeu qu’on retrouve dans les deux

villes : le changement de vocation de l’Hôtel-Dieu. Lors du colloque Métropoles et patri-moine institutionnel : les enjeux de la reconver-sion, Albert Constantin, architecte lyonnaisresponsable de la reconversion de l’Hôtel-Dieude L yon, fera une présentation publique, le6 octobre en soirée. Il sera suivi de Jacques La-chapelle, professeur à l’École d’architecture del’Université de Montréal, pour une présenta-tion des enjeux de la conversion de l’Hôtel-Dieu de Montréal.

« Ce colloque est organisé avec notre parte-naire la Fondation Stewart Macdonald », pré-cise Alain Bideau en soulignant le soutien fi-nancier des 27es Entretiens par le gouverne-ment du Québec malgré un contexte budgé-taire difficile.

Un autre colloque por tera sur la persévé-rance scolaire.

« Il est financé par la Fondation Lucie et An-dré Chagnon, et l’un des organisateurs est Mi-chel Janosz, directeur du Groupe de recherchesur les environnements scolaires de l’École depsychoéducation de l’Université de Montréal(UdeM), indique Alain Bideau. Son approchede lutte contre le décrochage scolaire sera d’ail-

leurs expérimentée par l’Académie de Rouen,dans la région de Haute-Normandie. Cette ini-tiative fait suite à un colloque sur le mêmethème l’an dernier. »

Médias, droits et relèveentrepreneuriale

Le colloque Médias et francophonie : mo-dèles d’af faires et nouveaux publics présen-tera pour sa part, en conférence, des person-nalités impor tantes des médias québécois,comme Sylvain Lafrance, ancien vice-prési-dent principal des services français de Radio-Canada, aujourd’hui directeur du Pôle médiasà HEC Montréal, Guy Crevier, président etéditeur de La Presse, et Bernard Descôteaux,directeur du Devoir.

Toujours dans le domaine social, un col-loque organisé avec la Fondation Trudeauportera sur l’avenir des droits de la personnechez les lesbiennes, gais, bisexuels, trans-genres et queers.

En économie maintenant, un colloque por-tera sur la relève dans les PME et la successiond’entreprises familiales à HEC Montréal aveccomme partenaire la Caisse de dépôt et place-

ment du Québec.Alain Bideau souligne que six ministres pro-

vinciaux feront des interventions dans l’un oul’autre des colloques.

Au total, on attend 400 conférenciers québé-cois et 225 français, dont 75 de la région deRhône-Alpes. Les autres proviendront du restedu Canada, de la Belgique, de la Suisse, dureste de l’Europe, du bassin du Mékong,d’Amérique latine et des États-Unis.

Doctorat honoris causa à JacquesParizeau

La cérémonie d’ouverture se tiendra le 5 oc-tobre au Parquet CDP Capital, où Jacques Pa-rizeau, ex-premier ministre du Québec, rece-vra un doctorat honorifique de l’UdeM. L’Uni-versité du Québec à Montréal (UQAM) remet-tra un doctorat honoris causa à Bernard Ren-tier, recteur sortant de l’Université de Liège.

La médaille du Centre Jacques-Cartier seraremise à Nathalie Bondil, directrice et conser-vatrice en chef du Musée des beaux-ar ts deMontréal, à Rémi Quirion, scientifique en chefdu Québec, à Rober t Proulx, recteur del’UQAM, à Alan Shepard, recteur et vice-chan-celier de l’Université Concordia, puis à JeanChoquette, directeur à la planification straté-gique et aux relations gouvernementales à Po-lytechnique Montréal.

Jean-William Pape, directeur du Groupe haï-tien d’étude du sarcome de Kaposi et des in-fections opportunistes, prendra la parole lorsde la soirée sur le thème de la santé globaleen Haïti. Il fait partie du comité scientifique ducolloque présenté avec la Fondation Mérieuxà Haïti en février.

Une relève pour 2015Les partenaires du Centre Jacques-Cartier

travaillent cette année sur une grande réflexionstratégique qu’ils souhaitent mettre en place en2015 pour pérenniser l’organisation. « Un élé-ment important sera de recruter un délégué gé-néral et un adjoint comme relève », expliqueAlain Bideau.

Il souhaite ainsi assurer une bonne transi-tion, puis s’affranchir de certaines responsabili-tés matérielles et financières du Centre afin dese concentrer sur les défis intellectuels et la re-cherche de nouveaux partenaires.

CollaboratriceLe Devoir

27E ANNIVERSAIRE DES ENTRETIENS DU CENTRE JACQUES-CARTIER

Le regard tourné vers l’avenir

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Le délégué général du Centre Jacques-Cartier, Alain Bideau, indique que six ministres provinciauxparticiperont à des colloques.

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Montréal accueillera les Entretiens du Centre Jacques-Cartier cette année. La cérémonie inaugurale aura lieu le dimanche 5 octobre 2014 à la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Page 2: FRANCOPHONIE - Le Devoir · ENTRETIENS JACQUES-CARTIER G 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 SEPTEMBRE 2014 PIERRE VALL E L e Grand H tel-Dieu de Lyon, un h pital dont lÕori-gine

ENTRETIENS JACQUES-CARTIERL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 7 E T D I M A N C H E 2 8 S E P T E M B R E 2 0 1 4G 2

P I E R R E V A L L É E

Le Grand Hôtel-Dieu deLyon, un hôpital dont l’ori-

gine remonte au Moyen Âge,aujourd’hui désaf fecté, seral’objet ces prochaines annéesd’une importante reconversion.Le maître d’œuvre du projet,l’architecte lyonnais Alber tConstantin, viendra en parler àMontréal lors d’un colloque or-ganisé par Héritage Montréalportant sur la reconversion desbâtiments patrimoniaux.

Situé sur une presqu’île, aucœur de L yon, le Grand Hô-tel-Dieu est bordé à l’est parle Rhône, au sud par la rueDe La Barre et à l’ouest par larue Bellecordière. Le quadri-latère est fermé au nord parun autre édifice, plus récent.L’actuel bâtiment — il nereste plus rien des construc-tions moyenâgeuses — est aufond un ensemble de trois bâ-timents identif iés selon ledôme qui les coif fe. Au nordde cet ensemble, situé en re-trait, on trouve le plus ancienbâtiment datant du XVIIe siè-cle et por tant le nom dedôme des Quatre Rangs,l’édifice formant une croix. Àl’est, donnant sur le Rhône,

se trouve le grand dôme deSouf flot, du nom de l’archi-tecte qui a conçu le bâtiment.Constr uit au XVIIIe siècle,c’est le plus impor tant destrois. Datant du XIXe siècle,le dôme Pascalon, situé ausud et donnant sur la rue DeLa Bar re, vient compléterl ’ensemble. Quant au côtéouest, ce sont les cours ar-rière des bâtiments, au-jourd’hui placardées, qui don-nent sur la rue Bellecordière.

«Ce qui est fascinant avec cetensemble, explique Alber tConstantin, c’est qu’il a subiplusieurs gref fes au fil des siè-cles, mais ces gref fes ont été sibien faites que, aujourd’hui, ona l’impression qu’il s’agit d’unseul et unique bâtiment. »

La proposition ConstantinAu départ, Albert Constan-

tin, qui a eu les coudéesfranches pour la conception decette reconversion, devait ré-pondre à trois contraintes. «LaVille de Lyon voulait voir là unhôtel cinq étoiles, elle ne voulaitpas que cela devienne un projetrésidentiel et il ne devait pas yavoir d’actes médicaux dans lenouvel établissement. »

Il a d’abord choisi de placer

l’hôtel cinq étoiles dans l’édi-fice le plus impor tant, celuidont la façade donne sur leRhône. L’entrée de l’hôtel seraplacée sous le grand dôme deSouf flot et l’hôtel occuperatout le bâtiment. « Il n’y a pasici de rupture de ton puisque legrand dôme de Soufflot est déjàle plus prestigieux des trois. »

La mémoire hospitalière del’édifice sera conservée et lo-gée dans le dôme des Quatre

Rangs, la plus ancienne partie.On y aménagera un centre decongrès à vocation médicale.Des espaces sont prévus pouraccueillir des expositions por-tant sur la médecine et lasanté. On y logera aussi la Citéde la gastronomie, un espaced’exposition, de recherche etd’échange sur la gastronomie.

Le dôme Pascalon seraconverti en espaces à bureaux.Trois nouveaux édifices à bu-reaux, de facture moderne eten verre, occuperont les coursarrière, qui donnent sur la rue

Bellecordière. «Ces cours sontdélabrées et nuisent au dévelop-pement de la rue Bellecordière.Ces trois nouveaux édifices, enplus d’ajouter une toucheXXIe siècle à l’ensemble, servi-ront aussi à redonner son lustreà la rue Bellecordière, qui ducôté ouest est un bel exempled’architecture lyonnaise.»

Les 8000 mètres carrés decours intérieures que l’ontrouve au Grand Hôtel-Dieu

seront désenclavés etdonc accessibles auxL yonnais. Des ter-rasses, des jardins,des lieux de repos,des restaurants occu-peront ces espaces.

De plus, le rez-de-chaussée del’ensemble, sur ses trois fa-çades, sera entièrement dédiéaux activités commerciales.«Une sorte de retour du balan-cier, parce qu’à l’époque deSoufflot, on y trouvait déjà descommerces. Cette activité com-merciale servait à défrayer unepartie des frais de fonctionne-ment de l’hôpital. »

Cette reconversion ma-jeure représente une belle oc-casion pour un architectecomme Alber t Constantin.« Le patrimoine, ce n’est pas

seulement de vieilles pierres àconserver. Il faut être aussi enmesure de dynamiser le patri-moine. La reconversion duGrand Hôtel-Dieu est une oc-casion de changer l’histoired’un bâtiment. En s’appuyantsur l’histoire pour penser l’ave-nir, on peut donner une lignede force et une nouvelle vie àun bâtiment patrimonial. »

Et à Montréal, maintenantDès l’ouverture du nouveau

CHUM, l’Hôtel-Dieu de Mont-réal cessera ses activités hospi-talières et devra être recon-verti. L’exemple de Lyon peut-ilservir? «Dans l’approche, peut-être, avance Dinu Bumbaru,d’Héritage Montréal, mais cer-tainement pas dans la fonction,car je ne vois pas comment l’onpourrait en faire un centre d’ac-tivités commerciales.»

Conclusion à laquelle enest arrivé le groupe d’expertschargés d’étudier cette ques-tion. On propose plutôt d’yloger des institutions liées audomaine de la santé, des lo-caux pour groupes commu-nautaires ainsi que du loge-ment social, en tout genre.« Ce genre de mixité convientdavantage, croit Dinu Bum-

bar u. D’une par t , l ’Hôtel -Dieu a toujours servi lesMontréalais, donc la commu-nauté locale, et la présencedes groupes communautairespréserverait cette fonction.D’autre part, la réputation del’Hôtel-Dieu dépasse les fron-tières de Montréal, et la pré-sence de grandes institutionsde santé lui donnerait une vo-cation nationale. »

Si cer tains pavillons pour-raient être convertis en loge-ments sociaux, le rapport sug-gère aussi d’en construire desneufs dans le stationnementen bordure de la rue Saint-Ur-bain. «Ce serait un juste retourdes choses puisqu’on redonne-rait à cette por tion de la rueSaint-Urbain la trame urbainerésidentielle qu’elle avaitjusqu’aux années 90. »

S’il est trop tôt aujourd’huipour prendre des décisionsdéfinitives, il faut y penser dèsmaintenant. « C’est la raisonpour laquelle nous avons orga-nisé ce colloque aux EntretiensJacques-Cartier. On espère qu’ilpermettra de dégager certainespistes de réflexion. »

CollaborateurLe Devoir

Reconversion du Grand Hôtel-Dieu de Lyon

A N D R É L A V O I E

P endant trop longtemps a régné le « travailen silo » : chacun bricole sa vision du pay-

sage, de la ville et des transports. Les résultats ?Pas toujours heureux, comme en témoignentces autoroutes qui défigurent les cités, cesbanlieues lointaines mal desser vies par lestransports collectifs, ou encore ce flot inces-sant de voitures traversant des quar tiersdensément peuplés.

La question d’un dialogue nécessaire entrel’aménagement du territoire et la planificationdu transport fait de nouveau l’objet d’un col-loque à l’occasion des Entretiens Jacques-Car-tier. Dans cet espace de discussions et de ré-flexions intitulé Intégration urbanisme/trans-port et mobilité : nouveaux projets, nouveauxoutils, qui se tiendra les 6 et 7 octobre pro-chains, peu d’intervenants viendront vanter letravail en silo. L’heure est à la mise en commundes expertises.

Parmi les membres du comité scientifique dece colloque, deux sont par ticulièrementconvaincus des bienfaits de cette approche.Ludwig Desjardins, chef de la planification stra-tégique au programme d’immobilisations etdossiers d’affaires de l’Agence métropolitainede transport (AMT) de Montréal, souhaite que« tout le monde rame dans le même sens», tandisque Dominique Mignot, directeur adjoint àl’Institut français des sciences et technologiesdes transports, de l’aménagement et des ré-seaux (Ifsttar) à Lyon, espère voir un jour la findes «contradictions totales ».

Des deux côtés de l’Atlantique, celles-ci nemanquent pas. « À Paris, déplore DominiqueMignot, on veut doubler le quar tier des af-faires de La Défense alors que le système detransport collectif RER et métro est saturé. Etce n’est pas la première fois qu’on décide d’ins-taller quelque part une entreprise ou un centred’af faires, et qu’ensuite seulement se pose laquestion du transport… »

Partisan de l’approche TOD (transit-orienteddevelopement), « celle de développer en mêmetemps des projets d’urbanisme et de transport, etnon pas de les subir », Dominique Mignot rap-pelle à quel point on part de loin. «Dans le plan

de déplacement urbain de Lyon déposé dans lesannées 1990, sur 30 pages, 29 étaient une odeau développement du transport collectif, et ladernière, c’était la liste de tous les projets routierset autoroutiers qu’il fallait faire dans l’agglomé-ration. » Il rappelle toutefois qu’après Paris,Lyon est la deuxième ville de France où l’offrede transport collectif est la meilleure, résultatd’une « politique volontariste » et qui doit beau-coup aux «pressions des groupes environnemen-taux et des citoyens».

Parmi les grandes réussites lyonnaises, Do-minique Mignot cite en exemple l’aménage-ment du quartier Confluences dominé par l’im-posant et futuriste Musée des Confluences.« Situé entre le [fleuve] Rhône et la [rivière]Saône, au sud de la gare de Lyon-Perrache, il n’yavait que des camions et des entrepôts dans cettezone. Tout a été réfléchi et transformé en l’espaced’une quinzaine d’années. Le transport collectifdomine et on a conçu une véritable politique dedéveloppement du quartier : bâtiments à hautequalité environnementale, logements sociaux de

qualité, etc. C’est un véritable quartier modèle,où la desserte et la construction ont été conçuesen même temps. »

Ces réussites nécessitent beaucoup deconcertation, et beaucoup de temps. C’est aussil’avis de Ludwig Desjardins, lui qui va pronon-cer une conférence sur l’arrimage entre l’amé-nagement urbain et le transport dans le cadredu prolongement du métro de Montréal. Lesusagers des lignes bleue et jaune en saventquelque chose !

« Le Plan métropolitain d’aménagement et dedéveloppement (PMAD) de la Communauté mé-tropolitaine de Montréal vise une densificationautour des nœuds de transports collectifs », sou-ligne Ludwig Desjardins. Mais une fois ce sou-hait énoncé, il reconnaît que cela va « se réper-cuter sur le zonage et les réglementations munici-pales », forçant tous les intervenants à conce-voir de nouveaux outils pour assurer un déve-loppement harmonieux.

Parmi ces outils, ce planificateur de l’AMTne cache pas sa jalousie devant les méthodes

françaises, mieux coordonnées lors degrandes opérations d’urbanisme. « Au Québec,il n’y a pas de maîtrise foncière possible. Quandon planifie un projet de transport collectif, onnous dit souvent que ça aura un grand impactsur les valeurs foncières, sur le développement,autour des gares par exemple. Si on contrôlaitmieux cet aspect, on pourrait s’assurer d’uneplus grande cohérence. »

Parmi ses tâches, Ludwig Desjardinscherche constamment à l’étranger « les bonnespratiques » ainsi que « d’autres approches de fi-nancement innovatrices », reconnaissant aussique dans le domaine du transport collectif, « il ya plus de besoins que de fonds disponibles ». Ilvoit dans le monde anglo-saxon une nouvelle lo-gique de financement : « On se demande à quiprofite un projet et on essaie d’impliquer l’ensem-ble des acteurs, des promoteurs immobiliers oudes entreprises. »

Cette approche se dessine à New York au-tour du prolongement d’une ligne de métro, età Londres, avec l’ambitieux Crossrail: l’implan-tation d’un train de banlieue et de métro qui tra-verse toute la région de Londres — l’équivalentdu fameux RER parisien. « Comme ils ne peu-vent le payer avec des fonds publics, ils ont asso-cié tous les bénéficiaires, dont le secteur financierdu centre de Londres, lui qui a vraiment besoinde Crossrail pour assurer une meilleure accessi-bilité pour leurs employés. »

« Le Québec peut s’inspirer de ces méthodes »,af firme Ludwig Desjardins, relevant les ré-sultats d’une analyse faite conjointement parl’AMT et l’Université Laval. « Sur la ligne detrain de banlieue Mont-Saint-Hilaire, on a dé-couvert que 13 à 14 % de la valeur mobilièredes maisons dans un rayon de 500 mètres étaitassociée à la présence des gares. » Selon lui, ceconstat doit faire réfléchir. « Quand toutes lesinfrastructures sont payées à 100 % par l’État,et qu’il y a un impor tant développement ur-bain gref fé à ça, les promoteurs en retirentbeaucoup de bénéfices… » L’heure est assuré-ment à un changement de culture pour modi-fier le paysage.

CollaborateurLe Devoir

Penser à la fois le territoire et le transportEst-ce la fin des approches déconnectées et le début d’un réel dialogue entre l’urbanisme et la mobilité ?

JEAN-PHILIPPE KSIAZEK AGENCE FRANCE-PRESSE

Dominique Mignot, directeur adjoint à l’Institut français des sciences et technologies des transports,de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar), à Lyon, estime que le quartier Confluence est une desgrandes réussites lyonnaises en aménagement.

PHILIPPE MERLE AGENCE FRANCE-PRESSE

Situé sur une presqu’île, au cœur de Lyon, le Grand Hôtel-Dieu est bordé à l’est par le Rhône, au sud par la rue De La Barre et à l’ouest par la rue Bellecordière.

«Le patrimoine, ce n’est passeulement de vieilles pierres àconserver.»

Page 3: FRANCOPHONIE - Le Devoir · ENTRETIENS JACQUES-CARTIER G 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 SEPTEMBRE 2014 PIERRE VALL E L e Grand H tel-Dieu de Lyon, un h pital dont lÕori-gine

ENTRETIENS JACQUES-CARTIERL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 7 E T D I M A N C H E 2 8 S E P T E M B R E 2 0 1 4 G 3

À la poursuite de la ville intelligente

P R O P O S R E C U E I L L I S P A R E T I E N N EP L A M O N D O N E M O N D

ENTREVUE AVEC GÉRARD COLLOMB

Lors du colloque sur le même thème, dans le ca-dre de la dernière édition des Entretiens Jacques-Cartier, il se dégageait un constat selon lequel ily avait plusieurs visions et modèles différents dece que peut être une ville intelligente. Quel estle modèle ou quelle est la vision que vous pour-suivez pour Lyon?

À Lyon, nous pensons que la ville intelligentene se construira que par une coopération ren-forcée entre acteurs publics et acteurs privés.C’est pourquoi nous avons travaillé avec les en-treprises à l’élaboration de notre stratégie. Lesprojets qui s’inscrivent dans ce cadre peuventensuite être soit publics, soit privés, soit, le plussouvent, mixtes.

Est-ce que Lyon a des leçons à tirer de la dé-marche technologique de Montréal? Quelles au-tres métropoles vous inspirent dans ce domaineet pourquoi?

Ouverture des données, développement desystèmes intelligents de gestion de l’énergie oudes transports, création d’incubateurs pour les«start-up» : la démarche de Montréal est assezsimilaire à la nôtre. Nous avons aussi en com-mun une forte impulsion donnée par le poli-tique : c’est à mon avis fondamental pour enclen-cher une vraie dynamique.

Outre Montréal, nous puisons notre inspirationà Yokohama, au Japon, ou encore à Amsterdam,des villes qui sont très en avance sur ces sujets.C’est ce travail d’analyse comparative qui nouspermet aujourd’hui d’être, selon plusieurs classe-ments, la «ville la plus intelligente de France».

Quel rôle doit, selon vous, être accordé aux ci-toyens dans le développement de la ville intelli-gente?

Les citoyens ont une place essentielle dans ceprocessus, car c’est bien pour eux quel’on développe la ville intelligente! C’estpour cela que nous allons créer dansnotre quartier d’affaires, la Part-Dieu,un « living lab » dans lequel les habi-tants seront associés à l’élaboration desdifférents services et applications. No-tre ambition est de rendre la vie plus fa-cile, plus fluide et plus agréable.

Comment anticipez-vous une gouver-nance municipale transparente avecl’ouverture des données facilitée parles nouvelles technologies?

L’ouverture des données est un en-jeu majeur. C’est pourquoi nous avonslancé en 2012 la plateforme GrandLyon Smart Data, qui met à disposi-tion de tous des données publiques,mais aussi privées. S’il s’agit bien sûr d’instau-rer une gouvernance municipale transparente,nous considérons aussi cette plateformecomme un levier pour susciter l’innovationdans nos entreprises.

Les logiciels libres ont-ils une place dans le vi-rage technologique lyonnais?

La plateforme Grand Lyon Smart Data estprécisément basée sur les logiciels libres. C’estpour nous quelque chose de très important.

Au-delà des questions de réputation et d’image,comment croyez-vous que le virage numériquepeut rendre Lyon plus attractive ou compétitivepar rapport aux autres métropoles d’un point devue économique?

Partant du constat que les entreprises qui in-tègrent efficacement le numérique ont un tauxde croissance deux fois supérieur aux autres,nous avons fait de la diffusion de ces technolo-gies une priorité. C’est pour cela que nousavons créé il y a dix ans l’Espace Numérique

Entreprises, qui vise à développer l’usage deces outils dans nos PME. C’est pour cela aussique nous avons lancé un grand plan fibre op-tique, qui permettra d’équiper tout notre terri-

toire en très haut débit d’ici 2019.Quand on sait qu’un euro investi pourle très haut débit génère en moyenne6 euros de PIB, on mesure l’impor-tance d’une telle politique.

Enfin, le numérique est pour nousun secteur économique à part entièrepuisqu’avec 36000 emplois, Lyon estle second pôle français. C’est fort deces atouts que l’écosystème numé-rique lyonnais est candidat au label« French Tech ». Bref, je peux doncvous dire que nos «start-up» vont faireparler d’elles dans les années à venir!

Malgré les espoirs qu’elle stimule, laville intelligente engendre aussi descraintes par rapport à de possiblesdysfonctionnements, piratages infor-

matiques ou atteintes à la vie privée. Commentenvisagez-vous de prévenir ces dérapages?

Toutes les nouveautés sont génératrices derisques, de craintes. Sur le sujet de la ville intel-ligente, je crois que la clé, c’est de mettre la mu-nicipalité en position de régulateur. C’est préci-sément ce que font Montréal et Lyon. Il n’y adonc aucune inquiétude à avoir.

ENTREVUE AVEC DENIS CODERRE

Lors du colloque sur le même thème dans le ca-dre de la dernière édition des Entretiens Jacques-Cartier, il se dégageait un constat selon lequel ily avait plusieurs visions ou modèles différents dece que peut être une ville intelligente. Quel estle modèle ou la vision que vous poursuivez pourMontréal?

Mon administration s’est engagée à faire deMontréal une des villes les plus intelligentes aumonde. Pour y arriver, j’ai mandaté le vice-pré-sident du comité exécutif, M. Harout Chitilian,pour porter ce dossier stratégique. Il pourra

compter sur l’implication de toute l’administra-tion municipale. Depuis le début de l’année,nous avons posé des gestes concrets avec lacréation du Bureau de la ville intelligente et nu-mérique et l’entrée en fonction du directeur dece bureau, M. Stéphane Goyette. Le bureau de-vra développer la stratégie montréalaise et unplan d’action intégré en puisant dans la créati-vité et la sagesse collectives des Montréalais,en s’inspirant des modèles de villes intelli-gentes éprouvés tels que Lyon, Amsterdam ouencore New York, tout en misant sur l’exper-tise de notre fonction publique. Ultimement,nous voulons créer un modèle proprementmontréalais pour répondre aux besoins spéci-fiques de nos citoyens.

Est-ce que Montréal a des leçons à ti-rer de la démarche technologique amor-cée à Lyon? Quelles autres métropolesvous inspirent dans ce domaine et pour-quoi?

À l’instar de Lyon, nous préconisonsl’usage du domaine public comme la-boratoire pour tester des solutions àdes enjeux municipaux. Ainsi, noussouhaitons favoriser l’innovation et ledéveloppement des systèmes intelli-gents de gestion du transport, des in-frastructures, de la sécurité, de l’éner-gie, de l’eau et de l’environnement.Cela passe par une collaborationétroite avec nos pôles d’incubation uni-versitaires, comme District 3, Centech et Mo-saïc, ainsi qu’institutionnels, comme le Quartierde l’innovation ou encore la Maison Notman.Comme à New York, nous devons mettre à pro-fit notre réseau d’entreprises en démarrage afinde développer des applications participatives.

Quel rôle, selon vous, doit être accordé aux ci-toyens dans le développement de la ville intelli-gente?

La ville intelligente et numérique doit être pen-sée par le citoyen et pour le citoyen. Son rôle estnon seulement central mais également participa-

tif. L’administration publique ne peut plus définirles besoins citoyens sans consulter la population.Elle doit la mettre à contribution. C’est pourquoinous n’avons pas perdu de temps, et, en prévi-sion de l’hiver prochain, nous lancerons une pla-teforme applicative sur le déneigement intelli-gent, fruit d’une collaboration étroite avec la po-pulation et nos réseaux d’entreprises en démar-rage. C’est de cette manière que nous voulonsdéfinir puis mettre en pratique un modèle colla-boratif et participatif pour accompagner la réali-sation des projets numériques.

Comment anticipez-vous une gouvernance muni-cipale transparente avec l’ouverture des don-nées facilitée par les nouvelles technologies?

Depuis 2012, Montréal s’est dotéd’une politique d’ouverture de don-nées et libère en continu ses donnéessur un portail spécialement dédié. J’aiété élu en m’engageant pour la trans-parence et pour la gestion efficientedes fonds publics, et l’utilisation desnouvelles technologies va renforcercette transparence. Notre administra-tion va libérer massivement les don-nées et développer des outils de visua-lisation pour mettre en valeur celles-ci.

Les logiciels libres auront-ils une placedans le virage technologique de Mont-réal?

Les solutions libres ont déjà leurplace dans le virage technologique en cours.Désormais, à chaque remplacement d’outil,une analyse est ef fectuée afin d’évaluer lapossibilité de remplacement par un logiciel li-bre. Ces derniers sont par tie prenante duchantier de réévaluation des besoins informa-tiques de l ’ensemble des postes informa-tiques de la Ville.

Au-delà des questions de réputation et d’image,comment croyez-vous que le virage numériquepeut rendre Montréal plus attractive ou compéti-tive par rapport aux autres métropoles d’unpoint de vue économique?

Le développement économique est une prio-rité pour mon administration, et Montréal a desatouts majeurs en matière d’innovation. L’indus-trie des jeux vidéo y est solidement implantéeet on peut compter sur des entreprises créa-tives de haute qualité, comme Ubisoft, MomentFactory ou Sid Lee, reconnues pour leur per-sonnel très qualifié. Nous avons ce savoir-faire,mais il est certain que nous devons aussi nousdoter des meilleures infrastructures numé-riques afin de saisir toutes les nouvelles occa-sions d’affaires qui s’offrent à nous. Et ça, çadoit nécessairement passer par un Montréalconnecté pour tous.

Malgré les espoirs qu’elle stimule, la ville intelli-gente engendre aussi des craintes par rapport àde possibles dysfonctionnements, piratages in-formatiques ou atteintes à la vie privée. Com-ment envisagez-vous de prévenir ces dérapages?

Nous avons une expertise informatique tech-nique interne qui s’est bâtie depuis de nom-breuses années, mais surtout, nous avons àcœur de tester deux fois plutôt qu’une nos sys-tèmes avant de les annoncer publiquement.C’est dans ce sens que nous avons lancé lamise en activité du Centre de gestion de mobi-lité urbaine, qui a nécessité plusieurs mois detest avant d’être à 100 % opérable. La vie privéeest une condition essentielle dans le processusde numérisation des services publics. Protégerles informations personnelles des citoyens,c’est notre responsabilité d’élu.

CollaborateurLe Devoir

Montréal et Lyon ont en commun d’avoir des maires qui font de la ville intelligente un enjeu phare de leur mandat. En novembre dernier, une étude de l’opérateur d’objets connectés m2ocity adésigné Lyon comme « la ville la plus intelligente de France». La grande région métropolitaine de Montréal, quant à elle, a été reconnue parmi les 21 métropoles intelligentes dans le classe-ment de l’Intelligent Community Forum (IFC) et vise publiquement le premier rang d’ici 2017. Denis Coderre et Gérard Collomb, respectivement maire de Montréal et maire de Lyon, ouvri-ront ensemble le colloque intitulé Les villes intelligentes et numériques: gouvernement ouvert, administration performante, économie attractive et éco-système créatif, qui se tiendrale 6 octobre prochain à la Société des arts technologiques (SAT). Ils ont répondu par courriel aux questions du Devoir à propos du virage technologique qu’ils ont entrepris.

DR THIERRY VALLIER

Le numérique est pour Lyon un secteur économique à part entière puisqu’avec 36000 emplois, la ville est le second pôle français, selon Gérard Collomb.

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Le maire de Montréal, Denis Coderre, s’est engagé à faire de Montréal la ville la plus intelligente au monde.

« La villeintelligente nese construiraque par unecoopérationrenforcée entreacteurs publicset acteursprivés »

« La villeintelligente etnumériquedoit êtrepensée par lecitoyen etpour lecitoyen »

Page 4: FRANCOPHONIE - Le Devoir · ENTRETIENS JACQUES-CARTIER G 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 SEPTEMBRE 2014 PIERRE VALL E L e Grand H tel-Dieu de Lyon, un h pital dont lÕori-gine

ENTRETIENS JACQUES-CARTIERL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 7 E T D I M A N C H E 2 8 S E P T E M B R E 2 0 1 4G 4

C L A U D E L A F L E U R

S elon des enquêtes menéesau Québec, 30 % des pro-

priétaires de PME envisagentde prendre leur retraite d’icidix ans, alors que 48 % des en-treprises n’ont aucun plan desuccession des cadres diri-geants. Ce constat est similaireen France, au Canada et dansla majorité des pays consultés.«Dans l‘histoire de l‘humanité,on n’a jamais eu autant d’entre-prises à céder et à reprendre »,observe Luis Felipe CisnerosMartinez, professeur agrégéau Département du manage-ment à HEC Mont-réal.

Pour cette raison,les Entretiens Jacques-Cartier organisent uncolloque internationalsur le thème RelèvePME et successiond’entreprises fami-liales : enjeux straté-giques, organisation-nels et humains, etmeilleures pratiques.

M. Cisneros estl’un des co-organisa-teurs. « Il s’agit d’uncolloque où la franco-phonie se rencontrepour aborder le faitque, dans le mondeoccidental, on a unesituation particulière,explique-t-il. D’unepart, il y a le fait queles baby-boomers ontcréé la majorité dese n t r e p r i s e s q u ’ o nconnaît à présentalors que, d’un autrecôté, la nouvelle géné-ration a de nouvelles valeurs,dont la conciliation travail-fa-mille : ils ne veulent pas travail-ler sept jours par semaine ! »

En outre, dans la majoritédes cas, poursuit le chercheur,on a affaire à une première re-lève. « Imaginez-vous, dit-il,quelqu’un qui n’a jamais trans-

mis son entreprise s’adresse àquelqu’un qui n’en a jamais re-pris une ! Ce sont deux per-sonnes totalement inexpérimen-tées qui se rencontrent. »

Le colloque sur la relève desPME sera l’occasion de réunirdes académiciens et des prati-ciens du Québec et d’Europepour dresser la synthèse de ladynamique cédant–repreneuret des processus d’accompa-gnement des PME.

Les clés de la réussiteDans ses enquêtes, Luis Cis-

neros constate un curieux phé-nomène. « Chaque fois que je

demande à un pa-tron de PME deme parler d ’ u ni m p o r t a n t chan-gement organisa-tionnel qu’il a eu àfaire — par exem-ple, l’implantationd’une nouvelle tech-nologie —, il me ditqu’il a fait appel àdes spécialistes ex-ternes. Par contre,il ne songe pas à re-courir à de l’aide ex-t é r i eur e l o r s queviendra le temps detransmettre son en-treprise (si ce n’estpour les questions fi-n a n c i è r e s e t l é -gales). Or, le chan-gement le plus im-por tant que puissevivre une entreprisee s t s a n s a u c u ndoute celui d’unesuccession !»

Luis Cisnerosest un véritable

passionné de la question. En-tre autres, il dirige l’Institutd’entrepreneuriat Banque Na-tionale–HEC Montréal ainsique le Parcours entrepreneu-rial Rémi-Marcoux.

Originaire du Mexique, ilvient d’une famille d’entrepre-neurs… où la transmission de

l’entreprise familiale, de songrand-père vers ses parents, on-cles et tantes, s’est très mal pas-sée. «À la suite du décès de mongrand-père, l’entreprise aéclaté… la familleaussi ! », raconte-t-il. Ilfaut dire que son aïeulest décédé subitement(d’une crise cardiaque)et qu’il n’avait donc paspréparé sa succession.Par contre, la transmis-sion de l’entreprise fa-miliale de ses parentsvers ses frères s’est trèsbien faite, dit-il. « J’aivécu ces problèmes, ce n’est pasquelque chose que j’ai lu dans unlivre! fait-il valoir. Et maintenant,je fais de la recherche universi-taire sur le sujet.»

D’après sa propre expé-

rience, et surtout d’après sestravaux, il observe qu’il faut soi-gneusement planifier la succes-sion de son entreprise et s’y

prendre d’avance.« Ce la do i t ê t r e vucomme un processus,dit-il, et un processus quis’étendra de 1 à 10 ans,selon la taille de l’entre-prise, la complexité deschoses, le contexte écono-mique, etc.»

Un autre phénomènequ’il observe est le faitque les dirigeants neveulent pas quitter leur

entreprise. Pour faciliter leschoses, recommande le cher-cheur, on doit faire en sorte quecelui-ci demeure au sein de l’en-treprise tout en transmettantses pouvoirs. «Il doit changer de

rôle, indique M. Cisneros. Parexemple, s’occuper des relationspubliques ou des clients impor-tants, par ticiper à des foirescommerciales, etc.»

Et pourquoi pas le«reprenariat»?

La clé du succès repose sur lefait que le cédant doit assumerun rôle dans lequel il continuerade s’épanouir en prenant toute-fois de moins en moins les déci-sions stratégiques. À partir dece moment, cette personne peutdevenir «tout un atout pour l’en-treprise», constate M. Cisneros.

En conséquence, il parlealors de gestion intergénéra-tionnelle plutôt que de succes-sion ou de relève. «Lors d’unesuccession, il est préférabled’avoir une période de règne

conjoint durant laquelle le pré-décesseur cède petit à petit lesresponsabilités et les tâches àses successeurs — et je parle icide successeurs au pluriel », notele spécialiste.

En effet, dans 80 % des casoù la succession s’est bienfaite, il y a le fait que ce sontdes équipes qui ont pris la re-lève du dirigeant, et non uneseule personne. « Si c’est unerelève familiale, il s’agit sou-vent de plusieurs frères etsœurs qui deviennent coac-tionnaires de l’entreprise » ,r a p p o r t e L u i s C i s n e r o s .Cette relève peut aussi com-prendre des employés del’entreprise et des personnesvenues de l’extérieur. « Onvoit donc des équipes hybridesformées de la famille, d’em-ployés et d ’externes selontoutes les combinaisons imagi-nables », indique-t-il.

Enfin, Luis Cisneros préco-nise même le reprenariat. « Ils’agit de reprendre une entre-prise avec un esprit entrepre-neurial, explique-t-il, de profi-ter de la succession pour revoirtous les processus, les produitset services, et tout ce qu’onpourrait améliorer… Il s’agitde profiter de l’occasion pourmettre en œuvre de nouvellesidées tout en profitant du sou-tien du cédant. »

Luis Cisneros constate aussique c’est un peu différent danschaque pays. Par exemple, auQuébec, les enfants ont ten-dance à acheter l’entreprise deleurs parents alors qu’enFrance, ces derniers la lè-guent. C’est ainsi que, dans lecadre du colloque des Entre-tiens Jacques-Car tier, cher-cheurs et praticiens discute-ront des avantages et inconvé-nients de dif férents modèleset échangeront sur les meil-leures pratiques.

CollaborateurLe Devoir

RELÈVE PME

Comment assurer la survie de son entreprise

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Selon le professeur agrégé au Département du management à HEC Montréal, Luis Felipe CisnerosMartinez, il faut préparer de façon soignée la succession de son entreprise.

«Imaginez-vous,dit-il, quelqu’unqui n’a jamaistransmis sonentreprises’adresse àquelqu’un quin’en a jamaisrepris une! Cesont deuxpersonnestotalementinexpérimentéesqui serencontrent.»

Luis FelipeCisnerosMartinez

R É G I N A L D H A R V E Y

Les personnes âgées sont largement tributairesde leurs années d’enfance et, par la suite, de

leurs conditions de vie, relativement à leur état desanté au stade de la vieillesse. Les chercheurss’appliquent à comprendre plus à fond les rela-tions entre les inégalités sociales et de santé unefois le temps du troisième âge arrivé. Deux d’en-tre eux, l’un de la Suisse et l’autre duQuébec, apportent un éclairage surleurs travaux.

Michel Oris est professeur à la Fa-culté des sciences économiques et so-ciales de l’Université de Genève. Il estégalement codirecteur du pôle de re-cherche national LIVES (OvercomingVulnerability : Life Course Perspec-tives) et directeur du Centre interfacul-taire de gérontologie et d’études desvulnérabilités. Il a initié le colloque Lesinterrelations entre la santé et le socialdans la vieillesse, dont il cerne la te-neur : « Nous sommes dans des sociétésqui ont une tendance au vieillissement,et la proportion des personnes âgées esten augmentation. On peut donc direque, grosso modo, on vit à présent pluslongtemps parce que la population esten meilleure santé. » Il existe unecontrepartie : « Les problèmes de santése concentrent aux grands âges, et on es-saie de mettre de l’avant un aspect quiest très souvent négligé sur ce plan, celuides inégalités sociales.»

Il circonscrit la problématique : «Onest encore trop porté à considérer qu’il ya les vieux et à les considérer un peucomme un groupe indif férencié. Mais, en fait,c’est un groupe très pluriel et hétérogène ; l’idée,c’est donc d’explorer chez lui les inégalités so-ciales de santé. » Et quels sont les principauxfacteurs psychosociaux qui influent sur la qua-

lité ou l’altération de la qualité de vie à un âgeavancé ? « On aurait besoin de deux ou troisheures de conversation pour en faire le tour,mais, fondamentalement, les êtres humains abor-dent leur vieillissement biologique avec un en-semble de capitaux qui sont des produits de leurparcours de vie. Aujourd’hui encore, la probabi-lité d’être pauvre en étant vieux dépend dansbeaucoup de pays du niveau d’éducation que

vous avez obtenu 75 ou 80 ans plus tôt,donc du capital humain et éducatif quevous avez reçu. »

Par la suite, « il y a toute une séried’événements qui s’accumulent dans leparcours de vie : si vous avez pratiquéun métier physiquement dur et cumuléles peines physiques tout au long desannées, vous vous retrouverez davan-tage en dif ficulté dans la vieillesse ».D’autres éléments pèsent dans la ba-lance, selon le professeur Oris : « Onpeut dire la même chose des épisodesde stress au travail ou dans la vie fa-miliale, par exemple. Toutes lesépreuves de la vie peuvent d’un côtévous fournir un capital d’expériencespour y faire face, mais, d’un autre côté,être en mesure de vous fragiliser. Pour-quoi certains humains sont-ils renfor-cés par les dif ficultés rencontrées etpourquoi d’autres sont-ils mis en dan-ger ? » Les chercheurs s’appliquent àtrouver des réponses à ces questions.

De l’enfance au vieil âgeMaria Victoria Zunzunegui est pro-

fesseure au Département de méde-cine sociale et préventive de l’Univer-

sité de Montréal et chercheuse à l’Institut derecherche en santé publique du même établis-sement universitaire. Elle aborde le colloquesur deux aspects et se penche d’abord sur leseffets pervers subis en début de vie dans les« interrelations entre la santé et le social dans lavieillesse » : «On s’interroge souvent sur les ef fetscausés par le manque de ressources financièressuf fisantes pour manger durant l’enfance ; end’autres mots, par la famine chez les enfants.C’est crucial pour eux, à cet âge-là et pour touteleur vie en tant qu’adultes et personnes âgées. »

Ces gens sont perturbés dans l’ensemble deleur développement : « Ils le sont autant dansleur fonctionnement physique, sur les plans de laforce, de l’équilibre et de la mobilité, que pourleur fonctionnement mental, sur le plan cogni-tif. » Elle met en cause d’autres facteurs : « Il y aaussi les enfants qui ont été battus ou qui ontvécu des conflits parentaux ; une fois adultes, ilssont plus sujets à des maladies inflammatoires, àl’arthrite ou à l’arthrose, à des migraines et à desproblèmes d’obésité ; ils courent en plus grandnombre des risques graves de dépression ou d’au-tres troubles mentaux. »

Elle en vient à cette conclusion à la suite deson exposé : « Il est vraiment important de re-garder la qualité du vieillissement, en termes desanté, en se penchant sur ce qui s’est passé pen-dant toute la durée de la vie. »

Impacts personnels et sociétauxDes chercheurs de partout à travers la pla-

nète étudient cette thématique du vieillisse-ment autour de laquelle se greffe un ensemblede problématiques actuelles de société. MariaZunzunegui explique pourquoi dans ce cas-ci :«Notre objectif est double. Premièrement, il s’agitde bien comprendre comment les inégalités so-ciales se répercutent sur la santé. Les gens trou-vent que cela a du sens que la pauvreté agit surcelle-ci ; mais on veut aussi savoir comment çafonctionne et comment ça s’explique, de façon àposséder des arguments pour lutter contre la pau-vreté chez les enfants. »

Elle interpelle les décideurs : «Si on a des po-litiques qui permettent d’éradiquer cette pau-vreté, on va éliminer beaucoup de problèmes desanté plus tard dans la vie. Toutes ces politiquesqui servent à rendre égaux et à procurer une cer-

taine homogénéité aux enfants auront des retom-bées sur la santé des personnes adultes et âgées,ce que des recherches partout à travers le mondeont démontré. » Et elle cible plus précisémentles politiciens québécois : « Il est important poureux de comprendre une chose qui se passe présen-tement au sujet du maintien de l’accès aux garde-ries publiques ; elles fournissent une occasion auxenfants pauvres d’accéder à une homogénéitéavec ceux qui sont plus favorisés, ce qui auraplus tard des ef fets avantageux sur toute la so-ciété, sur la santé non seulement des enfantsmais de toute la population. »

Les chercheurs se tournent de plus vers unaspect à portée plus scientifique de la question:ils veulent savoir comment les événements so-ciaux peuvent modifier le matériel génétiqued’une façon importante en début de vie. Les en-fants pourraient voir leur ADN subir des chan-gements causés par des épisodes de violence, detelle sorte qu’ils éprouveraient plus tard des pro-blèmes de santé autant physique que mentale.

CollaborateurLe Devoir

Vieillir laisse des traces

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

« Il y a toute une série d’événements qui s’accumulent dans le parcours de vie : si vous avez pratiquéun métier physiquement dur et cumulé les peines physiques tout au long des années, vous vousretrouverez davantage en dif ficulté dans la vieillesse», assure Michel Oris.

JACQUES ERARD

Le professeur à la Faculté des scienceséconomiques et sociales de l’Université deGenève, Michel Oris, a initié le colloque Lesinterrelations entre la santé et le social dans lavieillesse

«Lesproblèmes desanté seconcentrentaux grandsâges, et onessaie demettre del’avant unaspect qui esttrès souventnégligé sur ceplan, celui desinégalitéssociales.»

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ENTRETIENS JACQUES-CARTIERL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 7 E T D I M A N C H E 2 8 S E P T E M B R E 2 0 1 4 G 5

E M I L I E C O R R I V E A U

C haque année, en France, près de 150 000jeunes quittent le système scolaire sans

qualification. Dans le but de diminuer son tauxde décrochage, l’Académie de Rouen travailleactuellement en étroite collaboration avec deschercheurs québécois à la mise en place d’uneversion française du programme de préventionCheck and Connect.

Développé au tournant des années 1990 àl’Université du Minnesota, le programmeCheck and Connect a été conçu pour réduirele décrochage scolaire chez les jeunes adoles-cents. Visant l’accroissement de l’engagementdes élèves envers l’apprentissage scolaire, ilrepose en partie sur la promotion des résul-tats positifs. Plus spécifiquement, il s’articuleautour de quatre composantes, soit l’accompa-gnement par un mentor de groupes ciblés, lesuivi étroit des présences et des performancesde tous les élèves inscrits au programme, l’ap-por t d’un soutien personnalisé aux jeunesdont les risques de décrochage ont été dépis-tés et, finalement, l’amélioration de la commu-nication entre l’école et la famille, ce qui per-met de renforcer les interventions réaliséesen milieu scolaire.

«Ce programme-là a été mis en place dans plu-sieurs écoles de milieux défavorisés aux États-Unis. Ça a été un des premiers programmes dugenre à être évalué de façon rigoureuse au planscientifique et à vraiment faire ses preuves», ex-plique M. Michel Janosz, spécialiste en préven-tion du décrochage scolaire, professeur-cher-cheur à l’École de psychoéducation de l’Univer-sité de Montréal et directeur du Groupe de re-cherche sur les environnements scolaires.

Constatant le succès remporté par le Checkand Connect chez nos voisins du Sud, M. Ja-nosz a décidé il y a quelques années de s’inté-resser de plus près au programme. « Ma col-lègue Isabelle Archambault et moi étions à larecherche de programmes de prévention ef fi-caces dont le Québec pourrait faire la promo-tion de façon systématique. Nous ne voulionspas réinventer la roue ; nous cherchions à sa-voir qui, ailleurs, avait fait des démonstrationsde programmes d’intervention qu’on pourraitpenser impor ter dans notre système éducatif.C’est comme ça qu’on s’est intéressé au Checkand Connect, comme d’autres chercheurs québé-cois l’ont fait parallèlement à nous. Aussi, de-puis cinq ans, on travaille à adapter le pro-gramme au Québec et à l’évaluer rigoureuse-ment », indique-t-il.

Pour ce faire, M. Janosz et son équipe ont im-planté le Check and Connect dans trois com-missions scolaires de la province. Plutôt que detester ce dernier dans un cadre optimal,

comme les scientifiques ont l’habitude de lefaire, les chercheurs ont décidé de l’appliquerdans des conditions plus sévères.

« On a voulu vérifier si, avec un minimumde formation et en laissant les écoles implanterle programme avec leur exper tise actuelle,donc dans des situations très naturelles d’inté-gration, le Check and Connect donnerait toutde même des résultats intéressants », préciseM. Janosz.

D’après le chercheur, même si cette expéri-mentation n’a pas encore permis d’obtenir desrésultats statistiques probants en matière dedécrochage, elle s’est tout de même avéréeconcluante aux plans de la réduction des pro-blèmes de compor tement éprouvés par lesjeunes, de l’amélioration de leur motivation etde la consolidation de leurs rapports avec lesadultes. «Notre constat, c’est que cette interven-tion a assurément quelque chose de positif à ap-porter», dit M. Janosz.

Du Québec à l’Académie de RouenMise au par fum de cette expérimentation

alors qu’elle travaillait à l’organisation d’uncolloque sur la persévérance scolaire dans lecadre des 26e Entretiens Jacques-Car tier,Mm e Claudine Schmidt-Lainé, rectrice del’Académie de Rouen, en France, s’est mon-trée très intéressée par le travail de M. Janoszet ses collègues.

« Il faut savoir qu’il y a en France un foisonne-ment d’expérimentations éducatives, maisqu’elles sont rarement réalisées selon des dé-marches scientifiques. On a à peu près autantd’expérimentations que d’écoles, ce qui fait qu’ilest difficile de comparer les propositions et qu’onn’arrive pas à les mutualiser. Grâce aux Entre-tiens, j’ai su qu’au Québec, on travaillait sur lapersévérance scolaire en employant une méthodede recherche-action. Je suis sor tie du colloqueavec le désir de ne pas en rester là et l’idée d’im-planter chez nous, d’abord sur un modèle expéri-

mental cadré sur certains types de collèges danslesquels on sait qu’il peut y avoir des dif ficultés,la méthode testée au Québec», note la rectrice.

Ainsi , au cours de la der nière année,Mme Schmidt-Lainé et M. Janosz ont travailléà jeter les bases nécessaires à l’implantationde la version française du programme Checkand Connect dans quatre collèges de Haute-Normandie. Des structures éducatives favo-rables à l’expérimentation ont été repérées etun calendrier de réalisation a été déterminé,si bien que dès le 13 octobre, plusieurs tra-vailleurs de l’Académie de Rouen entamerontune formation avec M. Janosz pour pouvoirappliquer dès l’an prochain le programme, re-baptisé Motiv’action.

Si Mme Schmidt-Lainé se dit confiante du po-tentiel de réussite de l’expérimentation, elle re-lève tout de même que certaines dif férencesculturelles risquent de contrarier l’implantationdu programme en France. Par exemple, ellesouligne que si en Amérique du Nord, il esttrès bien établi que la relation entre la famille etl’école s’avère un des éléments clés de la persé-vérance scolaire des enfants, en France, cettenotion reste à travailler.

«C’est la même chose pour le repérage des en-fants potentiellement décrocheurs. C’est une desclés du Check and Connect, mais ce n’est pas unepratique par ticulièrement bien vue ici. EnFrance, plusieurs reconnaissent qu’il existe cer-taines populations plus à risque, mais ils préfèrentne pas les repérer avant qu’elles ne démontrent deproblème concret, de peur de les stigmatiser.»

M. Janosz abonde dans le même sens quela rectrice. « Ce n’est pas parce qu’on parlefrançais des deux côtés de l’océan que les motsont la même résonance et qu’on pense de lamême façon. C’est pourquoi nous avons décidéde consacrer une année à valider nos façonsde communiquer, à vérifier qu’on est biencompris et à s’assurer que l’ouver ture à nospratiques est bien présente sur le plancher.Puis, au cours des deux années qui suivront,on sera en processus d’expérimentation. On nedéploiera pas le programme avant de vérifierque les bonnes conditions sont réunies pourqu’il fonctionne. »

Avant de concentrer leurs efforts en France,M. Janosz et Mme Schmidt-Lainé se retrouve-ront les 2 et 3 octobre à Montréal dans le cadredes 27e Entretiens Jacques-Cartier. En compa-gnie de plusieurs spécialistes du milieu del’éducation, ils réfléchiront à la problématiquedu décrochage dans le cadre d’un colloque inti-tulé Persévérance scolaire : les conditions pourdéployer les meilleures pratiques.

CollaboratriceLe Devoir

La Haute-Normandie se tourne vers le Québec pour contrer le décrochage

UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Le spécialiste en prévention du décrochage scolaire et professeur-chercheur à l’École depsychoéducation de l’Université de Montréal a participé à l’implantation du Check and Connect danstrois commissions scolaires du Québec.

S’il s’avère dif ficile d’évaluer dans quelle pro-portion les accidents de la route sont causéspar des distractions au volant, telles que l’uti-lisation du téléphone et l’envoi de messagestextes, de nombreuses études ont démontréque ces comportements modernes perturbentdangereusement la conduite automobile.Alors que la Société de l’assurance automo-bile du Québec (SAAQ) dif fuse de nouveauxmessages de sensibilisation contre le texto auvolant, un colloque organisé dans le cadredes Entretiens Jacques-Car tier proposed’aborder la question en long et en large.

B E N O I T R O S E

S elon François Bellavance, directeur du Ré-seau de recherche en sécurité routière et

membre du comité scientifique de ce colloque,il semblerait bien que la distraction au volantaugmente en proportion parmi les causes d’ac-cidents de la route au Québec. Bien que l’alcoolet la vitesse figurent toujours dans le peloton detête, l’inattention et la fatigue semblent en voiede prendre le dessus. Prudent, l’homme de sta-tistiques souligne que le phénomène demeureencore difficile à mesurer. Ce n’est que récem-ment qu’on a commencé à avoir des donnéesprécises concernant ces sources de distractiondramatiques, grâce aux rapports des policiers.

« Ça peut être dif ficile pour des poli-ciers qui arrivent sur le lieu d’un acci-dent de juger si celui-ci a eu lieu parcequ’un conducteur a été distrait ou non,convient pour sa part Lyne Vézina, di-rectrice Études et stratégies en sécu-rité routière à la SAAQ. Et c’est encoreplus dif ficile d’établir si la personne uti-lisait un téléphone cellulaire ou en-voyait un message texte au moment dela collision. Alors, quand on aborde laquestion de la distraction, on a ten-dance à le faire dans son sens large, sans enpréciser la cause. » Son organisme indiquequ’au Québec, on estime que la distraction estla cause la plus souvent mentionnée comme« cause principale » des accidents avec dom-mages corporels.

Certaines sources de distraction existent àl’intérieur de la voiture depuis longtemps, tellesque le fait de fumer, de manger, de boire etd’ajuster la radio pendant la conduite. Maisavec le temps se sont ajoutées à bord du véhi-cule ce qu’on appelle des technologies embar-

quées, comme le GPS, le téléphone mobile, etmême parfois le lecteur DVD et l’écran LED.Parmi celles-ci, le téléphone et l’envoi de mes-sages textes inquiètent sérieusement.

Une conduite risquéeCar si les causes des accidents demeurent

parfois nébuleuses, de nombreuses études ontdémontré au fil des années que les conducteursutilisant un téléphone au volant détériorent leurperformance sur la route et risquent davantaged’y provoquer des collisions. On constate dansleurs comportements une augmentation deleur temps de réaction, une réduction de leurperception visuelle, une réduction de leur apti-tude à éviter les obstacles et une diminution deleur capacité à rouler simplement en lignedroite, et à bien maintenir leur position au cen-tre de la voie.

Le New England Journal of Medecine a publiéen janvier les résultats de travaux menés entreautres par Marie-Claude Ouimet, professeureadjointe à la Faculté de médecine et desciences de la santé de l’Université de Sher-brooke. Les chercheurs ont fait munir les véhi-cules de certains automobilistes de caméras etde capteurs pendant plusieurs mois. Mme Oui-met affirme que «chez les jeunes conducteurs, lerisque d’accident et de quasi-accident est beau-coup plus élevé lorsqu’ils textent, composent unnuméro de téléphone, cherchent leur téléphoneou un autre objet dans le véhicule ou mangent enconduisant. Chez les conducteurs plus âgés, lerisque est plus élevé lorsqu’ils composent un nu-

méro de téléphone».Si la législation québécoise n’interdit

pas le bavardage au téléphone sur haut-parleur, surtout parce que le contrôle àef fectuer par les policiers serait plusardu que dans le cas d’un portable tenuà la main, il n’en demeure pas moinsque cette activité passe mal l’épreuvede la sécurité. En effet, la conversationtéléphonique, d’une façon ou d’une au-tre, produit une distraction d’ordre cog-nitive, au niveau du cer veau, qui ne

concerne que peu la main. Selon M. Bella-vance, échanger avec un passager à bord peuts’avérer plus sécuritaire dans la mesure où ce-lui-ci peut obser ver l ’environnement deconduite et réagir aux dangers potentiels de laroute.

Changer les comportementsOn peut affirmer clairement, selon M. Bella-

vance, que «de plus en plus de gens possèdent untéléphone por table, et une grande propor tionl’utilise en conduisant». À ce sujet, la Fondation

de recherches sur les blessures de la route(FRBR), basée à Ottawa, a réalisé en 2011 unsondage canadien sur la sécurité routière por-tant précisément sur la distraction au volant.18,1 % des répondants ont alors affirmé qu’ilsparlaient souvent au téléphone sur haut-parleuren conduisant, 4,8 % ont mentionné qu’ilsconversaient souvent à l’aide de leur cellulaire,et 4 % ont déclaré qu’ils composaient souventdes messages textes au volant.

Au Québec, un sondage réalisé en 2013 par lafirme SOM révèle que 99 % des Québécoisconsidèrent qu’écrire ou lire un message texteen conduisant est assez ou très dangereux,mais 19% avouent qu’il leur arrive de le faire. LaSAAQ signale aussi que le nombre de per-sonnes reconnues coupables d’une infractionconcernant l’utilisation d’un cellulaire au volantest en progression depuis le 1er juillet 2008,date à laquelle les policiers ont commencé à re-mettre des constats d’infraction. En 2012, cenombre s’élevait à 63945.

Selon Mme Vézina, beaucoup de gens qui uti-lisent leur appareil au volant affirment ne pas

être capables de s’empêcher de répondrelorsque celui-ci sonne. «C’est comme un condi-tionnement qu’il faut casser », croit-elle. D’autrepart, bien des gens semblent surévaluer leurscapacités à effectuer une deuxième tâche pen-dant la conduite. « Ce n’est pas si simple àcontrer, dans la mesure où c’est vraiment bienancré dans les habitudes des gens d’être connectés24 heures sur 24. »

M. Bellavance considère que c’est beau-coup par la sensibilisation et l ’éducationqu’on peut arriver à faire adopter de bonscomportements en matière de sécurité rou-tière. À la suite d’une campagne récente me-née par le CAA Québec et la SAAQ, au coursde laquelle on amenait les conducteurs à ex-périmenter concrètement les limites de leurscapacités grâce à des simulateurs deconduite, Mm e Vézina souligne que la dé-monstration peut provoquer efficacement desprises de conscience heureuses.

CollaborateurLe Devoir

Le téléphone, le texto et l’insécurité routière

FrançoisBellavance

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Si les causes des accidents demeurent parfois nébuleuses, de nombreuses études ont démontré aufil des années que les conducteurs utilisant un téléphone au volant détériorent leur performance surla route et risquent davantage d’y provoquer des collisions.

Page 6: FRANCOPHONIE - Le Devoir · ENTRETIENS JACQUES-CARTIER G 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 SEPTEMBRE 2014 PIERRE VALL E L e Grand H tel-Dieu de Lyon, un h pital dont lÕori-gine

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 7 E T D I M A N C H E 2 8 S E P T E M B R E 2 0 1 4G 6

ENTRETIENS JACQUES-CARTIERLes arts vivants s’invitent dans les musées

M A R I E L A M B E R T - C H A N

Une fois que le rideau tombesur une pièce de théâtre,

un concert ou un spectacle decirque, que reste-t-il ? Des cos-tumes, des textes, des par ti-tions, des consignes de scéno-graphie, des décors, mais aussile souvenir de la performanceet les émotions qu’elle a fait naî-tre chez les spectateurs. Un pa-trimoine difficilement saisissa-ble, mais non moins important,qui risque de se perdre dans lesméandres de la mémoire collec-tive si rien n’est fait pour le pré-server. La question préoccupeles créateurs et les institutionsmuséales depuis plusieurs an-nées. Des spécialistes québé-cois , canadiens, français ,suisses et britanniques poursui-vront cette réflexion dans le ca-dre des 27e Entretiens Jacques-Cartier lors d’un colloque inter-national qui se tiendra au Mu-sée de la civilisation de Québecles 9 et 10 octobre.

«Actuellement, il n’y a pas demusée du spectacle vivant auQuébec, remarque MichelCôté, directeur du Musée dela civilisation de Québec etprésident du comité scienti-fique du colloque. Une partiedu patrimoine du théâtre, de lamusique, de la danse et des arts

de performance est en train dese perdre. »

À ce chapitre, d’autres payssont bien plus avancés. LaFrance a son Centre nationaldu costume de scène, son Mu-sée de la danse et sa Cité de lamusique. L’Espagne et le Por-tugal ont chacun un musée na-tional du théâtre. Le Victoriaand Alber t Museum, à Lon-dres, possède un départementconsacré au théâtre et aux artsde performance.

Nombre de musées québé-cois tentent néanmoins, cha-cun à leur manière, de proté-ger le patrimoine des arts vi-vants. Le Musée de la civilisa-tion de Québec a par exempleacquis les marionnettes, lesdécors et les archives duThéâtre de Sable, de mêmeque divers objets ayant appar-tenu à Claude Léveillée, dontson piano à queue, et les cos-tumes des personnages despremières émissions jeunessede Radio-Canada.

Le processus n’est pas sim-ple, affirme Michel Côté. «Onest souvent confronté auxmêmes enjeux en matière deconservation, dit-il. On doit dé-terminer les objets les plus por-teurs de l’œuvre parmi les pho-tos, les enregistrements, les cos-

tumes, les maquettes, les ar-chives papier, etc. Et dans le casdes arts vivants, il faut parfoisadopter une approche beaucoupplus écologique. Ce n’est paspossible de garder tous les dé-cors, sans quoi on rempliraitdes entrepôts entiers. Il y aaussi les problèmes de conserva-

tion du matériel audiovisuel.Quel suppor t doit-on choisiralors que la technologie évoluesi rapidement?»

Faire revivre les artsvivants

Mais ce n’est pas tout d’ac-quérir des collections d’objets.

Encore faut-il savoir redonneraux ar ts vivants toute leursplendeur. « On ne peut pas sepermettre d’exposer ces objets àla queue leu leu, sans discours,estime Michel Côté. De toutemanière, on ne conçoit plus lamuséographie de cette façon. Lamise en scène du spectacle vi-vant nous oblige donc à pensernos expositions autrement. »

Le directeur se souvient no-tamment de Rif f, une exposi-tion présentée au Musée de lacivilisation de Québec en 2010qui s’intéressait à l’influencede la culture musicale afri-caine sur la musique populairedes Amériques. «On ne faisaitpas qu’admirer les instruments,on les entendait également, serappelle-t-il. Sans le son, impos-sible de rendre compte de l’émo-tion et de la sensibilité qui sedégagent des œuvres musi-cales. »

Le spectacle vivant permetaux musées de repousserleurs propres limites. Dansl’exposition Corps rebelles —qui devait être inaugurée àl’occasion des EntretiensJacques-Cartier, mais qui serareportée en raison de l’incen-die qui a récemment endom-magé le Musée de la civilisa-tion —, les visiteurs aurontl’occasion de se costumer etde reproduire les enchaîne-ments de la pièce Joe, chef-d’œuvre de la danse contem-poraine québécoise créé par lechorégraphe Jean-Pierre Per-reault. « Les gens pourront vi-vre cette danse et en compren-dre véritablement les mouve-

ments, observe Michel Côté.Cette expérience change la rela-tion même avec l’exposition : onpasse du rôle de spectateur à ce-lui d’acteur. »

Une muséographie enévolution

Les arts vivants ont un patri-moine à protéger, certes, maisils of frent aussi un puits decréativité inouï pour les mu-sées. Ce n’est pas pour rienque le Musée de la civilisationfait souvent appel à des créa-teurs pour réaliser des exposi-tions, comme Robert Lepage,Michel Marc Bouchard etAlice Ronfard.

« Nos mé t i e r s s on t p lu sproches qu’on ne le croyait, ob-serve Michel Côté. Faire uneexposition, c’est aussi monterun spectacle. D’un autre côté,nos démarches sont complémen-taires. Les artistes ont une vi-sion personnalisée de l’exposi-tion, tandis que notre approcheest plus scientifique. Ils appor-tent beaucoup à la muséogra-phie. » Selon lui, la salle deconcer t Bourgie du Muséedes beaux-arts de Montréal té-moigne à elle seule du lien quiunit le spectacle vivant auxmusées. « Désormais, les mu-sées souhaitent être à la fois desl i e u x d e t r a n s m i s s i o n d econnaissances, d’émerveille-ment, d’enchantement et de ré-flexion. En ce sens, les arts vi-vants constituent un incontour-nable pour nous. »

CollaboratriceLe Devoir

Le théâtre, les spectacles musicaux, la danse et les arts deper formance sont par définition éphémères. Néanmoins,leurs créateurs et les musées travaillent de plus en pluspour en conserver la trace. Un travail qui n’est pas sans dé-fis, rappelle Michel Côté, directeur du Musée de la civilisa-tion de Québec.

MUSÉE DE LA CIVILISATION DE QUÉBEC

Le directeur du Musée de la civilisation de Québec, Michel Côté,estime qu’une partie du patrimoine du théâtre, de la musique, dela danse et des arts de performance est en train de se perdre enraison de l’absence d’un musée du spectacle vivant.

Quelle définition pour la gastronomie ?

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

« I maginaires de la gastro-nomie : productions, dif-

fusions, valeurs et enjeux »,c’est le titre du colloque dontune des deux responsablesscientifiques est Julia Csergo,professeure à l’UQAM. C’estun colloque aux ambitions im-pressionnantes parce que« quand on parle de gastrono-mie, on aborde un champ assezvaste ; les définitions de la gas-tronomie ne sont pas très pré-cises et tout le monde n’entendpas exactement la même chose— le mot lui-même n’a pas lemême sens par tout », racontedans un éclat de rireMme Csergo.

Pendant deux jours, le pro-gramme du colloque s’ar ti-cule autour de cinq axes : lesémergences, les nomadismes,les identités, les valeurs et lespatrimoines. À la fin de la pre-mière journée, le public estconvié à une table ronde ani-mée par le journaliste scienti-fique à Radio-Canada YanickVilledieu qui portera sur lesImaginaires de la gastrono-

mie — Regards croisés deprofessionnels Québec-France.

La gastronomiemultiforme

Julia Csergo trou-vait intéressant devoir comment on pou-vait parler de gastro-nomie au MoyenÂge, alors que le motn’existait pas encorevraiment. Elle voulaitconnaître ce qu’étaitla gastronomie chezles Abbassides ou ce qu’ellereprésentait pour les Japonais :« C’est vrai que déjà ça permetde confronter les idées. C’est laraison pour laquelle le colloqueporte sur les imaginaires, parceque je pense que ce sont les ima-ginaires de la gastronomie quifont que finalement le terme estemployé partout dans le mondeaujourd’hui », dit-elle. Le motgastronomie est formé dugrec gastèr, qui signifie le ven-tre, l’estomac et de nomos, laloi, donc littéralement « l’ar tde régler l’estomac ». Selon

Brillat-Savarin, « la gastrono-mie est la connaissance raison-née de tout ce qui a rapport àl’homme en tant qu’il se nour-rit. Son but est de veiller à laconservation des hommes, aumoyen de la meilleure nourri-ture possible. » Puis, au XXe siè-cle, la définition prend un tourélitiste tant dans la manière decuisiner que de déguster les

aliments. Au-jourd’hui, la gastro-nomie est considéréecomme l’ensembledes connaissances etdes pratiques et de-vient même une cul-ture. Elle se fait aussipatrimoine immaté-riel et, à ce titre, de-puis le 16 novembre2010, l ’UNESCO aétendu sa protectionau repas gastrono-

mique à la française au pan-théon du patrimoine culturelimmatériel de l’humanité.Mais est-ce bien la mêmechose ailleurs dans le monde?

Les imaginaires et lesidentités

Quand on pénètre le mondeétrange des imaginaires, onpeut s’attendre à faire des ren-contres surprenantes. «Les thé-matiques abordées dans le seg-ment Identités renvoient toutesau fait que la gastronomie est undes champs qui portent les iden-

tités, quelles qu’elles soient», rap-pelle Julia Csergo. Charles-Édouard de Suremain, chargéde recherche à l’Institut de re-cherche pour le développementà Paris, abordera les Sexualitésbonnes à manger, Imaginairesde l’alimentation entre l’Afriqueet l’Amérique, alors que TristanLandry, professeur à l’Univer-sité de Sherbrooke, à l’aide debrochures allemandes de tou-risme culinaire de l’époque, ex-pliquera le lien entre l’imagi-naire culinaire et la construc-tion d’une identité nazie. «En ef-fet, depuis les rites d’initiationafricains jusqu’au tourisme culi-naire nazi, les identités se défi-nissent à travers la gastronomie.C’est totalement lié», renchéritJulia Csergo.

Les valeurs véhiculéespar la gastronomie

Julia Csergo pose la ques-tion: «Est-ce que les rapports etles valeurs dont on parle repré-sentent la même chose partout?Ici, la gastronomie peut êtreconsidérée comme quelque chosed’extrêmement élitiste, lié auxrestaurants et aux très grandschefs. Ailleurs, ça peut êtrequelque chose de très populaire.»Diverses allocutions tenterontde répondre à cette interroga-tion. Par exemple, Alain Girard,coordonnateur de recherche etstagiaire postdoctorant au La-boratoire de recherche sur la

santé et l’immigration del’UQAM, abordera Les soupesCampbell et l’imaginaire gastro-nomique populaire. De soncôté, Jean-Pierre Hassoun, di-recteur de recherche au Centrenational de la recherche scienti-fique/École des Hautes Étudesen sciences sociales de l’Institutde recherche interdisciplinairesur les enjeux sociaux (IRIS-CNRS/EHESS) à Paris poserala question «La gastronomie engrande sur face. Oxymore ounaissance d’un imaginaire ali-mentaire de masse?»

Jérôme Ferrer etNormand Laprise

La notion de gastronomieexiste-t-elle, oui ou non? On l’avu, la réponse est plus quecomplexe. Plus ardu encore estde tenter de définir la gastrono-mie québécoise. Ce sont diffé-rents points de vue qui se dis-cuteront lors de la table rondeà laquelle prendront place lesdeux grands chefs Jérôme Fer-rer, du groupe Europea, et Nor-mand Laprise, chef propriétairedu restaurant Toqué ! et de laBrasserie T ! On y trouveraaussi Alex Cruz, copropriétairede la société Orignal, ainsi qued’autres professionnels du mi-lieu. «La question de ce qu’est lagastronomie québécoise ne serapas posée en termes de re-cherche, bien que les par tici-pants vont certainement tenter

de la définir», dira Julia Csergo,qui a plutôt placé la discussiondans un axe touristique. «Nousavons voulu le regard et le pointde vue des chefs, parce que cesont eux qui portent l’image dela gastronomie, ainsi que d’unesociété comme Orignal, présentesur les marchés américain et eu-ropéen et qui fait connaître àtravers le monde le terroir qué-bécois. Ce sera intéressant devoir sur quoi ils basent l’identitéde leur gastronomie.»

« Les identités sont toujoursun peu des constructions, ellesn’existent pas de façon essen-tialiste. Il est bon de savoircomment on les construit etcomment on les perçoit », diraJulia Csergo. Le terrain éco-nomique est donc fer t i lepour engendrer des imagi-naires. Le Québec a beau-coup plus à of frir que du si-rop d’érable, du cidre deglace et… de la poutine ! « Ily a beaucoup à développerpour créer des messages etfaire connaître les produits,mais un grand mouvementqui va dans ce sens est engagédepuis quelques années. Cesont les chefs, les entrepriseset les institutions touristiquesqui vont por ter ces messageset qui vont contribuer à for-mer nos imaginaires… »

CollaboratriceLe Devoir

Art, luxe, philosophie, connaissance ou science : on a tenté dedéfinir la gastronomie avant même qu’elle n’existe. Au-jourd’hui, dans ce XXIe siècle où tout s’accélère, la définitionéclate et se multiplie. Alors, quand vient le temps de cernerce qu’est la gastronomie québécoise les choses se compli-quent encore un peu.

Le Québec abeaucoup plusà offrir que dusirop d'érable,du cidre deglace et... dela poutine!

MIGUEL MEDINA AGENCE FRANCE-PRESSE

Les deux grands chefs Jérôme Ferrer, du groupe Europea, et Normand Laprise, chef propriétaire du restaurant Toqué! et de la Brasserie T!, participeront au colloque.